COLLECTION ACADfiMIQUE. TOME DIXIEME, Partie Francoife. $ . COLLECTION ACADEMIQUE, COMPOSEE Des Memoires , A&es ou Journaux des plus Celebres ACAD e\m IE S &. Societ^s Litteraires de l'Europe. CONCERNANT LA PHYSIQUE, l'HISTOIRE NATURELLE, la BOTANIQUE, la CHYMIE, l'ANATOMIE, la MEDECINE, la MECHANIQUE, &c. ha res accedunt lamina rebus. TOME DIXIE ME, Parcie Frat^oife: Contenant la fuite de PHi/loire & des Me" moires de VAcadar.ie Royals des Sciences de Paris. A PARIS, Chez G. J. C u C h e t , Libraire , Rue & Hotel Serpente. A LIEGE, Chez C. Plomteux, Imprimeur de MefTeigneurs les Etats; M. D C C. L X X X V. jlvec Approbation & Privilege da Koi. TABLE D E S ME MOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. i 1 1 PHYSIQUE. i3 u r I'Eleclriciti. : pa„e Sur la maniere d'empecher I' Evaporation des liqueurs Jpiritueufes \ dans lefquelles on conferve des pieces d'Hifloire Naturelle. Sur les maladies Epidemiques obfervies a Paris en 1746, en mjme temps que les dijferentes temperatures de I' air. ! 15 Obfervations fur les caufes des Maladies mortelles qui recent fur les COtes de la Mcr ilu lu* LuugucAoe. paI M. P 1 T'o T I S Obfervations de Phyfique ge'ne'rale Phyfique fur I'Eleclriciti'. Sur I'Aurore bore'ale ' Sur des Miroirs ardens qui brulent d une grande diflance . '.' . . tl Sur une maniere d' employer les Miroirs ardens aux mCme's ufag'e's', & aujji commodunent que les verres convexes qui brulent par rifraclion -- Sur la comparaifon de leffet des Miroirs plans & des "Miroirs fpheriques , Hifloirc abrtgie des maladies Epidemiques de 1747 ,' obferviesd + Paris , en mtme temps que les dijfirentes temperatures de I'air Par M. Malouin 6 Obfervations de Phyfique ge'ne'rale ........... - • Nouvelles confruclions de Miroirs ardens ....... .... ..." : I HiJIoire abregtfe des maladies Epidemiques de 1748 1 ' obfirvie's'a. Paris, en mane temps que les dijfirentes temperatures de I'air Par M. Malouin _^ Des effets de I'Eleclricite' fur les corps organijis. '.''.'.'.'.'.'.".'.'.''.'''.'. 79 Sur I' ebullition des liquides g' Sur I't'vaporation de I'eau dans les J alines '.'.'.'.'..'.''.'.'.'.'.'.'.'.'. ol Sur la maniere de renouveller I' Air dans les endroits ou oncra'int qu il ne/i corrompe ( j „. v) TABLE Obfervations de Phyfique gindralc. 7t.l^77t7t77, .'."". .:'.-. '. 97 Sur Us grands froids obfervh en Sibhie 99 Sur un Eleclrometre 105 Surl'effetde I'Eleclrkite ' appliquk a la gu&ifon de quelques maladies, icf? Obfervations de Phyfique gin f rale......... j 116 Des maladies Epide'miques objerve'es a. Paris en 1749, en meme temps que les diffirentes tempiratures de I'air. Par M. Malouin. 1 1 8 Art defaire iclorre is d'ilever en toute faijbn des oifeaux domefli- qttes de toutes ejpeces , jbit par le moyen de la chaleur du fumier , foil par le moyen de celle du feu ordinaire 120 Explication Phyfique de la formation de la Glace & de fes divers Phinomenes i^ Sur diffk'rens moyens de perfeclionner la Boujfole 158 HUloire abrigie des maladies Epide'miques de 1750, objerve'es a Paris , en mime temps que les diffirentes temperatures de I'air. Par M. Malouin , 162 Sur quelques effets de la poudre a canon 1 74 Objervations de Phyfique ginirale 177 Reflexions fur la cauje ginirale des vents 182 HISTOIRE NATURELLE. J.Vj.£MOIRE contenant des obfervations de lithologie , pour fervir a I'Hifloire Naturelle du Languedoc, & a la thiorie de la Terre. Par M. l'Abbe Sauv ages 189 Suite du Mimoire contenant des obfervations lithologiques , pour fervir a I'Hifoire Naturelle du Languedoc , & a la thiorie de la Terre. Par M. l'Abbe de Sauvages 219 Obfervations d'Hifloire Naturelle 248 Defcription de deux nids finguliers fails par des chenilles. Par M. GUETTARD 250 Sur plufteurs fails d'Hifloire Naturelle , obfervis en Italic. Par M. l'Abbe Nolle t 264 Sur la maniere de diflinguer les diffirentes pierres pricieujes 276 BOTANIQUE. t3 V R la propriiti qu'ont les racines de quelques plantes de la mime clajje que la Garance , de rougir les os des animaux qui en mangent. 181 6kir la reunion des plaies des arbres 6" des animaux : Et fur les . greffes ou incifions , ta-nt vigi tales qu' animates 282 D E S M E M O I R E S. vij Sur les Plantes Parafites ; ...;..... 189 Sur les Glandes des plantes , & Jur I'ufage que Von peut faire de ces parties dans I ' etablijfement des genres des Plantes iqx Ordre mithodique des Glandes 2 _ , Sur les plantes qui vegetent dans I'eau , oi Sur la tranjpiration ipjenfible des Plantes , 0_ Objervations de Botaniques , , 0 Sur la tranjpiration infenfible des Plantes !,, Objervations de Botanique , , . Traiti de la culture des terres , fuivant les principes de M. Tun. Par M. d u H a m £ l , j ^ C H Y M I E. O u r les eaux favonneufes de Plombieres ...... ... . . ; ~~ , „. Sur Varfenic ' " " : £ Sur la formation artificielle du Silex , & fur quelques propriety's de la Chaux vive , s Sur V inflammation des huiles par I'efprit de nitre ' . , , g Sur la chaux & le platre ' \\, Sur les eaux minerales de Barege \[[ .g Obfervation Chymique " ' , Sur I'ArJ'enic. ' " .{Jj Sur une nouvelle efpece de teinture bleue Ele'mens de Chymie the'orique 'V Sur les embaumemens des Egyptiens _„ ANATOMIE. LJur la Struchtre de I'ejlomac du Cheval, & fur les caufes qui empechent cet animal de vomir. ,<>_ Sur I'ufage des Enervations des Mufcles droits du bas-ven'tre... .... '90 Obfervations Anatomiques ' ' Description d'un petit Faon de Biche , monflrueux , envoy t ' par le Roi 'a VAcademie. Par M. M or and ,„§ Obfervation Anatomique " ' / Sur la Liqueur Seminale dicouverte dans les ovaires des feme'l'les ' vivipares ;l • » Sur la Struclure des Cartillages des cotes de Vhomm'e "& "du 'cheval 4.01 bur les meuvemens du bee des Oijeaux , & particuliirement du canard. Sur un Enfant qui a iti trente-un ans dans le ventre de fa mere. 40S ^iij TABLE DES M £" MOIRES. Journal de la Naijfance , du progress & du tcrme de la maladie contagieufe du gros Bitail a Ijjurtille , ville du Duchi de Bourgogne ; avec les obfervations qui y ont rapport. 411 Obfervations Anatomiques 417 Sur les uj'ages du grand nombre des dents de Requin 4Z0 Sur la firuclure des Vifceres glandule ux , 0 particuliirement fur telle des Reins & du Foie 421 Obfervations Anatomiques 419 Observations Anatomiques pour I'Hi/loire du Foetus. Par M. d e LA S 6 N E 43 2 Defription d'xin Hermaphrodite , que I' on yoyoit a Paris en 174$. 457 Obfervations Anatomiques 45 0 a MEDECINE. bserv^itions de Mc'decine , ......:. 445 Hydrophobie 447 Sur les pernicieux effets d'une efpece de Champignons , appellies par les Botanijles , Fungus media: magnitudinis totus albus , Vaillant N°. 17, p. 63 4+9. s, M E C H A N I Q U E. \ur I'Etalon de V tame des Merciers 45 5 Machines ou inventions approuvies par I'Acadimie , en 1746. 4 faiance, le metal; aucun des vsfes faits de ces matieres, n'eft devenu ex- terieurement eledtrique comme le verre & la porcelaine le deviennent, quoique foutenus par des corps non ifoles. Cette derniere obfervation donna lieu a M. l'abbe Nollet , de penfer qu'il pouvoit peut-etre employer avec fucces un vafe de cire d'Eipagne ou de foufre •, mais il cprouva toujours l'un & l'autre inutilement. Ce fait fembleroit s'accordcr afiez bien avec la fameufe diftindtrion eivtre let deux eledtricites vitre'e & re'ftneufi, introduite par M. du Fay. Pour s'en eclair- cir de maniere a ne laiffcr aucun doute , M. l'abbe Nollet imagina d'em- filoyer un globe de foufre au-lieu de celui de verre ; (I la difference entre es deux eledtricites avoit empeche le globe de verre de communiquer la fienne au vafe de foufre, cette raifon ceffant lorfqu'on emploie le globe de foufre; 1'experience devoit reuffir, & celui-ci au contraire ne devoit 1>oint communiquer d'eledtricite a un vafe de verre : 1'experience fut faitej e globe de foufre comnuiniqua affez d'eledtricite a un vaifTeau de verre, pour exciter, foiblement a la verite , la commotion, & n'en tranfmit Ja- mais la moindre quantite lenlible aux vaiffeaux de cire d'Eipagne & de foufre qu'on employa; ce n'eft done point la difference entre les deux eledtricites , qui empeche de reuffir lorfqu'on tcnte 1'experience avec un vafe de cire d'Efpagne ou de loufre : la veritable raifon en eft , que ces matieres font beaucoup moins propres que le verre a s'elcdtrifer par com- munication. Des phenomenes audi extraordinaires font bien capables de piquer Is curiofite , & de faire fouhaiter d'en decouvrir la caufe : e'eft ce que n'a pas neglige M. l'abbe Nollet, & un petit nombre de faits principaux, rap- («) HHi. 1745. Tom. V11I. Collect. Acad. Part Fiancoife. 4 ABREGE DES MEMOIRES ,^MMt— — ^» proches les uns des autres, l'ont ramene aux memes principes qu'il avoit etablis dans ion memoire fur les caufes de l'elecxricite , dont nous avons. 1 h \ s i Q u E-rencju compte l'annee derniere, (a) & auquel nous ferons obliges de re- Annie Z74& cour'r p'us d'une fois. Lorfque Ton excite par le frottement Teledricite d'un corps , line par- tie de la matiere electrique ( c'eft-a-dire, de la matiere du feu ) qui y etoit contenue , en eft chaffee & remplacee a l'inftant par celle qui l'environne : il s'etablit done deux courans , l'un de matiere elecrrique ejfluente , & l'au- tre de matiere eleclrique affluents. Si dans cette fituation un corps fuf- ceptible d'etre ele&rife par communication , s'en approche , il s'etablit bientot autour de celni-ci deux femblables courans, & on verra fortir des extremites de ces corps, des aigrettes lumineufes, qui ne font autre chofe que les jets de la matiere ele&rique , qui paroit fous la forme de feu -, mais fi les deux corps s'approchent encore davantage , alors les rayons des ai- grettes fe rapprochent , parce que la matiere eledtrique qui penetre plus difEcilement l'air que les autres corps , tend a enfiler la route dire&e de l'un a l'autre : dans cette fituation , il fe fait ordinairement un bruit & un eclat de lumiere, caufe par la collifion des deux traits de matiere qui vont en fens oppofe , & que le choc oblige de le heurter , & de refluer chacun dans le corps dont il fortoit •, & fi un de ces corps eft un animal vivant , il reflent une piqure plus ou moins vive , qui , quelquefois meme , eft ac- compagnee de douleur dans la partie d'oii fortoit le trait de feu. Ce que nous venons de dire du reflux de la matiere electrique dans le corps d'ou elle fortoit, n'eft pas une pure fuppolition : 1) on rend elec- triqiie un tube de verre rempli d'eau, & qu'on tente d'en tirer une etin- celle , on verra dans le moment ou elle eclatera , l'eau du tube devenir lumineufe ; image fenfible de la commotion invitible qui fe patle dans le corps de celui qui tire 1'etincelle. Mais d au-lieu de tirer timplement une etincelle, on avoit introduit par un autre cote dans le corps animal, un courant tres-abondant de ma- tiere eleccrique , il eft clair que 1'etincelle tiree dans cette circonftance , heurtant une quantite plus grande de ce fluide, & qui fe trouve dirigee avec vitefle dans le fens oppofe au hen , il doit svexciter dans le corps una commotion beaucoup plus violente, & qui fera proportionnelle a la quan- tite & a la vitefle de la matiere ele&rique , & au plus ou moins de lenfi- bilite du fujet dans lequel cela- fe pafie. Ceft la precifement le cas de l'experience de Leyde : le vafe fortement cle&rife , tend a introduire dans le bras & dans toute la perfonne qui le foutient, un courant tres-vif & tres-abondant de matiere ele&rique; tan- dis que 1'etincelle tiree de la barre , fait refluer la matiere effluente qui vient de cette perfonne. II n'eft done pas etonnant qu'il s'excite, a cette occaflon , une commotion violente dans un corps anime , tout rempli de cette matiere. II femble qu'on pourroit conclure, de ce que nous venons de dire, (<0 1A nrfrn*. ■ > DE L'ACADEMIE royale DES SCIENCES. j ^ue le vafe de verre feroit inutile pour l'expericiice de Leyde, ■'• -]--':1 iuffiroit de tenir le bout de la barre d'une main , tandis qn'avec l'autre on ~~ exciteroit une etincelle, & cela feroit effe&ivement vrai, fi en touchant ^ " Y s ' r* v h barre par le bout, on ne detruifoit pas fon electricite ; mais ce feul at- AnnJr i7aK touchement la lui fait perdre toute entiere, & ce feroit en vain qu'on ten- teroit d'en tirer l'etincelle. II y a done une difference bien marquee entre le verre & les autre* corps : ceux-ci perdent aifement leur eleiftricite des qu'ils font touches par un corps non cle&rique •, au-lieu que le verre garde la fienne lorfqu'il eft fortement ele&rife , quoiqu'on le touche avec la main, on qu'on le pofe fur des corps non eleiftriques : le globe , par exemple , qui fert dans cette experience , petille de lumiere , & attire encore les corps legers plufieurs beures apres qu'on a cefle de le frotter, quoique foutenu par des pointes de fer, attachees a des poupees de bois, qui enleveroient aifement la vertu de tout autre corps : le vale de verre qu'on emploie dans la meme occa- sion, etincelle encore de toutes parts 56 heures aprcs l'experience, & 1'eau qu'il contient paroit lumineufe lorfqu'on la jette fur d'autre eau qui n'eft pas eledrique -, il eft vrai que li on ie pofoit fur un gateau de refine , il perdroit bientot toute fa vertu, ce corps ne lui fourniffant que peu ou point de matiere affluente , & n'etant que tres-difficilement penetrable par la matiere effluente qui fort du vafe; circulation neceffaire, fuivant M. l'abbe Noliet , pour entretenir l'ele&ricite. Par la meme raifon , le meme vaiiTeau deviendra beaucoup plus eledrique s'il eft foutenu avec la main , ou par un corps metallique, que s'il etoit fimplement ifole; & fi dans ce dernier cas on remarquoit qu'il ne devint pas allez eleclrique , Ie doigt ou une lame de couteau qu'on en approcheroit , furEroit fouvent pour le mettre en etat de donner les marques de l'ele&ricite la plus grande. Puifqu'il fuffit , pour exciter la commotion , qu'une meme mafle de ma- tiere eleclrique foit ebranlee de deux cotes , & que d ailleurs on fait qu'elle penetre les corps animes avec une extreme facilite, il doit etre egal d'em- ployer deux ou plufieurs perfonnes, au-lieu d'une feule, pourvu qu'elles fe tiennent toutes par la main, que la premiere de cette chaine touche le vafe , & que la derniere excite l'etincelle. Cette experience entroit trop dans les vues de M. l'abbe Noliet , pour qu'il negligent de la tenter : le fucces juftifia pleinement fes idees ; cette experience fut faite a Verfailles devant le roi , fur deux cents quarante perfonnes a la fois. Elle lui apprit meme plulieurs particularites qu'il n'etit peut-etre ofe foupconner. On ne peut encore affigner de terme a la longueur de la chaine de perfonnes qu'on emploie, deux cents quarante ont ete employees, comme nous venons de le dire , a en former une , fans que I'effet en ait ete fort /enablement diminne : le coup que chacun recoit, part en meme temps, il eft fingtilier de voir la multitude des differens geftes, & d'entendre 1'ex- clamation initantanee que la furprife arrache de la plus grande partie de ceux qui eprouvent la commotion •, mais l'imprcffion eft diffcrente dans les differens fujets , fuiv-int leur temperament, & ne depend uullement do rang qu'ils occupent dans la chaine. 6 abr£g£desm£moires — — ^— =— — ■» Si deux de ceux qui la compofent cedent de fe tenir, I'cffet eft abfolu" P merit ftttlj (i fans fe toucher ils approchent feulement Tun de l'autre Ie bou* ' de 1'im de leurs doigts , on voit au moment qu'on tire letincelle , un Ann(c tjqS. trait de feu s'elancer entre les deux doigts, & la commotion a lieu, quoi- que plus foible que lorfque les deux perfonnes fe renoient : & fi enfin , au lieu de fe tenii par la main , ils tiennent chacun tin bout d'un tube de verre rempli d'eau, au moment qu'on tire l'etincelle, on appercoit l'eau da tube devenir lumineufe, & la commotion fe fait fentir dans toute fa force.' Qnelqu'intereffante que puiffe etre l'etude de la phyfique, elle ne mc- riteroit pas a beaucoup pres autant quelle le fait , l'eftime publique & les rravaux des phyficiens , n elle fe terminoit a des fpeculations feulement curieufes, ,& qui ne puffent contribuer en rien a l'avantage de la fociete: II etoit done bien naturel que l'idee de tirer parti de l'eledh-iciti , fe pre- fentat a l'efprit. Une commotion audi violente que celle de l'experience de Leyde , pouvoit bien etre regardee comme propre a retablir le mou- vement & le fentiment dans les membres aftecHs de paralyse : on l'a done employee fur plufieurs fujets attaques de cetre maladie. Mrs- l'abbe Nollet , Morand & de la Sone, font les premiers qui aient penfe a en faire l'effai fur des paralytiques ■, ces effais n'ont ite que commences, & font demeu- res fans fucces par la difficulte d'avoir des malades qu'on put tranfporter, cV par celle de concilier les foins & 1'affidaite; que ce traitement demande avec d'autres occupations indifpenfables. M. Jallabert , profefieur de phy- fique a Geneve , a juftifii depuis par une guerifon bien conftatie , la pof- fibilite que M. l'abbe Nollet avoir comme prevue. M. l'abbe Nollet penfa qu'on pourroit peut-etre reuffir plus facilement en employant une elecMcite beaucoup plus forte : pour cela, au-lieu d'elec- trifer comme a 1'ordinaire une tringle ou un canon de fufil, il electrifa une barre quarree de do ou 80 livres •, celle-ci prefenta les pWnomenes ele&riques fous une forme bien differente de celle qu'on leur avoit con- rme julqu'ici. Des quatre angles de cette barre on voyoit fortir quatre ger- bes enflammees de plus de 5 pouces de long , & le bruit qu'elles fai- foient, s'entendoit jufques dans la chambre voifine dont la porte etoit de- nieuree ouverte; a plus de 15 pouces de diftance de la barre, on fentoit fur les mains un fouffle tres-confiderable & trcs-fenfible. Le doigt prelente a 4 pouces de la barre, devenoit lumineux par le bour, il en fortoit une petite aigrette , & pour peu qu'on l'approchat encore , il s'allumoit un trait de feu tres-vif entre la barre & le doigt ; l'eclat s'en faifoit enten- dre de fort loin , & la douleur egaloit prelque celle qu'on reifent dans l'experience de Leyde : la meme chofe arrivoit fi on prefentoit , au lieu du bout du doigt, une bague, un ecu, &c. Un homme etant monte fur un gateau de refine , prit le bout de ft barre , & il devint lui-meme fi elecTrique que les etincelles qu'on en ti- coit , caufoient une douleur infupportable , & repandoient fur (on habit une lueur tres-vive, large comme les deux mains :1a meme lumierc paroif-' foit a fa tete, pour peu que Ton en approchit le plat de la main, & fes cheveux rendoient des aigrettes bruyantes. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7 Pour lors tout etant difpofe pour l'experience de Lcyde, le v.ife etin- cela dc telle forte que M. l'abbe Nollet jugea que l'eledtricite qu'il avoit p voulu augmenter, letoit peut-etrc au point d'etre dangcreufe, & qu'il h Y s 1 Q u £. falloit avant tout, eflaycr la force fur des animaux. L'evenement juftifia la Ar,n(c 1746. crainte; deux petits oifeaux attaches aux deux bouts dune regie de metal, furent preientes de facon que l'un touchoit le vale de verre , tandis qu'on approchoit l'autre de la barre pour en tirtr l'etincelle; a peine celui-ci fut-il a 1 polices de la barre, qu'il en fortit un trait de feu qui le frapp* avec tant de violence qu'il donnoit a peine quelque fignc de vie •, & an fecund coup, il demeura tout-a-fait mort : l'autre ne fut pas tue, mais cp ne fut que plus d'un quart d'heure apres l'experience , qu'on coinmcnca a penler qu'il n'en mourroit pas. Le petit oifeau mort fut porte a M. Morand qui le diffeqna en prsfence de M. l'abbe Nollet : la plume 6tee , le devant du corps p.irut tout livid?-, & l'ouverture du petit cadavre ayant ete faite , ils trouverent bcaucoup de lang epanche dans la poitrine ; cet accident ne le pouvoit attribucr qui la f.15011 dont le petit animal avoit etc tue ■■, evenement qui doit nppren- dre avec quelle circonlpeition & quelle prudence on doit tenter des pro- cedes fulceptibles dc plus ou de moins, & des effets defquels les limites nous lont inconnues. Le memoire de M. l'abbe Nollst avoit ete lu a la rentree publique de Paques -, lix mois apres , M. le Monnier, medecin , en lut un a celle de la Saint-Martin , dans lequel il rendoit compte de fes obfervations fur la merae maticrc. Les trots points qu'il fe propofe d'y examiner, font', ce qu'il faut abfolument pour communiquer de l'electricite ; comment la ma- tiere eledlrique fe repand dans toutes les parties des cerps auxquelks elle fe communique-, ennn dans quelle proportion la quantite de matiere dlec- trique fe diftribue. Nous avons decrit, en parlant des obfervations de M. l'abbe Nollet, le procede qu'avoit indique M. Mulkhenbrock pour Lire l'experience de Leyde : M. le Monnier a bien rabattu de cet appareil ; il n'emploie qu'uue fimple bouteille de verre, mince, remplie d'eau , & bouchee d'un bou- chon au travers duquel paffe un til de fer qui plonge dans l'eau. II prend cette bouteille a pleine main , & fait toucher le fil de fer au globe de verre ele&rique •, en moins d'une demi mi-iute de temps la bouteille eft fortement eleclrilee ', il fort du fil de fer , une aigrette lumineufe &. bruyante : & li la tenant d'une main , on porte l'autre , ou feulement un de its doigts, au bout du fil de fer, on retTent la commotion de l'expe- rience de Lcyde. On peut done par ce moyen tranfporter l'electricite ai- fement & lans embarras d'un endroit a l'autre ; & e'eft en partie a cette facilite qu'il setoit procuree lui-meme, que M. le Monnier a du le fucces des experiences dont nous allons rendre compte. Une chaine de prcs de deux cents perionnes eledhifees a la fois , eft par elle-meme quelque chofe de furprenant : mais voici un fait encore plus lingulier. Une chaine femblable , quoique moins nombreule , a ete compolee de perfonats qui, an- lieu de fe tenir pat L main, fe joignoient P a V S I Q U E. ,, dautres 8 ABRtGE DES ME MOIRES par des chaines de fer de quatre oil cinq toifes de long , dont les unes tratnoient a terre, d'autres s'entortilloient autour de grolfes pieces de fer, d'autres enfin plongeoient dans l'eau d'un bacquet, fans que la force ni la Annie 1746. viteffe de I'ele&ricite en aient paru fenhblement alterees. La meme chofe eft encore arrivee lorfqu'il s'eft fervi d'un fil de fer de pres d'une lieue de long : une partie de ee fil de fer traverfoit un pre dont l'herbe etoit for- tement mouillee de rofee •, une autre etoit portee par une paliffade de charmille, & s'entortilloit autour de plufieurs arbres-, une autre enfin trai- noit dans une terre fraichement labouree : malgre ces obftacles , la per- fonne qui s'etoit rnife au bout pour en faire l'experience , a reffenti une commotion des plus violentes & des plus marquees. L'extreme facilite avec laquelle la commotion elecTrrique fe faifoit fentir ^ des corps non ifoles , fuggera a M. le Monnier l'idee d'eleftrifer une grande maffe d'eau ; il commenca par l'eau d'un bacquet dans laquelle il trempa le doigt de la main gauche, tandis qu'il y plongeoit le bout du fil de fer d'une bouteille ele&rique qu'il tenoit de la droite : a l'inftant il lentit la commotion de l'experience de Leyde •, preuve que l'eau du bac- quet avoit ete electrifee. Le fucces de cette experience lui fit naitre l'envie de la repeter beau- coup plus en grand : il choilit pour cela les baflins du jardin royal des plantes & des Tuileries. II etendit une chaine de facon quelle embraffoit la moitie de la circonference du baffin toujours fur le bord & fans toucher h l'eau. Un autre morceau de fer attache a uiv liege , fut mis flottant fur l'eau , pres d'un des bouts de la chaine , oii etoit M. le Monnier , arme de ia bouteille electrique ; line autre perfonne prit l'autre bout de la chaine d'une main , & plongea l'autre dans le baffin ; alors M. le Monnier tenant d'une main le bout de la chaine dont il etoit proche , & de l'autre fa bou- teille , en approcha le fil de fer du morceau de ce metal qui flottoit fur l'eau : a l'inftant les deux obfervateurs reffentirent la commotion de l'ex- perience de Leyde, l'eau de ces grandes pieces etant devenue en un mo- ment ele&rique. Quelles font done les bornes qu'on peut mettre a la com- munication de leledricite ? en a-t-elle , ou n'en a-t- elle pus? e'eft ce que l'experience feule peut decider , & fur quoi elle n'a pas encore prononce. Quoique ce fait fe liat affez a fes idees, il craignit cependant de s'ctre trompe •, & pour s'aflurer qu'une maffe d'eau condderable pouvoit s'elec- trifer, il imagina de placer une perfonne entre deux bacquets pleins d'eau , dans chacun defquels elle plongeoit une main : alors plongeant le fil de fer de fa bouteille qu'il tenoit d'une main , dans un de ces bacquets , & un doigt de l'autre main dans le fecond, la perfonne qui etoit entre deux, fentit la commotion •, ce qui ne pouvoit arriver fans que l'eau des deux bacquets fut devenue elecl:rique , aucun autre milieu n'ayant pu lui com- muniquer l'elettricitc dans cette circonftance. On pourroit peut-etre penfer que des corps fufceptibles d'etre elec- trifes par communication , partageroient la commotion eledrique avec uh autre corps auquei ils feroient joints s'ils etoient a portee de le toucher. Pour s'aflurer fi cette idee etoit vraie, M. le Monnier fit tenir par un homme DE L'ACAD^MIE ROY ALE DES SCIENCES. • 9 homme tine barre dc fer , de facon qu'il la ferroit fortaucut par 1c milieu — ^— ^— » avec les dtuix mains ; il prit dc fa main gauche une extremite de cette p barre, & approcha de l'autrc bout le fil de fer d'unc botiteille ekc'triquc H Y s l Q u *" qu'il tenoit de l'autre main : a ['infant il refTentit la commotion jufques Annie 1746. dans les coudes, fans que l'homme qui ferroit la barre avec fes mains fe fut appercu de la moindre chofe. De ces experiences & de plulieurs autres qui font rapportees dans lo raeme mernoire , il tire cette confequence, que la condition d'ifolcr les corps qu'on vent electriler par communication , eft fujettc a de grander exceptions, & qu'on ne pent encore fixer aucune condition generate pour cette communication, linon 1'approche d'un corps acruellement electriquc. La feconde queftion que M. le Monnier s'etoit propofe d'eclaircir, etoit de favoir comment fe fait la propagation de i'electricite dans les corps a qui on la communique •, fi ceite propagation eft inftantanee , du moins fenfiblement, ou 11 elle fe fait dans un temps perceptible. Pour s'en affurer, aprcs quelques tentatives dont le relultat ne lui pa- rut pas aflez decilif, il difpofa deux fils de fer paralleles tout autour dun grand clos; chacun d'eux avoit 950 toifes , & leurs quatre extremites fe trouvoient a un des angles de ce clos , voilmes les lines des autres : un homme prit un bout de chacun de ces fils de chaque main •, par ce moyen il fe forma une communication de l'un a l'autre •, & ils ne firent plus qu'un feul corps de 1000 toifes de long, au milieu duquel etoit place l'homme qui tenoit les deux bouts des fils. Par l'arrangement que nous venons dc decrire, cet homme, quoique place au milieu de la longueur totale du corps a electrifer , etoit tres- voifin des deux bouts, & pouvoit juger aifement s'il fentiroit la commo- tion au moment qu'il verroit eclater l'etincelle •, ce fut effect-ivement ce 111 arriva. M. le Monnier ayant pris d'une main le bout d'un des fils de er, approcha de celui de l'autre fil, la bouteille ele&rique qu'il tenoit de l'autre main; & dans le meme inftant que parut l'etincelle, lui & l'homme place au milieu de la longueur des fils de fer, reffentirent la commotion, fans qu'il fut jamais poffible d'appercevoir le plus petit intervalle de temps cntre l'etincelle & le coup, quoiqu'il eut ete facile de diicerner jufqu'i un quart de feconde, s'il s'y etoit trouve. La commotion que reffentit M. le Monnier, fut des plus violentes ; elle paffoit jufqu'aux talons, & lui affedtoit la tete comme s'il flit tombc d'une hauteur de trois a quatre pieds. On n'avoit pas lieu de s'attendre a cette circonftance , l'electricite paroiffant devoir etre affoiblie dans un trajet de pres d'une lieue : d'ailleurs la vitefie enorme qu'on etoit oblige de lui attribuer , firent penfer que l'elc&ricite auroit peut-etre pu fe com- muniquer aux deux obiervateurs , le long de l'herbe & de la terre hu- mide fur laquelle ils etoient. II etoit aile de s'eclaircir du doute : dans le cas propofe, les fils de fer ne devoient pas etre devenus ele&riques, & en quelqu'endroit qu'on les prit, ils ne devoient exciter aucune commotion; il ne falloit done que fe tranfporter en dirKrens endroits de leur longueur, & en toucher un Tome X. Panic Francoife. B 3 io A B R E G E DES M E M O I R E S — m— ■ — ■ de chaque main, pour etre affure s'ils etoient ele&riques ou non : M. le _ Monnier le fit , & la commotion qu'il eprouva, en qaelqu'endroit qu'il H y s I Q .jes t0llchjtj je C011Vainquit parfaitement que I'ele&ricite avoit paffe dans Annte 1746. toute leur longueur. Une feconde experience fervit de confirmation b. celle dont nous ve- nons de parler : il coupa a un des fils de fer 10 pieds du bout que te- noit en fa main 1'homme qui leur fervoit de communication, & y fubf- titua un fil de foie ; alors cet homme ne fentit plus la commotion , que dans le bras qui tenoit le fil de fer refte entier •, celui-ci ayant fubi un pareil retranchement, 1'homme ne rcffentit plus aucune commotion; & lc« deux bouts de fil de fer coupes ayant ete remis en leur place, il recom- mence h eprouver la mcme commotion qu'auparavant. If dcmeure done bien prouve, par ces experiences que la commotion eledtrique, dans la longueur d'une lieue , eft fenfiblement inftantanee , ou au moins qu'elle emploie a fe faire fentir dans cet efpace, un temps moindre qu'un quart de feconde. Et il ne nous refte plus a parler que de la troifieme quef- tion , favoir, en quelle proportion la quantite de matiere elecftrique fe diftribue dans les corps a l'inftant de la communication. Nous avons dit, en parlant du Memoire de M. l'Abbe Nollet, qu'il avoit reuffi a augmenter confiderablement l'ele&ricite , en employant, au- lieu d'un canon de fulil , une barre du poids d'environ 80 livres. Le mo- tif qui l'avoit engage a cette experience , n'exigeoit pas qu'il examinat fi cette augmentation etoit due au plus de maffe, au plus de furface, ou an plus de longueur; e'eft pour eclaircir ces derniers points, que M. le Mon- nier a fait les experiences fuivantes. II a eledtrife une barre de fer de 80 li- vres, mais fort courte, fans que Tetincelle fut plus forte que celle qu'il avoit coutume de tirer d'une pelle a feu : il eie&rifa avec aulli peu de fucccs, une enclume pefant zoo, & une chaudiere remplie d'eau, a peu pres du meme poids; mais ayant eleitrife un grand porte-voix de fer blanc, qui avoit huit a neuf pieds de long, & qui ne pefoit qu'environ 10 li- vres, il en fit fortir des etincelles tres-bruyantes, & qui caufoient prefque autant de douleur que celles qu'on tire dans l'experience de Leyde. Le meme porte-voix ayant ete prolonge avec un grand tuyau de lunette de meme matiere, l'clecftricite devint fi forte, que malgre qu'on en eut, un ecu qu'on prefentoit a 1'etincelle , echappoit de la main ; & lorfqu'on fai- foit rentrer les uns dans les autres les tuyaux qui compofoient cet affem- blage, quoique la maffe reftat la meme, 1'eledt.ricite diminuoit confidera- blement. II paroiffoit done par ces experiences , que la quantite delecTrricite dont un corps etoit fufceptible, n'etoit pas relative a fa maffe; reftoit a favoir (i elle l'etoit h fa furface, ou a quelqu'autre de fes dimenfions : les expe- riences fuivantes vont fervir de reponfe a cette queftion. M. le Monnier fufpendit a un fil de foie une balle de plomb d'environ quatre pouces de diametre ; & apres l'avoir ele&rifee , il remarqua , a plu- lieurs reprifes, la force de l'etincelle qu'on en tiroit : ayant enfuite ote cette balle, il lubftitua en fa place un morceau de plomb lamine, dont la ■ DE L'ACADEMIE ROYALE DKS SCIENCES. ji furface etoit egale a celle de la balle. Ce morccau de plomb ayant etc ■ ; ■ electrife, 1'etincelle qui en fortit, parut precifem -nt dc meme force que p r I lie qui avoit ete tiree de la fphere : jufques-la tout fcmbloit indiquer " ' que l'cleclricitc fe communiquoit en raifon des lurfaccs -, raais ayaat elec- 'Annie 1746. trile deux morceaux de plomb de mane poids & de meme furface, doot l'un etoit quarre, & 1'autre une longue bande, il remarqua que ce dernier acqueroit conftamment une plus grande force ele&rique que 1'autre : or la maife & la furface etoient les memes, & ces deux pieces ne dirTeroient que par la longueur, il commenca done a foupconner que ce n'etoit ni en raifon des niafles , ni en raifon des furfaces que 1'electricite fe com- muniquoit, mais en raifon des longueurs. Une experience trcs-fimple Ten pouvoit eclaircir : il pat deux bandes de plomb lamine , parfaitement egales de huit polices de long fur cinq de large; il les fufpendit a des fils de foie , les electrifa, & remarqua quel- les rendoient des etincelles foibles, mais a peu pres egalement vives. Une de ces bandes fut confervee en fon entier, 1'autre fut partagee d'a- b aid en cinq bandes , enfuite en dix , & enfin en vingt : a chaque par- tjge on atlembloit ces bandes bout a bout & on les efedtrifoir. La viva- cite des etincelles auginentoit a mefure que cet affemblage devenoit phis long, & les vingt bandes acquhent une ele&ricite prelque aulli grande que le porte-voix dont nous avons parli* : les memes vingt bandes furent laffemblees pour former un parallelepipede de 8 pouces de long, 10 lign^-s d epais & 3 lignes de large •, fous cette forme elles ne purent recevoir qu'une eledlricite moins forte que celle de 1'autre plaque qui etoit deitieu- ree enticre , & fervoit de piece de comparaifon. II paroit done que e'eft plutot en raifon des longueurs que des mailes .©u des furfaces que l'eledricite fe communique; & ceci peut fervir a ren- dre raifon de la violente commotion que relfentoit M. le Monnier en fai- iant 1'experience avec fon fll de fer de 1900 toifes. Mais cette matiere a ofiert julqu'ici des phenomenes li bizarres , qu'on doit toujours attendrc hir tout ce qui la regarde , qu'un grand nombre d'experiences autorifenc lurement a decider. SUR LA MANIERE D'empecher ['evaporation des liqueurs fpiritueufes , dans lefquelles on conferve des pieces d'HiJloire Naturelle. X zrsonne n'ignore aujourd'hui les avantages que peuvent procurer Hiu, a la phydque les inimenfes collections qu'on a faites des dilierenres pro- ductions de la nature, & qu'on nomme Cabinets d'HiJloire Naturelle; mais tout le monde ne connoit pas le foin & la depenfe qu'exigent une grande quantite de pieces qui y font renfermees, pour pouvoirles con- lcrvcr : la plupart des infectes, despoiffons, les pieces anatomiqixs qu'on B if it ABREGfi DES MEMOIRES ■ii ii — — veut garder dans leur fraicheur & leur foupleffe , doivent etre tenues dans p des vaiffeaux de verre remplis d'efprit de vin; or quelque precaution 'qu'on ait prile jufqu'ici , cette fubtile liqueur a toujours trouve le moyen Anne: IJ46. de s'evaporer malgre les bouchons, les hits & les autres obftacles qu'on a tenti de lui oppofer : cette evaporation oblige done de remplir de temps en temps les vaiffeaux, ce qui, dans un cabinet qui en contient quelque- fois plulicurs millicrs, exige un foin & une defpenfe tres-confiderables. Qn fe confoleroit peutetre plus aifement de cet inconvenient , fi k diminution de 1'efpric de vin etoit h feule pcrte que l'evaporation put cauler •, mais malheureufement elle en occafionne une plus conliderable : la partie fpiritueufe de cette liqueur , eft la feule qui fait enlevee par l'e- vaporation, 1'eau quelle contient refte dans le vaiffeau-, & il arrive infail- liblement que quand on a rempli plulieurs fois un bocal, l'efprit de vin fe trouve trop aftoibli , & plus propre a contribuer a la deftrudtion des pieces qu'il contient, qu'a leur conservation. La recherche d'une maniere de fermer les vaiffeaux deftines a conferver des pieces d'hiftoire naturelle, de facon a interdire route evaporation a l'efprit de vin , etoit done un probleme qui meritoit toute l'attention des phyliciens ; & e'eft ce qui a determine M. de Reaumur a en tenter la iolution. II eft bien certain que fi tous ces vaiffeaux etoient on fcelles hermeti- quement, on fermes par des bouchons de cryftal travailles au tour, & pa- veils a ceux des flacons dans lelquels on conferve les liqueurs fpiritueules, i evaporation deviendroit nulle •, mais le premier de ces deux moyens eft impoffible, & le fecond exigeroit une depenfe qui le rend impraticable. 1 1 a done fallu imaginer un autre expedient •, & voici celui auquel M. de Reaumur s'eft arrete. ■ Au-lieu de placer les bocaux, comme a 1'ordinaire , l'ouverture en haut, il les retourne de maniere que cette ouverture, fermee du bouchon, leur ferve de pied; par ce moyen il oppofe a la vapeur qui pent s'elever de l'elprit de vin , un obftacle infurmontable , le fond du vaiffeau ; il eft pour lors dans le meme cas que s'il etoit ferme hermetiquement, & de ce cote rien ne peut s'echapper : mais il n'en eft pas de meme du bas de ce vaiffeau •, l'efprit de vin applique immediatement fur le bouchon & fur les autres matieres qui s'oppofent a fa fortie , agira bientot fur elles , & ne manquera pas de fe procurer des iffues par lefquelles il lui fera facile de s'echapper. Cet inconvenient feroit effeftivement trcs-reel , s'il n'avoit imagine plu- iieurs manieres d'y remedier. On fait, par exemple, qu'il y a beaucoup d'huiles, par expreffion, plus pefantes que l'efprit de vin , & qu il ne fauroit diffoudre : une couche de quelques lignes d'epaiffeur d'une de ces huiles, le m.ttra hors d'etat d'agir fur le bouchon -, e'eft changer le probleme de retenir l'efprit de vin , en celui de retenir Fhuile. Or ce dernier n'eft nullement difficile a refoudre , Hli Inhale parchemin endnit par-deffus d'une couche de cerufe broyee a la colle, devient pour 1'huile un obftacle impenetrable, elle s'y introduit. DE L'ACADE^MIE ROYALE DES SCIENCES. !j a !a verite, jufqu'a un certain point; nuis bientot les parties d'huile '<<<- ^SSSSSt " "*** troduites dans le parchemin s'y deirechent , & s'oppofent entierement i™ P M v s i o u E, paffigc dc cellcs qui les fuivent. Pour faciliter encore cet epaiffillemcnt dc l'huile, on pent, a 1'aide du feu, ou meme (implement en la laiffant a Annie IJ4$- I'air d.ins des vailTeaux plats, lui donner affez de conliftance pour qu'on n'ait rien du tout a craindre de fon action fur le bouchon de parchemin. Quand mime on voudroit employer l'huile la plus fluide, on le pour- roit encore fans danger : il n'y auroit qua introduire de 1'eau commune dans le vailfeau; cclle-ci plus pefante, fe placeroit neceflairement au-def- fous de l'huile; pour lors le probleme fe trouve encore fimplifii , il fc re- duit a celui de retenir 1'cau dans le bocal : eh! de combien de manieres ne peut-on pas y parvenir ! II eft vrai que fe fcrvant de cette methode , il faut avoir attention , en renverfant le vailfeau , de faire en forte que l'huile fe trouve toujours entre l'efprit de vin & 1'eau; fans cela ces deux liqueurs fe meleroient, & l'efprit de vin deviendroil louche : mais il n'eft queftion que d'y prendre garde , & avec foin on en vient a bout. L'rnconvcnient le plus reel qu'il y ait a fe fervir d'huile, e'eft la necef-^ fire d'employer de l'efprit de vin bien dcphlegmt*; s'il etoit foible, e'eft-a- dire, mil: de beaucoup de phlegme, il deviendroit plus pefant que l'huile; & celle-ci, au-lieu de fe tenir deffous , le furnageroit : or l'efprit de vin eft d'autant plus cher qu'il eft plus fort ; d'ailleurs une grande quantite de pieces exigent pour etre confervees, que l'efprit de vin dans lequel on les ticnt, foit trcs-confiderablement affoibli. Dans ce dernier cas, ne feroit-il pas poffible de lailTer les bocaux dans leur etat naturel, l'ouverture en haut, de mettre feulement fur l'efprit dc vin une couche d'huile , & de boucher enfuite le vailfeau avec un bouchon enduit de circ , de fuif, de maftic ou de quelqu'autre lut ? e'eft de cette inaniere qu'on conferve beauconp de vins de liqueur, & il etoit affez na- turel de croire qu'elle etoit propre aux bocaux qui contiennent de l'ef- prit de vin affoibli. L'experience etoit ailee a faire, elle a appris a M. de Reaumur , que cette maniere de boucher etoit fujette a un inconvenient qu'il n'avoit pas prevu : l'efprit de vin agit fur cette huile qui le couvre; il la penetre peu-a-peu, & la reduit en petits flocons femblables a de la neige, & qui (e precipitent 1'un apres l'autre au fond du vailfeau : or cette adlion de l'efprit de vin fur l'huile , n'a pas lieu quand elle eft def- fous, apparemment que les premieres particules attaquees, etant fpecifique- ment plus ocfantes que l'efprit de vin , reftent en leur place fans fe deta- cher, & prefervent ainii cclles qui font au-deffous d'etre diffoutes. 11 en taut done neceffairement revenir au renverfement des bocaux- riiais M. de Reaumur fubflitue a l'huile , un fluide a l'abri de faction de l'efprit de vin , & plus pefant que ne pent 1 etre celui qu'on a le plus af- foibli : cell le mercure. II eft certain qu'une couche de ce fluide, intro- duce dans le vailfeau, fe mettra, lorfqu'on'le renverfera, entre l'efprir de vin & le bouchon : or, il eft une infinite de moyens connus , d'arreter le nicrcure dans un vailfeau qui , par ce moyen , demeurera bouche a de- meure, & fans crainte d'aucune evaporation. J+ abr£g£ des me moires i— — — ^ Le feul defaut qu'on puifle reprocher a cettc methode, c'eft qu'elle ell „ difpendieufe. Le mercure eft cher & pefant , & il en entreroit pour beaucoup 'dins un vaifleau tin peu large. M. de Reaumur a encore trouve le fecret Airiifc 17 j£. de remedier a cet inconvenient, en employant une efpece de bouchon de verre conique •, la pointe de cc cone etant introduite dans le vaifleau , il le maftique tout autour d'un lut qui puifle relifter au mercure : pour lors le bocal etant retourne, le mercure n'a plus befoin d'occtiper tout le fond, il fuffit qu'il y en ait aflez pour former un anneau •, Pe/prit de vin n'en fera pas moins contenu dans le vaifleau , puiiqu'il fe trouve environne de route part de verre on de vif- argent. Nous avons dit qu'une des principals raifons qui Pavoieut determine a employer le mercure , eroit que , par ce moyen , on pouvoit fe fervir d'efprit de vin tres-affoibli , & fpecifiquement plus pefant que l'huile v ce n'etoitpas cependant qu'il n'ettt fait diverfes tentatives pour employer cette derniere avec fucces-, mais quoiqu'il eut tout lieu de croire qu'un des pro- cedes qu'il avoit imagines , pourroit reuffir , il ne l'avoit pas encore pu eprouver pendant aflez de temps pour en etre fur : celui qui s'eft ecoule depuis la lecture de ce memoire jufqu'a I'impreilion, a ete fufEfant pour le mettre en etat de voir qu'on pouvoit employer l'huile avec fucces , & boucher , par fon moyen , des bocaux avec autant de fiirete qu'avec le ineicurc meme. II ne s'agit pour cela que de laifler de l'huile de noix (car c'eft celle que M. de Reaumur emploie par preference) expofee a l'air dans des vaif- leaux plats & peu piofonds •, en quelques mois elle acquiert la conhftance d'une efpece de colle tranfparente : dans cet etat, elle n'eft plus diffoluble par l'efprit de vin , & ne peut pas non plus abandonner le fond du vaif- leau pour le furnager. On couvre le parchemin qui doit fervir de bou- chon , d'une couche de cette huile, epaifle de deux ou trois lignes, on 1'applique fur l'ouverture du bocal, l'huile en dedans, & on le ficelle au- tour du cou du vaifleau, ap'res quoi on le renverfe-, 8c pour lui procurer plus de ftabilite , & en meme temps preferver le bouchon des fouris & des infedles qui pourroient le percer , on le maftique avec un peu de platre dans un petit pied de bois tourne : cette fa^on de boucher, a tout a la fois le merite d'etre la plus Ample & la plus commode qu'on ait pu imaginer jufqu'ici, & de fe pouvoir executer avec beaucoup moins de frais qu'au- cune autre. Les details de cette operation, l'explication de plulieurs phe- nomenes acceffoires , les confeils memes pour procurer a ces vaifleaux totite la folidite & l'elegance dont ils font fulceptibles , doivent etre lus dans le memoire meme de M. de Reaumur , qui n'a rien omis de ce qui pouvoit etre relatif a un objet aufli important, que celui de la conferva- tion des pieces d'hiftoire naturelle : ce n'eft ni la feule, ni la moins utile des vues dont lui font redevables ceux qui s'appliquent a cette partie dc la phyfique. DE L'ACADtfMIE ROYALE DES SCIENCES. i< SUR LES MALADIES £PID£MIQUES Obfervees d Paris en 1746, en mime temps que les diffircntes temperatures de I' air. P H Y S I Q V E. Aiin(e 1 7 46. JLj'acAd^mie, des les premiers temps de fon inftitution , avoit re- garde comme un objet digne de fes obfervations, 1'hiftoire des differentes variations de la temperature de 1'air; elle a en foin de rendre chaque annee an public, un compte exa<£t de ce qui avoit ete obferve fur cette matiere, par ccux de fes membres qu'elle avoit charges d'y donner leurs (bins. Ce travail n'avoit pas pour but une fimple curiolite, on favoit dcs-lors com- bien les variations de la temperature de l'air pouvoient influer fur les corps organifes , & on fe hatoit d'amafler des faits qui pulfent fervir un Jour a eclaircir plulleurs points importans dc la phyfique. Les obfervations botanico-meteorologiques font voir combien les diflerentes temperatures pouvoient influer fur les vegetaux : une longue fuite de ces obfervations pourroit nous mettre en etat de prevoir & de prevenir un grand nombre d'accidens. Mais des obfervations medico-meteorologiques font d'une bien plus grande utilite. Les differentes conftitutions de l'air , obfervees com- parativement avec les maladies epidemiques , peuvent nous decouvrir plu- iieurs rapports entre les temperatures de l'air & la frequence, les fymptomes & la m.ilignite des maladies. M. Malouin a fait , cette annee , un travail , fuivi fur cette matiere , qu'il a communique k l'academie. II ne s'eft pas. borne ail detail feul des maladies, il a obferve encore la quantite des morts & des nailfances, avec plulleurs autres accidens de l'economie humaine, fur lefquels on ne peut guere douter que les variations de l'atmofphere n'aient plus ou moins d'influence. Nous ne fuivrons point pas a-pas notre medecin obfervateur dans le cercle des douze mois de l'annee; il nous fuffit de mettre ici la recapitu- lation de fes obfervations, telle qu'il l'a donnee lui-meme a la fin de fon memoire. L'automne de 1746 a ete plus fee, a proportion, que ne Font ete les ivk'ir. autres faifons de cette annee ; & meme le commencement de l'autoinne a ete le temps le plus fee de route I'annee. L'ete a ail contraire ete fort humide, & cette faifon n'a pas ete audi chaude qu'elle l'eft ordinairement. Le thermometre ell monte le 15 de juillet jufqu'a 16 degres ~ au-deffus de la congelation de l'eau , nuis la chaleur de ce jour a ete difproportionnee a celle des auires jours de l'ete. Pour le printemps , il a ete froid dans fon commencement & dans la fin : cette faifon a ete encore plus humide cette annee qu'elle ne l'eft or- dinairement. L'hiver a hi tres-humide, quoiqu'il n'y ait pas plu extraordiiuirement; il a etc affcz froid : la liqueur du thermometre ell defcendue jufqu'a 7 de- \6 ABREGfi DES MEMOIRES «^—— ■ i^— » grrs | au-defibus de la congelation le 1 5 fcvrier, qui a ete le jour le plus Physique. froid de, c,ette a?n^e; En general, 1'annee 1746 a ete plus humide que feche, quoique fut- Annie l J 46. vant Ies obfervations que M. de Fouchy a faites & 1'obfervatoire, la quan- titc d'eau en hauteur, n'ait ete cette annee que de 19 polices 5 lignes £. Les vents qui out le plus domine dans le commencement de cette an- nee, ont ete les vents de fud; ceux du nord ont regne les fix derniers mo is. II m'a pant que les vents de fud ont ete moins chauds cette annee, qu'ils n'ont coutume de 1'etre-, & que les vents de nord n'y ont pas etc audi fees qu'ils le font ordinairement. Les maladies ont en general afteiSte pendant cette annee plus particuliere- ment la tete & la peau. Dans les fix premiers mois les maladies ont plus attaque la tete , que dans les fix derniers ; & au contraire elles ont plus porte dans les fiii derniers mois , h la peau , en fueurs ou en -boutons. II y a eu cette annee beaucoup de rougeoles , & elles ont eu plus dc peine a fortir, & enfuite ^ fe difliper dans l'hiver que dans leti. Nous avons obferve qu'il n'y a point eu de rougeole cette annee , qui ait difparu en deux jours , comme elle a quelquefois fait dans d'autres an- nees : les rougeurs ont cette annee, dure plus de cinq jours avant qu'elles difparuffent. On a vu aufll pendant le cours de 1'annee 1746, quelques petites vero- les , mais beaucoup moins a Paris , qu'aux environs de cette ville : ces petites veroles ont ete plus contiuentes que difcretes, & quoiqu'elles n'aient pas ete extraordinaircment dangereufes , cependant elles ont quelquefois inquiete, parce que vers le onzieme jour de la maladie, l'ardeur augmen- toit, & le malade avoit plus de foif dans le temps de la fuppuration. Nous avons obferve que les maladies de matrice ont ete extraordinai- rement communes cette annee, cette mauvaife difpofition a fait des mala- dies de couches, meme dans les femmes qui etoient accouchees naturelle- ment : ces accidens de couche ont ete plus rares & moins dangereux dans l'ete que dans l'hiver. II y a eu cette annee beaucoup de pcrtes de fang parmi les perfonnes du fexe ; & la maladie qu'on connoit fous le nom de fleurs blanches, y a encore ete plus commune. II nous a paru qu'en general on a employe cette annee plus commune- ment & plus utilement les purgatifs , que les faignees ; Baillou obferva la meme chofe en 1575 , & il dit que cette annee-Ia , il y eut a Paris une maladie epidemique des femmes ; mais cette maladie ne fut epidemique (/Our les femmes feules en 1575, que parce que les homines n'en furent point attaques; au-lieu qu'en 1746 , les maladies epidemiques de femmes etoient des maladies de femmes, dont les hommes ne pouvoient etre malades. II n'y a point eu de mois oil il ne foit mort i Paris plus d'hommes que de femmes. Le temps ou il y eft mort le plus de monde , tant hommes que femmes , a ete dans le mois de mars. II eft auffi ne en mars plus d'enfans en general , & plus de garijons en particulier, que dans aucun autre mois de 1'annee. Pour DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. i7 Pour ce qui eft des filles, il en eft plus ne en fevrier que dans aucun — — ■ — autre temps; & raeme il eft ne ce mois- la plus dc filles que dc garcons, ce qui n'arrive pas ordinairement. Physique. II n'y a point eu de mois dans l'annee oil il foit mort moins dc per- AnnU i-aG fonnes en general , & moins d'hommes en particulier, qu'en aout; jai fait remarquer que la temperature de l'air avoit etc plus egale, & qu'il y avoit eu moins de malades dans ce mois , ce qui ne fe fuit pas toujours , parce que le nombre des morts n'eft pas toujours proportionne a celui des malades. ( II eft mort moins de femmes en decembre que dans aucun autre temps', e'eft auffi dans ce mois qu'il eft at moins d'enfans, foit garcons, foit filles. II y a eu moins de malades dans les lix derniers mois 1746, qu'il n'y mi a eu dans les fix premiers : il eft mort a Paris pendant ces fix pre- miers mois, 9936 perfonnes ; favoir, 5169 hommes, & 4767 femmes: ail-lieu que dans les fix derniers mois de cette annee , il n'eft mort que 7 8 8 9 perfonnes, favoir, 41 51 hommes, & 3738 femmes. II eft ne auffi moins d'enfans dans les fix derniers mois de cette annee, que dans les fix premiers, ou il eft ne 9516 enfans legitimes, 4801 gar- cons, 4715 filles-, & 1709 batards, 878 garcons, 831 filles : total 11215 enfans dans les fix premiers mois ; favoir, 5679 garcons, & 5546 filles. II n'eft ne dans les fix derniers mois que 8831 enfans legitimes, 4561 garcons; 4269 filles; & 1575 batards, 799 garcons, 774 filles : total 10404 enfans; favoir, 5361 garcons, & 5045 filles. L'annee precedente 1745 > '' n'etoit mort que 17311 perfonnes. Le nombre des perfonnes decedees a Paris pendant l'annee entiere 1746, en y comprenant les perfonnes religieufes & les religionnaires , que Je n'ai point fait entrer dans le nombre des morts en chaque mois ni en chaque lemeftre, montc a 18051, favoir, 9418 hommes, & 8633 femmes. II s'eft fait a_ Paris, dans le cours de 1746, 4146 manages; au lieu qu'en 7745 , il ne s'en etoit fait que 4135. Pour ce qui eft des enfans qui font nes pendant cette meme annee, le nombre des legitimes eft de 18347, 9363 garcons, 8984 filles; & 5281 batards, 1677 garcons, 1605 filles : total 11629; favoir, 11040 carcons, & 10589 hlles. T . * De forte qu'il eft moins ne d'enfans cette annee, qu'en 1745, ou il en eft ne 11074; favoir, 18840 legitimes, & 3134 batards ou trouves. II peut y avoir ici un double emploi, parce que quelques-uus des en- fans trouves ont pu etre compris dans le nombre des enfans legitimes , & il n'y a pas lieu de douterque cela eft ainfi; mais nous ne rapportons point ici le nombre des enfans qui font morts fans bapteme , ce qui fait une compenfation : on ne peut dans ces chofes ufer d'une plus grande prerilion. Tome X. Partie Frangoife. i8 ABRECE DES MEMOIRES P " Y s J Q " E" OBSERVATIONS Anna- IJ46. Sur Us caufes des Maladies mortelles qui regnent fur hs cotes de la Mer du has Languedoc. Par M. Pi tot. Mem. 5 i es fievres & les maladies mortelles qui regnent depuis long- temps en etc & en automne, fur prefque toute la cote de la mer 011 des etangs du bas-Langucdoc , augmentent de jour en jour •, les calamites dont ces contries font affligees , demandent 1'attcntion & les fecours du roi , & des etats gineraux de la province, pour faire ceffer les caufes du mal, ou du moins pour les diminuer autant qu'il fera poflible. , Comme nous avons eu occafion de faire plufieurs petits voyages dans ces contrees , le long de la cote de la mer , des etangs , & fur la plage , nous nous fommes attaches a obferver les caufes du mal : nous avons meme prie Mrs- les cures & les confuls de chaque paroiife , de nous faire faire toutes les remarques & les obfervations qu'une longue & journaliere expe- rience peut leur avoir indiqudes ; ce que ces Mrs- ont fait avec un zele & une ardeur qui marque le befoin extreme qu'ils ont d'etre fecourus. Nous avons par-tout obferve que la principale caufe de ces maladies & de ces mortalites , provient des eaux croupiffantes & corrompues , dans lefquelles les poillons periffent & fe corrompent avec les plantes , ce qui exhale dans fair une puanteur infupportable qui empoifonne , pour ainfi dire , les habitans du pays , en fait perir quelques uns , & donne a pref- que tous les autres des acces de fievre longs & opiniatres. Les exhalaifons puantes & infccT;ees des eaux croupiflantes , s'elevent dans fair , penetrent dans le fang par la refpiration, donnent ces fievres opiniatres, & caulent fouvent des obftructions qui annoncent une mort prochaine, fur-tout lorf- que le ventre eft devenu fort enffi & bleuatre. La corruption & l'infeclion des eaux proviennent de plufieurs caufes : en premier lieu , les eaux des etangs n'ont pas afiez de communication avec celles de la mer; plufieurs endroits des bords qui font inondes dans le temps que les eaux font halites, ou qu'il regne un vent de mer, de- meurent fans communication pendant les gr.mdcs chaleurs de l'ete, ce qui forme une grande quantite de mares d'eau croupiffante, fur une bourbe ou vafe noire tres-puante, dans laquelle le poillon n'ayant pas aflez d'eau pour vivre, perit & fe corrompt. Cette caufe de 1'infection de fair a augmente connderablement depuis que la province a fait confh'uire le canal des etangs, pour joindre la navi- gation du canal de la jonclion des mers & du port de Cette, aux canaux de Graviercs, de Ltinel , de la Radelle, de Silvereale, & jufqu'au Rhone; les jetties des bords du canal des etangs empechent la libre communica- tion des eaux •, en certains endroits les parties des bords des etangs , cou- DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 19 pics par les jettees de ce canal > font reftees abfolument fans communica- — BBBB " ^™ tion , ce qui forme de grandes mares d'eau croupifTante. p En fecond lieu , comme prcfque toutes les terres des bords des etangs font fort baffes & fort fujettes a etre inondees , les proprietaires de ca Annit 174S. fonds ont defleche 8c releve leurs poffeffions par de grands foffes tout ait- lour , dont la profondeur etant au-deffous du niveau des eaux ordinaires des etangs, les eaux de ces foffes croupiffent continu?llement, n'ayant pas d'ecoulemcnt : cette feconde caufe du mauvais air eft trcs-confiderable & tres-pernicieufe. II y a en general deux moyens d'empechcr la corruption des eaux , & fur confequent les vapeurs qui infecient l'air -, le premier, en donnant dc ibres communications aux eaux, tint avec cclles dc la mer qu'avec celles des etangs , en inondant , pour ainfi dire , toutes les parties qu'on ne pcut pas deffecher entierement par ecoulement : le fecond de deffecher entiere- ment par ecoulement, & jamais par evaporation-, car il faut obferver qu'un terrein qui fera inonde pendant line partie de l'annee, & le refte du temps entitlement a (ec , ne caufera que peu ou point d'exhalaifons puantes & nuiiibles, a moins que ce terrein ne foit fort humefte & bourbeux : c'eft ce qui arrive aux marais qui font inondes line grande partie de 1'annes, & h fee ordinairement en etc*. Mias la plus grande caufe du mal , vient de ce que les eaux de la mer n'ont pas affez de communication avec celles des etangs, le petit nombre d'ouvertures de la plage, par oil les eaux de la iner entrent dans les etangs, qu'on nomine graux, ne donne pas une affez grande quantite d'eau nou- velle de la mer, pour empecher une grande partie des bords des etangs de le mettre a fee. Si le fond de toutes ces parties des bords des etangs, ctoit fablonneux , il n'y auroit que fort peu de ces exhalaifons puantes , mais le fond de ces memes bords eft prefque par-tout bourbeux & pleiu d'une vale noire & corrompue depuis plulieurs an rices , avec la mouffe , les herbes & le poiffon mort : cette vafe produit des exhalaifons capables d'infe&er l'air de tout le pays voilin des etangs •, & comme les etangs fe comblent continuellement , cette infection augmente de plus en plus , & peut devenir dans la fuite capable d'infecter l'air de prefque toutes les rilles du bas Languedoc , h Ton n'a pas le foin d'ouvrir de temps en temps quelques nouveaux graux a la plage de la mer. L'ouverture du grau du rot a Aiguemorte, qui fut faite il y a environ vingt ans, empecha la corruption des eaux & ['infection de l'air, ce qui donna la fante & la vie aux habitans de cette ville ; mais ce meme grau s'etant prefque entierement comble, nous oblervames l'annee dcrniere que tous les habitans, au nombre de dix-fept i dix- hint cens, eurent la he- vre, excepte feulement dix ou douze , il en perit 1111 grand nombre, au moins deux cents enfans : on faifoit des prieres publiques comme aux temps de calamites 8c de pcfte. La fenle ouverture du grau du roi a Iaquclle on travaille acluellement, fera le remede le plus efheace pour remedier a tant de maux, en empi- chant la corruption des eaux & l'infection de l'air. c n io A B R E G E DES MlSMOIRES ^ ^^ II y a deux ou trois ans qu'un coup de mer fit une ouverture a la plage, ou un nouveau grau, pres de Maguelonne, vis-a-vis la petite P ii y s i Q v F.. vi||e je Villeneuve, a une lieue de Montpellier. Comme on parloit de Annie 1746. Lire fermer cette ouverture, a caufc des necheiies^je m'y tranfportai deux fois, & j'eus occalion d'obferver que Villeneuve a etc long-temps affligee de maladies & de mortalites, & qu'il n'y a pas le quart des habitans qu'il y avoit autrefois, a caufe de la corruption des eaaac & 1'infecTion de l'air -, mais les eaux de la mer qui y font entrees par ce nouveau grau , out donne depuis deux ou trois ans la fante a Villeneuve ; en forte que nous avons ete d'avis , dans un proccs- verbal- que nous avons dreile a ce fujet, non-feulement de ne point permettre la fermeture demandee de ce nou- veau grau , mais d'y faire faire toutes les reparations necefiaires pour l'en- tretenir toujours ouvert. Le village de Vic, litue a une lieue de Villeneuve, pres du chemin de Frontignan , eft un des plus affliges des maladies & mortalites caufees par la corruption des eaux ; il n'y a pas la cinquantieme partie des habi- tans qu'il y avoit autrefois, prefque toutes les maifons tonibent en ruinej en un mot, tout y perit, tout y meurt. Nous n'y avons pas Lit beaucoup de fejour crainte d'y prendre la fievre, quoique nous n'y ayons ete qu'a- prcs les pluies d'automne. Le cure & le conful me dirent qu'on com- mencmt a reffentir quelques bons eflets des eaux de la mer venues par le nouveau grau pres de Maguelonne , dont nous venons de patler. Les eaux qui entrent par ce nouveau grau empechent , ou. du moins dimi- nuent la corruption de celles du bord de l'etang •, mais nous avons re- marque que ce n'eft pas du cote de l'etang que vient le plus grand mal , les habitans fe font, pour ainfi dire, empoifonnes eux-memes en creufaut de grands foiles autour de leurs poffeiTions , dans lefquels les eaux crou- piffent continuellement, & exhalent dans l'air une puanleur horrible. La petite ville de Frontignan (ituee au pied du coteau d'une monttgne, fur le bord de l'etang des Grains, a trois lieues de Montpellier, eft en- core fort affligee de fievre & de maladies mortelies, caufees par^ ta cor- ruption des eaux y. elle etoit autrefois infiniment plus peuplee qu'aujour- d'hui, elle pouvoit donner jufqu'a deux cens matejots au roi, pendant qua peine on pourroit en tirer trois ou quatre aujourd'hui y elle feroit encore plus depeuplee fans la bonte- de fori terroir, fur-tout pour les vins mufcats , dont on recueille tous les ans pour environ cent milie ecus. Le village de Balaruc , fi connu par Iks cxcellentes eaux miuerales , fitue fur le bord de l'etang du Thau, a quatre lieues de Montpellier, eft fort afFiige depuis pkilieurs annees par les maladies mortelies caufees par la corruption des eaux qui infeclent l'air en ete & en automne J le 110m- bre des habitans y eft diminue de plus des trois quarts , une grande par- tie des maifons tombent en mine. Le port de Cette, fitue entre les eaux de la mer & celles des etangs, avoit toujours )oui d'un ailez bon air, ce n'eft que depuis cinq ou fix ans que les eaux crouphTantes des bords de l'etang & des folles de la plage sy font ientir, & donnent aux habitans des rievres iutermittentes , en au- S I Q V E. DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. »t tomne, longues & opiniatres. II etoit a craindre que It mal u'augmentat >m mm de plus en plus, ce qui auroit ete tres-prejudiciable au comm-'rcc, mais „ les et.its genenux dc la province ont deja fait executor une paitic des inoyens pour empecher le mauvais air, contentis dans un rnemoire que Annie ?"•;' nous Icur avons remis , ce rnemoire contient encore les moyens qu'on doit employer a Balaruc, a Frontignan , a Vic, &c. Nous n'entrons point ici dans un plus long detal de toutes les villes & villages de la cote du bas-Languedoc altliges des fievres dangereufes cau- fees par la corruption des eaux , & le mauvais air. Les exemples que nous venous de donner , fuftifent pour faire conno'itre l'etendue du mal , & combien il eft important d'y apporter les fecours & les remedes conve- nables , pour conferver la fame & la vie des habitans d'uue des plus fer- tiles contrecs du royaume. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. M, .R. Lohiir, fils, avocat au parlement de Bretagne, a ecrit a M. de nift, Reaumur, que le 14. feptembre , vers 7 heures \ du foir, etant a Rennes avec deux dc fes amis, dans un cabinet fait & convert de planches pein- tes en verd, il appercut fubitement fur la partie de fa robe- de-chambre qui repondoit a la poitrinc, trente ou trente-cinq corpufcules Iumineux, ayant (eclat vif & Wane de Feclair, avec une nuance trcs legere de rouge-, ces corpufcules eroicnt pour la plupart globuleux , les plus petits de la grofleur d'un pois, & les plus gros de celle du bout du petit doigt. On voyoit parmi ces globules lix a lept corpufcules qui paroifloient cylin- driques , de la longueur d'environ im police ou un pouce & demi , & de repailleur de deux lignes , ces corps longs parouToient defcendre vers le bas de la robe- de-chambre, par un niouvement femblable a la. de- marche non acceleree d'un ver , & celui qui fit le plus de chemin , par- courut environ 15318 lignes : a l'egard des globules, ils ne paroifloient avoir aucun mouvement de franflation •, M. Lohier crut ieuLment y en remarqucr un de rotation. A la lueur de ces corps {ursine dx, on pouvoit lire aiiement de I'ecriiure, & diftinguer les deux couleurs de la robe-de- chambre. Un des deux nffiftans crut que ces corps Iumineux stoient des vers luilans , & voulut en enl'ever un en gliffant deifous une feiiille de papier trcs mince; mats il en fill fort furpris de voir que le papier cou- vroit le pretendu ver, & lui otoit toute 1'apparence depaiffeur qu'on avoit cru lui remarquer, & qu'il reprit en otant le papier : une feule de ces lignes lumineufes le iepara en la touchant avec le papier, &- forma trois ou qu.itre globules; une autre s'ecouia d'elle-meme, audi eii fe feparant en globules : on avoit beaucoup de peine a eteindre ces petits corps lu- minous, quelques-uns ne le furent qu'apres avoir ete frottcs ik pin;is phi- 2i A B R t G t DES MEMOIRKS gSSSSH "" mr licurs fois? i!s nc durererit cepend.mt pas bien long-temps, an bout dc p cinq ou lix minutes ils s'etoient tons cteints d'eux-memes, & fucceffive- 1 " U E' ment. Les deux cotes de la poitrine parurent eclaires en meme temps •, il Anriee tv.fff. parut plus de globules du cote gauche, mais ceux du cote droit furent plus vifs & durerent plus long-temps-, on en remarqua quatre ou cinq, &qucl- ques lignes lumineufes fur l'epaule droite , & aucun fur tout le refte du corps. Environ une demi minute apres l'extincftion de ce phenomene, il tomba une pluie affez forte, mais de peu de duree; deux heures aupara- vant il en etoit tombe une a peu pres pareille , & le temps en general etoit obfcur & difpole a la pluie. » I I. Le i8 odobre 1746, on entendit a Lima, fur les ro heures } du foir, un bruit fouterrein qui precede toujours, du moins en ce pays-la, les tremblemens de terre, & dure affez de temps pour fortir des maifons-, IcS fecouffes vinrent cnfuite & furent fi violentes, qu'en quatre a cinq minu- tes de temps, il n'eft refte de toute cette capitate, que vingt mailons fur pied-, foixante-quatoize eglifes ou couvens, le palais du vice-roi, 1'audience royale, les hopitaux , les tribunaux, & tous les edifices publics qui eroient plus eleves & plus folidement batis que les autres, out ete ruinfs de fond en comble. Le Callao, ville fortifiee, & port deLima, a deux lieues de cette ca- pitale , fut vraifemblablement renverfe par les memes fecouffes , dans le meme temps ou le tremblement fe fit fentir. La mer s'cloigna du rivage a une grande diftance, elle revint enfuite avec tant de furie qu'elle fub- mergea treize des vaiffeaux qu'elle avoit laiffes a fee & fur le cote dans le port, en porta quatre fort avant dans les terres, oil elle s'etendit a une de nos lieues, rafant entierement la ville du Callao, & engloutiffant tons fes habitans, au nombre de 5000, & plufieurs de ceux de Lima, qu'elle trouva fur le chemin. Les ofcillations que fit la mer, jufqu'a ce qu'elle cut repris fon affiette naturelle, couvrirent les ruines de cette malheureufe ville de tant de fable, qu'il refte a peine quelque veftige de fa fituation. On avoit trouve deja 1 141 corps enfevelis fous les ruines, au depart du vaif- feau qui a apporte cette nouvelle. On travailloit a rebatir les maifons de Lima, en les faifant encore plus baffes qu'elles n'etoient avant cet acci- dent -, & on efperoit que par les fages precautions du vice-roi , on tireroit des ruines la plus grande partie des effets precieux qui y ont ete enfouis. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 23 P ft Y S I Q It. PHYSIQUE SUR L'ELECTRICITE. A , v Annie ij4". JLJ etuis que les furprcnans effets de Teledtricite ont ouvcrt aux phyfi- nift. ciens line nouvelle carriere, on ne s'eft prefque attache qua rauemblcr une grande quantite de faits & d'experiences; ce n'eft que depuis pen d'annces qu'on commence a entrevoir la lia'pon de tons ces phenomenes. Nous avons rendu compte en 1745, ^a) des conjectures de M. Tabbe Noilet, fur les caufes de Tclectricite : il eft queftion prefentement d'entrer dans un plus grand detail , & d'examiner li chaque effet eft toujours proportionnel a la caufe qu'on fuppofe le produire , 011 s'il ne s'y mele pas quelquc force etrangere & inconnue, qui trouble Taction de la premiere. Pour juger avec quelque certitude de l'effet produit par un corps de- venu electiique , la premiere connoifiance qu'il eft necciiaire d'acqueYir, eft la mefure de Ton eleclricite ; i! faut favoir s'il eft plus 011 moins elec- trique que tel autre corps auquel on voudra le comparer. Cet examen n'orfre en apparence rien que de tres-facile : en erfet , quelle difficulte a mefurer une force dont on voit prefqu'a decouvert le jeti &■ Taction , Sc des efFets de laquelle pluGeurs font fulceptibles de mefure 2 Mais en exa- minant de plus pres, cette extreme facilite s'evanouit bientot •, &: Ton par- vient aifemenr a croire , avec M. Tabbe Noilet, qu'il eft extrcmement dif- ficile de s'afturer U un corps eft plus ou moins elcdtrique qu'un autre. Les lignes auxquels on reconnoit ordinairement qu'un corps eft electri- que , font Tattraction & la repullion des corps legers qu'on lai prelcnte a line diftance convenable •, une impreifion fcmblable a celle d'une toile d'araignee qu'on rencontreroit flottante en 1'air qu'il fait fentir fur la peau ; une odeur de phofphore ou d'ail qu'il repand-, des aigrettes d'une matiere lumineufe qu'il lemble lancer; des etincelles eclatantes qui en fortent, & qui font c.ipables de piquer tres-fenfiblement le doigt, oil telle autre par- tie du corps qu'on lui prefente de pres; & enfin la faculte de communi- quer a d'autres corps les memes proprietes pour un certain temps. Si on conlidcre en general l'electricite comroe Taction d'une matiere a qui on a fait prendre un certain mouvement & une certaine direction, tant dans le corps electrique qu'aux environs, il eft certain qu'on pourra juger par le plus 011 moins d'intenfite des eftets dont nous venons de parler , de la force de TelecTricite , puifque ces efi'ets font le produit de Taction de la matiere electrique, & par confequent proportionnels a cette action : mais fi on veut entendre par eledricite Tetat dans lequel on a mis le corps elec- tiique , & le degre de force qu'on a imprime a les parties , pour agiter la matiere electrique qui leur eft contiguc , alors il fe trouvera une infinite de cas dans lefquels tous les phenomenes dont nous avons pane , ne ponr- ri.nt rien conclure pour le plus ou moins d'electricite du corps. II y a plus , («) Voyez Hilt. 1745, Cullecfion Acadcmi<]uc, riarth I Tome VI.'I. s + ABR£G£DESM£MOIRES iii. U eft aid de faire voir qu'un corps auquel on ne fuppofe ordinairement v, aucune eleclricite acquife, produit precifement les memes effets que celui Y n v s i Q u E, ,qii regar(je comme le plus ele&rique •, & qu'un meme corps duquel Annie 1747. leledricite n*a recu aucun accroiffement ni aucune diminution, peut, par le concours de quelques circonftances qui lui font abfolument etrangeres, etre determine a exercer une aflion beaucoup plus confiderable fur les corps qu'on lui preterite. Plufieurs experiences deja connues peuvent fer- vir de preuve a ce paradoxe •, mais nous nous bornerons a rapporter quel- ques-unes de celles dont M. l'abbe Nollet n'avoit point encore fait part a l'academie. ( Si on attache une groffe aiguille a coudre , a un fil attache a une barre de fer eleclrkjue , &: qu'on place l'aiguille ainfi fufpendue entre deux tim- bres 11011 electril'es , elle fera altemativement attiree & repouffee par ces timbres , & formera ainli , en allant de l'un k l'autre , un petit carillon , qui durera autant que leledricite de la barre. On obfervera iin effet a-peu-pres pareil , fi apres avoir eledrife lean d'un bafTin , on y met de petites boules de verre fouffle , ou de bois ; ces petits corps flottans , eledrife par communication , feront attires & repouffes par tous les corps non eledriques, comme ils le feroient par des corps eledriques , s'ils ne l'etoient pas eux-memes. Un corps non eledrique peut done , dans bien des occasions , operer les memes attractions & les memes repulfions qu'un corps eledrife •, & on fe tromperoit fi on vouloit juger de fon eledricite par ces feules indi- cations. t '• ■■ On pourroit pcut-etre objeder que l'attradion & la repullion que nous attritions ici au corps non eledrique , n'eft que l'effet de l'eledricite qui rclide dans le plus leger, & a laquelle le corps non eledrique ne peut obeir a caufe de fa mafle : on ne peut nier que cette raifon n'entre pour beau- coup dans les attractions & les repulfions dont nous venous de parler, mais eft il bien vrai quelle foit la feule , & le corps non eledrique n'y auroit- il pas une part tres-reelle? Une experience que rapporte M. l'abbe Nollet, juftifie le penchant qu'il auroit a croire , que ces corps qu'on regarde communement comme non eledriques, ont recu, par la feule proximite du corps eledrique dont on les a approches, une preparation fuffifante pour produire des effets fenli- blcs-, e'eft que depuis qu'on a employe, au-lieu de tubes, des globes de verre qui communiquent une eledtricite bien plus forte, il a vu plufieurs fois des perfonnes s'eledrtfer entitlement fans etre ifolees ,_ en plongeant feulem.ent la main dans la fphere d'adivite d'un corps eledrique. ■ Non -feulement la propricte d'attirer ou repouffer des corps legers, ne fiit pas dans un corps une preuve fuffifante d'eledricite , du ihoins fi on entend par" ce mot , comme nous l'avons dit , la force qu'on a commu- niquee a ce corps-, mais de plus cette force qui lui fait attirer des corps legers , peut paroitre fenliblement augmentee ou diminuee , fans qu'il foit rien arrive au corps eledrique qui ait pu y operer un changement : l'ex- perience. fuivaute en foumira la preuve. Un homme eledrife tient les deux bras DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 15 bras ctendus a la meme hauteur, & les mains egalement elevees au-deflus — — —— — de deux cartons parcils , couverts de petites feuilles de metal ; l'tm dcs p cartons eft appuye fur la main d'une autre pcrfonne qui fe tient dcbout fur le planclier de la chambre, & 1'autre eft fulpendu par quatre ficelles a un AnrUt IJ4J, fupport de bois •, les petits corps dn carton foutcnu fur la main , feront toujours attires &: repoufles plus vivement que ceux qui font lur le carton foutenu avec les ficelles : & afin qu'on ne croie pas que l'homme clettrift ait acquis plus de force ele&rique dans une main que dans 1'autre, on chan- gera les cartons de place , & la mime difference fubfiftera toujours. La raifon de cette difference fe tire aifement des principes de M. l'abbe Nollet : les corps legers font portes vers le corps electrique, par le cou- rant de matiere affluente dans lequel ils fe trouvent ; & les corps animcs ou les ftipports de metal fur lefquels on pofe ces corps legers , fourniflent plus dc cette matiere affiuente que les corps d'une autre nature , oil qui leroicnt ifoles : de meme les corps lefgers font repoufles plus vivement en pareils cas , parce que la matiere efflucnte du corps eledtrique , trouvant moins d'obftacle a penetrer ces fortes de fupports que l'air meme de l'at- mofphere , conferve mieux fon mouvement, & agit avec plus d\rricacite pour repoufler les petits corps fur lefquels elle a prife. II n'eft done pas etonnant que ces petits corps portes par le carton qui eft fur la main, doi- vent etre attires & repoufles plus vivement que ceux qui font foutenus par le carton fufpendu a des ficelles. On obferveroit une pareille diffe- rence en employant un fupport de metal , & an contraire , on diminueroit beaucoup la vivacite des attractions, en employant pour fupport une pla- tine epaiffe de foufre 011 de reline •, ces dernieres fubftances ne permettant que difficilement le paffage aux courans de la matiere elettriqiie. II eft bon d'obferver que pour diminuer par ce moyen lelectricite, il faut, comme nous 1'avons dit, que la platine de foufre , ou d'autre matiere refineufe, lbit epaifle •, (i elle etoit trop mince , la matiere ele&rique la pourroit tra- vel kr : mais Iorfque la platine fera ep.iilfe, alors les attractions deviendront beaucoup moindres, elles pourroient meme devenir nullcs-, & M. l'abbe Nollet a vu pluheurs fois des morceaux de feuilles d'or , poles fur line boule de foufre , s'y coller fortement a 1'approclie d'un tube electrife, au-lieu de s'elancer vers le tube : il ne faut pas non plus que ces corps foient echauftes ; car pour lors ils livrent un paifage bien plus libre a la matiere ele&rique , & le jeu des attractions & des repullions en fe- roit bien moins trouble. La figure des corps legers qu'on veut faire attirer, n'eft pas indifferente, Une trop grande furface ne leur permet pas d'echapper aux rayons de ia matiere eftluente , & ils en font ou totalement repoufles , ou au moins conliderablement ret.irdes : par la meme raifon , Iorfque ces petits corps font plats, il faut qu'ils fe prefentent par le trenchant, & non par le plat, en allant vers le corps ele&rique , pour eprouver de fa part la plus forte attraction poffible ; cette lituarion les met en etat d'eviter un tres grand noinbre de jets de matiere effluente , & de pafler bien plus facilcinent dans les efpaces qu'ils lailfent entre eux , & par lefquels la matiere aftluente Tome X. Panic Franfoiji. D i6 ABRECE DES ME MOIRES ■» fe rend ati corps eleftrique. II n'eft done pas fuffifant de donner aux eorpj p ■ . lfgcrs de la meme efpece, un poids egal , il feut encore que leur figure ' ioit la meme , & qu'ils fe prefentent an corps electrique du mane ^ens. Annie ZJ4J. Cctte egalite meme de figure & de pofition ne met pas a l'abri d'une autre inegalitc dans les eftets , celle-ci vient de la plus grande ou de la moindre promptitude avec lacuielle ces corps s'electrifent : s'ils ne lent pas parfaitcment homogenes , ceux qui s'eledtrifent le plus facilement , ac- quierent cette propriete a line diftance du corps elcctrique , a laquelle les autrcs ne fe peuvent pas eleftrifcr •, alors , quoique leur volume foit le meme en apparence , les rayons qu'ils lancent de toutes parts les mettent hors d'etat de paffer dans les intervalles de ceux du corps elechique , & fouvent, an lieu d'en etre attires, ils en font reellement repowffes. Si, par exemple, on fulpend a deux fils d'egale longueur, une feuille de metal de deux polices de largeur, ou environ , & un difque de cire d'egal diime- tre , & quo n prekmte a ces corps un tube electrile, on verra que le difque de cire fera conflamment attiri , au-lieu que la feuille de metal ne fait qu'un leger mouvement vers le tube , & fouvent meme commence par s'en ecarter : la raifon de cette difference eft que la feuille de metal s'elec- trife a la premiere approche du tube , & qu'au contraire, le difque de cire ne s'electrife pas, du moins auffi facilement •, en effet, ii anffi-tot apres l'experience on examine les deux corps, on verra que la feuille de metal eft electrique, & que le difque de cire ne l'eft point. II eft done bien certain que l'etat du corps electrique demeurant le meme, la vivacite des attractions & des repuliions pent varier a l'infini-, & que par confequen-t ce pbenomene feul & fepare des autres fignes , ne petit fournir qu'une mefure tres-imparfaite & trc-s- equivoque, de la force eledtrique communiqtiee a ce corps. Les emanations elecl-riques qui portent avec elles une odeur de phof- phore , qui paroiifent quelquefois lous la figure d'aigrettes lumineufes ou de traits de feu, & qui font lentir lur la peau , lorlqu'on l'y expofe, line efpece de fouffle, ne font pas un moyen plus fiir de juger de l'electricite d'un corps. II parott en general que les corps eleetrifes par frottement , donnent communement des ecoulemens bien plus forts & plus marques que ceux qu'on £lec~tiife par communication. Le globe & le tube frottes, meme mediocrement, font itntir quelquefois, a plus d'un pied de diftan- ce , une odcur & une impreffion qu'un corps eledrife par communication , comme, par exemple, cine barre de fer, ne produira jamais : cependant,- f\ on en juge par la grandeur & le brillant des aigrettes , & par les piqiires que caufent les etincetlcs , ces memes corps electrifes par communication , paroitront avoir une electricite beaucoup plus forte. On n'allumera que tres-difhcilement de l'efprit de vin avec les etincelles qu'on tirera dn globe meme, & on l'enflarnmera tres-aifement en fe fervant de celles qu'on tire d'une lame d'epee , d'une barre -de fer eieclrifee par ce meme globe. La fenfation plus ou moins vive que font rclfentir les emanations des corps etaclriques , n'eft pas un moyen plus fur pour juger de la force de 1'elec- tricite. La matiere electrique qui lort des corps amines pour fe rendre an DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. if corps elecTrique, ne fe fait ordinairement que peu on point fentir lorf- — i ■« ■■ — *m que la peau eft feche, niais lorfqu'eile eft mouillce par la fueur; ccs ruemes p . particules de matiere qui, dans le premier cas , paffoient librement, fe trouvant arretees par un liquide tenace & vifqueux, en arracherit, pour Annie IJ4J. ainli dire, les particules, & caufent a la pe.iu line impreflion trcs-fcnlible. Deux experiences rapportees par M. 1 abbe Nollet, prouvent que la ma- tiere clcdrique enleve reellement les particules de liquide qu'elle trouve fur Ion pallage. Si on mouille lcgeremcnt d'eau ou d'efprit de vin une barre de fer, & qu'enfuite on l'electrife, on fentira , en paffant la main a quclques polices de diftance , un petit vent frais qui n'eft autre chofc que la matiere cftluente dont l'impreffion eft plus fenlible , parce qu'elle eft , pour ainti dire, armee des particules de liqueur qu'elle a enlevees. La fe- conde eft encore plus decilive : lorlqu'on a frotte pendant quelque temps un globe de rerre pour le rendre eledhique, on appercoit qu'il le forme a fa iurface un grand nombre de petites taches brunes , compofees d'une matiere femblable, en quelque forte, a de la cire, & qui repand, lorlqu'on la briile, une odeur de poil ou de cuir grille : a ces lignes, il n'eft pas difficile de reconnoitre une matiere animate; mais pour decider li el!e ve- noit de la perfonne meme qui frotte le globe, ou feulement de les habits, M. l'abbe Nollet imagina de fe deshabiller autant qu'il etoit neceffaire pour cela , & le globe ne laiifa pas de fe couvrir des mimes taches. 11 eft done ■bien fur que la matiere qui fort d'un corps aninie pour fe rendre au corps clcClrique, emporte avec elle une certaine quantite de la fubftance de ce corps anime : nouvelle fource de variete dans les fenfations que caufe la pretence du corps eleelrique, puifqtie leur force & leur intenlite ne de- pendent pas feulement de la vertu imprimee a ce corps , mais de la dif- polition interieure & exterienre de la perfonne qui les recoit : difpolition cjui doit etre neceffairement differente en difterentes perfonnes , & fouvent variable dans la meme perlonne en difterens temps. On ne le tromperoit pas moins li on vouloit juger de la force de l'e- lecftricite d'un corps , par la grandeur & l'eclat des aigrettes lumineules qu'il lance, ou par 1'imprelTion que font les etincelles qu'il domie iur ce- lui qui les tire. Un corps qu'on ele&rife, & qui ne fait encore paroitre aucunes aigrettes, commencera fouvent a en lancer ians qu'on elettrife plus fortement, li on en approche un corps aninie, un morceau de me- tal, & generaleinent tout corps capable d? fournir beaucoup de matiere afflucnte; & li le corps ele&rique donne de lui-meme des aigrettes, ces mimes corps capables de les faire naitre par leur approche, le font audi de les faire paroitre beaucoup plus grandes &• plus brillantes : la feule circonftance de la proximite de ces corps, quoiqu'ablolument etrangere au degre de force eledrique du corps auquel on les prelente , eft done fuffifante pour faire paroitre ce ligne d'elediricite beaucoup plus fenlible, quoique l'ciecT:ricite foit toujours la meme. SobVent un globe ele&rife qui fair paroitre trcs promptement de belles aigrettes au bout d'une verge de fer de quelques lignes d'epairTeur, n\n fait paroitre aucune , ou ne les pioduit qu'avec peine & aprcs un temps D ij i3 ABREG& DES ME MOIRES ■gSBSgjSSSS" alTez long, fi on fe fcrt d'une barre de fer plus longue & plus grofTe, v quoique les autres fignes annoncent que la bjrre a recu un degre deleo- r h y s I q v r. tricjt^ pius fort qUe ce|uj je ja petite verge : M. l'abbe Nollet en a lou- Annee 7747. vent kit Experience. II a trouve la meme chofe en fe fervant d'un tuyail de fer-bl.wc de 5 pieds de long & de i polices } de diametre ■, ce tuyau approche du globe donna d'abord a l'extremite qui en etoit la plus eloi- gnee, des aigrettes tres-vives & trcs-lumineufes *, il ne fit que boucher cette extremite avec un cylindre de fer de 2 pouces { de long, les ai- grettes ceflerent, & on continua d'electrifer pendant 5 minutes, fans qu'il en reparut aucune , quoique ks etincelles qu'on tiroit du tuyau pendant ce temps, fuifent pour le moins audi fortes, & caufallent des piqures auffi douloureufes. La force de ces etincelles & la fenfation qu'elles caufent a celni qui les tire, feroient encore un figne peu certain du plus on moins d'eledricite d'un corps : ces etincelles «e font autre chofe que les rayons meme des aigrettes > reduits par l'approche du doigt 011 du corps qu'on leur pre- fente, a ne faire plus qu'un feul trait de feu. Tout ce qui pourra done augmenter les aigrettes, augmentera auffi la force de 1'etincelle •, & nous venons de voir que bien des circonftances etrangeres ^ 1'elect.ricite drt corps , pouvoient produire cet eflet : a l'egard de la fecouffe & de la douleur qu'elles font fentir a celui qui les excite, il eft aile de voir que cet eft'et doit dependre en grande partie du plus ou moins de fenfibilite des organes & de la difpolition du corps, qui, comrue on lait, font in,-, llniment variables. II fn it de tout ce que nous venons de dire, qu'aucun phenomene en particulier ne petit etre pris pour une mefure certaine de la force ele&ri- que imprimee a un corps-, & qu'on ne pent eviter l'erreur dans ce juge- ment, qu'en ufant de beaucoup de circonfpe&ion , & an fe conformant aux regies fuivantes. La premiere & la principale eft de ne jamais entreprendre de compa- rer l'electricite de deux corps, de quelque moyen qu'on veuille fe fervir, fans s'etre auparavant bien allure que les circonftances font abfolument parcilks de part & d'autre. La feconde eft de ne s'en rapporter qu*a des effets conftans , qu'on foil fur de retrouver toujours les memes dans les memes circonftances , & de ne prononcer que d'apres des differences bien marquees, & qui ne puif- fent etre regardees commc ces petites varietes delquelles tous les etiets des caufes pbyliques font fufceptibles. La troifieme enfin eft d'employer tous les fignes qui peuvent faire ju- ger du plus ou moins d'ele&ricite des corps, & de ne jamais s'en rap- porter a un feul ou a deux , s'il eft pollible d'en avoir un plus grand riombre. Si on vouloit s'en tenir ik la feule force repulfive, M. l'abbe Nollet propole un moyen de l'eraployer a mefurer la vertu electrique des corps : ce moyen eft tire d'une experience de feu M. du Fay , qui s'en fervoit a •faire voir avec quelle, promptitude la verm electrique d'un corps s'anean- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i9 tit, lorfqu'on le fait etinceler. II mettoit (ur line tringle de fer tin fil pli'i »»»^^ j en deux, en forte qu'une moitie pendit d'un cote de la tringle, & l'autre p moitie du cote oppofe; ces deux moities dans cet etat etoient exadtement paralleles : le fer etant eledtrife, les deux tils s'ecartoient, & s'ecartoient Anne's IJ4J- d'autant plus, que 1'eledtricite etoit plus forte. L'embarras etoit de melurer l'ouvcrture de cette efpece de compas , il n'etoit pas polTible d'y appliquer , ni racrae d'en approcher aucuue regie ni aucune echelle ; on eiit aneanti, ou au moins trcs-fenfiblement derange l'efret de la vertu electrique : M. l'abbe Nollet a remedie a cet inconve- nient, en mefurant l'ouverture de l'oinbre de ces mimes fils qu'il tranl- porte fur on carton , an moyen d'une bougie allumee. II n'efl pas au refte le ieul qui ait pen le a mcfurer l'electricite des corps par 1'cfpece de recul quelle leut caule, M. Waits a en la meme idee; mais de plus, il a voulu trouver par ce moyen la force ablolue des emanations electriqiics , en oppolant a cette force des poids connus. Pour cela il fulpend a deux fils de foie deux platines de metal fem- blables, longues de fix polices, & peiant chacune trois onces, de ma- niere qu'elles pendent librement allez pres l'une de l'autre pour fe tou- cher; alors il approche au-dellous de ces deux lames un tube electrife » & dans I'inftant meme on les voit s'ecarter & decrire un arc de cercle : or la longueur & ie poids d'un pendule etant connus, on fait quelle force il fjut , pour le loutenir dans tous les points de 1'arc qu'on lui fait de- crire en montant, & par coniequent on a, lelon M. Waits, dans cette experience, la force ablolue des courans de matiere electrique qui font ecarter les deux corps. Mais quelque ingenieule que foil cette idee, il s'y troitve une difficiilte prelque inlurmontable : pour juger par le deplace- inent d'un corps de la force qui Ie poulle, ce n'eft pas aifez d'avoir la quantite de force ablolue qui a ete employee a le deplacer ; il faut en- core connoitre la direction luivant laquelle la caule qu'on a mile en ceu- vre a pu agir, puifque la meme quantite de force pent varier les eilc-ts a l'infini, luivant la maniere plus ou moins avantageufe dont elle agit : or nous igiiorons dans ce cas quelle eft la direction des courans de la ma- tiere electrique, & par coniequent, on ne peut tirer de l'ecartement des lames aucune conftquence fur la force abfolue de l'electricite. D'ailleurs , cette elpece d'eleCtrometre a, ainli que le premier dsnt nous avons parle, 1'inconvenient de ne pouvoir s'appliquer qu'a un des phenomenes de l'e- lectricite, & ne peut par coniequent ctre regarde comme une mefure fur laquelle on puilTe abiolument compter : cependant cette idee merite bien qu'on y rcrlichiife; peut ctre pourra-t-on quelque jour vaincre les dif- hcultes qui s'y rencontrent : mais, quelque inftrument qu'on imagine, il y a bien de l'.ipparence qu'il taudra toujour* l'employer avee bien de la precaution, & il lera peut-etre encore long-temps vrai que les yeux d'un habile phylicien bien exerce aux experiences de l'electricite , lout le fcul electrometre fur lequel on puilie compter. Non-feulement l'electricite recoit dirferentes modifications de la p.irt des corps qu'on emploie a la faire naitre; ou a la uanliiietue, mais eilc go ABREGE DES MEMOIRES uMim.u ,i wmmm revolt encore de l'accroifTement oil de la diminution par des circonftancos ~ plus etrangeres & plus eloignees. De ce nombre font le froid , le chaud, 1 h y s i Q u f. ]'|ulmi(-];t£5 la fecliereffe, le degre de rarefaction^ ou de purete de I'air Annie f-47. dans Icquel on opere, Taction de la flamme, de la lumiere, de la fumee, des vapeurs , la grandeur & la figure des corps qu'on electiife , & leur com- munication avec ceux qu'on ne veut pas eledtiifer. Pour eviter la confulion des idees dans la matiere que nous allons trai- ler, il faut foigneafement dillinguer plulieurs etats dirferens de l'eledtri- cite. L'electricite deja excitee n'eft pas la meme que celle qu'on tache a, faire naitre relativemcnt a de certaines circonftances : il y en a telle qui pent confiderablement retarder ou accelerer le moment auquel cette vertu doit paroitre, fans cependant rien changer a fa duree, ni & Ion intenfite. II eft encore neceifaire de ne pas confondre l'electiicite line fois excitee avec celle qu'on continue £ communiquer ail corps qui en eft le fujet. La pre- miere eft un etat fixe & lhnite qui ne pcut etre altere par une caufe quel- conque, favorable ou nuilible, fans qu'on y oblerve de 1 augmentation on dc la diminution. La feconde , ail contraire , fe reparant continuellement, peut fouffrir des pertes ou des augmentations conliderables , fans qu'on j'liiffe s'en appercevoir , l'intendte de la caufe qui l'entretient conrinuelle- ancnt, ne pouvant etre bien precilement evaluee. II faut encore difcemer 11 l'ek'Ctricite eft tres-forte ou (i elle eft foible : tel degre d'alteration qui feroit tres-fenlible fur cette derniere, ne paroitra nullement fur celle qui a ete excitee par les moyens les plus puillans & dans les circonflances les plus favorables. Enfin , on ne doit dormer le 110m d'electiricite propre- ment dite qu'a celle qui fe manifefte par le concours des lignes dont nous avons parle ci-deffus , & qui ne vont guere l'un fans l'autre , fi ce n'eft dans le cas d'une electricite trop foible. On fait depuis long-temps que le fiicces des experiences de 1'electiicite depend beaucoup du temps qu'il fait lorfque Ton opere : on convient affez generalement qu'elles reuiuflent pour l'ordinaire d'autant mieux , que le temps eft plus beau ; mais cette expreffion a paru trop vague a M. l'abbe Nollct, il a voulu la reduire & des termes plus precis : huit annees d'ex- perience dans lefquelles il a eu foin d'oblerver le degre de chaleur & de fiefanteur del'air, celui de fecherefTe & d'humidite, la direction & la force du vent , font mis en etat de fe former des idees plus nettes Sc plus exac- tes. II refulte de fes obfervations que 1'electiicite eft prelque toujours foi- ble, quand on en fait les experiences par un temps pluvieux & doux, le barometre etant a fa moyenne hauteur, & le vent au fud ou aux environs; mais il faut pour cela que le temps foit veritablement pluvieux &• himiide. On n'obferveroit pas la meme cliole par une pluie paifagere , fur-tout fi le went etoit aux environs de l'eft ou du nord. II eft done bien certain que l'humidite eft un obftacle a I'electricke , du moins elle la rend beaucoup plus difficile a faire naitre. Mais comment opere- 1 elle cet effet, & quel eft le corps qu'il eft neceifaire d'entretenir fee; lift-ce le corps frottant, ou celui qu'on electiife, ou enfin I'air du lieu ou 1'on opere. DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $, Les experiences de M. l'abbe Nollet l'ont mis ^ portee de rependre a i ■ ■ iiiuh.ii.hu. toutcs ces queftions. Le corps- frottanl doit etrc parfaitement fee p.ir !e p c»te oil il s'applique au corps qu'il' eleclrife : pour exciter I'elcCtricite, il •* Y s I Q«U I. f.uit cju'il ait une certaine petite rudeife qui puiife cbranler les particulcs Annie ijs.7. du verre ou la matiere contenue dans fes pores , & que de plus il s'y appli- que immediatement ; le fluide interpold le rendroit incapable de ces deux effets. II eft done abfolument neceffaire que ce corps foit tec du cdte ou il frotte •, mais il eft indifferent qu'il le foit des autrts cotes. M. l'abbe Nollet a fouvent reuffi a exciter line clcdtricite tres-vive, ayant le corps mouilli de (ueur, ou ayant meme mouille cxpres avee de l'eau les bras & le diriliis de les mains : il futfifoit que le dedans des mains qui frottoit le tube, fut exempt d'humidite. Quand meme Its particu'.cs d'eau interposes n'empecheroient pas le corps de s'appliquer immediatement .'.u verre ; elles nuiroient toujoitrs a Felectrici^ pit un autre endroit. Tousles corps qui peuvent dever.ir e!ec- triques par frotterhent , ne le deviennent jamais taut qu'ils font mouillcs, foit par dedans, loit par dehors; c'tft an phenomene coniiu de tous ecus qui ont tente les experiences de l'eleclricite. -Le limple fouffle dun air hu- miJe fufrit pour empecher la vertu ele&rique de paroitre ou meme pour la dttruire entierement, foit que cette humidite s'y applique par dehors ou par dedans. La meme chofe arrive encore, li, au lieu d'eau, on fe fert d'autres liqueurs .grilles ou aqueufes. Le mercure feul, bien loin d'aff'oiblir l'e!c.\£tricite , eft capable , par fon frottement , de l'exciter : cette expe- rience eft due aM. du Tour, correfpondant de l'academie, qui s'appercut de cet effet en faifmt couler d'une certaine hauteur du vif ardent contre les parois d'un tuyau de verre; & elleeft d'autant plus belle, quelle donne la raifon d'un autre phenomene connu depuis long-temps , de la lumiere qui parbit au hailt des barometres quand on les remue. Lorfque tant & de li habiles Phyliciens s'emprcrfoient an commencement de ce fiecle, de donner de favantes dilfertations pour expliquer cette merveilie , cut-on cru , eiit on meme foupcenne que fon explication dipendoit du meme principe que 1'attracHon des corps legers qu'exercoit un baton d'ambre ou de cire d'Elpagne legerement frotte, dont perfonne ne daignoit s'etonner ? L'obftacle qu'apportent a l'ele&ririte les differentes liqueurs dont nous venons de parler, lembleroit indiquer que tout ce qui'peut mooHlerle verre, y contraCter la meme adherence que l'eau, peut aulli empecher 1'ef- fet de la vertu eledtrique-, mais un fait que le hafard offrit a M. l'abbe Nollet , l'obligea dc faire une exception a cette regie trop generaie. II failoit fondre du foufre en poudre dans un globe de verre pour Ten en- duire interieurement, & il remarqua que ce globe devenu clecrrique ne cefla point d'attirer les flammeches & la cendre des charbons , quoique le foufre fut devenu liquide & adherent au verre. La meme chole lui eft arrivee en employant , an- lieu de foufre, la cire d'Elpagne, & meme la gomme laque route pure : il y a done des corps qui peuvent mouiller 1c verre, fans lui oter Ion eleclricite. On auroit peut-ctre pu foupconner que ceteflet ne venoit pas tant dc P II V S I Q 11 I. 31 ABRJG.fi DES ME MOIRES la nature de ces corps , que de la chaleiir neceffaire pour les tenir flui- des. Pour didiper cette incertitude , M. l'abbe Nollet prit le parti d'em- ployer de l'elprit de terebenfhine : cette liqueur eft de meme nature que Anm'e 1747. ^e f°Ht~rc & 'a gomme laque, & n'a pas befoin de chaleur pour etre fluide ; il etoit done bien fur que li le meme effet arrivoit, la chaleur n'avoit au- cune part dans le premier : ce fut effeclivement le refultat de l'experien- ce : un tube frotte avec an linge imbibe de cette liqueur devint (i eledtri- que , que M. l'.ibbe Nollet pencheroit prefque a regarder ce procede coiume un des nioyens les plus capables d'exciter line forte & puiffante eleifhicite dans les circonftances les moins favorabbs. Ce n'eft done point le degre de chaleur du foufrc & de la laque fon- dus, qui peuvent empecher ces corps de mettre obftacle a l'eleiStricitc du verre : M. l'abbe Nollet croit qu'il en faut chercher la raifon dans une autre propriete de ces corps , ils ne contiennent point 011 trcs-peu d'eau , & ce n'eft que ce dernier fluide qui pent, en humeftant le verre, l'em^ pecher de devenir ektftrique par le frottement •, audi, en melant quelques gouites d'eau a l'efprit de terebenthine , il le rend audi capable de nuire h l'electricite que les autres Jiqueurs dont nous venons dc parler. II eft done bien conftant que 1'eau appliquee au verre qu'on vent rendre elec- trique par le frottement, 1'empeche de le devenir, oil au moins de pren- dre a beaucoup pres autant de vertu eleclrique qu'il en auroit acquis fans cela ', mais il s'en faut bien que l'eau nuife de la meme maniere a l'elec- tricite qui s'acquiert par communication, line corde mouillee, un tube plein d'eau, un jet d'eau meme, tranfmettent l'elecfricite au point d'allu- mer les liqueurs inflammables qu'on en approche : ce qu'il y a de Imgu- lier, e'eft que l'eau qui ne met aucun obftacle a l'ele&ricite par commu- nication , tant qu'elle eft lous la forme d'eau, lui eft au contraire tres-nui- fible loifqu'elle eft fous la forme de vapeur-, les experiences eleclriques ne reudiffent que tres-difricilement dans les lieux bas & humides, & l'humi- dite que. le vafe de verre attire dans l'experience de Leyde , affoiblit fi fert la vertu , que M>s- du Tour & Allamand ont pris le parti de le plon- ger entierement dans l'eau, pour eviter l'humidite qui pourroit venir de l'air s'y attacher , ce qui leur a parfaitement reudi. II femble que lorfqu'il eft queftion de lelcdtricite, les lingularites les plus frappantes s'offrent, pour ainli dire , a chaque pas. L'effet que peuvent faire les fumees de differentes matieres fur les corps ele&riques , a etc rffaye par M. l'abbe Nollet ; il a plonge dans ces fumees un tube tres-ele le foufre & la eire d'Elpagne appliques a cette epreuve, ont tous donne cette difference bien marquee. L'air feroit-il done le vehieule de relectricke, & feroit il la caufe des attractions & des repulfions des corps non eleciriq'ies qu'on prefente a celui qui l'eft devenu? une experience bien fair. pie a prouve le contrake a M. l'abbe Nollet : il a fuinendu a un fil^ dans le recipient de la machine pneumatique , un fragment de fcuille de faux or, & apres avoir fait le vuiJe , il en a r.pproche en-dchors un tube- eleclrife •, la. petite feuille a toujours repondu a l'approche du tube, par des mouremens tres-mar- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ,7 quis : done i'air n'a point de part aux phenomenes d'attradKon & de re- — ■—— ' pull'on, puifqu'ils ont lieu d.ns un endroit qui en eft prefqu'entierement r> prive. 1 h v s 1 q r t. Mais pour etre encore plus certain que cc n'eft point de l'air qui agite Anne'c IJ4J- Is petite fruillc, il n'y a qu'a reperer l'cxpericnce dans l'oblemi'e , on verra bientot quelle eft la matiere qui agit iiir elle : litot qu'on approche K; tube du recipient oil elle eft contenue , on appercoit un ou philicurs jets de matiere euflammee qui penetrent dans l'interk-ur; & on petit .ii- fement remarquer que la petite reuille ne St meut qti'a proportion qd'ellc eft frappee par ces emanations lumineules. La lumiere que l'eleftriritc fait appercevoir dans le vuide , eft diffe- rente de celle. qu'eile repand dans lair; dans ce dernier cas, elle fe p'rii- fente fous la forme d'aigrettes compofees de filets luinineux divcrgens , qui lemblent eux-memes compofes de globules enflammes, qui n'cclatent que fucceflivcment ; au-lieu que dans le vuide, ce lout des traits tres-gros & tres-continus, d'uue lumiere difftile, qui eclate & parent s'enflammer fans explolion & dans un inftant. Cette difference parole fur-tout dans une experience que M. l'abbe Nollet avoit imaginee, pour voir ce que de- viendroient les aigrettes lumineufes qui fortent du bout d'une barre elec- trifee,li on tn pl.icoit rextremite dans le vuide; il maftioui pour cc!a au bout de cette tringle , un vaiiieau de verre , garni a Ion extren:ire d'uu robinet; le vuide etant fait, la tringle produilit, au-lieu d'aigrettes, line grolie flamme qui s'avancoit au-devant d'une pareille qui fortoit du ro- binet : pour peu qu'on en approcbat les mains, on voyait le globe rem- pli dune lumiere trcs-vive; la barre devint beaucoup plus eleclrique qu'a 1 ordinaire, etant meras otee de deilus les cordons da foie , & portee a plgines mains, elle confervoit Ion elcctricite, & ne la perdit que quand on cut laifle rcntrer l'air dans le vaiileau. Tous ces phenomenes ont une explication rres-facile dans l'hypothefe de M. l'abbe Nollet : la matiere effluente de la barre trouve bien plus de f.-.cilite a le repandre dans le vaiiicau vuide d'air, que dans l'air libre ; ce vaiffeau rempli d'une matiere iemblable , ne lui offre aucune retiftance & l'inPiammntion eft d'auMnt plus grande , plus facile & plus prompte ' que les molecules de cette matiere fe trouvent plus voilines & moins melees de parties etrangeres : par la meme raifon , Tecoulement de !a ma- tiere ekdrique rendu plus libre, rend auffi fon mouvement plus vif & plus prompt dans la tringle, & par confequent fon eleftricite plus forte; tomes ces confluences font des luites fi naturclles du principe , qu'ancun des faits dont nous venons deparler, ne furprit M. l'abbe Nollet, il les avoit tous pievus. Un icul, qu'il ne s'etoit pas donne le temps de devincr, lui fit lentir avec ccmbien de referve on doit s'cxpofer aux experiences qu'on n'a pas ena.re tenties : il ctoit nature! de peuler que puifque la matiere eleclrique agmoit :i ubrement dans le vuiJe, ce vuide devoit etre un m yen plus puiflant que l'eau qu'on emploie dins ^experience de Leyde, pour comrauniquer au verre une forte ele&ricite. Eiv rcpetant 1'expe- rience de la tringle armce ,a fon extremite d'un vaiffeau de v. ire purge j ABREGi DES M 6 M 0 I R E S — d'air , il fut fi vivement frappe de la penfee que cet appareil pourroit etre " propre a exciter la commotion de l'experience de Leyde, qu'il ne fit pas l'uvsigu E- reflexion qu'il l'etoit peut-etre un pen trop ; il porta une main au vaii- Jnnfr tiAn fcau , & lira de l'autre une etincelle de la barre , il effuya une commotion Anatc IJ47' fi violentej qu'a en fut incommode le refte de la foiree , & il n ofa plus depuis repeter cette experience, Tans s'etre affure que lele&ncite n etoit pas trop forte. II eft done bien certain que le vuide qui paroit etre un obftacle a la naiffance de l'eleftricitc , lorfqu'on veil! l'exciter par le frot- tement, ne lui eft en aucune facon nuifible, & dans de certains cas meme augmenfe fa force lorfqu'elle eft acquife par communication. Nous avons rendu compte l'annee derniere , (a) des tentatives que M. l'abbe Nollet avoit faites pour augmenter l'eledricite, en fe fervant, au-lieu d'une tringle de fer, d'une barre de meme metal qui pefoit So li- vres , & des experiences que M. le Monnier avoit imaginees pour deter- miner fi la vertu eledrique fe communiquoit en railon de la maffe , de li furface ou de la longueur du corps eleftrife : nous ne repeterons point id ce que nous avons dit alors fur cette matiere, nous allons feulement reprendre la fuite des experiences que M. l'abbe Nollet a continues fur ce meme fujet. Pour oter toute equivoque , il eft bon de fe rappeller que M. le Mon- nier, dans les experiences dont nous avons parle l'annee derniere, s'etoit toujours fervi, pour communiquer lekc^ricite aux corps, d'une Bole de verre a moitie pleine d'eau , elecirifee a la maniere de Leyde, ce qui etoit appliquer aux corps, en quelque maniere, une mefure donnee d'elei2:ri- cite ; au lieu que M. l'abbe Nollet , dans fes experiences , a cherche , en appliquant aux corps une eleftricite continue, a leur en faire prendre toute la quantite dont ils etoient fufceptibles : difference dans le proeede , qui doit neceffurement en produire dans les refultats. Des corps de maffes tres-differentes , mais de meme furface, comme line barre de fer de quatre pieds de long fur un police { d'equarriffage , & un tuyau de fer-blanc de meme longueur fur fix pouces de circonfe- rence j d'autres morceaux de fer folide , & des lames de tolfi qui avoient ineme furface, ou des paquets de clous de meme poids & de differentes eroffeurs-, une maffe de cuivre qui pefoit deux livres, & un morceau de clinquant qui contenoit aufll la meme furface, ont ete expofes a lele<£tri- cite d'un globe qu'on frottoit continuellement , & qui leur etoit tranfmtfe par deux chaines egales en groffeur & en longueur •, le refultat de toutes ces experiences repetees avec le plus grand foin & la plus fcrupuleufe at- tention, a ete, quen general, une plus grande maffe s'eleftrife , ou eft au moins capable de s'elecMfer plus qu'une moindre maffe de la meme efpe- ce : nous difons ou eft capable, parce que la grande maffe a below detre eledtrifce plus fortement & plus long temps que la moindre, pour pren- dre toute lelearicite dent eUe eft fufceptiblcj & que fi leleitricite etoit ( a ) Voyez ci-dcffi'.s. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES 59 foible, le corps qui auroit la moindre nulTc pourroit paroitrc aurant & plus elcdrique que celui qui en auroit une plus grande p Un fecond relultat des experiences de M. l'abbt: Nollet , eft que Irs " Y s ' Q ° ' corps de plus grande m.ilie lo-it, comme nous venous de le dire, plus Anntt 1747. long-Umps a s'electrikr que les autrts : un morceau de fer de 50 livres, & un autre d'environ 8 onces, ayant ete expofes a l'eledricite d'un globe, 1>ortee julqu'a eux par une meme chaine de fer qui fe partagcoit rn deux, c plus petit des deux corps a commence a donncr des tmrques d'eledri- cite, prefqu'a l'inftant auquc-1 elie a pu ltti etre portee-, an lieu que le mor- ceau de 50 livres a ete plulieurs 'fois cinq & fix fecondes avant que de donner les memes marques. Quciqu'une plaque ou une verge de fer d'une crrtaine epaifienr re- ceive conftamment plus d'ekctricite qu'une feuille de meme metal extre- mement mince, ce plus a ccpendar.t des borncs : une c-ncliime qui pefe ■ico ou 150 fois plus qu'une feuille de tole , ne produira pas dfs effets 100 oil 150 fois plus forts & plus marques; une mediocre e'paiiieur Unlit pour reprefentt r des phencmenes conliderablcs ; & il pourroit fort bieri arriver qu'un canon de metal , ep.iis de quelqucs lignes , qui devient cer- tainemer.t plus fortement eledrique qu'un tuyau de clinquant de meme longueur & de meme diametre, eiit auffi la meme fuperiorite de force f«r une piece folide du meme metal, qui auroit les memes dimenlions. On fe tromperoit encore , li on s'imaginoit qu'en donmnt beaucoup plus de furface a une meme quantite de matiere, on augmenteroit par-la infailiibkment fon eledrkite •, I'experience a nettement decide le con- traire. M. l'abbe Nollet a mis en experience un carre de plomb lamine, d'une ligne d'epaiifeur & de lix pouces de cote , & un poids egal a cetui de ce carre, de plomb a tirer , etendu fur un taffetas; I'eledriciti ayant 6tc communiquee egalement aux deux quantites de plomb, le carre don-i des aigrettes vives & des etincelles piquantes, & le plomb graine ne donna que des etincelles foibles , fans aucune aigrette. La meme difference s'eft; trouvee entre un paquet de gros clous, & un pareil poids de broqucttes fines, qu'il avoir expofes a leledricite d'un meme globe. Les differences qu'on obferve entre l'eledricite des corps de meme ef- pece, qui ont, avec la meme malfe , des longueurs fort differentes, font auffi fujettes a la meme efpece de reftriction. : il y a, s'il m'eft permit d'employer ici une exprefTion empruntee de la geometrie , un maximum dans I'aJongement d'une meme malie, au-dela duquel, bien loin d'acque- rir une plus grande force eledrique, elle ne pent plus en recevoir qu'une moindre : les experiences fuivantes en fournilient la preuve. Une barre de fer pefant 59 livres, & ayant 10 pieds ^ de long, a toujours paru fenfi- blement plus eledrique qu'une autre du meme poids, dont la longueur ne palfoit pas quatre pieds-, mais lorfque M. l'abbe Nollet a voulu comparer a une barre de fer de trois pieds , l'aflemblage de plulieurs brins de fil de fer, dont chacun egaloit la longueur de la barre, & qui, pris enfem- ble, pefoient autant qu'elle •, quoique tous ces fils mis bout a bout eiif- fent une longueur bien pins grande que celle de !a barre, jamas il n'a pu 4£> A B R £ G £ DES MEMOI-RES I leur faire prendre un degre d'elecfricite comparable a celui dont die etoit p r fufceptible : la matiere ekdtrique acquiert probablement une plus graiide ; ' vitefle en pafiant par ce long aifemblage de tils de fer, qu'en p.ilfint par Annie *747. llnc barre plus courte , mais la grofi'eur du filet elcclrique eft trop petite, pour que cette quantity de matiere, recue a l'extremite, puilf? y produire des effets bien confiderables ; elle perd plus, en ce cas, fur la quantite, qu'e le ne gagnc fur la vitefle. La figure que Ton donne au corps qu'on veut electrifcr par commimi- cation, n'eft nulkment indiffcrente : en general, il paroit que les parties faillantes d'un corps font celles qu'aHe&cnt les emanations eledtriques pour s'y montrer, & pour y produire les effets les plus marques-, mais cette re- gie eft encore fujette a une modification , il ne faut pas que cette faillie foit trop longue & trop menue, on courroit rilque, en ce cas, de voir di- minuer les effets , au-lieu de les voir augmenter. Pour rendre raifon de de ce fait, il ne faut que fe rappellcr quelques principes dont nous avons deja parlj; plulieurs fois : les eruptions electriques ne font autre chofe que l'aiiemblage de plulieurs rayons de cette matiere , que le voihnage d'un corps determine i fortir en mcrae temps par un petit efpace ; plus done l'efpace fera petit, & le nombre des rayons grand, plus aufli l'eruption fcra-t-elle vive & puilfante : or une laillie qui fe trouve au corps elec- trique, eft un moyen fur pour ralfeir.jjler la matiere qui y coule, & qui n'en fort que le plus tard qu'il.eft pofTible, parae qu'elle s'y meut plus fa- cilement que dans Pair •, mais pour cela il ne taut pas que cette faillie foit- fi longue & fi mince, qu'elle ne puiffe cpn'tenir qu'tiii tres-petit coiirant de matiere, car pour lors elle n'en donneroit que tres-peu par, elle-mcme, &,elle eloigneroit trop le lieu de l'eruption du ;-voilmage des autres points de la barre qui en pourroiept four.iiir; par coniequent, en diminuant l'el- pace par oil doivent fortir les rayons, on diminueroit encore plus leur nombre, & la force de leur action demeureroit. affoiblie : c 'eft la proba- blement la raifon pour laquelle une barre terminee en pointe tres-alon- gee , produit ordinairenaent des effets bcaucoup moindres qu'une pareille barre dont l'extremite eft formee en pointe raouife; & la meme difference. doit avoir lieu a l'egard des corps non electriques qu'on prefente h ecu* qui le font, pour exciter leur action. Cette meme propriete donne aulli la raifon d'une experience que M. Jallabert avoir communjquee a M. l'abbe. Nollet. On met en equilibre fur un pivot , un morceau de bois termine, d'un cote par une boule, & de l'autre par une pointe tres-alongee , & on approch'e cette efpece d'aiguille, d'un horame, rendu eledrique,. qui dent en fa main un autre morceau de bois, a-peu-prcs pare.il : s'il prefente le gros bout de ce morceau de bois a la boule de l'aiguille, ordinairement elle eii eft repouflee •, la tete de ce morceau de bois & la boule doivent, en ce cas, etre regardees comme deux pommes d'arrofpir, dont les filets out une direction oppofee , & font en trop grand nombre pour fe' livrer. mutuellement paffage : mais li au contraire on prefente le bout pointu da morceau de bois a la meme boule, elle en eft prefque toujours attiree,. parceque les volumes etant trcs-ditErens, le petit jet de matiere eleclrjque, qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 41 qui fort df cette pointe , n'eft pas capable d'empccher que Jes deux — ^— — — corps ne loient portcs l'un vers I'uurre, par h maticre effluence qui vient _ du dehors , & qui poulTe celui des deux qui eft le phis mobile. h y s I q u s. Puifqu'on ne pent fe difpenfer de regarder l'eledxicite comme l'cfiet Annie tj*'r. d'un,' nuticre en mouvement, qui penetre les corps fur lefquels elle s'excr- ce , il etoit alkz naturel de penfer quelle ne pouvoit les penctrer, fans qu'on put la foupconner d'en entrainer avec elle quelques parties & de leur caufcr un veritable dechet. Pour s'en eclaircir , M. I'abbe Nollet » place dans des efpeces de cages de fer a plufieurs etages , fufpendues a des cordons de foie , uo grand nombre de corps de diiierentes elpeces,. des riuides, des folides, &c. & des quantites pareilles des memes corps ont etc miles leparement dans le mane lieu, mais hors des cages, pour fervir de termes de comparaiion. Les cages contenant tous les corps qu'on vouloit ileclriler , l'ont ete par le moyen d'une chai'ne qui leur communiquoit 1'eL'Clricite d'un globe qu'on frottoit pendant quatre ou" cinq heures fans interruption. ■ 11 a paru par un grand nombre d'experiences , que 1'evsporation des liqueurs etoit augmentee par Paction de l'cle&ricite, & qu'elle l'etoit d'au- tant plus que les liqueurs etoient plus fubtiles & plus evaporables. L'efprit volatil de lei ammoniac a foulfeit plus de dechet que l'efprit de vin , eclui-ci plus que l'eau commune, &c. La nature des vailleaux entre pour quelque chofe dans cet effet : il a paru un pen plus grand quand les vailleaux etoient d'une matiere plus fa4- ■cile a elecrrifer, comme le metal, que lorfqu'ils 'etoient de verre. Toutcs chofes d'ailleurs egales , l'tvaporation a etc plus grande quand le ,vafe a ete plus ouvert, lans que cependant elle ait luivi la raifon des' Oli- ver tu res. Si les yaiffeaux de verre ou de metal dans lefquels on tient les liqueurs, font fcellcs hermetiquement , ou il-ulemrnt exattement bonches , 1'electri- fation n'en fait palter aucune partie a travers leurs pores; & quelqu'odo- rantes que loient les inatieres qui lont contenues dans les vailieaux, il ne •s'en echappe pas la moiodre odeur fenfible, quand meme ces vaitfeaux feroient de verre, & qu'on les electriferoit par frottement. 11 ne paroit aucun changement fenlible dans les liqueurs electrifees pen- dant quatre ou cinq heures-, le lait meme ne s'aigrit & ne fe tourne pas; tout rcfte , autant qu'on en pent juger, dans le meme etat ou il etoit avant I'clectrifation. A Fegard des corps folides , il paroit qu'il n'y a que ceux qui contien- nent qu.lque humidite fufceptible d'evaporation , qui aient foufFert du dechet par 1'clectricite : les fruits, les plantes , &c. y ont perdu tine partie de leur poids •, mais le bois exactement fee, le metal, en un mot, tout ce qui ne paroillbit point conteair de fuc on d'humidite, n'en ont fouffert aucun ; & parmi ceux dont le poids a diminue & qui etoient de meme nature , il paroit que cette diminution s'eft trouvee a-peu-pres propor- tionnelle a leurs furfaces. Plutieurs phyficiens avoient penfe que laimant , cxpofe a l'elc(ftricite, Tome X Partie Francoife. F 4i abr£ge des memoires — — ™— » perdoit tine partie de fa force, d'autres au contraire foutenoient quelle s'y Physique. contervoit dans tout for> entier -, l'experience a decide en faveur des der- niers : deux aimans , l'un naturel & l'autre artificiel, ont ete expofes, pen- Annie 2747. dant prcs de dix heures, a une electricite affez forte, pour que les lames de fer dont etoit compofe l'aimant artificiel , lancaifent des aigrettes tres- vives & tres-lumineufes, & qu'on tirat, de l'un & de l'autre, des etin- celles tres -brillantes, fans qu'une audi longue electrifation les ait affoiblis ni l'un ni l'autre de la plus petite quantite fenlible : il eft done bien cer- tain que l'eledcricite ne nuit en aucune maniere a la vertu de l'aimant. II etoit affez naturel de penfer que la matiere eleclrique , capable d'al- lumer les matieres inflammables qu'on Iui prefente, feroit au moins monter de quelques parties la liqueur d'un thermometre qu'on y expoferoit ', il n'en eft cependant rien : deux thermometres attaches a la cage de tole, & eie&rifcs pendant pics de dix heures, ont conftamment marque le meme degre qu'un troifieme qui etoit dans le meme lieu, & qui n'avoit point hi elctftrife. La meme chole eft arrivee a un autre thermometre dont la boule flit expofee aux aigrettes lumineufes qui fortoient d'une barre eleCfriiee j la liqueur ne panit pas monter de la moindre quantite fenfible. On auroit pu croire de meme , que l'eledtricite qui , corame on l'a vu ci-deffus, accelere l'evaporation des fluides, accelereroit auffi de la meme maniere celle des parties de feu qu'ils contiennent -, qu'un vaiffeau plein- d'eau chaude , par exemple , qu'on expoferoit a l'eledtricite , perdroit plu- tot fa chalenr qu'un pareil vaiffeau plein de la meme eau , chauffee an meme degre^ , qui n'auroit point eprouve fon ac&ion •, cependant cet arran»- gement qui paroit It naturel, n'eft nullement celui de la nature. M. l'abbe Nollet a rempli de la meme eau deux vafes de verre abfolument pareilsv & leur a fait prendre dans le meme bain affez de chaleur, pour faire mon- ter jufqu'au quarantieme degre, deux thermometres qui y etoient plonges ; un des deux vafes a ete mis avec fon thermometre fur la cage de tole qu'on eledtrifoit , & l'autre lur une table voiline. La marche des deux thermometres, egale de part & d'autre, a fait voir evldemment que l'eaa des deux vaifleaux fe refroidiffoit egalement , & que par confequent le- le&ricrte ne pouvoit ol retarder ni accelerer ce refroidiffement. Cette obfervation eft bien capable de mettre en garde les phyficiens contre tout ce qui n'eft point revetu de l'autorite de l'experience : il y a fouvent bien loin de ce qui femble le plus naturel a ce qui exifte. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. +5 Physique SUR L' A U R O R E B O R E A L E. I AnrJc i~f~. t eft affez ordinaire aux bons ouvrages d'excitcr a la fois l'admiration Hift. 3c la critique. Tandis que les IMS fe haient d'en adopter les principes , d'autres travaillent de leur core a les combattre ; louvent meme ces der- nicrs contribuent plus que les premiers a la gloirc de l'auteur & a la per- ■ fection de Con ouvrage. Des ebjeiftions fortes & mifes dans tout leur jour par une main habile, exigent des reponfes & des eclaircilfemens qui tour- nent au profit du public. Tel a ete le fort du traite que M. de Mairan publia en 1735, ^ur l'atirore boreale, & qui fut imprime fous le titre de Suite des Memoires de 173 1. L'academie a rendu compte au public de cet ouvrage dans fon hiftoire de 1751. (a) L'enumeration de tous les ha- biles phyficiens qui ont adopte cette hypothefe, fcroit trop longue, pour que nous puffions l'entreprendre : nous nous bornerons iei a une lifte beaucoup plus courte, aux noms de ceux qui fe font cm alTez de force pour la combattre. La premiere attaque a ettS fiite par le P. Serantoni , religieux Auguttin , & profelfeur a Lucques : mais M. de Mairan, occupc pour Iors aux fondHons du fecretariat, trouva fon fyfteme affc-z a convert par les differtations du P. Bolcovich , jefuite , airjourd'hui correfpondant de l'academie , & par les favantes notes que ce meme pere avoit jijoiitees au pocme latin, que le P. Noceti, de la meme compagnie, avoit compofe fur cette matiere , & ne crut pas devoir interrompre fes occupations pour entreprendre une reponfe en forme aux objections du P. Serantoni. Un nouvel adverlaire s'eft eleve. M. Elder, dont le norn & les talens font connus de tout le monde mathimatieien, a public dans le fecond volume de l'academie de Berlin, des recherches phyfiques fur la caufe des queues des cometes , de la lumiere boriale & de la lumlere \odiacale , dans lefquelles il attaque formellement , 8c dans toutes fes parties , le fyfteme de M. de Mairan. Les reponles a fes objections forment la principale par- tie de l'ecrit de ce dernier', mais en eclairciiTant les endroits de fon traite «ui ont pu paroitre k M. Euler equivoques & fufceptibles d'etre attaques, il eft entraine neceffairement a repondre aux difficuftes qui lui ont etc fai- tes par d'autres auteurs : il n'a fallu pour cela qo'approfondir cette ma- • tiere; la vcrite n'a pas befoin d'etre defendue chez les veritables philofo- phes, il lui fuffit d'etre expliquee. II eft rare qu'un phvlicien fe determine a attaquer un fyfteme precife- ment pour l'attaquer, e'eft prefque toujours dans la vue d'en introduire un autre en fa place. Cclui qife M. Euler propofe d'etablir fur les mines de l'hypothefe de M. Mairan , doit done e'tre fcrupuleufement examine ; & pour mieux faire voir en quoi les deux fyftemes font d'accord & en quoi ils different, nous allons tacher de donner cu pcu de mots une idee de l'un & de l'autre. CO Voyez Hift. 173;, CoIIeiSion Acadtinique, Partie Frinc. Tome VII. p. 1-. Fij 44 A B R E G E DES MEMOIRES " ' — — ■ L'aurore boreale a, felon M. de Mairan, pour veritable caufe la lu- Physique m*ere z°diacale , cette efpece de trainee "lumTneiife qu'on obferve quel- quefois devant Je lever on apres le cnncher du ioleil en forme de lance Annc'e 1"J47- ou de pyramlde, etendue fuivant Li direction du zodiaque, ce qui Iui a. fait donner le uom de lurniere \odiacalc par feu M. Caffini, qui l'a de- couverte & decrite. Cette lurniere zodiacale n'eft autre chole que I'amiofphcre folaire , e'eft adire, un araas de matiere rare & tenue , lumineufc par elle-meme, ou feulement eclairee des rayons du foleil quelle environne , non pas egalemcnt par-tout, mais en plus grande abondance & plus etendue vers 1'equateur de la revolution de cet aftre, autour duquel elle forme line efpece de fpero'ide extremement aplati , ou plutot un gateau lenticulaire dont le tranchant concotirt avec le plan de 1'equateur du Ioleil. Les obfervations prouvent que cette atmofphere folaire atteint quel- quefois jufqu'a l'orbite de !a terre , & raerae plus loiu. C'eft dans les cir- oonftances oil elle eft la plus etendue, que la terre pent s'y trouver plon- gee ; alors line partie de cette matiere lumineufe , lollicitee par la pefan- tcur, tombe dans l'atmofphere de la terre, & s'y enfonce plus ou moins, fuivant quelle eft plus ou moins pefante-, chaque molecule defcend juf- qu'a la couche d'air avec laquelle elle fe trouve en equilibre. Mais comme la terre a un mouvement de rotation fur fon axe , mou- vement dont la rapidite decroit depuis I'equateur , dont chaque point dem- erit un terete de ycoo lieues en vingt-quatre heures, jufqirau pole, dont la revolution ell nulle ou in finknent petite; il n'eft pas etonnant que la matiere lumineufe foit repoutfee de 1'equateur vers les poles , oil elle for- mera les arcs lumineux" que nous nommons aurorcs hor tales. M. Euler admet , comme M. de Mairan , l'atmofphore folaire •, mais il y fait entrer l'impullion des rayons du foleil fur les particules qui la co'rn- pofent, & il penle qii'au-lieu d'etre continue depuis le foleil jufqu'a fou extrimite , elle pourroit au contraire etre interrompue, & former autour de cet aftre un anneau a-peu-pres femblable \ celui de Saturne ; il ne penfe point que les particules de cette matiere, dont la terre fe pour- roit charger, foient la caufe de l'aurore bordale : cc phenomene n'eft pro- du it, felon lui, que par les parties les plus fubtiles de l'air, ou des exha.- , laifons terreftres , chaffees par les rayons du foleil a la diftance oil on ob- ferve l'aurore boreale •, le phenomene ne tient en rien a la hauteur de l'at- mofphere terreftre, que M. Euler ne croit pas exceder un mille d'Alle- magne, au-licu que M. de Mairan le place dans la partie fupericure de cette mime atmofphere, a laquelle il donne plus de 100 lieues. La queue des comctes eft, felon M. Euler, audi independante de l'at- mofphere folaire, que l'aurore boreale; elle n'eft pioduite que par l'im- pullion des rayons folaires , non fur une matiere ttr.ngere dont ellcs fe ieroient chargees en traverfant l'atmofphere folaire, mais fur une atmof- phere particuiiere qiul leur croit propre. La difference qui fe trouve entre les deux fyftemes , confide done , i°. dans la figure, l'etendue, la generation & la continuite de I'atmof- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 45 Fhere folake : 2°. en cc que M. Eiilet expliqae la queue des co meres , t— ■— ^i aurore borealc & la Iumterc zadiacale, par les atmofpheres propres des„ cometes, de la tcrrc & du foleil, animees par l'impuhion des rayons fo- h y s 1 q u e. laires; au lieu que M. de Mairan n'y emploie que I'armofphere folaire, Annie i"ai. fans y faire entrei L'impulfion de fes rayons, (i ce n'eft pour expliquer la direction de la queue des cometes : nous alldns examiner feparement tons ces articles. L'etendue de l'atmofphcrc folaire a etc conclue, par M. de Mairan', des obfervations reiterees de feu M. Caffini , fur la longueur de la lumicre zodiacale, a peu-pres comme on conclut la diftancc des planetes infirieu- res an foleil , de leurs elongations obfervees; e'eft par cette methode qu'il a trouve que la lumicre zodiacale, ou 1'atmofphere folaire , s'etendoit quel- quefois juiqu'a I'orbite terreftre, & meme au-dela : comme fi plus grande epaiifcur eft vers les poles du foleil , & que l'eclat de cet aftre empeche de l'obferver, il n'a pas paru polfible d'en rien dire de politif; d'ailieurs, l'etendue en longueur eft la leule dimeniion interelfante pour le point dont il s'agit, & le plus ou le moins d'epailfeur de cette atmofphere eft entie- rement etranger aux phenomenes de 1'aurore boreale. Cette evaluation eft faite, comme on pent ailement le voir, fur le plus bas pied; car puilque la partie vilible & obfervable eft neceifairement etendue juliju'a I'or- bite terrcftrc , il eft plus que vraifemblable qu'il y a encore au-dela une grande quantite de la meme matiere , dont les parties font trop fepa- rees, & peut etre trop petitcs, pour etre appercues malgre la clarte d.i crepufcule. M. Euler fait engendrer, comme M. de Mairan, 1'atmofphere folaire par la rotation du foleil fur fon axe , il lui donne auffi la forme d'un, fphero'ide extremement applati, on d'une lentille ; mais il joint a la rota- tion du foleil uive autre caufe d'expanlion , l'impuliion des rayons de cet aftre fur les particules qui compofent cette atmofphere ; il ne determine point Ion etendue par les obfervations , il pretend au contraire la tirer d'un calcul dont les clemens font la vitefte counue de la rotation du foleil, la pefanteur dune particule , de fon atmofphere , la force des rayons pour ccarter cette meme particule, & enfin la force centrifuge qu'elle a elle- meme en vertu de la rotation. M. de Mairan convient, avec M. Euler , que le diametre du foleil, fa revolution fur fon axe , & la force centrifuge qui en doit refulter pour chaque particule de fon atmofphere, font des quantites vraiment counties; mais par ou peut-on regarder comme relies, la confiftance & la pefanteur des particules de cette atmolphere? Comment determiner la force impul- iive par laquelle les rayons agilfent fur elles ? Suffit-il de favoir quelle eft la viteffe de la lumiere , pour juger de 1'erfet que fon impulhon peut pro- duire ? Ne faudroit-il pas connoitre la malTe des corpuicules lumineux, qui, multipliee par cette vitelic, doit donner la force de leur impulsion 2 Toutes quantites plus indeterminees , plus inconnues que la veritable itr- connue de l'equation , qui eft l'etendue de 1'atmofphere folaire , puilqu'ou peut au moius determiner celle-ci par obfervation , & qu'aucutie de celles 45 ABRHGE DCS ME MOIRES ,dont nous venous de parler & que M. Euler fait entrer dans Ton calcul, , n'a pu jufqu'a prefent letre par aucun moyen connu. II eft done bien cer- 1 f' V 'tairi qu'un calcul, dont les elemens font fi vagues & fi incertains, ne peut Annce li^J. rien donner de precis, & qu'il eft infiniirient plus fage de s'en tenir aux reftlltats des obfervations, comme l'a fait M. de Mairan. La feconde confequence que M. Euler tire de fon calcul , favoir , qu'il pourroit arriver que l'atmofphere folaire fe changeat en anneau, & envi- ronnat le foleil , comme l'anneau de Saturne environne fa planete, n'eft pas plus legitime. II croit que les obfervations ne permettent pas de deci-. der li la lumiere zodiacale eft contiguc au foleil , ou li elle eft placie h quelque diftance de cet aftre , en forme d'anneau. Cet article ne renfermeroit , a proprement parler , aucune objection contre riiypothefe de M. de Mairan •, quand bien meme 1'atmofphere fo- laire feroit abfolument feparee de cet aftre, i'orbite terreftre ne la traver- feroit pas moins, & la lumiere zodiacale n'en auroit pas moins la figure & la polition qu'on lui obferve : mais il eft aife de faire voir, d'une part, que ces obfervations que M. Euler croit impoffibles , exiftent , qu'elles tendent a prouver que l'atmofphere folaire eft abfolument contigue a cet aftre, quelle ne l'environne point en forme d'anneau; & d'un autre cote, que les elemens qu'emploie M. Euler dans fon calcul , ne concourent point a donner a l'atmofphere folaire cette finguliere forme. Comme nous voyons toujours la lumiere zodiacale par fon tranchant, il eft bien certain que quand bien meme elle laifferoit un efpace confide- rable vuide entre elle & le foleil, elle ne paroitroit pas fous une forme differente de celle fous laquelle on la voit , & que cette obfervation ne peut conclure ni pour ni contre fa contiguite au foleil : on obferve cepen- dant que depuis la pointe jufqu'a l'endroit oil elle eft cachee par l'hori- zon , elle va toujours en s'eclairciffant •, en forte que li elle pouvoit fe inontrer avec le foleil , on la verroit augmenter de clartc & de dendte jufqu'a la furface de cet aftre. Cette circonftance , qui paroit d'abord impoffible, ne left ntillement, ce cas arrive dans routes les eclipfes totales de foleil ; e'eft cette frange fo- laire que Kepler a remarquee, que les anciens ont fotivent prife pour une partie du difque de cet aftre , & qu'on a clairement diftinguee dans toutes les eclipfes totales arrivees de nos jours. Quoique Teclat de cette partie de l'atmofphere folaire , fi voifine du fo- leil , doive faire difparoitre les parties les plus eloignees , on y en apper- c_oit cependant des traces; ce limbe lumineux n'eft pas exadtement circu- l.iire , on le voit ordinairement plus etendu dans la direction de l'equateur folaire : cette apparence a ete remarquee a Paris, dans l'ecliple de 1714, par M. Godhv, dans celle de 1715 , obfervee a Upfal , par M. Valerius-, & en 1753, dans celle qui fill obfervee en Scandinavie , par Mrs. Tibur- tius & Chenon. Toils ces aftronomes font autant de temoins oculaires de la contiguite de l'atmofphere folaire avec le foleil. Quand bien meme toutes les obfervations que nous venons de citer, n'exifteroient point, ou que M. de Mairan n'en voudroit faire aucun ufa- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 47 fc, il pourroit toujours tircr des principes avoues de tons lcs phyltciens, —■—■—— impombilite de cet anneau pretendu. L'atmofphere folaire peut etre conlidere dans quatre cas difRrens. H Y s ' " L' *" i°. Dans celui oil fcs parties feroient animees de la feule force de la Annti 174''. pefanteur vers le centre du foleil. 1°. Sous la forme qu'elle prendroit par la feule rotation autour de 1'axe du foleil , & par la force centrifuge qui en refulte entant qu'oppofee a la pefanteur. 3°. Dans le cas oil on laifleroit agir.avec la pefanteur, la feule impul- fion des rayons du foleil. 4°. Enfin dans celui oil ces trois caufes agiroient enfemble fur elle. On voit, avec la moindre attention, que dans le premier cas, la ivu- tiere de l'atmofphere folaire feroit fpheriquement & concentriquemrnt aflemblee autour du corps de cet afire-, avec cette difference, que fes par- ties lcs plus pefantes feroient plus proches de la liirface du foleil , & que les plus rares & les plus legeres en feroient plus eloignees. Dans le fecond, la rotation autour de l'axe agirTant fuivant tine direc- tion parallele a leqnateur, & avec line force qui va toujours en decroif- fant depuis l'equateur jufqu'au pole , la matiere de l'atmofphere ceflera d'etre concentrique au foleil ; & comme la force centrifuge eft plus grande vers l'equateur que par-tout ailleurs , ce fera auffi la que le fpheroide s'e- tendra davantage , tandis qu'il ne s'elevera qu2 pen ou point vers les. po- les. Ccs effets feront d'autant plus fenhbles , que la force centrifuge icra plus grande, en forte que ii elle venoit a furpalfer la pefanteur, elle diflj- peroit abfolument le fluide. On pourroit peut-etre s'imaginer que la force centrifuge devenue fuperieure a la pefanteur de quelques-unes des parties de l'atmofphere folaire , les enleveroit au-delfus des autres, en forte que le fluide fe tiendroit , a cette diftance, fufpendu en forme d'anneau ; mais dans cette fuppofition meme, l'anneau luppofe feroit encore impoffible. La force centrifuge croit en raifon directe des diftances & l'axe, tandis que la pefanteur decroit en raifon renverfee du quarri de ces memes dis- tances; done la force centrifuge ne peut, un feul inftant, etre egale a la pefanteur , que dans l'inftant fuivant elle n'en foit victorieufe ; les corpuf- cules ne fe tiendroient done pas fufpendus en forme d'anneau, mais fe- roient diffipes & emportes bien au-dela des limites de l'atmofphere. Lorfque nous venons de parler de la pefanteur, nous avons examine" ea meme temps l'effet de rirapulfion des rayons folaires : leur force agit fui- vant la meme loi & la meme direction que celle de la pefanteur, mais feulement en fens contraire-, il n'en doit done jamais refulter qu'une pe- fanteur moindre, Ii l'impullion a moins de force, nulle, Ii elle lui eft egale, ou enfin une vraie legerete J ainfi elle ne devroit entrer pour ricn dans cet examen. Cependant, pour ne laifferaucun lieu au doute , nous allons exa- miner, fon effet pour la formation de r.inneau dans tons ces cas. Si 1'impulJien des rayons folaires eft moins forte que la pefanteur, elle ne fera que la diminuer, le fpheroide en deviendra dlus etendu, mais fans detruire (a contiguite avec le foleil. +S OH't&i D E S M £ M O I R E S ?5^^!!5!!^^S Si l'impulfion devient plus forte que la pefanteur , alors tontes Ies par- p . ticules, bien loin d'aller vers le foleil, s'en ecarteront par des rayons, & * il a'y aura plus ni atmofphere , ni anneau. Anne's IJ47. Que fi au contraire l'impuliion des rayons eft parfaitement egale a la pe- fanteur, alors toutes les molecules de l'atmofphere leront indirrerentes a toutes Ies places, & n'en aft'e&eront aucune : (i cependant on la fuppoioit pertee, en cet etat, a une certaine diftance du foleil, il en refulteroit une iphere creufe , & non un anneau. Mais il eft inutile de difcurer une hypo- thefe qui vraifcmblablement n'exifte point , l'equilibre de la nature ne tend jamais a l'inadtion, il eft l'effet du conflict de deux forces, qui ne font egales que dans un point, en deca oil au-dela duquel 1'une ou l'autre l'eni- porteroit fur celle qui lui eft oppofee. Si nous raflemblons maintenant toutes ces caufes pour les faire agir con- jointement, il en rcfultera toujours une pefanteur moindre, nulle ou ne- gative , combinee avec le mouvement de rotation & la force centrifuge qui en nait •, & nous venons de voir qu'aucun de ces cas ne peut donner a I'atmofphere folaire la forme d'un anneau tel que M. Euler le foupcon- noit, qu'au contraire la theorie concourt avec l'obfervation , pour aliurer la continuite de l'atmofphere folaire. Refte done a examiner l'analyfe de M. Euler, & la courbe generatrice quelle donne de I'atmofphere folaire, pour y demiler, s'il eft poffible, ce qui a pn donner lieu a la fuppofiiion de 1'atmolphere difpofee en anneau « & laquelle nous venons de trouver les obfervations& les principes phyh- 'e foy?r ayant ete raccourci jufqu'a !a diftance de 20 pieds, avec 11 glaces on a enflamme des matieres ailement combuftibles-, avec 11, on a mis le feu a une planche de hetre qui avoit dqa ete brulee en par- tie j avec 45 , on a fondu un flacon d'etain qui pefoit 6 livres-, avec 1 17, on a fondu des morceaux d'argent minces, & rougi une plaque de tole, & il y a lieu de croire que li on employoit toutes les glaces du miroir, on fondroit les metaux a 50 pieds audi aifement qua 20; & conime le foyer du miroir eft a cette diltance de 6 a 7 pouces , on pourra faire pir (on moyen, des epreuves en grand fur les metaux, ce qu'il n'etoit pas pof- fible de faire avec les miroirs ordinaircs, dont le foyer eft cent fois plus petit. ' Les experiences que nous venons de rapporter out ete faites par un fo- leil de printemps & tres-foible : fi done on a pu dans cette circonftance briiler a 15c pieds, il y a tout lieu de croire que par un foleil d'ete bien net, on biuleroit i 200 pieds, & qu'avec trois miroirs ftmblables, on porteroit le feu a 400 pieds, & peut-etre plus loin. i II ne faut cependant pas s'imaginer qu'on puiffe bruler par ce moyen J telle diflance qu'on le voudra, tout a des bornes dans la nature , pour bru- ler feulement a une demi lieue, il faudroit un miroir deux mille fois plus grand que celui qu'on a employe : on fent affez qu'il fcroit ridicule den entreprendre 1'execution-, audi M. de Buflon croit-il qu'on ne pourra gnere porter le foyer d'un miroir de cette efpece au-dela de 8 a poo pieds tout au plus. Cette decouverte procure plulieurs avantages a la phyfique & atix arts : independamment de l'avantage qu'ont les nouveaux miroirs, de briiler en bas, au-lieu que les miroirs ordinaires portent toujours la pointe du cone briilant en hatit, ce qui rend l'operation de foutenir les matieres qu'on veut'y expofer, trcs-difEcile , ils cut encore celui de donner tel degre de chaleur qu'on voudra •, li on recoit fur un miroir concave d'un pied quarre de furface, la reflexion de 154 glaces du nouveau miroir, la cha- leur de fon foyer fera douze fois plus grande que celle qu'il produiroit naturellcment-, on fent affez combien cet enorme degre de feu, julqu'a prefent inconnu, doit procurer d'avantages dans de certaines occasions. En faifant tomber les images l'une aprcs l'autre fur un thermometre, ou fur une machine de dilatation, Ton aura le rapport des expansions de la liqueur, 011 de l'alongement de la verge, avec des quantites egales de III- miere fucceffivement ajoutees, & on connoitra les matieres dont les effets approchent le plus d'etre proportionnels a ces quantites , & qui par con- fequent doivent etre employees par preference a la mefure des augmenta- tions de chaleur. Enfin, on faura par ce moyen, au jufre & avec precifion , combien de fois il faut la chaleur du foleil pour bruler, fondre ou calciner certaines matieres, ce que Ton n'avoit pu eftimer jufqu'ici que d'une maniere tres- DE LACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. (,i vague, & on poiirra connoitre exadlenient le rapport de nos feux avcc cc- ■ i mmiwi lui du foleil. p Cc que M. de Buffon a execute en grand , pour brulcr avcc force a " Y s "' L " line grande diftance, fe pent executer en petit; on peut, avec de medio- Aiinc'e ij-n. cres morccaux de glace etamce, faire de petits miroirs qui briileront avcc force a une petite diftance, on peut rendre leurs foyers variables, & ll on vent n'avoir befoin que d'un feul mouvemeiit pour en ajuiter le foyer, on n'aura qu'a les faire porter par une monture a-peu-pres femblable aux paralols : if eft vrai que M. de Buffon croit avoir trouve quelque chofe de plus limple & de plus commode pour la conftruction de ces miroirs-, mais il referve pour un autre memoire cet article , ainli que plufieurs ideei qu'il a fur les verres qui brulcnt par refraction. Lorfque M. de Bufton entreprit de travailler a ces miroirs, il igndroit le detail, qui lui a ete depuis communique, par M. Melot , de l'acadernie royalc des oelles lettres , & fun des gardes de la bibliotheque du roi , de ce que les anciens avoient ecrit lur ceux dont Archimede s'etoit fervi : les deux auteurs qui en out parle le plus clairement, font Zonaras & Tzetzi qui vivoient tons deux dans le dotizieme liecle ; le paffage du premier n'etoit pas fort propre a eclairer fur la conftruction des miroirs d'Archi- niede; il affure ieulement le fait, & le meme autetir dit dans tin autre en- droit , que foils 1'empire d'Analtafe , l'an 514 de Jefus-Chrifi , Proclus brula , avec des miroirs d'airain , la flotte de Vitalien qui afficgeoit Cons- tantinople , & il ajoute que cette invention etoit ancienne , & que Dion donnoit l'lionneur de cette decouverte a Archimede , qui s'en etoit fervi contre Its Romains au liege de Syracufe. Tzetzes entre dans un plus grand detail, & la defcription qu'il donne du miroir dont s'etoit fervi Archimede , fait voir que les reflexions de M. de Buffon l'avoient mis precifement dans la meme route que ce ccle- bre mathematicien : cet inftrument etoit, felon lui , compofe d'un miroir hexagone, qui apparemment en occupoit le milieu, & qui etoit entoure d'autres plus petits , de i\ cotes chacun , qu'on pouvoit mouvoir a l'aide de leurs chaniieres & de certaines lames de metal ; ce miroir fut expofe au (okil, de facon que les rayons de cet aftre qu'il recevoit, venant a fe brifcr, allumerent un grand feu , qui reduilit en cendres les vaiffeaux des Romains , quoiqu'ils fulfent eloignes de la portee d'un trait : on fait que Ja portee du trait n'etoit guere que de 150 ou 200 pieds ; & le paff.ige de Tzetzes dorrne l'idee d'un miroir ardent, compole de miroirs plans, mobile lur des charnieres & avec des refforts ; peut-on , a ce portrait, meconnoitre le miroir de M. de Buffon , & peut-on ne pas voir qu'il a produit au moins les memes effets que celui d'Archimcde 5 Entre les modernes, Kirker a ecrit qu'Archimede avoir pu bruler , a line grande diftance , avec des miroirs plans , 1' experience lui ayant appris qu'en reuniffant de cette facon les images du foleil , on produiloit une cnaleur confiderable au point oil on les raffembloit. Mais celui de -tons les modferhes qui parott avoir et<5 le plus pres dc cette decouverte , eft feu M. du Fay ; cet academician dit dans un rue- 6i ABRfiGE DES MEMO IRES in moire, imprime en 1726, (a) que l'image du foleil, renvoyee a plus de 600 pieds, par un miroir plan, & recue fur un miroir concave, de 17 pou- J h y s 1 Q u e. cm je {jjametre) brillbit encore des matieres conibufiibles au foyer de Annit ? 747. ce dernier ; il ajpute que qdelques autenrs ont propofe de former un mi- roir d'un tres-long foyer, avec un grand nombrc de petits miroirs plans, que plulieurs perfonnes tiendroient a la main, & dirigeroient de facon que les images du foleil qu'ils renverroient , concouruffent au meme point , & que ce feroit peut-etre la facon de reuffir, la plus filre & la moins difficile a executer : aprcs ce qu il avoit fait , quelques reflexions & un calcul facile auroient pu le condtiire a la decouverte des miroirs d'Ar- chimede, qu'il traite cependant de fable an peu plus haur, il n'avoit plus qu'un pas a faire, & il ne l'a pas fait : fouvent nous cherchons avec bien des foins & de la peine, des verites & des decouvertes qui nous echap- pent, pendant que nous en manquons d'autres que nous avions, pour ainfi dire, dans les mains, fans nous en appercevoir. SUR UNE MANIERE D'employerles Miroirs ardens aux monies ufages , & aujji commcdiment que les verres convexes qui brulait par rifraclion. Hift. V-Jn fait depuis long-temps que les miroirs de miftal concaves iftant expofes au foleil, raffemblcnt a leur foyer les rayons de cet aflre en affez grande quantite, pour fondre en peu de temps tous les metaux qu'on y expofe; mais la lituation a-peu-prcs perpendiculaive aux rayons du foleil, qu'on eft oblige de leur donner, fait qu'ils portent neceffairement leur foyer en haut , & qu'il eft neceffaire que le metal foit comme fufpendu a ce foyer qui l'attaque p'ar-delTous , ce qui ne permet pas de le tenir long- temps en fufion , parce que ne pouvant etre contenu dans quelque vafe , il tombe a terre dans le moment qu'il fe fond. Cette difficulte avoit engage a employer par preference dans les expe- riences chymiques, de tres- grands verres convexes, qui brulent par refrac- tion , & dont le foyer tombe de haut en bas fur ces metaux , ce qui donne le moyen de les tenir en fufion auffi long-temps qu'on le juge a propos dans les vaiffeaux oil ils font contenus. Mais ces verres ardens lont extremc-ment rares , & d'un prix extraordinaire , par la difficult^ de les avoir parfaits*, tant du cote de la matiere , que de celui du travail ; c'effc ce qui a engage M. Calfiui a chercher le moyen d'employer aux memes ufages les miroirs ardens concaves , en leur confervant la meme adivite , oil en lenr en donnant meme line plus grande. Le moyen le plus limple qui fe prefente pour operer ce renverfement du foyer , eft de recevoir fur un miroir plan les rayons reflechis par lc («) Voyez Mt'm. 1726. CotiecY Acad. Part. Franfoife. Tom. VI. DF L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, miroir ardent, quelques ponces en deca de Ieur reunion; alors la pointc — ■ — — — ■ an cone que forment ces rayons, fe trouvera tournje en b.is entre k- • ,, deux miroirs , & on pourra fe fervir de ce foyer audi coinniodcment que I: ' celui d'un verre qui bruleroit par refraction. Annie i~/~ L'inconvenient de cette methode li limplc, eft que ce foyer n'aura pas la rqeme force qu'auroit eu le foyer du grand miroir (ans cette fecor.de reflexion, noii-feulement a caufe des rayons quelle abiorbc nccefiairement, mais encore parce que le petit miroir intercepte line partie des rayons qui viennent au grand, & precifement la partie la plus eiitntielle, e'eft- a-dire, les rayons les plus voitins de l'axe, qui font ceux qui fe rcuniffent le plus exactement •, li le grand miroir a 5 pieds de diametre, & le pe- tit 6 ponces, il y aura la trente lixieme partie du grand miroir qui lera privee des rayons du foleil , & qui demeurera fans action. C'eft done a cet inconvenient qu'il s'agit de remedier , en augmentaut, s'il eft poffible , la force du foyer plus que l'interpoiition du petit miroir ne la diminue, & M. Caffini propofe pour cela plulieurs moyens. Le premier eft de fubftituer au miroir plan un petit miroir fpherique : tous les mathematiciens favent que le foyer d'un miroir fph-irique n'eft pas un point, c'eft line efpece de tuyau lumineux qui a line certaine lon- gueur, Si qui eft d'autant plus long, que le miroir eft d'un plus grand foyer; recevant les rayons par un fecond miroir fpherique d'un foyer plus court, on reunit ces rayons dans tin plus petit efpace, & on peut par ce moyen augmenter quatre fois le degre de chaltur qu'ils peuvent donner, ce qui peut compenler avec avantage la perte que le petit miroir occationne. Un fecond moyen feroit de faire le grand miroir de figure paraboii- que-, alors fon foyer feroit reellement un point, & le miroir plan feroit lurhfant pour le rabattre & porter en bas •, mais on auroit encore un plus grand avantage en fe fervant d'un petit miroir, dont la figure flit hyper- bolique , & telle que le foyer de l'hyperbole oppofee flit le msme que celui du grand miroir parabolique; mais la conftru&ion de ce grand mi- roir deviendroit tres-difricile, & peut-etre impraticable •, & M. Caflini a cherche. le moyen de fe fervir d'un miroir fpherique , en lui confervant les memes avantages qu'au parabolique. Dans cette vue il propofe d'employer pour la courbure du petit mi- roir, non une feule hyperbole, mais un affemblage de plulieurs zones hyperbo!iques,ayanttoutes 1111 foyer commun, & telle* que tous les rayons paralleles a l'axe commun an petit & au grand miroir, qui s'y reflechiront, iront fe reunir fort pres de ce foyer commun ; on evitera par ce moyen la depenfe & l'embarras que de grands miroirs parab.Micjues occafion'ne- roient nsceffairement , & il ne s'agira que de travailler les petits miroirs Juivant la courbure que nous venons de decrire, ce qui ne doit pas etre fort difficile. r La courbure que M. CaQini propofe de donner aux petits miroirs, eft encore avantageufe en un autre point : tous les rayons qui nous viennent du foleil ne font point paralleles , ils font cntr'cux , comme nous l'avons du en parlant du reemoire de H. de Bufion , des angles djfferens , dont t. 64. ABREGfi DES MtMOIRES le plus grand eft egal au diametre apparent du folcil , & par confequent au- lieu de fuppofer le foyer d'un miroir compoie des rayons reams , il ^ v E" faut le concevoir comme forme d'autant de cones lumineux qu'il y a de Annt!e 1747. P°'nts rcflechiilans fur le miroir; la pointe de ces cones eft a la lurface du miroir, & lenrs bafes le confondent au foyer, qui par ce moyen ac- quiert line largeur conliderable , & perd de fa force dans la meme pro^ portion : d'ailleurs, dans le cas d'un miroir fpherique, toutes ces bafes ne fe ralfemblent pas dans le meme efpace , nouvelle diminution de force pour le foyer ; on voit aifement que celle qui nait de la divergence des rayons, caufee par la largeur du diametre du foleil , ne peut etre corrigee par aucun moyen •, mais celle qui n'a pour caufe que le deplacement des bafes que le miroir Ipherique ne fait pas coincider exattement , eft abfo- lument corrigee par la forme que M. Callini donne a fon petit miroir tous Ies cones porteront au foyer de ce dernier leurs bafes dans le meme efpace , & ce foyer fera le plus exact qu'il foit poffible. Une autre objection qu'on pourroit faire contre la methode de M. Caf- fini , feroit que le vale qui contient les matieres en fulion , devant etre place entre les deux miroirs , il interceptera neceffairement plufieurs des rayons de lumiere qui vont du grand au petit, & diininuera d'autant la force du foyer de ce dernier ; mais cette objection s'evanouira d'elle-meme li on f.iit attention que ce vafe fe trouve place preciiiment dans l'efpace que le petit miroir couvre & prive de rayons, il ne nuira done en aucune maniere; on peut placer au foyer dun miroir de trois pieds de diametre, reflechi fuivant cette methode , un creufet de 1 3 lignes de large , fans intercepter le moindre rayon : on pourra done deformais tres-facilement multiplier les inftrumens capables d'appliquer le feu du foleil aux opera- tions chymiques , les miroirs de metal n'etant ni li rares, ni li chers , ni (I difticiles a travailler que les vers ardens qui pourroient produire les rae- mes effets. II y a lieu d'efperer que la phylique & la chymie en tireront de nouveaux avantages : en facilitant les moyens d'obferver, il eft pref- qu'impoffible qu'il n'arrive que les obfervations devenues plus frequentes, ne conduifent aufli plus frequemment a de nouvelles decouvertes. SUR LA COMPARAISON Tie Vejfet des Miroirs plans & des Miroirs Jph&iques. Hift. 1 ^ ous avons explique, en parlant du miroir invente par M. de BivfTon, la theorie de la reflexion du loleil par des miroirs plans, & nous avans dit qu'a des diftances conhderables, 1'efTet du foyer d'un miroir concave", pouvoit n'etre qu'un pen plus grand que celui de l'image du foleil refle- chie par un miroir plan de meme diametre. C'cft en iuivant cette theorie que M. le marquis de Courtivron entrcprend de comparer exactement, & par un caleul rigoureux, l'efTet d'un miroir ardent compofe de miroirs plans, DE L'ACADtfMIE ROYALE DES SCIENCES. r,5 plans, & celui d'un miroir qui feroit parfaitement fph^rique, c'eft- a-dire , ■— — »» — de trouver la quantity dc lumiere que chaquc miroir plan renvoic fur la p mime etendue qu'occuperoit lc foyer du miroir fpheriquc porte a la mane " v s i q v E. dillance. ^ slnn/e ijjj. Pour fe former une idee de la maniere dont il execute fon deflein, qu'on s'imagine un plan perpcndiculaire an rayon qui part du centre du ioleil, & dans lequel on ait fait une ouvcrture circulaire; il efl evident que (1 de tous Ies points du bord du foleil on imagine des rayons qui viennent rafer les bords de l'ouverture circulaire, on aura un cone Iiimi- neux qui comprendra l'elpace eclaire par tout Ie difque du foleil : rn quelqu'endroit dc cc cone que l'ccil loit place, il appercevra toujours par l'ouverture le dilque entier; mais pour pcu qu'il en forte, les bords de l'ouverture lui en cachcront une partie , le cerele qui la termine fera on excentiique ou incgal a celui qui borne le dilque du foleil , & 1'ocil ne fera eclaire dans ce point , que de la partie commune aux deux cercles ; fiartie qui deviendra d'autant moindre, qu'on s'eloignera plus du cone de umiere, & qui pent devenir abfolument nulle, (i l'ceil s'ecarte fufEfam- ruent de l'axe du cone, car pour lors il n'appercevra plus aucune lumiere. Pour peu qu'on veuille reflechir fur ce que nous venons de dire, on verra ailement que comme il y a a chaque diftance du cone lumineux dont nous avons parle , une couronne de points qui en lont egalement eloignes, il y a aulli un elpace circulaire, qui ne recoit que la meme in- tenlite de lumiere, & que ces couronnes fe fuccedant les unes aux autres, formeront, h on coupe ce cone par un plan, une bande circulaire inega- lcment lumineufe qui environnera l'image claire, formee par la lection du cone , & qui lera la penombre caufee par le diametre du foleil. Si prelentement on concoit l'ouverture circulaire fermee par un miroir plan de meme figure & de meme grandeur, les memes phenomenes dont nous venons de parler, fe retrouveront encore; la feule difference fera que le cone lumineux & la penombre qui 1'accompagnoit, ne fc trouveront plus au-dela du plan, mais au contraire en deca •, la pointe du cone refle- chi par le miroir, (era tournee vers le foleil, mais il n'en fera pas moins entourc de fa penombre, & donnera fur le plan par lequel il lera coupe, les memes apparences que le cone direct : il n'y aura don; rien a changer a route la theorie que nous venons d'expliquer, & pour avoir la quantite de lumiere renvoyee fur un plan , il fera toujours qucftion de calculer ce qu'en recoivent les couronnes lumineufes qu'il admet , & par confeqiicnt 1 'etendue de la partie du foleil qui les eclaire. On voit bien que chaque couronne etant infiniment pen difterente en lumiere de celle qui la pre- cede & de celle qui la fuit , cette determination ne fe peut faire que par le iecours de la geometrie de l'infini. La quantite de lumiere que donne un miroir concave a fon foyer, eft plus ailee a trouver, chaque point de fa furface y renvoie non un rayon > mais un cone dont Tangle eft; egal au diametre apparent du foleil ; dela il refulte que le foyer n'elt pas un point , mais un ecrele qui a pour diame- tre la corde du diametre du foled, en fuppolanr pour rayon la diftance du Tome X. Partie Franfoi/i. I .66 ABREGE DES MEMOIRES ' i. miroir a Ton foyer : il en refulte encore que ce meme foyer recevant au- p . tant de difques lumineux qu'il y a de points reflechuTans dans la furfacte S l Q U E' du miroir , il faut , pour avoir lrntenfite de la lumiere qui s'y trouve , Amu'e tJ4J. multiplier l'image par tous les points reflechiflans du miroir, e'eft-a dire, par fa furface. Un plan quclconque etant done donne , fur lequel on faffe tomber Ie foyer d'nn miroir concave, & par confequent la diftance dc ce foyer ail miroir etant connue, on trouvera a l'inftant le degre de lumiere qui y fera renvoye •, & en fuppofant a la place du miroir concave un miroir plan du meme diametre, on verra par le ealcul dont nous avons expofe les prin- cipaux elem'ehs , quelle fera la quantite de lumiere qui tombera fur l'ef- pace qu'occupoit le foyer du miroir concave •, par confequent on pourra comparer l'eltet des deux miroirs , & voir combien il faudroit faire coincider de pareilles images , pour egaler la force du foyer du miroir concave. En fuivant cette methode , M. de Courtivron trouve que la lumiere renvoyee par un miroir plan d'un pied de diametre 350 pieds de dil- tance, eft a celle qu'un miroir concave du meme diametre & de 50 pieds de foyer renverroit ace foyer, comme 184 eft a 314, & que par con- fequent , a cette diftance , deux glaces planes donneroient plus de lumiere que le foyer d'un miroir concave-, a 100 pieds de diftance, les effets des deux miroirs feroient entrant comme 248 eft a 314; a 150 pieds, ils fe- roient comme 267 eft a 314 : en un mot, a mefure que le foyer devient plus long, le miroir concave produit un eftet moindre, & qui fe rappro- che de plus en plus de celui que donne une glace plane circulaire de meme diametre , par confequent il y a un point oh les eft'ets doivent a la En devenir egaux. Il eft done bien demontre que les miroirs concaves ne peuvent & n'ont jamais pu porter le feu a de tres-grandes diftances; & que les miroirs compofes de miroirs plans , defquels on fait coincider les images en meme point, font les feuls defquels on ait pu fe fervir pour operer cet effet, comme l'a fait M. de Buffon. Le ealcul geometrique fe trouve en cela parf.iitement d'accord avec la defcription qu'ont donne les hiftoriens du miroir d'Archimede, & avec l'experience qui en a cte faite de nos jours. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 67 P ;i y s I Q i". HISTOIRE A B R E G E E Annd i-jf. v t s Maladies £ p i i> e m„ 1 q u e $ v> fi 1 747 * Obferytes a Paris , en mime temps que les differences temperatures de Uair. Par M. M a l o u 1 n. iN otre fante depend, en general, plus de 1'air, que de toute autre chofe; e'eft ce qui a fait dire a Hippocrate, dans fon traite des vents, que l'air eft la caufe de la vie & des maladies. L'homme en naiflant com- mence par refpirer, & il ne ceffe de refpirer que lorfqu'il celle de vivre. L'air n'eft pas feulement neceffaire a nqtre vie, pour la refpiration.il peut encore beaucoup fur notre fante par les dilterens degres de chaleur , d; froid , d'humidite & de fechereffe , dont il eft fufceptible •, & nous fommes indifpenfablcment affeftes des changemens qui arrivent a fa pe- fanteur & a ion reffort. L'air fait une partie effentielle des alimens , & il contribue beaucoup a la digeftion : Fair qui fe trouve enferme de toutes parts dans les plus pe- tites parties des alimens, veiiant a fe dilater par la chaleur dans l'eftomac, fait effort contre les parois de ces petites cellules, il les rompt, & il les reduit en des particules d'autant plus tines , que ces cellules etoient plus petites-, ainli les plus petites parties des alimens ,,impregnees d'air, fe di- vifent en d'autres qui font affez fines pour former, avec le liquide qui les detrempe, ce qu'on appelle chyle. On fait que les parties d'air n'ont point de reffort lorfqu'elles font fe- parees les lines des autres dans les corps aux parties defquels elles font jointes, mais qu'elles reprennent leur reffort, lorfque par quelque caufe que ce foit, ces parties d'air viennent a fe rejoindre. Si done les parties d'air eparfes dans les alimens, fe raffemblent pendant la digeftion & fe di- latent trop , ou fi l'eftomac ne retient pas avec affez de force cet air , lorfqu'il eft dilate, on en eft incommode, & il fort quelquefois par la bouche. II entre auffi de Fair dans l'eftomac, independamment de celui que renferment naturellement les alimens-, e'eft pourquoi on digere differem- ment les memes alimens, felon la difference de fair qu'on refpire : l'air de la campagne eft different de celui de la ville , & l'experience apprend qu'on digere ordinaircment mieux a la campagne qua la ville. Les parties de l'air elaftique, qui font melees avec celles du chyle, du fang & des humeurs , font autant de refforts places dans tous les organss du corps , dont ils foutiennent les mouvemens & les fonctions. 6Km. (53 ABREGi DES MEMOIRES '■■■— ^^ Le refibrt de cet air interieur eft continuellement excite par la chaleur p naturelle du corps, de forte que lc poids de 1'air exterieur eft neceflaire ' pour reprimer la dilatation de l'air interieur. jinntfe IJ4J. Les accidens que les animaux eprouvent dans le vuide , ne viennent pas feulement du defaut d'air pour refpirer, plufieurs de ces accidens ont pour caufe la grande dilatation de l'air contenu dans le corps de ces ani- maux; cet air interieur des animaux, ceflant d'etre reprime, lorfque l'air exterieur dans la machine pneumatique en a ete pompe, les animaux y tom> bent en ddfaillance, il leur furvient des hemorragies, ils deviennent en- fles, & ils fe vuident : l'air qui fait partie de leurs liqueurs en interrompt en plufieurs endroits la continuite dans les vaifleaux , aprcs s'y etre ral- femble & dilate •, & il empeche ainfi la circulation du fang de ces ani- maux. M. Bouguer, (a) dans fa relation du voyage du Perou, rapporte qu'il s'y eft trouve incommode avec ceux qui l'accompagnoient, par la le- gerete de l'air qu'on refpire fur les montagnes qu'on nomme les Cor- delieres. Les incommodites que les hommes fouffrent fur ces hautes montagnes , font les memes que celles que reffentent les animaux dans la machine pneumatique. M. Bouguer eftime que ces montagnes lout environ 560 toi- fes plus hautes que le pic mcme de Ten^rifTe, qui, avant le voyage des academiciens au Perou , etoit regarde comme la plus haute montagne de la terre. Suivant M. de la Condamine, les montagnes du Perou les plus hautes oil ces M"- aient monte, font au moins 2+50 toifes an-deflus du niveau de la mer, c'eft-a-dire, 1000 toifes plus que le Canigou , ce qui fait une grande lieue. Comme le poids de l'air exterieur eft neceflaire pour reprimer la dila- tation de l'air interieur dans les animaux , le retfort de cet air interieur y eft neceflaire pour foutenir le poids de l'air exterieur. Quelques perfonnes ne peuvent entrer dans Teau pour fe baigner , fans s'y trouver nial , & il y en a auffi qui , par la meme raifon , fe trouvent inal par les variations fenfibles de la pelanteur de l'air , Iefquelies nous font designees par le barometre : la deicente du mercure dans le barome- tre repond a la rarefaction de l'air par la machine pneumatique. M. de Mulcaille , medecin a Pluviers , attribue , fuivant le rapport de M. du Ha- mel , plufieurs morts fubites qui arriverent dans le mois de dccembre 1 747 , au changement exceffif , qui dans ce temps s'eft fait dans l'atmofphere , dont certaines perfonaes n'ont pu foutenir l'cfier. Le barometre , iuivant fon ■ obfervation , baifla tout d'un coup dans ce temps d'un pouce 4 lignes : il defcendit a 2.6 polices 8 lignes, de 28 ponces ou il etoit-, ce qui etoit capable de produire de grands effets dans les corps vivans, puilque la va- riation d'un pouce de mercure dans le barometre, eft une difference d'en- viron 1000 livres. Les douleurs qu'on reflent dans les changemens de temps, lorfqu'on a (a) Mem. de I'Acad. Rovale- des Sciences 1744. Collection Acadvmique , Pariie Francoife. Tome IX. F I DE L'ACADBMIE ROYALE DES SCIENCES. (9 eu des bleffures, oa qu'on eft fujet a des rhumatifmcs, prouvcnt bien L'ef- . . fet des variations de fair fur nos corps. ■ .Physique Je crois qu'on pent auffi rapporter ici 1'erFet de la douche qui fe fait ar la chute de l'eau fur une partie particuliere du corps pour en diffipcr Annie n<}7' enflnre ou la paralytic. 11 eft rare que le poids de l'air exterieur ne foit pas fufh'famment contre- balance par l'air interieur , il arrive plus fouvent que le reliort de l'air interieur n'eft pas affez rcprime par l'air exterieur : e'eft en partie ce qui caufe la maladie de Siam •, on y doit audi rapporter certaines dimailtcs de refpirer, quelques maladies de vents, & beaucoup d'hemorragies. M. Bou- guer rapporte qu'il reffentit cet effet fur la montagne de Chimboraco. M. Littre, medecin de la faculte, a obferve dans les memoires de l'acade- mie de 1704, que dans ceux qui font morts d'une perte de fang, de quel- iue nature qu'elle ait cte , il a toujours trouve pleins d'air les vailleaux qui jtoient vuides de fang •, ce qui vient vraifemblablemenx de ce que l'air etant naturellement comprime dans les vaiffeaux remplis de lang , fe de- vcloppe, & a la liberie de fe rarefier, lorfqu'il y a de 1'efpace vuide dans les vaiffeaux, par la perte de lang. II y a lieu de croire que dans ces maladies le fang eft rarehe en ra:m; temps que l'air, & que par confequent l'air fait effort contre le fang en meme temps que contre les parois des vailleaux •, de forte qu'on peut con- fideier dans cette occjfion le fang & fair comme deux corps poulies l'un contre l'autre en meme temps •, & dans ce cas , celui qui a plus de ni.ilfe l'emportant fur celui qui en a moins , le fang aura plus de force pour fe di- later que n'en aura l'air, dont la deniite, malgre 1'errort qu'il fera en meme temps pour fe dilater, angmentera dans les vailleaux a proportion que le volume du fang y augmentera 5 cette augmentation de la deniite de fair, & du volume du fang, eft capable de rompre Its vailleaux, & peut cau- fer beaucoup d'hemorragies. C'eft pour cette railon , que dans quelques maladies ou le fang eft extreme- ment dilate dans les vailleaux, comme il arrive quelquefois dans la petite verolc, on ne faigne point , parce que ii dans cet etat on diminuoit la maffe du fang, ou en augmenteroit la dilatation & celle de l'air qui y eft content], L'elpece de tumeur nommee emph\feme , eft le produit de l'air inte- rieur rare lie en vents, dans une partie relachee. On y peut rapporter auffi l'enflure qui arrive aux cadavres, lorfque la fermentation & la diJblution des humeurs dilate l'air qui y eft mele, 8c le change en vents. En general, le reffort de l'air interieur varie beaucoup plus que ne fait le poids de l'air exterieur, parce que le reffort de l'air interieur eft non- feulement different, felon les dirKrens degres de chaleur & de froid exter- nes , mais encore felon la chaleur naturelle du corps , laqueiie eft difte- rente felon les difterens temperamens : & cc qui contribue encore beau- coup a cette variation du reffort de l'air interieur, c'eft qu'il depend fou- vent de nous, e'eft-a-dire, de notre regime ; au-liea que le poids de l'air exterieur eft le meme pour tous , & ne depend rmHemeat de nous: nous lommes peut- arc ce qui change le plus dans toute la nature; 7o ABREG^ DES ME MOIRES II paroit que le rellort de l'air interieur varie naturellement plus en p , its que dans toute autre faifon , & qu'il a befoin que la force qui le repri- H 'me, foit plus fixe & plus egale en etc; audi voyons-nous par le barome- Annie 174J- tre , que la pefanteur de l'atmofphere varie ordjnairement moins dans cette faifon que dans aucune autre , comme elle varie moins fous l'equatcur que vers les poles. Ce n'eft pas que je veuille faire' entendre par cette obfer- vation, que cela vienne de la chaleur, puifqtie, comme on le (ait par le barometre , la pefanteur de l'air varie moins ait fommet qu'au pied des montagnes , quoiqu'il falle plus froid fur le haut des montagnes que dans la plaine. Ceux qui paflent letir vie fur les montagnes elevees, ne font point in- commodes par la legerete de Fair, laquelle incommode ceux qui n'y font point accoutumes, parce que fair qui eft dans le tang des montagnards, y eft plus dilate qu'il ne l'eft dans ceux qui vivent dans an air plus con- denfe : cet air condenfe a beaucoup a changer dans ceux-ci, avant que d'etre au point de dilatation oil eft celui qui eft dans le fang de ceux qui refpirent un air plus leger. C'eft fur-tout ce qui fait la difference d'un air natal a un air Stranger. L'habitude met enfin en etat de fupporter ces differences de l'air: M. Bou- guer dit qu'il s'accoutuma a l'air de la cordeliere, qui l'avoit incommode d'abord ; & Arbuthnot allure que l'experieiice a fait connoitre que l'habi- tude met certains animaux en etat de 'foutenir de mieux en mieux les epreuves de la machine du vuide. Le poids de l'air fur nos corps eft beaucoup plus grand qu'on ne le croit communement : M. de Mairan qui a fait des recherches fur cela, eftime que le poids de l'air fur le corps d'un homme de mediocre gran- deur, eft d'environ 51,500 livres, lorfque le mercure du barometre eft ^28 pouces. Pour avoir fair totale oil la furface du corps d'un homme bien fait de 5 pieds 5 pouces de hauteur, & proportions comme l'antinoiis du Bel- vedere a Rome, M. de Mairan a meiiire en detail, & avec toute l'exac- titude que comporte une pareille operation , la furface des membres d'une bonne copie de cette ftatue, d'environ 18 pouces de hauteur, & il a juge par proportion, que la furface d'un homme de 5 pieds 5 pouces, alloit an moins a 1 6 pieds quarres. Cela pofe, & que le pied cube de mercure pefe 945 livres, poids de marc, en temps moyen ou tempere de ce climat, un prilme de 16 pieds quarres de bale, & de zS pouces de hauteur, pefera 31,500 livres. C'eft par consequent le poids de l'atmofphere que foutiendra le corps d'un homme de 5 pieds 5 polices, fait comme l'antinoiis, lorfque le ba- rometre eft a 18 pouces, & dans la fuppolition que le pied cube de mer- cure pefe alors 945 livres. Nous fentirons ce poids enorme de l'atmofphere , ti elle ne nous pref- foit pas egalement de tcutes parts , & fi elle n'etoit pas contre-balancee par 1'eftbrt continuel de l'air qui eft contenu dans toutes les parties de notre corps. On fait que le reffort de cet air interieur qui eft en equilibre avec DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 71 Pair exterieur, eft d'autant plus grand qu'il eft plus preilc- •, & au contraire, ! le refibrt de l'air extaieur devient plus petir , a proportion que fa pefan- Physique. teur diminue. L'air environne & preffe de routes parts les animaux, & cette preffion -danec t~47- de l'air eft toujours plus grande, proportionnellement a la malfe , fur les petits animaux , que lur les grands. La plupart des animaux ncs fe nourrilTent & croiflent indifpenfablement dans l'air, com me certaines plantes ne peuvent vivre qu'elles ne foient totalement enfermees dans 1'eau. Ces fluides rehftcnt par-tout cgalement a 1'alongement des fibres des animaux & des vegetaux, luivant la figure na- turelle de chaque efpece , & leur fervent comme de moule. Lorfque les difKrentes qualites de l'air ne font pas proportionnees en- tr'elles, on qu'elles ne lont pas telles qu'elles doivent etre dans chaque faifon , les corps qui vivent fur la terre , Sc auxquels l'air eft neceflaire , en font plus ou moins afie&rs , & elles caulent quelquefois des maladies, e'eft d'oii viennent le plus fouvent les maladies qui iont communes dans certains temps, & qu'on nomme epidemiques ou populaires. Celt pourquoi , voulant faire l'hiftoire des maladies epidemiques de chaque annee, je me fuis attache a obferver audi les diiterentes tempera- tures de l'air, qui ont regne en meme temps, fans pretendre cependant que ces maladies dependent toujours de la conftitution de l'air, dont je rendrai compte en meme temps que des maladies. En general, l'annee 1747 a ete plus humide que feche : la quantite d'eau de pluie en hauteur qui eft tombee a Paris dans le cours de cette annee, eft de 1 5 polices | de" lignes; favoir, 6 polices 7 lignes | dans les fix pre- miers mois, & 8 polices 5 lignes dans les fix derniers. Lete & l'hiver ont ete plus humides que le printemps & que I'autom- ne, a railon de ce que le lont ordinairement ces lailons ; & meme l'au- tomne a etc feche, temperee & tres-belle. II n'y a point eu cette annee d'ouragans dans les equinoxes, comme i! a coutume d y en avoir. Le printemps a etc tempere a l'ordinaire , & il y a eu moins de mala- des dans cette failon , qu'il n'a coutume d'y en avoir : le nombre des morts y a cependant ete plus grand que dans aucune autre laiion. L'hiver a ete extraordinairement doux : M. du Hamel a remarqui que le 25 de Janvier, on voyoit encore des feuilles vertes aux amandiers & aux pommiers. 11 y a eu beaucoup de maladcs pendant l'hiver & le nom- bre des morts y a paru proportionne a celui des malades. L'ete a ete le temps de cette annee ou il y a eu le plus de malades, & cependant c'a ete la iailon oil il eft mort le moins de monde. En automne an contraire , il y a eu plus de morts k proportion , & moins de malades. II y a eu plus de morts & moins de malades les fix premiers mois de l'annee , que les i\x derniers : le nombre des morts dans les fix premiers mois a etc de 5,174, & il n'a ete que de 8,455 dans ks '•* derniers. 7i A B R E C E D E S M E M O I R E S — ' " ' 11 eft ne audi plus d'enfms les fix premiers mois que les lix derniers: p . J il y en a eu 10,956 les fix premiers mois, & 10,879 les fix derniers. Djiis tons les mois de cette annee, il eft mort plus d'hommes que de Annie ty^J- femmes, a l'exception du mois de juin, oil il eft mort plus de femmes que d'hommes • il y eft mort 614 femmes, & feulement 569 homines. II eft ne cette annee prefque autant de lilies que de garcons : favoir , 11071 garcons, & 10744 filles. Le nombre des garcons eft a celui dcs filles, a-pru-pres, comme 29 eft a 18. M. de Parcieux , de cette academie , rapporte dans fon EJfai fur les probabilite's de la dure'e de la vie humaine , line fupputation faite a Paris, dans la paroilfe de Saint Sulpice , de 50 annees confecutives , oil il eft ne 2.). garcons pour 25 filles; & une autre fupputation faite pendant 82 ans de luite a Londres, oil il eft ne 18 garcons pour 17 filles : de forte qu'on pent dire qu'en Europe, communement , il vient au monde plus de gar- cons que de filles. Le mois de juillet a ete celui de 1'annee oil il eft mort moins de monde : il n'y eft mort que 1171 perfonnes. Et au contraire , il en eft plus mort en avril que dans aucun autre mois : il y eft mort 1889 perfonnes. Le mois d'oclobre eft celui de 1'annee oil il eft ne plus d'enfans : leur nombre monte en odtobre , a 2049. Et au contraire , le mois de juin eft celui oil il en eft moins ne : leur nombre ne va en juin, qu'a 1652. Le temps de 1'annee oil il foit mort moins d'hommes, a ete en juin, oii il n'en eft morr que 569', au-lieu qu'en avril, il en eft mort 1061 ; & e'eft le mois de 1'annee oil il en eft mort le plus. Le mois de mars eft le temps de 1'annee oil il foit ne plus d? garcons: il en eft ne dans ce mois 1005. Et an contraire, le temps oil il eft ne liioins de garcons, e'eft en juin oil il n'en eft ne que 826. Le temps oil il eft mort moins de femmes, a ete en juillet : il n'y en eft mort que 579. Et au contraire, il eft plus mort de femmes en avril que dans aucun autre mois : il en eft mort 853. II eft plus ne de filles en Janvier qu'en aucun autre mois de 1'annee : il y en eft ne 97(5. Et au contraire, le mois oil il en eft moins ne , e'eft en juillet : il n'y en eft ne que 803. II. eft entre a l'Hotel-Dieu, dans le cours de cette annee, 1795!! mala- des. Le mois oil il y en eft moins entre, e'eft en juin-, & ail contraire, celui oil il en eft le plus entre, e'eft en odtobre. II y a eu a Paris beaucoup de malades dans le cours de 1747 , & il y eft mort, en comprenant les perfonnes religicufes , etrangeres & autres , 18158 perfonnes-, favoir, 9592 hommes, & 8566 femmes: de lorteqae b nombre des morts pendant 1'annee 1747, a furpaife de 107, celui de 1'annee 1746, pend.uit laquelle il y avoit eu 729 morts plus qu'en 1745. Le nombre des enfans qui naifi'ent chaque annee , me paroit exceder a Paris toujours celui des morts dans la meine annee : il eft ne 21 S 1 5 enf ins dans le cours de 1747, favoir, 18446 legitimes ou reconnus , & 3369 trouves. II s'eft fait a Paris, dans le cours de 1'annee 1747? 4169 manages; & le DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. 7} le temps oil il s'en eft plus fait, e'eft dans Ie mois de fevrier : il s'en eft — — — fait 581-, & il ne s'en eft fait que 50 en mars, qui ell le mois oil il s'en p ([ y s , f tft mo ins fait. En 1747 , les maladies out porte a la tctc & a la peau , a-pcu-pics Anntz 17 }7. comme en 1746; cependant elles n'ont pas li generalement attaque la tcte en 1747, qu'en 1746 ; & elles y ont plus porte en 1747 dans les fix der- niers mois, fur-tout dans celui d'aoiit, que dans les fix premiers', au con- traire, elles y avoient plus porte en 174') dans les fix premiers. Au rofte , il y a eu beaucoup de maladies de la peau en 1 747 , & cette epidemic s'eft repandue en meme temps jufqu'en Amerique : M. Artur , medecin du roi , & conieiller au confeil fuperieur a Cayenne , a ecrit a M. de la Condamine de cette academie , qu'il y avoit eu cette annee-Ia , line efpece de rougeole ou de fievre ecarlate , qui avoit commence dans ce pays a l'orient de Cayenne , & que cette maladie avoit fait pint un tres-grand nombre d'Indiens dans l'interieur des tcrres , ou ils etoient abandonnes a la nature feule ; qu'il en eft moins mort dans la million de Courou, parce qu'ils y etoient fecourus •, ce qui prouve a ces efprits fu- perriciels , incredules a la medecine , que quoique les homines meurent aujourd'hui , comme ils mouroient avant qu'ils eufient parmi eux des me- decins, e'eft k-dire, quoique les hommes foient mortels malgre les mede- cins , ils meurent cependant moins ou plus taf d , moyennant la medecine. Mai a propos, dit-on , par excmple, qu'on meurt prefentement en Ruffie, comme on y mouroit avant que le Czar Pierje I. y eut etabli des mede- cins : la plus ltfgere attention fuftit pour montrer la faufiets d'un pareil raiionnement. L'obfervation de M. Artur prouve audi que malgre la diftance des lieux & la difference des climats , les memes maladies aftligent les hommes ; ce qui a ete de tons les temps, comme on le voit par les livres des epide- roies d'Hippocrate •, d'ou 1'on peut conclure qu'il y a en medecine des re- gies generales & certaines , qui doivent avoir lieu dans tous les temps & dans tous les climats. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. I. o n fait depuis long-temps que les pierres precieufes orientales peu- vent foufrrir une tres- forte action du feu, fans que leur couleur en foit alteree; & qu'au contraire les occidentales y perdent en tres-peu de temps la leur, & deviennent femblables a du cryflal li elles font tranfparentes , on d'un blanc mat li elles font opaques •, mais on ignoroit que Ja topaze du Brelil ne pouvoit etre comprife dans aucun des deux genres dont nous venons de parler; elle a la linguliere propriete de quitter au feu fii cou- leur jaune , & d'y devenir d'un couleur de rofe lemblable a celui du Tome X. Partie Frangoifi. K 74 ABREGEDESMEMOIRES 5""S*"5 — ^^— rubis bal.iis , & d'autant plus vif , que le jaune de la pierre etoit plus falc p & plus fonce. ' Le procede eft des plus (imples , il ne s'agit que de placer la tnpaze Annie 1747- dans un Peili creufet rempli de cendres , de pouffer le feu par degres jufqu'a faire rougir le creufet, & apres l'avoir entretenu quelque temps dans cet etat, de le laiffer s'eteindre : quand le tout fera refroidi , on la trouvera eonvertie en un veritable rubis balais 5 nous difons convertie , car il n'eft pas poffible d'appercevoir la moindre difference entre les rubis balais naturels & ceux-ci. C'eft ce qiii avoit porte plulieurs jouailliers qui favoient ce fecret, a en faire un myftere, & c'eft a M. Dumelle orfevre metteur en ceuvre , qui l'a communique a M. Guettard , que l'academie en doit la connoiffance. II a bien voulu en cette occafion facrifier fon in- teret au bien public, & a 1'avancement de la phyfique & de l'hiftoire na- turelle. I I. Le P. Bertier del'oratoire,correfpondantde l'academie, a ecrit aM. de Reaumur, qu'au mob de juillet etant a Saumur, fur les trois heures apres midi, a une fenetre d'un fecond etage qui donnoit fur la Loire, il avoit obferve un arc-en-ciel d'une efpece iinguliere , ce meteore etoit couche fur la furface de la riviere, dont il occupoit exattement toute la largeur ; il paroiifoit un peu elliptique, & fa concavite etoit tuurnee vers le fpec- tateur. I II. L'a cademie a deja rapporte dans fon hiftoire plulieurs exemples de Tinconvenient qu'il y a de fonner des cloches, 011 d'exciter quelqu'autre violente commotion dans l'air, lorfqu'on a au-deffus de foi un orage vio- lent. M. du Hamel a encore cite un nouvel accident de cette efpece > arrive aupres de Pluviers , le tonnerre eft precifement tombe fur le clo- cher oil Ton fonnoit. II feroit bien a fouhaiter que la raifon & l'experience puflent detruire un prejuge fi contraire a toutes les loix de la phyfique y & dont les fuites peuvent toujours etre , & font fouvent li funeftes. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7j N, NOUVELLES CONSTRUCTIONS ' Z3 J? M I R 0 I R S A R D E N S. lous nvons rendu compte l'annee derniere (a) du miroir ardent, in- vente par M. de Buffon , pour briiler a line tres-grande diftance •, nous avons a parler cette annee d'une efpece de profpectus qui! a communi- que a l'academie , & qui contieut le precis de plulleurs idces nouvelles qu'il a fur cette meme matiere. Nous ne parlerons point dc la premiere efpece de miroirs ardens dont nous avons donnd la defcription l'annee derniere, & nous allons paffer aux autres conftrudtions. La premiere eft fondee fur la propriete qua le verre , quoique tres-roide, de fe prefer un peu a la flexion ; fur ce principe, il prend une glace etamee coupee circulairement , & percee a ion centre, il la place dans une monture folide •, & ayant paffe un boulon taraude par le trou du centre, il oblige, en tournant l'ecrou de la vis, le milieu de la glace a s'enfoncer , & tout le miroir a fe courber futrifam- nient pour devenir miroir brulant : il eft vrai que ces miroirs iont lujets a fe rompre •, mais comme M. de Buffon croit que le trou qui eft au milieu de ces glaces eft la principale caufe de leur rupture , il propoie de pratiquer derriere un tambour bien exaftement clos , duquel otant l'air , foit par le moyen d'une pompe , foit en y brulant quelque matiere qui l'abforbat , le poids de l'air exterieur feroit fuflifamment courber la glace fans rifquer de la rompre. L'expsrience ayant appris a M. de Buffon que les glaces etamees & bien polies reflechiffoient la lumiere beaucoup plus puiflamment qu'aucun mi- roir de metal , il a fait conftruire un fourneau , dans lequel il eft parvenu a courber regulierement des glaces de 2 & ; pieds de diametre : il en a fait voir une a l'academie •, & au moyen de cette pratique jufqu'a prefent inconnue , il efpere produire des miroirs infiniment fuperieurs a tous ceux dont on avoit connoiffance. En joignant deux de ces glaces de meme foyer, & fans etre etamees, il compofe une efpece de bouteille lenticulaire , qui, etant remplie d'eau, forme une lentille de refracl:ion dont le foyer peut donner quatre fois autant de chaleur que celui de la fameufe lentille du palais-royal , qui a pade depuis dans le cabinet de M. d'Ons-en-Bray, & comme la refrac- tion de l'eau eft un peu differente de celle du verre, M. de Buffon pro- pofe de Ten rapprocher en lui faifant dilToudre une grande quantite de difterens fels : il avertit de meme de garnir l'ouverture qu'on aura me- nagee au haut du miroir d'un tuyau ouvert, afin que l'eau rarefiec entre (a) Voy« Hili. 1747. ci-deffui, K ii rim. 7 .• l ■•£*_- ...n: j. ... • r. -_ v i. „•• i •. capable d'agir pent letre audi de nuire, (1 on l'employoit mal-a-propos , p M. l'.ibbi Nollet exhorte C'.ux qui voudroient avoir recours a ce nouveau moyen, de ne s'y livrer qu'avec l'avis & fous la coinluite d'un medecin Annie f. mais, independamment de cet effet, elle cchauffe le barometre me- mc , & l'air lubtil qui fe trouve contenu dans la branche fcrmee. Lorf- qu'on refroidit exterieurement le recipient, on reduit la vapeur a n'occu- ->er que bien pen de place , & fa predion fur le mercure contenu dans a branche ouverte celie prefque entierement ; mais comme on ne refroi- Torne X. Partie Franfoije. M I [ 5>o ARREGEDESMEMOIRES —j— Mm—— cjit pas en mcine temps le barometre, l'air fubtil contenu dans la branche p fermec , dont le reflort n'a pas ete afloibli , continue fa preffion , & nc ' trouvant plus aucune force exterieure qui contre-balance fon action , il fait Annie 1748. baifler le mercure dans cette branche au-deilbus du niveau , ce qui dure julqu'a ce que le refroidiffement communique au recipient parvienne juf- qu'au barometre , & faffe perdre a cet air la portion d elafticite que la cha- leur lui avoit donnee. Cette fuppolition d'un air fubtil, & qui pent, quoiqu'avec peine, tra- veller les pores du verre, n'eft pas nouvelle, & elle a ete adoptee par de tres-grands phyhciens. M. Amontons s'en eft fervi pour expliquer com- ment le mercure fe tient fufpendu a difterentes hauteurs dans des barome- tres faits avec differens. verres : M. Huyghens la employee comme caufe de la fufpenlion de l'eau a 4 oil 5 pieds au-dellus de fon niveau dans le viide, & celle du mercure a 47 polices au-deiius de la hauteur moyenne dans un tube expofe h l'air libre : enfin M. de Mairan l'adopte dans fon traite de l'aurorc boreale , & s'en feet a expliquer clairement plufieurs faits linguliers , qu'on n'expliqueroit peut-etre jamais fans cette hypothefe. II n'eft pas meme neceii'aire de fuppofer line fi enorme tenuite dans les parties de cet air qu'on imagine traverfer le verre, plulieurs experiences que raoporte M. l'abbi Nollet prouvent qu'il ne le traverle qu'avec peine , & lorfqiul y eft comme force; d'ailleurs il n'eft nullement fans exemple qu'un corps refufe le paliage ^ une liqueur , tandis qu'il en admet line autre en apparence bien plus groffiere. II en rapporte une preuve fans re- plique : il avoit empli une bouteille de verre de bon efprit de vin, & l'avoit bouchee avec un morceau de veflle bien ficelle autour du cou de la bouteille : pour etre fur que cet efprit de vin qui avoit ete purge d'air n'en reprit pas de nouveau, il l'avoit plonge an fond d'un grand vale plein d'eau •, an bout de cinq ou fix hemes il remarqua avec etonnement que la bouteille etoit plus pleine que lorfqu'il l'avoit plongee , que la vellie etoit tres-tendue , & foimoit une convexite confiderable : il la piqua avec une cpingle, & il en fortit un jet de liqueur qui s'eleva a plus d'un pied de hauteur. II penfa d'abord que ce gonflement n'etoit du. qu'au degre de chaleur de l'eau qui avoit rarefie l'efprit de vin ; mais s'etant allure , dans une fe- conde experience, ou il obferva le meme phenomene,'que l'eau & l'efprit de vin avoient la meme temperature, & n'en avoient aucunement change pendant tout le cours de l'operation , il fallut renoncer a cette idee , & affigner une autre caufe a ce gonflement. Puifque la veflie ne s'dtoit pas gonflee par la dilatation de l'efprit de vin , il fallut done qu'elle l'eiit ete par l'introdu£lion d'une certaine quan- tire d'eau. On fait depuis long-temps que la veffie permet le paflage a l'eau, li ce fluide eft poufte par une certaine force : mais quelle etoit cette force ; ce ne pouvait etre le poids de l'eau ; car la meme bouteille a moi- tie pleine d'dprit de vin , & bouchee de la meme maniere, n'en a point admis, quoiqu'elle ait demeure plongee dans l'eau pendant deux jours, & l'eau n'a commence a y entrer a travers la vellie que quand elle a ete re- DE L'ACADEMIE ROYAI.E DES SCIENCES. 9r totirnee, & placee dc facon que l'efprit de vin rouchit cctte efpece de *— *" bouchon. Cctte circonfhncc fit voir a M. l'abbe Nollct que Introduction p H Y s , f, dc I'eau dans la bouteille dependoit de la proprietc qua l'eau de pinitrer l'efprit de vin , & dont Mrs- Geoffioy & de Reaumur ont denne" des p«B- Annie 1J48. ves : ccla fnppofe, l'eau eft forcce par lc poids de latmofohere d'entrer dans la bouteille, comme s'il y avoit mi vuide, des que I'clprit de vin touche la veflie, les pores de cctte dernicre liqueur, dans Ielqucls clle pent entrer , etant pour clle prcciftment la meme chofe , ce qui n'arrive pas quand e'eft la partie de la bouteille, on il n'y a que de l'air, qui touche le bouchon, & jufques-la Implication va fifes-bien au phenomene. Mais pourquoicette can ainli introduite, potirquoi l'efprit de vin ainli augmente, ne fortcnt-ils pas a travers cette meme veflie, contre laquelle ils exercent un effort bien fuperieur a celui qui y a fait patter l'eau ? Une experience bien fimple donna a M. l'abbe Nollet la folution de cette difriculte : il cou- vrit an recipient ouvert par en haut, d'un morceau de veffie qui y etoit bien attache, & l'avant place for une machine pneumatique, il ota la moi- tie de fair qu'il contenoit, alors la veflie s'enfonca un pen, & il placa de l'eau dans cette cavite ; quelques minutes aprcs elle commenca h pailer a travers , & il en tomba 1 5 gouttcs en 1 1 minutes : alors il ota l'eau avec une eponge, & mit en fa place de l'efprit de vin; mais il ne paffa point a travers la veffie , & au bout des 1 2 minutes il n'y avoit en defious qu une humidite tris-legere & inlipide. II y a done des corps qui accordent le paf- fage h une liqueur, tandis qu'ils le refufent ^ une autre qui paroit beau- coup plus fabtile; & qui fait li le verre n'eft pas de ce nombre, & li fair fubtil qu'on fnppofe palter a travers ne pourroit pas etre plus groffier que beaucoup de rluides qu'il contientr qui fait meme (1 etant mei'i avec les vapeurs qui font dans un recipient, il ne perd pas, au moins en partie, la facilite de s'echapper par les pores du verre, comme l'eau melee avec l'ef- prit dc vin ne pent plus traverler la veflie ? tout ceci n'eft encore, a Li verite, que conjectures, mais ce font des conjectures probables, & qui ont beaucoup de vrailemblance : ce qu'il y a de certain , e'eft que le nom- bre des refforts de la nature, que nous ignorons, furpaffe encore de beau- coup la petite quantite de ceux dont nous avons pu connoitre l'exiftence & le jcu. M 9i ABREGE DES MEMOIRES Physique. Annie 1748. SUR L' EVAPORATION DE L'EAU Dans l e s Salines. Ijjft X\.iEN n'eft peut-etre plus avantageux aiix arts que Ie genie feul a en* fantes, que les regards & l'examen des phyliciens : il eft prefque impoffi- ble que le premier feu de l'imagination ait embralTe tout ce qu'un calcul eclaire & conduit par des principes certains, peut indiquer ; du moins eft- il tres-diffici!e qu'il parvienne a ion but par le plus court chernin. On con- uoit depuis long-temps la maniere d'cxtraire le fel des eaux qui le con- tiennent; on fait que le moycn qu'on emploie eft l'evaporation. Dans les niarais falans, l'eau de la mer, retenue dans des endroits peu profonds 8c expofes a l'ardeur du foleil, s'evapore en partie; & ne pouvant plus tenir en diflolution tout le fel quelle contenoit , elle en lailfe reparoitre line quantite allez confiderable, qu'on a foin de ramaffer. Dans les endroits oil des puits fales fourniiTent aux befoins de plufieurs provinces, on pratique iin moyen different , Sc qui menage cette eau falee , bien plus difficile & plus dilpendicufe a fe procurer que ne l'eft celle de la mer; oil , pour par- ler plus jufte , on en emploie fucceffivement deux. On commence par faire patler l'eau lentement & goutte a goutte fur des fagots d'epines, ranges fur des tablettes a-peu-pres comme des livres, au milieu d'un grand han- gar ouvert au vent & & fair de tous les cotes; on l'y fait repaffer a diffe- rentes reprifes, par le jell de plufieurs pompes, qui reportent au haut d'une nouvelle tablette de fagots l'eau qui a deja palie fur les precedentes. Au moyen de la prodigieule multiplication de iurfaces que cette difpolitiou donne a l'eau, la feule action de l'air & du vent fufhfent pour en faire eyaporer line partie confiderable ; & ce n'eft qu'apres lui avoir fait fubir cette preparation qu'on la foumet a la feconde operation , qui conlifte a la faire evaporer fur le feu dans des chaudieres. Comme l'air eft , fuivant les diffcrentes faifons , & les circonftances differentes , tantot plus & tantot moins propre a Tevaporation de l'eau, on a foin d'ouvrir ou de fermer plus ou moins les robinets places au haut des tablettes de fagots, par lef- quels l'eau doit tomber, & on rend par confequent l'evaporation plus on moins lente : on parviendroit meme a la rendre toujours egale, (1 on pou- voit toujours faire paffer par les robinets des quantites d'eau qui fuifent exaclement en raifon renverfee de la facilite que l'air peut avoir a les evaporer. Telle eft en general 1'ingenieufe maniere de fuppleer par la feule action de l'air a celle du feu , & de menager par le moyen de ces fjgots qui ne fe condiment point, une quantite immenfe de bois qu'il fiudroit em- ployer fans cette preparation qu'on fait fubir a l'eau des puits , avant que de la mettre d.aus les chaudieres. DE I/ACADEMIE ROYALE DES .SCIENCES. ?$ Mais quclque bien imagince que (bit cette pratique, il s'en £ut beau- ""'^MM*"'M'^ cnup qu'on en tire tout le fruit qu'on en pourroit tirer. Dans la feline d.p h is y o i Durkeim , lituee dans lc Palatinat , & qui a fervi de modele a celles de France, on voit plufieurs hangars d'evaporation tres-incgaux , & cependant ■^nnct l7-i"- tons divilcs en lept parties : Feau qui a cte elevee all haut de la premie- re , & qui eft parventie jufqu'en bas, y eft reprife par une feconde pomp ■, & portee an haut de la feconde , du bas de laquelle une troiliemc pompe la reportc an haut de la troifieme , &x. jafqu'I ce quelle foit au bas de la fepticme diviiion , d'ou on la porte aux chaudiercs. Cette diviiion toujouis uniforme de batimens tres-inegaux, frappa M. Ie marquis de Montalembert , que les ordres de S. A. S. monfeigneur le firince de Conti avoient engage a y aller, & a ["examiner : il en demanda a roiion, &, comrae il l'avoit bien prcvu lui-meme, on ne lui en allegua point d'autre qu'une neceflite pretendue , de laquelle on ne lui apporta aucune preuve. II prit done lc parti d'examiner lui-meme cct appareil h feduifant , & bientot il fill convaincu qu'il pouvoit etre exircmunent (impline. Quelque moyen qu'on emploie , li on ftippofe la temperature de lair la meme, 1'evaporation fera ton jours en railon , compofee. de la furface fur laquelle l'eau eft etenduej & du temps quelle demeurera expofee a Tac- tion de l'air. Stir ce principe, examinons ce qui fe paffe dans 1'evaporation de l'eau a la faline de Durkeim. L'eau eft elevee fept fois a la hauteur de dix rangs de fagots, pour retomber a chaque fois dans un temps egal -, ce qui eft preciiement la meme chofe que li elle etoit elevee a la hauteur dc foixante- dix rangs par line feule pompe, pour retomber dans un temps fept fois plus grand que celui qu'elle met a retomber de la hauteur de dix rangs dans chaque fepa ratio n -, ce qui eft evident, puifque la furface & le temps demeurent abfolumcnt les memes. Mais il faut aulli convenir que ce der- nier arrangement ne procure aucun avantage, puifque la force neceifaire pour elever l'eau une feule fois a la hauteur de foixante-dix rangs de fa- gots, eft la meme qui eft actuellemer.t employee pour 1 elever fept fois a la hauteur de dix rangs-, & de plus, elle donneroit aux hangars une forme tres-incommode & trcs-peu folide : audi n'eft-ce pas a cette idee que s'arrete M. de Montalemberf, !e principe que nous avons expofe, l'a con- duit a quelque chofe de plus limple. Puilque 1'evaporation eft la meme toutes les fois qu'on conferve la meme duree & la meme furface, il n'y a qua laiifer fubfifter'les hangars tcls qu'ils font ; & au-!icu de faire rclever l'eau fept fois , ne l'elever qu'une, & la faire diftiller fept fois plus lentement -, il eft fur que la fur- face etant la meme , & le temps egal , l'eau fe trouvera autar.t evaporee quelle 1'auroit etc au bout des fept cafcades qu'on lui fait faire actuel- lement. Par ce moyen li (imple, lorfqu'on aura un courant, ou un autre moteut fuffifant pour faire jouer quatorze pompes, qui ne fuffifent qua deux han- gars , on pourra en etablir quatorze qui evaporeront par cbnfequent lept P H Y S I Q V 9a. ABREGE DES ME MOIRES tbis plus d'cau; on pourra done fabiiquer be.uicoup plus de lei qu'on nc fait ofdinairement, fans etrc oblige pour cela de faire palfer dans les chau- ' dieres de l'eau qui n'eft pas fufhTamment evaporee, & qui exige line quan- Annc'e 1748. tire immenfe de bois, & des frais exorbitans qui tombent toujours a la charge du peuple. Une experience bien fimple pouvoit fervir de preuve fans replique ^ route cette thcorie; il ne s'agilfoit que de faire couler l'eau plus lentement dans un des hangars que dans les autres , & voir (i celle qu'il foumiroit, feroit plus evaporee , & par confequent plus falee que celle des autres. M. de Montalembert n'eut garde de la manquer : il avoit engage , par quelques gratifications, ceux qui avoient la direction des robinets , a fe preter a fes idees ; il fit fucceffivement refferrer les robinets de tons les hangars , & il arriva toujours que celui dont les robinets etoient le plus fermes, etoit audi celui qui donnoit l'eau la plus falee. Corame le jell des robinets devient encore plus effentiel dans la nou- velle conftruftion que dans l'ancienne , il propofe de les faire conftruire du bois le plus dur," & d'y joindre un index, dont les divilions respondent au nombre des gouttes d'eau qu'ils lailferont echapper pendant un temps donne; par ce moyen , on fera fiir de regler exa&ement la quantite d'cui qui coulera fur les fagots , & par confequent l'evaporation , iuivant les differentes temperatures de fair. II eft bien rare que dans les pratiques les plus ingenieufes, il ne fe trouve encore bien des circonftances inutiles, & qu'on peut fupprimer fans nuire a l'objet principal : ce n'eft ordinaire- ment que l'cxperience qui les decouvre , au-lieu qu'un peu de reflexion les auroit prevenues. SUR LA MANIERE De renouveller I' Air dans les endroits oil on craint qu'il ne fe corrompe. Mift. VJ' n ne connoit point afl'ez combien il eft important que 1'air que nous refpirons, foit pur & exempt de tout melange de matieres nuilibles; mais li cette qualite de l'air eft fi fort a fouhaiter pour tout le monde , com- bien n'eft-elle pas encore plus eifentiellement necelfaire a ceux que la ma- ladie a rendus plus fufceptibles de routes les impreffions exterieures, & .» ceux qui , renfermes dans un navire pendant le cours d'une longue traver- fee , n'ont d'autre habitation que les entreponts d'un vaiffeau , & font fouvent obliges a des travaux penibles dans les dinerentes parties du fond de cale, qui ne regoivent que trcs peu d'air exterieur, & 011 il eft toujours immobile & comme ftagnant ! Ce qu'il y a de plus facheux , e'eft que les endroits dans lefquels on fouhaiteroit le plus d'entretenir la purere de l'air, font precilement ceux oil elle eft ordinairement le plus alteree. L'air qui fe trouve dans les lalles des grands hopitaux , eft prefque toujours male p II V S ! Q V E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 9f des vapeurs qui s'cxhalcnt continuellement da corps des malades par la ; tran fpiration, de leurs excremens, & des dilTercns rcmedes qu'on eft oblige dc leur appliqiicr. Les grandes maladies qu'eprouvent ordinaircment, dans les comrnencemens , les pcrfonnes les plus robuftes qui fe tiennent habi- Annec 1748. tuellemcnt dans ces endroits, & les foiblcfles qu'y reiTentent ceux qui y cntrcnt pour la premiere fois , font line preuve fans replique dc la mau- vaife qualite de l'air qu'on y refpire. La mcinc chofe arrive dans les vaif- feaux, dans lefquels les exhalaifons continuelles qui s'echappent des vivres, de la tranfpiration des homines & des animaux, produilent des eftets a- pcu-pres fcmblables a ceux qu'on obferve dans les falc-s des hopiuux. Pour prevenir plus fdrement les accidens que l'air mele de vapours peut occalionner, il falloit avant tout, examiner quelle pourroit etrc la nature de ces vapcurs. Or il eft aife d'appercevoir, avec la moindre attention, qu'elles font prefque toutes volatiles-, il en faut done conclure qu'elles s'e- leveront toujours d'ellcs-memes dans la partie fupcrieure des falles, & que cette elevation fera encore aidee par le mouvement d: l'air oui, a mefure qu'il s'eclnufFe , gagne le haut des endroits ou il eft renferme. Si cette proportion avoit beloin de preuves, on pourroit facilement s'en conv.-.in- cre : il ne faut pour cela qu'appliquer one echclle le long du mar d'une falle d'hopital, remplie de malades, & on s'appercevra bientot qu'a me- fure qu'on s'eleve vers le plafond, 1'odeur, qui etoit fupportable en has, devicnt dc plus en plus delagrcable, & la chaleur de plus en plus grand?. Tout ceci fuppofe , il feroit aife de faire continuellement echnpper l'air corrompu de ces falles, & d'y en introduire de nouveau : il fumroir pour cela de placer les f.-netres immediatement au-deflous du plafond, & laif- fer les carreaux les plus eleves toujours ou verts; alers , l'air echauife & charge de vapeurs , s'echapperoit continuellement , & il s'etabliroit line circulation qui le renouvelleroit h chaque inftant. La meme chofe arriveroit li on placoit a l'extrcrnite de chaque falle nn dome ou coupo'e, l'air feroit determine k fortir par les fenetres de ce dome, 2c ce moyen a etc mis en ufage a Lyon avec un fi grand fucces, qu'il n'y a prefque aucune rualivaife oieur dans les falles, quoiqu'on puiife a peine relifter a celle qu'on reflent lorlqu'on monte dans la lantcrnc qui eft au milieu. Quelque liars que paroiiTent & que foicnt en effet les moyens de re- nouveller l'air, que nous venons de rnpporter, ils ne peiivent convenir qu'aux falles que Ton batiroit a neuf ; il feroit fouvent impoffible , & tou- jours difpendieux , de Its mettre en pratique dans celles qui font deja conftruites. M. du Hamel a trouvc le moyen d'y fupplcer.; il etablit au-deffus de la iallc, & a une de fes extremites, une grande hotte, femblable a celle des gr.mdes cheminees de ctiillne. L'cuverture de cette hot'.e eft au ni- veau du plafond, & elle r.boutit par en haut a un tuyau pareil a ceux des cheminees ordinaires, mais trois 011 quatre fois plus large; elle fuffi- roit feule pour etablir dans la falle line circulation d'air : une de cette ef- pece , conliruite dans une ecurie , a dclirrc eotierement les appartemens i>6 ABREGE I) E S MEMOIRES — — voifins , de l'odeur du filmier qui s'y repandoit : mais pour augmenter le p , courant de Fair, & le determiner d'tine maniere encore plus certaine a ' enfiler cette route, on placera dans la hotte meme un pocle, dont le tuyau Annie IJ48. fortira par le haut de fori ouverture, & dont la bouche s'ouvrira dans le grenier. On y allumera un feu lumlant pour echauffer l'air de la hotte ; alors cet air rarefie tendra a s'elever par le tuyau , & le courant que ce mouvement occahonnera, deviendra plus vif. Plus il fera chaud, & plus on aura befoin de ce fecours etranger , parce que la difference entre l'air fuperieur & l'inferieur fera moindre, en lortc que cette machine produira a la lettre le lingulier effet de rafraichir d'autant plus la falle, qu'on y fera Elus de feu. On n'a peut-etre jamais employe cet element a un fembla- le ufage. Comme on fera oblige d'exciter le courant d'air en ete , il faudra peut- e'tre le moderer en hiver, il pomperoit trop puiffamment , & la falle en pourroit etre refroidie. A cela, M. du Hamel trouve un remede tres- facile : on petit fermer l'ouverture de la hotte ou de fon tuyau , avec une foupape qu on ouvrira plus ou moins ; & par ce moyen , on moderera la quantite du courant d'air. On pent meme lui laiffer toute fa vivacite, fans craindre de refroidir la falle. Si on a 1'attention de faire paffer l'air qui doit entrer par en bas, pour remplacer celui qui fe diffipe dans la hotte , par des tuyaux qu'on filacera deffous l'atre, ou derriere le contre-creur d'une cheminee, ou le ong d'un pocle dans lefquels on faffe continuellement du feu, a-peu-pres de la maniere propofee par M. Gauger, dans fa Mechanique du feu, pour lors, en quelque quantite que cet air entre, il renouvellera celui de la falle fans la refroidir. Mais comment appliquer ces moyens de renouveller l'air a la cale des navires, dans laquelle on ne peut batir ni dome ni hotte? M. du Hamel propofe cependant de les y appliquer d'une facon bien fimple , & dans laquelle il n'y a prefque que la figure exterieure de changee : il place lous l'atre de la cuiline du navire, un grand coffre de fer vuide, dont le deffus fert de foyer, ce coffre a deux tuyaux, dont Tun aboutit a la cale, & 1'autre s'eleve dans l'epaiffeur de la cloifon de brique qui fert de plaque a la cheminee , & va s'ouvrir au-deffus du gaillard : l'air continuellement rarefie dans le coffre par l'aclion du feu, devient plus leger, il s'eleve par le tuyau montant, & eft continuellement remplace par celui que le tuyau defcendant tire de la cale; par ce moyen il s'etablira dans la cale un cou- rant d'air qui entrera par les ecoutilles & les autres ouvertures, & qui fortira par le tuyau, & on fe trouvera exempt des accidens qui peuvent arriver par la corruption de l'air, fans depenle & fans aucune fatigue de la part de l'equipage. Quand nous nous plaignons du pen de reffources que nous avons pour nous mettre a l'abri de certains inconveniens , c'eft pref- que toujours moins a la nature qu'il faut s'en prendre, qu'au peu de loin que nous avons de mettre en oeuvre les moyens quelle nous oflre de nous en garantir. OBSERVATIONS DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $7 OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENE RALE. M . I. JlVAk. le marquis di: Montalembirt a fait part a l'acadeinie, IliR. de l'obfervation fuivante : Dans la fontaine du Gabard en Angoumois, voifine d'une de fes terrcs , on peche fouvcnt dcs brochets aveugles , & jamais aucun qui ne foit borgne ; ceux qui ne font que borgnes , le font tons de Tail droit , & dans ceux qui font aveugles , on voit aifement que 1'ail droit a ete attaqtie le premier, & eft beaucoup plus endommage que l'autre. Cette fontaine eft une efpece de gouftre dont on ne peut trouver le fond ; & plufieurs petites ifles de rofeaux qui flottent a fa fur- face, empechent qu'on ne puiife fe fervir de filets pour y pecher, ce qui rend cette pcche t res-Id ngue & trcs-difficile; cependant M. de Montalem- bert fut affez heureux pour attraper un jeune brochet, qui effedtivement fe trouva borgne du cote droit : ce qu'il y a de fingulier , c eft que cette fontaine fe decharge par an affez gros ruilfeau dans la Liffonne •, & que malgre cette communication qui eft trcs-facile , Ies gens du pay, aflurent qu'on ne prend jamais dans cette riviere de brochets borgnes ou aveu- gles , & qu'on n'en prend aucuns dans la fontaine qui ne le foient. I I. M. deMissiessy, lieutenant d'artillerie, a exrit a M. du Hamel , qu'ayant voulu faire crever une piece de canon de fer de rebut, du calibre de hint livres de balle, pour en pouvoir tranfporter plus facilement les morceaux, on avoit cieule une fotle de quatre pieds de profondeur , capable de la contenir a 1'aife , garnie de deux pilotis au bout qui devoit recevoir la culalTe , & de trois a celui qui etoit du cote de la volee ; ces derniers etoient meme fortifies dune autre piece de canon de rebut, placee en travers, &• qui s'appuyoit contre eux. La piece qu'on vouloit faire crever, fut chargee de cinq livres de poudre : on mit un valet ou rondelle de bois de calibre ilir la gargoulliv, on en placa un fecond a un pied de dis- tance du premier , & on emplit le refte de l'ame de la piece jufqu'a fa bouche, avec de la glaife bitn battue : en cet etat, on la defcendit dans la foffe; & aprcs l'avoir bien atnijettie contre les pilotis, avec des coins qui en fermoient exadtement la bouche , on y mit le feu avec line trainee : le coup partit, mais il parut plus fourd qua l'ordinaire , femblable a pen pres au bruit dun fourneau de mine , & accompagne d'un firtlement qui fit croire que la piece etoit crevee, & qu'il y en avoit quelques morceaux en lair : elle ne 1'etoit cependant point •, elle n'etoit pas merac filee , & on la fortit de la foffe auffi emiere quelle y avoit etc mile. La terre graffe dont on l'avoit remplie , etoit devenue li dure , qu'il fallut pour 1 oter Tome X. Panic Francoije. N 5>8 A B R E G E des memoires ■wb— — — employer l'aiguille avec laquelle on perce les rochcrs pour y faire des p . mines, &: que deux hommes y travaillerent pendant trois jours. On ne ' trouva dans 1'ame que la gargouffe & les deux valets calcines , dont le Anne'e I7d8. premier etoit venu joindre le fecond, n'y ayant d'ailleurs ni cendre ni charbon : il fant que toute la poudre , a 1'inftant de I'explofion , fe foit fait palTage par la lumiere qui, a la verite, etoit alTez grande, puifqu'elle avoit environ fix lignes. Ceux qui connoiffent la prodigieufe expanlion de cette matiere, lorfqu'elle eft animee par le feu, peuvent juger de la vitefle enorme neceffaire pour que cinq livres de poudre fe foient diffipees en un inftant par une ouverture de fix lignes , & du tort que des lumieres trop grandes peuvent faire aux armes. I I I. M. de Geer, correfpondant de l'academie, diflequant la grande che- nille a deux queues du faule qui, comme on fait, a la propriete de fe- ringuer de la liqueur, y trouva un organe particulier a cette efpece de chenille : e'etoit un fac membraneux en forme de bourle alongee , bien enfle, & attache par fon cou a l'endroit par lequel l'animal feringue fa li- queur; cette veme etoit tres-confiderable par rapport au volume du corps de la chenille; elle etoit prefque de la grandeur de l'ongle du petit doigt, & il y a grande apparence que e'eft le relervoir de la liqueur que lani.-. mal a coutume de jetter. I V. Un couteau a gaine, fort leger, fort pointu & fort glifTant, ayant ete enfonc£ par hafard dans un endroit tres-dur d'une motte de neige glacee & tres-condenfee, de quatre pieds de diametre, on fut fort furpris de voir que des qu'il eut ete abandonne a lui-meme , il fut repouffe & lance k quatre 011 cinq pieds en arriere : plus de vingt perfonnes , qui etoient prefentes, voulurent repeter l'experience , & enfoncerent leurs couteaux dans le bloc de neige glacee ; ceux qui fe trouverent legers & gliflans , & qu'on enfonca dans les endroits durs, & fur- tout dans un certain fens des couches de la glace, furent tous repoutfes de meme que le premier; mais ceux qui etoient pefans , on qui furent enfonces dans les endroits moins durs de la maffe de neige , ne le furent que pen ou point du tout : il paroit que la glace agit dans cette occahon fur la lame du couteau, comme les doigts fur un noyau de cerife : mais quelle doit etre la force de fon reffort pour produire un pareil effet fur un corps dont les deux furfaces font un angle aufll aigu que celles de la lame d'un couteau } Cette ob- fervation eft tiree d'une lettre du P. Bertier de l'oratoire , & correfpon- dant de l'academie, a M. de Reaumur. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ^ SUR LES GRANDS FROIDS Observes en S i b e r i e. Physique. Annce 1749. X\ 1 e n ne feroit pcut etre plus incertain dans la phyfique que Ie degre Uift. du froid & du chaud , li on etoit reduit a s'en rapportcr au feul temoi- gnage des fens : independamment des caufes particulieres qui peuvent faire varicr Ies impreffions qu'eu recoivent nos organes , il eft au moins certain que le fentiment ne peut faire remarquer que les grandes diffe- rences , ra les exprimer que d'une maniere affez vague , & par les effets qu'elles produifent : il ne faut pas sen etonner, les fenfations ne fournif- fent aucune idee diflincTte , & il n'y a que les idees qui puilTent fe rendre par des paroles. II a done fallu imaginer quelque moyen de reduire les effets du froid & du chaud a des mefures exaCfes & precifes, pour en pou voir faire la comparaifon,-& ce moyen eft le thermometre : avant l'in- vention de cet inftrument, on ne connoiiloit les differens degres de froid que par leurs fuites , & e'eft de cette maniere que quelques hiftoriens ont pu conferver a la pofterite le fouvenir de quelques hivers memora- bles. Cal villus rapporte, par exemple , que I'an 859 de I'ere chretienne , la mer Adriatique gela de telle forte , que Ton pouvoit aller a pied de la terre ferme a Venite. La meme chofe arriva, felon Sydenham, en 1709', & comme alors on avoit des thermometres, & qu'heureufement cekii dont fe fcrvoit M. de la Hire s'eft conferve jufqu'a prefent, on l'a compare a ceux que l'induftrie des phyficiens a reduits a n'avoir tous qu'une meme marche, & on a pu favoir que le degre de froid qui, a Paris , avoit re- pondu a 1 ^ j degres au-delTous de la congelation dans le thermometre de M. de Reaumur , s'etoit fait fentir a Venife de maniere a y faire geler l'extremite du golfe Adriatique, oii certe ville eft lltuee. Le degre de froid de 17c 9 a etc long- temps le plus grand dont on ait eu connoilfance dans ce climat; en effet , les funeftes fuites qu'il eut, & qui n'en avoient que trop conferve la memoire, donnoient lieu de pen- fer qu'un plus grand degre de froid feroit capable de derruire tous les etres organiles du climat oil il fe feroit fentir, & on etoit encore confirme dans cettc idee par celui qui avoit ete obferve en Illande en meme temps, qui ne s'eft pas irouve meme li grand que celui qu'on avoit eprouve a Paris lorfqu'on a reduit les degres du thermometre qui avoit fervi a cette ob- fervation , a celui auquel il repond fur les thermometres d'aujourd'hui. Mais depuis que les obfervateurs fe font multiplies, & que le genie des fciences s'eft communique dans les parties les plus feptentrionalcs de l'Eu- ropc , on a vu que ce degre de froid qu'on regardoit comme le plus fort que des etres organifes putTent foutenir , etoit bien eloigne de celui qu'on eprouvoit tous les ans dans certains climats, fans que les hommes, les ani- maux ni les plantes du pays en fulTent trop maltraites , Si qu'il n'approchoit N ij too A B R E G E DES M13M0IRES pas meme de cehii qu'on obferve d.ins d'autres regions. C'eft l'hif- Physique t0're ^e ces froids extraordinaircs , qui fait la matiere du memoire que ' M. Delifle a In a 1'academie fur ce fujet. Annii zjqg. Avant de rapporter le precis des obfervations qui le compofent, il eft bon de dire un mot des inftrumens avec lefquels elles ont ete faites. Les thermometres a efprit de vin n'etoient certainement pas propres a cet ufa- ge : cette liqueur, qui dans ce climat eft toujours incapable de fe glacer, gele en malic dans Fes pays feptentrionaux pendant la rigueur de l'hiver; il n'y a que ceux de mercure qu'on y puiile employer. Le defaut de fou- terrains ailez profonds pour conferver a peu-prcs la meme temperature , avoit empeche M. Delifle de fe fervir en 1751 , dans la conflriuftion des thermometres de mercure qu'il fit a Petersbourg , de la methode qu'il avoit employee a Paris pour conflruire ceux d'efprit de vin. Cette me- thode confiftoit a expofer fuccefTivement fes thermometres a la tempera- ture des caves de l'obfervatoire, & a la chaleur de l'eau bouillante, puis partager en cent parties rinteivalle entre ces deux termes , quel qu'il put etre; mais oblige d'y renoncer, il imagina de prendre tous fes degres au- deffous du point ou le mercure feroit porte par l'eau bouillante, en fup- pofant toujours la maffe de mercure augmentee par cette chaleur d'un cer- tain nombre de parties, ce qui, comme on voit, donnoit des degres ine- gaux dans les differens thermometres , mais toujours proportionnels, & qui fe peuvent rapporter a ceux du thermometre de M. de Reaumur. Le premier ufage de ces thermometres fut d'obferver a Petersbourg le froid du 27 Janvier 1735 , les thermometres expofes a l'air libre defcen- dirent au degre qui repond ail 17 au-deffous de la congelation dans ce- lui de M. de Reaumur. En confiderant que le froid de 1 70;; n'a fait def- cendre ce dernier qua 15 degres {, on jugera aifement de la rigueur de la faifon a Petersbourg : c'eft le premier froid de cette efpece qui ait ete obferve exadtemenf, mais, quoiqu'il nous paroiffe extreme, & que pen- dant qu'il dura, perfonne ne put s'expofer i l'air, meme avec les meilleu- res fourrures, cependant M. Delifle a appris qu'en 1747 & au commence- ment de 1748 on en avoit obferve un plus fort a Petersbourg , le ther- mometre y etant defcendu au degre qui repond au 30 de celui de M. de Reaumur. Quelque grand cependant que paroiffe ce dernier degre de froid, il n'eft encore que mediocre li on le compare a celui qui a ete obferve dans de- ferens endroits , & dont M. Delifle a dreife line table , dans laquelle le froid de 1709, qui s'y trouve compris , eft le moindre terme. Les voya- ges ordonnes par l'imperatrice de Ruffle, pour la recherche de la commu- nication de l'Afie a rAmerique , ont foiirni un grand nombre de ces obfervations; les autres ont ete. tirees de differentes relations. Le plus grand froid obferve en Europe, qui fe trouve dans cette table, eft celui qu'eprouverent en 1737 M"- les academiciens qui allerent en Lapponie , pour mefiuer le degre du cercle polaire ■, le thermometre y defcendit au 37me- degre de celui de M. de Reaumur : lorfqu'on ouvroit la chambre chaude dans laquelle ils etoicnt enfermes, l'air de dehors con- DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. ioi vertiffoit fur le ch imp en neige la vapcur qui y e^oit continue , & en ■ ■ ■ formoit de gros tourbillons; & enfin on ne pouvoit s'expofer a lair ex- p tcrieur, fans eprouver un froid qui lembloit dechirer la poicrine. Probablement on a du eprouver un froid approchant a Quebec en 1-44. Annde IJ4$< M. Gamier ellime que Con thermometre etoit defcendu au 3Jme- degre de c<.!:ii de iM. de Reaumur; nous dilons eftime, car le mercure etant Ventre dans la bonle aprcs le 5imc- degre, il n'a pu avoir 1? dernier terme du froid que par emulation, Un froid prefque pareil s'eft fait lentir en 174(1 a Aftracan , le thermometre y eft defcendu au 14 { degre au-deflbus de la congelation. Ce qu'il y a de lingulier, e'eft que Quebec & Aftracan font places a pru- f>res foils les paralleles de 46 oil 47 degrcs , qui repondent au milieu de a France; preuve bien evidente que le degre de froid ne depend pas tou- jours de la latitude du lieu ou on l'oblerve. On en fera encore mienx convaincu , en faifant attention qu'a Kirenga , fur les frontieres de la Chi- ne , le froid a etc obierve de 66 ~ degre du thermometre de M. de Reau- mur, quoique cette ville ne foit qu'a la latitude de 57 degrjs 50 minutes qui revient a peu-prcs a celle de Riga & du nord de l'Ecofle , ou on n'eprouve rien de pareil. Le plus grand froid qui fe trouve marque dans la table de M. Deliflc, eft celui qui a etc obierve a Ycnifeisk en Siberie, le 16 Janvier 1 7 3 <; au matin , le thermometre a bailie pendant quelques heures a 70 degres au- delious de la congelation : nous dilons quelques heures , parce qu'efrecti- vement deux heures auparavant & deux heures apres , il etoit btaucoup plus haut Cc dernier froid eft le plus grand qui foit dans la table de M. De'ifle, parce que e'eft le plus fort qui ait ete obierve jufqu'a prefent •, mais a en juger par les erl'ets , on en trouvera peiit- etre d'aulli terribles , rapportes dans plulieurs voyages. II y a, par exemple , tout lieu de croire que ce fat a un froid pareil, que fiit cxpofe le Capitaine Willougly, lorfque chercbant , en 1553 , le chemin de la Chine par la mer feptentrionale, les glaces l'arreterent a Ar- zina en Lapponie, fous la latitude de 69 degres, ou il fut trouve mort avec tout Ion monde l'annee fuivante. Les Hollandois qui , en cherch.mt le meme paffage, furent obliges de paffer l'hiver a la nouvelle Zemble en 1596 , ne fe garantirent de la mort, que la rigueur de la faifon leur auroit infailliblement c.iufee, qu'en s'en- firmant dans une hutte qui n'avoit aucnne ouverture, & dans faquelle ils entretenoient un feu continue! ; malgre ce fecours , ils eurent bien de la peine a s'empecher d'avoir les pieds geles ; leurs habits & leurs fourrures etoicnt continuellf ment converts de glace , & le vin fee de Cheres y etoit h parfaitement gele en made, qu'il fe diftribuoit par morceaux. Mais a en juger fuivant les precautions qu'on a coutume de prendre contre le froid dans les pays feprentrionaux , & que M. Delifle qui les a priles long- temps, fait mieux que perfonne, nous ne connoifions rien de comparable au froid qu'a eprouve le capitaine MiiJlcton dans l'habitation roi ABREGi DES M^MOIRES : des Ar.glois, a la baie d'Hudfon, fous la latitude de 57 degres 20 mi- Physique. t .r , . , . r , A . . . „ , .,, Les mailons dc cette habitation font baties de pierre, & leurs murailles Amu'e 1749. out deux pieds d'epais-, les fenetres font tres etroites, & garnies de volets cpais que ion ferme pendant 1 8 heures au moins chaque jour. On y al- lumc quatre fois par jour de tres-grands feux dans des poe'les faits expres, & dont on ferme exaclement les cheminees des que le bois eft reduit en charbon, on ne s'eclaire la nuit qu'avec des boulets de vingt- quatre, rou- gis au feu, & fufpendus devant les fenetres. Malgre toutes ces precautions, toutes les liqueurs, fans en excepter l'eau-de-vie , gelent jufques dans les plus petites chambres & les mieux echauftees, & tout l'in,terieur des cham- bres & les lits fe couvrent d'une croiite de glace epaifle de plufieurs poli- ces , qu'on eft oblige d'enlever tous les jours. De quelques fourrures qu'on foit envelopp^ , nul ne peut , pendant ce rigoureux froid , s'expofer a l'air extericur fans rilquer de perdre , en rentrant dans les lieux chatids, la peau de fon vifage & de fes mains, ou merae d'avoir quelqnefois les doigts des pieds & des mains geles. Les lacs d'eau dorraante qui n'ont que dix a douze pieds de profondeur , gelent jufqu'au fond : la mer gele a-peu-pres de la meme epaifleur-, quoique la glace ne foit que de huit a neuf pieds a 1'embouchure des rivieres & aux endroits ou la maree eft forte , ces maffes enormes de glace fe fen- dent quelquefois avec un bruit horrible, & qui egale celui du plus gros canon. Quant a la terre , M. Middleton croit qu'elle n'eft jamais entiere- ment degelee, car ayant fait fouiller a la profondeur de cinq a fix pieds pendant les deux mois d'ete , il la trouva gelee & blanche comme la neige. il y a done tout lien de croire que le froid qu'on eprouve a la baie d'Hudfon eft pour le moins aulTi grand que celui qu'on reftent en Siberie-, mais , pour en etre parfaitement fur, il faudroit avoir des oblervations du thermometre a la baie d'Hudfon , & nous n'en avons pas encore : ce qu'il y a de certain , e'eft que , quelque plaufibles qu'aient pu etre les railons qu'on avoit de croire qu'un froid beaucoup plus grand que 1709 ne laif- (croit fubfifter ni animaux ni plantes , l'experience a decide le contraire ; les affertions phyliques qui ne font pas immediatement fondees fur les faits , font fujettes a eprouver un pareil malheur. DE L'ACADEMIE ROTALE DES SCIENCES. ic} S U R UN tLECTROMETRE. P H Y S 1 Q U H. Anme z~4p. ius on eft an fait de la phyhque experimentale , & plus on eft per- Hift. fuade au'on nc peut apporter trop de precidon dans 1'examcn & la mclure d^s cftcts dont on cherche les caufes. Comme il eft extremement rare que philieurs ne concourent a un phenomene qui paroit fimple a la pre- miere inlpedUon , il eft d'une importance extreme d'avoir des moyens de difcerner les plus petites differences, qui fouvcnt font les feuls moyens par lefquels l'induftrie des phyilciens puiiTe parvenir a devoiler les fecrets de Ja nature. Ce motif a determine M«- le chevalier dArcy & Ie Roi a chercher le moyen de mefurer la force de l'eledtricite par celle de quelques-uns de fes effets. Comme dans line matiere auffi neuvc & audi delicate , il etoit nlceffaire de diftinguer jufqu'aux moindres changemens qui pouvoient y arriver, il falloit cjue rinftrument fut extremement mobile, & qu'il put obeir fans aucun iaut aux variations fubites dont la force qui l'animoit pouvoit etre fufceptible : ce font ces deux qualitcs que Mrs- d'Arcy & le Roi ont cherche a reunir dans leur eledtrometre. Une cfpece de pefe-liqueurs , compofe d'une fiole de verre de forme ovale , dont le cou eft line longue verge cylindrique , eft recti dans un vaiueatl auffi cylindrique rempli d'eau, & dont l'ouverture eft fermee par line plaque ronde de metal; cette plaque eft percee en fon milieu d'un trou rond plus grand qu'il n'eft neceffaire pour paller le cou de l'eleclro- metre , & il doit etre retenu au centre de cette ouverture par un carre de quatre fils d'argent trcs-fins attaches fur la platine dont nous venons de arler, qui lui laiffent la liberte de fe mouvoir & de gliffer de haut en as on de bas en haut, fans lui permettre de s'approcher du bord de l'ou- verture de la platine : ce cou doit etre auffi termini par une platine ronde de metal , qui y eft attachee perpendiculairement par Ion centre. L'eleclro- metre a dans fon interieur une petite quantite de mercure, qui lert, pour ainli dire, a le lefter & 4 l'empecher de s'incliner-, elle doit etre telle que le tout etant en repos, fon fond touche prefque celui du vaiffeau qui le contient. Dans cette htuation , la plaque qui ferme l'ouverture de ce vaiffeiu eft le plus pres qu'il eft poffible de celle qui tient au cou de I'electrumetre , & le tout demeurera en cct etat tant qu'auciine caufe etrangere ne rom- pra cet equilibre ; mais lorfqu'on communiquera l'eleciricite a toute cette machine, alors les deux platincs , devenues eleclriques , tendront mutuel- lement a s'ecarter , & cette repulhon fera le meme eftet que li le poids de l'electrometre etoit diminue relativement a celui de l'eau \ il s'elevera done julqu'a ce que le poids de la partie du cou qui fera fortie de l'eau, foit eg.il a la force repullive communiquee aux deux platines, & par conlequent les dirltirentes afceniions de la platine feront proportionnelles a cette force. I 10+ AB R £ G £ DES M £ M O I R E S **— "— ^—* £a cjifficultc etoit de mefurer les mouvemens de cet instrument : nn P H y s i q u E. corps eledrique ne petit fe trouver dans Ie voifinage d'un qui ne l'eft pas, fans lui communiquer line partie de fon elethicite , & l'obfervateur eut Annie 1749. furement abforbe une partie de celle de I'ele&rometre lorfqu'il s'en feroit approche pour mefurer fon elevation. Mrs- d'Arcy & le Roi ont trouve an remede a cet inconvenient-, un ca- dre fermement arrete a quelque diftance de teledrometre , contient une glace qui n'eft qu'adoucie , & fur Iaquelle on a marque plulieurs lignes ho- rizontales a egale diftance les unes des autres ; cette glace recoit l'ombre de l'eledrometre, qui y eft' renvoyee par une groffe bougie, & l'obferva- teur peut mefurer fur cette glace le chemin qua parcouru la platine , fans craindre de derober 1'elecr.riate de l'inftrument : il eft vrai que par ce moyen ce n'eft pas lelevation abfolue de la platine qu'on mefure, mais une quantite qui lui eft toujours proportionnelle. Un avantage considerable du nouvel inftrument, eft qu'on peut le conf- truire de maniere que fa marche foit precilement egale a celle d'un au- tre deja fait ; car Taction de l'inftrument dependant de la groffeur du cy- lindre de metal qui lui fert de cou, il fera toujours poflible d'y employer des cylindres de meme grofleur; il y a plus, on pourra toujours prendre pour degre l'enfoncement occafionne par un poids conftant, par exemple, de huis grains , & par-la l'eledrometre jouira du meme avantage que le thermometre de M. de Reaumur : on pourra par fon moyen comparer la repuUion elecliique obfervee dans des endroits differens. Non-feulement lelcdrometre peut fervir a la mefure dont nous ve- nons de parler, mais il peut encore etre employe comme inftrument pour faire un grand nombre d'experiences elecrriques tres-commodement & avec une grande precilion •, propriete , qui n'eft pas moins importante que celle de mefurer la force de la rcpulfion eledrique. Il a, par exemple, fervi a rechercher fi l'ele&ricite d'un corps eft comme fa made ou comme fa furface ; pour cela on a pote au-deffus d'un elec- trometre une cfpece de'calotte de fer battu : leledricite , excitee par un meme globe , a ete communiquee en meme temps a cet eledrometre & a un autre •, on a exadement remarque a quelle hauteur montoit chncun des deux inftrumens, enfuite, tout reftant en cet etat, on a verfe dans la calotte de fer afiez de mcrcure pour que la maffe fiit multipliee plus de foixante fois; cependant, rnalgre Tenorme difference , lejeu de l'inftru- ment fut precifement egal plus de cinquante fois qu'on repeta cette expe- rience, l'autre eledrometre fervant de tefn'oih que la force repulfive com- muniquee par le globe etoit toujours demeuree la meme. II leroit affez naturel de penfer que cette experience prouve incontef- tablement que l'eledricite fe communique fuivant les furfaces , & non fe- lon les maffes •■, mais fi on veut bien faire reflexion que l'eledrometre ne mefure que la force repulfive de l'eledricite , & fe rappeller les regies que nous avons donnces en 1747 , (a) d'apres M. l'abbe Nollet, pour juger (a) Vdyez Hift. 1747, ci-devant. du DE L'ACADI-MIE ROYALE DES SCIENCES. 105 du degre dclcchkitc dun corps, dont la principalc eft de nc jamais s'en — — — — 1— rapporter a 1111 fcui efiet lorfqu'on pcut en examiner plulieurs, on ne fera „ pas iiirpris que Mrs. d'Arcy & le Roi ne fc foient pas prclTcs dc tircr cette » Y s 1 Q 1; s. conclulion de leur experience. Anni't Z7 "J- Une feconde experience , dans Iaquclle l'eletftrometre a fervi commc inftrument, a etc de voir Ii un corps tranfmettant fon ele&ricitc a un au- tre, Iui en tranlniettoit toujours la meme quantite, quel que fdt le vo- lume du conduckeur. Pour cela l'ele&ricite du globe a ete conduite a un. dcs ele&rometres avec une chaine , & a l'autre fucceffivement avec des fils de rer d'inegalc grofllur ; & quelques changemens qu'on ait pu fairc & la groffeur des tils, la repullion eletirique & l'afcenlion de l'inftrumeiu ont toujours ete les memes. , On pourroit peat ctrc obje&er que I'ele&rometre pourroit etre plus oil moins rcpoufle par le fond du vale devenu elettrique , a raifon de fes difrerentes diftances a ce fond, fans que pour cela la quantite d'electricite flit changee; mais pour peu qu'on y faffe reflexion, cette objection fe re- duira bientot a rien , etant conltant par l'experience , qu'un corps entiere- ment plonge dans un fiuide, ne recoit aucun mouvement par lelectricite. Quant a la fenfibilite de 1'inftrument , comme elle depend du diametre de la verge cylindrique, elle eft, pour ainli dire, a volonte; celtii de Mrs. d'Arcy & le Roi a obei a une eledricite ii foible , qu'on ne pouvoit tirer du corps eleclrique que des etincelles a peine fenlibles. Le plus grand inconvenient que pourroit eprouver le nouvel inftru- ment, feroit l'inegalite des degres qui naitroit de ces differentes portions a 1 egard du cadre & de la lanterne ; mais il eft extremement aife de fairc eVanouir cette dirriculte en prenant toujours pour degre , comme nous 1'avons dit , l'efpace qu'un poids conltant , comme huit grains , aura fait parcourir a I'ombre de l'inftrument fur le cadre, quel que pu'uTe etre cet efpace ; par ce moyen l'cledtrometre deviendra propre a comparer les dif- ferens degres de force repuliive de l'eledricite. En pareille matiere, on nc pent trop avoir defecours, ni trop de reconnoiffance pour ceux qui em- ploient leurs veilles a les procurer. Tome X. Panic Fran$oift. O Physique. Arine'e iJ49> ioit elc&rife que pendant environ fix jours, parce qu'on s'appercut que les jointures des parties atfligees etoient nouees, 011 plutot anlcilofees -, ce qui mettoit un obftacle invincible aux bons efLts que Ton pouvoit attendre de l'ele&ricite, Le troilieme etoit age de 27 ans, paralytiqne de tout le cote droit a la fuite d'un coup de feu qui lui avoit brule l'ccil gauche, ce qui, malgre fa lingularite appare»te,_devoit natureliement arriver, les nerfs fe croifant dans le cerveau , & paflant d'un cote a l'autre avant d'arriver a leur origine : il reffentoit depuis cet accident une douleur continuelle au vifage , & fur-tout vers les Gnus furcillicrs , la main gauche & les doigts etoient fans mouvement, & la partie malade etoit abfolument privee de tout fentiment. Des les premieres experiences, les mufcles paralytiques, defquels on ti- roit des etincelles, commencerent a agir. On etoit maitre de faire flechir oil redreffer quel doigt Ton vouloit, en tirant l'etincelle du mufcle qui y repondoit. Au bout de cinq a tix jours , on a remarque que ces motive- mens devenoient plus fenlibles, fur tout quand on avoit la precaution de lui entretenir la main aftligee chaude, foit a l'aide d'un manchon de peau d'agncau qu'il portoit pendant la journee , foit avec des ferviettes chau- fneme annee de fiire en Italie, etoit de verifier par lui-meme & par dcs — — — i ■■■ experiences bieri conftatees, les merveilleux effets qu'on attribttoit depuis p quelques armies a lelectricite, & de la verits deiquels le nom de ceux qui les publioient, fembloit etre itn fur garant. Ces faits furprenans pouvoient Annie tjdg. en general fe reduire a trois principaux ; la tranfmidion des odrurs a tra- vers un tube on un globe clecTtrifc & ferine comnie hermetiquement-, des perfonncs de tout age , & de l'un & 1'autre fexe, purgees, lorfqu'cllcs fe faifoient electriler en tenant a la main des purgatifs violens, comme un morceau de refine , de fcammonee , de gomme gutte , &c. enfin des rhu- niatifmcs goutteux & invcteres , des fciatiques, des paralyfies, des anky- loles,& quantite d'autres maladies gueries ou trcs- conliderablement dimi- nuecs par l'cleetrifation , foit avee un cylindre de verre vuide, foit avec tin pareil vaiffeau, rempli de drogues, appropriees a la maladie. DeS faits de cette nature etoient Bieri capables de piquer la curiofiti de M. l'abbc Nollet, tant par eux-memes que par l'utilite qu'ils larffqieflt ei trevojr; audi n'eut il rien plus a cceur en arrivant a Turin, que de voir M. Bianchi, premier auteur des purgations electriqucs, & d'obtenir de lui que quelques-unes de ces experiences, qui avoient ete tentees a Paris, & toujours lans aucun fucces , fuffent repetees entr'eux & fous fa direc- tion. Elles le furent eii eifet fur M. i'abbe Nollet lui-meme, & fur cinq autres perlonnes, tenant a la main un gros morceau de fcammonee. L'erlet en fut tel qu'il l'avoit foupconne, il n'en redentit aucun qu'il put attri- buer a cette caufe ; des cinq afllftans, trois n'eprouverent aucune purga- tion ■, les deux autres dirent qu'ils avoient eu , pendant la nuit, quelques mouvemens de colique & quelques evacuations, mais l'un des deux etoit dans l'ufage des bouillons de chicoree , qui, probablement , avoient eu plus de part que l'elesftricite a ce qui lui etoit arrive; & le fecond chargea, Ion recit de particularites fi pen vraifemblables , qu'il -detruiiit jufqu'a la nioindre conhance qu'on eut pu avoir en les dileours. Le lendemain, l'experience fut repetee fur fept perfonnes que M. I'abbe Nollet avoit choifies avec foin , d'une efpece a n'aveir aucun lieu de fe: defier de leurs difcours. E!le eut le meme fucces, perfonne ne s'appcrcut d'aucun ejftet de la purgation eledlrique , un feul folipconna qu'il avoit pu en reflentir quelques-uns pendant la nuit-, mais les faits qu'il alleguoit , etoient li equivoques, qu'on n'en put tirer aucune indu&ion en faveur de la purgation eleclrique. Le furlcndenuin , Teledricite erant plus forte que les jours preceJcus, res experiences furent encore repetees ; les perfonnes qui y furent expo- fees , tenant a la main un morceau de fcammonee neuve, & l'cleetrifation durant, comme dans les experiences precedentes, pendant quinze minutes, le fucces en fut parf.utement le meme, & perfonne ne reflcntit rien qu'il put attribuer a Feleclricite. Le meme jour, on tenta l'experience de la tranfmidion dcs odeurs le long d'une barre ou d'une chaine electrifee ; on appliqua un linge enduit de baume du Pcrou fur la verge de fer qui recevoit l'electricite du globe, on y attacha le bout dune chaine de fer qui devoit tranfmettre 1'odeili i no A B R £ G E D E S ME MOIRES , fon autre extremite, garnie dune boule de metal-, raais on l'y attendit inu- •n .. . „ tilement, Sc il ne sen tranlmit pas la moindre quantite fenhble. Le peu de nieces de ccs experiences rut attribue a ce que lelecmcite Annw IJ49- ^toit trop forte : il etoit aile de s'en eclaircir •, on les recommenca avec la machine meme dc M. Bianchi, & Teleclricite fe trouva alfez foible pour tju'on eut peine a tirer des etincefles leniibles de la chaine qui lervoit de condu&eur , ou de la perfonne eledh'ifee ; malgre cette diminution de for- ce, les experiences ne reulTirent pas mieux , & perfonne de ceux fur qui elles avoient ete faites, n'en reffentit aucun eftet pendant les trois jours Ativans : il eft vrai que la nuit du troilieme au quatricme , M. l'abbe Nollet fut incommode d'une indigeftion & de douleurs de colique ; accidens qu'il regarda , avec raifon , bien moins comme des effets de l'ele&ricite , que comme caufes par des radis qu'il avoit manges la veille , & par un verre de limonade a la glace qu'il avoit btr, deux chofes que la delicatefle de fon eftomace ne lui permet guere de prendre impunement , avec quelque fobriete qu'il puitfe en ufcr. Le peu de temps que M. l'abbe Nollet avoit a refter a Turin , 1'embar- ras de trouver des malades de maladies couvenables, au temoignage del- quels on put fe fier , & qui voulutfent fe preter aux experiences, l'empe- cherent de tenter des guerifons femblables a celles que M. Bianchi penfe avoir operees, foit par le moyen de lelectricite fimple, foit en employant les intonacatures, on des drogues appropriees a la maladie, enfermees d.ins les vaiiTeaux dc verre qu'on eleclrifoit par frottement •, inais il eut la cut riofite de rechercher les pretendues guerifons & ccux qui en avoient ete les fujets ou les temoins , & il refulta de fon examen , que fur cet article on avoit ete la dupe de l'imagination des malades oil de quelque circouf- tance etrangere , & que les pretendues guerifons eleclriques de Turin ont ete crues & regardees comme certaines , avec un peu trop de precipi- tation. Ue Turin, M. l'abbe Nollet fe tranfporta a Venife, oil uu de fes pre- miers loins fut de fe faire annoncer a M. Pivati,& de l'engager a lui faire voir comment il fiifoit paffer , par le moyen de l'ele&ricite , les odeurs a travers un vaiffeau de verre bien clos, & comment les matieres enfermees dans ce meme verre perdoient une portion fenhble de leur poids par l'e- lec~hifation. Le jour fut pris , & M. l'abbe Nollet trouva, chez M. Pivati, une compagnie nombreufe , qu'il crut n'avoir ete convoquee que pour avoir plus de temoins de fa conviction : il fe trompoit cependant, M. Pi- vati lui avoua que 1'experience de la tranlmiflion des odeurs ne lui avoit jamais renlTi que deux fois , quoiqu'il eut fait a ce fujet un grand nombre de tentatives •, que le vaiffeau dont il s'etoit fervi les deux feules fois qu'il avoit reuffi, etoit cade, & qu'il n'en avoit pas meme les morceaux ; que quant a la diminution de poids des matieres enfermees dans le verre , il y avoit trop de monde dans fon laboratoire , & il faifoit trop chaud pour qu'il put tenter cette experience avec quelque apparence de fucces. M. l'abbe Nollet parla enfuite des guerifons eleciriques , rapportees dans les ouvrages de M. Pivati, & en particulier de celle de i'eveque de DE L'ACADtfMIE ROYALE DES SCIENCES, rr, P k Sebenico , mais il fe trouva qu'il n'etoit nullement gueri , & piecifement dans :—— ~— "MMI Ie mane etat qu'avant d'avoir ete ele H>fT= lrl> W& e& ^ tres-peu-pres la memc chofe que ~, on que 19 a 20. Ainli il eft ne cette annee 20 garcons pour 19 filles environ. M. de Parcieux , de cette academie, rapporte dans fon EJfai fur les probabilitis de la dure'e de la vie humaine , line fupputation faite a Paris, dans la paroiife de faint Sulpice , de trente annees confecutives, oil il eft ne 24 garcons pour 23 filles •, & une autre fupputarion fake pendant qua- tre-vingt-deux ans de fuite a Londres , oil il eft ne 18 garcons pour 17 filles : de forte qu'on pent dire qu'en Europe, communement il vient au monde plus de garcons que de filles. 11 eft plus ne d'enfans en mars qu'en auctin autre mois de l'annee-, & an contraire , celui oil il en eft moins ne , e'eft en decembre. II s'eft fait moins de manages en decembre que d.ms aucun autre mois; & au contraire , e'eft en novembre qu'il s'eft fait plus de manage : il s'en eft fait cette annee, en tout 4165. no ABRIDGE DE'S M l! M 0 I R E S F H Y S I Q U E. Annie 1JJ9- ART De fairs c'clorre & dYlever en toute faifoh des oifeaux domefliques de toutes ejpecesjjbit par le moyen de la chaleur du fumier , jbii par le moyen de celle du feu ordinaire. T Hift. X el eft le titre dun ouvrage que M. de Reaumur a publie cette .in- nee & dont nous allons donner un extrait detaille. On connoiffoit depuis long-temps l'induftrieufe manicre que les Egyp- tiens avoient inventee pour fuppleer a l'incubation par I'aftion moderee d'un feu fagement menage ; mais quoique les auteurs les plus anciens en euffent fait mention , pedonne ne s'etoit avife d'en donner line defcription exa&e , moins encore de tranfporter dans d'autres pays un art auffi utile , & dont les Egyptiens ont conftamment joui jufqu'a prefent, a l'exclulion dc tous les autres peuples, fi on en excepte les tentatives qu'un grand due de Tofcane fit pour l'etablir dans fes etats. Ce n'eft pas cependant que les modernes atent etc auffi negligens que les anciens a nous lailFer la def- cription de ces fours , nos voyageurs en ont donne quelques-unes •, Mon- conys , Thevenot , veiling & le pere Sicard nous en ont meme laiffe d'al- fez detaillees •, mais independamment des diflerences qui fe trouvent dans leurs relations, & qui proviennent probablement de ce qu'ils ont decrit des fours diflerens , une autre raifon a pu encore rendre leurs ouvrages defedtueux •, ils etoient eux - memes perfuades que cet art , pratique en Epypte depuis fi long-temps, titoit inconnu aux Egyptiens memes, & cette railon a pu lcs empecher d'apporter une grande attention a decrire les chofes neceffaires a la pratique d'un art qu'ils defefperoient de pouvoir nous tranfmettre : en erFet , cet art n'eft pas indifferemment exerce par tous les Egyptiens, les feuls habitans d'un village nomme Berme ', iitue a vingt lieues du Caire, dans le Delta, font en pofleffion de l'exercer, & ils en font un myftere qu'ils font parvenus \ faire regarder comme impe- netrable. Ce n'eft pas cependant fur la ftructure du four que tombe ce fecret, que les Bermtens ne revelent qu'a leurs enfans, il eft libre a tous les etran- gers d'en examiner la ftructure exterieure , & meme d'y entrer quand ils lout vuides : le fecret des Bermeens ne confiPte que dans ce qui fe palfe au-dedans de ces fours lorfqu'on leur a confie les aufs ; e'eft auffi dans ce temps que l'entree en eft feverement interdite non-feulement aux etran- gers , mais encore aux Egyptiens , & meme au proprietaire du four. Heureufement , lcs defcriptions que les difterens voyageurs modernes nous ont donnees de ces fours, que les Egyptiens nomment mamals , ne fe contredifent point , & il a etc facile a M. de Reaumur de les concilier. A legard.du pretendu myftere des Bermeens, on ne fera pas etonne qu'il n'e.n ait pas cte un pour un phylicien aufJi eclairei la ftrudure des mamals ctaat DE L'ACADEMIE ROYALE DE,S SCIENCES, jzr elant connue, il ne pouvoit etrc queftion que de l'arrangemcnt des ocufs, & du dcgre de chaleur, qu'on dcvolt leur faire continueilement eprouvcr. _ Dcs experiences faciles pouvoicnt inftruire fur lc premier point , & le H Y s J Q u '• thermometre, inftrument inconnu aux Bermeens , etoit un guide plus fur Annie 1749. que toute leur habitude pour regler le degre de chaleur qu'on doit en- tretcnir dans les fours, qui ne doit pas differer bcaucoup de eclui que les ccufs eprouvent fous la poule, & qui revient au }ic. degrc au-deiius de Ja congelation dans celui de M. de Reaumur. Pour fe faire une Iegere idee des fours ou mamals des Egyptiens, qu'on s'imagine deux batimens de brique de 9 pieds de baut fur environ 38 de long & 1 2 de large ; ces deux batimens lailfcnt entre eux une efpece de rue de 3 pieds de large, fermee par fes deux bouts par la prolonga- tion des murs qui terminent les deux corps dont nous venons dc parler, & couverte par tuie voute appuyce des deux cotes fur leur longueur, cc qui forme entre eux une gakrie de 3 pieds de large & aulll haute qu'eux. Ces deux baiimens font partages, par dcs murs qui les iravericnt, —*i~*.—>~ '-m Hans une boite qui en retient la chaleur, ou dans un petit creux fait en p r tcrre au-deffous de cet endroit de la poufliniere : ces cendrcs chaudes , 11 ^ • 'renouveUees ati plus trois fois par jour, fuffiront pour donner a la mere Annd Z"4 la maladie le temps de fe declarer, des que l'ani- mal en eft venu la , non- feulement il n'engraifferoit plus, mais il deperi- roit, & feroit tres- long- temps h guerir & k fe remettre. Ce que nous avons dit du lit qu'on donne aux volailles, peut, a plus jufte tirre, s'appliquer h leur nourriture ; on pourroit tenter d'y meler des plantes aromatiques, des epiceries , des truffes, &c. pour en faire paffer le gout juiqu'a leur chair. M. de Reaumur a fait entrer de Tail dans la patee de plulieurs poulardes, dont la chair avoit eftedivement un gout d'ail bien marque-, & S. A. S. monfeigneur le prince de Conti lui.a affure, t: DE L'ACADliMIE ROYALE DE.S SCIENfiES. 137 qu'une volaille nourrie d'une patee, oii on avoit fait entter dcs cpluchu- ^—"M —MMT res de truffes , en avoit audi pris le goiit : on pourroit done faire fur p ce fujet, des effais & dcs tentatives, avec line efperancc aftez grande d'y reuffir. Annc'c ij-}o. Ces experiences no font pas les fcules qu'on puiffe tenter fur cette ma- tiere, Tart d'engraitur les volailles n'a ete jufqu'ici conduit que pal taton- nement , & conlerve que par line gro.lkre tradition; la phyhque nc la point encore eclaire, & il n'y aura certainement qua gagner a la connoil- lance quelle en prendra. On na point ailcz examine tout ce qui concerne les dirffrens grains qu'on emploie, leur quantite, leur melange, s'il ne feroit pas plus avan- tageux de leur donner ces fames en bouiliie cuite qu'en pate-, tous fujets dautant d'experiences, que M. de Reaumur ne fait qu'indiquer : on pent fe repofer Air lui de toutes ces recherclies , plus longu?s & plus delicates qu'on ne s'imagine communement. Nous avons rendu compte dune par- tie de celles qui font continues dans fon ouvrage, mais il fmt etre accou- turne aux experiences pour connoitre tons les details penibles dans Iefqocls il a ete oblige d'entrer , & tenir compte ail phyiicien dc ce. que lui a route, l'euvie d'etre utile a fes concitoyens. EXPLICATION PHYSIQUE De la formation de la Glace & de J'es divers Phc'nomenes. JL l n'eft probablement aucun phenomene dans la nature aiTez ifole pour Hift. que fon explication ne fuppofe pas celle de pludeurs autres , & fouvent 1 etablilfement d'un fyfteme general du nionde ; telle eft en particuiier l'ex- plication des phenomenes de la glace : il leroit peut-etre impoffible d'en rendre raifon lans employer l'exiftence d'une matiere fubtils dont la pre- fence, du moins en quantite fuSifante , put donner la fluidite, aux corps les plus durs, & dont la privation totale, oil meme la diminution excef- five, remit les plus fluides dans l'etat dc folidite. A la verite l'exiftence de cette matiere n'eft pas demontree, mais elle femble ie deceler par tant d'efiets, qu'on ne peut en regarder la fuppoiition que comme le lyfteme le mieux appuye qu'on puitTe faire. C'eft a juftirier ce mot de Jyjleir.e qu'eft employee la plus grande partie d'une preface que M. de Mairan a rnife a la rite de cute edition de fon ouvr.ige, qui clt la quatricme; car la dilfcrtation lur la glace a joui de 1'honneur qu'un livre peut tirer de la multiplicite des editions, & qui eft accorde li rarement aux ouvrages de phydque. On a certainement donne trop aux fyftemes, lorfque la philofophie de Delcartes fit changer ablolument de face a la phydque ; on les profcrit peut-ctre aujourd'liui trop univerfellement. L'efprit humain eft lujet a ces lortes d'ofcillations , dont, pour l'ordinaire, les deux extremites font ega- 6 ABRllGfi DES MEMOIRES Y S I Q U I lenient vicieufes,, la raifon feule s'arrere an jufte milieu. En effet, qu'ont etc autrefois les points les plus certains aujourd'iuii dans la phylique ? dc ' veritables fyftemes, que la fagacite de quelqties grands homines avoit fon- Annee fJ49< des ^ur un petit nombre de faits, & qui les ont mis en etat d'imaginer les experiences neceflaires pour s'affurer de la verite. Auroit-on du les prof- crire dans le temps qu'ils n'etoient pas encore revetus du degre de certi- tude fufhfant pour etre regardes comme principes phyfiques? On y auroit certainement perdu ? nous n'aurions ni la connoiffance de la pefanteur & du refiort de lair, ni l'arrangement des corps celeftes, ni une infinite d'au- Tres connoiffances aujourd'bui certaines , & qui ont comment par etre fyftemes : d'ailleurs , l'eiprit humain a beloin d'etre excite, fouvent il ne produiroit pas tout ce dont il eft capable, s'il n'afpiroit a quelque chole de plus. Les plus belles decouvertes de Kepler font dues i 1'attachement qu'il avoit pour une certaine proportion harmonique qti'il croyoit regner dans la phyfique celefte. Combien l'envie de donner des preuves du prin- cipe que M. Newton emploie dans fa phyhque, n'a-t-elle pas occahonne de decouvertes! Enhn un fyfteme eft, felon M. de Mairan , dans l'etude de la phylique , ce qu'eft la regie de fuiffe pohtion dans l'arithmetique ; il n'y a pas plus de rifque a employer 1'un que l'autre, & il n'y a d'inconve- nient qu'i en mal ufer. On ne doit done pas lui contefter le principe d'une matiere fubtile qu'il emploie , principe reconnu de prefque tons les phy- ficiens , & que M. Newton lui-meme , plus interefle que perfonne a ne le pas admettre , n'a pu s'empecher d'adopter comme M. de Mairan l'a- dopte lui-meme, e'eft-a-dir'e, comme un fluide aclif infinlment Jubtil , re'pandu dans les deux & fur la terre par Jon daflicite , 6' traverjant 11- bremeni les pores de tous les corps. C'eft en effet de la fuppolition de cette matiere que part M. de Mairan pour 1'explication des phenomenes de la glace, dans une favante difiertation fur la glace dont il a donne, cetta annee , une quatrieme edition. II n'y a peut etre aucun corps fur la terre qui ne foit fufceptible d'etre mis en fulion , e'eft-^-dire, dans l'etat de liquidite, du moins les expe- riences du miroir ardent femblent autorifer a le croire ; comme il n'y en a auffi peut- etre aucun qui ne puiffe paffer de l'etat de liquidite a celui de corps folide* fi on le depouille fufriiamment de la matiere qui entrete- noit (a fluidite , c'eft done le plus ou le moins de cette matiere qui fait prendre aux corps ces deux formes li difterentes. Pour mieux fenrir en quoi conlifte cet difference , il faut tacher de fe former une jufte idee de ce qu'on appelle dans le corps , liquidite. Un corps pent en general etre ou Tolide on fluide •, s'il eft folide, rou- tes fes parties integrantes font exactement appliquees les lines contre les antres , & non-feulement n'ont aucun mouvement refpedlif, rriais meme 11'en font pas fufceptibles, a caufe de l'efpece d'engrenage qui les unit. Qu'on fuppofe maintenant ces parties defunies , elles deviendront mobiles les lines a l'egard des autres, & le corps aura paffe de l'etat de folidite a celui de fluidite : veut-on s'en former une imnge jufte, quoique groflicre ? qu'on fe reprefente un morceau de bois d'abord dans ion entier, & enfuite DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i -• enfuite reduit en rapures , on aura dans Ie premier cas un corps folid? , & dans le fecond un tas de poudiere qui fera un veritable fluide. p Les parties du corps fluide font fufceptibles de tout mouvcn.ent crran- * '• ger , mais elles n'en out aUCUt) par elles-memes, &: elles ne fortiront ja- Annee i~l§< niais de leur erat d'ina&ion ; li on veut rendre ce corps fluide un verita- ble liquide , il ne faut qu'y introduire un autre fluide plus fubtil qui foit en mouvement , & qui puilfe , en fe glidant dans les intcrvalles des par- ties du fluide, les foulever, les empecher de s'unir, & lour communiquer fon mouvement. Dans la fuppofltion que nous avons faite, il n'y a qu'a introduire de l'eau en quantite lutHfante dans le tas de r.ipures, pour en compofer un tout capable de le repandre , de couler, de mettre fa fur- face de niveau s'il eft content! dans un vailTeau , & dont les parties n'au- ront aucune adherence les lines aux autres ; en un mot , ce fera tin veri- table liquide. Si on imagine prefentement que l'eau foit retiree de ce compofe , il rentrera dans l'ctat de poudiere on de (imple fluide •, & li on l'enveloppe d'une toile qui le ferre fortement, il reprendra la folidite, & ne differera de ce qu'il etoit avant d'etre rape, que parce que la predion de la toile ne fera pas fufKfante, & que I'irregularite des particules rapecs ne leur per- mettra pas de fe joindre audi exaclement qu'elles l'etoient dans le mof- ceau de buis •, audi le nouveau iolide aura til un volume plus confidera- ble : appliquons cette image grodiere a la congelation de l'eau. Les particules integrantes de l'eau font la rapure dont nous avons parle, a cela pres que leur figure eft probablement uniforme, plus propre a s'ar- ranger , & qu'elles font d'une petitede de hquelle l'imagination eft ef- frayee : M. Nieuwentyt, cite parM. de Mairan , demon tre que la pointe de l'aiguille la plus fine pourroit porter treize mille de ces parties. Malgre leur extreme petitede , les parties elementaires de l'eau font peut etre encore plus groflieres a 1'egard de la matiere fubtile qui fe meut dans leurs interftices , que l'eau elle-meme ne l'eft a 1'egard de notre ra- pure de bois ; elles leront done foulevees , mues en tout fens, & mainte- nues dans une veritable liquidite par la matiere fubtile , dont I'agitation & le reffort ne leur permcttront de fe joindre que rarement, & pendant de courts intcrvalles. Nous difons mues en tout fens, car independamment du mouvement tranflatif de la made entiere des liquides , ils ont encore un mouvement inteftin & refpedtif de leurs parties les Ones a 1'egard des autres •, ce mou- vement, pour echappcr a nos fens, n'en eft pas moins reel, le prompt eftet de l'eau fur les fels & des acides fur les metaux , en eft line preuve bien certaine1, mais M. de Mairan y en ajoute une d'un autre genre & bien in- genienie. Les parties des liquides ne reliftent a l'evaporation que par leur made & leur adhelion mutuellc •, la made fe connoit par le poids, & 1'ad- hetion des parties par d'autres experiences : cela pofe , s'il n'y avoit pas mi principe inteftin d'evaporation, des liqueurs differentes expofees pen- dant le me me temps a fair dans des circonftances & des vaideaux ablolu- ment femblables, devroient s'evaporer en raifon inverfe compofec de leur Tome X. Partie Franfoi/e. S rjS ABREGE DES MEMOIRES 1 ppfintpur & de l'adhilion de lcurs parties-, cependant les experiences que p M. de Mairan a faites fur l'eau & l'efprit de vin , ont donue [evaporation " de ces liqueurs dans la raifon de 8 a i , quoique celle qui fe tire de leur Annie IJ49- pelanteur & de leur liquidite ne foit que de 5 il 4 : il y a done dans Tin te- rieur de ces liqueurs un principe de mouvement qui eft beaucoup plus grand dans l'efprit de vin que dans l'eau commune, & qui influe beaucoup fur leur evaporation. C'eft par cette ingenieufe mcthode que M. de Mai- ran parvient \ faire connoitre combien ce principe y a de part. II fe prefente ici naturellemcnt line objection tiree de la quantite meme dc faction du mouvement inteftin des liquides : comment eft-il poffiblc que cette quantite de mouvement qui exifte ians ceiTe dans l'interieur d'un liquide, ne defuniile pas toutes fes parties, & ne les diffipe pas en tres- peu de temps ? Pour pen qu'em fatfe attention & la force d'inertie des par- ties integrantes, qui oppofe une refiftance au mouvement, & que Ton con- fidere d'ailleurs que la maticre fubtile n'eft ni en auffi grande quantite, 111 dans un mouvement auffi libre au dedans de la liqueur qu'au dehors , & que par confequent celle du dehors doit avoir plus de force pour re- tenir les molecules cuterieures fur lefquels elle agit , que celle du dedans n'en a pour les foulever, on verra que les liqueurs ne s'evaporeront que Jcntement, & d'autant plus lentement, que cette difference entre la Iibei.e de mouvement de la matiere fubtile du dehors & du dedans fera plus grande ; fi au contraire elle eft tres-petite , la liqueur fera li faeilemenc evaporable, qu'elle fe diffipera prefque fur le champ : on en peut voir un exemple dans la preparation chymique qu'on nomme ether; elle eft d'unc fi grande fubtilite , que le doigt qu'on en a mouille eft fee fur le champ , & que les gouttes qu'on laiffc tomber d'un peu haut fe diffipent avant que d'etre arrivees a terre. La nature des fluides une fois etablic , il n'eft plus difficile d'imaginer comment fe fait la congelation, il ne faut en erlet pour cela que conce- voir que par quelque moyen la quantite , le mouvement & l'elafticite de la matiere qui coule entre les parties integrantes d'une liqueur, foient de- truits , ou beaucoup diminues •, bientot ces parties s'appliqueront les lines fur les autres , y feront retenues par l'efrort que la matiere fubtile du de- hors fera contre celles qui feront a l'exterieur, & le fluide deviendra fo- lide, oil, comme on parle communement, fera glace. II n'eft pas auffi facile d'affigner la caufe qui opere cette diminution de matiere fubtile dans l'interieur de la liqueur, que de juger que la conge- lation en eft la fuite •, celle qui fe prefente la premiere , eft la diffcrente pofition du foleil en hiver & en ete , & la difference de la longueur des jours, qui en eft une fuite, & il eft certain qu'elle y influe conliderable- menf, mais fi on veut la rappeller au calcul , on verra bientot qu'il s'en faut beaucoup qu'elle ne foit la feule. En effet, I'abaiiTement du foleil ne contribue au froid qu'en quatre ma- nieres ; la premiere en diminuant la duree du jour nature! •, la feconde , parce que les rayons tombant plus obliquement fur le terrein , un meme efpace 'en recoit moins que quand ils y rombent perpendieukirement •, la DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 139 troifiemc, parce que cette obliquite augmente Ies ombres, & fait gn'mif — •— ^ plus grande partie du terrein n'eft ni eclairee ni echauffee ; & enfin parce p H Y s 1 o u 1. que les rayons du foleil , plus obliques , out une plus grande epaiffeur de l'atmofpherc a traverfer, & qu'il s'y en perd un plus grand nombre. Nous Annie i?49~ n'infiftons pas davantage fur ce detail , dont Tacademic a rendu comptc au public d'aprcs M. de Mairan meme, dans fon hirtoirc dc 1 7 1 p j inais tou- tes ces caufes mifes en jtu fuivant Tintenfite qu'on kur connoit, il en re- fulte que la ch.ileur du foleil en ete eft a celle qu'il donne Ctl hivcr , comme 66 eft a 1 : or, par Ies experiences de M. Amontons, la chaleut obfervee en ete eft a la chaleur obfervee en hivcr, comir.e focft 151 j-i ou dans la rp.ifon de 8 a 7. II y a done im fonds de chaleur inherent a la terre, & ir.dependant de celle qui lui eft communiquee par le foleil, & le calcul donne ce fonds de chaleur de 591 parties, auxquelles joignant 66 , on aura la chaleur d'ete exprimec par le nombre 458 ; 8c en ajoutant 1 au meme nombre, c-rlle d'hiver exprimee par 103 : nombres qui iont dans la proportion de 8 a 7 que demandent les oblervations de M. Amontons; nous allons examiner d'oii pcut venir cette chaleur ctrangere a celle du foleil. La premiere idee oui fe prefente, eft que la terre ne diflipe pas en hiver toute la chaleur qu'elle a recue du foleil pend.int l'ete , mais qu'; : en tient en refcrve une portion qui forme ce fonds de chaleur dont nous avons parle-, cependant un grand nombre d'experieuces font voir o^e cet.e caufe ne peut avoir lieu, ou du inoins quelle n'elt pas la feule qui con- coure a cet eft'et. Si le fonds de chaleur que conferve la terre ne venoit que de Taction des rayons du foleil , il eft certain que cette chaleur fe feroit beaucoup filus fentir pres de fa furface qua une plus grande profondeur; que les ieux les plus cleves & les plus expofes a Taction du foleil , feroient audi les plus echauffes , & qu'enfin les eaux de la mer ne recevant de chaleur que jufqu'a la profondeur a Iaquelle les rayons du foleil peuvent les pene- trer, le fond devroit etre, a une grande profondeur, beaucoup plus froid que la furface ; rien de tout cela n'arrive, & on obferve precifement rout le contraire. La chaleur qui, jufqu'a une certaine profondeur, fe fouticnt a un meme degre , e'eft-a-dire , an 10 j au-deftiis de la congelation du thermometre de M. de Reaumur , va enfuite en augmentant a mefure qu'on defcend davantage : M. de Genfanne a obferve dans la mine de Gi- romagny en Alface, que le meme thermometre qui , jufqu'a 51 toifes, s'etoit foutcnu a, 1 o degres , etoit monte a mefure qu'on s'enfoncoit plus avant, & qu'au fond de la mine, a la profondeur de 222 toifes , il etoit monte julqu'a 1 8 degres ; on n'obferve point ce froid rigoureux qui de- vroit regner au fond de la mer , li elle n etoit echauffee que par les rayons du foleil, puifqu'ils ne la penetrent pas au-dela de 42 toifes : (a) bien- loin dela les obfervations de M. le comte Marfigli femblent indiqucr que fa temperature eft prefque toujours egale,& a-peu-pres la meme que celle (e) Effat i'Of.itjut fur h gmdetiw it la himiert, far M. Btvguer, p. 85. S ij j4° AB R £ G E DES MEMOIRES ■" ' ' ■""^— — de l'air que nous appellons tempore. II y a done (bus la mcr un principe P h v s i o » J ^ chaleur, independant des rayons du foleil, 8c qui l'entretient dans cette temperature , fans quoi Ton fond , a i , 5 , ou meme 400 braffes , feroit Anne'e IJ4<). d'une froideur infupportable , & peut-etre toujours glace. Bien-loin que les lieux les plus eleves foient auffi les plus echauffes du foleil , il eft au contraire connu de tout le monde , que les niontagnes qui s'ejevent a une certaine hauteur , que les obfervations de M. Bouguer ont fixee fous la ligne , a 2400 toifes , ont leur fommet toujours convert de glace & de ncige que l'ardeur du foleil ne peut jamais fondre , & qu'en Siberie qui, li on s'en rapporte aux rivieres qui y prennent leur fource, eft peut-etre le plus haut pays du monde, on eprouve un froid exceffif & infiniment fuperieur a celui qu'on reffent dans plufieurs endroits , fitues fous le meme parallele. On pent done raifonnablement conjeclurer que la chaleur qui s'eleve du fond de la terre, arrive plus difficilement a ces lieux plus ele- ves, & que plufieurs caufes locales, telles que des bancs de rochers, des nappes d'eau fouterraines, ou meme dans certains endroits des nappes de glace, interceptent (on action, & produilent par cette lupprefllon le froid cnorme qu'on rellent dans des lieux qui femblent les plus expofes a Tac- tion du loleil. Quand on n'auroit pas d'autres preuves de 1'exiftence d'un feu , finon central, du moins fouterrain & trc-s- pro fond , ce que nous venons de rapporter, (uffiroit pour en etablir la neceflite; mais combien de raifons ne trouve-t-on pas encore pour venir a l'appui de ce fentiment , les vol- cans, les tremblemens de terre, les eruptions partant du fond de la mer , qui quelquefois produifent des ifles & des ecueils, quelqucfois la couvrent de pierres ponces dans l'etendue de plufieurs centaines de lieues, & plus louvent encore de morceaux de bitume! a quoi peut-on raifonnablement les attribuer, fi on n'admet pas une immenfe quantite de feu profonde- ment enfeveli fous terre , & qui , fuivant dinerentes circonftances fe fait jour , tantot par un endroit, & tantot par 1'autre 2 La propriete qu'ont les tiges des plantes de s'elever toujours perpendi- culairement a 1'horizon , quelque incline que loit le fol fur lequel elles fe trouvent , paroit n'etre qu'une fuite de ce feu fouterrain , dont les vapeurs selevant continuellement, enfilent les canaux des jeunes tiges encore fou- ples , & les forcent a prendre leur direclrion vers le zenith : les memes- vapeurs entrent peut-etre pour beaucoup dans les variations de hauteur du barometre, & contiibuent par des augmentations lubites de leur quantite, aux grands changemens qu'il eprouve dans les tempetes , les tremblemens de terre & les eruptions des volcans; ce qui paroit encore plus confirmer cette idee, e'eft que fur les hautes montagnes oil les emanations du feu fouterrain fe font moins fentir que par-tout ailleurs, le barometre a audi moins de variation dans fa hauteur , & que d'ailleurs les tremblemens de terre, en quelque faifon & fous quelque climat qu'ils arrivent, font tou- jours fuivis d'une plus gramde chaleur qui ne peut etre attribuee qu'aux vapeurs du feu fouterrain qui fe font echappees en plus grande quantite pendant la durcc du tremblement : ne pourroit-on pas meme attribuer a DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i+t dcs Eruptions fubitcs, mais moindres, dc ces memcs vapours, les chaleurs i qui furvienncnt quclquefois fans caufc apparcnte 2 on en tirera encore l'ex- p plication d'un phenomene qui , quoique tres-commun , n'a pent etre ete que peu obferve par les phylicicns. Apres les grandes gelecs , lorfque la Annie 2743. tcrre commence a fortir de fori inaction , la furface devient fenhblement chaude , quoique fouvent les images n'aicnt pas permis au foleil d'y con- tribuerj les gens de la campagne difent alors que la terre s'ouvre & tra- vaille : a quoi peut on attribuer plus raifonnablement cette chaleur qu'aux vapeurs du feu fouterrain qui , ayant eti retcnues long-temps par l'efpece de croute que formoit la gelee, fe repandent alors avic plus de force & d'abondance , dcs qu'elies ont le paifage libre ? II refulte de ce que nous venous de dire , que l'exiftence d'un feu fou- terrain & tres-profond eft plus que probable, & que Ton doit lui attri- buer ce fonds de chaleur independent du foleil, que les experiences & le calcul nous indiquent : or la fuppolition des vapeurs ch.-.udes que ce feu exhale, etant admile, il eft evident qu'on ne peut les iupprimer en tout 011 en partie, fans que la chaleur qui en relultoit fur la tcrre & dans fair, n'en loit diminuee, oil, ce qui revient an meme, le froid augmente; le froid furvenu par difrerentes caufes a la furface, devient caufe a fon tour en refferrant Ics pores & arretant de plus en plus les vapeurs fouterraines, cette retenue de vapeurs eft fuivie immanquablemeiit de la gelee , quand toutes les autres circonftances requifes de la faifon & du climat y concou- rcnt, & la gelee dure autant que ce concours de circonftances; bien en- tendu cependant que dans les climats extremes, foit pour le chaud, foil pour le froid, les caufes locales abforbent 1'efFet de celle-ci, a moins que des circonftances particulieres ne la fafleni reparoitre ou n'en niarquent la fuppreiTion, comme il arrive fur les halites montagnes lituees (bus la ligne, ou on eprouve un degre de froid ties etranger au climat, & qui n'eft vrai- femblablement dii qu'a la fuppreiTion des vapeurs centrales, caufee par la hauteur & la texture interieure de ces montagnes. Non-feulcment la diminution de Taction du foleil & la fupprefllon des vapeurs contribucnt , comme caufes generales , a la gelee , mais il y a en- core line infinite de caufes locales qui y concourent ; les fcls dont certains pays abondent, le nitre fubtil qui le trouve dans l'air , les corpufculcs vi- trioliques qu'exhalent les mines & les fonderies , devienncnt des caufes particulieres qui produifent un degre de froid tres-conliderable dans dcs climats qui fembleroient en devoir etre exempts par leur lituation. I! y a des provinces dans la Chine , auili proches de l'equateur que le Portugal & la Sicile , 011 il ne faut que creufer la terre de trois oil quatre pieds pour en rctirer des monceaux de glace, meme pendant les niois de juillet & d'aoiit: efret qu'on ne peut attribuer qu'au falpetre que ce terrein contient cn tics-grandc abondance : enfin les vents charges de ces memes corpuf- culcs falins, deviennent encore line caufe accidentelle de froid dans toils les pays ou ils les portent. Le froid agit difteremment fur les dirferentes liqueurs ; celles dont les parties integrantes font plus grofies, plus rameufes, moins polics ou plus ifi A B R t G t D'ES M E M 0 I R E S ^"^— * dcnfes, fe gelent plus facilement que celles qui out des qualites contraires; P h y s o v 'es ':u^es graffes, par exempic, fur- tour I'huile d'olive, gelent a un degre ' de froid trcs-mediocre , & M. de Mairan tire dela un moyen de recon- Ann'i IJ4$- noitre fi on l'a fophiftiquce en ytiiclant de I'huile de pavot, dont le gout fcul ne pourroit la faire reconnoitre •, il n'y a qu'i expofer a un mediocre froid celle qu'on foupconne d'etre alteree , I'huile d'olive gelera la pre- miere, & celle de pavot demeurera affez fluide pour qu'on puiffe Ten fe- parer. Les recherches phyfiques orfrent prefque toujours independamment de la curiofite, quelque utilite acceffoire, qu'on ne cherchoit pas direc- tement. Le inercure , les efprlts acides & les liqueurs fpiritueufes font au con- tra'.re les fiuides qui fe gelent le pius difficilement •, l'efprit de vin ne gele } imais a Paris , mais il eft certain qu'un plus grand degre de froid eft fuf- hlant pour le geler. Les academiciens qui ont fait le voyage du cerclc polaire , ont eprouve que l'efprit de vin de Ieur thermometre s'etoit gels a un froid tres-ordinaire en Lapponie, & peut-etre n'y a-r-il aucune li- queur a laqueile un degre de froid fuffifant ne fit perdre fa liquidite -, celle que les efprits acides confervent fi obftinement , eft peut-etre due a la forme de leurs parties , qu'on fuppofe figurecs comme des lancettes lil les, dures & tranchantes, & qui, comme des coins , font effort contre celles de leurs voifines qui feroient pretes a le Joindre. Le mercure an contraire pourroit bien n'avoir la propriete de ne pas fe geler , du moiiis ail degre de froid que nous connoiffons , que parce que fes parties font extremement petites, rondes, dures & polies; ce qui ne pent leur per- mettre de fe joindre, & livre toujours des paffages faciles a la matiere fub- tile que nous avons fuppofe fe mouvoir dans l'interieur de tous les Iiquides. II y a des fiuides qui ofFrent un phenomene different, & qui (einble fe refufer a 1'explication que nous venous de donner ■, ce font ceux qui font fujets a la coagulation : ils font fufceptibles de deux fortes de conge- lation , (i on pent fe fervir de ce terme ; ils gelent , comme les autres fiui- des, par un froid conlidenble, mais les uns, comme le fang, perdent une grande partie de leur liquidite, par un froid trcs-mediocre, & les autres, comme le blanc d'eeuf, s'epaifliffent par faction du feu-, cependant, fi on veut y faire une attention ferieufe , on verra que ces fiuides rentrent dans la regie generale, & font voir dans leur coagulation une image ds ce qui fe paffe dans la veritable congelation. Le blanc d'eeuf & les corps qui lui refiemblent, ne font rien moins que des corps fimples, ils ne doivent leur liquidity qua une portion de matiere aqueufe qui tient les autres parties feparees , & fait a leur egard , quoique tres-groffierement , le meme effet que fait la matiere fubtile dans les veritables fiuides; cette eau eft enlevee [>.'.r le feu , comme la matiere fubtile eft chaffee des pores des Iiquides par e froid : il doit done arriver aufE que les parties privees de ce qui fai- foit leur principale fluidite, s'uniffent les unes aux autres, & prennent une efpece de iolidite. A 1'egard des fiuides qui , comme le fang , fe coagulent a un trcs-petit degre de froid, oil plutot qui ont befoin d'un affez grand degre de chaleur pour fe conferver Iiquides , ils font compefes de parties DE L'ACADH'MIE ROYALE DES SCIENCES. 143 pefantes , nageant dans line licjueur mucilagincufe dans laquelle lc fed ^HZ^^Z^TZZ mouvcment les foutient : audi dcs que la liqueur ceffe d'etre animce par p une lum'fante quantite de clialetir , 011, ce qui eft peut-etre la meme chofe, Y S ' Q U ' de matiere fubtile, la liqueur fe fcpare , & les parties les plus pefantes, 4nnit 1743. tombant an fond, y forment par leur union, un veritable coagiuum. Ces liquides, en apparencc licontraircs a 1'hypothefe de M. de Mairan , & dont ccpendant la congelation s'explique li naturellement par fon moyen , doi- vent fervir d'exemples pour y rameoer les autres rluidcs qu'on ne peut examiner tous en detail ; paribus prefentement a la congelation dc l'eau que M. dc Mairan a eue principalement en vue dans cet otivrage. Les fluides ne font pas compofts plus que les folides, de parties qui foient abfolurnent egales en erofleur, en figure & en mobi.'itj-, dcs que la matiere fubtile eft diminuee julqu'a un certain point dans fintcneur dc l'eau, celles de fes parties qui font les plus groifes, les plus raboteufes & les moins mobiles, s'accrochent les lines aux autres, & forment, en s'u- niffant, les premieres molecules de glace. Les intervallcs qui fe trouvent entre ces premieres parties jointes, deviennent dcs canaux coijftins dins lelquels la matiere fubtile doit avoir un mouvement plus libre que dans les interfaces des particules vpifines Si pretcs a s'tinir-, elle doit, done en- filer ces canaux , d'ou il refultcra qu'en abandennant ces particules d'eau ■ deja trcs pretcs a fe gelcr, elles fe convertiront en glace, quelle les for- cera a s 'arranger dans la direction des premiers canaux, fuivant laquelle elle fe meat, & par confequent a former des filets en ligrie droite •, e'eft eifectivement ce qu'on voit arriver dans la congelation de l'eau, qui com- mence toujours par de pareils filets. Nous difons dans la congelation de l'eau , car dans les fluides dont les parties ne font pas Iongues & droites comme celles de l'eau , mais rondes on rameufes , la congelation doit fe faire diffcremment, & les premiers glacons feront des pelotons plutot que des filets; e'eft audi ce qui arrive .\k liquides dont on pent foupconner que les parties integrantes font aim! figurecs. Les premiers filets de glace font couches a la furface de l'eau , tant parce qu'il eft naturel que la congelation commence a la furface qui eft toujours plus froide, que parce qu'en quelqu'endroit que fe forment les filets, leur legerete refpective a l'egard de'l'eau les y feroit toujours mon- fcr; on les trouve prefque toujours adherens par un de leurs bouts aux parois du vafe qui les contient, & cela pour deux raifons; la premiere eft que i'eau doit y etre plus froide & fes parties y avoir moins de mouve- ment a caufe de leur adhelion a ces parois •, la feconde , parce que tout corps flottant iur l'eau dans un vafe qui n'eft pas pleiti , fe porte de Iui— memc vers les parois du vailfeau, G elles font de nature a etre mouillses par l'eau, & cette derniere raifon paroit avoir fi grande part dans Impli- cation de 1'adhefion des filets de glace aux parois du vafe, que f\ on la fait ceffer en frottant, par exemple, le dedans du vaiifesu, de graifie ou de fuif, 1'effet difparoit abfolurnent. A ces premiers filets de glace deja fornus, i! s'cr. joint bientot de mi;- 144- A B R E G £" DES M E M O I R E S ammmm veallx ; a ces feconds il sen ajoute d'autres, jufqu'a ce que l'eau fe rrouve P 11 i s y Q u e. couverte d'une pellicule de glace. Avant que l'eau commence a fe geler , & lorfqu'elle en eft fort prcs , Annie ZJ49. on remarque qu'il s'en fepare beaucoup d'air qui fort en bulles plus ou moins groffes, qui viennent crever a fa furface. La fortie de ces bulles d'air, la contiguite des parties de l'eau qui font pretes a fe joindre, & la diminution de la matiere fubtile dans fon inte- rieur, tout cela fembleroit exiger que le volume de l'eau diminuat a me- fure qu'elle approche de la congelation-, il arrive cependant le contraire: fi on met de l'eau dans un long tuyau , & qu'on marque Ten droit oil fe trouve fa furface lorfqu'elle eft dans un lieu tempere , on verra , en l'ex- pofant au froid , que cette furface defcendra' fenliblement ; mais des que l'eau approchera de la congelation , elle remontera affez promptement & s'elevera au-deffus de l'endroit ou elle etoit d'abord; preuve evidente que fon volume eft conliderablement augmente. Cette augmentation de volume, li contraire a ce qui fembleroit devoir arriver, a trois caufes-, la premiere eft le developpement de fair contenu dans l'eau : pour concevoir comment ce developpement de l'air peut aug- menter fe volume de l'eau, quoiqu'il en forte line quantite considerable, il faut faire attention que fair qui exifte dans l'eau, y eft dans un etat bien different de celui de l'atmofphere ; il y a grande apparence qu'il y eft fans reffbrt , & que fes parties rempliflent une portion des plus grands inter- valles de celles de l'eau, du moins eft- il bien (ur que quand on Ten tire par le moyen de la machine pneumatique , l'eau ne change pas fenlible- ment de pefanteur fpecifique, ni par confequent de volume, le pefe- li- queur s'y foutenant precifement au meme degre ; ce qui n'aniveroit pas ff l'air qu'on en a tire y avoir occupe d'autres efpaces que ceux qui reftent feulement remplis de matiere fubtile apres fa fortie. Cet air ainfi cache dans l'eau, eft nomme par quelques phyliciens air diffbus ou abjbrbe , pour le diftinguer de celui que nous relpirons , qu'ils nomment de vaif en mafj'e. Si on imagine un fajfeeau de baguettes entourecs chacune d'une legere couche de brins de laine , on aura par cette comparaifon une idse aiiez nette de l'etat oil l'on fuppofe fair dans l'eau, fans reffbrt , & n'aug- mentant pas fcnfiblement fon volume, comme la laine, dans l'etat 011 nous venons de la depeindre, eft fans reflort, & n'augmente prefque pas celui du faifceau de baguettes •, mais qu'on retire cette laine , & qu'a l'aide des cardes on la reduife en gros flocons, alors elle occupera un volume con- fiderable , reprendra fon reffbrt , & deviendra une image naive de l'air en mafle. II n'eft done pas etonnant que quoiqu'il foit forti beaucoup d'air de l'eau qui eft prete a fe geler , le peu qu'il y en refte degage & en maffe y oc- cupe plus de place que le tout n'en occupoit quand il y etoit diffbus, & que par confequent le volume de l'eau en foit augmente ; explication d'au- tant moins forcee , qu'on a en phylique plufieuis exemples de fluides com- joies de deux ou pludeurs liqueurs dont la maffe fe trouve moindre que ,a fomme de celles qui entrent dans leur compoiition. Non-feulement ce volume c DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 145 volume fera augments par la place qu'y occupera l'air degage de l'cau, mais encore par l'efpccc de derangement qu'il aura caufe aux parties <^c p a Y s , 0 ,. . 1'eau en fe degagesnt ; ces parties , qu'on luppofe ordinairement longues & roideSj auront etc- jettees de cote & d'autre , & par confequent occupe- Ann;t i~ rout plus de place qu'ellcs n'en tenoient quand elles etoient dans leur ar- rangement nature! : e'eft la feconde caule de l'augmentation du volume de l'cau. La troilleme caufe de cette augmentation depend d'un principe tout different, & que les obfervations de M. de Mairan kit ont fait decouvrir. Lorfqu'on examine la pellicule de glace qui commence a couvrir 1'eau d'un vaifleau qui fe glace , on appercoit que les filets dont elle eft compo- fee repreienteot une campagne diverfement fillonnce, & fouver.t quelque chofe d'aliez reffemblant aux b.irbes d'une plume a ecrire : tout le monde a remarque. ces apprences, & n'y a vu qu'une bizarrerie fans aucunes re- gies; M. de Mairan a iti plus loin , & a trouve que tons ces arrangemens li bizarres en apparence iuivoieiit ccpendant une loi conflante, & que tous les filets de glace fe joignoient les 11:1s aux autres, en faifant toujours entr'cux un angle de 60 degres. La mane chofe s'obferve dans les perits flocons de neige, qui, vus a la loupe, reprefentent toujours des efpeces de fieurons a fix feuilles, dont chacune a des barbes qui font avec la cote principalc le meme angle que les cotes memes font entr'eiles. Cette uniformite d'anglcs n'eft pas de ces chofes qu'on peut attribuer a l'imagination , il eft extremement aife de s'en convaincrc : un triangle equilateral coupe dans line carte, fera un calibre proprc a mefurer ces an- gles , & on verra avec etonncment qu'ils feront tous egaux a ceux du triangle; bien plus, M. de Mairan a remarque que lorfqu'on fait geler de lean dins un vaiffeau rond , ceux des filets de glace qui tiennent par les deux bouts aux parois du vaiffeau , y font toujours la corde d'un arc de 110 degres, oil, ce qui revient au meme, du tiers de la circonference, d'oii il fuit qu'ils rencontrent cette circonference , on du moiiis la tan- gente, ail point oil ils la coupent, fous un angle de 60 degres. Les congelations des liqueurs lixivielles oil urineufes donnent encore cet angle d'une maniere plus conftante , non que ces fels y contribuent diredement, car 11 cela etoit, differens fels donneroient difKrens angles, mais probablement parce qu'en embarralfant davantage le pailage direct de la matiere fubtile, elles lailfent une plus grande liberie aux parties integral!- tes de 1'eau de s'arranger conformement a la tendance qui leur eft propre. Quelque iinguliere que (bit cette tendance des parties de 1'eau a s'unir fuivant le meme angle, il feroit encore bien plus hngulier que cette pro- priety flit tellcment particuliere a 1'eau, qu'on n'en trouvat point d'exem- ple dans la nature, aulTI ne l'eft-elle pas : on fait que les fels afferent cer- taines figures dans leurs criftallifations, que les globules du fang font corn- poles de parties qui s'arrangent toujours de la meme maniere. M. de Mai- ran a encore obferve une femblable uniformite d'arrangement dans les fibres metalliques de certaines pyrites, on l'obferve dans le cryftal de ro- che & dans celui d'Iflande •, en un mot , il paroit par un grand nombre Tome X. Fartie Franfoi/c. T i+* A B R E G F. DES MEMOIRES ■ d'excmples , que ces arrangemcns de parties, nniformes & conftans, ont p. .. lieu en bien des cas, & entrent dans le plan general de la nature. L'explication de cette tendance n'eft pas aifee a trouver, en vain vou- Ann/e IJ43- droit-on, dans le cas prefent, employer celle que Defcartes avoit donnee de la figure d'etoile a fix pointes qu'affecte la neige •, ce grand philofophe fuppofe que cette figure n'eft due qu'a ce que (iy. fpheres en entourent exactement line, & que par cenfequent le premier globule glace etant touche immediatement par C\x autres, donne neceffairement naiuance a lix rayons; mais il n'a pas pris garde que par ce mechanifme il devroit fe former non des etoiles planes, mais des boulettes hiriffees qui degenere- roient bientot en pelotons : d'ailleurs, dans cette idee, pourquoi les bar- bes qu'on voit a ces rayons affe&eroient-elles de faire toujours avec eux le meme angle de 60 degres? Enfin, cette explication ne pourroit an plus frrvir que pour l'eau , dont les parties s'arrangent de cette maniere ; mais elle deviendroit inutile pour expliquer la formation d'une infinite de corps qui font voir un arrangement conftant de parties, quoique fous un angle different de celui des parties de l'eau. Cette tendance des parties de l'eau a s'affembler fuivant des angles de 60 degres, eft regardee par M. de Mairan comme line des principales caufes de {'augmentation de volume qu'elle prend en fe gelant-, un meme nombre de cylindres on de parallelepipedes occuperont certainement un bien plus grand elpace fi on les affemble fuivant un angle queleonque > que fi on les ticnt paralleled les uns aux autres : on pent meme s'aflurer , par line experience facile, que cette caule contribue plus que le degage- ment de l'air, a l'augmentatiou de volume de l'eau qui fe glace : il n'y a qu'a faire geler de l'eau purgee d'air , foit par 1'ebullition , foit par le r.ioyen de la machine pneumatique , & on verra que la glace aura acquis, j peu de chofe pres , le meme volume que celle qu'on auroit faite avec de l'eau ordinaire •, elle nagera toujours fur l'eau , preuve evidente & la moins equivoque de fon augmentation de volume. La force d'expanfion qui refulte de cet arrangement des parties de l'eau, eft immenfe •, tout le monde a entendu parler de la fameufe experience de M. Huygbens, repetee depuis par M.»I3uot, dans laquelle un canon de moufquet epais , qui etoit rempli d'eau & bien ferine , creva par le feul effort que l'eau fit en fe gelant. M'»- de l'academie de Florence ont fait crever plnlieurs vaiffeaux par ce meme moyen , la plupart de ces vaiffeaux ctoient fpheriques , & M. Muffchenbroek ayant calcule l'effort neceffiire pour faire crever Tun de ces vaiffeaux , il a trouve qu'il avoit fallu une force capable de foulever un poids de 17720 livres : on n'a que trop de preuves que les petites particules d'eau qui fe trouvent dans les fibres des arbres, fuffifent pour detruire tout leur tiffu, lorfque la gelce peut y pe- netrer j ce fut de cette maniere que la plus grande partie des oliviers de Languedoc & de Provence perirent en 1709, parce que la gelee avoit ete precedee d'une fonte de neige qui les avoit imbibes •, les plus vieux & les plus forts furent les plus maltraites, 'parce que leurs fibres dures 8c roides fe preterent moins a l'extenfion , qu en exigeoit l'eau qui fe glacoit dans DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i47 I'interieur de ces arbres ; c'eft encore par la meme raifon que les pierrcs ; trop rccentes & d"ui nont pas eu le temps, avant llnvcr, devaporer leau D .'., . ' . ,' , {. | i a " , r r h y s I Q IT E. qu cues contiennent , penitent par U gclec : les marbres memo n en lont pas exempts, lorfque le petard avec lequcl on les a rompus dans la car- Anne'e IJ49. riere, y a produit de petites fentes par lefquelles l'cau pent s'y inlinuer, Non-leulement l'eau re^oit cette augmentation de volume par la gelee, mais par tout autre moyen qui divife les parties : on (ait affez , & plu- fieurs de ceux qui ont fait conftruire des terrafies ne le favent que trop , quel eft l'cffort enorme que la terre fait contre les rcvetemens qui la fou- tiennent ; cet effort n'eft du qu'a la facilite qua l'eau de s'infinuer dans la terre , & de fe trouver par ce moyen divifee en tres-petites parties •, la meme chole n'arriveroit pas ft la terraffe n'etoit que de fable , parce que l'eau ne penetrant pas les molecules du fable, elle ne s'y trouve pas divifee en affez petites parties , pour que leur force expanfive puiffe s'exercer. C'eft cette meme force qui parvient, a la longue, a deplacer des marches de jardin & d'autres pierres tres-pefantes •, un pen de pouffiere terreufe s'inlinue dans les joints , & donne lieu a l'eau qui y penetre dc le lubdi- vifer affez pour fe dilater; fon effort ecarte un peu les pierres, la feche- relle fait diffiper l'eau, de nouvelles parties de terre qui s'y introduilent, occalionnent un effet femblable au premier , & ces efforts reiteres parvien- nent a deplacer trcs-fen(iblemcnt des maffes enormes. Cette force expanfive de l'eau paroit encore bien cvidemment dans la maniere dont on fepare du rocher les meules de rnoulin : on taille ce ro- cher en forme d'un cylindre qui contient pluheurs meules dans fa hauteur; pour les fcparer, on perce tout autour des trous, dans lefquels on chaffe ^ coups de marteau des coins de bois bbnc feche au four ; on imbibe en- fuite ces coins avec de l'eau , & peu de temps apres , le rocher fe fepare de lui-meme , uniquement par la force expanfive de l'eau , a laquelle le bois ne contribue qu'en diviiant extremement fes parties. Ce que nous venons de voir que la terre & le bois pouvoient operer, le feu l'opere auffi h 1'egard de l'eau , il en fepare les parties •, auffi , dans cet etat, acquierent-elles un volume 14000 fois plus grand, & une force inconcevable : tout le monde cunnoit celle de l'eau redui^e en vapeur, & fait que c'eft de cette force expanfive qu'on a tire le principe de mou- vement de ringenieufe pompe a feu. Enfin il fuit de tout ce que nous venons de dire, qu'au-lieu que l'air mele avec un grand nombre de ma- tieres y perd le relfort qu'il avoit, l'eau au contraire, des que fon melange avec d'autres corps divife fiifrtfamment fes parties , en acquiert un qu'elle n'avoit pas : petit-etre ces deux eftets oppoles dependent- ils d'une meme caufe qui agit dirieremment fur des parties de figures differentes, au moins remarque-t-on qtt'il faut que l'air & l'eau foient dans l'etat de fluidite, & non de Iiquidite , pour pouvoir exercer leur relfort ; & quelle que puiffe etre la caufe de ce phenomene, il eft au moins tres-probable que la force expanfive que l'eau acquiert dans tons les cas dont nous avons parle , eft due a la tendance qu'ont fes parties a s'unir fous un angle de 60 degres. II eft hors de doute que la congelation de l'eau doit recevoir differen- Tij 14* ABREGfi DES MltMOIRES —— — — tcs modifications, fuivant l'etat de celle qu'on expofe a la gelee. Plufieurs p r phyficienSj par exemple, ont afl'ure que l'eau qui avoit bouilli, fe geloit ' plus promptement, & fe refroidili'oit davantage que d'autre eau a un meme Annc'e 174Q. degre de froid; on avoit meme pouffe cette merveille julqu'a foutenir que de l'eau, qui vient de bouillir, & qui n'eft pas encore refroidie, fe geloit Elus promptement & plus facilement que de l'eau froide qui n'avoit pas ouilli. II eft aife de juger que cette derniere proportion n'eft pas vraie , la railon feule dide le contraire •, audi l'experience qu'en a faite M. de Mairan l'a-t-elle pleinement dementie : l'eau qui avoit bouilli, netoit pas encore refroidie , que d'autre eau , expoftfe au meme froid & dans les roemes circonftances , etoit abfolument glacee. La raifon ne paroit pas profcrire la premiere proportion avec la mime leverite, il femble meme qu'il loit affez naturel que l'eau que l'ebullition a privee de la plus grande partie de fon air, ait plus de fiicilite a rapprocher fes parties, & par con- fequent a fe geler -, mais cependant ce qui paroit au premier coup d'ceil fi naturel , n'entre point dans le plan de la nature, & M. de Mairan s'eft af- fure par l'experience , que de l'eau qui a bouilli , & qu'on a laille refroidir au meme degre que de l'eau ordinaire qui n'a pas bouilli , ne fe gele ni plus ni moins promptement qu'elle ; phenomene qui a d'autant plus de quoi furprendre , qu'il femble que l'a&ion du feu auroit du faire evapo- rer les premieres les parties de l'eau qui etoient les plus fubtiles & les plus mobiles : il faut done que l'eau ne contienne pas de ces parties plus fub- tiles que les autres, ou que ces parties foient unies avec les plus groflieres, de maniere a n'en etre pas ailement leparees-, on pourroit peut-etre tenter quelques experiences fur cette immutabiiite de l'eau, au moyen du digef- teur de Papin , mais M. de Mairan ne fait qu'indiquer ces experiences , , qu'il n'a pas eu occalion de faire. Le mouvement tranflatif de 1'eau doit encore apporter du changement a la congelation ; l'eau des rivieres ne gele furement pas de la meme ma- niere que celle des etangs : il ne faut que regarder les glagons qui cou- vrcnt les uns & les autres, pour s'en appercevoir. On a ete long- temps en doute fi les rivieres commencoient a ie geler par la furface ou par le fond, mais cette queftion n'en eft plus une ; il eft prelentement bien fur qu'elles commencent, comme les autres eaux, a fe geler par la. furface, & nous renvoyons le lecfteur (a) a ce qui en a ete dit par M. de Mairan meme, en parlant des experiences de M. l'abbe Nollet fur ce fujer. Si le mouvement tranflatif de l'eau change quelque chofe a la maniere dont elle fe gele. le repos abfoln de fa maife y produit encore un eftet bien plus fingulier •, il empeche qu'elle ne fe gele , quoiqu'expofee a un froid beaucoup plus grand qu'il ne faudroit naturellement pour produire cet effet : on doit ce phenomene a M. Fahrenheit ; il avoit rempli d'eau la boule d'un thermometre, & apres en avoir chaffe l'air, il l'avoit fcellee hermetiquement : il expofa ce vaiffeau au froid , & fut extremement fur- pris de voir que , quoique le thermometre fut defcendu au degre de fon (a} Voyez Hiftoire de 1743, Colleft. Acad. Part. Franc. Tome IX. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 149 thermometry qui repond au 11 me. degre au-dclfous de la congelation de »■■■ »^»m— — M. de Reaumur, l'eau de ce vauTeau etoit cependant parfaitement liquide-, p . Y - . il attribua auffi tot ce phenomena a l'abfence de l'air , & en envt ayant calls avec une pince le bout du tuyau , l'eau fe gela dan5 I'inftant; mais Annie 1743. ayant repctc plulieurs fois cette experience, il fe convainquit qu'il s'etoit trompe , & qu'il avoit attribue a la prefence de l'air ce qui n'etoit dtl qn'au mouvement qu'il avoit imprime a la liqueur. Plulieurs celcbres phy- ficiens out depuis fait cette experience , & toujours avec le meme fucccs ■, l'eau qui, lorlqu'elle etoit parfiitcmcnt tranquille, avoit rcllifte a un froid b.aicoup plus grand qu'il ne falloit naturellement pour la geler, s'eft rem- plie de lames de glace au moment meme qu'elle a ete remnee ou touchee avec quelque corps qui cut pris la temperature de l'air. M. de Mairan lui- nieme l'a tentee plulieurs fob, & toujours la meme chofe eft arrivee : une circonftance bien Imguliere accompagne ce phenomene , s'il y a un tlier- mometre place dans cette eau non gelec , on le verra defcendre peu a peu au meme degre que ccux qui font expoles a l'air libre; mais dans I'inftant meme que l'eau le gele, il commence a remonter , & revisit jufqu'au terme de la congelation ; ce qui prouve que cette eau diminue de froi- dcur en fe glacant, proportion !i paradoxe, qu'elle a beloin de toute l'au- torite de l'experience , pour ctre crue. Ce fait fi ungulier rentre pourtant comme de lui meme, dans l'hypo- thele de M. de Mairan; la matiere lubtile fe meut, felon lui, plus aife- ment dans la glace que dans 1'eau , parce que les routes qu'elle s'y eft fai- tes, ne font plus derangees par le mouvement des parties : un grand repos de. mafle pent produire a la longue, a-peu prcs le meme effet, & tant que tette dilpolition fe ioutiendra, on ne doit pas craindre que la matiere fubtile diminue de quantite dans l'interieur de l'eau , ni par confequent qu'eile fe glace. Mais li , par une legere commotion , Ton detruit cet ar- rangement, alors la matiere fubtile r.bandonne l'eau dans Iaquelle elle etoit contenue, & cette eau fe glace dans I'inftant. La meme chofe doit encore arriver, li au-lieu d'ebranler l'eau on la touche , quelque legerement que c: foit, avec un morceau de glace, on oftre a la matiere fubtile qui etoit dans l'eau , un palfage libre par lequel elle fe diffipe dans I'inftant. Aucune experience bien conftatee ne prouve que l'eau gele a. un moin- dre froid que celui qu'elle eprouve ici pour fe geler •, ceux qui out pre- tendu le contraire out ccrtainement ete trompes par quelque circonftance qui lair a echappe ', mais la glace ne fond pas toujours lorfque la tempe- rature de l'air fait monter le thermemetre de quelques degres au-delfus de ce terme. Puifque le rcpos de la niaile de l'eau contribue a I'empecher de fe ge- ler, il femble qu'une violente agitation de cette maffe devroit la refroi- dir •, cette violente agitation feroit cependant ties- difficile a lui dormer, fans occafionner jlans Ion interieur des mouvemens inteftins peu fivora- bles au refroidiffement : mais ne pourroit-on pas , en lailfant l'eau tran- quille, la faire choquer par un air agite ? & cet air ne devroit- il pas proviuire I'cfiet d^ deranger les canaux par lefquels la matiere fubtile i$o A B R £ G E DES M^MOIRES — — — ^m pilie dans l'interieur de 1'eau , & par confequent de faire diminuer fa p , chaleur ? Pour s'en affurcr, M. de Mairan ayant laifle quelque temps un thermo- Annie 1749- mctre tremper dans de I'eau, pour qu'il en prit la temperature, Ten. a re- tire, & pendant qu'il etoit encore mouille , il a fouffle fur la boule avec un foufflet, la liqueur du thermometre a baiffe (enablement : voyant que cette eau inherente au thermometre fe diffipoit trop promptement par le vent du loufflet , il a enveloppe cette boule d'un linge trempe dans la nieme eau , & en continuant de foufflcr , la liqueur du thermometre a bailie davantage. Cette' experience a fait naitre a M. de Mairan 1'idee de rafraichir de l'eau dans un vaiffeau enveloppe d'un linge mouille & fuf- pendu dans un endroit ou il fut expofe a un courant d'air; il la fait, & 1'experience a reuffi, l'eau s'eft refroidie de 2 degres : ce qu'il y a de (ingu- lier, c'eft que les reflexions de M. de Mairan l'aient precifement conduit a la pratique que la neceffite a fait introduire en ufage a la Chine & au Mogol. Celle du Mogol eft abfolument la meme , & celle de la Chine n'en difFere qu'en ce qu'au-Iieu d'envelopper d'un linge mouille le vaiffeau qui contient l'eau qu'on veut rafraichir , on le conftruit d'une terre po- reufe , a travers laquelle il en paffe affez pour entretcnir fa furface tou- jours mouillee : peut-etre en fe fervant de ce moyen dans des temps ou la temperature de l'air eft pen eloignee de la congelation , Ton pourroit faire refroidir affez l'eau pour la faire prendre, & c'eft, felon M. de Mai- ran , la raifon pour laquelle il neige fouvent a un degre de froid un peu moindre que celui qui eft neceffaire pour faire geler l'eau. Les particules de vapeur qui ne font que de l'eau extremement divifee, chaffees & agi- tees dans un air dont la temperature eft peu difterente de la congelation, s'y refroidiffent affez pour prendre & paroitre foils la forme de cette glace extremement rarefiee que nous nommons neige. Le volume de la glace eft , comme nous avons dit , plus grand que ce- lui de l'eau qui la produit : les experiences de M. Boyle lui ont donne cette difference dans le rapport de 1 a 9 •, celles que M. de Mairan a faites, en faifant enfoncer un glacon dans l'eau , & voyant de combien de poids il le falloit charger pour cela, lui ont donne cette difference moindre, mais variable; il l'a trouvee tantot dans le rapport de 19 a 18 , ou de 1 a 19 , tantot dans celui de 1 a 14-, mais il refulte toujours dela que le volume de la glace ordinaire eft plus grand que celui de l'eau qui la produit. L'eau purgee d'air dans la machine pneumatique augmente moins de vo- lume en fe gelant , les experiences de M. de Mairan me donnent cette augmentation que d'un vingt-deuxieme, & on ne doit pas s'en etonner, cette eau a perdu une quantite d'air conli'derable , qui , en fe develop- pant dans la congelation , auroit certainement beaucoup augmente ion volume. Le volume de la glace continue encore a augmenter apres quelle s'eft formee, M. de Mairan s'en eft affure par cette experience; il a fait geler de l'eau dans un vaiffeau , & quand la croiite de glace a ete formee , il a perce le fond du vaiffeau pour laiffer ecouler l'eau qui reftoit rluide ; & DE L'ACADiMTE ROYALE DES SCIENCES. i;i l'ayant expofe de nouveau a la gclee en cet etat, il a remarque que Li glace ^T^. i s'etoit fcnliblcment arquee, & formoit une voute plus convexe, ce qiunep H y s i q u e. pouvoit venir que de Ton augmentation , a laqueile les parois du vaiiieau n'avoient pu fe preter ; c'eft audi a cette caufe que M. de Mairan attribue Annie 1743. ces felures qui le font avec tant de bruit dans la glace qui couvre les marais , les lacs & les grandes pieces d'eau. Enfin ['experience de la ba- lance hydroftatique decide nettement en faveur de cette augmentation •, le meme morccau , qui n'etoit au moment de fa congelation que d'un qua- torzieme plus leger que l'eau, ayant ete huit jours aprcs mis en experience, fe trouva plus leger que ce rluide dans la railon de 12 a n , preuve evi- dente de l'augmentation de fon volume. On ne petit rien aftirmer de bien poiitif fur la durcte de la glace en ge- neral : M. de Mairan a trouve , en failant rompre plulieurs cylindres de glace par des poids qu'il leur faifoit foutenir , que la rcliftance de la glnce etoit a celle du marbre comme 1 eft h 10 •, mais ces experiences font fu- jettes a un grand nombre de variations dans le climat meme oil on les fait , & on n'en petit abfolument rien conclure pour la duretc de la glace des autres climats. II paroit ici que plus la glace s'eft formee trr.nquille- ment & lentement, plus auffi elle eft dure & compacted cependant ceux qui ont voyage au Spitzberg, out troure que la glace y etoit beaucoup plus fpongieule que la notre, & cependant beaucoup plus dure; elle gagne appaiemment plus par la rigueur du froid, qu'tlle ne pcrd par la promp- titude de la congelation. Un fait que rapporte M. de Mairan , prouve bien quelle eft la durcte & la tenacite de la glace qu'on trouve en Molcovie : on ba;it a Petersbourg, pendant l'hiver de 1740, un palais de glace, conf- truit luivant les regies de la plus elegante architecture •, & pour poulfcr le prodige julqu'ati bout , on mit au- devant hx pieces de canon de meme matiere avec leurs arriits auffi de glace : ces pieces etoient du calibre de celles qui portent ordinairement trois livres de poudre, il eft vrai qu'au- lieu de trois livres, on ne leur en donna que trois quarterons •, mais enfin on les tira, & le boulet d'une de ces pieces perca a 60 pas une planche de 2 pouces d'epaiffeur. II faut que la glace du nerd (oit bien autrement tenace que la notre , pour qti'un canon qui , vrailemblablement , n'avoit Pas beaucoup plus d'epaiiieur que les canons ordinaires , ait pu relifter a explohon de trois quarterons de poudre : ce fait peut rc-ndre croyable ce que- rapporte Olaiis Magnus, des fortifications de glace dont il allure que les nations feptcntrionales favent faire tifage dans le befoin. Puilque la glace eft plus legere que l'eau d'environ un douzicme, il eft clair quelle pourra porter fans s'enfcnctr tout corps moindre qu'un dou- zieme du poids de la glace-, mais li elle eft adherente a des corps folides, comme celle d'une riviere l'eft a fes bords, alors comme par l'efrorr qu'clle fait pour fe dilater, elle fe courbe & devient une veritable voute qui a ces corps (elides pour appui, elle pent par fa i'urface^que la furface de la glace eft heriifce d'une infinite d'inega- ites que celle de l'eau n'a point, & qui donncnt priie a l'air j que les bulles d'air qu'elle contient, & qui font en plus grand nombre a fa furface que par tout ailleurs, tendent par leur elafticite a en detacher les parties-, tou- tes raifons qui font que quoique la glace relifte par fa durete plus que l'eau a l'effort que lair fait pour en enlev'er les parties, cependant il doit en emporter de plus confidcrables & en plus grand nombre qu'il ne peut faire lorfque l'eau eft dans fon etat de liquidite. L evaporation de la neige eft beaucoup plus grande & plus rapide que-* celle de la glace, & cela ne doit pas lurprendre; la neige n'eft qu'une glace beaucoup nioins fclide, & compofec d'une infinite de petits filets de glace qui , par La tendance qu'ont les parties de l'eau a s'affembler fous des angles de 60 degres , forment prefque toujours des etoiles ou des neurons a fix pointes : il n'eft done pas etonnant que cette efpece dc glace, moins dure par elle-meme, & qui prefente a fair une furface bien plus grande, foit atifll fulceptible d'une evaporation plus prompte & plus grande ; il arrive audi que par la meme raifon elle ne fait jamais le meme ettort que la glace pour le dilater & pour rompre les vaiifeaux qui la contiennent. La neige doit , comme l'eau , conferver la faveur & le gout de la vapeur de laquelle elle a etc formee ; & comme , pour l'ordinaire , les vapcurs aqueufes contiennent peu d'autres matieres que des parties deau-, il eft rare que la neige ait tin autre gout ou une autre faveur que celle de l'eau commune, a moins qu'elle ne l'ait prife de la terre fur la- quelle elle a fejourne. Qtielques auteurs ont pretendu que la neige etoit excellente pour degeler les mecubres & les fruits geles par tin trop grand froid-, mais il y a bien de l'apparence qu'elle n'agit dans cette occalion que comme auroit pu faire toute autre eau un peu moins froide que les membres ou fruits geles ; nous aurons dans peu occafion de parler de cette efpece de phenomene. L'artoiblitfement & la diminution de la matiere fubtile dans l'interieur de l'eau ont, comme nous avons vu, fervi a former la glace -, une plus grande quantite & un plus grand mouvement de cette matiere ferviront de meme a la detruire. Le contaft des corps voilins fuftit pour la fondre , fi ces corps font moins froids qu'elle , e'eft-a-dire , s'ils font en etat de fournir alfez de matiere etherec, & de lui communiquer aflez de reffort & de mouvement pour la faire penetrer dans les interftices des parties de la glace. L'application de tous les corps folidcs n'opere pas egalement la fonte de la glace •, il paroit par les experiences de M. H.iguenot, de la fociete royale des Iciences de Montpellicr , que la glace fond plus vite fur le cuivrc cue Tome X. Partie Franfoije. V i54 ABREGE DES MEMOIRES 1 fur aucun autre metal , & plus vite fur un fer a repafler que fur tin fee ordinaire : la raifon de ce phenomene eft peut-etre que le cuivre, & fur- ' tout le jaunc eft de tons les metaux celui qui fe dilate , & par confequent Annie iJ4g. eft penetre plus aifement par la chaleur, d'ou on eft en droit de conclure que la matiere fubtile y trouve des routes plus Iibres que dans tout autre metal •, peut-etre que le frequent ufage qu'on fait du fer a repaffer, le met aulli dans le raerae cas. • A l'egard des liquides & des fluides, il paroit en general que leur efv ., ficacite a fondre la glace fuit a- pen- pies la proportion de leur mouvement inteftin, de la groifeur & de la lolidite de leurs parties integrantes •, c'eft la probablement la raifon pour laquelle la glace fond plus aifement dans l'eau que dans fair a la meme temperature, & plus promptement dans de l'eau tiede qu'a line diftance du feu a laquelle on auroit peine a tenir la main; il y a d'ailleurs bien de l'apparence que fair fe refufe plus que bien d'autres . corps an paffage de la matiere lubtile, puifqu'un morceau de glace qui eft 6 minutes 14. fecondes a fondre a fair libre, eft ablolunient fondu en 4. minutes dans la machine du vuide. La glace eft communement beaucoup plus de temps a fe fondre quelle n'en a employe a fe former •, c'eft a cette propriete que nous devons la poffibilite d'en conferver julques dans les chaleurs de fete : ce feroit une errenr que de s'imaginer que la temperature des glackres flit au-deffous' du tcrme de la congelation , bien loin dela, l'eau qu'on y porteroit s'y. maintiendroit toujours fluids •, m.ris ilfuflit que la temperature des gla— cieres ne foit que pen au-deffus de ce terme, pour que la glace quon y entaffe par grolfes matfes ne s'y fonde que tres- lentement, en forte qu'il en refte alfez pour notre ufage; pour pen qu'on y veuille reflechir, cette propriete de la glace n'aura plus rien de lurprenant. La matiere lubtile doit avoir bien moins de facilite a delimit des particules exaclement jointes, qu'elle n'en a eu a s'ecbapper d'entre ces memes particules , lorfqu'elle les tenoit flottantes & feparees ; il doit raerae arriver que dans cenains pays, 011 par des circonftances locales, la chaleur ne puHIe detruire en ete toute la glace que le froid a formee en hiver , & qu'il fe trouve par confequent des amas de glaces aufli anciens que le monde. II feroit peut-etre bien difficile de retrouver dans la deftruction de la dace precifement les memes phenomenes en ordre contraire a celui qu'on a obferve dans fa formation ; cependant il y a bien de l'apparence que les parties qui fe font geleesles premieres avoient plus de difpolition que d'au- tres a s'unir, & lcront les dernieres a fe feparer; en effet , G on fait fon- dre lentement un morceau de glace tres-mince , on pourra obferver que les premiers filets de glace qui s'y font formes fublilteront fouvent encore lorfque tons les intervalles qui font-entre eux feront degeles , & qu'ils formeront une efpece de relcau trcs-reconnoi(lable ; mais il faut pour cela que la lame de glace (oit tres-mince; dans un -morceau un pen epais, mille halards feroient diiparoitre infailliblemcnt cette apparence. Lorfque le retour du foleil vers nous, les vents plus doux &: plus chauds, Fa&ifl'ement & la precipitation des corpulcules falins qui etoient dans fair, DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. 155 & line plus grande qiiantite de vapeurs forties de la terrc, rendcnt la dou- jg^— — — —IS ceur du temps univerfelle dans un certain canton, radouciifement que pro- p H y*s x QU B. duifent toutes ces caufes , fe nomme degel •, le degel eft ordinairement acconipagne d'un phenomcne allez lingulier, on fent, Iorfqu'il commence, Annie IJ49- line elpece de rcdoublement de froid tris-incommode, quoique cepen- dant le thermometre reroonte : ccttc apparcnce n'eft due qua la grande quantite de particulcs d'eau a peine degelce que Fair contiefit alois; ces particules, par lcur deniite & par lcur application immediate fur la peau, excitent en nous une fenfation que, l'air plus froid & plus iec, tel qu'tl ctoit avant le degel, n'y pouvoit exciter; quelquefois cependant l'augmen- tation de froid eft reelle : lorfque le degel s'ctend a la fois lur un pays con- liderable , & que toute la neige & la glace y fondent en me me temps , il eft prefque impoflible que cette fonte ne refroidille l'air en vironnant , & n'y produife pour un temps alfez court un rcdoublement de froid; e'eft ainli qu'on eft prefque toujours averti a Paris , par des vents de tud tres- froids, de la fonte des neiges fur les montagnes d'Auvergne & des au- trcs provinces meridionales. Les gelees & les degels femblent, au premier coup d'ceil , n'avoir au- cun temps determine-, cependant, a les examiner pendant un grand nom- bre d'annees, on trouveroit pent etre dans cette malic d'obfervations plus de refgularite qu'on ne le l'imagine : en general ; on lait qu'en cc climnt les grandes chaleurs & les grands froids ne le font ordinairement fentir qu'un mois 011 fix femaines apres les folftices d'ete ou d'hiver. On pourroit peut-etre afiigner auffi une certaine duree moyenne aux grandes gelees, car il faut bien diftinguer cclles- ci , qui font en quelqtie lorte gelees du climat, &, s'il m'eft pcrmis d'ufcrde ce terme, alines , des gelees acciden- telles & variables. Suivant cette idee , il doit y avoir vers le Hid un paral- lel fous lcquel il ne gelera point du tout, & vers le nerd un autre paral- lel fous lequel il ne degelera point •, on poiura- prendre iur tons les mi- tres une p.;rtie de kur circonfcrence proportionnelle au temps que dure la i;elee , & fi par les extremites de tous ces arcs de paralle'le on mene une courbe fur la iurface du globe, on aura un elpace compris entre ces deux combes, qui exprimera, relativement a la (urface du reile de l'heroilphcre , les fomm.es moyennes du froid & du chaud qui y regneni : on voit bien que cet elpace doit aller en diminuant & en point.- vers le fud, & que les deux courbes doivent s'y rencontrer fur le parallels ou la gelce com- mence a n'avoir plus lieu ; comme aufii qu'elles doivent s'eczrter vers le nord , & comprendre abfolument le diametre du parallelc ou il ne dcgelc jamais) idee ablolument ncuve, & qui pourra fervir a ramener cette 111.1- tiere a des tcrmes plus precis, des qu'on aura dts oblervations lufblanUs pour etablir cette elpece de chaffis phylico-geograpliiqiie, puifque ces cour- bes, tracees avec un nombre furhlant de points, pourroient luppleer aux oblervations qui lmnqtieroient dans plulicurs endroits de la terie. On voit communcment pendant le degel, les mufaijles cliargees d'm-.- efpece de neige ou de frimat qui s'y attache, & qu'on n ;'ie point pendant la gelie •, la raifon de cet diet eft que 'les corps !. .i:i V ij i5<5 ABRtGt DES MEMOIRES tent moins promptement que l'air, & que ces murailles confervent encore Physique o,uelqiie temps apres le degel , an degre de froid fuftifant pour geler les " particuies d'cati dont l'air eft charge : elles font alors precifement dans le Ann'e IJ4$. ni&ne erat que les feaux dans lefquels on a mis de la glace, pour faire rafr.iicbir du vin, qui condenfent a leur furface exferieure, la vapeur qui etoit contenue dans l'air •, & fi. ces vapeurs etoient priles dans un degre de froid egal a celui des particuies qui font dans Fair an moment dun degel, il y a bien de l'apparence qu'on les verroit de meme paroitre autour de ces feaux Ions la forme de neige. La meme caufe produit encore ces refeaux de glace qu'on obferve aux vitres des fenetres; l'humidite de l'air de la chambre s'y attache, & comme ces carreaux font continuellement refroidis par l'air exterieur , elle s'y gele : jufques-la tout rentre dans les principes que nous avons pofe, mais ces memes principes font inlulrilans pour expliquev les contours curvi- lignes qu'on obferve quelquefois fur ces memes vitres : la tendance des parties de lean a s'unir fous des angles de 60 degres, pent bien les arran- ger en etoiles, en plumes, &c. mais jamais en rinceaux curvilignes , & qui femblent etre l'ouvrage d'une main hardie. Ce phenomene embarraffa long-temps M. de Mairan , & cela d'autant plus que quoiqu'il eut foi- gneulement cherclni a l'obferver , il ne 1'avoit jamais pu voir que deux f'ois -, a la fin il fe fouvhit que ces deux feules fois il avoit fait laver fes vines pen avant le froid , & cette circonftance lui donna 1'explication du phenomene , du moins il prefume qu'il n'en a pas d'aufre : les vitriers, pour fecher les vitres qu'ils viennent de laver, y paffent avec une broffe, du fable fin-, & l'y conduifent en faifant avec cette broffe plufieurs cir- convolutions fur le verre : or il eft impoffible que ces grains de fable n'y gravent par leur frottement un grand nombre de petits traits ou llllons qui tous fuivront les contours que la broffe aura decrits. Ces fTllons font trop petits pour que nous les puiffions appercevoir , mais ils ne le font pas affez pour que les parties de l'eau ne puifient s'y loger, & nous retra- ce! par leur arrangement, lorfqu'elles s'y gelent, les contours que la main du- vitrier y a marques : la meme chofe n'arrivera plus lorfque , pendant un efpace de temps confiderable, ces efpeces dc fillons auront etc combles par un nombre prefqu'infini de petites particuies de difterentes matieres, que l'air y charie continuellement ; d'ou il fuit que ce phenomene ne peut guere s'obferver que fur des vitres ariez recemment nettoyees. Nous n'avons parle jufqu'ici que de la glace formee par les caufes ge- nerates , mais I'art a auffi trouve le moyen de s'en procurer : on fait affez que dans le fort meme de l'ete , cette ingenieule invention nous procure des rafraichilfenaens qu'il fembloit que la nature nous eut entierement reftifes. La glace feule, telle que nous la confervons dans nos glacieres, ne fuffi- roit pas pour cet efFet ; il a fallu y ajouter un fecours etranger , ce feeours eft celui des fek , ils accelerent tous plus 011 moins la fonte de la glace : M. de Mairan s'eft affure par fes experiences , qn'un morceau de glace qui ne fe fondoit que dans' 1'cfpace de cinq hemes & derate lorfqu'il etoit DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 157 tout fcul, fe fondoit totalcment en moins d'une heure lorfqu'il etoit en- — a^— vironne de fcl matin; les pointcs du fel font autant de petits coins qui t> 1 11 i" « M t 1 r' ■ «~ 1 }•/ 1 II V # I Q U ccartcnt les parties de la glace, & en accelerent la leparation. Lela pole, qu'on imagine un vaiffeau plein d'eau , entoure de glace & de fel meles AatiC: fjjy. enfenible ■, dans la fonte fubite de la glace que le (el occalionnera , fes parties fe trouveront plus ecartecs qu'elles ne Vauroient etc dans la fonte ordinaire; il fe fera done des efpeees de vuides entre elles, & la matiere f;ibtile contenue dans I'eau du vale qui y fera plonge, s'echappera pour s'jf loger, d'ou il arrivera neceffairement que cette eau ayant perdu celle qui lui etoit neceffaire pour entretenir fa liquidite, fe glacera. Le contraire arrivera precifement li on plonge un fruit , un membre gele , dans de I'eau affez voiline de la congelation : la matiere fubtile con- "tenue dans I'eau encore fluide , s'introduit dans le corps gele, elle y reta- blit le mouvement, & I'eau qui sen trouve privee fe glace autour, ce qui a fait dire que la glace feroit du corps gele pour fe ramaffer a la furface-, mais il faut obferver avec grand foin que I'eau qu'on emploie foit trcs- voiline de la congelation , de I'eau plus chaudc introduiroit a la fois trop de matiere fubtile dans le corps gele, & y detruiroit abfolument l'orga- nifarion , qu'on y veut conferver. Ce remede li limple eft connu dans tous les pays feptentrionaux , & meme , pour ne pas fe tromper a la tempera- ture de I'eau, on y emploie communement la ncige •, ce fut ainii qu'on degela un doigt & une oreille au roi d'Angleterre Jacques I, pendant que ce prince etoit en Norwege. La glace artificielle n'a rien qui la diftingue de la glace ordinaire for- mee rapidement ; il ne paroit point quelle fe charge des particules des fels qu'on emriloie , qui en erlet auroient bien de la peine a penetrer le vaiffeau qui la contient. Puilqne les fels ne contribuent a la congelation artificielle qu'en raifant f. ndre la glace avec laquelle on les mele , il eft naturel que ceux qui oc- calionnent la fonte la plus prompte , produiient le plus grand degre de froid; e'eft audi, a tres-peu prcs, ce que l'on obferve. Le fel marin, qui eft celui de tous qui fait fondre la glace le plus vite , occaiionne le plus grand degre de froid-, ce fel, & fur- tout le fel gemme , qui eft, comme on fait, de meme nature , a fait defcendre le thermometre a 17 degres au-deffous de la congelation. Il y a grande apparence que les fels n'accelerent la fonte de la glace qu'en fe fondant eux-memes , du moins M. de Mairan n'a-t-iJ jamais pu s'a!:iirer du contraire par aucune experience. Non-ieulement les fels out la propriete de contribuer a la congelation etant meles avec la glace, mais dilfous dans I'eau ils la refroidiffent conli- derablement, le fel ammoniac, qui a cet egard eft le plus*erEcace de tous, refroidit I'eau dans laquelle on le diffout, au point de faire baiffer le ther- mometre qu'on y plonge, de 4. degrcs : la dofe eft d'une livre fur trois on quatre pintes d'eau ; d'oii il fuit que li cette eau etoit voiline de la con- ' gelation , elle pourroit etre employee a la cqngilation artificielle ; & que puilque Ton pcut a chaque operation la refroidir de 4 degres, on peut, i58 A B R E G E D E S M E M O I R E S 1 en employant des luaffes d'eau ainii fucceffiyement refroidies , parvenir a p faire la congelation artificielle fans glace ; on pourroit meme en rafraichif- ' fant l'eau par.le moyen d'un courant d'air corarae nous avons dit ci dcllus, Annie IJ43- & prenant le temps ou l'eau n'eft pas fort eloignee de la congelation , fe procurer de la glace artihciclle 'fans fels & fans glace. C'eft: par cette re- flexion que M. de Mairan termine fon ouvrage , cju'on peut en quelque forte regarder comme neuf, quoiqu'il ait pour but l'explication d'un pbe- nomene obferve depuis le commencement du monde , & fur lequel prel- que tous les phyiiciens avoient ecrit : l'efprit d'ordre & d'oblervution qui y regnent, out du produire neceilairement la clarte & la prccilioa quo n y remarque. SUR DIFFERENS MOYENS D E I PERFECTIONNER. LA BOUSSOLE. iES avantages immenfes que la bouffole a procures a la navigation; An lie tTAo juu'nent al^ez 'e f°*n 1ue 'es phyl'ciens ont pris de travailler a la perfec- ' ' tion de cet inurnment, tant en s'efforcant de penetrer de plus en plus dans '•'ft- les myfteres de I'aimant, qu'en recherchant les moyens les plus avantageux d'augmenter Ci fo?ce directive, & de l'appliquer a l'aiguilie aimantee. Les principaux avantages qu'on peut deiirer dans une aiguille de bouf- fole, font de fe dinger vers le pole magnetique avec force, & d'etre ex- tremement mobile fur fon pivot , fins cependant etre ce qu'on no mine voitige , c'elt-a-dire, fans perdre la propriete de le fixer affez promptement vers le point ou I'aimant la dirigc. Cell a dormer aux aiguilles de bouffoles ces qualites avantageufes , que font deftinees les recherches de M. du Hamel, dont nous allons parler. Le point le plus intereffant, & audi le plus difficile, etoit 1' augmenta- tion de la force magnetique ; & pour mieux entendre la maniere dont s'y prit M. du Hamel , nous ferons obliges de rappeller au lecteur une legere idee de ce que nous avons rapporte en 1745 (a) (ur la meme matiere. M. Knight avoit envoye d'Angleterre a plutieurs academiciens , de pe- tits barreaux d'acier aimantes & d'une force extraordinaire-, ils n'avoient ete, difoit-on, touches par aucune pierre : le phylicien Anglois gardoit fur le refte un profond iilence, & fembloit le faire 1111 plailir de jouir de l'inquietude qu'il caufoit aux autres. M. du Hamel entreprit de deviner cette efpece d'enigme, & vint a bout de faire, d'une maniere tres-limple , des barreaux magnetiques auffi forts que ceux du docleur Knight : il ne fallut pour cela qu'attachcr le petit (a) Voyez Hift. 1745, Collision Academique, Partie Francui'.e, Tome IX. DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 153 barreau fur l'cxtremite d'unc Iongue lame d'acier prccedcmment aimantee, & aimanter enfuite Le tout enlcmble. p Une nouvclle annonce de M. Knight a engage M. du Hamel a de nou- villes rccherches. On a lu dans les nouveiles publiques, que ce phyficien Annte 2750. (avoit compofer dcs barres magnetiques qui aimantoient les aiguilles trem- pees dur , plus puifiamment que les nieillcures pierces , qui pouvoicnt augnienter la force des aimans foibles , & menu* changer abfolumcnt la (ituation de leurs poles ; mais il s'eft contente d'y enoncer les proprie- tes de fes barres , fans dire par quelle voic il etoit parvenu a les leur donner. M. du Hamel s'eft remis fur la voie de fes premieres experiences , de concert avee M. Antheaume , deja connu de l'acadcmie par plulicurs ou- vrages qu'il lui a prelentes , qui, de Ion cote, avoit deja tcnte de perfec- tionner les boulioles de mer -, & aide par le licur lc Maire, qui avoit tra- vaillc aux experiences qui furent faites en 1745 , il a cherchc les moyens de donner aux barres magnetiques les memes proprietcs que M. Knight fe vai toit de pouvoir leur donner. Les premieres epreuves furent faites fur deux barres d'acier d'Angle- terre , trempees dur & polies, d'environ 8 ponces de long, 4 lignes & demie de large, & 1 lignes & demie d'epailieur : ces lames furent aiman- tees luivant a m.iniere que M. Knight prefcrit pour les aiguilles de bouf- fole,avec deux lames de fabre dont on avoit coupe la pointe & la loie , & qui avoient ire elles-memes aimantees fur line barre beaucoup phis Ion- gue, comme nous l'avons dit en ^7+5 , (a) en parlant des premieres ex- periences de M. du Hamel. Le fucces de cette tentative lui fit voir qu'il etoit dans la veritable rou- te : U!i barreau d'acier trempe trcs-dur , qui, aitnante a l'ordinaire avec line bonne pierre , pouvoit a peine loutenir une aiguille a coudre, rc$ut de h nouvelb barre une force luifil.mte pour porter une once 4 gros. On prit une pierre daimant foible, & qui loutenoit a peine un petit cloir, on marqua les poles, & on 1'aiinanta en lens contraire avec la barre magne- tique; les poles de la pierre furent changes, celui qui etoit nord devint ftid, & clle 'porta alors 6 onces : on 1'aimanta de nouveau en fens con- traire, les poles changercnt encore, & revinrent a leur premiere pofition, la pierre p'nrta en cet etat 11 onces. Fnfin on aimanta une meme aiguille de bouflole fueceflivement, avec une kmblable barre & avec une de celles de M. Knight v cllc porta egalement un poids de 4 j gros. Malgre le llicces de ce travail qui avoit, comme on le voit , fourni des barres magnetiques, tres-approchantes de celles du doCteur Knight, M. da Hamel & M. Antheaume netoient pas contens : ces dcrnieres avoient en- core quelque fuperiorite qu'ils vouloient leur enlever. Pour cell , ils chan- gercnt quclque chofe au procede qu'ils avoient employe; ils fubftituerent aux lames de fabre, des lames d'acier phtt exa&emcnt travaillees, mina- gerent des contacts plus precis, & enrin taouverent une manicre d'aiman- O) Voycz HUH 1-^5, lii memj. \6o abreg£ des memoires ' ' ter les barres , qui leur donna plus de force que n'en avoient les barres Physique. A»gloifes- . Cette maniere d aimanter conlifte a dilpofer fur une table , les deux Annec IJ50. barres qu'on veut aimanter , a cote 1'une de l'autre , & feparees feulement par une regie de bois de raerae longueur & de meme epailfeur qu'elles , & qui n'a que 3 ou 4 lignes de large. On joint a chaque bout les extre- mites des deux barres par une petite traverfe de fer qui les touche exac- tement, & on applique a ces deux efpeces d'armure que M. du Hamel nomme contacts , les bouts de deux autres barres qui auront une largeur & une longueur doubles des premieres, & qui auront ete aimantees a l'or- dinaire, en forte que le tout forme une feule regie : alors on promene le long de cet aflemblage , rarmure d'une bonne pierre d'aimant, capable de porter 18 a 20 livres, de facon qu'elle ne touche qu'une des barres du milieu. Par cette operation , cette barre fe trouvera aimantee fur une de fes faces : on changera alors les deux barres de place , & on aimantera de meme la ieconde : on repetera cette operation pour les quatre faces des barres, enfuite on mettra les grandes barres au milieu, & les petites a« bout. Par ces operations reiterees , on forcera la matiere magnetique i couler rapidement a travers les petites barres qui recoivent , par cet ar- rangement, l'ecoulement des grandes, & on parviendra a donner aux bar- res magnetiques , une force egale a celle des barres du docleur Knight. Nous difons egale, car quoiqne les experiences aient deinontre plus de force dans les barres de M. du Hamel que dans celles qui avoient ete en- voyees d' Angleterre , ces dernieres pouvoient avoir ete aimantees depuis quelque temps , & avoir perdu une petite partie de leur vertu , lorlque M. du Hamel en fit la comparailon avec les fiennes-, il a tropde delica- teffe pour diffimuler cette circonftance, & pour vouloir prendre dans 1111 combat de cette efpece, aucun avantage qui ne fut pas legitime. Avec des barres de 14 & 15 onces , on pent, fans aimant, donner une tres-forte vertu magnetique a de petits barreaux , pourvu que leur poids n'excede pas 4 oil 5 onces : on peut, avec ces menies barres, changer les poles des pierres d'aimant qui font foibles , & aug'menter leur force ; enfin, en aimantant les aiguilles avec ces barres, on leur pent communi- quer une vertu directive de beaucoup fuperieure a celle qu'elles auroient pu recevoir des meilleures pierres. On n'aura plus befoin pour cela de i'ortir du royaume, & M. le Maire ell en etat de fatisfaire fur ce point les phyficiens & les matins! Les barres magnetiques & les aiguilles doivent etre trempees de route durete-, la trempe en paquet y paroit trcs-propre-, & comme il arrive fou- vent que les barres fe tourmentent ou perdent leur reclitude a la trempe , on doit, pour eviter autant qu'il eft poffible cet inconvenient, recomman- der a ceux qui les forgent , de ne point les redreffer a froid , mais de les faire chauffer chaque fois qu'il faudra les redrelfer, celles qui ont ete redreffees a froid ne manquant pas de reprendre leur premiere coiubme 3 la trempe. II y a des barres qui ne recoivent d'abord qu'une mediocre quantite de vertu DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i6t rertu rnagnetique ; mats li apres Ies avoir ai man tees une premiere fois, on m^mm — — — les laiile philieurs jours dans Li meme poiition, & qiPenfiiTte on les ai- p . mante de nouveau, elles recoivent une force cuntidcr.ible a cette leconde operation. 11 lemble tjne la matiere rnagnetique air quelquvfois befoin dc Annce i"J$o. temps pour fe frayer, dans I'interieur de l'acier, des routes que le premier attouchement n'avoit pu fuivitamment ouvrir. Pour conlerver aux barres & aux aiguilles la force rnagnetique qu'elles out recue , il faut les tenir deux a deux dans une boite avec leurs con- tads on armures de fer aux deux bouts : il s'etablit pur ce moyen une circulation de matiere rnagnetique dans leur intei ieur , & cette circulation entreticnt & conferve leur vcrtu. Enrin , la figure qui a paru la plus avantageufe pour les aiguilles , eft cellc d'un parallelogramme termini par deux pointes' fort obtules , & on doit leur donner a-peu pres une demi-Iigne d'epailieur. Des aiguilles de cette figure & de cette epaifieur, qui doivent encore, fuivant 1 ulage de la mer , etre chargees d'une role de vents, pourroient paroitre peu fufceptiblcs d'un mouvement bien libre fur leur pivot : M. Antheaume a trouve un remede extremement limple a cet inconve- nient; au-lieu de placer au milieu du fond de la boite un pivot aigu a l'ordinaire, il y place un petit pilier allez gros pour recevoir une chape de verre ou d'agathe, qui y eft maftiquee l'ouverttire tournee en haut; il en ajufte une pareille au centre de la role ; alors il fait un petit fufeau de cuivre pointu par les deux bouts, dont Tun entre dans la chape renverlee qui eft au bout du petit pilier, & l'autre dans la chape de la rofe. Trois petits contre-poids dilpoics en triangle vers le milieu de la hauteur du fufeau , out aliez de puiliance pour rappeller & retenir le fufeau & la rofe dans la lituation perpendiculaire, & cette petite addition, toute fim- ple quelle eft , procure a la rofe line mobilite qu'on ne foupconneroit pas avant de l'avoir vue. Cette grande mobilite meme caufoit un inconvenient confiderable : un vaifleau en mer eft dans un mouvement continue! , & ces aiguilles fi mo- biles devenoient ce que Ton nomme volages , e'eft-a-dire, qu'avant qu'elles ie hiffent fixees, un nouveau mouvement du navire les eloignoit de leur direction : de petites ailes de papier que ces meffieurs ont imagine de faire coller perpendiculairement fous la rofe , ont remedie a ces incommodes oicillations •, fans charger fenlibiement la rofe , elles eprouvent dans I'air Une reliftance qui fufKt pour la faire fixer aflez promptement, fans lui rien faire perdre de fa Juftefle. Les aiguilles conftruites fuivant les principes rapportes dans le memoire de M. du Hamel , reviennent tonjours a leur premiere direction , a moins d'un demi degre pres, lorfqu'on les en de- range; au lieu que les boufloles ordinaires ne s'y remettent qu'avcc une difference de trois, quatre , ou meme fix degres. On voit cornbien cette augmentation de juftelie doit etre avantageufe a la marine; elle eft due toute entiere aux loins que Mrs. da Hamel"5: Antheaume fe font domies-, taut pour perfeclionner les aiguilles & leur fufpenfion , que pour deviner & rendre public le fecret que le phyGcien Anglois faifoit de la cKc^uverte. Tome X. Panic Fnmcoijc. X Physique. A:\;:ce lJ$o. tSa A B R E G £ DES MEMOIRES HISTOIRE A B R E G E E DES MALADIES EPIDEMIQUES DE 1750. Obfervt'es a Paris , en mane temps que les diffifrentes tempdratures de fair. Par M. M a t o u 1 n. M^m. v_> e qui ,' dans la nature , eft le plus a notre ufage , & Ie plus commun , eft ordinairement ce que nous connoiffons le plus mal, & ce qui attire ie moins notre attention , parce que nous y fommes habitues dcpuis lage oil Ton nVft pas encore capable de reflexion ni de connoiffance •, c'cft de fair dont je veux parler ici : l'air eft la premiere chole dont nous ayons fait ulage a 1'inftant meme de notre naiffance , & cet ufage eft continuel juf- qu'a la mort ; il eft eilentiel pendant toute la vie : nous ne cellons point naturellement de refpirer, nous fommes perpetuellement dans l'alternative de Finlpiration & de 1'expiration. L'air nous cnvironne entierement, & nous fommes prcffes de tons cotes par le poids de l'atmolphere; le reffort de l'air nous ebranle perpetuelle- ment; il caufe & il entretient nos mouvemens naturels. II n'eft pas moins effentiel au dedans de nous qu'au dehors , il fait meme partie de nos corps,. il eft mele en grande quantite avec nos li- queurs, il entre dans la compolition de nos chairs & meme de nos os. On pent done dire que l'air eft ce qui influc le plus fur notre vie &: fur notre mort; e'eft pourquoi le chancelier Bacon n'a pas fait difficulte d'avancer , dans fon Traite de la vie Side la mort , que les vicifCtudes de l'air font les principals caufes de la deftruclion des etres vivans. Ces confiderations doivent nous engager a faire plus d'attention a Tac- tion variee de Tair fur les corps ; il faut y avoir egard dans le regime , pour la confervation & le retabliffement de la fante ; & dans le traite- ment des malades , pour la recherche des caufes des maladies , & pour leur guerifon. J'ai explique (a) dans l'hiftoire des maladies epidemiques des annees precedentes, ce que peuvent le reffort de l'air & la pefanteur de I'atruof- phere fur nos corps, & j'ai rapporte (b) les effets de fa fechereffe & de ion humidite : il faut auffi conliderer le chaud & le froid , qui entrent pour bcaucoup dans les operations de la nature; e'eft par le moyen de l'air que la froidure & la chaleur des faifons nous affectent. Ce n'eft pas que les rayons du foleil n'echauflent les corps inJcpcndamment de l'air, mais l'air entourant continuellement les corps, & etant echaufre, commu- nique & conferve la chaleur. (o) Mem. de l'Acad. des Sciences 1747, ci-deflus. Q6 ) 1741; , ci-delf'j«. DE L'ACADBMIE ROYALE DES SCIENCES, itfj II n'eft point de qualitcs dc l'air 3uxquelles nous foyons plus fenfibles,' qu'au ch.uid & an firoid : tout ce qui lurpaiTe le degre dc notre chaleur PuystQVE. naturelle, nous paroit chaud ; & an contraire , tout ce qui 1'cft mdios, nous paroit froid. Annie ij 50. Tout ce que nous fentons chaud ou froid, ne i'eft point par lui-meme; l'air n'a de foi-meme aucune chalcur, il la recoit des caufes qui la produi- knt , commc du foleil, & il fe refroidit lorlque ces cauies ceffent d'agir. L'air qui eft plus pres de la furface de la terre, recoit plus de chaleiw que cclui qui eft a la partie fuperieure de fon atmofphere : il fait en tout temps trcs- froid au fommet des halites montagnes , comme lur la mon- tagne de Pitchincha an Perou , oil la neige le conferve , quoiqu'elle foit fous la zone torride; la neige n'y fond point a 2430 toiles, e'eft-a-dire, a line gr.inde lieue audeflus du niveau de la mcr. Mrs- Bouguer & dc la Condaniine out dit dans les relations de leur voyage, qu'en montant & en defcendant les montagnes du Perou, ils ferrtoient le froid ou le chaud, & failoient monter ou defcendre fe'nuble- nient le thermomctre , depuis plus de 5 degres au deffoiu du terme de la congelation, jufqu'a plus de 2S au-deffus, & ils ont ain!i rencontre fucceffivement fur ces montagnes, en qtielques heures, diif.'iins climats. On rellcnt le plus grand froid au fommet de ces montagnes, parce qu'elles font extraordinairement hautes, & au contraire on eprouve au pied, le plus grand chaud , parce qu'elles font fous la zone torride. II fait plus chaud dans les plaines que lur les hauteurs, parce que l'air eft condenfc a proportion du poids dont il eft charge : or l'air inferieur de la plaine etant plus denfe par le poids de l'air luperieur, recoit plus d'impreflion des rayons du foleil , &' en retient plus de chaleur , par la railon que les corps qui font plus compa&es, ayant plus de maticre, con- fervent plus de chaleur, de meme qu'ils conlervent plus de mouvement : au-lieu que l'air luperieur des hauteurs recoit & retient d'autant moins de la chaleur du foleil, qu'il eft plus rare, par la liberie qu'il a de s'erendre , n'etant point ou n'etant que peu charge. La partie fuperieure de l'atmolphere eft a la verite plus pres du foleil que nel'eft la partie inferieure, mais cette difference eft extremement pe- tite par rapport a la diftanee immenle du foleil i la terre , de forte que cette petite proximtte de l'air des hauteurs fait moins a la chaleur, que ne fait la denfite de l'air des plaines. D'aillcurs l'air inferieur eft inele avec des parties etrangeres qui etnanent . dc la terre ; ces parties concentrent & reflechiiient les rayons du loleil, & font des elpeces de petits miroirs ardens : la terre elle-meme & les corps ui lont dellus reflechilient dans l'air qui en eft a portee , les rayons du oleil. L'air echauffe le jour par le foleil , fe refroidit Iorfque cet aftre eft cou- chii, parce que la caufe ceffant d'agir, l'erfet n'eft plus entretenu , il s'af- foiblit •, outre cela, l'air fuperieur qui eft toujotirs plus ou moins troid , retroidit peu a pen celui qui eft deilous , & qui communique enfui.e la froidure a celui qui eft plus proche de la terre, lequcl etant devenu froid X ij 2 I Q V E. 1 6+ A D R £ G £ DES M E M O I R E S : lui-meme , diminue audi peu-apeu la chaleur de la terre & de tout ce qui en depend. Lorfque l'air, de chaud qu'il etoit, devient froid tout a coup , com me Annie 1750. il arrive quelquefois a Paris, fur- tout dans les mois de juin & de juillet, cell par des venrs qui charter) t l'air chaud, & qui y fubftituent un air froid qu'ils appoxtent des climats froids. Ou bien les vents produifent ces changemens en rabattant l'air fiiperieur centre la terre, & refroidilfant par ce moyen l'air inferieur qu'ils deplacent. De forte que la temperature de l'air par rapport au chaud on an froid, eft difrerente, non-feulement felon la differente polition du pays par rap- port aufoleil, mais auili felon la dirlerente elevation du terrein dans l'air, £i felon les vents. H I V E R. L'miver de 1750 a ete humide dans fon commencement & tres-fec a fa fin-, les rivieres ont ete extraordinairement bafies dans cette faifon, parce qu'il y a tres-peu plu, quoique, comme je fai dit, le commencement en ait ete humide : cette humidite du commencement de i'hiver venoit fur- tout de cc qu'il y a eu beaucoup de brouillard, & de ce que le ciel a prefque toujours ete convert dans ce temps. Vers la moitie de I'hiver, les vents ont ete violens comme ils ont cou- tumc d'etre dans les equinoxes : il faut remarquer que le temps qui a fuivi ces ouragans , a ete femblable a celui du printemps. Le froid a ete beaucoup moindre qua l'ordinaire, cette annee a Paris; S: ce qui a rendu la chofe encore plus extraordinaire , e'eft que comme il a fait moins froid que de coutume cet hiver, dans le nord de la France, il a fait plus froid qua l'ordinaire pendant le meme temps dans les pro- vinces meridionals •, ce qui prouve que la chaleur dans un pays, ne de- pend pas feulement de la polition par rapport au foleil ; & que pluiieurs autres caufes y concourent. Le jour le plus froid dc cette annee, a ete le 6 Janvier : la liqueur du thermometre defcendit ce jour-la vers fept hemes du matin , a 5 { degres au-deiibus du terme de la glace. La temperature douce de cet hiver eft vraiCemblablement ce qui a fait oue les maladies ont plus porte a la peau qu'elles n'ont coutume de faire dans cette faifon. PRINTEMPS. Il y a aufli eu de la difpofirior. a la fueur dans les maladies du prin- temps, qui a ete humide a la fuite d'un hiver fee. Le commencement du printemps a ete beaucoup plus beau que le refte : toute cette faifon a ete fort temperee pour le froid & pour le chaud, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 1*1 E T E. P II Y S I Q U E. L'jte a etc humide dans fon commencement, trcs-fec & beau a fa fin. Anrid z~'o. La plus grande chaleur de cette annee a etc les derniers jours de juil- ler, le thermometrc y eft monte jufqu'a 29 degres & demi. II y a eu en France pendant l'ete de cette annee , moins d'orages qua l'ordinaire, & au contraire il y en a eu extraordinairement en Angleterre: il femble que ce qu'il y a de moins dans un pays, fe trouve de plus dans un autre, & qu'il eft, pour ainli dire, une foivime de tout, qui eft dirie- remmcnt repartie en dirferens temps. II y a eu dans cette failon , beaucoup de maladies de la peau. A U T O M N E. L' mto.mnf a etc fort temperee par rapport au c ha ltd & au froid, mais la pefanteur de l'atmofphere y a louvent varie , de mime que les vents •, ils out etc violens vers l'equinoxe. C'eft la lailon de l'annee oil il y a eu le moins de malades. L'air a etc fee les premiers jours d'automne , & il a ete fort humide le refle de cette lailon. RESULTAT. La quantite d'eau de pluie qui eft tombee a Paris dans le cours de cette annee, monte en hauteur, a jo polices 10 ~ lignes. II y a eu beaucoup de fruits cette annee : en general, ils ont eti bons, & n'ont point etc ma!-faifans; cependant ils etoient plus propres qu'autre chofe a caufer des indigeftions a ceux qui fe fentoient de la mauvaife dif- peiition ou on a obferve qu'etoient les entrailles cette annee. II y a eu du devoiement & de la dyflenterie toute l'annee , plus oil moins : j'ai obferve que les maladies y portoient, ou aux inteftins , ou a L peau; il y a audi eu toute l'annee, des petites veroles. Les huitres n'ont pas incommode cette annee coram: elles ont coutume dc faire dans le commencement de I'automne. Les troupes fe font mifes en campagne phitot cette annee que les autres annees de guerre , parce qu'il a fait peu d'hiver & que le printemps a com- mence de bonne hcure : je ne fais cette remarque , que pour faire voir que la Temperature dc l'air influe naturellcment for les actions des hom- mes, fur leurs coutumes , fur leurs loix , fur leurs carafteres & fur leurs mreurs , comme fur leur fante. II eft entrc a 1'hotcl-dieu de Paris pendant cette annee, 20590 mala- des : le mois ou il s'y en eft moins prefente, c'eft en Juillet; & au con- traire celui ou il y en a eu le plus, c'eft en Janvier. II eft mort ^ne cet a;r s'v trouve en plus grand volume , & c'eft Annie ij$o. a developper ce point d'hydraulique qu'eft deftine le memoire de M. de Parcieux. : Nous avons d'abord fuppofe qu'une conduite qui a des linuofites dans le fens vertical, devoit etre regardee comme compofee de fyphons, joints les uns aux autres, & nous avons fait voir que li on imaginoit ces fyphons abfolument remplis d'eau , on pouvoit regarder la conduite comme h elle alloit en ligne droite du point de depart au point d'arrivie, les finuohtes, dans cette hypothefe , n'occalionnant d'autre obftacle au mouvement de l'eau, qu'un plus grand frottement. II eft cependant aife de voir que cette fuppofiuon ne repond point h ja realite. La petite theorie dont nous avons donne uneidee, montre qu'il eft comme impoffible qu'une pareille conduite foit entierement remplie d'eau : routes les branches defcendantes > excepte la premiere & la der- niere, contiendront toujotirs de fair enferme-, il n'y aura done plus d'e- quilibre entre les branches montantes & les defcendantes , puifque les pre- mieres etant abfolument pleines d'eau , les dernieres au contraire font rein- plies d'un melange d'air & d'eau beaucoup plus leger, & par confequei.t l'eau n'avancera que tres-difficilement dans la conduite , a moins qu'en n'eleve le point de depart d'une quantite fuffifante pour compenier le dc- faut de pefanteur que l'air enferme dans les branches defcendantes y occa- fionne. II pent meme arriver que cet air cantonne dans les finuoiites , aug- mentant de volume par la chaleur , la meme charge qui etoit funilaiite pour faire collier la fontaine pendant 1'hiver , ne le loit plus pendant l'ete, parce qu'il en refultera un plus grand vuide dans les branches defcendan- tes , & e'etoit precifement le cas de celle dont M. Sirebeau avoit parle a l'academie : on imagine aifement toutes les nuances qui fe trouvent entre le cours libre de l'eau & fa ceflation totale. Toute cette theorie eft li bien dimontree, que l'efprit ne peut s'y refu- fer , mais M. de Parcieux Ta rendue fenlible aux yeux par des experiences qu'il en a faites a l'academie avec des tuyaux de cryftal : on y a vu le jeu -du fluide & de l'air , dans les differentes finuohtes qu'il y avoit pratiquees b. deffein; en un mot, on peut dire que l'experience a fuivi pas a pas tou- tes les conlequences qu'il avoit tirees de fes principes. On peut remedier a cet inconvenient de pluiieurs manieres. Premiere-; ment , on doit eviter , autant qu'on le peut , les finuoiites des conduites dans le fens vertical; faute de cette precaution , il peut arriver qu'une contrepente de quelques pieds rende inutile la chute qu'on tireroit d'une grande hauteur, parce que la branche defcendante qui devroit operer la plus grande partie de l'eftet, fe trouvera prefque pleine d'air, & que l'eau n'y palfant qu'en filet, elle fera en equilibre avec line tres- mediocre hau- teur d'eau dans la branche montante qui la fuivra. Secondement on peut, lorfqu'on met l'eau dans la conduite , ajouter a l'cmbouchure du tuyau an point de depart, un tuyau plus oti moins eleve felon le befoiii, & garni p^r DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. \6» par le haut d'un entonnoir , & ce fera par ce tuyau qu'on verfcra lean.—— j ■■ Cettc charge fcra fufhfante pour compenler le vuide dans les branches def- p y i n tJ 1 cendantes, & obligera l'cau a couler & a entrainer l'air avec elle-J niais (i on avoit bcfoin pour cela d'une trcs-grande charge, il leroit a craindre que Annfc iJ$o. ce poids & le relibrt de l'air cantonne dans la conduite, n'occalionnalient la rupture des tuyaux : d'ailleurs il fe degage toujours de l'air qui etoit mele avec l'eau, & cet air rcprendroit pcu-a-peu la place de celui qu'on auroit chaffs , & produiroit les mcmes inconveniens. Enfin on peut , & c'eft le mieux, placer des events a toutcs les fommitcs des courbures : alors l'air etant libre de s'echapper , ne genera plus le cours de l'eau , & tout remrera dans le cas de la premiere fuppolition. On accufe louveut la thco- rie de n'etre pas d'.-.ccord avec la pratique •, mais prclque toujours c'eft moins a elle & a fes regies qu'il taut s'en prendre, qu'au pcu de loin quo a a de les fuivre & d'examiner avec foin toutes les circonltanccs des faits auxquels on entreprend de les appliqucr. Citte annee , M. Rameau prefenta a l'academie on ouvrage intitule : De~ monjlration du Principe de I' harmonic , dans lequel il expole les fonde- mens de fon fyfleme de mulique theorique & pratique. Tout corps fonore que Ton fait rcfonner, rend, outre le fon principal, deux autres fons beaucoup plus foibles, mais cependant perceptibles a une oreille delicate : ces deux derniers font la douzieme & la dix-feptieme majeure au-deffus du fon principal, ou , ce qui revient an meme, l'oc- tave de fa quinte & la double octave de fa tierce-majeure. Si prclentement on accorde avec ce corps fonore que nous fuppofe- rons, pour plus de facilite, etre une corde, quatre autres cordes, la pre- miere a fa douzieme au-deffus, la feconde a fa dix-leptieme majeure auffi au- deffus, la troitieme a la douzieme au-deffous, & la quatrieme a la dix- feptieme majeure auffi au-deffous -, alors li on fait rcfonner le premier corps fonore , les quatre autres cordes fremiront auffi fans qu'on les touche, avec cette difference que les deux premieres fremiront dans leur totalite, & que les deux dernieres fe partageront en fremiffant , l'une en trois & l'autre en cinq. Ces deux experiences fourniffent a M. Rameau le principe de route la mulique. Puilque tout corps fonore rend , outre le fon fundamental , la douzieme & la dix-leptieme majeure , ou en rapprochant ces intervalles par le moyen de leurs octaves , la quinte & la tierce , cet accord , que le leul fentiment avoit fait nommer accord par f Sit , eft inimediatement donne par la nature. Les nombres qui expriment la longeur des cordes qui ren- • dent ces fons , conllituent une proportion qu'on a nominee harmonique. Si done on donne le nom d'ut au fon fondamental , les autres fons qu'il fera entendre, feront mi & Jol , ou leurs octaves. On peut done regardcr le chant ut , mi , Jol , ut , comme donne par la nature meme, & indi- pendamment de tout fyfteme mulical. II fuit de ce principe , que tout fon mufical ne fera que du bruit pour ceux qui , par le defaut de leur organe , n'entendront que le fon principal Tome X. Panic Francoijc. Y i7o A B R £ G £ DES M E M O I R E S 5 fans les harmoniques, qui, comrae nous l'avons dit, font toujours plus foi- P h v s i o u i ™es> ^ l11'^ proportion que ces fons feront plus on moins perceptibles a l'orcille , on prendra audi plus on moins de plaifir h la muiique. Annie iJ$o. Non-feulemenL, comme nous venons de le voir le corps fonofe fait fremir les cordes accordees a fa douzieme & a fa dix-feptieme majeure en dcfTus, e'eft-i-dire, en rapprochant, fa quinte & fa tierce, mais il fait auffi fremir fa douzieme Sc fa dix-feptieme majeure en defl'ous , ce qui donne une-nouvelle proportion; mais celle-ci fe trouve arithmerique , au-lieu que la premiere etoit harmonique ; & les termes de cette demiere etant rapproches par le-moyen de leurs octaves, on en tire, en fuppofant tou- jours le fon fondamental ut , les notes fa-, la bi'mol & ut : arrangement dans lequel la tierce mineure fa , la bi'mol fe trouve placee la premiere , & la tierce majeure la be'mol , ut la feconde ; au-lieu que dans les ions harmoniques montans, ut, mi , fol , la tierce majeure eft la premiere, & eft fuivie par la tierce mineure. Cet arrangement des tierces, qui conftitue toute la difference entre les deux modes majeur & mineur, eft done audi independant de tout fyfteme , & donne immediatement par la nature j & comme les fons harmoniques montans fremiffent en entier & plus vi- vement que les defcendans, le mode majeur aura toujours, du moins dans la mufique inftrumentale, quelque chofe de plus naturel que le mineur, & l'orcille fera flattee d'y revenir. Si on compare prefentement le fon fondamental d'abord avec fes deux douziemes en-deffus & en-deffous, & enfuite avec fes deux dix-feptie- mes majeures, il en nalt line troilieme proportion qui eft geometrique. Le leul principe, que tout corps fonore fait entendre les fons harmoni- ques avec le fon principal , donne done inconteftablement des fons qui , iiiivant qu'on les compare , font en proportion harmonique , en propor- tion geometrique & en proportion arithmetique. Toutes ces proportions combinees autant qu'elles penvent l'etre , M. Ra- meau en tire line fuite de notes qui , en fuppofant que le fon fondamen- tal foit ut, font fol , ut , fol, ut , fa, ut, fit ; cette fuite de notes eft ce qu'il nomme baffe fondamentale. Si prefentement on met au-deflus dc chaque note de cette baffe fes fons harmoniques, & que parmi tons les fons de chacune on en choififfe un , de maniere que ces fons foient fepa- res par le moindre intervalle poffible, on aura la fuite de notes ft , ut , ri , mi, fa, fol , la, qui a precifement les memes intervalles que la gamme ordinate, & oil chaque fon eft harmonique d'ut ou de Tune de fes quin- tes. La gamme n'etoit done pas arbitraire , ni (implement la fuite d'un lyfteme pris vi volonte , mais elle depend de regies invariables & prefcri- tes par la nature, & ce fera toujours a M. Rameau qu'on devra de les avoir developpees. II eft aife de voir que cette fuite eft compofee de deux tetracordes on aflemblages de quarre cordes, fi , ut, rd , mi; mi , fa, fol, la, & que les intervalles font parfaitement femblables dans l'ui\,& dans l'autre : ces te- tracordes font precifement ceux des Grecs. Quand on voit l'extreme faci- lite avec laquelle M. Rameau les deduit de fesprincipes, on eft tente da- DE L'ACADI'MIE ROYALE DES SCIENCES. i7i voir regret an temps & a la peine que pluiicurs favans mathematiciens out . employes pour les tirer de lcur epineulc obfcuriti-, car il taut avouer que p H v s , r. de tons les prodiges qu'on nous raconte dc la mufique des Grecs, Ie plus grand feroit peut-etre que fa partie theorique cut eti bien nettement en- Annie *7fo. tendue de quelqu'un , dii moins dans l'etat oii elle nous eft parvenue. Grace a la theorie de M. Rameau , les tetracordes n'effraieront plus perfonnc. L'echelle muficale dont nous venons de parlcr, eft derivee abfolumcnt de la note fondamentale, ut , & cependant elle commence par le fi : en variant tin pen l'ordre de la baffe fondamentale , M. Rameau ore cet in- convenient; & par h nicme nuthode qu'il a deja employee, il en tire la fuite naturelle des notes ut , r( , mi , fa , Jbl,Li , fi , ut. De la mime manicre que M. Rameau emploie pour tirer de la bafie fol, ut , fol , ut , fa, l'echelle fi, ut , H , &c. il tire de la baffe fonda- mentale mi , la, mi, la , r( , la, re", deiivee des fons lurmoniques infi- rieurs l'echelle fol, la, fi, ut, re, mi , fa , qui, comme on voit , eft celle du mode mineur-, & en tranfpofant les notes de la baffe , & y ajou- tant la note fi, il en deduit l'echelle la , fi, ut , ri ', mi, fa dieje , Jol diefe , la, qui eft, comme on voit, celle du mode mineur !a plus ufitee, dans laquelle le fa eft diefe parce qu'il eft la quinte du fi. L<= mode mi- neur eft done plus fufceptible de varietes que le mode majeur-, mais en recompenfe celui-ci eft plus immediatcment donnd par la nature, & a recu d'elle une force que le mode mineur ne pent avoir ; le premier etant pro- duit par la refonnance du corps fonnre meme, & le dernier ne letanr, que par le fremiffement qu'il occaiionne a fes multiples. On a pu remarquer que toutes les baffes fondamentales dont nous ve- nons de parler , marchent par quintes , dont les unes vont en montant & les autres en delcendant •, il y a toujours un repos d harmonie a chacune de ces chutes qu'on nomme cadences , e'eft-a-dire , qu'on petit a chacune en demeurer la , fans que l'oreille defire autre chofe ; mais il y a cctte difference entre les quintes montantes & les defcendantes , que les pre- mieres ne forment pas un repos fi parfait, auffi les appelle-t-on cadences imparfaitcs , au-lieu que les quintes defcendantes forment un repos ab- folu, & fe nomment cadences parfaites. Les echelles produites par les balfes fondamentales participent a ces re- pos, ainli que les chants qu'on peut y ajufter; mais ce n'eft jamais le def- f us , quoique partie chantante , qui peut les produire; il appartient li effen- tiellement a la baffe fondamentale exprimee on fous-entendue , qu'un chant qui paroit fini quand il eft feul on sccompagne de fa baiie, ne paro-it plus tel des qu'on lui donne une autre balfe : M. Rameau en a fait i'expe- rience devant l'acadimie. Si on accorde un inftrument de quinte en quinte , on trouvera que la treizieme , qui devroit rentrer jufte avec la premiere, s'en ecartera d'une q:iatre- vingt-unieme partie, qu'on nomme un comma : il faiit done, pour evitcr ce manque d'accord, alterer un pen toutes les quintes, afin que l'erreur , qui feroit infoutenable fur une feuje devienne inlenfible etant lepanduc fur toutes les autres; e'eft ce qu'on appelle temperament. II y a Y ij i7z A B R E G £ D E S M £ M 0 I R E S l '. "' " '. plufieurs methodes de faire cette diftribution , mais M. Rameau en pro- P h y s i Q u e. P°^e lIne P'us mre C1UC tolItes ce"es qw'on connoit, & dans laquelle elle ' eft la plus egale qu'il loit poOible. Annie IJ$Q. En faifant aller la baffe fondamentale par tierces au-lieu de la faire aller par quintes , & mettant au-deftus de chacune de les notes ies fons har- moniques, on potirra, d on prend, corame on a vu ci-deffus, ceux de ces fons qui auront entre eux les moindres intervalles, obtcnir vtne nouvelle echelle, dirKrente de celles que nous avons vues, lefquelles conftituent le genre diatqnique. Celle-ci introduit des differences entre les demi-tons, on y en obferve de majeufs & de mincurs, ce genre fe nomme chroma- tique j & cette difference , de laquelle on n'avo'it pit jufqu'ici trouver Torigine , eft tine confequence neceffaire & natureile des principes de M. Rameau. En failant marcher la baffe fondamentale de quinte en tierce & de tierce en quinte , on aura encore un autre genre nomme dialonique enharmo- nique, dans lequel tous les demi-tons feront majeurs : enrin li la baffe va en descendant de tierce mineure , & montant de tierce majeure > il en nairra un quatrieme oil tous les demi-tons feront mineurs, & que 1'on nomme chromatique enharmonique. La baffe fondamentale deduite immediatement du principc, que tout corps fonore fait entendre avec le fon principal fes ions harmoniques, eft done, comme on voit , la veritable clef de route la theorie de la mu- fique : mais cette baffe petit ne pas etre exprimee, pourvu que tout le refte y reponde •, la muhque n'en fera pas moins agreable, l'elprit faura bien la fuppleer par un de ces jugemens naturels qu'on fait fans sen ap- percevoir : il eft vrai que tout n'en fera que mieux li on la fait enten- dre ; 1'harmonie en lera infiniment plus plcine, plus parfaite & plus agrea- ble : on ne doit pas meme craindre qu'elle etoufte les autres parties; au contraire elle les fait fortir davantage , en preientant ii l'oreille le prior eipe duqud elles decoulent. Telle eft, mais dans un raccourci qui lui fait tort, la bclle/& favante theorie de M. Rameau fur la mulique : en puifant dans de pareilles four- ces, on ne pent certainement rien faire qui ne foit regulier; mais il lui a fallu , malgre^ ee fccours , le genie le plus heureux & le plus fecond pour produire tous les beaux ouvrages qui lui ont merite les juftcs ap- -plaudiifemens du public : aflemblage d'autant plus rare que'l'efprit mathe- matique neceffaire aux recherches profondes , ne fe trouve pas toujours joint au gout & au talent. « Cette meme annee, M. Eftrve, de la fociete royale des fciences de Montpellier , prefenta a 1'academie un autre ouvrage fur la meme matiere & fous le meme titre de de'monfl ration du prinripe de Vharmcnie. Malgre cette uniformite de titre & de matiere , l'ouvrage de M. Efteve a un objet abfolument different de celui de M. Rameau, & ne lui eft en aucune facon contraire. Ce dernier s'eft uniquement pronofe de deduire les regies fondamentales de rharmonic , du principe de la refonnance du DE L'ACADgMIE royale des sciences. '7$ Corps fonore Sc de fon action fur fes multiples-, mais il s'eft contents d ^m~m~~m~mm. les reduire a ce principe purement experimental. M. Edevc entreprendp h i s v q u :. d'aller plus loin , & d'expliquer phyliquement pourcjuoi tout corps ionore fait entendre les fons harmoniques avec le principal, pourquoi les accords ■*-nnC£ *750-' confonans font agreablcs, & pourquoi les accords dilfonans ne le font r L'air eft, felon M. Efteve, compoie de parties de different retfort. Des qu'un corps fonore frappe ou pince commence a faire fcs vibrations , il met en mouvement tons ceux de ccs refloats qui pcuvent y ctre mis au- tour de lui ', nous dilons qui pcuvent y etrc mis, car avec la moindrc at- tention il fera aifc de voir que ceux dont les vibrations ne pourront con- courir avec celles du corps fonore, ne fcront qu'embraffer les liennes, & n'en recevront aucun mouvement fuivi. II n'y aura done que les parti- cules dont les vibrations pourront concourir avec celles du corps fonore, qui en recevront du mouvement , & elles en recevront d'autant plus qu'elles pourront y concourir plus parfaitement -, les particules dont les vibrations font egalcs a celles du corps fonore, recevant fon impuhion a chaque vibration , feront les plus ebranlees : celles qui ne concourront que de deux en deux , de quatre en quatre vibrations , le feront an pen moins ; viendront enfuite les particules dont les vibrations fe rencontre- ront avec celles du corps Ionore de trois en trois, de cinq en cinq, Sec. Tout ccci rentre dans le fyfteme donne par M. de Mairan en 1757 :( a) il refultera done que le corps fonore rendra non-feulement le fon princi- pal , mais tons ceux dont les vibrations auront un rapport de nombre a nombre avec les liennes. II fcmble qu'on pourroit conclure deia qu'il de- vroit faire entendre un bien plus grand nombre de fons harmoniques qu'on n'en oblerve reellement ; mais premierement on doit en exclure les octaves, qui, quoique ebranlees vivement, fe confondent trop avec le fon principal pour ctre fenlibles a l'oreille : il faudra encore retrancher tons les accords dont les vibrations concourent trop rarement avec celles du corps fonore , Sc tons ces retranchemens faits , on voit qu'il n'y a prefque que la tierce cu la quinte dont on puille fentir l'impreifion , non que le corps fonore n'ait cbranle d'autres particules, mais parce que leurs vibrations ou ie font confondues avec les liennes, ou ont ete trop foibles pour alleccer notre organe. Puifque le corps fonore n'eft tel que parce qu'il fait entendre, ouoi- que foiblementjles fons harmoniques, il deviendra, pour ainli dire, en- core plus lonore li on y joint les notes qui repondent a ces fons, &• e'eft la, pour le dire en pailant, le principe de l'accompagnement du clavefiin & de l'orgue, dans lequel chaque note de balfe fondaroentale port:- prefone toujours les Ions harmoniques ou l'accord parfait, joint a line autre note. Du meme principe de M. Efteve, on deduit aifement pourquoi les cjo- fonanfes plailent plus a l'oreille que l.s ditionanccs, & pourquoi il y a des conlcnances plus agreables les unes que les autres. Nous venons pref- que den dire la raiion d'avance. Toute coyilonance a plus ou moins d; (a) Voyci Hif;. 173;, Collection Aadiimiqu?, Partie FrancxUe, Tcme VUL 174 ABREGE DES M^MOIRES — — — ^— . vibrations communes entre la note principale & celle qui fert a l'accom- p p.igner : plus il y en aura de cette eipece , plus la conlonance fera agrea- ' ble a l'oreille. Tout accord qui fera reellement un accord, en cedent Annie 2750. quelques-unes, & ou il n'y en a plus, il n'y a plus d'harmonie •, le corps fonore ne (era plus aide par les ions qu'on y ajoute , il iera plutot contra- ry par ces vibrations qui ne rentreront point avec les liennes , & l'oreille fera defagreablement afre&ee. SUR QUELQUES EFFETS D E LA P 0 U D R E A CANON. Hift. J. ^ ous avons dit en 1748 , (a) que les officicrs d'artillerie de Toulon ayant voulu faire crever une piece de canon de fer de huit livres de balle, la chargerent de cinq livres de poudre, la defcendireiit dans une foffe oii la bouche etoit exaclxment appliquee contre de forts pilotis , & toute la piece inebranlablement arretee ; & nous avons ajoute que le feu y ayant ete mis, cette piece ne creva point, & que les cinq livres de poudre fe diffiperent en un inftant par l'ouveTture de la lumiere , qui n'etoit que d'environ 7 lignes de diametre. M. du Hamel fe trouvant a Breft avec M. de Morogues , correfpondant de l'academie , crut devoir repeter cette experience; mais la piece dont ils fe fervirent, s'etant trouvee pleine de foufflures & de chambres , creva fans qu'on put tirer aucune lumiere de cette nouvelle experience ; & comme il n'etoit pas poffible de la reiterer fouvent fur des pieces de canon, ils refolurent de la tenter en petit , & avec des canons de moufquet. Pour cela ils firent couper un canon de moufquet de bon fer , du cote de la culaffe, a la longueur d'environ trois polices, & firent ajufter au bout coupe de ce petit canon, une feconde culaffe a vis comme la premiere, en forte qu'il reftoit entre les deux culaffes une chambre cylindrique d'en- viron onze lignes de long , qui n'avoit d'autre ouverture que la lumiere , dont le diametre etoit d'un quart de ligne. Cette chambre exadement remplie de bonne poudre , en contint un gros & demi-, alors les deux culalfes ayant ete bien ferrees, & le petit ca- non affujetti avec de la glaife fur un madrier, on y mit le feu. Le coup eclata aufli fee qu'un coup de fulil ordinaire , & le canon refla en fa place & ne creva point. M. du Hamel le fit demonter & repolir, alors on appercut un petit com- mencement de felure , d'environ deux lignes de long , qui partoit de la lumiere , dont l'ouverture etoit fenhblement augmentee : le metal etoit («) Voyez Hilioir« 1748, ci-deflus. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. I?? graveletix a l'interieur, & on y reinarquoit trois cornrnencernens de nip- ■ ture fenliblcs , mais qui ne s'etendoient p.is fort avant , commc on lc re- p connut en faifant couper le canon dans ces endroits. n v s i q o c. II paroit done que lc hafard avoit donne aux deux obfervatcurs preci- Annie 1750. - fement la charge que ce canon pouvoit porter Tans crever, & que le gros & derrii de poudre qu'il contcnoit, setoit diflipe en un inftant, comrae dans {'experience de Toulon , par l'ouvcrture de la lumiere. La meme experience fut repetee, mais avec cette difference, que Mrs. du Hamel & de Morogues voulant faire crever le canon, lui laiflercnt un peu plus de longueur, afin qu'il put recevoir un peu plus de poudre; il en contint en effet 1 gros. Le feu y ayant etc mis, il eclata , fuivant fa longueur, en trois mor- ccaux : une des fentes s'etoit f.iitc par le travcrs de la lumiere, dont l'ou- v.rturc droit confiderablement augmented, fur- tout en dedans, oii le me- tal paroiffbit commc fondu , en lorte que la force de la poudre avoit agi comme un coin qui avoit fait fur la lumiere un effort fufh'fant pour faire crever le canon. On eft etonne quand on confldere cet effort, fait feulement par deux gros de poudre , & de la promptitude avec laquelle un gros & demi de la meme matiere s'eft diflipe dans l'experience precedente, par une ouver- ture d'un quart de ligne de diametre ; mais on ceflera d'etre furpris que le canon ait creve dans la feconde experience, & au contraire, on admi- rera encore plus ce qui eft arrive dans la premiere , quand on aura fait : xion, ayec M. du Hamel, fur ce qui fe pafle en pareille circonftance. Les phyhciens font partagd-s fur la caufe de l'explolion de la poudre ; les tins veulent que cet effet ne foit du qua la production infhntanee d'tine grande quantite de vapeurs, & les autres au contraire eifaient de l'expliquer par la ft tile dilatation fubite de fair qui fe trouve dans les grains de pou- dre , 011 engage dans Ieurs interfaces. II pourrcit meme arriver, & probablement il arrive, que Tune & la li- tre caufes contribuent a l'effet dont il s'agit. Quoi qu'il en foit, il eft certain, paries experiences de KW Bernouilli, Hauksbee, Boyle, Hales, Robins, penfer, mais il eft encore plus avantageux d'en etre fur- Physique." f ° Annie ij$ol V I. M. Guettard a fait voir line pierre prefentee a feu S. A. S. monfei- gneur le due d'Orleans : cette pierre n'eft point pierre ponce , cependant elle nage fur' l'eau. M. Rouelle trouva , en l'examinant , quelle relfem- bloit beaucoup a celles que jettent quelques volcans dans leurs eruptions. VII. Le 7 mars 1750 M. de Mairan regardant le foleil levant, le vit de- pouille de fes rayons, & prefqu'auffi blanc que la lune; l'air etoit chargd d'un leger brouillard , uniformement repandu, qui n'empechoit pas le ciel de paroitre ferein : le mercure etoit dans le barometre , i 28 ponces 3 lignes ~, & le tbermometre de M. de Reaumur marquoit 6 degres au- deffus de la congelation. M. de Mairan dirigea au foleil la lunette d'un quart-de-cercle de 2 pieds 2 pouces de rayon, & fans aucun verre en- fume il vit le foleil qui n'etoit pas plus brillant que la lune dans fon plein, ayant fes bords auffi nettement tranches : la hauteur du foleil etoit alors d'environ 6 degres, & le difque paroiffoit fenliblement elliptique, en forte que le diametre vertical etoit plus court que 1'horifontal d'environ un quinzieme. Cette difference alloit en diminuant, a mefure que le foleil s'elevoif, a 10 degres de hauteur elle etoit abfolument infenlible , la pa- leur s'evanouhToit en meme temps & fe changeoit en jaune, & non en rouge, qui, comme on fait, eft la couleur dont le brouillard a coutume de teindre le foleil. Vers 8 hemes & demie du matin , le foleil com- mence a briller, & il ne fut plus poflible d'en foutenir 1'eclat dans la lu- nette fans le fecours d'un verre enfume. Dans le commencement de cette ofcfervation. , M. de Mairan avoit appercu deux taches fur le difque du foleil-, mais lorfque le foleil eut recouvre tout fon brillant, il en appercut deux autres. Cette obfervation eft la quatrieme que M. de Mairan ait don- nee du meme phenomene. L'academie a rendu compte de trois autres dans fon Hiftoire de 1721 , (a) de 1729 (b) & de 1733 : (c) il y a tout lieu de penler que ces appafences tiennent a quelque propriete partiailiere de cette partie refractive de- l'air, qui eft vraiiemblablement tres-diffcrente de fair proprement dit, & des brouillards. "C.<0 CoIIeftion Academique , Partie Francoife, Tome V. (i) Tome VI. (O Tome VII. DE I/ACADEME ROYALE DES SCIENCES. iSi VIII. Physique. M. de Geer, chambellan de fa majefte Suedoife, & correfpondnnt de dnnee i/$o. I'academie , a mande a M. de Reaumur le fait fuivant. Au mois de Jan- vier 1749 j & Leuffta en Suede, & dans quatre ou cinq paroiffjs voiiines, on appercut la neige couverte en plulieurs endroits de vers & d'infecles de dirlerentes efpeces, bien vivans; le plus grand nombre cependant etoit de certains vers a lixpieds, qui fe tiennent ordinairement fous terre. On affura M. de Geer que ces infectes etoient tombes avec la neige, & on lui en montra plulieurs que differentes perfonnes avoient ramaffes fur leurs chapeaux ; a fon arrivde, il fit oter la neige des endroits ou on avoit vu les vers, & il en trouva encore plulieurs qui paroiffoient etre fur la fur- face de la neige precedemment tombee, & avoir ete reconverts par celle qui etoit tombee en dernier lieu : il n'etoit pas poflible qu'ils fullent ve- nus la de deffous la terre, qui, dans cette faifon , etoit gelee de plus de trois pieds, & abfolument impenetrable a ces infectes; mais quand M. de Geer auroit pu avoir cette idee , une feconde apparition des memes in- fettes & de plufieurs autres differens, obferves fur la neige en 17^0, l'au- roit abfolument ditrompe : on en trouva beaucoup fur celle qui couvroit un grand lac glace, a quelques lieues de Stockholm. Ceux-Ia n'etoient cer- tainement pas fortis de deffous terre, & il falloit que le vent les eut ap- portss : une circonftance qu'heureufement M. de Geer avoit obfervee, lui donna la folution de cette diiEculte. La chute de ces infectes avoit ete precedee & accompagnee toutes les deux fois , d'une violente tempete qui avoit abattu & deracine dans les forets dont abonde la Suede, an trcs grand nombre de pins & de fapins -, les racines de ces arbres, qui oc- cupent un large efpace de terrein , avoient par confequent ete enlevees , & avec elles la terre & tous les infecies qui y etoient contenus : ces ani- maux emportespar la violence duvent, avoient ete quelque temps fou- tenus en lair , & etoient enfin retombes avec la neige a differentes dis- tances de leur premier domicile. Cette circonflance fournit une explica- tion bien naturelle de cette pluie d'infettes , qui, fans elle , feroit abfo- lument hors de toute vraifemblance : cet exemple doit faire voir combieti il eft important dans les obfervations de n'en negliger aucune. Physique. Annie i"]$o. iSz A B R E G E DES ME MOIRES REFLEXIONS SVR I A CAUSE G E N E RAZE DES VENTS. >et ouvrage de M. d'Alembert eft cornpofe de deux parties-, Tune eft la differtation Iatlne qui a remporte le prix propofe par l'academie royule de Berlin , pour l'annee 1 746 •, l'autre eft la traduction francoife que M. d'Alem- bert a faite de fon propre ouvrage, & a laquelle il a fait quelques additions. Quoique le vent paroiffe au premier coup d'a-il fi'peu affujetti a un °» dre conftant, qu'on en a fait le fymbole de l'inconftance, cependant en examinant fes retours avec foin, Ies phyficiens y ont remarque une efpece de regularite : les navigateurs fur-tout ont reconnu que fous la Zone tor- . ride il regnoit conftamment fur l'ocean un vent qui fouftloit d'orient en Occident •, que dans certaines contrees des Indes , on a pendant fix mois1 un vent qui porte de l'orient a l'occident, & pendant fix aurres mois un vent qui porte de l'occident a l'orient. II y a done des caufes qui agiffent fur l'air d'une maniere plus uniforme que le commun des homines ne le penfe, & qui ne prefentent peut-etre des efTets en apparence irreguliers que par les differentes famous dont elles fe combinent, & par le concours de quelques caufes accidentelles qui les troublent en s'y melant. Les caufes generales qui fe prefentent le plus naturellement a 1'cTprit , font l'a&ion du foleil & celle de la lune : on fait la part que prefque tous les phyficiens donnent a ces aftres dans les phenomencs du flux & du re- flux de lamer, & il feroit bien fingulier que cette action fe put exerccr. fur les eaux de la mer,'fans agir en meme temps fur l'air iuterpofe. II eft evident que l'air etant un fluide fufceptible d'etre rarefie par le chaud & condenfe par le froid , il ne peut manquer de fe dilater dans 1'endroit ou il eft le plus expofe a la chaleur du foleil, & de fe condenfer au contraire dans 1'endroit ou il eprouve la moindre chaleur; & que par conftquent faction du foleil doit exciter dans l'air des mouvemens & des courans vers dinerens cotes , fuivant les differens points de l'atmofphere que les mouvemens annuel & diurne de cette planete expofent fucceffive- ment a fes rayons. En admettant le fyfteme de ^attraction Newtonienne, le foleil doit en- core agir fur l'air d'une autre maniere , e'eft-a-cfire , en l'attirant ; & la lune , quoique d'une beaucoup ruoindre maffe , doit encore agir de ce chef bien plus puiffamment, a railon de fa plus grande proximite. On peut encore mettre au nombre des caules des vents, les vapeurs qui s'elevent en differens endroits , la direction des cotes & des chaines de montagnes , & les ouvertures de Ieurs gorges, qui certainement doi- yent influer beaucoup lur les mouvemens de l'air. Quoique ces dernieres caufes , & 1'action de la chaleur du foleil fur l'air, entrent pour beaucoup, meme felon M. d'Alembert, dans la pro- PE L'ACADliMIE ROYALE DES SCIENCES, xti duction dcs monvemens dc Tatmofplierc , ce n'eft cepcndant point Icur a—— — — effet cju'il cntreprend d'examinei dans cct ouvrage; il ne lcs croit pas en- p core affez exadement detcrminees pour pouvoir etre foumifcs au calcul, & i Q u e. pour avoir place dans une differtation prefque abfolument geomctrique. Annce iy$o. II fe borne abloliiment a examiner Tenet que pcut produire fur l'atmof- phere Taction du foleil & de la lune, confidents uniquement commc corps attirans en raifon dirccte de leur maffe, & inverfe du carre de Ieur dif- tance, en fuppofant que Tattraction Newtonienne ait lieu dans la nature. Pour cela, M. d'Alenibert fuppofe d'abord que le globe terreftre foit parfaitcment fpherique & lolide, que fa furface foit unie, qu'il foit cou- vert jufqu'a une certaine hauteur d'un fluide homogene rare, fans reffort, doht la furface foit auffi lpherique & concentrique a celle du globe; que toutes les parties de ce fluide pelent vers le centre de ce globe , pendant qu'elles-memes & tout le globe font attires par le foleil & la lune, fup- pofes immobiles. II eft evident que fi Tattraction du foleil &: de la lune s'jxcrcoit cgalement fur toutes les parties du globe & de fon enveloppe fluide, il n 'en rcfuheroit qu'un displacement abfolu , & jamais un chauge- nient de figure dans la furface de l'enveloppe •, mais comme Tattraction eft fuppoiee agir en raifon renverfee du carre de la diflance, la partie ex- terieure de l'hemiiphere , expofee a Taction des deux aftres, fera plus puif- ianimuit attiree que le centre du globe, & celui-ci plus que la partie de l'enveloppe oppofee a la premiere ; d'oii il luit que cette premiere fuyant le centre, & le centre fuyant la demiere, le fluide s'elevera egalement ail point qui repond fous le foleil & la lune , & au point diametralement op- pofe •, cette theorie fi fimple donne la folution d'une difticulte confidera- ble, fouvent faite contre le fyfteme Newtonien, auquel on reprochoit tou- jours de ne pouvoir expliquer comment les eaux de la mer s'elevoient en meme temps fous la lune & dans la partie oppofee. Les mouvemens dans le fluide fuppole ne font done pas Teffet de Tac- tion totale du foleil & de la lune, mais de la difference entre cette action fur le centre du globe folide , & celle que ces aftres exercent , tant fur la partie du fluide tournee vers eux , que lur celle qui leur eft oppofee : M. d'Alembert nomme cette difference aclionfolalre ou lunaire. M. New- ton a demontre que 1'aAion lolaire eft a la pefanteur comme i eft 4 128 millions 682 mille; mais il n'a pas determine Taction lunaire avec la meme precision , parce qu'clle depend de la malic de la lune. M. d'Aleni- bert trouve le nioyen de faire entrer cette maffe , avec d'autres elemens mieux connus, dans une meme equation, de laqucllc il tire la revolution periodique de la lune : or, comme cette derniere fe peut aifement obfer- ver , il eft clair qu'en remontant de Tobfervation aux elemens du calcul , on en deduira aifement cette maffe, qui fe trouve par ce nioyen la feule quantite inconnue , & il trouve qu'on la peut fuppoler dans le rapport de 1 a 4c avec celle de la terre , d'oii on tire aifement la valeur de Tac- tion lunaire. La fuppolition de k figure fpherique du globe n'eft pas tout- a fait gra- tuite , il le pourroit trouvcr une figure telle que Taction folairc n'y pro- 1 8+ abr£g£ des memoires — — i — ■ duisit aucun changcment , & cette figure eft celle d'une efpcce d'cl- p liplo'ide. h y s i q u i. Y)ms Ia fuppofition de la figure fpherique ; Taction folaire ou lunaire Annie 1750. produit un effet fenfible; elle fait changer celle de I'enveloppe fluide, qui prend fucccffivement celle de differens fpheroides elliptiques , plus 011 moins alonges ', & comme Ia continuation de ce mouvement la feroit ele- ver plus haut que Taction de Taftre ne l'exigeroit , elle feroit d'abord des efpeces d'ofcillations d'elevation & d'abailTement qui , dans le cas fuppofe du foleil & de la lunc immobiles, s'arreteroient alfez promptcmenf, mais ce cas n'eft pas celui de la nature. Le mouvement annuel, le mouvement diurne de la terre & le mouvement propre de Ia lime , expofent fuccef- fivement a Taction de ces aftres , differens points du globe terreftre. Cette circonftance change abfolument Tetat de la queftion : la partie elevee du fluide, changeant de place, il s'excitera un courant des parties de ce meme fluide , qui tendront toujours a remplacer les portions qui en font fuccef- fivement elevees. On voit aifement comment pent naitre dela Je vent d'eft continuel de la zone torride-, mais, ce qu'on n'auroit peut-etre pas foup- conne , la meme formule geomctrique donne encore la raifon des vents d'oueft frequens qu'on reffent dans les zones temperees , & des violens ouragans qu'on eprouve a certaines latitudes entre les deux tropiques. Tout ceci a ete determine en fuppofant le fluide qui couvre le globe terreftre, & qui, comme on voit, reprelente l'atmofphere, d'une denfite uniforme & fans reifort. Si on rend a I'air fon veritable etat, c'eft-a dire qu'on fuppofe l'atmofphere compofee de couches qui fe compriment les lines les autres, & dont la denfite decroit a mefure qu'clles s'eloignent de la furface de la terre, alors le calcul devient infiniment plus coaipli- que : il faudroit meme , pour parvenir a des refultats bien determines, connoitre exa£tement la loi fuivant laquelle fe fait ce decroiffemcnt de denfite-, & comme elle n'eft pas parfaitement connue, M. d'Alembert ne l'introduit dans fon calcul que lous l'cxpreilion d'une indeterminee , fe contentant d'en faire quelques applications en fuivant la loi la plus uni- verfellement adoptee des phyliciens. Non-feulement nous avions d'abord fuppofe l'air d'une nature tres- differcnte de celle qu'il a reellement, mais nous en avions life de meme pour le globe terreftre, que nous fuppolions parfaitement uni , fans mon- tagnes & fans mers. La feule exiftence de ces dernieres change abfolu- ment le calcul; les eaux font attirees, comme l'air, par Taction folaire & Taction lunaire , & cette variete du lit qu'on donne au courant d'air le fait varier fi prodigieufement , que la feule profondeur des eaux transforme , dans quelques endroits de la zone torride , le vent d'eft general en un vent d'oueft qui lili eft diametralcment oppofe. De cette meme action du foleil & de la lime fur les eaux de la mer, il refulte encore que fi l'ocean couvroit de fes eaux route' la terre, il s'etabli- roit un courant vers Teft 011 vers Toueft, fuivant que cet ocean auroit plus oil moins de profondeur : le veritable etat de la mer retenue par de grands continens , s'oppofe a ce courant univerfel -, mais M. d'Alembert loupconne que DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, it; que les courans qu'on oblerve fouvent en pleine mer pourroient ctre pro- —■———» duits par la meme caufe. P n y s i o v u Comrue le rluide une fois mis en mouvement s'eleve non-fculement par la puiffance de Fattra&ion , mais encore par fa force d'incrtie & par I'adion Annie 7j$o. mutuclk- de fcs parties, il fe pent faire que ces forces loient tellement coin- binees, que le fluide, aulieu de s'elever dans l'endroit expofe- a taction de l'aftre, s'eleve au contraire a 90 degrcs de la, &. s'abaiffc fous l'aflre. Nous avons dit que M. d'Alembert ne failoit point entrer dans fon calcul , faction par laquelle le foleil echauffe l'air ; il l'emploie cependant dans la dilfertation , en tant que par cctte adtion certaines portions de l'at- mofphcre acqucrront, en fe dilatant , une plus grande hauteur que les au- tres ; mais cette difference fe trouve extremement petite : audi les obfer- vations du barometre ne donnent-elles prefque aucunc difference qu'on puiife attribuer a la variation du poids des colonnes de l'atmofphere , cau- fee par l'.idticn du foleil & de la lune. Ici le prefente naturellcment une affcz forte objection contrc l'effct de l'attraCtion : comment eft- il poffible que cette puiffance capable de foule- \\l les eaux de la mcr li confiderablement , n'altere pas alfez le poids dc l'air; M. d'Alembert y repond d'une facon trcs-hmple. Des corps de den- fice inegale eprouvent prefque les memes effets de la part d'un corps atti- rant , puffque celui qui eft le plus lourd a auffi plus de parties folides fur lefquelles (attraction peut s'exercer : cela ftippofe, imaginons que Taction de la lune eleve les eaux de la mer jufqu'a la hauteur de 60 pieds ; la co- lonne d'air fera augmentee de la meme quantite, & comme les eaux def- cendent autant au-deffous de leur niveau qu'elles out monte au deffus, la colonne d'air fe trouvera auffi raccourcie de <5o pieds dans le temps de la baffe mer, ce qui fait en tout 110 pieds de variation : or h 110 pieds de variation dans la colonne d'air, repondent environ deux lignes dans celle du mercure qui lui eft oppofee ; difference qui peut aifement are abfor- bee par les variations accidentelles, fouvent beaucoup plus confiderables. M. d'Alembert exhorte cependant ceux qui font ces fortes d'obfervations dans la zone torride, a examiner, avec foin , s'ils n'en trouveront aucun vefcige. Quoique M. d'Alembert n'cut pas d'abord entrepris d'examiner les effets que devoient produire fur les vents , les chaines de montagnes placees fur le globe terreftre, il a joint a fon ouvrage, des recherches fur le mouve- ment de l'air renfermc entre des montagnes, dont il iuppofe la chaine placee fur lequateur, fur un pavillele oil fur un meridien , & il trouve que l'air mil horizontalemer.t & uniformement entre deux plans verticaux, ne devroit pas toujours augmenter fa viteffe, lorfque fon lit fe retreci- roit ■, mais que, fuivant le rapport de fa profondciir avec I'elpace qu'il parcounoit en un temps donne, il devroit, en ces endroits, diminuer oil augmenter fa hauteur, que dans ce dernier cas il augmenteroit plus fa hau- teur par cette elevation, qu'il ne perdroit en largeur, & que par confe- auent I'efpace par lequil il devroit paffer, fcruit reellement augments, & a viteffe dimiivr.'c. Tome X. Panic F.angoijc. A a 2 ii6 A B R E G E D E S MlMOIRES.&t i ■ 1 1—— Les principes dont nous venons de donncr line legere idee , font mis en P ,. ocuvre dans fouvrage de M. d'Alembert de la maniere la plus adroite : ' fouvent les diflhcultes l'ont oblige d'avoir recours a de nouveaux tours de Anm'e IJS°- calcul, qui lout autant de gagne pour la geomeuie , mais dont il nous feroit impoffible de donner merae la plus legere connoillance , fans exce- dcr les bornes qui font prefcrites a cette hiftoire. Ce que nous en avons dit, ftiffit pour faire juger du travail de M. d'Alembert, & de i'utilite que !a phyfique en pent tirer : quoiqu'il laille encore matiere a bien des re- cherches fur la caufe phyfique des vents , on pent cependant s'aliurer que 1'effet de l'attracnon y eft dcveloppe de maniere a n'avoir probablcment jamais befoin d'un autre examen. HISTOIRE NATURELLE. A a ij 189 HISTOIRE NATURELLE. Meffieurs de la Socie'U Roy ale des Sciences itablie a Montpellier , cat envoyi d I'Acade'mie I'ouvrage qui J'uit , pour cntretcnir I'union, intime qui doit ttre entr'elles , comme ne faij'ant qu'un j'eul Corps , aux termes des Statuts accordis par le Roi au rnois de Fe'vrier iju6. (a) M E M O I R E CONTEN^iNT JD E S OBSERVATIONS DE LITHOLOGIE, Pour Jenir d I'HiJloire Naturelle du Languedoc , & a la thiorie de la Terre. Par M. I'Abbe he S a u v a g e s. J e n'avois eu deffein d'abord que de faire un catalogue qu'on m'avoit S5S5S5BB555 demande, des curiolltes naturelles des environs d'Alais; man, chemiii fai- „ /ant & prefque fans m'cn appercevoir, ce catalogue s'eft tronve groffi d'un J s T ° ' R E nombre confiderable d'obiervations que me fournilfoient les foffiles dont atuheeee. je parlois •, & ces obfervations rotifent princrpalement fur les coquillages Annie 1746. pierreux, fur les fucs petrifians, fur la continuity des terreins, & fur les derangemens arrives nu globe. Mem. Ces fujets affez differens les uns des autres , fe trouvent lies ici par 1 arrangement que j'avois donne au catalogue dans lequel je fuivois les diffe- rences chaines de terrein & de rocher que j'avois remarquees aux envi- rons de cctte villc, en rapportant a mefure fur chaque chaine, les noms des principaux fofliles que j'y avois trouves. J'ai cru devoir fuivre dans ce memoire, une divifion aufli naturelle , & m'attachcr en meme temps a detailler cette fuite de chaines, cette conti- nuite de terreins de meme grain •, parce qu'elle fait elle feule , indepen- damment du refte , une observation affcz curieufe, & qu'on pent la re- garder comme liee a un evenement remarquable & tres-interefiant pour la phyfique; favoir , l'ebranlement & les derangemens arrives a notre globe, _ (a) Quoique ce me'moire Je M. I'abbe" dc Salivates, ait iti place dans ce volume, U n'a cependanc di lu a l'A«d. terrein qui traverfe le cheinin d'Alais a Uzes, auprcs du petit pont de la Boufqucrafle : cette veine qui n'a qu'environ 1 toifes de largeur, eft bor- dee d'un cot<5 par line terre forte, d'un limon gris, de l'autre par un ter- rein fablonneux ; l'un & l'autre de ces terreins d'une aflez vafte etendue , font d'ailleurs de niveau & continus avec la veine etroite qui les feparc » ils forment enfemblc line meme montagne dans l.iquclle les trois lortes dc terreins ne le confondent pas. II n'y a que celui du milieu , ou la vainc Etroite , qui contienne des coquillages picrreux lies enfemble par une niarne blanchatre : il y en a prodigieufement , & il n'y en a que d'une fcule efpece que je n'ai vu decrite nulle part , & qui pourroit bien etrc nouvelle pour les naturalises. Ce coquillage a la forme d'un cornet un pen courbe vers L\ bafe ; on le diroit compofe de plulieurs godets pofes l'un fur l'autre; ils lont nieme quelquefois fepares bien nettemenf, ils out tous de profondes cannelures qui s'ctendent , comme dans les autres coquillages , depuis la bafe jufqu'a l'ouverturej les angles (aillans que formoient ces cannelures, ont ete prel- qu'entiirement ufes & effaces : tout le coquillage eft brife de nieme, il eft rare d'en trouvcr qui foient entiers. J 'en ai vu quelquefois plulieurs group- pes enfemble-, & une preuve que ce n'etoit point un atlemblage fortuit, caufe par la petrification, e'eft qu'ils etoient colles l'un avec l'autre dans toute leur longueur , de fac^on que leur bafe & leur ouverture etoient re- gulierement tournces du raerae cote-, j'aurois pris ce coquillage pour un grand dentalis d'une nouvelle efpece , mais je m'appercus qu'il etoit du genre de ceux qui font chambres -, je trouvai dans quelques uns , dont l'ouverture ou le creux n'etoit point bouche par la petrification , des cones engages l'un dans l'autre-, ils formoient un rang de cellules etroitcs, fepa- rees par une cloifon fort mince -, ce rang n'occupoit que la moitie de la cavite du coquillage, & il paroifloit que l'autre moitie avoit etc occupee par de parcilles cellules. Troificme chaine. Cette chaine n'eft guere remarquable que par les matieres bitumineufes qui y abondent; on y voit regner aupres de Servas fur une colline d'une grande etendue, un banc de rochcr de marbre qui pofe fur la terre & qui en eft convert; il eft naturellement blanc, mais cette couleur eft fi fort alteree par l'afphalte qui le penetre, qu'il eft vers fa lurface fuperieure d'un brun clair & enluite trcs-fonce a melure que le bitumc approche du bas du rocher ; le terrein du deffous n'eft point penetre de bitum? , a la re- ferve des endroits oii la tranche du banc eft expofee au foleil ; il en de- coulc en ete du bitume qui a la couleur & la conliftancc de la poix noire Tome X. Partie Francoife. Bb r XtO A B R E G E D E S M E M O I R E S femiente, & pcrccr meme d'une cavite a l'autre, lorfque lcpaiffciB! de la .1 cloilon le pcrmettoit. H I S T O I R. E T ., . ,,.. r. , .r . „ „ , . ■xr Les remarques que j .11 deja raites, fortihent cette conjecture, & [ill donnent 1111 air de vraifemblance. J'ai dit que les cavites qu'on trouve Annie l" ±6, dans les grottes font arrondies, ce qui eft commun aux foufflures de tou- tcs fortes de maticres : s'il y a des irregularites fur cette forme dans nos grottes , on pent les rejetter fur les differens degres de conliftance de la pate argiileule, qui n'a pas eg.ilement cede de tons cotes, 011 hir les con- cretions qui s'y iont formees dans la fuite , qui ont defigurc l'etat primitif des grottes , & qui les retrecilfent de jour en jour. J'ai njoute que les rochers de gres & de talcs n'avoient point de grot- tes-, la raifon en eft naturelle dans mon hypothefe, ces deux genres de rochers font compofes d'une matiere qui n'etoit pas aflez liee pour former line pate, 011 pour boucher toirt paffage a l'air ; on fait que le grain de ces rochers n'eft que de fable oil de gravier. J'ai dit enfin , que les rochers de marbre eux-memes n'avoient point de grottes lorfqu'ils etoient par bancs; e'eft parce que le limon , 011 l'argile qui fait leur bale , n'a point ete agite , coin me il eft evident par la regu- larity & la difpofition de ces memes bancs , ce qui eft cependant necef- faire, comme je l'ai avec raifon fuppofe,pour envelopper des maffes d'air, pour former des foufflures ou des grottes. Entre bien des objections qu'on peut faire, celle-ci fe prefente natu- rellement : les grottes qu'on connoit, ont line ouverttire par oii clles com- nmniqucnt avec lair e-xterieur, ce qui fufrifoit pour empecher la forma- tion d'aucune cavite. Je reponds a cela qu'en minant les rochers, on de- couvrc de temps en temps des grottes qui n'avoient auparavant aucune 011- verture •, a l'eg.ird de celles qui femblent etre formees des le commence- ment par la nature, n'auroient-elles pas ete bouchees en meme temps, par les terres qui arc-boiitoient contre le limon oil la matiere du rocher? n'auroient-elles pas ete debouchees dans la fuite? il eft tres-probable que les rochers peles aujourd'hui , furent couverts de terre dans leur origine ; il eft au moins certain que la petrification d'une malfe de terre par les fucs pierreux, ne fe fait que dans des endroits couverts, ou qui ne font pas expofes a fair; (a) j'en rapporterai des exemples , & pent etre en donnerai-je la raifon, dans la neuvieme chaine. On fait d'ailleurs que les eaux pluviales emportcnt peu-a-peii la terre des montagnes , & que les ravines, 011 quelquefois des fontaines fouterraines, occafionnent tout-a- coup des eboulemens confiderables, (b) qui mcttent les rochers a nud ; Ca) Les ftalaelites, il eft vrai , fe forment i l'air, mars ce font des pierrcs fimples, foime'es de purs fucs pierreux , ce q'li fait un genre de petrification different de celui dont nous parlons; en forte que ft e'eft une exception a faire. on ne doit pas i'oppofer clans le cas preTent : d'ailleurs les ftalactkes qui font plus avant dans les grottes, font plus groffes & plus folides que celles de I'emre'e. ( i) II en arriva un pareil il y a quelques annto dans le diocefe d'AIais, au-delTirs du Vrgan , & tout pres du hameau de Crouzet. Tout un quartier de montagne fe de'tacha tout-a-coup , & glifla i'efpace d'environ 100 toifes, jufqu'a ia riviere de 1'Ar, dont !e DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. an les vallees en profitent d'autant, elks s'clevent, tandis qu'eil plulicurs en- ■ * droits les montagnes b.iilicnt lenliblenicnt de jour en jour, {a) H i s t o i u E Je ne m'arrete pas plus long-temps fur cette conjecture, qui n'.itira pent- j^at tit' LLKi etre d'autre avantage , que de donner lieu a quelque phyticien d'en irna- gincr une mciUeure. Annc'i 174S. Je pafle aux concretions picrreufes que nos grottes renfermenf, toutcs celles que j'ai vucs pi u vent fe reduirc a trois efpeces, fur lefquelles jo dirai auparavant, en pali nt, que j'ai toujours obferve : i°. Qu'elles font formt'es de fucs picrreux purs, de ceux qui font pro- pres aux inarbrcs, favoir, les fucs feleniteux tantot feuls, tantot melcs de lpath. Je n'.ii jamais vu de concretions quarzeules, de celles au moins qui fe forment tons les jours h fair & dans les grottes •, la railon en eft peut- etre, que cette matiere vitrifiable, & partant d'une grande durcte, n'a etc dilToute qu'une fois des l'origine des pierres, ou que l'eau ne la ditlout que difricilement & en trcs-petite quantite. 20. Les concretions qui retreciffent de jour en jour les grottes, fe for- ment par des piogres pen fenlibles. II y a pies de vingt ans que je calTai plufieurs ftala la verite plus expolse a Pair ; mais fi elle a ete formee plus recemment, elle de- vroit, dc meme que l'aubicr dans les arbres, etre plus tendrcque la partie n+ ABREGE DES MEMOIRES w— ^— ^— qui eft ail coetir de la loupe ; (i an contraire elle eft plus vieille , on j, formee la premiere , on ne voit guere comment la cavite qui eft an de- ,T' s . dans, a pu fervir dc bafe aux aiguilles pierreufes qui on: forme une voiite ruiiE .. ^^^ autour : h la loupe n'etoit que de la groffeur d'une goutte d'eau , on jinnee 1746. comprend que les molecules d'une premiere goutte de luc pierreux oil cryftallin , auroient pu s'arranger autour de fa circonference & s'y figeri mais la cavite a plus d'etendue que le volume d'une goutte d'eau. Je fe- rois trop long, fi je voulois m'engager dans un examen auffi pleih d'iucer- titudes & de diflicultes. La maniere de croitre on de vegeter, qui rend ces concretions (iiigu- lieres , eft encore plus remarquable dans une troifieme efpece qui eft pro- pre a une autre grotte de notre chaine, & cette grotte eft plus profonde, plus tortueufe que les autres : les concretions dont Je parle, font des group- pes de cryftaux informes , branchus & ifoles en maniere de grapes, qui tiennent au rocher par une forte dc pedicule •, les grapes qui font pres du fol de la grotte, font plus groffes que celles qui en font plus eloignees; elles diminuent peu-a peu de volume, & on n'en voit plus au-deffus d'une toife du fol , non plus qua l'entree de la grotte qui n'eft point a beaucoup pres fi humide que le fond : les grapes de cryftaux qu'on trouve au fond, s'elevent tantot de bas en haut , comme les plantes ordinaires , tantot elles font attachees horizontalemeht au rocher , a la maniere des agaric6 qui croiilent fur la tige des arbres ; elles ne font foutenues que par un pedi- cule affez grele, & la partie de la grape qui eft plus expofee a 1'air , & qui tourne vers l'entree de la grotte , eft toujours plus branchue que l'autre. Je ne chercherai point la caufe qui a donne a ces concretions , une forme qui les diftingue des precedentes. La differente nature des fucs pierreux ptut y entrer pour quelque chole, ou peut-etre la difference des milieux dans lefquels les fucs pierreux fe font congeles ou cry(laLifes-,4c'eft ce que ('ignore : toujours eft- il certain que ces concretions fe dirigent comme les plantes, qn'elles ont recu leur accroiffement au moyen d'un fuc pierreux qui s'eft eleve de leur bafe empatee fur le rocher-, ce fuc a paffe par le pedicule de la grappe , d'oii il s'eft diftribue dans les branches : cette distribution s'eft faite dans l'interieur de la ftalaclrite, & par les tuyaux capillaires quelle pent avoir ; autrement le fuc pierreux n'auroit pu s'ele- ver ou fe (outenir contre fa pente naturelle , toutes les grappes & les cryf- taux qu'il auroit formes, auroient ete pendans, ce qui eft contraire aux obfervations que je viens de rapporter. Ce feroit done ici une veritable vegetation , comme on dit , par intus- fufception j qui rapprocheroit a cet egard les pierres des plantes : on pour- roit mettre entre-deux , les coralloi'dcs de terre , les agarics des arbres, & fur-tout les productions de la mer qui paroilfent des plantes pierreufes, tels que les madrepores branchus ; quelle que foit leur origine depuis les nouvelles dtJcouvertes de M. Bernard de Juffieu , il eft certain qu'on trouve dans leur cafture une grande conformite entre la couleur & la du- rete de leurs grains, la cryftallilation & la direction de leurs aiguilles, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n5 avec ccllc de la plupnrt de nos grappes cryftjllines. Ccux qui connoiflent ^S^^TSTS Vichelle des etres naturels , ne trouveront rien detrange dans ces idccs > H 1 s t o i n E pmr pcu qu'on ttudie la nature, on trouvc quelqu'tincs dc fes produc- JJAXUREXt& tions qu'on nc fait auquel des trois rcgncs rapporter : il y en a oil les limi- tes du rcgne des pierrcs & de celui des vegetaux, lont confonducs , a Annie t~4& certains egards , par diflerentes nuances qui le perdent , pour ainii dire , 1'une dans l'autre. Je ne pretends pas cependant etayer par-la, l'opinion de ceux qui pouf- fent plus loin cette analogie des pierres & des plantes ; il eft certain que celles-ci ont tin carathre propre •& exclufif, qui les diftingue des autres productions de la nature qui auroit pu les imiter : ce caraftere diftindif des vegetaux , e'eft de porter des femences & de fe reproduire par ce moyen ou par quelqu'autre Equivalent. Les vegetations pierrcules qui ref- femblent le plus aux plantes, foit par leur port, foit par leur maniere dc croitre, ne le multiplient pas plus de lenience on de bouture , que les ar- bres de Mars ou de Diane, & les autres vegetations chyiniques. Huitieme chaine. Je n'ai trouve dans cette chaine, non plus que dans la preccdente, que pen de coquillages pierreux; ce font principalement des cornes d'Ammon, in: lees fans ordre dans les blocs du rocher; elles lont moulees dans fon C'aiifeur, le creux & le relief font tres-bien marques; mais il ne paroit pas, ni a la couleur, ni au tiiiii dc la pierre (qui eft un marbre) qu'il y ait aucun refte du teft de la coquille. Cette chaine qui pafle au deiius d'Alais, a Andufe & a St. Hypolite, n'eft d'ailleurs remarquable que par fes interruptions ou par fes breches, qui ne fe trouvent precifement qu'a la rencontre d'une riviere ou d'un Tuilleau , dont les caux ont beaucoup de pente, comrae defcendant dc montngnes fort elevees. Plus j'ai examine ces interruptions, & plus je les ai trouvees dignes d'at- tention •, j'ai toujours penie qu'elles pourroient bien entrer dans le plan des derangemens arrives au globe terreftre, & etre des monumens qui fer- viroient a eclaircir quelque point de l'hiftoire de ces anciennes revo- lutions. II eft en effet afTez fingulier que dans an pays tel, par exemple, que eclui tics Seventies, ou les montagnes femblent etre quelquefois entaliees fans ordre , on n'en trouve point qui foient tellement difpolecs , qu'elles forment p.ir la reunion de leurs vallons , un baflin considerable qui ueflt aucune iilue , ou qui n'eut qu'une feule ouverture pour recevoir les eaux d'une rivii re , en forte que ces eaux ne pullent s'echapper autrement qu'en Relevant jufqu'aux bords du baflin, apres y avoir forme un lac confidcra- ble : les plus petits ruilieaux , conmie les grandes rivieres , ont par-tout tin ecoulcment par line pente qui n'eft point arretee, & qui eft plus on moins grande, felon que le terrein eft eleve au-de(fus du niveau de la r.icr-, lorfque le ccurs en eft travcrfe par line chaine de montagnes & dr 116 ABREGE DES MEMOIRES 1 — — ^~ rochers , la chaine eft a coup fur interrompue dans cet endroit, (1 la ri- Hviere n'a pu le detourner commodement fur Ics cotes. ISTOIRE _, n f ., . ,, , „ [• \ X .•/- . » n . •vj , C eft ce que j ai remarque dans not re chaine coupee a Andufe & a Saint- Hypolite, par deux rivieres difterentes. Si on avoit recours, pour rendre jinnee 1746- raifon de ces interruptions, a une difpolition ainli etablie par i'auteur de la nature , des l'origine des montagnes & des rivieres , il n'y atiroit plus fans doute de difEculte ; mais ne feroit-ce pas plutot un eftet naturel 8c poftericur a- la formation des montagnes, qu'on pent rappeller a des lois connues ? ne feroit il point arrive a notre chaine, un evenement appro- chant de celui que 1'hiftoire des temps fabuleux rapporte du dctroit de Gibraltar J Selon une tradition obfcure , les montagnes de Calpe & Abila tenoient autrefois 1'une a 1'autre par une fuite de montagnes qui furent , dit-on , enfor.cees par un debordement de la mer. II feroit difficile de prouver d'une maniere demonftrative , qu'un acci- dent de cette efpece evit caufe les interruptions de notre chaine •, audi n'ai-je deflein que de faire voir , en me bornant a l'interruption qii'oa voit a Andufe • 1°. La poflibilite du fait : 20. qu'il eft tres-probable que la chaine fut autrefois continues ou remplie dans l'ouveiture par oil pafle aujourd'hui la riviere : 3°. qu'il eft de meme tres-probable que la montagne & le rocher ont ete reellement perces dans cet endroit par l'errort des eaux de la riviere. Premierement, en fuppofant que notre chaine n'ait point etc interrom- pue dans l'endroit qu'occupc aujourd'hui la riviere, celled pouvoit-elle forcer une pareille barriere 1 je reponds que cela n'eft pas poflible dans l'etat adtuel de conliftance & de folidite du rocher de notre chaine , qui n'eft prefqtie que rocher ; mais ft nous nous tranlportons julqu'a l'origine des montagnes & des rivieres, qui font peut-etre de meme epoque, il ne fera pas mal aife de comprendre que des quartiers de montagne ont pu etre emportes de la meme facon que celui dont nous avons parle , qui tomba dans la riviere d'Ar , e'eft-a-dire, peu-a-peu & a difterentes re- prifes , lorfque la matiere du rocher etoit encore molle , & que les fucs petrilians , dont elle etoit peut-etre recemment penetree , n'en avoient point encore fait une mafle lolide ; les rochers pouvoient etre detrempes dans leur naiflance , comme le limon ordinaire : or line mafle pareille, quelqu'enorme qu'elle flit, pouvoit-elle tenir long- temps contre la rapi- dite , le poids & la penetration des eaux de la riviere J Cette. mollefle primordiale que j'attribue ici aux rochers, n'eft point une fuppohtion halardee-, e'eft un fait qui n'eft point contefte chez les natura- lises : les coquillages fofliles trouves dans toute la terre habitee , & moules dans 1'interieur des pierres limonneufes, leur empreinte bien marquee dans les rochers de marbre, (a) prouvent inconteftablement que la matiere des (a) J'ajouterai a beaucoup d'autres preuves repandues dans ce me'moire, celle quo je tare de I'obfervation fuivante. J'ai vu tres iouvent dans nos rochers , des coquillages pier- reux qui sJy trouvoient engage's 011 incorpore's , & dont un cote etoit bofTue & ca(Tt! par quelque choc-, les pieces, quoique fe'partfes un peu i'une de 1'autre, tenoient encore for- tement dans le rocher : or , elles n'auroient pu s'y enfoncer & reiter dans cette litua- lion , C le rocher n'avoit prats' , ou s'il n'avoit e'te" mou. rochers DE L'ACADEMIE ROY ALE DES SCIENCES. n7 rochers fut pendant mi temps trcsmollc, quelle eut meme une efpece de — *^— ^— ■ fluidite, puifqu'elle .1 rempli la cavitc de certains coquillages , qui ne Li! .. (oient que de trcs-petitcs ouv.rtures : ce limon a acquis, en fe deffechant, » T . . la conusance ncceflaire pour etre cntatTe , pour former des montagnes. *k ' L Les liics pierreux dont il etoit imbibe , l'ont conveni pen a petl en ro- Annie i ■ chcr; mais d.ms cvt intervalle, il n'eft pas doutcux que 1'cau n'ait pu le penetrer , le dctremper & lc rendre par- la plus proprc a etre ebouic &c renvcrfe. z°. Que notre ch.iine ait etc continued a Andufc, dans I'eo droit par ou paffe aujourd'hui la riviere, tout lenible l'indiquer : la chaine des rochers eft coijpiee julqucs dans fes fondemens, de la largeur pre'eiicment, Ju lit de la riviere, (a) cV d. c 'He que lui ont pcrmis de prendre jufques-la , deux coteaux qui bordent la riviere dans fon courant, & qui le termincnt a la chaine : [a breche qui a etc f.iite dans cette chaine , a laiffc de part & d'autre deux rochers de marbre, d'une hauteur a peu prcs egale, (avoir, de vingt-cinq a trente toifes, & li egalemcnt efcarpes, qu'Us font tallies piefque par-tout a plomb; ils forment une gorge qui dome ini paffage aflez etroit a la riviere. Des deux cotes e'eft le meme rocher, (b) meme grain, meme couleur, mane difpohtkvn des blocs & des bancs, (c) me- mes coquillagr-s pierreux •, la terre limonncufe qui couvre les deux ro- chers, porte les mimes plantes : que manque til pour prouver que ce n'c- t it autrefois qu'une meme montagne ? d certaines circonftances favora- bles s'etoient renconirees, les deux rochers tiendroient encore l'un a l'autre par le (bmmet, & feroient une arche fur la riviere, comrae on le voit dans une chaine de rodiers, qui traverfe la riviere d'Ardelche en Vivarais, an lieu norainc le Fontde larc ; les notres font au moins lies encore par une bale commune qui eft du meme rocher, & qui traverle le lit de la riviere. Demandera-t-on ce que font devenus les debris immenfes qui remplif- foient le delfusi mais ces debris ne peuvent point etre des M -cs de ro- cher qui auroient ete impcnctrablcs a l'eau, ou qui auroient oppofi a la (a) Cctte i!g-dite de largeur entrc la riviere & la gorge par ou elle palfe, eft moins marquee dam era ires montagnes couples comme celled, fur-tout lorfque le terroir eft de gravior, ou d'un rocher tendre qui fe calcine a I'.iir : il eft evident que ces munta- gncs, dont le tcirein eft tuus les jours emporle' par les caux pluviales, c!"ivent avoir pris un' talus qui n'ait rieti d'efcarpc, & qu'cllcs driven! par confequenc lailVer entr'elles une plus large ouveilure. (<) Le rocher dont nous parlons, qui donne de la chaux , a, vers fa bafe S: du cr'.te du, _n 'ine de rocher de gips qui regpe dan? la meme polltion le long de la chain©, l en d-cl & au-dela de la riviere d'Andufe; la veine efi interrompue, au pad ge de la riviere, ce qui eft u.:e nouveiie preiive que. la Stbit cur.tinuee dans cet endroit , & que le rocher qui donne le platre , comme cciui done on tire la chatfx, icmplifTuient I'ouverture qui lepare les deux mont.. CO •' n'v a rien de conftant dans les rochers de cette chaine, elle n'eft compnfe'e dans certains q^artiers, que de blocs entafles d'une manitre infurme : i ce font d^i buna rcgaliers, poles l'un fur I'nutre, & inclines vers les memes cjiiis ; queiqu«u?B eu.'iii, les ba.es & les blocs font milts & confondus enlccnble. Tome X. Panic Fran$oiJe. E e ai8 A B R £ G £ DES ME MOIRES -~~ ■— — riviere line trop forte barriere; ils ne peuvent etre qu'un Iimon detrempe H dont la plaine qui eft au-deffous, aura etc couverte uniformement. Naturfitf 3°. Si de la po/Tibiiite dti fait, nous paffons a fon exiftence , il y a bien des raifons qui la rendent probable, ne fut-ce que celles que j'ai djja Annie I 746. touchees 5 mais pour nous arretcr encore fur des hits plus precis , qu'on fade attention aux circonftances fuivantes : 1°. la riviere d'Andufe a line grande pente jufqu'a la chaine , & la plaine commence immediatement apres : 1°, cette riviere eft bordee a droite & h gauche jufqu'a la meme chaine, par une fuite de collines elevees & adoffees de part & d'autre , fur des terreins fort etendus & d'une hauteur egale a la lour : 5°. la chaine n'eft point de meme foutenue par derriere : 4.°. le courant de la riviere fe porte diredtement fur le flanc de la chaine, e'eft la que fe dirigent fes plus grands efforts. II paroit par-la que s'il fut tin temps oil la chaine boucha le cours des caux, la riviere a du fe frayer mi paffage dans cet endroit , parce qu'il etoit plusfoible, & qu? l'eliorr y etoit plus grand; cet effort des eaux re- fultant de leur made & de leur viteffe, n'a pas ete egal fur les cotes du lit de la riviere comme fur le front-, celui-ci a eu de plus les fecouffes de l'eau & un plus grand poids ^ foutenir : (i 1'un & 1'autre n'ont point etc fufhlans pour culbuter la chaine aprcs l'avoir detrempee, les eaux qui avoient un debouche au-deffous, ont pu fe filtrer a travers , former d'a- bord des paffages etroits qui fe font elargis dans la fuite, & qui ont enfiii occaftoilne lecroulement entier de cette partie de la montagne. II n'eft pas etonnant au refte , que la bafe du rocher emporte fubdfte encore en entier; quelque molleffe qu'elle cut, l'eau ne devoit pas l'em- porter, mais feulement couler par-deiltis : des qu'une riviere a line pente uniforme & peu rapide, elle n'emporte pas meme le fable le plus mouvant de fon lit. On pent regarder cette bafe fubliftante , non feulement comme an te- moignage de contimiite de la chaine dans cet endroit , mais encore comme un repaire & un temoin qui marque que le lit de la riviere eft a peu de chofe pres, audi bas aujourdhui dans cette partie du lit, qu'il l'e- toit des le commencement. La raifon en eft, ce femble, que les monta- gnes ou les coteaux qui refferrent le lit de la riviere jufqu'au detroit, ont ocealionne line plus grande viteffe des eaux, ce qui a empeche le fable de s'arreter & d'elever le lit : d'une autre part, la plaine qui regne au-deffous de la chaine , n'a pas donne affez de pente aux eaux pour creufer & pour emporter le fable qui eft au-deffous du rocher ou de la bafe; e'eft ce qui a conferve celle-ci lorfqu'elle etoit encore molle, e'eft ce qui la retient encore a fleur de terre. Ce que je viens de dire, peut s'appliquer a toutes les interruptions ou aux breches des chaines qui donnent paflage i une riviere. On pourroit meme dire que ces digues de rocher qui les traverfent aujourd'hui , & du haut defquelles les eaux fe precipitent avec bruit , font de meme la bafe d'un rocher emporte comme le notre , avec cette difference qu'au deiious des premiers , la riviere avoit fans doute line pente rapide •> de cette DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n9 fccon li bafe du rocher on la digue, en fe durciflant a piclurc.au moyen — »— ^— ^— d s fucs picrreux dont tile ttoit penctrec, a ccfle pen a-peu de donner™ pnle a lean de la riviere qui emportoit cependant a ch.ique nouvclle »r erne, le terrein de dclious cjue ricn ne lioit : celt ainli qu il sclt forme avec le temps & aprcs-coup, ime cataradte ou une chute d'eau. Annie 1746". Jc ne pouflerai pas plus loin ce fujet, que je me contente d'avoir en- tame : Je laifle a d'autrcs le foin d'appuyer , par de nouvelles obfervations , Ies conjectures que j'at hafardees •, d'en tirer de nouvelles conlequences fur la formation des montagncs , fur le depot des coquillages fo (Tiles , fur le cours des rivieres, fur les excavations qu'elles ont faites, &c. Lea plus pe- tites decouvertes en amenent iouvent beaucoup d'autres-, & e'eft un moyen. fur d'avancer la phyliquc & l'hiftoire naturclle , que de n'en ncgliger aucune. SUITE DU MEMOIRE CONTENANT DES OBSERVATIONS LITHOLOCIQUES, Pour fervir d I'Hijioire Naturelle du Languedoc , & a la intone de la Terre. Par M. l'Abbe de Sauvages. Neuvieme chaine. J 'ai dt^ja parli de cette chaine dans le memoire de 1745 ; e'eft celle — a^^»— que j'ai fuivic le plus loin , je l'ai parcourue depuis Andtife jufqu'a Ville- . fort &• au village du Vergougnoux, ce qui fait une etendue de plus de 747' dix lieu -s. (a) La bande qu'elle forme eft tres-remarquable par une fuite Mem. de mines de fer & de terres jaunts ou martiales qu'on appercoit de loin •, j en avois ete frappe depuis long temps; & e'eft ce qui me donna occa- fion dans la fuite d'appercevoir de proche en proche les autres chaines dont je parle dans ce Memoire : c lle-ci fe diftingue des autres qui la cotoient par les mineraux qu'elle contient, & par la nature de fon terrein & de fes rochers. Par- tout ou le terrein ocreux & les mines de fer man- quent , on y trouve toujours une efpece de grcs dont le grain eft quart- zcux , griMtre, irregulier, de differentes grolfeurs, & dont on pourroit quelqucfois fe fervir pour des queux & des mcules a eguifer; le terrein qui accompagne ces rochers, qui tantot font par blocs, tantot par bancs ; («) Les mines de fer & de charbon de terrc du Fores, fort peut-e'tre une continuation de cette chaine; elles font apeu-pris dans la meme direction. Ee ij no ABRiGfi D E" S M E M 0 I R E S ice terrein , dis-je, paroit etre forme de Icurs debris-, i! eft de rri£rne na- ,r ture , & il ne eahtient, non plus que les rochers , ni les mines de fer, ■nj aucune petrification du regne animal •, je n'y ai jamais pu decouvrir le moindre fragment de coquillage foffile, tandis qu'on en voit commune-. Annie i"747. nient dans les deux chaines attenantes dont le terrein eft limonneux & les: pierres calcaires. C'eft dans cette chaine que fe trouvent les mines de vitriol, les Carrie* res de dendrites & de plantes petrifiees dont j'ai parle dans des memoircs particuliers. Les difterentes mines metalliques qui y font affez frequentes, demandent d'etre tr.iitees leparement •, je me contenterai fur le refte de parcourir ici ce que j'ai ete plus a portee d'obferver , iavoir , les mines de charbon de terre, les fb (files qui les accomp.ignent, quelques fontaines minerales, & d'autres fources qui lont remarquables par les concretions pierreufes oti les tufs qu'elles forment. Les mines de charbon de terre regnent dans different endroits de notre chaine \ elles aftedcent toujours ceux dont le terrein on les rochers font de cette efpece de- gres dont j'ai dej^ parl'i. Les principales mines de charbon, celles qui en fourniffent a prefque toute la province, font aux environs d'Alais & du -chateau, de Portes : ltrs premieres font ordinaire- ment par veines, & reffcrrees entre deux rochers au fond d'un vallon •> le charbon y paroit etre entafiefans aucune- dtftindion de lit. LorlqUeies veines aboutiiient hors de terre , & qu'elles ont ete plus expofees & Tac- tion de l'air, le charbon eft altere dans fa couleur & dans fa conliftaiKre jufqu'a uhe toifc de profondeur, on ne. tire d'abord que de la terre noi- rfitre : a mefure qu'on creufe, le grain de cette terre devient plus ferme, plus noir & plus kiifant ; c'eft la le charbon qu'on emploie pour lcs fours a chaux, on ne fait que des galeries pour le tirer; il coute moins que celui des forges qui eft toujours plus profond. Le charbon des forges ne paroit pas differer eflentiellement de celui des fours a chaux ; on peut dire qu'il eft ieulement pins travaille : le der- nier flambe davahtage , il contient un foufre plus developpe, moins fixe par 1'acide vitriolique, & c'eft pour cela que les forgerons n'ont garde de l'employer, leur fer en fouflriroit trop de dechet; ce charbon le fond fqnyent dans la forge, oil il le briile, e'eft-a-dire, qu'il en detache trop d'ecailles & de fcorics. II eft difficile de diftinguer a l'ceil ces deux fortes de charbons , ce n'eft qu'c n les faifant bruler qu'on en voit bien la diffe- rence-, le charbon des fours a chaux le reduit en une terre rougearre tres- friable, au lieu que celui des forges produit des mattes dures , qui le mc- lant avec les fcories du fer, forment au-deilus du feu des croutes noires, fermes , fpongieufes , connues foils le nora de machefer. Les galeries des mines de charbon n'ont pour l'ordinaire que deux cu trois pieds delargear, & cinq de hauteur; on etanconne vers 1'ouverture, parce qu'elle eft creufee dans la terre que 1'eau de la pluie penetre & fait ebouler : mais a mefure qu'on avance & qu'on perce dans le charbon pur , on ne fait que tracer en arc le plancher de la galerie, & on ne craint au- cun accident. On en a vu qui , apres cent ans , etoicnt aulli folides que DE L'ACADE" MIE UOYALE DES SCIENCES. 121 le premier jour-, la matiere eft ferme commc lc rocher, les eaux pluviales font toujours .luetics par les premieres couches de charbon : j'ai vu tircr ,, re r j j u k ,- / 1 H 1 S T o 1 i< tii conlequencc , du fond de certaines mines un charbon li lee , que le ,., t . . „• l Nat URt ll 1 vent en emponoit la ponllierc*. Quoicjuc nos mines de charbon foiefit a 1'abri des caux pluviales, dies Annie I"7*}?, ne laiii nt pas d'etre quclquefois humectees par des fources bitumineu- fes audi anciennes, peut-etre, que les mines, & ellcs font plus frequentes a mefure que les mines (out plus protondes -, les ouvriers des mines en lout fouvent incommodes, mais ils aliurent qu'en revanche il n'y .1 pas de meilleur charbon que celui qui eft dans le voillnage de pareilles fon- taines. Les mineurs out ^ combattre quelque chofe de plus dangereux qui les force louvent a abandonner entierement un puits 011 une galerie, & a fouiller ailkurs, c'elt une moffete ou un mephitis que les ouvriers du pays appellent la touffe. La touffe de nos mines de charbon eft une exhalaifon probablemcnt trcs- charge de parties volatiles de foufre & de bitume qui n'eft fenlible ni a la vue ni a l'odorat : elle s'eleve a difterentes hauteurs, du bas des puits ou des galeries : lorlqu'on y plonge une lumiere, elle s'y eteint pref- que fubitement , la vapeur femble fe terminer fans nuances par le haut & Jur les cotes, puilqu'une lampe allumee pofee dans certains endroits ne fouffre aucune diminution dans la lumiere, on ne fait que tourner la lampe fur elle-meme ; ce qui fait trois 011 quatre ponces de difference fur la place qu'oceupoit la lumiere, & elle s'eteint. Lorique la touffe ne s'eleve que fort peu au-delfus du fol , les ouvriers 11'cn font autrement incommodes que par un gout d'amertume qu'ils fen- tent a la bouchc; mais lorfque cette exhalaifon gagne la charbonnicre, ils fentent un grand eiToufflement, ils paliilent, ils perdent la rclpiration , & ils y laiflcroient la vie , s'ils ne fuyoient au plus vite , ou s'lls n etoient promptement fecourus. La touffe qui fe rencoignc communcment au fond d'un puits , d'une galerie, ou dans quelque trou , marque toujours , felon les charbonniers, On fond de charbon dans les endroits d'oii elle fort; car il ne s'en eleve jamais de ccux qui font traverfes a deux ou trois pieds de profondeur, par un rocher ou par une couche de terre. Ce n'eft an refte que dans le temps des chaleurs que la touffe fc mani- fefte; elle commence vers le mois de juin, & el'e dure jufqti'a la fin de feptembre-; de plus il eft rare d'en trouver meme en cte cans les mines 1 ui font cxpolees au noid : tout femble indiquer que ces exhalaifons ne font excitees par aucdn feu fouterrain qui les feroit clever en toute faifon, mais feujement par la chaleur du foleii & de l'atmofphete. Les charbon- niers fe dclivrent de la touffe, lorfqu'ils peuvent pratiquer des lbupiraux au haut de la mine, on percer cks contre- galeries : ils ctablifTent de cette i.-.con un courant d'air qui diflip? IVxhalaiion, a rriefure quelle s'eleve. Nos mines de ehaibon font toujours accompagnees, mais leulement d'un cote, dc daix elpeces de khifte counties parmi les mineurs du pays lb us E £. i« ABREGE DES MEMOIRES — — m— ■— ■ le nom de fijfe ; on trouve aufll dans le voilmage des geodes & des pier- res d'aigle. .Histoire ^^ premiere efpece de fiffe qu'on app^lle audi les gardes du charbon , JN aturelle. _arce quelle lui eft immediatement appliquee & qu'elle i'accompagne par- Annic 1747- tout, eft line pierre bitumineufe , mince, tendre & noire : elle ne diftc-re de Xampelitls ordinaire , que parce qu'elle eft pliee oil ondee , & qu'elle a tres-fouvent le poli & le luifartt du jais travaille. Au-deflus de cette premiere fiiTe on en trouve une autre dont les cou- ches font plus nombreufes & plus applaties •, c'eft une ardoife feuiilctee, tantot noire , tantot roulfe , & toujours fort groffiere : elle fe ditii.igue principalement de la premiere par les empreintes qu'elle porte de difteren- tes plantes , les tines etrangeres , les autres fort approchantes de fougeres du pays. La plupart de celles qui font etrangeres, formenr de longues la- nieres, com me les gramen , les rofeaux & les iris des mantis. J'ai vu une plante pierreufe qui avoit de grandes canclures & des ner- vures coupees a des diftances egales par une efpece de nceud ou articula- tion marquee par un enfoncement. Les nervures etoient non-feulement coupees a chaque nceud ; mais celles de deux nceuds attenans ne repon- doient jamais les lines aux autres. On peut compter differentes elpeces oil differentes varietes dans le meme genre. Je trouvai fept ou huit longues feuilles pierreufes pofees de champ , ho- rizontalement , cote a cote 1'une de l'autre •, elles etoient adollees a un rocher au fond d'un ruiffeau d'oii Ton avoit enleve quatre toiles de char- bon qui couvroit auparavant les phythobiblions ou ces ftuil'es de plante : elles s'ctendoient, dans cette portion, a plus de deux toifes ; elles Etoient meme probablement plus longues , car les deux bouts, en fe perdaut dans le rocher, confervoient une largeur a-peu-pres cgale. Cette feuille paroit avoir une ou deux lignes d'epaiffeur comme les plantes graffes. On peut regarder les deux rangs de folfettes qu'elle porte, comme fon caraclere diftindif; les foffettes de chaque rang font deux a deux ou trois a trois, (Ituees, de facon que celles d'un rang font regulie- rement alternes avec celles de l'autre. J'ai vu un phythobiblion qui pourroit pafler pour un gallium , mais different de ceux que nous connoilfons. Scheuchzer eft le feul qui ait ficuri une plante pierreufe approchante de celle-ci dans fon herbarium diluvianum. J'ai tire autrefois de ces plantes pierreufes , une preuve pour les dtfran- gemens arrives au globe de la terre •, c'eft une confequence naturelle, des qu'on trouve, comme je l'ai fait fur le haut & dans l'interieur des raon- tagnes arides , des tas de pontes petrifiecs, toutes bien marquees, appli- quees les unes fur les autres, & formant des lits ou des feuillets qui le plus fouvent out avec le refte du rocher, dont elles font partie, une pofition ou verticale ou inclinee a l'horizon. II eft encore aifez iingulier que nos plantes pierreufes ou nos phythobi- blions accompagnent toutes les mines de charbon de notre chaine , qu'on n'en trouve point ailleurs dans un autre terrein , ni dans les endroits dc ! DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, nj ce terrain trop eloignes dcs mines d? charbon •, qu'enfin ccs fortes dc ^— — pierres ne foient jamais melees avee le charbon, mais quelle* foient pla- j.r cees immediatement aprcs la premiere rifle , qui non plus que le charbon, Na-urellf n'a conftamment aucune empreinte de plante. Quand il ne paroitroit dans la feconde fiffe que des empreintes infor- Annie '"47. mes de plantes, dies prouveroient toujours inconteftablemcnt la molleffe rimordiale de ces pierres; niais les plus petites nervitres , les contours es plus delicats, tant du deffus que du deffous de la feuille , font bien reprefentes , & Ton remarque dans le relief de la feuille la meme nettete de deffein qui fe trouve dans fon creux oil dans fon motile; d'oii il pa- roit evidemment que la matiere des fiffes a ete non-feulement nolle, mais que le limon dont elles font compofees cut tine forte de liquidite ; qu'il fut depofe, de meme que les plantes qu'il enveloppe, a dirlerentes reprifes , puilque cctte pierre eft fetiilletee ; 8c qu'enfin le depot de ce li- mon & l'entaffement de ces plantes fe font faits dans d'autres lieiix & dans d'autrcs (ituations. • J'avois conjecture, fur la forme des grains oil des miettcs du charbon de tcrre , qui approche de la cubique, que cette matiere bitumineufe , de meme que la fide qui s'y applique exactement , avoit ete molle dans fon origine, & quelle avoit ete dilfoute & liqucfiee; les morceaux de bois fietrifie dent j'ai parle dans le memoire de 1743 , & que je trouvai parmi e charbon, (a) men fournirent line preuve convainquante : quoiquc le principal fuc petrifiant fut quartzeux, je trouvai des morceaux penctres en bien des endroits de pur charbon , de la maniere que le refte I'etoit de fucs pierreux. II peut fe faire meme que les fontaines & les filets d'eau qui traverfent aujourd'hui les mines de charbon , charient encore conti- nuellement un charbon diflous , & qu'il s'en forme de nouveau •, mais je hen ai pas plus de preuve que de ce que m'ont affure quelques mineurs, qui pretendent avoir rencontre des trous d'anciennes mines ou le charbon avoit vegete , 8c qui s'etoient en conlequence retrecis , ou qui s'etoient meme entitlement remplis de nouveau charbon. II n'eft pas rare de trouver des empreintes de fougeres ou d'autres plantes fur des pierres plus folides que les- fiffes ; ce font les geodes , qui indiqucnt toujours, de meme que les fiffes, des mines de charbon dans le voilinage. Les geodes font fort communs dans notre chalne, ils tiennent toujours ) J'ai decouvcrt depuis peu , le bout du tronc d'cwl ces morceaux ont tti detaches ; il arancoit dans une veine de charbon qui a eie enticrement enlev^e : il ne refte pi s 4 la place qu'un ravin , au fond duquel le tronc fe montre par un bout qui a fept a huit polices de diametre ; le refte de l*arbre r couche a cinq ou fix pieds de pru- londeur dans un rocher de fchifte , & il y eft li bien engage1 , qu'il en fait partie : tout cela le voit a mi-cote dYne monngne : di li il parole affez evident qu'il j a eu des de/angemens duns ce rocher, & piobablcment d^rs toute lamomagne, dont on ne peut rejetter la cai :'e fur des volcans , fur des tremblemens , qui laitlent des viiriikations & des crevafles, dont on ne voit pas ici la moindre trace. 11 eft encore aiie ce conclure que I'arbre qui a fervi de bafe h cette petrification , eft plus ancien que les derangemens arrived au glebe, que la petrification des rotherS, que 1'e'levaiicn des monugnes, &c. U4 A B R E G E DES M E M O I R E S ——»■ tin pen de la nature du mineral ferrugineux ; on trouve parmi ces pierres dcs atites ou pierres d'aigle, a qui le pcuple attribue encore, d'apres les n i s t o i r E aneiens naturalises , des yertus admirables : les pierres d'aigle ne different Is aturelle. _as djeiitiellement des geodes; les lines & les autres font natureilernent ar- Anne'e 1747 ror*dies & formecs de plulieurs couches minces qui fe feparent aile- ment; (a) les couches enveloppent un noyau qu'elles portent dans leur centre, & qui eft tantot line pierre tres-dure, tantot un iimple limon brim 011 olivatre, quelqucfois adherent a la pierre, quelquefois il en eft det.-.rhe & il remue ; e'eft felon que le limon a plus tenu de la nature de l'ar- gile, qui, en (e delfechant , fe retire & dimintie de volume. Les plus gros geodes de notre chain e font a Saint-Martin- de-Valga!gue & a Gournier, il y a de grandes collides entierement formecs de ces pierres , qui out julqu'a up pied de diametre *, les geodes font tellement engages & lies entr'eux , qu'ils ne font qu'un rocher; la pluie & les inju- res de fair ont detache les fegmens pheroidaux dcs geodes les pliH expo- fes, en forte qu'on voit les protils des coirches de tous ceux de la furfice du rocher, ce qui prefente un coup-d'ceil ailez lingulier pour meriter qu'on en donne un echantillon par line figure. La formation des geodes n'eft pas moins difficile a expliquer que celle des priapolithes qui leur font analogues, & dont ils ne different qu'en ce que les priapolithes font d'unc pierre a chaux, &: que leur forme eft un cylindre d'environ lin pouce de diametre, de 4 ou 5 polices de longueur, & arrondi par les deux bouts; l'axe de ce cylindre eft ordinairement rem- pli d'une cryftallilation pierreufe : ces pierres font d'ailleurs compofees , comme les geodes, de plulieurs couches paralleles , mais elles ne fe deta- chent pas (i aifemeut. Je n'ai encore rien vu fur ces pierres qui fatisfaffe entierement ; il fau- droit peut-etre placer la formation de ces deux fortes de fofliles , de me me que celle des cryftaux & des cailloux creux & cryftalliies en dedans, au rang des myfteres de la nature qu'on n'a point encore penetres. Ceux qui font pafler ces pierres pour un jeu de la nature, ou qui pretendent que leur forme depend de certaines matrices, ne nous npprennent rien de plus que ce que les pcripateticiens nous ont debite fur k-ur forme plalU- que ou fur leurs qualites occultes. C'eft une entrcprife trop difficile de prctendre tout expliquer en phylique ; il eft certaines chofes lur lefquelles il eft plus iage de le taire, & d'attendre de nouveaux eclaircillemens. C'eft fans doute le parti que je devrois prendre lur la formation des geodes; j'ofe cependant propofer ici des conjectures, parce qu'elles font tres-liies avec les obfervations que je rapporte. On pent conliderer dans les geodes, de meme que dans toutes les pier- res mturellement arrondies , ou qui fe font accrues par dirfcrentes couches, (a) C'eft toujours une marque qu'une pierre s'eft nrturellement arrondie , par 1'ad- diion d'liiie nouxelle matiere , lorl'qu'elle elt forme'e, comme les geodes & les calculsde la vcfiie , de differemes couches a-peu-pres ipheriques ; au-lieu que les pierres lembiubles aux amenlas, ou aux pierres roulees dont nous avons pails' ailleurs, le lent arrondies par ies fiotumeiis, & partant en diminuant de volume. la DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 125 la ftfparabilitc on la diftinclion de ces couches , l'appiication des unes ^""^^^ fur les autres, & leur forme arrondie. Hiiro ire La feparabilite des couches ticnt a la meme caufe que nous avons deja Nati/A£LLZ> aflignee en parlant des rochcrs par bancs ou par lits •, mais il y a plus dc difticulte dans l'appiication de ces couches & dans leur forme arrondie : li Annte tr^j. pour l'expliquer on fuppofoit des tas de cailloux qui auroient fervi de noyaux ou d'embrions aux geodes & aux pierrcs qui leur font analogues, 8c fur lelquels ils auroit coule a differentes reprifes des fucs pctrifians, foit qu'ils ftrdent purs, foit qu'ils fuilcnt meles d'une terre detrempee , on comprend que chaque caillou auroit augments de volume, & que de plus il fc feroit arrondi ; car afin qu'un corps prennc cette forme , quelquc anguleux qu'il foit, il lufrit de le couvrir de plulieurs enduits d'une ma- tiere liquide qui fe duicilfe a mefure; mais dins ce cas il fiut admettre neceflairement one autre poiition dans ces cailloux , que celle ou ils fe- roient entaffes; chacun d'eux devroit ctre ifole & lufpendu de facon qu'il n'appuyat pas fur d'autres corps folides , pour donner la facilite aux cou- ches pierreufes de s'arranger : car (i le noyau d'un geode a etc ioutcnu & entoure d'autres pierres, il n'aura pu croitre du cote fur lequel il etoit appuye, & encore moins conferver la forme de fes couches unir'orme- ment arrondies & egalement epaitfes de toute part. Ces difticultes (qui fe rencontrent dans le lylleme d'un phyhcien cele- bre, fur l'arrondhiement de ces fortes de pierres) difparoiilent en fuppo- fant, i°. que la matierc des geodes flit une terre dctrempee & coulante : (ce qui eft confinne par l'oblervation des geodes fur lelquels j'ai trouv; des emprcintes de plantes) 2°. que cette terre etoit penetree de iucs pe- trifians-, (il faut les admettre des que ces pierrcs font folides) 30. que cette pate eiit affez de conliftance pour foutenir ou de petites pierres, ou des mottes de terre, ou d'autres corps ablorbans, repandus 9a & la a dif- ferentes profondeurs. Cela pofe , il eft naturel de penfer que ces differens noyaux etant plus fees, ou ayant des pores plus diverts que la pate dans laquelle ils etoient plonges, aient abforbe ou I'humidite ou les lues pctrifians de la premiere couche qui les touchoit immediatement ■, celle- ci dcffcchce par ce moyen, ou depourvue de fes fucs petrifians, auroit ete, par rapport a la couche qui la fuivoit , ce que le noyau avoit cte par rapport a elle , & ainfi de fuite : les couches feront diftinguees , parce qu'elles fe feront formees a diltcrentcs reprifes, tout fe fera durci lorlque les fucs pierreux ie feront figes ou r.ipprochcs par une evaporation convenable. J'ajouterai que li les geodes ne le lont formes que dans les terroirs fcrrugineux , e'eft fans doute que les fucs pctrifians qui leur font particuliers , ou les fels vitrioliques qui y abondent, font plus propres a ces petites operations de la nature, qui ont forme ces couches; ce lont des eipeces de precipites qui deman- dent an certain rapport entre les acides & les alkalis, ou entre Its matieres qui tiennent lieu de ces fels, & qui en font les fonctions : ces matieres plus propres , ces rapports plus marques , fe rencontrent peut etre dans la terre martiale , qui eft la matiere de nos geodes. Tome X. PartU Franfoi/e. Ff u4 ABR^Cfi DES MhlOIRES Notre chaine nous ofire encore, comme je l'ai dit, deux fortes dc fort- H 1 s t o i r e *au,es » 'cs unes BMierales on midecinales , & les autres petrifiantes. V ,vrr,trr:« Nos fontaines mincrales tirent leurs proprietes des mines de vitriol, dc fer & de charbon qu elles traverlent •, elles iont lames ou inalfaifantes , Annc'e 1747. felon la nature des principcs qu'elles contiennent, & felon que la dofe en eft plus ou moins forte : il y en a deux qu'on regarde comme fouverai- nes contre la dyffenterie & quelques autres maladies qu'elles guerifient plus rarement : elles font d'ailleurs purgatives, rafraichiliantes , aperitives, & elles paffent plus communement par les urines & par la tranfpiration , que par les lelles. La fontaine de la Rogne , la feule autrefois connue dans le pays & dans la province, & dont on prenoit les eaux avec fucccs dans les memes cas des precedentes, s'eft trop chargee de mineral, & on la recher- che a peine aujourd'hui pour les maladies cutanees : on peut cependant affurer qu'en general , la reputation ou le decri de ces difterentes fources a varie au gre des medecins , ou des propriitaires des lieux , ou felon le caprice du peuple. Celle qu'on appelle de Daniel, a pris faveur depuis quelques annees : le memoire que mon frere le profeffeur a donni fur cette derniere fontaine , me difpenfe d'entrer dans on examen plus etendu de les proprietes, & dans 1'analyfe des principes quelle contient. Je connois une famille entiere, dans un endroit de notre chaine nomme le Tamaris , qui n'a pour boiffon ordinaire, que l'eau d'une fontaine mi- nerale, de meme gout que celle de Daniel, & qui depofe encore plus de ce limon jaune & ochreux , ordinaire aux fontaines vitrioliques. Je -plai- gnois le fort de ces pauvres gens, & la dure neceffite ou ils etoient de fe medicamentcr toute 1'annee ', mais je fus raffure fur Ieur compte , lorfqu'ils m'eurent dit que non-feulement ils s'etoient faits'au gout delagreable de cette eau , qui eft d'ailleurs tres-claire, mais meme qu'ils ne s'etoient ja- mais appends que l'ufagc qu'ils en failoient, eut produit aucun mauvais effet ni fur eux , ni fur leurs beftiaux , ni (ur les plantts dun pre & d'un jardin qu'ils en arrofoient. 11 n'eft pas etonnant , en diet, que les memes eaux., qui purgeroient des malades, ne faifent que defaltirer les gens lains du Tamaris; e'eft que les premiers n'y font point accoutumes, & que de plus ils s'engorgent l'eftomac, & en prennent a la fois une plus forte dofe. Prefque toutes nos fontaines minerales fe reffemblent du cote du fed:- ment ou de l'ochre jaune qu'elles depolent fur leur chemin : je n'en con- nois que deux qui different en cela des precedentes. La premiere qui coule d'un rocher, (ur le grand chemin au-deffus du JHas de-boucc , ne teint fon lit d'aucune couleur, elle eft d'ailleurs ii clai- re, qu'elle invite les paffans a s'y delalterer •, mais en eft bien trompe fur ces apparences, une gorgee de cette eau laiffe a la bouche un gout d'amer- tume , mele d'une forte acidite, que la fontaine prend probablement en iravcrfant les mines de charbon qu'on voit au-detfus de la fource. La feconde fontaine eft la feule de cette efpece que j'aie encore vue, clle coule par filets d'un rocher de fchifte noir, tendre & feuillete -, elle eft au fond d'un ruifteau qui traverfe le grand chemin pres de la fontaine de la Rogne, l'eau qui fort des fentes du rocher, entraine un iediment DE L'ACADHMIE ROYALE DES SCIENCES, li- tres fin , d'une extreme blancheur : I'eau en eft toujoiirs teinte en tout «^^— — — SSS temps, comme f\ on y avoit lavonne du linge; en la portaut a la languc, j^ i s t o i r i j'y trouvai un leger gout d'acidite. ' .. NiAfTWEEtifc Les fontaines petriliantes de notre chaine font de celles qui forment flfr leur chemin, des tufs on des concretions, & des incraftations pierreufes Anne'-: 1J4?. fur toils les corps folides qu'elles rencontrent, dont elles font des nialfes folides & Iegeres. J'ai quelquefois trouvc parmi ces tufs, des morceaux de bois qui etoicnt veritablcment petrifies, oil qui etoicnt penetrcs dans tout Jeur tilfu interieur, de fucs picrreuxi cette petrification etoit cachce fous les tufs a l'abri de l'air, & elle ctoit tendre & friable. Je n'ai place, au refte , les fontaines petriliantes dans cette chaine, que tiarce qu'elles fe trouvent lur fes lilieres , ou qu'elles font engagees dans es terroirs de gres ou de gravicr; car d'ailleurs, elles fortent toujoiirs d'une tcrrc forte & limonneufe , dont nos tufs out le grain & la couleur ; & its ne doivent leur prompt accroiilement, qu'au limon qui trouble i'eau au temps des pluies , & a un fuc pierreux feleniteux, femblabie a celui des pierres i chaux ou des marbres. J'avois d'abord penfe que les molecules petrifiantes qui donnent a nos tufs leur conliftance, pourroient ctrc les fels vitiioliques de quelque filet d'eau minerale , qui fe melat avec la fontaine petrifiante ; mais je n'ai pas remarque depuis , aucune concretion picrrcufc dans les iources purement minerales, qui fortent d'un terroir graveleux, tel que celui de notre chai- ne; & j'ai vu tres-fouvent des fontaines, qui forment des tufs dans des terroirs ou Ton ne peut foupconner aucune efpece de mineral. La principale de nos Iources petrifiantes eft celle de RitJJau , I'eau en eft tres-abondante, on prolite de la grande pente quelle a pour faire tour- ner plulieurs moulins, dont les bics ou les refervoirs lont dilpofes en ter- raffe, les uns au-defi"us des autrcs, en forte que les plus bas fe rempliilent de l'egout du plus cleve. L'eau de cette fontaine forme, le long de fon cours, plufieurs fortes de concretions ; les unes font toujoiirs expolees a l'air , les autres plongent alternativement dans l'eau & dans l'air : les premieres doivent leur origine a 1'epanchement des eaux du canal & du refervoir qui, coulant lur des moulfes, les incruftent & les lient enlenible. L'incruftation ne gagne que le bas des moulTes , qui eft couvcrt par les ramifications des fprnmites : ces fommittSs font vivantes & tres-vertes, tandis que la bafe de la plants eft incrultce; a mefure que les lommites croilfent, l'incruftation s'eleve & fait des progres : la moulfe eft plus fujette a etre incruftce que les autres plantes , parce quelle arrete par fes branchages ferres & entrelaces, le cours de l'eau dont elle fe charge, comme le feroit une epongc; par ce moyen elle retient plus long-temps les fucs petrifians k qui elle pielente des points d'appui, toute la plante en eft continuellemcnt abreuvee ; il n'y a cepen- dant que la partie qui eft cachee , & qui eft a convert de i'action du grand air , qui s'incrufte •, & ces concretions font toujoiirs plus tendres & plus laches que celles qui font en pleine eau, & qui en font eniicrement con- venes. Ff ij 2iS ABREGE D E S M E M O I R E S ;*""'M"*— ^ Pai remarque fur ces dernieres concretions , qui font plus compares H i s t o i r e * P'11s Pe'"an,es r , U coinmc lcs ftalacHtes dcs grottes; mais le retour de l'eau qui s'eleve peii * sprcs , & qui con vie de nouveau lcs tufs, foutient les molecules cryfblli- Anntc 1747. nss & lc limoti, & cmpeche que les grumeaux ne fe terminent par le bas en des pointes alongtes. 50. Pnrmi lcs concretions qui fe forment fur les murs du rcfervoir, cellcs qui font quclquefois expofees au foleil , font plus tendrcs que celles qui font toujours a l'ombre ; & entre ces dcrnieres, celles qui /out plus cou- vertes & nioins au grand air, out toujours audi plus de folidite. On pcut dire d'aprcs cette observation , & quclques autres qui ont pre- cede , qu'en general , pour qu'un corps ferve de bafe a line petrification , il doit etre long temps abreuve du liquide qui en contient le prir.cipe; & *il faut pour cela qu'il foit couvert d'eau cu de terre, oil de quclqu autre chole qui l'c-ntreticnne dans line certaine humidite, & le garantifTe des im- puliions de l'air , qui procureroit une trop prompte evaporation : cctte expofition a l'air eft (i contrairc a line petrification , tandis qu'clle fe fait, qu'elle dctruit dans certains. rochers, tels que les amenlas , celle qui eft deja faite. Lcs murs de maconnerie , faits avec du mortfer ordinaire , font une efpece de petrification artificielle •, or les murs qui lont long-temps humec- tes, ceux qu'on conftruit dans l'eau, dans des fouterrains , ceux qui ont line grande epai/Teur, ceux enfin qu'on terrafle, font a h verite d'ime prife plus lente, mais elle eft mcillcure de beaucoup & plus durable. Ne fe- roit-ce point la tout le fecret du ciment, oil du fimple mortier des anciens batimens, devenu nuffi dur que le marbre ': On empechoit, fans doute, le trop prompt deffechement du mortier, foit en terrafiant les murs pen- dant quclque temps, foit en leur donnant line grande epaiffeur. Ne feroit-ce point a un pareil procede, fuivi par la nature, que nous devons la formation des rochers au temps de la grande petrification > S'il eiit fulli pour la prodnire , que la terre fut feulement penetree de fucs pe- trifians , notre globe terreftre qui en fut probablement tout couvert, ne feroit peut-etre aujourd'hui qu'un grand rocher. Le delfechemcnt de l'air conferva les terres de la furface , les rochers qui en font aujourd'hui de- pouilles & qui font pelcs, furent couvers de terre, & fe durcircnt par ce inoyen, e'eft-adire, qu'aprcs le depart des- eaux qui abreuverent la terre de lues petrihans, an temps de la formation des rochers, lcs terres de la furface empecherent une evaporation trop prompte dans les terres inferieu- res, ou celles qui etoient a une'plus grande profondeur; lcs fucs petrifians lierent par-la plus ihtimement les grains de ces dcrnieres terres , ils en firent des rochers, .tandis que les terres de la furface ne foufrrirent aucune alteration pour s'etrc trop promptement deffechees. C eft fans doute en confequence de ce que je viens de dire, que dans les endroits qui out ete moins deranges par les changemens arrives an globe, on trouve d'abord de la terre vegetale, plus oil nioins meuble, F H I S T O I R Naturille. 230 A B R 1- G E DES ME MOIRES ; enfuite de la terre franche, de la marne, de la pierre morte, & en fin dau> tres matieres qui font de plus en plus fermes & compares , ce qui va juf- qu'a la folidite de la pierre vive & des rochers qui, felon d'habiles lni- neurs, fe trouvent toujours plus durs dans la mime efpece , a melure qu'ils Annie IJ4J- font a line plus grande profondeur. Les varietes , au refte , du plus oil du moins de durete qu'on remarquc dans les dilrerentes efpeces de rochers , peuvent etre rejettees , ou fur la difference de leur bafe , plus oil moins propre a etre liee felon la fineffe & la regularity de leur grain , ou fur les differentes efpeces de fucs petri- fians qui fe font repandus dans les differentes parties du globe. 6°. Enfin , dans le cote le plus bas du fond du refervoir, il y a un canal, 011 plutot un troll par ou I'eau s'ecoule lorfqu'on en a ramaffe fuftifamment pour faire tourner la meule du moulin : ce canal eft revetu de planches qui s'incruftent d'une ardoife auffi unie que les planches auxquelles elles s'ap- pliquenf, cette ardoife eft d'un grain fin, ferre , elle lonne quand on la* frappe-, elle fe fepare nettement de la planche, & l'on diftingue alors plu- fieurs couches paralleles de difterente epaiifeur , felon que l'eau qui de- vient bourbeufe plulieurs fois dans l'annec, l'a etc a chaque fois plus oil moins de temps. Tome l'ardoife n'acquiert en un an , qu'environ cinq ou fix lignes d'epaiffeur , tandis que'ces accroiffemens font dans le meme cfpace de temps, d'environ cinq oil fix polices dans les autres concretions du re- fervoir •, c'eft que l'eau pafle rapidement deux fois par jour dans le canal , & quelle entraine les fucs petrifians & le limon qui font encore peu lies & peu affermis , tandis qu'ailleurs elle ne fait que baiffer & s'egoutter peu-a-peu. On pourroit, en plongeant & en fixant dans ce canal des tables de bois ou de toute autre matiere qui pent fe conlerver dans l'eau, les faire in- crufter d'une belle ardoife qui prendroit la forme, & fuivroit exaclement tons les contours de la table, ou de tout autre ouvrage qu'on voudroit revetir d'un etui tres-jufte & tres-folide. Je rendrois cet article trop long, d j'ajoutois encore ici un detail cir- conftancie des difterens mineraux qui appartiennent a cette chaine : je me propofe d'en parler dans un autre memoire , oil je ferai moins oblige d'etre court que dans celui-ci. Dixieme chaine. Cetti chaine, qui eft la derniere, eft fur les lifieres des Sevennes 5 fes rochers , d'un marbre groffier qui donne line chaux maigre , font par bancs inclines de la meme facon a l'horizon , dans line meme montagne , mais differemment prefque dans chaque montagne', les coquillages pierreux qui tiennent encore au rocher , font entiers pour la plupart, de meme que ceux des chaines precedentes. La Chenaye de Sauvages , qui eft une montagne elevee de cette chaine , a les deux ou trois premiers bancs de foH ibiumet , uniquement titfus d'une oftracite particuliere a cette chaine , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. tji £: qui eft conniie chez les naturaliftes fous le nom d'OJIracUcs tejla crajfa , — ^— ■— griphites luidii : il n'y a de limon durci dans le rocher, que ce qu'il c" H i s t o i r h taut precifement pour remplir les vuides que lailfent ccs coquillages. Natuiiell* Dans les bancs qui fuivent immediatenient , il n'y a aucun coqilillage i ni.iis il y a dans les fuivans line prodigieufe quantite cfaftcries ou pierres Annie 174J. etoilees, de belemnites, de corncs d'ammon, de pinnes, de petonclcs, &c. Les pierres etoilees, a caufe de kur forme emlee, on de leurs frequen- tes articulations qui ont du les rendre tres fragiles , font toujours fur cette montagne coupees eri des troncons- qui n'ent pas au-deli dun pouce dc longueur : les articulations iont toujours piuhfurs enfemble , il y a des morceaux de diricrente groffeur , quoique de meme efpece , ordinairement courbes en arc ; & Ton appercoit fouvent au centre de l'ctoile qui ter- mine Ics deux bouts, un trou ou un commencement de tuyau qui enfile la pierre. La phipart des morceaux de nos pierres etoilees font detaches du ro- cher : ceux qui s'y trouvent encore enchafles , font calles en troncons pareils a ceux dont j'ai deja parley ce qui peut faire foupconi.cr que ce foffile qui appartient aux bras d'nne etoile de mer analogue a cellc qu'ori appelle la tt'te de me'du/e, que ce foflile, dis-je, fur non-feulement calie, mais meme petrifie avant d'etre incorpore dans le rocher, peut-etre meme fut— il petrifie aillcurs •, car toute la montagne eft de pierre calcinable, de meme qu'un grand nombre de coquillages qu'on trouve dans les bancs i '.fjrieurs; il n'y a que la pierre ctoilee, avee une elpece particulierc de belemnite, & la griphite dont j'ai deja parle, qui loient petrifiees en cail- lou , & qui donnent des etincelles fous le fulil. Les belemnites de notre chaine font d'une efpece que je n'ai vue nulls autre part, & fur des proportions difterenres de celles qu'on trouve com- munement; les plus grandes ont a peine un pouce & demi de longueur, ccpendant leur bafe a neuf a dix ligncs de diametre, & leur cavite co- nique setend prefque jufqu'au lomniet de la pierre : dies portent lur leur furface tant inteiieure qu'exterieure , plulieurs de ces tourbillons compoles de cercles concentriques que j'avois cru autrefois n'appartenir qu'a une efpece particuliere de coquillage foflile , mais que j'ai remarques depuis fur prefque tons les genres de coquilles qui font petrifiees en caillou (a) & dont les lames fuperieures ont ete enlevees par les injures de l'air. Quand nos belemnites ne porteroient que ce cara&ere , il fuffiroit feul pour lever les domes qu'on a fur la nature de ce foffile , & pour le faire rrg.irder comme appartenant a la famille des animaux teftaceV, on n'a d'ail- leurs qua faire attention a leur forme reguliere & conftante, a kur pro- portion determinee dans chaque efpece, pour voir que ce ne font point des productions fortuitcs , des jeux du halard , mais des corps organiles & reguliers , tels que ceux qui iont i'ouvrnge des animaux 5 on s'en con- vaincra encore mieux par les remarques fuivantes. CO Les coquillages folTiles tie cette efpece , ou ceux qui ont la durete" du caillou , font Ics feuls qui aicnf de ccs cercles ': la petihicaikn n'a pas pruJuil le meme efTec dans les coquillages de pierre tendie & cakaire. iji ABRTLGt DES MEM 01 RES — — — Outre l'efpece particuliere de belemnite dont je viens de parler, il y u en a deux autres fort connues de tous ceux qui font des collections; elies Hi s t o i r e fQnt j'une ^ i'autre je pierre calcinable , & la petrification n'a point di- aturelib. trujt l'organjfation & l'arrangernent des fibres qui les compofent. On ap- Annte 1747. perqoit cet arrangement en caffant la belemnite-, on voir, quelle eft tiilue de fibres qui font perpendiculaires a I'axe de ce foffile , vers lequel elles convergent de tous les points de la furface. Ce cara&ere rapproche en- core les belemnites des coquillages , car j'ai obferve la mane diftin&ion de fibres droites & convergentes dans la calibre dun grand nombre de coquillages bivalves petrifies en pierre calcaire •, cela reliembloit a certai- nes cryftallifations en filets de matiere feleniteufe. La premiere des deux belemnites tendres ou calcaires dont je viens de parler, & qui eft connue fous les noms de lapis linearius , lapis lincis , daclilus, &c. femble affecler dans nos cantons un certain rocher de pierre morte & grisatre qui s'emie a fair en de petits morceaux anguleux & alonges : j'ai trouve en plutieurs endroits de cette chaJne des bancs de cc rocher toujours avec les memes belemnites dont la bafe eft, comme dans les precedentes , percee dune cavite ; mais cette cavite eft tantot en cone pointu , & tantot en cone tronque, & elle ne s'etend pas au-dela du tien de la longueur de toute la pierre : j'ai trouve plufieurs de ces cavites exadtement remplies d'une pierre qui fe detachoit nettement , & qui pa- roitfoit etre articulee : je celfai plufieurs de ces petits cones dont les una etoient tronques, les autres entiers-, ils etoient compofes de plufieurs pie- ces en forme de calottes d'une ligne d'epailfeur : je n'appercus d'abord aucune cavite, aucun veftige d'un teft de coquille-, mais j'ai vu trcs-clai- rement l'un & I'autre dans les morceaux que j'ai trouves dans la fuite. Ces calottes forment des cellules, par confeqtient cette belemnite eft un co- quillage chambre : il y en a meme une efpece rare dont je n'ai pu voir que la coupe longitudinale, l'interieur & le contour. Cette belemnite fai- loit partie d'une table de marbre , & elle avoit etc fciee en deux pieces en meme temps que le bloc, les cellules occupoient toute la belemnite jufqu'au fommet , ia diftindlion des cavites & des cloifons etoit tres- bien marquee par la differente couleur du marbre. La feconde belemnite de pierre tendre , eft nominee dans les auteurs , belemnites eleclrinus , a cauie de fa couleur d'ambre ou plutot de corne demi-tranfparente : elle fe diftingue des precedentes en ce qu'elle eft plus etroite a fa bafe & plus renflee vers la pointe, comme certaines pointes d'ourlin*, mais cette bafe n'a ni ce cone creux & profond propre a conte- nir des alveoles, comme les deux autres efpeces de belemnites , ni cette cavite cotyloide & peu profonde des pierres judaiques & des autres poin- tes d'echinites ■, je n'y ai jamais rien appercu qui en approchat dans les be- lemnites les plus entieres .de cette efpece que j'ai pu trouver : ce bout eft toujours plein, & il eft termine irregulierement par pluiieurs lames minces & tendres engagees 1'une dans I'autre : ces lames enveloppent dajis leur centre un tuyau extremement fin , qui paroit s'etendre d'un bout a I'autre de la belemnite. Ou DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. i?5 On n'appcrcoit de coquillages pierrcux dans la montagne dont j'ai deja! parle , que dans nn banc qui eft a dix ou douze toil^-s au-deifous de H i s t o i a e ccux qui portent les oftracitcs , les bclemnites & les pierres etoi!* P'l,s ou moins penetres de veines & de molecules de quartz, qui eft pro- LLE- pre a cette efpece derocher, & qui lui donne toute la folidite qu'il peut Annie IJ4J. avoir. On trouve quelquefois tout un cote de montagne dont les rochers font tendres & s anient fans effort, tandis que les rochers du cote oppofe forment line made tres-dure , foit parce qu'ils font plus abreuves de fucs quartzeux, on qulls furent autrefois a une plus grande profondeur. II eft tres-rare que lcs lits ou les feuillets de rochers talqueux foient pofes parallelement a fhorizon; ils font plus ordinairement ou verticaipc, ou differemment inclines, & trcs-fouvent ils font plies, ondes & chif- fonnes irregulierement en diffcrens fens. Les rochers dont lcs feuillets font applatis uniformement , & fe feparent aifement , font dune grande ref- fource dans les Sevennes, ou les tuiles manquent faute d'argile ; on y cou- vre les lv.aifcns avec de J'ardoife de talc. Le fuc quartzeux qui penetre les rochers de talc , s'y diuribue en des plans qui font parallels a ceux des feuillets du rocher , ce qui forme des veines blanches qui ont jufqu'a un pied d'epaiifeur •, e'eft un vrai cryftal de roche, a qui il ne manque qu'un peu plus de tranfparence : il yen a dans quelques endroits des Sevennes, des veines & des blocs li coflfidera- bles, qu'on feroit rente de les prendre pour les refervoirs d'oii les lues petrifians fe font repandus dans les rochers des environs. Quelqu'epaiffeur , quelque durete que ces veines aient , elles font ce- pendant tres- fragiles , & e'eft par cet endroit qu'elles donnent origine aux cailloux quartzeux , blancs & arrondis de nos rivieres , demi-tranfparens dans leurs calfures , & qui donnent de la lumiere fans etincelles lorfqu'on les choque l'un contre l'autre dans un endroit obfeur. Les fondrieres & les ravins ties communs dans ces montagnes efcarpees, & d'une terre le- gcre, occafionnent au temps des pluies, des eboulemens conliderables ; les rochers de talc fe detachent, les veines de quartz oirde cryftal le fepa- rent, elles fe caffent en morceaux plus ou moins gros, felon l'epaifle.iir de la veine, tout eft entrame dans la riviere : le talc qui fe caffe plus ai- fement en iames plates, que d'aucune autre facon, fe convertit en galets en roulant fur le fable •, les veines quartzeufes au contraire , fe caffent en morceaux qui approchent de la figure cubique, ou de queiqu'autre polye- dre irreoulier , qui en roulant s'arrondiffent & deviennent plus ou moins fpheriques, felon que le caillou approchoit plus de la figure cubique, & felon qu'il roule pendant un plus long efpace-, car a mefure qu'on re- monte la riviere , on trouve fes cailloux de plus en plus anguleux. II n'y a point de doute que ce ne foit la l'origine des galets & des cailloux arrondis de noire riviere, il n'y a rien en cela que de bien na- turel ■, mais que doit-cn penfer des caillotitages parfaitement femblables a ceux- la, dont tout un canton des environs nomine Brefis , eft rempli, & qui forment une fuite de epteaus fort eleves au-deilus du niveau du Gardon , ou de la riviere qui traverfe ce pays ? les cailloux & les galets de Brefis font de mime nature que ceux du Gardon , ils font uies & DH LWCADEMIE ROYALC DES SCIENCES. iyr arrondis de la meme facon : en faut-il davantage pour ctre bien fonde a —— ^— — conje&urer que le terroir dc Brclis , quelqu'eUeve qu'il loit aujourd'hui, jj : s t o i * e quelque place qu'il occupe, tire Ton origine ou du Gardou , ou d'unc ^ riviere qui trawrlbit les Sevennes, on tin terroir de mcme nature! Cc fut a une forme & a un melange pareils de cailloux & de galets, Annie fJ4J- que je jugeai que ceux qu'on tiroit du fond d'un puits qu'on creufoit a fept on huit toifes de profondetir, ctoient des depots de notre riviere; ce puits en eft cependant fort eloigne, Sf on a de la peine a croire que la riviere ait jamais ete de ce cote, ni a une (i grande profondetir : ce- pend.mt les dilrerentes matiercs qu'on tira , ine confirmerent dans ce fen- timent ; e'etoient plulieurs couches, les unes de fable fin & talqueux , d'autres de pur Union , d'autres de gros gravier mele de pierres , de gra- nite , de rnarbre noir & de cryftal blanc. Ces lits ctoient tout pareils a ceux qui fe depofent toutes les annees dans les prairies qui bordent notre riviere , & qui valient lelon que l'eait des debordemens eft cu dormante ou rapide : les galets , les cailloux , le fable & le gravier ctoient de mcme nature & de meme forme que ce que le Gardon entraine tous les jours. Si on fe rappelle ce que j'ai dit des montagnes des Sevennes, hautes & efcarpees, dont la terre eft legere & lablonneule, les rochers pcu lies Eour la plupart, on fera moins etonne de la prodigieuie quantite de fa- le , de pierres & de limon que les rivieres entrainent a cliaque inonda- tion. Les alluvions qu'elles torment dans les endroits qui out moins de pente , & dans lefquels les eaux peuvent s'etendre, eleven4! de plus en plus le terrein-, ce qui eft entraine dans le lit, va former ces grands at- teriflemens dont on appercoit d'une annee a l'autre les progris fur les cotes de Languedoc. Les rivieres & les ruilTcaux qui ont plus de pente , entrainent des pierres d'un volume de beaucoup plus grand que les precedentes : j'ai vu an pied des montagnes de Louzere, dans le diocefe d'Uzes, des blocs enormes de granite que les torrens avoient entraines, & qui s'eroient arrondis en roulant : j'aurois eu peine a me perhuder que l'eau eiit pu faire- avancer de li lourdes maffes, fur-tout lorfqu'elles ctoient encore anguleules , & plus propres par-la a s'arrcter fur un plan raboteux •, mais je fus a portee moi-meme de voir rouler dans on torrent des Sevennes, des pierres du meme granite, qui pefoient plulieurs quintaux, avec un bruit & un fracas qui le f.iiloient entendre de bien loin. Le granit dont je viens de parler, eft le lecond genre de rochers qui rcgne dans les Sevennes-, U y en a de deux ou trois efpeces qui different entr'elTes par la groffeur, la coulcur & la conliftance de leurs grains, tou- jours irregulicrs & engrenes Tun dans l'autre ; les plus folides & les plus compares fe detruifent & s'egrenent iorfqu'ils font expofes aux injures de 1'air : les mis ont des grains quartzeux, melcs avec des grains noirs & lui- fans, qui approchent des matiercs qui fortent des volcans ou de certaines mines detain v les autresne font prefque compofes que de grains de pierre morte, & de grains terreux & tendres, qui s'ecralent facile ment : le gra- vier Cs: la terre que ks injures de 1'air detachent de ces rochers, & que i58 A P> R E G £ DES ME MOIRES — — »^— ■■ les pluies entrainent, font line terre legere qui, venant a fe meler avec Tj les debris des vegetaux , eft excellent^ pour les muriers , pour les cha- NatuiielLRk. tai£niers& Pour Ies plantes potageres. Les rochers de granite, connus dans le pays foils Ie nom de cis & de Annie IJ4J. ciflras , ne font jamais par bancs •, ce font des blocs informes , entafl'es irreguliercment & appliques par des furfaces plates & droites, dont on reconnoit bien les joints, on les endroits par ou ils fe touchent ; mais ils ne IaiiTent entre eux ni fente, ni ouverture, ni aucune de ces cavites qui font li ordinaires dans les rochers de marbre. Les rochers de granite font meles indiffiremment & fans ordre , avec ceux de talc , une meme mon- tagne en eft quelquefois mi-partie-, quelquefois il y a des cantons entiers qui ne font que de granite, & d'autres de talc, fans aucun melange d'au- tre pierre. Les grains du granite ne paroifTent pas etre penetres par aucun fuc cryf- tallin & petrifiant qui les lie entr'eux, & on ne voit que rarement les blocs de ces rochers, traverfes par des veines de pierre blanche & cryftall.ne; celles que j'ai vues font de la nature des fluors, demi-tranfparentes , lui- fantes, & d'une conliftance qui tient le milieu entre le fpath qui eft ten- dre , & le quartz qui eft tres-dur. Ces veines pierreufes ont cela de par- ticulier, qu'elles font toujours fort droites-, & qu'elles font dans toute leur longueur d'une epaineur egale, qui eft d'environ un police : les plus Ion— gues n'ont pas au-dela de deux toiles, leurs bouts font coupes carrement des deux cofes , & ils ne fe perdent pas en diminuant infenhblement dans le granite , comme nous l'avons remarque dans les rochers de marbre & de pierre a chaux des chaines precedentes. Les interruptions brufques de ces veines pierreufes annoncent deja un derangement dans nos rochers de granite ; mais il y a an autre figne qui eft moins equivoque, c'eft que ces rochers font tous parfemes de mor- ceaux parallelepipediqiies des veines precedentes, qui ne fe calfent, comme je l'ai eprouve, qu'en des fragmens de cette figure-, ces fragtnens, proba- blement continus autrefois, & ajoutes bout a bout, mais fepares & brouill^s dans la fuite , ont environ un ponce de longueur-, ils font failles tres-regu- lierement , & compris entre des plans paralleles , ce qui produit une mar- queterie fur la couleur uniforme du rocher, lequel eft d'un gris de fer plus ou moins fonce. J'ajouterai que ces parallelepipedes font prefque tous egaux , & quoiqu'ils loient epars 9a & la , & fans aucun ordre marque ; ils font cependant diftribues de facon qu'il n'y a point de iurface de ro- cher d'un pied quarre, qui ne porte un 011 deux de ces fragmens paralle- lepipediqiies. Le granite des environs de la Salle -de-Saint-Pierre, qui eft une petite ville du diocefe d'Alais , a cela de remarquable , qu'il eft rempli d'une prodigieufe quantite de molecules minces, pliantes, qui ne perdent point dans le feu la couleur & le brillant de Tor qu'elles ont : cette faufle ap- parence trompe bien des perfonnes, ces molecules ne font dans le vrai, qu'une efpece de talc appelle mica ; ce n'eft pas que les rochers des Se- vcnnes ne contiennent de 1'or natif, toutes les mines que j'en ai vu, font DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 159 de la nature de nos rochcrs. De plus , M. Cramer , dans fa Docimafie , ■ "' ■ allure d'apres les plus habiles metallurgiftes, que les talcs, Its granites &jj lcs fables qui en proviennent, font la marcamte ordinaire de ce precieux NATU RtL, E metal : enhn le Gardon & lcs autres rivieres qui traverfent les Sevennes, font aurifvrcs; ainli il eft a prcfumer que Tor en paille qu'on en retire, Anna 1747. eft cntraine de la furface des terres, par les pluies qui les lavent, & qui emportent les paillettes dans les torr'ens , & dcla dans nos rivieres. Mais inutilement chercheroit-on dans nos montagnes ces molecules d'or tres difperftes, & d'une petiteffe qui les fait ecliapper a la vue, il faudroit une longue & line penible manipulation dont on ne feroit point paye a beaucoup pres •, les pluies & les rivieres qu'elles grodillent , abregent la peine & la longueur de ces rccherches : l'eau raflemblc les paillettes, 011 plutot elles fe depofent dans tons les endroits oil la violence du courant de l'eau fc raleniit, comme cela arrive dans les linuolites, dans des enfon- cemens, a la pointe inferieure d'une ille, &c. ce qui fe rencontre fre- quemment dans le Gardon -, & ce n'eft que dans ces endroits qu'on cher- che lcs paillettes & qu'on les fepare du lable, au moyen de l'eau, d'une couverture de laine & du mercure. Quelqiies-uns , pour expliquer l'origine des paillettes d'or de nos rivie- res, ont recours a des fontaines aurifcres, a des mines particulieres, qu'on ne connut jamais dans le pays : les Sevennes font, a cet egard , line mine generale que les feules pluies, avec les rivieres, peuvent exploiter; aufH les orpailleurs ne font jamais mieux leurs aflaircs qu'aprcs de grandes pluies qui ont fait deborder les rivieres. II eft temps de venir a quelques obfervations generales fur les terreins que je viens de parcourir : je lcs accompagnerai de quelques eliais d'ex^ plications, de quelques conjectures que je hafarderai fur dirlerens pheno- menesi elles paroitront pcut-e'.re interellantes aux amateurs de l'hiftoire naturelle & a ceux qui travaillent a des lyftemes fur la theorie de la terre, elles leur fourniront peut-ctre , ou de nouvelles idees , ou des fujets de doute , oil enfin des motifs pour faire de nouvelles recherches. En premier lieu , quelque loin que j'aie pris dans les courfes & dans les recherches que je fais depuis environ cinq annees , 'e n'ai pu trouver encore aucune trace de coquillage petrifie, ni aucune autre foffile du regne animal ni du vegetal, dans les rcchers & les terroirs de granit, de talc oil de mica des Sevennes , & encore moins parmi le quartz ou le crvftal de roche , qui s'y trouve mele : j'ai li Ibuvent repete cette obiervation , que j'en ai fait des gageures, & que cela palf?roit chez moi pour une maxime en fait de mineralogie , li on pouvoit en etablir fur les obfervations parti- culieres d'un feul pays. i°. La neuvieme chainc dont j'ai parle , qui n's , de meme que le ter- roir des Sevennes, aucun foflile tire des animaux, en contient cependant Une prodigieufe quantite du regne vegetal , & ce n'eft qu'aux bords des mines de charbon qu'on les trouve conftamment; il n'y a rien qui en ap- proche ni dans les mines elles- monies , ni dans les rochers qui les accom- pagnent, qui lont des rochers gravtleux, des vrais los ou pitnes a aiguifer 240 abreg£ des memoires ■—.—»— ordinaires , cc qui eft line fingularite tres-remarqjaable. Je n'ai de meme jamais appercu aucune pl.tnte petririee dans nos marbres , dans nos rochers Jl i s t o i r E coquiJleux ; i]s ne contiennent que des debris des animaux marins : les NAniRhUE. mines de charbon n'ont, d'autre part, que des plantes terreftres •, cepen- Annie 1747. ^ant ^a cna'ne de ccs ir)ines eft au milieu des terreins a coquillages. Pour- quoi ne refte til fur cette chaine aucune trace du parage de la mer, foit que le terrein qui porte les coquilles ait ete le lit de la mcr qu'elle a abandonne peu-a-pcu, foit que la mer foit lortie d'un autre lit pour inon- der ces terreins ? II eft bon de remarquer que ces plantes petrifiees des mines de charbon different de celles qu'on trouve dans les tufs par le grain , par la conlif- tance & par la place qu'elles occupent •, les premieres font tres-fouvent a de grandes profondeurs fur le fonnnet de montagnes feches & arides-, au- lieu que les plantes des tufs, dont la petrification eft recente, & fe fait tons les jours , font dans des endroits bas & a portee de l'eau de quelque fontaine qui les arrofe, & cette petrification qui fe fait a l'air , eft toujours plus tendre & plus legere que celle des plantes de nos mines. On peut conjeclurer avec fondement, par la place que ces demiers fofliles occu- pent, que leur petrification eft au moins aufu ancienne que 1'elcvation des montagnes , & qu'elle s'eft faite dans des endroits plus bas ou plus a portee de l'eau : pour qu'une petrification fe faffe, il faut que les fucs petrifians foient dilfous, & qu'ils le ioient long-temps. 3°. Les tcrroirs des deux obfervations precedentes , entierement de- pour vus de coquillages foffiles, femblent etre en revanche la matrice pro- pre de toutes fortes de mineraux & de mines metalliques, dont quelques- unes furent anciennement exploitees , d'autres le font encore aujourd'hui : telles font les mines d'argent , de plomb & de cuivre a Bahours , a Ville- fort, a Carnoujet, & celle d'antimoine a Malbos, aupres de Saint-Aiu- broife. Les mines de plomb & d'argent mineralifes les plus abondantes, celles qui promettent le plus, font celles des filons. Les filons font des veines pierreufes & cryftallines qui traverfent les rochers , & qui portent un mi- neral au milieu de leur epaiffeur •, ces veines pierreufes iont tres-difteren- tes de celles que nous avons remarquees ci-devant dans les rochers de marbre, de talc & de granit, qui font etroites, de peu d'etendue, tres- multipliecs, la plupart tortueufes, incertaines, niais qui de plus font tou- jours d'un mcrae genre de pierre pour chaque genre de rocher. Les filons au contraire , ceux au moins que j'ai vus dans nos Sevennes, font rares ; ils ont environ un pied d'epailfeur, ils plongent de champ dans la terre , ou plutot dans les rochers , avec une inclinaifon toujours a-peu-pres la meme, qui eft de 30 a 40 degres •, ils s'etendent de cette fa9on a plulieurs lieues en longueur, ils traverfent quelquefois pludeurs montagnes de fuite, . toujours en ligne droite , & cette direction n'a rien de commun avec celle des lits & des bancs des rochers qu'ils ne fuivent point, comme le font les petites veines. Outre cela, les filons des mines de plomb & d'ar- gent contiennent a la fois differentes matieres , comme du quartz , du fpath, DE L'ACADfMIE ROYALE DES SCIENCES, i+i fpath, du mineral dc cuivre & de plomb , & dc la pyrite, qui forment ' des mali'es feparees : & ail dtifaut dc la mine , qui occupe ordinaircment H i s t o i r h le milieu, on y trouve du mica, du talc tranfparent , du vcrre dc Mof- Natubei i i. covie, &c. Lorfque le fiJon aboutit a la furface des tcrres, on ne trouve d'abord Annie t?47* qu'un mineral imparfait qu'on appelle la mine mnrtc ; d'nne couleur matte & noiratrc, cc qui annonce que le filon eft metallique •, & on en augure bieu , fur-tout (1, a mefure qu'on creufe, ccttc cculcur secb.ircit, & ii Ton trouve , coinme on dit , des mouches de plomb , e'eft-a-dire , des grains epars de bon mineral. II paroit par-la que Taction de 1'air a etc Un obftacle a la formation des metaux , a l'arrangement , a la conibinaifon , * l'union de lcurs parties, lorfqu'ellcs etoient dilfoutes, & qu'elles nageoient dans ccllcs du filon qui Ieur lert de matrice. J'cntrevois line foule de ditH- cultcs dans la formation des filons, dans leur composition, leur forme, lair direction , dans leur pofition a legard du rocher envirounant, dont ils nc font fepares d'un cote que par une legere couche de terre, cc qu'on nomme Wpcnte : mais cet examen nous meneroit trop loin ; je dirai ieu- lement qu'il y a telles de ces difhcultes qui font trcs-ernbarrjiiantes pour ceux qui veulent tout expliquer dans 1* formation de la terre. 4°. II n'y a abfolument de ccquillages petrifies ( au moins n'en ai-je point vu aillcurs) que dans les terres & les rochers limonneux, & dans les quartiers qu'on nomme dans le pays terre fromentde , terre de cauJJ'e , terre de blanqueiras , ce qui revitnt a-peu-pres au rneme. Je comprends fous le nom de pierre on de rocher limonneux , non-feulement les mar- bres, les pierres a chaux, mais encore cclles qui fans ctre pierres a chaux, ont un limon pour bafc , (a) quelque couleur qu'elles aient , de quelque confiftance qu'elles puilTcnt ctre ; les belemnites, par exemple, ne fe trou- vent chez nous que dans des pierres mortes, & ces fortes de pierres, quoi- qu'elles foient calcaires & que leur bale foil limonneufe , ne donnent ja-» mais de la chaux lorfqu'on les fait calciner a l'ordinaire, parce qu'elles ne font pas penctrees de fucs pierreux propres a fe convertir en chaux. 5°. J'ai vu fouvent des montagnes dont le terroir & les rochers etoient limonneux & encages aflez avant, comme des prefqu'ifles dans le terroir des Severities -, d'autres en etoient entierement entourees & s'y trouvoient ilolees fee qui a beaucoup de rapport avec ce que j'ai deja remarque dans la feconde obfervation. ) J'ai fouvent rencontre des coquillages fofliles fur ces montagnes, mais jamais dans le terroir des Sevcnnes qui les touche ou qui les environne. (a) Quoiquc le fimple coup d'ceil fuffife a ceux qui fe font eserccs a connoftre les pierres , pcur lew faire difiingucr fur le champ d.- quelle nature font ctlles qui leur tom- bent feus la main, II y a cependant un excellent moyen que donne M. de Reaumur, Sour s'afuier fi elks font 'imonneufes : on pulvexife la pierre, en lave enfuite & 1'on e'trempe dans IVaa la poufiiere qui en proviem; des que I'eai :rtpck;e, & que tout eft pieopiie , fi la pierre droit limonneufe , on trouve daiu les premieres cou- ches de ce qui-s'eft depofd, un fediment ductile, ou qui peut fe peirir , 5: qui a les autres propric'tes du limon qui fervit d'aburd de bale a la pierre durcie par les lues peuinans. Tome X. Panic Franfoi/e. H h 2+i ABREGE DES MEMOIRES .I.IH.M— $i c'e([ [ci un effex c£ll h^f.ird, qui ne fe trouve cependant jamais (1 conf- H i s t o i ii Etamment icpcti; , pcurquoi les coquillages fofTilcs affecTrent-ils dans tons k'S Nvtuuellk cantons c!tle fil parcnuius , Oil certain genre de pierre preferablement a tout autre.' Si ces difierens terroirs furent voifins de tout temps, pourquoi Annie Z"*iJ. les coquillages ne (bnt-i!s point repandus indilferemment fur les uns comme fur les autres: s'lls font des depots de la mer, les terroirs qui ne portent pas les marques, foit de fon fejour, foit de Ion paflage, auroient-ils paru depuis ? Les montagnes des Seventies auroient-elles cte pour lors cachees & couvertes par d'autres terroirs? Je fais que dans la philofophie des (iecles precedens , ce phenomene n'auroit caufe aucun embarras : les productions les plus regulieres , les plus conflantes, palfoient pour des jeux de la nature, & cette nature etoit un mot vuide de lens : certain terroir pouvoit engendrer tels ou tels fof- liles, tandis qu'un autre en cngendroit d'une autre efpece, & cela ne fouf- froit pas de difficulte. Une meilleure phyhque & de bonnes obfervations ont ramene a des fentimens plus raifonnablcs; on eft plus difficile aujour- d'hui fiur ces pretendues generations, on ne connoit que celles qui vien- nent des plantes ou des animaux ; e'eft h ces demiers qu'on rappoite avec railon les coquillages foffiles; quelque metamorphole qu'ils aient cprouvee dans le regne mineral, ils font, des leur origine, l'ouvrage des animaux qui les ont habites, ils en faifoient partie : il feroit inutile d'en appbrter des preuves , il n'y a qu'un fentiment fur cela parmi les plus faVans natu- raliftes , & mime parmi ceux qui , fans avoir etudie la nature , ont des yeux & du difcernement , & ne font point entetes des prejuges des anciens. Mais de plus , les coquillages fofliles etoient originairement de la mcr : les plus incredules pcuvent s'en convaincre par l'exaCte reffemblance qu'ont In plupart des efpeces avec celles qu'on tire de nos cotes ou des mers itrangeres. II ell vrai qu'il y a des coquillages fofliles de terre ou de ri- viere, qu'on voit figures dans qnelques auteurs; mais ces lortes de fofli- les, fe trouvent rarement •, ce qui doit faire prefumer qu'il y en a reelle- ment fort pen , de me me que des analogues du mem? ordre qu'on trouve fur la tcrre ou dans les rivieres dans l'erat naturel. C'eft par-la qu'on pent d'abord les diftingiier des coquillages de mer petrifies ou non , le nora- bre prodigienx de ceux ci pouvoit feul former ces amas immenfes que nous avons remarques fur quelques-unes de nos chaines. On fait d'nil- leurs que les plus grands coquillages terrcftres ou fluvtatiles n'approchent pas de la tailie d'un grand nombre d'efpeces qu'on trouve tous les jours dans la mer. Ce qui met ce point encore plus hors de doute, c'eft que les coquil- lages fofliles portent d'autres coquillages qui leur font adherens , tels que des tabulates , des oftracitcs & des balanites , ce qui eft un caraftere ex- cludf pour les coquillages & pour tous les corps lolides qui appartiennent a la mer. Ces coquillages accetfoires , & qu'on peut appcller para files , font, par rapport a nos fofliles, ce que font en fait d'antiques certaineS marques qui jfechappent point aux connoifleiirs , & qui leur font diftingiier DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. »4f ttn morceau d'une antiquitc reculee, une medaille frappse au bon rnin , MSB " " — d'avec des pieces modernes & contrcfaites. t, 6°. Dans Ics pierres qui contienoent 1c plus dc coquillages & d'autres m depouilles de !a mer , conimc dans certains marbres appcllrs lumachelle , ranas , Gv. je n'ai jamais appercu dans les veines blinches qui les tra- AnrJe tj+j, verient, qu'un fuc petrihant, pur & cryftallife ; il n'y a ni coquille, ni madrepore, quoique lout Ic refte du marbre en foit enticrement tifili, & ne loit prefque tout qu'un detriment de coquiiles. Mais il tie faut pas prendre pour veines dans les marbres toutes les parties blanches qu'on y appercoit , & qui ne font bien fouvent que des madrepores, des aflroi- tes, des rettfpores, & enfin dili'crens coquillages natiareflement biancs, & qu'il eft aife de reconnoitre a leur forme, a leur contour, & a leur orga- nifation. En y regardant de prcs , on vcrra que le grain des veines qui sueiident en long eft tout different, & que dans I'efpace qu'elles occu- p at , il n'y a dans leur cryftallifation aucune matiere etr.-.ugere : les ma- drepores, les coquillages font dans le limOn durci, dans la partie choree, oil dans celle ou le marbre eft plus opaque. Les gercures & les f.nt.s qui, en fe rempliirant d'un fuc cryltallin , font l'origine des veines pierreufes; ccs fentcs , dis-je, font done poft^rkures au depot qui s";ft fait des ma- drepores & des coquillages dans le Union, qui eft la bafe des pierres co- quilleufes. La remarqne precedentc doit egalement avoir lieu, a queJques egards, pour les marbres biancs, les marbres fiatuaires, les albatres de diftirentes efpeces , les difterens gyps, & enfin pour toutes lea pierres calcaires qui ne font formees, commc les precedentes, que d'un fuc pierreux cryftallue & durci, fans aucun melange de terre cu de Union. On ne trouye ja- mais dans ces fortes de pierres on de rochers , ni coquillage , ni ma- drepore, ni aucun autre debris de la mer, quelque voilins que foient ces rochers, de ceux ou les coquillages foifonnent, & qui ont pour bafe un Union. 7°. Les rochers des montagnes qui font par lits inclines a l'horizon , ont des inclinaifons dirferentes dans chaque montagne ; ces lits ou ces bancs (ont ordinairement droits & ne luivent point la convexite de la montagne , ce font corr.me pluheurs tables pofees 1'ime fur 1'autre; elles penchent toutes egalement d'un meme cote, & ce cote fe perd dans la terre, randis que le cote oppofe releve de facon qu'on pourroit compter le nombre des bancs par celui des tranches qu'ils p'refentcnt ; e'eft ce que j'ai remarque plulieurs fois dans nos chaines , dont les montagnes ont un cote efcarpe, qui n'eft pas toujours vers un meme endroit, & 1'autre cote forme un talus. Si les montagnes fe font elevees de terre dans un boule- vcrlement, ce fera fans doute par le cote qui eft efcarpe : j'ai vu plus ra- rement des montagnes dont ies bancs en nuviflent la convexite, & fuflent plies dans les vallons. 8°. Enfin, il y a des montagnes dans le Gevaudan , Ics unes de gra- nite, les autres de talc, dont le fommet eft termini par un ou pluficurs bancs de rochers de chaux ou limonneux ; mais je n'ai jamais remarque Hh ij 144 ABREGE DES MEMOIRS S mujuamum que recipr.oqucment ce dernier genre de rocher fervit de bafe aux prece- „ dens, on qu'il tut furmonte p.ir des rochers de talc on de granite : dans ■»- ' le premier cas, l'inclin.iilon des lits on des feuillets des rocliers talqueux, LE' n'avoit rien de commun avec celle des bancs des rochers limonneux : on Annc'e zt.-.t. verra pent- etre la raifon de cette fingularite & de quelques autres pheno- menes , dans un eilai d'explication , & dans la fuite des reflexions que j'a- joutetai aux obfervations precedentes. Dans toils les endroits du royaume oii il y a en des obfervateurs , on a trouve des coquillages petrifies •, & il paroit par les ouvrages des favans etrangers , & par les relations des voyageurs , qu'ou pent en dire autant des autres etats de 1'Europe , & des autres parties du monde. On trouve par-tout des debris de la mer dans l'interieur des rochers des pays les plus mediterranes , ou les plus eloignes des mers •, & j'ofe dire que s'il y a fur cela quelqu'exception a faire, elle ne vient probablement que de la na- ture des terreins, ou de la place qu'ils occupoient lors du depot des co- quillages , & des autres debris des animaux. Cette efpece de fofllle li generalement repandue, prouve fans dotite, oil que les continens d'aujourd'luii furent autrefois le lit ordinaire de la mer , ou qu'ils furent inondes par le debordement de fes eaux ; des bras da mer, des golhs , des baies , & d'autres pareils enfoncemens de la mer dans les continens, quelque multiplies qu'ils fuifent, ne fufriroient point pour (atisfaire a toutes les obfervations. II faut done neceffaifement admettre un displacement general de la mer, de quelque f.icon qu'il fe loit fait, & que fes eaux aient depofe, tant lur le premier lit qu'clles occupoirnt, que fur les continens qu'elles ont inon- des , plulieurs couches de limon ; qu'elles aient repandu les coquillages mdiiicremment , & a-peu-pres egalemcnt dans tous les endroits ou ellcs fe font portecs ; & des lors il eft evident que les anciens rivages & le premier lit de ia mer ont di'i contenir beaucoup plus de coquillages, que les continens des memes temps , qui n'ont en que ccux que l'agitation de l'cau ou les courans y auroicnt tranfportes. En fuppofant que tous ces coquillages engages dans le limon furent penetres, comme lui, des files fiUrifians mis en dillolution & repandus par-tout an moyen de l'eau , le imon & les coquillages ont dii etre lies enfemble par la incme petrifica- tion , & ne faire qu'un nxher qui aura rtgne dans tous les endroits que la mer aura converts. Dela toutes les pierres a coquillages font des pierres limonneufes : les eailloux meme qui portent des coquillages & qui paroilfent etre d'une na- ture li differente des rochers calcaires & limonneux , font toujours en- toures d'une craie qui eft line efpece de limon , {a ) au milieu duquel les (a) J'ai trouvg bien fouvent de ces fortes de eailloux reconverts d'une croute epnifl* «Ie pierre cre'tacee & limonneufe, qui c'toit affez tendre pour qu'on la put rutilTer avec le cuuteau. J'ai eu occafion de mtme de voir des quai tiers d'une pierre limonneufe, tendre, legere, fpongieufe, qui ne reffemtloit aucuncment aux eailloux; ccpendant, en la cafiant par le milieu, je remarquai qu'elle portoit dans fen centre un commencement de vrai caillou , d'ou ie fulil droit des eiinceilefc DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. »45 cailloux vagues, Holes & arrondis femblent fe former tons les jours dans ^^T^^^^5 certains endroits : dela encore on comprend que les endroits ou les co- u quillages foffiles font ramaffes en plus grande quantite, ont fait probable- >j . ment partie, ou des rivagcs, ou de I'ancien lit dc la mer : li on en trouve dc grands tas dans lefquels une feule efpece domine , e'eft que certaincs Annie l~4J. efpeces de coquilles ( comme on le voit tous les jours parmiles poiiibns) abondent davantage fur certaines cotes , & s'y multiplient plus que dans d'autres. Un pareil displacement des eaux de la mer foumit des explications pour bicn des phenomenes , mais il ne fuflit point encore ; il faut en admettre un autre, general ou particulicr, qui s'eft fait dans les parties folidcs dit globe , & auquel on doit rapporter l'elevation ou la formation dc la plu- part des montagnes. On a vu diflerens veftiges de ce displacement & de diffcrens derangemens , dans le courant de nos chaines & dans ce que nous avons dit du terroir des Seventies \ & Ton ne pent nier, d'apres les obfervations faites dans ces derniers temps, que la geographie, ou plutot que la lituation des terreins les uns k l'egard des autres n'ait bcaucoup change depuis la creation ; les mcrs & les continens ont d'autres limites & fe font mutuellement deplaces. Les coquillages petrifies, de meme que les autres foffiles du regne ani- mal ou du vegetal, font, pour ainli dire, les medailles & les monumens fur lefquels on peut decouvrir les epoqucs & les circonfcances de cette partie dc l'hiftoire naturelle ; ce lont des temoins lubliftans de ces evene- mens-, ils annoncent par- tout oil on les rencontre, des revolutions arrivees a la furface du globe : ils depofent fur-tout bien clairement , i °. que la formation des montagnes & des rochers Iimonneux 8c calcaires ne remonte pas jufqu'a, l'antiquite la plus reculee; 2.°. que tous les rochers coqtiilleux ont etc formes d'un limon Sc d'une p.ite qui fut molle dans fon origine, lorfque les coquillages & les autres foffiles y furent moles & confondus ; 3°. que les montagnes & les rochers furent entaffes ou eleves long-temps apres la generation & la vie des coquillages qu'ils ont enveloppcs & qu'ils contiennent", 40. enfin le melange & l'intime union des coquillages avec les rochers, prouvent que les uns & les autres eurent le mime fort, que leur petrification fe fit dans le meme temps , qu'ils furent eleves a la fois au-dtlius des plaines , qu'ils eprouverent enfemble les memes agitations & le meme boulevericment. Je puis ajouter que li les coquillages petrifies donnent un? marque de nouveaute ou d'une moindre antiquiti aux montagnes fur lefquclles on les trouvc , on pcut bten foupconner que l'epoque des montagnes de leur voifinage, qui ne contiennent aucune efpece de petrification de plantes oil d'animaux , eft de meme plus rapprochce, qu'elles ne font pas plus ancien- nes que les premieres , qu'elles ont eprouve des derangemens pareils , & que e'eft a ces derangemens qu'elles doivent leur formation ou leur ele- vation. II fan recourir a de pareilles conjectures & a ces fuppohtions de deran- gemens qui ont fait clever les montagnes , pour expliquer dune maniere i45 ABREGi DES MEMOIRES MM^M plus plaufible pourquoi les coquillages alfcttent tellemcnt un certain genre tj de terrein , qu'on n'en trouve conftamment jamais dans d'autres qui font Watur'-lle attcnans ' p0lirqli°i Un'e montagne a coquilles n'en a fouvent qua fou fommet, tandis que tout le bas, qui eft: d'un autre genre de terrein, en eft: Annie IJ4J- entierement depourvu •, pourquoi certaines montagnes portent dans leurs rochers elevts des coquilles d'un grand volume, d'un teit fort mince, qui font cependant entieres & bien conlervees •, pourquoi enfin on trouve a pen pies autant de coquillages fur le haut des montagnes efcarpees , que dans les plaines qui etoient plus a portee de la mer. On repond a ces difficultes d'une maniere plus naturellc, en admettant des derangemens , des bouleverfemens , dont je crois avoir prouve l'exif- tence, lorfque j'en ai fait remarquer les veftiges. II eft vrai qu'il.eft plus aife de les reconnoitre, que d'en decouvrir les caufes mechaniques, que d'en demeler les routes & d'en affigner les loix; ce ne ptut etre Ic fruit que d'un grand nombre d'obfervations : que pourroit-on conclure de celles qui auront ete faites dans un canton ou dans un pays particulier , qui ne flit fujet a etre dementi ou contredit par celles qu'on fera ailleurs? Quoi qu'il en foit , je vais propofer encore la iuire des conjectures ou m'ont conduit mes oblervations : celles que j'ai deja rapportees, lemblent indiquer que lorfque le limon depofe en dilierentes couches commencoit d'acquerir quelque conliftance , au moyen des lues petrifians dont il etoit penerre, le bouleverfement ou le loulevement des terres fe fit fentir plus ou moins violemment dans les ditierentes parties du globe, tant des mers que des continens, l'effet ne fut pas egal par tout : ti les forces & les re- finances furent plus ou moins inegales, par une fuite naturelle certains en- droifs auront garde le merae ordre des couches & la place qu'ils avoient auparavant, la plaine s'y iera conlervee , dans d'autres, les terres fe feront peu foulevees, & auront forms des buttes, des coteaux; li les couches de limon etoient encore molles, dies durent preter & le plier felon la con- vexite ou la concavitc que le terrein prenoit en s'elevant : ailleurs les cou- ches de limon , tant celles qui avoient ete formees nouvellement , que les inferieures qui formoient l'ahcienne furface, furent foulevees d'un ou de plufieurs cotes a la fois •, li leur limon fut plus ferme, ellcs fe detacberent fans plier , des couches auxquelles elles etoient continues lur le meme ni- veau : la tranche des premieres fut mife par ce moyen a decouvert : on a pu voir dans la fuite dillerens bancs de coquillages vers le haut & vers le milieu de ce terrein eleve, e'eft a-dire, les coquillages de 1'aneien lit & ceux qui furent depofes long- temps apres : li le loulevement ne le lit que d'un leul cote , ce cote plus eleve & detache du relte doit etre efcarpe , tandis que le cote oppofe s'abaiife en talus & eft recouvert de terre. Enfin , dans certains cantons , tel que celui des Sevennes , le fouleve- nient du terrein aura ete plus grand & plus general ; le terrein des cou- ches inferieures place, des l'origine du monde, au-deffous de toutes les couches de limon , fe fera fait jour ; il aura perce les couches de terre , les bancs de rochers anciens qui le couvroient de tout temps, il les aura DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 147 Jettes ou ccartes a 1'cntour de diiTcrens cotes, il aura parti un? nouvc-IIe «»^—»— — terre , cachee auparavant au-dcllous de cclle qui formoit la lurface des t r continens & des liis des mers : cc terrein (era depourvu de toutes fortes XT , de debris dammaux & de vegctaux , ce qui clt evident-, mais en revan- che , il aura mis a notre portee les nietjux qu'il rcntermoit & qui Lui lont Annie IJ4J. proprcs , a l'exclufion des autrcs. Ce que je viens de dire en dernier lieu , convient affez bien au ter- roir des Seventies, tout hcriiic de bautes montagnes fans aucune plainc; ce pays femble porter les caractcrcs d'une terre ncuve, cachic Ions les ter- res a coquiliages, lorfqite le depot s'en faifoit. Quoiquc ce foulevement des terres & des montagnes foit an parti vio- lent, line fuppolition des plus et ranges, elle expliquc des phenomencs qui ne Ic font pas moins, elle fournit des reponles a des objections tics em- barrallantcs dans toute autre hypothefe ; celle que j'avance ici 11 'a d'ail- leurs rien d'abiiirde, & en l'admettant une fois , on pent rendre ration de la dilierence que les coquiliages & les autrcs folTiles mettent entre le ter- roir des Sevennes & ceux qui lont limonneux : on cumprend de mcrae facilement que le terroii des Sevennes doit lervir quelquer'ois de bale aux rochers de chaux oil limonneux, & que cek ne doit pas etre reciproque-, on voit encore pourquoi les rochers limonneux d'une montagne ilolee & entouriie d'un terroir de talc ou de granit , contiennent des coquiliages petrifies, tandis qu'on n'en decouvre aucun dans le voilinage, pas meme iur le pied de cette mime montagne, il Ion terrein eft de ditferente na- ture, &c. Je n'ai garde cependant de pretendre repondre a tout , de concilier toutes les obfervations, en an mot, de batir un fyfteVne; ce n'en font ici tout an plus que des morceaux detaches , ce lont des materiaux encore ih- formes que je laille a une main plus habile a rediger & a mettre en ordre. Le temps & de nouvelles obfervations donneront peut-etre le denouement des difricultes qui m'.injtent aujourd'hui , & redliheront ccs idees, s'ils ne les font cependant abandonner entierement. Je terminerai ce long memoire , & ce qui «regarde le terroir des Se- vennes , par une obfervation que j'eus occalion de faire en parcourant , dans line partie de botanique, les montagnes de I'Aigoual & de I'Efperou, qui font les plu> hautes des Sevennes , qu'elles bordent du cote du cou- chant. Je fus etonni de trouver fur ces hautes montagnes & a tres-peu de dif- tance de leur fornmet , des vallons ou des fondrieres d'une prufondeur inorrae & trcs cfcarpees dts deux cotes : cette profondeur me parut d'au- tant plus furprenante, qu'il n'etoit pas vrailemblable qu'elle eiit ete creufee par les eaux pluviales, comme le font toutes les ravines-, l'elpace que ces eaux auroient parcouru pour arriver la, n'etoit ni alfez long, ni afiez ra- pide pour former un torrent qtii put creufer la terre & l'empoi ter : ee qui me confirma dans cette opinion , e'eft que les deux cotes de ces vallons ou de ces profondes ravkves Stoignt tout converts d'une monffe epaiife & haute cf environ un pied , les fdrrrrhitts feules etoient venes , les feuilies E 148 ABREGE DES ME MOIRES SSSg — — ^ du bas de la tige etoient mortes , celles qui etoient tombees , avoient „ forme im terreau entaffe dc prcs d'un pied de hauteur : il .etoit aiii de ju- j. ger fur ces caracteres , que cette mouife avoit pluheurs annees d'ancienne- te, & que de plus, la terre quelle couvroit, n'avoit etc, depuis que la Annie fj^j. mouffe etoit fur pied, ni ecorchee ni emportee. La profondeur de ces vallons ou de ces ravines qui commencent des le fommet de ces montagnes , feroit done reftee la mime pendant un temps tres-conhderable, quoiqtie pendant ce temps, qu'on ne peut guere deter- miner , il y eut eu probablement d'auffi fortes pluies qu'il en tombe coiu- numement •, & comme les pluies d'une ou de plufleurs annees fe refiem- blent a pen de chofe prcs ou ne s'excedent pas de beaucoup en force & en quantite, les vallons de l'Efperou fe feroient done conferves & auroient refte des fiecles entiers dans le racrae etat, & toujours couverts de mouife: rien n'empeche alors de remonter & de dire qu'ils furent taillcfs dans la forme qu'ils out aujourd'hui, des la formation des montagnes & des val- ines , & que les torrens ni les pluies n'ont point de part a leur ex- cavation. II eft a prefumer de meme que le fommet de ces montagnes n'a point baiffe-, les pluies y tombent de moins haut, tres-fouvent les images ne font pas plus eleves, je parle de ceux qui font prets a fe fondre en pluie; je m'y trouvai line fois enveloppe, & ce qui n'etoit alors pour moi qu'une legere bruine , fut line groffe pluie au pied de la montagne. D'ailleurs , le fommet de l'Efperou n'eft qu'une grande prairie, tout eft couvert dun gazon epais qui lie la terre & qui la foutient ; les brouillards ,~les pluies & la neige qui fe fuccedent pendant toute l'annee , entretiennent la ver- dure & donnent line fraicheur continuelle aux plantes , dont la plupart font graminees & vivaces, en forte qu'il y a telle efpece de fane d'herbe qui peut avoir plufieurs fiecles d'anciennete. OBSERVATIONS D'HISTOIRE NATURELLE. I. Poiffbn extraordinaire. jlift. .LVXr. de Reaumur a fait voir le deffein d'un petit poiflbn, trouve: le 10 odlobre 1747, dans un etang du duche de Saxe-Gotha; on le pre- fenta vivant au prince qui, apres fa mort, l'a fait foigneufement conferver dans I'efprit de vin. L'etang ou il a ere trouve, avoit ete peuple de car- pes •, & le poiffbn en queftion en eft effecftivement une d'environ quatre polices de long, qui depuis les ouies jufqu'a la queue ne diftere en rieu d'une carpe ordinaire-, mais la tete eft abiolument differente de celle de ce poilibn , elle reffemble beaucoup a celle d'un oifeau a bee pointu, qu'on noaime : DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 14? nomme hochequeue : le bee en differe en ce qu'il eft exactcment fermi *— — — — — * par les cotes, de facon que la partie fuperieure eft adherente a l'infirieure ; jj f mais cette partie fuperieure eft ouverte en-deffus, par line fente d'environ NATURELLF Un quart de ponce, cette ouverture fervoit apparemment de bouchc a l'a- nimal, & c 'etoit par-la qu'il prenoit fa nourriture : les yens font plutdt Annie IJ47- ceux d'un poiifon , que ceux d'un oifeau , du refte la tete eft fans plumes & unie comme line tete de carpe. Quelle organifation finguliere, oil quel derangement d'organes a pu produire dans un memc individu ce bizarre & fingulicr melange de deux efpeces II diflerentcs , quoiqu'elles aient unc origine commune ? I I. Longue vie des perroquets. . On fait communement que les perroquets vivent tres- long- temps. Comme il y en avoit tin a Florence qui avoit acquis par fi vieillelfe unc elpece de celebrite, M. de Reaumur pria M. l'abbe Ccrati de vouloir bien lui mander ce qui en .etoit j & voici ce qu'il en apprit : le plumage de cet oifeau etoit blanc avec line feule huppe couleur de role lur la tete ; il avoit le bee & les pieds noiis, & parloit extremement bien; il etoit de la grolTeur & da poids d'un bon poulet de trois mois. A l'egard dc fon age , il n'a pas etc poflible de le favoir au jufte , il avoit etc apporte a Flotence en 1655, Par 'a grande-duchefle Julie-Vittoirc de la Rovere d'Urbin, lorfqu'elle y vint tpoufer le grand- due Ferdinand, & cette prin- rcctfe dit alors que ce perroquet etoit l'ancien de ja mii'on*, il a vecu a Florence pendant pres de cent ans. Quand on ne lui donneroit, fur ce que dit la grande-ducheife , qu'environ vingt ans de plus, il auroit done vecu pres de cent vingt annees. Ce n'eft peut-etre pas le plus long terme de la vie de ces animaux -, mais au moins eft- il fur , par cet excmple, qu'ils peuvent allcr jiifques-Ii. ■ Tome X. Partie Francolfe. Ii i:« A D R E G E D E S M E M O I R E S H I S T O I R £ NAiuREiir. DESCRIPTION dnnSc TJ4S- D E • D E U X N I D S S I N G U L I E R S F A I T S PAR DES C II Z N I L L C S. (. Mim. JZjntiie plufiturs morceaux d'hiftoire naturelle que M. Ie due d'Orleans a reciis cette annee, & qui lui ont ete envoyes par M. Lieutaud chirur- gien, & par M. lejuge, confeiller au confeil fuper.ieiir de 1'Ifle de France, il s'eft trouve deux efpeces de nids faits par des chenilles , dont la conl- tru&ion eft affez finguliere pour meriter d'etre decrite. Ceux d'une ef- pece font chacun 1'ouvrage d'une feule chenille; ceux de l'autre font dus chacun h line nombreufe famille dune autre efpece de ces infecles. Les chenilles qui conftruifent les premiers, font entrer dans ces nids de petits morceaux de bois arranges dans un certain ordre : il n'y a rien d'etranger dans ceux des autres ; ils font de foie pure , & d'une foie affez forte. Nous connoiffons , il eft vrai, par les memoires de M. de Reaumur fur les in- feiftes, plufieurs nids de ces aniniaux qui reffemblent en cela a ceux dont il eft ici queftion : il ne faut , pour en avoir quelque exemple , que fe rappeller ks coques de dirlerentes chenilles qui le depouillent de leurs poils pour afiermir les parois de ces coques, ou qui les enduifent de terre ou d'autres matieres , comme de petits morceaux de feuilles deffechees : on peut encore trouvcr de ces exemples , & qui fe rapprocheroient en- core plus de nos nids , dans les fourreaux de plufieurs teignes aquatiques, qui font en partie compotes de coquilles , de grains de fable, de feuilles feches ou de batonnets, arranges avec ordre & avec line efpece de fym- m^trie. Les nids des chenilles communes, & fur tout ceux des procef- fionnaires , dont la conftruccion eft li bien decrite & avec tant d'art dans les memoires cites ci-deflus, peuvent aufli fe comparer avec ceux dont jc veux parler; mais quoique ces nids foient ties artiftement faits, & qu'ds femblent demandcr beaucoup de vues dans les animaux qui les conftrui- fent, on petit dire qu'une feule propriete qu'ont ceux dont il s'agit ici, & qui manque aux autres , paroit exiger plus de precaution de la part des chenilles qui les ont faits. Ces nids font fufpendus a des branches de dif- fcrens arbres , & tiennent en cela- des nids de plufieurs efpeces de guepes qui ne nous out ete bien connues, & autant qu'elles meritoient de 1'etre, que depuis ce que M. de Reaumur nous a donne fur leur conftruclrion. Ce feroit peut-etre trop avancer que de dire que les nids que nous vou- lons decrire font dus a des otivrieres aufli adroites que le font les gue- pes, & fur- tout les guepes cartonuieres j mais ce ne le fera pas trop, fans (a) Ces nids \iennent du Fort- Dauphin , i3e de Madag:ifcar. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 151 doute, que d'affurer que s'ils manquent de certaines iingularites que 1'nn — — .'. admire avcc raifon dans les nids de ccs mouchcs , ils ont les leurs, qui nc H 1 s t o 1 R S mcritent pas moins que nous nous y arretions. II falloit que la chenille, NATUb.ille, qui fe renter me dealt dans fon nid , flit fe precatttionner contre le ballot- tement qui pourroit lui arriver dans les mouvemens dont fon nid feroit Annie J J -id* ftlrement agite par ceux de l'air. Les chenilles qui fe renferment en grand nonibre, avoient cet inconvenient a prevoir, & de plus, celui qui pou- voit arriver de leur nombre li les coques n'avoient pas telle on telle for- me, li elles n'ctcient pas attachees les lines aux autres. On verra, lorfque j'aurai entitlement fait la defcription de ces deux efpeces de nids , qu'il refuheroit an inconvenient encore plus grand de la conftruftion meme de ccs nids, li les chenilles nc le prevenoient pas, quoiqu'en meme temps il ne demandat a l'etre qu'avec certains menagemens. Ce font ces differentcs conliderations qui m'ont engagi \ decrire cet nids , lorfque je me fus principalement appercu qu'ils avoient paru attirer {'attention de S. A. >S. qui approuva volonticrs que je communiquaffe mes obfervations h. l'academie , & qui en meme temps me fit l'honncur de me dire qu'clle fe regardoit comine etant de ce corps, par les diffcrens membrcs qui lui ctoient attaches , & qu'clle lui feroit volontiers connoi- tre, p.ir mon moyen , ce quelle pouvoit poffeder d'intereUanr, en hiftoire naturclle. Ces nids le feront Jans dome pour ceux qui aiment cette icience, non-feulemcnt par leur lingularite, mais encore en ce qu'ils ne font, a ce que je crois , decrits par aucun auteur. Ceux qui ne lont conftruits que par line chenille, font plus longs que larges-, ils ont la forme dun fuleau un peu moins alonge par la partie lu- perieure que par l'inferieure : celled finit par line efpece de tuyau cylin- drique forme par le retreciffement que le nid fouftre dans cet endroiti l'autre a un coilft , an bout duquel il y a an anneau qui paffe dans la branche a laquelle le nid ell fufpendu. Ce nid eft, i proprement parler , compofe de trois plans ; l'un eft forme par une toile foyenfe qui recouvre cxtcrieurcment tout le nid, le fecond par un affemblage de batonnets, & le troilieme par une coque qui eft de foie. Les batonnets ne paroiffent done point a l'exterieur, comme dans les fourreaux des teignes aquati- ques : il eft facile cependant de s'alfurer qu'il doit entrer dans ces nids une autre matiere que de la ioie-, ils paroiffent avoir des efpeces de pro- longemens de cote & d'autre , qui font attribucs , lorlqu'on touche ces nids, a toute autre matiere qua de la foie : li on les met a decouvcrt, & qu'on enleve ainli la toile loveufe qui les recouvroit, Ton voit que ces pe- tits batons manquent lur la partie du nid qui forme le tuyau inferieur, & hiperieurement fur le tiers ou environ de ce nid. Cette derniere partie ii'eft,pour ainli dire, point frappee, les brins de foie font prelque fans liailon , ou du moins 'ils en ont une qui eft beaucoup plus lache que le refte : les batonnets iont pofes horizontalemcnt, & prelque parallelement les uns aux autres ; ils ne font ordinairement attaches que par le milieu , les deux extremites reftent libres; ce qui ne pouvoit etre autrement, a moins que la chenille n'eut choili des batonnets verds & flexibles, qu'clle li ii 151 AB K £ G I DES ME MOIRES mn u imi^— eut du alors prendre fur les arbrcs memes : com me il y a tout lieu de Hpenler qu'elle fe fert de ceux qui font tombes de ces arbres, elle ne pou- ISTOIH.tr..1,. . . \ i n- ■ l - "e r ••t voit leur fa ire prendre la courbure ncccliaire pour que ces batonnets fui- lent attaches d-iiis leur longueur, ce quelle auroit ete obligee de faire lur Annie 174$. llne coque dont la fection horizontale eft un cercle. Ces batonnets in- flexibles ne pouvoient done etre que comme autant de tangentes a ces cercles : il lemble que la chenille en a ete inftmite , elle ne les attache prefque que dans le point du contact : s'ils ne le font done que dans line fi petite etendue, il ne faut pas croire pour cela qu'ils puiffent fe detacher; les brins de foie font tellement multiplies , qu'ils forment un lien aflez large & aflez fort pour retenir exadtement chaque petit baton : outre cela, il ire paroit que la parois interne de la toile qui les rccouvre y eft telle- ment attachee, qu'elle augmente encore cette liaifon-, ce qui fe fait aife- rnent fentir lorfqu'on enleve entierement cette toile exterieure : on ne peut le faire qu'en caffant des brins de foie , comme Iorlqu'on les deta- che de la coque interieure. Les batonnets des plus grands nids font lilfes fans poils ni epines-, ils font d'un blanc fale, parfemes de petits points oblongs, que j'ai cru pouvoir regarder comme des glandes, & que j'ai appelle glandes lenticulaires : (a) ceux des petits font brans, couverts de poils ou filets coniques d'un jaune foufre, & garnis d'epines affez groffes & aflez roides , dont la bafe eft applatie , & qui font alfez femblables 2 celles des ronces. Lorfqu'on a enleve ces petits batons , il refte line coque d'un blanc fale & fouette de njarques brunes & tranfverfales, qui out ete occalionnees par ces petits batons. Les parois internes font lifles & comme enduites de quelque matiere gommeufe ou refineufe ; il part de ces parois des his de foie qui forment une efpece de refeau an milieu duquel la chryfalide fe trouve placee : l'orifice interne eft bouche par une maffe confiderable de foie d'un tiflii lache & facile a divifer. Cette coque ainli depouillee de fes batonnets & de la toile qui les recouvre, n'eft tout au plus que de la moitie de la groffeur du nid •, les plus petits de ces nids font, dans leur plus grand diametre, d'environ un pouce & demi, les plus gros d'environ deux pouces. Les coques des premiers ne font done que de trois quarts de pouce en largeur, celles des feconds d'un pouce-, des coques de cette largeur & qui ont toute la longueur du nid, e'eft-a-dire, dans les plus pe- tits de trois pouces & demi , & dans les plus grands de quatre pouces , de telles coques ne laiflent pas d'etre encore aflez coniiderables, & il faut que la chryfalide qui s'y renferme, le foit auffi, fur-tout li, comme celle-ci, elle remplit prefque entierement la coque. Malgre cela, Ton ne peut gucre s'empecher d'etre frappe d'abord de la difference du volume de la coque comparee avec toute la maffe du nid : on s'attendoit a avoir une coque beaucoup phis grotfe , mais fon volume eft contiderablement augment^ par les petits batons, qui n'etant pas attaches dans toute leur longueur, oc- cadonntnt ainfi des prolongements qui tendent la toile qui les recouvre, (a) Voyez I'annee 1745, Colleftion Acadt?mic[ue , Partie Franjoife, Tome IX, 8c ei-apres dans 1'ArticIe de la Bounique. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. if1 ce qui donne de la capacite & de 1 etendue a tout le nid ; proprictc qui Sgggj n'eft: pas fans doutc inutile dans un nid audi artiftemtnt travaillc, & oil t. ,r . . .,,, JrliSTOiRE tout iemble avoir ete prevu. Natvuillf. En eftet ce nid etant fufpcndu , il y avoit a craindre que Ics niouve- mens qu'il doit fouffrir de ceux dont 1'air fe trouve fouvent agite , ne fif- Aimie 1749. fcnt continuelkment balloter la chryfalide-, cet inconvenient fe trouve k-ve par le releau qui entoure cette chryfalide , & auquel elle eft encore atta- ched par deux crochets qu'elle a a fa partie poftcrieure; ainli ailcrmie, elle fuit tous les mouvemens que la coque peut. recevoir, & elle n'eft: point f>ortee tantot d'un cote, tantot de l'autre, & dans un fens cohtraire a cc- ui de la coque ; ce qui feroit indubitablement fouvent arrive fans cette precaution. Si la chryfalide avoit a craindre que fon etat de repos flit trou- ble par des fecouffes reiterees , elle avoit encore plus a apprchender line efpece d'infefte qui doit vivre fous la forme de ver aux depens d'autres inleiftes & s'en nourrir , je veux dire , les mouches ichneumons : Ton fait que les femelles de ces mouches depofent leurs ceufs dans les nids de prefque cous les infecles, qu'elles les placent fouvent dans le corps de plu- iieurs, & meme dans leurs ceufs : il pouvoit done facilement arriver que la chenille du nid de laquelle il s'agit ici, n'evitat pas un h cruel ennemi, fi elle ne favoit pas former l'orifice interne de fa coque; cet orifice eft; done bjuche, Sc il 1'eft meme avec certaines precautions : cette efpece de bourre loyeufe dont j'ai park, eft: le bouchon dont la chenille s'eftfervie, & elle l'a rendu alfez gros pour qu'il put relifter entierement aux efforts d'un ani- mal aulli conliderable que celui qui pouvoit entrer dans fa coque , dont l'ouverture exteiicure , qui n'eft pas fermee, eft: de plus de deux oil trois ligncs , & peut encore devenir plus grande par la facilite que l'aninul trouveroit a la dilater en forcant les parois du tuyau , qui cedent aile- ment malgre leur tiffu ferre. La chenille previent ceci en faifant la maffe foyeufe alfez large pour bencher exaclrement l'orifice interne , Sc alfez longue pour qu'elle ne foit pas elle- meme a portee de l'animal qui pour- roit parvenir jufqu'a cette ouverture. Mais li cette efpece de diaphragme 011 de valvule met fi bien a couvert la chryfalide , n'y a-t-il pas lieu de craindre qu'il ne devienne aufli un obftacle invincible pour le papillon, lorfqu'il devra fortir de cette coque? quand le titfu de ce bouchon feroit aulli fort que celui de la coque, ni.in.i il le leroit meme beaucoup plus, il n'y a pas de doute que 1'in— g&e ne trouv.it moyen de fortir de cette coque : la nature lui auroit ap- Fris qiu'lque art pour l'ouvrir, oil l'atiroit fourni de quelque liqueur pour amollir & la rendre ainli plus facile a percer, comme elk l'a fait pour pluheurs autres efpeces d'infeiites. II paroit que tout ce que celui- ci fait executer, ne conldle qu'a ecarter & a divifer la bourre (oyeule qui doit lui ctre facile a penetrer, quoiqu'elle doive etrc d'un ditricile acccs aux autres inlcttes qui ne cherchent qu'a lui nuire : (a lortie eft encore facili- tie par la litu.ition dans laquelle la chryfalide fe met. Qaoique la partie- fuperieure de la coque foit moins frappee que le rcfte, qu'a la rigueur le papillon auroit pu ailement penetrer a travers a caufe de fon tiliu l.'.chr, I *5+ ABRiGfi DES ME MOIRES mm ma m.m j^iujinif \\ gtoit cependant plus naturel qu'il fortit par la partie inferieure qui ne fe ,r trouve bouchce que par de la bourre. Audi la chryfalide cft-elle phcee H i s t o i r e ■ , , .1 / , a , . . J .. . r .. •»T la tete en bas, & enroncee meme un peu dans la bourre; par- a le papil- Ion n eft point oblige de le retourner , quoique , s u cut etc neceliaire Annce tJ4g- qui' le fit, il n'eilt pas ete fans doute plus embarrafle h executer ce mou- vement fans en fouffrir, que quelques autres a qui cela arrive dans de pa- reils cas. Quoique j'euffe fous les yeux dans le fecond nid qui fera decrit plus bas, & qui eft dil a line nombreule famille de chenilles, quoique j'eulfe, dis-je, un exemple d'un nid fufpendu & denui du plan de petits batons dontcelui-ci eft entoure, j'ai toujours ete ported a croire que ce plan pou- voit etre fait pour defendre encore la chryfalide, & la mettre h convert de quelques infultes. Nous avons appris par les memoires de M. de Reau- mur , quel gout les oifeaux de nos campagnes , les chardonnerets , par exemple, ou les moincaux francs, ont pour les chenilles communes •■, ces oifeaux dechirent & mettent impunement en pieces ces nids pour en tirer les chenilles qui y font renfermees , & dont ils fe nourriffent fur-tout en hiver. Ces oifeaux ne peuvent pas fans doute li aifement detruire les nids de nos chenilles, munis comme ils font de petits batons lies etroitement & affez pres les uns des autres pour former un lit continu : & e'eft je crois, pour de femblables vues que ce plan eft conftruit, plutot que pour remplir le peu de loie que la chenille fourniroit , comme on pent aife- ment le penfer. II eft en effet difficile de taxer d'indigence un inledre qui petit fe filer une coque telle que celle.oii il fe renferme, qui peut la bou- cher d'une maffe auffi confiderable que l'eft celle dont j'ai parle, qui peut de, plus recouvrir le plan de batonnets qu'il a lies par de la foie, d'une toile auffi ferree & aufli forte que l'eft celle dont il eft envelopp6. Ce n'eft done pas trop prefer a notre infedle que de dire qu'il a fu fe precautionner contre des ennemis plus forts que ceux dont nous avions d'abord parle , & tels que peuvent etre des oifeaux , qui par leur bee fort & robufte font plus que capables de dechirer un nid fait feulement de foie , ou , comme celui des chenilles communes , muni feulement de feuilles qui le deffe- chent promptement , & qui deviennent encore par-la plus aifees a depe- cer , mais qui peuvent bien faire de vains efforts contre un nid defendu comme l'eft celui-ci, etant fur-tout fufpendu, & donnant par-la moins de prife k ces animaux , en ne fourniffant pas un appui folide oil ils puilfent le placer. Cela etant , il faut avouer que cette chenille l'emporte en pre- voyance fur celles qui conftruifent l'autre nid , qui peut etre expofe aux memes dangers, & par confequent les chryfalides qui y font renfermees. Un infedte qui fait fe precautionner contre taut de perils , ne devoit pas fans doute etre mal-habile dans un point auffi eflentiel que l'eft celui de la fufpenlion de fon nid. Puifque ce nid devoit etre ainli attache , il devoit lctre de facon qu'il ne put aifement fe detacher , & que cependant il put ceder a toutes les agitations oil il pouvoit etre expofe : e'eft ce que l'animal a prsvir, fi l'attache eut ete trop lache, le nid auroit pu coll- ier le long de la branche, & fouvent tomber par terre ; li elle eut etc DE L'ACADfiMIE ROYALE DES SCIENCES. MT trop ou trop pea fertile , die auroit pu fe defaire ou fe carter. Inftruits comme nous le fommes, je crois que nous ne pourrions pas mieux =fiir ^ i $ t o i r i que ccttc initcte , & que nous ne pourrions gucrc poullcr l'attention plus jt loin que hit : li nous avions tin parcil corps a fulpendre , nous le fenons fans doute au nioyen d'un anneau qui embralTeroit exactement cclui ou Anntt 17.75. nous voudrions i'attacher ; nous palferions une corde dans cct anneau av.mt que de l'arreter; & li , pour plus de fiir;te, nous nous fervions de pluficurs de ces cordes, nous les attachcrions cnfemble par d'autrts cordes tranfverlales , & nous en formerions ainli un faifcea'u d'autant plus fort , que les cordes feroient plus multiplies. C'eft ce que notre chenille fait; & s'il y a quelques differences , elles ne tournent qu'i l'avantage de fon induftrie. Kile forme un anneau qui ferre la branche avec la dernicre exactitude : les dernicrs brins de fils qui le compofent, ou ccux qui font a l'exterieur , ne font pas entierement le tour de la branche, les deux bouts font alonges & rapproches 1'un de l'autre vers le milieu du deflbus de l'anneau , & y font minis par des fils tranfverfaux ou obliques. Cette efpe'ce de ficelle eft continue avec la partie fuperieure & peu ferree du nid; ces brins de foie, de convergens qu'ils etoient , font devenus di- vergens , & cela pour former le corps du nid. Cette continuite intime du nid avec la ficelle foyeufe ou le collet, & de celui-ci avec l'anneau, rend le tout encore plus foliie & plus fur , de forte qu'il n'eft guere poffible de lui donner plus de folidite; folidite cependant qui eft tellement coin- biiue avec la flexibilite, que le nid pent aifement fuivre les moindres im- preffions qu'il recoit de l'air, ou de telle autre puiffance qui agiroit lur lui. Cette aifance a fe inouvoir eft augmentee par le tilfu ladie de la par- tie lupjrieure du nid •, la toile qui le recouvre exttrieurement , & la co- que, ont cet endroit beaucoup moins frappe qus le refte, de ftcon qu'il y a moins a craindre que le collet ne rompe , ce qui auroit pu arriver li ce collet & le nid euffent ete d'un tilTu egalement ferme dans toute leur ctendue. Lorfque ce nid eft entierement fini , & que la chenille s'y eft renfer- mee pour n'en plus fortir fous cette forme, on peut dire qu'elle a fait tout ce qu'on pouvoit attendre pour que fon etat de rcpos ne flit point trouble : n-.ais comment cette chenille s'y prend-elle pour faire un nid ou il entre tant de vues & tant d'adreffe ! Nous avons bien tache de decou- vrir ces vues, en debatiffant, pour ainh dire, ce nid, & en mettant tous les materiaux lous les yeux : tachons maintenant de nous reprcknter cette chenille en travail , & employant pour le conftruire toute l'adrede qu'elle doit avoir. Kile pouvoit s'y prendre de trois facons, commenccr par faire 1'enveloppe extetieure, placer enfuite les petits batons, & finirpar la co- que; ou bien faire tout le contraire , ou conftruire les trois plans en memc temps. Je crois que c'eft de cette derniere facon qu'elle s'y preiid , quoi- que , a la rigueur , il ne flit pas impoifible qu'elle le fit de l'une ou de l'autre maniere •, mais elle trouveroit fans doute plus de diiriculte a arran- ger les batonnets li elle commencoit par 1'enveloppe, & eile fuivroit, en comuiencant par la coque , une voie toute contraire a ceile que touus i^6 AB R i G t DES MEMOIRES : les autres chenilles fuivent dans la conftrudtton de la leur ; ce qui n'eft pas H o i r e probable, vu la conformite de tous ces infe&es dans le plan general de ■it1 S T la conftru&ion de leur coque , outre quel'union des extremites du nid de ATunt . notre cnenj][e eft trop iutirne pour que tout n'ait pas ete fait en meme Jnn/e 1749- temps. Cela fuppofe , voyons comment cette chenille execute ce qu'elle a a faire , & tachons de la fuivre dans Ton travail. On ne peut avoir de dome fur la p.irtie par Iaquelle elle doit commencer, c'eft filrement par l'an- ncau : elle peut le faire en tournant plulieurs fois autour de la branche, '& en y lailfant un fil a chaque fois, oil bien, en fe tenant fixe fur un en- droit de cette branche , elle portera fa partie anterieure tantot dun cote tantot d'un autre , en la courbant affez pour embrafler cette branche & en faire letour. Cela ne doit pas etre difficile pour line chenille aufli groffe que le doit etre celle qui fait un nid li confidcrable , & dont la chryfalide eft li grande : elle attachera done le bout d'un fil dans un en- droit , & en retirant fa partie anterieure elle lui fera faire. le tour de la branche , en la ramenant de 1' autre cote oil elle collera l'autre bout du fil au meme endroit , ou a-peu-pres , oil elle a attache l'autre; enfuite elle fera la meme chofe en fe repliant dans le fens contraire au premier, & ti- rera un nouveau fil qu'elle placera de meme, ce qu'elle repetera autant de fois qu'il fera neceffaire pour achever cet anneau , & lui donner line lar- geur Sc une epaiffeur proportionnees a la maife du nid, & qui foient tel- les que le nid foit attache furement. L'anneau fait , il lui eft facile , fans fe deplacer, de filer le faifceau auquel le nid fera fufpendu : elle n'a qua attacher dans toute la partie inferieure de l'anneau des fils qu'elle laidera d'abord Iibres , & quelle reunira enfuite par des tils tranfverfaux , comme nous l'avons dit plus haut : elle pourroit encore le faire en donnant aux fils qu'elle attacheroit aux cotes de l'anneau , la forme d'anfe a panier , ce qu'elle conlinueroit ainii, en faifant ces anfes proportionnellement plus pe- tites fuivant qu'elle alongeroit le faiiceau ou collet ; mais la premiere fa- con me paroit plus conforme a ce que Ton remarque en examinant la par- tie meme du nid, ce qui nous a fait penfer qu'elle etoit celle que l'iniecte choililfoit. Quels que foient les moyens que cette chenille emploie pour faire le lien qui foutient le nid, elle n'a, lorfqu'il eft fait, execute que le plus aife ; elle doit maintenant travailler , pour ainfi dire , en l'air , a moins qu'on ne vouliit qu'elle fut tellement choifir un lieu commode pour fon travail , qu'il y eut quelqu'endroit voilin de ce lieu , comme une autre branche, oil le tronc de l'arbre, ou tout autre corps fur leqiK'l eile put fe placer. Ce feroit la fans doute la maniere la plus aifee, & celle que nous choilirions preferablement dans des ouvrages femblables; mais les infedes places dans les fituations les plus defavantageufes & qui demandent le plus de peine, favent toujours executer ce.qu'ils doivent faire : notre chenille pourroit a la verite , etant pofee fur un corps qui feroit au bas de la bran- che oil fon anneau eft fait , commencer & filer fon nid en alongeant le -faifceau de fils. On concoit quelle n'auroit pas befoin de beaucoup d'adrelle DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 157 d'adrefle pour cela, mais je crois qu'une chenille dont le nid doit etrc fuf- «^~ BBBE ^** pendu, doit favoir le conftruire independamment de tout autre echafau- jr dage que les premiers fondemens de ce nid; je penfe done quelle quit- Natirellf. tera en partie la branche oil cllc eft attachee, quelle ne s'y tiendra, par exemple, que par les pattes pofterieures, & qu'elle s'avancera fur le faif- Anr.U 1743- ceaux ou fe tenant accrochee par les pattes ecailleulcs, elle pourra ficile- ment commencer le haut du nid, fur lequel elle s'avancera a proportion qu'il prendra de l'etendue : lorfque cette etendue fera telle qu'elle pourra s'y placer entierement, elle travaillera alors a former ce que i'on pent ap- peller proprement le nid. Jufqu'a prefent la chenille n'a ete obligee que de tirer de fon propre fonds line matiere qui lui a etc donnee alfcz abon- damment , mais il faut maintenant qu'elle fache trouver ces pctits mor- ceaux de bois dont il a ete parle dans la defcription du nid : il faut , ce qui demande encore plus d'adrelle , qu'elle fache les monter a la partie du nid qui eft deja faite , & qu'elle ait celle de les placer exactement : tout ceci fe fera fans beaucoup de peine; la chenille (e defcendra jufqu'i terre au moyen d'un hi qu'elle attachera a la partie du nid qui eft deji faite ; la, fans quitter fon fil, elle cherchera un petit baton, & probable- ment elle ne fera pas long-temps fans en trouver; faille d'un de ces baton- nets , elle le tiendra exactement ferre entre fes pattes de derriere & celles du milieu, & le couchera le long de fon ventre; enfuite elle remontera ainli chargee , par le fil qui lui a iervi a defcendre ; arrivee au haut de ce fil , & par confequent a fa partie du nid oil il eft attache, elle fixera dans cet endroit le baton qu'elle porte & ce fera fur-tout par le milieu, & le placera horizontalement. C'eft fans doute ce qu'elle a du faire, puifque e'eft ce qu'on obferve avoir ete reellement fait, comme il a ete dit dans la defcription du nid ; mais comment concevoij que cette chenille par- vienne a fon but, (i elle refte fufpendue a fon fil comme nous l'avons laif- * fee? Ce n'eft pas cependant que je penfe qu'elle y refte, il lui feroit im- poflible de parvenir a fes fins ; elle n'auroit pu attacher ce batonnet, & fe tenir en meme temps fufpendue au fil qui lui a fervi d'echelle; en remon- tant elle devide ce fil entre fes quatre dernieres pattes ecailleufes , & en fait On petit peloton. II ne lui feroit pas facile , en tenant ce peloton , de faire paffer par-defTus, le petit baton qu'elle tient entre fes pattes membraneufes & les pofterieures ; il faut done qu'elle fe decharge de fon peloton de foie, mais alors elle manque d'appui , & fi elle ne s'etoit pas auparavant mife en furete , elle tomberoit infailliblement ; elle a fu fe pre- cautionner contre cette chute. Ce qui eft fait de fon nid a aflez la forme d'une calotte fpherique, & eft affez ctendu pour lui procurer un endroit commode oil elle puilfc fe placer, foit en dehors, foit en dedans, & elle f>eut d'autant plus facilement s'y attacher, que cette calotte eft d'un tiffu ache, & n'eft, pour ainfi dire , qu'une efpece de bourre; il eft ainli trcs- aife a cette chenille de fe cramponner au moyen des crochets dont fes pattes font armees. Lorfqu'elle eft done arrivee a cette partie de fon nid , elle doit s'y mettre de facon a n'avoir pas beaucoup de peine a attacher le petit baton qu'elle apporte, foit qu'elle fe place fur le deffus de la Tome X. Partie Franfoi/e, Klc q£ A B R E G E D E S M E M O I R E S — — j calotte fpherique, foit que ce (bit en dcffous; ll elle choilit 1'iine oil l'ailtre rr (ituation , il n'y a nulle difticulte : placce horizontalement pres de la cir- XT conference de cette partie , elle depofera le peloton de foie qu'elle atta- Natuiulie. i vi i ,. V .. ,, c r r i i ia. chera a Ja calotte; enlutte elle rera un pen couler le batonnet en avant, jinnee Z749. ^e detachers ainti de fes pattes pofterieures, & le fixera au moyen de plu- lieurs tils qu'elle faura multiplier autant qu'il eft neceffaire pour faire un lien aflez fort : elle l'allurera encore plus en faifant tout de liiite , corarae je le penle, la partie de la toile qui doit le recouvrir exterieurement, & celle de la coque qui le fera interieurement. Ce batonnet etant place, la chenille doit travailler a en placer un autre ; elle s'y prend fans doute de la fagon qu'elle a employee pour fixer le premier, & je crois qu'elle le fait en alongeant fa coque circulairement en tout fens ; par- la elle trouve de plus en plus de la facilite dans fon travail , & elle a plus d'etendue pour fe procurer line lituation commode. Mais, quelle que foit cctte fa- cilite, elle ne peut pas abreger beaucoup le temps qu'il faut quelle em- ploie a aller chercher les batonnets : chacun exige un petit voyage, ce qui doit demandcr un certain temps : on compte dans un nid des moins gros, au moins une centaine de ces petits batons •, ainfi c'eft line centaine d'al- lees & de venues qu'elle eft obligee de faire, & qui feront plus on moins longues , fuivant que la branche oil le nid eft attache, eft plus ou moins elevee : lorfque tous les batons font places, il faut alors boucher le nid. Quand la chenille trouveroit le moyen de 1'executer avec de pareils petits batons, ce qui ne lui feroit pas facile, le papillon auroit beaucoup de peine a rompre cette digue, on plutot il ne le pourroit pas •, ti elle le fermoit fubitement avec un bouchon de foie ou par une toile, peut-etre qu'elle pourroit etre trap expotee dans 1'etat de chryfalide a quelques-uns de fes ennemis : que fait-elle dpnc ? Elle alonge fi coque de telle fagon qu'elle forme un canal a-peu-pres cylindrique, Fouverture eft ainh deja beaucoup diminuee, la chryfalide fe trouve moins a portee de Taction des animaux dont elle peut avoir quelque chole a craindre , & il doit leur etre plus difficile de s'introduire par ce canal dans le nid , que li ce nid en etoit prive : quelques-uns pourroient cependant forcer cet obftacle, leur peti— telle pourroit le leur permettre •, notre chenille oppofe ^ ceux-cifa maiTe foyeuie dont j'ai deja parle, elle ferme exactement l'orifice interne du ca- nal, & met ainli la chryfalide a couvert de toute furprife ;Jk ti, quelque- fois cette chryfalide ne laiffe pas d'etre devoree par des vers de quelque mouche ichneumon, il faut que la mouche ait depofe fes ccufs avant la cloture parfaite du nid, ou fur la chenille meme , avant qu'elle te fut ren- fermee dans fon nid. II faut avouer qu'il entre dejii beaucoup de (oie dans ce nid, & qu'une chenille qui a pu fournir i tout, doit en etre bien pour- vue-, elle peut encore cependant en trouver , & meme une aflez bonne quantite : Je crois qu'il lui refte a atferrair les parois internes de la coque, & qu'elle le fait en y ajoutant quelque couche de tils, & peut-etre en les enduifant dune matiere retineufe ou gommeufe , vu le liife & le luifant de ces parois : enfin elle doit encore filer ce refeau au milieu duquel elle fe trouve placee, & au moyen duquel elle eft exempte de tous les DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. M> balottemens quelle pourroit fouffrir fans lui , dans les mouvemens dont la — ^— — coque pourra etre agitee. u Avant que de dire quelque chofe de la chenille qui fait conftruire ce at nid , jc crois devoir decrirc celui qui eft fait par line famille rntiere de ces infe&es : la premiere a beaucoup de rapport , a ce que je crois, avec Annie 1749. cellcs-ci , & je penfe qu'elles font de meme genre ', j'en rapporterai les railons. Le nid dont il va done etre maintenant qucftion , convient en plufieurs chofes avec le precedent •, il eft comrae lui fufpendu a une branche d'ar- bre; comme lui, il a par erabas un canal ou tuyau dont l'orihce exterieur eft ouvert, & l'interieur ferine par line bourre loyeufe. Le dernier nid dif- fere du premier en ce qu'il n'a pas la figure d'un fufeau, mais celle d'un cone renverfe & comprime de devant en arriere-, en ce qu'il n'entre point de petits batons dans fa conftraction , qu'il eft entierement de foie , & qu'il eft, comme on le fait deja, l'ouvrage d'un grand nombre de che- nilles, qui doivent, a ce que je crois, le faire, non pas comme la prece- dente dans le temps precilement de la metamorphofe en chrylalide , mais quelques temps auparavant : il leur fert probablement jufqu'a ce temps, de retraite dans ceux oii elles ne peuvent refter dehors. Je crois qu'elles con- viennent en cela avec les chenilles proceffionnaires, parce que, comme elles, elles fe tiennent feparees fur les arbres, jufqu'a ce qu'elles doivent fe metamorphofer; qu'en attendant elles vivent en folitude , & que lorf- que le temps de la reunion eft venu , elles travaillent alors a la conftruc- tion du nid : elle ne doit pas tant leur couter que celle du nid precedent coiite a la chenille qui le fait. II faut fans doute beaucoup plus de temps a cette derniere; il faut qu'elle fourniife beaucoup plus de foie : en effet, fi Ton compare ces nids enfemble, le premier fera a u moins la quatrieme ou cinquieme partie du lecond ; celui-ci a dans un de fes plus grands diametres, e'eft-a-dire , & fa bafe, un demi-pied de longueur & un pen plus dans un de fes plus grands cotes, e'eft-a-dire, depuis l'extremite in- ferieure du canal jufqu'a un des bouts du grand diametre de la bafe : le plus petit de cette bale eft environ de deux polices. Nous avons vu que la longueur du premier nid eft de trois ou quatre polices , fur deux ou environ de largeur dans fon plus grand diametre ; ainfi il eft aife de voir que je n'ai mis qu'au plus bas la made de ce dernier nid 5 ce que Je n'ai fait que parce que ce nid ayant la forme d'un fufeau , il perd de chaque cote fur les diametres , au-lieu que la forme conique de Tautre n'occa- fionne de perte que d'un fed de fes cotes : laiffant fubfifter la fuppofition que j'ai faite , il faudroit au moins cinq chenilles du lecond nid pour faire le premier, en fuppofant qu'elles foient egales en tout, au-lieu qu'elles doivent etre la moitie moins grandes , cette proportion etant , a peu de chofe pres , celle qui fe trouve entre les chryfalides. II faudroit done dix des fecondes chenilles pour en remplacer une feule des premieres-, ainli I3 conftrudtion de leur nid doit beaucoup moins leur couter qua celles-ci , dautant plus que dans le plus petit des deux nids qui ont etc envoyes, le nombre de ces chenilles monte a cent vingt ou cent trente, & qu'il va Kk ij i6o A B R E G E DES M E'M O I R E S — ""^"^^^m bien a cent cinquante dans lc fecond. Quoiqu'a tout prendre, ces chenilles pj T ne foient pas auffi induftrieufesgue Ies autres, elles ne meritent peut-etre ■\ t . „ pas moms que nous les fuivions dans Ies procedes qu'elles peuveiit mettre IVATVRULE. ' r r-C1 . , „ <- t l> i I r ■ It en u(age. Ce nid eft fans doute loiivrage de toute la famiUe, mais qui tra- Annu IJ49. vaille en difrerentes bandes-, une fuite de ces chenilles arrangee fur la branche a laquelle le nid fera fufpendu , travaillera a former l'attache , ^-peu-pres comme la chenille du precedent nid : je dis a-peu pres, car li Ton s'y prenoit aflez adroitement en tirant la branche, pour que la partie du nid qui l'embraffe ne fe dechirat pas, cette partie ne formeroit pas un annean auffi regulier que l'eft , comme nous l'avons vu , celui du premier nid. La foie a ete peXU-etre employee avec moins d'art , mais elle l'a fure- ment ete pour la (lirete commune', non-feulement une alfez groffe bran- che , mais encore plufieurs petites qui en fortent , fe trouvent prifes 8c entourees par cette attache , qui devient certainement par-la plus ferme & plus fure : cette attache ayant done ete ainfi commencee par une partie des chenilles , une autre viendra par foi> travail en augmenter la folidite , & elle fe perfe&ionnera par toute la fociete. Cette partie importante etant finie, chaque chenille concourra de meme a former le corps du nid-, elle Eourra aifement y travailler en fe tenant fur ce qui fera deja fait. Pour ien entendre comment cela peut s'executer, fuppofons l'attache entiere- ment faite , elle comprendra alors toute la bafe du nid , une partie des chenilles s'y placera auffi a l'aife que fur la branche , en s'y rendant plu- fieurs enfemble, 011 l'une apres l'autre, & chacune l'alongera un peu en- filant horizontalement. Si pliilieurs chenilles travaillent en meme temps , n doit necefiairement arriver que pofees fur les differens cotes de l'attache, le nid s'alongera en tout fens & prendra ainfi une figure fpherique ; li elles travaillent les lines apres les autres, ce que je ne penfe pas, & que cha- cune faffe a plufieurs repriles une partie de la tache , lorfqu'une aura tra- vaille a droite oil a gauche, une autre placee interieurement ou exterieu- rement fur l'ouvrage de celle-ci , l'alongera un peu , & de cet enfemble le nid prendra la grandeur & la figure qu'il a : cette figure ne doit-elle pas en eftet etre la fuite de ce travail? Lorfqu'il a ete commence, les chenilles bien fournies de matiere foyeufe pouvoient faire un morceau conliderable du nid toutes les fois qu'elles travailloient •, peu-a-peu la matiere s'epuife, chaque chenille ne peut par confequent appliquer qu'une piece moins large & moins longue; le nid fe retrecira ainli , decroitra inlenliblement, & prendra confequemment une figure conique. On trouvera fans doute que j.'accorde a ces chenilles beaucoup moins de vues & de prevoyance qua celle qui fait le premier nid , & l'on aimera peut-etre mieux croire que, comme celle-ci fait ne donner d'abord au lien qu'une certaine lar- geur, quelle augmente infenliblement jufqu'a fa moitie, & qu'elle diminue- enfuite dans les memes proportions que celles de la partie fuperieure ; 01* aimera, dis-je, mieux croire que ces chenilles favent donner au leur , la forme d'nn cone applati, comme la premiere donne au lien celle d'un fu- feau ; d'autant plus qu'il faut que les premieres menagent tellement leur foie , qu'elles en aient pour leurs coques , & pour ie refeau & la bourre R £ DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 161 dont elles font entourees , & au moyen defquels ces coques font attachees BBggj" — - aux parois internes du nid, a moins qu'il ne ioit vrai, comine nous l'avons m fuppofe, que le nid (bit fait quelque temps avant que les chenilles fe me- jr' ST ° ' R ' tamorphoient, & que ce temps foit affez long pour que les chenilles puif- fent fc fournir de nouveau de matiere foyeufe. Antuc 17. tj Pour eviter routes ces fuppolitions, on aimeroit peut-etre encore mieux faire cel!e-ci, & dire que ces chenilles ne conftruifcnt leur nid que dans Je temps precifement qu'elles vont filer leurs coques ; que la toile qui forme le nid, n'cft qu'une partie de chacune de ces coques; & que les chenilles favent s'accrocher les lines aux autres , de facon qu'elles peuvent travailler fans fe nuire , & s'arranger fur plufieurs lignes qui , decroiffant proportionnellement , doivent naturellement donner au nid la figure que nous lui voyons. Cette fuppolition feroit probablement celle qu'il faudroit faire, & elle feroit la plus naturelle, li le nid, au-lieu d'etre fufpendu, etoit au contraire applique, comme celui des proceflionnaires , fur une groffe branche oil fur le tronc de quelque arbre ; ells m'a meme beaucoup plu d'abord, mais apres l'avoir approfbndie, j'ai cru qu'elle emportoit avec elle trop de difticultes pour quelle put etre admife : en effet, cornment imaginer que ces infedtes puiffent s'accrocher les uns aux autres , & mal- gre cela le donner tous les mouvemens neceffaires pour filer? Si on vou- loit que cela ne flit pas impoflible , & qu'une partie etant placee fur la branche oil elles doivent fufpendre le nid , porte fur le dos chacune une de leurs compagnes qui feroient chargees chacune d'une autre, & ainfi de fuite , &: qu'attachees fenlement par les pattes pofterieures , elles euffent affez de liberte pour fe donner les mouvemens neceffaires , il arriveroit dcs-lors que l'ouvrage ne feroit pas egalement diftribue a chaque ouvriere; celles qui Jeroient a la partie itiperieure, auroient la conftrucTrion de toute 1'attache a faire outre leur portion du nid ; celles qui feroient a la partie inferieure , leroient obligees de l'alonger, de faire le canal par lequel il finit, & trois ou quatre qui feroient a l'orifice interne, devroient filer la maffe conliderable de foie qui le bouche ; mais Ton fait que les infedtes qui doivent tirer de leur propre fonds la matiere dont leur nid doit etre compofe , font affez economes pour n'en guere faire l'un plus que l'autre > & fe diftribuer affez egalement ce qu'ils ont a executer. La conftrudtion du nid etant done fuppolee finie quelque temps avant celui de la metamorphofe des chenilles en chrylalides , ce temps etant venu , il eft facile de s'imaginer comment le releau & les coques fe filent: les chenilles etant entrees dans le nid pour n'en plus fortir fous cettc for- me, doivent fonger a lui donner un peu plus de conlilfance, elles doi- vent termer l'orifice interne du canal inferieur : cela etant fait en coni- mun , chacune prendra L\ place fur une des parois du nid , elle fiiera la bourre qui entoure chaque coqtie , & elle commencera a un endroit de la parois oppofee ; chacuae concourra ainli a former le releau qui ne l^ra qu'une continuation de celui qui entoure les coques, & an moyen lu- quel elles ne font, pour ainli dire, routes, qu'une maffe qui eft ainii a l'abii de tout bolotteruent. On conceit, fans peine, que lorfque chaque 161 abreg£ des memoires - chenille aura fait line partie de ce refeau, elle pourra aifement fe retour- ner dans cette portion, & s'y attacher de facon quelle puiffe filer l'autre-, Hi s t o i r e ejje (jQjt agjr en ce[a comme toutes les autres chenilles-, elle travaillera Natuhelle. en^ujte au corpS ^ [a COqUe qui fera neceliairement pofee horizontale- Annie IJ49- ment, & qui aura la figure qu'on lui trouve : cette figure eft dans plufieurs celle d'une petite nacelle qui feroit pontee , & dont les cotes feroient applatis. En effet , la partie fuperieure de ces coques eft courbee en arc , les cotes font un peu comprimes , & la bafe eft plate , un pen concave ce- pendant •, les coques qui -ont cette figure font ordinairemeirt celles qui font dans le milieu , celles des cotes font plutot en forme d'cetifs ; leur cote , celui principalement qui eft exterieur , eft moins applati : les diffe- rentes figures de ces coques ne viennent, fans doute, que de ce qu'el'es font plus oil moins preffees les lines contre les autres : celles du milieu 1 etant plus que les autres , leurs cotes font moins bombes , & la conca- vite de la bafe de l'une n' eft auffi due qua la compreffion de la partie fu- perieure de la coque qui la precede. Ces coques n'ont pas la figure la plus propre a permettre qu'on en renfermat un grand nombre dans le plus petit efpace , comme on peut le deduire du probleme qui a ete refolu a Foccafion des alveoles des abeilles,& il doit certainement refter des vuides entre ces coques : il y en auroit reellement & d'affez coniiderables, ft les chenilles ne les avoient pas empeches autant qu il etoit en elles : les co- ques font tres-proches les unes des autres , & le peu de jour qui auroit pu refter fe trouve rempli par la bourre qui les entoure. Tout ceci n'eft fans doute que relatif a ce grand nombre de coques qui devoient etre ren- fermees dans un nid, dont l'etendue & la capacite paroitfent d'abord ne devoir pas furrire pour contenir des coques auffi groffes & auffi multi- pliees qu'elles le font ; leur fituation horizontale femble demander plus de vues & de prevoyance : fi elles euffent ete perpendiculaires & qu'elles eufTent forme ainli plufieurs plans, il auroit fallu que toutes ces chenilles fuffent forties de leur etat de chryfalides dans un tel ordre , que ce chan- gement eut commence a fe faire par celles d'en bas , & ainfi proportion - nellement jufqu'en haut, pour que les papillons euffent trouve moins de iefiftance a penetrer les coques, fi cela eut ete poffible •, quoique, dans la fuppohtion que cette metamorphofe fe fit dans cet ordre , les coques , toutes vuides qu'elles feroient, ne pourroient etre encore qu'un obftacle infurmontable an papillon qui voudroit fe tirer de la fienne, li elle etoit dans quelques-iins des plans intermediaires. Cet obftacle fe trouve leve par la polition des coques •, chaque papillon peut fortir quand le temps de ce dernier changement eft venti , il lui fuflit de percer un des bouts de fa coque, & l'endroit de la toile qui forme le nid qui en eft proche, & il ne doit pas trouver en cela beaucoup de difficulte , vu le peud'epaiffeur de l'une & de l'autre : le tiffu eft en effet tel qu'il permet qu'onvoie la chryfalide tres-facilement au travers ; & celui de la toile , quoiqu'un peu plus ferre , ne 1'eft pas affez pour rehfter teaucoup a la preffion repetee du papillon qui veut fortir, & qui peut meme etre fourni dune liqueur propre a amollir cette toile , & ainli a en faciliter la feparation , qui doit DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i6h devenir moins difficile a proportion cjn'il eft forti plus de papillons, fur- ^^-^^^^— ^ tout (i cette fortie fe fait, comme je le penfe, toujours du meme cote. u Les chrylalides font pofees toutes non-feulement dans le mime plan, nuis ,,/ S T ° 1 R E elles ont toutes la t:te tournee du mcme fens, ainli il n'y a nulle raifon •^>ATUUELLI:- pour que quclques-uns de ces papillons fe retournent atin de fortir du Annie ijaq. nid par le cote oppole a celui que les autres attaquent oour le faire; je penfe done que cette fortie fe fait du mcme cote, quelle fe fait prcfaue en mcme temps ; je dis prefque en mcme temps , parce que des chcnhles qui fe renferment cnfcmble & dans un temps precis , ne doivent pas refter lous la forme de chrylalides beaucoup plus les lines que les autres, fur- tout (I elles font egalement expofecs a un mcme degrc de temperature de l'air, comme celles-ci le font, ayant mcme, felon que je viens dele dire, la tete tournee toutes du mcme cote. De la comparailon que Ton petit faire maintenant de ces deux efpeccs de nids , par la defcription qui en a ete donnee , il (bit que ces chenilles conviennent en pluueurs choles : expofecs aux memes inconveniens & aux memes dangers , elles devoient favoir employer des moyens propres a les prevenir, qui fuffent femblables, ou a peu pres; & (i je n'ai pas inlifte fur ce point en decrivant la feconde efpece, e'efl qiul auroit ete fuperflu & inutile de le faire. Des chenilles qui fe reffemblent tant par leur induf- trie, fe reffemblent elles encore par le genre:- Sont-elles du mcme, ou d'un totalement different ? S'il m'eilt ete poffible de voir les chenilles ou k-s papillons, (a) j'aurois pu refoudre entierement cette queftion •, mais je n'ai tout au plus trouve que les depouilles des chenilles, & les chrylalides vuides & deffrchees : malgre ce peu de fecours, je crois pouvoir avan- cer que les chenilles , & par confequent les papillons , font d'un meme genre. (a) M. Fe Juge m'a, depuis la lecture de ce Memoire, apprb par une Jettre au>il m'a fait I'honneur de m'emre le 16 Dccembre 1751, que les papillons qui fortent de ces r.ids lont Wanes , avec quelques petites taches griies, & qu'ils font fort reffemblans Dour la furme, a ceux des vers a foie. Ce font les termes de M. le Ju"e. 264 A B R E G i DES MEMOIRES H I S T O I R E Natureue. SUR pLUSIEURS FAITS D'HISTOIRE naturelle, Annie 1750, Observes en I t a l i e. Par M. 1'Abbe NoilET. -Li'lTAlIE a, Hift. JLi'iTAtiE a , conime la France, ces infettes qu'on nomine vers luifjns ; mais de plus elle en a d'autres, dont les wis, voltigeans pendant les nuits de l'ete , prefentent aux yeux des voyageurs , & plus encore a ceux des phyliciens, le fpedtacle le plus brillant & le plus admirable, & les autres font etinceler les eanx de la mer de toutes parts, & femblent avoir porti le feu & la lumiere jufques dans le fein des eaux. L'infecte volant lumineux fe noinme dans le pays, lucciola , oil mouche luifante, mais c'eft 1111 veritable fcarabee, a-peu-pres de la groffeur d'une abeille 5 les fourreaux de fes ailes font prefque noirs , & le ventre d'un gris cendre , ou d'un brun jaunatre : c'eft cette partie qui eft lumineufe , & qui Feft affez pour que trois de ces infe-des , enfermes dans tin tuyau de verre blanc , faftent diftinguer pendant la nuit tous les objets d'une cham- bre •, un feul eclaire fufrifamment pour faire difcemer aifement l'heure que marque line montre. Ce que cet infe£l:e a de (ingulier , c'eft que fa lumiere n'eft pas uniforme, & qu'il eft lumineux ctjmme par elancemens: il paroit que les mouvemens qu'il fe donne contribuent a faire paroitre fa lumiere , du moins elle eft beaucoup plus fenfible quand on le touche , ou lorfqu'il le difpofe a s'envoler. La matiere contenue dans le ventre dc l'infefte, tient apparemmeut de la nature du phofphore : M. 1'abbe Nollet a remarque qu'elle repandoit fa lumiere fur les endroits ou on 1'etendoit en ecrafant l'infedie. Celui qui fait paroitre des points lumineux, & par fes mouvemens," des trainees de feu dans les eaux de la mer, n'eft ni (i gros, ni fi aife a decouvrir que celui dont nous venons de parler, & il a long-temps exerce la curiofite & la patience de M. l'abbe Nollet : il voyoit tous les jours, pendant fon fejour a Venife , l'eau des lagunes parfemee d'etincelles tres- brillantes, fur-tout aux environs des maifons oil l'eau agitee par le mou- vement des gondoles alloit fe brifer; fouvent les rames de ces batimens formoient par leur mouvement, de longs traits de feu. II fit vainement puifer de l'eau des lagunes une infinite de fois, il n'y paroiflbit pas la moindre trace de lumiere. Enfin , quelques heures avant fon depart, de nouvelle eau puifee eclaircit tous fes doutes-, il y appercut des points lu- mineux dans lobfcurite , adherens a des feuilles d'algue j il en enleva une, il preffa avec le doigt l'endroit lumineux , & il vit que cette matiere s'e- tendoit comme s'il eiit ecrafe du phofphore. Ayant fait apporter une bou- gie allumee, il n'appercut fur cette feuille aucun veftige de cette matiere, & tie vit qu'une feuille mouillee ; la lumiere nieme parut abfolument eteinte DE L'ACADliMIE ROYALE DES SCIENCES. ifr, et.-inte dans le feau, quand on eut retire la bougie; mais Ie niouvemenf anonom 3 He M. l'abbe Nollct caufa dans lean en voulant prendre un nouveau brin " 'herbe, la ranima en plulieurs endroits : alors ayant approche fon doigt ^ ' s T ° ' R e prcs d'un de ces points lumineux , qui paroiilbit tenir a une forilic, il lit Nati/relle. rapnorter la bougie & appercut un petit infecte d'une corififtanee tres- Annie i-na lnolle, d'un gris blanc jaunatre, forme d'anneaux, avec deux petites na- ' {jeoires & deux petits filets qui lui fervoient de queue; le tout vu a la oupe paroiffoit un peu moins gros qu'un grain de feigle. II le fit voir aux afliftans, & ayant ajoute qu'il regardoit ce petit animal" comme la veri- table caufe de la lumiere des lagunes , on lui dit que cette opinion avoit depuis peu etc propofee par M. Vianclli , dodeur en medecine , ettbli a la Chiozza, ville des environs de Venife, & on lui en montra des preuves. M. l'abbe Nollet a depuis revu les memes etres lumineux a PortoFino ; la il eut Ie plailir de les contiderer dans le bafliri meme, & d'obferver tons leurs inouvemens, qui lui parurent parfaitement fpontances, tels que le font ceux des animaux , & iiiillement femb'ables a ceux d'une fimple nij- tiere phofphorique inanimee. Cet infecte, comme celui dont nous avons deja parle", luit par elancemens, & fur-tout lorfqu'on le touche ou 'qu'on Ie remue ; il s'attache volontiers aux herbes & a la mouii'e : e'eft pour cette caufe que M. l'abbe Noflet eut tant de peine a en trouver dans 1'eau ou'il faifoit puifer, dont probablement on otoit ces fortes de matieres; par la meme railon ils fe trouvent expofes aux coups de rames des gondo- liers, & doivent, par le mouvement qu'ils en recoivent, decrire les longs traits de lumiere qu'on obferve effectivement en cette circonftance. Ces lumieres li eclatantes & G agreables ne font pas les feules don't brille 1'Italie; elle en ofFre, dans quelques endroits, d'une efpece bien difFerente. L'extremite fur-tout de cette belle partie de l'Europe recele prefque par- tout dans fon fein , des feux terribles qui quelquefois fe font jour avec violence , & vomiifent avec des torrens de flamme & de fumee , des fleu- yes de matieres fondues & embrafees; les eaux memes impregnees de fou- fre & d'autres matieres minerales, y prennent une chaleur & des qualites qui leur font naturellement etrangeres, & la terre laiffe echapper dans plu- lieurs endroits , des exhalaifons pernicieufes aux hommes & aux animaux qui les refpirent. Ces efFets font trop capables d'exciter la curiolite, pour que M. l'abbe Nollet ait neglige de les obferver par lui- meme. Un des premiers objets de fes recherches fut 1'examen des eaux foufrees qui fe trou ve en allant de Rome a Tivoli : le ruiffeau qu'elles ferment a, dans l'endroit du pont fur lequel on le traverfe , quatre a cinq pieds de lar- geur , & autant de profondeur : 1'eau y coule aifez rapidement , & exhale une odeur de foufre li forte, qu'on en eft qudquefois incommode a Rom? qui en eft a cinq de nos lieues. C'eft probablement cette odeur de Ibufrc qui a fait donner a ces eaux le nom A'aqua^olfa : il sen trouve de pa- reilles en plufieurs endroits de 1'Italie ; leur couleur tire fur le girafol , & a vapeur qui en fort, penetre a la longue les pierres les plus dures : auffi laqua-zolfa de la campagne de Rome a-t-elle excave a droite & a gau- che Ion lit , qui eft creule dans une efpece de roche a fleur de tcrrc, & Tome X. Partie Franpoife. LI 166 ABRiGE DES ME MOIRES — — ii fe repand deiibus la plaine qui eft entre le ruifleau & la montagne. On „ reconnolt cette excavation au bruit & au retentiffement de la terre , lorf- 1 s T ° 1 R Equ'on y marche, a celui des eaux qu'on entend fe precipiter d'une cavitc iNaturelle. dans i«autre ^ & p[us encore aux ouvertures qn'on trouve en un grand Annie tyto. nombre d'endroits, d'oii Ton voir fortir une vapeur epaiffe •, quelques- unes memes de ces excavations qui ont , pour la plupart , la forme d'un entonnoir , invitent , les voyageurs a y delcendre , par des fleurs de iou- fre d'une beaute admirable qu'elles contiennent; mais il faut bien sen gar- der , fi on ne veut rifquer de recevoir la vapeur qui les y a produites , dc de laquelle on pourroit etre incommode li on y reftoit long-temps expofe. Cette propriete de detruire la pierre, qu'ont les eaux foufrees, doit fer- vir a expliquer comment un petit lac duquel l'aqua-zolfa prend fa fource, peut etre convert de petites illes flottantes : ce ne font que des portions de fes bords que l'eau a petit-a petit minees & dctachees , & qui ne con- fervant du terrein que ce qui eft refte adherent aux racines des plantes & des arbres , flottent fur la furface de l'eau , & y font portees au gre des vents •, explication plus namrelle que celle qu'ont donnee de ce fait quel- ques auteurs qui font produire ces ifles par.un limon eleve & rarefie par le foufre. Les environs de Naples font, de route l'ltalie, 1'endroit le plus fertile en phenomenes intereffans. La fameufe grotte du chien fut le premier qui attira les regards & les obfervations de M. l'abbe Nollet. Cette efpece de caverne eft creufee dans une colline , fur le bord orien- tal du lac Agnano : le terrein dans lequel elle eft creufee, n'eft point du roc, mais une terre fablonneufe, affez ferme cependant pour fe foutenir, quoique les parois foient coupees a plomb : elle a un peu plus de trois pieds de large, pres de deux toifes de profondeur, cinq a fix pieds de hauteur a l'entree, & un peu moins de trois pieds vers le fond. Le terrein va en baiffant, depuis le fond de la grotte jufqu'a l'ouverture , & plus encore depuis la porte jufqu'au chemin qui borne la colline : on obferve aux parois une legere humidite , qui fe fait remarquer par une couleur plus brune qui s'eleve jufqu'a la hauteur de dix polices-, mais cette humi- dite ne produit jamais ni pleurs, hi ecoulement, & on nJy remarque au- cune concretion faline. Lorfque la grotte eft nouvellement ouverte & bien eclairee, on apper- ^oit , en fe baifiant , un fluide qui s'eleve de cinq a fix pouces , aiTez femblable a de la fumee de charbon , excepte qu'il eft plus tranquille, qu'il ne paroit pas fe meler avec fair, mais etre plus pefant, & que l'on voit la furface qui fepare les deux fiuides , fe balancer , comme fi ce fiuide couloit fous fair , en fuivant la pente du terrein. On obferve la meme chofe au-dehors de la grotte, fi ce n'eft que ce fluide y eft moins eleve, & qu'il paroit couler plus rapidement, parce que la pente eft plus grande. Ce fluide eft naturellement plus chaud que fair , & arfe&e les pieds Ik la main qui y font plonges , de la meme maniere que fi on les tenoit huit a dix pouces au-deffus d'un vauTeau ouvert , rempli d'eau DE L'ACADfMIE ROYALE DES SCIENCES. 167 bouillantc. Le thermometre que M. l'abbe Nollct y laifla plough , marqua ■ 11 19 degres au-deflus de la congelation, & probablement il feroit montc ,. plus haut, (i la porte cut etc fermee, puifquc l'air exterieur avoit a peine N' s T 1 8 degres de cluleur. 1N A T u ,u L l '• Un flambeau de cire bien allume, s'eteint promptement quand on le A:\nic 1751. plonge dans la vapeur, mais fans aucun petillcment qui puille faire foup- conner quelle contienne de l'eau ou quelque matiere ialine : la fumee , au-lieu de fe repandre dans l'air , demeure flottante fur la vapeur , & • etend entre elles & l'air •, elle acquiert apparemment par fon melange »vec elle , line pefantcur & une qualite qui l'empethent de s'elever danj l'air , & de s'y didiper : elle coule avec la vapeur , fuivant la pente du terrein , faifant ainlt voir bien fenfiblcment le mouvement de ce ftuide. On oblerve i-peu-pres la meine chole aprcs les eruptions du Vefuve, pres du volcan , & fur-tout dans les endroits ou les laves fe font arretees ; tous les endroits creux fe remplident d'une matiere i-peu-pres pareille & celle de la grotte du chien , & qui femble couler aufli des lieux les plus hams dans les plus bas. Les animaux qu'on plonge dans la vapeur de maniere qu'ils foient obli- ges de la refpirer, paroifl'ent ctre affeetes de la meme facon que ceux qu'on tient fous le recipient de la machine pneumatique, vuide d'air. Un chien qu'on y tint pendant trois minutes , demeura lans mouvement ; on le porta a l'air qu'il refpira a longs traits, & il reprit fa force en deux mi- nutes : un coq foumis a la meme cpreuvc, vomit les alimens- qu'il avoit pris , & fut fufroque dans le moment. Les grenouilles , les mouches , les icarabes, (outinrent plus long-temps les efrets de la vapeur, & cela i-peu- prcs dans le meme ordre qu'ils foutiennent le vuide de la machine pneu- matique. Toutes ces experiences nrouvent evidemment que la vapeur de la grotte eft capable d'oter la vie aux animaux •, mais eft-ce par quelque venin fe~ cret qu'ellc contienne, ou iimplement parce que e'eft un tluide qui exclut l'air? ou, ce qui revient au meme , les animaux qui y periilent, meurent- ils empoilonnes , ou hmplement etourres ou noytis ? Pour decider cette queftion , M. l'abbe Nollet y expofa fucceffivement du papier bleu & du firop de violettes, qui n'y changerent pas fenlible- ment de coulcur : le vinaigre le plus fort n'y fit appercevoir aucune fer- mentation-, le chien qu'on plongea dans la vapeur, le nez entortille d'un linge mouillc de vinaigre, n'en eiTuya pas moins les memes fymptomes qu'il avoit deja eprouves : & le cuivre & le tombac polis n'y fubirent aucun changement de couleur. II relulte done des experiences de M. l'abbe Nollct , que la vapeur qu'on trouve dans la grotte du chien , ne contient , du moins en quantite (enlible , ni acide , ni alkali, ni aucune mariere fulphureufe ou arienicale : toutes ces matieres fe feroient certainement deceives par les eflets qu'on fait qu'elles produifent ordinairement fur les difterens corps qui avoient fcrvi aux experiences. EUe ne contient non plus aucune qualite corrohve qui puiife igir fur Iss LI ij i<£3 A B R E G E des memoires «5;^™^!^55; yeux on fur la gorge des animaux. M. l'abbe Nollet ne s'eft pas contente tr de le conclure des experiences qu'il a faites , il s'en eft affure par des ob- ■»7 fervations decilives , & qu'il n'eut cerrainement pu exiger du plus zelc correlpondant : il a fait manger a un poulet , du pain baigne dans la va- Ann'e t7£0. pen-r> & voyant que cet animal n'en avoit recti aucune incommodite, il a ofe y entrer lui-meme, & refpirer cette vapeur ii redoutee. II s'y plon- gea d'abord fans la relpirer, & ne fentit aucune impreflion douloureuie fur les yeux ni fur la langue ; il n'eprouva que la meme fenfation que lui au- roit procuree la vapeur de I'eau bouillante : il alia enfuite jufqu'a la refpi- rer; pour lors il fentit quelque chofe de fuffbquant, comme s'il fe fut ap- proche d'un gros tuyau de po'cle trcs-echaufte, ou qu'il fut entre dans line etuve > & une legere acrete dans le nez & dans la gorge , qui le fit touffer & etermier , mais fans lui caufer ni naufees , ni mal de tete , ni aucune in- commodite. Cette vapeur ne contient done aucune qualite pernicieufe par elle-meme , & n'etoufte les animaux que parce que e'eft un fluide different de l'air qui, comme on fiit, eft le feul propre a la refpiration des animaux rerreftres , ils y font veritablement fuffoques , comme ils le feroient dans 1'eati bien pure ou dans le vuide : audi lorfqu'on ouvre ceux qui y ont peri, on ne leur trouve ordinairenient d'aiitre caufe de mort, que d'avoix manque d'air. Le territoire de Naples n'offre pas feulement aux yeux des phyficiens des endroits remarquables par des vapeurs extraordinaires •, le fameux vol- can connu fous le nom du mont Veiiive eft a fes portes , & prefente a la fois une ample matiere aux recherches des phylicienSj & un objet de terr reur a fes habitans. Cette redoutable montagne eft (ituee an milieu d'une plaine qu'on voit a l'orient de Naples, fa bale peut avoir environ dix Iieues de circuit, & vers les deux tiers de la hauteur elle fe partage en deux pointes, diftantes 1'une de l'autre d'environ 500 toifes ; la plus feptentrionale fe norame Sornma, & l'autre eft, a proprement parler, le Vefuve. M. 1'abbe Nollet penche a croire que ces deux pointes n'etoient autrefois qu'une feule & meme montagne , qui s'eft diviiee par la fuire , & que fi 011 ne trouva mille part lepoque de cette feparation , e'eft qu'elle eft anterieure aux plus anciennes hiftoires, ou qu'elle s'eft faite peu-a-peu , & a la fuite de plu- tieurs fecouffes eloignees les lines des autres. Pour arriver au volcan , on commence a monter ^ un village nomme Refina , a cinq quarts de lieue de Naples-, & quoique le chemin foit rude, on peut cependant fe fervir de millets. Apres avoir traverfe environ trois quarts de lieue de pays fertile & bien cultive, on rencontre une efpece de plaine, remplie de gros eclats de pierre, de torrens immenfes de ces raatieres femblables a du fer ou a du verre fondu , que le volcan a re- pandu dans les eruptions, & entre-coiipee de ravines tres-profondes , qui font autant de precipices. Cette plaine traverfee, on arrive enfin au pied de cette partie de la montagne qui prend la forme d'un cone tronque j alors il faut quitter neceffairement les mulcts , & grimper & pied le long de cette montagne > aide , li Ton veut , par des payfans qui gagaent leur DE EACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i69 vie a rendre ce fervice aux curieux. Cette partie du trajet eft la plus dif- — ^— — ■» ficile , le terrein n'etant compofe que des cendres que le volcan a vomies dans le temps de fes eruptions , & d'cclats de pierres trcs-aigus , toujours ' s T ° ' R E prcts a rouler fous les pieds. Naturiue. L'experience du barometre, faite au haut de la montagne par M. 1'abbi Annie 2 7AO. Nollet, lui donna la hauteur du mercure de 24 pouces S lignes, plus pe- tite de ; pouces j qu'elle n'etoit le racme jour au berd de la mer, & par confequent celte du fonunet du Vefuve au-deffus du golfe, de 595 toi- fes, tres-diftcrente de celle qui fe trouve inferee dans les memoires de l'academie de Naples. Ce fommet n'eft ni line pointe, ni line plaine, mais line efpece de tre- mie on de baflin de figure un peu ovale, dont le grand diametre, dirigc i-peu pres de l'eft a l'oueft, peut avoir tin peu moins de 500 toifes, & dont la profondeur eft de 80 oil 100 toifes. On peut librement fe prome- ner fur la circonference de ce baffin , dont le fond paroit rempli d'une matiere brune a-peu-pres horizontale, qui cependant ofTre en plulieurs endroits des monticules 011 des crevaffes , & paroit interrompue par de grandes cavites : ce font-la les bouches du volcan, par lefquelles il fort en tout temps une fumee trcs-epaiffe & qui s'appercoit de tres-loin. Lorfque le volcan ne jette que de la fumee, cette colonne difparoit pendant la nuif, mais quand il fort en racme temps de la flamme, efle eft lumineufe dans les tenebres , non que cette flamme s'eleve aufli haut que la fumee , car dans les temps ordinaires elle ne parvient pas a la hauteur des bords du baffin , mais parce que la fumee en eft elle-meme eclairee & en reflechit la lumiere. C'eft dans cet etat quelle etoit lorfque M. l'abbe Nollet examina le Vefuve : le volcan , qui avoit ete affez long-temps cal- me, s'etoit allume, & s'animoit de jour en jour au point de faire craindre quelque nouveaii defordre. Dans les temps ou le volcan eft tranquille , on peut fe hafarder a def- cendre dans le fond du baffin : deux mots & demi meme avant que M. l'abbe Nollet y allat , le lieur Rigade , muficien attache a M. le mar- quis de l'Hopital , accompagne de quelques domeftiques de la meme mai- fon , y etoit defcendu } mais foit que cette demarche fut une temerite reelle, foit que le danger flit augmente depuis ce temps, les memes payfans qui avoient aide le fieur Rigade, & qui etoient pour lors avec M. l'abbe" Nollet, refuferent obftinement de lui rendre le meme fervice, de quelque maniere qu'il s'y prit pour les y engager. Heureufement il n'eft pas neceffaire de defcendre an fond de ce baffin pour favoir ce qui s'y pafle : M. l'abbe Nollet ayant choili un endroit 011 il etoit moins incommode de la fumee , appercut vers le nord quatre bou- ches, de chacune defquelles il fortoit une fois par minute des jets de va- peurs & de flamme d'environ trois pieds de diametre , qui emportoient avec eux de groffes maffes, qu'il prit d'abord pour des pierres, mais qull reconrtut bientot pour des morceaux de ces memes matieres fondues dont le volcan lepand des fkuves dans fes grandes eruptions. Ces jets de flamme ne s'clevent pas jufqu'a la hauteur des bords du i7». A B R E G E D E S memoires — — — baffin ; ils font accompagnes d'un bruit & d'un fracas qui egale les plus grands ,, coups de tonnerre j & dans l'intervalle d'un elancement a l'autre, on en- ■»t tend dans l'intcrieur de la montagne une efpece de mugiifement que RElLh' M. l'abbe Nollet compare an bruit d'un torrent qui fe briferoit dans les Annie IJAO. rochers. Pendant qu'il etoit occupe a cet examen , une nouvelle bouche ' s'ouvritpres de lui avec un li grand fracas, qu'il fentit la montagne s'ebran- ler fous les pieds , & il reconnut encore plus clairement qu'il n'avoit fait , que ces manes que le volcan jctte avec tant de force, ne font, comme nous l'avons dejj dit, que des morceaux de la mane matiere fondue, dont if coule des fleuves entiers , quand il fe fait quelqu'ouverture a la montagne au-delTbus du fond du grand baffin. Ces matieres paroiffent, au premier coup d'ceil, etre du fer fondu; on voit cependant bientot, en les caifant, qu'elles ne font pas du metal, mais une efpece de vitrification opaque. M. l'abbe Nollet eft neanmoins porte, E>ar deux raifons , a croire qu'elles contiennent du fei", elles agillent fur es aiguilles de bouilole, & on refpire au bord du grand baffin une odeur femblable a celle de ce metal diilous dans l'efprit dc fei. La cendre du Vefuve, ou l'efpece de poufliere a laquelle on donne ce nom , ne lui femble pas non plus etre d'une matiere diiferente des laves : dans les temps de tranquilliti du volcan , cette matiere , jettee par une force mediocre, paroit (bus la forme de gros morceaux qui, tout au plus, fe dechirent en lair avant que de retomber dans le bafnn ; mais dans les grandes Eruptions , la violence avec laquelle elle ell lancee , la fepare en parcelles ll menues , qu'elle fe refroidit en l'air , & retombc fous la forme de cette poulliere qu'on nomine cendre. Cette idee conduit a une explication bien naturelle de la maniere dont le Vefuve a detruit ces malheureufes villes , de la perte defquelles les hif- toriens nous ont conferve les epoques, & dont on trouve les redes 60 oil 80 pieds au-delfous des lieux preientcment habites •, elles n'ont point etc remplies par les laves, li cela etoit, aucun eiiort luimain ne feroit fuftifant pour les vuider ; elles font etc par cette poufilere ou cendre metallique, qui, detrempee par les ravines & melee avec la terre qu'elles entrainoient, a forme une efpece de mortier tres-dur capable de conferver tout ce qui y a ete enferme , en le defendant dc fair & dc I'humidite ; ce qui ne ie- roit certainement pas arrive fi elles euffent cte comblees par des cendres, elles auroient toujours donne a l'eau un libre pallage, & auroient contri- bute par leurs fels a detruire ce qu'elles auroient enveloppe ; l'idee de M. l'abbe Nollet fe trouve confirmee par la nature de la terre qu'on eft oblige de detacher en fouillant dans les mines de la ville d'Heraclee , on y reconnoit aifsment la rehemblancc qu'elle a avec la cendre du Vefuve , de laquelle elle ne diftere que par le peu de terre avec laquelle elle eft melee. La tradition conftante du pays eft que dans les grandes eruptions le vol- can a jette beaucoup d'eau avec les differentes matieres qui en font for- ties. L'auteur qui a decrit leruption de 1693, dit que la mer fe retira tout a coup de douze pas , & que fes eaux lortirent en meme temps du S T O I K i k. DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. z7i volcan , de manierc qu'on trouva fur le rivage une quantity dc monies & « d'autres coquillages calcines & fentant le foufre. Cette opinion s'accorde „ parfaitcment avec la relation que M. Bonguer a donnee (a) de l'eruption ' du volcan de Cotopaxi, arrivce en 1741, & avec celle de l'eruption du lIU volcan de l'ifle de Lancerotte , l'une des Canaries, en 1730, dont Annie 17A0. M. 1'abbe Nollet a entre les mains une relation manufcrite. Malgre tous ces temoignages , l'academie de Naples , qui n'a rien ob- ferve de pareil en 1737 > nie abfolument ce fait , qui ne lui paroit pas vraifemblable , & elle aime mieux attribuer aux torrens des caux pluvia- les qui accompagnent ordinairement les grandes eruptions , les inondations qu'on y obferve prcfque toujours. Quelque naturelle que cette explication paroiffe a M. l'abbc Nollet , il ne pent adopter le fentiment de cette favante compagnie, & ne regarde f>as le fait comme denue de vraifemblance : en rapprochant toutes ces ob- ervations, il eft parvenu a fe faire une idee affez ncttc & aflez fimple de ce qu'il croit fe paffer dans I'inteneur de cette montagne, & nous allons tacher de la prefenter en peu de mots. L'interieur du Vefuve pent etre confident comme un vafte creufet, ou, pour parler plus jufte, comme la manche d'un fourneau de forge, dans laquelle des matieres embrafees font melees avec des matieres fondues & vitrifiees par la violence du feu : une partie de la furface, expofee a l'air au fond de l'entonnoir , fe prefente aux yeux comme une matiere folide ; tnais comme elle eft continucllement ramollie par l'aiftion du feu , elle cede de temps en temps aux jets de vapeurs qui partent de l'intaieur , & qui entrainent avec eux ce qu'ils trouvent fur leur paffage. Ces jets de vapeurs fulfureufes, metalliques & aqueufes qui s'elancent avec des tourbillons de flamme & de fumee, font une preuve fans repli- que que le fein de la montagne en contient une grande quantite : ceux qui connoiffent combien l'eau & les difrerentes matieres reduites en va- peurs par l'.icHon du feu , augmentent de volume , ne feront pas furpris que ce foit le principal agent auquel M. l'abbe Nollet attribue la violence des eruptions du Veluve. II eft comme impoffible que la voute qui cou- vre les immenfes foumeaux qu'on eft oblige d'y fuppofer , ne fe mine en quelques endroits , & que dans des temps plus ou moins eloignes il n'en tombe quelques portions : ces mateiiaux , qu'on peut regarder comme froids , eu egard au degre de chaleur des matieres fondues & embrafees lur lefquelles ils tombent, refroidifient leur furface 8c condenfent une par- tie de la vapeur qui rempliifoit ces vaftes cavites •, auffi-tot il s'y forme un vuide relatif, ou, ce qui revient au meme, elles fe trouvent moins p!ei- nes, & l'eau de la mer eft forcee par le poids de l'atmofphere a enfiler des canaux fouterrains qu'on ne peut prefque pas fe difpenfer d'admettre entre elle & le volcan. Cette eau verfee lur un feu immenfe & capable de vitrifier les corps les plus durs, eft fur le champ reduite en vapeur, c'eft-a-dire, forcee d'occuper quatorze mille fois plus d'cfpace qu'elle ue (4) Voyage au Pdiou , pag. 69 i7i A B R E G E des memoires 1 ' — — faiioit fous la forme d'eau : il n'eft done pas etonnant qu'elle ebranle les Hvoiites qui couvrent les cavites , qu'elle fe fafie jour dans quelques en- ISTOIRl,.,1. „ > 11 r ,-r it ■ 'l ^ ■»r droits de la montagne, & quelle ralle palier avec violence, tant par ces nouvelles bouches que par celles qui fubliftent au fond du grand baffin, Annie lJ$o. des torrens de matieres fondues, line grele declats de pierre , des nuees de cette efpece de cendre dont nous avons parle, & meme une partie de teau qui , n'ayant pas eu le temps de le convertir en vapeur , eft lancee ou fous la forme de ruiffeaux , ou fous celle de gouttes qui retombent en pluie , trouvant plus de facilite a s'echapper ainli par le haut de la mon- tagne, qua retourner a l.i mer par les memes canaux qui l'ont amenee, auxquels on peut fuppofer une telle figure & une telle lituation , qu'elles lui interdifent le retour, ou le Iui rendent tres-difricile. Toutes ces con- fequences de I'hypothefe de M. l'abbe Nollet ne font autre chofe que 1'hif- toire meme de ce qui arrive dans les grandes eruptions : il lui paroit feu- lement qu'il feroit a fouhaiter qu'on examinat dans ces occafions , l'eau qu'on foupconne etre venue du volcan, foit en ravine, foit en pluie, pour voir li on n*y reconnoitroit point quelque caractere de l'eau de la mer, II eft vrai qu'il faudroit des obfervateurs bien intrepides pour fonger a faire de pareilles obfervations dans des circonftances auffi critiques; mais on peut toujours, en attendant, regarder I'hypothefe de M. l'abbe Nollet comme une des plus limples, & par confequent comme une des meil- leures , qui aient ete propofees pour expliquer les terribles effets des volcans. Les feux qui fortent par le fommet du vefuve ne femblent deftines qu'j effrayer les homines-, mais le terrein des environs de Pouzzol en contient dans fon fein , qui font moins terribles , & dont l'induftrie humaine a fu tirer de tres-grands avantages : cet endroit fe nomine aujourd'hui la Sol- fatara , probablement a caufe de la grande quantite de foufre qu'on en retire -, on le nommoit autrefois forum Vulcani ou campus Phlegrczus : on en tire, depuis plulieurs liecles , une quantite prodigieufe de foufre & d'alun. Ce lieu eft une petite plaine ovale dont le grand diametre , dirige de l'eft a l'oueft, eft a-peu-pres de zoo toifes , & dont la plus grande lar- geur n'excede pas '150 : elle eft elevee d'environ 150 toifes au-deffus dn niveau de la mer, & il faut par confequent beaucoup monter pour y ar- river, foit qu'on y vienne de Naples ou de Pouzzol. La folfatare n'a qu'une feule entree, qui eft du cote du midi; le refte eft environne de hautes collines, ou plutot de talus tres-roides, compofes d'un pen de terre & du debris de grands rochers efcarpes , continuellement ronges par la vapeur du foufre , & qui tombent en mine. Excepte quelques broffailles , & un taillis d'environ un arpent , qui fe trouve a l'entree, tout le terrein y eft pele & blanc comme de la marne : la feule infpectton fait juger que cette terre contient beaucoup de foufre & de fcls ; & fa chaleur plus grande prefque par-tout que les plus grandes chaleurs d'ete , & qui va meme en quelques endroits jufqu'a bruler les pieds a travers les fouliers, jointe a la fumee qu'on voit ibrtir de toutes parts, annonce qu'il y 3 deffous cette plaine DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIEHOES. »n pl.iine un feu fouterrain. On obltrve an milieu de la plaine , un enlun- ■■■ ■"" »»— — cement de figure ovale, d'environ trois ou quatre pieds de profondeur , „ dont le fond retentit , quand on le frappe, comme s'il y avoit au delfous -. line vafte cavite dont la voute fut pcu epaifle. Une tradition populaire allure qu'un cavalier etant defcendu dans cc ballin, y fut englouti avec Annc'e ftc. fon cheval ; mais M. l'abbe Nollet ne trouva aucuns vcftiges de cette ou- verture qui, comme on voit, auroit du etre aflez grande, & per.che beau- coup a regarder le fait comme apocryphe. Un pen plus loin dans la panic orientate, on appercoit un baffin plein d'eau : cette eau eft chaudc; en y > filongeant an thermometre , M. l'abbe Nollet trouva quelle faifoit monter a liqueur a 34 degres au-defTus de la congelation •, degre bien inferieur i celui de 1'eau bouillante, & qui ne rendroit pas meme cette eau capable de cuire des ceufs, comme quelques auteurs l'ont allure : cependant cette eau paroit bouillir continuellement a un. coin du ballin, quoiqu'elle foil tres-tranquille dans tout le refte. L'explication de ce phenomene ne coiita a M. l'abbe Nollet qu'un mo- ment de reflexion & un coup d'oeil fur les environs du baffin •, il y ap- tiercut trois ouvertnres par lelquelles il fortoit des jets de vapeur qui s'e- evoient rapidement a 1 5 ou 10 toifes : il ne lui en fallut pas davantagc pour concevoir que le bouillonnement de l'eau du baffin n'etoit du qua un pareil fouffle vaporeux qui fortoit de fon fond dans l'endroit ou l'eau fembloit bouillir : peut-etre no femblable bouillonnement qu'on obferve au bord du lac Agnano, doit-il etre attribue a une caule pareille. Ces trois bouches font peut-etre ce qu'il y a de plus remarquable a la Solfatare : on peut approcher fans danger jufqu'au bord de leurs ouvertu- res, qui font chargees de pierres entre lelquelles la vapeur fe fait paffage. Ces pierres, & toutes celles qu'on y expole de nouveau, s'enduifent alfez promptement de fleurs de foufre , & meme a une des trois bouches il le forme avec le foufre une concretion faline de couleur jaune & lembla- ble pour le gout au fel ammoniac. La vapeur qui s'elance de ces ouvertnres , eft fi chaude qu'on ne peut fans rifque y tenir la main expofee •, mais elle ne l'eft cependant pas afie2 pour allumer du papier : il ne paroit pas non plus quelle fe converting jamais en flamme , comme il arrive a celle du Vefuve. Cependant le P. la Torre , correfpondant de l'academie, qui l'a obfervee pendant la nuit , a allure qu'il l'avoit vu luire, quoique foiblement, dans l'obfcurite : feroitce par le reflet d'un feu fouterrain qu'on ne pourroit appercevoir , pares qu'il eft impoffible de porter la vue au-defibus de l'embouchure '; ou Bien cette lueur viendroit-elle d'une inflammation imparfaite a laquelle il manqueroit feulement quelques degres pour paroitre lous une forme plus brillante? Les obfervations de M. l'abbe Nollet ne lui out donni; fur ce point aucun motif de dtcifion, & il s'eft bien garde de hafarder un juge- ment : plus on eft phylicien, plus on craint d'aller un feul pas au-dela de l'experience. Pour connoitre la nature de cette vapeur, M. l'abbe Nollet y expofa ane feuille de papier bleu qui changea lubitement de couleur & devint Tome X. Panic Frangoifi. Mm 274 A B R E G £ DES M12M0IRES — — — jggMg rouge ■. preuve bien evidente de l'acide qui y etoit contenu. On Ini fit rc- H s t o marquer comme line merveille , que le papier fortoit fee de la vapeur, N 4TURILL- tani^'s qu'elle mouilloit abondamment line lame de fer, & on en fit fur lc champ l'experience avec line ferpe qui fe trouva foils la main, & qui fiit, jinnte 1750. dans un inftant, couverte d'une liqueur dont le gout etoit trcs-piquant, & qui teignit en rouge le papier bleu, aufli-bien que l'auroit pu faire un fort acide. L'explication de ce fait ne caufa aucun embarras a M. l'abbe Nollet : en effet le papier acquiert prefque en un moment un degre de chaleur egal a celui de la vapeur , & devient par-la meme incapable de la condenfer, au-lieu que le fer etant plus long-temps a s'echaufler, produit neceilaircment cette condenfation , & fait reparoitre la vapeur foils la forme de liqueur ; & efte<5Hvement la ferpe tenue dans la vapeur affez long-temps pour s'echauffer fufriiamment , en fortit aiifli feche que le papier. 11 eft aife de s'appercevoir que les vapeurs minerales qui s'echappent par ces ouvertures , font melees de beaucoup d'eau : on pourroit croirc que cette eau vient de la mer , dont la folfatare eft pcu eloignee-, mais M. l'abbe Nollet trouve plus naturel de les faire venir des collines voili- nes , defquclles on voit fortir beaucoup de fources, meme du lac Agnano, qui n'en eft fepare que par une petite montagne minee par la vapeur du foufre, & percee en plufieurs endroits par des eaux courantes : il tire dela facilement la caufe de toutes les eaux chaudes qu'on obferve aux environs & au-dedous de la Solfatare. Ces eaux, avant que de paroitre an jour, ont en a traverfer des terres & des rochcrs brulans, & n'ont pu manquer de s'y echauffer : quelque partie de ces memes eaux , expofee a un en- droit plus vif du foyer, peut-ctre meme obligee d'y fejourner, s'echaufre jufqu'a bouillir, & fe melant aux exhalaifons fulphureufes & falines, four- nit les jets de vapeur qu'on obferve. On en deduiroit aufli tres-aifement pourquoi ce volcan n'eft point fujet a des eruptions extraordinaires & dangereufes : comme 1'eau qu'il recoit, y vient toujours uniformement , les jets de vapeur y feront conrinus •, & comme il n'en vient jamais en quantite furabondante, il ne fe fera jamais d'explofion fubite, & le vol- can fera different de ceux qui communiquent avec la mer , en ce qu'il lancera continuellement de la vapeur , a-peu-prcs en meme quantite , & jamais aucune autre matiere. Les rochers qui entourent la Solfatare , con- tinuellement expoles a la vapeur du foufre , tombent, comme nous l'a- vons dit , par morceaux & fe reduifent en line efpece de pate ferme & graffe, avec des taches jaunes & d'autres d'un rouge fort vif; mais ce qui eft de plus (ingulier, e'eft que parmi ces debris de rochers fumans & cal- cines par la vapeur du foufre brulant , on voit fur les petites parties de terre qui s'y rencontrent , des plantes en abondance, & que le revers de ces collines eft tres-fertile & tres-cultiv6 : il eft bon que l'obfervation nous ait donne ce fait , que probablement la theorie n'aiiroit pas ofe foupconner. La mine de foufre qu'on tire de la Solfatare, eft une terre durcie, ou plutot une pierre tendre, qu'on trouve en fouillanr. Pour en tirer le fou- fre, on la met en petits morceaux dans des pots de terre qui contiennent environ vingc pintes de Paris. Ces pots font exa&ement fermes par un DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. a7f couvercle qui y eft kitte : on le§ place dans lit) fourneau fait exprcs , de r*™"**— r.ianicre qu'un quart de leur pourtour fait faillic hors du fourneau, & de-jj i s t o 1 r. i mcure decouvert au-dehors ; line femblable partie fait faillie au-dedans NATURhLLl, du fourneau pour rccevoir l'accion du feu, & par conicqucnt la muitie du pot eft dans lepaiffeur du mill : chacun de ces pots communique par un Annie 1750* tuyau d'environ 1 pied de longueur, & de 1 8 lignes de diametre , avec un autre pot place tout-a-fait hors du fourneau , & un pen plus haut que les premiers; ces derniers pots font vuides & fermes exa&ement, exccptc vers le bas oil on a menage un trou d'environ 15318 lignes. Le foufre developpe de fa mine par le feu qu'on allume dans le fourneau , monte en fumee & palle dans le pot exterieur, oil ne trouvant plus le meme de- gre de chaleur , il paffe de I'etat de vapeur a celui de fluide , & coule par 1'ouverture inferieure dans une tinette placee au-dcfTous. Ces tinettes font evafees par le haut & garnies de trois cercles de fer ; lorfque le fou- fre eft refroidi , on les demonte en faifant tomber les cercles a coups dc marteau, & on a la maffe de foufre entiere, qu'on refond enfuite de nou- veau pour la purifier & la mouler en batons. II faut que la quantite de foufre que contient la Solfatare, foit iinmenfe : Pline allure formellement que de Ion temps on tiroit du foufre de la campagne de Naples, dani les collines nominees Uucogxi oil terres blanches , & qu'apres l'avoir tire de la terre , on l'achevoit par le feu ; ce qui reffemble , on ne peut pa* mieux, a la Solfatare & a la maniere dont on y travaille ce mineral. • Le foufre n'eft pas la feule matiere minerale que contienne cette mi- niere , on en tire auffi beaucoup d'alun : e'eft dans la partie occidentalc qu'on trouve la matiere qui le contient; e'eft moins une pierre qu'une terre blanche , affez femblable a de la marne , pour la confiftance & la couleur : elle fe trouve fur le champ; on en remplit jufqu'aux trois quarts, des chaudieres de plomb enfoncees jufqu'a l'embouchure dans le terrein , dont la chaleur fait monter en cet endroit le thermometre de M. de Reaumur a 37 \ degres au-deffus dela congelation; on verfe enfuite de l'eau dans chaque chaudiere , julqu'a ce quelle lurnage la mine de 3 on 4 pouces : la chaleur du terrein echaufte le tout, & par fon moyen le fel fe degage de la terre , & vient fe cryftallifer a la furface ; mais comme dans cet etat il eft encore charge de beaucoup de matieres etrangeres, on le fait fondre de nouveau avec de l'eau chaude contenue dans un grand Vife de pierre qui a la forme d'un entonnoir, & cryftallifer enfuite, pour lors on l'a en beaux cryftaux , tels qu'on le voit ordinairement, les ma- tieres etrangeres fe precipitant au fond de l'entonnoir de pierre. Telles font les obfervations que M. l'abbe Nollet a faites dans fon voyage d'ltalie, & qu'ila communiquees a l'academie; elles jettent, comme on voit, beaucoup de jour fur des objets intereffans par eux-memes , & fur kfquels des delcriptions peu exactcs & des explications hafardees avoient repandu une grandc obfeuriti : il eut feulement ete a fouhaitcr, pour l'avanccinent de la phyfique ,.que fes occupations lui euffent permis wn plus long fejour dans un pays qui contient tant d'objets digues de fts recherches, M k ii A B R E G E- DES ME MOIRES i s t o i n *gUR LA Meniere r>E disti nguer les differentes INATURtLLE. PlERRES PRECIEUSES. Annte i j 0 L, _ e s picrres precieufes ont plus ete jufqu'ici l'objet du commerce que ' celui de l'attention des naturaliftes : ce n'eft pas que plulieurs d'entr'eux n'en aient donne des catalogues, & meme des defcriptions ', inais les pre- miers qui en ont ecrit, ont ete en quelque forte obliges de fe conformer aux divilions faites par les lapidaires, qui fouvent avoient plus d'egard aux differences qui pouvoient faire changer le prix de leurs pierres, qu'a celles qui en pouvoient indiquer l'efpece. La plupart de ceux qui font venus enfuite, n'ont prefque fait que les copier, & il eft refulte dela que plu- fieurs de leurs definitions ne conviennent plus a aucune pierre connue, & qu'on n'a point eu jufqu'ici de methode au moyen de laqnelle on piit re- connoitre dans la nature celles dont on a les defcriptions, & ranger celles que Ton connoit dans les catalogues, fuivant la claffe qui leur convient. Les pierres precieufes fe diftinguent ordinairement par trois caracleres , la durete, la couleur & le poids : la premiere qualite eft aifee a reconnoi- tre par la vivacite du poli que prend une pierre, & par fon aftion fur quelques matieres dont la durete foit connue. Le poids eft encore plus aife a connoitre d'une maniere precife-, mais il s'en faut bien que la cou- leur foit aulTi facile a reconnoitre & a definir nettement : cependant c'eft un caraftere tres-eiTentiel , & peut-etre cehii qui fcrt le plus a fixer la no- menclature & la divifion des pierres precieufes. C'eft ce qui a principalement determine M. Daubenton a faire de cette partie de 1'hiftoire naturelle un objet de fes recherches, afin d'en oter , s'il e;toit poflible, toute ambiguite , & de riduire la couleur des pierres a line expreffion fi nette & fi claire , qu'en retenant d'ailleurs les differences tirees de la durete, du poids, de la groffeur & de la figure, qui font par elles-memes pen fujettes a l'erreur , il flit poflible , fur une iimple dei- cription , de juger furemer.t de la nature & de la qualite d'une pierre qu'on n'auroit jamais vue. Pour cela, il e^oit necetTaire d'avoir un terme de comparaifon qui com- Erit toutes les nuance's de couleurs , & qui de plus fut invariable. M. Dau- enton a trouve 1'une & l'autre de ces qualites dans le fpectre folaire : on fait qu'un rayon du foleil , qui entre par line petite ouverture dans one chambre obfcure, & qu'on oblige a traverfer un prifme, fe decom- pofe, & forme fur un carton blanc qui le recoit apres ce trajet, non une ' image ronde , mais une figure oblongue qui contient toutes les couleurs depuis le rouge jufqu'au bleu. C'eft a cette image coloree que M. Dau- benton compare toute pierre dont il veut connoitre & definir la couleur. Pour y parvenir, il perce dans le volet d'une chambre parfaitemcnt obf- cure, deux trous de deux ou trois lignes de diametre, a cote Fun de l'au- tre, & eloignes feulement d'un pied-, il place a un de ces deux trous un prifme equilateral, & laifle l'autre abfolument libre : par ce moyen, une DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i77 des deux ouvertures envoie vers Ie fond de la chambre un fpectre fo- laire, e'eft-a-dire, unc image refractee oii toutes les couleurs fe trouwnt, & fe trouvent toujours dans Ie meme ordre, & l'autre im trait de lumiere H i s T o IRE « .w ..vm,vl cwhjww* wo. .j .*. iimiw vm*v , w*. iawi.t uu null UC 1UI11U K w ordinaire; il expofe enfuite a ccs deux rayons de lumiere unc plunche * TVKS.IH. mince garnie de deux coulilfes , dans chacune defqnelles il y a un trou Annii i~^>. ferce, & ces deux trous font audi diftans entr'eux d'uu pied", il place a line de ces ouvertures la pierre qu'on veut examiner, & a l'autre un mor- ceau de cryftal blanc de la meme grofleur & de la meme figure , & il ob- ferve de faire tomber le rayon non refracte fur la pierre , & le fpectre fur le morceau de cryftal ; alors hauflant ou baiffant la couliffe qui porte ce dernier, il cherche Ie point auquel le cryftal lui parolt precilement de la meme nuance que la pierre; comparaifon qui pent toujours etre faite aife- ment, puifqu'on voit les deux objets en meme temps, & que 1'obfcuritc de la chambre empeche qu'on n'en voie aucun autre. La couleur que le prifme donne ail cryftal , peut etre plus ou moins forte que celle de la pierre : pour trouver l'intenlite lorfqu'on a trouve la nuance , on fefa avancer ou reculer la planche qui porte la pierre & le cryftal. A i 5 pieds de diftance du prifme , l'inten(ite des couleurs du fpec- tre eft egale a celle des pierres les plus colorees, & en s'eloignant da van- tage , ellc va toujours en diminuant ; mais ft fa couleur de la pierre etoit fi toible que letenduc de la chambre obfeure ne permit pas de s'cloigncr affez, il faudroit hibftituer au cryftal enchaffe daus la coulifte , un petit verre concave, qui, en ecartant les rayons, aftoiblit la couleur, & pour ' lors, en expolant a cette lumiere le cryftal enchafi'e dans line monture pa. reille , on parviendra a trouver l'intenlite de lumiere & de couleur pa- reille a celle de la pierre. Une feconde ditjiculte eft que parmi les pierres il s'en trouve dont la couleur eft melee de bleu & de rouge , qui font precilement aux deux extremites du fpectre , & qui par confequent ne peuvent fe joindrc -, M. Daubenton y trouve un remede bien naturel , il ne fait qu'introduire par une autre onverture, & avec un fecond prifme, un autre fpectre fo- laire, dont il fait concourir le bas avec le haut du premier •, il parvicnt par ce moyen a fe donner telle nuance du melange de rouge & de bleu qu'il juge a propos. A l'egard des pierres qui, comme la topaze de Boheme, out une legere teinte de brun ou de noir, il ne faut que faire patf-r le rayon colore au travers d'un verre legerement enfume, pour imiter par- faitement leur couleur. Mais voici une dimculte plus considerable , & d'un genre different. Les couleurs du prifme ne font pas nettement tranchees fur les extremes du fpectre ;au contraire, elles y font extremement Iavees Sc ta-s indecilcs, en ( forte qu'il eft dithcile de faire convenir avec certitude & preciBon, ccs extremites avec les termes de la divifion du fpectre qu'on auroit tracee fa la planche. Cela pole, comment indiqurr precilement la pa, tie du fe >.tre dont la couleur repond a celle de la pierre , ce qui neanmoins eft n • '"- faire pour oter toute ambiguite? La maniere de remedier a cet i> r v - went, eft extremement fimple) le rayon refracts qui forme le lp«.ctre, & 178 A B R E G'.E D E 5 M t M O I R E S, 8cC — —i— — — le rayon non refra&e qui ^claire la picrre , recoivent du foleil Ie tneWi -. mouvement, & font toujours difpofes de la meme maniere Tun a l'egard Hi s t o i R e je j-autrei jfi Danbenton regarde done d'abord a quelle hauteur au deffous INAturelle. ou m_feffus t?s du Bas-Poitou une efpece de caille-lait a fleurs jauncs dont les ra- cines font conliderables par leur groffeur , leur longueur & la quantite qu'on en peut tirer d'un pied de quelques annees; que ces racines ont lc rouge de la garence , & que les habitans de ces cotes sen fervent pour donner , dans certain temps de l'annee, une couleur rouge aux ceufs. Toutes ces analogies deciderent M. Guettard, qui fe trouvoit fur les lieux, a faire ramafler de ces racines, & de retour a Paris, il en fit mettre una certaine quantite en poudre , & en nourrit un poulet , en melant cette pnudre dans la patee qu'on faifoit avaler a cct animal. L'efTet juftifia leS ioupcons de M. Guettard. On tua le poulet au bout de quelques jours. Sea os fe trouverent d'un tres beau couleur de rofe. Les cartilages & les membranes n'en etoient point afFe&es; mais pendant le regime du poulet, fes excremens devinrent de plus en plus rouge , meme d'un rouge tres- vif. Enfin on obferva dans ce poulet tous les phenomenes que la garence avoit fait voir a M. du Ham el dans ceux qui en avoient mange. M. Guettard ne tarda pas a faire de iemblables experiences avec I* caille-lait a fleurs blanches, le caille-lait a fleurs jatines & le grateron ordi- naire qu'on trouve aux environs de Paris ; les racines de ces plantes pro- duifirent les memes effets fur les poulets qui en mangerent , avec des dif- ferences li legeres qu'on ne pcut les attribuer qu'a la quantite plus ou moins grande qui en entra dans la patee qu'on leur donna. Un ancien auteur rappo-te qu'une vache ayant mange du caille-lait avoit donne du lait rouge. M. Guettard n'a rien eprouve de fcmblable. (a) (a) Mais en 1747 , e'eft-a-dire, Panned luivanto , M. Guettard nourrit, pendant un certain temps, des iapines pleines avec une ptatfe dans laiiuellc il entroit de la racine de Tome X. Partie Franfoije. Nn i8i ABREGE DES ME MOIRES ■— — — II a meme donne en vain des tiges , des feuilles & des fleurs de cotfe ■a plante , a manger a des poulets, fans que leurs os parulTent en aucune ma- 'niere colores, de ibrte qu'il refte conftant que les racines feules ont cette Annte ty^G. propriete. Les racines des caille-laits & du grateron colorant les os , malgre le changement qu'elles doivent fouffrir dans le cours de la circulation, il n'y avoit guere lieu de douter qu'elles ne duifent, comme la garence, colo- rer les etoffes , & etre aiufi employees utilement dans l'art de la teinture. M. Guettard en a fait plulieurs experiences qui lui ont reuffi. II a teint des morceaux de drap de Iaine blanche avec ces difFerentes racines •, la couleur lui a paru diHerer peu de celle que donne la garence , & il croit qu'on pourroit en tirer im bon parti, fur- tout de celles du caille-lait du Bas-Poitou qui eft tres-abondant. Ses racines tracent beaucoup , elles font groffes & en grand nombre; il vient dans les fables les plus arides & pour- roit etre cultive dans les plus mauvaifes terres. SUR LA REUNION DES PLAIES DES ARBRES e r DES ANIMAUX: Et fur les greffis ou incijions , tant vigitales qu'animalesl Ilift. J^ei'UIS que l'induftrie des homines, excitee par le befoin , Ieur a fait inventer la maniere de changer le naturel fauvage des arbres , & de les forcer a produire des fruits utiles ou agreables ; 1'ingenieufe operation qui fert a produire ce changement , & qu'on norame communement greffe , a fait egalement l'amufement des amateurs du jardinage & l'admiration des philofophes. Cette matiere avoit ete deja l'objet de plulieurs memoires de M. du Hamel; [a) mais il n'avoit point encore examine la maniere dont la grefr'e s'unit au fujet auquel on l'applique. Nous allons rendre cornpte de fes obfervations & des refultats qui en ont ete le fruit. Le guy & quelques autres plantes paralites s'elevent fur les arbres & fe caille-lait pulverife'e , que I'on mtlcit avec du fon & des feuilles de choux hache'es , pour Ieur faire un aliment qu'elles puflent manger ; elles s'en accommoderent affez bien , & leurs petits vinrent h bien. Leur lait fe trouva teint d'un couleur de rofe aflez vif, & les os des petits naiflans etoient fortement colores de rouge , fans que ceux des meres qui furent aufli diflequees , en euflent la plus legere teinte. Par quel moyen cette couleur qui avoit pafle de I'eftomac de la mere aux os du foetus, avoit elle ete empeche'e d'agir fur fes propres os, auxqueis elle devoit parvenir plus aife'ment? (a~) Voycz Hift. 1728, 1730, & 173I; Collection Acade"mique , Partie Fwncorfe, Tome VI & VII. DE L'ACADfc'MIE ROYAL E DES SCIENCES. *8j nourriffcnt des fucs qu'ils en tirent. Certains pieds dc guy iinitcnt a l'ex- ■ terieur , par leur Infertion , une greffe en cculion : il etoit done aflcz na- Botaniqul turel de penfer qu'on pouvoit peut-etre regarder les greft'es commc des efpeces de plmtes paraiites qu'on feroitvenir de bouture. Mais quelqu'ap- Annie ij}<>- parence de verite qu'ait cette opinion , l'experiencc ne lui a pas etc fa- vorable. L'infertion du guy offre , en la dilliquant , de veritables raci- nes •, (a) celle de la greffe d'un pecher fur prunier bouillie dans l'eau 8c depouillee de fon ecorce , n'a fait appercevoir aucune apparencc de raci- nes , mais une union de fibre a fibre dans les deux bois que leur diffe- rence de couleur faifoit aifement diftinguer. Puilque l'union de la greffe avec Ie fujet eft une union de fibre a fibre, & qu'il eft bien prouve que les fibres lignenfes (b) une fois endurcies, ne font point fufceptibles de reunion ; ce n'eft que dans les ecorces qu'il faut chercher comment fe fait cette operation de la nature : & en eftet la direction de plulieurs greffes de differens ages a fait voir a M. du Hamcl que la reunion s etoit toujours faite par les ecorces , & prefque jamais paf le bois. La reunion de la greffe avec le fujet fe faifant done uniquement par les ecorces , il etoit queftion d'examiner le cas le plus limple , je veux dire, de la greffe d'un arbre fur Iui-meme, ou, ce qui revient encore a la meme chofe, de la reunion de l'ecorce d'un arbre qui a fouftert une divilion. L'ecorce des arbres eft formee de plulieurs couches dont les plus exte- rieures font formees d'un refeau de fibres plus groflieres que celles qui compofent les couches voilines du bois , & que Ton nomme liber. Si on emporte les couches exterieures , meme jufqu'i la moitie ou aux trois quarts de l'ecorce, il en arrive de ces plaies comme des blefiiires fuperficielles des animaux •, elles fe reuniffent trcs facilemcnt & fans lailler de cicatrice : il fe fait feulement une legere exfoliation fous laquelle il paroit un autre tpiderme tout forme. Mais il s'en faut bien que la meme chofe arrive quand on enleve tout; l'ecorce, & qu'on decouvre le bois; alors la plaie ell longue i fe fermer, & la cicatrice paroit encore long temps aprcs la parfaite gucrifon. Ce font les progres de ces fortes de cicatrices que M. du Hamel a examine?. Lorfqu'on a enleve a un arbre un morceau d'ecorce en penetrant jul- qu'au bois, cette plaie ne fembleroit fe devoir fermer que de deux ma- nieres, ou de la part du bois qui reproduira de nouvelles lames d'ecorce pour remplacer celles qu'on a ditruites, ou de la part de l'ecorce meme dont les bords coupes formeroient par leur prolongement de nouvelles la- mes concentriques au bois , & qui rempliroient i la fin la divilion faite a l'ecorce. Cependant ni Tun ni l'autre de ces moyens ne font employes par la nature. Des experiences varices & multipliers avec toute l'attentiort pofiible , ont fait voir que quelle que puiffe etre la figure de la plaie faite a l'ecorce , il fe forme a la partie liiperieure aux laterales , entre le liber (a) Voyei Mem. 1740, Collection Academiquc , Partie Frar.g. ile, Tome Vlil. (*) Voyei Hift. 1741 & 1741 , Collection Acadiimique , Partie France life, TOBM IX. Nn ij 184 ABREGE D E S M £ M O I R E S '& Ie bois, an bourrelet d'abord verdatre, & qui prend enfuite de la ib- Bot \\ioue ''^tc-' > cn ^0rre 1ue totite l'epaiffeur de l'ecorce & du liber, qui out etc ' coupes , fe trouve resettle d'une ecorce femblable a celle des bourgeons Anvxe tJ4& du merge arbre qui va fe terminer au bois qui forme le fond de la plaie, mais fans s'y joindre en auctine facon. Si on veut bien fe rappeller la maniere dont fe fait raccroiffement da bois par des couches d'ecorce qui fe durcifTent fucceffivement, on cora- prendra aifement que celle qui recouvre les bords de la plaie, etant-placee dans une lituation prefque perpendiculaire a celle du refte de l'ecorce, les couches qui s'endurciront pour devenir bois, feront auffi dans la meme direction , & que cet endroit fera rempli de couches qui ne feront ad- hercntes qu'aux cotes de la plaie, & nullement au bois qui en fait le fond : il reftera done toujours dans cet endroit une efpece de feme que les ou- viiers appellent une roulure ; (i en failant a 1'arbre la plaie dont nous ve- nons de parler , on entame le bois , la plaie eft beaucoup plus de temps a fe fermer , parce qu'il faut plus de temps aux couches de l'-tfcorce pour atteindre le bois ; Si li enfin celui qui forme Ie fond de la plaie vient a fe carier , elle ne fe referme plus. Ce font ces efpeces de plaies que les ouvriers nomment des yeux de bceuf. Nous venons de dire que le bourrelet deftine a reparer la divifion faite a l'ecorce, etoit produit par les couches coupees de l'ecorce & du liber, & fur-tout par les parties fuperieure & Iaterale de la plaie •, mais nous n'a- vons pas pretendu iniinuer par-la que toute repaiffeur de ces deux parties y concouroient egalement. L'origine de la matiere de ce bourrelet fem- ble etre entre Ie liber & le bois-, elle femble n'etre qu'tine dilatation d:t tiffu cellulaire qui fe trouve fous l'ancienne ecorce aux environs de la plaie : mais 1'aubier qui n'eft que du liber un peu plus durci, un peu plus devenu bois, contient audi un tiffu cellulaire; on pourroit done naturel- lement penfer que celui- ci pouvoit atiffi contribuer avec celui de l'ecorce a la formation de la matiere qui doit reparer la divifion •, & que s'il ne le faifoit pas ordinairement , e'eft qu'etant plus a decouvert & moins fuccalent que celui de l'ecorce , il fe deffechoit a l'air avant que d'avoir pu fe dilater. Le moyen d'edaircir ce doute etoit fimple , il ne s'agiffoit que de ga- rantir la plaie de l'impreffion de l'air. Pour cela M. du Hamel ayant enleve des anneaux d'ecorce tout autour de la tige de plulieurs jeunes arbres , revetit toutes ces plaies de tuyaux de verre maftiques haut & bas; au bout de quelque temps il reconnut que fa conjecture etoit bien fondee, il fortit un bourrelet galeux d'entre Ie bois & l'ecorce, mais il parut aufli des ma- melons gelatineux qui fortoient -d'entre les fibres longitudinales de 1'au- bier : ceux-ci etoient abfolument ifoles , & ne tenoient point aux bourre- lets dont nous venons de parler. Les uns & les autres crurent : la matiere en apparence gelatineufe devint grifatre , puis verdatre •, & enfin , la plaie fe trouva remplie d'une nouvelle ecorce plus rabotcufe a la verite que l'ancienne , comme ayant ete produite par la reunion de plulieurs parties difterentes, & qui manquoit meme en quelques endroits. II eft done avas- tageux de garantir de l'air les plaies des arbres qu'on veut cicatjifer. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 285 I! reftoit cependant a M. d\i Hamcl, un fcrnpule fur cette efpece de ' mucilage qu'il avoit obferve : li ce mucilage etoit un tiflu cellulairc extrc n memcnt dilate , rieri n'emp'ecnoU qu'on ne Ie regard it commc un des principaux organcs de U regeneration de lecorce-, mais li c 'etoit un; ma- Annie 1-tG. titrc lorruncilfe) il aevoit etre compte pour bien peu dans ccttc repro- duction. Pour fe tirer de cet embarras , il ajulta a un arbre auqucl il avoit en- leve un anneau d'ecorce, un verre maftique ieulemcnt par embas, & qu'il eat foin de remplir d'eau, de miniere que toute la plaie y fut plongee-, 11 ie mucilage etoit pure gomme, 1'eau devoit le dilioudre, & il ne ic de- voit point former d'ecorce. L'experience decida pour l'organifatipn de cette matiere , & l'ccorce fe forma foils l'eau, mains parfaite, a la verite, que dans les tuyaux oil il n*y avoit point eu d'eau ; mais enfin , elle fe for- ma, & proava par (a formation, que le corps pretendu mucilagineux , etoit une partie tres-organile.'. Pour pen qu'on veuille refleshir fur ce que nous venons de dire , 6ft verra ailcment que les moyens employes pour faciliter la reunion des plaies des arbres, font precifement ceux que la bonne chirurgie enfeigne pour ficiliter la reunion de celles du corps animal : on diminue leur tranfpira- tion , on empsche le contact de l'air , & on eloigne foigneufement tout ce qui pourroit interrompre l'operation de la nature. Cette comparaifon invitoit a effayer fur les arbres, 1'efFet des medica- 111 ns qu'on emp'oie pour la gueriion des plaies des animaux. L'experience a decide qu'erfeCtivement pluiieurs de ces remedes pouvoient avoir lieu , mais plutot en tenant les plaies a l'abri du contact de l'air, qu'en operant aucun changement dans les parties coupees ; e'eft pour cela que les bau- mes, la terebenthine , la cire , qui ferment le paffage a l'air & arrecent la tranlpiration , font employes tres-utilemenf, mais qu'il faut eviter avec un grand foin , les graiiLs, les abforbans, les mercuriels, les cauftiques & les Ipiritueux falins. Et pour achever l'entiere analogie entre les plaies des ar- bres & celles des animaux, nous ajouterons qu'elles craignent autant que ces dernieres , tout ce qui petit s'oppoier a la reproduction , qui eft l'ou- vr.ge de la nature , & que le tamponnage & les appareils trop ferrcs, font aufll nuihbles aux uncs qu'aux autres. Voici prelentement une experience bien finguliere, qui prouve combien Ir iupprcflion du contact de l'air , peut faciliter la reproduction de l'e- CDrce. On fait communement qu'il n'eft point de moyen plus efficace pour f lire pcrir un arbre, que de depouiller le tronc de fon ecorce. M. du Hamel ayant ete averti par les journaux de Berliii, qu'on pouvoit rajeunir un arbre, en lui enlevant lecorce depuis les branches Julquaux racines , jugea que le niot de cette enigme qu'on lailloit a devenir, lui ctoit donne par les experiences dont nous avons rendu compte, & fe hata d'en faire l'eprcuve. II fit pour cela ecorcer au printemps , un ceriher dans toute Iete-ndue dc fon fronc -, & pour defendre cette cnorme plaie de I'action de l'air , il sS4 ABRIGE DES MliMOIRES — — w *a»^— l'enveloppa d'un furtout dc paille longue , que des petits cerceaux elol- R gnoient du tronc d'environ (ix polices-, & de plus, mit cet arbre a l'abri otanique.ju j-0jeij ju micjj ^ par un pgiHaffon fufpendu a des piquets : 1'arbre fouffrit Annie 1746. un Pcu ^e cette ru^e operation, cependant il porta Ton fruit •, & ayant ete decouvert la troilicme annee , il fe trouva fous cette couverture de paille , line nouvelle ecorce difterente , a la verite, de celle du ceriller-, elle eft velue & de couleur fauve : mais il y a apparence que I'epiderme propre a cet arbre, & qui commence deja a fe faire voir en plulieurs endroits, la couvrira. II eft vrai que cette experience n'a reuffi qu'une fois , cet efon vegetal a ete jufqu'ici le feul rajeuni, par line operation qui fembloit lui devoir donner la mort , & qui la en effet donnee a tons les autres qui y ont ete foumis : peut-etre des boites vitrees, fubftituees a 1'enveloppe de paille, ea ont-elles ete caufe •, peut-etre audi n'y a-t-il qu'un temps affez precis pour faire l'ecorcement, & n'a-t-il ete fail! qu'une feule fois. M. du Hamel pen-; che a croire, que cette derniere raifon eft la plus probable. - Jufqu'ici nous n'avons parle que de la reunion des plaies faites a lecorce des arbres-, mais ce que nous avons dit en commencant, a du faire con- cevoir la neceffite de ces obfervations , pour connoitre l'union des greffes avec leurs fujets. De quelque facon que 1'operation de la greffe fe faffe , car il y a pl«- fieurs manieres de la faire, peu de jours apres fon application, Ton apper- coit line fubftance herbacee , tendre & coinme grenue , entre lecorce de la greffe & celle du fujet qui y repond 5 cette iubftance reunit les deux dcorces, avec le temps elle s'endurcit en bois, & l'ecorce de la greffe etant continuee avec celle du fujet , les couches ligneufes qu'elle forme , paroif- fent tellement d'une feule piece , que quand elle a le bois de m'eme cou- leur que le fujet, on a beaucoup de peine a appercevoir le lieu de l'union ; on voit feulement par la diflection , que les fibres du fujet changent de direction , pour s'aboucher avec celles de la greffe. Ce qu'il y a de fingulier , c'eft que le bois de la greffe ne contracte prefqu'aucune union avec celui du fujet ; ordinairement il fe defteche, & toute 1'union fe fait par les ecorces. Mais de quelle partie fort cette fubftance herbacee, il analogue a celle qui fert a reparer les plaies des arbres ? vient-elle du fujet , ou eft-elle fournie par la greffe? il n'eft pas aife de repondre a cette queftion par des faits, toute cette operation fe paffant fous l'ecorce ■■, il femble a la premiere vue, que la fubftance herbacee doit etre attribute plutot au fujet , qu'a la greffe : & en effet , quel moyen de fuppofer qu'une tres-petite partie d' ecorce qui n'a encore aucune adherence au fujet, puiffe produire de fa propre fubftance, line partie organifee , & tres-confiderable par rapport a elle? Cependant une obfervation de M. du Hamel, feule a la verite, l'en- g.ige a penfer que la greffe contribue au moins a la production de la fubf- tance herbacee : dans une greffe dont l'ecorce ne joignoit pas exactement celle du fujet, il a vu fe former au bas de la greffe, nn petit bourgeon qui delcendit & parvint a joindre lecorce de la branche iiu" laquelle elle DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 287 ctoit : il faut que dans ce cas, le pen d'humidite que la greffe tire du bois — — — — dii fujet, fuffifc pour l'cntretcnir & la mcttre en cut de fournir a cette ,, j «.• r I) O T A N I Q V I . production. v II eft done bicn certain que ("union des greffes au fujet, fc fait de la Annie t74ff. rrifime manicre que la reunion des plaies des arbres, & que celle-ci paroit tout a-fait fembiable a celle des plaies des animaux : or il eft bicn certain que les vaiffeaux du fujet s'abouchent avec ceux de la greffe , puifque toute la feve doit dsformais paffer par-la. Lc fair n'etoit pas audi certain pour les cicatrices des animaux •, des anatomiftes celcbres out nie qu'il y eiit un pareil abouchement de vaiffeaux ; M. du Hamel , fonde fur l'analo- gie qui eft entre les corps organilcs, animaux & vegctaux, & que pcrfonnc certainement ne doit mieux connoitre que lui, a leve tons les doutes qu'il pouvoit avoir fur cette maticre , par ['experience fuivaute. II a fait rompre a plulieurs poulets, l'os de la partie de la jambe qu'on nomme le pilon ; ils furent panics methodiquement , & quand le calus frit bien forme , on coupa vis-a-vis toutes les chairs, dans un tiers de la cir- conference, fans epargner ni vaiffeaux fanguins , ni tendons, ninerfs, on grattoit meme l'os avec le biftouri. Cette plaie etant fermee , on coupa pareillcment le fecond tiers, & apres la guerifon de celui-ci, le troiliemc, ayant foin a chaque fois, que l'incilion anticipat un pen fur la cicatrice de la plaie precedente : par ce moyen , on etoit bien fur qu'il n'y avoit aucune pavtie de la jambe qui n'eut fouffert line divifion •, & li apres la gnerifon de toutes ces plaies, l'injedion pouvoit paffer librement, 1'abouchcment des vaillcaux t'toit bien dunontre. C'eft en effet ce qui eft arrive : un de ces animaux qui avoit echappe a cette operation , fut facrifie au progres de l'anatomie; apres fa mort, M. dit Hamel injedh la cuifle fur laquelle elle avoit cte take : 1'injection , politico par l'artere qui eft au haut de la cuifle , fe diftribua jufqu'au fcas de la jambe; & celle qui fut faite par la veine, paffa jufqu'au haut de la cuiffe. II eft vrai qu'il eft difficile de decider fi les gros vaiffeaux remplis par 1'in- jection, etoient des vaiffeaux capillaires dilates , ou les gros vaiffeaux na- rurels minis; mais d'une ou d'autre maniere, l'abouchement contefte par plulieurs bons anatomiftes , eft parfaitement prouve. II eft done bien conftant, que deux morccaux d'une meme partie, di- vifee par une grande & profonde plaie, peuvent fe rejoindre atiez par- faitement, pour que les nerfs, les arteres, les veines , continnent a former un feul tout , & avoir leur jeii & leur communication comme avant la bleflurc; & ceci rcpond afiez aux limples divilions faites aux vegetaux. Mais voici un fait qui paroit avoir encore plus d'analogic avec la greffe , & dans lequel l'examen qu'en a fait M. du Hamel , lui a montre des lingu- laritss dignes de 1'admiration des phyliciens. II arrive frequemment dans les b.iiTe ccurs , & c'eft meme une efpecc de gentiHetie qu'on tache a s'y procurer, qu'on coupe la crete d'un jeune coq , & qu'on loge dans la duplicature que forment les deux lames char- nues qui compofent cette partie, v,n ergot coupe an pied d'un poulet : pet ergot qui n'eft pas plus gros qu'un grain de chenevis lors de fon applica- 2S8 ABRfiGE DES ME MOIRES — ' ■"""■"■— —tinn , croit en fix mois de pres d'un demi-pouce-, au bout de quatre ansi ., il en a trois ou quatre. On dit avoir vu fur la tcte d'un chapon , une N ! Q U E' corne pareille qui avoit neuf ponces de longueur. Annie IJ46. Jufques-la cette operation ne prefente qu'uue vaine & inutile curioiite ?• mais la diffe&ion de cette efpece de greffe animale , fait voir quelque chofe de veritablement admirable : la peau enlevee, on trouve deilous un ligament capfulairc , qui recouvre la jondtion de la corne avec le crane •, ce ligament detache, on voit plufieurs bandes ligamenteufes , qui, partant de la corne , vont aboutir aux folTes nafales , aux orbites & en diltirens points de l'occipital : ces ligamens ne font ni en meme nombre , ni places aux memes endroits dans dirterens coqs; mais M. du Hamel a conftamment obferve que ceux qui avoient les plus grandes comes, avoient audi un ligament qui venoit s'inferer a la partie cornee du bee : la bafe de la corne eft adherente a ces ligamens , & lorfqu'on les a detruit tons , en epargnant feulement celui qui va au bee , elle fe renverfe •, alors on appercoit fous cette bafe, des cavites articulaires , & fur le crane, d'es eminenpes offcufes qui y repondent : la fubftance cornee fe detache d'un noyau offeux pyra- midal , qui a quelquefois plufieurs pointes ', en tin mot , on voit que cette partie deftinee origtnairement a former un ergot a la patte d'un coq, eft devenue une corne toute femblable a celle des bceufs •, que cette come n'ayaut pu , peut-etre a caufe des mouvemens de la tete de l'animal , le fouder au crine , il s'eft forme en cet endroit une efpece d'articulation , un ligament capfulaire, des bandes ligamenteufes affez fortes pour foutenir la come-, tons organes qu'une exade diffc6tion a fait voir ne point exif- ter, ni dans l'ergot, ni fous la crete des coqs. Que peut-on done penfer de ces fingulieres productions? font-elles riellement des parties nouvelles ; ne font-elles que le developpement de quelqucs organes qui exiftoient precedemment -, & en ce cas , a quelle fin exiftoient-ils ? Toutes queftions i'ur lefquelles l'obfervation n'a point parle , & qn'il eft par confequent inutile de vouloir decider : tout ce qu'on peut conclure de ces organifa- tions nouvelles, eft que l'auteur de la nature a pourvu aux befoins les plus rares & les moins prevus du corps animal , mais d'une maniere qu'il ne nous a pas ete encore pofllble de decouvrir. On obferve quelque chofe de femblable dans les greffes & les plaies des vegetaux : il paroit qu'il s'y developpe de nouveaux organes , fuivant les circonftances : en un mot, l'analogie entre les corps organifes, animaux & vegetaux, paroit fe confirmer, a mefure que l'on fait de nouvelles ob- fervations. Celles de M. du Hamel lui ont encore ofFert la folution d'une difficulte contrele fentiment qu'il avoit adopte en 174.4. {a) fur la production des racines. Nous avons dit d'apres lui , que ii par une ligature ou une inci- fion circulaire qui enleve tout autour d'une branche une laniere d'ecorce , on interrompt le cours de la feve , il fe forme a la partie fuperieure un bourrelet duquel fortoient, en le tenant fraichement, des bourgeons & («) Voyez Hift. de 1744, Colleiftion Academique , Partie Franjoife , Tome IX. des DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. - ) des raamclons qui dcvcnoient en fe developpant , de veritables racines. — — — Ces experiences ayant etc repetecs, il a trouve de ces bourrelets qui ne n , .r . .' . ', ., , j./r- I o i n iiOTANIQUE. donnoient ni racines m mamelons : a les a dmeques , & a vu les mame- lons Iigneux qui fortoient du bois pour entrer dans lecorcc ; en un mot, Annie 1 7 46. de veritables boutons de racines qui n'etoient pas developpes , & qui ne paroiffoient pas encore au-dehors. Ces bourrelets ne faifoient done pas une exception a la regie de M. du Hamel : inais la theorie de la forma- tion des racines n'eft, felon lui, qu'ebauchee, & cxige encore un grand uornbre d'oblervations. S U R LES P L AN T E S PARASITES. R ovs avons rendu compte en 1744 ( i tige aux racines de la plante nournciere ; les autres s y attachent encore Annie 17$6. par le moyen des mamelons dont nous venons de parler. Ces dernieres font precilement dans le mane cas que la cukute , & n'en different, du moins quant aux atraches qu'elles fe forment avec leurs ma- melons, que par des varietes affez peu confiderables ; mais l'inlertion du bas de la tige de la parafite dans line des racines de la olante nourriciere, ofFrc line mcchanique affez finguliere. On a de la peine a comprendre comment line racine naiflante & d'une fubftance affez molle par elle-meme , p'eut ouvrir une racine plus ferme deja formee , s'y introduire , & en ti- rer fa nourriture. Cette attache s'opere neanmoins tres naturellement :1a petite racine de la parafite prefle celle de la plante nourriciere ; par cette predion la circulation de cette derniere eft genee dans cet endroit ; l'epi- derme devient de plus mince en plus mince; les fucs refluent fur les co- tes & y forment une efpece de bourrelet : alors 1'epiderme s'ouvre, & la petite racine de la parafite s'iniinue dans l'ecorce , & fe trouve a portee d'y pomper le fuc nourricier. Mais ce qui eft bien digne de remarque , e'eft qu'on obferve que toute la racine paralite ne s'introduit pas dans celle de la plante nourriciere : il n'y a que les fibres du milieu qui contraftent cette union •, l'ecorce n'y entre en aucune ivtaniere •, elle forme feulement une efpece d'empattemen: autour de l'infertion-, ce qui revient affez ail fucoir des mamelons de la cufcufe. Le derangement caute dans la racine nourriciere par l'infertion de la parafite, y produit a-peu-pres le meme effet que la piquure de certains infectes. II s'y forme des bourrelets , des galles, des tumeurs : mais tout le mal que ces derangemens peuvent occafionner, e'eft de faire quelque- fois perir cette partie de la racine nourriciere , mais fans nuire all refte de la plante. Le veritable defordre eft la fouftradtion d'une partie de la feve qui devoit la nourrir , & qui lui eft derobee par la plante parafite. Une fingularite remarquable qu'offre Torobanche rameufe , e'eft qu'au moyen des mamelons dont elle eft garnie , elle s'attache fur d'autres ra- cines du ineme pied, on de differens pieds de la meme efpece. Cette pro- pricte pourroit jetter dans l'e'rreur un obfervateur mediocrement attentit , & faire croire que des pieds d'orobanche qu'on trouve quelquefois tres- eloign^s de la plante nourriciere , tirent leur fubfiftance immediatemenr de la terre. Mais fi on les examine avec foin ? on verra que que!ques-unes des racines du premier oied font attachees fur quelques-unes d'un (e- cond, ce fecond a un troiaeme , celui-ci quelquefois a un quatrieme, qui tient lui-meme a la plante nourriciere. En un mot, ces plantes femblent avoir forme une efpece d'affociation , pour vivre toutes aux depens de celles qu'elles attaquent-, mais malgre fobfeurite de leurs demarches, elles n'ont pti tchapper aux obfervations de M. Guettard. Ces plantes deftindes a etre attacheeS a des racines, doivent par confe- quent poufler leurs tiges perpendiculairement a l'horizon, pour faire for- tir leurs fleurs qui font prefque la feule partie qui doit paroitre all jour. 3 DE L'ACADSMIE ROYALE DES SCIENCES. tyi Mais U Ie tcrrcin eft fort incline, comme le feroit la peine d'un foffc, alors ——«——* h tice participera a cette inclinaifon ; & M. Ctiettard s'en eft allure par D plulieurs obiervations. Le qu u y a de plus rcinarquable , celt que ces tiges reftent en terre toutes formees, jufqu'au temps oil la flcur doit pa- Annie 1746. roitre; celies de la clandestine y lont dans prefque toute leur grandeur des le mois de feptembre •, leurs fcuilles memes y font developpees , quoi- qu'elles ne doivent fortir de terre & produire leurs fleurs qu'au mois de mars ou d'avril. Ces plantes peuvent done etre regardees comme tenant un milieu entre celies qui font toujours hors de terre, & celies qui, comme les truffes , la mort dti fafran , &c. s'y tiennent continuellement cachees. Jufqu'ici nous n'avons parle que des hngularites phyliques que pent pre- fenter 1'oblervation de ces plantes, & nous n'avons rien dit du tort qu'elles peuvent faire & ces remedes qu'on peut y apporter. II paroit en general u'on a beaucoup exagere le mal •, mais cependant , comme il eft impof- Ible qu'elles ne caufent un afrbibluTeincnt a la plante aux depens de la- quelle elles vivent, il etoit jufte de chercher les moyens les plus efEcaces de s'y oppofcr. L'orobanche rameufe eft: de toutes ces plantes la plus con- nue par fa malheureufe facilitc qu'elle a de fe multiplier par-tout ou i! f a du chanvre-, elle ne peut que porter prejudice a cette plante, & par confequent on ne peut trop chercher les moyens de la detruire dans les. chenevieres. Le plus fur feroit de caffer toutes les tiges d'orobanche , a mefure qu'elles fortent de terre ■, ce qui arrive au mois de juin ou de juillet : on arreteroit certainement par-la fa multiplication. Mais malheureufcment Ie chanvre eft: dans cette faifon aflez haut, pour empecher qu'on ne puiffo aller dans les chenevieres. M. Guettard propofe un moyen plus facile de diminuer Ie defordre que l'orobanche y peut caufer. Les plantes parahtes ne font pas bornees a tirer leur nourriture d'une feule efpece : elles s'accommodent egalement d'un tres-grand nombre de plantes-, l'orobanche rameufe, en particulier, ne fe trouve pas mieux fur le chanvre que fur le petit glouteron, la vefce, les caille-laits , le petit houx , le chardonroland , & pluiieurs autres. On pour- roit femer en meme temps que le chanvre quelque plante qui put, fans lui faire aucun tort , partager avec lui la quantite de plantes parahtes qui fe trouvent dans le tcrrein. On pourroit meme en choillr quelqu'une qui {nit par fon produit dedommager le proprietaire de la perte qu'il feroit fur a quantity de chanvre , qui feroit certainement diminuee par la place qu'oc- cuperoit la plante qu'on lui auroit afTeeiee •, e'eft a l'experience a decider celle qu'il faudroit choifir, & la quantite dans laquelle il feroit le plus avantageux de l'employer •, e'eft toujours beaucoup que de favoir qu'il peut y avoir un remede contre un mal pour lcquel on n'en avoit point encore trouve jufqu'ici d'etHcacc. Oo ij i92. A B R £ G £ DES MILMOIRES BOTANIQUE. Annte z747. SUR LES GLANDES DES PLANTES, Et fur I'ufage que Von petit falre de ces parties dans Vetablijfement des genres des Plantes. R lo-irs n'avons donne , dans Ie volume precedent de cette collection academique, qu'une legere idee du fyfteme botanique de M. Guett.trd, fyfteme tire des glandes & des filets ou poils des plantes. Le travail con- siderable que ce favant academicien a fait fur cette matiere nous engage a entrer dans un plus grand detail ; ce n'eft pas que nous puifTions fuivre la marche des fept memoires qu'il a lus a l'academie dans l'efpace de quatre annees, ni rendre compte de toutes les obfervations qu'il a faites fur Ie fyfteme de M. Linnarusj mais leur utilite & les nouvelles lumieres qu'elles portent dans cette partie des connoiffances humaines, nous font un de- voir de revenir fur nos pas , & de dormer un expofe plus ample de la methode de M. Guettard. La variete des plantes repandues fur la terre femble, au premier coup d'ceil, infinie-, il faut pourtant, fi Ton vtut s'entendre dans la botanique, les diftinguer par des noins & des cara&eres qui leur foient propres, for- mer des claffes dans lefquelles on range toutes celles qui font femblables a certains egards , & les fubdivifions de ces claffes qui comprennent celles que des caradleres nioins generaux affemblem. Ces caradteres ne doivent pas etre abfolument arbitraires : fi on veut que la nature s'affujettiffe en quelque forte a l'ordre qu'on etablit , il faut que cet ordre foit puife chez elle-meme •, e'eft aux botaniftes a dechirrirer ces caradieres & a deviner l'ordre qn'elle s'eft impofiL Le fyfteme de M. de Tournefort confifte a tirer les diftinctions entre les plantes de la forme de leurs fleurs & de leurs fruits. II ne fe trouve qu'un petit nombre de genres de fleurs, par confequent l'etabliffement des claffes eft peu nombreux; a la feule infpection d'une plante inconnue, on eft en etat de juger par fa fleur a laquelle de ces claffes elle doit appar- lenir : pen de jours apres , le fruit dont la forme varie parmi les plantes de la meme claffe, en determine le genre; & les feuilles, le port de la plante , &c. donnent l'efpece. II eft done facile de retrouver le nom de la plante dans les catalogues,, fi elle eft connue, ou de l'y inferire a fa place, fi elle ne letoit pas» L'ordre qua propofe M. Linnaais, differe de celui de M. de Tourne- fort en ce qu'il tire les caradteres diftinclifs des plantes , principalement du nombre , de la proportion , de la fituation & de la figure des etamines & piftiles de leur fleur, & e'eft ce qui I'a engage a changer quelque chofe dans l'arrangement de M. de Tournefort. Une plante dont on peut voir feulement la fleur , fe rangera done comme d'elle-meme dans quelqu'une des claffes de M, Linnajus : la me- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i9i thode de celui-ci a de l'avantage fur celle de M. de Tournefort , en ce ^— SSI '~mm' ' que dans l'arrancemcnt des plantes , elle ne fe reftreint pas nrecifement a o telle ou telle partie de la neur preterablement a toute autre, mats quelle les cmploie toutes au contraire, fans negliger meme des parties aiifli pen Annit i~4~. considerables par leiir volume, que le font celles qui filtrent unc liqueur vifqueule & miellee, & que le botanifte Suedois appelle du nom de nec- taria ou alveoles. Les genres en font devenus plus invarLables & plus cer- tains. II ne faut pas croire cependant, que cette certitude fe trouve ega- lement dans toutes les parties du fyfteme de M. Linnarus. II a forme, avec raifon . dc- nouveaux genres , niais il en a reuni d'autres qui devoient ref- ter fepares. II a fouvent confondu, dit M. Guettard , plulicurs genres que Mr-- de Tournefort, Vaillant, Boerhaave & quelques autres avoient cm devoir dilHuguer. II a meme laiti'e beaucoup de doutes fur on grand nombre de genres , convenant que fa methode etoit infuffifante pour les decider. Ces lentimens dirTerens , ces incertitudes que JahTent les fleurs & les fruits, ont porte M. Guettard a chercher line troilieme partie qui put fer- yir encore de comparaifon , & fixer pour toujours (i les differences trou- vees par les botaniftes doivent etre regardees comme fuffifantes ou non pour former des genres dificrens les uns des autres. Et e'eft dans les glan- des & les filets ou poils des plantes qu'il croit avoir trouve cette nouvelle !>artie cara&eriftique. Ainii toutes les fbis que les caracteres employes par es botaniftes qu'on vient de nommer ne fuffifent pas pour decider le genre d'une plante, M. Guettard y emploie la nature des dirferentes glandes dont fes feuilles lont chargees, & des poils ou filets qui fervent de canaux excretoires a ces glandes. Ces organes, auxquels on n'avoit fait jufqu'i prefent que tres-peu d'attention , deviennent pour lui des caradteres dif- tindtifs & inalterables qui lui fervent a etablir des fubdivifions particulie- res , & a refoudre beaucoup de doutes lailTes par les anciennes methodes. Ces glandes & ces filets offrent une variete lurprenante ; il a fallu une obfervation conftante & longue pour les reconnoitre, un efprit d'ordre pour les ranger par claffes, & de grandes connoillances en botanique pour en faire un ufage utile pour l'arrangeinent fyftematique des plantes. Palions a l'ordre methodique fous lequel M. Guettard a cru pouvo'r ranger les glandes & les filets, Cell lui meme qui va 1'cxpofer. BoTANIQUE. Annie IJ4J. Uim. Glandes milliaircs. Planchel, iig. B, b. ;-+ ABREGE DES'H^HOIRES O R D R E METHODIQUE DES GLANDES. Glandes veficulai- res. ibid. fig. C, c Glandes ecaiileufeft Ibid. Iig. D, d. Glandes globulai- res. Ibid. fig. E. e. Glandes lenticulai- ies. Ibid. fig. D, d. Glandes a godet. Planchel. fig. 1,1,1. Glandes utriculai- res. Ibid. fig. H, h. J_irs glandes que j'.ii remnrquees, peuvent etre divifees p.ir rapport \ leur rigures, en fept genres, & etre appellees i°. glandes milliaires , parce que ce ne font que de tres-petits points, ramalfes par tas , a-peu-pres comme les glandes milliaires des animaux : ceiles des plantes s'obfervent dans le pin , le fapin & tous les arbres de cette clafle. i°. Glandes vehculaires , parce que ce ne font, pour ainli dire, que dc petites veflies femblables a ceiles qui feroient formees fur un animal par une liqueur extravafee entre l'epiderme & la peau , on en a un exemple dans les millepertuis , les orangers, myrtes, lyiimachies, & plufieurs autres arbres ou plantes. 3°. Faute d'un ineilleur nom, j'ai cru pouvoir appeller gldndes e'cail- leufes , des efpeces de petites lames circulaires ou oblongues , que Ton prendroit pour autant de petites ecailles , fur-tout lorlqu'on oblerve les feuilles a la vue fimple; elles different des glandes velkulaires ; en ce que celles-ci ne s'elevent point au-deffus de la iurface des feuilles ; des globu- laires, par leur figure, & parce qu'elles ne font. point renfermees dans une cavite; des lenticulaires, par leur figure, & parce que les bords des len- ticulaires font continus avec ceux des furfaces ou eiles fe trouvent, & que ceux des ecailleufes en font comme fepares & diftintls : on peut voir de ces glandes fur les feuilles des fougeres. 4.0. Glandes globulaires , parce qu'elles ont la forme d'un corps plus ou ou moins fpherique ; e'efl: fur-tout dans les plantes a fleurs labiees qu'elles s'obfervent. ^°. Glandes lenticulaires, parce qu'elles reprefentent une lentille ronde ou oblongue : les nouvelles poutfes d'un grand nombre d'arbres, pour ne f>as dire de tous, en font chargees; on peut les voir aifement dans le bou- eau , dans l'aune , dans le terebinthe : on peut encore ranger ici ceiles qui s'obfervent dans quelques genres des rubiacees. 6°. Glandes a godet, parce qu'elles forment en s'ouvrant une efpece de petite taffe ou de godet dont les peinrres fe fervent , foit que la petite taffe qu'elles reprelentent foit ronde, oblongue, naviculaire, quelquefois meme un peu pointue , ou quelle fe courbe en portion de cercle, elles fe trouvent ordinairement a la bafe des feuilles-, les pechers, les abrico- tiers , les acacia , les granadilles & quantitd d'autres plantes en font voir de ce genre : on doit meme regarder les dentelures & les crenelures d'une infinite de feuilles comme une efpece de ces glandes. 7°. On pourroit ranger fous un feptieme genre des efpeces d'utricules ou veilies , dont les feuilles & les tiges de plufieurs plantes font chagri- nees , & les appeller glandes utriculaires ,• mais ii on n'accordoit qu'i i DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES, x^ peine le nom de glande aux corps aaxqu<.Is on l'a donne dans les fix gen- T^^^^^^^n res precedens , on 1'accorJeroit encore moins a ceux-ci , Us ne relTcmblcnt BOTAN,OOE pas mal a ces veffies qui s'elevent fur la peau des hommes attaques de la maladie appellee porcelaine : il n'eft pas aife de determiner fi ccs vcfrtes Annifc n^. fonf dans les plantes l'ellct d'une maladie, ou h elks leur font naturelles, je t.iehcrai cepcnJant de le fairc lorlqne y: fcrai parvenu a leur article : quoi qu'il en (oit , je crois potivoir les nommer jufqu'a prefenc glandes utriculalres , afin de fixer les idees & de pouvoir s'entendre ', ces veflies s'obfervent principalement dans les joubarbes o\\fedunit dans les rifeda> les gaudes 3 les ricoides , les aloes. Des Poils ou Filets. Les filets fburniiient line plus grande variete en les coniiderant du co des mamelons fur leiquels ils lont portes, & du cote de leur figure, que celle que les limples glandes nous ont fait voir : les mamelons qui port ;,: les filets, font pour la plupart limples, e'eft-a-dire, qu'ils ne font compofes jue d'une veffie parenchymatcufe , d'autres le font de plufieurs. Les filets ont, comme je 1'ai dit plus hnut, cylindriques ou coniques, limples, fans grains ou articulations •, d'autres font graines ou articules. Les articulations de plulieurs font ramifiees, on jettent des barbes comme le corps des plu- mes des oifeaux : j'etablirai done fur ces differences , la divifion que l'on pent taire de ces filets, & les appellerai : i p. Filets a mamelon globulaire , foil que ce petit globe foit pariai- Filet- 1 m.imelon tement fpherique, Bit qu'il s'alonge par un cote, ou qu'il foit ellipfo'ide. S! >I>ufaircPlaBchcll. ^C'eft fur les hnuolites de la fraife , forniee par le corps des etamines des ' ° cucurbitacees que j'ai remarque de ces filets , & ce n'eft encore que dans ces plantcs. Le pen de longueur qu'ont ces filets, pourrojt •peut-etre leur faire re- fafer ce nom, & penfer qu'ils ne font formes que par les bords de I'ou- verture fuperieure des mamelons, & que j'atirois dii les mettre an nombr-; des fimples glandes. Je ne me ferois peut-etre pas trop eloigns de ce qui eft, en le faifant -, mais j'ai cru, pour plus d'exaetitude , devoir en faire le premier genre des filets , & les placer ainli entre les glandes limples & les vrais filets. '2°. Le premier genre de cenx-ci eft compofc des filets cylindriques, FIFets cylindi e'eft-a-dire, de ceux dont le diametre eft egal ou prelque cgal dans route 1:"*- &&• i- h longueur : ils s'obfervent dans les mouffes, dans les plantes legumineti- fes, dans celles qui ont la flcur en rofe, & quelques autres. 5°. Les filets de ce troifieme genre font coniques, ce font ceux que Ton Filets coniques, trouve le plus communement. On peut aifement les voir dans fes plantes "'"'• hi>' •»■ a fleur en raafque, dans plulieurs genres des cruciferes, des maivacees. Si dans ceux de plulieurs autres clallcs. Les mamelons & les glandes dont j'ai parle jufqtuci , on dont Ics genres fhivahs, excepte le qilatrieme , font compofes, ne paroiffenf formes que par une \ x : tcule parenchymateufe, mnis k-s mamelons dc5 filets de ce qua- Uieme genre paroiffent l'etre de plulieurs : ainfi il faudroit pcut-ctre en z%6 A B R £ G E D E S M i M O I R E S faire le dernier ; jraais cornme le filet eft fimple , fans articulations, fans Botanique 8iainS "' al'treS Rarticulalit" ' )'ai C1'11 Bf devoir avoir egard qui la figure ' da filet pour la fuite des genres & a l'un & a l'autre pour l'inipoiition du AnnU ij-fj- nom. L'amas des velkules parenchymateufes qui entrent dans la compoii- tion du mamelon , & leur arrangement , forment un gros bouton , fem- blable a celui qui fait le manche de cet inftrument, dont plufieurs ouvriers fe fervent, & qu'on nomine poincon; le filet en eft l'aiguille, il en appro- che d'autant plus qu'il eft trqs-roide , & quelquefois mime tres-piquant , ainli le quatrieme genre fera : fflets en Poincon. 40. De filets en poincon, ils ont ete accordes aux bouraches, aux bu- Plunche II. fig. 5. gloffes, pulmonaires , gremils, cynogloiTes, enfin a toute la daffe des bor- raginees. Filetsenlarmeba- 5°. On trouve rarement de ces filets fur les feuilles ou les tiges des uyiqueouenmafl'ue.pianteSj c'e(j. communement fur les fleurs : la levre inferieure des fleurs en mafque en eft pour l'ordinaire chargee & comme heriifee , on peut s'en affurer dans les linaires, les muffles de veau, les euphraifes, Sec. Filets a cupule. 6°. Le bout fuperieur des filets qui formeront ce uxieme genre, s'evafe Ibid, fig- 7- & forme une petite talfe ou cupule , femblable a la cupule des glands du chine : j'ai tire leur nom de cette propriete, A les ai appelles^/ea a cu- pule, foil que cette partie foit extremement evalee & prefque plate, foit quelle foit un peu plus arrondie, moins evafee que dans les premiers, ou que fon fond etant plus etroit que dans les autres, elle ait ainfi une figure plus alongee : quelques-uns de ces filets font coupes vers les deux tiers de leur longueur par une efpece d'articulation qui manque aux autres ; malgre cette difference , je les ai places ici, parce qu'ils leur font pour le refte femblable en tout : ce genre fe rencontre dans differentes clalfes de plantes, parmi les legumineufes , les arrete bceufs en ont qusntite , les blat- taires en font chargees, la fraxinelle & un grand nombre d'autres ; mais il y a peu de plantes oil on puitfe les voir plus facilement, & ou ils faf- fent un plus bel eftet que fur les petites feuilles qui entourent la bale du fruit de la granadille a odeur forte, & fur celles qui embralfent le pedi- cule de chaque feuille. Filets en aiguille 70. Les filets de ce feptieme genre fe courbent par en haut , de facon courbe. Ibid. fig. 8. qU'jls reprefentent une aiguille courbe •, ainli J'ai cru pouvoir les appcller filets en aiguille. Le gratteron , les garances , les caille-laits & les autres plantes de cette claife en font garnies. Fiieu en croffe. 8°. Le haut de ceux de ce genre fe recourbe comme celui des prece- Planche U. fig- 9. (}ens t mais Cette pointe recourbee ne paroit pas etre diftincle & comme feparee par une ouverture du corps du filet ; ce qui s'obferve dans les filets en aiguille courbe. Les femences des aigremoines 2c de la circee en font garnies. Filets en hamecon. 9°. Le bout fuperieur de ceux-ci fe divife en plufieurs petites Ianieres Ibil. fig. 10. recourbees en dehors & crochues -, de forte qu'ils reprefentent affez bien un hamecon compofe : j'ai tire leur nom de filets en hamecon de cette reflemblance. Les femences de la cynogloffe & de la buglofle a femences hcriflces en font rsellcment lieriffees. 10". Ces DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. $yf Ces filets one beaucoup de rapport avec les fuivans , mais its en : different en ce que leurs branches font plutot recourbees que droitcs ,13 Q T A N , v Ei qu'ellcs font toujours egales , ail-lieu que dans les y grecs line branche eft fouvent plus courte que l'autre, qu'ellcs paroiffent avoir an pedictile dif- Annie 174^. fcrcnt da Corps du filet, qui duns les autres n'eft que divife en deux par Fi,cts cn croeheti le luut. Les filets en crochet fe rencontrcnt dans plulieurs genres des J: ' l!°' "' plantes a demi-fleurons. n°. L'extremite fuperieure des filets de ce genre fe divife egalemcnt Filets en y jrae. par le haut en deux, trois ou plulieurs parties, mais qui ne fe recourbent 1:-d- ''6- 12- pas , qui ne font point plates comme les lanieres des filets du neuvieme genre , ce qui les fait plutot relTembler a un y grcc qu'a toute autre chofe-, ainli j'ai cru ne pouvoir mieu» les deligner par le nom'de filets en y grec : plulieurs genres des plantes cruciferes en font garnies, il y en a ou l'y grec eft limple , dans d'autres il eft compofe, e'eft-a-dire, que le bout du filet finit par deux y grecs, & racmc par trois & quatre : la plupart de ces filets font pofes perpendiculairement , d'autres font couches horizontalement ; ceux-ci donnent a certaines feuilles, lorfqu'on les regarde a la loupe, quel- qu'air de ces productions marines que l'on appelle aflroites , oil bien lorf- qu'il y a peu de divifion , on diroit que ce lont autant de petites croix de Malthe : toutes les parties des alylTon en font couvenes. 1 z°. Je n'ai place les filets en navctte dans ce neuvieme genre , que Fifcu " uavertt. parce qu'ils out un certain rapport avec les y grecs horizontaux de quel- PIanch-' U" "S- **• ques cruciferes , comme ces filets , ils font horizontaux , ils s'elevent or- dinairement peu, & lorfque leurs bouts fe redreflent, on les prendroit pour les premiers', ils auroient peut-etre ete mieux places au fecond gen- re, & par confequent avant tons les filets perpendiculaires : quoi qu'il en foit , on conviendra aifement , en les examinant , que le nom qu'ils ont leur convient tresbien-, il faut fur tout les chercher dans les cornouilliers. Je les ai aiuTi vus dans une ou deux efpeccs de verveinc, dans un peri- ploca, dans le houblon & quelques legumineufes. Les filets de ces douze premiers genres ne font point artittiles ni cou- pes d'un ou plulieurs nccuds : ceux des genres fuivans fouftrent des etran- glemens dans un ou plulieurs endroits de leur longueur ; ces articulations ne font pas dans tous de la mime figure , de la mime longueur ni du meme diametre , les uns font irreguliers & comme formes de grains qui paroiifent poles au bout l'un de l'autre •, il y en a qui ont des articulations dont cellcs du bas font moins longues & plus grolTes que celles qui les {invent , d'ou il refulte un tuyau conique : dans d'autres , ces articulations font a peu de chofe pres des memes longueur & largeur , ce qui leur donne une figure prefque cylindrique , ils font pour la plupart lans rami- fications, e'eft-a-dire, qu'il ne fort point de leurs cotes des filets plus petits , mais beaucoup d'autres en font garnis : de ces differences, je for- merai les genres qui luivent. 13'. J'appellerai les filets de ce genre du nom que Malpighi a cru leur . *"« devoir impofer en les comparant a une alene, parce que le bas du tuyau ' '»' !*' eft d un diametre beaucoup plus gros que le refte , & qu'environ le n'i- Tome X? Partie Franfoi/r. P p 1V8 A B R E G £ DES MEMOIRES — — — ^» lieu de fa longueur il eft retreci , ce qui lui donne affez la figure de cet ■n infhument •, ainli en admettant fa comparailou , on pourra les nommer ' filets en aline : c'eft principalement dans les orties oil il faut les chcrcher, & oil ils fe font bkntot fentir. Annie *747- Filets aniculcs. Ibid, fia. 1 6. Filers ?i valvules. Planche II, fig. ip. Filets graines. Ibid. fig. 1 8. Filets a naiids ou noueus. Ibid. fig. 17. 1 40. Les filets articules ne different des precedens qii'en ce que la pre- miere interfeclrion eft ruoins groffe., moins gonflee & moins alongee que dans- les filets en alene , & qu'ils font ordinairement compofes de plufieurs de ces interfecTjions , au-lieu.qil'il, ji'y en a ordinairement que deux d.ms les autres : cetix ci s'obfervent fur-tout dans les plantes \ fleurs labiees. i ides fleurs en oeillet, celle des morelles ofircnt de ces filets. 16°. Je rangerai fous ce genre ceux qui font faits.de facon qu'on les diroit compoles de grains mis bout 4 bout.: cette figure ne leur vient que de ce qua chaque divilioii.il y a un etranglement condderable, & que le milieu de l'interfefbion eft tres-renfle •, c'eft auffi cette figure qui m'a de- termine a leur donner le nom de filets grainis. L'interieur de lafletir des melons , des con comb res , des citrouilles & des plantes de toute- cette clafle , eft tres-bien fourni de ces filets. 170. Dans ceux-ci l'etranglement de chaque divifion eft moins condde- rable que dans les precedens , ou plutot il n'y en a point, c'eft au cc iv- traire line efpece de gonflement qui forme des naeuds plus ou moins gros, dela vient le nom de filets a nezuds ou noueux que Je leur ai donne ■, i!s s'obfervent dans les chelidoines , les pavots cornus oirglaucium , les pavots ordinaires-, dans ces derniers ils ont a chaque nceud tin petit filet lateral, & pofe ordinairement alternativement d'un cote & de rautre,ces petits filets tombent tres-vite , & il faut les cherchcr , lorlque la p'ante eft ieuhe , fi on veut les voir : ce qui m'a empeche d'en faire un genre particulier, d'autant plus qu'ils conviennent avec les autres par une cou- lenr de nacre plus ou moins vive que Ton remarque a tous ceux de ce genre. Filets a gonpHlons. 180. Les noetids des filets de celui-ci font de tout cote herifles de pe- Planche U , fig. 20. ^ filets5 je meme que les tetes des goupillons , ce qui me les a fait com- parer & cet inurnment. Le velu ou le drape des bouillons blancs.& noirs, celui des phlomis, eft en partie forme par ces filets. •. 19°; La reffemblance que ceivx-ci OH* avec les plumes des oifeaux, eft fi frappante dans quelques plantes, qu'on ne pourra leur reftifer, en les obfervant, le nom de filets en plume. Les pilofelles , les pulmonaires des Francois, doiventleur vein a ces filets. ■ 20°. Les mamelons, qui font a la bafe des filets de tolls les genres pre- cedens, ne portent qu'un file:; mais ceux de's filets dont le dernier genre eft compofe, en font, pour ainfi dire, lardes : cliaqile msmelon en a de- puis deux jufqu'a fix, fept & pent ctre davaritage, de facon que ceux qui Filets en plume Ibid. fig. 21. Fileis en houppe. Ibid. fig. 21, DE X'ACAnEMIE * OVALE DES SCIENCES: »» en out le plus, rcpreTentent une petite toque ou une houppc , ce qui me- les a bit .ippcller jiktx ou^aifpfre. Des daifeir enticres de plantes ont deR ces houppes, coinme celle des mauves, prefque toutes celles des arbres T** J-qu * chatlons, les ciftes, les hclianthcmes , plufieurs efpeces dc morelle en Aim's ija- lont couvcrtes. " /,/# Dans la fuppofition que les filets feroicnt des vaiffeaux excretoircs, &z les mamelons des glandes , on pourroit ne faire qu'une claffe des glandes & des filets, Sc les diviier en glandes fans vaiffeaux excretoires, & en glandes a vaiffeaux excretoires, & fous-divifer celles-ci en deux fedMons, dont l'une feroit de celles qui n'ont qu'un feul vaiffean excretoire qui fe ramifie ou non , & de celles qui en ont plufieurs : les premiers pourroient encore fournir une nouvelle lous-diviiion , en les confideraut du cote de la propricte qu'ils ont d'etre coupe's d'articulations ou de ne 1 erre pas , & meme fi Jon vouloit , du cote de leur figure cylindrique ou conique! Celt en effet 1 ordre que j'ai a-peu-pres fuivi dans 1'arrangement des glandes & des filets, coinme il eft aife de sen appercevoir. Tel eft l'ordre methodique des glandes & des filets ou poils des plantes obferves par M. Guettard. Souvent ces parties ont echappe a fa vue dans certains iujets , mais il les a appercues avec une loupe de quelques li- mes de foyer, & il en a decouvert l'ordre, la couleur , la utuation , & julquaux moindres particularity. Nous n'entrerons point ici dans le de- tail des plantes dans lefquelles il a obferve quelqu'une des differentes ef- peces de glandes & de filets dont nous venons de parler, nous ne le fur- vrons point non plus dans 1'examen tres circonftancie qu'il fait de la lifte des plantes de la reunion defquels M. Linnauis a dome- : examen qui rem- plit les fept memoires que nous avons annonces ci-deffus. A l'aide de fa rnethode le botanifte Francois leve prefque tous les doutes du Suedois & retablit l'ordre ou ily avoir de la confulion. Mars cet examen forme une longue nomenclature , une luite d'obfervations critiques , qui ne pent pas convenir a un abrege.teT que le notre -, & nous avons rempli notre tache, des que nous avons donue tin, precis du fyfteme botanique de M. Guettard , & que nou* avons fait voir ia grande utilitc de ce nouveau moyen pour 1'arrangement des plantes. L - - Pr abrig£ des memoires Botaniqve. EXPLICATION DES FIGURES. Annie 1747. P l a n c h e I. JLua figure A , reprefentc une fcuille qui riunit tontcs Ies cfpcces de gl.ind.s & plulieurs des matieres qui en tranfpirent. II auroit peut-etre micux etc de faire deffiner chaque efpece de glandes fur unc fcuille dcs plantes ou elles fe troiivcnt , mais cela auroit ocra- lionne un trop grand nonibre de planches , outre que les feuilles dun liienie genre de plantes varient fouvent beaucoup, & qu'une inane efpece de glande s'oblerve dans des claries difierentcs : on s'eft done contents de forcer encore beaucoup les figures des glandes & des matieres qu'elles donnent dans colics qui font rui bas de la planche, favoir : - Fig. Bjb, glandes milliaires qui en s'ouvrant prennent differentcs figures. Fig. C > c , glandes veliculaires. Fig. Dj d , glandes en forme d'ecaille. Fig..E't e, glandes globulaires. Fig. F , f. glandes lenticulaires. Fig- Ci , gj glandes lenticulaires ouvertes. Fig. Hj hj glandes utriculaires. Pig.ljljlj dentelures epaiffes qui forment ordinairement des glandes 4 godet des differentes figures , 1 — 1 , l'une eft ronde & l'autre. eft en portion de cerde •, elles font ordinairement a la bsfe des feuilles, 2 — i,,celles-ci font triangulai- res, 5 — % , ces troiliemes arrondies, 4 — 4, ces quatrie- mes rondes, 5 — 5, ces cinquiemes oblonguos. Tig, Ka k, grains qui fuinteiit de plufieurs glandes veficulaires. "Fig- Ljij veffies qui fortent de certaines glandes vaiculaires, 1 eft une veffie qui a une efpece de pedicule plus long que celle de la figure 1 -, celles de la figure 5 n'en ont point. Fig.M,m, grains qui s'arrangent en chainons ou en chapelets. Fig.N, duvet forme par dcs fils qui fuintent des glandes de plu/ieurs genres de plantes. Planche II. La figure premiere reprefente une fcuille deffinee en grand pour faire voir la diftribution des nervures , leurs ramifications , & les aires qu'elles forment au milieu delquelles les glandes ou les filets font places. Comme les glandes ont etc reprefentees dans la figure A de la premiere Fig. i. Fig. i> Fig. 4. Fig. 5> Fig. 6, Fig. 7> Fig. 8, Fig. V' Fig. 10, Fig. »i_i DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 301 planchc > on a place ici quclques filets dans un des cotes de la fcuille , ~ SST pour faire voir qu'ils lortent d'endroits fcmblables a ccux des glanda. Botanique. filets a mamelon globulaire, a ronds, b oblong:. Annie 1747. filet cylindrique. filet conique. filet en poincon. filet en larme bataviqne on en ma flue. trois filets a cupule, dans la figure a la cupule eft ronde, dan; cclle qui eft marquee b , elle eft oblongue, & dans la troi- fieme Ic filet eft coupe d'un nneud dans la longueur, filets en aiguille courbe de difFercntcs grandeurs, filets en crofle, a femence d'aigremoine heriflec de ces filets, b filet reprefente encore plus en grand que fur la tete. filet en hame^on a pluficurs crochets, a graincs d'une cyna- gloffc avec les filets , b filet plus en grand, filets a crochets , a grand filet qui fait la fourche , b moyen dont les branches font recourbees , c petit qui a audi fei branches recourbees. Fig. 12, filets en y grecs horizontal!*, a filets a trois branches, b a deux, c\ trois, dont tine eft fimple-, d a plulieurs qui forment une efpecc d'etoile. Fig. i}, filets en y grecs perpcndiculaires, a filet dont I'y grec eft fim- ple , b qui a un y grec & un filet qui n'eft point di c qui eft charge de deux y grecs complets , d de trois. Fig. 14, filets en navette , a qui ne s'efeve point, b qui eft pofe fur un gros mamelon. Fig. 15, filets en alene, a cette figure eft pour montrer que ces filets font quelquefois remplis de liqueur, b filet oil cette liqueur ne fe voit point. Fig. 16) filet articule. Fig. 17, filets a nceuds ou noueux, a filet fimple, b ramific. Fig. 18, filet graine. Fig. 19, fikt ^ valvules. Fig. 20, filet a goupillons. Fig. n, filet en plume. Fig. 22, filets en houppes, a la houppe n'a que deux filets, b trois, c cinq, d plulieurs, dont le nonibre eft indetcrmine. h a T A N I Q U E. Aim(e Z74S. ;o2 ABRlCt D E S M E M 0 1 R E S SUR LES P L A N T E S QUI VEGETENT DANS z' E A V. L, Hilt. J J e s plantes font en ginentl dp deux efpeces ; les unes font deftinees i vivre dans l'eau kns teiiir a la terre, telies fout }a lentille d'eau, la cha- taigne d'eau, &c. les autres tiennent & ]a terre par leurs racines, & pouf- fent leurs tiges dans l'air. II n'eft pas etonnant de voir les premieres vi- vre & vegeter dans l'eau, elles y font dans leur element ; mais il doit §*- roitre, & il eft: en erret bien fingulier que les dernieres puiilent fe paiTer de terre, & qu'on les faffe fubnlter & croitre avec de l'eau pure. La premiere idee de 'cette experience eft due a Vanhelmont, qui s'avifa d'elever une branche de faule dans du lable pur qu'il arrofoit , & cela dans la yue d'eprouver ft l'eau feule pourrpit lufrire pour fa vegetation. On lit dans les mempires de l'academie royale des fciences de Berlin , qu'on y a eleve plufieurs plantes en les femant dans de la mouffe qu'on avoit foin d'arroler ; enfin h\. Bonnet, correfpcuidant de l'academie, a repete avec foin les experiences de Berlin ; il les a merae pouffees jufqu'a la comparaifon entre les plantes elevees dans dp la rcoulie, & les memes plantes, venues dans de la. terre-, & il relulte de fes experiences, qu'en certaines circonftances la mouffe eft audi favorable que la terre a la ve- getation. Un feul point manquoit a ces experiences , c'etoit d'etre affure que le fable & la mouffe ne contribuoient en rien de leur propre fubftance a la vegetation des plantes. qu'on y elevoit \ car s'il avoit ete bjen. prouve qu'elles n'y euffent aucune part , il auroit ete certain que l'eau feule efoit fufKfante pour fournir a la nourriture 8c a l'accroiifement des plantes terreftres. Mais il eft inutile de recourir a de nouvelles qbfervations pour conf- tater l'exiftence d'un fait connu prefentement de tout le monde-, on fait comment un tres-grand nombre de perfonnes trouvent le fecret d'accele- rer en quelque forte le printemps, par le moyen des oignons de diffe- rentes fleurs qu'on place fur des carafes pleines d'eau, & qui donnent, en hiver , des fleurs audi belles & auffi parfaites que celles qu'on eleve en pleine terre en donnent dans leur faifon. II n'eft pas douteux que ces plantes n'aient tire route leur nourriture de l'eau-, mais dans cette fuppolition , comment concevoir que ce liquide, qu'aucune operation chymique ne peut forcer a prendre une forme diffe- rente, fe corporifie en quelque forte dans les organes de la plante pour paroitre fous celle d'un corps folide ? De plus , (i l'eau feule fournit a la nourriture & & l'accroiffement des plantes , & quoi peut fervir le fumier dont la neceffite eft reconnue de tout le monde , & d'oii viendroient les differences de qualites qu'occalionnent dans les vins & dans les fruits la DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. j les particules qu'clle tiroit de la terre. Annie it 48. Toutes ces diihcultes pouvoient jetter bcaucotip de doute fur les expe- riences dont nous avons parle , fur-tout li on fait attention que la tige & les fcuiiles des plantes qui ont des oignons , fe reduifent prefqu'a rien , quand on les fait defiecher-, que quelques oignons poiillent de grandes & belles feliilles fans le fecours de l'eau & de la terre , 8t que par conlequent ils peuvent fournir beaucoup a la plante par eux-memes & de leur proprer iubfta"- tance. Pour parvenir a lever tous les fcrupules qu'on poilvoit avoir fur cetter matiere, Ml du Hamel entrcprit de faire des experiences fur des .plantes a oignon , (ur d'autres qui n'en eutfent point, & memc fur des arbres. 11 commenca par clever dans de la moiiffe & dans des eponges , des plantes lcgumineufes & des plantes capillaires -, & cette premierc^epreuvc ayant parfaitement reulfi , il entreprit d'elever dans de l'eau pure de pa- reilles plantes, & nieme des arbres. Les lemences qu'on veut employer, comme feves, glands, marrons, &'c. doivent etre placees d'abord dans de la moiiffe humide pour les faire gcrmer, & enfuite fotitenues au-deffus de l'eau, de maniere que la panic ieule ou eft la radicule y trempe •, car li l'eau les couvroit routes entieres,' elles petiroient infailiiblement. On doit obferver la meme chofe pour les oignons, ils fe trouvent auffi mal que les autres plantes d'etre totalemcnt liibmerges. La forme des vaiffeaux n'eft pas indifferent? , Inexperience a beauconp mieux reuffi en polant les jeunes plantes toutes germecs fur l'embouchure d.' ces bouteilles plates, qui lervoient autrefois a conferver des vins pre- cieux, qu'en employant des vaiffeaifx de verre cylindriques, de quatre a cinq polices de diametre fur deux pieds de hauteur; peut-etre cette diffe- rence peut-elle venir de ce que ces derniers vaiffeaux contenoient une maffe d'eau trop grande , & par confequent trop difficile a echauffer. An moyen de ces attentions, M. du Hamel eut dans l'eau pure de rrJs-J belles feves de marais , qui s'eleverent jufqu'a trois pieds de haut ; elks produifirent de grandes feuilles, de belles fleurs & quelques fruits. Deux marroniers d'Inde durerent en bon etat pendant deux ans-, & au bout de ce temps . ils fiirent plantes en terre oil ils reprirent fort bicn. Uh ariian- dier fublifta avec l'eau pure pendant quatre ans, & he pcrit que parce qu'on Jen laifla manquer. Un chene , qu'on a toujours eu foin d'en fournir, etoit, lors de la lecture de ce memoire, depuis huit ans en tres-bon etat-, il produifoit chaque printemps de belles feuilles & du jeune bois : il eft vrai que dans les premieres annees Ies'pouffes avoient ete beaucoup plus condderables que dans les derniercs •, mais M. du Hamel foupconne que cette diminution de vigueur doit plutot etre attribute a J'tfaf des racines de eft arbre, devenues trop menues & fro? -pen chevdues, qu'a ce qu'il rqu.t du fuc neceflairc -.toujours eft-i! bien prouve que cet arbre, out 3*4 ABREG^ D E S M E M O I R E S —— — — avoit quatre on cinq branches, dont la tige avoit par le pied iS a 20 li- gnes de circonference, a tire fon bois , Ion ecorce, en un mot, toute la- li o t A n 1 q u E. nla(j"e f0lide qUj le compofe , de la fubftance de l'eati la plus claire , puif- Annc'e 17 18. quon na employe pour le nourrir que de l'eau de Seine filtree dans une fontaine fablee , & qui avoit encore lejourne tres-long- temps dans des cru- dies de gres, a quoi nous ajouterons, pour augmenter le prodige, que les petits arbres eleves dans l'eau ont dbnne, par l'analyfe chymique, les memes principes que des arbres de mane efpece & de meme age qui avoient ete eleves dans la terre •> ces experiences font bien furfifantes pour faire voir que le fable, la moufle & la fubftance propre des oignons ne contribuoient pas beaucoup a l'accroiffement des plantes dans les expe-t riences que nous avons rapportees. On pourroit peut-etre objeCter que l'eau la plus pure n'eft point un phlegme, ou une eau elementaire, & quelle contient toujours quelque portion de principes huileux , falins , &c. qui reftoient dans la plante apres que le phlegme s'etoit evapore; mais il refultera toujours des experiences de M. du Hamel , que la nature fait , en cette occaiion , dans les plantes une analyfe de l'eau qui eft impoffible a l'art , puilqu'aucun procede chy- mique n'a pu jufqu'ici en tirer ni huile , ni fel , du moins en quantite fenfible. II eft rare quune experience , quelque decifive qu elle paroiffe , puifle faire abandonner fur le champ un fyfteme generalement recu , fur-tout quand il paroit s'accorder aux loix de la phylique, & a un grand nombre d'autres faits bien conftates. Quoique les experiences de M. du Hamel lui euffent evidemment fait voir que l'eau feule pouvoit {uftire a la nourri- ture des plantes , il reftoit cependant a examiner ft l'eau chargee de cer- tains fels, ou de la leffive de terre, de cendres, de fumier , ne feroit pas encore plus propre a la vegetation : il a tente tous ces moyens, mais inu- tilement; lorfqu'il n'y avoit dans l'eau qu'une trcs-legere portion de tou- tes ces matieres , elle agiffoit precifement comme de l'eau fimple ; & li elle en etoit plus chargee , les oignons & les plantes y perilloieiit. Peut- etre cependant, & e'eft une reflexion"de M. du Hamel , y auroit-il une proportion affcz precife dans laquelle ces matieres melees avec l'eau, fe- roient favorables a la vegetation ; mais cette proportion n'a pas .encore ete trouvee, & peut-etre ne la fera-t-elle jamais. La tranfparence des vaiffeaux , & la limpidite de l'eau , ont donne lieu a M. du Hamel de faire fur les racines des plantes plulieurs experiences qu'on n'avoit pu faire jufqu'a prefent fur celles qu'on elevoit dans la terre. Une femence qu'on a fait germer, fournit ordinairement trois fortes de productions , les racines , les feuilles & les tiges : les racines , qui fe deve- loppent les premieres, paroiffent afpirer l'eau dans toute leur longueur ; elles n'en vivent pas moins pour avoir une de leurs parties hors de l'eau, foit la pointe , foit toute autre portion •, mais fi elles en fortcnt entiere- ment, elles fe fechent, & periffent en tres-peu de temps. Les racines ne s'alongent pas dans toute leur eteudue, elles ne pouflent que ppr la pointe, ii ceflbnt de poufler fi on en empprte une cerlaine longueur : M.duHaaul DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jo^ sen eft allure en coupant l'c-xtrcmite de quelques-irhcs , & en faifant — ' ' — ■ aux autres des marques qui repondoient a d'autres marques faites fur le 13 G T k ..,.„,, verre du vaiffeau qui les contenoit. Jamais les racines coupees ne fe font alongees , & les marques faites a celles qui ne l'etoient pas, font toujours 4nne'e fJ^S. demeurees drns la mtrae place , quoique ces racines fe foicnt conlidiirable- rrient alongtSesj ce qui ne feroit pas arrive li elles avoient crii autrement que par leur extremite. Lorfqu'on detruit beaucoup des racines d'une plante , il paroit que fa vegetation eft retardee; cependant quelques-unes «n repouffent un tres-grand nombre de plus menues , qui fuppleent par leur quantite a celles qu'on a retranchees, & la plante ne paroit pas en fouffrir. En general, quand les plantes a oignon out peu de racines, elles pouffent peu en feuilles, les tiges paroiffent plutot, & elles viennent plus foibles. Les feuilles , qui font la feconde partie du developpement de la plante, ont une facon de croitre bien difterente de celle des racines : celles des ar- bres paroiffent croitre dans toutes leurs parties ; elles fortent du bouton pliees en eventail, & il paroit qu'en croiffant , chaque pli de cet eventail s'etend proportionnellement, & la feuille garde a-peu-pres la meme figure en grand qu'elle avoit en petit ; mais les feuilles des plantes a oignon ont un accroiffement different, elles ne croiffent que par la partie qui tient a l'oignon, & nullemeDt par la pointe : M. du Hamel s'en eft affure en fai- fant des marques a des diftances egales fur de jeunes feuilles ; il n'y a ja- mais eu que celles qui etoient placees vers le bas de la feuille qui fe foient ecartees, les autres font reftees conftamment a la meme diftance les unes des autres. Ce fait femble , ail premier coup-d'ceil , contraire a ce qui fe paffe dans le developpement des bourgeons des arbres, qui ceffent ordinairement de croitre par la partie adherente a 1'arbre, pendant que l'extremite pouffe trcs-vigoureulemenf, mais li on le coniidere avec atten- tion, Ton verra qu'il rentre dans le meme arrangement de la nature, en ce que dans la feuille comme dans le bourgeon e'eft toujours la partie qui a paru la premiere qui s'endurcit d'abord, & qui ceffe de croitre-, & la contrariete apparente de ces deux faits ne vient que de ce que la premiere partie de la feuille qui fe developpe eft fa pointe, au-lieu que le bour- geon fait d'abord fortir fon enyeloppe , qui doit demeurer attachee a la tranche. Les tiges ont toujours paru fe developper egalement dans toutes leurs parties, du moins dans les plantes a oignons-, car dans les arbres, & fur- tout dans le chene, il fe trouve quelque difference : la tige y paroit poul- fer a deux rcprifes, comme li e'etoit deux arbres qui cruffent fucceilive- ment au bout l'un de l'autre •, & la caufe de cette difference eft que la pouffe des arbres fe fait en deux temps, & affez diftans l'un de l'autre, qu'on nomme les deux feves. Une feconde difference qu'on y obferve, eft que dans les plantes a oignons les feuilles ont pris la plus grande par- tie de leur accroiffement quand la tige paroit, au-licu que dans les arbres la tige a prefque pris toute fon etendue avant que les feuilles foient a la moitie de leur developpement. Le chene a encore ofrert a M. du Hamcl Tome X. Partie Frangoife. Q q ;o5 ABREGE DES MEMOIRES ""■■'■ nn alure phenomene, c'eft line efpece de mucilage qui developpe les ra-^ B o t A n i o it e C'"CS : ^eT01t'ce un excrement de la plante qui difparoitroit , & feroit ab- forbe dans la terre quand l'arbre y eft? il n'i pu encore s'en affurer, mais Annie tyjS. il lui a paru que fort chene pouiioit plus vigoureufement quand il avoir depouille les racines de cette efpece d'enveloppe. De toutes les obfervations que nous venous de rapporter, il refulte que le paradoxe etonnant que les plantes terreftres peuvent vivre & tirer leur accroilfement de 1'eau pure, du moins pendant un temps confiden.ble, eft cependant trcs-vrai, 8c que la fubftance de cette eau paroit le convertir chez elles en fubftance folide, & differente fiiivant la dinrrente nature des plantes. La caufe de cette linguliere converfion ne nous eft pas encore connuc, c'eft beaucoup que d'avoir pu conftater le fait : les oblervarions modernes en fourniffent aux phyhciens plus d'un de cette efpece, & dont Texplication eft peut-etre refervee aux fiecles futurs. Les experiences de M. du Hamel fur les femences qu'il a fait germer dans la mouire, lui ont oftert un procede utile dans bien des occalions : il eft un grand nombre d'arbres & de plantes qu'on a peine a elever de femence, parce que les jeunes pouffes periifent prefque toutes. M. du Hamel a obferve que ces plantes qui perilloient, avoient toutes une meurtriffure a la partie qui etoit a fleur de terre : cette meurtriffure lui fit penfer que ces jeunes pouffes extremement tendres etoient bleifees , ou par le ref- ferrement de la terre lorfqu'elle fe fechoit, ou en heurtant contr'elle lorfque le vent les agitoit : pour prevenir cet inconvenient , il a ima- gine de femer les graines fur la fuperficie de la terre , fans les y enfon- cer, & de les recouvrir d'une couche de moufie, qu'on y affujettit avec des baguettes, & qu'on entretient humide : cette moufl'e conferve la frai- cheur de la terre; elle empeche qu'ellc ne durciffe & qu'elle ne fe gerfe, & les graines germees y enfoncent leurs racines , fans courir rifque que la furf.ice de la terre lneurtniTe leur collet : c'eft de cette facon qu'on peut elever fans rifque les graines de pin, de fapin, &c. Cette observation fera, (i Ton veut , une utilite acceilbire qu'on devra aux recherches phy- fiques de M. du Hamel. DE L'ACADExMir: ROYALE DES SCIENCES, jo? Bo T A N I Q U E. SUR LA TRANSPIRATION IN S E N S I B LE Annie i748 DESPLANTES. o, 'n a peine , lorfqu'on examine line plante ou un arbre , a inuginer la quantite d'eau qu'il tire de la terre , & qu'il depenfe par evaporation : M. de la Hire en avoit donne une idee dans les memoires de l'acade- mie de 170} ■, (j) niais celui qui l'avoit poulfee plus loin jufqu'a prefent, etoit M. H.llcs , dans fon traite de la ftatique des vegetaux : cependant comrae les vues qu'il avoit ne demandoient pas que cette experience fuc faite avec une exactitude rcrupuleufe, M. Guettard a entrepris de la repe- ter, mais en evitant de tomber dans les inconveniens auxquels le procede de M. Hales etoit fujet. Ce dernier fe contentoit d'introduire dans une cornue de verre une branche de la plante ou dc l'arbre dont il vouloit examiner la tranfpira- tion, & il en bouchoit exadtement le cou; mais il arrivoit fouvent que la branche trempoit dans la liqueur qui fe ramalioit au fond de la cornue ; cette liqueur fe coloroit , & les feuilles en devoient repomper une par- tie; d'ailleurs la chaleur du loleil qui agirloit fur cette liqueur, en tenoit une partie en vapeur , cette partie devoit agir fur les feuilles & fur la branche , & peut-etre en diminuer la tranfpiration. Pour eviter, autant qu'il a ete poflible, tous ces inconveniens, M. Guet- tard refolut de rectifier le procede de M. Hales, dans les experiences qu'il a faites fur cette matiere dans le jardin & par les ordres de S. A. S. feu M. le due d'Orleans. Au-lieu done de la cornue qu'employoit M. Hales, il s'eft fervi d'uii ballon d'un pied de diametre , qui outre le cou ordinaire , a encore deux autres bees oppofes l'un a l'autre , & places aux deux extremites du dia- metre perpendiculaire a la direction du cou. II introduifoit la branche de la plante par le cou, & on en lutoit l'ouverture avec du papier collet a moins que des circonftances particulieres ne s'y oppofaffent : un des deux bees du ballon etoit tourne en haut, & bouche avec un bouchon de liege recouvert de papier colle; l'autre tourne en bas, entroit dans une bouteiile enterree julqu'au goulot , & y etoit exactement lute : par ce moyen , M. Guettard evitoit tous les foupcons que le procede de M. Hales avoit pu jetter iur fon experience. Les plantes fur lefquelles on vouloit operer, etoient en pleine terre, on les arrofoit quand elles en avoient befoin, eu un mot rien ne leur manquoit pour etre dans un etat naturel , & parfai- tement lemblable a celui des autres plantes de la meme efpece ; pluiicurs thermometres indiquoient la temperature de l'air dans l'endroit oil fe fai- foient les experiences , & il n'oublia pas de s'afllirer des variations de 1» pefauteur par le barometre. (a) Voyei Mdirioire de l'Acad M- Guettard a contiuuees , & de ce qu'elles lui ont aporis fur cette matiere. Les premieres experiences lui avoient fait conno'tre , comme nous avons dit, que, routes chofes d'ailleurs egales, line plante tranfpiroit plus lorf- qu'elle etoit expofee aux rayons du foleil, que quand elle en etoit privde; il a voulu voir fi, comme il y avoit bien de Tapparence1, la tranfpiratiori fouffriroit en detail les memes augmentations & diminutions que Taction du foleil : il falloit pour cela etre attentif a recueillir chaque jour la li- queur qui en avoit ete le produit; il s'eft efrectivement trouve que, fe- lon que Taction du foleil augmente ou diminue, la tranfpiration des plan- tes varie audi, & de la meme maniere. II etoit affez naturel de le prefu- mer, mais on n'en etoit pas abfolument fur, & Texperience ell la feule demonftrarion de la phyfique. II eft meme bien fDr que les variations de Taction du foleil contribuent prefque feules a celles de la tranfpiration des plantes , quoiqu'on eut quel- que droit de foupconner que la quantite d'eau qui tombe fur la terre, y entre pour beaucoup •, il s'eft trouve par un de ces heureux hafards qui ne font que pour les obfervateurs attentifs & laborieux , que le temps de la plus vive adion du foleil n'a pas ete de meme celui des plus grandes Fluies. M. Guettard a mis cette circonftance a profit , & s'eft affure que augmentation de la tranfpiration avoit toujours fuivi le rapport des difte- rentes intendtes de Taction du foleil, & jamais celui des quantites de pluic qui etoient tombees •, il femble meme qu'une trop grande quantite d'eau nuife a la tranfpiration , du moins eft-il certain que lorfqu'apres line pluie abondante, le foleil vient a fe d^couvrir, ce n'eft jamais le premier jour que la tranfpiration eft la plus grande, mais les jours fuivans. Puifque les plantes ont des pores par lefquels elles peuvent exhaler line prodigieufe quantite d'humidite, il feroit tres-poflible qu'elles en euflent audi de propres a tirer celle qui voltige dans Tair, & qu'une grande partie de ce qu'elles rendent par la tranfpiration eut etc pompee par ce moyen , & ne vint pas de leurs racines. Pour s'en affurer, M. Guettard enferma toutes les branches d'un oranger de cinq ans dans un globe de verre , & il enferma de meme deux branches de deux autres orangers dont les au- rres branches etoient expofees a Tair : fi les arbres pompoient beaucoup de Thumidite de Tair par leurs feuilles, il devoit arriver deux chofes \ la pre- miere , que Tarbre totalement enfermi , donnat moins de tranfpiration que les branches de ceux dont les autres branches etoient a Tair libre , & la feconde, que Tarbre totalement enferme & prive de ce qu'il devoit tirer de Tair par fes feuilles , donneroit quelques marques de deperifTement : ni Tun ni Tautre n'eft arrive. II eft vrai que M. Guettard n'a pu s'affurer par un calcul exact, de la quantite de tranfpiration des branches de ceux des orangers qui etoient libres, parce que ces arbres avoient fouftert d'un reacaiffement qui avoit precede les experiences} mais au moins eft il bien certain DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3r5 certain que I'oranger enferme a tranfpire par jour a-peu-pres le poids de — «— — — fes feuilles , & qu'il n'a pas paru fouffrir de cette longue prilbn ; preuve R cvidcntc que les feuilles ne tircnt pas tant dnumidite de lair quon 1c penfe communement. Annie IJ43. La difference entre la tranfpiration des plantes expofees au folei! , & de ccilcs de meme elpece mifes dans un lieu frais, coninie line cave, eft en- core plus marquee ; celles qui etoient a I'air & ail foleil ont donne la quantite de tranfpiration ordinaire , pendant que celles qui etoient a la cave n'en ont donne qu'une a peine fenlible. M. Guettard a reufii de meme a diminuer la tr.infpiration des plantes en les couvrant feulement d'une ferviette ou dc tout autre corps qui y donne de l'ombre -, il eft meme parvenu a diminuer la tranfpiration dans qtielqucs parties d'une plante , leulement en les mettant a l'ombre pendant que le refte de la plante etoit expofe an foleil & tranfpiroit a l'ordinaire : toujours la plante 011 les parties de la plante expofees aux rayons du foleil ont tranfpire davantage. C'eft probablement a cette caufe qu'il faut attribuer la blancheur des plantes qu'on lie 011 qu'on porte a la cave ; on arrete par-la leur tranfpiration : leurs velicules ie gonflent de cette eau qui y eft retcnue , & elles acquie- rent par ce moyen le double avantage d'etre plus blanches & plus de- licates. Les fruits foumis aux experiences de M. Guettard ont donne precife- ment les memes refultats que les feuilles, ti ce n'eft qu'ils tranfpirent beau- coup rnoins •, deux grappes de railin a-peu-pres pareilles & fur le meme cep , ont ete enfermees dans deux poudriers pareils & de meme verre, mais 1'une a ete expofee au foleil , & l'autre tenue a l'ombre : cette der- niere ne tranfpira prefque point , & devint beaucoup plus groffe & plus belle que celle qui avoit ete enfermee dans le poudrier expofe au foleil , & que celles qui etoient reftees expofees a l'air librc. II fuit de-la que les facs dans lefquels quelques perfonnes enveloppent leurs railins pour les garantir des mouches & des oifeaux , ne leur fervent pas feulement a cet ufage, mais augmentent encore la beaute de leur fruit-, que la polition ordinaire des fruits fous des feuilles qui les cachent , a ete probablement aftedtee par l'auteur de la nature pour augmenter leur grof- leur & leur beaute ■, & qu'enfin rien n'eft plus avantageux que des temps lombres qui puifient fufpendre la tranfpiration du fruit, pendant qu'il murit. Les feuilles & les parties herbacees paroiffent etre le principal organe de la tranfpiration des plantes ; les fruits, corarae nous venons de le dire, tranlpirent beaucoup moins : cette difference meme eft tres-grande ■, les feuilles depenlcnt par jour plus que leur poids par la tranfpiration , le railin n'a donne que la quatorzieme partie du hen. Nous avons vu l'annee der- niere que le bois tranfpiroit fort peu : M. Guettard a fait des experiences pour s'afiurer de la tranfpiration des fleurs , & il a trouve que leur tranf- piration alloit au plus au cinquieme de celle des feuilles. Les arbres qui confervent leurs feuilles en hiver , etoient trop propres a etre foumis a ces experiences , pour que M. Guettard put negliger de lc Tome X. Partie Frangoife. Rr 5 1+ ABRLGt DES MEMOIRES tpni-^r •■ leur tranfpiration pouvoit etre examinee l'hiver comme 1'ete, & il R eft conftant, par cet examen , cjue quoique ces arbres pouilent & fleurif- TANIQUr'fent, meme en hiver , leur tranfpiration, comparee a cclle de l'ete, eft Annie tj4$. prefque nolle •, un Iaiirier thytn a donne en deux jours d'ete prefque la meme tranfpiration qu'en un mois d'hiver. Nousavions dit l'annee derniere, que la liqueur que donnent les plau- tes par la tranfpiration , ne differoit pas fenfiblemcnt de l'eau commune , mais il fait que pour paffer par les pores elle fe reduife en vapeur : celle qui eft dans l'interieur de la plante fous la forme d'eau , n'y fert que de refervoir-, mais fi elle y etoit en trop grande quantite, bien-loin de fer- vir i la tranfpiration, elle y nuiroit, elle rendroit le total trop difficile a s'echauffer au point neceffaire, & de-la vient que les plantes les plus fuc- culentes, & cclles qui out des feuilles epaifles, font affez communement celles qui depenfent le moins par la tranfpiration infenlible. Telle eft en general la fuite du travail de M. Guettard, qu'on peut voir fans aucun embarras dans des tables qu'il a jointes a fon memoire, & qui preferment d'un feul coup d'ceil toutes fes experiences. On n'avoit prefque fait jufqu'ici qu'effleurer cette partie de la phyfique , on voit combien elle gagne a etre approfondie 5 ce que nous en avons rapporte elt bien propre a faire fouhaiter que des experiences qui peuvent devenir auffi in- tereffantes, foient continuees : c'eft que M. Guettard promet , & on peut s'affurer que cet engagement fera rempli-, des experiences heureufement commencees ne laiffent pas ordinairement un phyiicien tranquille. Hift. OBSERVATION DE BOTANIQUR lN o u S avons parle a l'article de cette hiftoire qui concerne la phyfique generale , de ce qui appartenoit a cette fcience dans la relation que M. l'abbe Nollet a donnee d'une partie de fon voyage d'ltalie : nous al- lons rapporter quelques obfervations tirees de cette meme relation, & qui regardent la botanique. I. On eft communement perfuade qu'on fait perir un arbre en le depouil- lant de fes feuilles a mefure qu'il les produif, on n'ofe , ni en France 11 i en Piemont , cueillir que les premieres feuilles des muriers , on leur laiffe foigneitfement celles qu'ils repouflent apres cette premiere recolte, & on croiroit demiire ces arbres en les leur otanf; cependant M. l'Abbe Nollet a vu qu'en Tofcane on depouilloit regulierement les muriers deux fois par an , & que meme une annee que les premiers vers avoient manque , on permit de faire une troifieme recolte ; par ce moyen les Tofcans font pref- que autant de foie que les Piemontois avec la moitie moins de^ muriers , parce qu'ils elevent deux families de vers au-lieu d'une : peut-etre le fol ou le climat leur procure-t-il cet avantage , mais un fujet auffi important DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. jM meriteroit bien qu'on s'ali'urat fi on ne pourroit pas fans rifque tranfporter »^ m aillcurs la meme pratique , & (i les Tofcaiis n'en feroicnt pas plus redeva- D bles a leur elpat qu a la nature. I i. Annie 1749. On fe fcrt dans Ie royaume de Naples de feuilles de myrtes, qui y font tres-cominuns, au lieu de tan pour preparer les cuirs-, on pratique la meme chofe en Calabre : on voit bien que cette plante trcs-aftringente eft pro- pre a faire Ie meme effet que l'ecorce de chene , peut-etre trouvcroit on quelque plante aulli ftiptique qui feroit aflez commune pour l'employer avec profit au meme ulage. I I I. On voit dans le Piemont & dans le Boulonnois une efpece de chanvre qui devient d'une grandeur extraordinaire, ce chanvre monte jufqu'a trois toifes de hauteur; on ne l'emploie pas ordinairement a faire du linge, mais il eft trcs bon pour les corderies; on le tille , oil bien on le broic avec une meule de pierre femblable a celle dont on fe fert a ecrafer les pommes pour en faire du cidre •, le bois du dedans eft aflez fort pour qu'on en faffe des Cannes, que les dames du pays preferent aux aurres i caufe de leur legerete pour en faire ufage a la campagne. I V. On ne laiffe communement en Piemont le foin fur le pre que vingt- quatre heures, on l'entafle enfuite fous des hangars ou dans des granges, de maniere qu'il forme une maffe tres-dure qu'on coupe avec un inftru- ment tranchant quand on en a befoin ; cependant, foit que le foleil agifle plus vivement qu'ici fur le foin , foit que nous laiflions le notre trop long- temps fur le pre avant de le ferrer , il n'arrive aucun accident a ces foins entafles; bien loin dela, ils confervent un ceil plus verd & une odeur plus forte que ceux de ce pays-ci. R t 'I BOTANIQUE. Annie iJ$o. ii6 A B R £ G E DES ME MOIRES T R A I T E DE LA CULTURE DES TERRES, Suivant les Principes de M. Tull. Par M. no Hamu. Ij'art de l'agriculture eft probablement auffi ancien que le monde. Les befoins des premiers hommes ont du neceffairement les porter a cher- cher les moyens de multiplier les plantes neceffaires a leur nourriture : on a du s'appercevoir affez promptement que des plantes venues dans de la terre qui avoit etc remuee , etoient plus fraiches & plus vigoureufes que celles qui avoient pris naiflance dans d'autre terre, fur-tout s'il s'etoit ren- contre dans cet endroit de la fiente de quelques animaux. II n'en falloit pas davantage pour engager a remuer la terre & a 1'engrailTer avec des fu- miers , des terres fortes & graffes qu'on trouve en fouillant , & qu'on nomme marne , & diverfes autres matieres que l'experience a fait recon- noitre propres a cet ufage. Cell fur ce plan qu'eft etabli tout Tart de la culture des terres, &, en general , celui de l'agriculture. Les labours , les fumiers , les terreaux n'en font que la pratique en grand, & on s'eft plus applique a trouver les moyens de faciliter l'ufage de ces moyens qui reuflilfoient , qu'a chercher li on ne pourroit pas faire mieux. Tout s'eft plie a cet arrangement , au- quel il fcmble qu'on ne puiffe rien changer (ans detruire toute l'econo- mie de la campagne, tant par rapport aux grains, que par rapport aux beftiaux. Un ouvrage publie en Angleterre par M. Tull, a reveille fur ce point l'attention des phyliciens. Cet ouvrage a paru a M. du Harnel , rempli de recherches dignes d'etre fuivies, & il s'eft determine a prefenter ^ fes com- patriotes , non une traduction litterale de l'oiiviage de M. Tull , mais les memes principes expofes d'une maniere plus precife & plus abregee , & dans un ordre different; & comme le temps qui s'eft ecoule depuis la pu- blication de cet ouvrage jufqu'a celle de ce volume, a donne lieu h un grand nombre d'experiences qui ont ete faites en France , de la methode de M. Tull , & qui prefque toutes lui ont ete favorables. M. du Hamel les a jointes a une nouvelle edition qu'il a donnee de fon ouvrage, comme la meilleure preuve qu'il put donner de ce qu'il avoit avance , & c'eft de cette .derniere edition que nous allons eflayer de donner une legere idee. Les plantes font des corps vivans & organifes qui tirent leur nourri- ture & leur accroiffement de la terre. Les organes par lefquels elles pom- pent & fucent, pour ainfi dire, leur aliment, font leurs racines : ces ra- cines font ou pivotantes , c'eft- h-dire, qu'elles s'enfoncent profondement en terre, ou r amp ante s t c'eft- a-dire, qu'elles s'alongent horizontalement, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 317 fans s'eloigncr de la fu.rt.ico. Les lines & les autres s'etendent d'autant plus mm *^— — ' qu'dles trouvent la tcrre plus dilpofee a donner palfagc a leurs racines •, R inais il eft: aiie de remarquer que les labours & Its cngrais qui ne fe font qu'a la furface de la terre , doivent procurer bicn plus d'avantages aux Annie 2750. racines rampantes qua celles qui pivotcnt. On doit encore conlidercr que la racine de chaque plante etant deftincc a tirer fa nourriture de la terre , die a beloin pour cela d'occuper un certain efpace de terrein ; Sc que par confiquent en mettant les plantcs en trop grand nombre dans un nieme elpace de terrein , clles le nuilent les lines aux autres, & nc parvienncnt ni a leur veritable grandeur, nia porter tout le fruit qu'on en pourroitattendre. Ce que nous venons de dire des racines, fe doit audi entendre des feuilles ■, ces organes font deftinds par la nature a pomper I'humidite de l'air & des rofees, & a fervir a la tranfpiration de la plante. II eft done necelTaire que les plantes foient affez eloignces les uncs des autres pour qu'elles puident librement poufler leurs feuilles, & que ces feuilles foient expolees a. faction libre de l'air. On ignore encore quelle eft la qualite de cette liqueur qu'on nomme fait , & que les plantes tirent de la terre •, on pourroit penfer quelle fe- roit compofee des fels & des autres fubftances que les engrais peuvent depofer dans la tcrre, & que l'analyfe chymique fait retircr des plantes. Cependant les experiences de M. du Hamel {a) qui a deve dirlerentes. elpcces de plantes dans de leaii tres-pure, femble indiquer que la feve eft plus Gmple qu'on ne fe l'imagine, & que la modification des fucs eft due aux organes de la plante. Plulicurs experiences cependant porteroient a croire qu'tine terre pent etre epuifee pour une efpece de plante fans l'etre pour une autre , d'oii il fuivroit que chaque plante tire de h terre un fuc particulier •, mais il s'en trouve aulli qui font contraires a cette opinion , & M. du Hamel n'y voit rien d'affez pofitif pour fervir de motif de decilion. Dans la maniere ordinaire de labourer les terres a bled , il y en a tou- Jours un tiers qui refie vuide , on, comme Ton dit, en jachere. Le but de cette pratique eft moins de laiffer , comme difent les gens de campa- gne , repofer u terre , que de ie procurer nn temps fufEfant pour multi- plier les labours, afin de detruire les mauvaifes herbes, d'ameublir & fou- lever la terre , &: de hti donner la difpolition ou die doic etre pour rece- voir le froment , qui eft le plus delicat de tous les grains, comme il eft a notre egard le plus precieux. Nous difons un temps fuffifant, car ce feroit peu de donner trois oil meme quatre labours a une terre, li on ne laiifoit un intervalle raifonna- ble entre les uns & les antres : 1'h.erbe anachee par Ie premier , n'auroit pas le temps de pourrir avant le fecond ; & la terre qu'on a expofee, en la retournant par le premier lsbour, aux impreiKons du foleil & des miteo- res , y feroit fouftraite par le fecond avant qu'elle en eiit fuftifamment profited TKt ce que nous venons de dire, on peut legitimement inferer que le ipal objet des labours eft de divifcr 2c d'ameublir la terre , pour l.i De ce .princip (<0 Vojez Ilift. 1748, (i-defljij, ji8 A B R E G E DES ME MOIRES *^— — — — — rendre plus ailee a penetrer par !es racines, pour en expofer fucceflivement p toutes les parties a faction de fair, du foleil & des meteores, & de de- if fi i A AN I U I' t • • | . ,- | |- truire les mauvailes heroes. Annte i'J$o. Les fumiers, cendres, marnes, &c. qu'on y rep.ind pour les engraiffer, tendcnt encore an mcrae but, ce font autant de particules etrangeres qui, s'introduifant dans la terre , en ecartent les molecules , & y excitent line fermentation tres-propre a les divifer & a favorifer le developpement des parties de la plante. Mais il eft bon de remarquer que ces matieres etran- geres alterent toujours un peu la qualite des productions , & qu'on n'eft pas toujours maitre de s'en proairer autant qu'on le voudroit, au-lieu que les labours multiplies peuvent produire le meme efFet fans aucun in- convenient. C'eft probablement l'impoifibilite de cultiver la terre dans laqnelle le bled eft une fois leve , qui oblige a turner les terres & a leur donner tant de facons pendant l'annee dans laqnelle on doit les emblaver : on fait qu'on fera pres d'un an fans pouvoir y toucher , & qu'il faut par confe- quent les mettre en etat de (e paffer de ce fecours. La methode de M. Tull leve abfolument toutes ces difficultes •, mais avant que d'en donner le detail, il eft bon de fe rappeller quelques prin- cipes dont nous avons deja parle , & qui doivent lui fervir de fon- dement. Les racines des plantes occupent un certain efpace de terrein , & pour que la plante foit la plus forte qu'il eft poffible , il faut qu'elle ne foit pas affez pres d'une autre plante pour que celle-ci lui derobe la nourri- ture , & on doit appercevoir combien notre maniere ordinaire de cultiver les terres eft defe&ueufe a cet egard, puifque nos terres font chargees de tout le bled qu'elles peuvent porter, fans qu'il periffe, au-lieu qu'en ne leur en donnant qu'une quantite bien moindre , on gagneroit peut etre plus fur la force & la multiplicity des tuyaux, qu'on ne perdroit fur le nombre des pieds , fur-tout li on etoit maitre de procurer au bled plu- fieurs labours pendant qu'il croit. Pour s'arTurer de l'efpace de terre labouree qu'une plante exige pour que fes racines tirent de la terre tout ce qu'il eft poffible qu'elles en ti- rent , M. Tull a fait labourer un efpace de terre triangulaire , long de vingt brafTes , & dont la bafe avoit environ douze pieds ; ayant partage en long ce triangle par une ligne qui en occupoit le milieu , il a feme lur cette ligne vingt graines de gros navets k egale diftance les lines des autres : par ce moyen il etoit aife de voir quelle largeur de terre labouree etoit necefTaire a ces plantes pour les mettre le plus a 1'aife qu'il etoit pof- llble-, ceux de la pointe du triangle devoient etre tres-petits, & les autres devoient aller en groffiffant jufqu'a l'endroit oil leurs racines avoient tout l'efpace neceflaire , apres quoi il ne devoit plus y avoir de difference ; & il trouva par ce moyen que ces plantes exigeoient deux pieds de chaque cote pour tirer de la terre tout ce qu'elles en pouvoient tirer; qu'il la verite elles pouvoient fubfifter dans un efpace beaucoup moindre, mais qu'il y avoit plus a perdre fur la groffeur qu'a gagner fiu: le nombre. Un DE L'ACADI-MIE ROYALE DE.S SCIENCES. $i9 fccond inconvenient de notre culture, c'cft que le bled, trop ferre dins — ^m»^^»^» nos champs, ne pent ponder qu'une trcs-mediocre quantite de fcuilles , D fur- tout dcs que les tuyaux ont monte, ce qui met encore un obftacle confiderablc a la vigueur de la plante. Anr.-fi 1-50. On fe tromperoit cependant , (i on vouloit efpacer les plantes cgalc- ment dans toutes les terrcs , plus un terrein eft gras & fertile , plus auffi chaque pied doit s'etendre pour devenir audi fort qu'il le pent ctrc , & par conlcquent moins il en faut mcttre dans un meme efpace de terrein : I'cxperience fcule pent decider de l'intervalle qui doit etre entre chaque plante dans un terrein donne. II faut encore obferver que dans la maniere ordinaire de cultiver le bled , ce que nous venons de dire ne feroit pas praticable , les mauvaifes herbes que l'abondance dcs tuyaux etouffe prendroient le deffus du bled & le feroient perir-, mais cet inconvenient difparoit abfolument dans la methode de M. Tull que nous allons decrire. L'elpace de terre deftine a mettre en bled etant bien defriche , il le divile par planches larges d'environ fix pieds , plus ou moins , fuivant la nature du terrein : ces planches font alternattvement, les lines relevees en dos d'ane, & les autres plates-, celles qui font relevees, font deftinees a recevoir le bled , & les autres reftent vuides. On fait fur chacune des planches relevees , deux ou trois raies , fuivant leur longueur , & e'eft dans ces raies que Ton feme le bled , les pieds affez eloignes les uns des autres pour qu'ils ne s'embarrafient pas nmtuellement : cette femaille fe fait an temps ordinaire. Dcs que le froment a politic quatre oil cinq feuilles, on donne le premier labour aiix intervalles qui font entre les planches , & que M. da Hamel nomine plates-kandes ; ce labour fert a remplir les grands fillons, & a y en former des petits pour retirer les eaux des planches & les faire egoutter , ce qui , comme on voit , diminue pour le bled le danger de la gelee. Ce premier labour facilite en meme temps raccroitTement de Ja jeune plante, & la fait ce que Ton appelle taller j e'eft-a-dire, pouffer beaucoup de racines & de tuyaux. Le fecond labour fe donne des que les grands froids font paffes : on derruit par ce!ui-ci les petits tillons , & on en ouvre un grand au milieu. Ce labour donne une grande vigueur aux plantes ; avantage d'autant plus grand , que c"eft le temps auquel elles ont le plus grand befoin de force , & auquel ordinairement elles font , par la culture ordinaire , les moins vigoureufes ; les pluies d'hiver ayant remis la terre dans le meme etat que fi elle n'avoit jamais ete labouree. On donne un troifieme labour pendant que le bled monte en tuyau , & par ce moyen on opere prefque fure- rnent que chaque tuyau porte fon epi -, enfin on en donne un quatrieine aprcs la fleur , dont le but eft de fortifier la plante , afin que les epis foient mieux nourris : on pent encore , fi on croit que le bled en ait befoin, multiplier ces labours fuivant les difrerentes circonftances. Pendant tout le temps que le bled croit , on peut , au moyen de3 plates- bandes , en approcher fuffifamment pour en arracher toutes les ;ie ABREGE DES MEMOIRES ■— — — — mauvaifes herbes ; ce qui eft impoflible dans la maniere ordinaire de cul- p tiver le bled , parce qu'on ne pent plus y cntrer des qu'Ll a commence a t)o t ani Q UE.monter en tUyM . avaiitage conliderable , & qui devient encore infini- Annfe lj^o. roent plus grand dans les annees pluvieufcs. On voit altez , au premier coup d'oeil , combien cette nouvelle culture a d'avantages phyliques (ur l'ancienne , ceft-a-dire , combien elle doit etre plus avantageufe aux plantcs •, mais on ne voit pas de mime li elle a autant d'avantages economiques , ou li elle produit reellement a ceux qui rembraffent, un plus grand profit. Par la methode ordinaire, il n'y a prefque jamais qu'un tiers des terres deftine a porter du froment-, un autre tiers donne de l'avoine, de l'orge ou d'autres menus grains , & le dernier eft en jachere & ne produit rien. Dans la methode de M. Tull , il n'y a qu'une moitie de la terre occupse en bled ; aucune portion ne porte de l'avoine, & la partie qui ne donne point de bled refte inutile : ainli il pourroit paroitre que la nouvelle me- thode feroit , a cet egard , moins avantageufe que l'ancienne. II eft vrai que la moitie de la terre porte du bled tous les ans , au-lieu que dans l'ancienne culture il n'y en a jamais que le tiers qui y foit deftine. II eft de meme conftant que la nouvelle a 1'avantage d'etre bien moins expofee aux accidens qui peuvent endommager les recoltes : mais il n'y avoit que l'experience capable de decider tout-a-fait la queftion •, elle l'a en effet decidee , & il refulte de celles qui font rapportees dans l'ouvrage de M. du Hamel , que fur line ferme de trois cents arpens , la culture de M. Tull donne environ au fermier quatre mille fix cents livres de bene- fice de plus que l'ancienne. Nous avons dit qu'il falloit que le bled fut feme dans les raies a de certaines diftances; ce qui deviendroit tres-penible s'il l'y falloit porter a la main. Mais M. du Hamel a leve cet inconvenient , en perfe&ionnant un inftrument dont M. Tull avoit donne la premiere idee : e'eft une ef- pece de charrue a quatre roues , dont l'arriere- train porte les foes qui doivent ouvrir les raies ; un coftre rempli de bled , le laifle echapper dans les raies, par des ouvertures pratiquees a fon fond, chaque fois que raiffieu des roues de derriere fait, en tournant, lever les foupapes qui ferment ces ouvertures •, & enfin la meme charrue porte un inftrument propre a fervir de herfe & a recouvrir le grain a mefure qu'il eft feme. On voit que par ce moyen les grains feront toujours places a la meme profondeur, a des diftances a-peu-pres egales, & bien recouverts, fans que le laboureur ait autre chofe a faire que ce qu'il feroit pour labourer (implement. Les charrues dont on fe fert ordinairement ne pourroient etre em- ployees au labour des plates- bandes fans rifquer d'endommager le bled des planches , defquelles il faut approcher le plus qu'il eft pollible : e'eft pourquoi M. du Hamel en propofe , pour cette operation , d'une ftruc- ture differente ; & nous ne devons pas diflimuler ici qu'il s'eft prefque rencontre dans cette recherche avec M. de Chateauvieux , premier fyndic de la republique de Geneve » qui , malgre rimpoxtance des aiiaires dont il DEL'ACADliMIE royale des sciences. 5., il eft charge , s'eft livrti a ce travail en phylicien & en homme zele pour ■— — — I ■ Ie bien de l'humanitd. R On peut objeder a la methode de M. Tull , i°. quelle fupprime en- D ° T A N ' Q u u tierement les avoines & les menus grains \ i°. qu'en retranchant les ja- Annce iy(o. cheres , elle oleroit dans certains pays les feuls paturages deftines aux troupeairx ; d'oti luivruit neceiiairement unc diminution considerable du betail, & une perte reelle pour l'Etat. 'Ces objections meritent que Ton y reponde, 8c, felon M. du Hamcl, il ne fera pas difficile de les refuter. Toutes les terres d'une ferme ne font pas egalement propres a porter du bled ; cependant , par la methode ordinaire , elles en portent necef- fairement tour-a-tour, au-lieu que dans la nouvclle culture, on choilira celles qui feront les plus legeres, pour ne porter que de l'avoine, refer- vant les meilleures & les pius fortes pour ie bled : d'ailleurs les memes avantages fe trouvant a cultiver l'avoine fuivant cette methode , tine moindre quantite de terre fera fuffifante, & il en refultera feulement qu'on aura deftine une moindre partie des moindres terres a ne porter que des menus grains , au-lieu qu'on leur confacre a l'ordinaire indiftinctement le tiers des bonnes & des mediocres. La feconde objection paroit plus importante , elle n'eft: pas cependant fans reponfe. Premicrement, ceux qui n'ont qu'une mediocre quantite de terre a cultiver , ne trouveront que de l'avantage a employer la nouvclle methode, puifque n'ayant point de troupeaux ni de beftiaux, les jacheres leur demeurent tout- k- fait inutiles , & ce cas eft extremement frequent dans les pays de vignoble, oii la plupart des paylans ne cultivent de bled que ce qui- leur eft necctlaire pour vivre , & le font labourer par les fermiers voilins. II fera certainement plus avantagcux pour ceux-ci d'avoir tous les ans la moitie de leur terre en etat de leur donner du bled en grande abondance, que d'en avoir neceflaircment un tiers en avoine, qui leur eft inutile , & que fouvent ils font obliges de vendre & vil prix. Mais tout le monde eut-il des troupeaux & des beftiaux , il eft extre- mement aife de remedier h. l'inconvenient qui pourroit refulter a cet egard , de la methode de M. Tull. Un arpent de pre fournit autanr, d'herbe que llx arpens de jacheres , & un arpent de luzerne autant que quatre arpens de pre-, d'oti il fait qu'un arpent de hizcrne ordinaire, • produit autant de nourriture au betail que vingtquatre arpens de jacheres : U y auroit done un profit reel a mettre en luzerne ordinaire la vingt- quatrieme partie des terreins qu'on laiffe en jachere •, mais il y a plus : cette portion qui n'eft que la ioixante-douzieme partie de la totalite de* terres , peut produire beaucoup plus d'herbe que n'en auroit produit le tiers qu'on laiffe ordinairement en jachere. La culture de M. Tull n'eft pas nn>ins avantageufe aux fainfoins & aux luzernes , quelle 1'eft aux bleds & aux nutres grains : ainli avec la vingt quatrieme partie des terres qu'on laiflfi ordinairement en jachere, on pourroit avoir de quoi nourrir la mcrae quantite de btitail plus abondamment qu'avec ces jacheres, fur- t :it (i on a foin de choifir pour cette rcicrvc les terres qui y fciont lei Tome X. Partie Francoifh. Sf 5ii ABREGE DES M^MOIRES, &c; — — — — plus propres •, ce qu'on ne pent pas faire dans la methode ordinaire, oil ■r, toutes les terres font fucceflivement en bled , en menus grains & en jacheres. Potanique. ^ajs ^j rpujj ne s>en tje|jt pas ^ j] prop0fe une al]tre mamere je Annc'e iic.0. multiplier prodigieufement la nourriture des belliaux par le moyen de ce qu'il nomme des pdturages artificiels. Ces paturages artificiels conhftent en gros navets , que dans quclqnes provinces on nomme Rales on Rebes ; prefque tout le betail s'en accom- mode tres-bien, cette plante eft (ur tout propre a augmenter la quantite du kit , & a rendre la qualite meilleure. On en feme une ou deux raies des la mi-mai dans les plates bandes de la terre qu'on fe propofe de femer. en bled pendant l'automne •, on laboure la terre aux deux cotes de ces raies , ce qui les fait profiter merveilleufement ; un feul arpent peut pro- duire , fuivant M. du Hamel, 1 15200 peiant de navets. On n'a point & craindre que ces plantes qui doivent occuper la terre pendant Une partie de l'hiver, puilfent nuire ail bled qu'on doit y femer; comme les labours leiteres auront mis les plates-bandes en bon etat , on pourra femer entre les raies de navets , trois rangees de bled , a fept ponces les lines des autres ", & au printemps , les navets start arraches , on labourera la terre 011 ils etoient , qui fervira de plates.bandes au bled qu'on a feme. Ces paturages artificiels foumiront abondamment la nourriture au betail pendant tout l'hiver , julqu'au temps oil on peut trouver a le nourrir i la campagne : on doit feulement eviter de les abandonner aux motitons fans precaution •, ils en gateroient plus en un jour qu'il ne leur en faudroit pour les nourrir pendant un mois. On ne doit jamais les tenir dans les pieces femees en navets, qu'enfermes dans un pare qui contienne ce qu'on voudra bien leur abandonner chaque jour, ou, pour le mieux, on arra- chera les navets qu'on leur portera a manger ailleurs : ce qui fera fur-tout abfolument neceffaire , fi , comme nous venons de le dire , le champ oil font les navets , contient du bled. De tout ce que nous venons de dire , on eft en droit de conclure que la methode publiee par M. du Hamel, donne un produit plus conlids- rable , avec le meme efpace de terrein , que celle qui eft acluellement en ufage. i Qu'il en coiite moins pour faijonner les terres, & qu'enfin on eft moins expofe aux accidens qui peuvent diminuer la recolte. Ce qu'il y a de fingulier , e'eft que les Chinois qui nous avoient pre- cedes en plufieurs autres occafions , nous ont encore devances dans celle- ci : cette efpece de culture eft depuis long- temps etablie a la Chine pour le riz, qui fait une grande partie de la fubllftance des peuples de ce vafte empire. Un long ufage & une economie prudente & reflechie leur en ont fait appercevoir toute l'utilite : il paroit meme par un deffein envoye par le P. d'Incarville, jefuite, miflionnaire & correlpondant de l'academie, que les Chinois fe fervent d'une charrue a deux foes, qui laboure & qui feme en meme temps. L'ufage que ce peuple li attentif & li eclaiie fur fes intcrets, fait depuis long-temps de la nouvelle culture, eft peut-ctrc !s marque la moins equivoque de fa bentc. C H Y M I E. Ss ' JM C H Y M I E. SUR LES EAUX SAVONNEUSES, D E PLOMBIERES. X_<'utiiite des eaux minerales pour la guerifon de plufieurs maladies, mmmmjji i i eft connue de tout le monde : ces potions medicinales fortent de la terre „ toutes preparees des mains memes de la nature. Mais quoique l'experience ait conftate leurs proprietes , il eft cependant tres- Utile de oien connoitre Annie t~s6. leur compolition, foit pour mieux regler les ufages qu'on en favoit deja faire, foit pour etendre encore ces ulages a des maladies dans lefquellcs on ne les a pas employees jufqu'ici. L'academie avoit ete li perluadee de cette verite, que des les premiers temps de fon etabliffement, elle avoit entrepris 1'analyfe des eaux mine- Tales de France les plus renommees; mais la Lorraine n'etant point alors rcunie an royaume, comme elle left aujourd'hui, en ne fit point l'exainen des eaux minerales qui fe trouvent dans le bourg de Plombieres , environ' a 1 6 lieues de Nanci , de Befancon & de Bile. C'eft cette omiffion que M. Malouin a entrepris de reparer. II donne dans ce volume 1'analyfe des eaux froides favonneufes, & referve pour on autre temps l'examen des eaux chaudes fulphureufes , qui fe trouvent aulli au meme endroit. Les eaux favonneufes de Plombieres, obfervees a leur fource, jettent quelquefois en hiver des vapeurs, comme font en cette faifon les eaux vi- ves. La fource coule avec aiTez de rapiditi, pour empecher que 1'eau ne s'y prenne par la gelee; mais en 174 J , elle gela hors de la fontaine , a-peu-pres comme fe gelerent , dans le meme temps, les eaux communes. On trouve dans les fontaines des eaux favonneufes, beaucoup de plantes d'hepatique , qu'on ne voit point a Plombieres dans les autres fources taut froides que chaudes. Ces eaux etant effayees avec les alkalis fixes & vola- tils, il ne s'y eft excite aucune fermentation, & il ne s'en eft rien preci- piti , ce qui femble prouver qu'elles ne contiennent point d'acide ; audi cette eau ne fait-elle pas cailler le Iait : bien loin deli, M. Malouin a ob- ferve que lorfqu'elle y eft melee en certaine quantite, elle empeche qu'il ne fe caille auffi promptement qu'il le feroit', s'il etoit feul ou mele en meme quantite avec de l'eau commune. L'eau favonneufe ne rougit point les teintures de violette ; il a paru meme a M. Malouin , quelle les avoit legerement verdies , ce qui donne- roit plutot des marques d'un alkali qu'elles contiendroient, que dun acidc: cependant quaud on y a verfe ks acides de fel dc ni;re & de vitriol , elle C H Y M I j* AB R £ G £ DES M £ M O I R E S ! eft refl.ee claire , n'a point fermente , & n'a donne aucun precipite •, & verlee fur line diffolution de couperofe verte, elle ne l*a point trouhlee. La noix de galle n*a pas produit des effets plus marques ; elle n'a fait AnnU 1 7 46. prendre a ces eaux , aiicunes des teintes que les eaux qui tiennent du fer prennent ordinaircment par fon moyen : la diffolution de fublime corrofif n'a pas non plus trouble leur limpidite, il s'eft feulement eleve a la furface line creme huileufe, qui a ete reconnue pour un bitume mele de quel- ques globules de mercure qu'il tenoit fufpendus ; cette creme a blanchi le cuivre , & l'eau evaporee d'elle-meme a laiffe au fond du verre un fedi- ment couleur de cafe, qui etant mis fur un charbon ardent, s'eft allume aufJI-tot, & a donne line odeur de bitume alteree par celle du fublime. A l'egard de la couleur du fediment, elle provenoit evidemment d'un alkali fixe, qui avoit donne au fublime la couleur orangee qu'il lui donne ordi- nairement , & qui auroit para telle fans le bitume qui l'avoit brunie. De tout ce que nous venous de dire, il fuit que les eaux favonneufes de Plombieres font ainli nommees a jufte titre , puifqu'elles contiennent un alkali fixe , joint a une matiere graffe. Cette propriety connue, il etoit naturel d'efTayer fi l'eau du favon ordi- naire pourroit produire quelques-uns de ces phenomenes : en effer , ayant verfe dans de l'eau de favon bien pure , de la diffolution de fublimd cor- rofif, elle ne s'eft pas plus troublee que l'eau de Plombieres; & il s'eft forme fur cette eau , une creme qui ne differoit de ceUe qui furnageoit l'eau minerale, qu'en ce que celle du favon etoit jaunatre, & que 1'autre etoit changeante & coloree en iris. La diffolution de mercure par l'efprit de nitre , a trouble l'eau favon- neufe de Plombieres •, elle eft devenue d'un blanc jaunatre , & il s'eft fait un precipite jaune pale : une portion de ce precipite lavee, ayant ete mife dans une capfule de verre fur le fen, quelques-unes de fes parties ont blanchi par la calcination ; d'autres font demeurdes jaunes : l'eau chaude verfee fur cette matiere, eft devenue jaune. A ces fignes il n'eft pas diffi- cile de reconnoitre le turbit mineral , & par confequent la prefence du vitriol, puifque cette preparation eft une combinaifon de fon acide avec le mercure. II y a done dans ces eaux un acide vifriolique •, d'un autre cote , la matiere qui n'a point blanchi a la calcination , montre evidem- ment qu'elles contiennent aufC un alkali fixe, oil une terre alkaline, & peut-etre l'un & 1'autre. Une autre partie de ce meme precipite ayant iti mife au feu dans une 1>etite cornue , il s'eft fublime au cou une matiere blanche, que M. Ma- ouin a reconnue pour un veritable fublime corrofif, & une matiere jaune que les cpreuves ont fait voir ctre du foufre mineral. II y a done dans l'eau favonneufe un fel marin , ou du moins fon acide qui fe faifit du mer- cure, & le reduit en fublime; tandis que 1'acide vitriolique qui compofoit le turbit mineral , & que celui du fel a fepare du mercure , fe joint avec le bitume pour former un foufre commun. II ne fe forme point de creme fur l'eau favonneufe, quand on y verfe la diffolution de mercure par l'efprit de nitre , comme il s'en forme DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 517 lotfqu'on y verfe de !a diffolution de fublime corrolif; la raifon de cette-—— ; — ditlerence eft que l'acide nitreux diffout le bitumc qui fait cette creme,,-. an lien que l'acide du lei qui eft dans le fublime, le laiffe en fon entier : par la meme raifon, l'eau melee avec la diffolution de fublime, s'evapore Annc'e 1746. aulli ailement que l'eau commune; au-Iieu que celle qui contient la dif- folution de mercure par l'efprit de nitre , etant plus intimement melee avec le bitume diffous par cetefprit, devient beaucoup plus graffe & plus difficile a s'evaporer. Cette facilite qua le bitume ainli dilious, de fe join- die a l'eau, fait penfer a M. Malouin, que c'eft d'un bitume de la na- ture de l'huile de petrole, que la plupart des eaux minerales tirent leurs principals vcrtus ; & que l'eau de goudron qu'cn a mile en ulage depuis quclques temps , n'cft qu'une imitation de ccs eaux minerales bitu- mineufes. Les epreuves faites avec la diffolution d'argent par l'efprit de nitre , ont flit reconnoitre dans ces eaux , les memes principes que les experiences preTcntcs avoient indiqueV, mais pour s'aiiurer plus parfaitement de la pre- sence de l'efprit de fel , M. Malouin a mele le precipite d'argent avec de r.vthiops mineral, qui, coinme on fait, eft line combinaifon du mercure avec le foufre commun; le melange ayant ete expole an feu dans line Hole, il sVft eleve au cou un veritable iublimc corrolif. Or , l'efprit de fel ne- ceffaire pour le former, n'etoit ccrtainement ni dans la dillolution d'ar- gent, ni dans l'xthiops, il exiftoit done dans les eaux favonneules. Pour conftater toutes ces experiences d'une facon encore plus fenliblc," il les a repetees en employant de l'eau favonneule, evaporce jufqu'a etre reduite a un 60 de Ion volume. II a imagine d'employer pour ces eva- porations , les cloches de verre d'une piece , dont on fe fert dans les jar- dins •, ces vaiffeaux ne peuvent rien communiquer d'etrangcr au iediment des eaux , comme le font les vaiffeaux de terre verniffes, & ceux de me- tal. Les refultats fe font trouves les memes, li ce n'eft que les precipitations ont ete plus promptes : la cuiller d'argent avec Iaquelle il puifoit cette eau concentree, s'eft trouvee enduite & comme doree d'une elpece de creme huileufe, qui a brule fans la noircir; preuve evidente que e'etoit du bitu- me , & non du (oufre mineral. Cette circonftance doit apprendre a ne pas prononcer legeremcnt fur l'exiftence du foufre, dans les eaux minerales nieme dont on en tire, puifqu'il pent n'etre produit que par les opera- tions qu'on a faites, & qui ont combine d'autres principes qui y exiftoient fcpares. Audi M. Malouin eft-il bien perluade, qu'on a fouvent attribue au pretendii foufre des eaux minerales, des efiets qui n'etoient dus qa'aQ bitume qu'elles contenoient. La diltillation des eaux favonneufes a prefente une fingularite bien re- marquable ; lorfqu'environ les deux tiers ont ete diftilles , quoique le feu & la quantite de liqueur qui tomboit dans le recipient fuffent les memes, on a ceffe de voir des gouttes dans le chapiteau, il n'y paroiffoit meme ni ftries, ni vapeurs : trois formes fous lefquelles montent toutes les liqueurs qu'on fait diftiller, excepte quelques- lines extremement fubtiies, comm« l'ether & l'efprit volatil dc fel ammoniac ; auffi-tot Je recipient f\it change^ C H Y M I 328 A B R E G E DES MEMOIRES ;& M. Malouin remarqiu que lean reftee dans la cucurbite , etoit devcruit blanchitre. Cette eau venue en fecond lieu par la diftillation, avoit un peu d'a- Afinzt 1146. mertume; etant re&ifiee, elle a verdi la teinture de violette, plus fenfi- blement que I'eau favonneufe naturelle, ce qu'on pent attribuer au bitume qui eft dans cette eau diftillee, en plus grande quantite que dans l'eau la- vonneufe meme ; aufli la creme qui s'y forme par la diffolution de fublime corrofif , eft- elle bien plus conllderable : il s'eft precipite de cette eau melee avec la diffolution de fublime corrotif, & avec celle d'argent & de mer- cure par l'efprit dc nitre, des efpeces de paillettes blanches, mais en trop petite quantite pour en pouvoir rechercher la nature ; elles ont feulemenr. fait foupconner a M. Malouin que les eaux favonneufes contenoient un alkali volatil. Quoique de tout temps on e\5t employe la diftillation pour examiner la nature des eaux minerales, perfonne cependant n'avoit encore remarque cet efprit que quelques-unes contiennent , & qui ne paroit fous aucune forme dans le chapiteau , quoiqu'il diftille dans le recipient ; cette decou- verte etoit refervee aux foins & a l'attention de M. Malouin. Le relidu de ces eaux , apres la diftillation , ne dirrere du fediment refte aprcs l'evaporation, qu'en ce qu'il eft plus abondant, & foumis aux epreu- ves chymiques, il indique dans ces eaux les memes principes qu'y avoient fait reconnoitre les precipites dont nous avons parle. Le fediment de l'evaporation des eaux ayant etc mis fur le feu dans un crcufet , il s'y eft forme de veritable foufre mineral , par 1'union de 1'acide vitriolique & du bitume qui font dans les eaux favonneufes-, ce foufre etant brule, il eft demeure dans le creufet une matiere que les epreuves ont fait reconnoitre pour du vrai foie de foufre : il y a done dans ces memes eaux un alkali qui s'eft joint a une partie du foufre dqa forme, & l'a empeche de fe confumer en le convertiffant en un verita- ble hepar. La diffolution de ce foie de foufre par l'efprit de nitre, a donne un ni- tre quadrangulaire ; ce fel ayant ete fixe, e'eft-^- dire , alkalife, & enfuite diffous dans l'eau commune, l'efprit de fel qu'on y a verfe en a forme un de la nature du fel commun-, il y a done dans les eaux lavonneufes un alkali de la nature de celui qui fert de bafe au fel commun, & M. Malouin fait voir a cette occalion comment la plupart de ceux qui avant ces der- niers temps ont donne des analyfes d'eaux minerales, ont coufondu le na- tron avec le nitre. Ce meme fediment ayant ete mis dans une petite cornue fur le feu, il s'eft fublime un peu de foufre mineral au cou de la cornue, & il a pade dans le recipient une liqueur graffe qui a produit les memes effets que 1'ef- firit volatil du fel ammoniac, & qui etoit en eftet un veritable efprit vo- atil urineux. Pour eliayer de decouvrir comment cet efprit fe pouvoit former dans des matieres minerales, il a fait un grand nombre d'experiences (ur les ter- res, les craies & les bols combines avec les bitumesj & il a trouve qu'on pent DE L'ACADl* MIE ROYALE DES SCIENCES. 5xy prut tirer p.ir la diftillation de ces roatieres mineralcs , un efprit volaiil — ■— — >• urineux , tout lemblable a cclui qu'i! avoit tire du lediment dcs eaux de ^ Plbmbieres, & a celui qu'on tire communemcnt des animaux. Ce der- nier travail pent donner des lumiercs fur la nature du borax & fur cellc Annie IJ4S. de l'alun , & fervir a faire voir comment on tire l'alkali volatil urineux dc certaines matieres minerales qu'on foupconnoit pour cela mal apropos avoir etc imbues d'urine. Julqu'iti nous n'avons rendu compte que de 1'examen que M. Ma- louin avoit fait par la voie feche du lediment des eaux de Plombieres ; nous allons parler de la maniere dont il s'y eft pris pour l'examiner par la voie humide. II a fait diffoudre ce fediment dans une petite quantite d'eau diftillee 5 &: ayant decante la liqueur, il a verfe de nouvelle eau fur ce qui n'avoit point etc diffous par la premiere, l'huile de vitriol a ete verfee leparement lur ces deux lotions : la premiere n'a donne aucun indice de fel marin , mais la feconde a produit une petite fumee blanche qui avoit l'odeur de l'efprit de fel, & meme plus forte que cclle qui s'eft elevee du lediment, meme lorfqu'on y a verfe de l'huile de vitriol ; la raifon de cette diffe- rence eft que dans la premiere lotion, l'alkali diffous le premier, a facilitc la diffolution dc la plus grande partie du bitume, ce qui a fait une elpece de favon , dont l'eau etant chargee , & peut-etre aufli du fel de Glauber qui exifte dans ce lediment, n'a pu diffoudre le fel marin, ce qui a em- peche l'huile de vitriol de feparer l'acide du fel de fa bafe •, au-lieu que dans la feconde lotion, le lei marin etant diffous, a etc decompofe fa- cilemenr. La premiere lotion etoit fi graffe qu'elle fumageoit les diffolutions me- talliques, & melee avec celle de mercure par l'efprit de nitre, elle ne s'eft pu totalcment evaporer, comme elle l'a fait etant melee avec d'autres dii- iolutions mstalliques. Lorlque l'huile de vitriol a ete verfee dans la Ieffive de ce fediment, il s'en eft precipite une terre alkaline que l'acide avoit fait abandonner au bitume, & qua la vue, M. Malouin a trouve lemblable a celle que l'al- kali du tartre avoit fait precipiter d'une diffolution d'alun. Le refte du lediment a ete dillous dans une plus grande quantite d'eau -, il s'eft forme dans cette eau des cryftaux de fel de Glauber & des cryftaux de icl marin; ces derniers n'etoicnt point cubiques comme ils out coutumc de 1'ctre, imis irregulierement ronds & un peu applatis , ils etoient tout femblables a ceux que M. Malouin a tires de l'eau favonneufe , meme melee avec l'huile de chaux , & encore k ceux qui fe forment dans les eaux-meres des falines de Touques en Norman die : les epreuves chymi- qucs lui ont fait reconnoitre ce fel pour un veritable fel marin ; mais il croit que quoique ce dernier , le fel en queftion , & le fel gemme , contiennent le meme acide , ils. different cependant par leurs bales, a-peu-pres comme le foufre , l'alun & le vitriol , qnoique l'acide foit le meme dans ces trois mixtes, ce qui prouve que l'acide du (el com- inun ne forme pas toujours avec la bafe qui le recoit des cryftaux Tome X. Partie Francoife. T t C H Y M 1 I. 530 ABREGfi DES MEMOIRES ; cubiques ou quadrangulaires •, les eaux favonneufes concentrees avoicnt aufll doling ce fel grenu & le fel de Glauber. Le relidu du fediment ayant ete mis au feu dans un crcufet , & poufle Annie 17 '6. jufqu'a rougir, le couteau aimante en a tire dufcr,ce fer a etc diffous par l'elprit de vitriol : on a ajoute de l'eau a la diffolution , alors la noix de galle a fait prendre a cette liqueur une teinture noire , par le fer tire de l'eau favonneufe, quoique , meme a la fource de ces eaux , elle n'eiit pu lui en donner aucune 3 preuve qu'on ne doit pas conclure qu'une eau minerale n'eft pas ferrugineufe lorfque la noix de galle ne lui fait prendre aucune teinture , & cette obfervation eft d'autant plus intereffante , que cette epreuve avoit ete jufqu'ici regardee comme la moins fuipecte : il y a grande apparence que I'alkali qui fe trouve dans ces eaux en plus grande quantite , que l'acide vitriolique fe joint au bitume & n'agit pas affez fur la partie graffe de la noix de galle pour lui faire retablir le fer en parties integrantes , ce qui eft neceffaire pour qu'il puitfe noircir l'eau, an- lieu que cet acide etant fepare du fer par toute autre matiere que celles qui font gommeufes , graffes ou aftringentes , ce dernier fe precipite en fafran de mars ; ce qui fait que les eaux de plombieres tranfportees , font en- core moins propres qu'elles ne le font a leur lource , a etre noircics par la noix de galle. La terre reftee fur le filtre par Iequel le fediment de ces eaux avoit ete paffe , a donne les marques que donnent les alkalis volatils ; elle a blanchi la folution de fubume corrollf : ce fait a etonne M. Malouin qui favoit que les eaux favonneufes contenoient beaucoup plus d'allcali fixe, qui naturellement devoit rougir cette dillolution , que d'alkali volatil qui la put blanchir. Des experiences faites fur des alkalis fixes & volatils bien connus & bien purs, lui out donne le denouement de cette diSiculte-, elles lui ont appris qu'une feule goutte tres-petite d'alkali volatil luftiloit pour blanchir la folution de fublime corrodf , rougie par une affez grande quantite d'alkali fixe ; il fuffit done que le lediment des eaux de plom- bieres contienne une tres-petite quantite d'alkali volatil , pour quelle ne donne , avec les diffolutions metalliques , aucune marque de I'alkali fixe dont elle contient cependant une quantite beaucoup plus grande que du premier, & ces alkali donnent a l'eau favonneufe la propriete de precipiter un or fulminant de la diffolution de ce metal dans l'eau regale. La terre tiree des eaux favonneufes a ete expofee a faction des acides mineraux & de celui du vinaigre ; ce dernier & celui de fel font les deux qui ont agi le plus puiffamment fur cette terre ; l'acide vitriolique n'a opere fur elle que bien plus foiblement, & l'acide nitreux peu ou point du tout •, d'oii M. Malouin conclut que la terre des eaux favonneufes eft abforbante , parte qu'il a trouve que les abforbans , comme les yeux d'ecreviffe & les coquilles d'eeufs , font plus diffolubles par 1'efprit de fel & par le vinaigre , qu'ils ne le font par des acides plus forts , comme l'eau forte. II ne fault pas chercher ailleurs la raifon pour laquelle elks DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 551 rctardent la coagulation du kit, & font plus proprcs que toutc autre cau — — — «■»■ pour le couper. C h y w 1 £ Cetre terre fe fond & fe vitrifie au feu plus aifement qu'auauie qu'on connoitfe. Annie IJ46. II etoit bien narurel de pcnfer que les terres par ou paffent les eaux de plombicres participcroient de la nature de celles queues depolent, & c'eft ce que l'analyfe qui en a etc flit a montre. Les experiences dont nous venons de rcndre coropte, font done con- noitre que les eaux favonneufes de plombieres contiennent dans leur fource un bitume de la nature de l'huile de petrole , un vitriol de mars , an fel de la nature du fel marin , une terre abforbante qui fe vitrifie aife- ment au feu , & un fel alkali de la nature de la foude. Dans le tranfport , l'acide vitriolique s'unit avec une portie de l'allcali , & forme un fel de Glauber , qui n'exiftoit point dans ces eaux a leur fource-, le fer & la terre fe precipitent, ces eaux font alors comme epu- rees , il ne leur refte qu'un leger uvon forme de l'alkali & de leur bitume, & c'eft ce favon qui les rend adouciffantes ■, c'eft probablement ce chan- gement qui s'y opere qui les rend plus folutaires tranfportees , que prifes a leur fource. On les emploie ordinairement dans les maladies des reins & de la veiTie , dans le cas des inflammations des yeux , dans tous les niaux qui viennent de chaleur d'entrailles , & particulierement de celles de la poitrine & de l'eftomac. Une experience aveugle avoit determine les ufages de ces eaux , leur nature mieux connue les etendra peut-etre beaucoup , peut-etre meme l'art parviendra-t-il a imiter cette compolition naturelle. C'eft a ces deux objets que conduifent les recherches de M. Malouin-, mais il ne ferok jamais parvenu a fon but , s'il n'etit employe que les moyens ordinaires d'analyler ces eaux : cette operation eft peut-etre une des plus difficiles & des plus dclicates de la Chymie , & par-la meme une de celles qui font le plus facilement entreprifes par ceux qui n'ayant pas une affez grande connoifTance de cette fcience , n'en fentent pas meme la ditficulte. Le memoire de M. Malouin , rempli d'un grand nombre d'experiences fines, yariees avec toute l'intelligence poffible, eclairera les habiles Chymiftes, & fera peut-etre fentir aux autres leur. temerite ; il n'eft pas aile de decider lequel de ces deux bons effets de fon ouvrage (en le plus avantageux. Tt 55* ABREC£ DES MEMOIRES C Annie II Y M I I. vjtf. Hilt. S U R U A R S E N I C. J^e commun des hommes ne connoit l'arfenic, que comme une fubf- tance nuilible & up poilon redoutable : quelques-uns des chymiftes qui en out parle, l'ont fait dune facon li ampoulee & d allegorique , qu'a le bien prendre, ils n'en ont prefque rien dit, quoiqu'ils en aient beaucoup ecrit. D'autres , entetes de la recherche du grand ceuvre, n'ont examine dans l'arfenic , que les combinaifons de cette fubftance , qui pouvoient avoir quelque rapport a leur objet : d'autres enfin , fe font trouves natu- rellement engages , en fuivant le travail des mines avec la plupart def- quelles l'arfenic fe trouve uni , a examiner fes difterens rapports avec les fubftances metalliqiies •, rriais perfonne n'avoit encore entrepris julqu'ici, d'examiner par des experiences fuivies , les proprietes & les analogies de ce mineral avec les matieres falines. C'eft ce qui a engage M. Macquer a entreprendre ce dernier travail. Un des plus importans phenomenes que prefente l'arfenic en ce genre, eft fon action fur le nitre , de la bafe duquel il degage l'acide avec autant de facilite, que le pourroit faire l'acide vitriolique. Mrs- Stahl & Kunkel avoient donn^ chacun un procide , par Iequel , an moyen de l'arfenic , on obtient un efprit de nitre de couleur bleue , extremement volatil & penetrant : cet efprit fort en vapeurs obfeures , & ne peut fe condenfer qu'a la faveur de I'eau qu'on met dans le recipient, & a laquelle ces va- peurs donnent une belle couleur bleue. M. Macquer a repete cette expe- rience, & elle lui a reufli parfaitement-, il avertit leulement ceux qui vou- droient la faire de nouveau , de n'employer qu'un feu modere & tres- prudemment conduit, & de ne pas Inter exa&ement les jointures des vaiffeairx , fans quoi on auroit & craindre une explolion qui pourroit met- tre l'artifte en danger. Les precedes de Stahl & de Kunkel, dont nous venons de parler, n'a- voient pour but que d'obtenir l'efprit de nitre bleu, dont nous venons de parler. La matiere reftee dans la cornue n'avoit point ete examinee, elle- meritoit cependant bien de l'etre, & elle a fonrni des (ingularites bien re- marquables. Cette matiere ayant ete difloute dans l'eau, a mefure qu'elle s'eft evaporee , il s'eft form£ le long des bords du vailTeau , une croiite on vegetation faline, qui a monte le long des parois, & les a msme fur- paffees-, & au milieu de la liqueur, il s'eft amoncele une efpece de grouppe ou rocher de cryftaux, d'une figure tres-reguliere & tres-differente de celle que prend le nitre : chacun de ces cryftaux eft un prifme quadrangulaire rectangle, termine a chaque bout par line pyramide de meme efpece. On connoit depuis long-temps une combinaifon de l'arfenic avec la bafe du nitre, elle fe fait a feu ouvert , en le projettant dans un creufet fur le nitre en fufion , on la nomine nitre fixe par l'arfenic , ou arfenic. fixe". Cette matiere a routes les proprietes des alkalis, elle attire l'humidite de fair, fej^fout en liqueur, ne peut fe cryfhllifer , & verdit le lirop DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 355 violat. Le nouveau fcl dont nous venons de parler, eft parfaitement ncu- ^^— ^"^— — tre , & ne donne aucune marque d'alkalicite : la ration de cette difference ^ eft que l'arfenic fixe ne contient qu'une quantite d'arfenic , qui n'eft pis fufffante pour fouler entierement l'alkali; commc l'opcration a etc faite a Anmc IJ46. feu ouvert, il sen eft diflipe la plus grande partie arant qu'il flit engage affez fixement dans la bafe du nitre, au-lieu que le nouveau fel s'etant forme dans des vailleaux fcrmes, l'arfenic s'eft combine en plus grande quantite avec l'alkali , & lui a enleve toutes ks proprietes qui le pouvoient faire reconnoitre pour tel. Mais pourquoi 1'arfenic fe joint- il plus parfaitement a la bafe alkaline du falpetre dans des vailleaux fcrmes, que dans on creufet? ne pourroit- il pas egalement s'en feparer & pallcr dans la liqueur dillillee, 011 fe fubli- mer au cou de la cornue ^ ^experience a dsnne a M. Macquer la raifon de cette difference-, elle lui a appris que lorlque l'arfenic eft joint a on alkali, il n'y a ni intermede, ni action de feu, quelque violente qu'elle foit , qui puiffe Ten feparer tant qu'il eft dans dts vailleaux clos : il a pouffe le feu julqu'a fondre la cornue, fans operer aucune decompofitioir, au-lieu qu'a feu ouvert, il s'en lepare avec la plus grande facilite, & s'ex- hale en vapeurs. II ne faut done plus etre etonne que dans le nouveau fel, un plus grand feu & l'arfenic mieux contenu aient engage dans l'alkali 1111c affez grande quantite de ce mineral, pour en former un fel ncutre. Quoique le nouveau fel foit parfaitement ncutre, il precipite ccpendant les diffolutions des fubftances metalliques dans les acides , comme 1* feroit un alkali-, il n'y a que la diffolution de l'or dans l'eau regale, & celle du lublime corrollf fur lefquelles il n'ait aucune action. L'arfenic fixe ordinaire les precipite toutes fans exception ; & quelqiies- tins des precipites faits par ce dernier , ont des couleurs ditlerentes de celles que donne le nouveau fel. Pour rendrc raifon de ces differences , il faut d'abord fe rappeller que le nouveau fel a fon alkali pleinemcnt occupe par l'arfenic ; puilque s'il en reftoit la moindre partie oifive , il ne manqueroit pas de precipiter l'or diffous par l'eau regale, comme le fait l'arfenic fixe ordinaire : en fecond lieu, il taut obferver qu'aucun acide , loriqu'il eft feul, ne peut precipiter l'arfenic contenu dans le nouveau fel. Ceci pofe, & admettant la docfrine des rapports de M. Geoffroy, on verra aikment ce qui s'opere dans les differens cas-, toutes les fois que l'arfenic aura un plus grand rapport avec le metal dilious, qu'avec la bale du nouveau fcl, il la quittera pour fe joindre au metal, pourvu que l'a- cide qui le tient en diffolution , ait de fon cote un plus nrand rapport avec la bafe alkaline du nouveau fel, qu'avec le metal : il ne peut done y avoir aucune decompofition de celui-ci, ni aucune precipitation, qu'au- tant que l'arfenic & 1'acide confentiront, pour ainfi dire, nnitaelleinent a cette elpece de troc. L'arfenic ayant quitte la bafe alkaline qu'il a dans le nouveau fel, pov?r fe joindre au metal, fe precipite avec lui, & altere par la bl.incheur la couleur du precipite. On ne doit done pas cue etonne que quelqucs-uns j J4 A B R t C E D E S MEMOIRES —«—■—— £es precipites faits par fon moycn, foient differens par leur couleur, de C h y u i i ccux 1u' ont ^ ^a'ts Par ^ar^en'c ^x^ ordinaire. Cettc clef bien maniee, fert non-feulement a expliquer tres-naturelle- Annt'c fJ^G. merit les phenomenes qui s'obfervent dans les ditferentes precipitations, mais clle pent encore indiquer des rapports qui etoient inconnus. On igno- roit, par exemple, que l'arfenic eut aucune aftinite avec le mercurc, cependant la precipitation de la difiolution de ce metal dans l'efprit de nitre par le nouveau fel, eft une preuve qu'il y en a une : peut-etre cettc experience pourra-t-elle fournir un moycn d'unir ces deux fubftances •, ma;s ce travail, que celui-ci n'a fait qu'indiquer, & que M. Macquer fc propofe de fuivre, exige un grand nombre d'experiences , & doit faire la matiere d'une autre differtation. Le nouveau fel precipite le mercurc diffous par l'acide nitreux, & n'» aucune action fur la dillolution de fublime corrolif -, il faut done que l'a- cide du fel marin qui entre dans la compohtion dtl fublime , ait plus d'afti- nite avec le mercure que celui du nitre , puifque le mercure quitte ce der- nier pour fe joindre a l'arfenic , & qu'au contraire il n'abandonne pas l'acide du fel marin : ce qu'il y a de lingulier , e'eft que le tartre vitrio'e, qui n'eft que l'acide vitriolique uni a un alkali, produit fur ces deux dif- folutions les memes eftets que le nouveau lei, qui, comme on a vu, n'eft qu'une combinaifon de l'arfenic avec un alkali. Y auroit-il done quel- qu'analogie entre deux fubftances qui paroiffent aufli dirlerentes que l'ar- lenic & i'acide vitriolique ? Le nouveau fel, ainfi que l'arfenic fixe ordinaire, precipite l'argent dif- ibus dans l'efprit de nitre en couleur de pourpre : il y a une mine d'argent de cette couleur, & qu'on fait contenir de l'arfenic; mais comme elle contient aufli du foufre qui, joint a l'arfenic, pourroit lui donner cette couleur, celle du precipite d'argent dont nous parlons, & qui certainement ne contient point de foufre , doit venir d'une autre caufe : e'eft encore un commencement de travail, & qui doit fervir de fujet a un autre memoire. Tout ce que M. Macquer ajoute ici , e'eft qu'ayant mis ce precipite rouge fur le feu, la couleur s'eft evanouie a melure que l'arfenic s'eft diffipe, •& que l'argent eft refte blanc. L'arfenic fixe 8c le nouveau fel ne font pas les deux feules combinaifons qu'on puiffe faire de l'arfenic avec les alkalis, M. Macquer en donne en- core une troilieme qui difFere des deux premieres, & par la maniere dont elle eft faite, & par fes proprietes. II a fait diffoudre de l'arfenic dans une leffive chaude , bien chargee de nitre fix6 par les charbons •, il s'y en eft diffous une quantite confide- rable : a mefure que la liqueur fe chargeoit d'arfenic, elle s'epaiffiffoit & devenoit d'une couleur brune & foncee-, elle a cependant toujours conti- nue de s'en charger jufqu'a ce qu'elle foit devenue prefque folide : ce melange qu'il nomme foie d'arfenic , a caufe de quelque reffemblance qu'il lUi trouve avec le foie de foufre, a une odeur defagreable qu'on ne Iieut trop definir : en fe refroidiffant il devient dur & caffant, fur-tout orfqu'il eft bien charge d'arfenic-, il attire l'humidite de Fair, & en pen C H Y M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 535 de Jours de dur qu'il etoit, il redevient vifqueux; il lb dillout facilcnunt dans Lean, mais pas en entier; il refte one affez grande quantite dc no- cons bruns, abfolument indilfolubles, quatre heures d'cbullition n'en ont pu detacher la moindre partie ; mis au leu dune forge ils n'ont doraie au- Annie 1746. cunes vapeurs arfenicales, & ils ont rougi fans recevoir d'autre alteration, que de devenir blancs , de bruns qu'ils etoient. Si on fait attention que cctte matiere eft uniquement compofee d'arfenic, matiere trcs-volatile , & de fej alkali , on aura peine a concevoir comment elle peut avoir acquis line 6 grande fijeite & une li grande indiuolubilite ; mais cette queftion meneroit trop loin , & l'examen en eft referve a un autre temps. Le foie d'arfenic expofe au feu dans un creufet, fe fond tres-promptc- ment a une legere chaleur 5 il jctte beaucoup de vapeurs arfenicales , mais qui n'ont pas une odeur d'ail audi forte que celles de l'arfenic pur. La matiere etant en parfaite fulion , M. Macquer en a retire une portion' qui s'eft trouvee etre un verre tres-tranfparent : le feu ayant ete augments , les vapeurs arfenicales ont recommence a paroitre pendant quelque temps , aprcs quoi elles ont diminue; mais a mefure qu'il fe dillipoit des vapeurs! la} matiere perdoit fa fluidite , quoique le feu fut beaucoup augment^ L'ayant retiree du feu, il s'eft trouve une fubftance vitrifiee a la veritc,' mais opaque &: laiteufe, apparemment que la partie la plus vitrifiable & la plus fulible s'eft diffipce en fumee, & que la matiere des flocons indif- folubles, dont nous avons deja parle, eft demeuree en plus grande pro- portion, & a fait perdre au verre fa tranfparence & fa fulibilite. La diflblution de foie d'arfenic par l'eau commune, eft precipitee en blanc par tous les acides ; ce precipite n'eft autre chofe que l'arfenic meme que l'acide a chaffe de l'alkali en s'y uniiTanf, mais pour qu'il foit fenfible, il faut que dans la formation du foie d'arfenic, l'alkali en ait dillbus une quantite fufhlante, fans cela quelque quantite d'acide qu'on employat, on ne pourroit rien precipiter. Les experiences precedentes ont fait voir que l'arfenic etoit bien moins intimement lie avec l'alkali dans le foie d'arfenic, que dans le nouveau fel dont nous avons parle; aufli ne manque-t il la precipitation d'aucune dif- folution metallique, meme du fublime corrolif, & de 1'or diffous dins l'eau regale, fur lefquelles le nouveau fel n'a aucune aftion : ce qu'il y a de Imgulier, eft qu'il puiife operer ces deux dernieres precipitations', quoique fon alkali loit foule d'arlenic au point de ne pouvoir verdir le lirop violat. Une feconde lingularite, e'eft qu'il precipite en blanc la diffolution d'ar- gent par lefprit de nitre, que le nouveau fel precipite en rouge. II n'eft done pas indifferent de combiner l'arfenic avec les alkalis par fa voie feche , ou par la voie humide , puifque chacune de ces manieres de le meler avec les memes matieres, peut donner air compofe qui en refulte des propnetcs tout-a-fait difFerentes •, & en cela, ce mineral differe des acides qui produifent toujours les memes effets, par quelque voie qu'ils aient ete unis aux alkalis. Le foie d'arfenic dillbus dans l'eau, & laiffc a l'air libre, n'a point donne y,6 ABRiGE DES M f M O I R £ S "' " de cryftaux, il s'eft feulcment forme a la furface de la liqueur, une croute p r mince & blanche, qui s'eft rompue & precipitee au fond; cette croute n'etoit que de larfenic pur : la liqueur s'eft ^paiflie , & a ceffe de former Annie IJ46. cette croute, mais toujours fans donner de cryftaux. M. Macquer ne de- fefpere cependant pas d'en tirer. Les experiences dont nous venons de parler , ne regardent encore que les combinaifons de l'arfenic & du nitre : il refteroit a rendre compte de celles qu'on en peut faire avec le iel marin , le fel de foude, le nitre qua- drangulaire, le fel ammoniac, les alkalis volatils & les differens acides-, mais M. Macquer referve ces difterens objets pour d'autres memoires. C'eft line efpece d'engagement qu'il contra&e avec le public , & qu'on lui verra probablement remplir avec plaifir. SUR LA FORMATION ARTIFI CIELLE D U S I L E X, Et fur quelques propriety de la Chaux vive. Ilift. J j'acAdemie a rendu compte au public en 1739, (a) des tentatives de M. Bazin fon correfpondant , pour la formation d'un /ilex ou caillou artificiel : voici un nouveau moyen d'en prodtiire , different de celui de M. Bazin, peut-etre a force d'imiter de plulieurs manieres cette produc- tion de la nature , viendra-t-on un jour a connoitre ^operation , ou les operations quelle emploie pour la former. M. Geoffroy a mis dans line terrine de gres , line livre de chaux vive de Melun ; il a verfe deffus peu-a-peu deux livres de vinaigre diftille , il s'eft fait line legere fermentation, & a melure que la liqueur s'eft eva- poree, il s'eft forme a la furface de la lrialTe, une croute faline, d'un gout amer & un peu acre. La malTe s'eft fendue en fe fechant, & au bout de quelques mois il a trouve fous cette croute faline, des morceaux d'une matiere compacte , femblable en tout a des pierres a fufil •, il ne leur manque que le poids & la durete neceffaires pour faire du feu : pendant les premieres annees on en enlevoit des parcelles avec l'ongle, maintenant il y faut employer le fer. Leur durete augmente done avec le temps, & peut-etre obferveroit-on la meme chofe dans le fdex naturel, fi on fuivoit avec foin fes progres dans les endroits oil il fe forme. II s'eft eleve contre les parois de la terrine de gres , une vegetatiou faline & terreufe , telle qu'on 1'obferve en evaporant les matieres abfor- bantes par le vinaigre diftille ; il y avoit feulement cette difference , que dans celle-ci on obfervoit a la partie inferieure , des petits cryftaux fins , (a) Vojcr Hilt. 1739 , Collect. Acad. Part. Franc. Tome VIII. foyeux DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 557 foyeux & argentins , parcils a ceux de Tallin dc plume : la chaux vive an * refte, eft jufqu'ici la feule matiere qui, combinee avec l'acide du vinaigre, q m l g produife les phenomenes dont nous venons de parler. La glailc & la craie , traitees de la meme manicre, n'ont rien offtrt de femblable. Annie IJ46. Cette (mguliere combinaifon du vinaigre & de la chaux , fit naitrc a M. Georfroy le deiTein de tenter la meme experience fur la pierre a chaux non cuite. II verfa fur cette pierre le double de fon poids de viiuigrc diftille , comme il avoit rait pour la chaux vive : le melange donna, en fe deflechant , des efrlorefcences falines , & des filets foyeux , parcils a ceux qu'avoit donne la chaux vive ; niais i\ ne fe trouva deilous qu'une couche d'une terre fine, epaifle de deux a trois lignes, qui n'etoit ni lice, ni folide ; & deifous , un amas de gravier oil grains de fable , affez gros & detaches les IMS des autres. Cette efpece d'analyfe de la pierre de chaux y fait aifement remarquer deux fubftances , toutes deux calcinables, mais difteremment , & donne en meme temps la railon pour laquelle il ne s'etoit point forme dans cette feconde operation, de filex artificiel, comme dans la premiere, oil on avoit employe la chaux vive : la terre fine qui le trouva fous I'efflorefcence faline , eft une terre calcaire, & q.ii par la calcination , eft convertie en une veritable chaux. Le vinaigre di'lille pcut bien avoir quelqu'action fur cette partie de la pierre a chaux erne, aufli la reduit-il en pouffiere •, mais la calcination eft abfolument neceflaire a la feconde partie, je veux dire, an fable dont nous avons parle , pour que l'acide puiffe l'entamer. Le feu ne fait pas de ce fable une veritable chaux , mais il louvre •, & dans cet etat,,il admet l'acide dans fes pores, comme le feroit une terre abforbante : e'eft probablement de la combinaifon de cette demiere partie avec l'acide du vinaigre , que fe forme le filex arti- ficiel ■, mais il eft a prefumer que l'acide n'eft pas la feule partie du vi- naigre qui entre dans fa compohtion , peut-etre la partie inflammable de ce mixte y doit-elle etre compter pour quelque chofe , au moins M. Geoffroy n'a-t-il pu parvenir a compoier le filex artificiel , qu'en y employ.iut la chaux vive & le vinaigre : avec tous les autres acides qui font denues de matiere grafte, il hii a ete impoflible de rcullir : fi le filex artificiel ac- queroit , avec le temps , la durete qui lui manque , comme il y a lieu de i'efperer, tout le fyfteme deviendroit comme demontre; mais il faut peut- etre un grand nombre d'annees pour operer ce changement •, & M. Geof- froy n'a pu que depofer les idees & fon experience entre les mains de l'academie. II eft au pouvoir des philofophes de bien employer le temps, mais ils ne peuvent ni prolonger , ni accourcir.la duree de celui qui eft necellaire aux operations de la nature. Les cailloux artificiels , diftilles par la cornue a un feu gradue , out donne une liqueur alkaline volatile, & une huile rouge, tres-fluide & empyreumatique, qui a l'odeur de petrole : ce qu'il y a de lingulier, e'eft que l'acide du vinaigre ne reparoit plus dans cette decompolition , app.i- remment qu'il eft totalement abforbe par les matieres calcinees qu'il a dilloutes, & qui le retienncnt ou le decompofent. II eft rare qu'im habile phyficien qui travaille a leclairciffement du point Tome X. Fartie Franfoi/i. Vv c H Y M 558 ABREGE DES MEMOIRES lprincip.il qu'il s'eft propofe, ne trouve encore des verites collaterals qu'il ne cherchoit point. Nous venons de voir qu'en melant l'acide du vinaigre a la chaux vive , on pouvoit en feparer aifement une huile qui avoit Annte 1746. l'odeur du petrole, & operer ainfi la meme chofe que feu M. Homberg operoit avec les fleurs de zinc ; mais ce qu'il y a de fingulier , e'eft que ces deux matieres font les feules qui donnent a 1'huile du vinaigre l'odeur de petrole. Les coquillages, ou meine la coquille d'eeuf, feparent bien 1'huile de l'acide , mais (ans lui donner cette odeur : font-ce les parties ignees qui peuvent etre dans la chaux , ou dans les fleurs de zinc , qui produifent cet effet? ou n'eft-il du qua l'acide vitriolique que M. Malouin a demontr^ dans la chaux ? [a) ce qu'il ne feroit peut-etre pas impoflible de trouver dans le zinc. Une autre maniere d'employer la chaux, que les operations de M. Geof- froy lui ont indiquee , e'eft de la faire fervir a tirer 1'huile des matieres animales , comme de la foie , des cheveux , de la rapure de comes de cerf, &c. fans les expofer a l'aiftion du feu : pour cela, il fait bouillir une demi-livre de chaux vive dans la leffive d'une livre de nitre fixe par le tartre; aprcs la filtration & levaporation de cette leflive, il fe trouve tin fel blanc & tranfparent, qui fe liquefie a la moindre chaleur, & dont la caufticite eft fi grande, qu'aufli-tot qu'il eft diffous , il brule & conlume les fubftanc^'S animales, & forme, avec leur huile, Un favon liquide qui fe decompofe dans l'efprit de vin , comme le favon ordinaire : operation qui donne un moyen bien facile de developper ce principe des matieres animales, fans les decompofer par le feu. Le travail de M. Geoffroy fur la chaux , Ta audi engage a examiner l'opinion d'Hoffman fur la chaux; ce favant chymifte a dit que la chaux contenoit un efprit brulant qui detruifoit les fel? volatils. II eft effedlivement vrai , que fi on joint la chaux vive au lieu d'un alkali, au fel ammoniac, pour en tirer le fel volatil , on aura, au-lieu d'efprit volatil, ou de fel volatil concret, des vapeurs urineufes, mais (i fubtiles, qu'on ne peut ni les condenfer, ni les retenir : fi on ajoute a la chaux un peu d'eau, il viendra un efprit volatil , & jamais un feul grain de fel concret, dans quelque proportion qu'on puiffe y meler l'eau. II eft done vrai que la chaux vive detruit , en quelque forte , le fel volatil , puilqu'elle l'empeche de fe manifefter fous aucune forme; mais cette def- trucYion n'eft due qu'aux parties ignees qu'elle contient , car li on l'expofe a l'air affez de temps pour qu'elle les ait perdues , elle n'agit plus que comme hmple alkali , ou comme terre ablorbante; & !e fel ammoniac fournit alors plus ou moins de fel volatil concret, fuivant le plus ou le moins de temps que la chaux a ete expofee a l'air. Ces memes parties ignees empechent qu'on ne puifle employer la chaux vive a deponille'r l'efprit de vin & les eaux diftillees, de quelque portion d'acide qui peut leur refter , non qu'elle n'abforbe effecttvement cet acide; mais les particules ignees rotiflent, pour ainfi dire, 1'huile qui eft (u) Voyez Ilift. 1747, Colieft. Acad. Part. Fian;. Tome IX. ■ - DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5J9 contemn.* visas l'efprit dc vin & dans Ls eaux diftillees, & leur donnc line "" '■ ",l" " odeur infupportable d'empyreume , qu'il eft impoflible de Jcur otcr : ce u .- ., ?!■ , ' ' . 1 ... J OOTAK1QUI. icroit re;nedier a mi mal , par un autre plus grand. Anntfe ZJ4J. SUR L' INFLAMMATION DES HUILES PAR L' E S P R I T D E NITRE. I ijtj environ quatre-vingt ans que Borrichius, celcbre chymifte, pro- r: • pola dans les journaux de Copenhague , d'enflammer l'huile de terebea- thine par 1'elprit de nitre, fuivant un procede qu'il donnoit; mais foit que Ion procede ne ftit pas affez bien detaille , foit qu"on ne l'eut pas exacie- ment luivi, les efforts qu'ont faits les plus habiles artiftes pour reuffir dans cette experience, ont i^te fans fucces, du moins pour ce qui regarde l'huile de terebenthine ; car quelques uns ayant tente le melange de cet acide avec d'autres huiles , font parvenus a enflammer non-feulement les huiles ef- fentielles pefantes , mais encore quelques autres huiles empyreumatiques , comme le gayac. Entin, Dippelius, Mr!- Hofthian & Geoffroy, font parve- nus a enflammer l'huile de terebenthine, & plulieurs huiles ellentielles le- geres-, mais en joignant a l'acide nitreux quelques portions d'acide vitrio- lique, ce qui s'eloigne de l'idee de Borrichius, qui ne propofe d'employer que l'acide nitreux pur & fans melange d'aucun autre , comme on le peut voir par fon procede meme, dont nous allons rapporter l'effentiel. II emploie quatre onces d'huile de terebenthine , & hx onces d'acide nitreux, l'tm & 1'autre recemment diftillesi il les mele enfemble dans un vaiffeau affez grand, les agite & couvre le vaiffeau : il expofe le tout a la plus forte chaleur du foleil en ete , & au bout d'une demi-heure le de- couvre , alors il fe fait une violente effervefcence , accompagnee d'une epaiffe fumee , & les matieres s'enflamment. II eft aife de reconnoitre a la feule inlpeiflion de ce procede , que l'ef- prit de nitre dont fe fervoit Borrichius , ne devoit pas etre bien concen- tre , puifqu'il etoit (i long- temps a agir fur l'huile, quoiqu'il fut expofe a la plus forte chaleur du foleil. Un efprit de nitre plus pur , applique a cette hulle , produit fur le champ une effervefcence des plus rapides. Ce n'eft done pas de la force de l'efprit de nitre que depend le fucces de l'experience de Borrichius , il doit y avoir quelqu'autre circonftance plus effentielle a l'operation , & dont le defaut l'a fait manquer. C'eft a la recherche de cette circonftance effentielle que M. Rouelle s'eft applique. Pour bannir de l'operation rincertitude que la differente force de l'ef- prit de nitre qu'on y emploie y pouvoi.t laiffer, fon premier loin a ete de s'affurer, au moyen du pefe-liqueur, de fon degre de concentration, en comparant le meme volume d'eau a un pareil volume de difterens elprits de nitre purs & fans melange ; il s'eft par ce moyen affure du degre de V v ij 34o ABREGE DES MEMOIRES — — i force de trois differens acides nitreux, auxquels il avoit foignciifement _ enleve tout ce qui pouvoit leur etre etranger : & afin que les differens *-" n ^ ™ ' r" degres de chaleur de l'air ne puffent occafionner des differences dans l'ope- Annie 774-. ration, en dormant plus oil moins d'adtivite a 1'efprit de nitre, toutes les experiences ont ete faites le thermometre de M. de Reaumur etant au- dcffous de la congelation. Quelques-unes des premieres tentatives de M. Rouelle furent heureufes, il enflamma l'huile de terebenthine , tant avec an efprit de nitre aflez foi- ble, qu'avec un autre tres-concentre , mais il ne Fenflammoit pas toujours ; & le but de fes experiences n'etoit pas de 1'allumer one fois par hafard , mais d'apprendre a quoi il tenoit qu'on ne Fallumat toujours : il refultoit cependant de cette recherche , que l'experience pouvoit reulTir avec des e/prits de nitre de force tres-inegale. L'inflammation reuffit encore une fois, mais avec line nouvelle circonf- tance. M. Rouelle avoit agite les matieres avec une baguette , pendant qu'elles etoient dans la plus violente eftervefcence ; il crut avoir devine le mot de Fenigme , mais plus de vingt epreuves fans fucces le convainqui- rent qu'il n'avoit pas encore frappe au but, & il abandonna ce travail pen- dant plus d'une annee. II etoit cependant toujours occupe de la meme idee qu'il n'avoit pas perdu de vue , & quoiqu'il n'eut pas reuffi jufques-Ia, il ne defefperoit pas encore du fucces. II recommenga done fes melanges , toujours en les agitant pendant leur eftervefcence ; & enfin il parvint en- core a enflammer l'huile de terebenthine avec un acide tres-concentre-, deux fois meme il l'enflamma fans remuer le melange ; mais il appercut de plus, que ces melanges donnoient un champignon ou efpece de charbon rarefie, pareil a celui que donne l'huile de gayac enflammee par 1'efprit de nitre •, & il fe rappella que dans fa premiere experience , l'inflammation s'etoit faite quand il avoit enfonce avec fa baguette le charbon qui fur- nageoit l'huile dans Fefprit de nitre qui etoit au-deflous de cette derniere. II crut done encore une fois avoir trouve ce qu'il cherchoit •, mais quoi- qu'il eut fait un pas, & meme aflez grand, vers fon objet, il sen falloit cependant beaucoup qu'il ne i'eut parfaitement fail! : plus de trente me- langes faits pendant deux annees n'eurent aucun fucces , quoiqu'il eut foi- gneufement enfonce le charbon dans les matieres •, & il reuffit trois fois a enflammer l'huile fans y avoir touche. Enfin , les reflexions que M. Rouelle fit fur la maniere dont fe fait l'in- flammation du nitre par les charbons , lui decouvrirent ce qu'il cherchoit depuis fi long-temps •, cet acide ne s'enflamme qu'avec les matieres graifes & chargees de phlogiftique , mais il faut pour cela qu'elles foient reduites en charbon. Nous venons de voir que le melange en produifoit un , ce n'etoit done qu'en appliquant quelque nouvelle portion d'acide fur l'en- droit de ce charbon qui paroit a decouvert, qu'on peut reullir a Fenflam- mer; e'eft en effet ce qui arrive, & l'experience repond parfaitement a cette theorie. II eft aufli rare de voir l'inflammation manquer lorfqu'on emploie ce rnoyen , qu'il Fetoit de la voir reuflir avant qu'on en eut connoiffance. Y M I E. I DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 341 On voir de mcme combien il a dii etre rare que le charbon fe (bit al- = lume par le contadt de l'efprit acide lorfcju'on Pa plonge au fond du vaif- q h fe.ui : en tr.wcrfant l'huile qui furn.ige toujours l'ciprit de nitre, il fe charge neceffairement d'une couche de cette huile qui cmpeche l'acide de Ann^c IJ47. s'y joindre & de s'enflammer avec lui. Ce n'eft done que par quelque heu- reux hafard qu'on pent reuffir fans le moyen que propofe M. Rouelle ; & que probablement Borrichius lui-meme ignoroit. Pour reuffir plus fiirement , il faut que l'efprit de nitre foit au moins affez fort pour agir fur l'huile auffi-tot qu'il lui eft mele; plus foible, il ne feroit aucun efiet •, mais plus il fera fort & concentre, plus le fuc- ces de Poperation fera affure. A Pegard de l'huile de terebenthine, il n'y a aucun choix a en faire •, ancienne ou nouvelle , elle eft egalement bonne. II faut verfer peu d'acide nitreux k la fois fur le champignon : s'il arrive m'il ne s'enflamme pas , on attend que le charbon paroiffe davantage & oit plus conliderable ; alors on verfe de nouvel acide , & avec un pen d'ufage , il eft rare qu'on ne reuffiffe pas. Les vaiffeaux doivent etre larges d'ouverture, afin que le melange pre- fente une plus grande furface a Pair qui aide beaucoup au fucces de cette experience. On doit employer parties egales d'acide & d'huile de terebenthine •, mais quand on mettroit plus d'acide , on ne nuiroit aucunement h Pin- flammation. L'on obfervera feulement que le fucces de Poperation eft plus affure quand on emploie des dofes un peu conhderables. Cette clef une fois trouvee mettoit M. Rouelle a portee de tenter avec fucces les meines experiences fur d'autres huiles : e'eft auffi a quoi il n'a pas manque. Les huiles de cedra & de lavande, qui font deux huiles effentielles legeres , out donne ii-peu-pres les mcraes phenomenes que l'huile de te- rebenthine, fi ce n'eft qu'elks exigent, fur-tout celle de lavande, un acide un peu plus fort. . Mais l'huile de geiofle, quoique de insitie efpece que les deux autres, a often une iingularittS remarquable & qui fait une exception a la regie que nous avons donnee de prendre toujours par preference l'acide le plus fort pour affurer le fucces de Poperation : melee avec de l'efprit de nitre trop fort , PefTervefcence eft (i vive , qu'il fe fait une efpece d'explolion , & que l'huile eft jettee hors du vaiffeau. M. Rouelle n'a pu reuffir a l'en- flammer , qu'en employant le plus foible & le moins concentre des trois efprits de nitre dont il s'eft fervi dans fes experiences. Les huiles par expreffion fe partagent en deux claffes : les unes, corame les huiles de lin , de noix, d'ceillet & de chenevis, peuvent, abfolument parlant, s'enflammer comme les huiles effentielles, par l'acide nitreux feul, pourvu qu'on le mele avec elles en plus grande proportion , & qu'il foit recent & tres-concentre. On peut cependant reuffir a les enflammer avec un efprit de nitre plus foible & en moindre quantite, en y joignant l'acide vitriolique tres-concentre ■, alors PefTervefcence fe fait avec vivacite , le 34i ABREGE DES ME MOIRES — m— ■■■■■■ charbon fpongieux fe forme piomptement, & un peu de nouvel efprit de P nitre verfe deffus l'enflamme infailliblement. n y m i i. £es ]iuj[es par exprefllon de la feconde claffe , comme celles d'olive , An nee 1747. d'amande douce, de fene & de navettc, ne s'enflamment point par l'acide nitreux feul , quelque concentre qu'il puiffe etre , & en quelque dole qu'on le niele avec elles ; mais de plus, elles ont befoin dun manuel par- ticulier pour s'enflammer, en ajoutant l'acide vitriolique a celui du nitre. Ces deux efprits unis produiloient bien , en les melant avec ces huiles , line forte effervefcence , mais ils ne donnoient jamais ce charbon fee & rarefie que l'addition dun peu de nouvel efprit de nitre peut enflammer : enfin M. Rouelle remarqua que lorfqu'il employoit plus d'acide nitreux, Teffervefcence etoit plus grande & le charbon un peu plus fee. Cette cir- conftance lui fit foupconner que, pendant la vive action de ces matieres, l'acide nitreux fe diffipoit en vapeurs , & que l'acide vitriolique ref- toit feul. II etoit aife de verifier fi cette conjecture etoit vraie, il ne falloit que verier l'efprit de nitre a plulieurs repriles, pour fuppleer a la partie enle- vee par une trop prompte diffipation ; alors le charbon devoit fe former & s'allumer par l'addition dun peu d'efprit de nitre. C'eft efrectivement ce qui eft arrive : M. Rouelle a pris de bonne huile d'olive, de l'efprit de nitre, & de l'acide vitriolique tres-concentre, de chacun une demi-once, & il les a meles; le mouvement s'eft bientot ex- cite , & il s'eft fait une violente effervefcence •, alors il a ajoutc un pen plus d'un gros d'acide nitreux , l'eftervefcence a ete augmentee, & les va- peurs font devenues plus conliderables & plus blanches ; un autre gros ajoute a accelere le mouvement, & l'effervefcence a acquis une rapiditc ctonnante ■, alors verfant encore pareille quantite d'acide nitreux hir le charbon qui s'eft forme, il a paru tout d'un coup fcintillant, & 1 huile s'eft enflammee. La damme que donne cette huile n'eft pas confiderable comme celle qu'ont produites les huiles eflentielles & celles de la premiere claffe des huiles par expreffion : ce font des jets de damme qui fortent par plulieurs trous d'une croute charbonneufe qui couvre la matiere. Ce que nous venons de dire doit s'entendre, avec quelques legeres dif- ferences, des autres huiles par expreffion de la feconde claffe : le manuel eft le meme pour toutes. II peut paroitre etonnant que 1'inflammation des huiles par expreffion depende de l'addition de l'acide vitriolique qui, par lui-meme, n'a au- cune aclion fur les huiles; ce n'eft pas auffi en agiffant fur elles quelle aide a les enflammer, ce n'eft qu'en enlevant a l'acide nitreux la portion de phlegme qu'il pouvoit contenir, & le rendant par ce moyen beaucoup plus fort & plus concentre. On fait avec quelle avidite cet acide bien dephlegme fe failit de l'eau qu'on lui prefente, il n'eft done pas etonnant qu'il abforbe celle qui affoibliffoit l'acide nitreux-, mais par lui-meme, il ne produiroit jamais avec l'huile un charbon fee & rarefie. Cette efpece de charbon eft evidemment due a l'efprit de nitre •, d'ailleurs ce dernier DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 345 eft le feul qui puifle s'enflammer en le joignant a une matiere graffe re- . duite en charbon : l'ufage de l'acide vitriolique, dans ces experiences, ne^ peut done etre que de dephlegmer l'acide nitreux. Mais ne feroit-il pas plus limple d'employer de I'efprit de nitre auqutl Anno: i~y. on eiit enleve cette portion de phlegme qu'abfoibe l'acide vitrioliquei oui fans doure , mais il eft trcs-dirh'cile, & peut etre impolltblc, de de- phlegmer I'efprit de nitre a ce point , il feroit alors d'unc difficulte pref- que infurmontable a retenir : cependant les tentatives que M. Rouelle a faites fur ce fujet, n'ont pas etc tout-a-fait infmclueufes-, il a decouvert des erreurs dans ce qu'on enlcigne communement fur l'acide nitreux , des chofes finguliercs , & racrae une nouvelle methode de concentrer cet acide', mais il relerve tout cela pour un autre memoire. II paroit par tout ce que nous venons de dire , que le charbon fpon- gicux eft le principal agent de l'inflammation dans ces experiences : e'eft une efpece de meche embrafee qui procure l'inflammation de l'acide ni- treux •, & celui-ci, a fon tour, allume 1'huile. L'idie d'employer des matiercs ii inflammables & dont l'explolion peut etre li violente dans les operations militaires , n'a pu manquer de fe pre- fenter a M. Rouelle : elle s'etoit de meme ofterte a Glauber-, mais qtiand on pourroit venir a bout de difpofer i fon gre d'un element aufti terrible que le feu , quelavantage en pourroit-il refulter; potirroit-il demeurer fe- cret? & les homines n'ont-ils pas dej^ malheureufement affez de moyens de fe detruire ? on ne peut done que le louer de s'etre interdit une Ii per- nicieufc recherche. S U R LA CHAUX ETLE P L A T R E. N, ous avons rendu compte en 1745 (fl) des experiences par lef- Hifi. quelles M. Malouin a determine que la chaux contient un veritable fel fe- lenitique, e'eft-a-dire, l'acide vitriolique combine avec une bafe terreitfe. Ce point eclairci , il refte encore bien d'autres problemes a refoudre fur cette matiere. Cette fubftance faline peut etre effenticlle a la chaux , de telle forte qu'elle lui foit n^ceffaire pour la conftituer chaux ; elle peut auffi ne lui etre qu'accidentelle, Sc en ce cas, la chaux en e^ant depouillee autant qu'elle le peut etre, n'en feroit pas moins bonne. Dans le cas oii Ce fel feroit eflentiel a la chaux , on pent demander (i e'eft a lui qu'elle eft redevable des proprietes falines qu'on lui cc-nnoit, oil (i elles ne font, fuivant le fentiment de Becher & de Stahl , que l'effet d'une difpofition prochaine a pafler a 1'etat falin, que les pierres ont recue du feu, en forte . qu'elles n'attendent que le concours de l'eau pour devenir fel ; quelle eft la dofe dans laquelle ce fel doit entrer dans la chaux •, Ci toutes les pierres en contiennent precitement la quantite neceflaire pour etre converties en (0) Voycz Hifi. 1745, CoIIetf. Acad. Fait. Franj. Tome IX. C H Y M I Annie 1J41 344 ABREGE D E S MEM0IRE8 la meilleure chaux poflible, & fi on ne pourroit pas en ajouter a celles qui en manquent : toutes queftions que M. Macquer a entrepris d'eclaircir par les experiences qu'il a faites non-feulement fur la chaux ordinaire , mais encore fur le platre qui, comme on fait, n'eft autre chofe qu'une chaux grofliere. Les pierres qu'on emploie ordinairement a Paris dans les batimens , font, ou dures, comme celles qu'on tire d'Arcueil, ou tendres, comme celles qu'on fait venir de Saint-Leu, village a quelques lieues de cette ville : des morceaux de 1'une & l'autre pierre ont ete expofes a une vio- lente action du feu; la pierre d'Arcueil a donne une affez bonne chaux, celle de Saint Leu n'en a fait qu'une tres-mauvaife. Pour voir ce que pourroient produire differens fels joints a ces pierres avant la calcination, M. Macquer a mis digerer des morceaux des pierres d'Arcueil, de Saint-Leu & de pierre a platre, pefant quatre gros cnacun, dans de tres-fortes dillolutions des acides, vitriolique, nitreux & marin, de fel marin, de fel de tartre alkali, de fel de foude & de borax : des quantites , pefant auffi quatre gros , de ces trois memes pierres , ont ete pulverilees & detrempees avec ces memes diflblutions pour en former des maffes qui ont ete miles feparement dans des creufets : ces creufets ont ete places dans un fourneau avec les morceaux des memes pierres dont nous venons de parler, & ces dernieres etoient pofees fur des barres de fer, de facon qu'elles ne puffent toucher an charbon ni a la cendre, & qu'elles ne fuffent expofees qu'a Taction de la flamme. Un feu clair de menu bois, d'abord tres-modere, a etc allume dans ce fourneau-, enfuite il a ete augmente par degres & pouffe a la plus grande violence pendant huit heures , les pierres paroiffoient aulTi ardentes que la flamme meme : alors M. Macquer a retire des morceaux de pierres a chaux tres-dures qu'il avoit aufli mis dans le meme fourneau fans aucune preparation •, & les ayant trouves convertis en trcs-bonne chaux, il a laiffe eteindre le feu & refroidir les matieres. Aucune de ces matieres ne s'etoit reduite en chaux : les ayant mifes dans les acides, aucune de celles qui avoient ete calcinees avec les fels alkalis & neutres n'en fut fenfiblement attaquee; celles an contraire qui avoient ete calcinees avec ces memes acides , le furent davantage , fur-tout la pierre a platre qui l'avoit ete avec l'acide vitriolique. M. Macquer fut d'autant plus furpris de ce pen de fucces de l'opera- tion , que quand bien meme le feu n'auroit pas pu introduire les fels dans la matiere pierreufe, il ne paroiffoit pas de railon pour laquelle ces fels, & fur- tout les alkalis, auroient pu l'empecher de fe convertir en chaux : cependant, a force d'y penfer, une circonftance particuliere qu'il remar- qua, la lui fit decouvrir. La pierre a platre pulverifee & combinee avec le lei de foude s'etoit convertie en une efpece de caillou blanchatre, tres- dur, & demi-tranfparent en quelques endroits. Ce caillou, qui avoit bien i'air d'une demi-vitrification , lui fit foupconner que le fel de foude avoit fervi de fondant a la pierre a platre, & l'avoit difpofee a fe vitrifier-, la meme chofe pouvoit etre arrivee, au moins en partie, aux autres effais : or, C H DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 34* or, tous les phyuciens Caveat qui mcfure qu'un corps s'approche de lc- tat de vitrification, il s'eloigne de celui de la calcination, ces deux pro- priety etant abfolument incompatibles. M. Macqucr penfa one pent etre il avoit donne a fes effais une trop Annie 1747. grande dole de ids , & qu en moindre quantite ils pourroient produire des elFets dillerens : mais , quelqucs tentatives qu'il ait pu faire & dans quelque proportion qu'il ait varie la quantite des (eh, 1 action & la durce du feu , il n'a jamais pu parvcnir a faire de bonne chaux par ce nioycn. L'Auteur de la nature a probabiement donni a chaque pierre la quantite de fel neceffaire pour fe changer, i l'aide du feu, en la meilleure chaux quelle foit capable de donner. L'addition des fels eft meme (i prejudiciable a la chaux , que non- feulement ellc met obftacle a fa formation , mais quelle detruit la chaux deji formde. Si on met dans un creufet de la meilleure chaux environncc de cendres , & qu'on lui fafle foutenir un feu tres-vif pendant qaelqucs heures , elle perd abfolument toutes les qualites de chaux •, elle devient jauoc, fe reduit entre les doigts en une poudre impalpable, & n'excite plus avee l'eau aucune fermentation ni aucune chaleur. M. Macq.ier a opcre les memes effets, en expoiant a la Damme un morceau de bjnne chaux, impregne de leffive de fel alkali. Nous n'avons jufques ici parle que des propriety qui font communes i la chaux proprement dite & au platre : il eft temps d'examiner feparement celles qui font propres a cette derniere efpece de chaux. Si le platre a , comme la chaux, la propriste de s'eteindre dans l'eau & d'etre reduit en une efpece de pate, & s'il prefente beaucoup de phenomenes cbymiques, pareils a ceux qu'elle offre, il en diftere cependant en pluiieurs points, il ne s'eteint point avec la meme vivacite que la chaux, a peine produit-il en s'eteignant une chaleur fenlible , il abforbe beaucoup moins d'eau qu'elle, il attire & retient l'humidite de l'air bien plus foiblement; mais en quoi il en differe plus fenliblement , e'eft que le platre detrempe feul dans l'eau fe feche aflez promptement & prend la coniiftance d'une pierre tendre, au-lieu que la chaux etcinte eft trcs-longue i deffecher & devient, etant feche , fragile & friable , fans aucune folidite. Une feule fuppolition que fait M. Macqtier, le met a portee de rendre aifement raifon de toutes ces ditFcrences. La pierre a platre n'eft point compolee, felon lui, de parties homogenes comme la pierre i chaux, mais au contraire de deux fubftances , dont l'une ailement calcinable eft jointe a une autre qui n'eft point fulceptible de calcination. Cela pofe, rien de plus facile que d'expliquer les phenomenes dont nous venous de {>arler. On voit, par exemple, que li le platre s'eteint avec moins de vio- ence, & donne en s'eteignant moins de chaleur que la chaux, e'eft que fous un meme volume il contient moins de parties calcinees : (1 la chaux acquiert en s'eteignant une plus grande augmentation de volume que le platre, e'eft que toutes fes parties font penetrables i l'eau qui s'y iiilinue, au-lieu que le platre n'ayant que I3 moindre partie de fa fubftance capable de 1'admettre, ne doit audi eprouver qu'un moindre gonflement, & par Tome X. Partie Fmncoije. Xx C H Y M I E. i+« A B R E G E DES MEMOIRES : la meme raifon il doit audi exciter dans l'eau un moindre degre" de cha- leur. La principale difference qui fe trouve entre le platre & la chaux , c'eft-a-dire, la durete qu'il acquiert etant detrempe feul, & le pea de fo- Annee 1747. lidire que conferve la chaux en ce cas , fe deduit audi facilcment que ies phenomenes precedens de la fuppofition de M. Macquer. On fait qu'en melant en proportion convenable du fable avec la chaux eteinte, on en forme un mortier qui fe durcit a l'air : or la pierre a platre compofee en partie d'une fubftance non calcinable, eft une chaux qui porte Ion fable avec elle ; il n'eft done pas ctonnant qu' etant eteinte e]le prenne & s'en- durciffe feule & fans addition de fable etranger. On n'eft jamais plus fur en phyfique d'avoir devine le procede qu'em- ploie la nature pour la formation d'un mixte, que quand on eft parvenu en quelque forte a la contrefaire : M. Macquer a voulu s'affurer par cette voie qu'il ne s'etoit point trompe; il a pris une partie de pierre a chaux crue , & 1'ayant pulverifee il l'a melee dans un creufet avec huit parties de fable fin , il a eu apres la calcination line efpece de platre artificiel , qui a la verite , en fatisfaifant a tons les autres phenomenes qu'offre le platre naturel, en differoit en ce qu'il ne prenoit pas le meme degre de durete-, mais il eft aife de voir combien de caufes peuvent produire cette diffe- rence : on ne connoit la nature , ni de la partie calcinable de la pierre a platre, ni de celle qui ne fe calcine point, & moins encore la proportion d.ms laquelle elles font melees; il pourroit meme encore fe trouver une autre caufe jointe a celle dont nous venons de parler •, l'acide vitriolique .qui fe manifefte en plus grande quantite dans la pierre a platre que dans celle a chaux, pourroit, comme nous l'avons vu ci-deffus, empecher plu- fieurs parties de fe calciner, & leur donner une certaine difpolition a fe vitrifier qui les rapprocheroit de la nature du fable-, en ce cas, quand bien meme la pierre a platre ne contiendroit prefque que des parties calcina- bles , Taction de l'acide vitriolique en deroberoit toujours affez a la vio- lence du feu, pour qu'on put toujours dire avec verite, que le platre eft une chaux qui porte ion fable avec elle. On pourroit peut etre objecter que la fuppofition de l'exiftence de deux differentes fubftances, calcinable & incalculable , dans la pierre a platre, eft inutile , & qu'on peut expliquer ces phenomenes a moins de frais. Le feu qui fert a calciner le platre, eft bien different pour la violence & pour la duree , de celui des fours a chaux : on pourroit done penfer que , quoique la pierre a platre ne fut compofee que d'une feule efpece de parties, il y en auroit toujours un grand nombre qui echapperoient a Tac- tion de ce feu trop foible pour les calciner routes , & qui n'ayant fait que fe deffecher, pourroient, etant pulverifees, tenir lieu de fable. Une experience de M. Macquer fournit une reponfe fans replique a cette objection : fi ce fyfteme etoit vrai -, il ne faudroit que calciner le platre plus long- temps & plus vivement pour en faire de veritable chaux; mais bien-loin qu'on puiffe le rendre plus femblable a la chaux par ce nioyen , cette plus forte calcination Iui fait perdre abfolument tout ce qu'il avoit de commun avec elle 5 ainfi, quand on admettroit qu'il refte dans II Y M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3+7 le platre des parties caicinables qui out echappi .111 feu , & qui contri- — bucnt a augmenter la dofe du iable qu'il contient , il en faudroit toujours _ revenir aux parties de difr'erente nature que nous avons luppolees dans la pierre a platre. _ _ Annie 17 «,j. II nous refte encore a parler de deux differences bien marquees qui fe trouvent entre la chaux & Ie platre : ccs deux fublbnces preferment , dans leurs effets , des phenomenes en quelque forte contraires & oppofes Ies mis aux autres ; le platre prend corps & fe durcit plus vite que le mortier de chaux , mais il n'acquiert jamais la meme durete que ce dernier ; d'un autre cote, lorfqu'il le prend & commence a devenir dur, il augmente fenliblement de volume, au-lieu que le mortier diminue en fechant plutot que d'augmenter. Pour appercevoir la raifon du dernier phenomene, il ne faut que voir la difference qui fe trcuve entre la chaux qu'on emploie a faire le mortier, & le platre. Pour faire le mortier on emploie de la chaux eteinte qui a pris ou abforbe toute l'eau dont elle pouvoit fe charger, elle ne pent done en fechant que perdre cette humidite etrangere, & diminuer de vo- lume : au contraire, lorfqu'on gache le platre, fes parties de chaux qui ne font point Iteintcs & qui font embarraffees & melees parmi fes parties non calcinables, ne s'imbibent que fucceflivement ; pendant que les pre- mieres qui ont fait corps avec le fable naturel du platre font deja durcies, d'autres rccoivent encore l'eau dans leurs pores , & en fe gonflant font augmenter la maffe ; ce gonflement doit durer autant de temps qu'il en faut pour que toutes les parties calcinees foient iaoulees d'eau, & caufer pendant ce temps line chaleur fenhble, e'eft auffi ce qu'on appercoit. Suivant cette tneorie, il ne faudroit qu'ajouter au mortier, de la chaux vive en poudre, pour le mettre dans le meme cas que le platre, & lui donner la proprietc de fe gonfler en prenant. Une experience li facile da !>as ete negligee par M. Macquer , & le fucces a parfaitement repondu a a theorie. Cette explication du renflement du platre donne atifli celle d'un phe- nomene, que ceux qui emploient le plitre obfervent plus louvent qu'ils ne voudroient : les ouvrages de platre qui ont ete faits par un grand froid & expofes a la gelee , n'acquierent aucune lolidite. La railon de cet eflct eft aile a deduire de ce que nous venons de dire : le froid retarde 1'extinc- tion fucceffive des parties calcinees du platre, foit en glacant les parti- cules d'eau qui les alloient attaquer, foit en detruilant ou affoibliflant le peu de chaleur qu'elles produifent en s'eteignant : il en refulte neceffaire- ment que les parties qui fe font eteintes les premieres , ont eu le temps de prendre une lolidite trop grande pour fe preter au gonflement de celles qui viennent a s'cteindre enfuite. Dans ce cas , la maffe , au-lieu de s'etendre, doit fe gercer & s'en aller en morceaux. La meme chofe n'ar- rive pas quand I'extinction eft plus prompte, les parties qui ont fair corps les premieres font encore en etat de preter & de s'etendre, lorfque les par- ticules fuivantes viennent a s'cteindre , & il n'en relulte ni tradture ni gercure fenfibles, mais feulement une infinite de petits vuides caufes par Xx ij I 548 ABRlGE DES ME MOIRES ! l'ecartement des molecules, & c'eft peut- etre la, fuivant M. Macquer, la _ r raifon qui rend le platre moins folide que le mortier de chaux : une ex- L, H Y M! 1 B. jicatjon aufli nette & mfn {aci\e de tous les phenomenes du platre, eft la Annie IJ47- preuve la plus forte qu'il puiffe donner de fon hypothefc. SUR LES EAUX MINERALES D E B ui R E D G E. Hilt. J_j'£xamen des propriety des eaux minerales a toujours paru meriter l'attention des phylifiens •, ces fecours accordes aux homines par la nature, feront d'autant plus utiles que la compolition en fera mieux connue. Nous avons rendu compte en 174+, (a) des obfervations de M. le Monnier medecin, fur les eaux minerales du Mont-d'Or; nous avons a parler cette am tee de celles qu'il a faites fur celles de Baredge. Les bains de Baredge font au bas du village , au pied de la cote meri- dionale qui forme la vallee du meme nom; la montagne d'ou fortent les fources eft tres-haute & couverte de bois , elle eft formee d'une efpece de gres a gros grain , & de quelques veines de marbre blanc vers le bas ; pluiieurs fources y forment quatre bains chauds , mais inegalement : le bain royal fait monter le thermometre de M. de Reaumur jufqu'a 40 degres ± , les moins chaudes le font elever a zj>, 33 j & 54 degres : cette derniere chaleur eft encore tres-fupportable , on peut refter dans ce bain des heures entieres fans en etre incommode-, mais l'eau qui a 40 degres "de chaleur ne peut etre employee qu'a donner la douche , la partie qui la recoit de- vient bientot toute rouge, & le corps du inalade mouille d'une fueur tres- abondante. Lorfqu'on entre dans les falles de ces bains, on fent une vapeur chaude, plus ou moins epailfe , fuivant la constitution de l'air , & qui repand une odeur de foie de foufre, mais fi legere & ft moderee qu'on n'en eft nul- lement incommode : cette meme odeur fe fait fentir un peu plus vive- ment lorfqu'on approche du ncz un verre d'eau nouvellement puifee, lans cependant etre plus defagreable , elle eft feulement femblable a celle que repand un ceuf dur dont on ote la coque pendant qu'il eft chaud ; mais ft on laiiTe refroidir l'eau, fur- tout en plein air, ou qu'on la faife boiullir fur le feu, l'odeur difparoit entierement. Le goiit de ces eaux eft doux , tirant fur le fide, elles le confervent bien plus long-temps que leur odeur , & les malades ont un peu de peine a s'y accoutumer •, elles font douces au toucher comme la plus parfaite eau de favon , lorfqu'on en met dans les yeux elles n'excitent aucune cuiffon : M. le Monnier en a verfe dans une coupure qu'il s'etoit faite par hafard3 (j) Voj« Hift. 1744, Coileit. Acad. Part. Fran?. Tome VS.. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. j49 fans en reffentir la moindrc douleur; preuve evidcnte qu'elles ne con- tiennent point de matiere acre, du moins en etat d'agir. Elles font auffi claires & auffi tranlparentes que les eatix les plus pures, on renurqiie feu- lemcnt a Icui furfacc une pcllicule ties- fine, comme d'une huile legere , qui la couvre. M. le Monnier a mis deux Iivres de ces eaux notivellement puifees, d.ins une bouteille de verre a goulot etroit , & les a foigneufemer.t exa- minees fans y appercevoir le moindre (igne d'une fermentation inteftine-, it ne s'eft eleve que peu de bulles d'air a lafurface, elles n'ont rien de- pole en fe refroidiffant , pas meme lorfqu'on les avoit fait bouillir au- paravant. II en a rempH un matras de 5 polices de diametre, & 3 renverfe le gou- lot dans une cuvette qui contenoit de l'eau du bain le plus chaud , dans la vue d'examiner la quantite d'air qui s'en degageroit : le tout refroidi il ne s'eft trouve au haut du matras qu'une bulle groffe comme une lcn- tille •, & comme la meme chofe eft arrivee a de l'eau commune chaufree au meme degre que celle du bain royal , on en pent conclure que l'eau de Baredge ne contient pas plus que l'eau commune de ce principe acrien elaftique, qui donne a quelques eaux la propriete de rompre les vailfeaux dans lefquels elles font contenues. L'infulion de noix de galle, de ballautes, de the, de tormentille, &c. ne leur a donne aucune teinture qui puiffe y faire foupconner rien de martial. Les eaux nouvellement puifees n out apportc aucun changement au firop violat, ni a la teinture de tournelol-, mais concentrees, elles ont donne au iiron violat une belle couleur d'emeraude : aucun acide n'a fermente avec elles, a moins qu'elles n'aient ete long- temps evaporees, feulement lhuile de vitriol paroiifoit developper davantage l'odeur de foie de foufre, qui dilparoilToit aufii-tot ; aucun acide n'en a rien precipite. L'huile de tartre par defaillance , l'eau de fel de chain , la folution de fublime corrofif, & l'cfprit volatil de fel ammoniac, n'ont apporte aucun changement a leur rranlparence : la folution de fel de Saturne les a rendu feulement un peu louches, il s'y eft forme un petit nuage blanc qui s'eft precipite fans changer de forme. La diffolution d'argent de coupelle dans l'e/prit de nitre , etartt melee avec ces eaux, a forme auffi un nuage brun , qui, apres s'etre epaiffi, eft ennn tombe au fond du vaifieau lous la forme d'une matiere prelque noire, tenace comme de la poix, que M. le Monnier a reconnue pour de l'argent precipite par le fel, & melee d'un peu du petrole on bitume que ces eaux contiennent : cette meme matiere expofee a la chaleur fur une lame de couteau, s'y eft fondue & a forme un globule de veritable lune cornee, mais un peu deguifee par le bitume. Une lame d'argent plongse dans les eaux nouvellement puifees, a paffe par dilFerentes nuances & eft devenue noire -, mais ce qui eft extremement fingulier , e'eft que les deiuc dernieres experiences ne reufliifent qu'avec Veau nouvellement puifeci li ou la Iaifle refroidir a 1'air, ou qu'on U C II Y M I E, 350 ABREGE DES MEMOIRES fafl'e bouillir au feu, la lame d'argcnt ne fe colore plus, & on n'obtient point de precipite : il femble que la chaleur etrangere , oil le refroidil- fement de l'eau de Baredge , ait comme endormi prefque toutes fes Annie 1747- proprietes. Nous difons endormi, & non pas detruit, car M. le Monnier ayant reduit foixante livres de ces eaux a une pinte , qu'il avoit apportee a Paris pendant les grandes chaleurs de 1'ete , dans une bouteille bien bou- chee, le bouchon fauta au moindre effort qu'il fit pour loter, & l'eau fe rctrouva avec une trt-s-forte odeur de foie de foufre, & avec la propriety de noircir la lame d'argent & de precipiter 1'argent diffous par fefprit de nitre. II eft vrai que ce precipite ne s'eft conferve noir dans cette open- tion que pendant quelques heures, apres quoi il eft devenu aufH blanc que li l'eau n'eut contenu que du lei marin. Les acides n'ont fermente que foiblemcnt avec l'eau concentree , i's n'en ont rien precipite •, mais ils ont detruit a l'inftant Ton od;ur de foie de foufre. Une partie de cette eau concentree ayant ete mife en evaporation, ii n paru, lorfqu'elle a ete reduite a moitie, de petits flocons qui fe font precipites fous la forme d'une efpece de gelee , femblable a du frai de grenouille , & pareille a celle qu'on ramaffe a Baredge dans les tuyaux & les egouts des bains : cette gelee fe deffeche aiiement & fe reduit en petits filamens qui ne fermentent pas avec les acides , & brulent comme une matiere vegetale, en repandant cependant une legere odeur de bitume. Cette efpece de gelee ayant ete ramaffee foigneufement & deffechee, M. le Monnier a verfe deffus de 1'huile de vitriol , elle n'a fait aucun effet fur cette matiere, & il ne s'eft point exhale d'odeur d'efprit de fel-, mais pendant toute l'evaporation, l'eau a repandu une forte odeur de leilive. L'evaporation ayant ete continuee, il s'eft forme d'autres flocons plus epais qui fe font precipites ■, l'eau verfee par inclination , il a fait defle- cher lentement cette nouvelle relidence , qui reilembloit alors a de la glaife fechee ; elle a fermente avec 1'huile de vitriol , & a donne une odeur d'efprit de fel, melee de celle d'efprit volatil fulphureux : mife fur un charbon ardent, elle s'eft fondue & noircie fans decrepiter, elle a repandu une odeur de cuir brule affez forte. Enfin , le refte de l'eau ayant ete evapore , il n'a paru fur fa furface au- cune lame faline, elle s'eft troublee, & tout d'un coup elle a ete reduite en confiftance de miel, s'eft gonflee en fe delfechant , comme le fel de tartre, & a repandu alors une forte odeur d'urine; cette relidence pefoit quarante-cinq grains , & a un pen attire lhumidite de l'air : elle a le gout de lei ammoniac niele de fel marin , avec line grande amertume 5 elle a donne fur les charbons ardens une odeur de laine briilee, une partie s'eft fondue ties promptement , l'autre s'eft noircie , gonflee , & eft demeuree fous la forme d'une croute : l'acide vitriolique a agi bien plus vivement fur cette matiere que fur les autres refidences , il en a fait elever avec une DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 351 violence ebullition beaucoup de vapeurs d'efprit dc fel , & cc melange — ■ — ■ — expofe a 1'air a attire beaucoup d'humiditc, dans laquelle il s'eft cryftallifc ,- du fel de Glauber. C n y m 1 £ Les trois relidences dont nous venons de parlcr, ont etc expofees, cba- Annie 1 747, cune feparement , a Taction de l'acide vitriolique, pour favoir la propor- tion dans laquelle elles contenoie'nt de la terre alkaline, a laquelle, comme on lait , cet acide s'unit aifenient, la quantite de terre que contenoit cha- que relidence , s'eft trouvee dans le rapport des nombres 3 , 6 , 1 o •, & M. le Monnier obferve que l'eau de Baredge contient par livre un grain & deux tiers de matiere fixe, diflbluble dans l'acide vitriolique, & qiul croit etre la bafe du fel marin -, le couteau aimante, promene dans toutes ces refidences calcinees avec le charbon pour regenerer le fer qui auroit pu s'y trouver, n'en a enleve aucune particule de ce metal. L'analyfe chymique de ces eaux n'etoit pas le feul examen que M. le Monnier s'etoit propofe de faire, il avoit en vue un objet plus impor- tant •, e'etoit de voir les effets qu'elles produifent fur le corps humain. Quoique leur gout foit, comme nous l'avons dit, aflez defagreable , ce- pendant elles n'excitent aucune naufee ni aucune pefantcur- fur l'eftomac •, bien loin dela , elles donnent de 1'appetit, elles ne purgent point & paf- fent par la voie des urines, pas fi facilement cependant que les eaux mine- rales qui contiennent des fels 5 mais elles fe determinent fur-tout tres- aifement a paffer par la tranfpiration infenlible; elles relachent & ramol- luTent les fibres d'une maniere furprenante , & par-la contribuent a entre- tcnir la liberte des fecretions. Pour determiner 1'eft'et des eaux de Baredge fur la tranfpiration infenfi- ble, M. le Monnier fur oblige d'imaginer un moyen de fe pefer avec la plus grande exactitude, & fans le fecours de perfonne : il fit attacher a un excellent fleau de balance deux lanternes de lapin , dans l'une defquelles il fe placoit, & chargea 1'autre d'un poids egal a la pefinteur moyenne de foil corps 5 a certe derniere Ianterne etoient attachees deux regies paralle- les ; & fur la muraille oppofee il avoit trace un trait qui repondoit aux deux regies quand tout etoit en equilibre ; par ce moyen, le moindre mouvement de la balance lui etoit aife a appercevoir. Muni de cet appareil, il fe baigna pendant vingt jours confecutifs dans l'eau de la fource , qui fait monter le ihermometre de M. de Reaumur k J4 degres, il ydemeuroit a chaque fois une demi-heure : la cbaleur de cette eau ne l'a pas fait fuer , la refpiration n'etoit ni plus genee ni plus prompte qua l'ordinaire , le pouls n'etoit pas plus frequent , mais feulcment un peu plus fort & plus eleve ; le dechet caufe par la tranfpi- ration pendant une demi-heure, a ete, en prenant une quantite moyen/ie, quinze onces & demie, la tranfpiration naturelle etoit pendant un temps egal d'environ une demi-once. A l'eg.ird de la fource dont la chaleur fait monter le thermometre de M. de Reaumur i 40 degres , M. le Monnier a voulu effayer de sy baigner, mais il n'a pu y refter qu'environ huit minutes-, des la fixieme il avoit le vifagc couvert de faeur , & tout le corps rouge & gonfle •, a ?51 A R R £ G E D E S MEMOIRES .1 — — la feptteme Tagitation devint violentc , & les vibrations du pouls fire- quentes & etendues-, enfin les etourdiffemens vinrent & l'obligerent a le , h y m i E. retirelj jj a perju pendant ce court efpace de temps vingt oncesdein: Anne's 1747. gros : il faut prendre iiri interet Men vif a l'avancement de la phylique , r»^i.r vmilnir cVvnnfpr ^ rle n.ireilles exDeriences. ILL*-/* • " .«».. |*.~..— -- — pour vouloir s'expofer a de pareilles experiences. Hifi. OBSERVATION CHYMIQUE. JlVxr. Girarii de Villars, medecin a la Rochelle , & correfpon- dant de l'academie, a mande a M. de Reaumur qu'il avoit trouve moyen de recueillir tine quantite conliderable de l'urine d'un gros tigre : cette urine avcit la meme jodeur que les mouches cantharides •, il en a tire par la diftillation un efprit trcs-fubtil , que l'experience lui a fait reconnoitre pour excellent dans les fortes attaques.' de vapeurs hyfteriques. Ce remede m;rite d'autant plus l'attention des phyficiens, que peut-etre il y en a un grand nombre de femblable efpece qui font inconnus, & qui n'attendent qu'une main habile' pour fortir de leur etat d'inutilite. S U R L' A R S E N I C. N: ous avons rendu compte, en 174(5, (a) du travail que M. Macquer l~nit mmmpnre fiir l'arfenic . & des combinaiions qu'il avoit faites de avoit commence fur l'arfenic , & des combinaiions qu i Annie 1748. cette rukftance avec le nitre : nous avons prefentement a expofer les eftets qu'ont produit les melanges qu'il en a faits avec les autres fubftances fali- nes, & principalement avec le fel marin & leTel ammoniac. ; Lorfque M. Macquer entreprit de combiner l'arfenic avec le fel marin," ce n'etoit pas qu'il efperat qu'il auroit fur ce fel la meme a&ion qu'ila fnr le falpetre-, il favoit que pour purifier l'arfenic on lefublime, apres l'avoir mcle avec le fel marin , ce qui ne reuffiroit pas , s'il etoit capable de le decompofer. Le but qu'il fe propofoit ctoit d'examiner avec attention ce que Taction du feu peut produire, taflt fur le fel marin que lur l'arfenic, quand Lis font mcles enfemble. ;i , . , . , II ne.s'eft en effet opere aucune decomppfitiqn-, l'arfenic s'efc fublime au cou de la.cornue, & le fel eft demeure au fond, contenant a la verite un peu d'arfenic qu'il avoit comme fixe, mais qui cependant en a etc chaffe parun feu violent. Un feul phenoniene a paru digne de remarque, au commencement de l'operation il a patfe dans le recipient quelques gouttes d'efprit de fel, cette diftillation a bientot cefle •, & quoique le feu ait ete pouffe a la derniere violence, il n'en a plus paru : mais cette petite CO Voj ce- Hiftoita 1746, M-dcflV.s. • quantite DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5,-} quantitc d'cfprit de fcl n'eft nullement due a l'arfenic , M. Macquer s'en ^^^™^——^ eft affure en diftillant le fel feul , il eft venu de l'efprit de fcl tant que le q }f y M ( £> fel a contcnu quclque humidite, & il a ceffe d'en dormer dcs qu'il a etc fee. Pott avoit rcmarque cette propriete du fel marin, mais M. Macquer Annie 1748. a pouffe l'experience plus loin , &c a trouve qu'en mouillant le fcl lorfqu'tl a ceffe de donner fon efprit, on en tiroit encore a-peu-pres la mcrae quantitc ; il a repete plufieurs fois cette manoeuvre avec le meme fucces, peut -etre meme pourroit-on par ce moyen paryenir a decompofer le fel marin fans aucun intermede. Le but de M. Macquer etoit de degager l'acide du fel marin de fa bale, & de joindre l'arfenic avec cette bale pour en former un fel neutre, dans lequel ce mineral fit fonclion d'acide. Voyant done que l'arfenic feul ne pouvoit decompofer le fel marin, il imagina de tenter cette decompofi- tion en y joignant quelqu'autre fubftance qui eut de l'aftinite avec l'acide du fel marin , fans en avoir avec fa bafe ni avec l'arfenic , & il choilit le mercure qui eft preciftfment dans ce cas : il devoit par confequent arri- ver que le mercure fe joignant avec l'acide, format un veritable fublimi corrolif , & que l'arfenic fe faisit de la bafe du fel marin pour former avec elle un fel neutre. Mais quelque bien imagine que fiit ce procede , il n'eut cependant aucune reuffite : le mercure & l'arfenic s'eleverent fepare- ment, & le fel demeura au fond du vaiffeau fans autre ehangement que de s'y etre charge d'un peu d'arfenic qu'il y avoit fixe, corame dans l'o- peration precedente. II reftoit a favoir fi la diftlculte de decompofer le fel marin par le moyen de l'arfenic, dependoit, ou de l'acide, ou de la bafe de ce meme fel : il etoit aife de s'en eclaircir en employant an fel dans lequel l'acide marin flit uni a une autre bale, corame celui qui eft connu fous le nom de fel febrifuge de Sylvius •, mais la decompofition de ce fel par l'arfenic ne reuffit pas mieux que ceile du fel marin & il y a tout lieu de croire que ce n'eft pas que l'arfenic n'ait de l'afrinite avec la bafe du fel marin, mais parce qu'il en a davantage avec l'acide de ce meme fel. Puifqu'il eft corame impoflible de feparer l'acide du fel marin de fa bafe par le moyen de l'arfenic, il ne reftoit plus a M. Macquer d'autre moyen de former avec cette meme bafe un fel neutre arfenical, que de joindre l'arfenic avec cette meme bafe feparee de fon acide : on fait que le fel de foude a toutes les memes proprietes , & peut etre pris pour elle fans aucun rifque ■, il a done fait bouillir de l'arfenic dans une diffolution de fel de foude, il s'y en eft diffous une grande quantite •, la liqueur a contracts une couleur brune, & une odeur defagreable; elle s'eft epaiffie , & n'a ceffe de diffoudre de nouvel arfenic que quand elle eft devenue prefque folide, ce qui eft abfolument femblable a cc qui etoit arrive Iorf- qu'on avoit fait diffoudre de l'arfenic dans la leffive de nitre fixe (a); a cela pics , qu'il s'eft forme dans cette diffolution quelques cryftaux , mais (1 mal termines & (i irreguliers, qu'il a ete impoliible d'en determiner la (a) Voyez Hift. 1746, ci-defTus. Tome X. Partie Franfoi/e. Yy 354 A B R E G £ DES MEMOIRES . figure , & il y a tout lieu de croire que la vifcofite que l'arfenic procure a r ces diffolutions falines, eft ce qui les empeche de fe cryftallifer. L,H Y ill!, T a ri j r j L- ' I • ' r i. V r • o Le meme lei de foude, combine par la voie ieche avec larlemc, & Slnnte 1748. poufle au feu pendant trois heures dans tine cornue, a donne une maffe faline •, mais ce fel etoit encore alkali , & piecifement dc meme nature que le nitre fixe a feu ouvert par l'arfenic-, en un mot, ce n'etoit point un fel neutre analogue a celui que M. Macquer avoit tire du caput mortuum de la diftillation de I'efprit de nitre par l'intermede de l'arfenic. Le feul moyen de l'obtenir, etoit d'unir d'abord la bafe du fel marin avec l'acide nitreux , d'en former un nitre quadrangulaire , & de decom- pofer ce fel par l'intermede de l'arfenic : ce moyen en effer reuffit ; la dif- tillation ayant ete pouflee jufqu'a ce que l'arfenic commencat a fe fubli- mer, M. Macquer laiffa refroidir la cornue, & l'ayant caffee, il fit fondre dans 1'eau la maffe faline qu'elle contenoit -, & la diffolution ayant ete fil- tree, donna une grande quantite de cryftaux tres- beaux & tres-reguliers , formes en prifmes quadrangulaires rectangles, termines a chaque bout par une pyramide de meme efpece , en un mot parfaitement femblables a ceux du fel neutre arfenical dont nous avons parle en 1746 : cette reffemblance eft un fort prejuge qu'il y a une analogie entre l'acide du fel marin & l'arfenic , cet acide etant le feul qui forme , avec les bafes du falpetre & du fel marin , des fels neutres femblables pour la figure ; & la facilite avec laquelle le nitre quadrangulaire eft decompofe par l'arfenic, eft une preuve que s'il n'a pas la meme adtion fur le fel marin, la caufe de cette diffe- rence vient plutot de l'acide de ce fel que de fa bale , puifque cette bafe eft la meme dans le nitre quadrangulaire que dans le fel marin. Ce fel eft parfaitement neutre ; il n'altere en aucune facon la couleur du flrop de violette, & ne fermente avec aucun acide-, il eft parfaitement in- deftrucl:ible dans les vaiffeaux clos -, meme par l'intermede d'aucun acide, quelque concentre qu'il foit; mais expofe fur les charbons, il fe fond aife- ment & fe decompofe en jettant une grande quantite de vapeurs d'arfenic: quoique neutre , il precipite la plupart des fubftances metalliques diffoutes dans I'efprit de nitre , prefque de la meme maniere que le fel arfenical dont nous avons parle en 1746. La difference la plus remarquable entre les deux fels, eft que celui qui eft fait avec le nitre quadrangulaire, pre- cipite en verd la diffolution d'or dans lean regale, & mele avec celle de fiiblime corrofif, y forme avec le temps un petit image blanc , ce que ne fait point le fel arfenical forme avec le nitre ordinaire : peut-etre cette dif- ference d'effets ne vient-elle que de ce que l'arfenic a un peu plus d'affinite avec la bafe du falpetre ordinaire, qu'avec celle du fel marin qui entre dans la compofition du nitre quadrangulaire , ce qui donne a celui qui eft contenu dans le fel neutre fait avec ce dernier , plus de facilite a fe dega- ger, a agir fur les diifolutions d'or & de fublime corrofif. Le nitre quadrangulaire, combine h feu ouvert dans un creufet avec Tarfenic, n'offre rien de different de ce que feroit le nitre ordinaire, & ne produit que le meme fel que celui-ci donneroit par la meme methode. c H Y M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 555 U entroit dans le projet & dans les vues de M. Macquer de combiner 1'arfenic avcc le fel ammoniac, comme il l'avoit combine avec le fel marin. Le fucccs des experiences a ete precifement le meme, & jamais il n'a pu obtenir la decompofition du fel ammoniac par 1'arfenic, ni la formation AnnU 1748. d'aiicun fel neutre arfenical. Pour eluder cette dirHcultc , il a employe le fel ammoniacal nitreux , dans lequel l'alkali volatil eft uni , non avec l'acide du fel marin , comme dans le fel ammoniac , mais avec l'acide nitreux , & l'a mele avec 1'arfe- nic : le melange ayant ete expofe au feu dans une cornue , le fel s'eft de— compofe, l'acide s'eft degage de fa bafe, a. laquelle l'arienic s'eft joint, & a forme un fel neutre arfenico-ammoniacal. L'operation neceffaire pour parvenir a la formation de ce fel , n'a ete ni au ill facile ni auffi tranquille que celle qui avoit donne le fel neutre compofe de 1'arfenic & du nitre quadrangulaire. Le fel ammoniacal nitreux a la propriete de detonner & de s'enrlammer , fans le concours d'aucune matiere graffe , peut-etre a caufe dun peu de phlogiftique qui eft contenu dan's le fel'ammoniac; il eft done arrive que dans les premieres opera- tions ce fel s'eft eleve en vapeurs , & a paffe tout entier, fous la forme de liqueur, dans le recipient,. avant que l'arfenic eut pu le decompofer & s'unir avec fa bafe pour former le fpi neutre que Ton cherchoit : feule- ment une trcs-petite partie qui s'etoit cfabord melee avec l'arienic pout former quelque legere.poartiop^e fel neutre, a eu befoin d'un degre de feu beaucoup plus fort pour ?tre enlevee; mais enhn elle l'a ete, & il ne s'eft forme aucun, on prefque aucun fel neutre arftnico- ammoniacal. Une feconde tentative n'eut prefque que le meme fucccs, f\ ce n'eil que le feu ayant etc conduit plus lentement, la diftillation de l'alkali vo- latil commenca un peu plus tard , & lorfqu'il y aypit deja quelque, peu de fel neutre arfenical forme :, auffi M. Macquer ayant diilous la matiere reftee dahs la cornue, & laiffe la ditlblution s'evaporer d'elle-meme a- l'air libre, il y trouva quelques cryftaux, mais peu reguliers, & en trop petite quantite pour les ponvoir foutnettre au?i experiences. II fut done oblige de recommencer ur»e ttoilieme fois fon operation, de mod^rer le feu de facon a n'en; avoir rien a craindre, & de le ceffer avant d\ivoir atteint le degre de chaleur qui avoit opere la detonation dans les experiences precedentes. Avec ces precautions il obtint eftectivement, en failant cryflalliier la folution de la matiere reftee dans la cornue , une quantite raifonnable de cryftaux femblables a de petites aiguilles appla- ties, pointues par les deux bouts, couchees irregulierement les unes fur les autres , & s'entrecroifant en tout fens ; il y trouva auffi un peu d'arfe- nic, mais point de fel ammoniacal nitreux : preuve eVidente que la pro- portion des parties egales d'arfenic & de ce fel qu'il avoit employee, eft plus que fufrilante pour le decompofer entierement. Le nouveau fel neutre arfenico-ammoniacal, etant poufle au feu dans des vaiffeaux fermes, fe decompofe promptement, mais e'eft l'alkali volatil qui s'echappe le premier & qui abandonne 1'arfenic-, mis fur les charbons ardens , il le detruit rapidement en jettant une grande quantite de vapeurs Yy ij 556 ABREGlDES memoires MoMBf d'arfenic : les alkalis fixes & la chaux le decompofent facilement en dega- geant fon alkali volatil pour s'unir eux memes avec l'arfenic, & former C h y m i e. avec [uj £jes je]s arfenicaux , femblables a ceux dont nous avons patle fi Annie 1748. on ^ ^ert ^'alkalis fixes, 011 dune efpece tout-a-fait differente & tres- finguliere fi on emploie la- chaux •, mais i'examen de ce fel fera le fujet d'un autre memoire que promet M. Macquer. Les acidcs vitriolique , nitreux & marin n'ont pas plus d'aiffion fur le nouveau fel que fur les autres fels neutres arlenicaux dont nous avons deja parle, & il produit a-peu-pres les memes phenomenes qu'eux fur les diffolutions metalliques faites par l'acide nitreux : nous difons a-peu-pres, car il en differe beaucoup lorfqu'on le joint aux diffolutions de vitriol bleu & de zinc faites par cet acide : les autres fels neutres arfenicaux precipitent la premiere en bleu de turquoife, & forment dans la feconde nn coagulum blanc, au-lieu que le fel arfenico-ammoniacal n'altere en au- cune facon ni l'une ni l'autre de ces diffolutions , & la caufe de cette dif- ference a paru a M. Macquer digne d'un examen particulier, qui fera en- core la matiere d'un nouveau memoire. Une propriete bien (inguliere a tous ces fels arfenicaux qui refiftent i Faction des acides les plus forts , & merae , fi on en excepte le nouveau fel arfenico-ammoniacal , a la plus vive action du feu, eft celle d'etre de- compofes avec la derniere facilite par le feul contact du phlogiftique , qui reduit leur partie arfenicale en regule, & la fepare de la bafe faline quelle occupoit , & cela de quelque nature qiie puiffe etre cette bafe. Cette derniere propriete fournit une explication bien naturelle d'une efpece de phenomene obferve par M. Hellot : il effayoit une mine d'ar- fenic ; mais, quoiqu'il la fit rotir a un feu tres-vif, elle ne donnoit que treSrpeu de vapeurs arfenicales ; en y joignant une matiere inflammable, elle en laiffa echapper une prodigieufe quantite : il y a appafence que cetrC mine contenoit fon arfenic -engage dans une terre abforbante avec laquellc il forijiqii une efpece de fel neutre ihdeftructible au feu, & qui ne pou- voit ceder qu'au contact imm^diat du phlogiftique. II refulte de tout ce que nous venons de dire du travail de M. Macquer fur l'arfenic, qu'il s'en faut encore beaucoup qu'on ait ni connu ni epuife toutes les pro- prietes de ce mixte. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 357 C H Y M I £. S U R U N E NOUVELLE E S P E C E Annie 1743. D E TEINTURE B L E U E. I i a teinture enrichit la fociete d'une infinite de chofes utiles & agrea- Hift. bles, c'eft a elle qu'on doit en partie ces belles tapifferies qui peuvent au- jourd'hui le difputer a la peinture, & qui ont meme fur elle l'avantage d'une plus grande duree & d'une plus grande flexibilite : Tans les couleurs que l'art de la teinture a fa imprimer folidement aux laines & aux foies. qui les compofent, ces chefs-d'ceuvre de l'art que nous admirons, n'au- roient jamais pu etre executes. Les couleurs de la teinture font exrremement differentes de celles qu'on emploie dans la peinture ; ces dernieres ne lont ordinairement que des poudres qui n'ont d'autre adherence a la toile ou aux autres corps fur lef- quels on les applique, que celle que leur donnent l'huile ou la gomme avec lefquelles elles font melees. Corame les couleurs de la teinture doivcnt tenir bien plus folidement fur les corps auxquels elles font appliquees , il faut que la matiere colo- rante (oit divifee en parties extremement fines, que ces parties puiflent s'enchalTer en quelque forte dans les molecules d'un fcl moyen , dans la lolution duquel on trempe I'etoffe, que ce fel foit indiffoluble a l'eau froide , & indeftruc~Hble par l'adtion de l'air & du foleil. On voit par-la que le plus grand nombre des couleurs de la peinture ne peuvent etre employees a teindre des etoffes •, independamment de la groflierete de leurs molecules, elles pourroient encore n'avoir pas la pro- priete de fe joindre au cryftal de tartre ou au tartre vitriole, qui font les deux feuls fels auxquels on connoiffe la propriete d'etre inalterables a l'eau & au foleil. II y a pourtant quelques couleurs qui peuvent egalement fervir a I'un & a l'autre de ces arts-, la cochenille, par exemple , fournit egalement le carmin & l'ecarlate, mais ce nombre eft certaincment le plus petit, & e'eft un av.mtage conliderable pour la teinture , que d'acquerir des couleurs nouvelles , fur-tout (i elles doivent etre plus brillantes & audi folides que celles qu'on avoit-deja. En voici une dont la chymie avoit enriclii la peinture depuis quelques annees, dont l'habilcte de Mrs- Geoftroy avoit en quelque forte derobe la compolition a la PruiTe, & que M. Macquer tranfporte de la peinture, dans laouelle feule on en avoit fait ufage, a la teinture. Le bleu de Prulle dont nous voulons parler ici, eft compofe de la terre de 1'alun & des parties ferrugineufes du vitriol verd , precipitees p.-.r un j58 A B R £ G 1: DES M^MOIRES ■— — — — g fel alkali auquel on a uni, par le moyen du feu , le phlogiftique ou prin- „ cipe inflammable. C h y m i e Cette compolition parut a M. Macquer porter tous les cara&eres d'une Annie 1743- teinture de bon teinf, en eft'et la difi'olution d'alun & de vitriol devoit etre un mordant tres-propre a difpofer les pores des etoffes a fecevoir les atomes colorans ; & la fecule qui fe precipite lorfqu'on mele la difi'olution des fels avec la leffive alkaline, etoit fumfamment fine & deliee, & tres- propre a entrer dans la compolition du tartre vitriole, que l'union de l'a- cide vitriolique avec l'alkali fixe contenu dans la leffive , ne pouvoit man- quer de former. Pour y parvenir, il prit le parti de faire fur l'etoffe meme, les differens melanges neceffaires a la compolition du bleu de Pruffe-, il fit bouillir pendant une heme , un echeveau de fil , un de lbie , un de colon , & un morceau de drap blanc, dans la diffolution d'alun & de vitriol-, enfuite il les trempa dans la leffive alkaline chaude & prete a bouillir : il fe fit une effervefcence , la liqueur parut verte, & les echantillons en (ortirent teints, d'une couleur grisatre; mais ayant ete plonges dans de l'eau bouillante, dans laquelle il y avoit affez d'acide vitriolique pour la rendre aigrelette , il s'excita promptement une nouvelle effervefcence, la liqueur devint bleue, & les echantillons en fortirent teints du plus beau bleu, a cela pres que la liqueur n'etoit egale que fur les echeveaux , & que le drap etoit teint tres- inegalement , & de plus un peu rude au toucher. Cette couleur relifta peu au debouilli du favon auquel M. Macquer fe hata de la foumettre , mais elle foutint parfaitement celui de Tallin 5 ce qui lui fit voir quelle etoit de bon teint pour la laine & pour la foie : un ii favorable fucces Tencouragea a fuivre fon entreprife , etant une fois af- fure .de la bonte de la couleur , il avoit alors pour obj'ets de fon travail , de trouver moyen de Tappliquer egalement fur toutes les parties de l'e- tofte, de rendre cette etofie douce au toucher, de pouvoir donner a vo- lonte les difFerentes nuances de bleu qu'on defire , enfin de travailler avec le moins de frais & de depenfe qu'il leroit poffible. II tenta d'abord de varier le procede en faifant bouillir letoffe dans la leffive alkaline avant de la paffer dans la folution d'alun & de vitriol ; mais il fut bientot oblige de renoncer a cette maniere de teindre : .la couleur n'en etoit pas plus belle, & Talkali ne trouvant point lur l'etorfe , d'acide vitriolique avec lequel il put fe joindre, & qui fut capable d'arreter fon action , en avoit conliderablement altere la bonte. Cette methode n'ayant pas reuffi, M. Macquer penfa a employer le bleu de Pruffe tout fait, comme on emploie les autres ingrediens des teintures; pour cela , apres avoir difpofe fon etoffe en la faifant bouillir a l'ordinaire dans une diffolution d'alun & de tartre , il la pafla dans un bouillon d'eau chargee de bleu de Pruffe : elle s'y teignit, & meme trcs- egalement, elle etoit douce au toucher-, mais la nuance etoit peu foncee, & de quel- que fa^on qu'il ait pu s'y prendre , il lui a ete impoffible de la rendre plus forte. En chargeant 1 alkali fixe de phloginique, beaucoup plus que dans DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. jf9 I'operation da bleu de Pruile ordinaire, & en employant une diifolution ■— ■^—— d'alun & dc vitriol audi chargee quelle le puille etrc , on obtient ane ^ couleur belle & bien foncee •, mais la quantite des fcls alterent la bonte " Y M ' e' & la foliditc de l'etoffe, le feul remede qu'a trouve M. Macquer a cet in- Annie j7«. convenient, eft d'affoiblir la lcffivc alkaline & les autres liqueurs falines , avee quatre fois letir poids d'eau : en trempant pluficurs fois les les que nous connoiflions, & qu'il n'a pas ete jufqu'ici poffible a l'art de es decompofer. L'air & l'eau font des principes volatils, c'eft-a-dire, que Taction du ftu les enleve aux corps qui les contiennent , & les fait diffiper en vapeurs \ la terre au contraire reiifte a fon action quand elle eft pure , nous difons quand elle eft pure, car il faut bien fe fouvenir que la terre dont il eft ici queftion n'eft pas celle qui ell propre a la vegetation : cette derniere n'eft nullement un corps limple, mais un compofe d'un tres- grand nombre de matieres •, on n'appelle en chymie du nom de terre que ce qui refte d'un corps lorfqu'on lui a fait eprouver l'aclion du feu la plus vive. Le feu eft le feul element aftif; nous ne connoiflons de feu propre- tnent dit, que celui des rayons du foleil , mais ce feu pur & elementaire ne peut etre retenu par aucun corps, il les traverfe tous avec facilite, & il echapperoit toujours a nos yeux s'il n'empruntoit , pour ainli dire, un corps pour fe rendre vihble : dela nait la diftin&ion entre le feu propre- ment dit, & ce que les chymiftes appellent phlogiflique , ou matiete in- flammable , qui n'eft autre chofe que le feu Elementaire joint a une fubf- tance qui nous eft inconnue. Ce n'eft que fous cette derniere forme' que le feu peut entrer dans la compolition des corps •, car fous celle de feu elementaire, il s'echappcroit par tous leurs pores, & n'y pourroit etre retenu. Lorlque deux fubftances fe trouvent contiguts l'une a 1'autre, il arrive quelqitefois qu'elles fe joignent , & alors on dit qu'elles ont entr'elles un rapport DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jft rapport on line affinite ; C\ , dans cet etat , on prefente a ce nouveau com- fSSSS BH ™*" pole une troiiieme fubftance qui foit plus proprc a s'anir a l'une dcs deux q premieres que celle qui y etoit jointe, le corps fe decompofcra , & la nou- velle fubftance s'uniliant avec celle qui lui eft la plus propre , il fe for- Annie 1749. niera on corps diligent du premier. C'eft la le famcux principe des affini- tes, li connu aujourd'liui dans la chymie, principe duquel la caufe phyli- que eft jufqu'a prefent inconnue •, mais ll par ce defaut il perd l'avantage de pouvoir fervir a l'cxplication des phenomenes , on ne peut au moins lui contefter celui dc fervir de regie, & en quelque forte de fil pour fe conduire dans le labyrinthe louvent embarraffant des operations chymi- qucs, & d'etre le principe dc fait & d'experience le plus fecond qui foit peut-etre dans toute la phyfique. De l'union des elemens dont nous avons parle , il nait d'autres corps moins fimples qu'eux , mais qui font encore eux-memes principes a I'c- gard des autres corps plus compofes-, M. Macquer nomme ces corps principes J'econdaires. De ce nombre font les fubftances falines, qui ne font, felon lui comme fuivant Becker & Stahl , qu'un compofe de terre & d'eau ; ce n'eft pas qua toute rigueur on puille aifurer qu'il n'entre pas autre chofe dans leur compolition , mais cet autre principe eft inconnu jufqu'a prefent. La differente maniere & la differente proportion fuivant lefquelles l'eau) & la terre fe combinent pour former les lels, conftituent leur differente nature ; les acides contiennent plus d'eau & moins de terre, les alkalis plus de terre & moins d'eau , & la jufte combinaifon des uns & des autres forme les fels neutres. • On ne connoit dans la nature que trois acides mineraux , & celui qu'oa retire des fubftances vegetales ; il y a bien de l'apparence que ces acides ne font au fond que le meme combine avec difterentes fubftances. La premiere elpece d'acide eft le vitriolique , ainli nomme parce qu'on le retire en plus grnnde abondance d'une efpece de mineral nomme vitriol , que de tout autre corps : quand cet acide eft mele avec peu de phlegme, on le nomme huile de vitriol; non qu'il ait aucune des proprietes de l'huile, mais a caufe d'une certaine onftuolite qu'il fait appercevoir ; ll au contraire il eft mele avec ber.ucoup d'eau, il fe nomme ej'prit de vitriol; enfin lorfqu'il eft prive de phlegme au point de n'etre plus fluide, on le nomme huile de vitriol glaciale. L'acide vitriolique peut fe combiner avec differentes fubftances , & for- mer avec elles des compofes differens-, uni avec une terre ablorbante ou avec une craie qui ait fouffcrt l'aclion du feu, il forme un fel qu'on ap- pelle alun ; combine avec certaines terres.il forme un fel pierreux qu'on nomme Jelenite ; uni avec un fel alkali fixe , il en forme un autre appclle tartre vitriole; enhn uni avec le phlogiftique , il forme ce qu'on ap- pelle du foufre commun ; toutes lubftances qui ont des proprietes tres- differentes dont M. Macquer donne une idee, & qu'on peut varier ex- tremement , fuivant les differentes affinites qua l'acide avec ces diffe- rentes bafes. Tome X. Partic Francoife. Zz tft A B R E G £ DES M E M O I R E S ^— BBgg — — On ne fait pas an jufte en quoi l'acide nitreux differe eflentiellement p -de cclui du vitriol : il eft affez probable que c'elt le meme acide , mais combine, par le moyen de la putrefaction , avec une certaine quantite de Annie tJ4$. phlogiftique , il pent s'unir avec line terre abforbante , & alors il donne par la cryftallifation des figures rhombo'idales irregulieres •, joint avec le limon, il forme 11 n autre fel moyen qui ne fe cryftallife point, & fe fond a l'humidite de fair; mais li on prefente a l'acide nitreux un alkali fixe, il abandonne ces bafes terreufes pour former avec ce dernier un nouveau lei neutre , qu'on nomme nitre oil falpHre , qui fe cryftallife en longues aiguilles, & excite une impreffion de froid fur la langue. Nous avons vu que l'acide vitriolique s'uniffoit avec le phlogiftique pour former le foufre •, l'acide nitreux s'y unit auffi , il faut meme qu'il ait avec cette fubftance une affinite plus grande qu'avec l'alkali fixe ; car des qu'il touche le phlogiftique allume , il abandonne fa bafe , s'enflamme, briile & fe diffipe avec grand bruit : cette inflammation fubite fe nomme fulmination ou de'tonnation , elle eft un des cara&eres diftinttifs de l'a- cide nitreux. L'acide nitreux fepare de fa bafe, & joint a un peu de phlegme, forme une liqueur d'un jaune rouge qui envoie inceffamment des vapeurs de la meme couleur & d'une odeur forte & penetrante , on la nomme efprit de nitre fumant ou eau forte citrine. Le troilieme acide eft celui qu'on tire du fel marin •, on ignore audi en quoi il differe du vitriolique : quelques chymiftes pretendent que cette difference ne coniifte que dans l'uiuon d'une petite quantite d'une terre qu'ils ont nommee mercurielle. Quoi qu'il en foit, cet acide a, comme les autres , une moindre affinite avec les terres abforbantes qu'avec l'alkali fixe avec lequel il forme des cryftaux cubiques; mais apparemment que fon affinite avec cet alkali eft moindre que celle des acides vitrioliques & nitreux, car ils le decompofent & forment avec fa bafe alkaline, le pre- mier, un fel neutre connu foils le nom de fel de Glauber, & le fecond, un nitre qui differe du nitre ordinaire en ce qu'il attire l'humidite de l'air, & par la figure de fes cryftaux qui font de vrais paralielepipedes; d'oii on peut conclure que l'alkali qui iert de bafe au fel marin , eft un peu different de l'alkali fixe ordinaire : cette efpece de nitre fe nomme quadrangulaire. L'acide du fel s'unit au phlogiftique comme l'acide vitriolique , mais> l'efpece de foufre qu'il forme eft linguliere , elle prend feu d'elle-meme des qu'elle eft expofee a l'air; c'eft le fameux phofphore connu lous le nom de phofphore de Kunkel oil d'Angleterre. On peut auffi avoir l'acide du fel marin joint a un pell de phlegme qui lui donne la forme de liqueur-, cette liqueur eft d'un jaune citron , elle jette continuellement des vapeurs blanches fort epaiffes, d'une odeur affez agrea- ble, & qui approche de celle du fafran : on le nomme efprit de fel fumant. Si au-lieu diinir l'acide du fel marin avec fa propre bafe, on l'unit a un alkali fixe ordinaire, il nait de ce melange un autre lei neutre connu fous le nom de fel fibrifuge de Sylvius. c M I E. E DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5 ils lont d'abord reduits en une pouffiere terreule que Ton nomme Zz ij C H Y M I E. 3£+ ABRtGt DES MiMOIRES 'chauxj & par un degre de feu plus violent, cette poudre fe change en verre. Lcs metaux ont de l'affinite avec les acides, mais tons les metaux n'ont Annc'e ?'r ils forment avec elles des compotes d'une coniiftance epaiffe qui , s'ils cqii- tiennent affez d'acide, font diffolubles dans l'eau. Les alkalis produifent auffi ce dernier effet, & le compofe qui en refulte, fe nomme fiivon ; enfiu le melange des acides avec les huiles , les epaiffit jufqu'au point d'en for- mer des corps prefque folides ; la diftillation au contraire les rend plus legeres & plus limpides. On diftingue en general trois efpeces d'huiles, les minerales, les vege-. tales & les animales. On ne connoit qu'une feule efpece d'huile minerale, c'eft-a-dire , qui fe tire des entrailles de la terre; on la nomme pitrole , elle a une odeur forte & gracieufe, & elle eft de couleur Jaune : il y a des mineraux qu'on appelle bitumes , dont on petit retirer par la diftillation une grande quan- tite de cette huile-, en effet les bitumes ne font que de l'huile de petrole iinie a un acide, & on en produit d'abfolument femblables par le melange de cette huile & de l'acide vitriolique. '. Les huiles vegetales font celles qui fe tirent des differens vegetaux-, il y en a prefque autant que de plantes, elles fe divifent en deux efpeces, les huiles grajfts & les huiles ejfentielles, Les huiles gralles fe tirent des corps qui les contiennent, en les ecra- fant & les mettant en preffe ; elles n'ont que peu d'odeur & de faveur , elles font donees & onctueufes au toucher ; & comme elles reffemblent plus que d'autres a de la graiffe, on leur a donne le nora 6' huiles graf- Jes ; elles s'epaiffiffent a l'air avec le temps, & prennent une faveur acre & une odeur defagreable, quelques- unes fe congelent au moindre froid. Les huiles effentielles le tirent auffi de certaines plantes par l'expreffion ; mais communement on force les vegetaux a les donner par le moyen de l'eau bouillante, chaleur que les huiles graffes ne pourroient foutenir fans s'alterer beaucoup-, elles font plus legeres, plus claires, d'une faveur plus acre, & elles confervent l'odeur de la plante d'ou elles font tiroes. Au bout d'un temps plus ou moins grand, elles perdent leur odeur pour en prendre une forte & defagreable; elles changent auffi de conliftan- ce, & deviennent femblables a ce qu'on nomme baume ou refine ; auffi les baumes & les refines fe decompofent-ils par la diftillation , en huile eflentielle, & en une matiere toute femblable a cclle qui refte aprcs !a , ■ (n)' Voyez les teipoires'de I'Acad<;mie 1737, Colled. Acade'm, Pauie Fransoife, Tome VUL I / ■> H Y &i I E, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $• diftillation par laquelle on a rendu la limpidite a de 1'liuile cffentielle 5S epaillie. ^ Lorfque la chaleur de l'eau bouillante ne peut plus tirer d'huile effen- ticlle des vegetaux, on pent, en donnant Oh degre de ten plus fort, en Annie IJ43,. faire fortir line grande quantite d'huile noire , pefante & fetide ; mais il y a bien de 1'apparence que cette liuile fetide n'eft que dc l'huile graffc ou effentielle briilee & alteree par faction du feu ; on pent mime , par des diftillations reiterees , leur rendre une partie des proprietes des huiles effentielles •, on peut, par le mcrae moyen , rendre les huiles graffes fem- blables aux effentielles, mais on ne connoit point d'operation qui puilTe rendre les huiles effentielles femblables aux huiles graffes. Les huiles animales font celles qu'on retire par la diftillation , des parties du corps animal, & fur-tout de la graiffe; elles font d'abord affez epaiffes & fetides, mais par un grand nombre de rectifications on leur donne de lafluidite, & on diminue leur mauvaife odeur. Lorfqu'il s'excite entre les parties infenfibles du corps un mouvement duqucl il relulte un nouvel arrangement de ces parties, ce mouvement s'appclle fermentation ; tons les corps, excepte les metaux, en font fuf- ceptibles des qu'ils font meles avec une fuffifante quantite d'eau : li la fer- mentation fert a degager du corps une liqueur fpiritueufe, on la nomme fermentation JpiritueuJ'e ; ft elle tend a en degager l'acide , on la nomme fermentation acide ; enfin fi ce mouvement en degage un fel alkali vo- latil, on la nomme fermentation putride ou de putrifaclion. Elles peuvent etre regardees , avec d'autant plus d'apparence , comme les trois degres d'une meme fermentation, qu'elles peuvent s'exciter fucceffivement dans le meme fujet. Lorlque des matieres vegetales, comme des fucs de fruits, des grai- nes , des farines imbibees d'une fuffifante quantite d'eau, cemmencent a fermenter , il s'excite d'abord une chaleur fenfible •, elles fe trou- blent, fe chargent d'ecume, & exhalent des vapeurs tres-nuiflbles ; lorf- que tons ces phenomenes commenccnt a diir.inuer, il fatu , (i on ne veut pas que la liqueur s'aigriffe, arreter la fermentation, foit en bou- chant exactement le vaitieau , foit en le tranfportant dans urt air plus froid; alors la liqueur a pris une faveur piquante, mais agreable & fans acidite, & elle eft devenue ce qu'on appelle du vin; fur quoi il eft bon de remarquer que quoique dans l'nfage ordinaire en ne donne ce 110m qu'^ la liqueur tiree du rJlin , ce mot en chymie, eft generique , & s'applique egalement a toute liqueur qui n'a effuye que le premier de^rs de fermentation. On tire du vin, par la diftillation, une liqueur claire, Jaune, inflam- mable, qu'on nomme eau de vie, e'eft la partie fpiritueufe du vin, 3c le produit de la fermentation-, mais cette partie eft encore chargee de beaucoup de phlegme , & lorfqu'on Ten a depouillie par des diftillations reiterees, elle prend le nom d'ejprit de vin ou d'ejprit ardent; en e'et etat , la liqueur le brule fans killer erhnpper la moindre fuliginoiit; , & fans laiffer aucun coaibotij elle diffout les huiles effentielles; nub elle ne j7+ A B R E G t DES MEMO IRES — —*M^^M,M* touche pas aux huiles grades , a moins qu'elles n'aient ete attenttees pa» C h y m i £ ^es diftillations reiterees. L'efprit de vin n'a que pea oil point d'a&ion fur les alkalis fixes, c'eft Annie 1743- pourquoi on emploie ces fels bien deffeches a Ie redtifier, c'eft-a-dire, a le depouiller du phlegme qu'il peut contenir, que ces fels abforbent fans toucher a la partie fpiritueufe : l'efprit de vin , ainii prive de for* phlegme , fe nomine efprit de vin alkoolifi. L'efprit de vin n'a aucune prife fur les gommes, inais il diffout les re- fines , & forme avec elles , par cette union , une liqueur plus epaiffe qui fe deffeche a 1'air, & qu'on nomme vernis : on fait encore une autre ef- pece de vernis en diffolvant , par le moyen du feu , des refines dans l'huile i ce vernis ne s'altere point a l'eau , & on le nomme vernis gras. L'efprit de vin fe mele avec l'eau & avec tous les acides , qui perdent par ce melange une partie de leur acidite, & prennent le nom d' 'acides dulcifies ; fon union avec l'acide vitriolique fournit un moyen de le de- phlegmer affez pour le reduire en une liqueur plus fubtile & plus inflam- mable qu'il n'etoit lui-meme, li fubtile, quelle s'evapore prefque au meme moment qu'op l'expofe a l'air , elle diffout rapidement les huiles , fe failit avec promptitude de l'or diffous dans l'eau regale , & n'eft point milciblc avec l'eau •, on la nomme ither. On retire encore cette liqueur de l'efprit de vin par le moyen de l'efprit de nitre •, on doit le procede par lequel on l'obtient avec cet acide, a M. Navier, do&eur en medecine, & cor- refpondant de l'academie. Si on n'arrete pas la fermentation au premier degre neceffaire pour pro- duire le vin, il s'en excite bientot une feconde, apres laquelle la liqueur eft changee en un acide qu'on nomme ytgiltal, pour Ie diftinguer des aci- des mineraux dont nous avons parle jufqu'ici-, la liqueur prend alors Ie nom de vinaigre. La diftillation n'en enlevera plus aucune liqueur fpiri- tueufe, mais une liqueur plus acide que la premiere, & qu'on nomme vinaigre di/Iille"; cet acide a les memes proprietes que les acides mine- raux, il s'unit avec les alkalis, les terres abforbantes , les fubftances me- talliques , & forme avec ces matieres des combinaifons falines neutres , avec cette -difference que comme il a avec elles moins d'afrinite que les acides mineraux , ces derniers decompofent tous les fels qu'il a formes. L'acide du vinaigre eft toujours charge de parties huileufes qui emouf- fent fon adivite , & le rendenf moins puiffant que les acides mineraux ; on peut Ten depouiller , & le rapprocher de ces derniers par des diftilla- tions reiterees, ou en l'expofant a une forte gelee , qui reduit en glace les parties aqueufes & huileufes , & n'epargne que l'acide ; on le nomme en cet etat vinaigre concentre' par la gelee. L'acide du vinaigre fe joint a differentes terres abforbantes , avec Ief- quelles il forme des compofes falins qui ont divers noms , fuiv.int les ma- tieres qui font entrees dans leur compolition : il diffout parfaitement Ie plomb , & forme avec lui un fel neutre dont la faveur eft douce & fu- cxee, & qu'on nomme pour cette raifon J'ucre de Saturne. La feule va- peur du vinaigre calcine meme ce metal , & lc reduit en une efpece de DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 375 chnux trcs-blanche qu'on nomme draft owblanc de plomh, fuivant qu'elle ' eft plus 011 moins fine •, il ronge auffi le caivre , & le riduit en line ^ rouille d'un beau verd qu'on nomme ye rd de gris , Si dont on fe fert dans la pcinture. Annie f^fp. Le vinaigre n'eft pas le fetil acide qu'on retire du vin , on en trouve encore un i-pen-prcs de la meme nature dans un compofe falin mclc de parties terreftres & huileufes, qui s'attache aux parois intericures des vaif- feanx qui ont contenu du vin pendant un certain temps , & qu'on nomme ordinairement tartre. On purifie le tartre des matieres terreufes & etrangeres qu'il contient ', en le faiiant bouillir dans l'eau avec une efpece de terre propre a cet ufage •, lorfqn'il eft riurifie , il paroit a la furface de la liqueur une creme blanche & cryftalline qu'on nomme crime de tartre , & on trouve au fond dc la meme liqueur , lorfqu'elle eft refroidie , des cryftaux tranfparens qu'on appelle cry faux de tartre ; cette creme & ces cryftaux ne font que le meme fel fous deux formes differcntes : ce fel a toute 1'apparence d'un fel neutre, il ne l'eft cependanr point, ce n'eft qu'un veritable acide pat different de celui du vinaigre , & qui ne doit fa forme concrete qu'a la terre & l'huile qui y font jointes en affcz grande quantite •, e'eft aufli cette meme huile qui fait qu'il ne fe diffout que tris-difricilement dans l'eau, a moins quelle ne foit bonillantc & en grande quantite, encore la plus grande partie s'en fepare-t-elle des que l'eau refroidit, & rombe au fond fous la forme d'une poudre blanche. La calcination a feu mid depouille le tartre de fon huile &: d'une partie de fon acide, ce qui refte fe joint a la terre, & forme un alkali qu'on nomme fel de tartre; ce fel attire vivement l'humidite de l'air, & fe re- fout par fon moyen en une liqueur ondtueufe qu'on nomme impropre- lnent huile de tartre par de'faillance. Cet alkali peut fe combiner avec l'acide du tartre , & il forme avec lui un veritable fel moyen diffoluble dans l'eau , qu'on nomme tartre tartar if e" > & plus communement fel v/gc'tal. L'acide du tartre peut aufli s'unir a 1'jlkali de la foude, 8c forme par cette union une autre efpece de fel vegetal appelle _/?/ de Seignette, du nom de Ion auteur ; ces deux fels font des purgatifs connus & utiles. On joint encore le meme acide avec les terres abforbanrcs & les fubftances metalliques, & les fels neutres qui refultent de ces melanges font diflolublcs dans l'eau *, fingularite remarqunble , fi on fait attention que ces matieres , que l'eau ne dillbut point , communiquent au tartre une propricte qu'elles n'avoient point elles-memes, & dont il dtoit prive. On tire de l'acide de bien d'autres fubftances vtgctales que le vin , mais ces difterens acides, meme ccux qu'on peut tirer des matieres ani- nules , ne different pas affez de celui du vin pour conftituer une clatfe particulierc, & etre examines en detail. La troifieme efpece oil peut-etre le troilieme degre de fermentation, eft la fermentation putride ', tout corps qui a eprouve les deux premierrs efpeces & qui eft abandonne a lui-nieme avec un degr: convtnable de 376 A B R £ G 6 DES MEMOIRES SSSSS "^ ^MMI chaleuf . paflc eufin ^ la derniere , ou, ce qui eft la meme chofe, fe poilf- f rit : il y a meme des corps qui font fufceptibles de pourriture fans paroi- tre letre des deux autres efpeces de fermentation ■, mais il fe pourroiC Aiyiie 1743. qu'ils les fubiffent fi rapidement , qu'on ne s'en appercut pas. Ces fer- mentations li courtes & li rapides feront,' li Ton veut, dans la chymie, ce que font les points multiples dans la geometrie ; le raifonnement feu I fera connoitre leur exiftence. II s'excite dans cette derniere fermentation un rnouvement inteftin^ femblable a celui qu'on remarque dans les premieres, & li Ton examine un corps qui l'ait eproilve , on remarque qu'il contient un principe qui n'y exiftoit point auparavant, une matiere laline, tres- volatile, qui nfleite l'odorat vivement & defagreablement, & qui meme quelquefois irrite af- fez les yeux par fon acrete pour en tirer des larmes. Ce principe falin fe prefente, fuivant la maniere de 1'extraire , ou fous la forme d'une liqueur, ou fous celle d'un fel concret; on le nomme dans le premier cas, efprit volatil urineux j & dans le fecond , fel vo- latil urineux : cette epithete d'urineux vient de ce qu'on tire une grande quantite de ce lei de 1'urine putrefiee , & qu'il en a 1'odeur. Les alkalis volatils fe reffemblent tons , de quelque fubftance qu'ils aient ete tires; on les peut regarder comme le meme fel. Ce fel eft com- pole, comme l'alkali fixe, d'une portion d'acide engagee dans une portion de la terre du mixte dont on le tire -, mais de plus il contient une affez grande quantite d'huile qui ne fe trouve point dans l'alkali fixe, & a la- quelle celui-ci doit probablement fa volatilite ; car on parvient , par de certains procedes , a volatilifer les alkalis fixes , en leur joignant une ma- tiere graife. L'alkali volatil fe joint aux acides avec violence & ebullition , & forme avec eux des fels neutres qui font difterens fuivant les difrerens acides qui font entres dans leur compofition : celui de ces fels qui a pour acide celui du fel marin , fe nomme fel ammoniac , & les au- tres , par analogie avec celui-ci , fels ammoniacaux. Souvent la fubftance huileufe fe trouve jointe a l'alkali volatil en (I grande quantite, qu'elle le deguife & le rend impur; en ce cas on lui en enleve une partie en le diftilLint plulieurs fois lur des terres abforbanteS qui retiennent 1'huiie fuperflue •, on appelle cela reclifier l'alkali : par cette operation , il devient blanc , de jaune qu'il etoit , & prend une odeur plus pcnetrante & moins fetidc ; mais il faut bien prendre garde de poulfer la rectification trop loin, fur-tout fi on emploie la chaux; on farviendroit a la fin a le decompofer entitlement, L'alkali volatil a prife fur plufieurs fubftances metalliques, mais fur-tout fur le cuivre, dont il fait une diffolution d'un tres-beau bleu, aufli iert-il comme de pierre de touche pour le difcerner; & en quelque petite quan- tite que ce metal fe trouve combine avec d'autrcs matieres, il ne man- que pas de le deceler, & de le faire paroitre colore en bleu. L'alkali volatil n'eft pas toujours le produit de la fermentation, on en retire fouveut des matieres qui nc I'out point eprouvee* mais en ce cas aeft DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 577 e'eft par Je moyen du feu. Le tartre , par excmple , qui , calcine a feu ou- «———■— vert, ne donne que del'alkali fixe, donne line alfcz grande quantite d'alkali r- volatil par la dillillation •, mais on reconnoit aifcment celui qucje feu produit , ice qu'il ne s'eleve qu'apas le phlegme , l'acide , Sc'racrae Annie iJ+9< I'huile epaiile du mixte; au-licu que celui qui s'y trouve tout fait, etant infiniment plus volatil que toutes les fubftances dont nous venons de par- ler , s'eleve audi le premier , & par une moindre chaleur. Les principes doot nous venons de parler, entrent plus ou moins dans la compolition de tous les corps , ce n'eft que parce qu'on a eu Tart de les en tirer, qu'on a fu qu'ils y etoienf, cet art de decompofer les corps fe nomme en chymie analyfi , & M. Macquer emploie un chapitre de Ion livre a en donner line idee. La.methode la plus generale eft d'expofcr les corps qu'on veut analy- fer, a l'adion du feu dans des vaiffeaux propres a raiTembler ce qui s'en exhale •, en donnant le feu par degres , on aura fucceffivement & fepare- ment tons les principes qui entrent dans leur compohtion , fuivant l'ordre de leur volatilite ; cette operation fe nomme dift 'illation , & ce qui refte au fond du vaiffeau ayant etc calcine, on en retirera, avec de l'eau chaude, ce qu'il contiendra de fel fixe ; cette derniere operation s'appelle lejjivc. Mais comme les principes de plulieurs mixtes, & fur-tout des vege- taux , font fouvent alteres par Taction du feu , on les en retire ou par la fimple expreffion , ou en les broyant , ce qu'on nomine trituration. On tire encore differens fucs par la feule ebullition , & e'eft la meilleure raa- niere de preparer les fucs qu'on veut tirer du corps animal. Les corps metalliques, compofes de parties plus dtires, plus pefantes & plus difh'ciles a feparer que celles des vegetaux & des animaux , ne fe peuvent analyfer que par le moyen du feu , qu'ils peuvent d'ailleurs fup- porter fans danger d'en etre detruits. On trouve ordinairement les metaux meles & unis avec difterentes ef- peces de fables, de pierres, demi metaux, foufre , &c. Iorfque le mineral y eft en affez grande quantite, on nomme ces compofes mines; & quand au contraire il y eft en trop petite quantite pour payer les frais de lope- ration, on lui donne le nora de pyrite ou marcajjite. La premiere operation neceffaire eft de feparer ce qui eft rcellement metallique de ce qui n'eft que terreux •, pour cela on reduit la mine en poudre, & on la lave dans un courant d'eati : l'eau fe charge des parties terreufes , quelle entraine, & LilFe au fond les parties metalliques , que leur pefanteur y retient. Le metal prive de la terre avec laquelle il eft mele , rcfte encore mele de pludeurs fubftances toutes plus volatiles que lui ; on expofe done la mine a un feu trop foible pour fondre le metal, mais fuftifant pour faire evaporer ces matiercs cUangeres , & e'eft ce qu'on nomme torrejier ou rdtir la mine. Lc mineral, en cet etat, eft expofe a l'acTiion d'un feu affez vif pour le fondre & pour vitrjficr la terre ou les autres matieres dans lefquejles il eft encore engage-, on y ajoute quelque matiere, comme, par excmple, du Tome X. Partie Fran$oife. B b b 578 A B R E G E D E S M E M O I R E S CTwinjiMit-.il chajrbon , qui puiiTe lui fournir le phlogiftique dont il a befoin , & il fc P precipite au fond du creufet fous fa forme metalliqne, tarrdis que les au- tres matieres nagent deffus fous la forme de vefire ou demi-vitrifica- jinntfe 2749. rion qu'on nomme Jcories; le culot miitallique prend alors le nom de 'rigule. On a pu s'appcrcevoir que dans tout cet ouvr.ige , M. Macquer part prefque toujours du principe , qu'un merae corps a plus de difpofition a s'unir a I'un qu'a l'autre, & que cette difpofition a diH:rens degres : c'eft la le fon dement des rapports ou afrinites en chymie. SUR LES EMBAUMEMENS DES EGYPTIENS. =L extreme veneration des anciens Egyptiens pour les cadavres de Ann/e i"CO 'eurs morts' 'el,r avoit fait inventer divers moyens de les preferver de la corruption. Nous adm irons encore aujourd'hni des momies egyptiennes H'S- confervees depuis plus de deux mille ans, par la mariiere dont les corps avoient ^te embaumes. Ces momies font, depuis long-temps, I'objet des recherches des anti- quaires •, elles ont fait audi celui dun petit nornbre de phyficiens, qui ont tache de deviner le fecret des Egyptiens , & de tranfporter cet art parmi nous. Quelques qucflions qu'avoit faites M. le comte de Caylus , au fujet d'un memoire qu'il devoit lire a l'academie des belles-lettres fur la meme ma- tiere ,'reveillerent dans l'efprit de M. Rouelle pkilicurs idees que Fa lec- ture d'Herodote lui avoit autrefois fait naitre , & furent l'occafion du tra- vail dont nous allons parler. M. Rouelle le divife en deux parties; la firemiere, qu'il a donnee cette annee a l'academie, eft deftinee a examiner es principes fur lefquels eft fonde 1'art des Egyptiens; £c la feconde, qui r.'a point encore paru , doit contenir les effais d'embaumemens faits fuivant cette methode, & des moyens qu'il a imagines fur les memes principes , pour preparer les pieces anatoniiques-, objet bien plus intereflant que celui des Egyptiens, puilqu'il a pour but de conferver les vivans, all-lieu que les Egyptiens ne pretendoient conferver que les morts. Tout ce que les differens auteurs ont ecrit fur l'art des embaumemens egyptiens, fe peut reduire en general a deux fentimens; les uns preten- dent que le corps entier etoit prtmierement fale, & enfuite penetre do matieres rehneufes & balfamiques, qui, s'incorporant avec les chairs, les prefervoient de la corruption. Les autres pretendent que les corps etoient deffeches aprcs avoir ete (lies', & que ce n'etoit qu'aprcs cette deification qu'on leur appliquoit les matieres relineufes & balfamiques. L'infpetUon feule des momies, jointe a Icur duree, detruit ablolument le premier fentiment : les fels fales lont des (els neutres qui peuvenf bien prolonger pour tin peu de temps la du- ree des chairs, mais qui ne peuvent abforber qu'en tres-petite quantite DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 379 l'humidite qui y eft conknue; on fait d'ailleurs que Jes maticres relincuks- 1 & ballamiques ne contractent aucune union avee I'eau : comment doncr. concevoir que des corps , remplis fouvent d'une ferolite corrompue , V' Y M J E- puiflent avoir rclifte pendant dutx mille ans a Taction inteftine de ce Annie 1750. fluide , & de plus , s'ctre conferves dans l'ctat de feeherefle 011 nous les trouvons ? Le fentiment des feconds paroit bien plus conforme aux idees de la faine phyfique , & a l'ctat ou nous paroilknt Jes momies ; mais ce qui eft lingulicr, e'eft 1'indirFerence avee laquelle on a regardc jufqu'ici on art (i curieux p.ir lui rneme, & qui pouvoit procurer rant d'avant.iges , non- feulemcnt pour ks tnibaiimemens , mais encore pour le progrcs de l'ana- tomie. 11 11 y a que deux auteurs qui aic-nt tourne leurs recherclies vers cet objet, de Bils & Cl.iuderus : la mcthode du premier n'eft pas trop connue , il en failbit un fecret : le fecond a decrit d preparation , & il paroit, tint par les ecrits de Clauderus que par ce qu'il a pu deviner du procede de Bils, que l'un & Tautre employoient principalement la dedi- cation, op.'ree par les fels alkalis, pour preparer leurs cadavres. Heureuiement , Hdrodote nous a tranfmis une courtc defcription de l'art des embaumeurs. II y avoit , felon cet auteur, trois ditferentes ma- nieres d'embatimer ufitees parmi les Egypticns, & on fe fervoit des unes ou des autres , fuivant la depenfe que Ton vouloit faire. Suivant la premiere , qui ctoit auffi la plus chere , on ouvroit par les narines, avee un fer, la bale du crane, & on tiroit par cette ouverture la cervelle, partie avee le meme fer, partic par le moyen des injections; on tiroit les entrailles par une incilion faite au cote, on Fes nettoyoit, on les paffoit au vin de palmier & dans des aromates broyes ; on rempliffoit lc ventre de myrrhe en poudre , & de toutes fortes d'autres parfums , cx- cepte l'encens; on fermoit Touverture , & on couvroit le corps de na- Irurn pendant foixante & dix jours, car les loix ou les ftatuts de l'art ne permertoient pas de Vy Iaifler plus long-temps; enfuite on lavoit le corps, & apres l'avoir tout enveloppe de b.mdes de toile de lin enduites de gomme , ils le rendoient aux parens. Lorlqu'on ne vouloit pas faire une li grande depenfe, on fe fervoit de h maniere fuivante , qui eft la feconde. On ne faifoit aucune incilion au cadavre , on le contentoit d'injefter par le fondement une quantite fiiffi- (ante pour remplir le ventre, d'une liqueur onclueufe qui fe tire du ce- dre ; enfuite ayant bouclie 1'ouverture, pour retenir l'injecHon , on met- toit le corps dans le antrum pendant foixante & dix jours ; au dernier, on tiroit du ventre la liqueur qui entralnoit avee elle les entrailles confutes ou dhloutes, car le nitre dilfout les chairs, & il ne reftoit du cadavre que la pcau & les os; cela fait, on rendoit le corps aux parens. La koilieme maniere ctoit la plus limple & la moins difpendieufe. Apres les injections par le fondement, on mettoit le corps dans le natrum pen- dant ioixante & dix jours, & on lc rendoit fans y faire autre chofe. Cette defcription que fait Herodote de l'art des embaumeurs, eft bien propre a donner une idee de cet art; il paroit cependunt qu'il n'en a pat:: Bbb ij 38o A B R E G E D E S M E M O I R E S B3BBBB3HB *3ue mr 'e r*pp°rt d'autrui, & nous verrons bientot ce en quoi il femble « s'etre trompe. Tout le travail des embaumeurs fe reduifoit a deux parties effentiellcs : Annie Z750. 'a premiere etoit de deffecher les corps, e'eft-a-dire, de leur enlever les liqueurs & les graiffes qu'ils contenoient, & qui en auroient occafionne la deftrudtion : la feconde etoit de defendre les corps ainli deilechis, de l'hu- midite exterieure & du contadt de l'air. La premiere partie de ce travail etoit ce qu'ils appelloient faler le corps. Le natrum des Egyptiens n'etoit point femblable a notre nitre 5 e'etoit au contraire, felon M. Rouelle, un veritable alkali fixe : comrac tel, il de- pouilloit abfolument les cadavres qu'on y mettoit pendant foixante & dix jours , des liqueurs limphatiques & de la graiffe , & il n'en reftoit que les parties fibreufes & folides. Les embaumeurs operoient par ce moyen , fur les cadavres, ce que les tanneurs operent fur les cuirs par le moyen de la chaux-, ils en enlevoient tout ce qui auroit pu, dans la fuite, donner lieu a la corruption : audi Herodote ajoute-t-il que les cadavres, en cet etat, n'avoient plus que la peau & les os, & on peut tirer dela pourquoi il etoit defendu de kilter les corps dans le natrum plus de foixante & dix jours : on auroit eu tout lieu de craindre qu'ils n'eulfent eprouve, de la part de ce fel, le meme inconvenient qui arrive aux peaux qu'on laiiTe trop long- temps dans la chaux, qu'ils n'euiTent enfin ete confumes totalement oil en partie. On avoit foin , felon le rapport d'Herodote , de Iaver les corps au fortir du natrum, & cette pratique etoit une fuite naturelle du procede •, fans cela, l'alkali qui feroit refte adherent au cadavre, & qui, comme on fait, attire puiffamment 1'hurnidite de l'air, y auroit bientot introduit affez d'eau pour en occafionner la pourriture : la meme propriete par laquelle il avoit deffeche le corps , auroit pu , dans la fuite , y produire un effet tout con- traire, & par confequent on faifoit tres-bien d'oter foigneufement tout le fel qui auroit pu y refter adherent. On objeifteroit en vain que (1 le natrum eut ete un fel alkali, il auroit pu agir avec affez de vivacite pour detruire les corps ; il eft a prefumer que les embaumeurs egyptiens connoiffoient la force de leur natrum , & qu'ils ne l'employoient qu'en dofe convenable, Sc avec les precautions neceflaires. Telle etoit la premiere & la principale partie de la preparation des corps ; elle conftituoit meme toute feule l'embaumement de la troilieme efpece, decrit dans Herodote : le refte de l'operation conliftoit h appliquer fur les corps deja defleches , des matieres reiineufes & ballamiques qu'on y retenoit par des bandes de linge dont on les enveloppoit; mais avant que de paffer a cette partie de rembaumement, il eft a propos de relever quelques errcurs dans lefquelles Herodote paroit etre tombe. En decrivant l'embaumemeiit de la premiere efpece , il dit formellement qu'on emplif- foit le ventre du cadavre de myrrhe, de canelle & d'autres parfums, ex- cepte l'encens , & qu'enfuite on le mettoit dans le natrum , apres quoi on le lavoit. A quoi auroient fervi ces matieres reiineufes avec lelquelles C II Y M I t. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5S1 Tallcali dii natrum auroit Irientot forme une matiere favonneufc que les lotions auroient emponce, ail moins en grande partie? il eft bien plus rai- fonnable de penfer que les maticrcs balfiuniqaes & relineufcs n'ctoient ap- pliquees aux cadavres, qu'aprcs qti'on les avoit retires du natrum. Anne"?. ifc.0. La meme reflexion doit avoir lieu pour le fecond embaumement. Selon la description d'Herodote , on injectoit par le fondement & fans aucune incilion , une liqueur tiree du cedre , pour confumer toutes les entraiiles, & pendant Taction mane dc cctte liqueur on mettoit le corps dans le natrum. II eft aile de voir 1°. que la liqueur du cedre 011 le cedria ne pouvoit ni deffecher, ni confumer les entraiiles, etant refmeufe & balfa- niique fans aucune qualite corrofive : 2°. cette liqueur injccTree fans aucune incilion, n'atiroit pu penctrer que dans une petite portion des inteftins; il falloit done que pour l'introduire dans toute la capacite du bas- ventre, on favorisat fon paliage par qiielques ouvcrtures : $°. enfin il y a tout lieu de penfer qu'on faifoit deux injections , Tune avec le natrum pour confu- mer & deffecher les entraiiles, & Tautre qui ne fe faifoit qu'aprcs la deifi- cation du cadavre , & qui etoit compofee de cedria. Cette conjecture eft meme d'autant plus vraifemblable , que fans cette double injection , le troilieme embaumement ne differeroit point du fecond, puifque dans celui-la, aprcs TinjecKon par le fondement, on mettoit le corps dans le natrum > & on le rendoit an bout de foixante & dix jours. Dans cette demicre facon d'embaumer, on n'employoit probablement que la feule injection de natrum pour confumer les vifceres , au-lieu que dans le fecond , aprcs la deification , on faifoit une feconde injection avec le cedria. II y avoit meme une quatrieme maniere de conferver les corps, pref- que fans aucuns frais. M. Maillet, conful au Caire, rapporte dans fes let- tre, qu'il a trouve un grand nombre de corps couches iur des lits de char- bon , emmaillottes de quelques linges , & converts d'une natte fur la- quelle il y avoit du fable a Tepaiffeur de fept ou huit pieds : e'etoit ap- [>aremment la maniere dont les plus pauvres confervoient les cadavres de eurs parens ; car la confervation des corps faifoit , chez les Egyptiens, un point de religion, & Ics pauvres y etoient oblig-s comme les plus riches. Avant de quitter Tart de deffecher les corps, ufite chez les Egyptiens, il eft neceffaire de dire un mot de la maniere d'imiter cet art, qui a ete niife en ufage par de Bils & Clauderus dans le dernier uecle. Le premier a toujours fait myftere de fon fecret ; mais Clauderus fon contemporain , allure que Todeur balfamique qu'on fentoit dans le lieu ou de Bils con- fervoit fes pieces embaumees, etoit abfolument etrangere a ces pieces, & que ce chymifte ne s'en fervoit que pour faire illulion aux curieux, & ca- cher la veritable preparation qu'il donnoit aux cadavres : il affure meme qu'en touchant quelques-unes de ces pieces, & portant fon doigt fur la langue , il y avoit reconnu une faveur faline. Cette faveur perfuada Clauderus que tout le fecret de de Bils confiftoit en dssfels. Surce principe il fit tantd'experienccs, qu'il parvint a deffecher 3$2 A B R E C E D.E H M E M O I R,E S i — — lcs corps coivuue les Egyptiens, fans enlever'les vifceres; mais il ne fat pns r profiter de fa propre decouverte , & au-lieu de fe fervir des ftls alkalis h v M i e. ^ q comp0|a des melanges de ces fels avec le fel ammoniac, & parvint Annee 17 50. p->r ce nioycn a produire un fel neutre capable de ialer les chairs, & non de les deilecher, & a multiplier inutilement les moyens & la depenfe. II eft bien vrni que l'alkali volatil du fel ammoniac n'etoit pas ablolumcnt inutile, mais deux raifons doivent engager a le rejetter ; la premiere, qu'il eft beaucoup plus clier ; & la feconde , qu'il produit dans ce cas, en s'evaporant, line puanteur affreufe, qu'on evite en employant les al- kalis fixes. II nous refte prefentement deux chofes a examiner, pour fuivre )uf- qu'au bout l'art des embaumeurs Egyptiens •, la maniere dont ils appli- quoient les matieres balfamiques , & quelle etoit la nature de ces memes matieres. Herodote nous apprend que les embaumeurs Egyptiens, apres avoir r?- tire les corps du natrum , les lavoient & les enveloppoient avec des ban- des.de toile de lin enduites de gomme. Cependant prefque aucune des momies que Ton conferve en Europe, ne paroit enveloppee de ces banaes enduites de gomme; celles qu'on y trouve font au contraire, pour la plu- part , enduites des matieres relineufes '& ballamiques qui ont iervi a l'em- baumement, & qui enveloppent chaque membre feparement; cependant il s'en trouve deux a Paris , l'une dans le cabinet de Sainte Genevieve , & l'jutre dans celui des Celeftins , fur lefquelles on trouve deux elpeces de bandages ; l'lia qui enveloppe feparement le corps & chacun des raem- bres, "& celui-ci eft enduit de matiere bitumineufe ; & 1'autre qui emmail- lote en quelque £19011 le corps & les membres enfemble , & ce dernier eft fans matiere bitumineufe : e'eft vraifemblablemeut ce dernier feul qu'avoit vu Herodote, & qu'il a confondu avec celui qui etoit deuine .1 retenir la matiere de l'embaumeinent. Une autre lettre du meme M. Maillet, conful au Caire , duquel nous avons deja parle, peut lever toutes les difficultes fur cet article; a portee de voir, pour ainli dire, les momies dans leur fource, il en avoit fait decouvrir plulieurs, entr'autres il rapporte qu'une qui fut ouverte dans la maifon des capucins, au Caire, avoit les deux efpeces de bandages; les uns, enduits de matiere relineufe, qui enveloppoient feparement chaque membre, & qui etoient durs & caffans; & les autres, qui emmaillottoient tout le corps : ces dernieres bandes etoient non-feulement fans matiere relineufe, mais elles etoient chargees en deilus de figures hieroglyphiques, & en delfous dune ecriture tres fine en caracteres inconnus, traces de droite a gauche, & qui paroilloient etre des vers rimes, parce que les linges qui fe fuivoient avoieht la meme terminailon ; circonflance qui , pour le dire en paffant, feroit remonter l'ufage des vers rimes jufqu'a la, plus haute antiquite. II ajoute au meme endroit qu'on eut l'imprudence de couper ces bandes avec des cill-aux , & qu'elles furent pillces fur le champ, les Egyptiens etant tics curieux de depouiller ainli les momies, pour en tirer les differentes amulettes qu'on y trouve quelquefois, & aux- H Y M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ,85 qiK-lles ils attribnent de grandes vertus : c'cft pour cela qu'il vicnt fi peu " de momies envel ppees du fecond bondage. M. Maillit dit, dans un autre ^ endroit, que dans Ics chanibres ou font les momies les moins embaumees, eclxs meme qui ft font dctraites, on trouve, avee les os , ccs fortes de Ar.rJe z7$o. liiiges qui les cnvclcppoienr. II paroit pir-la que Ics corps les plus pan— vres etoient environnes de deux bandages : M. Rouelle les a trouves fur line momie qui apparticnt a Mrs- de Jumeii , & qui paroit n'avoir etc que cTeflechee par Je r.atrum; & dans celle-'c?, les bandes , meme intcrieures, etoient fans matiere relineule, & ri'oht pu etre collees qu'avec la gorrirrre. M. Rouelle a remarque que toutes les bandes des momics qu'il a vues, font de toile de coton : Herodote s'cft-il trompe, lorfqu'il a dit qu'elles etoient de lin? ou Ie lin des anciens Egyptiens feroit-il la meme ch ofe que le cetoti! On volt bien que ces bandes, les vers, les peintures dont on les crnoit, & les boites d'une fcule piece dans lefquelles on enfermoit les momics, & qui etoient plus ou moins chargees d'ornemens, devoient introduire line infinite de differences dans la fomptuolite des embaume- mens. II eft temps de pafier a l'examcn de cette matiere qu'on employoit dans les embaumemens du premier & du fecond ordre, & qui fait le der- nier article du premier memoire de M. Rcuelle. II eft bien certain par ['experience, que cette matiere pouvoit confer- vcr les corps pendant pluticurs milliers d'annecs. Profper Alpin affure , dans lbn hiftoire naturelle d'Egypte, qu'il a vu dans l'interieur d'une mo- mie une branche de' rpmarin aufli yerte que (1 on venoit de la detacher de la plante , foit que cette branche eut ete. mife dans le cadavre comma un ebjet de fuperftition , foit que rembaumeur eiit voulu conngner, pour ainii dire, a la pofterite un monument de l'excellence de fon art & de fon babilete. Non-feulcmcnt on trouvc des momies chargees de cette matiere , mais M. Rouelle en a eu qui avoit ete trouvee enfermee au fond d'un vafe , dans ics chambres memes oii font les momies. Par l'analyfe qu'il en a faite, il a trouve que la matiere de I'embaume- ment des momics a pcur bale le bitunie de Judee, mele dans quelques- unes avec une matiere qui a l'odcur du fuccin, & dans quelques ainres, avec une fubftance affcz femblible au cedria; ce qui coniti:ue une efpece de melange femblable au piflhphaltum des anciens, execpte qu'au-lieu de poix , il conticnt ces matieres balfamiques. II refulte encore des rechcr. lies de M. Rouelle, que cette matiere ne contient ni mvrrhe, ni aloes, ni aucune poudre, e'eft une matiere abfo- lumcr.t bitumineufe & relmeufc , qui fe dilfout abiolument dans l'efprit de vin , fins laiiler prefque aucune reudence. M. Rouelle a inutilement tente de contrefaire cette matiere , cri y employant , avec le bitume de Judee , les matieres dont nous venous de p.-.rler-, il n'a jamais pu y reuffir. II n'y a pas non plus d'apparence qu'on y m-.'at des poudres aromatiques, comroe la canelle, ccs aromates pulverifes feroient devenus des efpeces d'epo.v qui auroient attire puiiramment 1'humidite de l'air, & par la ils auroient etc diametralement oppoies au but qu'on avoit de difendre les cadavres V 11 I E. C H Annie 1750. j84 ABREGE D E S MEMOIRES.fc. dcfleches, de l'humidite. On employoit done ou le bitume de Judee feul» ou mele avec la liqueur du cedre , ou enfin avec le cedria , joint a des matieres refineufes & trcs-aromatiques. La matiere trouvee dans les cham- bres des momies fonnoit peut-etre line quatrieme efpece d'embaumement, qui etoit probablement le plus precieux. Si a ces differences on joint celles des bandes dont nous avons parle ci-deffus, les dorures, les caifles de bois precieux & meme de porphyre , on verra qu'il y avoit dans la pra- tique de ce devoir de religion , de quoi fatisfaire a tous les differens de- gres de magnificence que l'orgueil des Egyptiens pouvoit delirer. ANATOMIE. ANATOMIE. Tome X. Panic francoijt. Ccc * ■ 5*7 ANATOMIE. SUR LA STRUCTURE £> £ L'ESTOMAC DU CHEVAL, Et fur les caufes qui empahent cet animal de vomir. i'anato-mie comparee a ton jours etc regardee comme une des plus 22 Dtiles parties de la phylique •, fouvent des decouvertes intereffantes tien- A nent a des experiences que 1'humanite ne permettroit pas de tenter fur nos A N A T ° M ' E- femblables ■, fouvent des parties plus conliderables par leur volume, ou Annie IJ+S. placees plus avantageufement , trahilleirt en quelque forte le fecret de la nature , & Iaillent appercevoir dans les animaux une ftru&ure & des ufa- Hi(i- ges qu'il eut ete impoffible de decouvrir dans l'homme. Ce dernier motif, quand il auroit ete feul, etoit fuffifant pour engager M. Bcrtin aux recherches qu'iJ a faites fur la ftrudure de l'eftomac du cheval : ce vilcere peu different en cet animal, de celui de l'homme, (i ce n'eft par fa grandeur , pouvoit utilement fervir a developper la ftruc- ture de ce dernier; mais independamment de cette vue, il en avoit en- core une feconde prefqu'auffi intereffante : on fait combien le cheval rend de fervices aux hommes , & e'etoit travailler au bien de la fociete, que d'acquerir les connoiilances nccelfaires a la confervation dun animal audi utile. L'eftomac du cheval eft place dans la region epigaftrique fous le dia- phragme, entre la rate & le foie qui en recouvrent une partie : il touche prefqu'immediatement les vertebres : fa capacite eft a-peu-pres quadruple de cellc de l'eftomac humain, & il petit contenir environ 12 pintes d'eau dans un cheval de moyenne ftature. La cavite totale eft comme partagee en deux par une efpece d'etranglemerit fuperficiel qui y forme deux par- ties diftinCtes, dont 1'une eft revetue par dedans d'une membrane velou- tee, qui lemble .etre une continuation de celle de l'inteftin ; & l'autre d'une fubftance blanche & prelque calleule, qui paroit etre la prolonga- tion de celle qui tapitfe l'celophage : trois tuniques compofent lepailfeur de l'eftomac-, l'interieure qui, comme nous venons de le dire, eft com- pose de deux parties de nature tres-difterente •, la moyenne qui eft rbr- mee de trois plans de fibres charnues , deftinees a foutenir l'eftomac lorf- quc l'ajiimal tait des monvemens violens apres avoir n;ange, & a procurer une douce trituration aux alimens qui font dans la partie de l'eftomac, Ccc ij Anatomie 388 A B R E G £" DES ME MOIRES revetue de la membrane calleufe, juiqu'a ce qu'ils foient aflez broyiis pour pafler dans celle dont la membrane eft veloutee fans la blefler. II paroit meme que les fibres mufculeufes font beaueoup plus multipliees lur la Annte 1746. partie deltinee a broyer les alimens , que fur celle qui ne paroit propre qu'i les recevoir quand ils font broyes , & a les foumetire a Taction des lues digeftifs. La troifieme enfin , eft membraneufe & tendineufe-, elle re- coit plufieurs filamens qui font comme les aponevrofes des fibres mufculeufes de la feconde tunique : il paroit qu'elle n'eft qu'une continuation du peri- toine qui, apres avoir enveloppe tout l'eftomac, fetermine par deux larges ligamens qui vont d'un orifice a 1'autre , & les empechent de s'ecarter. Toutes les parties que nous venons de decrire, different peu de celles qu'on obferve dans 1'homme, li ce n'eft par la diftinction que l'etrangle- ment fait entre les deux moities de l'eftomac du cheval. M. Bertin eft perfuade que par cette conftrucKon il eft en etat d'operer les memes ef- fets que les quatre qu'on trouve dans les animaux ruminans : ce n'eft pas pourtant qu'il pretende attribuer la digeftion a la trituration , qu'il croit fe faire dans la partie dure de l'eftomac-, elle ne fert, comme nous l'a- vons dit, qu'a broyer affez les alimens , pour qu'ils ne puiffent endomma- ger la membrane veloutee qui tapiffe l'interieur de l'autre partie ; d'ail- leurs les experiences de M. Bertin fourniffent une preuve complette, que la trituration n'entre pas pour beaueoup dans l'operation de la digeftion : nous avons dit que l'eftomac du cheval ne contenoit qu'environ 1 2 pin- tes-, or il eft ordinaire de voir ces animaux boire plus de 12 pintes d'eau, immediatement apres avoir mange line quantite d'alimens folides , capa- ble de remplir la plus grande partie de leur eftomac •, il etoit done bien probable qu'une partie des alimens etoit fortie de l'eftomac fans etre dige- res , & que la digeftion s'en devoit au moins achever dans 1'inteftin ; 8c e'eft ce qui fut confirme ^ M. Bertin par l'ouverture qu'il fit de plufieurs chevaux immediatement apres les avoir fait manger. Or dans les inteftins greles, il ne fe trouve aucun organe propre ^ la trituration; il faut done que la digeftion de ces alimens, s'opere par l'adtion des fucs digeftifs : ii eft vrai que le colon paroit, dans le cheval, avoir quelque reflemblance avec l'eftomac ; on y obferve des etranglemens a-peu-pres femblables a celui de ce vifcere , & il fe trouve par fa (ituation ik portee de reffentir 1'acHon des mufcles du bas ventre •, mais M. Bertin l'ayant plufieurs fois ouvert, n'y a jamais trouve aucuns alimens non diriges , mais toujours des matieres ftercorales , reftes d'une digeftion deja faite , & toutes fem- blables k celles qu'on trouve dans le reclum de cet animal. La partie la plus linguliere de l'eftomac du cheval, eft fon orifice fupe- lieur : au-lieu que dans 1'homme & dans la plupart 'des animaux, l'eelo- phage s'infere dans l'eftomac a-peu-pres h angles droits, & que fon 011- verture eft abfolument libre; dans le cheval il s'y infere prefqu'aufli oblir quement que les ureteres le font dans la veflie, & de plus les fibres char- nues qui accompagnent ce canal , fe joignent i celles de l'eftomac pour former un fphinfter tres-fort , qui fcrme exafteineut ce paffage a toutes Jes nutieres contenues dans fa cavite. DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 58j, Le reffort du fphinder , dont nous parlons , eft trcs-grand , mcmc^ aprcs la mort de ['animal , on n*y introduit le doigt qii'avec peine •, & . M. Bertin a preffe plufieurs eftomacs , remplis d'eau ou d'air, &: dont il N A T ° M ' E avoit lie l'orifice inferieur , jufqu'au point de Ies faire fouler nux pieds Annd 1-746. par un homme monte delfus , fans qu 'il s'en foit rien echappc , li ce n'c-ft line fois, & de 1'efloinac d'un cheval malade, dont le fphinder avoit to- talement perdu fon rclfort. Cette ftrudure de l'orifice de 1'cftomac du cheval, jufqu'a prefent in- conntie , prefente une raifon bicn naturellc de la difhcultc prefqu'infur- mont.ible qu'on trouve a faire vomir cet animal : mais en ce point le fentiment de M. Benin fe trouve different de celui de M. Lamorier, de la fociete royale des (ciences de Montpellier-, celui-ci dans un memoire imprime a la fin du volume de l'academie de 175; , pretend que 1'ex- tremc difficulte de faire vomir les chevaux , vient de deux caufes •, 1°. du pen d'adion que Ies mufcles du bas ventre & le diaphragme peuvent avoir fur lui -, 2°. de l'obftacle qu'y met une valvule qui, felon lui, ferme pref- que les deux tiers de l'orifice fuperieur , & eft en etat d'empechqr les alimens folides de fortir. Les deux anatomiftes font d'accord fur le pre- mier point, mais ils different beaucoup fur la ftrudure de l'orifice de l'ef- tomac. M. Lamorier y place une valvule, & ne fait aucune mention du fphinder obierve par M. Bertin •, celui-ci, au contraire, attribue la diffi- culte de vomir au fphinder, & ne fait nulle mention de la valvule : dans les experiences de M. Lamorier, fair & l'eau s'echappent par cet orifice-, dans celles de M. Bertin , la plus forte preffion n'en peut rien faire fortir. Le feul denouement qu'on puifie trouver , eft que le hafard aura offert a M. Lamorier , un eftomac , du fphintjter duquel le reffort etoit detruit en tout ou en partic , qui ne lui aura fait voir aucun des effets du fphinder, & que le bord du troitieme plan mufculeux aura pu reprefenter une val- vule : en ce cas, il ne s'agiroit plus du fond de la chofe, mais d'une fim- ple difpute de noms qui doit peu intereffer de veritables philofopbes. Nous ne pouvons terminer cet article, fans faire mention d'une obfer- Yation que les recherches de M. Bertin font mis a portee de faire. Dans le grand nombre de chevaux qu'il a ouverts , il a trouve dans l'eftomac & dans les intcftins de plufieiKS, des vers attaches par tas a la tunique inte- rieurej dans quelques-uns ces infedes avoicnt perce entierement l'efto- mac , & le trou qu'ils avoient fait, etoit borde d'un cercle gangreneux ; dans d'autres, ils s'etoient feulement creufe dans l'epaiffetir de la tunique interieure , des loges ou alveoles ou leur tete etoit engagee : de pareils ravages ne peuvent manqtier d'incommoder beaucoup 1'animal qui en eft le iujef, ils peuvent after meme jufqu'a lui caufer la mort. M. Bertin penfe done que dans quelqucs-unes des coliques & des maladies d'entrailles auxquellcs les chev.uix font fujets,il feroit a propos de leur faire prendre des remedes mercuriels : cette obftrvation fera on fruit non attendu de fon travail. I! eft rare qu'une recherche ph)iique fe borne aux kills ufages pour lelquels tile a ete entrcprife. 19* A B R £ G E DES MEMOIRES A N A T O M I E. Annie *74<>- nift. SUR L' USAGE Des Enervations des Mufdes droits du bas-vcntre. I i A cavite du ventre eft environnee de p.irois prefqu'entierement for- mees de mufcles. Deux ont leur attache, an de chaque cote de l'epine, ils viennent reunir leurs aponevrofes en devant , pour former cette ligne tendineufe qui s'etend depuis la pointe du xiphoide jufqu'a la fymphife, ou jonction des os pubis", & ce font eux que cette fituation a fait nom- nier tranfverjes : deux autres partent de la partie laterale & pofterieure des cotes, ils viennent s'attacher en partie au ligament de fallope & au pubis, & en partie a la ligne blanche-, on les nomme obliques externes. Deux tiennent par leur partie inferieure a la crete des os des iles, ils viennent obliquement fe rendre a la partie laterale anterieure des fauffes cotes , a leurs cartilages, & audi a la ligne blanche-, ils fe nomment obli- ques internes : entin deux ont leurs attaches au bas du fternum par leur partie fuperieure, & paffant dans line efpece de duplicature des obliques internes qui leur fert de gaine , vont s'attacher par en bas aux deux cotes de la jonction des os pubis; ces derniers font les mufcles droits , dont il s'agit principalement ici : nous n'avons meme fait cette courte & legere defcription des autres mufcles dpnt nous venons de parler, que parce qu'il nous a paru impoffible , fans ce fecours , d'entendre ce que now avions a dire des muicles droits. Dans l'endroit oil ces derniers font contenus dans la gaine que leur pretent les mufcles droits , leurs fibres mufculaires font interrompues en trois, & quelquefois en quatre endroits, par des bandes blanches & ten- dineufes ; & ce font ces bandes qu'on nomme enervations ou interfeclions des muicles droits. II y a peu de partie fur l'ufage de laquelle les anatomiftes aient autant varie que fur celui des interfedtions dont nous parlons. Carpi leur a at- tribue celui de di'vifer les mufcles droits en autant de mufcles particuliers , parce que, difoit-il, une fibre courte fe contraftemieux qu'une longue, & cette opinion a ete prefque generalement recue jufqu'au temps de Rio- Ian, qui a fait voir que les enervations rie feparoient point les fibres des mufcles droits en plulieurs parties-, mais qu'au contraire, les memes fibres mufculaires fe continuoient par derriere les bandes tendineules d'un bout du mufcle droit jufqu'a 1'antre : demonftration qui detruit, fans replique, le fentiment de Carpi. D'autres ont avance avec Fantonus , que ces ener- vations etoient deftinees a fortifier le mufcle , toujours fondes lur la meme idee , qu'une fibre courte a plus de force qu'une longue. D'autres enfin ont cru qu'elles ne fervoient qu'a diminuer le gonfle- ment du mufcle droit qui auroit pu , fans cela , bleffer quelques-unes des parties contenues dans la capacite du ventre-, mais la feule infpecl;ion fuffit DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 391 pour renverfer cette opinion : la feule partie des mufcles droit? ou on ' ' ; ■ obferve les enervations , eft celle qui fe trouve dans h eaine formce par D • ■ i i- „ • ' i • .. ? l r r II y s I Q l' £, le petit oblique, & cctte partie ne touche m ne peut toucher, en au- cune m.miere, aux vifceres contenus dans la capacite du ventre-, on n'en Annij ^toit morti Cependantles remedes qu'il fit adminiftrer Annie 1746. calmerent Its accidens , & la malade fe retablit affez pour reprendre les fon&ions penibles de fon etat; le ventre dcpuis ce temps n'augmenta ni ne diminua ; la malade y reflentoit de temps en temps des douletirs tou- jours accompagnees de perte de fang , auxquelles elle faifoit pen deten- tion : a la fin de fiptembre les accidens augmenterent & ne finirent que fiar un flux de ventre tres-abondant, d'une odeur cadavereufe , & la ma- ade, qui etoit naturellement robufte, tomba en pen de jours dans une foi- fcflefle li conliderable, que M. Guillerme defefpera de la vie, n'ofant rien entn prendre pour l'extradHon du fcrtus qui caufoit tout ce defordre & ne fe prefentoit nulle part. Le 6 o&obre on vint l'avertir que la malade rendoit Ton enfant par le fondement, il fe tranfporta aupres d'elle & trouva qu'efrc&ivement elle avoit deja rendu les deux bras par cette voie, la tete etoit au paffage & fortit bientot apres le tronc , & les extremites in- ferieures fuivirent , en un mot elle fut en huit jours delivree du tout, excepte de la machoire inferieure qui ne fortit que quelque temps apres. M. Guillerme n'a employe dans toute cctte cure que de legers cordiaux fiour foutenir les forces de la malade , des lavemens d'huile pour faciliter a fortie des pieces du cadavre, & enfuite des injections vulneraires & de- terfives. La nature a fait le refte , & la malade a eti par/aitement retablie. VIII. M. Geotfroi a fait part a l'academie de la defcriptlon d'un petit nain qui a ete prefente a fa majefte le roi de Pologne due de Lorraine •, cet en- fant, qui fe nomme Nicolas Ferry, eft ne le 15 novembre 1741 > fa mere, agee de 35 ans, a eu trois enfans dont il eft l'aine*, malgre toutes les apparences ordinaires elle ne pouvoit fe perfuader qu'elle fut groffe lorfquelle le fut de cet enfant •, cependant au bout de netif mois , elle le mit au monde apres avoir fouffert les douleurs de raccouchenient pen- dant deux fois 24 heures : il etoit long , en naiffant , d'environ 8 ow j> polices & pefoit 12 onces 011 3 quarterons. Le 25 juillet 1746 M. Kaft, premier medecin de la reine duchefle , le mefura & le pefa avec foin , il etoit pour lors long de 22 polices & pefoit, etant nud , 9 livres 7 on- ces , il etoit pour lors forme dans fa petite taille autant qu'un homme da vingt ans pourroit l'etre , ce qui fit conjecturer a M. Rait que cet enfant ne croitroit que bien peu : toutes les parties de fon corps font bien pro- portionnees au tout, il a un joli vifage, le nez bien fait & aquilin, les yeux d'un brun fonce, & les cheveux blonds & argentes-, il a fur le front line grande & une petite marque blanche de petite verole , maladie qu'il a eue a l'age de trois mois; quelques autres pareilles, mais plus petites, font repaiidues fur fon corps ; le ventre etoit un peu gros quand on l'a- mena a la cour , fans doute a caufe des alimens groffiers dont il uloit, car depuis qu'on le nourrit de mets plus fucculens, il eft conlidaablemem DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. J9r diminue, quoiqiie l'enfant foit cngraitfe : on lui a fait des habits & Hpc — mcubles proprcs pour fon ufage , il eft d'une vivacite extraordin ire & ne a .. . n -I • • o r I • , , A N A T O M 1 £. relte pas un moment en repos , il ne craint ncn & ne le lailie point de- tourner de fon objet, quelque frivole qu'il paroiffc, le refte lui eft indif- Anntt i"^S. firent ; fon rire eft tres gracieux , mais il ne rit pas fouvent, il marque de la tendreile pour les femrnes qui en ont foin , il paroit avoir de la roemoire, mais pas autant qu'un enfant ordinaire dj fon age. Quinze jours aprcs fon arrivee a la cour, fa mere vint le voir, il ne fembloit plus la connoitre , cependant a Ion depart il la careffa beaucoup : fa voix eft celie d'un enfant d'un an , les organes etant proportionnes au corps , fes genoux, & fur- tout le droit, avancent un pen en dehors, ce qui dimi- nue fa hauteur d'environ un demi-pouce, & peut venir du peu de foin qu'on a> eu de lui aprcs fa naillance. I X. y M. Chabhlard, chirurgien a Tours, a envoys a M. Gnettard, la def- crintion de trois enfans monftrueux qu'il avoit obferves. Le premier etoit venu au monde avec le corps ouvert depuis le haut du ftenium jufqu'a l'os pubis , on voyoit les poumons & le ccrur enveloppts du pericarde fufpendu par les vaiffeaux •, l'eftomac , la rate , le foie & les reins etoient fufpendus de mcrae & couvers d'une membrane graiffeufe & glanduleufe, qui paroilfoit etre line production du peritoine , la peau au bord de 1'ou- verture etoit naturelle , le cordon ombilical fortoit du cote droit , & la il formoit un nombril , l'enfant ne vecut qu'une heure. Dans le fecond la tete etoit an ovale plat , tin mufcle qui prenoit Ion origine a la bafe de l'occipital la couvroit en forme de capuchon •, deux cornes dures & pref- JtU'offeufes, de la hauteur de 14 011 15 lignes, etoient pofees fur la partie uperieure & anterieure d?s parietaux, les mains, les avant-bras, les pieds & les jambes Etoient convenes de poil-, l'enfant etoit male & la partie qui caracTrerife ce fexe , etoit femblable a celie d'un chien , nppliquee fur le ventre & re/ifermee dans fon fourreau •, la peau qui recouvroit les omo- plates & l'epine du dos , etoit noire. M. Chabelard ne vit point cet en- fant vivant, l'accouchement avoit ete premature & caufe par line perte oc- calionnee par le detachement de 1'arriere-faix. Le troilieme avoit deux teres , l'une placee a l'ordinairc dans le milieu des deux epaules, & 1'autre fituee au bas de la derniere vertebre du dos, la face tournee vers la terre; le cou de cette derniere etoit de deux travers de doigt : cet enfant mou- mt quelqucs tnomens apres fa naillance , & M. Chabelard ne put obtenir de ceux a qui il appartcnoit, la permiffion de l'puvrir. 39S A B R I G t DES MiMOIRES A N A T O M IE. Annfc t747. DESCRIPTION D'uti petit Faon de Biche > monflmeux , envoy i par le Roi a I' Academic Par M. Mo hand. M&n. -I— jn faifant la direction d'un petit faon de biche monftrueux, que 1c roi a envoye a l'academie , j'y ai reconnu les particularity fuivantes. Ce faon etoit double, ou compofe de deux foetus unis enfembl? par la poitrine , & ayant a l'exterieur toutes les parties bien conformees. Ce qu'il y avoit de remarquable dans la ftruclure des parties internes, s'efl trouve dans la poitrine ou dans le bas-ventre. lis n'avoient qu'un cceur, d'un volume proportionne aux poumons dou- bles qui l'environnoient-, ayant a l'ordinaire deux ventricules, deux oreil- lettes, & les quatre gros vaiffeaux qui , a la fortie du cceur, foumiffoient les divilions neceffaires a chacun des deux faons. A 1'oreillette gauche , qui feroit , dans le cas prefent , mieux nommee l'oreillette de la veine pulmonaire, etoit attache un tres-petit fac charnu, figure corarae un cceur , ayant une cavite qui communiquoit avec celle de cette oreillette. II partoit de cette efpece de petit cceur , & a fa fuperficie , une petite artere qui ne communiquoit point avec fa cavite , & qui s'anattomofoit par pluueurs branches avec les premieres branches de l'aorte ; deux petits canaux arteriels fort courts , fournis par l'artere pulmonaire , communi- quoient encore avec la petite artere finguliere. II y avoit deux veines-caves fuperieures , dont une s'ouvroit directe- ment dans le ventricule droit , fans entrer dans le fac de l'oreillette droite ; il n'y avoit qu'une veine-cave inferieure. Dans le bas-ventre il s'eft trouve un feul foie tres-gros , & une feule veine-porte. Un des deux faons avoit une rate dans la lituation naturelle , l'autre en avoit deux petites dont le volume reuni etoit un peu plus con-; fiderable que la rate unique de l'autre. L'inteftin duodenum de chaque foetus, partant du quatrieme eftomac nomme caillette 3 Ce reurriffoit , a fort peu de diftance de leur origine , en un feul canal qui formoit les inteftins jejunum & ileon, & ce dernier fe divifoit vers fa fin en deux bouts d'inteftins greles dont chacun s'ou- vroit a l'ordinaire dans le ccecum correfpondant, & dela jufqu'a l'extre-: mite du rectum : chaque foetus avoit fes gros inteftins & un anus. Ces fcetus etoient males, & ils avoient chacun deux reins, une ve/Tie, & les parties de la generation bien formees. Le cordon ombilical ^toir fait de la reunion des vaiffeaux ombilicaux d'un des deux fcetus qui les avoit complets avec ceux de l'autre auquel il manquoit une artere. DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. f99 Le fquelette etoit double, & n 'avoit rien de remarquable : la caiffe^r: oflcufe commune aux deux poitrines, dtoit faite, comme elle left ordi- , li.iirement d.in<; lp<; mnndn't Ar> rpttt* ofnpco r^r 1-. ;««A:„.. j «^__ i A N nairement dans les monftres de cette efpece , par la jondion des cotes jeANATOMIE- chacun des deux foetus avec un cote de Tun des fternums, de forte que Anm'e 114-r. chaque (ternum etoit common aux deux fectus, & que fa face anterieure formoit les cotes de l'animal. Le fquelette a etc depofe ati cabinet du jardin du roi. M OBSERVATION A N A T O M 1 Q U E. . u. pe Reaumur a dit qu'un ours dont on vouloit fe defaire; avoit pris interieurement jufqu'a une once d'arfenic , one noix vomique entiere, & une quantite de lublime corrofif fuffifante feule pour empoifon- rer tin plus gros animal, fans que cette quantite de poifons ordinaircment ft aftifs lui eiit procure la moindre incommodite. Ce raeme animal qui avoit retlfte a une fi forte epreuve, a fuccombe facilcment & tres-promp- tement au poifon duquel font enduites les pointes des fleches dont (e fervent les habitans des bords du Maragnon : il en a ete Iegerement pique en deux endroits , au defaut de 1'epaule •, a la feconde piquure , il eft tombe, s'eft debattu, & eft mort en moins de quatre ou cinq minutes. La meme chofe eft arrivee & plus promptement encore a un aigle qui' etoit deftine a orner le cabinet d'oifeaux de M. de Reaumur; a la premiere piquure qui lui fut faite fous l'aile avec la pointe dune de ces fleches, il tomba & mourut en moins de deux fecondes. II faut que les particu'les de cette permcieufe compolition foient d'une etiange a&ivite pour pro- duire un eflet (I fubit. SUR LA LIQUEUR SEMINALE DBCOVVERTE VANS LES OVA1RES DES FEMELLES V I VIP ARES. Ljis opinions des anatomiftes fur la maniere dont fe fait la generation^ dans les animaux vivipares , ont ete extremement partagees : les anciens a - croyo.ent quelle etoit entitlement due au melange des deux liqueurs fe- '7^ minalcs du male & de la femclle : les phyficiens modernes ont adopte une m- autre id=e; felon eux, les femelles vivipares portent des ceufs comme les ovipares-, ces aeufe, places pres de 1'extremite des cornes de la matrice, y tombent des qu'ils ont ete fecondes par la liqueur feminale du male, Us sy developpent; & enfin le petit animal, parvenu au point de pouvoir fubhfter pax lui-meme, brife fes enveloppes, fort de la matrice, & paroit 4es a l'ecartement des deux parties du bee, tous ceux qui ont la moindre teinture de 1'anatomie jugeront aife- ment que ces muicles ont leurs antagoniftes •, e'eft la fituation de ces muf- cles qui leur donne cette propriete, car ils ont tous leurs attaches aux en- virons des precedens ', mais ceux qui font deftines a relever le bee inte- rieur, viennent sy joindre a la partie qui eft au delu & en devaot de fon 4o<5 abr£ge des m £ m o i r e s ; point d'appui, par-la leur contraction a un effet tout-a-fait oppofe a celui que produit la contraction des precedens. AnatOMIE. Cenx qui font Ies abaifleurs du demi-bec fuperieur s'y joignent a l'ex- Anns!c 174S. tremite pofterieure, & Vont fe rendre a la face laterale interne du demi- bec inferieur j & par confequent ils tendent, en fe contradtant , a appro- cher l'efpece de talon du demi-bec fuperieur vers l'extremite anterieure du crane , & par ce moyen a 1'abaiuer. Le point d'appui de ces mufcles abaiffeurs a quelque chofe de fingu- lier, il eft place fur les releveurs meme du demi-bec inferieur-, & par-la, les efforts des mufcles releveurs & abaiffeurs concourant enfemble , leur action en eft de beaucoup augmentee : on ne doit done pas etre etonne de la force que quelques oileaux ont dans le retferrement de leur bee, puifque plutieurs mufcles tres-forts , & tirant d'une facon tres-avantageufe , le reuniffent pour le produire. Telle eft en general la mechanique obfervee par M. Heriflant dans le niouvement du bee des oifeaux , dont nous avons fupprime tout le detail anatomique qui lui fert de fondement , & qui a bien par lui-meme de quoi piquer la curiohte, mais qu'il eut cte impoilible de faire entendre kns le fecours des figures , & qu'il vaut mieux examiner dans le memoire meme de M. Heriflant. o, SUR UN ENFANT Qui a iti trente-un ans dans le ventre de fa mere. n croit communement , & il faut avouer que la plupart des obferva- tions femblent l'indiquer , qu'un fectus mort dans le ventre de fa mere, fans avoir pu en fortir, l'expofe a une mort certaine; cependant quelques oblervations paroiflent faire voir que le fort de la mere n'eft pas toujours determine par celui de l'enfant , & que dans certains cas la nature a des reflources iingulieres pour prevenir ce malheur , qui , au premier coup d'ceil , paroit inevitable. Le fait dont nous allons parler, & qui a ere communique a 1'academie par M". Bourdois & Chomereau , medecins de Joigny , eft precifement de ce nombre. Une pauvre femme de la ville de Troyes, mariee depuis qua- tre ans, & qui avoit fait une faufle-couche dans la premiere annee de fon mariage , devint grofle une feconde fois. Au terme ordinaire elle eut les douleurs & les (ignes qui annoncent un accouchement naturel tres-pro- chain : ces fignes fe lbutinrent dans le meme etat pendant deux jours ; alors on remarqua que la matrice etoit vuide, quoique l'enfant remuat dans le fein de fa mere avec plus de force & de facilite qu'auparavant. Les medecins & chirurgiens de Troyes , qui furent aflembles a ce fu- jet , deciderent que le feul moyen de fauver la mere etoit l'operation ce- farienne ; mais cette femme ne voulut jamais y confentir , & elle aima DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 407 raieux courir tons les rifques de Ton ctat que de s'y foumettre. Dans le — — — courant du mois fuivant, elle cut quelques doulcnrs vives, mais paflage- • res , & tomba dans un ctat de foiblefie & depuifement qui fit craindre N A T ° M ' ** pour fa vie : elle s'en remit cependant peu-a-peu, & an bout de huit mois Annie 1-748. elle fut en etat de reprendre les pcnibles fonciions de fon ctat. Elle a vecu dans cette lituation pendant trente annees, dont elle a paffe les cinq der- nieres a Joigny , toujours groffe, ayant, depuis fon accident, ceffe d'etre reglee , 8c toujours eu du lait dans fon fein. Enfin, le ai juillet 1747, elle mourut a l'hotcl-dieu de Joigny, d'une fluxion de poitrine, agee d'en- viron foixante-uti ans. A l'ouverture du cadavre , on trouva dans le bas-ventre une matte ovale, grofle conime la tete d'un homme, attachee a 1'epiploon, au peri- toine, au mefentere, au fond de la matrice, & qui fcmbloit partir de la trompe droite; en ouvrant cette mafle, qui pefoit pres de huit livrcs,on y decouvrit un enfant male, parfaitement conferve, fans etre environne d'aucune liqueur : la peau de cet enfant etoit fort epaifle •, il avoit de s che>- veux & deux dents incilives, pretes a percer, a chaque machoire. L'enveloppe etoit en partie offeufe & en partie cartiiagineufe ; elle avoit prelque par-tout deux lignes d'epailfeur, & quatre dans la partie conti- guc a l'arriere-faix, lequel avoit la meme coniiftance. La furface externe etoit gamie de petites eminences graveleufes & inegales , & l'interne etoit comme moulee fur les parties uu l'enfant quelle embrafioit etroitement : une ouverture dans l'arriere-faix fembloit deiigner l'infertion du cordon ombilical , qui etoit delleche a un travers de doigt du nombril , comme 11 on y eiit fait une ligature-, d'ailleurs toutes les parties de la mere, & no- tamment la matrice , etoient tixs-iaines & dans leur ctat naturel. Jufqu'ici nous n'avons prefque rapporte que les propres paroles de la dcfcription de ce fcetus, donnee par Mts. Bourdois & Chomereau, & qui fut confirmee par 1'infpecHon de ['enfant meme , que 1'academie a vu d..ns une de fes ieances. Nous allons y joindre les reflexions que fuggera a M. Morand l'examen qu'il fut charge d'en faire. Pour tirer de ce fait extraordinaire toute l'utilite qu'on en pouvoit ef- perer, il falloit commencer par le comparer au peti: nombre de ceux de meme efpece que nous connoiflbns-, car la nature a, jufque dans fes ecarts, une certaine regularite , qu'il importe extreraement de connoitre , fi on ne veut pas rifquer de troubler fes operations en croyant les aider. Le premier pas a faire dans cette recherche a ete de bien conftater les faits : on fait combien les hommes font amis du merveilleux , & que, des qu'U s'agit de faits cxtraordinaires , l'hiftoire degenere aiftiment en fables. De fix faits que les recherches de M. Morand lui ont fournis , il n'en a trouve que trois afTez folidement etablis pour fervir de bafe a les rai- fonnemens phyliques : deux des trois autres paroiff'nt n'etre que le meme, encore tres-peu conftate & fans aucun detail-, & le troiiieme, n'ayani pour garant qu'un article de la gazette de Londres , il y auroit eu une impru- dence roanifefte a en faire uiige. Les enfans de la meme efpece que celui dont nous venous de parlor, A N A T O M IE. 408 ABRUE DES MfMOIRES :& dont les hiftoires ont paru fuffifamment conftatees , font done au nom- bre detrois", celui de Sens, en 1581 , dont i'hiftoire nous a ete confer- vee par M. de Thou, d'aprcs Albofius & Provanchere , medecins-, eeku Annie 1748. de Touloufe, en 1678, decrit par M. Bayle, profelfeur dans la meme ville-, & celui de Leinzell en Suabe , en 1720, dont I'hiftoire fut commu- niquce l'annee fuivante a l'academie. Ce dernier eft conferve dans le ca- binet de M. le due de Wirtemberg a Stutgard', & ce prince permit il y a quelques annees a fon premier chirurgien , de l'envoyer a Paris ou M. Mo- rand l'a vu. II refulte de la comparaifon de ces quatre faits, 1°. qu'il n'eft rien ar- rive pendant le cours de la groffeffe qui ait pu faire prevoir cet cvene- ment; 1°. que la mere a eprouve divers accidens depuis le temps auquel elle auroit dd accoucher , jufqu'a celui auquel la nature eft parvenue a mettre le fcetus en etat de ne pouvoir lui nuire ; 3°. qu'apres un temps plus ou moins long ces accidens ont cede, & qu'il n'eft demeure a la mere que quelques douleurs paffageres tres-fupportables, & le poids joint au volume de ce fardeau quelle a porte fans aucun danger toute fa vie. La mere du foetus de Leinzell oftre une particularite remarquable : elle eut depuis deux couches heureules, & dont les enfans ont vecu; mais le volume habituel de fon ventre n'a jamais diminue , & elle a toujours at- fure quelle etoit demeuree grofl'e de fon premier enfant. Voila a-peu-pres l'effentiel de ce qu'il peut y avoir d'hiftorique fur cette matiere. Exami- nons prefentement ce que Tanatomie & la phyfique peuvent nous offrir pour l'explication de faits auffi finguliers. Aucun des quatre foetus dont nous venons de parler, ne paroit s'etre corrompu dans le fein de fa mere •, il femble pourtant qu'etant morts ils auroient dil neceiTairement fe corrompre , & mettre la vie de la mere en tres-grand danger , tout au moins exciter une fuppuration interieure dont le pus fe feroit fait jour par differens endroits, & auroit entraine en de- tail ce qui feroit refte du petit cadavre par ces ouvertures. On a plulieurs exemples de ces fortes d'accouchemens contre nature : les aclres litteraires de Suede en rapportent un , l'academie en a publie un autre qui lui fut communique en 1701 par M. Littre ■, (a) elle vient d'en donner une fe- conde oblervation dans fon hiftoire de 17+6 , (b) & il y en a eu un dc cette efpece a l'hotel-dieu en 1747. Mais pour expliquer les cas oil le fetus refte tres-long-temps , apres fa mort , dans le fein de fa mere fans s'y corrompre, il faut connoitre le moyen que la nature emploie pour empecher cette corruption , & pour former cette efpece de Doite dans laquelle ces fetus ont toujours etc obferves. L'enveloppe peut etre formee , ou de la matrice meme , ou des enve- loppes du fetus ; fi e'eft la matrice , il eft tres-poflible que la dilatation forcee quelle a eprouvee bien au-dela du ternae de l'accouchement , la forcee quelle a eprou («) Voyez M^m. 1702, CoIIedion Academique, Partie Fransoife, Tome L (i) Voyez Hiftoire 1746, ci-deffus. rende DE L'ACADBMIE ROYALE DES SCIENCES. 409 rende fufccptible de devenir cartilagineule , & mcme oficufc : ccs chan- — — ^^— "—* ccnv.'ns dans fa conliftance peiivent etre reg.irdes comme la fuite dc i'o- a „ , ... , Pi- • • 1 1 -rr oil Pn-i i» . r . , , /V N A T O M I £. bntcration de quelques vameaux , & dc la difference d organisation arnvce dans les autres : la matricc dans laquelle fut trouve le fetus dc Sens, Annit 1748. etoit dans ce cas ; elle etoit dure & comme teftacee. Si au contraire les cnveloppes du foetus ont etc employees a former la boite dans laquelle il eft renferme, la diificulte eft encore moindre, puifque le paffage de l'ctat de membrane a celui de cartilage , & de ce dernier a celui de 1'ofIIrica— tion, eft, dans tous les cas oil ces changemens arrivent, la marche ordi- naire dc la nature •, mais il faut remarquer que cette marche ne va pas au- dela , & qu'ii y a bien peu d'apparence qu'aucune de ces boites ait jamais £t£ pierreufe , comme pluiieurs pliyhcicns paroillent en avoir etc perlua- des. L'extraordinaire n*a pas aifem nt des bornes dans notrc imagination, mais dans la realite il eft renferme dans des limites dont aucun fait ne peut prouver qu'il foit jamais forti. La pretenJue petrification n'a pas plus de lieu a legard du foetus qui l'egard de fa bafe : celui de Sens , qu'on avoir allure bien pofitivement 1 etre , ne l'etoit point •, M. Morand en rapporte deux preuves incontef- tables : Alboluis dit formellement que le crane fut entame par l'inftru- ment tranchant avec lequel on ouvrit la mafle qui le renfermoit, ce qui fait voir qu'au moins cette partie n'ctoit pas petrinee-, & il ajoute que pour derouler l'enfant & le voir etendu , il l'avoit fait macerer dans du vinai- gre, ce qui certainement n'en eut pas diminue la roideur li le foetus avoit ete petrihe-, il n'a pu etre tout au plus qu'incrufte en quelques parties, & deffeche. Nous allons elTayer de donner line idee de la maniere dont ces changemens peuvent s'operer. A mefure que le kifte qui renfermoit l'enfant s'eft durci , il a du de- venir plus petit, comprimer le fectus, & tendre alui faire prendre la figure fpherique ', les fluides qui y etoient contenus en ont du etre exprimes , & depofes entre le kifte & le corps du foetus ; cette matiere a dii s'epaiflir par la ftagnation , & durcir par la chaleur. Le foetus de Touloufe eft une preuve de la realite de cette hypothefe : l'hiftorien rapporte expreflement qu'on obfervoit dans tons les plis une matiere platreufe qui fembloit y avoir ete coulee pour en remplir les vuides. Albolius decrivant celui de Sens , parle aufii de matiere gypfeufe , & e'eft probablement de la ma- niere que nous venous d'expofer, que fe forment amour de ces foetus lesin- cruftations, quand il y en a-, nous difons quand il y en a, car il arrive que!- quefois qu'il 11 'y en a point. Celui de Leinzell en Suabe, n'etoit que def- leche, & il eft aife d'imaginer que cela doit abfolument dependre de la na- ture des fluides exprimes du petit cadavre, & du plus ou moins de faci- lite qu'ils auront a fortir par les pores du kifte , dont l'endurciffement ne fe fait que par degres. S'il ne ie fait point d'incruftaticn , alors le foe- tus devient une momie naturelle , & l'anatomie comparee en fournit pluiieurs cxeinples : on ne fcra pas meme fort etonne de ce delTechc- ment lans aucune pcurriture, fi on confidere que la boite ou Ie kifte dans lequel eft enferme l'enfant ne permet aucune entree a l'air , & que Tome X. Partie Fninfoi/e. Fff +IO ABRHfi DES MEMOIRES jga nulle fermentation ne peut avoir lieu dans un endroit ou ll n'a pas tin . libre acces. A n a t o m i r. Une difficult^ pius con|iderable eft de favoir comment la mere peut Annie 1748. etre garantie des accidens que doit caufer une mafle pefante, & qui peut comprimer durement les parties faiues qui l'environnenf, mais cette dirh- culte s'evanouira li on prend la peine de fuivre la formation de cette mafle dans fes differens etats , & dans les differens Iieux quelle peut occuper : fi elle eft dans la matrice, il eft aife de voir quelle y eft fuffilamment fou- tenue par les attaches de ce vifcere ; & li on la fuppofe hors de la ma- trice , l'experience a fait voir qu'elle s'etoit toujours ( probablement avant fon endurciffement ) menage des attaches avec les parties voilines , qui l'empechoient de flotter irregulierement dansle ventre. La conftrudhonidu corps animal eft telle, que fouvent les remedes aux plus grands derange- mens qui y peuvent arriver, naiffent de ces accidens raerae. Jufqu'ici nous n'avons conlidere dans le memoire de M. Morand que l'ouvrage d'un phylicien eclaire , qui tache de rendre raifon d'un fiitex- traordinaire •, mais dans ce qui fuit, nous avons a rendre compte de l'ou- vrage d'un veritable citoyen. Les principales circonftances auxquelles on doit avoir attention dans ces cas finguliers, pour etre a portee de fecourir la mere fi elle fe trouvoit abandonee par la nature , font une grofiefle portee au terme ordinaire , Tinterruption des fymptomes qui precedent l'accouchement fans aucune difpolition des organes, le poids plus ou moins incommode d'une maffe devenue etrangere , qui ne pouvant etre pnfe pour un fquirre , par l'abfence des fignes qui ordinairement le caraCteri- fent, eft reconnue pour un enfant : k tous ces lignes , on doit diftinguer le cas qui a fait le fujet de la differtation de M. Morand , & etre bien at- tentif s'il ne fe pafle rien qui puifle mettre la vie de la mere en danger; & li elle y etoit , il ne penfe pas qu'on doive hehter un feul moment i employer l'operation cefarienne , qui, dans quelque endroit que puifle ' 6tre l'enfant, eft le feul moyen de fauver la mere, & de laquelle on doit d'autant moins s'effrayer, qu'on fait qu'elle a ete pratiquee plulieurs fois avec fucces. DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 41 A N A T O M I E. JOURNAL Annie i748. Dc la naijpince , du progris & du terme de la maladie contagieufe du gros Betail a IJfurtille , ville du Duche dc Bourgogne i ayec les objervations qui y ont rapport. V^'est a M. le marquis dc Courtivron que nous devons ce journal que Mc'm. nous allons abreger. Le 13 de decembre dernier, on particulier marchand de betail , alia acheter a Chatillon-fur-Seine , diftant d'ltTurtille de douze Iieues , des boeufs qui , contre les ordonnances , avoient ete conduits a une foire •, ce particulier les amena a un village nomine Veurotte , ou il les remit par comroiflion •, l'acquereur s'appercut le jour meme que les beftiaux qu'on lui avoit achetes n'etoient pas fains, il obligea le marchand de les reprendre, & ce dernier conduifit prefqu'immediatement fes bceufs dans 1'elpace de qiutre Iieues, en paflant par Freniot, Barjon & Bonvent, jufqu'a Iffur- tille, ou il arriva le 17; il fit le prix de fon betail avec des touchers, dont 1'un mit dans une ecurie oii il gardoit une vache, le bceuf qu'il avoit achete, il ne le tua que le lendemain tard, & il laiffa aller fa vache, avec les autres beftiaux de la ville, au paturage-, la vache du boucher fut la premiere attaquee, le maitre s'en dtant appercu, la tua &: la vendit le 11 : e'eft a cette occafion que Ton a intente au boucher un proccs , a la fuite duquel il a ete oblige de payer l'amende fixee par les ordonnances, pour avoir achete fans certificat, & vendu fans vifite, le betail qui a donne lieu a la contagion. Avant que de pafler au progrcs de la maladie , il eft bon d'obferver que les boeufs qui l'ont donnee a Iffurtille , l'ont comrauniquee audi a Veurotte ou ils avoient d'abord ete vendus , mais il n'y a peri que quel- ques beftiaux , parce que le particulier qui forca le marchand a les re- prendre tout de fuite , ufa de precaution pour empecher quelques vaches qui avoient communique avec eux , de communiquer loit avec le refta de Ion propre betail , foit avec celui de fes voifins. A l'egard du pre- mier acquereur qui fut oblige^ de reprendre fes boeufs, il ne pouvoit fc difpenfer de les regarder comme fufpeots, Sc les ayant tenu fepares a Fre- niot , lieu de fa demeure , le peu qu'il les garda , il n'y a point donne la maladie •, enfin aucun des lieux par lefquels il a paffe pour arriver a Ilfurtille , ne fe font kntis de la contagion. J'ai cru qu'il etoit neceflaire dc faire remarquer ces circonftances , qui fondent de plus en plus 1'opi- nion , qu'il n'y a guere de voie commune Sc dangereufe de contagion, que la communication direifte d'animal a animal. Fff ij Anatomi e. 411 ABREGE DES MEMOIRES Defcription & fymptomes de la Mdcdie. Annie 1748. Voici quels ont ete les fignes & les fymptomes , plulieurs font com- muns a ce qui a ete obferve ailleurs , mais beaucoup d'autres remarques ont manque ici; j'expbferai d'abord ceux qui ont accompagne la maladie h Iffurtille , apres quoi je dirai un mot de ceux que j'obfervai en 1 745 , & qui ne fe font pas rencontres en dernier lieu. Les beftiaux attaques ont commence a pleurer & a avoir les yeux chaf- fieux-, les nafeaux etoient toujours humedes par une mucolite qui avoit peu de conliftance , ils tenoient la tete baffe , la refpiration etoit ordinai- rement preffee , l'animal ne vouloit point manger , & cela prefque auffi- tot que les larm.es commencoient a couler •, le flux de ventre a toujours accompagne la maladie , il leur prenoit des le commencement , & ne finiffoit que par la mort ou la fante •, prefque toutes les matieres que les beftiaux rejettoient, etoient verdatres ou jaunes , melees, & d'une extreme puanteur -, les battemens du pouls qui , dans l'etat ordinaire de l'animal , ne fe font que de 36 a 38 fois par minute, s'acceleroient jufqu'a fe faire fentir 50 fois ; les beftiaux attaques avoient une toux conliderable & la conjon&ive affez ordinairement enflammee , ce qui faifoit croire l'inflam- mation du cerveau ; ils avoient auffi un tremblement prefque continuel ]e premier ^ le fecond de ces trois derniers iignes ne fe font point trou- ves dans les animaux attaques a Iffurtille , le troilieme n'a point ete gene- ral : beaucoup d'animaux ont eu ici une incontinence d'urine quand le de- Yoiement n'a pas dte violent, & Ton a remarque que quand le devoiement augmentoit, le flux d'urine diminuoiti cependaut la veilie n'a jamais paru dans un etat d'inflammation lorfqu'on a diffeque les animaux morts, ioit que la veffie foit moins fufceptible d'inflammation que les inteftins , foit que d'autres railons ignorees decident linflammatiou a affecter plutdt les in- teftins que route autre panie. Directions. Parmi les diffedYions de pluiieurs beftiaux pris indifreremment fur le grand nombre de ceux qui ont psri a Iffurtille , voici ce qui a ete gene- ralement remarque. La diffe&ion du cerveau n'a jamais offert d'apparence d'inflammation , les poumons n'ont point paru attaques dans aucun des animaux, ce qui eft contraire a l'obfervation faite en 1745 , I'inflamma- tion fe jettoit alors tantot iur le cerveau ou la poitrine : a Iffurtille, tous les animaux diffeques , apres quelques jours de maladie compris entre le 3 & le v , avoient les eftomacs ordinairement remplis des derniers alimens qu'ils avoient pris, mais l'inflammation n'etoit bien marquee que dans les gros inteftins , qui paroilfoient fletris , fphaceles & marques de points gangreneux •, les chairs etoient generalement Iivides, le foie ne paroiffoit point altere •, mais une remarque faite fur plus de trente betes diffequees, c'cft que la Tedcule du fiel s'eft trouvee a tous beaucoup plus diftendue DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 415 & plus remplie de bile quelle n'a coutume de letre dans les aniimux T^ZZ^^^^^Z fains que Ton tuc aux boucherics -, ces veiicules fe font toujours conftam- A men: trouvees plus remplics , a proportion que 1'aiiimal avoit etc plus long temps malade. II n'y a aucun animal ouvert oil Ton n'ait fait cette Annie '1748- obfervation : dans les animaux qui avoient la velicule la moins remplie , il s'eft toujours trouve le double de bile de cc qu'il y en a djns la veli- cule d'un animal de meme taille ; cette bile etoit fort aqueufe, j'en ai fait geler , & il y paroiflbit une iorte de placenta fcuillete , comme il en pa- roit dans du vin qu'on fait concentrer par la gelee : une remarque qui auroit du trouver plutot la place, e'eft que le fang, dans la maladie, aban- donnoit les parties exterieures, & qu'il en paroiffoit , apres la mort , peu dans le cadavre -, des incilions fiites a la peau de 1'animal , ou meme fa- tes profondement, ne donnoient preique point de fang : M. Pelverlier de Gombeau, ci-devant chirurgien- major du regiment de la Sarre, & direc- teur de l'hopital militaire a Spire, aujourd'hui riche particulier d'lifurtille, qui avoit bien voulu le charger des duTections , que je ne pouvois niettre en meilleures mains , ayant fait l'operation de l'empyeme a une de fes va- ches attaquee de la maladie , finit Ion operation fans lui avoir fait verier que fort peu de fang. Le lang, comme je m'en fuis allure par pludeurs experiences , emit fort aqueux , il avoit pen de conliftance : une facon bien limple de s'en appercevoir, c etoit d'en imbiber des linges, qui ne reftoient que fuperticiellement colores. II a ete obferve encore que les ani- maux qui etoient morts vers le neuvieme jour , avoient les inteftins dans nn etat de maceration qui rendoit la plus petite force fuffifaute pour les diviler, liir-tout longitudinalement. Prcgres de la maladie & date de fes ravages. Il y avoit a Ifiurtille , quand la maladie y commenca , 191 betes h comes , tant dans leurs forces que plus agees , ou bien en veaux de lao- nee & de la precedente : le quatrieme jour aprcs la communication avec la vache du boucher dont nous avons parle , plufieurs parurent malades avec les fignes que nous avons rapportes •, Ton arreta ces vaches dans les dairies, & l'on continua de lailler aller toutes les autres du lieu enfemble lorfque le temps permettoit de les faire iortir, & elles fe frequentoient toujours en allant s'abreuver; cela dura aiml jufqu'au 19 de decembre que l'on n'en lailfa plus Iortir aucune : la premiere vache mourut le 27 de- cembre 1747, le cinquieme jour de fa maladie, & il mourut audi le meme jour une jeune vache de 1'annee. II y avoit a Iil'urtille 1 1 5 mcre- vaches 011 bosufs & 77 jeunes beltiaux , tant de 1'annee precedente, que de 1747. Depuis le 27 decembre 1747 jufqu'au U fevrier 1748,11 mourut 171$ betes prifes indifTeremment de tout age; mais deux de ces animaux font probablement morts d'autre chofe que de la maladie contagieufe; favoir, 1'un d'accident , l'autre d'une fuite de pthille. Dans ce nombre il y avoit ici meres- vaches ou baufs ag«,& 75 jeunes beftiaux. 4H A B R E G E DES MEMOIRS S m».miui«jjn. Je dois obfervcr prcmierernent que la maladie fut environ neuf jours i . _ arriver a fa plus grande force, de facon que du 27 decembre 1747 all 5 A n A t o m 1 l. je janvj,er j7^g j J] n'gtoit mort que 24 betes, e'eft-a-dire le huitieme Annte 1748. de ce qu'il y en avoit; dans les neuf jours qui fuivirent, quoique le nom- bre flit deji bien diminue, il mourut 8c beftiaux, e'eft-a-dire, environ la moitie de ce qui reftoit; enfin, dans les neuf jours fuivans, il en mou- rut proportionnelleraent encore davantage, puifque de 85 qui reftoient, il en mourut 61 en ces neuf jours ; le 22 Janvier , il ne reftoit plus que 24 beftiaux, & de ces 24, il en mourut 8 jufqu'au 11 fevrier fui- vant, jour ou Ton enterra la derniere des vaches mortes de la contagion. La feconde remarque, e'eft que tons les jeunes beftiaux ont peri & en plus grand nombre & plutot que les beftiaux ages t de 77 jeunes beftiaux il en perit 75 , jufqu'au 18 Janvier. J'ajouterai encore iei que toutes les meres-vaches qui fe trouverent pleines, avorterent, lorfqu'etant attaquee de la maladie ellcs ne furent pas emportees avant le cinquieme jour. Enfin, il eft refte a Iffurtille 14 mere- vaches & 2 jeunes beftiaux d'un an. De ces 16 animaux 7 ont eu la maladie, & les 9 autres, parmi Ief- quels fe trouvoient les deux veaux , font reftes en pleine fante au milieu de la contagion •, les uns & les autres de ces beftiaux vont donner lieu a quelques remarques. Nous rappellerons ici que des obfervations faites en plufieurs lieux dif- ferens, nous portoient a ranger la maladie du betail dans la claffe des ma- ladies accompagnees d'eruption. L'eruption a toujours paru fauver les bef- tiaux qui ont eu affez de force pour l'attendre •, des abces exterieurs, mille puftules repandues fur la peau , des depots , foit aux yeux , foit aux oreilles, comme je Tai remarque en 1745, ont toujours annonce la gueri- ion de Tanimal, & peu d'exemples y avoient ete contraires : an- lieu de cela , a lilurtille, fur 193 animaux dont 176 font morts & 7 ont gueri , deux feulement ont eu de foibles marques d'eruption , & fun des deux eft mort apres l'eruption faite & quoiqu'affez couvert de puftules, fur-tout a la partie pofterieure •, nn des 7 beftiaux qui ont gueri , s'eft trouve auffi avoir quelques puftules , mais moins abondantes & plus rares que celles de la vache qui mourut : cette vache a pele en quelques endroits , enfuite elle a parfaitement gueri, mais ce n'a ete qu'apres avoir ete bien plus long- temps languiffante que les fix autres dont nous allons parler •, trois femai- nes apres le grand danger paffe , elle avoit encore de la peine a fe lever & a fe foutenir quelque temps fur fes pieds. Les fix autres vaches qui, apres avoir eu tons les (ignes rapportes de la maladie & un devoiement qui a dure onze jours , ont et£ gueries fans aucune marque d'eruption , je les ai fait vifiter au palais , a la bouche , aux nafeaux , & a quelques en- droits 011 des abces auroient pu etre moins apparens , fans qu'on ait de- couvert rien qui annon$at une eruption faite ou commencee. Avant de quitter les animaux qui ont gueri, il faut parler des fignes qui ont accom- pagne 8c fuivi leur guerifon , enfin des difterens degres qui les ont con- duits a la fame : je fais abftraftion ici des rem'edes tentes •, l'incertitude de DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 415 Ieur fucces m'aiitorife affez a n'y pas avoir egard quant a prcfent. II n'y a peut-etre aucun des befliaux qui font morts a Illurtille, fur lefquels on n'ait tente plnfieurs fortes de remedes , & les memes & dans les memes A N A T ° M ' E* dofes dans lefquelles ils ont etc donnes a ceux qui ont gueri. Pour ne rien Annie 1748. negliger cependant, je dirai bientot un mot fur ce qui peut s'y rapporter, Sc }'y joindrai les remarques qui me p.iroitront neceifaires. Befliaux qui ont iti attaquh & qui ont gueri. Les befliaux qui ont echappe ^ la maladie apres en avoir etc atteints, ont cu tous les (igncs de la maladie entierement conimuns avec ceux qui en font morts : leurs yeux ont d'abord ete remplis de larmes qui couloient abondamment, la mucolite des nafeaux etoit abondante, la tete lourde, le devoiement confiderable ; une fuppreffion enticre d'appetit a toujours accompagne ces premiers fignes : il a etc remarque fur le peu d'animaux qui a echappe, que le lixieme jour vers la fin , le devoiement a redouble, forte de crile par laquelle la nature cherchoit & s'ouvroit une route a la guerifon malgic le devoiement qui a continue avec force jufqu'au dixieme ou onzieme jour ; l'animal prodigieulement affoibli a commence des le 7 & le 8 a reprendre & a defirer un peu de nourriture , fur- tout la boi£- fon •, la tete qu'il avoit tenue jufque-la comme immobile , a repris quelque mouvement : quoique couche , il la tournoit & remuoit , principalement lorfqu'on approchoit de la nourriture-, la mucolite des nafeaux & les lar- mes ont commence a diminuer dans l'augmentation du devoiement , la rmicofite moins abondante a paru auffi moins tenue, l'animal a repris en- fuite peii-a-peu des forces avec les alimens , & le devoiement diminuant peu-a-peu a paru laiffer la cure complette vers le quinzieme ou feiziems jour, qu'il n'efl rede aux animaux qui ont gueri, qu'une extreme maigreui & de la foibleffe. Befliaux qui n' ont point (ti attaque's. L e nombre de ces befliaux a ilk de neuf fur la quantitc de cent qua- tre-vingt douze •, de ces neuf befliaux, ilpt etoient des mere-vaches, & il y avoit deux Veaux de l'annee. De tout ce qui exiftoit a Iiiurtille, ccux- la feuls n'ont point eu la maladie-, des fept vaches , fix etoient fort Sgcet & dans un etat de maigreur ordinaire au betail qui vieillit-, la derniere, quoique moins agee, avoit deja porte plufieurs fois. Pendant tout le temps de l'epidemie, ces befliaux n'ont oriert rien de particulier, leur appetit s'eft toujours foutenu •, ceux qui en avoient foin leur ont quelquefois remar- jue une certaine hilarite qui n'efl ordinaire au betail que dans la belle aifon. II eft inconteflable que plnfieurs de ces vaches ont communique' avec celles qui ont ete attaquees , ou qui font mottes. De ces neuf ani- maux, trois ayant ete fepares de tres- bonne heure auroient pu par quelque forte de hafard n'avoir eu aucune communication avec celles qui etoient deja attaquees : pour les fix autres , ils n'ont du leur confervation qu'aux I 4,6 ABREGfi DES MEMOIRES ^ r^S circonftmces particulieres & inconnues de leur temperament ; quatre de- cs vnches etoient pleines & ont porte a bien leiirs veaux, qu'elles nour- A n a t o m i E. riffent< Annie 1748. Dffirens moyens tenth pour le foulagement des befliaux. Sans parler des remedes ordinaires, tels que les cordiaux , les rafrai- chiffans, les faignees, &c. dont le peu de fucces autorife affez mon filence, qui d'ailleurs eft fonde auffi fur l'examen que quelques uns de M«- les medecins de Paris en firent il y a deux ans , je finirai par dire un mot fur les differens moyens tentes pour le foulagement des beftiaux , & fur les appetits marques qu'ils ont fait paroitre. L'on a donne le feu a beau- coup de beftiaux , & voici comme on s'y eft pris : apres avoir incife la peau avec un biftouri, on s'eft fervi d'un fcr plat, arrondi a la lime, comme eft celui dont on fe fert pour donner le feu aux jambes des che- vaux , & Ton a applique le fer prefque rouge aux levres de la plaie. II y a deux ans qu'a un bourg nomme Selongey , lorfqu'on appliquoit le feu vers les premieres vertebres du cou, celles qui font les plus pres de la tete, il eft arrive un accident qu'il n'eft point hors de propos de marquer. Si l'incifion avoit ete profonde , & que le fer defcendit bas , il endomma- geoit un mufcle qui faifoit refter la tete de I'animal , lorfqu'il eft venu a guerir, tantot d'un cote, tantot d'un autre : ce mufcle eft uneelpece dc biceps qui fert a relever la tete de I'animal •, s'il eft endommage a fa bran- che droite, la tete va a gauche^ & au contraire, s'il l'eft a l'autre branche; & s'il fe trouve endommage avant la bifurcation oil dans fes deux bran- ches, la tete refte baiffee : quelques baeufs qui avoient gueri dans le lieu dont je parle , fe font trouves eftropies de cette facon. En Bourbonnois & en Auvergne , quelques perfonnes ayant fait faire line incifion tranfver- fale aux cotes a quelques- uns de leurs beftiaux, j'en ai vu qui avoient les levres de cette plaie couvertes de boutons, ou dont la plaie meme avoit affez fuppure; quelques-uns de ces beftiaux ont gueri, mais beaucoup d'au- tres font morts : ici il paroit que la meme raifon qui a empeche l'eruption exterieure , s'eft oppofee auffi a la fuppuration que pouvoient occafionner ces fortes d'inciiions , & le feu. L'operation que les payfans appellent her- bir j qui fe fait en introduifant de la racine d'ellebore fous la peau, n'a pas eii un meilleur fucces. Afin d'empecher qu'on ne tente des chofes inutiles, je juge apropos de rapporter qu'un gentilhomme pres de Macon a fait infrudueufement donner a du betail malade des fumigations de mercure : mais pour en revenir a ce qui s'eft remarque a Iliurtille fur les appetits fpontanes des animaux attaques de la contagion , j'obferverai que dans ce lieu oil les vins font de la plus mauvaife qualite, fort bas, acides, & tendans a l'aigre plus facilement qu'aucun que je connoilfe, ce vin aigre a paru plaire generalement aux animaux qui ont gueri ; c'eft la derniere nourriture qu'ils aiem quittee & la premiere qu'ils aient rcprife; enfin les beftiaux qui font morts, ont fupporte le breuvage de ce vin & les alimens qui en etoient imbibes, plus long- temps que toils autres. 11 en a ete aind de quelques fruits tres-aigres , de pommes de mauvaife qualite , qu'ils ont paru a a DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 4.17 paru manger volonticrs, foit au commencement de la maladie, foit (poiirSS**"**— *— SS ceux qui out gucri) lorfqu'ils out commence a reprendre quclque nourri- ^ n A t o •( 1 e ture : cependant ces fruits ne font pas , dans les temps ordinaires , des ali- nicns auxquels ils donncnt la preference ; l'avoine & le fon dont on leur Annie 1748. fait des pates, paroitlent bien plus de leur gout : ce fut par une forte de lufard , & limplemcnt 1 caufe du gout que le betail parohToit avoir pour lc vin aigrc , qu'oa leur prefenta de ces fruits. M, OBSERVATIONS A N A T O M I Q U E S. I. .r. pe la To is on, chirurgien de la marine a Breft, a mande a M. Bouguer, qu'une dame de cette ville, qui avoit le vagin li etroit, qua peine pouvoit-il admettre un tuyau de plume , etoit cependant de- venue grofle , & quelle etoit heureufement accouchee aprcs trois heures de douleurs, dun enfant fort & puiflant. Cette circonftance , quoiqu'ex- tremement rare, n'eft cependant pas unique, l'academie a deji rapportc Une obfervation femblable, qui lui fut communiquee en 171 1, par M. An- toine, chirurgien de Mery-iur-Seine : la feulc difference qui fe trouve entre les deux fairs , eft que dans l'obfervation de M. Antoine , le vagin commenca a fe dilater vers le cinquieme meis-, au-lieu que dans la femme de Breft, la dilatation ne s'eft faite qu'au moment des plus fortes dou- leurs , & qu'il a meme fallu forcer les voies par le moyen du doigt. Ces exemples (i linguliers, doivent apprendre a ne pas regarder legerement comme defefperes , les accidens qui paroiflent les plus extraordinaires, & a compter , quoique toujours avec prudence , fur 1« reflburces de la nature. I I. Unh femme de Lu^on , agee d'environ trcnte-cinq a trente-fix ans , portoit depuis treize ans une tumeur qui occupoit toute la capacite du ventre, qui peu-a-peu avoit groffi au point qu'il avoit plus de fept pieds dix polices de tour. Elle mourut , & on fit I'ouverture du cadavre : la peau du ventre etoit epaiffe d'un pouce & demi , & il en fuintoit du pus , a- peu-prcs comme il fuinteroit du lait d'une mamclle qu'on couperoit •> les mufcles etoicnt cfminces, & n'avoient guere que la moitie de leur epail- feur : li-tot que le peritoine fut coupe, la tumeur parut, clle avoit la figure d'une poire applatie, & cachoit tous les vifceres, au point qu'on ne put decouvrir la veffie que par le moyen de la fonde. A la figure de cette tumeur, aux ligamens qui la foutenoient, & au vagin auquel elle aboutif- foit, elle fut ailement reconnue pour la matrice prodigieufement groffie: aprcs l'avoir enlevee on la pcfa, & on trouva quelle pcloit quarante-quatrc Tome X. PartU Franfoi/e. Ggg 4iS ABREGE DES M E M 0 I R E S livres •, el!e fut ouverte , & on prit la precaution dc commencer l'ouver- ture par Ie vagin , pour trouver lcs parois internes , qne l'etrange dernn- A n a t o m i E. ment arr;v^ dans cet organe pouvoit rendre meconnoiffables, effeftive- jinne'e 1-4S. ment on les trouva collees l'une a l'autre, & occupant un tres-petit efpace; cette ouverture fit remarquer des lacis admirables dc vaiffeaux, la confif- tance de la tumeur etoit fchirreufe & mollaffe, felon M. Baron, medecin a Lucon , a qui l'academie doit la relation de ce fait. Ce deiordre n'a- voit d'autre caufe que l'iniprudence qu'eut cette femme etant encore fille, de fe laver les pieds dans le temps quelle avoit fes regies •, il lui confeilla dans ce temps les remedes qu'on emploie ordinairement en pareil cas, mais fes parens s'y oppoferent, &; quand ou voulut les lui adiuiniftrer, il etoit trop tard, & ils furent fans effet. I I I. Le 1 . Juin 1 748 , la femme d'un jardinter accoucha fur le foir , d'un enfant mule vivant , mais qui mourut le lendemain matin 5 elle accoucha enfuite d'un enfant mort, ayant deux tetes. Selon le rapport de la fage- femme qui fit cet accouchement, l'une des deux tetes ie prefenta au paf- fage, & I'accouchement ne fe fit qu'avec beaucoup de temps & de peine, tant de la part de la mere, que de celle de la fage- femme. Latete qui avoit refte fort long temps au paffage , etoit route noire, ce qu'on peiit attribuer au fang qui etoit refte dans les parties fuperieures , accident qui, comme on fait , arrive frequemment dans les accouchemens laborieux : le refte du corps n'offroit a l'exterieur rien d'extraordinaire , fi ce n'eft que la poitrine etoit plus large a proportion que le refte du corps •, il partoit de chaque tete line colonne vertebrale, defcendant pmllelenaent jufqu'aux vertebres des lombes qui ne faifoient qu'une piece jufqu'a l'os fatrum , le cordon ombilical etoit fort petit. A l'ouverture de la poitrine , on remarqua que les lobes du poumon etoient plus eloignes l'un de l'autre que dans l'etat ordinaire, & cela fans doute pour l'infertion de chaque trachee-artere ; ce qui fait voir que cha- que lobe etoit un poumon particulier, quoique chacun ne fut pas divife en lobe droit & en lobe gauche, comme dans l'etat naturel : entre les poumons paroiffoit le cceur, dont la bafe etoit unique, & fe terminqit en deux pointes •, de chaque cote de la bafe partoient les vaiffeaux arteritis & veineux, comme s'il y eut eu deux cceurs fepares : le foie, qui paroiff it unique & faifant un corps continu , etoit cependant double ,_ce qui fe voyoit par une ligne qui en faifoit la feparation dans fa partie cave & moyenne : on remarquoit deux lobules & deux velkules du fiel. II y avoit deux eftoraacs tics petits , de chacun defquels partoient les inteftins greles qui faifoient, joints enfemble , leurs circonvolutions, & fs reuniffoient au carcura qui etoit unique, ainfi que le colon & le rectum: les reins, la veffie & les parties de la generation dtoient audi uniques, * n'avoient rien de particulier. De la partie laterale externe de chaque epine vertebrale , partoient I«s DE L'ACADfiMIE ROYALE DKS SCIENCES. +i9 cotes-, c!lcs fe terminoient a un feul fternum , plus large que dans Ictaf^ ■ "' » nature! : les deux Opines ctoient jointes enfcmblc a leur partie Iaterale in- ^ *. T o m i t tcrne par dc petites cotes un pen coiirbecs, qui n'avoient dc longueur que l'intervalle entre les deux epines, e'eft A-dire, la largcur d'un pouce. Annie tJ-fS. Aucun de ccs deux fujets unis n'avoit eu vie hors du ventre de la mere , du moins u" on veut s'en rapporter a l'enrcuve ordinaire -, car un morceau de chaquc pouiuou ayant etc mis duns leau, ils allerent tous deur an fond. I V. M. Bouvart ayant etc appelle pour voir un homme qui avoit a tvi pied des taches de gangrene leclie , Ie mit a l'ufage du quinquina-, ce re- mede produifit autour des taclics gangreneufes un cercle de fuppuration. Le malade ayant difcontinue le quinquina, la fuppuration s'arreta, les ccr> cles dilparurcnt, & il fe trouva beaucoup plus mal : M. Bouvart lui fit reprendre le meme reraede, qui retablit la Uippuration, & le malade gue- rit en tres-peu de jours. Cette alternative de mieux & de plus mal qui * fuivi li regulieremcnt l'ufage & la difcontinuation du quinquina , fcmble. devoir confiimcr dans la penfee ou Ton eft que ce remede eft peut-etre- audi fpecifique contre la gangrene feche que contrc la fievre. V. O n rcgarde communement le defaut de pulfation du cceur & des arte - res , comtne un des plus tacheux fymptomes qu'on piaffe obferver dans un malade , cependant M. Berryat , medecin a Auxerre , a mande a M. Ferrein qu'il connoiffoit line perfonne dont e'etoit 1'etat nature! : on ne lui pent appercevoir aucun battement dans les arteres les plus extc- ricures , & ou il eft ordinaircment le plus fenlible ; on n'en lent meme aucun a la region du cceur. Cette efpece de phenomene en a impofe a plulieurs medecins qui l'ont vue dans dirlerentes maladies, & qui, fur cette apparencc , ont juge fon ctat defefpere, quoiqiie la maladie flit leg'c- re , & quelle en ait aiiement gueri : dans la plus grande ardeur de la fie- vre, & apres l'exercice le plus violent, le battement du cccur Sz des arteres- n'en eft pas plus aife a appercevoir. Cette perlonne n'a prclque jamais eu de couleur , & n'a jamais ete bieu reglee : elle n'a eu en vingt ans de mariage qu'un letil enfant tres maigre , & qui ne paroit avoir que cinq ou lix ans , quoiqu'il en ait quinze on feize. Elle lent en tout temps du froid aux cxtremites du corps , & eft fort fujette a la fievre & aux autres maladies qui viennent de l'engorge- ment des vailfeaux capillaires; Cette particularite ii peu ordinaire, a fa caufe, fuivant M. Berryat, dans la ftrudture du cceur -, en fuppofant que fes ventricules aient moins de capacite qu'ils n'en doivent avoir , & que n'etant pas fulccptiblcs d'une affez grande dilatation ,■ ils re$oivent line trop petite quantite dc fang, il s'enfuivra que la pointe du coeur ne fe portera pas dans Ie temps de la diaftole jufqu'aux cotes, oil elle a coutuiue de fe faire fentir, par coufc-. Ggg i A N A T O M I £ Annie 1J48. 420 ABREGE DES MEMOIRES ! quent nul battement fenfible du cceur : d'un autre cote la quantite dc fang chaffee dans les arteres etant trop petite , la dilatation quelle bccafion- 'nera, ne s'y fera nullement appercevoir, le fang y aura un eours a-peu- pres uniforme ■, & comme fa viteffe fera beaucoup moindre qu'a l'ordi- naire, il ne paffera qu'avec peine dans les vaiffeaux capillaires, & fera fujet a s'y engorger : dela le manque de couleur , le froid des extremites , le peu d'abondance des regies , & les fievres frequentes auxquelles cette per- fonne eft fujette. t . SuR LES USAGES I Annie 1 ;49- Bift. DU GRAND NOMBRE DES DENTS DU RE QU I N. _l eft difficile de fe refufer a 1'admiration , lorfque dan« 1'etude de la phyfique , on voit le nombre prodigieux de reffources qui font preparees pour remedier aux accidens dont les differentcs parties du corps animal peu vent etre menacees : les animaux terreftres qui font pourvus de dents, ont jufqu'a un certain age , l'efperance de voir celles qu'ils perdent , fe renouveller •, il eft meme , dans pluikurs efpeces , d'une necefljte abfolne qu'elles fe renouvellent , lorfque l'animal a paffe le temps de fa premiere jeuneffe j mais ce renouvellement ou ce remplacement ne fe fait que par le developpement des germes qui fe trowvent dans les alveoles , & qui croiffent & durcifTent lentement pour remplacer les dents qui ont ete perdues. II eft cependant un animal bien autrement favorife de la natureen ce point i il eft vrai qu'il n'eft pas du nombre des animaux terreftres , c'eft un poiffon , & meme un des plus voraces •, fa gueule armee d'un appareil de dents formidable par lui-meme, en contient encore plufieurs toutes for- mees , pretes a prendre la place de celles que la vieillefle ou les accidens lui auroient pit enlever. Ce poiffon eft le canis carcharias ou requin ; Stenon affure avoir compte plus de deux cents dents a un de ces poiffons , & il ajoute en meme temps qu'il ne voit pas quelle utilite l'animal petit tirer de ce nom- bre de dents dont la plus grande partie eft placee a la face interne de la machoire , & recouverte de chairs mollafles & fongueufes. Cette fingularite invita M. Heriffant a verifier l'obfervation de Stenon -, il examina plufieurs tetes de ce poiffon, & trouva que l'obfervation^ etoit exadce, mais il trouva de plus, ce que Stenon n'avoit pas rencontre, l'ufage de toutes ces dents pretendues inutiles , & la maniere dont elles prennent la place de celles qui viennent a manquer. Les dents du requin font plates & de figure triangulaire , elles ne font point engagees, comme celles des animaux terreftres, dans une cavite pratiquee dans l'os de la machoire •, cet os eft entitlement recouvert par une cpaiffe membrane a laquelle les dents font fortement attachees pat leur bafe. Derriere chacune des dents qui garniffent le contour de la gueule da DE L'ACADI^MIE ROYALE DES SCIENCES. 4*1 requin , il y a une rangce d'autres dents couchees les uncs fur les autres — — ■ & fur la face interne de la m.ichoire, a-peu-pres comme les feuilles d'un a artichaut-, la points de ces dents eft tourn^e vers le bas de la machoirc, & elles font reconvenes d'une chair fongueufe & niollaife qa'il taut enle- Anntt 1749. ver pour les appercevoir : les plus intcrieures nieme, fur-tout dins les jennes requins , font membraneufes & prefque fcmblables , pour la conlif- tance, aux dents naiilantes d'un fcetus human. Lorfque I'animal a perdu qaclquc dent, la membrane s'etend vers le vuide quVlle lailfe , & par-la une nouvelle dent fe redrelfe & vient pren- dre la place de celle qui a etc otee : il eft aile dc remarquer les dents qui ont etc ainli renouvellees, car celles qui ne font point etc, font placees dc maniere qu'un de leurs bords eft reconvert par la dent qui les pre- cede, & l'autre rccouvre celle qui les fuit , au-Iieu que les dents qui ont etc renouvellees, font reconvenes des deux cotes par celles qui les joi- gnent, & il eft .life dg, voir que venant du dedans de la gueule au dehors, cette polition leur eft inevitable : on pent meme voir combien de fois elles ont etc renouvellees, car on en trouvera d'autant nioins dans la co- lonne de dents de referve , qu'il y en a en davantage de reraplacees. On voit de plus en dehors du rang exterieur de dents, fur la membrane qui les porte , les impreffions de celles qui n'exiftent plus, & qui font affez femblables aux veftiges qui reftcnt au fond d'un artichaut dont on a ote les feuilles. C'eft par cette mechanique que les dents du requin , plus expofees peut- etre a fe rompre que celles d'aucun animal, par les efforts qu'il fait pour attaquer & pour dechirer fa proie , peuvent etre promptement remplacees lorfqu'clles viennent a manquer-, peut-etre n'eft-il pas le feul a qui cette proprieti ait etc accordee, mais c'eft au moins le feul exemple qu'on ait eu jufqu'ici de ce lingulier renouvellement. SUR LA STRUCTURE DES VISCERES GLANDULEUX, ET PART ICU LI EREM E X T SUR CELLE DES R E I X S E T DU FO 1 E. N. ous avons dit en 1744, {a) en parlant d'un memoire de M. Brrtin Hift. fur la ftrudlure des reins, qu'il y avoit en general deux fentimens fur la ftru&ure de cet organe & des autres vifcercs glaivduleux. Le premier eft celui de Malpighi qui pretend que ces organes font com- pofes de glandes, munies chacune d'un canal excretoire, par lequel s'e- ciiappe la liqueur qu'une infinite de vaiffeaux fanguins qui fe rendent a chaque glande, depofent dans fa capacite par des canaux invisibles. Le fecond eft celui de Ruyfch , luivi en ce point par VicuiTcns; felon cet illuftre anatomifte , les vjfeeres qu'on nomine glandrUeux , ne le font point; ils font abfolumcnt vafculeux, & cela dans le lens le plus etroit, (<0 Voyez Hifi. 1744, Collect. Acad. Part. Franj. Tome IX. .411 A B R E G E D E S MtMOIRES _ c'eft-a-dire , abfolument compofes de vaiffeaux fanguins, arteriels & vei- neux , fans aucune fubftance diftin&e & feparee de ces vaiffeaux •, il pre- A n a t o m i e. ten j ^ jes tUyaux prtjtendus excraoires , ne font autre chofe que Ie Auni'e IJ4S- prplongcrocnt de queues raraeaux arteriels, & ce dernier fyfteme fernbls etre le plus generalement recu. Ce qu'il y a de tingulier , c'eft que dans le rein on trouve en quelqua forte des preuves de 1'un & de l'autre •, auffi M. Boethaave n'a-t-il pas . he-lite a reconnoitre dans cette partie la realue des deux fyftemes : il fc fait , felon lui , dans le rein , deux fortes de filiations , & il y t.rouve deux efpeces de canaux excretoires •, les tins viennent , fuivant le fenti- ment de Ruyfch , des rameaux arteriels, & les autres, fuivant celui.de Malpighi , des grains glanduleux. M. Ferrein s'eleve aujourd'hui prefqu'egalement contre Tune & Tatitre hypothefe , & par confequent contre celle de Boerhaave qui en eft un compote-, ces parties font, felon lui, un afferablage merveilleux, non de glandes, comme le pretendoit Malpighi, non de vaiffeaux fanguins, comme l'affure Ruyfch, mais de tuyaux blancs cylindriques differemment replies, qu'il a vus fenliblement dans les reins, qu'il croit avoir bien certainement remarques dans le foie & dans les capfules atrabilaires , & qu'il croit de- voir reconnoitre dans d'autres vifcercs. Nous allons prefentement dire un mot des raifons qui l'engagent sk rejetter les opinions de Ruyfch & da Malpighi. Si les organes en queftion n'etoient, comme Ie pretend Ruyfch, qu'im affemblage de vaiffeaux fanguins , leur fubftance paroitroit toujours rouge & la loupe & au microfcope, fur- tout lorfqu'on les prendroit dans le temps & les circonftances oii les vaiffeaux doivent etre le plus remplis de fang; cependant, & dans ces circonftances meme, M. Ferrein a toujours vu la fubftance propre de ces organes , parfaitement diftin&e des vaillcnux fan- guins, d'un blanc un pen tranfparent, prefque fembbble a line gelee ■, il a rempli les vaiffeaux arteriels & veineux dune injection rouge tres-pene- trante , fans que la couleur blanche de cette fubftance en ait fouffert k rnoindre alteration. Quelle eft done la caufe qui a pu faire illufion a un anatomifte auffi exad que Ruyfch ? M. Ferrein en foupconne deux : la premiere eft que l'injedtion dont il fe fervoit, s'echappoit, comme il l'avoue lui- meme, en maniere de rofee par les pores des vaiffeaux , & que par ce moyen elle teignoit la fubftance propre des parties, d'une couleur qui leur etoit etran- gere; & la feconde, qu'il ne faifoit ordinairement fes demonftrations & fes etudes que fur des pieces preparees qu'il confervoit : or la fubftance blanche de ces vifceres fe retire , s'altere , & difparoit meme entierement dans les pieces feches. II n'eft done pas etonnant que Ruyfch , ne voyant plus cette fubftance, ou la voyant teinte d'un rouge qui lui eft etranger, ait affure que les organes en queftion n'etoient compoies que de vaiffeaux fanguins. Les obfervations de Malpighi paroiffent a M. Ferrein dignes d'une plus grande attention que celles de Ruyfch ; mais il penfe qu'il ne s'eit pas DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. Aif mnins ecarte du vrai que lui dans ce qu'il croit avoir remarquc de la ftruc- ■■»i"—»< ture du cervcau , du foie , de la rate & des reins. La cuiffon que cct illuftre anatomifte, & ceux qui l'ontfuivi, croyoient N A T ° M '' iriceflaire pour examiner le cervcau s faifoit neceifaircment retircr ce vif- AlUlti i>. cere & lc rendoit friable-, il s'en det.ichoit des parties irregulieres , aux- quelles il n'a fallu qaun peu d'imagination pour donner la figure & le nom de glandes -, celles qu'on atuibue au foie ne font que des lobules encore revetus d'une membrane qui (outient la hibftance molle de cet organe , & d^ns lclqucls on ne trouve aucune cavite : celles des reins &: de la rate ne paroiflent pas a M. Ferrein plus folidcment ctablics. II eft bon cependant d'eclaircir un fait qui paroit favorifer le fenti- ment de Malpighi, & meme cekii de Ruyfch : U a obferve dans quelques- uns des vifceres dont nous parlous, des points rouges, ronds, circonf- crits en apparence , & qui refi'emblent bcaucoup a des glandes : i!s ne tor- ment pas precifement la fubftance , ou le fond principal de la fubftance de ces organes, ils y paroiflent feulement repandus de diflance en diPtan- ce •, li on les examine avee attention , & en employant des verres aiTez forts, on decouvre que ces points font differemment compofes ; les uns ne font autre chofe qu'une limple continuite de la fubftance blanche du vifcere, qui fe trouve en apparence plus coloree que le refte par une plus grande quantite de vaifleaiix fanguins : les autres ne font produits que par deux ou trois petites branches artcrielles qui fe plient & fe replient fur elles-memes , puis fe redreflent pour coritinuer leur chemin. On n'a dans l'anatoniie moderne que deux exemples d'organes abfolu- ment compoles de tuyaux-, mais ce qui eft bien digne de remarquc, e'eft que les tuyaux qui forment ces organes ne font nullement des vaiileaux tonguins-, le premier de ces exemples eft du k Graaf , & e'eft le tefticule, qui eft compofe de tuyaux blancs cylindriques diftcremment replies •, le fecond a ete fourni par M. Ferrein lui- meme, & e'eft J'uyee, qui eft for- mee de vaufeaux artcriels & veineux parfaitemeut blancs, & qui ne cha- rient que de la limphe. Une femblable compofition ne parut pas a M. Ferrein devoir etre bor- nee a ces deux parties, il foupconna quelle pouvoit etre employee dans d'autres vifceres, & rechercha foigneulement ti elle ne l'ctoit pas dans le foie & dans les reins ; il n'y decouvrit d'abord qu'une infinite de particu- les, blanches dans la fubftance corticale du rein, & jaunatres dans le foie, qui etoient pour la pitipart irregulierement rondes & oblongues, & qui lui parurenr, an premier afpedt , etre des glandes; mais bien des raifons, & fur-tout leur nombre, qui ctoit de plufieurs millicrs dans l'efpace d'une ligne, le fircnt douter que ce fullent de vtritables glandes, & il refta fcir- lenient convaincu que la fubftance du foie & celle de li partie corticale des reins etoient compofees de la meme maniere. En fin un heureux haf.-ird lui mit edni le- mains la folutiort de cette dif- ficulte 5 en diflequant un foie obftnie, il remarqua cue tens ces points qu'il avoit remarques fe prefentercnt a lui, non plus coromc des glandes, mais comme des inflexions de filets blancs extreme incut delks , qui 4z4 A B R E G E DES MEM01RES igMg iembloient fucceffivement tracer plulieurs figures pareilles. Cette decouverte ~ l'anima a rechercher fi la meme ftru&ure ne fe montieroit point dans d'au- A n a t o m i t. {res t-0jcs . jj ia vit ,jans pius d'un , quoique pas avec affez de certitude Annie 1740 Polir fe ^tisfairc •, mais ayant examine des reins, il y trouva ce qu'il cher- choit, avec la plus grande evidence & la plus conftante uniformite •, il vit que tous ces grains qu'il avoit obferves n'etoient que les points les plus iaillans des inflexions , que font fans ceffe les tuyaux blancs qui compo- fent la fubftance corticale du rein , & qu'il nomme pour cette raifon tuyaux blancs corticaux. , , . • Cette clef une fob troiivee , la ftru&ure des reins & du foie n elt plus on myfbere , & nous alions tacher d'en donner une legere idee d'apres M. Ferrein. Les reins font fimples dans plulieurs animaux, comme dans le raouton; alors la fubftance corticale forme une cfpece d'ecorce fort epaifle qui occupe feulement la circonference du rein : la fubftance medullaire ou fibreufe en eft enveloppee , & elle eft compofee de traits en maniere de fibres qui paroiflent fe terminer au baffin. Dans d'autres animaux, chaque rein eft compofe de plufieurs pctits reins fimples, ou feulement contigus, & formant une efpece de grappe, ou vrai- ment continus & reunis en un feul tout. Dans l'un & l'autre cas, chaque petit rein eft enveloppe de fa fubftance corticale , qui en er.ferme une autre plus rouge , reprefentant une efpece de globe plus ou moins regulier, & degenerant en une partie qu'on nomme papille , a caufe de fa reffemblance avec celle des mamelles : cette fubf- tance interieure fe nomme mldullaire & fibreufe. Le rein de l'homme eft de cette derniere efpece •, il eft compofe de plulieurs petits reins qui ont chacun un globe de fubftance^ medullaire , couvert par-tout d'une enveloppe corticale , excepte da cote qui fe ter- mine a une papille. Pour fe former une jufte idee de la competition du rein, qu'on ima- gine environ vingt-trois reins fimples dont le globe medullaire foit en- veloppe par-tout de la fubftance corticale , excepte a I'endroit de !a pa- pille ; qu'on retranche a chacun de ces reins une partie de leur enveloppe corticale, pour en faire des efpeces de vouffoirs qui fe puiffent joindie, & que les papilles fe trouvent routes, en dedans, alors on aura un affem- blage affez femblable au rein de Thornine , fi ce n'eft que des vingt-trois reins fimples que nous avons fuppoCes , il y en a plufieurs qui s'uniffent enfemble pour former un des vouffoirs dont nous avons parle, qui ne font qu'au nombre de douze. II fuit de cette conftru&ion , que la fubftance medullaire du rein total n'aura pas une figure globuleufe , mais elle formera au-dehors , au moins dans le fcetus , autant d'eminences qu'il entre de globes particuliers dans fa compoution , il y aura auffi dans la cavite du rein un pareil nombre de papilles-, il fuit encore que la furface qui fepare la fubftance corticale & la medullaire , ne fera ni uniforme ni parallele a la furface exterieure du rein, mais que les deux fubftances paroitront entrer l'une dans l'autre, en forte qu'J DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 415 qu'il y aura des prolongemens de la fubllancc corticale qui preienteront aux — — — — ■ yeux unc efpece de pyranride dont la bafc eft a la circonferencc du rein, ^ & la pointe toumee vers fa cavite, & d'un autre cote, des prolongemens de la fubftance medullaire dans la corticale. Annce 1*4$. La furfice extcricure du rein paroit compofee d'une infinite de gros points blanchatres d'environ deux cinquiemes de ligne de diametre, & de figures difterentes ; ces points qui out tant de fois ete pris pour des glan- dcs, font feparcs par des interfaces rouges; ils font la bale d'autant de pr- ramides blanchatres qui vont de la furface de chaque rein limplc jufqu'a la papille : elles forment la fubftance corticale par leur portion la plus large, & la medullaire par la plus etroite , leur affemblage compofe toute la fubf- tance du rein. Les intcrftices rouges dont nous avons parle, les accom- gagncnt & feinblent marquer la feparation qui eft entr'elles ; nous difons lenible nt marquer , parce qu'en eftet cette feparation n'eft pas reelle , & que la fubftance blanche des pyramides y exifte , mais y eft feulement ca- chee par les vailfeaux fanguins qui s'y trouvent en plus grande quantite : cette partie rouge eft un peu moins marquee dans la partie corticale quo dans fa fubftance medullaire. En diiTequant des reins humains , M. Ferrein a etc alfez heureux pour appercevoir les prolongemens de la fubftance medullaire qui penetrent la corticale ; ils y font recus dans antant d'enfoncemens qu'il nomme Ioges corticalcs, & ces loges lont terminees par une efpece de voiite vers I* furface exterieure du rein. Ces prolongemens forment les axes oil le noyau des pyramides dont nous venous de parler , & leur nombre eft precifemeni le mime que celui des pyramides. Tout ce que nous venous de decrire s'appercoit aifement a la vue fim- ple; mais pour examiner la ftru<£hire interieure de chacune de ces parties, il faut employer la loupe & le microfcope. On voit alors que les points blanchatres font formes par l'aflemblago d'une infinite de tuyaux blancs cylindriques, & que les interftices rouges qui les (eparent, contiennent audi de ces memes tuyaux, mais en moindre nombre. En ouvrant la fubftance du rein , on y voit la menie chofe •, le» tuyaux blancs fe retrouvent , quoiqu'en plus petite quantite , dans les in- tervalles rouges qui feparent les pyramides-, en un mot, ils forment toute la fubftance corticale , a 1'exception des prolongemens de la fubftance me- dullaire-, ils fe rcplient & fe grouppent en milJe manieres, qui prefentent meme aux yeux un fpe<5tacle qui n'eft pas fans agrement ; mais ils rie for- ment, par leur affemblage, rien qui ait l'apparence de glandes. Ces vail- feaux font tons de meme grofleur & fins aucune diviilon; leur diametre cgale celui d'un brin de coton non file, & M. Ferrein les a vus fouvent accompagnes de vailfeaux fanguins encore plus delies , & qui fe perdoierrt dans les parois de ces vaifTeaux corticaux. L'intervalle qui refte entre tons ces tuyaux corticaux, eft, felon M. Fer- rein , deftine a loger les arteres & les veines qui y apportcnt le lang 8c Ten remportenf, mais de plus, il y a bien nettcment dilcerne une iubf- tance gelatineufe, tranfparente •, telle en un mot, que malqre l'efpcce dc Tome X. Partie Fmncoije. Hhb 4i£ A B R t G t DES M£ MOIRES ridicule qu'on a voulu jetter fur cette idee des anciens , il n'a pu fe dif- penfer de la reconnoitre pour une efpece de parenchyme. Ce n'eft pas meme dans cette feule partie qu'il a decouvert une pareille fubftance , il jjaq. l'a obfervee dans l'uvee & dans le tefticule, ou elle fert a foutenir les vaiffeaux blancs qui compofent ces parties , & dont elle femble jufqu'ici etre la compagne infeparable. La longueur de ces vaiileaux, en les concevant mis au bout les uns des autres, eft immenfe, un efpace d'une lignc carrce peut en contenir au moins deux mille cinq cents, d'oii M. Ferrein infere, par un calcul facile, que fi on aflembloit bout a bout tons les tuyaux blancs qui compofent la fubftance corticale d'un rein humain, ils formeroient une longueur de 6o,oco pieds ou de 10,000 toifes, 011 cnfin de cinq Iieues. C'cft au moyen de cet appareil merveilleux de tuyaux que l'urine fe fepare du fang ; mais comme, pour fe rendre de la fubftance corticale au baffin du rein, cette liqueur doit traverfer neceflairement la partie medullaire, nous allons ta- cher de demeler fa ftruclure, & d'en donner l'idee d'aprcs les obfervations de M. Ferrein. La partie corticale du rein, compofee, comme on a dit, de vaiflcaux blancs, donnoit au moins lieu de foupconner que la partie medullaire pourroit bien etre formee de pareils tuyaux , & invitoit M. Ferrein a s'af- furer fi cette idee etoit vraie, il le fit, & k peine eut-il jette les yeux amies d'une forte loupe , fur cette partie du rein , qu'il reconnut que ce qui avoit ete regarde comme des vaitleaux fimples 011 des fibres, etoit un amas prodigieux de petits tuyaux, les uns blancs, les autres rouges, tous extremement delies, mais diftinc~ts & detaches les uns des autres : il eft vrai que ces tuyaux ne paroiflent pas egalement dans tous les reins , mais les experiences faites fur la partie corticale lui avoient appris que la circorif- tance la plus favorable pour les voir , etoit de choilir des reins d'un fujet un peu age & mort d'une longue maladie. Les vaiffeaux rouges font evidemment des vaifieaux fanguins, ce font eux que Ruyfch , qui ne les avoit jamais vu que rernplis d'injeciion , pre- noit pour les tuyaux urinaires ; mais ils n'en font nullement , ce font les tuyaux blancs qui font cette fon&ion : ces tuyaux paroitfent exaftement cylindriques , ils font bien plus delies que les tuyaux corticaux , leur blan- cheur eft auffi moindre que celle de ces derniers ; mais ce qu'il y a de plus etonnant, c'eft le nombre de leurs circonvolutions; ils vont, en ferpen- tan* continuellement , fouvent meme en fe recourbant pluiieurs fois fur eux-memes, & formant de petites maffes irregulieres , fe rendre de la cir- conference du corps medullaire vers la papille : ils prennent naiflance du corps cortical. Chacun de ces prolongemens de la partie medullaire , qui penetre la fubftance corticale, & defquels nous avons parle ci-delfus, n'eft qu'un faifceau de ces tuyaux ferpentans qui partent de l'interieur de la loge corticale , ou les prolongemens font recus , les uns du fond & les autres des cotes-, il en part des autres endroits par lefquels la fubftance corticale touche la medullaire. Les aifemblages.de ces tuyaux paroiflent aller tou- jours en fe retreciflant depuis la circonfprence du corps jasdullaire jufc^ui DE L'ACADEMIE ROYALE DIS SCIENCES. 4*7 la papille, mais le diametre propre de chaque tuyau ne diminuepas : il e!imm ■■ ■ done neceffaire qu'ils fe joinnent & s'abouclicnt les 11ns aux autres. Cell a „ ._,»»,». ce que M. rerrein na pu oblerver lmmcdiatcmcnt dans le rein humain , mais il la vu plulicurs fois dans cckii des oifeaux', ce qui ell bien lingu- Ann't i~ , lier, cell que dans l'homme, ou la incmc jonclioii de ttiyaux doit neccl- iairement avoir lieu, les troncs ne paroiffent pas [>lus gros que lesramcaux qui s'y jettent ; chacun de ces troncs ne s'ouvre pas immediatement dans la papille, corame on l'avoit penfe , en prenant les failceaux de ces vaiffeaux Wanes pour les tuyaux urineux, mais chaque ouverture dc la papille repond a une clpece de cul-de-fac d'environ line Iigne & demir de profondeur, dans lequel un nombre prodigieux de ces tuyaux va s'ouvrir. Telle ell done la compoiition admirable de 1'organe delline a feparcr l'urine-, un nombre prodigieux de vaiffeaux fanguins tres-vilibles, quoiquc plus delies encore que ceux dont nous venons de parler, fe terminent dans les parois des vaillcaux blancs corticaux , & y dcpolent l'urine, qui eft obligee de luivre leurs longs detours avant que de paller dans les tuyaux lerpentans qui la conduilent aux papilles. II n'eft pas toujours aile d'appercevoir tout cet apparcil de vailTeaux dans le rein de l'homme, il faut, coram: nous l'avons dit , choilir les circonf- tances les pins favorables : M. Ferrein a cherche a revoir les memes orga- nes dans les reins de difKrens animaux, & il n'en a point trouve, parmi les quadrupedes, de plus proprcs a bien voir toute la ftru£lure dont nous avons parle, que ceux du cheval mortifies pendant quelques jours, & en- luite maceres ; ils oftrent a la vue armee d'une forte loupe , & aidee de la lumiere la plus vive du foleil , tout l'appareil dont nous avons parle. Mais de tous les animaux que M. Ferrein a dilleques , il n'en eft point dans lefquels on puille voir la texture interieure des reins avec tant de facilite que dans les oifeaux , fur-tout fi on a foin de les lailfcr mortificr plulieurs jours, & qu'on ne trav.iille a cet examen qu'un peu avant que les entrailles commencent a fe corrompre. Les reins ne font pas difpofes dans ces animaux comme dans les qua- drupedes, ils font fort longs, fort larges, & places immediatement ious la partie de l'os du dos qui s'etend depuis la poitrine de l'oifcau jufques an croupion : ces reins n'ont point de baffin , & l'uretere a un tres-grand nombre de branches qui partent des diflercntes parties $e ces reins, le long deiquels elle ell comme couchee ; toutes ces branches ou rameaux font ici la meme fonclion que les calices dans les autres animaux. On retrouve dans les reins des oifeaux les memes tuyaux que dans les reins de 1'homme, mais cependant avec quelques differences; les vaiffeaux corticaux , par exemple , y font difKremment replies & entafles les uns fur les autres: les vaiffeaux medullaires .111 contraire lont dilpofes par faifceaux , ic fans taire que de legeres inflexions, les uns & les autres ne laiffenr en- tr'eux que 1'elpace neceffaire poiur loger les vaillcaux fanguins & unc petite quantiie de parenchyme. On pourroit cependant fe tromper fur leur nom- bre, on voit dans quelques reins des efpaces qui en paroiffent denues,& cettc apparence vient probablement de ce que la matiere blanche qui les Hhh ij 4i» ABREGE D E S MEMOIRES rpnrl ordinairement fenlibles, ne s'y eft pas arretee •, mais li on examine • d'autres reins de la merae efpece, on retrouvera ces memej endroits audi A k a t o m i e. r 1Js de vai(j-eaux qUeles autres. Les tuyaux des reins des oifeaux difte- Anntt z"49. rent encore de ceux du rein de l'homme en un point bien cflentiel; ces derniers font par-tout de meme calibre, au-lieu que chez les oifeaux, les tuyaux qui compofent le rein, forment en s'uniffant, des efpeces de troncs qui grodident peu-a-peu, & fe terminent enfin aux vaideaux medullaires qui n'en lont qu'une continuation. Une autre difference du rein des oifeaux d'avec le rein humain , eft que les tuyaux medullaires y font plus gros que les corticaux , au-lieu que dans Thomme'ils font au contraire plus fins; ils fe reuniffent en avancant vers les branches des ureteres, & a mefure que leur nombre diminue, leur ca- libre augmenre. Les tuyaux de la fubftance medullaire fe terminent dans l'homme, non immediatement a la papille, mais dans des efpeces d'enfoncemens qui re- pondent aux ouvertures dont elle eft percee; dans les oifeaux il n'y a point de papilles, mais les troncs des vaiffeaux medullaires fe rendent dans quel- ques petits troncs tres-courts , qui communiquent aux branches de l'ure- tere , 8c qui font la fonction de ces enfoncemens dont nous venons de parler. Jufqu'ici nous n'avons prefque parle que de la ftru&ure du rein , qui , comme on a vu, eft prefque entitlement compofe de tuyaux b lanes •, il etoit bien nature! de penfer que la meme compolition vakuleufe auroit lieu dans d'autres parties : M. Ferrein l'avoit deja obfeurement appercue dans le foie humain , & la comparaifon qu'il a faite du foie & du rein des oifeaux , l'a confirme dans cette opinion -, il a remarque dans le foie de pluiieur* oifeaux, des parties li femblables a celles de leurs reins , qu'il lui eft quelquefois arrive de prendre les unes pour les autres : il eft vrai que les vaideaux du foie qui compofent ces parties, ne font pas a beau- coup pres audi aifes a voir que ceux du rein •, mais enfin on en appercoit quelques-uns , &, ce qui eft edentiel, ceux qu'on appercoit, paroident difpofes de la meme maniere que ceux du rein humain : il y a done lieu de croire que l'analogie qui fe foutient dans tout ce que nous pouvons voir, fe foutient audi dans ce que nous ne voyons pas. M. Ferrein a obferve encore les memes choles dans les capfules atrabi- laires de rhomme; ces capfules ont, comme les reins, une fubftance cor- ticale qui en enveloppe une medullaire , & cette fubftance fe divife & fe fubdivife en plufieurs lobules, dans lefquels on appercoit des partiailes toutes femblables a celles qu'on remarque dans le foie de l'homme & dans celui des oifeaux; ces particules ne font nullement des glandes, & M. Fer- rein meme a vu bien certainement a la furface interne de cette partie corticale, des vaiffeaux cylindriques difteremment replies & entafies les wns fur les autres. Tons les organes dont nous venons de parler, font extremement delies & difficiles a decouvrir ; ce n'eft qu'en profitant de toutes les circonftan- «es favorables, qu'on y pent parvenir. Pour prevenir l'erubarras dans lequel DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 415, fe pourroicnt trouver ceux qui voudront verifier par eux-niemes les de- — «— — — couvertes de M. Ferrein , if a joint a fon memoire one inftniction qui . contient toutes les cliofes auxquellcs il eft neceffaire d'avoir egard, & que ' N A T ° M fori travail & fon experience lui out apprifes-, il epargne genereufement la Anntt i"49- mjme peine a ceux qui voudront fe livrer a ces recherches. De tout ce que nous venous dc dire , il refulte que la Itructure des vifceres nommes glanduleux a etc jufqu'ici bien peu connue-, l'idec des vaiifeaux fanguins, dont on veut, aprcs M. Ruylch, que la plupart des organes foient compofes , a ecarte celle d'une fubftance particuliere qui conftitue feule tine giande partie du corps humain , & a iulpendu par-la des recherches qui certainement auroicnt pu perrettionner l'unatomic, l'e- cononiie animale & la medecine. Un des grands inconveniens des iyfteines eft que non- feu lenient ils ne ruenent pas toujours a la verite , mais que fouvent meme ils en cac'hent en quelque forte les routes, & empechent d'y parvenir. O B S £ R V A T I O N S ANA T O M I Q U E S. u x jeune homme d'Auxerre avoit eu die totit temps la vue tres-tendre, Hifi. & l'ouverture des prunellcs placee excentriquement & tout au haut de l'irisj line extreme facilite d'apprendre dont il avoit ete pourvu par la na- ture , engagea fes parens a le mettre an college , & il ne fe porta mx etudes qu'avec trop d'ardeur : tout-a-coup il s'appercut dun petit image mouvant qui paroiilbit fur fes livres, & l'empechoit d'en diftinguer le* carncteres •, il prit cet accident pour un tiblouilfement , mais voyant qu'il ne finilioit point, il s'adrelfa a M. Berryat, medecin de cette ville, & cor- refpondant de l'academie. I/ceil droit, qui etcit le malade, ne luf-panfl: atteint que d'une legere ophthalmie , a laquelle on ne pouvoit attfibuer le nuage en queftion , du refte nulle tache a la cornee, qui paroiffoit parfai- tement laine & entiere ; cependant,^a force d'examiner l'ccil malade, il appercut dans la chambre anterieure , & au milieu de I'humeur aqueufe qui la remplit, un corps rond, folide , d'une certaine epaiflcur, mais trans- parent, & par-la prefque imperceptible-, il fe contenta pour lors de pref- crire les remedes neceffaires pour faire difparoitre 1'inflammation , efperant decouvrir enfuite avec plus de facilite & de certitude ce qu'etoit le mal , & ce qu'on pourroit faire pour y remedicr. Le malade etant venu poor quelques affaires a Paris, fuivit le confeil que M. Berryat lui avoit donne, & s'adreffa a M. Ferrein •, celui-ci eut bientot reconnu que le corps etran- ger etoit le cryftallin meme forti de fa place ordinaire, & paffe dans la chambre anterieure de l'ceil ; les efforts que la iituation linguliere des Frunelles de ce jeune homme l'avoit force de faire pour lire aifidument, avoietit probablement dechatonne, il avoit etc enluite chaife, par 1'ou- 4-5» A B R t G I DES MEMOIRES — — ^— — —— veiturc dc la prunelle , jufqiies dans Li chambre anterieure ou il fe trou- A voit, & l'efpece d'immobilitc dans laquelle on le voyoit, ne venoit que de la predion que la cornee exercoit lur 1m. M. cerryat , informe par 1c Annie t74Q. itialade , a fon retour, de cet accident li lingulier, examina l'autre ceil, & y furprit le cryftallin qui ne faifoit encore que commencer a fortir •, pour Jors l'ophthalinie- etoit diffipee , &. le malade prefloit beaucoup pour que l'bn attaquit direcrement le mal qui offejifoit la vue ; rnais M. Berryat iui lit oomprendre quii pouvoit y avoir du danger a tenter la resolution du cryftallin , & qu'il valoit mieux fe contenter d'ejoigner 1'inflammation par des remedes convenables , & fe repo.fer du refte fur la nature. Ce fage confeil fut ftiivi du fucces le plus complet-, fans employer d'autres remedes qu'un regime convenable, & un emplatre vedcatoire , l'oeil le plus malade le trouva beaucoup mieux, mais pendant ce meme temps le cryftallin de l'autre acljeva de palTer dans la chambre an^erieure, & les deux yeux fe trouverent atteints de la meme maladie •, cependant le meme regime & le meme emplatre continuerent a produire ieur eftet, les deux cryftallins seclaircirent & diminuerent de volume , en forte qu'ils ne s'etendoient plus fur les pupilles. Le malade voyoit, avec cette linguliere circonftance, que les objets eclaires du foleil etoient ceux qu'il voyoit le moins ; ils af- fe&oienf fes yeux comme le foleil regarde dire&ement affe&e des yeux bien fains ; mais ayant neglige I'emplatre velicatoire , & s'etant expofe a un foleil trop vif , l'ceil droit fut faili d'une inflammation qui reiifta a tons les remedes, & le malade perdit abfolument l'ufage & la vue de cet ceil : le cryftallin devint en huit jours abfolument opaque, & G gros qu'il emplif- foit toute la chambre anterieure •, heureufement l'autre ceil n'eut point de part a cette inflammation , & il eft demeure a-peu-pu-s dans le meme «tat. Le malade peut lire fans verres les titres des livres , il diftingue de meme tous les objets plus gros, pourvu qu'ils ne foient pas trop eclaires; mais pour ceux qui font plus petits , il ne les appercoit en aucune facon , & les objets trop lumineux continueut a l'eblouir : ce fait merite d'autant plus d'etre remarque, qU'il paroit jufqu'a prefent unique , & qu'il eft, par confequcnta utile qu'gn sji .cpnnoiffe la pgffibilitc, II. M. de Reaumdk a fait voir un ceuf de poule , dont la coque etoit comme herilfee d'une infinite de petits corps blancs de la grofieur a-peu- : pres d'un grain de millet : ces petits corps , vus a la loupe , avoient la figure d'un ceuf-, ils. etoient revetus d'une coque de la meme nature, & on trouva dans tous ceux que Ton ouvrit , line efpeee de mucilage a du blanc d'au£ III. Une petite fille de Breft, agee de fept ans en 1749 , avoit eu a l'age de cinq ans la petite verole, a la fuite de laquelle.il fe' fit uri depot cri- tique k la region aliaque droite , environ deux trayers de doigt au-deifus DE L'ACADEMfE ROYAEE DES SCIENCES. 451 de la crctc de l'os dcs i!es on de U lunchc : la mifcre dans laquelle vi- — — ■■— ■ voient les parens de cct enfant , les cmpecha d'en avoir le foin necef- « faire, & pendant la maladic, 3c pendant la durec dc ce depot; comme n A t o m i I. cependant le volume de la tutneur etoit conliderablc & faifoit fouffrir Ten- Annie 1749. fant , ils y appliquercnt an cmplatre garni d'un onguent qu'une demoifelle •de Breft prepare & diftribtie gr.itiiitement aux pauvres ; la tumeur s'oti- vrit dans les vingt quatre heures , & il en fortit beaucoup de pus : on contintia les emplatres, 8c, au bout de quclques jours, on sappercut qu'il fortoit, outre le pus, des vents &c dcs excremens, preuvc evidente que l'inteftin etoit perce. Voyant, aprcs tin long temps, que 1'ulcere ne fe fer- moit point, ils abandonnerent les emplatres, & fe contenterent d'y appli- qucr un linge blanc ; quclque temps aprcs on vit fortir par l'orifice de I ulcere un petit cordon de poils comme des cheveux, cependant la nature acheva la guerifon , & 1'ulcere fe ferfha. II y avoit environ fept mois qu'il etoit cicatrife , lorique les parens s'appercairent qu'il fortoit par l'anus un cordon de poils lemblables a des cheveux-, an commencement, ces polls fortoient & rcntroient, enfuite ils ne rentrercnt plus entitlement, & il en paffoit toujours la longueur de trois polices : ce cordon de cheveux a en- viron un police de grotirur, il remplit tout l'orifice de l'anus, & caufe de temps en temps a l'entant des difticnltes d'aller a la Telle. La malade etant en cet etat, M. de Courcelles, qui a ecrit ce fait a M. du Hamel, & qui lui a fait voir cet enfant dans.un de fes voyages a Breft, fut con- fulte par les parens ; le recit qu'on lui tit de la maladie & de tout ce qui s'etoit palle, lui donna lien de foupconner que ces poils tiroient leur origine de la pcau voiiinc de la cicatrice , & que e'etoit les manes qui avoient parti par l'ouverture de 1'ulcere-, les panfemens les avoient deter- mines a i'e porter vers la cavite de l'inteftin , la chaleur & l'liumidite du lieu les avoit fait vegeter exfraordinairement , & les excremens les avoient entraines vers l'anus. En eft'et, M. de Courcelles obferva que lorfqu'on ti- roit le cordon en dehors, 1'endroit de la cicatrice s'enfoncoit, & qu'en'y portant unc main, on y.reflentoit toutes les petites lecouffes que 1'ou donnoit m cordon; il fuit en ce cas que ce Cordon de cheveux ait plus de demi-aune de long pour fume toutes les circonvolutions de l'inteftin depuis la cicatrice julqu'a l'anus : on pourroit peut-etre foupconner que ces cheveux feroient attaches a line appendice charnue qui fe fcroit etendii dans l'inteftin, a-peu-prcs comme les crins de la queue des chevaux font attaches a la partie charnue de cette queue, ce qui diminueroit extrcine- ment leur longueur ; mais , quelque attention que M. de Courcelles & M. du Hamel y aient apportee,.ils n'ont rien pu appercevoir qui dq'notit cette appendice. L'enfant fe porte bien d'ailieurs, & ne reffent d'autre inr commodite que d'avoir quelquefois de la difticulte d'aller a la felle, lorf-r que les cheveux fe collent a la marge de l'anus , & empechent par-la la lortie des excremens ; mais on y remedie en fomentant la partie avec de l'eau tiede. Cette obfervation femble indiquer que les poils qui font re- paudus fur toute l'habitude du corps, font de meme nature que les cher veux , & n'en djfierent que par leur diiferente nuniere de vegeter > a-peu- tji ABREGE DES MEMOIRES — ■ — — prcs comme une plante differe d'une autre de la mcme efpece , fuivant le terrein gras ou roaigre ou elle fe trouve •, elle prouve encore d'une ma- .A n a to m i*-njere bien certaine, que les plaies de I'inteftin ne font ni mortelles ni in- Annit. IJ49. curables. Mem. OBSERVATIONS ANATOMIQUES Pour l'Histoire d u F as t u S. Par M. de la S 6 n e, I. . I iv fetus a les monies vifceres que l'adulte, mals on fait que plufieurs de ces vifceres different par lenr volume, par leur figure, & quelquefois par leur ftru&ure : tels font le sceur, le thymus, les reins , les glandes furrenales , le foie & quelques autres. Pluheurs auteurs ont deja recherche ces differences , & en ont compofe des traites ■, il taut done fe contenter de fuppleer a ces traites en expofant les nouvellcs particularites qui Ce prefentent dans les diflections du rectus : celles que ]e donne ici ont ete faites fur plulieurs fujets. Je dois avertir que dins ces obfervations je fui- vrai la divifion que M. Winflow a faitc des parties dont je parlerai. I I. M. Winsiow a fait voir que dans l'adulte l'eftomac n'eft point Citai comme il eft reprefente dans la plupart des figures anatomiques, e'eft-a- dire , que fon fond ou fa grande courbure n'eft point dans une direction horizontale , de maniere que fes deux orifices foient audi dans la mcme direction , mais le pylore eft plus bas & un pen plus en devant que I'ori- fice voifin du diaphragme. Dans le foetus cette inclinaifon des deux cour- bures de l'eftomac s'eloigne encore plus de la direction horizontale -, car je l'aitoujours trouve comme verticale, e'eft-a-dire, que les deux orifices font comme perpendiculaires 1'un fur l'autre ■, ce qui s'obferve tres-facile- ment en foulevant un peu le foie, & en regardant en deffous fans deran- ger les autres vifceres : alors l'eftomac paroit tres-bien dans la lituation que je dis , parce qu'il eft ordinairement rempli d'une liqueur epaiffe 8c glaireufe, fur tout quand le foetus eft avance. L'eftomac litue de cette maniere fe trouve entierement dans l'hypo- condre gauche , & eft abfolument couvert par le foie : il m'a paru que e'eft le foie qui le tient dans la fituation que j'ai dit , car fon petit lobe s'avmce fort avant dans l'hypocondre gauche , & fouvent mcme anticipe un pen fur la rate : or comme il a plus d'epaiffeur que dans l'adulte , fa partie inferieure ou pofterieare fait une faillie qui paroit occuper dans 1 epigaftre 5 DE L'ACADLMIE ROYALE DES SCIENCES. 455 iepigaftre une partie de la place de I'eftomac ; mais loruuie ce petit lobe — •— s'amincit & fe retire vers l'epigaftre dans l'adulte , i! laifle plus de liberie a a I'eftomac, qui fans doute piend alors en groflillant, la lituation que lui ' T ° donnc M. Winflow. Annt* 1749. I I I. Les glandes (iirrenales font deux parties qui piroiflent principal-ment deftinees pour le fcetus. II paroit qu'Euftachi ell le premier qui les ait con- nues diftindement-, elles out attire l'attention des plus cclebres anatomif- tes, qui y ont cherche de qiioi autorifcr ou detruire diffcrens foupcons qu'011 a eus fur leur ufage. Malgre toutes ces recherches , on eft li peu avancd, qu'on ne s'accorde pas meine encore fur leur ftrtiAure. Leur litua- tion , leur figure , & peut-etre leur ftru&ure, different le plus fouvent dans le fcetus & dans l'adulte. Voici ce que dit en general de leur litua- tion M. Winflow, (a) qui en a parle plus exaCtement que tons les anato- miftes qui l'ont precede. Elles font placies fur Vextrtmiti Jupe'rieure de chaque rein un peu obliquement , c'ejl-d-dire , plus vers le bord interne & la finuofiti da rein , que vers le bord externe & la gibbofiU. J'ai ob- ferve en general , que dans le fcrtus elles font placees , comnie le dit M. Winflow , fur l'extrcmitc fupaieure du rein , mais que leur bafe defcend beaucoup plus fur la Uca anterieure de ce vifcere , & quelle s'etend ordinairement jufqu'a l'echancrure ou la finuofitc par fon extremite interne qui s'a'onge prefque en forme de languette en faifant un contour particulier comme demi-circulaire. On concoit done quelle occupe plus d'efpace fur la face externe du rein que fur fon extremite fuperieure , & quelle couvre & cache une portion aflez conliderable du rein. Par-la, en confiderant ce rein & la glande furrenale en fituation , le rein paroit plus petit qu'il ne l'eft en effet, & e'eft peut-etre ce qui a fait avancer a plulieurs anatomiftes , que dans le fcetus les glandes furrenales font audi grolles & meme plus groffes que les reins, ce qui, felon M. Morgagni, (b) arrive tres-rarement, & toujours par une conformation extraordinaire. Ces glandes vues encore en Gtuation paroilfent comme iemi-lunaires , & quel- quefois comme ecrafees ; ce font les deux figures qui m'ont paru les plus conftantes , mais elles changent toujours quand on tiraille ces parties en les ditftquant pour les detacher. II paroit a la face anterieure une finuofite' femi-Iunaire , qui divile cette face comme en deux demi- faces, d-peu- pris , dit M. Winflow, (c) comme la nervure d'une feuille d'arbre en divije la largeur : elle paroit tres-bien a travers les membranes qui la recouvrent. En 6tant ces membranes, j'ai reconnu que cette finuofitc eft flus ou moins profonde , & quelle forme comme un pli qui diminue etendue en hauteur de cette face anterieure : ce pli eft quelquefois tres- enfonce, & j'ai obfervc qu'il etoit tait & entretenu par une efpece de tilTu (a) Expojit. Anat. n°. 431. (4) Morgagii. Epifl. Anatom. XX. (c) Expojit. Anato. n°. 434. Tome X. Partie Franfoi/i. Iii 43+ ABREGfi DES MEMOIRES — mm^^^^m celkilaire affez fin , qui retenoit les parois replies de la finuofite ; mais ee a . r tiffu ccllulairc ne m'a paru exifter que lorfque la finuofite eft trcs-profon- de , ce qui n arrive pas toujours. J ai remarque qu ll paroit aiifii louvent Annie 1743- une finuofite oil 1111 pli fur la face pofterieure de ces glandes , mais celle- ci n'eft jamais li profonde que la premiere. Ces glandes font enveloppees avec les reins dans une membrane commune , qui eft l'adipeufe : ceci ne doit s'entendre que pour le contour de ces parties, car la membrane adi- peufe fournit une production oil un alongement qui fe gliffe entre la fom- mite du rein & la bafe de ces glandes , ce qui leur fait une cloilon , & par consequent une efpece de iac particulier oil elles font renfermees. Par le moyen de cette membrane adipeufe , elles adherent aux parties voili- nes , c'eft-a-dire , fouvent au foie & a la rate , & conftamment au dia- phragme •, il m'a paru que cette adherence de la glande furrenale gauche avec le diaphragme etoit fouvent faite par un tifTu celkilaire , plus fin & plus ferre , de maniere qu'il y avoit quelque difhculte a feparer ces par- ties. Euftachi , dans fon traite des reins , dit que ces capfules font d'inegale groffeur dans le foetus •, effectivement il m'a paru que la glande droite etoit Convent plus groffe que la gauche. J'infere ici cette remarque, parce que M. Morgagni , (a) en parlant d'une remarque femblable d'Euftachi , paroit defirer qu'on reitere la-deffus les observations. Outre la membrane adipeufe commune , les capfules ont encore une enveloppe particuliere. On trouve quelquefois , dit M. Window, (b) cette tunique (particuliere) foulcvle par une couche graijfeufe fort intgale , & qui la rend grenue , & quelquefois fait paroitre ces capfules tres-pdles , & comme une efpece de corps graijj'eux. On voit que la defcription donnee ici par M. Winf- low eft generate , & a plus de rapport a l'adulte. J'ai remarque en diffe- quant cette membrane , quelle eft compofee de deux lames bien diftinc- tes, unies par un tifTu celkilaire-, & dans ce tifTu il y a plufieurs grains de veritable graiffe , femes en differens endroits. Aprcs avoir enleve cette premiere lame , il eft refte fur la feconde , plufieurs de ces grains : cette feconde lame eft intimement attachee a la partie corticate des capfules. Dans l'adulte, la graiffe devient ordinairement abondante dans la dupli- cature de cette membrane particuliere , & par-la, la glande furrenale fe trouve enveloppee de graiffe. Le tiffu cellulaire de la membrane adipeufe qui fe gliffe entre le rein & la capfule , fe remplit encore de graiffe dans l'adulte. II faut done concevoir deux differentes couches de graiffe, qui, dans l'adulte, tendent a eloigner du rein la capfule. La bafe des glandes furrenales eft quelquefois plus large qu'elle ne le paroit-, j'en dirai la rai- fon dans un moment. On trouve , dit M. Winflow , (c) le long de la face inffrieure fous la bafe > une efpece de raphe1 ou couture : cette couture paroit tres-bien lorfqu'on examine la bafe fans oter la premiere lame de la membrane propre •, mais en l'otant , j'ai remarque que ce qui fait (a) Epijl. Anatom. XX. (4) Expo/it. Anat. n°. 445. (c) Expojit, Anat. fl°. 434. DE L'ACADiMIE ROYALE DES SCIENCES. 45? paroitre le plus cetto couture , e'eft principalement un pli plus on moins ! grand, qui retrecit la bale dans prefque toute fa lonpucur. Ce pli ou cctte a linuolite vane en grandeur, & jai vu que lorlquelle etoit profonde, ce qui arrive quelquefois , clle etoit faite & enrrctenuc par une petite pro- Ar.r.c'e 1~4"). dudion du tiffu cellulaire des deux lames de la menibrane propre ; dans ce cas-Ii, cc qai paroit etre le raphe nc fauroit etre que le pli , car le raphe ne pent etre apparent que quand on a detruit le pli , en detruifant ie tiffu cellulaire qui le forme. En general , le pli plus ou moins rrand paroit concourir a former la couture ou le raphe , qui par lui-meme a peu d'etendue, & occupe Ie milieu dc la bafe. On voit done que la bafe doit etre quelquefois plus grande quelle ne Ie paroit a caufe de ce pli, & que ces variations , jointes a celles qui arrivent aux plis des deux iur- faces dont j'ai parle, empechent de determiner bien precifement la figure de ces parties. J'ai dit qu'apres avoir enleve la premiere lame de la mem- brane propre , j'avois vu de la graiffe grenue , repandue & attache; en differens tndroits fur la furface de la feconde lame, & j'ai rapporte a ce fuj'et un paliage de M. Window, oii il dit, qu'on trouve quelquefois la tuniqut (particuliere des capfules) Joulevie par une couche graiffeufc qui la rend grenue. On a done cru que ces grains apparens n'etoient que graif- feux ; mais outre cettc graiffe qui , principalement dans le fcetus , eft gre- nue , j'ai obferve d'autres grains dont je ne crois pas qu'on ait donne la defcription. Sur la feconde lame de la membrane particuliere des capfu- les , j'ai remarquc parmi les grains graiffeux, qui fe detachent aifement, d'autres grains moins blanchatres , intimement adherans a cette lame avec laquelle ils font corps, diaphanes , rudes au tao. menton & h la levrc fuperieure : ce qui me fait croire en meme-temps qu'il n'a pas de matrice, c'eft qu'il fe porte trcs bien , & qu'il ne fent an- cun avant-coureur des regies, ni aucune des incommodites qui feroient caufees par leur defaut dans une fille decidee, & agee de feize an$. Ccpcndant il y a une forte de melange bizarre de deux fcxes dans tons les points, car le baffin offeux du bas- ventre paroit un pen plus evafc qu'il nc doit l'etre naturellement dans un garcon ; & confidcrant les deux cuitl°s cnfemble, il fcmble que i'une tient de celle du garcon, & l'autre de la lille. Je m'en tiens a la (imple defcription des parties : Ton a tant raifonnc fur pareils phenomenes fans rien eclaircir, que j'ai cm ne devoir etre qu'obfervateur. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. I. M, .il. Navier , correfpondant de l'Academie , a mande a M. du Ha- HHi. mel, qu'en faifant 1'ouverture du cadavre d'un jeune homme de quinzc ans, il avoit trouve les gros interims, & fur-tout fe rectum, li prodigieu- fement dilates, que ce dernier reffembloit plus , en cet etat, a un fac qu'i un inteftin : ce fac etoit abfolument rempli d'excremens, ainli que le colon & le ca:cum. Le malade alloit a peine ^ la felle une fois en vingt-quatre jours •, & quoique les purgatifs filfent un peu d'effet , & diminuaffent la groffeur de fon ventre, il ne rendoit probablement que la moindre partie de ce qui etoit contenu dans cette efpece de poche. Le fphinclcr etoit en bon etat, & ne paroiffoit pas avoir contribne a cctte monftrueufe reten- tion d'excremens. Ce cas, quoique fingulier & inconnu anx Anciens, n'eft pas abfolument unique, & plulieurs perfonnes ont ete gueries dt ce mal, en retirant avec le doigt, oil avec un inftrument, Pamas de matiere durcie qui fermoit l'anus , avant que les excremens fe fulfent amafics au point de faire perdre, par leur volume, le reflbrt a rinteftin. I L Le meme M. Navier a trouvi dans le cadavre cftine femme fexagenai- re, & qui avoit eu plufieurs enfans, un des ovaires dilate an point de compofer un globe de plus de lix polices de diametre ; ce corps paroiffoit forme par la dilatation des velicules oil petits corps ronds qu'on trouve dans les ovaires. Toutes ces dilatations formoient des cellules plus ou moins 4+0 ABRJGE DES lit MOIRES igraudes , lcs lines remplies d'une limphe iangiiinolente , & les autres d'une . limphe claire & tranfparente : ces cellules n'avoicnt aucune communication ' les lines avec lesaufres , & la limphe, foit claire, foit fanguinolente, qu'elles Annie iJ$o. contenoient, n'avoit aucune mauvaife odeur. La trompe & le corpus Jim- briatum flottoient apres ce globe, & etoient dans leur ctat naturel. On a pluiieurs exemples d'ovaires dilates , & meme remplis d'hydatides , mais on n'en avoit pas eu jufqu'ici d'une aula monftrueufe dilatation. I I I. Un hommeage de quarante-fept ans, de taille ordinaire , rut arrete dans un bois par des voleurs, qui, l'ayant detourne des routes frequentees, le laitferent attache a un arbre dans un endroit abfolument defert : cet hom- me , n'efperant aucun fecours , fit des efforts extraordinaires pour fe niettre en liberte, ce dont il ne feroit cependant jamais venu a bout, fans un chaffeur qui paffa par hafard ail bout de fix heures , & qui lui fervit de liberateur & de guide : les efforts qu'il avoit faits , lui catiferent un ane- vrifme dont il mourut. A l'ouverture du cadavre on trouva, i°. qu'il y avoit en meme temps deux anevrifmes , l'un a l'aorte , dont le diametre etoit triple en cet endroit de ce qu'il eft dans 1'etat ordinaire, & l'autre a l'artere iouclaviere gauche, plus conliderable , a proportion du calibre du vaiffeau , que celui de l'aorte. z°. Qu'une des valvules coronaires etoit coniiderablement augmentee ; & qu'au-lieu d'etre pleine, elle avoit la forme d'un refeau. 30. Enfin, que dans le meme fujet le trou ovale etoit ouvert. Quoique les Memoires de l'Acaderaie contiennent pluiieurs exemples d'ane- vrifmes de l'aorte auili condderables que celui-ci pour le volume, cepen- dant la hngularite des cireonftances que nous venons de rapporter , l'a en- gage a publier cette obfervation, quelle doit a M. Guattani, chirurgien du pape en furvivance, profefleur en Anatomie & en Chirurgie dans les 1i6t pkaux de Rome , & fon correfpondant. I V. Dans un autre cadavre , le meme M. Guattani tronva un polype fau- guin dans le ventricule gauche du coeur, a l'entree de l'aorte : ce polype paroiffoit compofe d'un amas de petites velicules pareilles a celles que l'on trouve fort louvent dans le plexus choroide, mais avec cette difference, que ces dernieres iont tantot de petites glandes fquirreufes , tantot des hy- datides, & que dans le polype fanguin elles etoient pleines d'air. Unc fille du village de Sala , dans le territoire de Padoue, agee de dix-neuf ans , voulant , une nuit , fe fowlager d'une dcmangeaifon quelle fentoit aux parties naturelles, employa, pour ceteffet, la tete d'une longue cpingle de fer : elle s'endormit, & trouva, en s'eveillant , que 1'epingle avoit paff'e DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 441 paflr par le meat urinaire & etoit tombee dans la veffie, d'oii cllc cii.'i — — — intttilement de la retirer. La honte hii (it taire fon avcnturc pendant Unit ■ mois; mais les douleurs quelle foiiffroit, eccalioiinerent en elle un depe- N A T ° ' E" riliement (i vifible, que fes parens sen appercurent , & pirvinrent a tirer Annct 17A07 d'elle l'aveu & h came de (on nial. On la fit voir a quelques chirurgiens du canton, qui tenterent inotilcment de la foulager : enhn , atl bout da vingt mois de fouffrances , M. Targctti, lligneur de ce village, fut in- forme de fon etat, & la companion qu'il en eut, le porta a prier M.Stella , celebre medecin de Vcnife, de la viiiter ■, ce medecin trouva la malade ac- cablee de douleurs , & prefque confumee par une fievre lente : il intro-' duilit une fonde d'acier dans la veffie , & fentit avec peine Ic corps etran- ger, qui, dcs qu'il l'avoit touche , le deroboit a l'inftrument. L'introduc- tion du doigt dans le vagin , ne lui fit trouver aucunc durete ni aucune tumour : pour reconnoitre ce corps li obuine a fe cacher, M. Stella dilata l'uretre, avec une tente d'cponge prepare , & ayant, a I'aide d'un gorge-' ret, introduit fon doigt dans la veffie, il fentit diftinftement l'cpingle, dont plus d'un tiers etoit incrufte d'une matierc pierreufe. La portion pierreufe etoit logee vers la partie fuperieure de la fymphyfe du pubis, & chatonnee dans une efpece de poche que la veffie avoit formee en fe moulant au- tour; le refte traverfoit ce vifcere de droite a gauche : cette lituation nc permettoit fias d_- faire l'extradtion de ce corps etranger a l'ordinaire avec des tenettes droites ou courbes introduces par l'uretre , & on ne pouvoit delivrer la malade qu 'en la taillant au haut appareil. II eft vrai que le fa- cheux etat auquel elle ctoit reduite, ne permettoit guere d'efperer un heu- reux fucccs ; mais comme la mort etoit certaine en difterant l'operation , les parens de la malade prefierent M. Stella de la tenter, & apres l'avoir preparee, il la fit, accompagne de M. Terli, chirurgien a Venile. L'ouver- ture ne fut fuivie d'aucun accident, & on tira aifement la pierre a laquellc l'cpingle fatale fervoit de noyau : I'Academie a vu cette pierre, que M. Stella avoit donnee a M. I'abbc Nollet pendant fon fejour a Venife, avec la re- lation de cet accident ; mais le facheux pronoftic de M. Stella ne fut que trop jufte , letat de la malade ne laiffa pas a la plaie la moindre apparence de guerifon , & elle mourut le troilieme jour de l'operation, malgre tous les fecours qu'on lui put donner. V I. M. Guyon , chirurgien de Carpentras , a mande a M. de la S6ne, qu'ayant ete appelle pour viiiter un enfant de trois jours, vivant, qui etoit ne avec un vice de conformation aux parties de la generation , il trouva , a la pre- miere infpeftion , le fcrotum place comme dans tous les enfans males; la rerge ne paroilToit compofee que d'une portion de gland, formee eomme fi on avoit emporte la moitie de ce gland fuivant la longueur de la verge : le prepuce etoit attache par le frein, comme a l'ordinaire, & reffembloit a celui des jeunes circoncis; cette efpece de gland n'avoit point d'ouver- ture a fon extremite, ce n'itoit qu'un bouton charnu,qui paroiffoit fortir Tame X. Panic Fran$oifc, K k I; A N A T O M I £ 44.1 ABREG^ DES M' E M O I R E S , &c. du milieu d'une fentc fititee precifement' au-deffous du pubis, & qui lift different de celle des jeunes tilles qu'en ce quelle etoit lituee tranfverfale- ment. Au milieu de cette fente , & fous le bouton charnu , s'ouvroit un- trou fiftuleux qui alloit dire&ement dans la veflie, & lurine couloit con- tinuellement par cette efpece d'uretre. Cet enfant etant mort, la diffettioiv que M. Guyon fit de fon cadavre, lui offrit d'autres iingularites : la verge partoit , comme a l'ordinaire , de la petite branche de l'os ifchion •, ella avoit fes deux corps caverneux, qui fe reuniffoient a la partie inferieure des os pubis; on y voyoit de chaque cote les trois mufcles , accelerateur,, tranfverfe, erecteun mais le conduit de l'uretre manquoit entierement, & on obfervoit dans l'endroit oii il auroit du etre, un tiffu fpongieux qui fe eontinuoit depuis les glandes proftates jufques vers l'extremite du gland : M. Guyon le deracha dans toute fa longueur, & ayant fouftle dans line des veficules , tout le tiffu fe gonna. La verge ne paroiffoit point avoir de li- gament fufpenfoire. La peau qui formoitla fente exterieure dont nous avons, parle, fembloit, en fe repliant dans cette fente, former l'uretre fingulier que la nature avoit pratique ; ce canal alloit en ligne droite aboutir a Ia»- veflie, il avoit par-tout une largeur egale & tres-confiderable ; on apper- eevoit le verumontanum , & on decouvroit fenliblement quelques ouyer- tines des conduits excrdteurs de la liqueur feminale. Si cet enfant eut vecu,, e'eut ete peut-etre un de ces faux hermaphrodites qu'on voit paroitre de. temps en temps, & qui font moins rares que Ton ne penfe. MEDECINE. Kkk ij . 445 Liijiu'Wiuii"! i hi ■ ■ i TrrtM~*Tr""~~*— ' M E D E C I N E. OBSERVATIONS d e MEDECINE. I. Remede contre h morfurc de viperc. d i;. Juillet 1747 , M. de Juflieu le cadet etant a herborifer fur les buttes de Montmorenci avec fes eleves, un deux (aiht avec la main un »«■ . lerpent quil prenoit pour line couleuvre, & qui reellement etoit line vi- pers : l'animal irrite le mordit en trois endroits, favoir, au police & ail Anne'e 1747. doigt index de la main droite, & au pouce de la gauche; il fentit prelque aufli-tot un engourdilfement dans les doigts, & ils s'enflerent ; l'enflure ™& gagna les mains & devint li comiderable qu'il ne pouvoit plus flechir les doigts : ce fut dans cet etat qu'on le mena a M. de Juflieu qui etoit cloigne de quelques centaines de pas-, 1'infpecKon de l'animal le fit .uifli-tot recon- noitre pour line vipere tres- forte & tres-vive, & le malade qui avoit eta effrayc, fut ra flu re par l'efperance d'une prompte & fiire gucrifon. En effet, M. de Juflieu s'etoit alfure tant par le raiionnement que par un grand nom- bre d'experiences faites fur des animaux, que l'allcili volatil etoit , dans ces occasions, un remede fur, pourvu qu'il flit adminiftre promptement : il avoit heureufement fur lui un flacon rempli d'eau de Lufle qui , comme on fait, n'eft qu'tine preparation de "alkali volatil uni a l'huile de fuccin; il en fit prendre au malade lix gouttes dans un verre d'eau , & en verfa fur chaque blefliire afl'ez pour fervir a les baflincr & a les frotter : il etoit alors line heure apres midi, & il faifoit fort chaud \ fur les deux heures, le malade fe plaignit de maux de cceur & tomba en deraillance : on voulut faire une ligature au bras droit qui etoit trcs-enfle , mais M. de Juflieu la fit defaire, & une feconde dofe du ranne remede pris dans du vin fit dif- paroitre la defaillance; alors lc malade demanda a etre conduit au lieu oil il devoit pafler la nuit; il y fut mene par deux etudians en Medecine , qui fe chargerent d'en avoir foin & de lui faire prendre le menie remede, s'il lui fui venoit quelque foiblefle ; il en eut crfcctivcment deux dans la route : etant au lit , il fe trouva trcs-mal , donna mc:iie quelques marques de delire, & vomit tout fon diner, mais tous ces accidens cederent a quel- ques nouvelles dofes d'alkali volatil; apres fon vomilfemcnt il refta tran- quille cc dormit alfez paifiblement : M. de Juflieu qui arriva fur les hu:t heures , le trouva beaucoup rxiieus & feulement incommodi de l'abon- 44<$ A B R E G E DES M £ M 0 I R E S — ^*— wl>- dante tranfpiration que le remede lui avoit caulee : la nuit fut trcs-bonne: M i. u E c I n e k lendemain , les mains n'etant pas deferrflees, on fit tme embrocation avec ' l'huile d'olive dans laquelle on mela tin peu d'alkali volatil. L'effet de ce Annie 1J4J. remede fut prompt •, tine derrii-heure apres , le malade pouvoit flechit Jibrement les doigts, il s'habilla & revint i Paris, apres avoir dejeune de tres-bon appetit ; depuis il a etc de mieux en mieux & s'eft trouve entie- rement gueri au bout de huit jours , l'enflure , l'engoufdiffement des mains & une jauniffe qui s'c:oit montree des le troifieme jour fur les deux avant- bras, ont ete diflipes par le meme Temede,~dont il prenoit trois tfois par jour deux gouttes dans un yerre de fa boiffon. II. Matiire pierreafe rcniue par un goutteux. M. Bose a fait part a M. de Reaumur de l'obfervation fu'iVante. TJrt homme , age de 5 5 ou 5 6 ans , fort fain d'ailleurs , commence a fentir quelques legeres attaques de goutte qui revenoient par interfiles •, il de- vint en meme temps li fenfible au froid, qu'il etoit oblige, meme en plem ete, de faire allumer fon poe'le : tout d'un coup, & fans aucun accident pre- liminaire, il commenca a rendre des urines femblables a un lait blancha- tre ; il en fui furpris', mais il le fut bien davaniage , lorfqif il vit , line heure apres , que cette urine avoit repris la tranfparence quelle devoit naturellement avoir, & quelle avoit depofe un fediment blanc de l'epaif- feur d'un quart de pouce : ce fediment etoit d'abord de la confiftance d'une argile detrempee, on le pouvoit couper audi facilement que du favon, mais en une heure ou deux il acqueroit la durete de la craie ou du platre ; cet ecoulement a dure huit ou neuf mois, fans interruption, & fans etre accompagne d'aucune incommodite : le malade juge qu'il a bien rendu foixante ou foixante-dix livres de cette efpece de pierre •, on en auroit pil faire la ftatue de cet homme, qui auroit ete reprefente de grandeur natu- relle avec une pierre fortie toute entiere de fon corps; enfin, au bout d'environ neuf mois, le malade changea de logernent , & des la premiere nuit qu'il concha dans fa nouvelle maifon , l'urine platreufe ceffa fans re- tour, & fans qu'il y ait eu, ni alors, ni depuis, aucun changement dans fa fante , ni en bien , ni en mal. Quel rapport Habitation pouvoit-elje avoir avec cet ecoulement extraordinaire S Ce qui parcit plus certain , c1 eft que cet homme etoit menace de terribles attaques de goutte , (5 la nature n'eut pas fu fe delivrer de cette enorme quantite dc matiere petrifiable. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 447 M E I) E C 1 N E, HYDROPHODIE. AnnU l749> M. Lt Comtt, medecin a Rethcl, a envoyc a l'acadcmic Ic detail fui- vant, de l'accident arrive a M. le chevalier de *** brigadier des armees du roi , & de la maniere dont il a ete gueri. Le 10 Janvier 1749 , M. le chevalier de *** revenant de la chalTe, fut attaque par un gros chien de cour qui i'clanca d'abord fur lui , le inordit au bras droit, & le couvrit de bave & deaime, fans cependant qu'il y eut de plaie aux endroits mordus, mais feuleinent une douleur fupporta- ble qui dura jufqu'au lendemain au foir. Le piqueur de M. de *** qui le fuivoit , & qui vit le chien venir a lui en chancelant & ecumant , jugea que cet animal pouvoit etre enrage, & le tua d'un coup de fufil. M. le chevalier de *** avoit prefque oubliecet accident, lorfque vingt- un jours, apres, etant encore a la chalTe, il le trouva mal & perdit con- noiifance ; fes gens l'alfurerent que pendant 1c temps de fa fyncope ils lui avoient vu faire des grimaces extraordinaires : cette circonfiance lui donna quelques foupcons , qui cependant ne l'erapecherent pas d'aller fouper hors de chez lui, cm il ne rentra qua environ une heure du matin, fe concha en arrivant, & s'endormir, deux heurcs apres il reveilla toute la maifon par des cris affrcux, & ceux qui coururent a fa thambre, le trouv.rent hors de fon lit fans connoiffance , & etendu fur le plancher : ces fympto- rnes ne firent que trop aifement juger de quelle maladie il etoit atteint, & lui-meme pria qu'on l'attachat ', cette precaution etoit fi necelfaire , que moins de trois heures apres il elTuya un fecond acces plus violent que le [iremier, & il fortoit du quatrieme lorfque M. le Comte arriva. Le malade ui rendit compte de ce qui s'etoit paile, & finit par lui dire qu'on lui preparoit un remetie avec lequel il avoit gueri non feulement des chiens mordus par d'autres chiens enrages, mais encore plufieurs perfonnes, en- ir'antres une fille de dix-fept ans, niordue par un bceuf enrage, <5c qui avoit eu deja deux acccs. M. le Comte craignant qu'un plus long difcours ne fatiguat le malade , l'interrompit pour lui dema.'ider li apres fes fji- blefies il ne prcnoit pas quelques liqueurs fpirirueufes , coram: de l'eau des carmes ou autres •, a ces feuls mots d'eau & de liqueur le malade palit, & fon vifage fut agite de convalhons, qui pourtant n'eurent aucune fuite & ne durerent qu'unc minute; cette horreur pourles liquides, qui, comme on lait, eft tellement un des fignes caraderiftiques de la rage, que les an- ciens medecins la nommoient de la hydrophobic , ou peur de l'eau, fit voir a M. le Comte que la maladie n'ctoit que trop bien caraderifee; & quoiqu'il n'eut pas grande confiance dans la vertu du remede , comme cependant il n'en connoilToit point d'autre defquels il put attendre un t plus fur & plus avautageux , il conteilla a M. le chevalier dc *** de s'en fervir. if48 - A B R £ G £ DES M £ M O I R E S Ce remede conlifte a faire prendre a ceux qui out etc mordus, mais qui i, . n'ont encore effuye aucun acces de rage, quatre gros de poudre d'huitre 'm;11e calcinee an feu, dans un demi-fetier de vin blanc, & de reiterer le Annie 174$; remede au bout de vingt-quatre heures •, pour ceux qui ont deja effuye des acces, il taut le leur faire prendre trois fois, de douze heures en douze heures, toujours a la merae dofe, mais dans un vehicule different; au-lieu de meler les quatre gros de poudre avec du vin , on les mele avec trois ceufs frais , dont on fait une omelette-, on ne doit pas boire en la man- geant , ni meme pendant tout le temps qu'on fait le remede. M. le chevalier de *** le prit eftecVivement , quoiqu'avec beaucoup de peine & de repugnance, ce qui n'empecha pas un cinquieme acccs, qui fut iuivi- de huit autres dans l'elpace de leize heures. M. le Comte, qui en a etc le temoin , dit que tous ces acces ctoient annonces par le malade meme, qui diloit d'une voix etouftee : retire^vous ; aufli-tot fes yeux fe renverfoient & s'enfLmmoient , fon vifage & le refte de fon corps etoient agites d'aftreufes convullions , il cherchoit a mordre de tous cotes & aboyoit comme an chien , la bouche s'empliiToit d'ecume, la voix devenoit rauque & prefque eteinte ; a tous ces accidens fuccedoit line foiblefle dans laquelle le malade ne paroilToit pas different d'un mort, & qui fe terminoit par une grande inquietude qu'il temoignoit d'avoir mordu quelqu'un pendant fon acces. II y a cependant bien de l'apparence que le remede avoit fait fon effet, car fans cela tant & de fi violentes fecouffes auroient du emporter le ma- lade, qui cependant en a etc quitte pour refter pendant quatre mois dans line impuiffance prefque abfolue de marcher ni de faire aucun mouvement, & les eaux de Plombieres ont mis la demiere main a fa guerifon. L'impor- tance de la matiere a determine Tacadsmie a publier 1'hiftoire de cette guer rifon avec toutes fes circgnftances. SUR DE UACADliMIE ROYALE DES SCIENCES. 44!) M £ D E C I S [. SUR LES PERNICIEUX EFFETS Annt'c '743- t>' V N E E S P E C E DE CHAMPIGNONS, Appellie par les Botanifts , Fungus media: magnitudinis totus albus. Vaillant N°. zj , p. 6j. v« ers Ie milieu du mois de fcptembre, M. Ie Monnier, medecin, fut appelle auprcs d'une famille de Saint-Germain qu'il jugea empoifonnec par un ragout de champignons. Une demoifelle. qui en avoit mange a trois repas confecutifs, le loir a foupe , le lendernain a dejeune & a dine mou- rut le cinquieme jour de la maladie, malgre tous les fecours de 1'art. Toute d maladie fut une luite de fymptomestenibles, vomiffemens violens, fclles reiterees,pouls concentre &fouventimperceptible,abattement extreme, con- vulfions, jauniffe, delire. La mere de cette jeune perfonne, agee d'environ quarante-cinq ans, d'un temperament affez robufte, eprouva prefque tous les memes accidens & ne guerit que le quatorzieme jour. La fceur de cette dame, qui n'avoit mange que fept a huit morceaux de champignons, fut prefqu'auffi malade que (a faur, & fa maladie fe termina auffi heureufe- ment. Trois autres perfonnes n'eurent pas des accidens aiiUi graves : le pere de famflle, age d'environ cinquante ans & fort robufte, eut de violentes coliques arec des evacuations trcs-abondantes par haut & par bas , des mouvemens convullifs dans les mufcles de l'abdomen , des jambes , des cuilfes, de la gorge-, & une jauniffe qui ne fe diffipa que quelques jours apres fa guirifon. Une demoifelle de vingt ans d'une complexion foible & delicate , ne mangea que par complaifance un morceau ou deux de champignons , en fut neanmoins trcs-incommodee. Elle eut , comme les autres de violens maux de cccur, des vomiffemens, le cours de ventre; fon pouls devint foible, petit & prefque infenlible; elle fouifrit beaucoup du gonflement & des battemens qu'elle reffentit dans la region epigaftri- que. Mais tous ces accidens fe diffiperent en vingt-quatre heures, i ['ex- ception du dernier qui perlifta pendant plus de quinze jours. Elle fut pen- dant trois femaines fans fommeil & fans appetit. La (ixieine perfonne enfln mangea prefque autant de champignons que celle qui mourut, en fut quitte neanmoins pour quelques naufses & pour un devoiement modere qui dura deux jours : elle eut audi un gonflement au creux de l'eftomac & de vio- lens battemens efl cet endroit. II paroit, par ce detail, que les champignons dont cette famille avoit Tome X. Partis Franpoifi. L 1 1 450 ABR£G£DESM£MOIRES p— —— j-nange , & que M. le Monnier reconnut etre l'efpece appellee par les Bota- niftes : Fungus media magnitudtnis totus alius , font veritablement per- [ E" nicieux & peuvent caufer des accidens mortels , par une irritation inflam- M Annie 1749 adoucuiantes , les lavement uunuouuumuiiu »^..i ^* ......v^* ...u»^.<.. par l'art , & qui furent adminiftrcs a propos aux malades dont nous avous parle. MECHANIQUE. Ill ij 4^5 MECHANIQUE. SUR L'ETALON DE L'AUNE DES MERCIERS. J-Ja recherche dont nous allons rendre compte, ell d'un genre C\ diffe- T""*™— rent de celles que I'academie a coutume de publier , que nous croyons M , devoir informer lc lecreur, de ce qui en a etc locCalion. .La ville de Nantes ayant vouhi fe pourvoir d'un etalon d'aune, contorn-c a celui qui Annit 174S. 'fact aux marchands merciers de Paris, 1'ouvrier a qui elle s'adrelia , cbau- cha cet etalon a 3 pieds 7 ponces 8 lignes , conformement a l'ordonnance de Henri II, du mois d'o&obre 1557, & a l'inftruction du 14 feptcin- Lre 1714, donnee aux infpecteurs de Calais & de Saint- Valery, mais ayant voulu le comparer a celui des marchands merciers , il rut fort lur- fiis de le trouver de pres de 3 lignes trop court. Les gardes de cette communaute, etonnes eux-memes de la difference que cet examen leur faifoit reconnoitre entre l'etalon de leur aune & l'or- donnance de Henri II, fuppliercnt les magiftrats charges de la police, de prendre connoillance de cette affaire, & de veiller a privenir les incon- veniens de cette difference, dont la caufe leur etoit inconnue. M. le comte de Maurepas ecrivit a I'academie , de faire toutes les recherches neceffains pour eclaircir ce point •, elle nomma en confequence , Mrs- Camus & He!! pour faire les informations convenablcs, & I'academie trouva le compte c.u'ils rendirent de leur travail, afiez intcrefiant pour meriter d'etre donne an public. L'etalon qu'on Ieur'prefi'nta, eft ime groiTe regie de fcr, qui porte a fes extremltes deux talons d; racmc matiere , qui y font attaches perpen- diculairement , cntre lefquels on peut mefurer les regies qu'on vein eta— lonner : all dos de cette regie, eft marque que e'eft l'aune des marchands Merciers & Giofllers •, on y a meme ajoute l'annee de ia conftruction qui eft 1554. Il y a done tout lieu de croire que la niefure portee dans l'or- donnance de Henri II, qui n'eft pofterieure que de trois ans a la regle- matrice dont nous parlons, avoit ete prife fur elle; & cela d'autant plus que l'etalon de l'aune de Lyon eft abfolument cgal a celui de Paris, comme on l'.i vefifie fiir uue regie que M. Hellot avoit fait etalonner a Lyon en fa preltnce. Le pied dont on fe fervit pour cet examen , etoit de la facon du Sicur Butterfield-, il avoit ete fait & divife fpigneufement par des tianf- verfales en douziemes de ligne , en prifence de M". Pkard c: Auzoult, qui l'avoient cux-memes compare a 1 etalon de la toife du Chatelet; mais pour line plus grande precilion , il fut encore con-pare a ia toife de M. de Mairan, qui eft prccifemeot de la merue longueur que letaloa du •45+ ABR&Gt DES M £ M O I R E S ■ — Chiitelet , & que celles qui ont fervi a la mefuie des degres dtt rneridiefl an cercle polaire & a l'equateur. Mechanique. j^a i0I1gUeur par confequent, fon effort pour foulever le poids, diminue en meme raifoo que les rayons augmentent. Nous n 'avons jufqu'ici confidere le poids que comme eleve fuivant une direction perpendiculaire a l'horizon •, ce n'eft cependant pas ce qui arrive ordinairement dans ces fortes de machines , le poids eft attache a un leviet mobile fur un point, &, par confequent, doit decrire un arc de cercle an- lieu dune ligne verticale; ce changement de fituation en introduit ne- ceffairement un dans la conftruttion de la courbe 8c dans fa figure. M. de Parcieux trouve cependant moyen d'appliquer encore a ce nouveau cas , la meme theorie que nous venous d'expofer ; un leger changement, ou plutot une legere addition a la methode , luffit pour cela •, ce changement a pour principe, de conferver toujours 1' egalite des elevations du poids dans des temps egaux : pour cela , ce n'eft pas Tare meme de cercle qu'il dicrit qui eft divife en parties egales, e'eft une ligne verticale qui paffe par fon fom- met ; & il tranfporte par des lignes paralleles a l'horizon , les divifions egales de cette ligne fur 1'arc de cercle ou elles fe trouvent inegales : des rayons menes du centre de la roue par tous ces points de divilion de l'arc decrit par le levier, marqueront fur fa circonference les arcs qu'il faudra ajouter aux divilions qn'on y a faites, fuivant la methode que nous avons expli- quee, pour que les rayons puiffent attraper le poids qui, par fon mouve- ment circulaire , a comme fni devant eux : le refte eft abfolument fem^ blable a ce que nous avons deja expofe. Par la meme raifon que le poids a fui les rayons qui l'elevoient , il vient * en quelque forte , au devant de ceux qui le foutiennent dans fa defcente : la courbe qui fert ^ le faire defcendre , doit done occuper par fa bafe moins de la circonference du cercle, que n'en occupe la courbe de montee, loin d'ecarter les rayons qui fervent a la conftruire, il faut, au contraire , let ferrer, &, par confequent, fa courbure fera auffi tres-differente, ce qu'oa n'auroit peut-^tre pas trop foupconne. Cette difference entre la courbe de montee & celle de defcente, eft plus ou moins grande, fuivant la longueur du levier, & fa polition a l'egard de la roue ; M. de Parcieux determine la polition qui rend les deux courbes les plus femblables qu'il eft pofTible : il y en a ime qui leur donne pour bafe des portions egales de la circonference •, mais pour rendre leur figure abfolument pareille, il faudroit que le centre de mouvement du balancieT flit infiniment eloigne , alors l'arc fini que decrit le poids, deviendroii phyliquement une ligne droite, & tout rentreroit dans le meme cas que s'il s'elevoit dans une ligne verticale. Si le poids etoit attache a une corde, 8: qu'il y eut an bout du levier fine portion de cercle folide contre laquelle elle s'appliquat., comme alors DE L'ACADLMIE ROYALE DES .SCIENCES. ■<,, a des arcs egaux rcpondroient ties elevations egales du poids, ce leroit l'arc ^ M«me qu'il feu dfOtt divift-r tn parties egal utile aux manufactures , & neceffaire a la perfection des cardes. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 461 I V. Mt C II ANIQ V E. Une nouvelle conftrudUon de moulins a eau, propofee par le fieur Du- yinn-'c 2-47 bod : an- lieu que dans les moulins ordinaires, la roue motricc eft appli- quee au cote du bateau, celle des nouveaux moulins eft a la poupe, oil plutot e'en eft moins une qu'iinc clpece de vis fans fin , fixee an bout d'une piece de bois de quarante a cinquante pieds qui lui fert d'arbre, & qui eft couchee fur 1'eau; la viteffe du courant qui appuie fur cette vis fans fin la fait tourner , & cette piece communique fon mouvement a l'ar- bre du moulin auquel elle eft jointe; on evite par ce inoyen l'embarras que caufent les bateaux qui portent les moulins dans une riviere etroite & rapide, ils peuvent etre trcs- voifins du rivage , pendant que la longue piece qui porte l'helice ou vis fans fin , va chercher , pour ainli dire , le mouvement aux environs du courant , ians embarraffer autant la navi- gation que les moulins ordinaires. Cette machine a paru ingenieufe & utile i & on a appris quelle avoit etc executee avee fucces fur le Rhone a Lyon. SUR UNE NOUVELLE CONSTRUCTION D E N I V E A V. f e s grands travaiix qui fe font executes en France depuis un fiecle, ont porte la fcience du nivellement a un haut degre de perfection-, non- . feulement on s'eft attache a perfedionner les methodes & a rectifier les er- ■Annie l74°- reurs qui pouvoient s'y gliifer , mais on a imagine des inftrumens dont les Hift. anciens n'avoient aucune connoiffance, Sc qui font infiniment fuperieurs a ceux dont ils fe fervoient. Les plus grands hommes fe font livres comme a l'envi a cette recherche, & la liftc de ceux qui ont travaille a la perfec- tion du niveau, comprend les noms refpectables de M-'S. Picard, Huyghens & de la Hire , qui ont regarde ce travail comme un objet digne de leur attention. Tous les niveaux font fondes fur la propriete qu'ont les Iiquides d'avoic leur furface parallele a la furface de la terre, oil fur celle qu'ont les graves de tendre toujours a defcendre par des lignes perpendiculaires a cette meme furface. M. de la Hire, dans le traite du nivellement de M. Picard qu'il publia en 1684, donne la defcription (a) d'un niveau dc la pre- miere efpece, compofede deux boites flottantes dans deux vaiffeaux pieins d'eau qui fe communiquent par un ou plulieurs tuyaux : une de ccs boites porte l'objeclion de la lunette , & l'autre le diaphragme charge des fils qui (<0 Voyez Mem. de I'Ac. avant 1699, Tome VI. ColIe<5ion Acaddmitiue , Pirtie Fianyoifc , Tome I. 4*1 ABREGE DES ME MOIRES & in— doivcnt etre au foyer de la lunette, & ces fils font mobiles dans line con- Ufle, pour les placer de maniere que les boites etant flottantes , la ligne Licii.niQUE.^. ^ par je fil jjorjzonta[ & par le centre optique de I'obje&if foil Annie tJ^S. parfaitement de niveau; mais cet inftrument, que fa finipliciti & la fad- lite de le conftruire par-tout auroient rendu trcs- commode , etoit fujfit a plufieurs inconveniens qui l'ont fait abandonner : les fils, par le jeu ne- ceffaire aux boites pour Hotter librement, s'eloignoient du foyer de l'ob- jeclif; ce verre & les fils pouvoient, par la meme raifon, s'eloigner du parallelifme qui leur eft cependant fi neceffaire : enfin on etoit oblige dc taire les boites egales en groffenr & en pefanteur, & de mettre toujours une meme quantite d'eau dans les vafes pour tcnir la ligne de niveau dans l'axe de l'oculaire, qui etoit fixe fur le bord de Tun des vafes. M. Couplet, qui avoit bien reconnu les defauts de ce niveau, donna en 1699 a l'academie un Memoire, dans lequel il efl'aie de les corriger; pour cela il joint par un feul & meme tuyau l'objedlif, les fils & la lu- nette, & il le pofe fur deux boites flottantes pareilles a celles de M. de la Hire, qu'il nomme des callebaffes, & qu'il determine a s'enfoncer ega- lement dans l'eau, en introduifant dans leur capacite plus 011 moins da cendree ou menu plomb. Mais en evitant quelques-uns des defauts du ni- veau de M. de la Hire, il n'a pas fait attention qu'il en introduifoit de nouveaux", li la lunette n'eft pas parfaitement centree, c'eft-a-dire, li l'axc optique de fon obje&if n'eft pas exa&ement le meme que celui du tuyau ,' fuivant qu'on le pofera d'un cote ou d'un autre fur les callebaffes, il don- nera des points de vifee differens, quand meme on fuppoferoit ces dernie- res parfaitement ajuftees : d'ailleurs, la cendree de plomb qu'elles contien- nent ne peut manqucr de fe deranger dans le tranfport ; ce changement fera neceffairement pencher la callebaffe , & les fupports de la lunette ne feront plus de niveau. Enfin ce niveau eft encore compofe de pieces fe- parees , & certainement un inftrument de cette efpece , dont il faut re- joindre continuellement les differences parties , eft plus incommode & moins fiir qu'un autre dans l'ufage. Pour remedier a tous ces inconveniens, M. Parcieux en a imagine un autre confirm: fur le meme principe, dans lequel toutes les pieces font ou foudees, ou au moins fermement arretees, qui fe verifie par des grandes diftances & fans aucune bafe mefuree, & auquel enfin on peut procurer l'avantage de marquer les minutes & les fecondes, comme le fait lc niveau de M. Picard. Le niveau que propofe M. de Parcieux eft, comme ceux de M"- dc la Hire & Couplet, compofe de deux boites ou callebailes flottantes, mais ces deux boites font unies par trois tuyaux paralleles les uns aux autres , qui font foudes fur le deffus des boites, fans communiquer en aucune ma- niere dans leur capacite. De ces trois tuyaux , les deux exterieurs forment deux lunettes contrepointees , c'eft-a-dire , que l'objectif de l'une eft place au bout de la machine , auquel fe trouve l'oculaire de l'autre , afin de pouvoir rcgarder des deux cotes fans etre oblige de retourner le ni- veau ; & le troilicme , qui eft place entre ces deux premiers contient ui» DE L'ACAD^MIE ROYALE DES SCIENCES. 4£j poids de plomb , qu'une longuc vis contcnue dans ce tuyau f.iit mouvoir — — — ■■ ■ ' vers un bout oil vers l'antre, & qui fert, comme nous le verrons par la ■.. . o fuite, a faire incliner route la machine par line cxtrcmitc ou par J'autre. Les collets dc cette vis lortent du tuyau par un trou fait an milieu de cha- Annit t?4& cune des deux plaques qui le ferment : line partie de ces cxtremites eft tournee exactcment rondc , & l'antre eft taillee carrcment, afin de pouvoir faire tourner la vis avec unc clef fembLble a celle des pendules •, les boi- tes flottantes ont une plaque de plomb foudee a lcurs fonds. Par cette conftruction , M. de Parcicux evite abfolument les detains du niveau de Mrs- de la Hire & Couplet : on n'aura rien a craindre dc la reparation des pieces , puifqu'elles leront ex.ittemcnt miies rnfemble , ni du derangement des poids qui reglent l'enfoncement des deux boites, puifqu'ils font on fondes, ou exaftement retenus dans leur place. Pour fe lervir du niveau, on commence a ajoutcr a la boite dc bois «jui lui doit fervir d'enveloppe deux fupports deftines a recevoir la partie ronde des collets de la vis dont nous venous de parler, & on pole le ni- veau fur ces fupports ; on dirige line des lunettes \ un objet eloigne que Ton place dans la croifee des filets ; .alors laiffant la boite & les fupports dans la meme polition, on retourne le niveau, & on voit li l'autre luucttc fe trouve pointee au mcrae objet ; & li elle ne s'y trouve pas , on fait mouvoir les filets qui font au foyer des lunettes jufqu'a ce qu'clles s'ac- cordent a viler toutes deux au meme objet, & on eft fur qu'elles font exacicment paralleles entr'clles & a l'axe de la vis , & par confequent contrepointees. ' Cette premiere verification etant faite, on fera Hotter le niveau dans fa boite, dans les vafes de laquelle on mettra de l'eau-, & ayant pointe une des lunettes a un objet eloigne, on verra li en le retournant l'antre lunette fe trouvera au meme objet : linon on fera avancer ou reculer par le moyen de la vis le poids de plomb contenu dans le troilieme tuyau , & qui iert de regulateur, jufqu'a ce que, 1'inftrument etant toujours flottant, les deux lunettes s'accordent h donner le meme objet , & pour lors le niveau fera verifier. On doit repeter ces verifications toutes les fois que l'inftrument aura cte tranfporte dans des voitures, ou qu'on pourra avoir lieu d'y foup- jonner du derangement. Puifque le regulateur dont nous venons de parler, iert a rappeller li polition des lunettes au niveau, il peut auffi les en ecarter. Pour connoitre exaiftement a combien de minutes & de fecondes repond un certain che- min du poids dans le tuyau, on fe fervira de mires dont on connoitra Tintervalle entr'clles & la diflance a rinftrument •, & li on a regie l'inter- valle des mires de facon qu'il reponde h des minutes, & que la plus bafie reponde a la ligne de niveau, on ponrra, en faifant mouvoir le regula- teur , faire repondre les lunettes lucceffivement a toutes ces mires , & pour lors on aura fur le tuyau des intervalles qui repondront a des minu- tes d'inclinaifon , & qu'on pourra fubdivifer en fecondes : avantage par- ticulier au regulateur de M. de Parcieux , & qu'on ne peut procurer aux nivcaux de M«- Couplet & de la Hire. 4*4 ABRiGi DES MEMOIRES i Ceux qui voudront renoncer a cet avantage , pourront fupprimer Cette ' efpece de micrometre •, alors le regulateur ne fera retenu dans fon tuyau Mic-HANiQUE. ^ deux b3tons & plufieurs rondelles de carte ou de fer blanc , & Annie 17a8 on le fera changer de place en otant quclques-unes de ces rondelles d'un ' bout du tuyau pour les tranfporter a l'autre-, en ce cas l'inltrument per- dra an peu de fa commodite, mais il deviendra ft (imple , que l'ouvrier le moins habile le pourra conftruire, & il n'en fera pas moins fur pour l'o- peration a laquelle il eft principalement deftine : tous ceux qui ont exerce les mathematiques pratiques font accoutumes a ces compenfations. Kir. MACHINES ou INVENTIONS A P PROUVEES PAR L'ACADEMIE En M. D C C. XL V III. I. U n nouvel echappement \ repos, invente par M. le Roy fils, au-lieu que dans les echappemens a repos connus jufqu'a prefent la roue de ren- contre porte a chaque retour du balancier fur une piece qui fait corps avec lui , & fur laquelle frotte une de fes dents, dans celui-ci la roue pofe & eft retenue a chaque demi vibration fur une piece fixee a la platine, & entierement etrangere au balancier. Cette idee a paru neuve , & fulcepti- ble de beaucoup d'avantages. I I. Un pont de cordes prefente par M. de Meyzerey, ancien medecin des armees du roi ■, quoique ce pont ne paroiffe pas affez folide pour y faire pafl'er de l'artillerie ou des gros equipages de guerre , cependant le fucces des ponts de cordes moins folides employes dans plufieurs endroits de l'Amerique meridionale , a fait juger qu'il pourroit etre d'ufage en plu- fieurs occafions , fur-tout lorfqu'on aura I traverfer des torrens de peu de largeur fort efcarpes & fort profonds. I I I. Quelques ehangemens faits par M. de Moz a fa methode de noter le plain-chant, approuvee par l'academie en 1716 (a) : ces ehangemens font indifferens au fonds de fon fyfteme, l'auteur ne les a imagines que pour remedier aux inconveniens qu'il a remarques dans les livres d'eglife deja imprimes fuivant cette methode, & qu'il fe propofe de corriger dans une feconde edition qu'il en prepare. CO Voyez Hift. 1726, Collert. Acad. Part. Fran;. Tome VI. On DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4£? On a cm que ces changemens pouvoient rendre plus fiire & plus facile oette maniere de noter le plain-chant, en faveur de laquelle le public aMtcHANiQUE. paru s'expliquer par le fucccs de la premiere edition des livres ou elle a etc employee. dnntc 1/48. IV. ■ Um pont flottant, propofe par M. Guillaute, ofrtcier dans la marechauf- fee generale de l'iile de France. Ce pont eft compofe de bateaux , niais la conjunction & I'affemblage en.ont paru plus folides que ccux des ponts ftottans ordinaires : l'academie croit qu'il pent etre utile , & d'un tranfport plus facile que ceux que Ton connoit , fur-tout G on obferve de ne don- ner aux bateaux que la grandeur furh'fante, & de choifir pour leur conf- trudion le bois le plus leger , ce qui fe peut fans prcjudider a la foliditc du pont. V. Uni nouvelle fontaine de M. Amy , dans laquelle il propofe d'employer le fable a la filtration de l'eau d'une facon beaucoup plus commode qu'on ne le fait ordinairement : le vaiffeau qui fert a cet ufjge fe demonte en trois pieces, & eft par-la plus facile a nettoyer. II place au-deffus du fable un couvercle a rebords qui recoit le premier depot de l'eau, & empeche le fable de s'envafer audi promptement que dans les fontaines ordinaires ; enfin il ne permet a l'eau deja filtree an travers du fable, de patler dans le refervoir qu'au travers d'une boite fennee de deux couvercles, & rem- plie du fable le plus fin & extremement foule. Ces moyens ont paru inge- nieux & propres a produire 1'efFet qu'on en delire. S U R UN N O U V E A U PRINCIPE GENERAL HE MECHANIQUE. LI a mechanique eft en general compofee de deux parties •, celle qui conlidere les corps dans I'd tat d'equilibre , & les forces necelfaires pour les y maintenir , fe nomme Statique ; celle au contraire qui conlidere un affem- blnge de corps agiflans les uns fur les autres, de maniere que le tout foi:I1;!- en mouvement, fe nomme Dynamique. La Statique a ete la feule que les anciens aient cultivee avec quelqujs fucccs, conime en effet elle eft la feule fur laquelle I'ancienne geometrie puille avoir quelque prife, au-lieu que la Dynamique ne peut aller loin lans I'ulage de l'analyfe moderne, qui feule peut conliderer les corps actuel- lement en mouvement, & refoudre facilement tous les problemes qui y font relatifs, fur-tout li on emploie certains theoreines generaux , comme la confervation des forces vives , la permanence de vitetTe & de direction du centre de gravile comnuin , &c. Voici un nouveau principe general que propofe M. le marquis de Cour- Tome X, Partie Fmnfoi/e. Nnn Annie iJ-\$- +6& A B R E G E DES MEMOIRES MM™^^""^™gM* tivron , il eft fingulier en ce qu'il appartient egalement a la Statique 8c i M^chanioue 'a Dynamique, & qu'il indique, entre les queftions qui appartienncnt a ees deux fciences, un rapport duquel on n'avoit pas encore appercu I'exif- AnrJe fj^g. tence. Ce principe general eft que de toutes les foliations que prend fuccefll- vement un fyfteme de corps animes par des forces quelconques , & lies les uns aux autres par des fits, des leviers, ou tel autre moyen qu'on vbu- dra fuppofer, celle ou le fyfteme a la plus grande fomme de produit de9 maffes par le carri des viteffes, c'eft-a-dire , la plus grande force vive, eft la meme ou il le faudroit placer en premier lieu pour qu'il reftat en equi- libre. Rien n'eft plus facile que de demontrer ce principe, li on admet la fheo- rie des forces vives; en efiet route quantite variable qui crolt par degres infiniment pctits , devient la plus grande qu'il eft poffible dans le meine moment ou elle ceffe d'augmenter :-or le fyfteme de corps recoit l'accroif- fement de fa force par les refultats des preffions agiffantes qui l'accelerent continuellement; il aura done atteint fon maximum de force lorfque la fomme des preffions fera nulle, e'eft-a-dire, lorfqu'elles fe feront equilibre les unes aux autres. Ce raifonnement eft extremement fimple , mais' il n'eft concluant que pour ceux qui admettent le principe des forces vives , & ce principe eft, comme on (ait, contefte par plulieurs habiles mathematiciens. Pour ne pas faire dependre la verite de fon principe, de celle de la theorie des forces vives, M. de Courtivron le demontre rigoureufemenit en plulieurs cas qu'il examine, & cela d'une facon tout-a-fait etrangere a la queftion des forces vives. II refulte de fes demonftrations, que de quelque maniere qu'on fuppofe des corps attaches enfemble, foit par des fils , foit par des baguettes , -Fac- tion totale de tout le fyfteme de corps fera toujours la plus grande, on, ce qui revient au meme, que les poulies ou les points d'appui epreuve- ront toujours le plus grand effort lorfque la fouation des corps fera telle qu'ils fe feront mutuellement Equilibre , & que pour lors la fomme dij produit des maffes par les vlteffes fera la plus grande. Ce principe fait voir , comme nous l'avons deja dit , une relation im- mediate entre l'equilibre & le mouvement, a laquelle perfonne n'avoit en- core fait attention; mais de plus, il fera d'une commodite infinie pour la folution d'un tres-grand nombre de problemes : les methodes ordinaires ne donnent fouvent le point de l'equilibre qu'avec quelque circuit , & le nou- veau principe 1'indique avec facilite. Quelquefois le calcul neceffaire pour determiner la viteffe d'un fyfteme de corps eft aflez complique, alors il fera toujours aife de verifier l'expreifion de cette viteffe, en examinant li le cas ou elle fe trouve la plus grande , eft auffi celui de l'equilibre : enfin , on fait que s'il eft quelquefois plus facile de trouver la viteffe que le point de l'equilibre, dans d'autres occalions l'equilibre fe trouve plus facilement que la vitefle. Le principe de M. de Courtivron donne le moyen de faire tou- jours lervir celle de ces quantity qu'on aura trouvee, de preuve a d cor- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4«7 refpondante, & par la diiiiinue prcfque de moitic les difliculres qui pt-n- i ■ vent fe rencontrer dans la folution de ces problcnies : la connoitiancc des , f . principes generaux dans les fcienccs, y introduit prefque infuillibleracnt la WtcHAN ' «ul« clarte & la facility. ^^ ly^ SUR LE PRINCIPE DE LA MOINDRE ACTI ON. A irsonne n'ignore aujourd'hui que plulieurs philofophes ont tente Hi"- d'cxpliquer les phenomenes de la nature par le moyen des caufes finales •, on tache de tirer de quelques fairs connus , la loi generate que l'auteur de la nature feuible setre prelcrite dans 1'execution de fes otivrages, & cette loi line fois etablie , fert enfuite dun principe fecond duquel on d;duit l'explication des autres faits que Ton obferve. Dans cette merhode, on fubflitue aux principes mechaniques des principes d'un ordre different ; mais l'enchainement refte le rntrme, & les explications dependent toujour* de l'exa&e verite du principe : il eft vrai, & e'en eft le principal avantage, que comme les verites metaphyllques fe deduifent naturellement & facile- ment les lines des autres, rien n'eft plus clair & plus precis que cette facort d'cxpliquer; elle a dailleurs uti autre avantage, elle donne prefque dans tons les cas, prife au calcul, ce que ne font pas toujours les explications phyliques : il n'eft done pas etonnant que les plus grands mathematiciens aient effaye* de s'en fervir, & de decouvrir ces principes il t'econds & G lumineux. Nous avons rendu compte en 1744 (a), d'une DhTertation de M. de Maupertuis dans Iaquelle il en etabliffoit un de cette efpece , & de l'ap- plication qu'il en avoit faite aux phenomenes de la refraction de la lumiere. Ce merne principe connu dans le monde mathematicien fous le nom de Principe de la moindre aclion , eft aujourd'hui attaque par M. le chevalier d'Arcy : felon M. de Maupertuis, lorfqu'il arrive quelque changement dans la nature, la quantite d'action neceffaire pour operer ce changement, doit toujours etre la plus petite qu'il eft pofftble, & cette aciion eft le produit de la maffe des corps par leur viteffe & par l'efpace qu'ils parcourent. M. d'Arcy pretend au cor.traire nrcmierement, que Taction des corps n'eft point proportionnelle a la maiie multipliee par la viteiie & par l'ef- pace parcouru, & la preuve qu'il en apporte eft qu'en partant de ce prin- cipe, dans une fuppolition qu'il fait, on arrive a une concluiion abfolu- ment contraire a ce que donnent les loix du mouvement, dont perfonne ne revoque la certitude en doute. Secondement , en admettant racme la definition que donne M. de Mau- pertuis de l'aiftion des corps , M. d'Arcy trouve que la quantite de cette n&ion que la namre emploie a chaque changement, n'eft point un mini- mum i & que li dans quelques cas elle eft dans cette condition, le prin- (a) Voyet Hift. 1744, p. 68. Colleflion Academ. PanieFranjoife, Tome IX. Nun ij 468 ABREGE DES MEMOIRES — — — — — cipe de h moindre attion ne pent fervir a en donner la preuve , ni ctre , demontre lui-meme qu'autant qu'on en fuppolera d'autres qui non-feule- Mechanique. ment en ^-ont inj^pendanS) ma,s qUi feuls fufliroient pour la demonftra- dnnle 2749. tion , fans avoir aucun befoin de ce dernier , d'ou il fuit qu'il n'eft ni ge- neral ni audi utile qu'il le paroit au premier coup d'ceil. La loi du repos ou de i'equilibre que M. de Maupertuis tire du principe de la moindre action, n'a pas paru a M. d'Arcy plus folidement etablie , a moins qu'on n'introduife dans le probleme une fuppofition abfolument etrangere & tout-i-fait gratuite. En general, il lui paroit que quelles que fuffent les loix de la nature J on pourroit trouver une fonction des maflbs & des vitefles qui , etant fup- pofee un minimum j les reprefenteroit; mais cette propriete ne fuftiroit pas pour donner le nom d'aclion £ cette fondtion , ni pour elever au rang de principe metaphyfique ce qui ne feroit en ce cas qu'une pure hypothefe dc calcul. Au principe de la moindre aftion que M. d'Arcy reje'tte pour les rat- ions que nous venons de rapporter, il en fubftitue un autre qu'il croit a 1'abri de toute objection. II nomme action dun corps autour d'un point , la maffe multipliee par la viteffe & par la perpendiculaire tiree de ce point fur la direction des corps •, d'ou il fuit que fi deux corps en mouvement agiffent fur un troi- fieme en repos, dans des fens differens, le mouvement produit dans ce troilieme corps fera toujours egal a celui qui feroit produit par l'a&ion de l'un des deux premiers , moins faction de l'autre. Cela fuppofe, le principe de M. d'Arcy eft que toute l'aclion(exiflante 'dans la nature dans un inflant quelconque ) autour d'un point donn/ , itant produite dans un feul corps donne , la quantiU d'aclion de ce corps fera toujours la mime autour de ce point. De-la on tire avec la plus grande limplicite , le principe de la confer- vation des forces vives, le cas du repos, les centres d'ofcillation ou de percuflion, la loi de la refraction de la lumiere, & qu'on en peut faire encore un grand nombre d'autres applications, dont quelques-unes l'ont deja ere dans le memoire que nous venons de citer. Ces applications aflii- rent au nouveau principe la gloire de la fecondite, c'eft du temps & de l'examen le plus rigoureux qu'il doit recevoir celle de l'entiere certitude & de la plus grande univerfahtc. . DE L'ACADBMIE ROYALE DES SCIENCES. 4^ MlCHAlJ 1 'J 1 1. CONSTRUCTION Ann(e l?^ JD'UN HOWEAU TOUR A FILER LA SOLE DES COCONS. Par M. de Vaucanson. JLjh grand ufage oil Ton eft en France & dans prefque toils les pays Mem. etrangers , de porter des etoffes de foie, fait affez voir combien il eft im- portant pour Ie gouverncment d'en augmenter & d'en perfe&ionner la matiere premiere. II fe fabrique dans le royaume pour neuf a dix millions de foie par an , & Ton eft encore oblige chaque annee d'en tirer de l'etranger pour qua- torze a quinze millions , pour alimenter nos fabriques. On emploie dans ces fabriques deux efpeces de foie differentes, 1'une fert a faire la chaine des etoffes, & l'autre fert a en faire la trame. Celle qui fert a faire la chaine eft la plus precieufe, parce quelle eft la plus travaillee, & e'eft cette qualite de foie que nous tirons principalement de l'etranger, parce que trcs-peu de gens ont cu jufqu'a prefent l'art de faire en France des loies affez belles pour avoir pu etre employees a cet ufage. Ce font les Piemontois qui nous la fourniffent, parce que ce font eux qui la travaillent le mieux , & qu'ils font nicme les feuls en Europe qui la ficbent bicn travailler. ( Tous les etats du nord 011 il y a des manufactures d'etoffes de foie , font pareillement obliges d'avoir recours a eux pour la chaine de leurs etoffes-, ils la leur vendent, ainfi qu'a nous, toute ouvree & preparie , & ils fe re- fervent par-la une main-decuvre qu'ils nous font payer d'autant plus cher aujourd'hui , que la confommation des etoffes de foie augmente de plus en plus, ainfi que le nombre des fabriques ^trangeres. Je ne crains point d'avancer que le produit de la foie pourroit monter en France a un grand tiers de plus qu'il ne monte effectivement, foit par r.iugmentation de fi qualite, & , par confequent, de fon prix , foit par la diminution du dechet , li on tiroit de la matiere tout le parti que Ton en pent tirer en la travaillant comme il faut-, & ce qui confirme mon opinion, e'eft que dans les endroits ou Ton fabrique la foie le plus raal, & oii elle eft moins eftimee , j'en ai fait faire a ne la pas diftinguer des plus belles. Pour faire voir le pen de parti qu^on a tire jufqu'ici de la foie qui vient chez nous, & l'avantage conliderable qu'on en retireroit en la travaillapt autrement qu'on ne fait, il faut premierement rcmarquer que la foie fe fabrique d'abord fous une efocce generale qui eft la grcze ; on cntend par foie greze la foie (implement tiree des cocons par le moyen d'un tour proprc a cet citet. Meciianique. 476 A 8 R £ G £ DES M ti M 0 I R E S : Cette foie greze recoit enfuite difFerentes fortes de preparations proprcs aux manufactures, on en fait de I'organfin oil on en fait des frames. L'organfin n'eft autre cliofe que deux, trois, & quelquefois quatre brins Annie 1749- de ^ole greze tordus chactin en particulier fur un moulin, & retordus apres tous enfemble fur un autre moulin, & cela pour leur donner une force & line elafticite propres a obeir aux diffirentes extenfions qu'ils fouffrent lur le metier lors de la fabrication de letofFe. Ces differens brins de foie greze ainfi tordus & retordus , fe nomment organlin ou foie organfinee , & font toujours employes pour faire la chaine des etofFes. La foie pour trame eft ordinairement compoiee de deux ou trois bnrts de foie greze qu'on met pareillement fur le moulin pour y etre tordus tres-legerement enfemble ", mais comme elle ne fouffre aucun effort lur 1c metier, les brins n'en font jamais tordus feparemenr. La trame eft audi compofee quelquefois d'un feul brin de foie greze tordu fur lui-mem'e , que Ton nomme poil. Comme ces trois efpeces particulieres de foie ne font , a proprement fiarler , qu'autant de differens apprets donnes a la premiere efpeee qui eft a greze, c'eft de cette premiere operation que depend principalement la bonte des trois autres , & c'eft precifement cette premiere fabrication en foie greze qui eft mauvaife en France, & dans laquelle uniquement les Pie- montois ont l'avantage fur nous pour la fabrication des organfins. L'efpece de foie la plus chere eft done I'organfin , parce qu'outre qu'elle eft compofee de la plus belle matiere, c'eft- a-dire, des cocons les plus fins, elle eft encore plus travaillee dans fes fecondes operations, & l'excedant de fon prix eft toujours d'un tiers fur celui de la trame. Si notre foie , dans fa premiere operation , etoit travaillee comme il convient , on pourroit en faire de I'organfin , & gagner ce prix conildcrable qui n'eft que fur la main-d'eeuvre, & que nous payons argent comptant aux Piemontois, qui, plus avifes que nous, ne font prefque que de I'or- ganfin , parce qu'ils ont fenti que le double appret qu'on eft oblige de donner a de la fimple foie greze, line fois bien three , pour en faire de I'organfin , ne leur coute pas le furplus du prix auquel cet organfin eft achete au-deffus de la trame. Il y a de plus une perte reelle de matiere dans la maniere dont on tire chez nous la foie des cocons : une meme recolte donne toujours des co- cons de plufieurs qualites difKrentes, elle en donne de fins, de demi -fins, de fatines & des doubles : les cocons fins font ceux dont le tiffu prefente a leur fuperficie un grain tres-fin & trcs-ferre, les demi-fins ont le grain plus lache & plus gros , les fatines n'en ont point du tout , & les doubles font ceux ou deux vers ont travaille & fe font enfermes enfemble. Chaque qualite de cocons donne- une foie difFerente •, les fins donnent la plus belle, les demi-fins , tires avec precaution , e'eft-a-dire, avec une eau moins chaude , en donnent une peu difFerente •, les fatines en donnent une dc b n,& uueM™- Wallis, Amman, Emmanuel Ramircs, Pierre de Caftro »"MicHA*iiQUE Je pere Vanins, de la Doftrine Chreticnne, & peut-etre encore beaucoup d'autres, l'aient pratique .w thode d'enfeigner a parler a ceux des fourds & muets de nailTance qui ne font muets que parce qu'ils font fourds, dont nous avons parle l'annee derriere. {b) Cette machine a para reunir a la funplicite de l'abaque rab- dologique de M. Perrault, ( Mars 1 2 % Avril 1 o I Mai 1 6 I Juin 1 8 f 9 11 pouces. Ifgnii. En Juillet « 1 Aout 1 Septembre o Oftobre 1 Novembre 2 Decembre 1 6 * ■of 9% + 1 5 Obfervations fur le chaud & le froid. Mim. Le plus grand froid a ete la nuit du 8 au 9 fevrier; la liqueur de I'an- cien thermometre eft defcendue a 18 degres, & celle du thermometre de M. de Reaumur, a 6&\ au deffous de la congelation. La plus grande chaleur a ete le 1 5 juillet a une heure apres midi ; la liqueur de l'aiicien thermometre eft montee a 85 degres, & celle du thermometre de M. de Reaumur, a 29^ au deffus de la congelation. Sur le Barometre. Le 29'novembre, par un vent d'eft & un brouillard affez epais , le mercure eft monte a 28 polices 6 lignes-, & le 1 8 fevrier, par un vent violent de fud-fud-oueft, il eft deiceudu a 16 polices 4 lignea. Didinaifon de V Aiguille aimantee. Les 10 & 1 1 juin i749> une aiguille de 4 polices dcclinoit de i£d jo# ver§ le nprd-QUcft, OBSERVATIONS DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4S* OBSER VATIONS METEOROLOGIQUES FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL Pendant l'A n n £ ■ e M. D C C. L. Par M. d e F o u c ii y. Sur la quantity d'eau de Pluie: E ponces, lignes. n Janvier......... 085 Fevrier o Mars o Avril 2 Mai 2 Juin 2 5 pouccs. lignes. En Juillet i ii | Aout 3 5 | Septembre o i> Ovitobrc o 7 | Novembre 5 o | Decembre 1 7 \ Observations Rlctcorologiques. Annie 1750. 1 1 La pluie tombee dans les fix premiers mois de l'annee, a etc de 9 poli- ces 5 lignes § j celle des lix derniers mois, de 11 polices 5 lignes; & par contequent la quantite de pluie tombee pendant toute l'annee , dc 20 polices 10 lignes 3, plus grande de 4 polices 2 lignes \ que l'annee moyenne, determinee en 17+5, de 16 ponces 8 lignes. Obfervations fur le chaud & lefroid. Le plus grand froid de l'annee eft arrive le £ Janvier a 7 heures du matin , la liqueur du thermometre de M. de Reaumur eft defcendue a 5 '. degres au delTbus de la congelation-, l'ancien thermometre, place a cote, marquoit iurt /r. Vomr X. PI. I. Msm.'./'.i.J.-,-.'.-. ,-+.'■ /■ ..■.■.-• /'/ (7 \ \ ■■■+■■ mJ a, (',■//,:■/ ./../,/ oar*. /i- . /.■///,- X /'/ //. .'/.", ..../.'y.. .»....../;• ,-.,./..,, .;„/. /'/7/ MJV U I 0 10 J 8 1 ''Y'-VvV t9&