COLLECTION ACADEMIQUE. TOMETREIZIEME, Partie Fran^ife. /J.QB3. COLLECTION ACADEMIQUE, COMPOSEE Des Memoires , A&es ou Journaux des plus Celebres Ac A demies &i Societ^s Litteraires de l'Europe. CONCERNANT LA PHYSIQUE, l'HISTOIRE NATURELLE, la BOTANIQUE, la CHYMIE, l'ANATOMIE, la MEDECINE, la MECHANIQUE, &c. Ita ret accedunt lumiiu. rebus. TOME TREIZIEME, Parrie Frarujoife: Contenant la fuite de rHifloire & des Mdmoires de VAcadimie Royale des Sciences de Paris. A PARIS, Chez G. J. CUCHET, Libraire , Rue & Hotel Serpente. A LIEGE, Chez C. PLOMTEUX, Imprimeur de Me(Teigneurs les Etats. M. D C C. L X X X V I. stvu Approbation & Privilege du Rci. ('% . - : I y x X v...- . ■ - . : : .\" "'.' . ' "■ "-* ■ ' " — : »•.»:••• t- .»•?■?- r: ■ ■ - ,T!H3.J3 , • ■ V' nrrnri wmiii - TABLE D E S M E MO I R E S CONTENUS DANS CE VOLUME. i in i ■■■■ P H Y SIQUE. LJur les nouvrtles manures d'aimanter, 0 fir la declinaiCon de I'Ai- innnt -< •*. mant.. '7 21 Sur les paillettes d'or de I'Ariege '.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'.'. ..[ .. Sur quelques houvelles experiences Sleclriques ............"... I Sur les Tourbieres des environs de Villeroy , & fir celles qu'ok pourroit ouvrir pris d'Etampes _ m ., Ohjervations de Phyfique ge'ne'rale ....... Sur les mines de fel de JVielictfa en Pologne..............'. Sur quelques phenomenes cith en faveur des Elec1ruit'e's"e'n'phs"6 en ^ioins r Sur des os & des dents d"une grandeur extraordinaire..'.'." '" \& our VOcre , ,, _ Obfervationsd* Phyfique '^n&aie^^^^ZZyZZ^'ZZ'. 11 &ur la pojjibditi d amener d Paris dou{e cents pouces d'eau Z Sur les moyens de perfeclionner les lunettes d'approctu. .. Yr, our les tuyaux d'Orgue... :._ V Sur les matures inflammables qin 'fY trouve'nt' dans' Yes' Mines de charbon de. terre , 6 fir les moyens de s'en garantir. 7 r Sur la manure e Bonoaroy 12+ Obfervations fur le lieu appelle Solfat.ire, fitui proche la ville de ■ Naples. Par M. Fougeroux de Bonparoy . 12$ Sur la caufe generate du froid en hiver Sf du chaud en M. 14.Z Sur la dure'e de la fenfation de la vue. Par M. p'Argy! 155 Obfervations de Fhyfque ginirale 156 HISTOIRE NATURELLE. kJjTR les fojjiles des environs de Paris 163 Sur la nature du terrain de la Pologhe , & des mine'rdilx qu'il ren- ferme. Par M. Gm rrARn & Sur les pierres appellees Salieres • • • p3 Obfervations mine'ralogiques faites eh France & en Allemagne. Par M. Guettarp . • ••••••• l8? Sur les Corps mcrins qui fe trouvent dans les environs de Pans, 21 z . 1 ■ - BOTANIQUL lJ[/K I'infecle qui divore Us grains de I'Angoumois... 217 Sur un Arbre d'un nouveau genre, qui. emit au Senegal... zzs Sur le caraclerc gentrique de la Plante appellee Marfilea 251 Obfervations Botaniques •■ *#4 Surles ilemens d' Agriculture *f" Obfervations Botaniqucs • ! •••••••• • — • 2> 9 Obfervation Botanique 1 lf"> Sur V exploitation des bois ••••• z"+ Sur le bled & Vorge de Miracle,. *7° o C H Y M I E. BSERV^tiOns Chymiques ••• 27? Sur la quantiti d' argent que retiennent' les Coupelles 27 S Surles Salines deFranche-ComtL i8° Sur les ejfais des matieres d'Or & d' Argent. : z$* Obfervation Chymique 2y5 DES ME MOIRES. >ij & ANATOMIE. Iur les plans mufculeux de la tunique charnue de I'eflomac hu- main 197 Sur quelques vices des voies urinaires & des parties de la giniration. 199 Sur la maladie des chevaux qu'on appelle la Morve 304 Obfervations Anatomiques. 310 Sur les yeux de quelques poiffbns 3 1 6 Obfervation Anatomique 315 Sur une ipidimie arrivie dans le canton de Berne 315 Sur le mouvement alternatif des veines } dependant de la rejpiration. 318 Obfervations Anatomiques 334 Sur la nature des Pierres , ou calculs du Corps humain.. 337 Sur une Maladie finguliere 341 Sur une ipiplocele dont les fignes furent d'abord tris-e'quivoques... 344 Sur la fituation du grand trou occipital dans I'Homme & dans les Animaux 345 Sur les Nains 347 Obfervations Anatomiques 3 5 3 Sur la circulation dufang dans lefoie du Foetus. Par M. Bertin 357 Sur un anevrifme qui aproduit des effets finguliers. Par M. Petit 3 64 Obfervations Anatomiques 367 MEDECINE. t3tf\R V inoculation de la petite virole , & principalement fur les variations de la mithode 373 Sur I'inauculation de la petite virole 3 depuis zy§8 jufqu'en 176$. 375 & M^CHANIQUE. tt/R la defcription des Arts & Metiers 381 Machines ou inventions approuve'es par I' Academic , en 1761 385 Sur une nouvelle efpece de piflons 393 Sur la defcription des Arts & Metiers 396 Machines ou inventions approuve'es par I'Acade'mie , en i?6z 398 Sur une nouvelle fituation de la fife'e dans les montres 402 v*J TABLE DES MEMO IRES. Sur une nouvelle efpece de grue propre a pefer & a foulever en mime temps de grosfardeaux 404' Sur la defcription des Arts & Metiers 409 Machines ou inventions approuvees par I' Academic, en 1763 41 1 Sur la defcription des Arts 6 Metiers 418 Machines ou inventions approuvies par I 'Academic , en 1764 415; Sur la maniere de mej'urerle rapport des mejures a grains & celles des liquides avec le boijfeau ou la pinte de Paris 420 Sur la defcription des Arts & Metiers...* 42$ Machines ou inventions approuyks par VAcademie, en 1765 424 Fin de la Table des Memoires. • 1 ABREGE ABREGE DE L'HISTOIRE E T DES MfiMOIRES DE L'ACADtMIE ROYALE DES SCIENCES. PHYSIQUE. SvR ZES NOUVELLES MANIERES D'AIMANTER , ET SUR LA J3ECLINAIS0N DE Z'AlMANT. " N connoit depuis tres-Iong-temps la propritte qu'ont le frr » " & lacier de fe charger de la vertu magnetiqiu- par le feiil p attouchement de l'aimanf, & c'eft a cette connoiffance que nous devons le precieux trefor de I'aiguille aimantee , qui Annie ij6i. h rt aujourd'hui de principal guide a la navigation dans les .. voyages de long cours , & ks aimans aitificiels, dont la force lurpalle de beaucoup celle des aimans naturels. On a dcpuisporte bien plus loin l'dpece d'analogie qui fe trouve entre laimant & le fer. Le P. Grimaldi , Jefuite, decouvrit, vers le milieu Ju leizi -me hecle, qu'il lufliloit de tenir une barre de fer quelque temps dans Tome XIII. Fame Francoije. A j ABREGE D E S M -E M O I R E S — — une fituation verticale pour lui faire acquerir , fans le fecours d'aucun ai- mant , affez de vertu magnetique , pour que l'extremite inferieure attire la Physique. pQjnte fucj je rajgUiIIe aimantee, & que l'extremite fuperieure la repouffe, Annie irGi. & qu'on pouvoit faire changer a volonte ces deux efpeces de poles en re- tournant la barre & laiffant quelque temps dans cetfe nouvelle fituation , lbn extremite inferieure attirant toujours la pointe fud de 1'aiguille aiman- tee , & la fuperieure la repouflant conftamment. Cette linguliere experience fut confirmee en 1^34 par un accident fin- gulier-, le tonnerre ayant renverle la croix du clocher de St. Jean d'Aix en Provence , Gaffendi obferva que les morceaux de rouille qui s'etoient formes autour de la partie de cette croix qui etoit engagee dans lapierre, avoient une trcs-forte vertu magnetique -, & la meme chofe fut obfervee , vers la fin du dernier (iecle, au clocher de Notre-Dame de Chanres, plu- fieurs des morceaux de rouille qu'on en tira en le reparant, fe trouverent avoir audi une vertu magnetique affez forte; & feu M. de la Hire fut fi frappe de cette efpece de phenomene, qu'il voulut effayer d'operer a def- feiri ce que le hafard lui avoit ofrert; il pla^a entre deux pierres des fils de fer eleves d'errviron foixante degres dans le plan du meridien, & il (e trouva que ces fils avoient acquis, au bout de dix ans une vertu magne- tique tres-fenlible. Rohault avoit, d'un autre„c6te, trouve qu'un fil d'acier rougi au fen & trempe en le tenant verticalement, acqueroit affez de vertu magnetique pour attirer non-feulement 1 aiguille aimantee , mais encore des grains de limaille de fer. Feu M. de Reaumur & feu M. du Fay encherirent encore fur ces de-' couvertes , ils trouverent qu'en frappant une tringle de fer par une de fes extremites, elle acqueroit une vertu magnetique affez forte, & qu'on etoit- maitre de changer les poles de cette efpece d'aimant en frappant la tringle par l'autre bout; enfin M". Michell & Canton trouverent, il y a quelques annees le moyen de frctter des barreaux d'acier, de telle manure qu'ils prenoient par ce frottement une efpece de vertu magnetique. De tout ce que nous venous de dire, il rait que le fer eft capable de recevoir la vertu magnetique, non-feulement par l'attouchement de 1'ai- mant, mais encore en le tenant verticalement, en le chaufLnt, en le frap- pant, & meme en le frottant contre d'autre fer dans de certaines cir- conftances. Mais voici quelque chofe de bien plus fingulier : non-feulement le fer pent acquerir , par les moyens dont nous venons de parler, une vertu magnetique mediocre-, mais il petit encore, fans en employer aucun, en recevoir une tres-forte ; & e'efi aux obfervations & au travail de M. An- theaulme que le public eft redevable de cette decouverte qu'il a donnee dans une piece couronnee par l'academie de Petersbouig en 1760. Mais comme M. Antheaulme n'avoit pas iniilte dans fon memoire, fur la theorie qui l'y avoit conduit, M. de la Lande, qui avoit vu nipeter la plus grande partie de fes experiences, a cm devoir non-feulement en don- ner le detail a l'academie, mais encore developper les principes fur lefquels DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3 etoient appuyes les raifonnemens de M. Antheaulme. Nous allons efTayer »^— t— ■» de donner le precis des unes & des autres. _ Deux barrcs de fer etant mifes bout a bout , & feparees fculement par S ' Q U E* un petit intervalle, acquierent prefque dans l'mftant, & fans aucune pre- Annc'e tj6i. paration prccedente , une aflez forte vertu magnetique •, mais cette vertu devient beaucoup plus forte, (i au-!ieu de placer ces deux barres horizon- Hift. talement on les place dans le plan du meridien magnetique, fur un plan qui s'eleve vers le nord d'environ foixante-dix degres, e'eft-a-dire, i\ on les fait tendre au pole magnetique. Les experiences de M. Antheaulme lui out appris que cctte position des barres etoit la plus avantageufe. Aux deux extremites de ces barres, par lefquelles elles s'approchent , il applique une efpece d'armure compofee d'un morceau d'acier mince , qui furpalfe un peu l'epaiffeur de la barre, & ces deux talons font retenus par un petit morceau de bois qui les force de s'appliquer chacun au bout de fa barre. Le tout etant dans cet etat, on applique le milieu de l'aiguille ou du barreau que Ton veut aimanter, fur la feparation des deux barres, & on la fait aller & venir fuivant fa longueur & celle de ces barres, a plulieurs reprifes , obfervant toujours avec foin que ni l'une ni l'autre de fes extre- mites ne palfe au-dela de la feparation des barres, & par ce moyen on lui communique une vertu plus grande que celle qu'on auroit pu lui donner avec la meilleure pierre d'aimant. Tandis que M. Antheaulme travailloit a trouver le moyen d'aimanter avec fcrce fans employer aucun aimant, un autre phyficien (M. Trullard) travailloit a Dijon fur les memes objets, & etoit prefque parvenu au meme point par des routes dirftrentes ; en dirigeant a-peu-pres vers le nord un barreau d'acier, il trouvoit une polition dans laquelle ce barreau attiroit la limaille de fer; alors, pour fixer & augmenter cette vertu, il frappoit con- tre ce barreau fans le changer de polition , & il fe trouvoit alors aimante d'une facon forte & durable. II promenoit enfuite verticalement, & toujours du meme fens, un faif- ceau de ces barreaux aimantes , fur un affemblage de deux pieces d'acier courbees en fer a cheval, 2c qui formoient par leur jondtion une efpece d'ellipfe, & ces deux pieces devenoient deux trcsbons aimans artificiels, aimantes, comme on voit, fans le fecours d'aucun aimant naturel. Ellayons maintenant de donner, d'apres M. de la Lande, l'explication de ces fin- guliers phenomenes. Toutes les experiences qui ont ete jufqu'ici faites fur l'aimant , ont prouv# d'une maniere inconteftable qu'il y a autour de la terre un tour- Dillon de matierc magnetique qui, fortant d'un des poles va,en envelop- pant le globe , rentrer par le pole oppofe. Ces poles ne font pas les poles de rotation de la terre-, ils en font eloignes de plufieurs degres, & leur lituation a l'egard de ces derniers ne paroit pas etre conftante : on fait d'uil- leurs que les pores du fer offrent au mouvement de cette matiere une route plus facile que l'air, & les experiences rapportees en 1718 parM. duFay, lemblent prouver que ces canaux qui exiftent au-dedans du fer, font gar- A ij 4 ABREGE DES MEMOIRES i— hii.iii— n;s d'efpeces de poils metalliques, qu'on p ut coucher (uivant differentes p directions par divers moyens-, & enfin,que lorlqu'ils ont ete couches dans *" U "tin certain lens, la inatiere magnetique entrant, entile ces canaux avec Annce ij6i. bien plus de liberte. II n'cft done pas etonnant qu'en placint des barres de fer parallelement a l'axe qui joint les poles magnetiques de la terre, le cournnt qui agit dans toute fa force fuivant cette direction, en enfile les pores, & y cou- che les poils metalliques, fur-tout li cette operation naturelle eft aidee du fecours de la percuflion , les barreaux ont done du etre aimantes , e'eft-a- - dire, recevoir cette texture interieure qui les rend li propres an patfage de la matiere magnetique en un certain fens. Mais en meme temps que la matiere qui fuit le-courant du grand tour- billon les a penetres , une partie de cette matiere , qui a trouve en fortant du barreau plus de difficulte a fe mouvoir dans l'air que dans le fer, a rebroulfe chemin , & il s'eft etabli autour de ce barreau un tourbillon alon- ge , dont les deux extremites font les poles. II femble qu'on pourroit en conclure qu'une femblable barre pourroit aimanter les aiguilles de bouffole, en leur donnant a fon egird la meme pofition que la barre a l'egard de l'axe magnetique , e'eft-a-dire , en la coil- chant fur la longueur-, mais comme, en ce cas, l'aiguille ne recevroit l'im- preflion que du pen de matiere qui s'ecoule le long de la barre pour rd- tourner a fon pole d'entree , elle ne pourroit acquerir qu'une vertu ties- foible; an- lieu qu'en la frottant fur 1'extremite d'un barreau ou fur un des poles d'un aimant, elle en devient en quelque forte partie, & recnit toute i'impreffion de la matiere qui y entre ou qui en fort •, mais il faut bien prendre garde de la faire retourner fur fes pas, on detruiroit ce que l'on vient de faire; car il n'y a que la pointe de Taiguille qui quitte la pierre ou le barreau, qui conlerve une vertu fenfible. M. Antheaulme a imagine qu'en coupant la barre magnetique en deux, ou en fe fervant de deux barres placees dans la meme direction , & fepa- rees feulement par un petit intervalle, l'aiguille pofee fur cette jointure, & qu'on y frotteroit, fans que chacune de fes extremites quittat celle de la barre oil elle a ete placee , fe trouveroit expofee ^ tout le courant de la matiere magnetique , qui enfile les deux barres auxquelles elle fert alors de communication, & recevroit par- la une bien plus grande vertu. C'eft effedivement ce qui eft arrive ; les aiguilles & les petits barreaux s'aiman- tent par cette ingenieufe methode , beaucoup mieux que par aucune de celles qui font connues. • A cette expofition des principes qui ont conduit M. AntheauMe a fa decouverte, M. de la Lande ajoute une obfervation importante fur la regu- larite avec laquelle la declinailon de l'aiguille s'augmente depuis environ deux fiecles ; les obfervations modernes , comparees tant entr'elles qu'avec les plus anciennes , donnent une marche fuivie 8c uniforme , & prouvent que cette augmentation eft conftamment de neuf a dix minutes par annee: preuve evidente que cet efFet tient a une catife cofmique & generale; les caufes particulieres n'agiffent pas ordinairement d'une maniere li uniforme. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. Sur les Paillettes d' o r de l'Ariege. I i» ricliefles du nouveau monde ont prefque fait oublier celles de l'an- cien ; le plus grand nombre de ceux qui ne parlent qu'avec une efpece d'adrairation des mines du Perou , ignorent que la France, fur-tout dans fa parti- meridionale , contient beaucoup de ce precieux metal, qu'on va cherchcr avec tant de riiques au travers des mers, St que les Romains en tiroient autrefois de quoi entretenir le luxe & la magnificence qui ont en fin corrompu leurs mauirs & detrait leur empire. L'or qu'on recueille aujourd'hui en France ne s'y tire pas , comme all Perou, de mines profondes-, il fe ramafle dans les rivieres, avec le fable delquelles il fe trouve rtielc fous la forme de petites paillettes ou dc petits grains, & on Ten fepare par des lotions reiterees. M. de Reaumur a donne le detail de est art dans un memoire que l'academie a public dans foil volume de 1718 {a). Des obfervations nouvelles ont excite 1'attention des phyliciens fur cet article; M. Pailhss , changeui du roi a Pamiers, a fait part a l'academie, de fes recherches fur cet article •, elles ont engage M. Gu;t- tard a tourner fes vues vers cet objet, egalement intereffant pour 1'hiftoire naturelle & pour le bien de l'etat. Nous allons rendre compte de les re- cherches & de celles de M. Pailhcs. On croyoit communement que l'or que roulent les rivieres auriferes; venoit d.-s montagnes ou elles ont leur fotirce, ou y etoit entraine par les t irreus qui defcendent de ces montagnes. Les obfervations de M. Pailhes ont fait voir que l'Ariege, qu'il a ete plus a portee d'examinrr qu'aucune autre riviere, tiroit fon or du terrain meme qui compofe fes rives, qu'elle Ten feparoit dans le temps des inondations, & que meme les orpailleurs ou cherclv.urs de paillettes de l'Ariege, favoient li bien que le terrain des bords en contenoit , qu'ils prevenoient louvent les inondations par des abatis volontaires, qui occafionuoient quelquefois des proces entr'eux & 1l-s proprietaires de ces terrains ; que e'etoit prcs des rives degradees qu'ils trouvoirnt toujours les plus gros grains d'or, tandis que les paillettes les p'us legercs etoient entr.iinees par le courant. II eft encore certain qu'on ne trouve de groffes paillettes que dans les terrains voifins des montagnes-, on en a ramafle dans des rigoles que l'eau s'y creufe dans le temps des pluL-s, des morceaux qui pelbient jufqu'a une demi-once -, & des qu'on s'eloigne feulement de cinq a fix lieues du pays des montagnes, on ne trouve alors que de l'or tres-mince, & toujours mele avec du fable noir ferrugineux. Par tout ce que nous venons de dire, il paroit conftant que l'or qu'on ramafle dans l'Ariege, fe trouve en bien plus grande quantite aux environs des montagnes que dans les endroits de fon cours qui en font eloigns ; (<0 Voyez Me'm. 1718, Colleift. Acad. Partie Franc. Tome IV. Physique. Annie ij6i. 6 ABREG^ DES MEMOIRES ■ i ■ mais que cet or n'eft point immediatement entraine par les eaux des mon- p tagnes dans la riviere , & qu'il fe trouve au contrajre repandu dans tout le s i Q u e. terrajn ^uj J'ayojgne, y[ Pailhes a trouve non-feulement aux environs de Annc'e ijftl. l'Ariege, mais encore dans beaucoup d'autres cantons du Languedoc & du pays de Foix , quantite de terres auriferes ; tout le terrain fur lequel eft batie la ville de Pamiers eft de cette qualite, & on n'y peut creufer fans rencontrer des paillettes d'or melees avec la terre. Les paillettes & les grains d'or qu'on tire de cette maniere font abfo- luraent pareils , & pour le poids & pour la figure , a ceux qu'on tire de l'Ariege en lavant fon fable ; mais il fe trouve encore entre les uns & les autres un rapport bien plus fingulier, les paillettes de la riviere ne fe trou- vent jamais qu'accompagnees d'une certaine nature de fable , & ce fable mele de grains rougeatres & d'autres plus blancs , paroit etre le debris de cailloux de meme couleur, dont plufieurs ne feroient qu'une efpece dc quartz ; on en trouve des morceaux affez gros pour etre reconnoiffables , quoiqu'ils paroilfent pour la plupart avoir etc roules •, on trouve meme quelquefois l'or adherent a ces morceaux. Les ouvriers nomment ces cail- loux grau , & fe tiennent furs de trouver de l'or , des qu'ils en ont ap- Siercu dans quelque endroit. On trouve dans le terrain aurifere des cail- oux de meme nature ; & fi on les pulverife , ils donnent un fable abfo- lument femblable a celui qu'on retire de la riviere avec les paillettes d'or. II eft bien naturel de conclure de toutes ces obfervations , comme l'a fait M. Pailhes, que le fable aurifere n'eft lui-meme qu'un debris de cail- loux que les eaux ont entraines , roules & brifes , & que ces cailloux etoient la gangue & la matrice de l'or qui en eft aujourd'hui fepare, & qu'on trouve en grains ou en paillettes-, les eaux, foit du deluge univerfel, foit de quelque tres-grande inondation particuliere , auront pu , dans des fie- cles tres-recules, les detacher de la montagne, les brifer, les charier, & en depofer enfin les debris dans les terrains oil on les trouve : mais M. Pail- hes a pouffe plus loin l'analogie; il pretend que les cailloux entiers, qui fe trouvent dans ces terrains, tiennent auffi de l'or, & qu'on peut l'en reti- rer. II y a cependant tout lieu de croire que ceux qui fe trouvent au- jourd'hui dans le terrain aurifere, ou s'y font formes depuis levenement qui y a depofe les paillettes, ou que la plus grande partie etoit de ceux qui ne contenoient point d'or-, car M. Pailhes en ayant envoye une affez grande quantite a l'academie, l'examen chymique le plus fcrupuleux n'y a fait appercevoir qu'une fubftance ferrugineufe, fans le plus petit atome d'or. La decouverte qua fait M. Pailhes, n'eft pas cependant a negligeri e'eft beaucoup que d'avoir fait voir qu'au-lieu des fables d'une feule riviere , tout le terrain des environs olfroit le meme avantage : peut-etre meme trouvera-t-on quelques moyens plus expeditifs que celui qu'employent les orpailleurs, des qu'on voudra mettre cette efpece de mine en valeur. II y a des annees dans lefquelles on porte au fetil bureau de Pamiers, qui n'a pas plus de deux Iieues d'arrondiffement , jufqu'a quatre-vingt marcs de cet or ramafle dans l'Ariege', & il y a grande apparence qu'on n'y porte pas encore tout celui qu'on ramaffe ; fi on travailloit tout le terrain des DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7 environs, qui eft aurifere, il eft bien fur que cette quantite augmenteroit »—■— — ^ confiderablement, & pourroit devenir un objet intereffant. ' Mais quelque limple que foit aujourd'hui l'art des orpailleurs , qui ne H Y s * (i u E' conllfte guere qua vanner, pour ainli dire, Ieur fable dans l'eau avee one Annie i"6i febile de bois , qui a pu Ieur enfeigner que dans ce fable ils trouveroient de Tor qu'on n'y voit qu'apres beaucoup de lotions, & qu'ils Ten fepare-' roient par ce moyen ? M. Pailhes hafarde fur ce point line conjecture , il penfe que les Gaulois qui , lous la conduite de Brennus , pillcrent le tem- ple de Delphes , ayant ete difperfes dans route la Grece , ou cet art etoit connu, le virent pratiquer; & que ceux qui revinrent de cette expedition, le rapporterent a leurs compatriotes, chez lefquels il s'eft depuis conferve; mais il ne donne cette explication que comme une (imple conjecture ; ce qu'il y a de reel , e'eft que les rccherches de M. Pailhcs & les reflexions qu'y a joint M. Guettard, ouvrent une nouvelle carriere aux naturaliftes, & prefentent peut-etre un objet de recherches avantageufes. SuR QUELQUES NOUVELLES EXPERIENCES ELECTRIQVES. .L/epuis environ un demi-fiecle que lele&ricite' a commence a exciter nift. l'attention des phyficiens, il s'eft peu paffe d'annees qui n'aient fourni quel- que nouveaute fur cette matiere. Voici encore des experiences nouvelles tirees d'un ouvrage envoye a M. l'abbe Nollet par M. Symmer, de la fo- ciete royale de Londres , & qui paroiffent devoir mettre quelques reduc- tions a des principes qu'on avoit jufqu'ici regardes comme generaux. On a du remarquer , & on a effecrivement remarque une infinite de fois , que dans une faifon froide & par un temps fee , des bas de foie , tires des jambes , faifoient entendre une forte de petillement, & don- noient , fi on fe trouvoit dans l'obfcurite , des etincelles tres-brillantes. M. Symmer etoit trop bon phyficien pour ne pas reconnoitre ce pheno- mene pour un de ceux qui dependent de l'ele&ricite ; il jugea a propos de fuivre cette experience que le hafard lui avoit oft'erre : les effets (in- gpliers qu'elle lui donna lieu d'obferver, juftifierent pleinement la curio- lite qu'il avoit eue , & apres avoir eprouve des bas de tomes fortes de ma- tieres & de couleurs difrerentes, il obferva conftamment : i°. Que lorfqu'il mettoit l'un fur l'autre, fur la meme jambe ou fur 1'un de fes bras nud , deux bas de foie , l'un b!anc & l'autre noir , & qu'apres les avoir echauffss & frottes un peu de temps , il les retiroit fans les feparer l'un de l'autre •, ces bas joints enfemble , foit qu'ils tinflent en- core a la jambe, foit qu'ils en fuflent totalement fcpares, ne donnoient que de trcs-legcres marques d'elc-ctricite. 1°. Que fitot qu'on les feparoit l'un de l'autre, & qu'on les tenoit fuf- pendus en Pair & ifoles, chacun d'eux fe trouvoit anime d'une vertu elec- trique tres-icnjlble, qu'ils attiroient alors tous les corps legers qu'on Ieur prefentoit, qu'ils s'attircient eux-memes reciproquement & de fort loin, 8 ABREG^DESMEMOIRES qu'ils paroiffoient enfles & arrondis, comme s'ils euflent etc pleins, qu'oa fentoit autour d'eux les memes emanations elcdriques qu'on fent autour P h v 5 i Q u e. j^ Condu£teurs , & qu'enfin ils ettnceloient avec bruit dans l'obfairite. Ann(e i"Gi. 3°. Que les feux qu'on tire du bas blanc different de ceux qu'on ob- tient avec le bas noir, comme ceux du verre electrife different de ceux qu'on tire du foufre. 4". Qu'on peut charger la bouteille de Leyde avec 1'un de ces bas, & la decharger fans explolion avec l'autre. 5°. Que fi on met les deux bas ainfi eledMfes a portee de fe joindre, ils fe precipitent l'un fur l'autre, fe defenflent dans l'inftant qu'ils fe tou- chent , s'applatiffcnt & fe colent enfemble , & qu'alors ils paroilfent avoir perdu toute leur venu. 6°. Mais que fi au bout d'un quart- d'heure , & quelquefois bien plus long-temps aprcs , on les fepare de nouveau , ils reprennent leur elecfri- cite, & reproduifent tous les effets dont nous venous de (aire mention. 7°. Qu'enfin, en feparant ces bas devenus electriques , foit immediate- inent apies les avoir tires de deffus la jambe, foit apres qu'ils fe font unis, on eprouve une refinance qui n'a pu etre vaincue , felon les experiences de M. Symmer , dans le premier cas, que par un poids quatre-vingt- douze fois plus lourd que le bas qu'on vouloit feparer, & daus le fecond,. que par une force de plufieurs onces. Telles font les principales experiences que rapporte M. Symmer dans fon ouvrage , dont h traduction , faite par M. du Tour , correfpondant de l'academie, eft prete a paroitre. Voyons prefentement les reflexions qu'y a joint M. l'abbe Nollet dans fon memoire. Quoiqu'on fache depuis long-temps , que la foie chauffee jufqu'a un cer- tain point fe peut eledcrifer en la frottant,on etoit cependant bien eloigne de penfer que cette eleftricite put augmenter (1 confiderablement par le melange de deux tiffus de foie differemment colores , qu'un des deux corps prit tres-fenfiblement par ce moyen l'electricite que recoit le verre, & Fautre celle qu'on donne au foufre •, que cette eledtricite s'affbupiffe par la reunion des deux corps, & fe ranime par leur feparatioiv, & qu'enfin leur adherence, lorfqu'ils font joints enfemble, flit telle que nous venons de le dire, & on ne peut que favoir tres-bon gre a M. Symmer d'avoir fait cette decouverte : mais en admettant tous ces faits , effayons de demeler quels font les principes auxquels ils paroiffent tenir. La premiere queftjon qu'on peut fe propofer, eft de favoir fi, dans cette experience, la chaleur du corps agit {implement comme chaleur ou bien comme chaleur animale. Un tres grand nombre d'experiences femble indi- quer que cette demiere eft plus propre qu'aucune autre a exciter dans la laine & dans la foie une ek ftricite forte & vigoureufe. M. Symmer meme paroit la regarder comme ablolument neceffaire : elle ne l'eft cependant pas : on obtient fans elle les memes effets -, & M. l'abbe Nollet a toujours reuffi en etendant le bas de foie noire & le blanc l'un dans l'autre fur une chaife de canne , fous laquelle il avoit mis un rechaut , & les frottant en cet etat avec un papier gris on un morceau d'etofle replie plufieurs fois fur DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. o fur Iui-meme. II eft done bien certain que la chaleur animale n'eft point ■— ■^—« abfolument neceftaire pour exciter lclecrricitj dans cette occalion,& quelle p n'a d'autrc efti't que d'en augmenter la force. Une feconde queftion qui fe prefente, eft de favoir quelle pent etre Annte i"]6i. la caufe de la difference d'eledricite que re$oivent par la meme operation deux bas de meme matiere, & qui ne different que par la couleur : eft-ce la couleur meme, & comme couleur, qui produit cette difference? ou n'eft-elle due qu'aux ingrediens qui entrent dans la teinture noire ? M. Symmer paroit perfuade que cet effet depend des couleurs comme couleurs, & nullement des ingrediens de la teinture, il va meme jufqu'a rejeter toutes les conclulions que feu M. du Fay avoit tirees de fes expe- riences , & par lefquelles il pretendoit que e'etoit les drogues de la tein- ture, & non pas les couleurs memes , qui produiloient les variations qu'ou obferve dans les phenomenes electriques (a). Nous ne repeterons point ici les experiences de cet academicien •, nous dirons feulement qu'en teignant, par le moyen d'un prifme,des rubans de loie blanche de differentes couleurs , il n'eti refulta aucune difference dans les effets de l'eleclricite , quoique ces memes rubans teints des memes cou- leurs, a la maniere ordinaire, en euflent donne d'affez bien marques; d'oii il conclut, avec beaucoup de vraifemblance , que la couleur n'entre pour rien dans ces differences, mais qu'elles font abfolument dues aux ingre- diens de la teinture. M. l'abbe Nollet a ete plus loin •, comme les deux bas de foie employes par M. Symmer etoient, l'un blanc & l'autre noir, & qu'il n'entre dans la teinture noire que deux drogues, le vitriol verd & la noix de gale, il a voulu voir laquelle des deux donnoit au bas teint en noir la propriete de s'eledrifer a la maniere du foufre. II a done trerape feparement deux bas de foie blancs, l'un dans une folution de vitriol, & l'autre dans une forte decoction de noix de gale : ce dernier, qui n'avoit prefque rien perdu de fa blancheur, a ceffe de s'eledrifer comme le verre; tandis que l'autre n'a paru recevoir aucun changement. Ce n'eft done pas la couleur noire qui, dans l'experience de M. Symmer, donnoit au bas qui en etoit teint, la propriete de s'electrifer a la maniere du foufre, puifque le bas de foie engale par M. l'abbe Nollet l'avoit acquife fans perdre fa blancheur; & d'ailleurs la plupart des phenomenes de M. Symmer fubliftant dans l'obf- curite, ou il n'y a plus de couleur, il eft evident qu'elles ne tiennent en aucune forte a la couleur, mais a la preparation de l'etoffe. La texture des bas n'entre pas plus dans cet effet que leur couleur-, on peut, & M. l'abbe Nollet s'en eft allure par des experiences reiterees, leur fubftituer avec fucces des fourreaux blancs d'etoffe de ipie , qu'on fait en- trer dans d'autres fourreaux de meme etoffe, mais noirs, more-dore on Implement pafles dans la decoction de noix de.galle, on obtiendra des effets proportionnts a la grandeur de ces fourncaux ; il eft feulement a remarquer que les etoffes qui font les plus litfes , reuflilfent moins bien que («) Voyci Hift. 1733, CoIIeA. Academ. Partie Fransoife, Tome VII. Tome XIII. Fartti Franfoife. R ,o ABREGE DES MEMOIRES ■iuuhu !■■■■■■ celles qui font un peu bourreufcs. C'eft apparemment pour cette raifor* _ que le ras de Saint-Cyr a paru a M. l'abbe Nollet meriter la preference r h y s i Q u e. ^ toutes les autres etoftes de foie qu'il a efTaye d'employer ; on pent Annie ij6i. meme employer des rubans de foie blanche & des rubans de foie noire ou engales, on obtiendra en petit les merries efiets. En un mot, tout l'effen- tiel de cette operation confide a unir enfemble deux corps eleclrifables , I'un a la maniere du verre, & I'autre a celle des refines; a les frotter tous deux en mcme temps , & a aider leur eledrifatiqn par quelqties degres de chaleur. II n'eft pas meme neceffaire que les deux corps foient tiflus de foie-, M. l'abbe Nollet a employe avec fucces, au-lieu du fourreau blanc un tube de verre qu'il habilloit, pour ainfi dire, du fourreau d'etofte de foie noire : ccs deux corps, tantqu'ils n'etoient pas ele&rifes, n'avoient aucune adherence l'un a I'autre; mais , des qu'ils etoient frottes, ils en contrac- toient une li forte, qu'il falloit quelquefois , pour les feparer, un poiJs deux cents quarante fois plus grand que celui du fourreau ■, mais ce qui merite une finguliere attention , c'eft que cette enorme cohefion n'a lieu que jufqu'a ce que le fourreau ait commence a gliffer fur le tube-, car des qu'il a fait le plus petit mouvement , elle diminue confiderablement. On pourroit croire que ce n'eft que parce que le fourreau a pour lors moins de fes parties appliquees an tube; mais M. l'abbe Nollet a conftamment trouve que cette diminution etoit incomparablement plus grande que ne deman- doit la partie du fourreau qui, en glirlant, avoit quitte le tube, & quelle n'avoit aucune proportion avec elle : il penfe qu'on peut conje£turer que l'adherence venoit des filets de matiere qui , fortant des pores du verre, fe font fraye une route dans ceux de l'etorre qui font vis-a-vis, & font ainli 1'orEce de chevilles pour les empecher de glitfer ; mais que , par le depla- cement, le nombre des pores correfpondans ne fe trouvant plus le meme, (>arce qu'ils peuvent ne fe plus trouver les uns vis-a-vis des autres; alors a caufe de i'adherence venant a diminuer, elle diminue auffi elle-meme. Mais ce que M. l'abbe Nollet a trouve de plus fingulier en repetant les experiences de M. Symmer, c'eft de voir des rubans & des echeveaux de foie blanche, animes de la meme eledtricite que le tube, fe precipiter fur lui , & y demeurer fortement attaches. On avoit toujours regarde jufqu'ici comme un principe conftant & avoue de tous les phyliciens eledVrifans, que denx corps eleclrifes fe repouffoient mutuellement , li leur electricite etoit la meme; & s'attiroient au contraire , li elle etoit difterente. Inexpe- rience que nous venons de rapporter, fait voir que e'etoit a tort qu'on avoir regarde ce principe d'experience comme general, puifque de la' foie blanche , qui prend la meme eledrricite que le verre , eft fortement attiree par le tube eleftrique : mais voici encore quelque chofe de plus lingulier ; ce meme ruban , ce meme echeveau , li conftamment attire par le tube quand ils ont ete frottes enfemble , s'en ecarte avec la meme conftance quand il n'a ete elecl:rife que par communication. II y a plus, deux echeveaux de foie eledtrifes enfembfe fur le meme tube , & qui tendent tous deux a s'en approcher, fe repouffent mutuellement avec la meme vivacite. Les me- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n mes phenomenes p.iroiffent, quoique plus foiblement, & avec quelques — — — — » variches , (i on emploie , au-lieu du tube de cryftal , un baton de cire r, j.n.. r Physique, drifpagne. x II faut done neceuairement admettre, malgre I'opinion contraire, uni- Annie ij6i. verfellement recue, que les corps qui ont la mem: eleclrricite , ne fe re- pouffent pas toujours, & qu'au contraire il y a des cas ou ils s'attirent tres- fortement ; d'oii il femble tres-naturel de conclure que l'attraction reci- proque de deux corps elcctrifes , ne prouve point que letirs electricites lbient de nature differcnte , puifque la meme chofe arrive a des corps cer- tainement animes de la meme electricite. Une feconde remarque de M. l'abbe Nollet, e'eft que les corps qui fe peuvent electrifer a la maniere du verre , n'ont pas befoin d'etre adluelle- ment elcctrifes pour contractor une adherence marquee avec les corps elec- trifes a la maniere des refines •, il a fouvent vu des rubans ou des eche- veaux de foie noire ou (implement engales •, des bas de foie meme, quoi- que bien plus pefans , devenus par confequent eledtriques a la maniere des relines, fe coller fur des glaces de miroir qui n'etoient point eleiftriques , & y demeurer fufpendus jufqu'a ce que leur eledlricite fut eteinte ou con- liderablement diminuee •, mais dans ce cas rien n'eft plus facile que de les en detacher , en leur prefentant un corps eledtrife de la meme nature que celui auquel ils tiennent , corsme dans l'exemple que nous avons rappor- te , un tube de verre nouvellement frotte , on peut etre fur qu'on detruira par ce moyen toute leur adherence. M. l'abbe Nollet n'a pu reuffir a obtenir le demier phenomene rapports par M. Symmer; il eleftrife enfemble par le moyen d'un condudleur, deux carreaux de verre mince, couverts d'un cote feuleraent par une feuille de metal , & appliques Tun fur l'autre par leurs faces nues : ces deux verres contracrent entr'eux une telle union, qu'en enlevant celui de defius, on enleve auffi celui de deflbus , qui lui eft fortement adherent ', mais (i on acheve l'experience de Leyde, en tirant une etincelle du condufteur, pen- dant qu'on touche le carreau inferieur •, ou que les ayant retournes fur le fupport, on faffe toucher par le conducteur celui qui touchoit d'abord aux corps non ifoles, dans le moment toute l'adherence des carreaux ceffe, & celui de deffus ne peut plus enlever l'autre. M. l'abbe Nollet ne contefte point cette experience; & quoiqu'il n'ait pas encore pu y reuffir, il eft perfuade qu'elle doit avoir le fucces qu'an- nonce M. Symmer ; mais s'il eft d'accord fur le fait , il ne l'eft pas fur les confluences que tire de toutes fes experiences l'iugenieux Anglois, qui pretend y trouver des preuves certaines qu'il exifte dans la nature deux eLdricites efTentiellsment differentes, & qui fe detruifent naturellement. M. l'abbe Nollet croit au contraire y trouver une preuve tres-forte qu'il n'exifte dans la nature qu'une feule efpece d'elechicite : en eftet, com- ment concevoir que deux electricites , qui doivent par 1'hypothefe fe 66- truire, fubliftent enfemble & fe fortifient mutuellement, comme toute la luite des experiences de M. Symmer, que nous venons de rapporter, lem- ble le prouver ? II croit plus prudent de s'en tenir aux caufes mechaniques B ij ii A B R E G E DES MEMOIRES qu'il a toujours donnees des phenomenes electriques , & dont le jeu pa- roit tout a decouvert dans ces experiences, que de leui fubftituer des nom3 I a y s i Q u . ^ jes jj^gj vagUes mais M. Guettard n'a pas ete a portee de les examiner. On peut aufli reduire la tourbe en charbon de la meme fac,on qu'on y reduit le bois, en la difpofant en tas propres a etre allumes, & la couvrant enfuite de terre Iorfqu'elle a pris feu : cette matiere a ete la premiere em- ployee-, elle eft plus prompte, mais aufli elle occafionne plus de dechet, & e'eft la raifon pour laquelle les ouvriers l'ont abandonnee. II n'eft pas befoin de parler ici de l'utilite dont peut etre cette matiere, dont l'ufage commence a s'introduire meme a Paris •, mais ce qu'on ne de- vineroit pas aifement, e'eft que cette reflburce, qui femble avoir tout l'air de la nouveaute , ait ete connue depuis plus de cent quaranre-lix ans , fans que, pendant cet efpace de temps, perfonne fe foit avife d'en faire ufage. Un avocat au confeil, nomme le fieur de Lamberville, avoit obtenu en 1616 , non-feulement la permiflion d'ouvrir des tourbieres pres de Ville- roy & dans plufieurs autres endroits, mais meme une efpece de furinten- dance & d'infpecTiion generale fur ces fortes de travaux dans toute l'etendue du royaume. Ses lettres avoient ete enregiftrees a la table de marbre, & il avoit deja fait tirer, pres d'Efcharcon , plus de cent milliers de tourbes-, mais fa mort, arrivee peu de temps apres, arreta rexecution de fon pro- jet, qui demeura tout-a-fait abandonne-, &: Guy Patin , qui rapporte toute cette hiftoire dans fon traite des tourbes combuftibles, nous apprend com- ment le monceau de cent milliers de tourbes, qui en auroit du confer- yer le fouvenir, a ete detruiti des petits Patres voulant fe chaurkr pendant >g ABREGE DES MEMOIRES I l'hiver, adofferent contre ce monceau , qui ne leur parut que de la rerrej le feu de buchettes & de paille qu'ils allumoient pour leur ufage ; mais ils Physique. furent kien {Virpris de voir la pretendue butte de terre s'allumer-, & quoi Annie 1161. cine l'on P"1 faire > e'le brtila entierement : cependant, malgre toutes les recherches qui ont ete faites depuis, des moyens de diminuer la confom- mntion du bois, perfonne ne s'eft avife de penfer a cette refTource fi pro— chaine & fi facile. Tant il eft vrai qu'on va fouvent chercher bien loin des moyens de s'oppofer a des maux dont on a le remede, pour ainfi dire, fous la main. Mais fi les tourbieres de Villeroy peuvent etre utiles a Paris , il eft un pays tres-voifin de cette capitale, auquel elles le feroient bien davantage. Perfonne n'ignore que la Beauce, ce canton li riche & fi fertile en grains, eft abfolument depourvu de bois, qu'on n'y en a pas meme pour les ufages les pkis neceffaires, n'y ayant d'autre matiere combuftible que le chaume; des tourbieres, fi on en trouvoit a portee, feroient done a la Beauce d'une utilite prefque infinie. La connoiilance que M. Guettard s'eft acquife de la nature du terrain des environs de Paris , lui a fait tenter cette decou- verte •, il a penfe que la vallee de Villeroy etant continue avec ceiles qui avoifinent Etampes, & ayant un terrain de meme nature, il etoit tres- probable qu'on y devoit trouver les memes producliions. Les herbes, avant que le pays fut habite, n'etoient point coupees, & pourriffoient dans ces pres; les feuilles des arbres, dont tout ce canton etoit alors couvert, ont dii etre emportees par les vents & par les pluies au fond des vallees : quelle matiere jmmenfe pour former de la tourbe, (i la lituation du lieu & la nature du terrain y font favorables ! C'eft d'apres toutes ces raifons que M. Guettard a tounie fes recherches du cote des prairies bafTes des environs d'Etampes, & il n'a point ete trompe dans fa conjecture ■, prefque toutes ces prairies en fourniffent efteftivement ; & comme Etampes eft fur la grande route de Paris a Orleans , qui traverfe toute la Beauce, quelle facilite n'auroit-on pas pour faire tranfporter cette matiere par les voitu- res qui retournent tres- fouvent a vuide, & qui feroient charmees de trou- ver ce petit profit a faire. Ce feroit line reffource d'une utilite immenfe pour toute cette province, ou le bois manque abfolument, & un moyen allure d'y augmenter l'abondance , & par confequent la population. Au motes ne tiendra-t-il pas a M. Guettard que cette province ne jouiffe de ces avantages ; les recherches de phyfique & d'hiftoire naturelle font ra- rement pouffees un peu loin, fans mener a quelque objet d'une utilite direde & adtuelle. OBSERVATIONS DE L'ACADEMIE ROYALE DhS SCIENCES. r7 Physique. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. ^^ Qu N, ous avons rendu compte, en 1754. (a), du fcntiment de M. Guet- tard fur la formation de l'ofteocolle , & nous y avons rapporte lcs preuves fur lefquelles il etoit fonde : en voici une nouvelle tiree d'une obfervation faite par M. du Tour, correfpondant de l'academie. Faifant nettoyer un canal de decharge, qui fert a l'ecoulement des eaux de fon jardin , il re- marqua que tout le fol du canal etoit comme tapiffe d'un tiffu fort lerre de filets pierreux , dont les plus gros avoient deux lignes de diametre & qui fe croifoient en tous fens ; ces filets etoient de veritables tuyaux mott- les fur des racines d'orme fort menues, qui s'y etoient deflechees, & qu'on en pouvoit aifement tirer. La couleur de ces tuyaux etoit grife, & leurs parois, qui avoient au plus deux tiers de ligne d'epailfeur, etoient affbz forts pour redder, fans fe brifer, a une affez forte compreffion des doigts. A ces marques, M. du Tour ne put meconnoitre l'ofteocolle; mais il ne put auffi s'empecher d'etre etonne du peu de temps qu'elle avoit mis a fe former-, car ce canal n'etoit confhuit que depuis environ deux ans & demi, & certainement les racines qui lui avoient fervi de noyau, etoient de plus nouvelle date; mais fon etonnement diminua quand il fit reflexion que ces eaux venoient d'une fource qui etoit de meme nature que celle dont il eft parle dans 1'hiftoire de l'academie de 1745 (b) , & qui produit une quantite fi coniiderable d'incruflations pierreufes, qu'on s'en fert a batir. Quoiqu'il en foit , M. du Tour a Iaiffe fa pepiniere d'ofteocolle en expe- rience , & la fuite du temps y fera peut-ctre remarquer quclque nouvelle lingularite. I I. Le 28 Fevrier 1-761 , a huit heures du foir, 1'air etanr tranquille 8c le ciel ferein, on appercut a Tyrnau en Hongrie, une pyramide lumineufe qui s'elevoit au couchant, tirant un peu vers le nord-oueft, fa Iumtere etoit vive, rougeatre en quelques endroits, & on appercevoit a fon ex- trtfmite une efpece de frange rouge •, elle s'eleva jufqu'a la hauteur de 5 1 de- gres. Du milieu de cette colonne partoit un arc lumineux, large d'environ un degre, qui traverfoit la conftellation de Caffiopee, & au-deffous de cet arc on voyoit des bandes Iumineufes qui paroiflbient & difparoirToient; le refte de l'efpace etoit rempli par un nuage blanchitre & l:ger , qui n'empechoit pas de voir les etoiles; & vers l'horizon, par un gros nuage noir, du bord duquel on voyoit de temps en temps s'echapper des rayons (O Voyez Hift. 7754, Cull. Ac-.d. Part. Fran?. Tome XI. (4) Voyez Hift. 1745, Coll. Acad. Part. Franc. Tome IX. . Tame XIII. Rank Franfoiji. C Hift. .8 ABREGE DES MEMOIRES MPgSJHBS lutmneuXj divcrgcns & forts courts : vers les neuf heures, on vit partir de l'horizon , du cote du nord , des rayons blancs , qui s'elevant les tins fur V h y s i Q u e. jes alltres avec rapidite , s'alloient perdre dans un image rougeatre qui pa<- Annie i~6i. roifio't au-dcifus. Le phenomene dura quelque temps en cet etat, apres quoi il diminua peu-a-peu, & difparut enfin tout-a-fait. Sur la fin de cctte obfervation , le vent fouftloit affez fortement du fud-oueft; le mer- cure etoit a vingt-fept polices & demi dans le barometre,& le thermo- inetre a dix degres un quart au-deffus de la congelation. Le detail de cette aurore bortale eft tire d'une lettre du P. Weiff, jefuite, a M. de 1'Ifle. I I I. Lorsqite l'academie fitmefurer, en 175 6, tine nouvelle bafe pour diffiper toute 1'incertitude qui fe trouvoit dans les termes de celle de M. Picard , on employs pour cette mefnre des perches de bois peintes a l'huile (a), garnies de fer par leurs deux extremites, &* qu'on etalonna avec la plus grande attention. M. le Monier s'etoit appercu que ces perches s'aloh- geoient un peu a l'humidite, quoique le chaud & le froid n'y caufaffent aucune alteration; celles dont il s'etoit fervi, etoient demeurees chez lui dans un endroit fee depuis 1'operation faite en 1756 : il a voulu cette an- nee les confronter avec l'etalon de 41 pieds, qui avoit fervi a l'operation, mais il a ete extremement furpris de les trouver alongees de plus d'une ligne ; il a repete cet examen avee l'attention la plus fcrupuleufe , aide dans cette recherche par M. Peronner, infpedleur general des ponts & chauf- fees, & par M. de Chezi, ingenieur •, ils out fcrupuleufement verifie la longueur de l'etalon , a'u moyen de fept regies de fer d'une toife, compa- rers a la toife de fer qui a fervi a la mefure du degre fous le cercle po~ laire ; ils ont choili un temps 011 le thermometre e^oit au meme degre que dans l'operation de Villejuive, & il eft demeure bien conftant que, fur la longueur de 42 pieds, les perches fe font alongees, depuis cinq ans , d'une ligne & demie. D'ou peut venir cette augmentation ? M. le Monier foup- conne qu'on la pourroit attribuer a un refte d'humidite, qui n'ayant pu for- tir par la furface du bois, a caufe de la peinture, a du s'echapper (tiivant la direction des fibres du bois , & leur faire par ce moyen prendre une plus grande longueur : il femble qua mefure qu'on veut approcher de plus pres de la precilion , il naiffe , pour ainli dire, de nouveaux obftacles a lurmonter, deiquels on n'avoit aucune idee. I V. Le 17 d'icembre 1760, neufouvriers travaillant dans une mine de char- bon de terre, pres Charleroy, l'un deux fe fit jour dans un endroit qui contenoit toutes les eaux amaffees d'un ancien trav.iil , dont on n'avoit pas connoiffance ; ces eaux s'elancerent auffi- tot avec tant d'impetuolite, qu'il (<0 Vojez Hjft. 1754, CcHefl. Acad. Part. Fran?. Tome XI. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. .. n'y eut que deux de ces ouvriers qui pulTentcn eviter I'atteinte, & gngner ■— i^mm •* ce qu'ils appellent le bure de charge a ge , e'eft-a-dire !e puits par leant] p on enleve ia holiille, & ces deux remonterent dans le panier qui fert a cet ulage-, les fept autres forent entraines par le torrent avec les decombrcs Annh iiGi. qu'ii charrioit ; l'un d'entr'eux, nomine Evrard , age de trente ans , fut affez heureux pour eviter la mort, & pour gagner on endroit plus eleve d'une des galeries a laquelle venoit fe rendre le bure d'airage , c'eil-a-dia-, l'ouverture deftinee a fournir de l'air an fond de la mine. Les eaux s'etant enfuite ecoulees aux endroks les plus bas, Evrard fe trouva a l'abri de leur infulte, mais enferme entre ces deux ouvertures, toutes deux com- bines par les eboulemens que l'eau avoit caufes •, fes habits etoient mouil- les, le mauvais air l'incommodoit tres-fort, & il avoit beancoup fouftert du choc des differentes matieres avec lefquelles il avoit ete entraine : cc- pendant rien de tout cela ne l'empecha de crier fouvent & long-temps, mais en vain-, & aprcs avoir regagnj Ia petite hauteur, qui etoit fon afyle, il s'endormit de fatigue; a fon reveil, fes habits fe trouverent feches, mais il n 'avoit aucunes provisions, que quatre chandelles qui fe trouverent dans (a poche , delquelles meme il ne nt aucun ulage pendant fon fejour dans cet abyme, n'ayant pu, malgre la faim, vaincre la repugnance qu'il avoit a manger cette delagreable graiffe; la feule reffource pendant neuf jours, qu'il paffa dans cet etat , fut done l'eau meme qui avoit caufe fon defaftre, & de laquelle il but trois fois. Ce jeune li long & li fevere lui lailfoit ce- pendant affez de force pour aller 8c venir, & pour richer de fe faire en- tendre, mais il a dit qu'il fe trouvoit fouvent auoupi, & qu'il croyoit avoir dormi beaucoup •, e'etoit en efret ce qu'il pouvoit faire de mieux; Pendant tout ce temps, fes camarades, quicroyoient que tous ceux qui avoient ete entraines, avoient peri, ne faifoient aucunes perquiiitions ; ce ne fut que le 16 qu'ils fe mirent a deblayer les galeries encombrees, & a rechercher les cadavres, du cote du bure de chargeage; Evrard entendit le bruit qu'ils failoient, & meme une partie de ce qu'ils difoient; e'en fut alfez pour l'engager a crier de fon cote, & frapper avec un marteau a pointe qu'il avoit avec lui •, mais une nouvelle circonftance penfa rendre tous fes efforts inutiles •, fes camarades le prirent pour un cfprit , & n'oierent plus avancer ce travail ; heureufement pour lui , il en vint une autre troupe qui etoient un pen en pointe de boiffon , & par confequent plus hardis •, ceux-ci travaillerent fans crainte a parvenir jufqu'a lui : i la premiere ou- verture qu'il appercut, il failit un des travailleurs par le col , & ne le lacha point qu'il ne fe vit arrive au haut du puits-, on le mena chez le cure, oil plus de cent perfonnes s'etoient allemblies -, l'air ne l'incommoda point ; mais ayant appercu trois pommes qui cuifoient au feu , il s'en failit & les devora avec la plus grande avidite, & ce repas fut fuivi de trois demi-ver- res de vin blanc qu'on lui donna j on le conduilit dans une maifon voili- ne, oil M. Santorin, chirurgien-major de Charleroy, le mit d'abord au regime de fix taffes de bouillon & autant de bifcuits par jour', on y ajouta enfuite un pen de veau & de volaille, & petit-a-petit on le rappella au regime ordinaire-, mais il fut pres de lix jours fans pouvoir reprendre le C ij ia ABREGE DES MEMOIRES fommcil; ce ne ftit quail bout d'environ trois lemaines qu'il put s'en re- tourner a fa maifon , qui n'etoit cepe-ndant eloignee que d'un quart de lieue I h y s i q u e. dg cej|e 0 v on i'avoit f0igni , & il fut encore long-temps a fe remettre -4/7/zA 1761. a« Poi,lt de recommencer ion travail. L'academie a deja rapporte plu(:eurs exemples de gens qui out vecu long-temps fans autre nourriture que de l'eau. V. Le 11 Novembre 1761, environ a quatre heures un quart du matin, M. le baron des Adrets fe trouvant en chaife de pofte , a une lieue de Villefranche en Beaujolois , & faifant route dire&ement au nord , il re- marqua que la lune, qui entroit ce jour- la dans fon plein, & qui par con- fequent etoit encore aifez haute fur l'horizon , jettoit une clarte extraordi- naire; quelques momens apres, il appercut l'horizon vis-avis de hit, 8c par confequent au nord, aufli eclaire qu'en plein jour", il penfa que ce pouvoit etre une aurore boreale, & fut quelques fccondes fans avancer la tete pour voir la lune, que lui cachoit le panneau gauche de la chaife ■, mais la clarte augmentant, il jetta Its yeux de ce cote, & n'appercut plus la lune; mais au-lieu d'elle un globe cclatant, dont le difque etoit double de celui de cette planete ; ce globe fembloit fe precipiter avec rapidite vers la terre, & groffir a mefure qu'il en approchoif, il laiffoit apres lui une groife trainee de feu qui marquoit fa route : apres que ce globe eut par- couru a-peu-prcs la huitieme partie de l'horizon , en tirant vers le nord- oueft, il parut de la grofleur d'un tres-gros tonneau coupe horizontalement par fa moitie, tenant par le cote a cette trainee de lumiere dont nous avons parle, & qui fubfiftoir encore en fon entier, alors le demi-tonneau fe ren- verfa , & il en fortit une quantite prodigieufe d'etincelles & de flam- meches femblables en forme & en couleur aux plus groffes de celles qu'on voit dans les gerbes d'artifice, & le tout fe paffa, fans que M. le baron des Adrets eut entendu le moindre bruit pendant environ une minute que dura le phenomene. Il n'en entendit parler ni a Chalons, ni dans aiicune des pofles intermediaires entre Villefranche & Beaune; mais dans cette der- niere ville, on lui en parla avec le plus grand effroi; la clarte y avoit paru egale a celle du jour en plein midi, & l'exploiion avoit ete accompagnee d'un bruit affreux , qui avoit fait trembler toutes les maifons. II paroit par le recit de M. des Adrets, que le plus grand effet du phenomene a ete pres de Dijon , un peu fur la gauche -, le bruit ne s'eft pas entendu au-dela de dix a douze lieues a la ronde : il eft tombe du feu dans beaucoup de villages, mais il n'a rien enflamme •, dans quatre de ceux qui etoient fur la route, on a affure a M. des Adrets que ce feu etoit tres-blanc, & il I'avoit effe&ivement vu tres-clair. Depuis Beaune jufqu a Viteaux , oil le ciel etoit convert, les habitans appelloient ce feu Xiclair-, idee que leur en devoit efvectivement donner Ia clarte appercue a travers les nuages , & le bruit qu'ils avoient entendu ; mais du cote de Vermanton , ou le ciel etoit ferein , ils le nommerent le rnuid de feu ; il en etoit tombe beaucoup de ce cote, & le poftillon merac, qui mena M. des Adrets, l'affura qu'il en DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n avoit ete couvert. Ce meme phenomene fut appercu a Paris par M. de la — — C.iille; il obfervoit , vers quatre heures & demie du matin , Ie paffage d'une „ etoile des gemeaux par le meridien , il appercut une trainee tres-blanche &-"HYSIQur- tres-lumineufe , qui traverloit l'ouverture par laquelle il obfervoit, & qui Annie 1761. lui parut elevee fur ^horizon d'environ 50 degres. Enfiti M. de la Conda- mine a allure qu'il avoit etc vu a Ham en Picardie, mais an fud, comme a Paris. 11 falloit que ce phenomene fut bien eleve , pour avoir pu etre vilible dans des lieux aula eloignes que le font Villefranche & Ham. V I. M. l'abbe Bacheley, pretre du diocefe de Lifieux, & corrcfpondant de l'acadcmie, lui a envoye, pour etre mife dans fon cabinet, une collec- tion de foillles, qui fert de preuves au fyfteme qu'il a fur leur formation. II penle que ces pierres ne doivent la leur qu'a des corps marins, qui ont ete d'abord reconverts d'une banche ou enveloppe marneufe, & que 1'une 011 l'autre fubftance avoit depuis ete reduite fous la forme de (ilex ou de caillou , tant par 1'addition de cette terre marneufe qui a penetre le corps inarin, que par l'acide que celui-ci a fburni. L'afliduite des obfervations de M. l'abbe Bacheley l'a mis a portee de reconnoitre dans les differentes pieces qui forment la collection qu'il a donnie a 1'academie , non feule- ment les corps marins qui leur ont lervi de bafe , mais encore quelle par- tie de ces corps y a ete employee. On juge aifement combien d'obferva- tions ont ete neceflaires pour fuivre ces corps changes de nature , depuis les (ilex , ou ils font entiers , jufqu'aux morceaux les plus bizarrement caf- fes, & quel travail a precede cette connoiffance. II a paru en refulter, avec line entiere certitude, que les fofliles prefentes parM. l'abbe Bacheley, & defquels M". Fougeroux & Briffon ont dreffe le catalogue le plus exact, avoient veritablement l'origine qu'il leur donne; mais pour etendre cette meme hypothefe \ tous les lilex, comme l'auteur paroit y pencher, il fau- droit, & il en convient lui-meme, un plus grand nombre d'obfcrvations qu'il fe propofe de faire ; il a du moins ouvert aux naturalises une nou- velle carriere, & fes recherches ont jette un grand jour fur cette mature, jufqu'alors alfez peu connue. V I I. Voici encore des fofliles, mais d'une efpece tome differenre. M. l'abbe Beauny , chapelain de 1'abbaye royale de faint Corentin , a envoyi a 1'aca- dimie une caiffe de petrifications trouvees an terroir de Pincerais, a deux lieurs de Mante-fur-Seine j excepte un feul morceau, qui paroit etre tine ltalactite, tous les autres ont ete reconnus pour le veritable bois pdtrifie, femblable a cclui qui a ete trouve en grande abondance aux environs d'Etampes par M. Clozicr, correfpondant de 1'academie ; & qui note rim au merite de 1'obfervation de M. l'abbe Beauny. On fouloir probablement aux pieds , depuis plulieurs (iecles , des morceaux dignes de l'attention n ABREGE DES MEMOIRHS des naturalift.es, & qui n'attendoient , pour paroitre , que les yeux d'un phylicien. P4H VSIQUE." VIII. Annie f]6i. M. de la Condamine a fait voir un paquet d'amiante tres-blanche , trouvee dans les montagnes de la Tarantaiie , nouvelle fource jufqu'a pre- Tent inconnue de cette efpcce de matiere minerale. Sub. les Mines de Sel de Wieliczka en Pologne. < jL-iES phyficiens f°nt ordinairement dans leurs voyages tout le contrairc a ' g. des autres voyageurs , ils diminuent le merveilleux que ces derniers , peu jinnee ij • -w^m-lts ou pell exacT;S) femblent fe plaire a repandre fur une infinite de Hilt, points d'hiftoire naturelle : cette diminution cependant ne fait rien perdre ^ ces objets de leur prix reel •, elle eft: fouvent plus que compenfee par des obfervations importantes, que des yeux accoutumes aux recherches phy- fiques, favent fubftituer aux fables dont on avoit charge leurs defcriptions. La relation du voyage que M. Guettard a fait en Pologne, nous four- nira plus d'un exemple de ce que nous venons d'avancer •, mais un des plus frappants eft la defcription qu'il a donnee des fameufes mines de fel de Wieliczka, qu'il a eu occalion d'examiner. II eft peu de voyageurs qui aient paffe a portee de ces mines fans les vi- fiter-, mais il femble que prefque tous aient eu pour but, dans les relations qu'ils en ont donnees , de depayfer , pour ainfi dire , le ledeur & de faire illufion a fa curiolite. L'imagination des poetes n'a rien produit d'auffi liu- gulier que ce que la plupart des voyageurs ont dit de ces mines-, les uns en ont fait des demeures prefque comparables aux enfers d'Homere & de Viroile-, d'autres y out vu des palais brillans de toutes fortes de pierreries & dignes de fervir de demeures aux dieux de l'Olympe ; d'autres enfin y ont remarque des rivieres, des villes, des eglifes & un peuple nombreux qui naiffoit dans ces fouterrains , & dont plufieurs mouroient tres-avances en age fans avoir jamais apperiju la lumiere du jour : en un mot , l'amour du merveilleux & l'imagination riante ou effrayee des voyageurs , ont fait des peinturcs fi diffemblables de ces mines , qu'on ne croiroit jamais qu'elles reprefentaffent le meme objet ; plufieurs , qui n'ont ofe y defcendre , ont donne pour des obfervations faites par eux tout ce qu'ils en ont entendu dire, qu'ils ont peut-etre meme orne enfuite de quelques traits de leur fa- con. Nous allons bientot voir ce que le fang froid du phylicien a eu a re- trancher de ces defcriptions fi brillantes ou \\ terribles. Les mines de fel de Wieliczka font placees fous une montagne , au-de- fus de laquelle eft batie la ville qui leur donne ce nom : on peut defcen- dre dans ces mines par des puits , qui font au nombre de neuf , par lef- quels on tire le fel & par lefquels les ouvriers montent & defcendent , h l'aide d'un cable, autour duquel ils entortillent la corde d'une efpece d'e- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. jj trier de fangle fur lequel ils font aflis : on y pent audi defeendre par des ==r=?!=r echelles ou ranchers places Ic long des parois de ces putts. P H Y $ I Q u 1 Ceux qui ne veulent pas s'expofer all rifque de cette facon dc defcen- dre dans les mines, peuvent fe fervir d'un efcalier pratique a environ trois Annie l-j6x. cents toifes d'un de ces puits : cet efcalier , tres-bien b.iti en brique & en mocllon, a environ quatre cents loixante-dix marches, & ce fut par-la que defcendit M. Guettard. Ces mines ne different en rien des mines ordinaires , fi ce n'eft que l'air y eft beaucoup plus fain •, les bancs de fel ne s'y trouvent qu'a tine affez grande profondeur , & aprcs avoir perce une epaitieur de terrain conlide- rjble : le premier lit qu'on rencontre eft entitlement de ce rneme fable dont une grande partie du terrain de la Pologne eft compofe : au-deffous font plulieurs lits de terres glaifetifes, qui varient tin peu par leur couleur & qui font plus on moins melees de (able & de gravier ; quelques-unes en font prefqu'exemptes, & les mineurs les nomment alors halda midlarka ou terre favonneule. Quelques-uns de ces lits de terre fe trouvent parfemes de corps marins, comme de coquilles on de madrepores : les coquilles font du genre de celles qu'on nomme catnes , & preique toutes affez petites. Des qu'on eft arrive a une certaine profondeur, les lits de terre fe trou- vent fepares par des lames de pierre, que leur pen d'epaiffeur a fait regarder comme des ardoifes, mais qui font de veritables pierres calcaires, & n'ont rien de commun avec l'ardoife , que d'etre minces & par lames \ on y trouve audi d'efpace en efpace des blocs de pierre dont la couleur eft une efpece de gris-de-fer. M. le comte de Schober meme, qui a ecrit fur ces mines avec affez de detail , affure avoir vu des bancs de terre fepares par une efpece d'albatre , mais M. Guettard n'en a point vu de cette efpece. Les derniers lits de glaile font encore fepares par une fubftance encore plus linguliere , par une efpece de platre : cette pierre, an premier coup d'ttil , reprefente une collection de dents de quelque animal devenues pla- treufes, mais l'etendue de ces lits ne permet pas de 1'adopter : on peut fe figurer cette fubftance , en imaginant une pate molle filee & tortillee en anfes alongces qui tiendroient les lines aux autres , & dont plulieurs fe- roient appliquces les lines fur les autres. Hes, que les mineurs out appercu cette pierre, ils fe tiennent furs de trouver bientot les bancs de fel, & les rencontrent effectivement. Toutes ces matieres , qui torment les differens lits dont nous venons de parler, ne font pas toujours rangees horizontale- ment ) ces lits s'elevent & s'abaiffent frequemment , mais ce n'eft qu'apres les avoir tous perces qu'on airivc aux veritables bancs de fel qui ne fe trouvent qua environ trois cents pieds de profondeur. II s'en rencontre cependant dans les derniers bancs de glaile, & on lavoit autrefois ces ter- res pour 1'en retirer par evaporation , mais la dilette de bois a fait aban- donner ce travail-, on fe contente d'en detacher des morceaux affez gros & affez tranfparens pour etre employes a de petits ouvrages qui imitent le cryftal. On troir^e immediatement fous ca banc"; dc gliife des bancs de fel de 2+ ABREGE DES MEMOIRES , peu d'etendue & de pcu d'epaiffeur, & meme fouvent de blocs de fel ifo- les & places obliquement dans la glaife; mais auffi-tot apres on rencontre Ph y s i Q u E.les v^ritab[es bancs de fel. Annte ii6x. L'etendue de ces bancs eft abfolument inconnue; on y a perce des ga- leries de huit a neuf cents pieds , fans en trouver la fin : on n'eft guere plus certain de leur epaiffeur, elle varie beaucoup, mais il eft certain qu'il le trouve dans ces mines des excavations de trente a quarante pieds de hauteur , creufees dans une maffe de fel , fans qu'on en ait meme atteint le term?. Cette maffe enorme va en s'inclinant d'environ 45 degres ; elle ne fuit cependant pas par-tout cette direction •, elle eft quelquefois hori- zontale, quelquefois elle fe redreffe pour fuivre apparemment Ies contours des difterentes montagnes foils lefquelles elle s'etend. La fubftance de ce fel eft affez dure , & fa couleur d'un gris clair ou d'un affez beau blanc ; i! eft communement opaque, mais il s'en trouve des morceaux plus ou nioins tranfparens ; & lorfqu'on examine attentivement a la loupe des mor- ceaux de ce fel, on voit qu'ils font entierement compofes de petits cubes; figure qu'affecle , comme on fait, le fel m'arin dans fa cryftallifation : auffi reprend-il cette meme figure, Iorfqu'apres l'avoir fait diffoudre dans l'eau on le fait cryftallifer de nouveau •, & Ies eaux , qui fe font jour quelque- fois dans Ies chambres abandonees , y forment a la longue des maffes de fel , dans lefquelles on reconnoit la meme texture. On trouve quelquefois dans le milieu des maffes du fel le plus blanc , des parties d'une fubftance noiratre plus ou moins confiderables, & qui pa- roiffent etre du bois pourri : ce bois expofe a la flamme d'une bougie , s'enflamme promptement & s'eteint de meme , repandant une odeur d'huile empyreumatique 5 on a meme affure M. Guettard qu'on trouvoit auffi quel- quefois des pyrites dans le fel ; ce qui ne feroit pas bien etonnant , Ies glaifes qui fe trouvent dans le fel & aux environs etant plus que fufEfantes pour Ies produire. L'inclinaifon des bancs de fel a l'horizon , qui , felon Ies obfervations de M. Guettard, va jufqu'a 45 degres, oblige de pratiquer difterens eta- ges dans l'excavation de ces mines •, Ies gaieties meme vont en baiffant vers le fond de la mine ; elles aboutiffent a des carrefours ou chambres affez vaftes, dans lefquels on Iaiffe aujcurd'hui quelques piliers pour en affurer la voufe & pour prevenir Ies eboulemens que le defaut de cette precaution & le poids enorme dont ces voutes font furchargees 'occalion- noient quelquefois. C'eft dans quelques-unes des chambres Ies plus eloi- gnees que font perces Ies puits qui communiquent d'un etage de la mine h l'autre : c'eft par ces puits qu'au moyen de treuils , fur lefquels fe devi- dent des cables & qui font menes par des chevaux , on fait monter des maffes de fel enormes qu'on detache dans Ies etages inferieurs, & qu'apres Ies avoir roulees dans Ies galeries , elles font enlevees par d'autres puits jufqu'a la furface de la terre. Ces chevaux , qu'on a beaucoup multiplies depuis quelques annees, pour epargner aux homines le travail le plus dur & le plus penible de ces mines , n'en fortent pas , du moins tant qu'ils font en etat de fervif, on leul a creufe dans la maffe meme du fel des ecuries DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. zj dairies commodes-, l'eau des pleurs de terre, qu*on trouve au commcn- — — — cement de la mine, eft menagee & condnite avec foin pour leur fournirr, a boire. Dans les memes carrefours oil fe trouvent les puits dont nous venons Annit ijGx. de patler, ou dans leur voilinage, on a pratiqui des efcaliers qui commu- niquent audi d'un etage a l'autre : en defcendant ces efcaliers , comme en parcourant les galeries inclinees qui conduifcnt d'un carrefour a l'autre , on trouve a droite & a gauche les embouchures de plufieurs autres galeries qui conduifent a d'autres travaux de la mine; on n'y reffent .incline incom- lnodire, l'air y eftpur & fain-, on y entretient une tres-grande proprete , & le feul defagrement qu'on y eprouve eft la poufficre que le travail & les pieds des chevaux y excitent quelquefois. II faut cependant mettre en ligne de compte un accident plus fkheux qui arrive quelquefois dans ces mines, c'eft l'cxplotion fubite dune vapeur inflammable qui s'amafle dans quelques endroits , fur-tout dans les cham- bres abandonnees , & qui s'allumant au feu des lumieres que portent les ouvriers, les met en rilque de leur vie, par la violence de fon exploiion, mais heureufement ces accidens ne font pas fort frequens. La piete des Polonois leur a fait creufer dans ces demeures fouterraines des chapelles ou certains jours de l'annee on dit la mefl*e -, la plus grande de toutes eft celle qui eft dediee fous l'invocation de faint Antoine -, elle pent avoir trente pieds de longueur fur vingt a vingt-quatre de largeur , & dix-huit pieds de hauteur : l'autel , les colonnes torfes qui ornent le retable, celles qui foutiennent la voiite , le crucifix , & les autres ornemens de l'autel , des figures d'anges , celle de faint Francois , de faint Antoine & de Sigif- niond, roi de Pologne, tout eft abfolument de fel , & ce feul endroit ineriteroit la peine que Ton prend pour fe rendre dans le lieu ou il fe trouve. Telle eft en abrege la defcription de ce que M. Guettard a vu dans les mines de Wieliczka -, nous difons qu'il a vu , car il s'en faut beaucoup qu'il en ait parcouru toute l'etendue , mais on l'a allure qu'il ne trouveroit dans le refte que la repetition de ce qu'il venoit de voir : la chambre la plus profonde a laquelle il eft parvenu, fe nomme c\uftrinski; elle eft environ huit cents pieds plus bas que la furface de la terre. II y a dans cette cham- bre un puits profond de deux cents pieds, au fond duquel on travailloit alors a former des galeries pour'en tirer le fel; le fond de ce puits feroit done, felon le rapport des mineurs, a mille pieds, ou environ la dixieme partie d'une de nos lieues, de profondeur-, mais fi on veut s'en rapporter aux experiences du barometre, faites par M. Schober, il en faudra deduire environ quatre cents pieds , & nous aurons plufieurs mines , merae en France, plus profondes que les falines de Wieliczka. Il ne nous refte plus a expofer que la maniere dont on en tire le fel , & 1'origine, que M. Guet- tard attribue au prodigieux amas de cette matiere qu'on y rencontre. Les ouvriers qui travaillent au fond des mines n'y reftent que huit hen- res , au bout de ce temps ils remontent & font releves par d'autres. La durete de ce travail ne leur permettroit pas de le continuer plus long- temps. Tome XIII. Tank Franptft; D Physique. & ABREGfi DES MEMOIRES Pour feparer le fcl de la mafic , ils y creufent avec des pics deux fillons Iongitudinaux de la longueur qu'ils veulent donner an bloc -, & deux tranf- " vcrlaux , qui forment avec les premiers un quarre long. Lorfque ces fillons Annie iiGx. ont atteint la profondeur neceffaire pour approcher de lepaiffeur qu'ils veulent donner au bloc, ils y enfoncent , a trois ponces les uns des autres, de longs coins de fen ces coins font infailliblement detacher le bloc, & fa chute s'annonce par une efpece de dechirement. Les diinenfions ordi- naires de ces blocs font de vingt pieds de long , fix de large & trois d'£- paifleur. Chacun de ces blocs fe divife en trots, & on reduit chacune de ces parties en cylindre pefant quatre cents milliers : cette forme cylindrique donne la facilite de les rouler dans les galeries & en facilite le tranfport. Les morceatix qui proviennent de cet arrondiflement, font mis dans des tonneaux qui pefent ordinairement fix cents livres , & les uns & les autres ayant ete conduits aux puits , font enleves par des treuils dont nous avons parle. On tire par an, de ces mines, douze a treize millions de livres de fel, qui fe debite en Pologne & dans quelques pays voifins, aprcs qu'on en a envoye vingt mille tonneaux a la nobleffe de la grande & petite Pologne. On ne tire aujourd'hui des mines de Wieliczka que du fel en pierre : il s'y trouve neanmoins de 1'eau falee en quantite •, elle provient des pleura de terre, qui en penetrant la maffe de fel, le diffolvent & fe rendent dans les cavites de la mine. On les en retire foigneufement par des machines placees aux endroits oil on les conduit par des rigoles artiftement mena- gees. On profitoit autrefois du fel de ces eaux en les fiifant evaporer» mais depuis 1714. la difette du bois a fait abandonner ce travail. II auroit ete bien difficile a M. Guettard d'obferver, comme il l'a fait, la fituation & l'interieur de ces mines, fans former quelques reflexions fur la caufe qui avoit pu produire un fi enorme amas de fel an fond de la terre : il penfe que cet amas eft du aux eaux de la roer, qui ayant cou- vert tout ce pays jufqu'aux montagnes, au pied defquelles font placees les mines, foit dans le temps de quelque inondation particuliere , foit dans celui du deluge univerfel , y ont depofe d'abord le fel qu'elles contenoient a mefure que levaporation les a diminuses, enfuite les dift'erentes glaifes & les efpeces de pierres calcaires qui en feparent les bancs , & enfin le fable qu'elles avoient apporte. Cette conjecliure eft fondee fur 1'iiniformite de pofition de caslits, qui n'eft interrompue que par quelques finuolites qui reffemblent bien aux on- dulations d'un fluide, fur la pofition de toutes ces difterentes matieres, qui eft telle que les plus pefantes font toujours au-deffous des autres, fur la figure des grains de fable, qui femblent tous avoir ete roules, fur les co- quilles & les autres corps mariiw qu'on y trouve repandus •, tous ces carac- teres ne laifTent guere lieu de douter que ces mines n'aient ete fotirnies {iar un depot de matieres fufpendues dans un fluide & enfuite depofees fur e terrain primitif , qu'elles ont recouvert d'un grand nombre de nouvelles couches. A l'egard des lits de platre & dalbatre & des morceaux de pierre DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 17 calcatre qui peuvent fe trouver meles dansces diff'erens lits, ils ne pcu vcn t — — — — fournir aucune objection contre le fyfteme de M. Guettard s leur forma- p tion peut etre de beaucoup pofterieure a cellc des mines, & elles peuvent avoir pris nai/T.mce dans les fentes oti Ies cavites que les matieres depofces Annie tj6x.t avoient Iaiffees entr'elles en fe confolidant & en fe deffechant. II fuit de l'opinion de M. Guettard , que les amas fouterrains de fel, qui, felon l'opinion commune, donnent la falure aux fources falees, dc- vroient fe trouver toujours au pied des hautes montagnes; mais cette ob- jection, fi on la faifoit, n'cn feroit pas une, elle feroit plutot une preuve de l'opinion de M. Guettard : car, en eftet, prefque toutes les fontaines falees font placees de cette maniere, on en trouve tout le long du mont Karpaclc, dans l'efpace de plus de cent lieues •, les mines de fel de Saltz- bourg & celles qu'on trouve en Calabre , les fontaines falees de prefque toute rAllemagne, celle de"Salies dans le Beam, les puits fales de Salins en Franche-comte, de Dieuze, Chateau-falins & Rozieres en Lorraine, font tous places de la meme maniere au pied des hautes montagnes-, &, ce qui eft bien a remarquer, c'eft que toutes ces fources font entourees de lits de terre & d'argile fans aucune roche, & que ces lits forment des on- dulations & font un peu inclines a l'horizon ; tous caradteres qui femblent annoncer des terrains formes par des depots. Cette efpece de preuve a meme paru fi forte a M. Guettard , qu'il penfe que G on recherchoit avec foin aux environs des endroits ou le tiouvent les fources falees, on trouveroit peut-etre des mines de fel gemme fem- blables a celles de Wieliczlca : en effet, il eft comme recu que l'eau falee des puits & des fontaines ne doit fa falure qu'i des bancs de fel qu'elle rencontre & quelle diffout dans fa route. II ne s'agiroit done que de trou- ver ce magafin : jufqu'ici ces bancs falins n'ont ete trouves que par une efpece de hafard •, pourquoi ne profiteroit-on pas des connoiffances que donnent les obfervations de M. Guettard , pour faire la meme recherche par principes & a la faveur de la theorie qu'elles femblent indiquer :- Des fouilles dans les montagnes au-deffus de ces fources , pourroient , fi elles etoient prudemment dirigees , conduire d'autant plus fiirement a cette de- couverte , qu'il paroit , par tout ce que M. Guettard a pu raffembler d'ob- fervations fur cette matiere, que dans tous les endroits oil fe trouvent des mines de fel , elles font conftamment recouvertes de lits des memes ma- tieres. II feroit done facile de reconnoitre (i on fe trouvoit fur la verita- ble route , long-temps avant que d'etre parvenu aux veritables bancs de fel •, & cette decouverte fi importante , feroit , fi elle avoit lieu , un fruit du voyage de M. Guettard-, e'en fera fiirement un que d'avoir eclaire la cu- riofite du public fur un point d'hiftoire naturelle, qu'il femble qu'on eut pris plailir a dehgurer par les fables dont on l'avoit furcharge1. On verra ddformais dans ces mines, au-lieu des villages, des rivieres, des habitans chimeriques,que les obfervations de M. Guettard out detruits fans retour, des mafles prodigieufes de fel, des effets admirables de l'induftrie humai- ne, & des veftiges du plus grand evenement que l'hiftoire de la Pologne & peut-etre celle de notre globe puilient nous fournir. D ij Physique. Annee tyGz. a b r e g e" des memoires sur quelques phenomenes Citis en faveur des EleSricitis en plus & en moins. Nc Uift, L^l ous avons rendu compte en 1755 (a) & en 1755 de 'a difpute qui s'etoit ilevce entre Ies phyficiens ele&rifans , fur les deux efpeccs delefftri- cite en plus & en moins , & des raifons qui avoient ete produites de part & d'autre , tant pour appuyer cette opinion que pour la detruire •, voici encore une fuite de ce travail. Certaines experiences ont ete alleguees par les partifans de M. Franklin , en faveur de 1'elecTtricite en plus & en moins. Ce font ces memes experiences que M. l'abbe Nollct a repetees trcs-foi- gneufement & examinees dans toutes leurs circonftances , les reponfes qu'il a faites aux inductions qn'on en vouloit tirer, & les nouvelles tentatives qu'il a employees pour eclaircir les points douteux qui ferment les memoi- res dont nous allons rendre compte-, il pretend, en un mot, faire voir que des experiences citees par les partifans de M. Franklin , il ne relulte point la neeefllt^ de n'admettre qu'un feul courant de matiere ele allant tantot d'un fens & tantot de 1 autre , fuivant qire le corps qu'on elecTtrife eft epuife oil furcharge d'eledtricite •, qu'elles fe peuvent egalement expliquer par les deux courans dont il admet l'exiftence , & qu'enfin plu- fteurs faits qu'il allegue qui s'expliquent tres-bien dans ce dernier iyfteme, fe refufent abfolument a l'hypothefe des deux differentes ele ce feroit vouloir epuifer d'eau , par le moyen d'une pompe , un vaitfeau perce de trous qui feroit au fond d'une riviere, ou vouloir Ten furcharger. Ce fe- roit en vain qu'on voudroit employer, pour expliquer cette fur charge cm cet epuifement, les petites atmofpheres dont M. Wilfon imagine que les corps font comme enduits & qui interceptent le paffage a la matiere eLc- trique, qui dans le cas ou ou en epuife un corps, fe prefente pour y tea- jb A B R E G E D E S MEMOIRES mmmmmmmm^^=1 trer. I! faudroit premierement donner des preuves de l'exiftence de ces "" petites atmofpheres; mais quand meme on adopteroit cette hypothefe, on Physique. n'en pourroit pas tirer un grand avantage pour l'explication du phenomena Annie m6% en que^i°n' & d'ailleurs elle eft contredite par des fairs fans nombre. On ne peut, par exemple, nier l'exiftence d'une atmofphere attractive & re- pulfive en meme temps, qui fe trouve autour du corps dans toute fa lon- gueur aufli-tot qu'il eft rendu eledrique meme par epuifement ou en moins. Or. Ii la petite atmofphere fuppofee intercepte toute communica- tion avec le fluide eledrique ambiant , comment & par quelle raifon ce- lui-ci prend-il fubitement la faculte d'attirer & de repouffer a l'occafion du vuide furvenu dans le corps eledrife , avec 1'interieur duquel il ne com- munique point ; & s'il y communique , qui l'empecheroit d'y rentrer ? Exa- minons maintenant Ies faits que les partilans des deux eledricites alleguent pour en etablir l'exiftence. Quand on frotte un globe de verre avec un couffin ifole , fi quelque partie du couffin vient a s'approcher du condudeur eledrife par ce meme globe, les etincelles qui eclatent entre deux, font communement plus for- tes que celles que tireroit de ce condudeur un corps non ifole, c'eft uni- quement , difent les partifans de M. Franklin , parce que la matiere elec- trique, condenfee dans le condudeur, fe precipite avec plus de violence dans le couffin qui en eft epuife , quelle ne le feroit dans tout autre corps qui en auroit fa dofe naturelle. Quand on viendroit a bout d'expliquer , par les deux eledricites, tous les phenomenes dont nous venons de parler, il sen trouveroit encore un qu'on auroit peine a y ramener, c'eft 1'infhmmation de l'etincelle & Tac- tion rtitroadive de ce feu fur le condudeur-, car il eft bien certain que fi un homme ifole fert de condudeur, il reffent la piquure de l'etincelle auffi vivement que celui qui Texcite : en effet, comment comprendre que le fluide eledrique s'enflamme jufqu'a exploiion , uniquement parce qu'on lui prefente un corps ou fon mouvement doit etre phis libre ? & comment concevoir, dans cette fuppofition , l'adion retrograde de laquelle nous renons de parler? Si meme, pour exciter l'etincelle, on fe fert de deux pointes, dont Tune foit eledrifee par le verre , & l'autre point du tout , & que I'expe- rience fe fafie dans un lieu obfcur, on verra fortir des deux points des feux qui tendent 1'un vers l'autre, qui femblent fe condenfer a mefure qu'ils s'approchent, & qui finiffent par eclater avec bruit lorfqu'ils fe font fufnfamment meles. On objederoit peut-etre que l'un de ces feux eft beau- coup plus petit que l'autre; mais independamment de fa diredion, qui, felon les experiences de M. l'abbe Nollet, n'eft pas equivoque, on ne peut rien conclure de cette difference, puifque cette emanation eledrique pourroit etre abfolument invisible, meme dans un corps anime de Telec- tricite du verre , fans que l'etincelle dont la formation exige les deux cou- rans oppofe , ceffat d'eclater •, il ne faudroit pour cela que terminer ce corps par une furface plane ou largement arrondie. Comment fuppofe- roit-on encore que le condudeur, eledrife par un globe de foufre, s'e- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. }r puife de la matiere eledrique, Iorfqu'on pretend Fy voir rentrer fous la.—— ■ forme de point lumineux par I'autre extremite i il ne fufKroit pas mime de dire que cette matiere n'y rentre pas avcc la mime viterTe quelle en v H Y s ' Q u E* fort pour fe rendre au globe-, car dans cette fuppolition , le point Iumi- Annie xnGx. neux devroit fublifter quelque temps apres qu'on a cetf'e de frotter le glo- be , & e'eft ce qui n'arrive point, cette efpecc de lumiere s'eteignaut a l'inftant meme que le globe celle d'etre frotte. L'attradion & la repulfion des corps legers ne s'expliqueroient pas plus aifement dans 1'hypothefe de deux eledricites, meme en admettant les at^ mofpheres de M. Wilfon, dont nous avons parle, qui empechent, felon lui , la rentree du fluide eledrique dans toute la longueur du condudeur eledrife par le foil f re 5 car pourquoi ces atmofpheres arreteroient-elles le fluide dans la longueur du condudeur, tandis qu'elles lui livrent un paf- fage trcs-libre a fon extremite 2 pourquoi cette matiere amafiee qui enve- loppe le condudeur & lui fait une efpece d'atmolphere repuliive, permet- elle plutot au corps non eledrique d'aller vers le condudeur qua celui qui eft eledrife ; & enfin pourquoi cette matiere am.iffee & cette atmofphere rentrent-elles a I'inftant dans le condudeur, li des qu'on a ceffe de frotter le globe, un homme non eledrique le touche du bout du doigt ; L'experience fuivante , rapportee par M. Wilfon, ne prouve pas davan- tage en faveur des deux eledricites, il prend un hphon de verre, dont les branches egales & paralleles entr'elles ont environ trois pieds , & l'ayant 'empli de mercure, il en plonge les deux extremites dans deux vales qui contiennent du meme fluide , en faifant ainfi deux barometres qui cora- muniqiient enfemble par leur partie vuide. Si apres avoir ilole tout cet appareil, de maniere que 1'un des deux vafes ne puifle pas tranfmettre h I'autre l'eledricite qu'on lui communiquera , on conduit a l'un des deux celle d'un globe de verre frotte, tandis que I'autre communique, au moyen d'une chaine avec des corps non ifoles, on verra, (i on eft dans un lieu obfenr , fortir du haut de la colonne de mercure eledrifee , line lumiere dirFufe qui fe repand dans tout l'efpace vuide, paroillint aller de la cot- lonne de mercure eledrifee a celle qui ne left pas, & au haut de celle-ci, on appercevra une petite lueur tres-courte & plus brillante que celle qui eft repandue dans le tuyau. Si on fe fert d'un globe de foufre pour eledrifer, les memes phenome- nes auront lieu, mais dans un ordre renverfe , e'eft-a-dire, que la lumiere paroitra partir de la branche non eledrifee, pour fe rendre a celle qui l'eft & au haut de laquelle on verra le petit bouquet de lumiere. C'eft de cette experience que M. Wilfon pretend tirer la plus forte preuve en faveur des deux eledricites-, en eftet, on y voit, pour ainli dire, a l'ccil changer la marche du fluide a mefure qu'on change la nature du corps eledrifaut. Cependant M. l'abbe Nollet ne croit pas qu'on en puifle tirer aucune indudion ; il reconnoit bien , avec M. Wilfon , la direction contraire du courant de la matiere eledrique dans les deux cas de l'experience-, mais il ne demeure pas d'accord que ce courant foit unique ; il en vient,lelor» fi ABREGE DES MEMOIRES — ■ — — Uii . un autre en fens contraire, qui produit, par Ton choc avec Ie premier; v la petite lumiere cju'on voit au haut de la feconde colonne , & pour s'en 'affurer mieux on n'a, fi on fe fert du globe de verre, qua regarder foil Annie tj6z. extremite voiline du globe , on en verra fortir la matiere lumineufe qui fe precipite vers ce dernier-, & fi on emploie le globe de foufre, on n'a qu'a ifoler la chaine qui communique du barometre aux corps non ifoles, & la terminer par tine pointe du metal, & on y appercevra an bouquet de lu- miere, qu'on reconnoitra , en rexaminant, pour une matiere qui debouche en avant. II y a done toujours deux courans de matiere electrique , & la feule difference qui fe trouve dans les deux cas de l'experience, e'eft que dans celui oil Ton fe fert du globe de verre , le courant qui en fort eft le plus fort, & celui qui y rentre le plus foible-, au-lieu que lorfqu'on em- ploie le globe de foufre, le courant qui en fort eft le plus foible ; & celui ■qui y rentre le plus fort : mais il n'en refulte en aucune maniere que ces phenomenes ne doivent etre attribues qua un feul courant qui change de direction dans les deux cas de l'experience-, on en fera meme bien con- vaincu, fi on veut bien faire attention que cette experience ne diftere pas effentiellement de celle que M. l'abbe Nollet avoit tentee en 1747, lorf- qu'il maftiqua l'extremite d'une verge de fer dans 1'ime des ouvertures d'uu vaiffeau de verre long & purge d'air, a l'extremite duquel etoit maftique un robinet de metal : dans cette experience , comme dans celle de M. Wil- fon , la matiere electrique fortoit d'un morceau de metal pour fe rendre dans un vuide, termine par une autre maffe metallique-, mais comme les pieces etoient bien plus grandes que les colonnes de mercure & le tuyau de M. Wilfon , la direction des deux courans n'y pouvoit etre meconnue, & on voyoit diftin&ement celle qui partoit du robinet s'elancer a la ren- contre de celle que jettoit la barre de fer electrifee. Les autorites en phyfique ne font pas d'un grand poids en comparaifon des faits-, mais quand on fait tant que d'en employer, il faut etre exact. On a effaye d'oppofer k M. l'abbe Nollet celle de M. Symmer en faveur du fyfteme de M. Franklin : M. l'abbe Nollet rapporte ici les paroles de ce phyficien , qui au lieu de nommer explicitement les effluences & affluen- ces de M. l'abbe Nollet, admet deux puiffhnces aclives & oppofe'es, & fait conlifter tout le jeu de l'eledlricite dans le plus oil moins de force de cha- cune de ces puiffances, & la cefiation de toute eledricite dans leur parfait equilibre; propofition que M. Symmer etablit par des faits, & qui ne peut abfolument fublifter avec l'hypothefe d'un feul courant de matiere electri- que, tel que le fuppofent les partifans des deux electricites en plus & en moins. II nous refte prefentement h examiner les principaux faits que les par- tifans des deux electricites pretendent faire valoir en faveur de leur hypo- thefe, & les reponfes de M. l'abbe Nollet. Si on frotte, difent les premiers, un globe de verre garni de fon con- dudleur bien ifole, on voit paroitre une aigrette enflammee i l'extremite la plus reculee du conducteur, & cette matiere a fa fource dans Ie couflin dans leur etat natiirel, quoique dans cet ctat meme its ne puiicnt operer ni attractions ni repuliions de corps legers qu'on leur prefentoit. Tous Ics Anntc ij6z. phenomenes d'ele&ricite ne fe reffemblent pas. Quand tous les autres lignes d'electricite cefferoient autour du conduc- teur elc&rife par les deux globes , & qu'ils y cefferoient abfolumcnt , on ne pourroit done pas le regarder comme non eleclrique; mail faudroit-il four cela avoir recours a de nouvelles hypothefes ? non ceitainement , & explication qu'en donne M. l'abbe Nollet, en fuppofant toujours les af- fluences & les effluences fimultanees , eft li naturelle , qu'il femble inutile d'en aller chercher line autre. EtTayons d'en prelenter une idee. L'experience a fait voir depuis long-temps que plus les corps qu'on veut ele<£triler par frottement font elaftiques , plus ils font fufceptibles de cette vertu : le verre s'ele&rife mieux que le foufre , le foufre mieux que !a cire. Sec. a quoi on peut joindre que le degre de chaleur excite par le frottement , & qui n'eft certainement pas capable d'alterer 1'elecr.ricite du verre , doit amollir en quelque forte le foufre & les refines & diminuer trcs-fenliblement leur elafticite. Voyons prelentement ce qui arrive, ou pour mieux dire, ce qu'on peut conjetturer qui arrive dans la texture de ces corps lorfqu'on les frotte pour les rendre elecT:riques. Les corps qui , comme le verre , peuvent foutenir le frottement fans s'amollir, entrent dans une efpece de mouvement de vibration-, leurs pores s'ouvrent & fe reflerent alternativement , & par ce moyen ils abforbent & lancent tour-a-tour la matiere eleftrique •, mais comme tous les pores ne s'ouvrent ni ne fe ferment en meme temps , il en relulte neceffairement que les filets de matiere en mouvement , qui fe trouvent aux environs du> corps electaque, peuvent avoir, & ont en eflet, des directions oppolees, les wis venant fe rendre dans les pores ouverts dans le meme temps que d'autres font chaffes par le reflort des pores qui fe ferment , & la quantite des filets entrans & des filets fortans fera neceffairement determinee par le degre d'elafticite du corps & par la promptitude avec laquelle fes pores fe refferreront. II n'eft done pas etonnant que le verre, qui eft peut-ctre de toutes les matieres qu'on peut eleclrifer par frottement la plus dure & la plus elaftique , chaffe la matiere electrique avec plus de vivacite qu'elle ne la recoit, & que par confequent les effluences foient plus vives autour des corps qu'il anime que les affluences. Le contraire arrivera neceffairement au foufre & aux autres matieres de cette efpece, leur elafticite eft moindre par elle-meme que celle du verre, elle eft encore diminuee par le degre de chaleur qu'excite le frottement : leurs pores s'ouvriront done avec plus de facilite & fe renfermeront avec moins de force & de promptitude , & les filets de matiere eleclxique y entreront avec plus de facilite que dans le verre & en feront chaffes avec bien moins de viteffe, & par confequent les affluences y feront bien plus vives & plus marquees que les effluences. Appliquons maintenant cette thcorie a l'experience en qucftion. E i) 36 ABREGE DES MEMOIRES i ■■! Le condudeur etant place entre deux globes , l'un de foufre & l'autre „ de verre aduellement frottes , il doit arriver neceffairement que l'emiffion 11 y s 1 Q u e. je ja matjere eledrique etant trcs- forte dans le verre & l'abforption de la Annie ll6z. meme matiere tres- forte dans le foufre, il s'etablira dans le condudeur un courant tres- vif, qui debouchera vers le globe de foufre par line aigrette brillante ; & qu'au contraire le globe de foufre ch.iflant la matiere bien plus mollement , & celui de verre la recevant de fon cote avec moins de facilite , le courant qui s'etablira dans le condudeur du globe de foufre ail globe de verre , fera plus foible , & debouchera du cote de ce dernier fous la forme d'une petite aigrette on d'un point lumineux. Par la meme raifon , fi on prefente au corps eledrife par le verre la main on quelque corps pointu non ilole, la matiere eledrique en fortira en petite quantite & avec une viteffe mediocre pour le rendre au verre , & elle ne formera au bout du doigt ou de la pointe qu'une aigrette courte ou un point lumineux , tandis que les memes corps produiroient de belles aigrettes (1 on les prefentoit a des corps animes de l'eledricite du foufre, qui tire & abforbe cette matiere avec bien plus de facilite qu'il ne la pouffe. On expliquera de la meme maniere comment le couffin ifole, qui frotte un globe de verre , ne donne que des points lumineux , parce que l'en- droit du verre par lequel il le touche ayant fes pores continuellement ge- ne^ par le frottement, il ne peut rendre au couffin la matiere eledrique avec autant de vivacite qu'il Ten re^oit •, & cette explication eft d'autant plus naturelle, que, de l'aveu de tous les phyficiens eledrifans , la partie du globe qui donne des marques de la plus vive eletdricite , eft celle qui fe trouve quelques polices au-deffus de l'endroit qui recoit le frot- tement. Ces phenomenes de l'aigrette & du point lumineux , que les partifans des deux eledricites regardent comme en etant les marques les plus dif- tindives, ne font done, fuivant cette explication de M. l'abbe Nollet, que des marques d'une eledricite plus forte ou moins forte , ou , pour parler plus jufte, elles ne prouvent rien autre chofe, finon que le corps qui pro- duit les aigrettes a fon courant de matiere affluente plus vif que celui de la matiere effluente •, & qu'au contraire celui qui ne donne que des points lumineux, a le courant de matiere affluente, ou qui y entre, plus vif que celui de la matiere effluente , ou qui en fort. Mais que fera-ce fi ces caraderes fi diftindifs des deux eledricites fe tronvent fucceffivement a la^meme partie d'un corps toujours anime de l'eledricite de la meme efpece ? e'eft cependant ce qui arrive prefque toujours dans l'exp^rience de Leyde, fi la bouteille eft garnie en dehors de quelque feuille de metal , & que cette garniture ait quelque partie deta- chee & faillante. Des que Ton commence h l'eledrifer, il fort de ces par- ties faillantes des aigrettes lumineufes •, & fi dans cet etat on leur prefente une pointe dc mefal, il ne paroitra au bout de cette pointe qu'un point lumineux •, mais fi on continue deledrifer , alors il part du crochet de la bouteille une belle aigrette , & de ce moment les parties faillantes de la DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 57 garniture ne donnent plus des points luminenx, tandis que les pointes qu'on «—^— — leur prefente donnent de belles aigrettes. Comment concevoir que dansp H Y s , Q „ r cette experience le meme corps, toujours ele&rife de la meme maniere, recoive fucceffivement deux ekciricitcs differentes :• n'eft-il pas bicn plus im'iple de dire que d'abord la matiere venue du globe par le condufteur fe repand dans la bouteille & fe tamife dans fon epaiffeur pour prod'uirc des aigrettes, tandis que les affluences, qui ont peine d'abord a fe frayer une route dans les pores de la bouteille , qui ne font point mis en vibra- tion par le frottement, font encore foibles? mais a la fin les affluences le fortihent & les effluences du globe diminuent ; alors ces dernieres cedent de donner aux parties faillantes de la bouteille des aigrettes lumineufes, & les pointes qu'on y prefente trouvant la route plus facile, y verfent la leur avec plus d'abondance & font paroitre a leur tour des aigrettes : & cette explication eft d'autant plus naturelle , que cet effet n'arrive jamais plus fiirement que lorfque la bouteille eft foutenue par la main d'un homme ou fur quelque fupport capable de lui fournir dc la matiere electrique. II n'eft done pas prudent de fe preffer de coaclure des aigrettes & des points lumineux , quelle eft la nature de i'eletlricite qui anime le corps qu'on examine, puifque la meme elc&ricite pent faire paroitre les uns & les autres. Ces phenomenes dependent, felon M. l'abbe Nollet, de la pro- portion qui fe trouve entre les affluences & les effluences , & cette pro- portion peut varier par le chaud , par le froid , par le (ec, par l'humi- de, &c. en un mot par tout ce qui peut intereffer l'etat a&uel du reffort des pores du corps frotte : M. l'abbe Nollet s'en eft affure, en rendant le frottement egal, autant qu'il pouvoit l'etre, au moyen d'un couffin forme d'nn meme nombre de rondelles de papier dore , ioutenues par un levier qui etoit excite a preffer contre le globe par l'adtion d'un poids attache a Ion autre extremite. Cette predion, qu'on pouvoit, au moyen de cet ap- pareil , rendre uniforme & egale , ou en telle proportion qu'on vouloit , fur difierens globes , n'a jamais produit des effets conftans , & M. l'abbe Nollet y a obferve tant de variations accidentelles, que e'eft prefqus fiire- ment perdre fon temps que de tenter d'arriver a une precifion fcrupuleufe dans ces fortes d'effets. M. l'abbe Nollet avoit fouvent remarque que les globes de foufre etoient tres-fujets a eclater quand on les electrifoit : pour fe mettre a convert de cet inconvenient, il a fait reflexion que dans un globe qu'on ele<£trifoit il n'y avoit guere qu'une zone d'environ quatre doigts qu'on frottat, & que le refte ne fervoit que de lupport a cette zone , il a done fupprime tout ce refte & forme une efpece de large bobine ou depaiffe poulie, qui a autant de diametre que le globe, & dont il remplit la gorge, qui doit avoir au moins quatre polices de large, avec du foufre fonc!u, qu'il unit enfuite, d'abord avec un fer chaud, puis fur le tour-, par ce moyen il s'eft procure des inftrumens bicn ronds, bien Centres, legers & qui ne font pas hijets a eclater comrae les globes. II ajoute a cette methode la defcription d'un fupport propre a placer commodement line loupe pour examiner la direction des rayons de ces pc- 58 AERECi DES MEMOIRES ■ tites aigrettes , qu'on appelle points lumineux. Quoique ces inftrumens ne P ' o it f f°'ent Pas des preuves en faveur de l'opinion de M. l'abbe Nollet > ils fer- ' vent a mieux faire les experiences qui les fourniflent : c'eft peut-erre une Annie ij6z. "des raanieres les plus utiles dc fervir la phylique que de lui donner les moyens de mieux voir & de mieux opfrer. SUR DES OS et DES DENTS D'une grandeur extraordinaire. 11$, Lj'academie a rendu compte au public en 1727 (a) de tres-gros offe- mens foffiles trouv^s en Siberie, & que la comparaifon qui en fut faite avec des pieces femblables du cabinet de feu M. Sloane, firent reconnoitre pour de veritables os d'elephant. Void encore un travail de la meme efpece. M. de l'lfle , de cette academte , avoit rapporte de SiWrie plulieurs os qui y avoient ete tires de terre, entr'autres un tres-grand femur qui 6toit dans un monaftere de la ville de Cafan , oil on Ie regardoit comme l'os d'un faint; car les Siberiens, qui n'ont jamais vu d'elephans chez eux, n'a- voient garde de foupconner que cet os eut pu appartenir a un de ces animaux , & avoienr mieux aime fuppofer que c'avoit ete celui d'un geant humain , auquel ils avoient attribue une faintete pen ordinaire a ceux que les poc'tes & les faifeurs de romans ont fuppofe etre de cette efpece. Ce femur ayant ete apporte au cabinet du roi , M. Daubenton l'a com- pare a un os femblable trouve en Canada ; & quoiqu'il manquat au femur de Siberie, toute une epiphyfe, en comparant cet os avec d'autres de meme efpece & bien entiers, M. Daubenton a pu evaluer, relativement a ce qui reftoit de l'os, la grandeur de l'epiphyfe emportee, & par confequent celle que l'os entier avoit du avoir, qu'il a trouvee de trois pieds cinq pouces. Le femur de Siberie & celui de Canada ayant ete compares par M. Dau- benton, au femur de l'elcphant mort a la menagerie du roi, dont le fque- lette entier eft an cabinet, il ne s'y trouva aucune difference de figure, mais il y en avoit une confiderable pour la groffeur. Si on fait attention cependant a la difference que lage & le fexe doivent mettre dans la lon- gueur & la groffeur des os des animaux de meme efpece, on ne fera plus etonne de celle qui fe trouve entre les os foffiles & ceux du fquelette de l'elephant de la menagerie : ce dernier etoit encore au-deffous de fa jell— neffe quand il eft mort; d'ailleurs ll on juge de la grandeur des eliphans auxquels avoient appartenu les os foffiles de Siberie & de Canada, par la I proportion de la grandeur de l'humerus de l'elephant de la menagerie avec a grandeur qu'il avoit de fon vivant, on en conclura que ces animaux n'au- (0) Voyez Hift. 1727, Colle&on Academique , Partie Fran$oife, Tome VI. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. jy roient pas en tout-a-fait neuf pieds de haut •, ce qui eft bien au - defious — — ■— ^^ de la grande taille de ces animaux , parmi lefquels il s'en trouve de qua- p torze ou quinze pieds de hauteur. h y s i q u i. II n'eft pas rare de trouver en Siberie de ces gros os foffiles tf elephant •, AnnU lj6z. M. de l'lfle avoit rapporte , outre le femur dont nous venous de parler, plufieurs grands fragmens d'un autre femur, une partie des os d'une tete, quatre dents molaires , cinq defenfes & m humerus, qui tous out ete re- connus pour avoir appartenu a des elephans; & a en juger par la grandeur des os de la tete , l'elephant duquel elle a fait partie , devoit avoir envi- ron dix pieds de haut. La plus grande des defenfes que M. de 1'lfle a ap- portees, feroit peut-etre aflez grande'pour douter qu'elle eut ete celle d'un elephant ; mais M. Daubenton s'eft affure , par la comparaifon qu'il en a faite avec d'autres defenfes d elephant , bien connues pour telles , qu'elle en etoit une; &, ce qui eft affez fingulier , e'eft que cet ivoire, quoique fertile & peut etre enterre depuis un tres-grand nombre de fiecles , eft d'affez bonne qualite pour etre employe aux memes ouvrages auxquels on emploie le morfile ou ivoire ordinaire. Les pays feptentrionaux ne font pas les feuls ou Ton trouve des os fof- files d'elephant , il s'en rencontre en bien d'autres contrees qui n'ont pas plus d'elephans, & meme en France, on trouva en 174.5, une omoplate d'elephant enfouie dans une foret entre Challon & Tournus : on a trouve en Brie , au village de Cierard pres de Crecy , des dents d'elephans en- fouies dans le fable a plus de dix pieds de profondeur. M. de Puymerin a envoye de Touloufe des morceaux conliderables de defenfes d'elephant, trouvees fous terre a deux pieds de profondeur, mais celles-ci etoient ab- folument decomposes & converties en une fubftance bolaire , qui ne conlervoit plus que la figure exterieure des defenfes & le grain de l'ivoire. Le femur dont nous avons parle, qui a ete apporte de Canada, prouve bien qu'il fe trouve des elephans dans le Nord de l'Amerique, mais la cir- conftance de la decouverte de cet os le prouve encore davantage. M. le baron de Longueuil etant camps, en 1759,8 l'embouchure de l'Oyo dans le Miffiffipi, on lui apporta quelques os de tres-gros animaux, trouves fur le bord d'un marais, parmi lefquels il y avoit plulieurs defenfes d'elephant, dont une, qui fut apportee a Paris, etoit extremement alteree •, il s'y troil- voit encore plulieurs dents molaires, qui furent remifes au cabinet du roi, la plus grofle a quatre pouces cinq lignes de longueur fur trois pouces cinq lignes de largeur & trois pouces trois lignes de hauteur ; mais quoique cette dent ait du appartenir a un tres-gros animal , cet animal n'eft (urc- ment pas un elephant ; elle n'eft point compofee de couches fucceffives d'os & d'email comme le font les dents de cet animal : tout fon email eft j l'exterieur & renferme une matiere offeufe , comme les dents des autres animaux. Auquel done des grands animaux connus attribuer la dent en queftion i M. Daubenton s'eft aiTure , par l'exacte comparaifon qu'il en a faite , que cette dent avoit appartenu a un hippopotame : il n'eft pas plus etonnant qu'un fquelette d'hippoporame fe ibic trouve en Canada proche 4o ABREGE DES MEMOIRfiS ——5^--;—";;™ d'un fquelette d'elephant , que d'y avoir trouve ce dernier ; & l'extreme , groffeur de cette dent, qui excede de beaucoup celle des feces de cet ani- 1,1 Q ' mal confervees au jardin du roi, ne doit en aucune maniere empecher de Annie ij6z, Ies lui attribuer; celles-ci ne font pas, a beaucoup pres, des plus groffes. Zerenghi, cite par M. Daubenton, a vu en Egypte un hippopotame, dont la grandeur egaloit, on raerae excedoit un peu celle de l'animal de cette efpece auquel out appartenu les dents trouvees en Canada. Aux recherches que M. Daubenton a faites a 1'occaiion des os dont nous venous de parler, il a joint celles qui ont eu pour objet un tres-grand os trouve au Garde-meuble de la Couronne, & qui avoit fait partie d'un ca- binet que Gafton de France, frere de Louis XIII, avoit forme a Blois il y a environ un fiecle : on le regardoit comme l'os d'un geant, & effedK- vement il avoit , au premier coup-d'ceil , toute l'apparence de l'os de la jambe d'un homrae de taille de gigantefque ■, mais l'examen qu'en fit M. Daubenton, lui eut bientot fait connditre que cet os n'etoit point celui d'un cadavre huniain , & il ne fut plus queftion que dc favoir auquel des grands animaux connus il pourroit avoir appartenu. L'examen exadt fit d'abord reconnoitre cet os pour avoir ete le rayon de 1'avant- bras d'un tres-grand animal, & la comparaifon qui eii fut fiite avec les avant-bras des animaux folipedes & a pieds fourchus, fit voir qu'il avoit les caradteres qui pouvoient appartenir a l'os d'un animal de cette der- niere efpece on a pied fourchu , & cependant auffi quelque rapport avec les folipedes; mais fon extreme grandeur eloigne toute probability qu'il ait pu appartenir & aucun de ceux de cette derniere claffe qu'on connoit. Rede done a chercher l'animal en queftion parmi ceux qui ont le pied fourchu ; la grandeur & la conformation de cet os ne permettent pas de l'attribuer au cochon , au buffle , au bceuf , au belier , aux gazelles , au daim , ni au chevreuil, & il porte une marque diftindtive qu'il n'appartient ni au cha- meau, ni au dromadaire : on ne voit point qu'il ait ete adherent a l'os du coude, comme le rayon left dans ces animaux. II ne refte done plus parmi les animaux connus que la giraffe ou camdopardalis auquel on le puiffe attribuer. Cet animal vit en Afrique , & particulierement en Etiopie •, il a le pied fourchu, il a des cornes, huit dents incifives dans la machoire infirieure, fans qu'il s'en trouve aucune dans la fuperieure •, il peut porter fa tete juf- qu'a la hauteur de feize pieds, & fon cou en a fept de longueur-, ainli fa hauteur n'eft pas fort differente de celle de dix pieds, que M. Daubenton trouve qu'auroit du avoir un chameau , pour que l'os en queftion lui eut appartenu-, & ce qui rend encore plus probable que cet os ait ete le rayon d'une giraffe, e'eft que cet animal a les jambes de devant beaucoup plus longues que celles de derriere; que, felon Ludolf, un homrae de ftature ordinaire ne lui va qu'au genou , & qu'un cavalier peut paffer tout a che- val fous fon ventre fans y toucher de la tete. En effet, fi on prend les di- lnenfions de la giraffe d'apres le rayon qui eft au jardin du roi, il fe trouve qu'en donnant deux pieds & demi d'epaiffeur au corps de cet animal, qu'on fait etre affez mince i) proportion de h taille, tout ce qu'en a dit Ludolf fe DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. +; fe trouve exadtement conforme a la veritd. II feroit certainement encore ' plus fur de comparer cet os au fquelette meme d'une giralfr , (1 on en p avoit un ; mais cette reffource manquant , il eft certain que les preuves de E" 9 M. Daubenton ne pouvoient etre plus complettes , & qu'il eft bien plus Annie ij6z. naturel d'attribuer l'os en queftion a la giraffe qu'a des geans ou a des ani- maux inconnus, dont l'exiftence n'eft fondee iur aucune preuve. La phy- fique & l'hiftoire naturelle oftrent affez de merveilles reelles pour pouvoix fe paffer de celles qui ne font qu'imaginaires. V, S U R V O C R E. oi ci encore line de ces matieres, fur la nature defquelles on dif- Hi*, pute encore , malgre I'ufage journalier qu'on en fait. L'ocre fe tire dans plufieurs endroits du royaume; elle eft entre les mains de tout Ie monde, & cependant on ignore encore a quelle efpece de terre ou de fubftance on la doit rapporter : M. Guettard a entrepris de lever cette incertitude; & pour le fsire avec fucces, non-feulement il s'eft procure des defcrip- _ tions de plufieurs ocrieres , mais encore il a voulu examiner par Iui-merae celle qui fe trouve pres de Donzy en Nivernois, pour y voir l'ocre dans fa mine meme, & etre plus en etat de decider a quel genre de fubftance elle appartenoit, & il a eu le plaifir de voir que dans toutes les ocrieres dont on lui a envoyi les defcriptions , 1'arrangement des fubftances qui precedent ou fuivent l'ocre, etoit , a tres-peu de chofe pres, femblable, & que par confequent I'operatiorrde la nature dans la production de l'ocre etoit affez conftamment la meme : Nous allons fuivre celle qu'il a exami- nee lui- meme. Les puits qu'on fait a 1'ocriere de Bitry proche Donzy en Nivernois, font carres, ou au moins redhngulaires , & leur profondeur varie fuivant le lieu ou fe trouve cette ouverture, fi e'eft fur line petite montagne, ils font plus creux-, li e'eft au fond d'une vallee, ils le font moins; ceux de Bitry n'ont guere que vingt-huit ou trente pieds de profondeur. L'ocre eft communement precedee de trois lits ou bancs de terre, qu'il f.uit percer pour arriver jufqu'a elle; le premier eft celui qui fait le fond du terrain, dont 1'epaiiTeur eft plus ou moins grande, felon l'endroit ou il eft iltue: i Bitry il n'a guere plus d'un pied ou deux d'epaiffeur : au-deffous fe trouve une glaife blanche, ou plutot d'un gris-cendre, ou quelquefois d'un bleua- tre tirant fur le noir. Cette glaife pent etre employee a la poterie ; ce banc de glaife peut avoir huit ou dix pieds d'epaifieur : au-deffous eft une au- tre efpece de glaife ou terre-rouge, dont I'epaiffeur eft un peu moindre que celle du banc precedent; celle-ci eft fuivie d'un lit d'une efpece de grais jauhatre , compofe de deux ou trois couches d'environ chacune un (>ouce d'epaiffeur : e'eft imme'diatement fous ce lit que fe rencontre l'ocre; e blanc en eft le plus epais de tous, puifqu'il tient a lui feul plus du tiers des trente pieds de profondeur qu'ont les puits de Bitry, il eft pofe fur Tome XIII. Partie Franfoife. F 4i ABREGE DES MEMOIRES *"*— **— —*^ un banc de fable dont on ignore l'epaiffeur, les ouvriers ne le crenfant or- p dinairement que de la hauteur d'un homme, pour y creufer a droite & a gauche des chambres, dont le banc d'ocre forme le plafond, &; la faire Annie lj6z. tomber dans ces chambres au moyen de coins de bois de plus d'un pied™ de long, qu'ils y enfoncent pour en detacher des quartiers confiderables: ces gros morceaux fe nomment Yocre en quartiers , & les moindres mor- ceaux s'appellent le menu. On enleve les tins & les autres fur le fol ou eft perce le trou , & la on les depouille foigneufement des glaifes cjui y peu- vent etre reftees adherentes, & enfuite on les met en tas ou meules a-peu- pres coniques-, on porte enfuite l'ocre, pour la deffecher , fous des halles, qui en la mettant a couvert de la pluie, la laiffent expofee a toute Taction de l'air •, & lorfqu'elle a fubi cette preparation , on la met dans de vieux tonneaux a vin,& elle eft en etat d'etre vendue. Nous avons dit qti'on ignoroit l'epaiffeur du banc de fable qui fe trouve au-deffous de l'ocre , & cela eft effeftivement vrai a Bitry : l'ocriere y eft placee dans le fond d'un vallon , & les eaux qui y fejournent otent affez la fermete au terrain pour que les ouvriers ne puiffent fouiller ni fort avant ni fort profondement , fans s'expofer a etre enlevelis fous les ebou- • lemens qui s'y feroient infailliblement •, mais dans une ocriere differemment placee, que M. le Monnier le medecin a vue (a), les ouvriers l'ont affure qu'on trouvoit les bancs d'ocre & de fable places alternativement les uns fur les autres. On ne trouve dans aucune des ocrieres , dont parle M. Guettard , que de l'ocre jaune , la rouge eft l'ouvrage de l'art ; & c'eft en calcinant forte- ment l'ocre jaune qu'on lui donne cette couleur. On la place pour cet effet , dans un fourneau femblable a celui des tuiliers , obfervant d'y arran- ger les quartiers d'ocre de maniere qu'ils laiffent entr'eux un libre paffage a la flamme du bois qu'on allume deffous dans le foyer du fourneau : le feu doit durer trois jours, modere dans les deux premiers, mais affez vif le troifieme. Si on tiroit l'ocre plutot, elle ne feroit pas rouge, mais d'un brim roufsatre & beaucoup plus dure qu'elle ne doit l'etre naturellement. Telles font a-peu-pres les obfervations fur l'ocre que M. Guettard rap- porte dans fon memoire : effayons prefentement de reconnoitre quelle peut etre la nature de ce foffile. Le fentiment de TWophrafte, qui eft peut-etre de tous les anciens ce- lui qui a le mieux ecrit fur cette matiere , eft que l'ocre eft une terre ar- gilleufe; il en reconnoit de deux fortes, l'une jaune & I'autre rouge, & celle-ci, felon lui, eft naturelle ou fadice, & cette derniere ne doit fa couleur qu'a la calcination artificielle , au lieu que la naturelle la recoit de l'a(5tion des feux fouterrains, a laquelle Theophrafte dit que l'ocre jaune, comme la rouge , ont ete foumifes ; mais ce dernier article ne peut etre admis , la pofition de l'ocre & des diffeVentes matieres qui l'accompagnent dans les ocrieres, eft trop reguliere pour pouvoir etre l'ouvrage d'un vol- can : elle annonceroit plutot un depot forme par alluvion, & de plus le (<0 Voyez M^rid. de France, par M. Caflini de Thury, page 118. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4j gfavier cjui fe trouvc au-dirTous de l'ocrc reflexnble beaucoup plusau qra- — ^— vier de la nicr on des rivieres qu'a des debris de matieies biuiees , dont p le caraiftere eft toujours aife a reconnoitre. ' *> J Q Diokoride, Gallien, Vitruve , Pline meme, n'ont parlc de l'ocre que Annie tj&su comme d'une matiere propre a la medecine ou a la peintnre , & n'ont rien dit fur fa nature, non plus que leurs commentateurs : ce n'eft guere que depuis qu'on a commence a vouloir clafler & arranger fyftematique- ment les difterentes fubftances qu'offre l'etude de l'hiftoire naturelle, qu'on a fait quelques recherches fur la nature de l'ocre & qu'on l'a foumife a l'examen chymique. II nous a appris que l'ocre contenoit une tres-grande qiuntite de fer ; & que lorfqu'on y joignoit des matieres capables de four- nir du phlogiftique , elle fe convertiflbit prefque entieremeiit en ce me- tal. D'apres cette obfervation , quelques- uns l'ont rangee avec les mines de fer, d'autres la regardent comme une glaife ferrugineufe ; d'autres la placent an rang des argiles & accordent le nom d'ocre a toutes les terres fiiables, donees au toucher & qui fe diffolvent facilement dans l'eau-, ils les partagent en ocres vitrifiables & ocres calcaires. Quoique ces derniers multiplient infiniment les ocres, ce ne feroit ce- [>endant pas un grand inconvenient fans la confufion & l'incertitude qu'ils aiffent fur le cara&ere diftin&if de l'ocre. M. Guettard penfe que la com- paraifon avec l'ocre proprement dite, doit etre la veritable pierre de tou- che qui fafle reconnoitre les fubftances qui doivent etre rangees dans Ii mime clatfe. Or , les qualites de l'ocre font d'etre douccs an toucher , de s'attacher a la langtie, de fe durcir au feu , d'y devenir un mauvais verre (i on la pouffe julqu'a un certain point, de contenir des parties ferrugt- neufes & de fe convertir en fer fi on la joint a du phlogiftique , enfin d^ n'etre point diffoluble dans les acides & de l'etre dans l'eau commune. C'eft a ces caradteres qu'on doit reconnoitre les terres qui font verita- blement des ocres ou celles qui approchent de la nature de ce foffile , & c'eft en vertu de cet examen que M. Guettard rejette de cette clalfe des lubftances, qu'on y avoit mifes , felon lui, aflez mal-a-propos, comme le giallolino de Naples, qui n'a rien de commun avec l'ocre que la couleur, le fel de Syrie, l'almagra des Modernes , le bol de Venife, la terre de Si- nope, la terre d'Ombre, celle de Cologne, la pierre d'Armenie, Vampe- lite ou pierre noire, l'ocre de rue & plulieurs autres fubftances de cette efpece ; en un mot il ne met au nombre des ocres que les glaifes qui ont les carajes rueS) p0ur ieur arrofement en ete, & pour le cas des incendies oil Annie llGz. elle eft ablolument neceffaire. Suivant ce calcul , Paris , dans lccjuel on fuppofe huit cents mille habi- tans, devroit avoir pour les befoins journaliers huit cents polices d'eau , fans compter ce qui feroit neceffaire pour le nettoyage des rues & pour les cas d'incendie, & nous allons bientot voir combien il sen failt qu'il n'en ait cette quantite. La pompe du pont Notre-Dame donrre cent a cent vingt-cinq ponces d'eau, l'aqueduc d'Arcueil environ cinquante, la Samaritaine vingt-cinq a trente , les fources du pre Saint-Gervais douze a quinze r & Belleville dix •, en prenant done tout au plus fort, on aura au total deux cents trente polices d'eau , quantite bien differente de celle de huit cents polices qui feroit neceffaire •, il faut meme defalquer une quantite conliderable des deux cents trente polices dont nous venons de parler, les trois quarts de celle d'Arcueil appartiennent au roi , de meme que toute celle de la Sa- maritaine-, il eft vrai qu'une grande partie eft donnee a des maifons par- ticulieres , & qu'une autre partie eft diftribuee an public a la croix du Trahoir , au palais-royal , au Luxembourg & en quelques autres endroitsr & on doit encore fupprimer en entier les dix ponces de Belleville , qui n'etant pas de bonne qualite, ne fervent qua laver l'egout du pont-an— choux; ainli, toute compenfation faite, e'eft beaucoup fl Paris a cent quatre-vingts ou deux cents pouces d'eau effeclifs. Ce n'eft pas encore tout, la pompe du pont Notre-Dame qui fournit plus de la moitie de cette quantite peut manqu-er tout-a-coup-, une inon- dation , une debacle peuvent entrainer en un inftant toute la tour de char- pente qui la fupporte, & qui eft en affez mauvais etaf, un bateau de foin embrafe peut y mettre le feu , & on n'a furement pas encore perdu l'idee de i'incendie arrive de nos jours au Petit-Pont, qui ne fut catife que parce qu'un bateau de foin embrafe s'arreta a des bois qui avoient ete mis en 1627 fous ce pont pour en fortifier une arche-, s'il avoit pris fon cours par l'autre bras de la riviere, il eut ete indubitablement porte fous la pompe, & auroit caufe un incendie d'autant plus dangereux, qu'il ne fe feroit pas trouve, comme au Petit-Pont, Tenorme maffe de pierre du petit Chatelet pour arreter le feu-, d'ailleurs ces machines embarraffent la navigation , elles augmentent les inondations quand la riviere eft tres- fbrte, elles ne donnent qu'une quantite d'eau peu proportionnee aux be- foins de Paris, font fujettes a chommer par bien des circonftances, exigent des depenfes conliderables pour leur entretien, & font enfin expofees au feu & a bien des accidens qui peuvent les detruire en un inftant. Ce feroit done rendre a la ville de Paris un fervice confiderable, que de lui procurer les moyens d'amener a la meme hauteur que l'eau d'Ar- cueil une quantite d'eau fuffifante pour tons fes befoins ; & e'eft precif^- roent auffi ce que M. Deparcieux a voulu faire par le projet dont il a fait part a I'academie , au moyen duquel il efpere y conduire en tout temps DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 51 an moins douze cents polices d'e.iu couraote 8c propre U tons les ufige" . ^— ^— ^— & cette eau eft celle de la riviere d'Yvette, prife a environ fept lieucs p , r» . l IHiSIQUEj de Fans. Les" differentes parties qu'on doit examiner dans un femblable projct , Anntt X"]€^. font la quantite & la qualite de l'cau qu'on fe propofe de conduire, la poffibilite de l'amener reiultante des nivellemens & de la maniere de vain- cre les obftacles qui peuvent s'oppofer a la conduite, enfin les frais ne- ceffaires pour l'execution. Pour s'ailurer de la quantite d'eau que pent donner cette riviere , M. Deparcieux a foigneufement examine celle qui fortoit des vannes des moulins, & il a trouve qu'il paffoit a Vaugien, oil il compte prendre lYvette , plus de mille polices d'eau , & plus de deux cents au ruiffeau de Gif qu'il compte yjoindre, le tout dans le temps des plus baffes eaux; niais quand on fuppoferoit que lYvette n'en donnat que huit cents pou- ces, & le ruiffeau de Gif que cent quatre-vingts , on auroit encore pres de mille pouces, & M. Deparcieux eltime a plus de deux cents polices celle qui derivera neceffaircment dans les fouilles qu'il faudra faire pour le canal dans un terrain qui eft effeclivement rempli de lources. On aura done de l'eau en affez grande abondance pour en donner a toutes les maifons royales, quadrupler les fontaines publiques , en ceder a bon mar- che aux maifons des particuliers qui en voudront, & pour fupprimer les pompes du pont Notre-Dame & de la Samaritaine. Pour l'examen de la qualite de l'eau, M. Deparcieux a commence par en boire lui-merne , fans lui trouver d'autre mauvaife qualite que le gout de marais qu'ont toutes les petites rivieres, & qu'on peut leur oter aifement en les debarraffant de ce qui le leur donnoit, comme nous le verrons bientof, mais pour etre plus fur de la bonne qualite de cette eau, il a engage Mts- Hellot & Macquer, de cette academic, a la foumettre aux epreuves chymiques, & il fe trouve par le refultat de leur proces- verbal , que M. Deparcieux a fait imprimer a la fin de fon memoire, 1°. que l'eau de lYvette ne contient aucunes fubftances fultureufes, aucun acide ni al- Jcalilibres, aucunes parties ferrugineufes, cuivreufes ni metalliques de quel- que elpece que ce loir, 20. que cette eau ne contient aucune autre ma- tiere qu'un peu de lelenite , en meme quantite qu'en contiennent les eaux de la Seine, & de toutes les autres rivieres & lources qu'on emploie par- tout a tous les beioins de la vie; 30. enfin que le gout de marais qu'on y obferve y eft accidentel & etranger , & qu'il fe peut diffiper aifement par la chaleur, par le froid meme, par la limple expolition a fair, & qu'il y a tout lieu de prelumer qu'en prenant les precautions indiquees par M. Deparcieux, on peut mettre cette eau au rang des eaux ordinaires dc fivieres tres-faines & tres-bonnes a boire. Ce temoignage etoit certainement fumfant pour conftater la bonte des eaux de lYvette; il s'eft trouve cependant des perfonnes affez prevenues pour foutenir que le gout de marais etoit tellement inherent a l'eau , qu'on ne pouvoit abfolument Ten feparer. L'experience etoit trop aifee a fure pour la negliger ; non-feulement elle a ete repetee par M. Deparcieux , C ij 5i A B R E G E DES MEMOIRES ■*"'" ' ' ' -JJLL mas mime M. le Prevot des marchands & M. de Sartine , lieutenant de Physique. Pouce' ont vo»'« 'a faire eux-memes, & ils out trouve que cette eau, ex- ' ppfee implement a 1'air & an foleil, perdoit abfolument, au plus tard en Annte ij6z. cinq jours, tout le gout de marais quelle avoit. En efret, les grandes rivieres n'ont ordinairement peu on point de cc gout; elles ne font cependant compofees que des eaux de fources & de petites rivieres qui y affluent, & qui en font prefque toutes fortement affectees : comment done peut-on fuppofer que ce gout ne fe perde point, puifque la feule circonftance de conler dans un plus grand lit le leur ote n facilement ? II ne faut pas meme beaucoup de reflexion pour en deme- ler la caufe ; les eaux des petites rivieres font arretees a cbaque pas dans leur cours par des coudes , des racines , des digues , des eclnfees de mou- lin qu'on ne vuide prefque jamais , & par conlequent obligees de fejour- ner fur la vafe, des bois, des feuilles pourries, dont elles ne manquent [>as de prendre le mauvais gout-, les trous oii Ton met rouir le chanvre, es pres qu'elles couvrent dans leurs inondations, peuvent encore commil- niquer une faveur defagreable •, mais quand ces memes eaux font une fois parvenues dans une riviere navigable, alors tous ces inconveniens ceffenf, elles coulent avec viteffe, fans obftacle, fur un lit exempt de matieres etran- geres; ce mouvement & l'expofition a l'air & au foleil, leur auront done bientot enleve ce gout qu'elles avoient contradti par toutes les circonf- tances dont nous venons de parler. Celles de l'Yvette auxquelles le gout de marais n'eft pas plus adherent , le perdront done furement des qu'elles couleront dans un lit exempt de tout ce qui pourra le leur communi- quer; & cela d'autanr plus aifement qu'on aura attention de nettoyer le canal de temps en temps. Au moyen de toutes ces precautions, on pent affurer que ces eaux feront bonnes, faines & certainement de meilleure qualite que celle de la Seine, qui, dans l'endroit oii la puifent les pom- fes & ceux oii les porteurs d'eau la prennent, eft cbargee de legout de hopital-general , de ceux qu'y amene la riviere des Gobelins, & d'une infinite d'autres egouts de Paris. M. Deparcieux invite tous ceux qui s'in- tereffent au bien public a en faire eux-memes l'experience, pour fe con- vaincre que l'eau de l'Yvette perd en peu de Jours fori gout de marais & devient une des meilleures eaux qu'on puiffe boire. Le troifieme article a examiner eft celui de la poffibilite de la con- duite, & celui-ci a deux chefs-, il faut que l'eau de l'Yvette, dans l'endroit ou on la prendra, foit affez haute pour qu'on puiffe lui menager la pente neceffaire pour la faire arriver a l'endroit de Paris ou Ton fe propofe de la conduire, & qu'il ne fe trouve en chemin aucun obftacle infurmontable. M. Deparcieux s'eft affure du premier , i °. en mefurant avec exactitude la chute des moulins qui fe trouvent fur l'Yvette jufqu'a fa jonction avee la vSeine, la pente de cette riviere depuis Juvifi jufqu'au pont de l'Hotel- Dieu , & enfuite la hauteur du fol de la rue Saint-Hyacinthe , oii il fe propofe d'etablir le point d'arrivee, au-deffus du niveau de la riviere; il refulte de cet examen , dont M. Deparcieux donne tout le detail , que l'eau de l'Yvette , prife i Vaugien , eft plus haute de feize pieds que l'arT DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 55 rivee de 1'cau d'Arcueil a Paris : a cettc difference , on doit ajoutcr la — — pente qui la fait couler de moulin en moulin. M. Deparcieux s'eft affureD de cette pente, en examinant la viteffe de l'eau dans les differens endroits-, ^ l; r & comme l'Yvette coulc aduellement par un chemin trcs-tortueux, tres- Annie fGx. cmbarraffe, & d'environ trente mille toifes de long, il eft evident quelle coulera avec une viteffe prefque double, quand le chemin qu'elle aura a faire n'aura plus que dix-lept a dix-huit mille toifes, & qu'il fera dt-barrafte de tout obftacle, & confiderablement redreffc. On auroit done, abfolu- ment parlant , alfez de la pente de moulin en moulin pour la conduirc •, & les feize pieds de hauteur ablolue que nous avons trouves ci deffus •, font en benefice & rendent feulement I'operation plus fiirc & plus facile. La conduite de ces eaux ne prefente pas de plus grandes difficultcs. M. Deparcieux fe propofe de conduire les eaux depuis Vaugien jufqu'a la montagne qui fepare Palaifeau & Maffi, dans un canal ouvert, maconne aux deux cotes & au fond-, l'eau, avant que d'y entrer, paffera dans un efpace auffi maconne mais un peu plus creux que le refte du lit de la ri- viere , 011 elle depofera une partie des matieres etrangeres qu'elle peut contenir & qu'on enlevera de temps en temps ; elle paffera enfuite dans le canal, en traverfant un efpace rempli de fable & de cailloux , oii elle achevera de fe nettoyer, & le canal fera defendu des eaux pluvialcs , des beftiaux & meme des homines, par des foffes qui l'accompagneront dans toute fa longueur, & par des haies d'epines qu'on aura foin d'entretenir; on aura foin de meme d'en detourner toils les egouts des lieux proche defquels on paffera. Cette premiere partie n'offre d'autres difricultes a vain- cre que quelques blocs de gres affez gros , qu'il faudra caffer , mais qui fourniront aulli une bonne partie des materiaux necefiaires. L'eau arrivee au pied de la montagne , continuera fa route dans un aqueduc voute , qui percera la montagne a environ cinquante pieds de profondeur, & qui, felon les circonftances , fe fera a tranchee ouverte ou par fous ceuvre. Ceux qui ne connoiffent pat cette forte de travail, feront effrayes de la propofition de percer un canal a travers une montagne a plus de cin- quante pieds au-deffous de fon fommet , & dans la longueur de cinq a fix cents toifes : mais on les prie de vouloir bien conllderer que les ouvrages de cette efpece ne font pas 11 rares qu'on pourroit fe 1'imaginer : le canal royal traverfe la montagne de Malpas par line voute d'une hau- teur & d'une grandeur prodigieufe , faite par fous-oeuvre. La montagne de Sataury pres Verfailles , eft percee de deux aqueducs , femblables a celui que propofe M. Deparcieux, & qui pris enfemblc, font prefque trois fois la longueur de celui-ci, & tous les environs de Verfailles font remplis de femblables travaux, faits par fous-oeuvre ou a tranchee ouvene. Au fortir de l'aqueduc voute , les eaux fe rendront dans un canal decouvert, qui, apres avoir paffe au bas de Maffi, fuivra la cote droite de la Bievre, & viendra croifer le- grand chemin d'Orleans, un peu au- deffous de celui de Maffi : la gorge de Frene feroit la un obftacle a la continuation de fon cours, on y remediera par un pont-aqueduc, fem- blable a celui d'Arcueil, qui n'aura guere qu'une quarantaine de pieds 54 A B R E G E DES MEMOIRES ~m^mmm ^m ~^—1 d'elevation. Le canal continuera le long de la cote , cotoyant l'ancicn V v aqueduc voute qui vient de Rungis : il traverfera enfuite le pont-aqueduc ' d'Arcueil , quelques pieds au-delfus de fa rigole ; au moyen dune nape Annie lj6z. de plomb qui conduira l'eau dans un nouveau pont aqueduc , accolle .1 la partie (eptentrionale de l'ancien, & au lortir de ce pont-aqueduc, l'eau entrera dans un aqueduc voute & fouterrain , qui accompagnera l'ancicn jufqu'a fon arrivee a Paris, tant pour fuivre la route qui a etc trouvee la plus convenable pour la conduite de l'eau, que parce que tout cc qui avoiline l'ancien aqueduc n'a pas etc fouille par les carriers, au-lieu que le rede de la plaine l'a etc. En arrivant a Paris, le nouvel aqueduc paffera entre le grand chemin & le chateau d'eau , traverfant le jardin des dames de Port-Royal jufqu'a la rue de la Bourbe, ou les eaux commenceront a entrer dans une con- duite de tuyaux d'un tres-grand diametre, qui pafferont a decouvert par les jardins des Carmelites , de Saint-Magloire & de quelques autres mai- fons , pour venir aboutir vers le milieu de la rue Saint-Hyacinthe , ou fe fera la premiere diftribution dans les ditfercns quartiers de Paris, & d'oii le trop plein, quand il y en aura, pourra s'ccouler a la riviere par la rue de la Harpe. Dans toute la partie decouverte du canal , on menagera , de mille en mille toifes , ce que M. Deparcieux nomme des repos , c'eft-a-dire, des endroits oil le canal aura plus de profondeur : ces repos recevront la plus grande partie des matieres heterogenes que l'eau pourroit entrainer •, ils feront garnis de vannes & de foupapes pour faire ecouler l'eau en cas de befoin : & quand il fera queftion de nettoyer la partie du canal qui pre- cedent un repos & ce repos meme , on abaiffera au haut de cette partie une vanne , qui ne laiffera couler d'eau que ce qu'il en faudra pour fa- vorifer le nettoiement. En nettoyant a des jours difterens les diverfes parties du canal , & faifant cette operation un peu promptement, on tic 6*appercevra prefque d'aucune diminution d'eau. La maniere dont M. Deparcieux propofe de conftruire la maconneric de l'aqueduc voiite qui doit conduire les eaux, tant fous la montagne de Palaifeau que depuis Arcueil jufqu'a la rue de la Bourbe, merite bien d'etre decrite. On fait ordinairement ces aqueducs en galerie , ayant deux pieds-droits furmontes d'une voute , & l'eau pafle dans une rigole prati- quee au fond , mais il arrive fouvent que la pouffee des terres enfonce les pieds-droits & occaiionne des reparations incommodes & difpendieufes: pour remedier a cet inconvenient , M. Deparcieux fait fon aqueduc en forme d'un long tuyau elliptique , de la coupe duquel le grand axe eft vertical : la moitie inferieure, deftinee a fervir de canal, eft lupportee par un maffif de maconncrie & revetue de gres ou de pierre taillee en coupe ; c'eft une voure renverfee : la moitie fuperieure eft fimplement voutee en moliere avec des arcs de pierres ou de gres de diftance en diftance. Par ce moycn , toutes les pierres etant buttees les unes contre les autres, la poulfee des terres ne pourra avoir d'autres eifets que de lesferrer; tout au Bioins cette conftrudiou reliftera-t-elle beaucoup plus que labatiffe ordinaire. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 55 On juge bien que M. Deparcieux n'a pas oublie de placer dans les en- droits convennblcs des deverfoirs oil vannes pour faire ecouler les eaux t, , c , . ^ 1 1 . , ' . , ..PHYSIQUE. lorfque quclques reparations obligeront dc mtttre nne panic du canal a Cjc : fans ccrte precaution, les reparations dcvirndroient prefque iaipra- Annt'e i~6z. ticables : les memos deverfoirs diibarra&ront auffi de 1'eau fuperflue qui pourroit furcharger le canal dans les temps dcs crt'ies d'ean. On n'ayoit pas etc jufqu'ici allez heureux pour avoir cet inconvenient a craindrc. Comme une dcs principales caufes du mauvais gout dcs eaux , eft le fejour des feuilles qui apres avoir flptte quelque temps fur l'eau , s'y en- foncent & s'y pourriffent , M. Deparcieux place , d'efpace en cfpace , des barres armees de longues dents de fer qui traverfent le canal & dont les dents entrent dans l'eau & arretent tout ce qui peut y Hotter, que des gens prepofes pour cela auront loin d'cnlever journellement. Un grand inconvenient pour le canal , feroit que les e^ux pluviales y decoulaftent des terres voifines , elles altereroient neceffairement la pu- rete de l'eau par la vafe & les autres matieres qu'elles y eritraineroient V mais les foffes pratiques le long du canal recevront ces eaux etrangcres & les feront ecouler. M. Deparcieux penfe cependant qu'on pourroit, en cas de befoin, en profiter en les retenant dans des etangs pratiques expres , d'ou on les feroit entrer dans le canal lorfqu'une longue fechereffe feroit craindre de navoir pas une quantite d'eau fumTante. II ne nous refte plus a parler que de 1'article de la depenfe, & il faut avouer que ce n'eft pas le moins important pour la rduffite du projet. On imaginera aifement qu'une entreprife de cctte nature en exige une conli- derable , mais il faut audi en pefer les avantages , & voir (1 ces derniers doivent l'emporter fur la depenfe : peut-etre meme fe la figure-t-on plus conhdtrable qu'elle ne l'eft reellement •, nous ne pouvons en donnsr ici qu'une idee affez vague , effayons cependant de voir oil elle pourroit aller. M. Trudaine, confciller d'etat, intendant des finances & membre de cette academie , louche de l'utilite dont le projet de M. Deparcieux pou- voit etre , a fait calculer en gros par une perlonne tres-capable ce qu'il en pourroit couter pour 1'execution de ce projet , & il s'eft trouve qu'en y comprenant les achats de terrain , rindemnite des moulins , les conl- trudtions de toute efpece, Sec. l'eau de l'Yvette prife a Vaugien pourroit etre rendue au haut de la rue Saint-Hyacinthe avec une depenfe de cinq a fix millions tout au plus. Ce calcul eft confirme par un autre, que rapporte M. Deparcieux : M. Gabriel , premier architccte du roi T lui a communique les devis & les marches des ouvrages de ce genre , qui furent faits il y a environ vingt-quatre ans fous fes ordres, pour porter les egouts de Verfailles au- dela du petit pare vers Gaily", -ou ils font rectis dans un grand baffin maconne tout autour & dans le fond : ces deux aqueducs ont cte faits a tranchee ouverte, & il y a des endroits oil il a fallu fouiller plus de qua- taute-cinq pieds de profondeur ; ils font voiites, revctus de lnaconnvrie 5« ABREGfi DES MEMOIRES avec des chaines de pierre de taille & paves en pierre dure , & ont des regards de quarante en quarante toifes , avec plufieurs autres ouvrages & P a y S I Q U B. dedommagemens qu'ils ont occafionnes : ces deux aqueducs , qu'on peut AnnU ij6z. evaluer enfemble a cinq mille toifes, ont coute environ un million trente mille livres. Or, ces cinq mille toifes d'aqueduc font a-peu-pres le quart de la conduite a faire pour amener a Paris les eaux de l'Yvette •, car (1 dune part la plus grande partie de cette derniere conduite eft a canal de- couvert , d'un autre cote les. aqueducs de Verfailles , dont nous venons de parler, n'exigeoient pas deux ponts- aqueducs comme les demande la conduite de l'Yvette. On peut done, tout compenfe, regarder revaluation de cinq a fix mil- lions comme bien faite, mais il faut obferver quel avantage en revien- droit a la ville de Paris : rien n'eft peut-etre plus neceffaire a line grande ville, apres la conftru&ion des ponts, que de lui procurer dans tous fes quartiers une quantite d'eau fuffifante , non-feulement pour les ufages do- meftiques , mais encore pour entretenir la proprete des rues & pour porter des prompts fecours en cas d'incendie. M. Deparcieux , aux lu- mieres duquel on peut certainement s'en rapporter en cette partie , s'eft allure , par un fcrupuleux examen , que la riviere d'Yvette etoit la feule dans les environs de Paris qui put fournir une fufrifante quantite de bonne eau fufceptible d'arriver a la hauteur neceffaire pour etre diftribuee dans les differens quartiers de Paris. La depenfe propofee ne doit nullement effrayer; Paris ne feroit que ce qu'ont fait plufieurs villes du royaume : la ville de Montpellier, qui ne contient guere que la vingtieme partie des habitans de la capitale , vient de fe procurer de l'eau par le moyen d'un ouvrage qui eft environ le tiers ou le quart de celui que propofe M. De- parcieux , & qui ne donne que la vingtieme partie de l'eau qui viendroit i Paris-, y auroit-il done quelque inconvenient a faire un ouvrage, triple a la verite ou quadruple , mais qui donneroit vingt fois autant d'eau pour le fervice de vingt fois plus d'habirans ? II y a plus , la depenfe de ce projet eft d'une efpece finguliere , la ville n'en feroit prefque que les avances; elle en feroit abondamment rembour- fee par la cefllon qu'elle pourroit faire d'une partie de cette eau aux par- iiculiers a un prix qui pourroit netre que la moitie de ce qu'elle a tou- jours exige tant qu'elle a eu de l'eau a ceder. Combien le nombre de conceffionnaires ne fe multiplieroit-il pas , & quel avantage ne feroit-ce pas pour chaque particulier que de fe procurer chez lui une fontaine abondante d'une eau pure & faine ! mais quand on ne compteroit pas fur cette reffource, on ne devroit pas pour cela hefiter fur l'execution d'un projet audi utile, & dont la depenfe procureroit pendant le temps de la conftrnction une occupation utile a tant de citoyens ■, mais ce que nous ne devons pas oublier de remarquer, e'eft la maniere dont M. Deparcieux a propofe ce projet : tout fon difcours n'eft que l'expreffion de fon cceur, & on y reconnoit par- tout fes talens & le zele delintereffe qui les anime. Sur DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 57 Physique. Sur les moyens de perfecfionner les Lunettes d'approche. LAnnt'e f/ 6.1. 'acad^mie a rendu compte au public dans Ton hiftoire de 175^ [a) -xi , & dans celle de 1757, {b) du travail entrepris par M. Clairaut, pour per- feclionner la theorie des objedtifs cotnpofes. Voici line nouvelle fuite dc ce travail. Dans les deux memoires precedens, M. Clairaut n'avoit confidere que ceux des rayons incidens qui fe trotivoient dans un plan , paflant par le point radiant & 1'axe optique de la lunette ; inais pour peu qu'on y falTc reflexion , on verra que cette condition n'admet que la moindre partie des rayons & en excepte un bien plus grand nombre 5 chaque point ra- diant forme le fornmet d'un cone de rayons, qui a la furface du verre [>our bafe , & il eft aife de demontrer que les rayons qui fe trouvent dans e plan paflant par 1'axe de ce cone & celui de la lunette , font les feuls qui fe trouvent dans la condition requife, & que tous les autres, dont le nombre eft infiniment plus grand, s'en trouvent exclus. Si done on veut examiner le degre de diftinction que pent obtenir un objet vu dans line panic quelconque du champ de la lunette, il faut de neceflite foumettre au calcul tous les rayons qui doivent neceff.iirenient eprouver des refra&ions bien plus irregulieres que les autres : le probleme eft neceffaire a refoudre avant que de determiner les formes les plus avan- tageufes qu'on peut donner aux lentilles ■, ce font auffi les deux objets da troifleme memoire de M. Clairaut, duquel nous allons eflayer de prefen- ter l'efprit & la methode. Le premier pas de M. Clairaut eft de rappeller a fon lecleur un pro- bleme, dont il avoit donne la folution dans ion premier memoire, & il rapporte ici la formule qui en refulte, qui donne la maniere de trouver les rayons rompus par une furface fpherique quelconque, lorfque les rayons incidens font tous daris un meme plan qui palfe par 1'axe de la fphere. La formule que M. Clairaut donne dans ce memoire, contient quelque changement dans l'expreflion des quantites qui entroient dans la premiere; mais ce ne font que des changemens d'expreffion qui devenoient necef- faires pour rendre cette formule fufceptib'.e du nouveau calcul dont il eft ici queftion. Cette operation preliminaire etant finie, M. Clairadt en vient au but principal , qu'il s'eft propofe dans ce memoire ; il recherche d'a- bord quelle doit etre la route d'un rayon incident qu'on ne fuppofe plus dans 1'axe, comme dans la formule dont nous venons de parler, mais fur une droite qui fait un petit angle avec cet axe. II eft aife de voir que ce rayon , aprcs fa refraction , ira rencontrer dans un certain endroit un plan qui patfe par le point de tendance des rayons incidens, pris hors de 1'axe & p.ir ce meme axe •, e'eft exactement le cas oii font ceux des rayons des - («) Vpyez Hift. 1756, Cnllcfl. Acad. Pan. Frang. Tome XII, (i) Idem. 1757. ibid. Tome XIII. Partie Frangoife, H SS ABREGfi DES MEMOIRES b— g pinceaux optiques qui fe trouvent dans le plan paffant par le point radiant "" & par l'axe du verre , M. Clairaut parvient a determiner ce point. Physique. Jufque-la nous n'avons fuppofe au verre qu'une furface refringente, & a„„i- ,*,£■, ij en a neceffairement deux. M. Clairaut examine la nouvelle direction que cette feconde furface donne au rayon & determine le point de rencontre de ce rayon du plan dont nous avons parle. En fuppofant done la loi de refraction connue, on aura, au moyen des formules , la diftance focale dune lentille pour tous les rayons principaux. Si on fuppofe prefentement que le rayon propofe traverfe plufieurs len- tilles tres-voilines les lines des autres & de refrangiBiliti differente, il eft queftion de voir ce que deviendra le rayon, car M. Clairaut le fuit pas a pas & conduit toujours fon Iecteur du fimple au compofe. II eft bien 11k que les formules qui exprimoient fa route dans les premieres fuppofitions ne l'exprimeront plus dans celle-ci , & qu'il faudra y introduire de nou- veaux termes , dans lefquels entrera neceffairement la loi de refraction de chaque lentille, en fuppofant feulement qu'il y en ait deux. M. Clairaut determine la route du rayon dans cette fuppofition, qui, comme on peut voir, commence a fe rapprocher de la realite, & trouve la diftance focale des rayons, apres les quatre refractions qu'ils out eprouvees, en traverfant les furfaces des deux lentilles. Dans tout ce que nous avons dit jufqu'ici, nous avons toujours fup- pofe le point d'oii partoient les rayons incidens a une diftance finie, & cette diftance forme neceffairement un terme du calcul , qui dans bien des occafions aftecte tous les autres. L'ordre general de la lolution a exige cette fuppofition; elle eut peut-etre ere moins fimple & moins lumineufe lans cette efpece de complication : il eft cependant vrai que les rayons des objets eloignes viennent a nous comme h la diftance etoit infinie, & phy- fiquement paralleles entre eux & a l'axe. II eft done neceffaire de faire evanouir des formules les quantites qui exprimoient leurs angles, & cette reduction les fimplifie conliderablement. En fuppofant un objedtif com- pofe, comme nous l'avons fait ci-deffus, on a eu en vue de detruire ces aberrations , & e'etok en effet 1'objet effentiel. M. Clairaut examine done jufqu'a quel point elles ont ete detruites ou plutot diminuees , car nous verrons bientot que leur deftruction abfolue eft impofTible. Les calculs [irecedens, qui 1'ont mis a portee de connoitre la route des rayons aprcJ eur refraction , l'ont audi mis a portee de voir de combien i!s s'ecartent les uns des autres : il feroit affez naturel de penfer que cet ecartement de- vant etre egal dans les rayons qui eprouvent une meme refraction, il en devroit refulter une couronne d'aberration tres-uniforme, on fe trompe- roit cependant fi on le croyoit : l'affemblage de ces rayons difperfes par l'aberration , produit fur le plan qui rec^oit 1'image , deux ordres differens de courbes, les tines affez femblables a des ellipfes , & les autres qui ont des points d'inflexion & de rebrouffemeot , & des nosuds. II eft done tres-difficile de determiner l'efpace qu'elles rempliffent, e'etoit cependant le principal objet de M. Clairaut & duquel dependoit les fucces de fes re- cherches : il failoit attaquer non-feulement les aberrations des rayons qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 59 ie trouvent dans les plans paffans par l'axe , mais encore celles de tous Ies . autres rayons qui n'y paflent pas, puifque e'eft la iomme de toutes ccsp H Y s 1 Q u l. aberrations partiales qui forme 1'aberration totale & la confufion de l'image. M. Clairaut examine tous ces objets feparement •, il trouve par fon calcul Annie r; St. l'efpace que l'image d'un point propofe occupe au foyer de l'obje&if , an moyen de l'alFemblage des courbes d'aberration produites par les circon- ferences des furfaces de l'objectif , & il parvient enfin a une formule qui exprime ces aberrations relativement a la courbure des lurfaces de l'objec- rif, ou, ce qui revient au meme, relativement a la longueur de leurs rayons & des ouvertures qu'on peut leur donner, & cette formule eft comme la clef de la mcthode dc M. Clairaut. Nous allons effayer de faire voir comment il s'en fert. Puifque les lentilles & les menifques qui doivent compofer les objedifs font tallies tous en portion de fphere, on ne peut y introduire d'autre va- riation que celle qui depend du plus ou moins grand rayon & de la plus ou moins grande ouverture. Celt done uniquement dans la proportion de ces rayons qu'il faut chercher la figure des verres la plus avantageufe : pour cell il n'y a qua faire varier les quantites exprimees jufqu'a ce qu'on ait trouve une proportion qui rende le terme qui exprime 1'aberration un minimum; nous difons un minimum, parce qu'il n'eft pas poffible de ie reduire abfolumcnt a zero. La reduction de ce terme depend de l'evanouif- fement de deux quantites qui ne peuvent ie detruire a la fois , mais ou peut s'ciflurer qu'en fuivant la methode de M. Clairaut, 1'aberration fera reduite a li peu de chofe, quelle permettra de pouffer loiu la perfection des lunettes. Quelque curieufe que foit par elle-meme toute la theorie de M. Ciai- raut, il falloit, pour kit donner tout le merite dont elle eft fufceptible, qu'il en fit 1'application a la pratique , & e'eft audi un des principaux ar- ticles de fon memoire. En fubftituant dans la formule les nombres qui ex- priment le rapport du pouvoir refringent des deux efpeces de verres dont il compote l'objettif, k la place des termes qui expriment ce rapport, il parvient a determiner le rapport qui doit etre entre les rayons de leurs convexites dans les trois difterentes conftrudions dont il avoit parle dans fon fecond memoire ; car il ne faut pas s'imaginer que la difpoiition des verres qui compofent ces obje&ifs foit indifierente : fi on met devant, celui qui a la moindre refradion, on aura une certaine valeur pour les rayons des quatre convexites , & cette valeur ne fera plus la meme (1 on met au-devant le verre qui a la plus grande refra&ion. Dans le premier cas de la premiere conftruccion , ou la lentille de verre eft placee au-dehors, elle etoit convexe des deux cotes, mais d'une con- vexite tres-inegale , la feconde furface etant cinq fois plus com be que la [iremiere , & la lentille de cryftal qui lui etoit appliquee etoit taillee dans a proportion neceffaire pour detruire les aberrations : dans cette Uippoli- tion , VobjecYif compofe ne devoit avoir aucune aberration dans l'axe & afl'ez pen dans les rayons obliques. On peut done fe fervir de cette ef- pece d'obje&if. H ij 6c AliREGE DES ME MOIRES Dans le fecond cas, la lentille de cryttal, placee en-dedans de la lu- nette, etoit un menifque cinq fois plus combe du cote concave que du Physique. c^ convexe > & ja forme de la premiere lentille etoit celle qui , dans Annie 1761. cette difpofitton, doit detruire l'aberration dans l'axe : cet objcdtif eft en- core preferable au precedent-, & en eftet, M. Antheaulrae, ires connu du public favant, tant par fa belle difi'ertation fur l'aimant, qui a ete couron- nee a Petersbourg, que par fon gout & fes talens pour l'optique, a conf- truit, fuivant ce fyfteme, line lunette de fept pieds, qu'il a pris la peine d'executer lui-meme •, elle s'eft trouvee excellente & equivalente a des lu- nettes ordinaires de trente on trente-cinq pieds. Dans le troifieme cas , la lentille de cryftal , toujours placee au dedans de la lunette, etoit plan- concave, & la lentille de verre conftruite comme le demandoit l'aberration des rayons, ce qui produit encore un objec- tif tres-bon, quoiqu'un peu inferieur aux deux dont nous venons de parler. En examinant avec foin toutes ces conftru&ions, on s'appercevra aife- ment que le point de perfection confide, en cette matiere, a rendre l'aber- ration nulle dans l'axe & la plus petite qu'il eft poffible dans toutes les autres directions •, e'eft le minimum dont nous avons parle ci-deffus. Or, en fuppofant une lentille de verre commun placee au dehors & accollce a une lentille de cryftal, on peut obtenir cette propriete par deux differentes proportions des furfaces des verres, mais il n'y en a qu'une qui puiffe etre mHfe en ufage-, dans la feconde, la courbure devient trep grande par rap- port aux ouvertures & ne permettroit pas de negliger, fans inconvenient, certains termes dont I'omiffion rendroit le calcul faurif; s'il y avoit quel- que legere erreur dans la determination de la force refringente , cette grande courbure la rendroit bien plus fenfible & plus dangereufe; enfin le travail de l'anifte demanderoit une precision qu'on ne pourroit guere fe flatter d'obtenir. Heureufement la premiere conftruction n'a aucun de ces defauts. M. de l'Etang , qui , par Ion habilete dans la pratique , avoit deja concouru par fon adrefl'e aux travaux de M. Clairaut & aux premiers fucces de fa theo- rie, a pris la peine de conftruire, fur ces principes, une lunette dont l'ob- jedtif a vingt-fept pouces trois lignes de foyer, & cette lunette s'eft trouvee excellente. Lcs rayons de la lentille de verre commun font dix-fept pou- ces quatre lignes & cinq pouces quatre lignes , & ceux du menifque de cryftal qui lui eft accolle, font cinq pouces cinq lignes & quatre pieds. Si la lentille de cryftal eft placee en dehors & celle de verre au dedans de la lunette , la proportion n'eft plus la meme entre les rayons des fur- faces qui doivent terminer les lentilles , & l'application des formules s'y doit faire d'une autre maniere M. Clairaut les applique a la conftrudtion des deux obje&ifs, dont il avoit deja parle dans fon fecond memoire : cet objedtif eft compofe d'un menifque de cryftal dont la furface concave , qui eft l'interieure, eft cinq fois plus courbe que l'exterieure, & d'une lentille bi-convexe de verre ordinaire, dont les furfaces font dans le meme rap- port que celle du menifque : cette conftrudtion eft plus facile qu'aucunc DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 6.1 des precedentes •, qui exigent quatre baffins •, elle eft pourtant un peu infe- ■■■■■■ .towm rieure a celle dont nous venous de parler •, mais cette legere nuance d'iii- p feriorite n'a pas empeche que M. de l'Etang & M. Georges ne l'aient em- ployee avec 11:1 tres-grand fucccs. Annh x^G.i. Les memes principes appliques a un objedif, dans lequel la premiere & la troilieme furfaces feroient planes, font voir que cette conftruttion le rendroit tres-incommode, parce qu'il n'y auroit que de trL-s-petits objets , places au centre de la lunette , qui puffent y paroitre diftincb. De tout ceci , il refulte neceffairement qu'en cherchant le minimum de l'aberration oblique, en luppofant toujours deux verres accolles, le premier de cryftal & le fecond de verre ordinaire, on ne trouvera que deux conf- trutftions, dont la feconde doit evidemment etre abandonnee, a caufe de l'enorme courbure qti'elle donne aux furfaces des verres , qui rendroit trop fenlibles, & les petites negligences faites a deflein dans le calcul pour le lirnplifier, & celles que l'artifte ne peut fouvent s'empecher de cora- roettre dans l'execution. La premiere feroit d'une execution tres- difficile, parce qu'une des fur- faces a un rayon d'une grandeur exceffive , & devient par-la meme tres- difficile a travailler-, mais M. Clairaut fait difparoitre cette difficulte, il trouve qu'en faifant cette derniere furface plane, & rendant par confequent la Ientille de verre plan-convexe , on peut conferver a lobjedtif tous fes avantages, en otant toute la difficulte de l'execution. Nous ne dirons rien ici de l'examen que fait M. Clairaut de la conftruc- tion d'un objectif compofe , qui detruiroit dans l'axe les aberrations de toutes couleurs , parce que cet examen lui a fait voir qu'un objectif de cette efpece feroit , malgre cet avantage , un des plus defectueux qu'on put employer. S'il eft des cas heureux oil Tart peut vaincre la nature, il en eft encore plus ou elle feroit acheter la perfection dellree par trop de defauts. Le dernier article du memoire de M. Clairaut eft l'examen des objedifs compofes de trois verres. On peut a la letrre , deduire des formules pre- cedentes, par le feul efprit d'indudtion , celles neceflaires a cet article, 1 mais M. Clairaut a voulu en epargner la peine a fon le&eur. II commence done par dormer l'expreflion generale des aberrations produites par trois lentilles accollees, lorfque la premiere & la troifieme font de rucme matiere refringente ; cette expreffion generale eft fufceptible de deux modifica- tions, la premiere qui fe tire de la nature des matieres refringentes , & d* l'ordre dans lequel elks font rangees, & la feconde du rapport qu'elles doi- vent avoir entr'elles pour detruire les couleurs-, on voit bien que ce der- nier article depend abfolument de la proportion qui fe trouve entre les pouvoirs refractifs des difterentes matieres qu'on emploie : M. Clairaut a fait entrer dans fon calcul le verre commun & le cryftal d'Angleterre , & e'eft fur ce principe qu'il conftruit enfin fa formulc generale dont il fait enfuite {'application aux differentes efpeces d'objedtifs compofes de trois verres. La premiere conftruction de cette efpece fuppofe l'objectif forme d'une <5i ABREGEDESMEMOIRES 1 lentille bi convexe ifocele de verre commun , qui eft l'exterieur d'un verre bi-concave ifocele de cryft.il , dont les concavites foient exactement de 1 ' meme rayon que les convexites de la premiere , & enfin d'une lentille de Annte tjGz. verre commun dont la premiere furface appliquee contre le verre bi-con- cave de cryftal, ait encore le meme rayon : cette combinaifon produit un des meilleurs objeclifs qu'on puiire conftruire pour la diminution de l'a- berration ; audi a-t-elle eu beaucoup de fucccs entre les mains de M. de l'Etang, meme pour des lunettes de deux ou trois pieds. On aura encore un autre fyftcme de conllruftion , (i on fuppofe les qua- tre liirfaces internes, c'eft-adire une de chaque lentille & les deux du verre de cryftal bi-concave, toutes du meme rayon fous- double de celui des furfaces externes des deux lentilles : on aura encore par ce moyen un affez bon objeclif-, mass comme les aberrations y font un pen plus grandes, il fera inferieur au precedent , & c'efc precifement ce qui eft arrive lorlque M. de l'Etang a voulu en conftruire un de cette efpece ; il s'eft trouve un peu moins bon que celui dont nous avons parle dans l'article precedent. On n'eft jamais li iur de la bonte de la theorie que lorfqu'on la voit fe loil- tenir conftamment dans la pratique. Si Ton fuppofe que les deux lentilles foient pareilles & fymmetrique- ment placees, par rapport au verre bi-concave de cryftal, qui doit etre au milieu, & qu'on fuppofe par confequent ifocele, il naitra de cette fuppo- iition des formules generales un peu differentes des precedentes •, ces for- mules offrent une (ingularite bien furprenante , dies font voir qu'une par- tie de l'aberration oblique devient indeftru&ible , quelque figure qu'on donne aux verres , & que cette partie de l'aberration refte a-peu-pres la mime qu'elle feroit dans un limple obje&if a l'ordinaire. En appliquant cette formule au cas ou Ton fuppoferoit les deux lentilles exterieures plan-convexes , le cote plan en dehors , on reduit la partie de l'aberration , qui n'eft pas inalterable, a n'etre que la moitie & meme un peu moins de celle que donneroient les lentilles, li elles etoient iloceles. II y a cependant une forme a donner a ces lentilles, qui pourroit anean- tir toute la partie deftrudtible de l'aberration , cette forme n'a pas echappe au calcul de M. Clairaut , & c'eft par-Ik qu'il termine fon memoire : fon calcul lui donne exadtement les rayons des convexites des deux lentilles 8c ceux des concavites du verre de cryftal bi-concave ou ifocele qui doit etre au milieu. Telle eft en abrege la theorie de M. Clairaut fur cette importante ma- tiere. Independamment de la clarte qu'elle y a repandue, on a du s'apper- cevoir qu'elle menoit a differens moyens de parvenir au but que Ton s'e- toit propofe : cette multiplicite de moyens ne peut qu'etre infiniment avan- tageufe. On fera a portee de choifir, avec connoiflance de caufe, ceux que la facilite du travail ou la precilion de leurs effets devront faire preferer, fuivant les differentes circonftances & les differens ufages auxquels on def- tinera les lunettes. II eft toujours bien certain que fans cette theorie , 1'art denue de principes, auroit ete bien long-temps a parvenir, a force de ten- t»tive, ou iJ fe trouve porte tout d'un coup : peut-etre meme ny feroit il DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. <5} jamais arrive. Une matiere audi compliquee ne peut guere etre amenee — ■— ■ » a fa perfection par hafard , elle en exigeroit trop & de trop finguliers , pour p qu'on puide elperer qu'ils fe preferment, & M. Cl.iiraut aura toujours l'hon- neur d'avoir cxtremement contribuc a la perfection dune decouvcrtc in- Ann(t ijGx. finiment utile , & qui ten a jamais une epoque dans i'hiftoirc de la dioptrique. S U R LES T V Y A V X £>' O R G U E. o, 'n eft fouvent etonne de ne 1'avoir pas etc : l'habitude de voir cer- Hift. tains objets fait prefque difparoitre ce qu'ils o (Trent de fingulier, un fifflet, une flute, un tuyau d'orgue (ont entre les mains de tout le monde : on fait meme adcz precifement la maniere dont ils doivent etre conftruits pour rendre tel ou tel ton-, mais quelle eft la caufe du ton qu'ils produi- ient, & comment le fon fe modifiet-il dans l'interieur du tuyau pour produire les differens tons qu'on en exige ; e'eft ce que la plupart de ceux mime qui font inftruits de cette partie de l'acouftique , ignorent abfolu- ment ou ne favent que tres-imparfaitement. Rien cependant n'eft plus furprenant pour qui voudray faire attention-, quel rapport entre un courant d' air divife par le tranchant d'un bi(eau & le fon qu'il nous fait entendre, & pourquot un tuyau plus ou moins long, mivert ou bouche, cylindrique ou conique , donne-t-il a ce fon une in- renllte^ & des tons difterens ? Cette fingularite a pique la curiollte de M. Da- niel Bernoulli, il a porte fur cet objet des regards attentifs-, & apres un long examen , il eft parvenu a determiner les regies auxquelles ces pheno- menes font affujettis & les loix mechaniques fuivant lefquelles chaque tranche infiniment petite de l'air contenu dans un tuyau fait les allees & les venues, qui par leurs vibrations produifent le fon. Tous les phyiiciens font d'accord que le fon eft produit par les vibra- tions de l'air \ une corde tendue & pincee oftre a l'ceil ces vibrations & fait voir evidemment quelle en eft la caufe-, elle oftre de plus un autre phenomene; pendant qu'elle fait des vibrations totales, elle le partage en- core en plulieurs vibrations particulieres, qui donnent ce qu'on appelle les Jons harmoniqucs , e'eft-a-dire, la douzieme & la dix-Ieptieme ma- jeures, ou les o. dt terre > & fur les moyens de s'en garantir. ,1 ja mine de charbon de terre, ouverte depuis plulieurs annces dans Ics Ilift. montagnes voilines de Brian^on , pour l'ufage des troupes du roi , avoit toujours etc travaillee pailiblement & fans accidens facheux : vers la fin du mois de fevrier de cette annee, les ouvriers fe trouverent traverfes dans leurs travaux par un phenomene jufqu'alors inconnu pour eux , & qui en nultraira plufieurs •, e'etoit une vapeur inflammable qui s'amaffoit au fond des travaux , des qu'on avoit ete feulement un jour fans y entrer , & qui s'tnflammant aux lumicres que portent les ouvriers pour s'eclairer, deton- noit avec une violence incroyable. Le danger qu'ils couroient, & qui ne fe fit que trop (entir a quelques incredules qui avoient voulu le revoquer en doute & s'en affurer par eux-memes, determina les entrepreneurs a abandonner la premiere mine, oil le phenomene s'etoit fait appercevoir, & a en ouvrir une feconde ; mais leur precaution fut inutile , ils y trou- verent le meme ennemi. M. Pajot de Marcheval , intendant de la pro- vince, ayant ete informe de cet accident, voulut interroger lui- meme ceux qui avoient ete expofes aux effets de cette explolion fouterraine , & il apprit d'eux qu'en penetrant au fond de la mine , ils avoient vu la flamme de leur chandelle s'alongcr peu-a-peu conliderablement , & que bientot apres l'inflammation s'etoit faite. Un danger li reel , & qui rendoit impraticable 1'exploitation de ces mines, determina M. de Marcheval a rendre compte au miniftere de cet arcident dans le plus grand detail, & M. le due de Choileul crut ne pou- voir mieux faire que de confulter l'academie fur un fait (1 intereffant, de l'engager a decouvrir, s'il etoit poffible, la caufe de ce mal & les remedes qu'on y pouvoit apporter. Ce dangereux phenomene, jufqu'alors inconnu dans les mines de Brian- con , ne l'etoit pas a l'academie ; elle favoit qu'il arrivoit le meine incon- venient dans prefque toutes les mines de cette matiere •, qu'il avoit et£ decrit dans plulieurs auteurs, & qu'on y trouvoit auffi les diflerens moyens qu'on avoit mis en ceuvre pour eviter ce danger. Elle chargea done M's- du Hamel , Hellot & de Montigny , de rechercher tout ce qui pouvoit con- cerner cette matiere ; & le compte qu'ils lui en rendirent lui parut (i exadl & fi bien circonltancie , qu'elle a cru devoir inferer leur rapport en entier dans fes memoires, afin que tons ceux qui fe trouveroient quelque jour dans le meme cas , puffent y avoir recours. Nous allons effayer d'en pre- fenter une idee. Le phenomene en queftion efl connu dans les mines de charbon du Haynault , fous le nom de feu brifon ; une vapeur blanchatre , alicz fem- blable a des toiles d'arraignce, s'echappe avec violence des fentes ou ere- 7i ABREGEDESMEMOIRES ^^— gigigiss vaffes qui font aux parois des galeries : cette vapeur eft tres-inflammable , ~~ elle detonne avec la plus grande violence lorfqu'elle eft allumee ; & dans I h y s I Q V t. cg cas ^ ej|e renverfe & (Ue prefque toujours les ouvriers qui n'ont pas Annie f]6z. k precaution de fejetter ventre a terre-, car il eft a remarquer que cette vapeur enflammee exerce toute fa violence vers le haut de la galerie , & n'affe&e que peu oil point du tout ce qui fe trouve en bas. Robert Hooke, dans fa collection philofophique , rapporte que la merae chofe arrive dans les mines de la province de Sommerfet , pres les montagnes de Mendi : quelques ouvriers ont ete jettes par cette explofion du fond de la mine a fon ouverture ; il affure meme que l'effort de la vapeur enflammee a quel- quefois ete affez violent pour enlever le treuil place fur 1'ouverture dc la mine. Les tranfactions philofophiques de la fociete royale de Londres , font mention de plulleurs phenomenes de cette elpece, obferves dans les mi- nes du comte de Lancaftre, & dans celles de Neivcaftle. En 1750, trois hommes qui travailloient dans ces dernieres, furent fi violemment frappes par l'exploiion de la vapeur enflammee, que leurs membres furent fepares de leurs corps. Ces inflammations paffageres produifent quelquefois des embrafemens permanens ; quelquefois meme le feu s'allume fans 1'acHon d'aucune caufe etrangere. Lehmann , a qui ces inflammations fpontanees etoient connues, les attribue aux pyrites contenues en grande quantite dans les mines de charbon , qui venant a fe decompofer , s echauffent quelquefois an point de mettre le feu a la mine. Dans la paroiffe de Feugerolles en Fores, le feu allume de lui-meme dans line mine , a confume le charbon qui etoit foils line petite montagne qui s'eft feparee en deux ; & cet embrafement dure depuis fi long- temps, qu'une ancienne hiftoire de la province en fait mention. Un lemblable accident a detruit dans le meme canton une partie de la montagne de la Viale. En 1738 le feu prit de la meme ma- niere dans une mine voiline de Saint- Etienne , mais on vint a bout , a force de travail , de couper la communication & d'eteindre cet embra- fement. Ces vapeurs inflammables ne font pas les feules que les ouvriers aient h redouter dans les mines de charbon ; il en eft d'une autre efpece , qui , bien que moins effrayantes , ne lont pas moins dangereufes ; celles-ci ne s'enflamment pas , elles eteignent ail contraire les lampes & les chandelles qui les rencontrent, & tie manquent pas d'etoufFer en trcs-peu de minu- tes les ouvriers qui les refpirent : on les nomine mqffetes , ou en quelques endroits pouJJ'e ; dans les mines de charbon du Haynault & de l'Auvergne, elles s'annoncent louvent par une efpece de brouillard , quelquefois audi elles font abfolument invilibles. Nous avons rendu compte en 1744. (a) des obfervations de M. le Monnier, medecin, fur celle qu'on trouve dans les mines d'Auvergne : elles indiquent que cette vapeur eft du genre de celles qui hxent ou detruifent l'elafticite de l'air , & le rendent par confe- O) Voyez Hift. 1744, Coll. Acad. Part. Fran?. Tome IX. quent DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7* quent non refpirable. Cctte racrae vapcur fe retrouvc auffi dans les hou- I heres ou mines de charbon dAngleterre & d'Ecofle, & les tranfadtions p „ Y s 1 Q U E. philofophiques (n°. III. p. 44.) font mention de huit perfonnes etouftees fe meme jour au bas des echelles & a l'entree dune mine de charbon ap- Annie 1763. partenante au lord Saint-Clair en Ecofle. Tels font les ennemis que les mineurs ont a craindre au fond de Ietirs fouterrains : voyons maintenant les armes que la phylique & l'experience leur ont mifes entre les mains pour les combattre avec fucccs. • Dans les mines du comte de Lancaftre, lorfque les ouvriers ont eti obliges d'interrompre les travaux, on envoie dans la mine, avant que d'y entrer, un homme habille d'une efpece de fac a manches de gros drap, qu'on nomine palfot , qui le couvre depuis la tete jufqu'aux pieds, de fa- con qu'il ne voit que par deux ouvertures garnies de glaces , pratiquees i l'endroit des yeux, & cette efpece de robe eft exadtement mouillee. Cet homme tient a la main une chandelle allumee •, des qu'il eft arrive dans la galerie ou eft la vapeur, il fe couche par terre & attend que cette vapeur, qui paroit fous la forme d'un petit nuage gros comme une veffie, vienne a lui-, alors il l'allume avec fa lumiere, elle eclate, & met dans un mouvement violent tout l'air de la mine, dans laqtielle on peut alors ren- trer impunement. II eft aife de voit que cette operation doit etre faite bien a temps ; car pour peu qu'on attendit , la vapeur grofliroit bientot par de nouvelles exhalaifons , & le nuage deviendroit fi conliderable , qu'on ne pourroit plus le faire eclater, fans s'expofer au plus grand danger : on pent auffi s'appercevoir aifement que cette operation ne remedie que peu ou point du tout a la vapeur qu'on nomme pouffe* & qui n'eft pas moins dangereufe que la premiere. Dans les mines du Haynault, on emploie des moyens plus furs & moins dangereux : on ouvre d'efpace en efpace des puits , qu'ils nomment de rtfpiration, ou en langage du pays bures d'airage : on en place autant qu'il eft poffible aux deux extremites de chaque galeria ; alors fair ayant un libre paffage dans la mine , y circule & entraine avec lui ces vapeurs li redoutables •, & lorfque cette circulation n'eft pas affez vive, on l'augmen- te, en fufpendant dans les puits de refpiration, a l'endroit ou ils commu- uiquent aux galeries, de grands braliers de charbon allume, portes par des grilles foutenues par des chaines de fer : la rarefadion de l'air , occafion- nee par ces brafiers, attire l'air de la mine, qui eft remplace par celui qui entre par les autres ouvertures -, il s'y etablit un courant d'air alfez vif , & il fait reellement & a la lettre , d'autant plus frais dans ces fouterrains,. qu'on y fait plus de feu. Si des circonftances locales rendoient l'ouverture de ces puits trop dif- ficile, comme (1 , par exemple , la mine de charbon fe prolongeoit ions une montagne fort elevee, on y fuppleeroit par le moyen fuivant. On etablit a 1'entree de la mine, fuppofee unique, une cheminee de brique de trente ou quarante pieds de hauteur; on y fufpend comme dans les puits un bra- fier, dans lequel on entretient toujours un grand feu : au-deffous de ce braher , & dans l'efpace qui fe trouye entre lui & le cendrier , on prati- Tome XIII. Parcie Fran^oife, K ■+ ABREGE DES ME MOIRES : que dans le nuir line ouverture , a laquelle eft adapte un tuyau de fer qui P o v e defccnd dans la mine & fe prolonge par des tuyaux de bois jufqu'au fond ' des galeries : il arrive alors neceffairement que la cheminee , dont la porte Annie 2763. doit toujours etre exadtement fermee , excepte dans Ies momens ou on J'ouvre pour attifer le feu, pompe avec violence par le tuyau l'air du fond de la mine, qui eft continuellement remplace par celui du dehors, qui entre par l'embouchure-, & que toutes les vapeurs & les exhalaifons etant emportees a mefure qu'elles ie forment, les mineurs n'en ont plus rien \ craindre. Cette elpece de cheminee eft amplement decrite dans les tran- sitions pbilofophiques (n°. V,pag. 75), & dans un petit ouvrage public par M. de Gennete, intitule : Nouvelle conflruclion de cheminee, p. g6 , a Paris , che^ Lambert , Z759. C'eft un ventilateur mis en jeu par Tac- tion du feu & du meme genre que ceux que les Anglois emploient pour renouveller Tair dans les prifons , dans les lalles d'hopitaux & dans la cale des navires. M. du Hamel a donne la defcription de ces derniers dans foil ouvrage fur les moyens de conferver la fante des equipages dans les voya- ges de long cours, publie en 1759. Tels font les moyens qu'on emploie depuis long-temps avec fucces , pour mettre les ouvriers qui travaillent dans les houlieres a l'abri des accidens dont ils font continuellement menaces. On ne peut trop admi- rer les reffources que l'art a fu titer du feu, & de l'expanlibilite de l'air qu'il met en jeu , pour vaincre en quelque lorte la nature , & pour eta- blirdans des fouterrains tres- profonds & trcs-etouftes un courant d'air frais, dont au premier coup d'oeil ils ne paroilfoient pas trop iuiceptibles. Sur la maniere de convertir les Cheminies en P odes , fans leur faire perdre aucuji des ayantages qu'elles ont cornme Chemine'es. V> n des principaux avantages des voyages entrepris par des perfonnes eclairees, c'eft de tranfporter d'un pays dans un autre les pratiques qui peuvent y etre utiles. La neceffite , mere de l'invention , a fouvent fait imaginer aux habitans d'un pays des moyens propres a remedier aux in- conveniens qu'on y eprouve dans un tres-grand degre, tandis que les ha- bitans d'un autre climat, moins expofes a ces memes inconveniens , n'ont pas imagine l'art de sen garantir. Tel a ete le fucces des voyages & des campagnes que M. le marquis de Montalembert a fait en Suede , en Ruf- fle , & dans les parties les plus fcptentrionaks de TAllemagne. Le degre de froid qui regne dans ces regions eft infiniment plus grand que celui que nous eprouvons en France : on y regarde comme un hiver extraordinairement doux, celui ou le thermometre ne defcend qu'a 1 5 de- gres au deflbus de la congelation, comme il fit ici en 1709 •, comnmne- ment le froid va jufqu'au 3ome. degre & quelquefois au 4me- s degre de froid qui rendroit inutile le plus grand feu qu'on pourroit faire dans les cheminees, & meme les poe'les dont nous nous fervons ordinairement. Hift. DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7? II a done ete neceff.iire a cc-s peuples d'inventer des moyens d'echauffer *— "*— — — leurs appartemens , qui fuflent dc beaucoup fuperieurs aux notreS , & ils p y ont fi bien reuffi , que felon M. de Montalcmbcrt , on y a plus a craindre le cbaud que le froid. Annec fj6^. Voici en peu de mots en quoi ils confident. A 1'un des bouts d'une chambre , & meme aux deux bouts fi elle eft fort grande , on confhuit une elpece de batiment dedix a douze pieds de haut , & qui fait cinq a lix pieds de faillie •, ces batimens font ordi- nairement de brique & revetus de plaques de terre , plus oil moins pro- prement vernitlees •, ils n'ont aucune ouverture dans la chambre •, e'eft dans le mur contre lequel ils font adoffes, qu'eft percee celle par oil on met le bois, & fouvent auffi celle par laquelle doit fortir la fumee. Ce font ces batimens qui fervent de poeles & qui doivent echautfer les ap- * partemens : on concoit aifement que des poeles de cette taille feroient line ctrange depenfe de bois, li on vouloit les echaufrer comme les notres; l'induftrie des habitans y a pourvu. L'interieur de ces enormes poeles eft partage en plulieurs etages tres-bas, par des voutes de brique, qui laiffant line ouverture alternativement placee a droite & a gauche , obligent la fumee a parcourir plufieurs fois la largeur du poele , & a faire un long circuit avant que d'avoir rencontre le tuyau qui doit lui donner itfiie. C'eft par ce moyen , qu'avec une affez mediocre quantite de bois qu'on y briilc une ou deux fois par jour, ces grands poeles s'echauftent atlez pour pro- curer , malgre la rigueur de la failon , une temperature douce dans les appartemens ou ils font places. II nous feroit certainement facile de nous procurer en France des poeles de cette efpece *, on y gagneroit du cote de la commodite, puifque par Jeur moyen on ie procureroit , an plus fort de l'hiver , une temperature agreable , & on y gagneroit encore du cote de I'economie , un poele de cette efpece conlumant infiniment moins de bois qu'une cheminee , qui ne donne pas a beaucoup prcs le meme degre de chaleur; mais on eft ici trop attache a la regularite de la decoration , pour pouvoir fouftrir dans un failon une maffe pareille a celle que nous venons de decrire ; nos yeux lont faits a la forme de nos cheminees , & bien des gens auroient peine a fe paffer de voir le feu. M. de Montalembert a cherche a le preter en ce point au gout public , en confervant la forme exterieure des cheminees & la podibilite de s'en fervir a l'oidinaire quand on voudroit, fans cependant le priver du moyen den faire auffi lorlqu'on le voudroit, des poeles auffi bons que ceux d'AUemagne & de Ruflie. II partage pour cela en trois parties la largeur d'une cheminee , par des languettes qui montent )iifqu'au haut du plafond de la chambre & qui forment trois tuyaux leparis ; celui du milieu s'clargit un peu vers le bas pour former le foyer de la cheminee , -qui eft ouvert a l'ordinaire & oc- cupe le milieu du chambranle •, les deux autres tuyaux font fermes juf- tju'en bas & communiquent entr'eux par une ouverture pratiquee fous le foyer : la partie de fouverture du chambranle, qui eft fermee par les deux tuyaux, eft decoree d'ornemens, & ces ornemens cadrent avec ceux Kij 76 ABRECE DES MEMOIRES — — — — defquels font revetues les portes qui ferment quand on veut,le foyer, atixquels on a pratique en bas line petite ouverture pour fervir d'ceil au r h y s i q u e. p0^-je } qllancj ou ferme les portes pour en faire faire la fonction a la Annie 1163. cheuiinee. Des trois tuyaux dont nous venons de parler , un des collateraux eft ferme par-deffus en maconnerie , mais il communique avec celui du mi- lieu , parce que la languette qui Ten fepare ne va pas jufqu'en haut : cette ouverture eft fermee par line (oupape on volet de tole , qu'on ouvre oil ferme a volonte du dedans de la chambre, parce que fon axe traverfe le devant de la cheminee & recoit au-dehors line dent tin peu alongee qui le fait tourner en tirant un cordon : mais cette foupape eft double-, & lorfqu'une de fes parties ferme la communication avec le tuyau lateral , celui du milieu fe trouve ouvert : l'autre tuyau lateral eft ferme en-deffus par tine foupape fimple qui le recouvre comme une trape , & qu'on peut ouvrir comme l'autre du dedans de la chambre avec un cordon : alors la cheminee eft purement cheminee , & on peut y faire du feu dont la fumee montera direitement •, elle ne diftere en cet etat d'une autre cheminee , qu'en ce qu'elle eft environ de moitie plus petite. Mais des qu'on voudra faire de cette cheminee un poele , on ouvrira li communication entre le tuyau du milieu & le collateral , ce qui ne fe peut faire fans fermer par-deffus celui -du milieu : ces fermetures etatit les deux moities de la raeme foupape, dont Tune ne peut fe hauffer fans que l'autre s'abaiffe, & ces effets s'opereront en tirant (implement le cordon : un femblable mouvement de l'autre cordon fera lever la foupape de l'autre tuyau collateral, qui fe trouvera par ce moyen le feul ouvert, & on fer- mera les portes de la cheminee •, alors la fumee & la vapeur chaude ne trouvant plus d'iffue par le haut du tuyau du milieu , entreront dans le tuyau lateral qui communique avec lui ; & comme ce tuyau eft ferme par le haut , elles defcendront par ce tuyau , pafferont par-deffous le foyer ; & etant entrees dans l'autre tuyau lateral , elles remonteront pour s'echap- Eer par le haut de ce dernier, & pour lors elles echaufferont conlidera- lement les parois de ces tuyaux , qui repandront dans la chambre line chaleur douce & agreable , qu'on entretiendra en fermant la foupape du dernier tuyau lateral , des que le bois fera converti en braife , pour obli- ger les vapeurs chaudes a penetrer ces memes parois. Les poeles de cette efpece n'ont pas befoin d'etre entretenus toute la journee comme les poeles ordinaires-, qu'ils foient echauffes an plus deux fois le jour, la chambre fera entretenue dans une temperature convena- ble : on doit pour cela employer du bois caffe affez menu & qui puiffe faire un feu clair, mais il faut fur-tout obferver que les morceaux foient i-peu-pres egaux , arm qu'ils fe reduifent en meme temps en charbon , fans cela, l'air qui court toujours rapidement tant que la derniere foupape eft ouverte, confumeroit la premiere braife, pendant que les derniers mor- ceaux de bois acheveroient de bruler , & on perdroit une quantite conli-r derable de chaleur. Jufqu'ici nous n'avons parle que dechauffer une feule chambre, mais il DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 77 eft evident que li on a pluiieuts cheminees les tines au-deffus des autres ■■'■ ■ ou adoffees les unes aux autres, on peut y pratiquer des tuyaux, qui com- p H Y s , Q „ E muniquant avec ceux de la premiere, recevront d'elle un degre de cha- leur prefquegal, & que nieme ces cominunications peuvent etre onvertes Annie 1763. latcralement , de forte qu'un mcrac feu peut cchaufter a gauche, a droite, deffus ou deffous-, il fera feulement neceffaire qu'il foit plus grand dans ce cas •, d'oii il fuit qu'en difpofant artiftement les tuyaux de cheminee d'une maUbn qu'on batit, on pourroit a la lcttre en echauffer toutes les chambres par un ou deux feux allumes au rez-de-chauffee, & dont Iej» locataires payeroient en commun la depenfe, qui feroit meme en ce cas affez mediocre. Toutes ces communications pourroient etre interrompues a volonte par des foupapes placees dans les tuyaux aux endroits convenables-, mais une des grandes attentions au'on doit avoir, c'efl que ces foupapes joignent le plus exa&ement qu'il le pourra , pour ne pas laiffer perdre une grande partie de la chaleur qui s'echapperoit par-la. On pourroit craindre que la fumee retenue dans tous ces dedales, n'y produisit une grande quantite de fuie , qui d'un coli en diminueroit la capacite, & de l'autre feroit dangereufe, (i elle venoit a s'allumer; mais on n'a rien a craindre de ce cote-la : M. de Montalembert s'eft affure , en pra- tiquant des ouvertures par ou il pouvoit voir dans ces tuyaux , que la fu- mee y couroit avec une rapidite fi finguliere, qu'on ne doit craindre au- Ctm depot de fa part, du moins pendant un fort long temps , & il leroit aife d'y menager des ouvertures fermees d'une pierre ou d'un volet de fer, par lefquelles on pourroit , en cas de befoin , les nettoyer ; il fera feule- ment neceffaire que le feu foit affez vif pour que la fumee ne fe refroi- diffe pas aux extremites du tuyau, jufqu'au point de fe refoudre en eau, parce qu'en ce cas, non-feulement elle n'echaufferoit plus, mais encore elle gateroit en tres-peu de temps toute la maconnerie. Tels font les moyens propofes par M. de Montalembert , pour natura- lifer en France les poeles du Nord, fans oter cependant aux appartcmens 1'ufage & la decoration de nos cheminees. Ce moyen a dej^ ete execute avec fucces : l'economie conliderable qu'il occadonne fur le bois, en pro- curant une chaleur plus grande & plus commode que celle des cheminees, la liberte qu'il laiffe de fe fervir a volonte de ces dernieres, devroient etre des raifons pour faire adopter cette conftruclion , dans laquelle M. de Montalembert a eu toute l'attention poQible de menager jufqu'a la cou- tume & au prcjuge. Psvsi'qui, Annii tj6^. A B R E G E DES ME MOIRES Su R LA RESISTANCE DES Fl U I D E S. T Xl n ■ i'y a petit- etre pas dans toutes les mathematiques de recherche plus importante que celle des loix de la reliftance que les fluides oppofent ail mouvement des corps folides , relativement a la diftercnte figure de ces Isorps : cette theorie eft la bafe de la conftru&ion des vaiffaux , de celle des moulins & d'une infinite d'operations utiles & neceffaires. On ne doit done pas etre etonne quelle ait ete l'objet des travaux des plus celebres mathematiciens •, mais ce qui pourroit furprendre a plus jufte titre, celt qu'ils aient prefque tous adopte , fans examen , la theorie que donne M. Newton au fecond livre de fes principes de la philofophie naturelle , prop. 34 j dans laquelle il dit que fi un cylindre & tine fphere font mus Tun & l'autre dans un fluide dans le fens de l'axe du cylindre avec line viteffe egale, la refiftance qu'eprouvera la fphere ne fera que la moitie de celle qu'eprouvera le cylindre : cette aflertion, (1 facile a verifier par l'ex- perience, ne l'a point cte-, on s'eft contente de partir de-la conime d'un principe, fans fonger que lorfqu'on veut en phyhque employer le calcul geometrique, e'eft toujours k l'experience & a la nature a lui foumir fes donnees. M. de Borda s'eft propofe de reparer cette omiffion , & de fa ire fur ce point les experiences neceffaires pour s'afTurer de la verite. Nous allons ef- fayer d'en prefenter une idee. Pour determiner la refiftance de l'air, il fit faire une efpece de volant tres-leger, compofe d'un axe horizontal, charge d'une bobine fur laquelle fe devidoit la corde d'un poids deftine a faire tourner rapidement cet axe: a l'autre extremite de l'arbre etoit une verge taillee en couteau , qui le tra- verfoit & qui formoit de part & d'autre deux branches longues d'envirou trois pieds, qui par la figure tranchante qu'on leur avoit donnee, ne de- voient eprouver de la part de l'air prefqu'aucune refiftance. C'etoit aux ex- tremites de ces deux branches que devoient etre attaches les corps de dif- fsrente figure qu'on vouloit loumettre aux experiences, afin de connoi- tre, par le retardement qu'ils occafionneroient a la chiite du poids, la qtuntite de la refiftance qu'ils eprouveroient a la rencontre de l'air. On auroit pu craindre que la duree de la chiite ou de la defcente du poids n'augmentat la viteffe des dernieres revolutions; mais M. de Borda s'affura , par des experiences repetees , que le mouvement ne s'acceleroit que jufqu'au cinquieme tour, & qu'apres cela il etoit phyfiqucment uni- forme : cette meme uniformite, obfervee avec des corps differens attaches au volant, lui fit voir que l'air ne prenoit pas lui-meme un mouvement circulaire qui auroit diminue la refiftance & accelere les derniers tours : enfin differens poids qu'on fit porter a l'axe, firent voir que le frottement des pivots etoit ou pouvoit etre regarde comme conftant. M. de Borda avoit mis k fon cordon une marque apres le quatrieme DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 7g tour, & line autre a 1'endroit du vingt-fixiemc; c'etoit le temps des re- — — i ■» volutions cntre ccs deux marques qu'il falloit mefurer, & pour cela il D avoit place vis-a-vis un pendule a demi-fecondes, dont les vibrations lui » Y S i q u E. indiquoient le temps ecoule depuis le paffage d'une des deux marques Jul- Annie r"6>. qua l'autre. Tout etant ainfi difpofe, il nttacha ,-uix deux extrernites dela tringle de fon volant, & dans line direction perpendiculaire a cclle du mouvement, deux plaques quarrees fucceffivement de quatre ponces, de fix pouces & de neuf polices-, il fit tourncr cliaque paire feparement avec des poids de 8 livres, 4 livres, 2 livres, line livre & line demi-livre, & il cxamina les viteffes que chacune de ces plaques prenoit avec les differens poids. Le relultat de plulieurs experiences repetees, a ete, 1°. que les refinan- ces etoient a trcs-peu pres entr'elles comme le quarre des viteffes, & en ce point l'experience eft d'accord avec la thcorie , mais elle ne s'accorde pas li bien fur la reliftance qui refulte de la grandeur des furfaces-, elle la donne proportionnelle a ces furfaces, & les experiences la donnent cenf- umment plus grande. Jufqu'ici M. de Borda n'avoit cherche que la pro- portion des reliftances dues a des viteffes & a des grandeurs differentes des furfaces attachees an volant; il a voulu avoir les reliftances ablolues; pour cela, il a d'abord fait tourner fon volant fans qu'il y cut aucune fur- face au bout de la verge , & il a vti la reliftance qu'eprouvoit la verge feule avec les differens poids, e'eft-a-dire, avec les differentes viteffes qu'ils oc- cafionnoient au volant , & ces reliftances etoient affez exacTrement propor- tionnelles au quarre des viteffes. Retranclunt done des rcfiftances totales, cette partie de la reliftance qui etoit en meme ration qu'elles, il obtint la quantite ablolue de reliftance qu'eprouvoient les differentes furfaces avec un certain poids, & trouva qu'avec le poids de 8 livres, tomes reductions faites , chacune des deux furfaces de neuf polices eprouvoit dans l'air une reliftance de o', 547, ou un peu plus d'un dixieme de livre-, & comme on a la proportion des reliftances cprouvees avec les autres poids & avec les autres furfaces de fix & de quatre pouces , il fera aife d'en deduire leurs reliftances abfolues qu'on vouloit trouver. Si on compare prelentement la reliftance abfolue que nous venons de trouver, qu'eprouve une iurface de neuf pouces en quarre, animee d'une viteffe de dix pieds & demi par feconde, avec celle qu'on trouveroit par la theorie communement re cue, on trouvera cette derniere de cl, 0932 au-lieu de o', 1547. La regie ordinaire eft done fautive a cet egard, puif- qu'elle donne une reliftance beaucoup moindre quelle ne 1'eft reellement, & on ne pourroit couvrir cette difference , qu'eo fuppofant celle de la denhte de l'eau & de l'air qu'on fait ordinairement entrer dans ce calcul, prefque de moitie moindre qu'elle ne l'eft effedivement. Apres avoir effaye des furfaces planes, M. de Borda fixa aux extrernites de la verge de fon volant des corps legers, qui offroient a l'air des furfa- ces angulaires ou courbes. Les deux premiers etoient deux prifmes triangulares, de 1'un defquels les deux furfaces formoient un angle droit, & rencontroient par conle- So ABREGE DES MEMOIRES -• m^^^SS quent l'air d.ms Icur mouvement fous un angle de 45 degres, l'autre avoit p (es furfaces inclinees l'une a l'autre de 60 degres, & rencontroit l'air fous ¥ a y s 1 Q u i.Hn ang[e je }0 degr^s ^ Jes faces de ces prifmes avoient quatre polices en Annie 1*63. tout fens-, or, en fuivant la theorie recue , les refinances de l'air a ces fur- faces inclinees, devoient etre a celle des furfaces planes, dans le premier prifme , comme ie(lh,& dans l'autre comme 1 eft i 4. Voici ce que donna l'experience. Les refinances qu'eprouverent les furfaces planes & les angulaires , furent trouvees en coniparant le nombre des revolutions & les battemens du pen- dule qui y repondoient, & en faifant tourner le volant de maniere qu'il prefentat d'abord les furfaces planes ail choc de l'air, & enfuite les faces angulaires, & ces refinances furent entr'elles comme 4874 eft a 5549 pour le premier prifme-, & pour le fecond, dans le rapport de 4949 a 2573 : elles ne font done pas proportionnelles aux quarres des finus d'incidence, comme le donnoit la theorie , mais tres-approchantes de la proportion de ces memes finus : des cones fubftitues aux prifmes avec les memes angles , ont donne prefque les memes rapports. Voyons prefentement ce que don- neront les furfaces courbes. On eft dans l'ufage de calculer la refiftance qu'eprouve une furface courbe qui fe meut dans un fluide, en fuppofant que la refiftance totale eft egale a la fomme de routes les refinances qu'eprouvent toutes les parties infiniment petites de cette furface , & que chacune de ces parties eprouve une refif- tance proportionnelle au finus de Tangle d'incidence du fluide fur elle : nous venons de faire voir que ce dernier principe etoit formellement de- menti par l'experience , mais il y avoit tout lieu de croire que la conti- guite des furfaces devoit changer neceffairement ce qui auroit eu lieu, fi ces furfaces etoient abfolument ifolees. Pour eclaircir ce point, M. de Borda fit faire deux demi-cylindres, dont le plan par l'axe avoit quatre polices en tout fens -, & les ayant adaptes au volant, il les fit d'abord tourner de maniere que la furface plane heur- tat l'air , & enfuite de maniere que ce flit la furface cylindrique , les refif- tances furent trouvees dans le rapport de 5024 a 2864, rapport qui ne convient ni a celui des quarres des finus d'incidence, ni a celui de ces memes finus , quoiqu'il approche plus du premier. La methode ordinaire de calculer la refiftance des furfaces courbes eft done infufEfante, puifque ce rapport auroit du, en partant de l'experience du prifme h. angle droit, donner le rapport de la refiftance de ce prifme au demi-cylindre comme 4 eft a 3 , au-lieu de 4 a 5 \ qu'on trouve par l'experience. Les experiences dont nous venons de parler, devoient naturellement engager M. de Borda a tenter d'en faire de pareilles fur des fpheres qu'il compareroit a leurs grands cercles. II fit done tourner deux globes de bois creux tres-legers, de quatre pouces & demi de diametre : ces globes etoient compofes de deux moities qui pouvoient fe feparer & fe rejoindre a vo- lonte : il attacha d'abord les globes entiers au volant, ils firent vingt-deux revolutions dans l'efpace de cinquante-deux vibrations du pendule. Sepa- rant enfuite une moitie de chnque globe , il colli fur le grand cercle une feuille DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. Si fcuille de papier pour avoir un plan de meme diamctre que la fphere,& — — i— ^" il les fit tourner d'abord du cote de la partic convexe ; ils employment pHySlQul!; precifement lc meme temps a faire le meme nombre de tours que la iphere entiere-, preuve evidente que la partie du corps qui ne recoit point le Annii i~S$- choc de l'air, ne fait rien, ou tres-peu de chofe, a la reiiftance; mais ayant fait tourner le volant de maniere que ce flit le grand cercle qui flit expofe au choc de l'air, il mit foixante-quinze vibrations a faire vtngt-deux re- volutions , d'oii on tire la proportion de la reiiftance du grand cercle a celle de la fphere, comme de 1, 44 a 1 , plus grande que celle que donne la theorie d; : a 1. M. de Borda fit encore les experiences fuivantes-, il fit faire fur trois plaques de quatre pouces en quarre , trois elpeces de prilmes , dont l'un avoit pour bale un triangle equilateral, le fecond deux arcs de cercle de 60 degres, & enfin le troilieme, qu'on pourroit nommer cylindroidc t Uiie demi-ellipfe. En failant tourner ces differens corps , d'abord du cote de la face plate, & enfuite de i'autre , il trouva que la reiiftance de cette furface plate de 4 pouces etoit a celle de la furface elliptique qui la couvroit, comme 4874 a nc6; que cette meme reiiftance de la face plate etoit, a peu de chofe pres, a celle du prifme & du fecond prifme a faces circulaires comme 4949 a 1925 , & qu'enfin les reliftances de la furface du prifme compofe de plans du cylindroide elliptique & du prifme compofe de parties circulaires , etoient entr'elles comme 15;, 111 & too-, relultat bien lingulier, puifque le prifme proprement dit, qui fembleroit devoir eprouver la moindre re- iiftance, eprouve reellement la plus grande, & bien different de ce que donneroit la theorie ordinaire, puifque, felon elle , le premier terme du rapport etant 1 35, les deux derniers auroient du etre 166 & no. Les re- fiftances des lurfaces olanes frappees obliquement par les fluides, font done conftamment plus grandes par l'experience que par la theorie, & celle des furfaces ccurbes an contraire fc trouvent plus grandes par la theorie que par l'experience-, faits oppofes, mais qui s'accordent a prouver que la theo- rie eft fautive & infuffilante fur cette matiere-, quelle ne quadre avec l'ex- perience que dans le rapport des reliftances avec le quarre des vitelles,& quelle ne peut fervir qu'a egarer dans tout le refte. C'ctoit quelque chofe que d'avoir determine, par des experiences bien fuivies, le rapport de la reiiftance que les corps de difterente figure & miis avec difterentes vitefles eprouvent dans l'air-, mais il reftoit une autre bran- che de ce travail , celle de determiner les difterentes reliftances que les corps eprouvent dans l'eau : cette partie meme etoit d'autant plus impor- tante, quelle influoit plus dire&ement fur la conftru&ion des vailfeaux & fur la navigation. On juge bien que M. de Borda ne l'a pas negligee, mais il y a trouve plus de difticultes que dans la recherche des reliftances de l'air ; il a tent£ plu- fieurs experiences pour y parvenir -, la plus grande partie ne lui ayant pas reuffi comme il le deliroit, il ne rend coinpte ici que d'une fouL- , r.kr- Tome XIII. Partie Fran$oiJc. L 8i ABREGfi DES MEMOIRES . ,„ ,.„. vant cetre importante partie de Ton travail pour un autre memoire. Nous allons donner line idee de celle qu'il a communiquee a l'academie. Physique, jj ^t fa;re nne ci\ffe cj"ui1 pied quarre de bafe & de quatorze polices Annce 1762. de hauteur , & la fit bien calfater; il y mit affez de left pour quelle en- foncit d'un pied dans l'eau : il avoit done un pied cubique ablolument plonge dans l'eau. A un autre endroit du baffin oil fe fiifoit l'experience, etoit etablie une poulie fur laquelle pouvoit s'entortiller un fil d'argent attache par un bout a cette poulie, & par l'autre a la caiffe : cette meme poulie avoit encore une autre gorge trois fois plus petite , fur laquelle etoit roule un cordon, au bout duquel pendoit un poids de plomb , qui, en s'enfoncant dans l'eau , faiibit tourner la poulie & avancer vers elle le pied cube, ou la caiffe. Un pendule a demi - fecondes fervoit a mefurer le temps que cette caiffe mettoit a faire un certain chemin. Tout etant ainli prepare , M. de Borda attacha le fil d'argent au milieu d'une des faces de la caiffe ; & l'ayant abandonnee a l'adrion du poids, il compta tres-exadtement le temps qui s'ecouloit pendant douze revolutions de la poulie , en employant fucceffivement des poids de 8 livres , 4 livres & 2 livres : il fit enfuite la meme experience , en attachant le fil d'argent a un des angles de la caiffe , ce qui la faifoit alter dans la direction de fa diagonale. Jl refulta des experiences de M. de Borda, que les rehftances font affez conftamment entr'elles comme le quarre des viteffes, ce qui eft conforme a la theorie recue •, mais ce qui va fuivre ne s'y accorde pas a beaucoup pres ii bien. if etoit affez naturel de penfer que le pied cube devoit eprou- ver de la part de l'eau une plus grande reliftance, quand il prefentoit une de fes faces au choc du fiuide, que lorfqu'il lui prefentoit un angle bien plus propre a le divifer qu'une furface plate; & quoique la diagonale foit plus longue que le cote , la theorie donnoit en ce cas une reliftance un pen moindre : cependant l'experience plufieurs fois repetee, a fait voir que la caiffe eprouvoit une refinance conlidiirablement plus grande lorfquelle prefentoit un angle au choc de l'eau, que lorfqu'elle lui prefentoit une de fes faces : ce qui detruit abfolument toutes les regies de la theorie or- dinaire. On connoit le rapport des poids de l'eau & de Fair : M. de Borda a voulu voir Ii, en fuppofant les reliftances des deux fluides en raifon de leur denfite, il pourroit fe rencontrer avec les refultats de fes experien- ces , mais il n'a pu trouver ce rapport : la difference de denfite que les ex- periences faifoient conclure entre lair & l'eau s'eft toujours beaucoup ecar- tee de celle que donnent les poids ; ce qui femble infinuer que les fluides ne reliftent pas au mouvement des corps qui y font plonges en raifon de leur denfite. M. de Borda a fait encore plufieurs experiences fur le meme fujet, mais il men a pas ete fatisfait, & il fe propofe de recommencer les experiences fur la reliftance de l'eau avec un volant, comme il avoit fait celle de lair: on concoit bien que ce volant doit etre different', celui qui a fervi pour DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. S5 I'air, avoit fori axe horizontal, & le mouvement fe faifoit dans le fens ver- •■ tical. Celui qu'il compte employer pour l'eau , & duquel il donne la del- p cription , a fon axe vertical , & le mouvement s'y fera horizontalement ; h y .> 1 q u mais en attendant le fucces de ces experiences, on peut toujours conclore Annie zyf "•• de cel!es-ci, i°. que les rehftances que les corps eprouvent en fe moti- vant, foit dans l'air, foit dans l'eau, font proportionnelles aux quarres des vitelTes-, 20. que les reliftances des furfaces planes qui fe meuvent dans l'air, croifient en plus grand rapport que l'etendue de ces furfaces; 3 °. enfin que la thiorie ordinaire eft entitlement fauffe dans l'eftimation des furfa- ces planes frappees obliquement par les fluides, & quelle fe trompe ega- lement dans l'eftimation des reliftances qu'eprouvent les furfaces courbrs 1 avec cette difference qu'elle fait celles-ci plus grandes qu'on ne les trouve par experience, & qu'au contraire les autres font plus grandes par l'c-xp:- rience que ne les donne la theorie. II eft hngulier que dans une fembhble matiere , 011 il etoit fi aife d'interroger, pour ainfi dire, la nature, on s'en foit tenu uniquement a des raifonnemens qui, n'etant point fondes fur l'ex- psrience, ne pouvoient qu'egarer : Que de calculs inutiles on fe feroit epargnes en la confultant ! OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. JLiE 11 decembre 1763, Ie mercure du barometre defcendit au chateau Hift. de Denainvilliers pres Pluviers en Gatinois , a 16 pouces trois lignes; M. du Hamel de Denainvilliers, qui depuis plus de trente ans a fuivi les obfervations baronietriques , ne l'avoit jamais vu li bas. Le mime jour prel- que tous les academiciens avoient remarque la meme chole h Paris : on s'attendoit h une violente tempete, qui cut ete une fuite aifez naturelle de ce phenomene ; on n'eprouva cependant qu'une bourafqtie de pen de du- ree qui arriva la mrit fuivante , & pendant un temps affez long le mercure eft denieure fort bas. I I. Le 23 mars 176} , on appercut a l'occident de Laufanne, une demi- heure apres le coucher du foleil , une lumiere en forme de colonne ver- ticale qui , a la hauteur d'environ 1 o degres , fe courboit de maniere que la partie fuperieure faifoit avec l'horizon un angle a-peu-pres de 35 de- gres, & avec la partie infirieure un de 115 degres : cette partie coudee n'avoit pas plus de 3 degres de longueur-, tout le phenomene avoit environ 2 degres de largeur, & fe terminoit par l'un & par l'autre bout en pointe. La couleur de ce phenomene approchoit fort d'un jaune orange •, elle etoit beaucoup plus foible aux deux bouts & aux bordsj on diftinguoit aifc- Lij 84 ABREGE DES MEMOIRES i ment les couleurs , malgre un nuage affez clair qui coupoit horizontale- ment la colonne lumineufe en deux endroits-, elle fuivoit conftamment le Pa Y S I QU E,mouvement du foleil. Le phenomene entier dura environ 30 minutes; & Annce 1763. avant que de difparoitre , il devint d'un rouge fort clair. Ce detail eft tire de l'obfervation qu'en a faite M. de Roftan, & qu'il a communiquee a l'academie. I I I. M. SAUSSURE,profeffeur de philofophie a Geneve, paffant le 3 aout 1763, vers les cinq heures du foir, fur le premier pont de la porte de Rive, dont le foffe communique immedhtement avec le lac, vit pluGcurs perfonnes attentives a regarder dans ce foffe--, il s'informa de ce qui pouvoit exciter leur curiofite, & il apprit que l'eau de ce foffe montoit a vue d'ceil; elle etoit apparemment pour lors a fon plus haut point d'accroiffement, car M. Sauffure nela vit plusmonter, mais un inftant apres il la vit decroitre tres-fenliblement : il defcendit alors dans le foffe & remarqua (oigneufe- ment le point oil elle defcendit fur les roches qui foutiennent les piles du Eont, & qui etoient alors decouvertes; mais un nouvel accroiffement l'o- ligea de remonter : il mefura cependant, le mieux qu'il put, la difference de hauteur entre le point oil il l'avoit vu defcendre , & celui auquel il l'a- voit obfervee dans fon plus haut, & cette difference fut de 4 pieds 9 lignes-, l'eau avoit employe quinze minutes a les parcourir. A la feconde ofcilla- tion, l'eau parcourut en montant 4 pieds 6 polices 9 lignes en dix mi- nutes de temps-, elle ne parcourut en defcendant que 4 pieds 2 polices 9 lignes, & elle y employa douze minutes de temps. Dans la troilieme, elle ne s'eleva plus que de 2 pieds 8 ponces 9 lignes , quelle parcourut en huit minutes : elle defcendit alors tres-lentement, & M. Sauffure n'ef- perant plus rien qui put intereffer fa curiofite , il fe retira. II s'arreta ce- pendant encore fur la barriere du foffe, & l'eau lui parut tranquille : il apprit du fentinelle, qu'avant fon arrivee il y avoit deja eu line afcenfion & line defcente de l'eau, mais moindres que celles dont il avoit ete temoin : il avoit fait tres chaud la veille & le matin , & fur les trois heures & demic il etoit tombe a Geneve un orage confiderable •, mais a 1'inftant du pheno- mene , quoique le ciel flit encore convert , il ne tomboit que quelqiies gouttes de pluie, & le vent etoit an fud-oueft & tres foible. M. Sauffure foupconna, comme il etoit atfez naturel de le penfer, que ces elevations & abailfemens fucceffifs de l'eau etoient line de ces feckes qui s'obfervent fouvent fur le lac de Geneve, & qui font caufees, comme l'academie l'a dit en 1742, d'apres M. Jallabert, par les crues du Rhone & de l'Arve, occr.fionnees par la fonte des neiges iiir les montagnes : dans la vue de s en affurer, il parcourut des le furlendemain les bords du lac depuis les forti- fications jufqu'au bas de la cote-, on y avoit bien obferve une criie d'eau, mais qui n'excedoit pas 3 polices & demi , & plus haut elle avoit encore ete moindre (a). Le flux auroit done ete mains fenfible a melure qu'on (a) Voyez Hift. 1742, Coll. Acad. Pan. Fran$. Tome IX. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. S5 s'cloignoit de la ville; ce n'etoit pas done line feche occafionnee par tine ■■■■■ crile du Rhone , puifque dans ce cas elle auroit etc plus fenfible au fond du p H v s j Q y E- lac qua Geneve ; ce n'etoit pas non plus line feche caufee par line enflure de 1'Arve-, car M. Saitflurc remonta les bords de cette riviere pour s'en Annie 1763. alfurer, & tous les riverains lui dirent que la riviere auroit peut-etrc pu croitre d'un pied & demi fans qu'ils leuueni remarque, mais qu'ils ne s'e- toient aucunement appercus quelle fe fur enflee d'une maniere^ propre a produire le phenomene en queftion. Voila bicn tout ce que ce n'etoit pas •, mais quelle a pu etre la caufe de ce phenomene? e'eft ce que M. Sauflurc n'a ofe decider ni meme conjeCturer •, il s'eft contente de bien rapporter le fait dans une lettre ecrite a M. Bonnet, & que celui- ci a communiquee a l'academie , dont il eft correfpondant. I V. On eprouva le 12 Juillet 17^3 , a Avignon , fur les fept heures du ma- tin, un trembiement de terre trcs-fenlible qui ne dura que cinq a dx fe- condes-, le P. Pauliand, jefuite , d'une lettre duquel M. de Mairan a tire cette relation , entendit un bruit qui lui parut femblable a celui qn'auroient pu faire cinq oil fix homines qui auroient couru dans l'etage luperieur a celui qu'il habitoit : il fentit tres-diftindement fa chaife fe balancer, & il vit les murailles de fa chambre faire le meme mouvement ; les cloches du college & celles de l'eglife do Saint-Didier qui le touche fonnerent d'el- les -memes. Tout le comtat a refl'enti cette fecouffe; on 1 eprouva en meme temps a Cavaillon , qui eft a quatre lieues d'Avignon. M. Houtuyn, dodteur en medecine a Amfterdam,a communique a M. Rriffon les obfervations fuivantes. Dans les quinze premiers jours de decembre 1762 , fair fut a Amiter- dam tres-nebuleux-, on y eut meme pendant ce temps, h deux ou trois reprifes , des brouillards fort epais, quoique le barometre fe fut toujours foutenu conftamment a 2S polices 1 ligue r du pied de France. Le dernier de ces brouillards, qui arriva le 15 decembre, fut fuivi d'une gelee qui commenca le lendemain, & n'a fini que le 24 Janvier 1765: il n'a pas tombe pendant tout ce temps line fctile goutte de pluie i le vent s'eft afft-z conftamment tenu au fud-eft & le del a etc tres-fereini les jours les plus froids ont ete les 5 , + & 5 Janvier, le therrnometre eft defcendu jufqu'a huit degres du therrnometre de M. de Reaumur au- deficits de la congelation : I'epaiffeur de la glace etoit dans l'eau douce de 14 pouces, & dans l'eau lalee de 1 8 pouces. Ces termes d'eau douce & deal] (alee meritent quelque explication. La ville d'Amfterdam eft fituee precifement a I'cndioit ou le fleuve Ainftel le jette dans la mer,& l'eau de cette derniere fe mile Ci bien avec les eaux du fleuve, qu'elles ne font pas potables, & qu'on apporce a la ville, pour les u ABREGE DES MEMOIRES — — befoins des habitans , les eaux d'une autre riviere qui fe degorge un peu au-deffus de la ville dans le fleuve. Les eaux que M. Houtuyn nomme Physique. jouceS} ne je {on^ donc pas abfolument-, ce font celles du fleuve, & eellc Annie inS '?. de k mer ne^ Pas non P'us au^"' ^e c!ue ce^'e ^e 'a p'e'ne mer- M. Hou- tuyn s'en eft meme aflure par divers moyens ; mais il refulte toujours de fes experiences, que l'eau tres-impregnee de fel, produit de la glace plus epaiffe que celle qui n'en a que peu , quoiqu'elle gelc un peu plus tard que cette derniere. V I. Tandis que M. Houtuyn obfervoit en Hollande les erTets du froid qu'on y reiTentoit, un des amis de M. de la Condamine faifoit de bien difteren- tes obfervations fur le meme fujet aux Sables d'Olonne ; il n'y avoit pref- que pas fait de froid ni gele pendant les mois de decembre 1761 & de Janvier 1765 : la meme temperature regnoit a fix Iieues a la ronde-, mais au-dela de ce terme l'hiver ulbit a la rigueur de tous les droits •, la terre etoit profondement gelee , & la Loire prife, quoique pres de fon embou- chure. Quelle a pu etre !a raifon qui a preferve ce petit canton de la gelee ? Pourquoi l'air s'y eft- il toujours maintenu doux? Toutes queftions auxquel- les il n'eft pas aife de donner des reponfes fatisfaifantes, & qu'il vaut mieux laiifer indecifes que de les embrouiller par des hypothefes hafardees. SuR ZES INONDATIONS DE ZA SEINE A PARIS. An ne'e ijfiq. Hift. S inondations caufees dans la ville de Paris par les crues de la Seine , font des evenemens trop intereffans pour ne pas avoir excite le zele & l'attention de l'academie. Elle avoit charge, en 1740, M. Buache d'examiner le progres de l'inon- dation qui arriva cette meme annee , & elle a rendu compte au public , en 17415 .(a) du travail de cet academicien & des trois cartes qui l'ac- compagnoient, dont la premiere marquoit tous les endroits oil s'etendit l'inondation de 1740 dans la ville de Paris, tant fur la fuperficie du ter- rain que dans les caves-, la feconde , la pente de tous les ruiffeaux, pour faire voir comment les eaux des uns vont fe rendre immediatement a la riviere , tandis que celles des autres y font portees par le grand egout qui enveloppe toute la partie feptentrionale de la ville, & enfin la troi- fieme eft une coupe de Paris depuis l'obfervatoire jufqu'a la porte Saint- Martin , avec la pente du terrain & les nappes d'eaux fouterraines qui fourniflent les puits. L'inondation de 1751 , engagea l'academie a charger M"- Buache & Deparcieux d'en examiner tres-exa&ement les progres & les difterentes (a'3 Voyez Hift. 1742, CoHctf. Acad. Part. Fran?.. Tome IX. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 87 circonftanccs , pour en faire la comparaifon avec les inondations precc- . — demment obfervees : ce travail & l'inondation de 1764 mirent M. De-p parcieux dans lc cas de rechercher avec foin tous les veftiges des differen- tes inondations qu'il pouvoit retrouver, il en trouva en etfet un tres grand Jlnnte 1764. nombre. On juge bien que dans des recherches de cette efpece, ont doit ufer d'une fage & fcrupuleufe critique, audi M. Deparcieux n'y a-t-il pas manque ; il a foigneufemcnt examine toutes ces obfervations, rejette tou- tes celles qui ne s'accordoient pas entr'elles dans les memes quaitiers, & U*a admis que celles de la certitude defquelles leur accord etoit garant. Nous avons dit que M. Deparcieux avoit rejette toutes les obferva- tions qui ne s'accordoient pas dans les memes quartiers , car s'il n'eut voulu admettre que celles qui donnoient dun bout a 1'autre de Paris la meme hauteur de la crue d'eau , il n'en auroit admis aucune ; l'examen qu'il en fit lui fit appercevoir un phenomene aiujuel il ne fe ieroit fure- ment pas attendu ; en partant des obfervations de M. Picard , la pente de la riviere de Seine eft d'environ un pied par mille toifes, & tous les repaires des grandes inondations, qui, dans chaque quartier, s'accordoient tres-bien les uns avec les autres, concouroient a dormer environ cinq pieds de plus de hauteur ail foffe de l'Arfenal qu'au Pont tournant ; & pour mettre Ie comble a cette efpece de lingularite, cette difference fe trou- voit plus grande de quelques pieds dans les plus grandes inondations que dans les moindres. Pour s'affurer mieux de cette difference, M. Deparcieux imagina de fe fervir d'un moyen tres-fur & tres-facile, auquel il n'avoit penfe en 1740, qu'aprcs que l'inondation fat diminuee, & que les pluies de 175 1 ne lui avoient pas permis de pratiquer. Lorfque la riviere augmente confiderablement, elle entre a Chaillot par rembouchure du grand egout , quelle empeche de fe degorger , & les eaux, tant de la Seine que de l'egout, y demeurent ftagnantes; en 1764, l'inondation fut affez forte pour que ces eaux ftagnantes vinffent a environ deux pieds de hauteur prcs du refervoir place au Pont-aux-choux, oil elles marquoienttres-exaftement le niveau des eaux de la Seine a Chaillot. D'un autre cote, l'eau de la riviere entre par le foffe de l'Arfenal, & dans l'inondation de 1764 elle y vint jufqua environ vingt cinq toifes de la tete du grand egout, oil elle marquoit par confequent le niveau de la Seine a i'Arknal. II ne s'agiffoit done que de determiner par tin feul coup de niveau , donne meme d'affez pres , la difference de ces deux hauteurs : M. Depar- cieux n'avoit garde de manquer une li belle occalion, il en profita & trouva que l'eau de la Seine etoit plus haute a l'Arfenal qua Chaillot de quatre pieds & demi ; en 174c, les repaires la donnoient plus haute de cinq pieds huit pouces, d'ou il fait que fans tous les ouvrages faits pour la conftruiftion du grand egout , l'eau auroit pris fon cours par les marais du Temple & les autres qui les fuivent jufqu'aux Champs-elifees , 8c les auroit fortement endomniages. SS ABREGE DES MEMOIRES ■ II n'etoit done pas poffible de douter du fait , & il n'etoit queftion " que d'en decouvrir la caufe, M. Deparcieux crut avec raifon I'appercevok 1 h y s 1 Q u e. dans [e fetardement & l'obftacle_qu'apportent au cours de l'eau les piles Annie 1764. des ponts, il etoit aife de s'en affiirer; G l'idee etoit vraie, cette augmen- tation de cinq pieds que nous venons de trouver au-deffus de tous les ponts, devoit diminuer au-deffous de chaque pont, & enfin devenir nulle au-deirous du Pont-Reyal, qui eft le dernier : ce fut effe&ivement ce que trouva M. Deparcieux-, mais cet cxamen lui fit faire bien d'autres obier- vations importantes. Non-feulement les piles des ponts retreciffent le lit de la riviere , e'eft un inconvenient commuh a tous les ponts, & qu'on ne peut eviter qu'en elargiffant le lit de la riviere a l'endroit du pont, comme M. de Rege- morte l'a fait a Moulins ; mais il y a encore bien d'autres obftacles qui genent fon cours : iiiivons les deux bras jufqu'a leur reunion au-deffous du Pont-neuf. L'eau dont le lit eft dija retreci par 1'ifle Louviers , rencontre d abord pour premier obftacle le Pont-Marie qui la ralentit encore , mais le prin- cipal obftacle quelle rencontre eft le pont Notre-Dame •, ce pont qui a fix arches, en a la valeur de deux abfolument inutiles au paffage de l'eau, par les avances du quai de Gevres & des maifons de la rue de la Pelle- terie, & par le batiment des pompes, des digues, les creches & tout ce qui l'accompagne ; il n'eft pas difficile de voir combien tous ces embarras doivent gener le cours de l'eau, elle en eprouve encore un de cette ef- pece fous le Pont-neuf, oii la Samaritaine rend la valeur d'une arche inutile , il n'eft done pas etonnant que la riviere s'eleve au-deffus de ces obftacles. , Ceux du petit bras font d'une autre efpece , ils naiffent du retreciffe- ment du canal , caufe par les batimens de l'Hotel-Dieu , par la multiplicite des ponts, qui font au nombre de quatre dans un affez petit efpace, & du peu de foin qu'on a eu d'en aligner les piles •, leur difpofition eft telle que fi on defcend dans les baffes eaux dans le bras de riviere qui eft entre le quai des orfevres & les Auguftins , on n'appercmt en regardant par- defious les arches du pont Saint Michel, qu'une foret de piles, & pref- qu'aucun paffage en ligne droite, auffi arrive-t-il que dans les grandes inon- dations la riviere y bondit avec fureur. II n'eft done pas etonnant que la viviere s'eleve d'environ cinq pieds au-deffus de tous ces obftacles qui genent fon cours : on imaginera aife- ment combien cette augmentation de hauteur des eaux doit augmenter 1'etendue du terrain inonde, foit dans la ville, foit aux environs, & quels affreux ravages peuvent en etre la fuite •, mais ce n'eft pas encore tout le mal, cette furcharge de l'eau augmente la viteffe de celle du fond fous les arches, & y caufe des affouillemens qui peuvent etre tres-dangereux & meme en occafionner quelque jour la ruine. Les obftacles que nous venons de detailler & qui caufent tout ce mal, ne font cependant pas de nature a pouvoir etre fupprimes, les nivelle- mens de M. Deparcieux, & toutes fes reflexions, prouvent evidemment que DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 8y que le canal qu'on avoit propofe autrefois de faire atitour de Paris du cote — — —"■■■ ■ du nord, n'ayant que la meme pente que le lit de'la riviere fur unc Ion -_ gueur trois fois plus grande, ne produiroit aucun clFet, & il eft heureux " T s ' " l qu'il n'ait pas etc execute. Annie zyf.p Le feul moyen que M. Deparcieux penfe capable de produire un effet qui puill'e dedommager de la dspenfe qu'il occallonneroit, feroit de faigner la Marne a Gournai, par un canal qui, paffant par Villemonble & Bondy , porteroit 1'exeedent de l'eau de la Marne neceliaire a la navigation jufqu'a Saint-Denys; au moyen de ce canal, le lit de la Marne & celui de la Seine feroient beaucoup moins lurchargt5s d'eau dans les inondations, depuis la prile du canal jufqu'a Saint- Denys , tant dans la campagne qua Paris, & il y auroit bien moins de dommages a reparer. La neccflite d'avoir des echelles bien faites & qui puiffent fubhlter long temps pour mefurer les crues d'eau dans les inondations, a engage M. Deparcieux a rechercher les endroits oil elles pourroient etre placees de facon qu'elles fuiient durables & commodes, & voici le refultat de fes recherches. II Icroit convenable, felon lui, d'en placer une au gtiichet du Louvre de la rue Froid-manteau .1 droite 011 a gauche de ce guichet, on eft affure de la folidite du batiment, & il n'y a pas d'endroit plus paffant ni plus commode pour cet ufage. On en pourroit placer une autre a l'extremite de I'liotel-de-ville la plus voiline de la riviere, le batiment eft folide, & quand meme il celleroit d'etre hotel-de-ville , comme on l'a deja propofe plulieurs fois , il eft au moins tres- probable qu'on ne le detruiroit pas. M. Deparcieux dehreroit aufli qu'il y eut a chaque pont line echelle divifee en pieds , demi pieds & quart de pieds , reglee d'apres celle du Pont-Royal, dont le zero eft le niveau du banc de l'aiguillette, vis-a-vis la grille de Cliaillot , lieu ou il y a le moins d'eau dans la riviere depuis Paris julqu'a Rouen , toutes ces echelles annonceroient quelque chofe de conftant & de comparable, & tout le monde s'entendroit. Mais il faudroit obferver de ne placer ces echelles fur les piles des ponts que jufqu'a la hauteur ou l'eau commence a toucher les quais , & de marquer le furplus lur les murs de ces derniers , parce qu'a melure que l'eau croit, pallant dans un endroit de l'arche plus etroit, elle s'cleve davantage & paffe plus vite, d'oii il fuit qu'elle eft plus haute de quel— ques ponces qu'un pen plus loin oil fon cours fe ralentit. Tel eft le precis des vues que M. Deparcieux a cru devoir communi- quer a l'academie pour les conlacrer en quelque forte a l'utilite publi- que : ce n'eft pas la premiere preuve qu'il a donnee dans nos memoires de fon amour pour le bien public & de fon sele viaiment patriotique. Tome XIII. Partie Francoife. M jO ABREGE DES MEMOIRES Physique. Annie 27G4 ^ur ^ manure de travailler les bbjeSifs qu'employoit Campani. J Ilift. JL^a perfedion dcs objedifs rravaill^s, il y a environ un fiecle, par Jofeph Campani , avoit donne lieu de foupconner que ce celebre artifte avoit une methode particuliere & lure pour toujours rdiflir dans le travail de ces verres. Quoique la nouvelle decouverte des lunettes achromatiques femble pro- mettre de nouveaux prodiges dans la dioptrique , il eft cependant bien certain que les objedifs compofes de ces lunettes , feront d'autant plus parfaits que les pieces qui les compofent feront mieux travaillees. L'acadc'mie doit informee que l'inftitut de Bologne avoit les machines qui s'etoient trouvees chez Campani a fa mort •, il etoit ailez naturel de penfer qu'elle pouvoit avoir recueilli pareillemei-.t quelques lumieres fur la methode de ce celebre artifte , elle crut done devoir charger M. Fou- geroux, qui partoit pour l'ltalie, de s'inftruire avec le plus grand foin de tout ce qui pouvoit regarder cet important objet : void ce qu'il a pu tirer de lumieres fur cet article. Le laboratoire de Campani, impenetrable jufqu'a fa rrfort a tout le mon- de, fut achete par le feu pape Benoit XIV, qui appella M. Hercule Lelli, membre de l'inftitut, depuis long-temps occupe de cet objet, pour lui remettre le preTent qu'il vouloit en faire a cette compagnie. Ce dernier fit part a M. Fougeroux de tout ce qu'il avoit pu deviner. de la mdhode de Campani & de I'ufage des pieces qui avoient de tcou- vees dans le laboratoire de cet artifte. Nous difons qu'il avoit pu deviner, car Campani avoit eu la vanite oil la foiblefle , termes a-peu pres fynonymes en cette occalion , de faire Ion poffible pour oter julqu'au moindre veftige de la methode qu'il em- ployoit. M. Lelli avoua cependant ^ M. Fougeroux qu'il s'etoit referve la def- cription de la machine avec laquelle Campani travailloit fes ballins, qu'il comptoit publier inceffamment ; fa mort qui a prevenu la publication qu'il en vouloit faire, nous auroit fait perdre cette rctiource , li M. Fougeroux 11 avoit trouve le moyen d'obtenir d'ailleurs un deffein de cette machine •, il a done rappojte tout ce qu'il doit poffible d'avoir fur la mdhode de Campani. La peifedion des objedifs depend principalement de quatre chofes , du choix de la matiere , des meilleurs moyens de la travailler , de Ja per- fedion des outils, & enfin des attentions qu'on doit avoir dans ce tra- vail a ne rien negliger de ce qui pent concourir a augmenter leur efFet. Campani employoit pour fes objedifs des glaces de Venile •, la matiere de ces glaces, quoique tres-fouvent femee de points on petites bulles, eft dure, nette, liee & bien moins fujette aux dries oil filets, que toute au- tre glace ; M. Fougeroux croit cependant qu'il ne feroit pas impoffible de DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5,1 s'cn procurcT ici de plus parfaite : il choililfoit par preference les morceaux — — — — » qui avoient line petite teinte dc jaune. p Pour examiner les morceaux de glace qu'il deftinoit a fon travail , il les poloit fur un verre convexe 011 un miroir concave, & placoit une lu- Annie iiGa. miere an foyer; alors le inorceau de glice applique au verre oil au mi- roir, fc trouvoit li vivement eclaire qu'on y voyoit julqu'aux moindros fils & aux moindres inegalites de la matiere du verre, bien entendu ce- pendant que ce morceau de glace ne flit pas brut & qu'il cut etc poli. Lorlque Campani avoit reconnu un morceau de glace pour etre propre a fon travail , il tracoit fur cette glace le contour qu'il vouloit donner an verre, & l'arrondilioit en le coupant avec le diamant, en emouffant les angles avec line pince, & enfin en le paiTant dans un cornet de fer avee du gres mouille : il difoit qu'il pouvoit travailler avec fon tour des ver- res , lans fc lervir de formes, mais il y a tome apparence qu'il ne le di- foit que pour depayfer ceux qui auroient cherche a l'imiter, & qu'il fe ier- voit en etfet de formes oil baffins-, il n'eft pas inutile peut-etre d'ajouter ici en favetir de ceux qui n'auroient pas vu travailler des verres , que ces formes oil baffins iont des morceaux de cuivre aflez epais , auxquels on a donne en creux la meme courbure que le verre doit avoir en relief, & qu'on s'en fert en y frottant en tous lens le verre, apres y avoir repandu du gres en poudre qu'on a foin de mouiller afin d'ufer le morceau de glace julqu'a ce qu'il ait pris la convexite qu'on veut lui douner. II fuit de la que les baffins peuvent etre employes de deux manieres an travail des verres-, on peut promener le verre dans le baffin fuppofe im- mobile 011 bien rendre le verre fixe & promener le baffin deffus. II paroit par quelques petits baffins a poignee, qui fe font trouves dans le laboratoire de Campani, qu'il fe fervoit quelquefois de la derniere me- thode , mais M. Lelli a p.iru perfuade que ce n'etoit que pour des objec- tifs d'un court foyer, & qu'il travailloit les autres dans des baffins fixes & places horizontalement. L'attention avec laquelle il travailloit fes verres etoit extreme : cette attention, l'habirude qu'il avoit acquife & le nombre prodigieux de baf- fins excellens qu'il avoit, faifoient probablement fon fecret. On croit qu'il employoit plulieurs baffins pour travailler un verre , i! alloit de moins concaves en moins concaves , oblcrvant de commencer 1 ufer fon verre par les bords & autant d'un cote que de l'autre , pour ne le pas decentrer ; on croit audi qu'apres avoir fini un cote de fon verre il en examinoit le foyer comme plan convexe , & choiliffoit un autre baffin pour travailler le fecond cote & lui donner le foyer precis qu'on exigeoit de lui. II fe fervoit, pour degroffir & pour adoucir , d'une quantite d'emeri plus grande qu'il n'etoit neceflaire pour commencer fon verre ; au milieu de l'operation il en retranclioit la moitie & en enlevoit encore une partie a medire qu'il avancoit fon ouvrage , fon emeri devenoit par ce moyen de plus en plus fin a mefure que fon verre approchoit de la perfection, il en ufoit de meme a 1'egard du tripoli. M ij ?i ABREGE DES MEMOIRES ■■■u ii ■— ^— » Pour travailler les verres on les affujettit avec du maftic au bout d'ttn ■n „ petit manche de bois tics court, qu'on nomme molette : le choix de ce maltic n elt nullement indifferent, u laudroit qu if put acquenr allez piomp- Annei 1764. tement un certain degre de confiftance, & qu'il fondit a un foible degre de chaleur, raais il ne paroit pas que Campani eut rien de particulier fur cet article, du moins celui qu'on a trouve dans ion laboratoire n'etoit-il compofe que de colophone & de terebenthine de Venife ; il fe fervoit de molettes de bois, c'etoit l'ufage de fon temps, on leur a fubftitue depuis avec avantage les molettes de liege. Lorfque le verre etoit adouci , Campani colloit dans fon baffin line feuille de papier, il employoit pour cela de l'eau de gomme afin d'eviter 1'epaili'eur & les inegalites de la colle-, ce papier dont on a trouve une grande quantite a fa mort, ne rellemble a aucun que nous connoiffions, il eft pen colle , ferme fans etre dur , & ne conferve prefqu'aucune mar- que de la verjure oil forme fur laquelle on fait le papier , il ne feroit pas difficile de s'en procurer de pareil dans nos manufactures. II employoit pour le poli de fes objecYifs le tripoli de Venife, choi- fiffant par preference les morceaux les plus tendres & les plus legers : M. Antheaume a trouve que l'emeri trcs-fin qu'on obtient en le detrem- pant dans l'eau apres l'avoir mis en poudre , & ne prenant que celui qui y refte encore fufpendu apres un quart-d'heure de repos, donnoit un poli auffi vif que le tripoli & n'exigeoit pas qu'on appuyat Ii fort fur le papier qui couvre la forme •, le gres & meme la brique mis en poudre tres-fine & paffes a l'eau de la meme maniere , out produit le meme effet & ont cte employes avec fucces. L'operation de polir les verres eft peut etre la plus delicate de toute leur fabrique , parce que la moindre inattention pent alterer leur figure-, Campani le favoit bien & ne negligeoit aucune attention pour fe gaiantir de ce danger, mais il ne paroit pas qu'il y mit autre chofe que de l'exac- titude, & il eft prefque fiir qu'il polilfoit a la main , quoique cette ope- ration devienne penible par l'adherence du verre fur le tripoli pour peu qu'il foit grand. Jufqu'ici le travail de Campani n'eft different du notre que par i'at- tention qu'il y apportoit , ce qui flirt va s'en eloigner davantage •, il avoit line machine pour tailler fes baffins. M. Fougeroux a ete arlez heureux pour en obtenir le deffein qu'il donne dans Ion memoire , nous allons effayer d'en prefenter une idee. On fait que la furface d'un baffin a travailler les verres eft une portion de Iphere d'un rayon d'autant plus grand que le foyer de l'objedtif qu'on y veut travailler doit etre plus long •, or il eft certain que le baffin etant mis fur le tour, fi le manche de l'outil etoit auffi long que le rayon de la fphere de laquelle le baffin doit faire partie, & que Ion extremite flit ar- retee dans l'axe meme de la rotation du baffin , de maniere quelle y put tourner en tous fens, fans fortir de ce point, fon tranchant (eroit toujours dans la furface de cette fphere, & couperoit par conlequent celle du baffin de maniere on ne ,era Pas furpris que cette efpece de botiillonne- ment caufe un bruit conliderable , & que l'explollon , au-lieu de former Annie I'jG^. une (imple aigrette, occalionne une lumiere vive & etendue-, de-la les rou- lemens du tonnerre & la vivacite de l'eclair, qui ne precede le bruit que parce que le mouvement de la lumiere eft prefqu'innniinent plus prompt que celui du fon. Veut-on fe convaincre de ce que nous venons d'avaneer par une ex- perience facile? Qu'au-lieu delectrifer une barre de mediocre groffeur & qui ofrre des angles ou des pointes a fes extremites, on eledhife par un temps favorable & avec un bon globe de verre une barre beaucoup plus erode & terminee par une pointe fort mouffe , on remarquera que cette barre ne donnera plus des aigrettes continues & lilentieufes , mais des feux plus ferres & plus brillans qui s'en elancent de temps en temps avec im- petuolite & qui font entendre a chaque eruption le mane bruit qu'une groffe flamme qui s'allume fubitement : peut-on meconnoitre dans cette experience Tidentite de ce phenomene & de celui des eclairs & du bruit du tonnerre, li Ton fait fur tout attention a limmenfe difference de gran- deur d'une nuee & de la plus groffe barre qu'il foit poflible d'eleftrifer ? Quoique les rouleinens du tonnerre ne foient, fuivant M. l'abbe Nollet,' que le boullonnement excite dans la nuee par le feu eledtrique qui la tra- verfe rapidement , il ne pretend pas cependant exclure les echos que peu- vent produire les corps terreftres, fur-tout lorfque le bruit le fait au-deffus d'eux. Otho de Guerique rapporte (a) qu'etant monte au plus haut fom- met du mont Crapath , il y tira lin coup de fulil qui, n'ayant fait qu'un bruit tres-mediocre a l'endroit oil il etoit, fut repete avec tin horrible fra- cas par les echos des montagnes inferieures •, il fe pent done faire , & il arrive vraifemblablement fouvent, que le bruit du tonnerre eft augmente & fes roulemens prolonged par cette caufe, mais il fe fait des roulemens de tonnerre dans de vaftes plaines & meme fur la mer a une tres-grande diftance des cotes & ou on ne pent foupconner aucun echo de les avoir produits. II arrive quelquefois cependant que le tonnerre eclate par un coup fee & femblable a celui d'une arme a feu ; ce font les coups les plus dange- reux ; on les entend ordinairement prefqu'en meme temps qu'on voit l'e- clair •, alors le feu elettrique , anime d'une plus grande acTrivite , perce la nuee fans l'avoir parcourue , & s'elance avec une bien plus grande vio-. lence que lorlqu'il produit les roulemens. II fuit de ce que nous venons de dire, que l'eclair & la foudre ne font qu'un , & que chaque eclair porteroit fon coup h le trait de feu anivoit julqu'a la furface de la terre, mais heureufement e'eft le cas le plus rare, fouvent il prend en (ortant de la nuee une direction oblique, fouvent il fe diffipe dans le trajet, louvent enfin il ne fe rencontre vis-a-vis de lui aucun objet propre a provoquer affez puiffamment fon eruption. (a) Ononis lie Qutricki , cxper. Magdcbergica , L. V. Chap. VIII. Nous DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 97 Nous difons aucun objct , car pour pen qu'on connoifle l'eletftriciti , on 5B5B5 BS "" /nit qu'il y a des corps bien plus proprcs a tirsr les etincelles d'une birre r> 'i jo. ■ J-. j .1 1 • i.r. Physique. eleclriquc que d. nitres; an morceau de metal, par exemple, tirera letin- celle plus forte & de plus loin qu'un morceau de bois : or 1'identite du Annie 1764. tonnerre & dc 1'eledf.ricite etant line fois admife, tirer line etincelle d'une barre ele&rique oil provoquer la foudre contenue dans line mice orageufc, font deux eftcts qui ne different que du plus an nioins , & il doit y avoir des objets terreftres plus propres que d'autres a 1'exciter ; de ce nombrc feront certainement les edifices eleves dont les couvertures font chargees de plomb; les clochers qui, outre le plomb & le fer de leurs croix, font remplis de plulieurs milliers de metal, &c. auifi l'experience apprend-elle que ces objets font bien plus foil vent que d'autres frappes de la foudre, & que tons ces endroits font des abris mal furs en cas d'orage. II n'arrive que trop fouvent qu'un moifTonneur eft frappe de la foudre aupres d'un las de gerbes qui n'en recoit aucun dommage , & que les chevaux d'une voiture font tues fans qu'elle eprouve aucun accident, le corps animal etant plus capable d'exciter une Etincelle ele davance; la matiere electrique dont le mouvement trop augmente lui a caufe la mort, n'a pas eu beloin de s'ouvrir un paffage pour penetrer dans fon corps, elle y etoit deja avant l'explofion , mais ce qui peut-etre a plus droit de lurprendre , c'eft qu'il n'arrive prefque jamais que les animaux frappes du tonnerre foient demembres ou dechires par fon action , tandis que les arbres, les rochers , les murailles qu'il attaque font prefque tou- jours fendus, renverfo, demolis, & les debris fouvent jettes fort au loin: cette difference tient a l'extreme facilite avec laquelle la matiere ele<5trique penetre le corps animal tant pour y entrer que pour en fortir, qui doit amortir beaucoup fon action, au-lieu quelle l'exerce prefque en entier fur les autres matieres qui s'oppofent a fon paffage : ce que nous avancons eft meme confirme par une autre experience. M. l'abbe Nollet s'eft affure en oftrant a un condudteur eledrique un cube de bois dont deux faces pa- rallels etoient perpendiculaires a la direction des fibres , que la matiere eledtrique le traverfoit en bien plus grande abondance & plus facilement dans la direction de ces fibres que quand ii prefentoit au conducteur elec- trique les autres faces-, auffi arrive- t-il prefque toujours que les arbres frappes de la foudre , fe trouvent fendus par eclats fuivant leur longueur , fans qu'il y ait aucune fibre rompue , qu'aux endroits des nceuds qui en interrompent la continuite. Non-feulement la matiere eledtrique mife en action peut embrafer les corps fur lefquels elle exerce cette action , mais il femble quelle piaffe encore produire un effet bien plus fmgulier : le feu qu'elle y communi- que peut y refter long-temps cache , & fe montrer enfuite tout-a-coup lorfqu'on s'y attend le moins ; deux exemples du moins femblent le prouver. Le premier eft ce qui arriva la nuit du 25 au 16 avril 1760 a leglife de Notre-Dame de Ham, le tonnerre tomba trois fois en 25 minutes, tant fur leglife que fur les batimens voifins : au troilieme coup , le feu pa- rut au petit clocher de l'horloge , fort eloigne du grand ■, on y monta , le feu fut bientot eteint , & on ne remarqua aucune trace de feu dans toute (a) Voyez Hift. J731 , Collect. Acadto. Partie Franjoife, Tome VII. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 101 la charpcnte intermediaire le long de Iaquelle il falloit rviceffairemcnt paf- — — — — ^ fer pour y aller •, cependant un quart-dheure apres , la pointe du grand p clocher & le bas oil etoient les cloches , parurent embrafes , & on moment 1! Y s ' Q v f. aprcs le feu fe manifefta au-deiTus de l'orgue , an haut du grand portail , Annfc 11G4. lieu fepare du clocher par route la longueur de la nef , & toute lj char- pente fut briilee fans qu'on pur y apporter aucun remede. Le fecond exemple eft l'accident arrive le ly feptembre ij66 a la fre- gate la Modefte (a), commandee par le capitaine Jules Gayet : le tonnerre etaot tombs fur ce navire, prefque tout l'equipage fut renverfe, perfonne ccpendant ne fut tue, on en fut quitte pour deux chevaux qui etoient a bord , le vaifleau fut exaiftemcnt vilite & on ne trouva aucune trace de tea , cependant quelque temps aprcs une odeur de foufre & line affreufe fumee annonccrent un incendie qu'il ne fut pas pofllble d'eteindre , & qui conluma en peu de temps tout le batiment. II n'eft guere pofllble de ne pas voir que dans ces deux trifles evene- mens le feu ele&rique prepare par les commotions precedentes s'eft, pour ainii dire , couve dans 1'interieur de toute la charpente de l'eglife & du vaiffeau , & s'eft enfuite etendu avec d'autant plus de promptirude qu'il avoit ete plus long-temps retenu. Une experience que les phyliciens elec- trifans font tons les jours , femble rentrer dans cette idee : h en voulant allumer de l'elprit de vin par l'etincelle eledrique , les trois oil quatre [>remieres etincelles manquent de l'allumer, on peut etre prefque fiir que a cinquieme, quoique quelquefois plus foible, l'allumera , & e'eft peut- etre la raifon pour Iaquelle les incendies caufes par le tonnerre font pref- que toujours irremediables , le feu y etant deja contenu dans tout 1'inte- rieur des corps combuftibles , au-lieu que dans les incendies ordinaires il ne fe communique que de proche en proche , & qu'on peut lui couper la communication. II n'eft pas pofllble de meconnoitre dans les effets du tonnerre pref- que tous les caradteres de l'eledricite , il n'en eft peut-etre pas de fi bi- zarre qui ne rentre dans ce fyfteme , pourvu cependant qu'on n'y ajoute pas un faux merveilleux : nous n'en rapporterons qu'un feul exemple. En 1689, le tonnerre tomba fur le maitre-autel de l'eglife de St. Sau- yeur de Lagny , il fendit la pierre benite en deux, fans briiler la nappe ni le carton qui etoit vis-a-vis & qu'il avoit renverfe & couche a plat fur l'autel •, on trouva toutes les lettres qui etoient fur le carton , imprimees fur la nappe en contre-epreuve, e'eft a-dire a l'envers , excepte feulement les paroles de la conlecration qui manquoient abfolument , e'en fut aflez pour crier a 11 miracle, cependant rien n'etoit plus naturel que cet erFeti ces paroles font ordinairement imprimees en lettres rouges , tandis que tout le refte l'eft en noir ; l'encre des imprimeurs eft compolee d'huile cuite & de terebenthine , auxquelles on ajoute du noir de fumee pour le noir , & du vermilion qui eft une chaux metallique pour le rouge ; il doit done en refulter, i°. que l'encre noire ne feche jamais aulli parfai- (a) Voycz la Relation du Capitaine, inttcie dans la Gazette de France du 27 O60- iie 1766. ici ABREGE DES MEMOIRES S tement que la rouge, i°. quelle eft infiniment moins permeable a la ma- tiere e^e&rique , il eft par confequent hors de doute que le tonnerre ay ant Physique. ^ davantage & plus ramolli l'encre noire que la rouge , la premiere a Annie 1764. laiffc fur la nappe des veftiges que I'autre n'a pu y imprimer :^ c'eft ainli que dans la phyfique le defaut des plus petites circonftances empeche qu'on ne puiffe ailigner les raifons des eftets les plus naturels. C'eft Tans doute beaucoup que d'avoir pu parvenir a faire voir que le tonnerre n'eft que l'ele&ricite fort en grand , mais quelqu'honneur que cette decouverte faffe aux phyficiens de notre liecle , il feroit encore bien plus avantageux que cette connoiffance eut pu nous fournir des moyens de nous garantir des terribles effets de ce meteore : on y a penfe, on a meme ete jufqu'au point d'aiTurer qu'on avoit trouve des prefervatifs , mais il y a bien a rabattre de ces idees ; ces pointes elevees comme des pre- fervatifs qui devoient depouiller la nuee de fon feu eledtrique ne font pas plus capables de cet effet , qu'une rigole faite avec une pelk a feu eft capable d'epuifer une inondation : bien loin de la, la mort de l'infortune M. Richmann (a) ne fait que trop voir qu'elles font fouvent capables de devenir des condudteurs tres- dangereux. Mais s'il n'y a pas jufqu'a prefent de moyen affure de braver les effets du tonnerre, la prudence prefcrit cependant des moyens d'y etre moins expofe, & c'eft a ce.ux-ci que la raifon permet d'avoir recours pour evi- ter, autant qu'il eft poflible, les dangereux effets de ce terrible meteore. On fait que les etincelles ele&riques font plus vivement excitees par les matieres metalliques que par d'autres , que l'eau lui livre un paffage tres- libre & tres-facile : tout terrain qui contiendra des veines metalliques & des eaux, fur-tout fi elles font conrenues dans du plomb oil du fer, fera done par-la meme plus expofe a l'adtion de la foudre. L'enorme quantite d'eau que les arbres exhalent par leur tranfpiration , etablit entr'eux & la nuee un condudeur, qui pour etre invifible n'en eft pas moins reel , & c'eft pour cette raifon que les arbres & les forets font des abris mal furs, en cas d'orage & bien plus dangereux encore quand lis font ifoles au milieu d'une plaine. Quant a la fituation , ce ne font pas toujours les lieux les plus eleves que le tonnerre attaque par preference •, prefque toujours une grande mon- tagne ifolee detourne ou parrage la nuee , mais li une montagne ou un edifice eleve fe trouve au milieu d'une petite plaine entouree de hautes collines ou de grands bois , ce fera un endroit tres-fujet a etre attaque du tonnerre, parce que ces objets faifant obftacle au cours du vent, les nuees s'y accumuleront & le tonnerre s'animera. Il y a cependant peu de confeils a donner pour le choix d'une ha- bitation relativement a cet objet , fouvent les avantages de la lituation la plus heureufe a cet egard peuvent etre plus que compenfes par des vei- nes metalliques ou des eaux fouterraines trop fuperficielles ; on doit done s'en tenir a quelques regies generales fondees fur les principes que nous venous d'etablir. (a) Voyea Hift. 1753 , Collect. Acad. Part. Fran?. Tome XI. DEL'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES i»j Les edifices fort eleves, decores de plombs, de grilles de fer, de doru res, dans lefquels il y a beaucoup de monde affemble , doivent etre foi- p gnculement evitcs , ils font bien plus expofes au tonnerre qu'une maifon moins elcvee, moins decoree , moins habitee; & a cet egard la chaumiere Annet IJ&4- d'un payfan eft un afyle plus fur que le palais d'un monarque ou d'un prince. On pourroit prefque dire la meme chofe d'une eglife, li le me- rite de la priere ne ranimoit la confiance & ne diminuoit la crainte. C'cft encore une mauvaife pratique que de fonner les cloches quand l'orage eft fur l'eglife , ces inftrumens font de metal & les fonneurs qui tiennent a la main des cordes par lefquelles la commotion eleclrique fe pent aifement communiquer jufqu'a eux , font en tres-grand danger, le mieux eft de laiffer les cloches en repos & de ne pas meme s'approcher trop du clocher , qui, par rapport au poids du metal qu'il contient, eft plus expofe qu'aticune autre partie de l'edifice. Un vaiifeau , eu egard a (on artillerie , a la quantite de gens & d'ani- maux qu'il contient , a la hauteur de fes mats & a fa lituation au milieu de la mer, feroit un endroit trcs-peu fur , mais l'immenfe quantite de !;oudron & d'autres matieres refineufes dont il eft enduit fait diiparo'me a plus grande partie de ce danger. Lorfqu'on eft expofe a un orage , il vaut mieux etre ifole que de tenir a de grandes mafles, un mur de pierre eft en ce cas un voifin moins dan- gereux qu'un pan de bois , mais il faut bien prendre garde que ce mur ne contienne quelque piece de fer , quelque recouverte quelle fut , le tonnerre la fauroit bien trouver , & malheur a qui fe trouveroit dans le voi linage. Le plus fur abri eft une cave profonde & qui ait peu de communica- tion avec fair exterieur, fi cependant le terrain ne contient pas de matie- res metalliques ou facilement electrifables. II eft encore tres-prudent de tenir fermes en temps d'orage les chaflis a verre du lieu qu'on habite, un carreau de verre ne reliftera certaine- ment pas a un coup de tonnerre venant directement , mais s'il ne fait que paifer il pourra empecher que l'effet ne s'en reifente dans la chambre, enfin il eft certain qu'un habit de laine ou de foie bien tec eft beaucoup moins fufceptible de l'electricite que la toile, fur-tout (1 elle eft mouillee , & en ce point un payfan eft plus expofe au tonnerre avec fon habit de toile mouillee que quelqu'un vetu d'un habit de laine ou de foie bien fee, mais audi les ornemens d'or & d'argent qu'on y ajoute , rendent l'habit de l'homme riche bien plus dangereux que celui du payfan ; le metal eft bien plus fufceptible d'etre ele&rile que la toile mouillee. On pent, d'apres les memes principes , imaginer encore bien d'autres moyens, comme de s'enfermer dans des reduits compofes de verre ou de matieres refineufes , mais il ne faut pas regarder ces moyens comme des prelervatifs furs, & nous terminerons cet article par une fage reflexion de M. 1'abbe Nollet, e'eft que lcleclricite lorfqu'eile eft forte, fe fait jour a travers tous Its obftacles qu'on lui peut oppofer , & que leleclricite du tonnerre eft la plus forte que nous connoiilions. 1 -4 ABREGE DES ME MOIRES Physique. Sur les degrifs de chaleur auxqueh les homnies & les animaux font Annk *764- enables de riffle ler. Ilift. X t arrive rarement que les recherches phyfiques bornent leur utilite a remplir les vues qui les avoient fait entreprendre , clles produifent pref- que toujours des fruits fumumeraires & qu'on ne fembloit avoir aucuii lieu d'en attendre. Tel a effectivement ete le faeces des voyages que M". du Hamel & Tillet ont fait en Angoumois en 1760 & 1761 , pour effayer de detruire l'infecte qui devoroit les grains de cette province & d'arreter fes ravages ; l'academie a rendu compte en 1761 , du faeces de leurs recherches a cet egard , {a) il nous rede a parler ici d'une obfervation finguliere que le moyen qu'ils employerent pour la deftru&ion de ces infe&es pernicieux leur donna occafion de faire. Ce moyen confiftoit a faire perir l'infe&e dans le grain avant qu'il 1'eut encore beaucoup endommage , & cela en faifant paffer les bles au four & leur faifant eprouver un degre de chaleur que l'animal ne put pas foutenir. Cette operation fe faifoit a la Rochefoucault & M". du Hamel & Tillet avoient profile pour cela d'un four bannal qui fe trouvoit en cette ville ; leur premier pas fat de s'affurer du degre de chaleur que ce four confer- voit encore le lendemain du jour ou Ton y avoit cuit du pain •, ils y intro- duifirent pour cela un thermometre a efprit de vin pofe fur line pelle, & l'ayant lailK quelque temps au milieu du four , ils le retirerent ; ce ther- mometre marquoit alors un degre de chaleur beaucoup au-deflus de celui de l'eau bouillante, mais M. Tillet s'apper^ut qu'il ne marquoit pas encore toute celle du four , & qu'il avoit fenfiblement baiffe pendant le court ef- pace de temps qu'on avoit mis a le retirer du milieu du four a la bouche.- Dans le nombre des fpedateurs etoit une fille attachee au fervice du four bannal , celle-ci voyant l'embarras de M. Tillet offrit d'entrer dans le four & d'y marquer la hauteur du thermometre lorfqu'on le defireroit •, M. Til- let fat em-aye de cette proportion , & comme il helitoit a l'accepter , cette fille fourit & entra dans le four , munie d'un crayon qu'il lui donna : au bout de quelques minutes elle fit un trait vis-a-vis la liqueur, qui fe trouva ^ 100 degress M. Tillet plus inquiet que jamais fur l'etat de cette fille voulut la faire fortir du four , mais elle dit quelle pouvoit y refter bien. plus long -temps fans s'incommoder , elle y refta effedtivement encore 10 minutes & la liqueur du thermometre etoit montee a pres de 1 30 degres, alors elle fortit du four, ayant a la verite le vifage fort rouge, mais ne pa- roiffant pas plus incommodee qu'on ne l'eft quelquefois dans les grandes chaleurs de lete , & n'ayant fur-tout rien de penible ni de precipite dans la refpiration. (a) Voyei Hift. 1761, ci-deffus, Y S I Q U E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. jo> II y a cependant quelque diminution a faire fur la chaleur marquee par — le thcrmometre •, une circonftance dont nous aliens rendre compte la fai- p foit paroitre plus grande quelle n'etoit recllement, & nous allons bientot voir qu'elle devoit etre reduite a 112 degres, plus que triple cependant Annie 1764. des plus grandes chaleurs que nous eprouvons dans ce climat, & beaucoup au-deffus de celle de l'eau bouillante qui ne va qua 85 degres. Nous venons de dire qu'il f.illoit dirninuer d'environ 1 8 degres la hau- t.'ur du thermometre a efprit de vin qui avoit ete employe dans les expe- riences de la Rochefoucault, cette diminution tient a une circonftance par- ticuliere de laquelle il eft bon que Ton foit inftruit & qui n'a pu echapper aux recherches de M. Tillet. II avoit deja remarque que deux thermometres, I'un a mercure & l'autre a efprit de vin, tous deux conftruits fur les principes de M. de Reaumur, navoicnt la meme marche que dans une certaine ctendue de Ieur courfe, & que pafle un certain terme , 1'efprit de vin s'elevoit alfez fubitement a une beaucoup plus grande hauteur que le mercure. C'en fut affez pour lui inlpirer le delir de rechercher quelle pouvoit etre la loi de cette plus grande afcenfion , & d'en decouvrir la caufe s'il etoit poffible de la trou- ver; il reuflit a l'un & a l'autre. Deux thermometres, fun a mercure & 1 autre a efprit de vin , conftruits foigneufement & fous les yeux de M. 1'abbe Nollet , furent mis avec les precautions neceffaires dans l'eau bouillante ; des qu'ils approcherent du terme de cette eau , le thermometre a efprit de vin s'cleva rapidement & marqua 117 degres, tandis que celui a mercure refta conftamment fixe a 85 , veritable terme de l'eau bouillante. M. Tillet appercut bientot la raifon de cette difference , il vit fe former une bulle affez grande dans la boule du thermometre a efprit de vin , & reconnut que non-feulement cette bulle etoit la caufe de l'afcenlion fubite de 1'efprit de vin , mais encore qu'elle ne pouvoit manquer de fe former. En effet , tant que 1'efprit de vin ne recoit qu'un degre de chaleur in- capable de le reduire en vapeur , il fuit la marche reglee de fa dilatabilite , mais des qu'il approche du terme 011 il peutdevenir vapeur, les parties qui touchent le verre de plus pres s'evaporent , & comme elles occupent fous cette forme un bien plus grand efpace qu'en liqueur, elles forment dans cette liqueur une efpece de bulle qifi en augmente beaucoup le volume & la fait monter dans le tuyau prefque fubitement. La circonftance meme de plonger la boule feule dans une liqueur oil dans du fable echaufte n'eft pas indifterente-, alors la boule recevant prefque feule toute la chaleur , la bulle de vapeur ne fe forme que dans la boule , & la liqueur ne trouvant au- cune reliftance dans le tuyau , s'eleve librement , ce qui n'arriveroit pas , 011 feroit an moins beaucoup dinunae fi le tuyau ech.mfte au meme point que la boule avoit recu des vapcurs on les avoit formees ; aufli M. Tillet a-t-il obferve que les memes thermometres qui, plonges dans l'eau bouil- lante, dans le l.ible echaufte & dans rhuile audi echauftee, avoient donne des differences de 52 & meme de 50 degres, n'en donnoient plus qu'une de 14 degres quand il les expofoit fur une pelle dans un four alfez echaufte pour y cuire un pate; nouvelle precaution a prendre dans l'ufage du ther- Tome XIII. Partic Frangoifi. Q «o<* abreg£ des memoires — — — ~ mometre & qui fera due aux obfervations & aux foins de M. Tillet, c'eft d'apres lcs refultats de ces experiences qu'il a calcule la reduction a faire 1 H Y s ' Q u E* dans celle du four de la Rochefoucault. Annie 1764. ^es experiences rapportees a l'academie par M»- du Hamel & Tillet, fiarurent d'autant plus fiirprenantes que d'autres du meme genre tentees par e celebre Boerhaave-, avoient donne des refultats tres-dirrerens ; cet illuftre ph) (icien ayant betoin de cbnnoitre le degre de chaleur auquel des animaux pouvoient etre impunement expofes, engagea Fahrenheit & quelques autres perfonnes, dont l'exactitude lui etoit connue, a faire des experiences ne- ceffaires \ ils fe fervirent pour cela de l'etuve dune raftinerie echauflie au point que le thermometre de mercure y montoit au i46me degre de la diviiion de Fahrenheit, c'eft-a-dire au lj^rae degre de M. de Reaumur-, on y expofa d'abord un moineau dans une cache •, au bout d'une minute cet animal commenca a ouvrir le bee & a refpirer avec peine, peu-a-peu il defcendit au fond de la cage, relpira fort vite, & avec de grands ef- forts, & mourut dans l'efpace de 7 minutes. Un chien pefant dix livres , mis dans la meme etuve , parut au bout de 7 minutes incommode de la chaleur, il ouvroit la gueule, tiroit la lan- gue & refpiroit fort vite; il etoit cependant tranquille dans fon panier, mais au bout d'un quart d'heure la refpiration devint penible & bruyante & il fit beaucoup d'eftorts pour fortir du panier ou i! etoit enferme, peu- ^-peu il tomba en foibleffe, la refpiration devint lente & foible : enfin ail bout de 28 minutes il mourut, ayant rendu par la gueule une grande quan- tite de falive rougeatre & (i infe&e qu'un des affiftans qui s'en etoit ap- proche un peu trop pres, fe trouva mal & qu'on eut quclque peine a le faire revenir •, malgre tous les efforts qu'avoit faits ce chien & la chaleur qu'il avoit efluyee, il n'avoit pas me & fon poil etoit tres-fec : un chat foumis aux memes epreuves, & qui y perit pareillement , eprouva toutes- les memes fouffrances, mais il etoit trempe de fueur-, il ne jetta aucune fa- live & fon corps n'avoit aucune mauvaife odeur. Ces relultats fi effentiellement ditferens de ceux des experiences de la Rochefoucault, firent delirer a, l'academie qu'elles fuffent repetees, heureu- fement Mrs. Tillet & du Hamel avoient a la Rochefoucault M. Marantin commiffaire des guerres, dont ils connbiiibient l'exactitude & le talent pour l'obfervation , M. Tillet lui ecrivit & il fe chargea volontiers de repeter 1'experience & de prendre toutes les precautions neceffaires pour en ailurer le refultat : voici le precis de fa reponfe. La fille qui etoit entree dans le four dans les experiences de M. Tillet, etoit pour lors malade : M. Marantin s'adreffa a une de fes compagnes, car elles iont quatre attachees au fervice du four , elle y entra pluiieurs fois & il demeura bien prouve que ces filles habituees a fouffrir la chaleur du four, peuvent la fupporter fans incommodite 14 a 15 minutes lorfque le thermometre y marque 115 a 1 20 degres , qu'elles y peuvent demeu- rer 10 minutes quand il en marque 1 30, & que lorfqu'il va a 150 degres elles ne peuvent y refter que 5 minutes; pendant une de ces experiences, la fille avoit dans le four a. cote d'elle des pommes & de la viande qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 107 «iifoient : il eft vr.ii qu'on tenoit alors le four tout ouvert & qu'oti le ! ferma quand die fut fortie pour accelerer la cuiffon de ces alimens; il faut p cependant rabattre quelque chofe, commc nous l'avons dit, du dcgre que H Y S ' Q U *' niarquoit le thermometre , M. Tillet, entre les mains duquel il eft rcvenu Annie 1164. s'eft affure que les 130 degres devoient, par les railons que nous avons expofees, etre reduits a 1 iz degres. Malgre cette reduction, il p.uoiffoit toujonrs etonnantque des animaux, meme affez forts , euffent peri dans l'etuve de Boerhaave en une demi- heure fous une chaleur de 54 degres, & que des femmes aient pu foutenir pendant plus d'un quart-d'heure celle de in degres que donnoit le four de la Rochefaucault , fans en paroitre incommodees : quoiqu'il y ait tout lieu de croire que la maffe des corps y entre pour quelque chofe , il reftoit toujours une difference affez grande pour meriter qu'on en recherchat la caufe. Pour parvenir a la decouvrir , M. Tillet recommenca fes experiences avec la plus fcrupuleufe attention J des animaux de trois efpeces differentes y furent foumis, un br^ant, un poulet, & un jeure lapin, ils ne furent ex- pofes a la chaleur du four que lorfqu'elle etoit reduite a 65 degres du ther- mometre de M. de Reaumur ; le breant commen^a a s'agiter dans fa cage au bout de la premiere minute, a la feconde il ouvrit le bee, haleta & etendit fes ailes , vers la ^e minute il poufla un cri foible , s'etendit fur le cote & parut expirant, on le retira-, fair frais fembla lui rendre quelques forces, mais letourrement & les convullions continuercnt, 8c il mourut 6 mi- nutes apres, 4. minutes avoient done futfi pour le faire perir. Le poulet enferme dans un panier a claire-voie & pole fur une pelle de bois pour eviter !a trop grande chaleur de l'atre , s'agita des la premiere mi- nute, il ouvrit le bee & pouffa quelques cris foibles a la feconde, & fut abattu a la quatrieme, il y a grande apparence qu'il auroit peri fans retour (i on ne l'eut retire-, il avoit la refpiration trcs-penible , mais Fair frais le remit peu-a peu, & il but avec avidite quelques gouttes de vin, qu'on lui prefenta dans un gobelet , remede, pour le dire en palfant, tres-efficace pour la guerifon de plufieurs maladies de ces animaux. Le lapin fut mis dans le four avec les memes precautions que le poulet, U fut atfez tranquille pendant les dix premieres minutes au bout d'un quart- d'heure il fe remua un peu, a la dix-feptieme minute il s'agita beaucoup & pour lors on le retira ; il avoit la refpiration precipitee ; mais fans aucuii abattement, Sc il bavoit, mais quelques momens futh'tent pour le remettre au point de manger des laitues qu'on lui donna. Le but de M. Tillet, en faifant ces experiences, etoit d'avoir un point de comparaifon certain pour celles qu'il meditoit, il avoit foupconne que la chaleur de l'air que refpiroient les animaux pendant cctte ep'reuve n'e- toit pas la principale caufe de l'anxiete qu'ils y eprouvoient ni de la mort qui en refultoit lorfque l'epreuve etoit trop longue, mais que fair echauffe qui les entouroit, les penetroit, fans obftacle, de toutes parts & leur oc- calionnoit une fievre qui devenoit le principe de tons les accidens qu'il| elfuyoicntj cette idee donnoit une raifon tres-plaulible de la difference qui O ij ioS abreg£ des memoires ■«— ^— — fe trouvoit cntre les experiences de Boerhaave & celles de la Rochefou- p cault : dans ks premieres, les animaux avoient ete expofis fans precaution 1 - * ' a la chaleur de l'etuve , & dans les fecondes les lilies qui etoient entrees Annie m6<}. dans le four avoient ete defenduts de 1'acYion exterieure de la chaleur par les habits dont elles etoient couvertes, il n'etoit done pas etonnant qu'eiles eiuTent refifte a un degre de chaleur beaucoup plus grand que celui qui avoit fait perir les animaux dans l'etuve de Boerhaave. Rien n'etoit plus limple que de verifier li cette idee li vraifemblable etoit vraie , il ne filloit qu'expofer les memes animaux ou d'autres femblables , revetus d'une efpece d'habit qui put les defendre de la chaleur externe , au meme degre de chaud qui les avoit mis au moment de perir, & voir s'ils pourroient fans rifque le foutenir plus long-temps; ce fut audi le parti que prit M. Tillet : il expofa dans le meme four a 67 degres de chaleur, comme dans les premieres experiences, un fecond breant, mais enveloppe d'une efpece de maillot compole de bandes de linge redoublees qui cou- vroient tout fon corps, en lui laiffant la tete & les pattes libres, le pre- mier breant avoit peri au bout de la quatrieme minute & avoit commence a haleter desla feconde, celui-ci ne commenca a haleter qua la cinquieme niinute , & lorfqu'on le retira a la huitieme il n'etoit point trop abattu, il but volontiers du vin qu'on lui prefenta, & voltigea peu apres dans fa cage , fes plumes etoient feches fous le maillot & n'aYoient qu'un mediocre degre de chaleur. Le poulet emmaillote de la meme maniere fut auffi remis dans ce four ; il s'etoit agite dans la premiere experience des la premiere minute & avoit ete abattu a la quatrieme; dans celle-ci, quoique la chaleur fut un peu plus forte, ce net' fut que vers la cinquieme minute qu'il commenca a ha- leter, & lorfqu'a'la dixieme il fut retire du four, il haletoit a la verite for- rement, mais il etoit bien moins abattu que dans la premiere, il fe tint fur les pieds des qu'il fut libre , becqueta des miettes de pain & but, comme la. derniere fois, quelques gouttes de vin. Pendant ces experiences & avant qu'on eut pu remettre le lapin dans le four, la chaleur y etoit baiffee jufqu'a 62. degres, mais on la ramena a 65 degrds, celui-ci etoit mieux emmaillotte, il etoit couvert d'une ferge en double & d'une ferviette auifi doublee qui s'appliquoient exaftement fur fon corps en lui laiffant la tete 8c les pattes libres ; il s'etoit agite dans la premiere experience a la quinzieme minute , & on l'avoit retire a la dix- feptieme; il fut tranquille dans celle-ci jufqu'a n~ minutes, fa refpiration devint friquente, une minute apres il bavoit & il lui couloit meme tine ferofite du nez , enfin il refta jufqu'a 32 minutes, & il auroit pu felon les apparences y reffer plus long-temps fans mourir ; en approchant l'oreille de fo tete on entendoit fa relpiration faire un bruit a-peu pres femblable au roulement de golier que fait un chat quand il eft content , ce ralement ceffa bientot , & au bout de quelques minutes tons les accidens etoient difparus , fon poil etoit lee fous le maillot & fans chaleur extraordinaire , fes fcules pattes de devant etoient mouillees taut par la bave qu'il avoit jettee que parce qu'il s etoit frequemment frotte le nez , & il etoit li peu DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. toj abnttu que 5 on 6 minutes apres fa fortie du four ii mangeoit des feuilles — — ■■ de laitue; mais ce qui eft a remarquer, e'eft qu'aucun des animaux de p M. Tillet n'a rendu cette falive infewe que jetta le chien des experiences hysiqut. de Boerhaave, & que les corps de ceux qui out peri n'avoient aucune mau- Anntc llCd. vaife odeur, cet animal avoit apparemment en lui quelque germe de cor- ruption que la chaleur de l'etuve n'a fait que developper, il fe peut faire auffi, & il ne feroit pas meme fans vraifemblance, que cette etuve ait con- tcnu quelque vapeur maligne qui ait pu faire perir les animaux plutot qu'il nc fcmble qu'ils euflent du perir en calculant d'aprcs les experiences de M. Tillet. • Quoi qu'il en foit , il refulte de ces dernieres, que les hommes & les animaux peuvent foutenir fans mourir, des degres de chaleur bien plus con- fiderables qu'on ne penfoit, & que l'incommodite qu'ils en recoivent n'a pas pour caufe principale l'air trop chaud qu'ils refpirent, mais plutot celui qui les entoure & qui les penetre de toutes parts. II eft aife de conclure de-la que dans de certaines maUdies , on pour- roit, avec les precautions neceflaires, faire eprouvcr impunement aux ma- lades un degre de chaleur capable de leur procurer line tranfpiration abou- dante & falutaire •, il paroit meme que les Arabes connoiffent ce remede, & M. de Reaumur cite dans les memoires fur les infe&es (a), la guerifon d'un jeune Francois hydropique , oper^e par deux fejours de 24. hcures chacun dans une etuve, apres avoir ete enduit de goudron mele avec de l'huile de lin , & emmaillotte comme un enfant : cette pratique n'eft pas meme inconnue en France, & l'hiftorien de 1'academie cita k ce fujet l'exeni- ple d'un de fes habitans qui s'etoit gueri d'un rhumatifme , en fe tenant quelque temps dans un four , apres qu'on en eut tire le pain, mais ce re- mede ne doit etre employe qu'avec la plusgrande prudence : deux Arabes foumis a la meme epreuve que le Francois hydropique , y laiflerent la vie, & M. Malouin cita l'exemple d'un payfan du village de Reucourt, qui perit pour s'etre expofe a la chaleur d'un four, dans la vue de fe gue- rir audi d'un rhumatifme : il eft vrai que celui-ci avoit eu l'imprudence de manger avant que d'entrer dans le four, de la galette de pate molle avec du fromage. II refulte de tout cela, que ce remede ne doit point etre adminiftre qu'avec la plus grande prudence; e'eft aux medecins qu'il eft referve d'exa- miner avec foin les cas oil il doit etre applique, les preparations qu'il exi- ge, & les precautions qu'on doit prendre en I'adminiftrant : e'eft une arme nouvelle que les oblervations de M". du Hamel & Tillet mettent entre les mains de la medecine, mais plus elle eft utile etant bien employee, plus elle feroit dangereufe Ii on avoit la temerite de s'en fervix mal-a-propos, (a) Tome II. premier Mtmoire , page 53, no ABREG6 des me moires Physique. Annie 1764. _ Sur Evaporation de I'cau JaUe. jiift. 3-i 'objet dont il eft ici queftion eft un des plus importans que la phy- fique puiffe traiter pour 1'avantage de l'humanite , la neceffiti du fel pour line infinite d'ufages a appris de bonne heure aux hommes les moyens de s'en procurer; la limple evaporation de l'eau de la mer, operee par le fo- leil, dans les pays tres-chauds , a fait voir qu'elle laiffoit dans les creux des rochers une quantite confiderable de fel-, on a profite de cette efpece de lecon, & l'art venu au fecours de la nature a produit les partenemens, les tables des marais falans (a) & toutes les precautions qu'on prend pour fe procurer par la feule chaleur, du foleil une quantite de fel fuffifante a nos befoins, & a ceux du commerce avec les peuples qui font prives de ce fecours. Les eaux de la mer ne font pas les fettles qui tiennent du fel en diffo- lution , il fe trouve en beaucoup d'endroits trcs-eloignes de fes bords des fources d'eau falee , delquelles on fait tirer le fel qu'elles contiennent : l'a- cademie a parle dans fon hiftoire de 174.S & de 1762 (b) des moyens em- filoyes pour cette operation , & pour eviter les redites inutiles, nous prions e lecteur de vottloir bien fe rappeller par la ledure des endroits que nous venons de citer , les details de la formation du fel dans ces falines & les {irincipes fur lefquels elles font fondees •, nous dirons feulement que dans es falines de Durkeim & dans celles de Franche-Comte, pour ep.irgner les frais & le dechet d'une trop longue ebullition dans les chaudieres, on fait paffer l'eau tres-lentement & plitlieurs fois fur des fagots d'epines ran- ges par etages fous des hangars, qui , en les couvrant de la pluie, laiffent de tous cotes un acces libre a Fair; on emporte par ce moyen une grande quantite de molecules aqtieufes & on concentre confiderablement Teatt falee avant que de la faire paffer aux chaudieres, oil par le moyen du feu, on acheve de l'evaporer 2c d'en tirer le fel; ces ulines fe nomment bdtimens de graduation. La meme pratique eft depuis long- temps en ufage en Suiffe, aux Sali- nes de la republique. M. Haller, prepofe a ces Salines, en a examine avec attention toutes les manoeuvres, &, comme il arrive ordinairement , les regards du phyficien ont non-feulement eclaire, mais encore enrichi l'art fur lequel ils fe font portes. L'academie a rendu compte au public, en 1758 (c), des premieres ten- tatives de M. Haller-, il en refultoit que la maniere ordinaire de traiter l'eau des fources falees, faifoit non-feulement perdre beaucoup de fel & con- fumer beaucoup de bois inutilement, mais encore qu'elle alteroit confi- (a) Voyez Mem. it VJcad. 1763. ci-deflus. (4) Voyez Hiftoire de 1'Academie 1748 & 1762. Colled. Acad. Part. Fr. Tome X. it ci-deffus. (O Voyez Hiftoire de 1'Academie 1758. ibid. Tome XII. DE L'ACADEMIE ROYAIE DES SCIENCES, m disablement la qualite dti 111 qui en etoit le produit; il en concluoit que ^— — la fimple expolition dc l'eau au foleil dans des baftins larges & pen pro- p fonds, etoit une facon de tirer le fel des eaux falees beaucoup meillcure & H Y x Q u El beaucoup moins difpendieufe. Quoiqu'il eut des lors fait quelques expe- AnnU 1"6a, liences de cette methode, il ne l'avoit pas encore employee en grand, & on ne pouvoit guere la regarder que comme line idee heureufe -, aujour- d'hui on peut parler plus amrmativement : des experiences fuivies & f.iites en grand pendant plufieurs annees, l'ont mis en etat d'cvaluer le produit de fa methode & de remedier aux inconveniens qui pouvoient en rendre I'lifage plus difficile on nioins utile, & ce font ces recherches qui font le fujet du memoire duquel nous allons eflayer de rendre compte. M. Hallcr commence par rapporter les defauts qu'il avoit remarques dans 1'ancienne mithode : ces defauts font au nombre de quatre : le premier eft la perte d'eau falee qu'occalionne le vent dans les batimens de graduation*, cette perte eft confideiable. Quand on fuit ces batimens du cote oppofe au vent, on y eft inonde d'une rofee falee qui fait profperer, dans une aifez grande largeur de terrain, les plantes qui, comme lejhlicor ou h/oucie, ne fe trouvent ordinairement qu'au bord de la mer : il eft vrai qu'on peut parer cet inconvenient , en arretant le travail pendant le temps ou le vent eft Un peu fort; mais ce remede, qui fait perdre un temps fouvent pre- cieux , eft lui-meme un tres-grand inconvenient. Les bois des auges, des pompes & de tout le batiment, retiennent une fi grande quantite de fel que les debris qui en proviennent ne peuvent que tres-difticilement briiler. Ces batimens etix-memes, occafionnent une tres-grande depenfe, tant parce qu'ils coutent a batir, que parce que 1'ebranlement continuel des pompes les detruit afTez promptement; les Opines qui fervent a 1 evapora- tion , fe chargent d'une efpece de tuf qui oblige a les changer fouvent & enfin les chaudieres de fer, qui fervent a l'evaporation par le feu, s'ufent tant par Taction de ce feu que par celle du fel qu'elles contiennent , & forment encore par-la un objet de depenfe. Le feu , quelque mitige qu'on le fuppofe , ne l'eft jamais afTez pour ne pas enlever, dans le temps dc l'ebullition , une partie de l'acide marin qui s'eleve avee la vapeur de l'eau; il en refulte une diminution de la quan- tite de fel & une moindre qualite dans celui qui fe forme, & e'eft la rai- fon pour laquelle le fel marin eft toujours meilleur que les fels cuits air feu, parce que l'eau n'a ete evaporee que par une chaleur ties- douce & incapable d'en enlever l'acide & de le decompofer; ce dechet eft enorme & va quelquefois a la moitie de la quantite de lei qu'on auroit eu lieu d'efperer. Ces inconveniens avoient pari! fi confiderables que les predecefkurs de M. Haller avoient tente de fubftituer d'autres moyens d'evaporer l'eau lalee aux batimens de graduation & a l'ebullition de l'eau. La premiere tentative avoit cti de fe fervir de la gel'ie pour concentrer l'eau falee, comme on fe fert du meme moyen , pour concentrer le vinai- gre; mais ce moyen ne put reuffir, l'eau, quoique falee, fe geloit , & par iii ABREGE DES ME MOIRES ■ confequent c'etoit autant de fel perdu, & de plus, quand on auroit pu faire difparoitre cet inconvenient , le froid n'eft pas affez conftant dans le P ii y s i Q u e. canton qU'habite M. Haller pour qu'on put I'employer a cet ufage. Annd 1764. -A" defaut de ce ruoyen, on avoit entrepris de graduerparfubftdence; on croyoit qu'en laiffant repofer l'eau trcs-long-temps dans des vaiffeaux un peu creux, la paitie de cette eau la plus chargee de fel iroit au fond, & que par confequent en faifant ecouler celle de la furface , il refteroit une eau fuSifamment concentree pouretre portee aux chaudieres-,M. Haller voulut s'affurer du fait par des experiences : apres avoir fait remplir d'eau falec un grand baffin profond dc 7 pieds \, il laiffa repofer cette eau qua- rante jours, alors il en prit une bouteille a la furface, une au milieu de la profondeur & une tout au fond du baffin , les deux premieres avoient precifement le meme degre de falure , & celle du fond n'avoit gagne II +fi°t° plus , il emplit de la meme eau falee un tuyau de fer-blanc de 3 3 pieds, & apres 1 avoir ferme & place verticalement , il le laiffa en repos pendant cinquante-fix jours ■, 1'ayant ouvert au bout de ce temps, il trouva qu'il s'etoit perdu environ 1 5 polices d'eau , fans qu'on put deviner par oil, l'eau la plus haute avoit perdu environ -^- de fa falure •, a 1 1 pieds au- deffous, elle etoit a-peu-pres au meme degre, & celle du fond n'avoit augmente en falure que d'environ -^; cette methode eft done abfolument infufhfante , & M. Haller fut contraint de l'abandonner. Voyant done qu'on ne pouvoit fubftituer aux batimens de graduation , dont il avoit reconnu les inconveniens, ni la gelee ni la maniere de gra- duer l'eau par la fublidence , il ofa imaginer de faire dans fon gouveme- ment de l'Aigle ce qu'on fait au bord de la mer & d'y evaporer l'eau par le moyen du foleilj la chaleur y eft en ete audi grande que dans la Sain- tonge & dans l'Aunis, oii font les plus grandes falines de France, & l'eau des fources y eft trois fois plus falee que celle de la mer; elle a done be- foin d'une evaporation trois fois moindre. Les materiaux propres^ pour la conftruction des baffins ne lui manquoient pas , le rnaibre^ & l'afphalte etoient a fa portee, mais il falloit parer quelques inconveniens qui s'of- froient : il falloit, par exemple, veiller a ce que l'eau ne fe put perdre, $ ce que la pluie, en la furchargeant d'eau douce, ne retardat point l'eva- poration , & enfin a ce qu'on put profiter de toute la faifon propre a l'eva- poration. 1 Le raifonnement pouvoit fournir a M. Haller des moyens de remedier ^ quelques-uns de ces inconveniens-, l'experience feule pouvoit fournir des remedes aux autres : il fe hata done de la confulter. Ses premiers effais furent faits a l'Aigle dans nn baffin de bob de 24 pieds \ de long fur 14. de large ; il le couvrit d'un toit mobile qui put le mettre a l'abri de la pluie dans les mauvais temps, & qui etant abattu, put faire, en fe ran- geant du cote du nord, une efpece de reverbere qui augmentat 1'ardeur du ioleil, & ce fut pour cette raifon que M. Haller le fit imprimer en Wane. Au bout de ce baffin , qu'il avoit place fur des efpeces de pieds d'envi- xon 18 polices de hauteur, il en conftruilit un plus petit de marbre.pour DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 113 exhaler l'eau qui, devenue trop concentree dans le grand baffin , auroit — — — »— eu line evaporation trop lente : on conftruilit de pareils baflins, mais un p pen plus petits, a la faline de Bcvieux, & on commenca a les employer 8¥S 1 Q ' '• c" '7?$>- , , . Annie 1764. L'experience donna, corame M. Haller s'y attendoit bien, la deciiion des qucftions fur lefquelles elle etoit confultee; elle fit encore plus, elle Iui apprit bien des chofes utiles & necefiaires qu'il n'.iuroit certainement pas devinces; elle lui fit voir, par exemple , que les baflins poles a platte terre exhaloient mieux & que la chaleui s'y failoit fentir plus vivement que lorf- qu'ils etoient loiitenus fur des pieds ; que ces baflins ne pouvoient conte- nir qu'une hauteur d'e.iu trcs- mediocre, parce que des que cette hauteur devient un pen conliderable, l'eau agit avec tant de force contre les parois du baffin qu elk les perce & s'y ouvre un paflage a trayers les ais les plus fains; M. Haller n'a jamais pu contenir l'eau dans les baflins de bois quand elle y a eu plus de 5 pouces, & il penfe qu'on ne pourroit guere en met- tre plus de 9 pouces dans un baffin de marbre cimente d'afphalte. L'eau falee depofe dans les baflins, oil on la fait evaporer au foleil, les memes matieres qu'elle depofe dans des chaudieres oil on la fait evaporer par le moyen du fen; on y retrouve les memes concretions de matieres gypfeufes, connues fous le nom dejckelotj le meme fel amer , les fels de- liquefcens, en un mot tout ce qui fe fepare pendant la cuite du veritable fel marin , a cela pres que comme l'evaporation eft plus lente , cette fepa- ration eft bien plus exadte. Le fel qui le forme au foleil eft effentiellement different de celui qui fe forme au feu : non-feulement il en differe par la figure de fes grains ab- folument cubiques & folides , au-lieu que le fel fait au feu eft compofc de pyramides creufes & formees en degres comme le pied d'une croix(a), mais il en differe encore plus par fa qualite-, il eft opaque, tres-dur, bien plus pelant que le fel fait au feu, s'humedle beaucoup moins a l'air & il prend une odeur de violette que n'a jamais le fel cuit au feu •, il contient beaucoup plus d'acides, & les experiences de M. Haller ont fait voir que cette difference etoit dans le rapport de 4 a y, enfin on obtient par l'eva- poration au foleil beaucoup plus de fel que par la graduation & le feu •, on n'a guere par ce dernier moyen qu'environ les deux tiers du fel que l'eau paroit contenir, au-lieu que par l'evaporation au foleil, la quantite qu'on en retire eft a tres-peu-pres la meme que celle que donne le calcul : dif- ference qui vient probablement de la decompolition du lei par l'cbullition, du moins M. Haller s'eft-il affure que la fumee des chaudieres rougiffoit le papier bleu, & que des linges qui en avoient etc imbibes, contenoient beaucoup d'efprit de fel, inconvenient qui non-leulement diminue la quan- tite du fel d'un tiers , mais qui altere meme la qualite de celui qui refte , par la quantite d'alkali furabondante qui s'y trouve melee, ce quel'onevite iiirement en faifant evaporer l'eau au foleil : le detail que M. Haller donne de fes operations, en fournit les preuves les plus complettes. (a) Voyez Hiftoire de I'Acad. 1745. UiJ. Tome IX. Tome XIII. Partie Francoife. P i,rt ABREGE DES MEMOIRES _._ ,„,., i ,1, II ne faut pas au refte s'imaginer qua chaleur egale du foleil il s'evapore des quantites egales en temps egaux , l'experience d'accord en ce point P h 1 s y Q u e. avec ja tn^orie a fa;t voir qU'a meftire que l'eau fe concentroit elle deve- Ann& I1G4. noit plus lente a s'evaporer, & c'eft pour cela qu'aux grands bafllns d'eva- poration qua fait conftruire M. Haller, il en a joint par- tout de plus pe- tits pour faire evaporer ces eaux concentrees & reduites a une petite quan- tite, fans interrompre l'evaporation plus rapide de l'eau nouvelle dont on remplit les grands bafllns. Pour mettre abfolument fous les yeux la portee de la methode de M. Hal- ler, il a joint a fon memoire des tables fuivies, de l'evaporation de l'eau dans fes baffins , pendant les annees 1759, 1760, 1761, 1761, 1763 & 1764, avec l'etat du ciel , le degre du thermometre chaque jour pendant la faifon & le produit en fel a la fin de chaque evaporation. Nous difons pendant la faifon, parce qu'il n'y a qu'un certain temps de l'annee propre a l'evaporation, on tenteroit inutilement de la faire en hi- ver, elle feroit abfolument nulle, rneme dans les jours les plus lees & par le vent du nord : il n'eft pas queftion dans cette operation d'enlever l'eau, feul effet que le vent pourroit operer ; il l'enleveroit toute falee, mais de la reduire en vapeur ou de la diftiller, pour ainfi dire, pour lui faire aban- donner fon fel , & c'eft ce que la feule chaleur peut operer : voici le re- fultat tres-abrege des obfervations de M. Haller. ^evaporation ne peut avoir lieu que depuis le commencement de mars jufqu'a la fin d'odobre , avant oil apres ces termes elle eft phyliquement OU^e* > r En prenant un terme moyen entre les fix annees d'obfervations de M. Haller, voici quelle eft la marche de l'evaporation : en mars d'envi- ron 15 lignes, en avril de 35 lignes, en mai 48 lignes, en juin 44 lignes, en juillet47 lignes , en aout 55 lignes |, en feptembre 25 lignes i, &enhu en octobre 1 5 lignes : il refulte de tout ceci que l'evaporation annuelle peut etre evaluee dans le lieu 011 M. Haller a fait fes obfervations a 265 lignes i, oui pied 1 o pouces 1 ligne ±. Les experiences de M. Haller ont done ouvert une nouvelle route pour fe procurer avec les memes eaux falees une quantite plus confiderable de meilleur fel avec bea.ucoup moins de frais qu'on ne pouvoit en tirer par les methodes ordinaires. Ceux qui blament ^application qu'on donne aim fciences , ignorent certainement qu'elles font & qu'elles ont toujours etc les bienfaitrices du genre humain. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, uy Physique. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE CENERALE. A . *■ Annie 1704. R . i£N n'eft G commun fur la mer que 1'efpece de meteore connu fbus le Hift. nora de trombe ou typhon ; mais il ell extrememcnt rare d'en obferver fur terre & dans les rivieres-, en voici line de cette derniere efpece obfervee par un officier qui avoit eu fouvent occasion de voir & d'obferver des trombes dc mer : M. du Bourdieu, ancien commandant pour la compagnie des indes an fort de Judda en Afrique, a mande a M. Bailly, qu'etant lc 23 Juin 1764, a Limay pres Ville-neuve Saint-George, a demi-licuc de la Seine , par un temps charge & orageux accompagne d'eclairs & de tonnerre, il appercut vers les 10 heures du matin une trombe qui avoit le pied dans la riviere, & qui s'elevoit en ferpentant jufqu'aux nuees, faifant en gros avec l'horizon un angle d'environ 7odegres,il la jugea large d'en- viron } pieds a l'extremite qui touchoit aux images , fa largeur etoit moin- dre a la fuperficie de la riviere , & fa longueur etoit formee par cinq ou fix linuolites ; il y avoit des parties plus tranfparentes qui Iaiffoient apper- cevoir l'afcenfion de l'eau ; la trombe laifloit in erne a quelques endroits echapper une efpece de brouillard , elle avoit creufe dans la riviere uo baffin dont M. du Bourdieu ne put mefurer letendue a caufe de 1'eloigne- ment : ce phenomene dura a-peu-pres un quart- d'heure, alors la colonne fe rompit au tiers ou environ de fa hauteur, la partie inferieure retoniba en pluie & la fuperieure fut pompee par le nuage avec tant de vivacite que M. du Bourdieu affure qu'elle fut abforbee en une feconde de temps, le phenomene fut fuivi d'une forte grele. I I. On rcgarde communement les fouines comme des animaux dangereux pour la volaille , mais on ne s'etoit pas encore avile de penfer qu'elles puffent letre pour les homines, l'exemple fuivant fera voir ce qu'on doit penfer fur cet article. Au commencement de 1758 , une femme du village de Chaumeny, pres l'Aigle en Normandie , laiifa un enfant de neuf mois dans fon ber- ceau pour aller dans fa cour •, les cris de l'enfant la rappellerent bientot aupres de lui ; elle le trouva tout en fang, fon bonnet ote, la tete percee de deux trous, le front & les mains ecorches ; elle chercha la caufe de cet accident, & ne la trouvant pas elleappella fes voilmes, celles-ci a force de recherches crurent appercevoir un animal cache dans un trou de la muraille, & elles fe tinrent tranquilles pour tacher de l'attraper s'il reve- noit a la charge-, il y revint en etfet & elles le prirent, e'etoit une fouine qui, la nuit precedente, avoit etrangle fix poules a cette femme, elles P ij iwJ ABREGE DES MEMOIRES — — — — — » avoient ete pendues an plancher ; la fouine attiree par 1'odeur etoit entree ■n & en avoit Fait tomber line quelle avoit maneee, eile s'etoit enfuite adref- ' fee a 1'enFant qu'elle auroit vraifeinblabk'uient devore h on lui en avoit Annie 1764. donne le temps : heureufement les plaies qu'elle lui avoit faites n'etoient pas mortelles, & il a gueri de cet accident. I I I. L'academie a rendu compte ail public en 1751 (a) du Fait tres-fingu- lier dun ruiffeau dont l'eau etoit inflammable & prenoit Feu a la lumiere d'un flambeau lorfque celui qui le portoit marchoit dans certains endroits creux du lit de ce ruiffeau, on foupconna des-lors qu'il s'etoit amafle en ces endroits quelque limon FulFureux dont la matiere inflammable pouvoit s'exhaler au travers de l'eau & prendre Feu a fa furface a la moindre ap- proche d'une flamme etrangere. De nouvelles obfervations faites avec un tres-grand foin par Mrs- Bougiere & Peliflier de Barri, ingenieurs geogra- phes, & le dernier juge des baronnies de Miremont & de Limeuil, ont change ce foupcon en certitude : ils fe font d'abord tranfportes au lieu oil avoit ete faite la premiere obfervation , & ils ont remarque qu'en mar- chant dans l'eau on troubloit un limon fin & non glaifeux, duquel il for- toit une tres-grande qumtite de bulles, qui venant a crever a la furface de l'eau, y repandoient une vapeur inflammable capable de s'allumer a l'approche d'un flambeau 011 d'une torche de paille ; la flamme qui s'en eleve ell: bleuatre, elle a a\-peu-pres autant de chaleur que du papier en- flamme, & on y a allume des etouppes & des allumettes; preuve evidente que e'eft une inflammation reelle & non une lumiere purement phofpho- rique : cette flamme dure jufqu'k ce que la vapeur inflammable foit con- fumee, & lorfqu'elle l'eft on tenteroit inutilement de repeter l'experience-, il Faut laiffer a l'eau le temps de Former de nouvelles matieres : le meme phenomene s'obferve dans prefque tous les riiiffeaux , les etangs & les re- fervoirs du canton; M"- de Barri & Bougiere l'ont obferve par-tout ou ils fe font tranfportes ; ils attribuent cette propriete aux mines de fer dont tout ce diftricT: abonde & qui procurent aux eaux qui y paflent des ma- tieres fulfureufes & inflammables, qu'elles vont enfuite depofer dans le lit oil elles coulent, du moins eft-il bien certain que le terrain n'y contribue en rien •, M". de Barri & Bougiere ont fait creufer un petit refervoir J cote d'un etang oil le phenomene avoit lieu; le fond a ete bientot de- trempe & converti en une boue tres-fine, mais on a eu beau l'agiter, elle n'a jamais donne de matiere inflammable , & il paroit qu'il n'y a que les feuls depots que l'eau amene qui foient eapables de la produire. (a) Voyez Bifi. 1731 , CoHeSion Acad^mique , Pmtie Fransoil'e, Tome VII. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. u7 I V. Physique. M. l'abbe Nollet a fait voir a 1'academie deux afliettes de vermeil de Annie 1-764. la vaiffelle du roi , trouvees dans la fofle d'aifance du chateau de Com- picgne , & dont le metal avoit eprouve une alteration linguliere. Les par- ties de ces afllettes qui etoient bien dorees n'avoient fubi aucun change- ment; mais a celles oil la dorure avoit ete ufee & fur- tout a la bordure qui etoit appliquee avec de la foudure, le metal n'etoit plus reconnoiffa- ble; il etoit devenu d'une couleur noiritre , plombee, bourfouflee, & formant une elpece d'incruftation caffante, friable & trcs-peu adherente a la paitie faine du metal qui etoit reftee deflbus : l'une des deux alTiettes qui avoit etc abfolument entouree de la matiere, etoit pcrcee en plufieurs endroits •, l'autre qui avoit ete trouvee appliquee contre le mur n'etoit alteree que par l'autre cote. Mrs. l'jbbe Nollet & Macquer, que 1'academie chargea d'examiner avec foin ces afllettes, commencerent par s'aflurer que cette concretion n'etoit par l'erlet du vert-de-gris produit par le cuivre de l'alliage, ils n'y en trouverent aucune trace, elle n'etoit pas non plus dans l'etat falin, e'eft-a-dire, unie avec des matieres qui lui donnalicnt la propriete de fe fondre dans l'eau , mais elle leur parut reflembler beau- coup a la mine d'argent fulfureufe dans laquelle l'argent eft min^ralile par le loufre : pour s'en affurer, ils mirent environ deux gros de cette in- cruftation dans un petit creufet rougi au feu ; la flamme bleintre qui en fortit & l'odeur de loufre qui s'en exhala leur firent connoitre que leur conjecture etoit jufte & qu'une portion de l'argent avoit ete attaquee & remife dans l'etat de mineral, par le foufre qui fe produit apparemment avec le temps dans les fofles des latrines. II refulte de ce fait Imgtilier ofFert par le hafard, que le metal depouille du foufre avec lequel il etoit uni dans d mine . peut de nouveau fe recombiner avec lui fans le fecours du feu ni d'aucune fulion •, pourvu qu'il foit expofe pendant un temps luffifant a Faction du foufre tenu en dillblution ou reduit en vapeurs, Sc enfin que le foufre n'ayant aucune action fur l'or, les parties des afllettes dont la dorure etoit entiere u'ont du eprouver aucune alteration. V. Quoique le mois d'o&obre 176;, eut ete tres-fec en Rouflillon & dans toute la partie meridionale du royaume , & que le 1 8 du meme mois il ne flit tombe qu'une petite pluie; cependant les trois principals rivie- res de Gly, de la Tec! Sc de la Tech , Sc fur-tout cette derniere, s'en- flerent & deborderent fubitement au point de ravager toutes les campa«nes voilines, de rouler avec elles des pierres & des arbres d'une groffeur con- fiderable, & de detruire fur le pauage des ponts, des martinets, des moti- lins, des granges & grand nombre de maifons; plufieurs perfonnes & une aflez grande quantite de beftiaux perirent dans ce defaltre qui s'eft princi- paleiuent fait lentil dans le haut Vallpir Sc dans les deux villes d' Aries a i iS A B R E G £ DES ME MOIRES — "g ~— de Prats de-Moliou-, dans cette derniere il y tut quatorze perfonnes noyees „ & dix-neuf maifons emportees. r H Y S I Q U E. /-i • I fp I ..,1,1 ■ ■ 1 11 . . , „ (^uoique la 1 ech ait fait le principal ravage , la plus grande quantite d eau Annie ij6q- ne venoit ni de fa iource, ni d'elle-meme, mais de. quatre forts ruiffcaux, nommes le Parfigole , le Cainala.de , le Figuere & le Tech de Rieujeres , tirent leur fource du Canigou, la plus haute montagne des Pyrenees, le premier renverfa une montagne de rochers entalles , dont il y en avoit qui pefoient jufqu'a trois milliers , & il les entraina avec une fi grande violence qu'il en ibrtoit du feu ptoduit pat leur choc : il detruifit & deracina tout fur fon palfage, les autres ne cauferent pasmoins de dommage : le ruiileau de la Figuere a entre autres chofes tellement ronge le terrain, qu'un eboule- ment qu'il a caufe a fait decouvrir un moulin enterre par un eboulement de la montagne, depuis plus de trois cents ans, & dans lequel on a trouve un chauderon & quelques ultenliles de cette efpece qui s'y etoient con- ferves. Le ruifleau de Tech de Rieuferes a fi bien creufe le tour d'une !>etite plaine, que le village qui lui donne fon nom & qui etoit au mi- ieu de cette plaine , fe trouve aujourdhui place fur le fommet d'un cone tronque-, & independamment des eaux de rivieres, il a paru de tous cotes • des jets d'eaux & des fources abondantes fortant de la terre : on pent juger du dommage caufe par un tel accident , on ne fe rappelle pas dans le pays d'en avoir effuye un pareil, & on croit qu'il a en pour caufe quelque feu fouterrain ou quelque tremblement de terre dans les Pyrenees, les phe- nomenes obferves le peuvent aflez bien rapporter a cette caufe. L'acade- mie tient ce detail dune lettre qui lui a ete ecrite par M. Marcorelle, de 1'academie des fciences & belles lettres de Touloufe fon correfpondant. Chtte annee parut le fixieme volume des legons de phyfique experi- mentale, par M. l'abbe Nollet. Ce volume contient les XVIII, XIX, XX & XXI. Iecons : la dix- huitieme qui eft la premiere de ce volume , traite du mouvement des af- tres & des phenomenes qui en refultent : les aftronoines ont fuppofe divers arrangemens de l'univers pour rendre raifon des apparences oblervees-, ces arrangemens connus fous le nom de fyftemes font detailles par M. l'abbe Nollet, dans un abrege clair & methodique par lequel il commence cette lecon : mais pour fe mettre a la portee d'un plus grand nombre de lec- teurs , il y donne la defcription de la machine connue fous le nom de Plane'taire ou d' Orrery 3 qu'il a beaucoup fimplifiee & qui prefente a l'oeil du fpedateur ce qui n'avoit ete prefente qua fon efprit. M. l'abbe Nollet en explique toutes les parties & fait voir comment par leur jeu & leurs mouvemens, on peut leur faire reprefenter l'arrangement des planetes, leurs mouvemens, leurs excentricites, leurs fhtions , direiftions & retrograda- tions, leurs latitudes, leurs conjon&ions & oppofitions •, & les phafes difte- rentes des planetes qui y font fujettes : en mettant ainli les phenomenes fous les yenx, l'explication s'en prefente, pourainli dire, d'elle-meme, & il ne s'agit que de choilir l'ordre dans lequel on la doit prefenter pour quelle foit la plus claire qu'il foit poffible : c'eft a quoi M. l'abbe Nollet DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 119 s'cft fur-tout applique j il y donne en paflant la raifon dc la figure fpheri- — — — — . que du cic-1 & de fa couleur bleue, il y Joint Ies noms des differentes conftellations, la determination des diftances & des revolutions des pla- " H Y s 1 Q u fc. netes, tant principales que fecondaires, & indique a ce propos la fametife Annie 1764. regie de Kepler, qui fixe la proportion qui fe trouve entre la diftance & la revolution de chaque planete, il fait voir que les orbites des planctes font des cllipfes an foyer defquelles le foleil eft: place , au-Iieu que Ptolo- mee dans fon fyfteme en failoit des efpeces dcpicyclo'ides rentrantes & formant des nauds : que les cometes ne different en ce point des pla- netes que par l'immenlite & ["extreme excentricite de leurs orbites qui ne nous permettent de les appercevoir que dans une tres-petite partie de leur revolution, & il en deduit avec raifon que ces aftres font une efpece de f)lanetes audi anciennes que les autres, qu'elles fuiveiu la meme loi dans eurs mouvemens, & que par confequent elles n'ont jamais pu etre raifon- nablement regardees comme des lignes de la colere divine, n'annoncant au contraire, comme tous les autres corps celeftes, que la profonde fagefle & la puiffance infinie du Createur ; il donne lln abregc de la theorie des eclipfes , de la niefure & de la divilion du temps & les notions principales du calendrier-, en un mot, cette lecon eft; un traite de fphere d'autant meilleur que 1'expofition des phenomenes & leur explication font par-tout fuivies de remarques qui en indiquent les applications. La dix-neuvieme le$on a pour objet les proprietes de l'aimant : tout le monde connoit les proprietes attractive & directive de cette pierre , mais tout le monde ne fait pas a quel point ces proprietes dilrerent en energie dans une pierre ou dans l'autrei M. l'abbe Nollet commence cette lecx>n par donner des moyens de les reconnoitre & de s'en affurer-, non-feule- ment on peut reconnoitre la force d'une pierre d'aimant, mais encore on petit l'augmenter, l'art a trouv^ les moyens de raffembler & de concen- trer, pour ainti dire, cette force dans des pieces d'acier appliquees con- venablement a la pierre, & qu'on nomine armures, & M. l'abbe Nollet entre dans le detaiL intereffant de cette operation & des applications cu- rieufes qu'on en peut faire : l'art a ete encore plus loin , il eft parvenu a former des aflemblages de barres ou lames aimantees qu'on nomme aimans artificiels , & qui ont toutes les proprietes des meilleures pierres dans un degre bien fuperieur a celui de ces pierresv il y a plus, on a imagine dif- ferens moyens d'augruenter prodigieufement la vertu qu'une pierre peut communiquer a ces lames &: meme de s'en paffer abfolument & de leur communiquer une trcs-grande force magnetique fans aimant. M. l'abbe Nollet rend compte, dans cette lecon, des differentes deconvertes faites depuis quelques amices, tant en France qu'en Angleterre, par M"- du Hamel , Antheaulme, Knight, Canton, Mitchell, &c. & des tentatives qu'il a faites pour reconnoitre li l'aimant artiheiel gagneroit a etre arme de tous les moyens employes a ces differens ufages. Une des plus utiles proprietes de l'aimant, eft la facults qu'il a de fe dirigcr conftamment vers la partie du nord ; e'eft la bale de l'admirable invention du compas ou boufi'ole de mer & de celles dont on fe Gut a jig ABREGfi DES MEMOIRES ■■I ■ ii .■— tcrre : M. l'abbe Nollet donne la conftru&ion de ces inftrumens & dc ccux qui fervent a determiner la declinailon de 1'aiguille, c'eft-a-dire, s i Q u - l'angle qu'elle fait avec la ligne meridienne, & fon inclinaifon , c'eft-a- Annci 1764. dire, celui qu'une aiguille bien mile en equilibre fait avec 1'horizon des qu'elle eft aimantee. Toutes ces phenomenes conduifent naturellement a en rechercher les caufes, & les phyilciens ne fe font pas epargnes dans cette recherche, M. l'abbe Nollet rapporte les differentes opinions qu'ils ont publiees a ce fujet, mais il faut avouer, & il ne le diflimule pas, qu'il s'en trouve bien peu de fatisfaifantes, & que malgre tous leurs efforts, on eft encore bien peu avance fur ce point. La phyfique eft feconde en merveilles, & celles de I'ele&ricite ne lc cedent point a celles de l'aimant : c'eft elle qui fait 1'objet de la XX«. & de la XXIe. lecon de M. l'abbe Nollet. II divife d'abord I'electricite en deux efpeces, la naturelle & 1'artificielle ; la naturelle eft celle qui excite d'elle-meme & par des caufes inconnues dans notre atmofphere & qui eft la caufe du tonnerre : M. l'abbe Nollet fe contente d'indiquer celle-ci & n'y revient que lorfque quelques phenomenes l'y conduifent; l'electricite artificielle, celle qu'il nous eft donne d'exciter, a l'aide de certains inftru- mens , eft le principal objet de M. l'abbe Nollet dans ces deux lemons ', il y reprend , mais tres en abrege , les principes qu'il a donnas fur cette ma- tiere en 1746, & dont l'academie a rendu compte alors dans ion hif- toire (a), & les applique a l'explication des faits qu'il prefente. Ces deux lemons font partagees en trois fecHons, la premiere traite de la vertu ele&rique, des moyens de la faire naitre & des lignes auxquels on peut reconnoitre fa prefence & fon intenfite : les experiences que donne M. l'abbe Nollet pour etablir les caradteres de la vertu eledtrique , font tres-propres a repandre un grand jour fur cette matiere , mais il faut bien prendre garde que dans certains cas indiques par M. l'abbe Nollet, des corps, qu'on auroit prefque lieu de regarder comme non eleiftrifes , operent d'une maniere tres- marquee tout ce qui annonce une forte elettricite. La feconde feftion contient tout ce que l'experience a pu nous faire connoitre de plus certain & de plus propre a nous eclairer fur la caufe des phenomenes eledtriques , il s'y trouve quelques faits qui ont ete conteftes: M. l'abbe Nollet prend le parti de mettre fous les yeux du ledteur les paf- fages des phyliciens connus qui depofent en favcur du parti qu'il adopte, feul moyen qui rcfte en pareil cas •, il en fait de meme a l'egard de la diftindion qu'on a voulu introduire entre les aigrettes & les points lumi- neux-, il apporte, pour prouver fon fentiment, plufieurs faits qui tendent a etablir que les uns & les autres font dus a une matiere effluente. Enfin la derniere feftion eft abfolument deftinee a appliquer les princi- pes etablis dans les deux premieres a la recherche de la caufe generale & immediate des phenomenes elecfriques. On juge aifement combien cette partie doit etre intereffante par la liaifon que les faits y re9oivent, par la facilite avec laquelle on les fait, pour ainfi dire, deriver les uns des autres & par les remarques dont ils font accompagnes, nous ne pouvons pas (a) Voyez Hift. 1746, Colled. Acad. Part. Fran?. Tome X. meme DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, izi meme nous refufer d'indiquer an ledeur cellcs qui out pout objet la f.i- ,. mcufe experience de Leydc; mais comme la plunart de ces objets tendentp H Y j"i Q U E. a atfermir les ptincipes pofes par M. l'abbe Nollct dans l'ouvrage cite ci- delTus, nous ne pourrions y entrer fans tombet dans des redites, & nous Anne'e f/64. croyons devoir ptier le le&eur de vouloir bien recourir a ce que nous en a/ons dit alors & dans plulicurs autres endroits de l'hiftoire de l'aca- demie. Lcs objets interelTans dor.t ce volume eft rempli & la maniere nette & precife avec laquelle M. l'abbe Nollet lcs a traites, le rendent im des plus cutieux ouvrages de ce genre & digne d'aller a la fuite de ceux du meme auteur qui l'ont precede. SuR LA THEORIE CENERALE DE LA DlOPTRIQUE. X l eft fouvent utile & toujours agreable que les principes generaux des ^^ fciences fe trouvent ralTembles , & comme rapproches les uns^ des autres ; yinn(c fj6$. ils en deviennent prefque toujours plus lumineux, & ceux memes qui les out vus detailles feparement plus au long , les retrouvent raffembles^vec Hift. plus de plaifir. C'eft ce qui a engage M. Euler a raffembler dans un feul mefmoire , & fous un petit nombre de formules, prefque tous les principes de la diop- trique i & l'efpece de revolution que cette fcience vient d'eprouver par 1'invention des lunettes achromatiques, rend ce travail encore phis utile : nous allons eflayer de prefenter I'efprit de fa methode. II fuppofe un nombre quelconque de furfaces convexes , fpheriques & refringentes, placees les uns les autres a certaines diftances, fur un axe com- mun qui joigne tous leurs centres de convexite, & toutes ces convexites tournees du meme fens vers un certain objet. II eft certain que les rayons partant de cet objet, fe rompront en paf- fant au travers de ces furfaces refringentes & formeront au foyer de cha- cune, line image de cet objet, qui fera alternativement diredte 011 renverfee felon que le nombre des furfaces fera pair ou impair, & qn'enfin i'imagc qui fe formera au foyer de la derniere furface refringente , fera vue par 1'tril place derriere a line certaine diftance, d'autant plus grande que les fur- faces refringentes auront caufe plus d'ecartement aux rayons. Les rayons de ces furfaces etant connus , M. Euler commence par^ eu fairc les donnees oil conftantes de fori probleme ; il y fait entrer de meme la loi de refiingence de chacune de ces furfaces, mais ce qui eft extrcme- ment adroit, il rend cette quantite variable fuivant la nature des rayons differemment refrangibles; ce point eft comme la clef de tout ce qu'il dit dans ce memoire. Suppofant done d'abord des rayons moyens entre les plus & les moins refrangibles, il recherche avec (bin la route de ces rayons, leurs interfec- tions avec 1'axe, la grandeur des images qu'clles prodilifent an foyer de Tome XIII. Partie FranSoiji. Q nz abreg£ des memoires n — — «■ chaque furface refringentes , le petit ecartement que prennent entre eux p les rayons du centre & ceiix des extrefhites de l'objet, a railon de la figure " fpherique des furfaces qui ne reimit pas tons les rayons en meme point , Annit ll^S- & enfin I'agrandifTcment de l'image ail foyer de la derniere lentille. L'equation qui exprime les conditions de ce probleme ell done com- pofee de termes connus, an moyen defquels on exprime par les memes iymboles on par d'autres qui les reprefentent , la petite aberration des rayons, qui nait de la figure fpherique, & elle peut egalement s'appliquer aux lunettes en rendant la diftance de l'objet a la premiere furface comme infinie , & aux microfcopes en la fuppofant a une affez petite diftance de la premiere refringente. II eft evident qu'en faifant evanouir, oil all rnoins reduifant a Ieur moin- dre valeur poffible, les termes de l'equation qui tfxpriment l'aberration de fphericite, on parviendra a obtenir les proportions & les arrangemens des furfaces , qui feront les plus convenables a l'effet qu'on fe propofe , puif- que ce n'eft que par le moyen de ces proportions qu'on pourra pnrvenir a detruire l'aberration de fphericite, bien entendu qu'on ait eu egard dans ce calcul a la differente refringence de chaque furface •, la formule a la- qucrle arrive M. Euler prefente toutes les quantites neceffaires , exprimees par les fymboles mcme algebriques , qui ont forme l'equation , & qu'il n'y a plus qu'a realifer, pour ainli dire, felon le befoin. La meme equation donne encore, fous les memes expreffions , les ou- vertures qu'on doit donner a chacune des furfaces refringentes , le pou- voir amplifiant de 1'inftrument qui en fera compofe , les angles de cha- que rayon avec l'axe & le lieu ou l'ccil peut etre place le plus avanta- geufement pour appercevoir la derniere image apres le groflulement quelle a recu. Jufqu'ici nous avons fuppofe que tous les rayons etoient egalement re- frangibles , & e'eft la raifon pour laquelle M. Euler a pris leur etat de refrangibilite moyenne ; ils ne le font cependant pas & il naitroit de-li line autre aberration des rayons , differemment colores , qui feroit beau- coup plus incommode que la premiere & dont il s'agit de fe delivrer. M. Euler y parvienr en faifant varier , dans fon calcul, les termes qui cxpriment la refringence des furfaces , d'abord fuivant la refrangibilite des rayons qui l'ont la plus grande , & enfuite fuivant celle des rayons qui l'ont la plus petite , il obtient par ce moyen de nouveaux foyers & de nouvelles images, mais ces images ne font ni a la meme diftance, ni egales entre elles , & de plus elles font de couleurs differentes , ce qui cauferoit une confufion infupportable qu'il eft neceffaire de detruire. M. Euler y parvient en faifant varier les rayons de la courbure de fes furfaces refringentes & la grandeur des ouvertures qu'on peut leur don- ner, & il arrive par ce moyen a de nouvelles formules, mais il faut avouer que le calcul qu'elles prefentent eft effrayant, heureufement on peut employer un autre moyen trcs-ingenieux que donne M. Euler. Toutes les images colorces , produites par la leparation des rayons dif- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. nj fcremment refrangibles, font placees a des diftances ditferentes fur l'axc , -= t^ & de plus dies font inegales en grandeur, il fe trouve, par un heureux p H Y s I Q rj i. Iiafard, cjue les plus proches de Peril, font les plus petites : li done on imagine une ligne qui rale l'extremite de routes ces images, elle ira join- Annie lj6$. dre l'axe dans un point , & l'ccil place dans ce point verra l'image la plus proche dc lui , couvrir toutes les autres , & conime le melange de tous les rayons colores forme le blanc , il n'appercevra plus de couleur, quand meme il ne feroit pas poffible de reunir toutes les images colorees : on parviendroit done toujours a cinder prefqu'entierement l'inconvenient qu'elles produifent en placant l'ccil dans le point dont nous venous de parler , & M. Euler donne les moyens de le determiner. Nousavons dit qu'on eviteroit par ce moyen prefqu'entierement l'incon- venient des couleurs, car le calcul fait voir qu'il en reftera encore un peu, mais on peut remedier en grande partie a cet inconvenient, en failant, non pas evanouir, mais diniinucr dans l'equation le terme auquel il re- pond, on parvient a obtenir une combinaifon dans laquelle cette aberra- tion de couleurs devient inlcndble. Les forniules donnees par M. Euler, dans ce memoire, font, comme on voit, une clef generale de toute la dioptrique dont elles contiennent la theorie generale ; mais cette clef ne peut etre maniee que par une main prefqu'aufl] favante que celle qui l'a formee. La dioptrique entiere eft con- tenue a la verite dans cet ouvrage , mais elle y eft, s'il m'eft perniis de m'exprimer ainfi , comme une plante l'eft dans fon germe , & pour en ti- rer parti il faut , pour ainfi dire , la developper ; on voit affez par le pv;u que nous en venons de dire combien il falloit pofleder cette fcience pour la rcduire a des principes (i precis & il abrcges. Qii Physique. Annie. 1765. 124. ABREGi DES MEMOIRES O B S E R V A T I O N S SUR UNE MINE DE CHARBON DE TERRE, Qui brule depuis long- temps. Par M. Fougeeous de Bondaroy. Mem. V^etii mine oil Ie feu fe conferve & brule depuis plus de cent ans , fuivant le rapport des habitans du pays, eft fituee dans un endroit ap- pelle, Saint-Genis , la Terre-Noire , ou la Montagne-Brulee ; elle eft a trois quarts de lieue de la villi; de Saint- Etienne en Fores , dans un lieu peu eloigne de Chambon & de la meme paroiffe, fur la route du Puy, au fud du grand chemin qui y conduit. Une legere vapeur noire qui s'eleve de cette mine, annonce les endroits enflammeV, elle eft plus feniible dans certains temps que dans d'autres 5 quand il fait froid & apres une humidite produite par une rofee ou line petite pluie, la vapeur eft plus apparente , & pour lors on la voit mon- ter a trois ou quatre pieds de hauteur ; on m'a meme dit qu'on apperce- voit de la damme pendant la nuit. II s'exhale de ces endroits , & principalement de certains oil il s'eft forme des crevaffes ou des ouvertures, une odeur de foufre, aifee a re- connoitre par l'eftet quelle produit quand on la refpire •, cette odeur jointe a celle d'une terre mouillee qui fe deffeche, forment un melange qui reunit ce qui peut le rendre deiagreable. Quand on prefente la main a certaines ouvertures du terrain , on y reflent une chaleur aflez vive pour obliger de la retirer , & ne pas per- mettre de l'y laiffer plus long temps expofee fans courir rifque de fe bruler. Cette chaleur eft affez forte en quelques endroits pour donner aux pay- fans la facilite d'y cuire des pommes de terre; fans doute qu'ils font alfez pen delicats pour ne pas s'embarrafler du mauvais gout que la vapeur peut communiquer a ce mets frugal : peut-etre auffi l'habitude le leur fait-elle regarder comme un affaifonnement neceflaire" au gout peu releve de la poranie de terre. Ces foupiraux n'offrent pas tous la meme chaleur; on concoit aifement qu'elle doit varier fuivant la force du feu qui eft deffous : le feu chan- geant de place & fe portant avec plus de vivacite dans un lieu que dans un autre, il peut fe faire que les fourneaux qui procuroient , il y a quel- que temps, le plus de chaleur, n'en donnent aujourd'hui qu'une tres- foible; on voit meme des anciens fourneaux qui n'en communiquent au- cune & qui peuvent feulement fervir a tracer le chemin qua fuivi le feu. L'etcndue du terrain brule par ce feu fouterrain eft d'environ cent toifes DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. n, fur cinquante oil foixante dc largcur : les plantes n'y viennent plus, la"11" ' — -i— terre femble etre dcffechee, en qiielques endroitselle eft rouge, en d'.ui- p H Y s , Q v E tres elle a pris line couleur noire; tout l'efpace qu'occupe cette mine dans la portion qui a ete enflamm^e eft reconnoiflable, on y voit un derange- Anmfe ij6$. ment qui fcrt a l'indiquer, le terrain dans cette partie eft plein d'inega- Iites, d'elevations ou dendroits dont la terre maintenant artaiffee forme des cavites-, on y rencontre de groffes pierres qui ont ete ebranlees, on qui ont change de place, d'autres qui ont etc renverfees; certaines font bailees , fendues & ont pris line couleur jaune rougeatre qui les fait ref- fembler beaucoup au trtpoli ; (a) qiielques- lines ont fouffert un commen- cement dc vitrification ; les parties fe font liees , & differens morceaux aprcs avoir eprouve une efpece de fufion, fe font joints au point d'exiger aujourd'hui de forts coups de marteau pour les feparer. On imagine aifement que ces pierres vitrifiees ne font point attaqua- bles par les acides , elles ne fe vitrifieroient dans un laboratoire qu'a un feu violent & long-temps continue-, celles qui ont deja ete bailees dans la mine, exigent un plus grand feu pour les vitrifier que celles de meme nature qui n'ont point encore eprouve de chaleur audi confiderable ; les pierres calcaircs quand il s'en rencontre, ce qui n'arrive que rarement dans ce lieu, y fleuriflent on fe fondent apres la calcination & fe reduifent en terre par les pluies on l'humidite de fair. Je defcendis a l'endroit de la mine oil le feu paroit aujourd'hui etre le plus violent, dans une cavite affez coniiderable, formee par des terres qui s'y etoient aftaiifees : & j'y trouvai dans la partie la plus profonde & la plus reculee une ouverture de (Ix a fept polices de diametre, d'oii il for- toit une chaleur tres-confiderable •, la perfonne qui m'accompagnoit m'al- fura que ce changement etoit nouveau pour elle qui y paflbit fouvent, & qu'elle le voyoit pour la premiere fois-, elle craignoit qu'il n'y eut du dan- ger a s'en approcher de trop pres , & que le delfous du terrain etanr mini par la combuftion, il ne vint a s'enfoncer fous 1'obfervateur; je m'appercus aifement, en defcendant, que les terres ne formoient pas un fond folide fous mes pieds, & je cms prudent d'y refter en me tenant le mieux qu'il m'etoit poffible aux pierres voifines, dans la vue de men aider en cas que celles que j'avois fous moi vinffent a manquer ; j'ai tire de cet endroit les pierres vitrifiees dont je viens de parler , & j'ai trouve fur quelques- unes, proche la cheminee de ce fourneau, des fleurs de foufre qui s'y etoient fublimees. La chaleur qui fortoir, comme je l'ai dit , par cette ouverture, etoit tres-vive-, j'entendois un bourdonnement confidcfrable que je foupconnai d'abord produit par du vent qui auroit fait un bruit femblable en s'intro- duifant dans un reduit tortueux ■, mais j'entendis le meme bruit a l'ouver- ture de plufieurs fourneaux diftercmment expofes au vent, & d'ailleurs on m'aifura que ce bruit etoit plus fenfible par un calme parfait que lorfque le vent fouftloit, & il etoit peu violent ce jour-la-, enfin j'entendois ce (a) Je me propofe de fuivre la relTemblance qu'onl ces pierres brulc'es avec celies ae certaines carrieres de tripoli. n6 ABREGE DES MEMOIRES sm bourdonnement plus diftindtement par intervalles, ainil que le pourroit " produire un feu qui briileroit avec force & fe rallumeroit, excite par vm Physique. n0UVeau courant d'air. , - II paffe pour conftant dans le pays , que cette mine brule depuis enyi- Jlnnte 17 $• ron cgnt ans,, qu'auparjvant elle fourniffoit de tres-bon charbon, ainfi que celle des environs qui en domient fouvent de meilleur que celui d'Angleterre •, on montre encore aujourd'hui ou etoit l'ouverture de la mine : l'origine de rinflammation de cette mine paroit moins bien deci- dee : on la raconte differemment-, on pretend que des loldats allant y chercher en fraude du charbon , y laifferent par megarde ou par mauvaife intention, des lumieres qui y mirent le feu, que l'incendie s'eft commu- nique, & qu'il dure depuis ce temps-, mais quantite de faits rapportes dans les tranfa&ions philofophiques & dans les memoires de l'academie , prou- vent que rinflammation petit etre produite naturellement & par la feule fermentation ou par d'autres caufes naturelles encore inconnues. On a fenti de quelle confequence il etoit d'eteindre ce feu avant qu'il fut devenu plus confutable, & on y a travaille, mais fans y avoir jufqu'ici prete de grandes attentions-, on a fait tine tranchee proche l'endroit oil le feu paroiffoit avoir le plus de force , mais foit qu'on l'ait fait trop pres du feu, quelle lie fut pas affez profonde, ou qu'on n'ait pas pris les precau- tions convenables pour reuflir , on a etabli dans la mine un courant d'air qui a plutot excite 1'inflammation dii mineral & accelere que diminue le progres du feu. Les ouvriers chaffes par la chaleur out cetfe le travail ; & fcs proprietaires abandonnant la mine n'ont. point cru devoir yfaire de nouvelles depenfes : on fe propofoit d'y conduire un courant d'eau , qui en mouillant le charbon l'auroit empeche de briiler , mais comme plulieurs filons font aujourd'hui enflammes , on n'auroit reuffi qu'en conduifant cette fource dans toils les endroits ou le feu fe feroit porte. Le feu fuit auiourd'hui plulieurs filons de la mine, qui font dans ce pays tres-voilins les uns des autres, le fonds dans cet endroit n'etant pref- que que du charbon -, cette remarque donne tout lieu d'apprehender que les progres de l'incendie ne deviennent plus conliderables avec le temps, elle annonce auffi plus de difticultes a eprouver avant de parvenir ^ etein- dre le feu , mais elle ne doit pas faire regarder la reuffite de cette entre- prife comme impoffible -, li on neglige d'y porter attention , ne doit-on pas craindre que le feu gagnant toujours du terrain ne confume la richeffe de cette province ? A la verite il n'a pas envahi depuis un liecle un grand efpace de terrain, mais il eft aife d'imaginer les circonftances qui, reu- nies , pourroient occafionner la combuftion du mineral , 8c concourir par confequent plus promptement a la ruine du pays. La perte ne conlifteroit pas feulement en celle du charbon de terre qui auroit fervi d'aliment an feu, & celle du terrain dont la fupeificie lemble n'etre plus propre a la vegetation ; mais elle entraineroit encore la chute & le bouleverfemcnt des edifices conftruits fur ce terrain, & qui ceffe- roient d'etre en iurcte fur un fonds mine & fujet aux explofions des ma- tieres qui y bruleroient. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIEx\TCES. Lcs tranfa&ions philofophiques rapportent plulieurs exemples dc vapeurs < enfbmmecs forties des mines de charbon : il y a en Angleterre plulieurs n „ ' ' " _ " mines qui brulent depuis des annees; on connoit aux environs de Zwickau en Mimic, line mine qui brule depuis l'annee 160c, Xhifloire de VAca- An:n'e i;j foffile diilous dans l'eau , qui s'eleve en vapeur par le moyen de la cha- j> lcur fouterraine. Les parties aqueuies s'etant exhalees dans fair, les par- >» ties de fel fe reunitfent & s'aiiemblent fur les cotes des cailloux fous la ■>■> forme de fleur de fel, qui a un gout fale, qui fe duTout facilement >) dans l'eau, qui forme des cryftaux cubiques, & qui ne piroit point etre >j different du fel marin. „ Suivant 1'Encyclopedie, au mot Ammoniac , " cette fuie blanche ou les »j fleurs ont vraiment un gout de fel-, elles fe fondent dans l'eau & fe » cryftallifent en cubes qui ne paroiffent pas difFerens de ceux du fel ma- il rin. Ce fel paroit approcher beaucoup du lei ammoniac des anciens •, & sj il paroit qu'on en doit trouver de la mime nature dans plufieurs autres » endroits ou il fe fait des evaporations de fel foffile par les feux fou- »j terrains.,, L'examen du fel de la Solfatare que nous venous de rapporter d'apres nos propres experiences, demontre, & n'en pouvoir douter, que ce fel n'eft point, comme on l'a cru, un fel marin-, mais entierement femblable au fel ammoniac ordinaire , puilqu'il eft le produit d'un alkali volatil & de l'acide marin. L'auteur de la Metallotheca Mercati , regarde ce fel comme un veri- table fel ammoniac. Borelli le croit auffi : cependant ces deux chymiftes feinblent douter que l'acide marin & un alkali entrent dans la compofition de ce fel (b). D'apres ce que rapporte l'academie de Naples, on ne peut encore reconnoitre cc qui compofe ce fel. Boerhaave (c) dit que le fel ammoniac foffile, celui mime du Vefuvc (u) Matiere me'dicale, Tome T, page 139. ( i ) Voycz le$ Notes de Pierre All'ath lur cette Metallotheca. £c) Elemens de Chyruie , Tome I. page yo , edit, ln-12. R ii iji ABREGE DES MEMOIRES — — — ^» & les autres, peuvent the r leur veritable origine de la fuie & des fuligt- ■n nolites des matieres veeetales & animales qui fe trouvent dans l'embrafc- Physique. ,. . i " a ment des volcans. Annie f]6$. Boccone (a) & Wallerius (b) l'ont audi reg.irde comme un veritable fet ammoniac-, cependant ce dernier femble dans un autre endroit le confon- dre avec le fel gem me. Cartheufer (c), en parlant du fel ammoniac , femble ne pas penfer qu'if puifle fe trouver un fel ammoniac forme feulement par la nature & par l'effet des volcans. Nunquam fal ammoniacum nativum vulgari flmile in ullo terrarum angulo repertum fuit , etiamfi Mauritius Hoffmannus tale quid in regno Neapolitano propi puteolos in loco ob fulphureos quos eruerat fumos Solfatara diclo Jefe invenijje referat (d) formce externa cum alius faporis fimilitudine fine dubio deceptus fuit & flores falis marini, &'c. Cartheufer a repris Hoffmann fur un fait qui aujourd'hui eft hors de tout doute, & qui n'eft pas particulier a la Solfatare, li on en croit plu- fieurs voyageurs qui aflurent qu'en Aiie, dans le pays de Boton , il s'y fublime auffi un fel ammoniac dont les habitans font quelque ufage (ff). Cartheufer, ainli que plnlieurs auteurs (/), ont nie que la nature pro- duisit un veritable fel ammoniac, ne voyant point de matieres propres k donner aux volcans l'alkali volatil qui entre dans fa compolition •, mais un fait confirme par l'experience doit stre admis, quand on ne lui trouveroit point d'explication. Je n'entreprendrai point d'eclaircir ici la formation de ce fel ammo- niac •, on me permettra feulement de rappeller que certains charbons de terre renferment un alkali volatil tout forme, que plufieurs plantes don- nent auffi un alkali volatil, & je crois pouvoir ajouter que le lulfureux vo- latil, tres-commun dans cette partie du volcan , pourroit entrainer avec lui des fels qui ne feroient pas fufceptibles de fe fublimer fans fon fecours. On pourroit ne plus appercevoir dans les nouvelles combinaifons cet acide fulfureux, parce qu'etant tres- volatil, il fe diffiperoit le premier : j'efpere entrer dans des details qui prouveront que des fels, des fubftances terreu- fes, &c. qui ne fe fubliment pas ordinarrement , fe volatilifent $ la Solfa- tare, & que ces fubftances fublimees ne font plus enfuite fufceptibles d'un-e nouvelle fublimation. La vive chaleur du feu fouterrain, l'evaporation , les courans d'air, enfin la quantite de parties volatiles qui fe trouvent dans les volcans peuvent entrainer & volatilifer avec elles d'autres fubftances qui de leur nature feroient tres fixes. Cette remarque qui a deji ete faite par M". du Hamel, Hoffmann > Pott & Margraff', peut fournir matiere a des recherches curieufes.. (a) Reehercf). &c. (i) Page 344. CO Page 370. ( e!les s'enflamment; le foufre fe fond •, la oierre fe divife, petille & faute par eclats en continuant a bruler; elle repand 1'odeur de foufre & la couleur propre a la flamme de ce mineral •, il refte pour lors une terra blanche qui n'a aucune faveur & qui s'attache fur la langue. J'aurois delire favoir combien une certaine quantite de cette terre four- niffoit de foufre, mais je n'ai rien eu de precis-, fouvent ma terre m'a donne un quart de foufre, quelquefois moitie de fa pefanteur, & d'au- tres fois feulement un fixieme , fuivant quelle en etoit plus oil moins chargee : celle qui contient le foufre , n'eft point attaquable par les acides. Les fourneaux deftines a retirer le foufre de la terre avec laquelle il fe trouve mele, font conftruits en mortier de terre franche; chaque fois qu'on fait fublimer le foufre d'une nouvelle terre, on etablit un fourneau fur les pots qui la contiennent ; ainfi nous devons expliquer comment on les ar- range, avant que de parler de la conftrudHon du fourneau. Les pots qui fervent pour cette fublimation, font de terre cuite, & pro- pre a refifter au feu; il y en a de deux fortes, fuivant qu'ils font deftines a contenir la terre, oil a recevoir le foufre qui s'en doit fublimer. Les premiers ont une ouverture a leur partie fuperieure, qui peut fe fermer avec un couvercle de la mime matiere que le pot ; on les emplit environ aux trois quarts de terre propre a donner du foufre , on les cou- vre & on lute le couvercle; ce pot a une petite ouverture vers le quart de fa hauteur, en commencant par fa partie fuperieure; elle eft propre a recevoir un tuyau auiTi de terre ; trois pots ainfi arranges , doivent repon- dre a un feul pot ou recipient : pour cela , il faut feulement que les tuyanx des deux pots qui accompagnent celui qui fera place au milieu de ces deux , foient plus longs que le tuyau de ce dernier. Le recipient a trois ouvertures propres a recevoir ces trois tuyaux ; celui du pot du milieu eft place un peu plus haut que les deux tuyaux des deux pots qui font proches de lui , ils entrent un peu dans le recipient. Cette efpece de pot differe des autres, en ce que celui-ci eft couvert totalement en deffus ; il n'a d'un cote que les trois ouvertures dont nous venons d'indiquer l'ufage , & au cote oppofe deux autres ; Tune a fa par- tie inferieure, la feconde aux trois quarts vers la partie fuperieure : nous parlerons dans un moment de leur utilite. Les trois pots ainli arranges avec leur recipient , on difpofe trois au- tres pots & un recipient; & fouvent douze pots font ainfi places fur une meme ligne; on en arrange encore douze autres de l'autre cote du four- neau , & on conftruit le fourneau fur ces pots , de facon que le mur re- ceive les recipiens , & qu'une moitie des pots foit dehors du fourneau, l'autre etant dans repaifleur du mur & un peu en dedans ; tandis que les pots qui contiennent la terre , font entierement dans le fourneau. Les DE L'ACADEMTE ROYALE DES SCIENCES. ij7 Les fourneaux font plus on moins longs, fuivant la quantite de pots dont — »^— ^^— » on It- s garnit •, ils out quelquefois jufqu'a dix-huit pieds de longueur & cinq „ pieds de largcur, & iont eleves de terre de deux pieds & demi environ ou trois pieds : il taut qu'ils aient alfez de hauteur pour que la voutc fe Annie lj6$. trouve au-dt ftus des pots , & laiffe un efpace a la flamme qui doit les en- tourer-, on ne forme qu'une porte que Ton place fur un des cotes de la largeur du fourneau ; elle eft deftinee au fervice du fourneau , & k y in- troduce le bois pour le chauffer. A 1'autre extremite du fourneau, environ aux trois quarts de fa lon- gueur depuis la porte, on a perce la voute pour y placer un pot ou tuyau de terre ouvcrt des deux cotes , qui , fervant de cheminee au fourneau , eft deftinee au pailage de la fumee. ■ Le fourneau conftruit, on allume le feu que Ton doit moderer dans les commenccmens, cette chaleur ne devant lervir qu'a achever de fecher le fourneau, & a indiquer les crevaffes qui pourroient s'y erre formees, pour que les ouvriers les puiffent boucher & reparer avec la terre graffe dont le fourneau a ete conftruit, on augmente enfuite le feu; h foufre fe fe- pare de la terre , fe fublime , monte par les tuyaux qui le porte au re- cipient fous l'etat de vapeurs qui s'y condenfent & retombent dans cc ViCe •, on le continue jufqu'k ce que Ton s'appercoive qu'il n'y monte plus de foufre. Chaque recipient a encore deux ouvertures pratiquees du cote qui fe trouve dehors le fourneau ; 1'une vers le quart de fa hauteur depuis fa ca- lotte •, elle fert feulement a donncr rilfue aux vapeurs qui s'echanpent de la terre & qui brileroient les pots li on les y retenoit; 1'autre, beaucoup inferieure a celle-ci, fert feuument a tirer des recipiens le foufre qu'ils contiennent. Avant que ce foufre ait pris de la folidite dans les recipiens , on les retire •, & lorfque Ton ote le bouchon inferieur , le foufre coule dans des baquets; cette operation fe fait ordinairement dans une chambre pen vafte, qui lert auffi a contenir les uftenliles propres a cette fabrique : un puvrier le verfe dans de plus petits cuviers ou leaux , ou on le laille le figer, pour ne le retirer que lorlqu'il a pris la forme de ce moule •, on enleve les cercles qui retinoient le feau , & apres avoir 6:e les douves qui fervoient a le former, le foufre tombe ; on le cafle par morceaux pour le pouvoir tranfporter & le debiter. On peut, li on le delire, donner differentes autres formes au foufre-, celui que nous -vins en France, a ete fondu de nouveau, & coule dans des moules qui s'ouvrent pour en laiffer fortir le foufre , auquel il doit la forme que nous Iui voyons : les marchands l'appellent foufre en canon. II m'a etc facile, comme je 1'ai dit, de retirer le foufre de la terre qui en contenoit, en le faifant fublimer, & de repeter en petit la meme opera- tion qui fe fait en grand a la Solfatare. J'ai trouve des pierres fur lefquelles les feux fouterrains avoient par fu- blimation depofe line croute de foufre cryftallife. Les ouvriers rejettent celle-ci, parce que le foufre ne faifant point la partie principale de la Tome XIII. Partie Franfoi/e. S ij8 ABREGE DES MEMOIR ES ■■ i i pierre, ils ne gagneroient pas a les mettre dans Ieurs pots pour la faire p _ fublimer. (a) r h y s i Q u E. ^es pjerres je foufre font aufll ordinairement tres-chargees d'alun ; & Annie ll6$- )e ne dome pas qu'aprcs la fublimation da foufre, on ne put encore par les lavages , ainfi que nous l'avons explique , en retirer auffi l'alun quelle* contiennent. Pline parle auffi du foufre qui fe retiroit de la Solfatare : Invenitur ful- phur in Neapolitano Campanoque agro collibus qui vocantur Leucogcei, quod £ cuniculis ejfojjum, perficitur igni , &c. (b) La vapeur que Ton refpire dans ce baffin, tient beaucoup d'un acide fulfureux tres-developpe, mais auquel fe feroit joint la vapeur de l'acide mirin •, on la fent quand le vent la porte jufqu'a Naples. Pour ne rien oublier de ce qui fe voit en cet endroit, j'ajouterai que dans le milieu du baffin ou Ton a creufe de quelques pieds, les ouvriers, pour gagner quelque argent , donnent aux curieux un petit fpectacle qui confifte \ Jaiffer toniber line groffe pierre qui occafionne fur le terrain un bruit femblable a celui d'un coup de canon. En frappant feulement le terrain avec le pied , on peut s'affurer aifement qu'il eft creux en deffous. Si Ton traverfe le cote de la montagne le plus garni de fourneaux & qu'on la defcende, on trouve des laves, des pierres ponces, des ecumes de volcans, &c. enfin tout ce qui, par comparaifon avec les matieres que donne aujourd'hui le Veliive, peut demontrer que la Solfatare a forme la bouche d'un volcan. II y a auffi au bas de la cote des fources d'eaux chaudes qui font tres- ftiptiques & alumineufes •, les anciens les connoiffoient fous le nom de Leucogai fontes , & en vantoient les vertus (c) : & plus loin de pareilles eaux ftiptiques & foufrees, la fameufe fource appellee Pifciarelli , dont on s'eft fervi pour y pratiquer des bains chauds, que Ton ordonne avec faeces pour les maladies de la peau, &c. De ce mane cote eft le Monte Nuovo , qui , fuivant les hiftoriens , fut forme en une nuit en 1558, le nieme que Ray's Dijcurfes (d) appelle le Monte- di- Cine re; les laves qui forment des lits &: font difpofees par couches prefque horizontales dans l'interieur de cette montagne, les pierres brulees, & les laves que Ton trouve vers le bas oil elles ont roule-, enfin (malgre cet ordre qu'aftectent les laves qui fe trouvent dans cette mon- tagne) la confufion des autres matieres qui la compofent , denote affez qu'elle doit fon origine aux efforts du volcan avant fon eruption. Je crois qu'apres avoir vu la Solfatare & les matieres qui donnent lieu (a) Les ouvriers difent que ces pierres ne contiennent plus qu'un foufre ile'truit; au contraire ce foufre etant fublime fur ces pierres eft plus parfait, mais il ne fait pas la mafle principale de la pierre , & ne s'y trouve pas en afiez grande quamite' pour me'riter d'en ecre retire". (o) Hijl. Nat. Hi. 35, cop. 15. (c) Plin. Lib. XXXI. cap. 2. {d) Pago 12. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 13? »ux differens travaux qui s'y font, fi on examine les pierres des environs, ^^""^*— * on fe refufera avec peine a l'idee qui fe prelente naturellement de regardor p h y s 1 o u e. la Solfatare comme les reftes d'un ancien volcan qui n'eft pas encore tout- i-fait eteint. Quoique les hiftoriens ne nous rapportent aucuns faits qui Annie IjSj. puiflent appuycr cette conjecture que beaucoup d'autres ont faite avant moi , on en fera convaincu , fi Ton veut comparer cut endroit & les ma- tieres qui s'y trouvent avec celles que produit le Vefuvc : ce baflin a fou- vent change de forme, on pent conjeciurer qu'il en prendra encore d'au- tres difterentes de celle qu'il oflre aujoiird'hui •, ce terrain fe mine & fe creufe tous les jours : il forme maintenant une voiite qui couvre un aby- nie, le fon que rend cette partie quand on marche defliis 011 que Ton y frappe, l'indique aflez. Si cette voiite que nous nous reprefentons main- tenant former le defliis du baflin , s'affaiflbit , il eft probable que fe rem- pliffant d'eau elle produiroic un lac qui tiendroit la place du lieu que nous examinons. II fera difficile, fans doute, de reconnoitre la marche de la nature dans les premiers moyens qu'elle emploie pour former a la Solfatare les diffe- rentcs maticres dont nous avons paile; ; mais , ne peut-on pas au moins juger qu'iitant formees, elles s'y fubliment ainli :- Le lei ammoniac & tous les fels qui auront des parties volatiles, sex- haleront a une foible chaJeur •, celle des fourneaux fuffira pour leur eu procurer la fublimation •, ainfi ces fels fcront les premiers produits des feux fouterrains ■, l'acide fulfureux que Ton y refpire , prouve qu'il eft: un des plus volatils. Le foufre exige une plus grande chaleur quand il eft joint a une terre de laquelle il faut le tirer par fublimation-, &, pour lors , il faut la cha- leur du bois enflamme pour fe le procurer, ou un feu auili violent , comme l'eft quelquefois celui que les bouches donnent. Je ne doute pas qu'il ne s'en exhale continuellement de ces bouches , & qu'il ne flit pof- fible de le retirer •, mais les foins qu'exigeroient les moyens qu'il faudroit employer, ne feroient pas recompenfes par un profit aflez grand. L'alun eft tout forme dans les pierres ordinairement voilines des vol- cans, ces pierres lui fourniflent une bafe. Quand il ne fleurit pas naturel- lement, & que Ton veut retirer le fel que contiennent ces pierres, il faut un feu 011 naturel ou artificiel pour les reduire en chaux ; & ainli en divi- fant toutes les parties de la pierre qui le renferme, on les met dans le cas d'etre attaquees par l'eau que Ton ajoute, qui s'empare des fels, & donne enfuite par fon evaporation un moyen aife de fe procurer le fel pur. Sij +o ABREGi DES MEMOIRES EXPLICATION DES FIGURES, Physique. Annie ij65. P l a n c h e I. V, ue de la Solfatare. A A. Partie de la montagne oil font les fourneaux. BRH. Baffin de la Solfatare. B. Lieu ou Ton fait Tallin. R. Partie la plus creufe du Baffin ou , lorfqu'on frappe principale- ment en R, on entend un bruit comrae un coup de canon : aux environs de cet endroit on met la pierre d'alun pour s'y calciner & y fufer. H. Pierre de foufre. a a. Partie de la montagne ou font des chfitaigniers qui y viennent hien. b. Fourneaux ou fe fublime le foufre. c. Canute ou font les vaifleaux pour le fervice du fourneau oii Ton fait fublimer le foufre, & ou Ton conferve les vafes propres a le retirer de fa terre. Planche II. Figure i. Fourneau naturel reprefente plus en grand, ou Ton voit la facon dont on arrange les teffons de pots iur les ouvertures de la monta- gne pour y obtenir le fel ammoniac. Figure z, BB. Plan de la chambre oil l'on fait cryftallifer 1'alun. cC. Baffin dans lequel on met Teau oil Ton jette la terre d'alun pour que les fels puiffent s'y dilfoudre : ce baffin eft place fur un endroit echauffe par le feu fouterrain. d. Monceau de terre d'alun. *eCjEE. Chaudieres placees & echauftees chacune par le feu fouterrain. L'eau chargee de fel d'alun , s'y evapore & s'y cryftallife. fF. Cuvier ou Ton jette enfuite Teau chargee de fel d'alun , lorf- qu'elle a ete affez evaooree pour la cryftallifation des fels. gg , G G. Efpece de cheminee ou il fe fublime du fel ammoniac & du vitriol. G G. Cette racrae cheminee en elevation & profil. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 141 P t a n c i! e III. Physique. Le fourneau deftini i 1'extraccion du foufre & les difterens uftcnfiles dnnte ij6$. neceffaires a ce travail. Figure 1. Le fourneau en perfpe&ive. Figure z. Plan & coupe du fourneau. t. La porte. k. La cheminee du fourneau. i. Le fond du fourneau. nn. Recipiens dans Iefqucls retombe le foufre-, la moitie de ces pots eft en dehors, l'autre partie en dedans du fourneau. ///. Pots qui contiennent la terre & le foufre. mmm. Tuyaux de communication des pots I au recipient n. Figure q, L. Pots qui contiennent la terre & le foufre, vus fepa- rement. M. Tuyaux de communication des pots £ & du recipient iVdeflines ici plus en grand. NN. Recipient, vu de 1'un & de l'autre cote. Figure 4, LLMN. Affemblage des trois pots £ & du recipient N. Figure 5 , P. Cuvier ou" Ton jette le foufre des qu'il eft tire des reci- piens NN; on ote les cercles du cuvier & on calfe le foufre par mor- ceaux apres qu'il s'eft detache des douves du cuvier. O. Cuvier dune autre forme ou Ton jette aufli le foufre. i4* A B R £ G £ DES MEMOIRE S Annie 1 76 a ^ur la caufe gfatrale du froid en hiver & du chaud en hi. T . Hift. JLi histoire de Tacademie offre plufieurs examples de queftions tres- importantes & tres-difficiles qui avoient ete abfolument negligees , parce qu'une fauffe apparence de limplicite fous laquelle elles etoient comrae en- veloppees avoit empeche de les regarder corame des queftions. De ce nombre eft certainement la caufe du froid en hiver & du chaud en ete : phenomene qui a du etre obferve depuis le commencement du monde & qu'on a toujours conftamment rapporte \ Taction plus ou moins grande, plus ou moins directe & plus oil moins continue des rayons du loleil. On ne s'etoit pas meme avife de foupconner qti'il put y avoir line autre caufe qui concourut avec celle qu'on avoit adoptee, & qui y jouat, pour ainli dire, le principal role. M. de Mairan ofa le premier, en 1719, revoquer en doute que la dif- ference de quantite & d'action des rayons du foleil flit l'unique caufe de la variete des faifons ou , pour parler plus precifement, du chaud & du froid v & il donna les premieres idees fur ce fujet dans un memoire qu'il lut alors a l'academie, & qu'elle a publie dans fori volume de 171 9 {a}. Ce memoire fut fuivi, en 1711 (b), d'un autre dans lequel M. de Mairan recherchoit combien les rayons du foleil s'afFoibliiroient en traverfant l'at- mofphere a difterentes hauteurs , & ou il demontroit que , routes chofcs d'ailleurs egales, une couche de vapeurs de denfite uniforme caufoit aux rayons une refraction d'autant plus grande qu'elle etoit moins epaifle. Ces deux memoires , & fur-tout le premier , etoient deltines a faire voir i°. qu'il exiftoit dans le globe terreftre un fonds, un principe de cha- leur abfolument independant de Taction des rayons du foleil, fans Texif- tence duquel les rapports de chaud & de froid indiques par le thermome- tre deviendroient abfolument inexplicables & contradictoires avec tout ce qu'on a d'experiences lur ce fujet. Nous ne rapporterons pas ici , meme en abrege , les preuves que M. de Mairan y donnoit de cette etonnante proportion. Le lecteur peut aifement les voir dans les endroits dej^ cites, & nous allons avoir occafion de les reprendre prefque toutes en parlant du memoire qui fait le fujet de cet article : en effet, de nouvelles lumieres & des experiences multiplies pen- dant plus de quarante annees, ont engage M. de Mairan a traiter de nou- veau cette matiere , en introduifant dans ce nouvel ouvrage les nouvelles preuves & les corrections que fes reflexions & fes obfervations lui ont luggerees. Eilayoiis d'en donner une idee. La queftion dont il s'agit dans ce memoire, fe reduit done a examiner fi la variation du chaud de Tete au froid de Thiver eft exactement propor- tionnelle a celle de Taction du foleil dans ces deux faifons, auquel cas elle (a) Voyez I'Hiftoire de 1719 Colled. Acad. Part. Fr. Tome IV. Q6) Voyez I'Hiftoire de 1721. ibid. Tome V. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 145 Fourroit tres-legitimement etre attribute a cette feule caufe , & (i elle ne S5B5S *™ ^™* eft pas , a determiner quelle part elle y a , pour obtenir la valeur & fin- p tenlite de la caufe qui concourt avec elle a les produire. r h y s 1 q u f. C'cft en effet la route qua fuivie M. de Mairan. Les obfervations de Annie t7^A' cinquante-fix ans, qu'il rapporte dans Ion memoire, donnent la quantite oil plutot le rapport abfolu du chaud de fete all froid de l'hiver, 1026 a 9<;4 degres du thermometre de M. de Reaumur; rapport affecte de tou- tes les caufes qui peuvent concourir a cet effet; & la theorie peut,au moyen du calcul , determiner avec certitude le rapport de Taction du fo- leil en etc a celle qu'il exerce en hiver. D'oii il fuit que la comparaifon de ces deux rapports doit donner exactement l'intenfite de la caufe qui concourt avec 1'aCtion du foleil a produire la variation des faifons : c'eft fous ce point de vue qu'on doit regarder tout l'ouvrage de M. de Mairan. II eft neceuaire, avant que d'aller plus loin , de prcfenter au lecteur l'ex- plioition de quelques termes qu'emploie M. de Mairan pour eviter des repetitions ennuyeufes. II iiomme, par exemple, cte' & hiver folaires ceux qui feroient produits uniquement par faction du foleil aux deux folftices, fans fintervention d'aucune autre caufe ; & les degres d'intenlite, de chaud & de froid refultant du calcul des linus de la hauteur lolaire & des autres caufes qui en dependent , degris 011 parties trigonomkriques ; fous le nom d'e'te' tk A' hiver reels, il comprend les intenfites de froid & de chaud oblervees a chaque folftice ; & comme ces intenfites ne font comparees qu'a 1'aide du thermometre , il nomme les degres ou parties de cette me- fure degris ou parties therniomhriqu.es. Independamment des etes & des hivers folaires 8c reels, M. de Mai- ran imagine encore un autre ete & un autre hiver , qu'il nomme ration- nels; ce font ceux qu'on eprouveroit fous chaque latitude par faction du feu central , combinee feule avec celle des rayons folaires & abstraction faite des caufes locales & accidentelles, enfin il nomme feu central ce prin- cipe quelconque de chaleur qui paroit agir comme partant du centre de la terre, & qui concourt, avec faction du foleil, a la production du de- gre de chaleur de fete & a I'adoucilfement du degre de froid de l'hiver. Ces trois elpeces d'ete & d'hiver entrainent la divilion de l'ouvrage de M. de Mairan en trois parties. La premiere a pour objet la determination de fete & de l'hiver folai- res, la feconde s'occupe des etes & des hivers reels, & la troilieme eft employee a l'examen des etes & des hivers rationnels & du feu central. Quoique faction des rayons du foleil foit par elle-meme line quantite fimple & unique, cependant les differentes manieres dont elle agit la mul- tiplient , pour ainli dire, & obligent de la conliderer fous quatre rapports ditferens, qui forment quatre elemens ou facteurs necelfaires pour determi- ner le rapport de fete a l'hiver folaire d'un climat determine. Le premier de ces elemens eft le rapport des firms des hauteurs folaires a fun & a l'autre folllice ; ce rapport donne eftectivement, comme M. de Mairan le demontre , la proportion de la quantite des rayons du foleil qu'uii efpace donne de terrain recoit en cie & en hiver; jufques la tout le monde 144 A B R E G E DES MEMOIRES — "^— — eft d'accord, mais l'a&ion de ces rayons eft-elle proportionnelle aux (inns J •o on fuit-elle la raifon de leurs quarres? e'eft fur ce point que Ies philofophes rHYSIQUE. yj-.j, , »t u II r ■ • ! • • • / u rr . cenent de saccorder-, M. Halley a iuivi Ja premiere opinion & M. ratio Annie lj6$. de Duillier la feconde; la raifon de ce dernier eft que les rayons iolaires agiffant fur un plan , non-feulement en raifon de leur quantite proportion- nelle aux finus d'incidence, mais encore en raifon du choc qu'ils exercent fur ce plan proportionnel aux memes finus , il en relulte que leur action totale eft en raifon des quarres de ces finus. Ce raifonnement, li fpecieux en apparence qu'il avoit leduit M. de Mairan me me dans fes premieres re- cherches, feroit effccYivement fans replique fi la furface du terrain etoit un plan mathematique, mais il s'en faut bien que la furface du terrain le plus uni approche de cette fuppofition ; elle eft par rapport a la lumiere , un corps prefqu'infinimeiit raboteux & qu'elle rencontre fous tomes fortes d'angles. L'inclinaifon des rayons ne leur fait done prefque rien perdre de leur choc, & la diminution de force que M. Fatio pretend en deduire, ne doit pas avoir lieu-, on objetteroit en vain que ce n'eft pas la lurface d'un miroir qui rellechit les rayons, mais celle d'une efpece d'atmofphere dont elle eft revetue , & que le terrain pourroit bien en avoir une de cette efpece; cette atmofphere ne paroit pas etre plus epailfe fur un corps plus gros que fur an plus petit, & quoique fuffifante pour remplir les tres-pe- tites inegalites de la lurface du miroir, elle ne peut certainement letre pour eftacer & pour combler, pour ainii dire, celles du terrain , qui, dans ce cas devroit auffi renvoyer, au moins imparfaitement, les images du fo- leil , de la lime , &c. ce qui n'a jamais ete obferve. On pourroit encore dire que les rayons du foleil echauffent le terrain , non-feulement a raifon de leur quantite proportionnelle aux linus des hau- teurs, mais encore a raifon de la profondeur h laquelle ils penetrent le ter- rain, qui eft encore proportionnelle aux memes linus, d'ou refulte necef- fairement pour l'intenfite de la chaleur , non la proportion des fimples finus de hauteur, mais celle de leurs quarres-, mais il eft vihble que ce raifonne- ment , qui feroit vrai fi le terrain etoit un plan mathematique & egalement penetrable par- tout, porte abfolument ^ faux en le regardant ainli qu'il eft reellement , comme rempli d'inegalites qui recoivent les rayons fous tou- tes fortes de directions & comme compofe de parties tres-difleremment penetrables a la lumiere-, d'oii il fuit que tout compenfe, tout l'avantage du folftice d'ete fur celui de l'hiver, fe reduit i la feule quantite des rayons folaires , coujours dans la raifon fimple des finus de la hauteur du foleil. Mais eft-il bien conftant que la force du foleil pour echaurrer un cli- mat, foit proportionnelle k h quantite de fes rayons qui tombent lur tin meme efpace; & la communication, la complication qui relulte de leur nombre n'augmente-elle pas leur eflet? l'experience feule pouvoit repon- dre i cette queftion, & M. de Mairan s'eft preffe de la confulter : il fit placer h I'embre cinq ou fix thermometres de la conftrudion de M. de Reau- mur, & ayant fait tomber fur leurs boules l'image du foleil, reflechie d'a- bord par un fcul miroir, enluite par deux & enfin par trois , il obferva que dans toutes les experiences & dans tous les thermometres, l'alcenfioii de DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 145 de la liqueur tut totijours exactemcnt proportionnelle a la qoantiti de lu- — — — miere qu'il faifoit tomber fur la boule ■, la chaleur pcut done etre regardcep comme exactement proportionnellc aux quantites de rayons qui tombent "-, S ' Q u E* fur im efpace donne. Annie ijG$. Les rayons du foleil ne peuvent parvenir a la terre fans avoir traverfe fon atmofphere. Le lecond element qui doit entrer dans Ie calctil de I'^te & de l'hiver folaires doit done etre leur nftoibliflement oil pltitot ce qui Ieur rcfte de force apres ce trajet. Si L'atmofphere etoit confideree comme une fubftance homogene & terminee en dellus par une furface plane , rien ne feroit plus facile que de determiner la longueur du trajet des rayons pour chaque hau- teur, & par confequent leur affbiblhfement toujours proportionnd a cette longueur, & M. de Mairan demontre que dans ce cas, I'affoibliliement des rayons leroit en raifon inverfe des fecantes de complement des hau- teurs ; mais cette fuppoiition eft trop eloignee du vrai pour qu'on puiffe s'y arreter. En confervant a l'atmofphere la propriete feule d'etre homogene & la terminant par une furface fpherique concentrique a la terre , Ie probleme n'en devient que plus difficile; & il fe peut egalement refoudre. M. de Mai- ran rapporte la folution qu'en avoit donnee M. Fatio ', mais cette fuppoii- tion n'eft pas plus legitime que la premiere. L'atmofphere eft compofee d'une infinite de couches de denlites difterentes, & nous n'avons aucun nioyen de connoitre Tangle fous lequel chacune de ces couches eft ren- contree par les rayons de luraiere ; condition cependant eilentielle a la folution. L'experience &ant done Ie feul moyen aiiquel on puilTe avoir recours en p.ireille circonftance, M. de Mairan a cru devoir adopter celles que M. Bouguer avoit faites (ur cette matiere , & qu'on trouve dans fon 011- vrage fur la gradation de la Iumiere; il ajoute meme a la fin de cet arti- cle une table qui en eft comme le relultat, dans laquelle la force totale d'un rayon etant fuppofee 10000, on trouve, pour chaque hauteur don- nee , celle qui lui refte apres avoir traverfe l'atmofphere. Le troilieme element qui doit entrer dans le calcul des etes & des hi- vers folaires, eft la diftance du foleil : on fait affez que cette diftance eft f)lus grande d'environ yj lorfque le foleil paroit au figne du cancer, que orfque nous le voyons au Iigne du capricorne. Cet element eft, comme on voit, Ie meme pour toutes les latitudes, avec cette difference qu'il di- minue un peu la chaleur de lete & augmente un peu celle de l'hiver dans tout l'hemiiphere boreal de notre globe, tandis qu'il opere un eftet ab(o- lument contraire dans l'hemiiphere auftral; lete de ce dernier fe rencon- trant precifement pendant notre hiver , & fon hiver pendant notre ete. II faut feulement remarquer que la force oil l'intenfite de la lumiere luivant, non la limple raifon inverfe des diftances, mais celle de leurs quarres, ce font audi, non les diftances memes, mais leurs quarres dont lexpreflion doit entrer dans le calcul des etes & des hivers folaires. Non-feulement Ie foleil echauffe plus ou nioins a raifon dc d diftance Tome XIII. Parlie Fran$oife. T 1^6 ABREGt DES MEMOIRES - a la terre , de I'obliquite & de la quantiti plus ou moins grande de fes Physique rayons> * ^e ^ *r°rce P'us ou moins grande qu'ils confervent apres avoir ' traverfe l'atmofphere •, mais il echaivffe encore plus ou moins, a raifon du Annd tj(>£- temps pkis ou moins long qu il refte lur l'horizon : la longueur -des jours, mefuree par les arcs diurnes ou femi-diurnes , doit done entrer dans le" calcul des etes & des hivers folaires , audi en font-ils le quatrieme & der- nier element. On le tromperoit cependant (i Ton fe contentoit d'employer dans ce calcul les arcs femi-diurnes, qui reprefentent la moitie du jour nature! •, le jour folfticial le plus long de tons, n'eft pas feulement anime de fa propre chaleur, mais de celle des jours qui le precedent & qui s'eft com me accumulee, parce que chaque jour en donne alors plus que la nuit n'en pent detruire ; d'oii nait line efpece de ferie & line efpece d'echelle de chaleur croiffante, a-peu-pres en meme raifon que celle de l'accelera- tion des graves dans leur chute, ce qui a engage M. de Mairan a employer, non les arcs lcmi-diumes memes, mais leurs quarres. Cet element exige encore bien d'autres attentions , defquelles il eft ne- ceffaire d'etre informe. L'arc feuii-diurne eft toujours egal lb us l'equateur, puifque les jours y font confhmment de douze heures, & les units pareilles toute l'annee : ainfi tous les autres elemens etant egaux de part & d'autre de ce cercle , il ny auroit jamais d'autre difference de chaleur folaire fans la difference des diftances du foleil en 55 & en ^o \ mais cette difference rapproche un pen du pole boreal le parallele de 1'egalife conftante des hi- vers & des etes, & le place a id 47/ jo# de latitude boreale, efpece de paradoxe aftronomique. • A mefure qu'on s'eloigne de l'equateur, I'inegalite des produifans du xalcul pour l'hiver & pour l'ete folaires va toujours en aiigmentant , & fur- ' tout la grandeur des arcs lemi-diurnes ; mais lorfqu'on eft line fois arrive an cercle polaire ou , a caufe de l'etfet des refractions, un peu au-dela, le rapport du jour folfticial d'ete au jour folfticial d'hiver devient infini, puif- que le loleil ne fe couchant point en the & ne fe levant pjs en hiver, l'un des deux eft infini a l'egard de l'autre : au-dela de ce parallele , la longueur des jours d'ete fins nuit augmente encore , de meme que celle des nuits d'hiver fans jour; mais il n'exifle plus d'arc femi-diurne qui puille fervir a mefurer 1'energie de la chaleur, M. de Matran y fupplee d'une fa- con bien ingenieule. Pour exprimer cette ferie croiffante des grands arcs femi-diurnes & femi- notturnes des zones glaciales ou polaires, il fuppofe le mouvement diurne du foleil ralenti fur l'horizon en ete 011 fous l'horizon en hiver de toute la quantite de ces longs jours fans nuit & de ces longues nuits fans jour, par ce moyen h limple , les jours & les nuits polaires qui fembloient fe fouftraire a la regie & au calcul, y entrent tout nature'Ilement, & pour lors rien n'embarralfant plus, M. de Mairan determine, 1°. la latitude a laquelle le rapport des jours folfticiaux commence a devenir infini, & que la re- fraction porte au 71™: deg, + mui- 2»i La qUantite des etes folaires de cette zone qui fe trouvent par la continuite de la prefence du foleil, beaucoup plus grands que ceux de la zone torride •, 3'. enfin les etes & les hivers DEL'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES H7 folaircs a toutes Ies latitudes, avec line difference dont il donne tine table — ^— "— tres-complette; le Iedteur ne fcra peut-etre pas fadie de trouver ici que p fous le parallele de Paris, all 48me deg. 50 min. 10 fee. de latitude bo- HVSIQl reale, l'ete folaire eft a l'hiver coinme 16^ eft a 1. Annie 176$. Tel devroit done etre le rapport entre l'ete & l'hiver, Ci la chaleur n'e- toit produite que par faction du foleil, & s'il fe trouve different, on fera force d'admettre un principe de chaleur etranger au foleil, qui fe combi- nant avec fes effets, puiffe donner a 1'ete & a l'hiver, le rapport qu'on aura obferve. II eft aif£ de voir que ce rapport entre l'ete & l'hiver reel de chaque cli- mat, ne pent, comme le precedent, fe deduire de railonnemens mathenia- tiques, & qu'il ne pent etre donne que par des obiervations faites a l'aide du thermometre. II eft encore aife de voir que ces obfervations veulent etre faites dans chaque endroit ou avec le raeme thermometre cni avec des thermometres comparables, e'eft-a-dire qui, a la meme chaleur, donnent tous le meme degre , & que cette condition de la comparability des thermometres , de- vient abfolument neceffaire pour la comparaifon de l'ete & de l'hiver des differens climats -, heureufement M. de Mairan s'eft trouve a portee de l'un & de l'autre , le thermometre de l'obfervatoire , etabli par feu M. de la Hire , fubfifte encore & fournit des obiervations continuees depuis plus de quatre-vingt-dix ans dans le meme endroit , & dc plus on a parfaite- ment compare fa marche avec celle des thermometres de la confirmation de feu M. de Reaumur, qui font, comme on fait, comparables, & def- quels on s'eft fervi pour faire des experiences & des obfervations dans pref que tous les climats , ou pour reduire celles qui avoient ete faites avec des thermometres autrement gradues, & qu'on a toujeurs pu leur comparer. C'eft done avec grande raifon que M. de Mairan commence fa feconde partie par un examen des dirterentes efpeces de thermometres , neceffaire a les reduire a parler , pour ainfi dire , une meme langue , & parce que les nombres qui expriment les rapports des etes aux hivers reels de chaque climat ont ete determines a l'aide du thermometre , il les nomme parties oil degr/s thcrmomhriqu.es , par oppolition a ceux qui expriment les rap- ports des etes & des hivers folaircs qui ont ete deduits uniquement du calcul , & qu'il nomme parties on degris trigonomfrriques. Une queftion finguliere par laquelle M. de Mairan termine cette recherche, eft celle du Elus grand froid poffible oil du o abfolu de chaleur , degre qui vrailem- lablemcnt n'exifte pas dans la nature, mais le lecleur ne (era peut-etre pas fache de voir, par le raifonnement de M. de Mairan, qua melure que la liqueur du thermometre fe condenfe, elle acquiert une plus grande difti— culte a fe condenler •, la famcule experience de Peterlbourg, dans laquelle on a fait geler le mercure, a porte le froid artiticiel a 591 degrtfs en par- tant du froid naturel de i, 1 degres qui regnoit alors a PeterlLourg , que feroit-ce li on avoit fait cette experience en Siberie ou le froid naturel eft fouvent de 5 ; degres •, (i la diminution de la liqueur etoit toujours pro- portionnelle a l'augmentation du froid, le froid artificiel auroit du etre mar- T >j 14* ABREGE DES ME MOIRES ■^— — — ■ — cjt-ii par une defcenfion de la liqueur de 1012 degres, tandis qu'il n'y a dans p le thermometre que 1000 parties de liqueur, elle auroit done dii etre plus ' qu'aneantie -, d'ou il faut conclure, avec M. de Mairan , que le o abfolu Annfe lj6$. du froid, eft une chimere qui n'exifte nulle part dans la nature, & qu'il peut etre r'ega'rde comme le point de jonction d'une afymptote avec fa courbe, dont on s'approche toujours fans jamais y arriver. Par une longue fuite d'obfervations du thermometre, faites a Paris, on trouve, en prenant un milieu enrre toutes, Fete reel de 101.6 parties, & l'hiver reel de ^94. du thermometre de M. de Reaumur ; d'ou fuit cet etonnant paradoxe, que le chaud de l'ete ell a celui qui refte encore dans l'air par le plus grand froid , dans la raifon de 3 1 a 31 ; conclulion incon- teltable, mais que l'erfet du grand chaud & du grand froid fur nos fens, fembleroit defavouer ," fi on ne favoit combien peu nous pouvons compter fur leur rapport. La propriete qu'ont les thermometres de M. de Reaumur, d'etre com- parables, a permis de faire des obfer various fuivies dans prefque toutes les parties de notre globe , tant au nord qu'au fud de la ligne , au moins M. de Mairan en a-t-il ramafle^ de prefque tons les endroits ou ont ete les Europeans depuis plus de trente ans ; on juge bien que toutes celles qui ont ete faites a une meme latitude , ne s'accordent pas parfaitement •, une infinite de caufes locales, telles que des hois, des eaux, la hauteur du fol , la nature du terrain, &c. peuvent troubler cette uniformite-, mais en pre- nant un milieu, comme on fait toujours en pareille occafion , M. de Mai- ran arrive a cette etonnante conclulion, que la plus grande chaleur de l'ete eft la meme dans tons les climats depuis l'equateur jufqu'aux cercles polai- res, tandis que les hi vers y font prodigieufement differens. Nous difons depuis l'equateur jufqu'aux cercles polaires, parce que le pen de navigations faites dans les mers glaciales , n'a pas permis d'avoir aftez d'obfervations du thermometre pour s'aifurer ii l'ete eft encore dans ces parages le meme que par-tout ailleurs-, fi cependant on veut, au defaut de preuves direcles, fe contenter de probability tres fortes, on fera certai- nement tres-porte a le croire; i°. il eft prouve par les journaux des na- vigateurs qui ont ete dans les mers du nord, a la recherche du paffage aux Indes orientales, qu'en s'elevant a une certaine hauteur tres-voiline du pole & navigant a l'oueft , ils avoient trouve une mer ouverte & fans glaces , & une temperature a-peu-prcs femblable k celle qu'on eprouve a Amfter- dam. Que deviennent done ces glaces eternelles de Pline ? & pour dire quelque chofe de plus pofitif , celles qu'ont rencontrees a l'eft les n.iviga- teurs qui ont voulu paifer de ce cote? pour peu qu'on y faffe atteniion, cette difhculte difparoitra bientot ? la mer ne gele que peu ou point par elle- meme, fa falure Ten defend, les glaces qu'on y rencontre font for- mies de l'eau douce des rivieres qui s'y jettent : or du cote de l'eft (ont des fleuves immenfes qui traverfent les vaftes cantons de la Samogitie & de la Siberie-, il n'eft done pas etonnant qu'on y trouve une grande abon- dance de glaces, au-lieu que du cote de l'oueft le terrain n'eft qu'une chai..e de montagnes tres-voilines de la mer , qui ne peuvent fournir par DE L'ACADEMIF. ROYALK DES SCIENCES. i+9 confequent que des rivieres tres-courtes & trcs-foibles, & par confequent ■— — — » pen on point tie glaces au nord du nouveau Greenland ; les glaces ne fontp done que comme accidentelles dans la mer glaciale leptentrionale , & il y RTS'^'" a grande apparence que fon etc rentre dans la Ioi commune & fe trouve Annie 176c,. au pair de ctlui de Hollande , & pcut-etre meme plus chaud , 1'ete folaire qui rait partie du reel, devant, a raifon de la continuity des jours, y etre conhderablement plus fort. On a fort peu de relations de voyages faits a la partie voifine du pole auftral : cependant le fameux capitaine Gonneville ht, en 1504. & 1505 , un voyage dans cette partie du monde ; il y paila lix mois , ik il en ra- mena un Auftralien, fils de roi & nomme Eifomeric, qui fut baptife & marie en France, & dont le fils publia une relation de ce voyage. II y eft dit que les lubitans y etoient tres-legerement habilles; que le pays etoit fertile , & les habilans tres-fociables & trcs-raifonnables : rien de tout cela n'indique les froids exceffifs qu'on attribue a cette zone, & li le plus grand eloignement du loleil pendant leur hiver, doit rendre le froid plus vif qu'il n'eft a pareille latitude dans la partie leptentrionale du globe , on peut fuppoler fans temerite que cette difference eft bien petite, & que l'ete ne doit pas s'ecarter de la regie generate des 1016 degres du ther- mometre. Comme il fe trouve par-tout line infinite de caufes locales & acciden- telles , qui peuvent faire varier l'intenlite du chaud & du froid a la meme latitude-, M. de Mairan, pour rappeller le tout au calcul, a trcs figement pris pour chaque latitude un terme moyen qu'il nomme M & hiver ra- tionnels ; & e'eft en deduilant de ces etes & hivers rationnels l'a&ion du fpleil ou plutot les effets, qu'il nomme etes & hivers folaires , qu'on vena ce qu'opere a chaque latitude le feu central ou la chaleur propre & inhe- rente a la terre. II eft evident que pour pouvoir comparer enfemble les etes & les hi- vers folaires , uniquement exprimes en parties trigonometriques , avec les etes & les hivers reels ou rationnels exprimes en partie du thermome- tre, il faqt les reduire a une mefure commune-, e'eft a quoi s'applique d'abord M. de Mairan, &, par un calcul fort fimple, il determine que le degre du thermometre de M. de Reaumur repond a \\(rji parties trigo- nometriques , dont 15155 expriment la difference de l'ete folaire a l'hiver folaire de Paris. A l'aide de cette evaluation, il parvicnt a une formule qui exprime , pour toute latitude donnee, la valour de l'emanation cen- tralc qui fait le fonds de chaleur conftant du climat & auquel s'ajoute la chaleur du foleil en ete & en hiver i & cette formule l'a mis en etat de former une table qui prefente aux yeux tout le tableau de cette efpece de fyfteme. La leule infpc&ion de ce tableau, demontreevidemment l'exiftence d'un feu central : en ertet, comment expliquer fans cela la proportion de l'ete reel a l'hiver reel, dont la difference n'eft que de ce 51 fur ioii> ou -^ du total, tandis que la proportion de l'ete a l'hiver folaire eft a tres-peu- prcs comme 17a 1 ; il fain abiolument qu'il y ait un fonds de chaleur co.il- ,5o abreg£ des memoires „ tint dans la terre qui faffe difparoitre cette enorme difference, & il eft ~ an nioins tres- probable que cette fource de chaleur eft placee-au centre P h v s i q u e. de ja terre . ji ferojt inutile de djre que ce fonds de chaleur eft le fruit de Annie 1"&£ Faction du foleil accumulee, car en ce cas, elle iroit toujours en croifiant, ' ce que l'on n'obferve point-, & nous allons bientot voir un grand nombre d'autres raifons qui concourent a le faire regarder comme un feu place au centre du globe & dont les emanations fe font jour a travers la croute plus oil nioins epaiffe & plus ou moins denfe qui le recouvre. Sans ce feu central & fes emanations , la terre entiere ne feroit qu'une made de glace inanimee & fterile , car alors il nauroit plus d'autre chaleur que celle que lui communique le foleil : or en fuppofant les deux tiers du globe eclaires par le foleil, ce qui eft bien au-dela de la realite, & l'ia- tenfite de fa chaleur egale a celle de l'ete folaire fous l'equateur, il n'en refultera jamais qu'une temperature egale a celle que marqueroient 20 de- gres du thermometre -, or il faut 1 000 de ces degres pour empecher 1'eaii de geler , il eft done evident que fans le feu central le globe (eroit per- petuellement gele & dans une inaction totale-, les fermentations fouter- raines ne formeroient qu'une reffource infuffifante , & cette objection tombera d'elle-meme des qu'on fe rappellera que la fermentation ne peut avoir lieu fans un degre de chaleur & de fluidite convenables, & ou fe- roient cette chaleur & cette fiuidite dans les parties d'une maffe ablolu- ment gelee ? Sans ce feu central, on nepourroit abfolument rendre une raifon. fatif- faifante de 1'cgalite des etes que nous avons fait voir regner par toute la terre-, mais en adoptant la belle theorie de M«- Newton , Hughens & Leib- nitz fur la formation de la terre, jointe a l'exiftence dun feu central, l'ex- plication de ce phenomene furprenant, devient toute naturelle. Si la terre a ete , comme le fuppofent ces habiles phyliciens , une maffe fluide ou meme une pate molle affnjettie a un mouvement de rotation & qui fe foit durcie par Taction des rayons du foleil auxquels elle etoit expofee , elle l'aura ete d'autant plus profondement quelle y etoit plus expofee : or il eft certain que la zone torride etoit dans ce cas , & que par confequent la croute terreftre a du y etre plus epaiffe & moins permeable aux emana- tions centrales-, par la meme raifon, fon epaiffeur fera toujours propor- tionnelle a la force des etes folaires, & comme cette epaiffeur eft l'obf- tacle qui s'oppofe aux emanations du feu central, elles ieront d'autant moindres que Tete folaire eft plus chaud, & tout rentrera dans une par- faite egalite. Cette egalite peut cependant etre troublee -, des affemblages de mon- tagnes, un pays naturellement eleve, augmentent l'epaiffeur de la croute & s'oppofent davantage aux emanations centrales; des bancs de roche tres- etendus enfermes fous le terrain, peuvent encore produire le meme eftet; & l'une ou l'autre de ces caufes , peut etre toutes les deux enlemble, pro- duifent vraifemblablement les froids exceffifs de la Syberie &_de quelques autres endroits, tandis que fous le meme parallele on jouit d'une tempe- rature beaucoup plus douce. Nous avons au refte deja traite cette meme DE L'ACADFMIE ROYAIE DES SCIENCES. 151 matiere, en 1749 (a), d'apres M. le Matran lui-meme, &• pour cviter des > redites inutiles, nous prions If lecteur d'y vouloir bien recourir ; il y p irouvera un gr.ind nuinbre de preuves en favcur dc cctte mcme opinion. H Y s J °. u E- Lesmers, dont la profondeur rend le fond plus voilln dcs emanations Annie IJi centrales, doivent en recevoir un degre de chaleur lenfible; audi, felon Jes obie; v.uions de feu M. le conite de Marligli, leur temperature eft-elle c onitamnient, hiver & ete, de \o&\ du thermometrc de M. de Reaumur, a-peu-pres 111 ramie degre que les caves de l'oblervatoire : il pent cepen- dant arriver que le plus ou moins de profondeur & dcs circo 11 (lances pu- rement accidentelles derangcnt cettc uniformite. L'atmofphere n'eft pas plus excmpte que la mer de l'a&ion des emana- tions centrales; elles la penetrcnt i°. en raifon des diftances a la terre oil de quclqii'une de leurs fondtions; 1°. en railon de la rarete des ditferentes couches d'air, etant bien conftant que es corps ne recoivent & neretien- nent de chaleur qua railon de leur denlite. Or comrae l'atmofphere eft conliderablement moins denle dans les couches fuperieures que dans les inferieures , il en rcfulte que l'acrion des emanations centrales, tres-lenlible au voiiinage de la terre, devient comrae nulle dans les couches tres-ele- vees : & de-la les greles qui fe forment dans cette partie haute, & les glaces qui enveloppent la cime des hautes montagnes , meme an milieu de l.i zone torride. Cette meme diminution de chaleur dans les couches de l'atmofphere, fert encore a rendre raifon d'un phenomene d'un autre efpece; le celebre M. Mariotte avoit donne une regie pour determiner la hauteur des mon- tagnes par le moyen du barometre; cette regie eft fondee fur ce qu'a des hauteurs egales du mercure dans le barometre, il doit repondre des cou- ches d'air d'autant plus epailfes que I'air en cet endroit fera moins pelant: or il le (era d'autant moins que la couche d'air lera prile dans un lieu plus eleve , pnilqu'elle fera la degagee de tout le poids de I'air qui eft au-def- fous d'elle; M. Mariotte avoit determine cette proportion en calculant les poids dont chaque couche etoit chargee, & en partant des couches voiii- nes de la terre de quelles on connoilioit l'epailietir qui repond a une ligne de mercure; mais I'experience a fait voir que des que les hauteurs deve- noient un peu fortes, la regie etoit en detain & les donnoit d'un cinquieme ou d'un lixieme nop petites, & on s'etoit era en droit de revoquer en doute le calcul de M. Mariotte, ce n'etoit cependant pas a lui qu'il falloit s'en prendre, mais a 1'iiKgalite d'adtion des emanations centrales qui echauf- fent fenfiblement les couches voiiines de la terre, tandis qu'elles n'agilfent que tres-peu lur les autres , & de laquelle M. Mariotte auroit certaineiuent tenu compte dans fon calcul, s'il l'avoit connue; en retablhtant cet ele- ment, la regie le trouve quadrer avec I'experience. Les failons & leurs viciflltudes , les mers, la terre, I'air, en un mot toute^ les dependances de notre globf , paroiflent done liees elTentiellenient a cette hypothele, mais voici qiielque chofe dc bien piu> fort. (a) Voyez Hiftoirc dc 1749. l^- Tome X. j5i ABREGE DES MEMOIRES mm^Bmmmm m Perfonne n'ignore l'extreme reffemblance des planetes a la terre, elles font comme elle dcs globes folides, & capables de reflechir !a lumiere; Physique. comme eue> elles ont un mouvement de rotation qui leur procure l'alter- Annic 176c. native des jours & des nuits 3 comme elle, elles decrivent des orbes ellip- °' tiques autour du foleil; comme elle, elles ont des parties plus ou moins obfeures-, comme elle, elles ont un axe & des poles plus ou moins inclines a leur orbite ; comme elle , les plus eloignees ont des lunes ou fatellites pour les eclairer pendant leurs nuits-, a tant de traits de reffemblance, il n'eft pas etonnant qu'un grand nombre de celebres phyliciens aient ajoute celui d'etre habitees comme la terre ; mais que deviendroient des habitans (du moins femblables a nous) dans faturne oil tout feroit ablblument gele par l'eloignement ou il eft du foleil , dix fois plus grand que celui de la terre? que deviendroient-ils dans mercure, (i voifin de cette arae de k nature ou notre eau ne pourroit fubfifter un moment fans fe reduire en vapeurs ? Mais fi on veut bien fe rappeller que l'adtion du foleil n'eq"i- vaut pas fur notre globe la 2ye. partie de l'emanation centrale dans l'ete, & la 4 ou 50oe. partie dans l'hiver, on verra bientot que la chaleur du foleil ne feroit furnTante ni dans faturne, ni dans mercure-, mais en reta- blillant le feu central dans ces deux planetes, mercure, plus durci par Tac- tion du foleil, ne permettra que des emanations tres foibles, tandis que faturne, beaucoup moins endurci, en permettra de tres fortes, & tout ren- trera dans une egalite d'autant plus parfaite que 1'endurciffement de la croute exterieure, toujours en raifon renverfee de la force des emanations, eft audi en raifon direde de la chaleur du foleil. L'extreme diftance ou la grande proximite du foleil , ne font done pal des raifons fuffifantes pour regarder les planetes comme inhabitables -, cette decifion feroit auffi peu fondee que celle des anciens, qui ne croyoient pas qu'on put vivre dans la zone torride ni dans les zones glaciales -, mais les planetes font-elles reellement habitees? M. de Mairan u'a garde de le foutenir, il fe contente de faire voir que d'apres fon fydeme, un des mieux lies peut-etre de toute la phyfique celefte , elles ne font pas inhabitables. Plus on eft eclaire fur ces matieres, moins on eft preffe de decider-, audi M. de Mairan s'eft-il tenu a l'examen des faits & des circonftances dont l'accord forme une preuve, prefque demonftrative, laiffant au ledeur a en deduire les confequences. SVR DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 153 P H Y S I Q U I. SuR LA DUREE DE LA SeXSATION DE LA VvE. ^^ ^g. Par M. d'Arcy. I / e s fens , & particulierement celui de la vue , font la feule voie par iVJl. laquelle peuvent nous etre tranfmiles les connoiffances de fait & d'expe- rience qui font la bafe de la phyfique : mais nous ne devons pas perdre de vue que ces guides ll neceffaires, peuvent nous egarer li nous ne fom- mes pas affez inftruits de la maniere dont ils nous tranfmettent l'impref- fion qu'ils ont recue des objets exterieurs : il eft done neceffaire d'exami- ner foigneufement cet objet, & il fe paffe dans nos fenfations un effet au- quel on n'a pas fait attention jufqu'ici, & que M. le chevalier dArcy a juge affez important pour en faire l'objet de fes premieres recherches fur cette importante matiere. Cet objet eft la duree de nos feufations ou le temps qu'elles fubliftent apres que la caufe qui les produit a ceffe d'agir : pour mieux eclaircir ce point, examinons les effets de cette duree par rapport a I'organe de la vue, L'anneau lumineux qu'on voit en tournant rapidement un flambeau, les foleils tournans d'artifice, la forme de fufeau qu'on voit prendre a une corde en vibration , font une fuite de cette duree de notre fenfation , & n'ont lieu que parce que le corps lumineux ou la corde font plutot reve- nus au point d'ou ils etoient partis, que la fenfation excitee dans notre organe n'a ete eteinte. II eft aife de s'appercevoir combien les limites de cette duree font importantes a connoitre pour y avoir egard toutes les fois qu'il s'agira de mouvernens tres-vifs & tres-prompts, & dans quelles erreurs on pourroit tomber en negligeant cet element; les erreurs mime pourroient etre d'autant plus a craindre, que li le plus ou le moins de vivacite de lumiere que renvoicnt les corps rend leur fenfation plus ou moins durable, il faudra de neceffite fe mettre en garde contre le plus ou le moins de fenfibilite des yeux des obfervateurs, & en choilir qui aient la vue bien egale pour les oblervations correlpondantes qui denunderont un certain degre de precifion : il etoit done neceffaire de s'affurer de la duree de la fenfation de la vue, ou, pour s'expliquer precifement, de trouver par experience combien de temps elle lublifte aprcs la ceffatijn de la caufe qui l'a produite. Pour y parvenir, M. le chevalier d'Arcy imagina une machine au moyen de laquelle il pouvoit faire mouvoir circulairement avec telle viteffc qu'il vouloit, un corps lumineux ou fort apparent, Si mefurer exactement cette viteffe. La principale partie de cette machine eft line croix dont chaque branche eft un canon, dans lequel on peut faire tenir, au moyen d'une vis, des verges d'acier plus ou moins longues & alonger o'.s raccourcir a volonte, Xorne XIII. Panic Franfoife. V i54 ABREGt DES MEMOIRES , n ii — — pal- ce moyen , les bras de la croix •, ces bras etoient garnis de volans qui , p felon leiir grandeur , leur inclination ou leur diftance ail centre fervoient 'a moderer le mouvement, & de griftes deftinees a retenir les corps qu'on Annie 176 '(,. vouloit mettre en experience, & qui, an moyen d'tine vis, pouvoicnt fe placer a telle diftance du centre qu'on jugeoit a propos; l'arbre de cette croix penetroit dans line cage contenant plulieurs roues , defquelles elle recevoit Ton mouvement par le moyen d'un poids , & la derniere de ces roues , qui ne failoit qu'un tour tandis que la croix en farfoit mille ; por- 'toit quatre chevilles qui levoient, Tune apres l'autre, 1111 marteau frappant fur un timbre ; d'oii il fuit qu'entre chaque coup de marteau , on etoit fur que la croix avoit fait deux cents foixante-quinze tours. II etoit done facile, au moyen d'une pendule a fecondes , de mefurer exactement la duree de chaque revolution dun bras de la croix, & par confeqtient de voir quelle viteffe etoit neceffaire pour qu'un charbon allu- me , par exemple, fixe a un des bras de la croix, donnat l'apparence d'un cercle de feu continu. Ce fut effe&ivement 'par cette experience que commenca le chevalier d'Arcy : line perfonne, placee dans une chambre a-peu-pres a la hauteur de la machine & a une mediocre diftance , obfervoit , par un trou fait h un volet , les revolutions d'un charbon ardent attache a la croix , & une pendule a fecondes placee pres de lui , indiquoit le temps ecoule entre chaque coup du marteau de la machine > voici les refultats de l'ex- perience. La viteffe du charbon erant telle qu'il y cut 36 feconr!?s er.tre chaque coup de marteau, e'eft-a-dire d'environ 8 tierces par revolution, l'anneau de feu paroiffoit continu & fans aucune interruption •, mais quand on la ralentiffoit jufqu'a ce qu'il y eut feulement 41 fecondes d'intervalle entre chaque coup de marteau , on voyoit dans l'anneau lumineux des inftans de difcontinuite. La meme chofe avoit lieu lorfqu'on placoit fur la croix deux charbons a des diftances inegales , avec cette feule difference qu'en diminuant la viteffe , la difcontinuite de l'anneau fe faifoit remarquer dans le grand plutot que dans le petit ; la meme apparence fubliftoit encore loriqu'on regardoit par une fente qui ne permettoit de voir qu'une par- tie de l'anneau , preuve evidente que ce n'etoit pas un mouvement ma- chinal & involontaire de l'ceil qui, en fuivant le charbon, auroit produit l'apparence de l'anneau, elle avoit encore lieu, foit que l'obfervateur em- ployat au-lieu de la vue limple, une lunette ou une pinnule; d'oii il fuit qu'il ne pouvoit etre attribue qu'a la duree de la feniation. M. le chevalier d'Arcy s'y prit encore d'une autre maniere ; il placa le corps lumineux derriere la machine & fixa fur une des branches de la croix, un difque opaque , qui, a chaque revolution, le cachoit en paf- fant •, la fenfation de ce corps lumineux parut etre fans interruption des qu'il fe trouva entre chaque coup de marteau de la machine , un intervalle de 40 ou 41", ce qui fembleroit indiquer que la vitelle ne feroit pas la meme pour produire la fenfation d'un cercle lumineux, que pour donner DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 155 la fenfation continue d'un point lumineux devant lequel paffe un difque SgSSSSSSSS opaque ; peut-etre auffi eft-il plus difficile de s'affurer de la continuite de n Ja fenfation continue du point lumineux , que de la continuite de Fan- "1IYSIO-UB« neau, fur-tout cette difference de viteffe 11'alUnt pas a un quart de tierce Annie ii6n, oil a la i4cme- partie d'une feconde. Les experiences que nous venons de rapporter , avoient etc faites pen- dant la nuit, M. le chevalier d'Arcy en ht d'autres pendant le jour : il reprit , par exemple , celle du difque opaque , mais au milieu duquel il avoit menage une ouverture par laquelle l'obfervateur pouvoit voir un objet eloigne : il eft clair que le refte du difque en toumant , devoit ca- cher 1'objet a l'obfervateur ; cependant quand on lui etit donne une vi- teffe fuififante, 1'objet parut d'une maniere continue comme fi rien n'en cut intercepte la vue , avec cette feule difference , qu'il paroiffoit un pen inoins eclaire. II comptoit, apres avoir determine la duree de la fenfation de la vue, par les experiences que nous venons de rapporter, examiner, au moyen de corps blancs & de differentes couleurs, eclaires par le foleil, i°. Ii les differentes intentites de la lurr.iere n'occalionneroient pas des varietes fen- fibles dans la duree des fenfations-, 1°. fi les varietes dans la diftance de l'obfervateur a 1'objet, n'en occalionneroient pas une-, 5°. enfin il les rayons du foleil de differentes couleurs , dont on attribue la diverfe refra&ion a la difference de viteffe , ne produiroient pas du plus ou du moins dans la duree des fenfations , mais le mauvais temps ne lui a pas permis de rem- plir exactement toutes ces vues, il refulte feulement des experiences que le temps lui a permis de faire, qu'il faut a-peu-pres la meme viteffe aux corps blancs qu'au charbon de feu , pour leur faire prendre l'apparence d'un anneair, qu'un difque circulaire , moitie jaune & moitie bleu, pro- duit par fa revolution un anneau vert ; qu'un autre fur lequel on avoit place les fept couleurs du fpectre folaire, avoit donne, par fa revolution, un anneau d'un bianc uniforme, mais qui n'etoit pas parfait, vraifembla- blement parce que la vraie proportion des couleurs n'avoit pas ere gar- dee; & enfin que ces dernieres experiences ayant ete repetees pendant la nuit a la clarte d'un flambeau, la premiere a donne un anneau vert, comme dans le jour, & la demiere un blanc gris-de-lin. II feroit certainement bien curieux de reconnoitre fi cette duree de la fenfation de la vue, feroit la meme dans des perfonnes differentes-, cette idee entroit dans le projet d'experience de M. le chevalier d'Arcy , mais il n'a pu encore l'executer, & il ne s'eft meme determine a publier cc-IIes dont nous venons de rendre compte, que dans la vue d'exciter les phy- ficiens a fuivre cet objet important : il refulte de celles-ci qu'on peut eva- liier a 8 tierces la duree de la fenfation de la vue-, il eft certain que celle de l'ouie a auffi une duree fenfible, fans cela l'anche d'un tuyau d'orgue ne feroit entendre que des coups fepares de la languette contre le demi- cylindre qui fait le corps de l'anche : cette matiere eft une des plus im- portantes de la phyfique, ilpourroit en refulter qu'un grand nombre d'ef- V ij i}j A B R E G £ DES MEMOIRES — — m fets qui nous paroiffent continus, ne le font cependant pas. Plus on avance dans 1 etude de la phylique, plus on decotivie de raifons de fe defier du Physique. rapp0rt je nos feas t & de chercher a ne pas confondre les yerites de fait Anm'c f]6$- avec les illul'ons dont elles Peuvent &re environne.es. Hift. OBSERVATIONS DE PHYSIQUE GENERALE. L JVIr. Fougeroux a fait voir a l'academie un egagropile fingulier , trouve dans une campagne qui fait partie de la Savoie, proche les mon- tagnes des Alpes-, la forme de cet egagropile eft tres-differente de la figure fpherique qu'affe&ent ordinairement ces fortes de productions , celui-ci avoit quinze facettes applaties & qui formoient des pentagones, la plupart reguliers-, le poil oil la bourre qui le formoit etoit tres-ferre, ce qui lift donnoit plus de conliftance que ces corps n'en ont ordinairement : on a trouve en l'ouvrant, a fon centre, un morceau de bois dur & anguleux, qui, vraifemblablement lui avoit donne origine-, mats la circohftance dans laquelle il a ete trouve , n'a pas permis de reconnoitre l'animal dans l'ef- tomac duquel il s'etoit forme & moins encore de determiner la caufe de3 diiierences qui le diftinguent des autres cgagropiles,. It Le 19 mai 1765 , a nn 15' du matin, on reffentit a Touloufe une fe- coufl'e affez forte de tremblement de terre -, la direction du balancement etoit du nord ail fud , & cette fecouffe qui dura 3 fecondes , fut fi fenli- ble, qu'un grand nombre de perfonnes , & fur-tout celles qui etoient aux feconds & troifiemes etages , s'en appercurent •, un homme aiTis dans im fauteuil & appuye contre une cloifon en platre, reffentit une fi vive com- motion , qu'if laiffa tomber un livre qu'il tenoit a la main •, tous les meu- bles eprouverent des balancemens tres-fenhbles & une porcelaine qui etoit fur une cheminee , fut jetee par terre & brifee en mille pieces; les bou- teilles & les verres fe heurterent dans les buffets , & les papiers places^ fur des tablettes, furent renverfes : trois chartreux qui etoient alors dans l'ap- partement des hotes % reffentirent vivement la fecouffe & affurerent qu'ils avoient entendu la charpente craquer & fenti les fo lives s'ebranlcr fous leurs pieds 5 le meme jour & environ quatre heures apres ce phenomene, il y eut un tres-grand orage accompagne dune pluie li conliderable qu'il tomba en pen de temps, plus de 10 lignes d'eau; le thermometre etoit monte a 21 degres au-deilus de la congelation, & le mercure etoit dans le barometre a vj pouces 8 lignes \ le temps avoit ete tres-variable & ties- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. r57 piuvieux depuis le commencement du mois de m.ii : de parcillcs fecoiifles ■ out ete reflenties le mime jour & a la mime Iieure a Narbonnc, & dans p la partie du pays de Foix , voiiine des Pyrenees. Ce detail eft tire de deux " Y s ' y L E" lcttres, 1'une de M. Marcorelle , & l'autre de M. Darquier, tous deux Annie i~Gf~. correfpondans de l'acadcniie. I I I. Trois des plus riches provinces du royaume de Naples, (avoir, la Ca- pitanate , la terre de Bari & cclle d'Otrante 3 ont ete defolees pendant plulieurs annees par des nuees de fauterelles qui devoroient abfblument tous les biens de la terre; ce fleau a donne lieu a une infinite de recher- ches pour sen garantir , quelques-unes ont reuffi & les moyens qu'elles ont fournis, tires d'une dilfertation fur ce fujet, envoyee a M. 1'abbe Nol- let, par M"e- Ardinghelli, & communiquee a l'academie par M. Fouge- roux , lui ont paru meriter d'etre donnees au public ; ces infeftes vinrent en bandes confiderables dans lete de 1758 & detruilirent toute la verdu- re, vignes, bleds , oliviers, bois, en un mot toutes les feuilles furent de- vorees; elles fe retirerent alors dans les terres non garnies de plantes & b l'abri de l'humidite, pour y depofer leurs ceufs, & elles y creuferent des petites foffes pour s'y loger •, les meres y moururent & laifferent leurs ceufs enveloppes dans une efpece de gaine de la forme & de la groffeur du petit doigt , & chaque gaine en contenoit une trentaine ; on jugera ailement de l'etrange multiplication de ces infeclres, lorfque les amfs vin- rent a eclore au printemps : des hotes (1 incommodes exigeoient qu'on cherchat les moyens de s'en delivrer ; voici ceux qui ont ete pratiques avec fucces. Le premier fut de bruler les ceufs & raerae les Jeunes fauterelles, avant qu'elles puffent voler , on alluma pour cet effet des feux de paille dans les endroits qui en etoient infeclres ; ces feux etoient a pen de diftance les uns des autres, & places de maniere que les infedes ne puffent eviter 1'un fans tcmber dans Fautre, fur-tout etant pourfuivis par les habitans qui les chaffoient ; d'autres les obligeoient a fe jetter fur une grande ferpillicre etendue fur le terrain & les enterroient enfuite dans des creux qu'on re- couvroit de terre. On employa encore une longue piece de bois portee fur des roulettes & garnie parderriere de longues branches d'epines, chargees de facs pleins de terre ; lorlque cette machine etoit mile en mouvement avec des boeufs qui la tiroient, les fauterelles qui fe trouvoient fur la route etoient infaiT- liblement ecrafees par les epines •, & on obferva , pour rendre cette opera- tion plus utile , de la faire le matin & le foir, temps auquel on trouve communement les fauterelles ralTemblees & moins vives que vers le haut du jour. Mais le moyen qu'on employa avec le plus grand fucces, fut cc-.'ui de labourer , en fcptembre & en cttobre, fes terrains qui contcnoient des i58 ABREGE DES MEMOIRES i — « oeufs , pour decouvrir les gaines oii ils etoient contenus & de les ratnaffer p alors pour les bruler : fi quelques-unes echappoient aux recherches , les 1 h y s i Q it e. ^ j'hiver qui les trouvoient decouvertes , les faifoient perir ; au mois Annie 176$. de mars on cherchoit avec la pioche les gaines qui avoient echappe, puis on y mettoit les pores , qui , pour avoir ces gaines dont ils font tres- friands, retournoieiit la terre & achevoient de les detruire; ces pores qu'on eleve dans le royaume de Naples, font noirs, plus petits que les cochons qu'on eleve ordinairement en France , & prefque femblables It ceux qu'on nomme ici des tonquins. A tous ces moyens qui ont ete mis en ufage dans le royaume de Na- ples, nous ne pouvons nous difpenfer de joindre celui que Thomas Gage affure avoir vu mettre en pratique dans le territoire de Mixco , village de l'audience de Guatimala; il rapporte (a) qu'une nuee de ces infe&es y etant venu fondre & menac^nt le canton dune defolation entiere, les ma- giftrats firent prendre aux habitans des tambours , des trompettes , des cors , &c. & que ce grand bruit chaffa les fauterelles , qu'ils poufferent jufqu'a la mer du fud ou elles trouverent leur tombeau. I V. M. Ie prefident Ogier, ambaffadeur de France en Danermrck, a mand: a M. du Hamel, que dans une terre appellee Kohoret , il s'etoit trouye un hetre de 65 pieds de hauteur & de 11 pieds 10 pouces de circonfe- rence , dans le tronc duquel il y avoit a la hauteur de 1 pieds 5 pouces de terre, une pierre de figure oblongue & irreguliere, d'environ 6 pieds de long fur 5 pieds 1 pouces de large & 3 pieds 6 pouces d'epaiffeur, tellement engagee par une de fes extremites, quelle etoit abfolument fou- tenue en l'air; il eft tres-probable que le tronc de cet arbre, lorfqu'il etoit jeune , s'eft trouve tres-ferre contre cette pierre , & qu'en prenant de la groffeur , le bois s'eft etendu deffus & deffous la pierre, qui , par ce moyen , a ete aflez ferree par la partie ligneufe , pour fe foutenir en l'air lorfque les eaux de la neige & de la pluie ont emporte la terre qui etoit deffous, ce qui eft d'autant plus probable que l'arbre etant fur une petite butte , l'eau en a eu d'autant plus de facilite a enlever la terre, qui d'abord fou- tenoit la pierre. O) Voyages de Thomas Gage dans la nouvelle Efpagne, troifiema Partie, Chap. XX, pag. 1S3. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 159 V. H Y S I Q U E. M. Rigault, medecin & phyficien de la marine , a Calais, a nunde Annie 176$. a M. l'abbe Nollet, que voulant s'afliirer (i les lumieres fcintillantes qui paroiffent de temps en temps dans l'eau de la mer , etoient caufees par des infecles lumineux , comme cet academicien le penfoit ; il avoit mis dans un demi-fetier d'eau de mer qui contenoit de ces points lumineux , une feule goutte d'acide nitreux ; qua l'inftant line quantite prodigieufc de ces infcclres , parurent trcs-lumineux & le donnant un peu de mouve- ment , mais que 5 ou 4 fecondes aprcs ils ceflerent de briller & fe preci- piterent an fond du vaiifeau , ou ils refterent fans lumiere , quelqu'agita- tion qu'on lui donnat : deux gros du meme acide produifirent le meme eftet dans une barrique de deux cents quarante pintes , la meme chofe arriva en employant l'acide vitriolique aux memes dofes , mais l'acide ma- rin ne parut pas agir (1 promptement-, il fallut uae livre de vinaigre pour produire le meme eflet que deuic gros d'efprit de nitre-, l'hnile de tartre & 1'alkali volatil eteignent les infettes bien plus dimcilement que les aci- des mineraux, mais M. Rigault a tente inutilement de faire reparoitre ceux 3ue les acides avoient detruits, en neutralifant les acides avec ces alkalis; n'a pu meme les empecher de perir en operant cette neutralifation , avant qu'ils eulfent perdu toute leur lumiere. II refulte des experiences de M. Ri- gault , que l'eau de la mer contient reellement des inledtes qui forment les points lumineux qu'on y obferve , comme l'avoit avance M. l'abbe Nollet. V I. A loccafion de la difference entre l'acT:ion des acides 8c celles des alka- lis fur les infedtes lumineux de la mer, M. le due de Chaulnes rapporta l'obfervation fuivante qn'il avoit faite plufieurs fois •, on connolt affez les petires anguilles qui fe voient avec une forte loupe ou un microfcope dans le vinaigre aftoibli , li on met dans ce vinaigre quelques gouttes d'eau- forte, elles periffent tres-vite, & on les trouve routes roulees en fpirale, mais li au lieu de l'acide on y introduit de la folution d'alkali, alors elles reliftent bien plus long-temps & meurent en s'alongeant : l'acide excite vraifemblablement dans ces animaux un mouvement violent & convullif que n'y caufe pas 1'alkali, ce qui confirine parfaitement les obfervations dc M. Rigault. 160 ABREGE DES MEMOIRES, Sec. Physique. jinnee 176$. V I I. M. HeriSSAnt a fait voir a l'academie , que I'opcrcule du limacon de vigne, ou cette piece qui ferme fa coquille en hiver, lorfqu'on dit qu'il eft vitri, n'eft point forme , comme on l'avoit cm jufqu'ici , par une hu- meur vifqueufe ou baveufe , qui s'epaiffit & fe durcit a l'air •, mais que cette partie eft formee comme les coquilles , de deux fubftances principales , dont la premiere eft animale & fingulierement organifee , & la feconde purement terreufe. M. Heriffant fe referve de donner dans fon ouvrage fur l'organifation des coquilles des animaux , un detail tres-intereffant fur le niechanifme admirable par lequel cet opercule prend naiffance ; il a fait voir que fa fubftance animale a appartenu a l'animal meme, de l'em- pattement duquel elle fe detache fous la forme d'une membrane fine & deliee, qui acquiert bientot de la folidite par la prefence de la fubftance terreufe qui y abonde tout-a-coup en quantite fumfante pour produire une forte d'incruftation a-peu-pres femblable a celle que M. Heriffant a de- couverte dans la formation des coquilles d'eeufs. HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. Tome XIII. Partie Fran^oife. X Iavoir en france d'excellens cos, que nous avons recours aux ctrangers-, Annie 176%. mais le prejuge; favorable 1'emporte fur le veritable interet du commerce, quoique ce prejuge n'ait pour bale que l'habitude & l'opinion. SUR LA NATURE DU TERRAIN DE LA POLOGNE, E T DES M1NERAUX QU'IL RENFERME. (*) Par M. G U E T T A R D. Noia. Dans les noms Polonois d'hommes ou de lieux, pour marquer la prononciarion jufte, on a ete' oblige de fe fervir de lettres kaliques , auxquelles on donnera la valeur fuivante ; \'a doit etre prononce' comme s'il y avoit on, i'e comme in, I prelque comme / mouillee en Francois. Mem. J_j A Pologne eft le plus grand royaume de l'Europe ; fon etendue eft d'environ trois cents lieues d'orient en Occident , & d'environ deux cents cinquante du midi au feptentrion. En la confiderant du cote de fon terrain , je peux la divifer en quatre grandes parties ou bandes; favoir, en bande fablonneufe, marneufe, laline & fchiteufe ou metallique. La premiere renferme prefque la moitie de la Pologne ; la feconde les baffes montagnes qu'on traverfe apres les pays de fable ; la troifieme y ceux qui font derriere ces montagnes , qui s'y enclavent a ce qu'il paroit , & qui avoifinent les Karpacks memes. C'eft dans la bande faline que les bitumes, les huiles de Petrole paroif- fent fe trouver ; il peut du moins s'y en rencontrer de meme que dans la metallique. J'ai lieu de penfer que lorfqu'on connoitra la mineralogie de la France encore mieux qu'on ne la connoit, on s'affurera qu'il y a une pa- reille bande de terrain, & que c'eft a elle qu'on dojt peut- etre rapporter les eaux chaudes, & peut-etre meme les marbres •, je la confidererai ainli dans ce memoire, par rapport a la Pologne v c'eft la tout le changement que je penfe devoir faire au plan que j'ai propofe il y a deja plufieurs an- nees, pour la France, l'Angleterre , la Suiffe & quelques autres pays. La bande fablonneufe de Pologne contient la Ruffle blanche au levant & une partie de la Lithuanie i la Curlande , la Samogitie au nord ; la Po- merelie, la Pruffe Polonoife, la plus grande partie de la grande Polo- (*5 Nous abrcgeons les deux memoires 6e nous n'en faifons qu'un. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 167 gne , la Mazovie & la Podlachie a l'occident ; la Polefie & un peu de la — —^— Volhinie au midi. „ Comme la Pruffe Ducale 011 le royaume de Pruffe eft enclave dans la „' S T ° "" Pologne entre la Samogitie Sc la Pruffe Polonoife , & que j'ai traverfe ce royaume, j'en parlerai en meme temps, fon terrain etant femblable a celui Annie ij6z. de ces differentes provinces de la Pologne. Tout ce pays fablonneux peut avoir du nord au midi cent cinquante lieues, & deux cent cinquante d'o- rient en Occident. On ne trouve en general dans cet efpace confiderable qu'un fable blan- chatre , qui renferme uiie plus ou moins grande quantite de cailloux gra- niteux qui varient par la groffeur, la cottleur & la durete; ils font dans- certains cantons meles avec des cailloux de quartz , de jafpe , d'agate , de chalcedoine & autres pierres femblables ; dans d'autres cantons ces cailloux font parmi de petites pierres de la nature de la pierre a chaux, elles con- tiennent fouvent des corps marins; ces corps font quelquefois ifoles, oil feulement entoures d'un fable qu'on en peut aifement detacher. Tout ce terrain eft fans montagnes; il n'a au plus dans quelques en- droits, que des buttes ou des efpeces de dunes de fable; j'en ai vu de fem- blables depuis Cuznica jufqu'a Grodno-, elles s'elevent infenliblement & deviennent des buttes affez hautes; on en trouve d'autres d'Oza a Rotnica: pendant mon voyage de Konigsberg a Danrzick, j'en ai traverfe dans les Lois par lefquels on paffe avant d'arriver a Topolina, oil Ton trouve le Bog, riviere auffi conliderable que la Seine; les courfes que j'ai faites dans les environs de Varfovie, m'en ont fait voir ca & la, principalement fur la gauche de Marimont , petit chateau a une lieue de Varfovie •, il y en a de pareilles autour d'Orvock, terre de M. le comte Bilinslri, grand mare- chal de la couronne. II y en a dans beancoup d'autres endroits , mais elles ne peuvent reelle- ment etre regardees que comme de petites elevations , ou des buttes de lable •, la plus haute de celles que j'ai vues , n'a peut-etre pas plus d'une centaine de pieds de hauteur : 1'Oberland qui fait partie du royaume de Pruffe, en a cependant qu'on peut regarder comme de baffes montagnes; on en peut dire autant de celles qui bordent ce beau & grand lac , appelle le frich-haf; ce lac n'eft fepare de la mer Baltique que par une langue de terre, ou plutot de fable, formee a ce qu'il paroit, par des arteriffemens de cette mer; on l'appelle frich-nerung ; le lac, depuis le Pilau ou fes eaux entrent dans la mer Baltique jufqu'a Dantzick , eft borde de ces mon- ticules qui, en hauteur font peut-etre les plus conliderables que j'aie en occafion de voir en Pologne; leur figure eft plus alongee, leur fonimet plus arrondi, plus etendu que ceux des precedens; ces derniers font plus courts, plus pointus & fouvent ifoles; ceux des bords du frich-haf Sc la plupart des autres font de pur fable affez fin ; on n'y trouve pas la moindre pierre, du moins ^ l'exterieur ; il en eft a-peu-prcs dc meme de ceux dont on tire de 1'ambre entre Konigsberg & Memel ; fuivant Hartmann & Sendelius. Les plaines , le lit des rivieres , le fond des lacs & des ctangs , celui i6S A B R E G E DES MEMOIRES meme des prairies, font audi fablonneux •, le fable en eft arrondi, oblong ou ovoide, ordinairement blanchatre, quelquefois tres-blanc, quelquefois H i s t © i R E augj jaunatre s „oiratre ou de quelqu'autre couleur. Si eloigne que j'aie Naturelle. et£ ^ [a mer Baltique, j'ai toujours trouve un fable femblable dans toute Annie in6%. l'etendue de la bande fablonneufe, dans les endroits du moins oil je l'ai examine , & j'ai iouvent eu l'attention de faire cet examen. Lorfqu'on regarde ce fable a la loupe, on remarque que generalement parlant , tous fes grains font de la meme couleur; quelques-uns cependant lont rougeatres, jaunes ou tirant fur le noir-, mais je n'en ai point vu dans l'interieur des terres dont la couleur variat tant que celui des bords du frich-haff, pres Pilau, & dans quelques autres endroits du cours de ce lac & des bords de la mer Baltique ; ce fable reffemble a ceux qui font auri- feres •, les grains rougeatres & jaunes y font plus communs ; la couleur de la plupart eft d'un rouge de rubis-balais ou d"un jaune de topafe •, les noirs y dominent , & fouvent a un point que ce fable paroit etre entierement de cette couleur-, ceux-ci font attirables a l'aimant -, quant aux blancs , ils font, de meme que les premiers, brillans & tranfparens; on les prendroit pour des cailloux de Medoc extremement petits. La couleur totalement jaunatre ou noiratre de fables qui fe trouvent dans l'interieur du pays, depend des terres avec lefquelles ces fables peuvent etre meles; ils font jaunatres dans les endroits ou il y a de la mine de fer ou quelque terre ferrugineufe ; noiratres, lorfqu'ils font fous des marais ; dans des prairies, dans des tourbieres ou des terres de la nature de la tourbe ■■, au refte ces couleurs peuvent etre emportees par le lavage , au-lieu que celles des au- tres fables colores leur font propres & inherentes. La grande quantite de cailloux de granites , dont le terrain fablonneux de la Pologne eft rempli, eft, apres les fables, ce qu'il y a de plus frap- panf, ces cailloux cependant ne font pas par-tout egalement communs ; ce que j'ai dit plus haut des monticules de fable , doit deja le faire penfer : il y a des cantons oil Ton n'en voit point ou prefque point ; la terre en eft couverte dans d'autres -, ils dominent dans la plupart de ceux qui ont des cailloux , e'eft le quartz dans quelques autres ; les fables ou l'on n'en re- marque point a l'exterieur, n'en font cependant pas entierement depour- vusj les villes & les villages de Pologne fitues dans les endroits oil la fur- face du terrain n'en eft point parfemee , ont quelquefois un pave fait de ces cailloux-, tous ceux de la Pruffe Ducale en font paves, il ne s'agit que de fouiller un peu pour en rencontrer dans ces lieux ; ceux ou le terrain en eft le plus convert, en contiennent aufli dans leur interieur , & ils ny font pas plus difficiles a trouver : j'en ai vu fur la furface du terrain depuis Ivonolock jufqu'a Rava & dans les environs de Rava; les environs de Var- fovie en fourniffent -, mais j'ai vu peu d'endroits ou la terre en fut-plus couverte qu'aux approches de Grodno & dans quelques cantons des terres de M. le grand Marecjial, en allant d'Otvock a Ofciek. M. l'abbe Ducruet en marque dans fon itineraire entre Sorocz & Lubartow -, les cantons de Niefvietz & de Pinczovia en Lithuanie font remarquables , non-feulement par ces pierres, mais par plulieuis autres qui font melees avec cellcs^ci : DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 169 M. le prince Radziwil a qui ces tcrres appartiennent, y a meme etabli des ■ ouvriers qui les travaillent. H 1 s t o 1 n 1 La couleur de ces cailloux varie beaucoup-, les uns font gris -blancs, NATURtlLE blancs & rouges, on couleur de cerile, parferaes de points noiratres & de verdatres; d'autres font gris-terrcux 011 lie de vin avec des points gris-, Annie ij6z, le fond de la couleur eft dans d'autres vert avec des points blancs, on noirlitre avec des points d'un blanc lave de rouge ou (Implement blancs-, la plupart font tres-durs, les grains en font fins & bien lies , fouvent meme leur liaifon eft telle qu'on ne petit les diftinguer les uns des autres; ceux ci approchent beaucoup des porphyres, s'ils n'en font pas reellemenf, beau- coup ont des grains plus gros , melanges avec des lames cjuartzeufes, de plulieurs lignes de largcur, d'un blanc plus ou moins vif-, teint de rouge 011 de couleur de cerife ; quelques-uns iont interieurement colores de gris de fer luifant , & qui paroit reellement etre line matiere ferrugineufe ■-, quelques-uns enfin font veincs de couleur de cerife, de vioiratre & de rouge. Les paillettes talqueufes font rares dans toils ces cailloux graniteux; 011 y en remarque cependant quelques-unes qui font noiratres, argentees ou dorees. La groffeur de ces pierres ne varie pas moins que leur couleur, & que la quantite de paillettes talqueufes qu'elles peuvent avoir ; il y en a qui ont depuis plus ou moins d'un pouce de diametre jufqu'a 1111 , deux , trois pieds, & meme plus dans cette dimenfion : on en trouve fouvent en dedans & en dehors de la terre, qu'on pourroit regarder comme de pe- tites roches; ces malfes font quelquefois coupees de veines de quartz blanc. de deux ou trois polices d'epailfeur : de quelque grodeur que ces cail- loux loient , leur figure eft toujours arrondie. On emploie le plus communement ces cailloux a paver les villes , les villages & les cours des maifons ; mais lorlque leur grolleur le permet , on en fait des meules de moulin a bled ou de petites meules enticre- ment femblables , pour la figure , a celles qu'on tire de rerre en France, aux environs du Havre , & qui Iont faitcs de poudingues -, ces petites meules lervent a broyer les grains dont on fait desgruaux, que l'on nomme en Pologne kafza (cacha). Chaque maifon de pay Ian a ordinairement un petit moulin a bras a cet effet; ce moulin reffemble en tout point a celui des moutardiers : les perrons des mailons de Konigsberg & de Dantzick ont, pour la plupart, des bornes faites de cette pierre , ou de grotfes boules d'un pied, un pied & demi ou environ de diametre, pofees fur des des, qui, de meme que les boules, font aufli de ces granites. On voit dans les jardins de Vilanow, palais du prince Czartorisld , deux boules femblables, que deux hommes peuvent a peine embrafier-, elles ont fervi de noyaux a des globes celefte & terreftre de fer- blanc, qui font nuinte- nant en partie detruits. II n'eft pas rare de trouver parmi ces cailloux graniteux d'autres cail- loux qui font de quartz, d'agates ou de jafpe; ceux de quartz font plus communement blancs que de quelqu'autre couleur; j'en ai vu des champs abondamment parlemcs aux environs de Dardalow, il y en avoit qui, par leur allemblage, formoient des poudingues : on en voit de gris, de rouges Tome XIII. Partie Frericoi/e. Y I7o AIREG^ DES MEMOIRES — » & de quelques autres couleurs. Les agates font affez ordinairement blan- ches, beaucoup cependant varient par les couleurs; j'en ai vu de brunes Hi s t o i Rtjj blanches, de rougeatres & jaunatres, de rouffatres & blanc-fale, de INaturel -. gr;fes avec jes taches gris- de-lin pale & de pludeurs autres nuances & Annie lrG%. varietes. Les jafpes ne font pas moins diverbfies ; il y en a qui font d'ufi tres-beau rouge, d'autres font verts, verdatres, fleuris ou marbres. Quoique Ton puiffe trouver de ces pierres repandues ca & la dans toute 1'etendue du terrain lablonneux, il paroit neanmoins qu'elles font plus com- munes du cote de Bia/a en Polefie, de Niefvietz & de Pinczovia en Li- thuanie-, ces endroits, fur- tout les deux derniers, fournitfent merae des agates-onix, des fardoines , des chalcedonies, & line pierre qu'on pourroit peut-etre regarder corame une aventurine. Le fond de cette pierre eft blanc, gris, brun , rouge ou de quelqu'aurre couleur, & parfeme d'une quantite de petites paillettes argentees ou dorees. J'ai vu de toutes ces pierres travaillees en tabatieres , pommes de Cannes , poignees de fabrc unies ou fculptees, taffes, foucoupes & gobelets de difterentes figures; en tin mot, on fait, dans la manufacture du prince Radziwil, travailler ces pierres avec beaucoup de foin, & on leur donne un tres-beau poli. II eft depuis peu forti de cette manufacture un cabaret a cafe , dont le plateau eft d'un feul morceau d'une de ces pierres , & affez grand pour qu'on puille y placer fix tailes avec leurs foucoupes, la cafetiere, & meme une theiere, qui font toutes d'une pareille pierre : ce cabaret a ete prelente au jroi de Pologne par le prince Radziwil. On rencontre encore parnii les cailloux dont il vient d'etre queftion des morceaux de pierres talqueules ; mais ils ne font pas comnuins, ils diffe- rent en couleur; c'eft probablement a eux & aux granit-s que font dues les paillettes de talc qui font melees avec le fable ; j'y en ai toujours vu tres-peu, elles lont apparemment un peu plus communes dans quelques cantons; Rzaczynsky cite du moins les environs d'Oliva & la montagne Hagelsberg, qui eft pres de Dantzick, comme des endroits remarquables par le talc qu'on y trouve, encore n'y en voit-on, dit-il, que de temps en temps. D'autres cailloux, bien plus rares il eft vrai que les precedens, font ceux qui reffemblent aux cailloux de Medoc & qui, comme ceux de Medoc, font probablement des morceaux de cryftal roules : on trouve quelquefois de ceux-ci lur les bords des etangs des environs d'Otvock , fur-tout lorf- que la Viftule y a porte fes eaux, augmentees par la fonte des neiges ou par l'abondance des pluies : ces cailloux lont tranfparents, on en tait des boutons de manches de chemife. La bande fablonneufe fournit encore d'autres cailloux non moins cu- rieux pour des naturalises , mais d'une nature bien differente de tous ceux dont il a ete parle jufqu'ici : ces cailloux font de petites pierres a chaux d'un blanc- fale & de quelques polices de diametre; elles le trouvent me- lees avec les autres; on les fait cuire dans plufieurs endroits, comme vers Grodno, Vilna, Dantzick, &c. pour fiire de la chaux. Ces pierres renferment fouvent des corps marins, favoir, des madripo- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 171 res, des retipores & plulieurs cfpeces de coquilles-, j'en ai vu dans cellcs — — — — — des environs de Grodno & de vilna : Rzaczynsky en marque de fcmbla- t, bles a Dantzidc , dans Ie palatinat de Culm^& aux environs de Varfovie, M rni j^. « rr ■ \ KATUREILH. mais aucun canton connu en rologne, ne me paroit etrc aulli riene en ce genre que ccux de Nielvietz & de Pinczovia dont il a etc dija parle pin- Annie Ij6z. iieurs fois. On y trouve difterentes clpeccs de coquilles , des madrepores branchus & fans branches, qui different par la figure & la grandeur de leurs etoilcs ; il y en a entre eux qui out des branches qui peuvent avoir un demi-pied, un pied, & meme pius, de hauteur. Tons ceux de ces ma- drepores que j'ai vus etoient devenus agate blancha'tre. On tire encore dc ces endroits plulieurs efpeces de pierres ctoilees & de fongites conlidera- bles par leur grandeur. Ces dernieres fofliles ne font pas rares amour de Konigsbcrg ■, on en conferve plulieurs fortes dans un cabinet d'hiftoire naturelle que j'ai vu lorfque j'etois dans cette ville •, ils m'ont paru femblables a ceux far lef- quels j'ai donne un memotre iniere dans le recueil de l'academie. Les en- virons de Konisberg fournilfent encore des griphytes de Luid, dts huitres, des cames , des peignes , des echinites , des pierres juda'iques , des pierres ctoilees, & plulieurs autres foffiles femblables. Tous ces differens corps marins , de meme que les granites & les autres pierres dont il a etc jufqu'ici fait mention dans ce memoire, ne forment point de bancs dans la terre ; ils y font ifoles & difperfes ; mais an gres qui fe tire pies de Konskie & de quelques autres endroits, en a d'affez etendus-, il eft blanchatre 011 grifatre, quelquefois veine d'un jaune 011 d'un rougf ferrugineux •, fon grain eft fin & doux, il l'eft meine de ficon qu'on peut l'employer i des ouvrages d'architeclure & de fculpture. L'on s'en eft iervi pour conftruire dans les jardins dependans du chateau du grand chan- celier de la couronne, Malachowski, une fort jolie fontaine, & de bon gout, ornee de vafes & de figures tres-bien finies : plulieurs jardins de Varlovie ont des figures qui font de ce gres. Une autre forte de pierre pen propre aux ouvrages d'ornement, eft gra- veleufe & de la nature de celle qu'on appelle pierre de /el dans plulieurs endroits de la France; elle ne differe guere de celle de cette elpece qui fe trouve a Paris & dans fes environs, qu'en ce que fes graviers font quartzeux, mieux lies & plus varies par la couleur : on s'en fert pour faire des marches d'efcaliers , des tablettes de fenetres , des baluftrades , des ba- luftres , des bancs , &c. je l'ai vu ainli employee dans plulieurs maifon de Vilna ■, elle fe tire de l'economie de Slouka en Lithuanie. Voila a-peu-pres toutes les pierres qu'on trouve en Pologne dans la bande fablonneule, ce font-la du moins toutes celles que j'ai eu jufqu'a pre- fent occafion de voir : quant aux mines celle de fer eft la feule qu'elle renferme ■, elle fe tire ordinairement des marais-, ces marais ont un lit de tourbe ou de terre de la nature de la tourbe •, ce lit eft luivi d'un fable dont on ne connoit pas la profondeur : e'eft dans ce fable que le trouve la mine •, elle n'y forme point de couches , les morceaux font dilperfss , & par quartiers d'un ou de plulieurs pieds de largcur & d'epailfcur. Y ij 171 ABREGE*DES MEMOIRES tmww.uui« On rencontre quelquefois au-deffous du lit de tourbe , ou de la terre ~~~ " qui tient de fa nature, ou dans le fable meme, des veines d'une terre bleue Histoire qjjj approc|le par fa couleur du bleu de Pruffe , du bleu de montagne ou NatuRelle. jg C^mjil, Outre cette terre, on decouvre encore fouvent des lits de glai- Annte ijGz, ^es °llu coupent celui de fable a des hauteurs indeterniinees. Les autres terres de la bande fablonneufe font auffi des glaifes ©u des lerres marneufes-, elles fe rencontrent a difterentes profondeurs, il ne faut pas fouvent fouiller a deux on trois pieds pour les trouver •, fouvent auffi elles ne fe montrent qu'a dix ou vingt & meme plus. Les glaifes varient par la couleur; il y en a beaucoup qui font blanchatres, d'autres qui tirent plus ou nioins fur le vert, le jaune ou le noir, ou elles font veinees-, elles ont ordinairement beaucoup de fable : on mele au-lieu de fable ordinaire celles qui en contiennent le plus avec celles qui en ont le moins , pour en faire de la brique, des tuiles & de la poterie : ces terres ne font pas rares, les environs de Varfovie , de Grodno , de Vilna , de Konisberg , de Dantzick, de Goura & de toutes les autres villes que j'ai pu voir, n'en manquent pas, a en juger par la quantite de briques qu'on fait dans ces en- droits, les maifons & les edifices publics etant batis de briques & couverts de tuiles. Si le terrain de la Samogitie etoit tel qu'on le dit communement en Po- logne, il n'y auroit point dans ce royaume de province ou il fut plus glai- feux ; a en croire meme certaincs perfonnes , ce pays eft entierement de cette nature, & le fable y eft li rare qu'on auroit de la peine a y en trou- ver. Tout Polonois convient que e'eft un pays plat, tres-gras & ties-fertile en grains , & principalement en lin & en chanvre qui y viennent plus beaux qu'en toute autre province. Mais je penfe que ce que l'on dit du terrain glaifeux de la Samogitie , doit fe reduire a ceci ; favoir , que cette province eft tres-marecageule , & pent etre encore plus que la Lithuanie, qui, quoique remplie de marais & d etangs , eft pourtant en general toute fablonneufe •, & cette nature de terrain s'etend meme juiqu'en Ruffle. Au refte , quand la Samogitie feroit toute glaifeufe, on ne devroit pas la fepa- rer de la bande fablonneuie, ies glailes etant aflez communes dans ces ior- tes de terrains, Les terres marneufes qu'on trouve dans la bande fabloneufe de la Polo- gne, font blanchatres ou grifes, quelqucfois un peu jaunes; elles fermen- tent avec l'eau-forte : j'en ai vu autour de Varfovie, dans les biens de M. le grand marechal, qui (ont aux environs d'Otvock, comme a Zabiefca, Parifouva, Jafwin, Rembow, Salovanie; & il eft plus que probable qu'on en decouvriroit dans mille autres eudroits des pays fablonneux de la Po- logne. Pour finir ce que j'ai a rapporter en general des mineraux qui fe tirent de ces pays , il ne me refte plus qua dire quelque chofe du iuccin ou anibre jaune-, tous les anciens & les modernes qui en ont ecrit, convienncnt qu'il fe ramafle fur les bords de la mer baltique ; e'eft principalement depuis Memel jufqu'a Dantzick, mais fur-tout entre Memel & Konisberg : on le cherdie parmi les matieres rejettees pax la mer; ou bien des lioaimes en- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 173 trent dans lY.ni, portant ail con tine efpece de fac & ayant .. la main line — — i— ^— perche , an bout de laquelle eft attache un filet en forme de poclie ; ils u promenent cet inftrument dans l'eau & lorfqu'ils rencontrent quelque mor- ^.t1 S T ° ' II * ceau , ils le depofent dans le fac qu'ils out pendu ail coil L'ambre qui eft •Natv Rt LLt- rejctte fur les bards de la mer eft mcle avcc des pctits brins de bois pour- Annee iiGx. ris ; & ordiiuirement en morceaux peu considerables ; lcs gros morceaux, fe pechent; il eft rare d'en trouvcr fur la plage. Cette recolte d'ambre n'eft pas la fade qui fe fade fur cette cote ; or* en tire anffi de la terre : com me je n'ai pas vu de ces mines, je ne dirai ricn du travail qu'on y emploie ; on peut au refte en lire le detail dans 1 hiftoire de fuccin de Hartmann,. & dans celle de Nathanac'I Sendelius. Ces mines font dans les monticules de fable qui bordent la mer Baltique : il paroit qu'on en decouvriroit de pareilles dans 1'interieur de la Pologne; on a du moins rencontre de l'ambre dans beaucoup d'en droits plus ou moins eloignes de la mer Baltique : j'en poffede un morceau qui 3 etc trouve fur les biens du comte RzewusUi, palatin de Podlachic, dans fa terre de Lu- kouko , territoire de Chelm , a environ une centaine de lieues de la Bal- tique; il avoit etc entraine par les eaux d'un petit ruilfeau qui en roule dans fes criies : un morceau qui m'a egalement ete donne en prefent , eft de New burg, en Polonois Nou-e ; cet endroit n'eft diftant de Dantzick que de vingt lieues. Les eaux minerales font rares dans Iabande fablonneufe dePologne, pen du moins font counties ; il y en a line fource a Nietempow, fitue a une vingtaine de lieues de Varfovie; elle a tous les indices d'une eau ferrugv- neule ; il y a lieu de croire qti'une de la ville d'Ofiek eft de racrae nature » peut-etre moins forte que la premiere; e'eft fans dome fatite de recherches que Ton a trouve li peu de ces eaux , puifque les mines de fer ne luffent pas que d'etre commune dans cette partie de la Pologne* Si les eaux minerales font rares dans la bande fablonneufe de la Pologne, les eaux ordinaires y (out en revanche tres-communes ; car fans parler des grands flciives ou rivieres qui la traverfent, comme la Viftule, le Bog, la Merecz, le Niemen & la Vilia, qui font plus ou auffi Iarges que la Seine a Paris, la grande quantite de lacs dont ce pays eft rempli, en font un pays tres arrofe. Le frich haff eft peut-etre le plus grand de ces lacs : if a environ vingt- cinq lieues en longueur fur cinq dans fa plus grande largeur, favoir dii cote de Dantzick ; & deux ou environ dans fa plus petite, e'eft-a-dire du cote de Pilau; il doit fes eaux a plulieurs petitcs rivieres, & fur-tout a la Pregel, qui fe jettent dedans. Je croirois volontiers avec plulieius auteurs, tels qu'Hartmann [a) Si Prartorius (&), que ce lac n'eft pas bien ancien ; il me paroit avoir etc forme par lcs atteriuemens fablonneux de la mer Bal- tique , qui out donne nailiance a cette prefqu'ifle qu'on appelle le frichr nerung. La Pregel & les autres rivieres qui entrent maintenant dims le (a) Fid. Hartm. Jutcint Prujf. Hijtor. pa°. 17 , 18,33, FraiKofarti , 1677, ) Praior. orbit GaM. Olivtc , 1688, mfaU 174 ABREGi DES MEMOIRES ^^^mfrcch haff, portoient probablement autrefois leurs eaux jufque dans la met Baltiique-, cette mer n'eft feparee du lac que par le frich-nerung , dont la H i s t o i r i largeur n'a au plus que deux lieues de Prance-, cet amas de iable a formd Is at u r e l l e. une jiglle qUj s'eft oppofee a l'ecoulement ou a l'entree des eaux de rivie- Anm'e n6z. res ^ans 'a ^a'1'0!11^ •' a f°rm^ lIn baffin a ces eaux, lequel n'a eu d'ou- verture que du cote de Pilau , la quantite des eaux de la Pregel & leur rapidite s'stant apparemment oppofee aux atteriffemens de Ja mer, & ayant ainfi conferve une efpece de bombe, par laquelle les eaux du frich haff peuvent fe decharger dans la Baltique. Si jamais les fables que cette mer apporte journellement s'accumulent a un point qu'ils puiffent vaincre la rapidite avec laquelle les eaux du frich haff'entrent dans la Baltique, cc lac le trouvera Hole & n'aura plus de communication avec elle, ou plutor. inondera les pays voifins & s'y confondra. Le curifch-haff, autre grand lac dependant du royaume de Pruffe, pa- roit avoir ete produit par des caufes femblables , & on peut lui attribuer ce qui vient d'etre dit du frich- haff; fes eaux font principalement dues au Niemen ', elles fe melent a Memel avec celles de la mer Baltique. Les autres hes du royaume de Pruffe & decelui de Pologne, ne font pas fi confiderables que ces deux-ci, ceux du moins que j'ai vus : les lacs de la Pruffe, le long defquels j'ai paffe, out, pour la plupart, cela de parti- culier d'etre places entre des monticules de fable , & de facon que pin- fieurs font les uns au-deffus des autres, e'eft-a-dire , qu'un lac qui eft dans line vallee eft domine par un autre qui eft entre les monticules de fable qui font au-deffus de la vallee, un troifieme domine ce fecond', difpofi— tion que j'ai principalement remarquee dans 1'Oberland. Je n'ai rien obferve de femblable dans la lituation des lacs que j'ai pu voir en Pologne ; ils font dans des plaines ou dans des vallees-, je.n'en ai Eas vu, il eft vrai, un grand nombre, quoiqu'ils y foient multiplies : la ■ithuanie, laCurlande, la Varmie, la Pruffe- royale, laCujavie & laGrande- Pologne , en renferment une grande quantite. Paffons aux autres bandes dont le terrain de la Pologne eft compole. La bande marneufe n'eft pas auffi etendue en largeur que la metallique, mais elle l'eft plus que la faline : elle peut avoir environ une cinquantaine de lieues; elle traverfe les palatinats de Cracovie, Sendormir, Lublin, Chelm, Belzk , Leopol par les montagnes qui s'etendent depuis Leopol jufqu'en Volhinie •, elle paffe auffi dins la plus grande partie de la Volhi- nie, de la Podolie & peut-etre de la Kiovie-, voici mes preuves: •■ Lorfqu'on entre en Pologne par Bia/a , premier endroit de ce royaume qu'on trouve en quittant la Silehe atitrichienne par le chemin que nous tenions, on paffe par Przeginien, qui eft a quelques lieues de l£ ; il y a pres de ce village un etang , dont les bords font charges de rochers de pierres calcaires-, enfuite on rencontre l'abbaye de Bilano, qui eft a envi- ron une lieue de Cracovie-, cette abbaye eft batie fur une montagne com- pofee de rochers femblables , de meme que les autres montagnes de ce canton-, le cours de la Viftule depuis Cracovie jufqu'a Kalimiers, qui eft k une quarantaine de lieues de cette derniere ville, eft borde de ces ro- I S T O 1 RE DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i75 chers, qui font igalement de pierres a chaux ; ces montagnes continucnt Jul qua rulaw, endroit litue a deux licues de Kalimkrs. Aux environs de ces deux derniers endroits, les pierres ne font pas \. d'un grain bien fin, ni bicn blanc; leurs bancs, les exterieurs du moins, Waturelle. ne font pas formes de pierres d'une grande longueur & Iargeur, mais plu- Annie inGx. tot de qiurtiers qu'on exploite en moellons. On a ouvert entre Kahmiers &Cracovie des carrieres louterraines , d'oii Ton tire de tres-belles pierres d'un blanc de craie, qui font tendres, faciles a tailler, & d'un ulage com- mun dans les batimens : ces carrieres font dans les cantons de Szydlow, Kunow, Pinczow, ces endroits font du Palatinat de Sendomir, de meme que les villages de Szonicc & Schorzow, entre lelquels on tire de la craie jaunatre, futvant Rzaczynsky. Le meme auteur rapportc u que la Volhinie abonde en craie blanche >» pres Oftrog, dans on endroit appelle Bidmar\, dans les montagnes qui jj lont pres Cremenec. it II dit encore que Ton tire de la pierre (tatuaire des montagnes voilines de Leopol, de celles qui font pres de Pilany, Sl<2wcntin , &C. on prefere les dernkres & on les eg.-.Ic a celles de Breme. Le voilinage de Tembowle foumit des pierres dont on fait des tables, des (burn aux, des paves d'eglife & de maifons; les pierres de Jonickow, dans le Palatinat de Sendomir , celles du village Borzeta dans le Palatinat de Cracovie , font audi employees pour les ftatues. Je penfe que les pierres feuilletces que Rzdczynski dit fe trouver frequemment en RulTie, vers Bochnia, pres les monts Karpacs, dans la montagne oil Lublin eft batie, dans celles qui font autour de cette ville, de Kalimiers , & dans ploueurs autres endroits, & qu'on taille en tables epaifles; je penfe, dis je, que ces pierres feuilletees font de celles qui , quoique calcaires , font appellees du nom de laves , & dont plulieurs cantons de la Champagne & de la Bourgogne font remplis. Dans un voyage que j'ai fait a Leopol, je me fuis afiiire que les mon- ticules qui fe rencontroitnt depuis Pulaw julqu'a Lublin, prennent peu-a- peu de la hauteur en avaucant vers Lublin, qu'ils font tous compoles d'une efpece de tuf jaunatre & lablonneux , qui contient point ou trcs peu de Eierres, & que celles qu'on y trouve , font calcaires; on les emploie dans . batilfe : ce lont des efpeces de moellons d'un blanc fale , qui renfer- ment quelques coquilles fruftes ou trcs-mal conlervees. De Lublin a Leopol, les monticules deviennent, plus on approche de cette demiere ville, des montagnes qui ont a peu pres la hauteur de cel- les des environs de Paris-, je remarquai des moellons calcaires dans le can- ton de Piaski, mais a Hrebenna je vis quelques roches dilperlees ca & la, qui tiennent plutot de la nature du gres. La difference de ces pierres ne pent guere etre one objection contre la generalite que je vnix rt.'.blir par rapport au terrain de ces cantons. Les pays de pierres calcaires font quel- quefois voir des endroits lableux qui peuvent renfermer quefques riches dc gres; on 1'obferve en France, on peut trouver la meme ch. le en Po- logne : Piaski, qui vent dire en francos, ville de fables-, feroit peut etre egalement voir des gres dans fes environs. 176 A B R E G £ des memoires i De Hrebenna on va a Rava; on trouve , pen apres cette villej des champs remplis de bois petrifies : Ton paffe apres Janow un rideau de mort- ' S T tagnes d'un nif jaunatre, femblable a celui des montagnes precedentes -, & de-la a Leopol , on en traverfe plufieurs autres femblables. Pres de Kozice, Annie i"$l. une de ces montagnes eft abondante en coquilles foffiles. Celles qui entourent Leopol font peii differentes : le vieux chateati eft bati fur line de ces montagnes; on trouve a fon fommet de petits lits de grcs fuivis de fables , au-deifous defquels font d'autres lits peu -confidera- bles d'une pierre calcaire, qui n'eft qu'un amas d'huitres, de carries & de tuyaux marins. Plufieurs des huitres font devenues de la nature de la pierre & fafil; ces corps marins ne font pas toujours reunis en maffe, quantite font fepares ; j'ai rencontre dans le banc qu'ils torment un morceau de bois petrifie & des pierres globulaires calcaires-, le refte de la montagne n'eft qu'une maffe d'un fable, qui, vti a la loupe, eft arrondi comme celui de la bande fablonneufe : il y a apparence qu'il fe trouve au-deffous de ce fable un banc de terre glaifenfe, il fort du moins du bas de la montagne pluliciirs fontaines d'eau douce qui pourroient le faire foupconner. Une autre montagne de ces environs, que j'ai encore examinee, & qui eft d'un tirf jaunatre & fableux, m'a fait voir de petits quartiers de pierres pofees inegulierement , & qui contiennent des peignes, des groffes carries, des huitres & quelques autres foffiles femblables. II en eft a-peu-pres de tiieme des autres montagnes fur lefquelles j'ai pu monter pendant mon ie- jour a Leopol. Du haut de celle fur laquelle le vieux chateau eft bati, on peut aifement diftinguer du cote du nord deux ou trois chaines de ces montagnes-, j'en, ai traverfe quelques-unes en allant a Cracoviec & a Zulkew : elles font en general compofees comme celles dont je viens de parler. Ce tuf me paroit devoir fe trouver dans plulieurs autres cantons , que je crois devoir placer dans la bande marneufe-, Rzaczynski dit du moins que le tophus abonde dans le Palatinat de Cracovie, a deux milles de Kala en Podolie, dans le voifinage de Vifuezka & pres de Trembonla en Ruffie. Les pierres ftatua'ires que j'ai vues a Leopol, font blanches, d'un grain affez fin & calcaire-, elles fe tirent, de meme que quelques autres qui font bleuatres, a quelques lieues de diftance de Leopol-, on en trouve a Mai- dan pr^cs Jofephu , qui eft a quatre mille de Samoc , dans la compolition defquelles il n'eft entre qu'un amas de gravier calcaire blanc -, cette pierre s'egraine facilcment & eft trcs-tendre-, on l'emploie neanmoins dans les • batimeiis , j'en ai vu a Samac qui y avoit ete apportee pour cet ufage. Les environs de Dubiecco, du territoire de Samoc, fourniilent encore des pierres calcaires-, ceux de Kanow, ville appartenante a l'eveque de Pre- iniffie, donnent des pierres de taille. Totites ces obfervations reunies concourant , a ce qu'il me paroit , a firouver que la Ruffie rouge fait partie de la bande marneufe qui traverfe a Pologne ; elle fe prolonge jufqu'en Pocutie & en Podolie. Le vrai platre n'eft pas rare dans cette partie de la Pologne dont il s'agit main ten a nt ; out R £ L L E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 177 imintenant; j'en ai examine plulieurs fortes, les lines font de Birze, »me — — autre eft de Rohatyn , ftaroftie fituee en RufTie ; celle- ci eft entierement u femblable a 1 'efpece qu'on trouve dans les carricres des environs de Paris, jj ATV & qu'on y appelle du nom de grignard ; celle de Rohatyn, de racrae que le grignard , eft un compofe de morceaux de pierres fpeculaires , jauna- Annie tj6t rrjs & brillantes, qui affectent une figure triangulaire : les bancs de cettc pierrc font de toutes fortes de longueur & d'epaiffeur; on l'einploie a f.iirc du ftuc lorfqu'elle eft calcinee ; on lui donne le nom d'albdtre dins le pays. Le P. Rzizczynski en parle a Particle des pierres fpeculaires : les experiences auxquellcs je i'ai loumife demontrent que e'eft une efpece de veritable platre. Celles de Birze font fibreufes -, 1'une eft d'un blanc argente Iuifant, far- gente manque a une autre, une troifieme eft d'un blanc aqueux ou cou- leur d'eau fans eclat; ces dilferens platres font limplement fibreux & divi- fes a l'ordinaire en portions egales par une ligne horizontale, & conle- quemment compofees de deux couches dont les fibres font de champ : d'autres fortes font par couches, les lines etoient fibreufes, & les autres grainues ou ecailleufes ; un autre de ces platres avoit des couches blanches, luiiantes, fibreufes, grainues ou a lames jaunatres-, les couches fibreufes etoient dans un autre d'un blanc aqueux & celles a lames d'un gris luilant; les fibres etoient dans une troilieme d'un blanc matte, & les lames dun gris terreux un peu luiiantes ; un quatrieme ditferoit de ce dernier pir des lames qui etoient jaunatres. Rzaczynski indique plulieurs endroits ou l'on trouve du platre fous la forme de pierrc fpeculaire ou fous celle qui lui eft des plus ordinaires : felon cet auteur, la pierre fpeculaire eft commune entre Cracovie & Soncz, dans le village de Pofadza, fitue , comme les deux demiers endroits, en petite Pologne-, le Palatinat de Ruflie en a pres le village de Marchocice, il eft abondant proche Podkamien-, les caves de Sarnki font creufces dans des rochers de cette pierre, & le couvent des religieux de Saint-Francois a de femblables rochers pour fondement : il y en a en Podolie, dans le voilinage de Jefupol , de Kurfani , dans les grottes de Krziwez & proche Czarnopol , ville peu eloignee de la riviere Prypec. L'autre efpece de platre fe tire en grande Pologne prcs Gorka, diftant de deux lieues de Kcinia pres Wapno , du canton de Paluki ", en petite Pologne, des environs de la ville de Stafzow, du village de Szoniec, de Wieliczka , des territoires de Zagierod , de Krzyzanow & de plulieurs au- tres endroits. Les montagnes de Leopol en renfermenti les campagnes de Skala-Trembowla en ont qui reffemble a de l'albatre , & auquel il ne manque que de la durete pour etre , felon Rzaczynski , regarde comme un marbre; ces endroits ne (out pas les feuls qui fournillent de cette pierre, on en rencontre ca & la , fuivant cet auteur. Je ne dirai rien de particulier au fujet de la pierre a menle qui le trouve dans la bande marneufe : je n'ai jamais pu me procurer de cettc pierre. J'ai quelque chofe de plus politif a dire des tcrres labour::bIes de cettc Tome XIII. Fartie Fran$oiJe, Z i-5 abreg£ des memoires ■» partie de la Pologne dont il s'agit a&uelleinent : voici ce qu'en rapporte u le P. Zlewiski, Jeluite , dans le memoire qu'il m'a communique. » En xi. " avancant, dit-il , de Leopol vers la ville de Halitz, qui eft cenlec ca- J) pitale de la Pocutie, quoique ce ne ioit a prelcnt qu une pauvre bour- Anaic ijGz. " gade, on trouve nn terrain qui diftere entierement de celui de la Po- jj logne •, c'eft une terre graffe , noire & extremement fertile , quoique M aflez mal cultivee ; on y emploie depuis fix jufqu'a huit boeufs pour une J3 charrue, & pour la plupart du temps on s'y contente d'un feul labou- »j rage. La Podolie ne diftere prefque point de la Pocutie , tant pour le »j terrain que pour la culture : tous les champs qu'on y laiffe en friche , jj deviennent des prairies oil Ton amaffe une quantite prodigieule de foin •, »3 on les convertit enfuite, au bout de dix a douze ans, en terres labou- J5 rabies. En Podolie, comme en Pocutie, on ne trouve qti'un ou deux >j pieds de terre bonne pour le labour , le refte eft rocher. La Volhinie J? eft un pays tout different, le terrain y eft affez bon , mais il n'eft ni li >j gras ni li dur qu'en Podolie. » Quoique cette derniere remarque du P. Zlevviski put faire penfer que la Volhinie n'a pas une terre labourable noire , Rzaczynski neanmoins affure que fon terrain eft noir , gras , & abondant en route forte de grains ; c'eft ce qui m'a ete confirme par quantite de gentilshommes de ce pays, occupes de la culture des terres : cette nature de terre fe con- tinue meme en Ruilie •, du moins j'en ai vu de femblable dans les en- virons de Leopol, en allant de cette ville a Zulkew & a Cracoviec. Tout le monde convient cependant que cette efpece de terre n'eft pas aufli abondante , aufli generalement noire ni li graffe en Ruffie qu'en Podolie & en Pocutie : on convient encore qu'elle ne rapporte pas autant en Ruffle que dans ces deux dernieres provinces •, les terres y rendent , de meme qu'en Volhinie , dix pour un •, la Ruffie neanmoins rapporte beaucoup plus que bien d'autres provinces de la Pologne : la Mazovie , par exem- ple , ne produit guere que deux ou trois pour un , ce qui ne vient fans doute que de ce que fon terrain eft fableux & de ce que Ton fume peu les terres en Pologne, meme ces fables. Dans tous les metaux, le fcr eft encore le feul qu'on trouve dans la bande marneufe ; Rz on en pafle plu- „ iieurs femblables en allant de Leopol a Zulkew : ces marais etoient pro- ' s T ° ' R E bablement autrefois des etangs oil des lacs , ces aims d'eau ne manquant p.is dans la partie de la Pologne dont il s'agit maintenant ; il y en a un a Annie lj6x, Janow qui rapporte bien en poiffons dix a douze mille livres par peche : j'en ai vu quelques autres , plus ou moins conliderables , pendant moo, voyage de Leopol. Rz on en voit de rondes, d'oblongues, d'autres en fufeaux plus ou moins ap- platis ; plulieurs pans font heriffes de tubercules de difterentes groffeurs : quelques- lines font pleines & folides, d'.iutres font creufes, & quelques- unes ont cette cavite partagee par pluiieurs lames d'une matiere plus dure & qui paroit tendre a la cryftallifation. Leur couleur eft prefque toujours celle de la glaife qui les enferme-, on en voit de blanchatres , de verdatres, de marbrees, de jaunes, &c. en un mot d'autant de couleurs que la glaife en peut avoir. La feule infpecYion de ces pierres porte a juger qu'elles font en partie compofees de la glaife ou elles fe trouvent, mais leur pold": & leur dureti font bientot voir qu'une autre matiere plus ferme & plus pelante eft entree dans leur compolition : on y diftingue mime , en esuQiiiutnt ces pierres a 1 84 ABREGE DES ME MOIRES i la loupe, line matiere pierreufe, liffe, polie & qui a une efpece de bril- lant, ce qui porte naturellement a penfcr que l'eau en fe filtrant a travers H i s t o i r t. jes |D;incs je giajfC) oll pent etre a travers la terre marneufe qui la precede, Naturllle. s»y cjlarge je cette matiere, quelle depofe enfuite dans les cavites quelle Artnte l-jP-". rencontre, & dans lefquelles les pierres falieres fe moulent. Quoi qu'il en foit , cette matiere eft veritablement calcaire •, elle fe dif- fout d.ws l'eau- forte avec promptitude & bouillonnement , & tout paroit concourir a dpnner aux filieres qu'on trouve dans la glaife, l'origine que leur afligne M. Guettard. Telles font les falieres qui fe trouvent dans la glaifes aux environs d'E- tampes : en voici d'une efpece bien difierente. M. Guettard les a trouvees aux environs de Pali, village proche de Soiffons-, elles forment vers le haut de la montagne un lit d'environ un pied , furmonte de quelques lits de pierre calcaire blanche ou de tuffau-, elles fe touchent prefque toutes les lines les autres, ce qui leur fait prendre une figure ailez irreguliere & & facettes : celles qui font ifolees font rondes ou oblongues. La durete de ces pierres eft tres-graude; quelques-unes font creufes •, & fi on les caffe, on trouve leur cavite revetue de petits cryftaux a facettes affez irreguliers-, dans quelques-unes on obferve que la cavite eft traverfee par des plaques de meme nature, heriffees de petites pointes cryftallines •, dans d'atitres on trouve des efpeces de colonnes formees d'un amas de ces mimes corps : en un mot, on y rencontre mille varietes qui prouvent que la cryftallifa- tion ne s'eft pas faite avec beaucoup de regularite. La nature des falieres qui fe trouvent dans la glaife , eft calcaire •, celle des falieres de la montagne de Pali tient plutot de celle du filex •, on les pent comparer a ces cailloux interieurement cryftalliles, qu'on nomme gJo- des; elles font feu foils le briquet, & ne fouffrent rien de Tact-ion des acides,. & elles ne different des geodes, que parce que leur ecorce eft gre- nue ou boffelee, au-lieu que les geodes out la leur liffe & unie. Les montagnes des environs de Pali ne font pas les fellies qui renfer- ment cette efpece de faliere •, on en trouve pies de la Fere en Picardie •, M. l'abbe Nollet en a procure de ces dernieres a M. Guettard , & M. Fa- vanne, maitre de deffin des eleves de la marine a Rochefort, en a trouve dans les montagnes voifmes de cette villej elles font par- tout les memes a quelques differences pres, qui ne donnent pas lieu de douter que leur formation n'ait ete par-tout la meme. Voici comment M. Guettard penlc qu'on pent l'expliquer. Le banc que forment ces falieres dans la montagne de Pali, qui eft h feul endroit oil M. Guettard les ait vues en place, eft divife par petits bancs ou lits, & ces boules fe touchent communement par un de leurs cotes. D'aprcs cette (ituation , M. Guettard conjecture que l'eau chargee d'une matiere cryftallinc ayant paffe entre les lits des pierres, a rencontre au-deffous une longue fente horizontale, ou elle a ete arretee par les bancs inferieurs qu'elle n'a pu penetrer & dans laquelle elle a depofe, en s'evapo- rant , cette matiere cryfhlline dont elle etoit chargee. Si on fuppofoit la fente horizontale parfaitcment libre, l'eau auroit d\\ produiic DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 185 produire dans c:tte hypothefe one plaque oa lame de matiere cryftalline ; — — m— — mais li an contraire die ne la iti que par intervalles & que le refte ai: ete „ plus 011 moins rcnipli de fable, il s'y fera forme des boules dont I'exte- *»' T c rieur aura plus on moins retenu de ce fable : d'autres vuides s'y etant for- ATURIUt' iritis par le fable qui fe fcra ecoule, de nouvelle eau aura produit de nou- Annie f/63. vellcs boules qui fe feront moulees dans la place que. leur laiiloient les premieres formees, & de-la toutes les bizarreries qu'on oblerve dans leurs figures. On voit bien, par excmple,que ii la matiere cryftalline a ete trop abon- dante, elle fe fera cryftallifee confufement , & n'aura pu former aucuns cryf- taux : les ialieres alors ieront ablolument pleines & homogenes-, une moin- dre quantite & line cryftallifation plus lente aura produit au-dedans des grouppes & des lames qui auront pu , par la fuite , s'incrufter de petits cryf- taux •, enfin line cryftallifation tres-lente aura produit d'abord de petits cryftaux, dans lefquels il fera quelquefois entre un peu de fable qui leur aura communique fa couleur , & qui fe feront enfuite revetus d'une en- veloppe plus 011 moins melee de lable, qui forme le corps & l'exterieur de la pierre; il peut meme arriver que cette enveloppe exterieure manque ablolument, &: alors les falieres feront de la nature de celles qu'on rrouve a Margny prcs Compiegne , entre les fentes des rochers , & auxquelles un certain arrangement de la matiere , en forme de rayons , out fait donner le nonv d'e'toiles. Les pierres falieres ne font pas les feulcs qui tirent leur nom de leur reiiemblance avec le fel •, il en eft encore d'une autre efpece , auxquelles cette meme reiiemblance a fait donner le nom de pierres defel .- ces pier- res^ fe trouvent en plulieurs er.droits du royaume ; on en rencontre pres d ttampes, vis-a-vis d'un village nomme Ormoy, elles y font placees fous un lit de pierres calcaires. Ces pierres font evidemment compofees du gra- vier 011 elles fe trouvent & qui a ete lie par la matiere cryftalline dont l'eau qui les a penetrees etoit cliargee : on reconnoit manifeftement dans quelques-unes les grains de ce gravier; dans d'autres ces grains fontcomme fondus, foit que la matiere dont l'eau etoit chargee ait rempli leurs interfti- ces d'une fubftance a-peu-pres femblable a la leur , foit quelle ait pu y operer un commencement de diffolution oil de ramolliifement qui les ait colics les uns aux autres : M. Guettard penfe meme que celles de ces pierres qui font rougeatres , pourroient bien ne devoir la cohelion de leurs grains entr'cux qua une matiere vitriolique & fcrrugincufe ; cette efpece de for- mation paroit particulierement avoir lieu dans les pierres de ce genre, qu'on nomme en Normandie des rovjjiers : on en trouve beaucoup du cote de la Trappe & du Val-Dieu; elles font par banes affez epais & d'un jaune couleur de rouille de fer : ces pierres font evidemment des amas de gros fables oil graviers lies par une matiere ferrugineufe , qui a ek- dif- foute & qui s'eft introduite entre toils les grains de ces pierres •, d'oii il fuit que felon la differente qualite ou la ditferente quantite de la liqueur, & fuivant la differente nature des grains quelle a reunis , il doit fe trouver de ces pierres plus ou moins dures : il y en a qui le font affez pour fer- To/ite XIII. Panic Francoije. A a i85 AB R E G t DES MEMOIRES «^ ■«— vir aux batimens comme d'autres pierres de taille-, celles de la Trappe ou tt du Val-Dieu font de ce nombre , & ces deux maifons en font prefque en- ■.T tierement baties •, elles refiftent aux effets de l'air & de la gelee •, dans d'au- tres , les grains ne font pas fi folidement attaches les uns aux autres , & Annft ijGj- celles-ci s'egrenent alfez facileraent. M. le due de Chaulnes en a dans foil cabinet une de cette derniere efpece qui a ete trouvee pres de Monfort- l'Amaury, dans laquelle le ciment ferrugineux ne pent fe meconnoitre-, & de plus, en foumettant les rouffiers a l'analyfe chymique, la matiere me- tallique qu'ils contiennent, fe prefente de manicre a ne laiffer aucun doute iur fon exiftence. Les pierres de fel font done evidemment compofees d'un amas de gra- vier, lie plus ou moins intimement par line matiere cryftalline ou metal- lique, quelquefois nieme calcaire corame dans celles qu'on trouve pres Compiegne. Mais de quelle nature eft le fable dont ces pierres font compofees! eft-ce du fable de riviere oil du fable de mer? l'examen qu'en a fait M. Guet- tard, lui a fait reconnoitre dans ce gravier une reffemblance bien marquee entre ce fable & celui des bords de la mer ; les coquilles fofliles qui s'y rencontrent font toutes coquilles marines, & on ne peut pas fuppofer que ces coquilles y aient ete entrainees du haut des montagnes, puitque dans ce dernier cas elles feroient brifees , au-lieu qu'on les trouve prefque tou- jours entieres. II eft done bien plus naturel de penfer qu'elles out ete de- poses avec le gravier par les flots de la mer lorfque ces endroits en ont ete converts. II pourroit meme tres-bien etre arrive qu'il y eut eu autrefois dans ce gravier un bien plus grand nombre de coquilles-, elles ne font pas a beau- coup pres audi inalterables que le fable; elles ont pu fe detruire a la lon- gue , & e'eft peut-etre au debris de ces coquilles qu'eft due la matiere cal- caire qui lie dans de certains cas , les grains du gravier enfemble , comme nous l'avons deja dit. Mais une propriete de quelques-unes de ces pierres , qui ne doit pas etre paffee fous filence , e'eft de refifter a une tres-grande violence du feu fans fe detruire. II s'en trouve pres de Cherbourg & de Saint-Gobin qu'on emploie dans les manufadures de glaces qui font etablies dans ces deux endroits pour affeoir les pots dans le fourneau : on voit afl'ez quel degre de feu elles ont a effuyer dans cet endroit, & combien une matiere ca- pable de le foutenir fans s'y calciner oil fans s'y fondre, doit etre precieufe. Quelle immenfe variete dans les ouvrages de la nature, non-fetilement dans ceux qui (ont fortis immediatement des mains du eriateui , raais cit core dans ceux qui fe forment tous les jours du debris ou de raffemblage des premiers. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 187 H I S T O I RE O B S E R V A T I O N S Naturelle. MINERALOCIQUES Aan/e l?6* Faites en France et en Allemagne. (*) Par M. Guettard. X— Its obfervations mineralogiques que j'ai faites en France & en Alle- Mem. magne, Iorfquc j'ai traverfe ces deux etats pour me rendre en Pologne, ou Je devois relider quelque temps, ont ete affez multiplies pour meri- ter, li je ne me trompe, d'etre reunies en corps. Ainli prefentees, elles pourront fervir au plan general qu'il eft a fouhaiter qu'on puifl'e former dans la fuite fur l'ordre que les mineraux gardcnt dans la terre : ce n'eft que dans ces vues que j'ai cru pouvoir prefenter a l'academie la fuite de ces obfervations, apres avoir mis fous fes yeux celles que j'ai faites en Pologne. Je ne m'arreterai point a faire mention des pierres des environs de Paris, ni de celles que j'ai vues jufqu'a Fontainebleau inclulivement , il en a ete queftion dans un autre memoire ; je n'ai an refte vu dans tout cet efpace que les pierres ordinaires dont on batit a Paris, & qui fe tirent dans les plaines qui s'etendent depuis cette ville jufqu'a la montagne de Villcjuifve i depuis cette montagne jufqu'a Fontainebleau , je n'ai remarque que les pierres meulieres dont les carrieres font ordinairement fur le haut des montagnes qu'on traverfe entre ces deux endroits ; les environs de Fon- tainebleau ne m'ont orTert que les rochers de gres, dont les montagnes qui entourent prefque entierement cette ville font chargecs; on appercoit en fortant de Fontainebleau une de ces chaines •, les gres y font entalTes les uns fur les autres fans ordre, i!> annoncent un bouleverfement qui n'a rien de gracieux : on diroit, en les voyant, que la terre femble tendre a fa deftruction. Je confirmai en paffant une obfervation que j'avois deja faite, favoir , que les gres font fouvent , dans les montagnes qui ne font pas de- gradees, places fous un banc de marne ou de terre marneufe. Je n'ai pit, depuis Fontainebleau jufqu'a Auxerre, rien determiner de bien particulier , j'ai feulement en general conftate qu'il falloit faire une correction a la carte mineralogique que j'ai donnee en 1746 ; par ces nou- velles obfervations, le terrain que j'ai appelle du nom de bande marneuje , doit comprendre tout celui qui s'etend depuis Champigny, la Chapellc, Villenienoche,Pont-fur-Yonne, Sens, jufqu'a Auxerre : d'Auxerre a JJijon, tout le pays ne renferme encore particulierement que des pierrts calcaires, li ce n'eft du cote du Rouvrai, ou jufqu'a la Maifon-Ncuve. J'ai vu des (*) Nous abre'geons let deux m^moircs deM. Guetard, & nous les re'uniflbns en un. A a ij i S3 A B R E G £ DES MEMOIRES ^w; j^^^r^S montagnes dc granits enclavecs dans des montagnes de pierres calcaires : auffi les maifons & les chemins y font conftruits avec des granits. Hi s t o i r e j)epU;s ia Maifon-Blanche, les chemins font faits de ces pierres plates cal- Naturells. ca;reS) qn'on appelle improprement laves en Bourgogne & dans quelques au- Annit 1763. tres provinces de la France, on en couvre auffi les maifons-, les premieres que j'ai vues ainfi couvertes , font celles de Viteaux ; les maifons des villages par lefquels j'ai enfuite paffe ,~ ont de pareilles couvertures, on en ramaffe, . a ce qu'il m'a paru , les morceaux dans les campagnes memes cultivees •, ces terres font blanchatres , jaunatres oil grifes , fortes & tenaces. On defcend a Vermanton une montagne compofee de bancs de craie, oil de cran d'un tres-beau blanc, les quartiers des premiers bancs font pe- tits, cubiques & un peu inclines ; Ton voit de pareils petits quartiers, mais de pierres, egalement inclinees dans les premiers bancs des montagnes que Ton paffe depuis la Maifqn-Neuve jufqu'a Dijon 5 j'ai obferve au pont de Pani, que les pierres dont on bath: dans cet endroit, & qui fe tirent de fes environs, ne font qu'un amas de petites oolites, vifibles feulemenr a la loupe-, ces pierres font jaunatres, rougeatres , blanchatres, oil blanches & bleuatres; je penferois volontiers que les montagnes qui font entre la Maifon-Neuve & Dijon, renferment des pierres ainli formees d'oolites : au refte, Ton verra par la fuite de ce memoire, que ces pierres font affez rommunes dans la Bourgogne. Les rivieres qui coulent dans un pays de pierres calcaires , doivent prin- cipalement rouler des cailloux de la nature de ces pierres-, auffi ferai-je obferver qu'il y a tout le long de la riviere d'Yonne , des grevieres de part & d'autre -, que leurs graviers ne font faits que de petites pierres cal- caires, melees d'un pen de cailloux de pierres a fulil; ceux-ci font dus fans doute a ces fortes de pierres qui fe tronvent dans le cran ou dans les pierres calcaires, & qui etant detachers des montagnes, en mSme temps que les quartiers de rochers, font entrainees dans cette riviere & reduites en graviers , qui fe depofent fur les bords de cette riviere , & y forment des amas qui donnent naiifance aux. grevieres-, j'ai du moins vu, dans plulieurs des endroits oil j'ai paffe , de gros cailloux de filex qui y avoient ete apportes pour la conftruftion des maifons ; les cailloux de grevieres fer- vent a ferrer les chemins. L'on pourroit divifer les montagnes que Ton traverfe dans la route de Paris a Dijon en trois genres , en les confiderant du cote de leur hauteur & de leurs contours-, les premieres on les plus pres de Paris, font baffes, plus alongees, & forment moins de linuoiites -, les fecondes, celles des en- virons d'Auxerre, Vermanton , &c. s'elevent davantage, commencent a fe contourner beaucoup plus-, les troifiemes, celles du pont de Pani, & dela a Dijon, font encore plus hautes, plus courtes, plus fmneufes, fou- vent elks font comme ifolees; leur fommet s'etend en des efpeces de plate- formes, quelques-unes font des cones tres-furbaifl'es & tronques-, leurs ro- chers ont des couches prefque perpendiculaires , e'eft du moins ce que j'ai obferve dans celles oil le pont de Pani eft place -, les premieres couches des pierres de ces montagnes ont cette lituation -, celles qui les fuivent font DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 18* horizontales , feparees par an lit de terre d'uii noir ou d'un bletutre d'ar- »«— ^ — doifc •, cette pierre prcnd de la confiftance , & fe change iouvent en un u genre de pierres qui s'exfolient aifement, & fe decompolent en lames fern- « 1111 '1 j. j T f ''II J N AT U KM. LI. blables aux lames dardoiic. £.11 general, les montagncs de ce canton font aftez lingulicrement compofees , & les linuolites cju'eiles ont font trcs- Annie. 1763. varices ; il feinble , lorfqu'on eft dans leurs vallees , qu'on marche dans le fein des rivieres, dont le cours eft trcs-linueux ; depuis le pont de Pani julqu'a Dijon, on cotoie de ces montagnes; elles y forment des defiles af- lez etroits ; celles qui font pres de Dijon couvrent cctte ville , de facon qu'on ne l'appeic^oit que peu avant d'y arriver •, la partie de ces monta- gnes qui regarde le nord eft couverte de rochers nus devenus noirs; ceux de la partie meridionale font reconverts de terre , & cette partie eft plus furbaiuee ou moins efcarpee. Dijon etant place dans un pays dont les montagnes font remplies de belles pierres propres a la conftrucHon des b.itimens , ne pent etre main- tenant que tres-bien bati ; il l'eft en eftet, mats fon pave eft trcs-mauvais, il n'eft fait que de quartiers irreguliers de pierres calcaires aifez dures ; le milieu des chauffees de quelques-unes des rues eft forme de cailloux roules de meme nature; ils fe tirent, a ce que je crois, des grevieres des envi- rons de cette ville ; j'ai vu une de ces grevieres fituee pres le convent des capucins ; elle m'a paru s'etendre dans toute la plaine oil ce couvent eft bati •, ces cailloux , qui font de pierre a chaux , font femblables a ceux dont le lit de la riviere eft garni. Je vis a Dijon dans le cabinet d'hiftoire naturellc de M. de Rcoft, une liiite des marbres de Bourgogne & une grande quantite de foffilcs de cette province. Les montagnes des environs d'Agey, village a quelques lieues de Dijon, font de vrais magallns naturels de corps marins foffiles; la montagne de Sambernon , qui renferme une terre feuilletee & de couleur d'ardoife , fournit des peignes & des bucardites •, les environs de Prallin donnent de la pierre a platre qui eft mate & triee •, ceux de Chan villot, des our- fins; ceux de Rumilly, des pierres remplies de belemnites; Ton voit de tous ces corps & beaucoup d'autres dans le cabinet d'hiftoire naturdle d'Agey, on y voit des vis de differences grandeurs & elpeces , des fabots, des echinites, de grands & de petits pcignes, des bucardites plus ou moins gros , canncles ou fans cannelures. Je n'entrerai pas ici dans un plus grand detail fur ces foffiles; je pour- rai, dans une autre occalion , les mieux faire connoitre , & rapporter les obfervations que m'a mis a portee de faire la belle fuite de ces corps , qui eft confervee dans le cabinet de M. le due d'Orleans , & qui eft due a madame la comteffe de Rochechouart , qui a forme elle- memc un tres-riche cabinet d'hiftoire naturellc a fon chateau d'Agey. C'eft-la que j'ai vu entre autres curiofitcs, un rare foffile trouve dans les carrieres de Molefme. C'cft une cto'ilc de mer confervee dans le milieu d'un morceau de pierre calcaire cendrce, qui s'eft ii heurcufement caffe en deux parties, que le- r les exploiter en meules; ce reglement eft tres-fage, la ville de Langres "' ' ■'* n'ayant pas beaucoup de reflburces par rapport au commerce; G Ton accor- doit la permiflion d'employer ces pierres dans les batimens, cette branche de commerce de Langres tomberoit promptement ; & il eft bon de la conferver a cette ville, qui n'a guere de reflburces que dans ces pierres & dans les ouvrages de coutellerie. Cette pierre eft un gres fin & doux, celles dont on batit a Langres font des pierres calcaires qui varient par la couleur ; celles de Progney & de Mera font blanches; celles de Nodent rouges, celles de Conde & de Bourg grifes ; routes font bonnes pour la batiffe & propres a faire de tres- beaux ouvrages. C'eft probablement de quelques-unes de ces pierres que la cathedrale de Langres eft conftruite, & meme les pilters du haut du choeur, que Ton croit a Langres etre faits d'une pierre fondue & coulee: on y rapporte comine une preuve de cette affertion , qu'il refte encore a pluiieurs de ces pierres des efpeces de boulons formes, dit-on, par la ma- tiere qui a rempli le trou par lequel on la verfoit, lorfqu'elle etoit encore liquide; rien n'eft plus ridicule que cette pretention : ces piliers font de pierres calcaires communes; ces pretendus boulons ne font que des por- tions de pierres qu'on laiffe faillir en dehors pour fervir comme d'anfes propres a retenir la corde, lorfqu'on veut les elever pour les mettre en [ilace, attention que Ton a encore de nos jours. Ces obfervations ftirent es feules d'hiftoire naturelle que je fis a Langres : je ne les multipliai pas beaucoup de cette ville a Nanci; je m'afliirai feulement que les pierres que Ton rencontre tout le long de cette route & dont les montagnes font formees , font des pierres calcaires , grifes ou bleuatres , & fouvent de 1'une & de l'autre couleur en meme temps, e'eft-a-dire, en partie grifes & en partie bleuatres; leurs bancs font toujours precedes par des lies d'iine terre de l'une ou de l'autre couleur. Quand je dis que les pierres qu'on trouve le long de la route de Lan- gres a Nanci font kmblables, il ne faut pas croire cependant qu'elles ne different precifement en rien les lines des autres; j'entends feulement qu'el- les font toutes calcaires : elles peuvent diflerer par quelques proprietes, (bit par le grain, loit par les corps Strangers qu'elles renfermmt : en eftet, les pierres que j'ai vues a Clement, qtioique blanches ou bleuatres, font par- femees de parties blanches ou fpathcufes , qui ne fe remarquent pas dans d'autres; celles de Neuf-Chateau le font de petites oolites; a Martigny elles font remplies de differentes efpeces de coquilles; j'y ai remarqui des cames, des peignes, des belemnites, & de plus des clous ronds pyritcux ou ferrugineux. Je vis encore a Martigny de grofles boules rondes oil oblongues de pierres calcaires qui renfermoicnt aiiili des coquilles : ces boules lout gri- i$i ABRECli DES MEMOIRES ^— ^»— — fes oil bleuatres; leur rondeur eft (i exafte, qu'on diroit qu'elles ont ete tj travaillees au tour; ce font de vrais boulets naturcls : on en rencontre dans N plufieurs endroits de la route , nommement k Frecourt 8c a Banne , elles fe forment dans Ies premieres couches des carrieres, au milieu dune terre Annie 1763. de la couleur de ces boules , & probablement de leur nature. Les pierres dont on batit a Colombiers-aux-Belles-Femmes, font rem- plies de petites oolites : je m'y informal fi on trouvoit de femblables pier- res dans d'atitres endroits du canton : j'appris qu'on en tiroit dans les en- virons d'Euruffle , Pagny , la Blanche-Cote , Saint-Germain , Benreyen- Vaux, Vaucouleurs , Reignier-la-Salle, Champogney, Heregne, Chalaine, Neuville, Maffe- fur- Vefle, Gibomey , Viterme & Germini : les pierres de ces deux derniers endroits font plus dures que celles des precedens, mais toutes font plus 011 moins blanches & proprcs a batir. Le chemin de Langres i Nanci eft tres-beau & ordinairement fait avec les pierres qu'on trouve dans les cantons ou il paffe : il eft conftruit k Benville avec des cailloux roules par la Meufe : ces cailloux font de quartz blanc, jaune, gris on dc quelques autres couleurs. La Meufe n'a pas, comme Ton fait, un'cours continu -, elle foufFre des pertes dans plufieurs endroits, & difparoit mcrae entierement : ayant appris que je ne pafferois pas loin du lieu ou elle ceflbit de couler fur terre , & que cet endroit etoit peu eloigne de Bazoille, j'eus la curiolite de m'af- lurer par moi-meme du fait; il etoit intereffant pour moi de le voir, d'autant plus qu'ayant travaille fur la perte de plufieurs autres rivieres de la France, je devois chercher i comparer la facon dont cette perte fe fait avec celles que j'avois deja vues. Le lieu ou la Meufe difparoit entierement eft a deux ou trois portees de fufil du grand chemin & pres de Bazoille : il y a entre le grand che- min & le lit de la riviere une prairie qu'il faut traverfer : le lit de cette riviere eft rempli de cailloux roules; c'eft entre ces cailloux que l'eau fe perd fans qu'il y ait de gouffre fenfible ; c'eft en quelque forte une infil- tration de l'eau a travers les terres qui font recouvertes par les cailloux: ces cailloux ne forment point d'amas confiderables , ils font repandus ck & la , il n'y a point d'eminence qui les arrete & qui fufpende le cours de l'eau : en hiver meme, Ior-fque l'eau eft abondante, elle remplit le lit de la riviere , & depaffe l'endroit ou elle difparoit entierement. Je dis 011 elle difparoit entierement, car il y a lieu de penfer que l'eau commence a fe perdre bien avant l'endroit ou elle cefle de couler : il y a probablement fur fes bords plufieurs tournans d'eau femblables a un qui eft pres de l'endroit ou elle difparoit totalement, & que ces tournans ab- forbent beaucoup de fes eaux : ce font des efpeces de petits goufFres qui ont vraifemblablement une communication avec le lit fouterrain que cette riviere doit avoir , & qui doit communiquer avec l'endroit ou elle reparole Le tournant que j'ai vu etoit trop rempli d'eau pour que je pufle voir l'eau s'y engouffrer ; elle y paroit ftagnante , & je n'ai pu juger qu'il devoit s'y en perdre beaucoup, que parce que de-la a l'endroit ou l'eau eft en- tierement fous terre, il n'y a guere qu'une portee de fufil, & que par con- fequent DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ijj fequent le lit de la riviere devroit etre entre ccs deux points beaucoup — — — — plus plein d'eau , s'il nc s'm perdoit pas abondamment dans le premier:,, au rcfte, je fus afliird de ce nit par un habitant du pays qui fe trouva la i^AT.. RE LE par hafard , & qui me conduilit precifement a l'cndroit ou la riviere c:l'- foit de coultr; il me dit de plus que s'il n'eut pas plu quelques jours Annt!e 1763. auparavant, il m'auroit ete facile de voir l'eau s'entonner par le toutnant, & que j'aurois ailement conflate ce dont il m'afiuroit. 11 paroit done par ces obfervations que la Meufe fe perd a-peu-prcs de la meme facon que quelques- unes des rivieres de la Normandie (aj, dont les eaux dilparoillcnt peu-a-peu par de petits goufres repandus le long de leurs bords, & dont les eaux font reduites a une tres-petite quantite lorl- qu'elles font parvenues au lieu oil elles dilparoitlent entierement. On arrive a Nancy apres avoir defcendu une montagne afTez roide, ap- pellee le Montet; on en a cependant adouci la pente, & Ton y a fait un tres-beau chemin ; a droite de ce chemin & vers le haut de cette mon- tagne, eft ouverte une carriere conliderable de pierres calcaires blanches & d'une certaine durete : on l'exploite en paves pour la ville , ce n'efl pas que cette pierre ne puiife tres-bien etre employee dans les batimens; les bancs qu'elle forme dans la carriere font tres-grands & epais, mais il pa- roit & Ton men a meme allure , qu'elle eft principalement en ulage pour les paves. Les autres montagnes voilines de la ville ont aufli de ces pierres ', on en tire des endroits fuivans 3 favoir, la Chou, Villers-lcs-Nancy , Van- dtuvres, Vaudemont, Battemont, Balagne ou Balin , le Champ-aux-Bccuts, la cote Sainte-Genevieve, Depori , Noroi , Viterne •, les pierres de ces villjges font toutes d'un blanc plus ou moins beau •, ce blanc tire cepen- dant quelqilefois far le gris ; elles font parfemees de petites oolites en plus ou moins grande quantite; quelques-uncs n'en lont, pour ainji dire, qu'un amas , telles que peuvent etre celles de Depori & de Balagne. On emploie ces pierres dans les batimens, meme dans les plus beaux; celle du palais du roi a ete tiree de Noroi, Viterne & Balagne', la Mal- grange eft batie de celle de Vaudemont; on a audi fait venir pour le premier batiment de Commerci , de Villiers le-Sec pres Toul & de Sa- vonnieres; celle-ci a fervi pour les baluftrades & les ftatues; on a appa- remment trouve ces dernieres pierres plus dures , & comme difent les ouvriers, moins geliffes ou moins lulceptibles des efFets de lair & de la pluie; celles de Depori & de la Balagne font regatdees comme y etant tres-fujettes; la pierre de Savonnieres eft compofee de coquilles brilees, prefqu'entierement detruites & comme fondues; on y voit peu d'oolites, il n'en manque pas dans celles de Commerci & de Villiers- le-Sec. La plaine oil Nancy eft bati eft fablonneufe ou d'une terre fort legere remplie de cailloux roules, de la nature du quartz ou de celle du granit; j'ai vu une fablonniere d'oii Ton droit de ce fable & de ces cailloux pres (a) VoyezIesMdmoircsde I'Acade'mie , ann^e 1758, Collect. Acad. Part. Fr. Tom. XII. Tome XIII. Panic Frangoife. Bb !<>+ abreg£ des memoires - de Saint-Jean , pen eloigne de Marinville, mailon de force que le roi Sta- ir niflas a encore fait batir-, le banc que les cailloux 7 forment, pent avoir AT trois a quatre pieds d'epaiffeur, il eft place au-deffous d'un lit de (able N AT U 11 EL Lfc. ,, • ^ c ■ n- rur, , ,. , r . ,»• dun jaune-rerrugineux; on palle ce lable a la claie, on sen leit a batir, Annie ffij. les cailloux fe jettent fur les chauffees des grands chemins; on emploie auffi au raerae ufage ceux qu'on ramalfe dans le lit & fur les bords de la Meufe ; les chaulfees des places de Nancy , nommement de celle de l'Al- liance, en font couvertes; ces cailloux lont de quartz gris, ou blancs, oil de granit gris, ou rouge & blanc. Le chemin de Nancy a Luneville n'eft auffi fait que de cailloux fem- blables, tires egalement des rivieres des environs-, la vallee ou Luneville, eft bati , en renferme audi qui font de meme nature. Pour aller de Nancy a Luneville, on palle par Jarville, la Neuville & Saint-Nicolas-, les pier- res que je vis dans ce trajet font ralcaires & femblables a celles de Nancy. Le canton de Luneville ne m'oftrit rien de plus curieux par rapport a l'hiftoire naturellc , qu'une carriere a platre qui eft a Serbeville , village peu eloigne de Luneville ; les bancs dont cette carriere eft compofee font dans cet ordre : i°. tin lit de terre de vingt-huit pieds-, i°. un cordon rougeatre de deux a trois pieds ; 30. an lit de chalin noir de quatre pieds; 4.0. un cordon jaune de deux pieds-, 50. un lit de chalin verdatre de qua- tre a cinq pieds-, 6°. un lit de craffes, moitie bonnes, moitie mauvailes, de trois pieds, 7°. un lit de quatre pieds de pierres , appellees moutons ; 8°. un filet d'un pouce de tarque-, 9°. un lit d'un demi pied de carreau, bon pour la maconnerie; 10°. un lit de platre gris d'un pied; 1 1°. un lit d'un pied de moe'lon de pierre calcaire jaunatre, bleuatre ou melee de deux cotileurs & coquilliere; on y voit des empreintes de carries, des peigncs ou des noyaux de ces coquilles & de jolies dendrites noires. Ce dernier banc eft plus confiderable que je ne viens de le dire , ou bien il eft fuivi d'autres bancs de difterentes epaiffeurs -, on ne les perce que lorfque Ton fait des canaux pour l'ecoulement des eaux de pluie -, car il n'y en a guere que de celles-ci dans cette carriere qui eft a ciel 011- verf, on l'exploite plus fagement que la plupart de celles des environs de Paris; on commence h enlever fucceffivement tous les lits les uns apres les autres, & on tranfporte au loin les matieres inutiles : on ne travaille pas en deffous terre, comme Ton fait dans pluiieurs de celles de Paris, & Ton ne s'expofe pas par confeqtient aux eboulemens qui arrivent fre- quemment dans ces dernieres , & qui , fouvent , font funeftes aux platriers. Les uns ou les autres des lits ou des bancs de cette carriere, & lur tout les petits, forment des ondulations qui donnent a penfer que les depots auxquels ils font dus, ont ete faits par les eaux : pres de cette carriere k platre eft un moulin qui fert a en broyer la pierre lorfqu'elle eft calcinee; ce moulin eft enti^rement femblable aux moulins a huile & a cidre : il eft compofe d'une grande auge circulaire, peu profonde, placee horizon- talement & fixement : au milieu de cette auge eft fcellee une piece de bois perpendiculaire; a cette piece en eft attachee une autre tranlverfale qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, i^ pafle ait milieu de la meule placee de champ ■, cette meule eft mifc en — BBS *^^ raouvement par une roue qui left elle-meme par l'eau. H i s t ^ iri On met des morceaux de platre dans l'auge, & lorfqu'au moyen de la Natoreile. meule ces morceaux ont ete ecrafes, on les remue de temps en temps juf- qu'a ce qu'ils foient reduits en poudre; alors on jette avec une pelle cette Annie i"jG^. poudrc (ur no crible ou tamis un peu incline, qui n'eft autre chofe qu'un chaffis de bois carre long, aux cotes duquel lont attaches des fils de fer, Iongitudinalement & tranfverfalement : le platre qui eft alfez tin , palfe au travers & tombe dans un trou fait au plancher d'une chambre qui eft au- delious de celle ou eft le moulin : le platre qui n'eft pas aflez ecrafe, tombe au pied du crible , & eft remis fous la meule pour l'etre de nouveau. On fait par jour, moyennant ce moulin, foixante facs de platre, ils pefent chacun deux cents foixante livres li c'eft du platre noir, & deux cents quarante s'il eft blanc : on vend le fac de blanc cinquante fous rendu a Nancy, & le noir quarante-cinq fous-, fun & l'autre trente ou trente- cinq lous , pris fur la carriere. Quoique Ton faffe une diftinction entre ces platres, & qu'on donne ^ l'un le nom de blanc preferablement a l'autre", celui-ci n'eft pas reelle- ment noir, il n'eft feulement qu'un peu moins blanc que l'autre : on met a part le plus blanc , & Ton mele enfemble toutes les autres efpeces ; ces elpeces font le platre qu'on appelle par preference le noir, la craJJ'e , le rouge , le tarque, le mouton & le tres noir; le rouge eft d'une couleur de chair ou de cerife pale : le tarque eft brun noiratre, & la crafie tire fur le grisblanc; le blanc meme le plus beau n'eft pas tranfparent ; mais les uns ou ies autres de fes bancs en fourniffent qui font fibreux , d'un beau blanc foyeux , & qui a de la tranfparence. Le canton oil j'ai fait ces obfervations eft celui d'oii Ton tire du platre depuis long-temps, & il a ete fouille dans beaucoup d'endroits-, ce n'eft pas cependant qu'il n'y ait probablement de cette pierre dans beaucoup d'autres lieux des environs de Luneville •, mais les ouvriers pretendent que le platre de ceux-ci eft moins beau & moins abondant, & que toutes les tentatives qu'on a faites pour en tirer, ont ete infructueules. La compolition des montagnes des environs de Moyenvic oil j'allai de Luneville, eft peu difterente de celle des platrieres de Luneville, de meme que celle des montagnes que 1'on traverfe en allant de Moyenvic a Cha- teau Salins, on y voit du moins des lits de terre verdatre & couleur de lie de vin rouge , qui font ondes & un peu inclines h l'horizon : le haut des montagnes fournit de la pierre calcaire ; dans celle de Vic Ton trouve des gryphites de Luid, de la pierre calcaire jaunatre & bleuatre, & de la pierre a platre-, le pays ne diftere pas beaucoup depuis Luneville, & il eft en general de la meme nature. Moyenvic & Chateau -Salins font celebres & remarquables par le travail des falines qui y font etablies. Je vis a Sarebourg le cabinet de feu M. Caneau de Lubac , qui exif- toit encore alors : M. Caneau de Baureeard , frere du defunt , eut !a com- Bb ij i58 ABREGE D E S MEMOIRES — — — ^—^"m pliifjiice de me le montrer. Ce cabinet conliftoit principalement en une „ fuite curieufe de foffiles des environs de Sarcbourg & de quelques en- i s t o I Ejrojts de la Lorraine, en une de mines, & une autre de coquilles affez IN at u ii t l l r.. conljj^rable ; je remarquat parmi les foffiles des environs de Sarcbourg, Annte 176 q. line corne d' Amnion cm Ton voyoit trcs-bien le liphon qui traverie tou- tes les chambres ; j'y vis encore un entroque etoile oii Ton diftinguoit facilement l'etoile qu'offrent les plans des vertebres de la tige -, un mor- ceau qui attira encore mon attention, fut un amas de moules en reliet, qui etoient amonceles & qui faifoient corps avec une pierre calcaire gri- fe ; je vis de plus dans une falle de la maifon , une table & une cuvette au-deffous de laquelle il y avoit un malque bien fculpte, qui etoit d'un platre qui reflemble beaucoup a de l'albatre-, & qu'on m'a dit fe tirer pres de Dieuze. Les maifons de Sarebourg font baties d'une pierre calcaire des envi- rons de cette ville , ou d'une pierre ou rouffier lie-de-vin qu'on fait venir de Niderville-, de Sarebourg j'allai a Strasbourg-, la route eft faite deouis Hammartin jufqu'a cette ville de pierres a chaux jaunes ou cen- drees & coquillieres •, je remarquai pres de Plialsbourg, que beaucoup de ces pierres contenoient quantite de portions d'entroques ; le haut de la montagne de Saverne eft garni de rochers de rouffiers lie-de-vin ; cette pierre eft graveleufe , parfemee de paillettes de talc argente ; grand nom- bre de ces rouffiers renferment des cailloux quartzeux blancs qui reftem- blent beaucoup a des cailloux roules •, il faut que ces cailloux fe trouvent louvent dans ces rouffiers-, j'en ai du moins encore vu plufieurs quartiers femblables qui ont entre dans la conftruclion de cette finguliere piece ou tableau mouvant que le roi Stanillas a fait conftruire dans le jardin de Lu- neville-, ces quartiers, qui font de vraies petites roches pour la plupart , ont ete tires d'un endroit des Voges dont je n'ai pu favoir le nom •, Ton a orne cette piece de plufieurs gros morceaux coniques de ftalactites fpa- theufes qui figureroient tres-bien dans des cabinets d'hiftoire naturelte; ils viennent de quelques grottes de Franche-Comte-, il y en a qui lont d'un tres-beau blanc d'albatre , peutetre font- ils de la grotte de Vau- celle-, pour le rouffier lie-de-vin , il fait le corps du palais epifcopal de Saverne ■, les maifons de Strasbourg font encore de cetie pierre ou (imple- ment de bois 5 e'eft de cette pierre qu'on fait auffi a Strasbourg les mett- les de moulins a bled •, le pave de cette ville eft conftruit de cailloux rou- les, gramteux & de difterentes couleurs •, il y en a qu'on pourroit regar- der comme de vrais porphyres rouges a grandes taches blanches : de Stras- bourg ail fort de Kell, la route eft formee avec les memes cailloux, de ineme que celui de Kell a Vichofen ; on en voit une carriere pres de ce dernier endroit •, elle a cinq a fix pieds de hauteur ; la vallee paroit en etre remplie. L'on eft en Allemagne lorfqu'on a paffe le Rhin an fort de Kell : ce fleuve roule fes eaux fur un beau fable mele de beaucoup de cailloux arrondis , de difterentes efpeces de granits & de quartz j la plaine qu il DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. :97 tnverfe eft remplic de fable & de cailloux femblables , do forte qu'il y a «— ■— — lieu de croire qu'il I'a fucceffi vement p.ircourue , & y a depofe ce fable H & ces cailloux; on trouve parmi Ie fable que le Rhin entrame acftuelle- »/, S T ° ' R ' nient, des paillettes d'or, que les arpailleurs ramaffcnt en le la van t; il ne ATr '' ! LLr' fcroit peut-etre pas impoflible d'en rencontrer parmi celui de la plaine; AnnU nGi. je ne fais pas li les arpailleurs ont jamais penfe a l'y chercher; cette recher- che meriteroit au moins d'etre tentee. Je paffai enfuite a Rilchofsheim & a Stollhofen , ou je vis de belles pierres de rouffier , couleur de lie-de-vin, tirees des montagnes noires; elles fervent non-feulement a faire des nieules de moulins, comme je l'ai dit a 1'article de Strasbourg, niais encore des meules de taillandiers & de remouleurs; on en voit de femblables dans les villages qui avoilinent les montagnes ou cette pierre eft commune. De Stollhofen j'aflai a Raftadt ; on traverfe , avant d'y arriver , une foret ou bois tres-fablonneux; le chemin n'eft pas mcilleur depuis Stollho- fen, c'eft un fable jaunatre; il en eft a-peu-pres de meme jufqu'a Dur- lach; les fables y font meles de cailloux roules; les maifons des endroits par lefquels on pafle, font baties de rouffier lie-de-vin ou de bois; je vis de la pierre talqueufe blanche a Virchen. Le chemin de Durlach a Pforzheim & Entzwening eft, dans plufietirs cantons, rempli de pierres calcaires bleiutres ou jaunatres, ou tirant fur la verf, elles contiennent des coquilles •, on en voit de femblables dans les montagnes qui font fur la gauche, & qui regnent depuis Durlach jufqu'a Pforzheim; le chemin d'Entzwehing a Durlach eft tres-beau & peut etre compare aux plus beaux chemins de la France. Canftadt eft une petite ville qui n'a rien de particulier; elle eft fur Je Necker; cette riviere eft affez forte, la vallee ou elle coule eft agreable, fur-tout vue de delius le pont; on a retenu dans cet endroit la riviere par des digues qui, lorfque l'eau eft augmentee, forment des efpeces de cafcades qui font un affez bel effet ; le Necker roule des cailloux qui ie reuniffent quelquefois & donnent naiffance a des poudingues; on en voit des maffes coniiderables pres du pont; l'etendue oil fen ai remarque de Tun & de l'autre cote de ce pont, eft peut-etre de plus d'un quart de lieue en longueur; les cailloux dont ces poudingues font compoiees font de pierres calcaires blanches, grifes , rouffeatres , &c. la matiere qui les lie n'eft qu'une terre blanchatre melee de fable. Le Necker roulant de femblables cailloux, la premiere idee qui vient a l'efprit porte a penfer que ces poudingues fe forment journellement dans le lit de cette riviere; cependant quand on voit de femblables maf- fes fur le haut des montagnes voilines de cette riviere, comme je le dirai ci-deffous, il femble qu'il y a plus lieu de croire que ces poudingues font dus a ccux des montagnes, que les mailes des bords de la riviere y ont etc apportees du haut des montagnes dans des temps d'averfes , ec que les cailloux de la riviere font de ceux des memes montagnes , entraines par de pareilles avei i9i ABREGE DES MEMOIRES i — — Cepcndant , abfolument parlant , il n'eft pas impoffible qu'il fe forme _, des poudingues dans le lit de la riviere , quoiqu'elle ait de la rapidite _j dans cet endroir, les maffes de ces pierres peuvent le compofer tous les 1 T ' jours, comme je l'ai prouvc dans un memoire que j'ai donne a l'academie Annie 1763. inr ces fortes de pierres. Si jamais le Necker change de lit, il y a lieu de croire qu'il s'y formera des poudingues qui feront compofes des cailloux que cette riviere aura roules •, la terre melee de fable , qu'elle entraine auffi , eft tres-propre a faire un maftic neceifaire a la reunion de ces cailloux. Au refte, quelque fyfteme qu'on embraffe fur le temps de la formation des poudingues des bords du Necker , ces pierres font femblables a celles de cette forte qui fe voient fur les montagnes voitines , qui s'etendent de- puis Canftadt jufqu'a Stutgard •, ces montagnes font a-peu-pres compofees comme celles des environs de Luneville d'ou on tire du platre , & que j'ai decrites dans la premiere partie de ce memoire •, celles dont il s'agit font un amas de terres dont les couleurs varient •, leurs lits ferment vers le bas de ces montagnes des ondulations femblables a celles de plulieurs lits de platrieres dc Luneville ■, la difference la plus effentielle que j'aie trouvee entre ces montagnes , confifte en ce que celles de Stutgard por- tent fur leur fommet une couche de cailloux roules, qui font fouvent reu- nis en forme de poudingues. Quand on ne trouveroic pas de platre precifement dans ces dernieres montagnes , ce qui formeroit une bien plus grande difference entr'elles & celles de Luneville, on pourroit cependant, a la rigueur , dire que la fimilitude qui eft entre ces montagnes eft tres- grande. Toutes les mon- tagnes des environs de Luneville, compofees de differens lits de terre, ne renferment pas toujours du platre •, & de meme que plufieurs en contien- nent, de meme auffi plulieurs de celles du canton de Stutgard & de Canf- tadt ont de cette pierre : on en tire a Bag, pres ce dernier endroit; Bag s'appelle auffi Houttgardt ; il s'en trouve a Horlzgerlingen , peu eloigne de Leonbourg , & prefque dans tout le pays •, les montagnes de ces can- tons ne different guere , par leur compoiition , de celles des environs de Canftadt & de Stutgard , fuivant ce que j'en ai appris d'une perfonne em- ployee dans les batimens que le prince fait faire a Stutgard. Canftadt eft celebre parmi les naturaliftes , a caufe des os foffiles qui fe trouvent dans fon territoire , & fur lefquels David Spleiff a donne une differtation latine , intitulee : DiJJirtation fur les comes & les os foj/iles de Canfladt (a). Je ne devois pas paffer dans cette ville, fans tacher de voir l'endroit d'oii on tire ces foffiles-, heureufement que cet endroit en eft peu eloigne, & qu'il eft iitue entre Canftadt & Stutgard; je le vis en allant a cette derniere ville •, il eft fitue dans la vallee qui regne au bas des montagnes qui font entre Canftadt & Stutgard, & a-peu-pres a moi- tie chemin de l'atitre ville. (a) Viii CEdip. ofleO'Litliologie , feu Jifftrt. hiflorico-fhyfic. dc cornit. 6" oflib fojfd. Canftailieiifiius , Davidis Spkijf. fcapfuf. 1701 , in-^to. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 199 Cette orriere, ou plutot cate greviere n'eft qu'un amis de l.iblc on de ' S T O I R F. Ul'RtLL E. gravier jaunatre ou blanchatre, qui pent avoir quinze pieds dc hauteur la,, oil je l'ai examinee •, elle eft compofee de la maniere fuivantc -, i°. d'un ,T ^ lit de fable ou de gravier jaunatre de cinq a lix pieds de hauteur; 2°. d'un qui eft blanchatre, de cinq a lix pieds-, 5°. d'un de la couleur du pre- Annie 1763 mier & d'un demi pied •, celui-ci eft rcmpli d'incruftations de roleaux & de moufles •, 4°. d'un qui eft encore jaunatre , & compofe de plufieurs petits lits, qui peuvent enfemble former une epaifTeur de deux ou deux pieds & dcmi. Dans les premiers lits de cette grevicre, on diftingue tres-bien des co- quilles fluviatiles, comme des buccins & des cornets de Saint Hubert ou planorbis ; ces coquilles font bien confervees, & ont acquis une couleur blanche. Le fable , de quelque couleur qu'il foit , eft graveleux , & reffeoible an fable de riviere ou d'etang •, les os fe rencontrent, a ce qu'il paroit, indinrremment dans les 1111s ou les autres des lits de cette grevicre-, j'en ai ramaffe des portions qui etoient enclavees dans des blocs de ces dirte- rens fables qui avoient de la conliftance, & qui avoient ete detaches de la greviere. II eft plus que probable que cette greviere a ete formee par des allu- vions & des atteriffemens de la riviere-, que les os qui s'y rencontrent y ont ete depofes par ces alluvions -, que ce depot eft bien pofterieur a la grande cataftrophe arrivee a la terre : il n'eft done pas etonnant d'y trou- ver des os de cerfs, d'autres animaux & meme d'hommes -, il pent le faire auffi que cet endroit ait autrefois ete une prairie ou an lieu marecageux : les coquilles fluviatiles, les rofeaux & les moufles incruftes femblent meme le demontrer. Les environs de Canftadt & de Stutgard, de meme que tout ce can- ton , me paroiffent tres-curieux pour un naturalifte : on y trouve des mar- bres, des albatres, des pierres a chaux ordinaires qui probablement doi- vent renfermer difterentes efpeces de corps marins foffiles -, les montagnes des environs de Stutgard contiennent beaucoup de ces dernieres pierres, il y en a au moins une vingtaine de carrieres d'ouvertes -, on en tire du moelon & de tres-gros quartiers de pierres de taille-, I'albatre tranlparent fe rencontroit autrefois fur le champ d'Enzweghingen , mais cette carriere eft epuilee-, on en eft en quelque forte dedommage par on albatre rouge veine de blanc , que fourniflent les environs dj Bettingen pres Munfin- gen : quant aux marbres , on les tire de Biffigen & d'Obertcunengen , pres Kirgheim fur le Teik-, ces marbres font jaunes ou rougeatres, avec differentes veines -, on en a reconvert les murs d'une grande & magnifi- que falle du nouveau chateau que le prince a fait batir a Stutgard. Depiiis Canftadt jufqu'a Blochingen , les montagnes renferment des cailloux mules femblables a ceux de Canftadt-, a Geiflingen, les montagnes s'elevcnt beaucoup-, la premiere qu'on travtrie a une certaine hauteur; fon fomraet eft couvert de rochers nus, contiderables , qu'on diroit avoir etc 20® A B R E G E DES MEMOIRES ;r=== fendus irregulierement & comnie dechires : ils ferment fouvent des efpe- H i s t o i r i ces ^e c°nes ou de quilles ifolees, & qu'on diroit etre prcts a tomber. Naturhii ^es roc^ers ^e cette montagne ne lont pas cependant tous egalement rom- pus, il y en a qui font encore dans leur polition naturelle & horizontale •, Ar.nie 1763. ce font fur-tout ceux du bas de la montagne : avant & apres ces derniers rochers, il y a un lit de ftaladites en groifes maffes; elles font en forme de choux- fleurs , branclmes ou fans branches, fouvent grouppees de facon a compofer des maffes d'une figure agreable & propre a tenir place dans des cabinets d'hiftoire naturelle. On remarque fouvent parmi ces ftaladtites des tuyaux de difierentes groffeurs. Un de ces tuyaux , qui etoit compofe de plufieurs couches con- centriques, avoir an moins un pied de diametre-, il reffembloit a un tronc d'arbre creufe & couche horizontalement; ces tuyaux paroiflent etre des incruftations de racines d'arbres qui ont penetre jufques dans l'interieur de cette montagne, ou qui, dans le temps de fa formation, y ont ete depo- fees, & qui ayant enfuite ete incruftees de la matiere des rochers detruits, fe font pourries, & ont par confequent laiffe des efpeces de tuyaux dont la groffeur eft proportionnelle a celle des racines qui ont ere incruftees : on peut confequemment regarder ces tuyaux comme de vrais ofteocoles. La degradation des rochers de cette montagne produit line quantite conliderable de petits morceaux de pierres qui fe ramaffent fur fon pen- chant ou a fon pied; ils fe reuniflent quelquefois en maffes, & donnent naiffance a des efpeces de poudingues calcaires & dont les cailloux font peu lies. Le banc des ftalaclites n'eft fouvent qu'un tuffeau poreux, mais qui a de la durete ; fes cavites font remplies d'incruftations faites fur de petites mouffes ou de petites racines : la durete de ce tuffeau eft telle, qu'il peut etre employe dans les batimens; les maifons de Geillingen en (ont baties-, ce tuffeau & les ftaladites font calcaires & d'un blanc de craie •, les rochers font cendres & egalement calcaires. De Geillingen a Gunzburg, j'ai feulemenr remarque que les chemins y font fairs, en approchant de cette derniere ville, avec des cailloux roules, qu'on tire probablement du Danube : Gunzburg en eft aufli pave ; ces cailloux font de quartz blanc, gris ou de quelques autres couleurs. Apres Guntzburg, en fortant d'un bois & pres d'un village, on defcend line montagne dont la coupe fait voir des cailloux roules j on les obferve dans les autres montagnes qu'on rencontre jufqu'a Ausbourg : peu avant cette ville , on en voit des carrieres dont on rire de ces cailloux pour les chemins. Le terrain qui eft enrre ces deux villes eft fablonneux ; le fable eft le plus fouvent jaunarre , quelquefois affez blanc , & toujours fee : ce terrain rtffemble beaucoup a celui des environs d'Etampes. Les cailloux roules ne forment fouvent que des lits d'un pied ail plus d'epaiffeur, plus fouvent encore ces lits ont plufieurs pieds •, quelquefois les cailloux font reunis en poudingues. On fait entrer ces cailloux dans les chauffees -, les cotes de l'encaiffe- ment DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 101 ment de ces chauffees font de quartiers de g.izon d'un pied ou environ de — — — — » longueur & de largeur, fur 3 ou 4 polices d'epaifleur -, ceux du haut font,, 1111 peu inclines les uns aux autres, le refte eft place horizontalement : Ic ~* STO"lf total forme un plan qui a un peu de talus. Ces chemins ainli conftruits ATURa LE' font fort bons, on les loutient par des rondins de fapin dans les cantons Annie 1762. oil ils paffent fur des endroits marecageux-, ces chemins font de la largeur de ceux de France : fur les cotes & de diftance en diftance , font plantes de petits pieux de bois numerotes, qui n'ont guere que 3 pieds de hau- teur dans des endroits ,637 dans d'autres , & qui font aminos par le haut en une pointe conique. Peu apres Ausbourg, on retrouve ces cailloux roulcs ou gros gravier de quartz blanc , gris , Sec. on l'y emploie egalement dans les chauffees -, celle qui s'etend depuis Ausbourg jufqu'au village oil l'on paffe le Lech, en eft conftruite; elle eft tres- belle-, celle qui part de cet endroit & les rues de ce village, font de cailloux de quartz qui probablement fe tirent du Lech; le terrain lablonneux continue jufqu'a Friberg, ville batie fur une mon- tagne fort elevee , tres-roide & difficile; en fortant de cet endroit, on entre dans des laiides qui font traverfees d'une magnifique chauffee jufqu'a Munich-, elle eft faite avec les cailloux roules dont le fond de ces landes eft compofe -, il n'y a guere au-deffus du banc qti'ils formejit , qu'un ou deux pieds d'une tcrre noire de la nature des terres a. tourbes; ce banc paroit are considerable a en juger par les coupes qu'on a faites de diftance en diftance le long de la chauffee -, les cailloux font d'une groffeur conli- derable & de quartz different par les couleurs-, ce terrain me paroit seteu- dre dans toute la vallee qu'on parcourt jufqu'a Ausbourg & peut-etre juf- qu'aux montagnes du Tirol. Je n'avois vu juiqu'a Munich ces cailloux employes que dans les chauf- fees des grands chemins ou dans celles des villes-, on s'en fert a Munich a un autre ufage ; la ville en eft bien pavee , mais de plus on en fait des efpeces de rocailles fur les trumeaux & les plinthes des maifons ; on choifit les plus petits a cet eftet , on les lie par un ciment qu'on varie par les couleurs ; les cailloux font blancs , gris , verdatres ou jaunes -, cette der- niere couleur paroit plaire dans ce pays , plulieurs maifons en font bordees. On conferve dans le chateau une groffe pierre de plus de cent livres pefant, qui me paroit quelque gros caillou trouve probablement parmi les autres des environs de cette ville-, e'eft une efpece de granit ou de por- phyre noir , avec des taches verdatres -, cette pierre eft , au moyen d'un cercle de fer, attachee par terre fous un veftibule de ce palais -, on pre- tend qu'un ele&eur la jettoit avec les mains ou le pied jufqu'au haut de ce veftibule, qui peut avoir plus de quinze a vingt pieds de hauteur; on voyoit encore, dit-on, il n'y a pas long-temps, la marque quelle avoit faite a. la voiite en la touchanf, on a reblanchi cette voiite, & la marque a ete ainli cftacee; ce pretendu fait eft fans doute une fable : qu'eft-ce qui y a donne lieu I il n'eft pas aife de l'imaginer , & il paroit que du ton dont on le raconte , on penfe meme a Munich que ce n'eft qu'un conte Tome XIII. Panic Franfoi/<. Cc *ei ABREGE DES MEMOIRES — — — — femblable a tant d'autres dont on fe prevaut pour faire honneur a des H homines fameux par leur force. i s t o i r e jg remarqUai f en parcourant les falles de ee palais , que les tables y * tuuelle. ,stojent d*un j0li rnarbre; j'appris que ce marbre venoit de Tegarnice, ab- Annet ti<5i. Dave de Benedi&ins , a dix Iieues de Munich; il eft gris-blanc, avec une grande quantite de taches blanches d'un beau blanc, rondes oil oblon- gues, & qui s'alongent quelquefois de facon a former des lignes. Ce palais eft le leul que l'ele&eur ait a Munich , mais il en a un autre nomme Nymphembourg, litue a une lieue de cette ville ; le chemin qui y conduit eft beau & fait en cailloutage ; les cailloux font tires du terrain meme qui eft femblable a celui des landes dont j'ai parle plus haut , & qu'on traverfe en venant a Munich : le palais de Nymphembourg & fes jardins font conftruits fur un pareil fond, on a ete oblige de rapporter des terres pour faire ces jardins , encore les arbres y viennent-ils mediocre- inent bien ; les allees font fablees des plus petits de ces cailloux. Je ne vis des cabinets d'hiftoire naturelle qui peuvent etre a Munich , que la petite collection formee par M. de Wolter , premier medecin de S. A. ele&orale, & correfpondant de l'academie; j'y vis entr'autres chofes une breche rouffeatre de Kawtberg , les taches en font grandes & d'une couleur vive : on en avoit fait des tables. J'y vis audi de femblables tables d'un marbre noir tire des montagnes de Kolifch ; il eft rempli d'une grande quantite d'orthoceratites d'un beau blanc, & dont les articulations circulaires font tres-fenfibles : un de ces orthoceratites a prc-s de deux pieds de longueur , d'autres font un peu contournes par le haut en cor- nes d'ammon : on y voit auffi des belemnites dont une eft tres-groffe, & quelques orthoceratites oil le fiphon eft tres-fendble. Munich n'eft pas fort eloigne de Saltzbourg ou Ton exploite des mines de fel ; j'aurois bien voulu pouvoir aller viliter ces mines , mais l'arrange- ment du voyage ne me le permit pas. L'on fe trouve en fortant de Munich, dans un terrain femblable a celui qu'on traverfe en y arrivant, c'eft-a-dire, dans un terrain fiblonneux, rem- pli de cailloux de quartz & de difterentes efpeces de granits , ce terrain fe continue dans la plaine -, on paffe enfuite a (Ettingen & a Braunau : les pierres dont on batit dans cette derniere ville font calcaires , elles fe tirent de Berlcam pres la Lina. Je vis a (Ettingen des poudingues apportes fiour y etre employes; on en fait du pave, des bornes, des meules a moitr in. L'on paffe avant Braunau par un endroit appelle Markel ; j'y obfervai que les montagnes des bords de la Lina font compofees de cailloux rou^ les; ces cailloux fe voient jufqu'a Haag. A 2 ou 5 Iieues avant cet en- droit, on paffe par de baffes montagnes qui ne font que de fable jaune inele d'un peu de cailloux , & en y arrivant on trouve de la glaife : en raontant la montagne qui eft apres Haag , je retrouvai encore les racraes cailloux : il y en avoit de quartz , de granits , & de fchites ; les maffes en etoient confiderables. Les maifons du village qui eft apres Haag, font ba- ties d'un tuf calcaire , jaunatre , inamelonne conune certaines ftalaotites ; il E DE LACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, tdj eft probablement des environs de cet endroit, j'en avois meme vu avant JSSSSS SSSSS ' que d'y arriver. Le chcniin de Lanibach a Lintz eft f.iit de cailloux fern- ,, blables aux precedens-, ils fe tirent des bords du chemin , quoiqu'on foit vr S * ' * alors fur le haut d'une montagne. Un peu avaiu & apres Lanibach on trouve des glailieres dont les glaifes font jaunes, blanchatres ou noires; Ann(e zjf??. les bancs en font horizontaux, precedes d'un compofe de cailloux roules, quartzeux , Sec. Je vis a Vels du granit qu'on y avoit apportt de Lain- fel (a). On pa lie a Mitorf & a (Eving une montagne prelqu'entierement de cailloux roules , de granits , de fchites & de quartz , de meme qui Airwote. Les granits gris-blancs entrent dans les batimens de Lintz ; ils fe trouvent dans les environs de cette ville •, on en fait audi des paves & des carreaux : la ville eft pavee de cailloux de cette pierre, & de quartz ou de grands carreaux de granits tailles. Les cailloux de quartz fe vitri- fient ailement; j'en vis un a Ens qui l'etoit a moitie, quoiqu'il n'eut etc mis que dans un poele ordinaire -, il etoit des environs de cette ville. Avant cette derniere ville Ton paffe a Lintz , a une lieue de Lintz on traverfe le Traun , torrent conliderable qui roule une infinite de cailloux , on a conftruit delTus un pont de bois qui pent avoir quatre ou cinq cents 5as de longueur, il fe jette, a ce que je crois , dans le Danube qui pafle e long de Lintz : on a eleve a l'entree de cette ville une pyramide trian- gulaire de granit gris-blanc. Pour Ens, il eft bati fur le haut d'une mon- tagne de fable & de cailloux roulis •, le granit gris blanc entre dans !a batiife des mailbns , & les cailloux dans les chauffees des rues : le granit fe tire des montagnes voillnes qui, pres de cette ville, bordent le Danube. II y a au milieu de la place une tour carree batie de poudingues •, on s'en fert audi, a ce qu'il me paroit, pour les autres batimens : j'y at du moins vu beaucoup de cette pierre apportee probablement pour cet ufage, les fontaines & les colonnes y font de granit gris-blanc. On trouve de ces gra- nits en fortant de Blinkemmarclc , ils etoient inclines a l'horizon : j'ai vu enfuite des cailloux roules de cette nature enclaves dans les terres La montagne ou la fameufe abbaye de Moelk eft batie , eft de granit, les rochers de cette pierre lui fervent meme de fondemens-, on s'en eft de Elus fervi en partie pour les embelliffemens de l'eglife qui eft d'une grande eaute. Les premieres affiles en font, de meme que le foe des pilaftres •, il eft gris-blanc, il fe polit tres-bien & fouffre des moulures fines & tres- bien tirees : cette magnifique eglife eft recouverte de marbres plus beaux les Uns que les autres , on y voit des colonnes d'un marbre d'un rouge lie-de-vin , qu'on dit venir de Saltzbourg, de meme que tous les autres marbres de cette eglife : on y en voit un olivatre veine de blanc, un blanc ale avec quelques veines noiratres, un troilieme qui eft rouge veine de lane, un rougeatre avec de femblables veines. On montre comme un morceau curieux de cette eglife, le crucifix d'un des autels, il eft fait d'une pierre appellee pierre de fang, en allemaud bloutftein : e'eft une efpece de (a) Une brcche rouge qu'on me dit venir de Saltzbourg , des poudingues avec Irf- <]uels on baiii, qui probablemem l'om dw environs de Vels. Cc ij E io+ A B R £ G £ des memoires. 2i pierre ollaire ou fteatite , couleur de chair pale , fouettee de tache rouge H i s t o i r E^e ^an8' * veinee de noiratre. On peut fe fervir avec avantage de cette Natuuelle P'erre Pour ^e pafeils ouvrages, on diroit a une certaine diftance que le Chrift dont il s'agit auroit ete artiftettient peint : le portail de cette egliie Annte 1763. eft a deux rangs de colonnes de pierres calcaires, le refte de 1' egliie & de la maifon font auffi de cette pierre. Les pilaftres d'une baluftrade qui eft autour d'une terraffe qui donne fur le Danube , font d'une pierre fembla- ble grifatre, remplie de madrepores, de pierres lentkulaires & autres corps marins foffiles. Une des dernieres remarques mineralogiques que je fis a Moelck , re-- garde le fable de Danube ; il eft blanchatre , parfeme de paillettes talqueu- fes brunes ou blanches & mele d'un pen de cailloux femblables a ces der- niers que les paillettes de talc font dues , du moins en partie , elles s'en detachent par le roulement de ces pierres entrainees par le fleuve •, la variete des fables que M. le comte de Marlilly a trouve dans le Danube pendant une grande partie de fa longueur, & dont il a donne la figure & la des- cription dans fon bel ouvrage fur le cours de ce fleuve, ne vient fans doute que de ce que le Danube ayant un long cours, charrie des pierres de differentes natures, qu'il entraine des bords de fon lit 01^ qui y font apportees par les autres rivieres ou les torrens qui viennent sy jetter, & qui entrainent des pierres des montagnes ou ils fe forment. Enfin j'ai vu a Moelck des meules de moulin graveleufes & blancha- tres ; on les y apporte pour etre vendues ; elles fe tirent de Walfe , fitue a quelques lieues de Moelck ; leur prix eft d'un florin le pied cube •, elles font convexes en deffus, planes en deffous-, elles peuvent avoir deux pieds & demi de hauteur , fur autant de largeur. Peu apres Moelck , on re trouve de nouveau les cailloux route's , & de plus du fchit dur dans les montagnes ; entre Moelck & Saint-Polten , les montagnes font de fable •, j'y ai rema'rque du fchit qui avoit auffi de la durete-, on en apporte fur le bord du chemin pour le reparer; on pave a Saint-Polten avec des cailloux auffi roules ; on va les chercher dans les torrens qui y paffent-, on y peint le tour des maifons avec une terre ar- doifee qu'on trouve dans les environs , comme on les peint a .Strasbourg, avec une qui eft rougeatre & qui eft des montagnes voiiines-, on fait en- trer dans les batimens de Saint-Polten une pierre graveleufc , grife & un peu talqueiife. On trouve, apres Saint-Polten , une carriere de cailloux femblables aux precedens; le chemin de Moelck a Saint-Polten, & de cette ville a Vienne, en eft fait , de mane que le pave de Vienne. Depuis Moelck jufqu'a Sigarftkirch , le terrain eft fablonneux •, on batit dans ce canton avec une pierre dure un peu talqueufe; les rochers qu'on rencontre font inclines al'horizon, comme le font ordinairement les pierres fchiteufes : on monte , apres Sigarftkirch , une longue montagne dont le chemin eft tres-beauv il eft fait d'une pierre grifatre qu'on calfe en petits morceaux ) on la prend a cote de cette montagne : depuis cet endroit DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 105 jufqu'a Vicnne , on rencontre communement des rochers de cctte pierre mm^mmbm qui iont conliderables & audi inclines a l'horizon ; cette pierre eft calcairc, de meme, a ce que je crois, que celle de Sigarftlrirch. H 1 s t o 1 r Un de mes premiers Coins, rant a Vicnne, fut de voir le cabinet d''hif- Naturells toire naturelle de l'einpereur; il merite, a tons egards, I'attention des 11a- Anni 1 6 turaliftes : je ne parlerai pourtant ici que des fubftances qui out rapport a la mineralogic ; je ne dirai rien des lithophites , des madrepores , des coraux, des coquilles marines que j'y ai vus , quoique ce cabinet renferme de belles chofes en ce genre ; je m'eloignerois trop de 1'objet que je me fuis propofe dans ce memoire. Ce qui m'a le plus frappe parmi Ies petrifications, eft line quantite de morceaux de bois petrifies qui font devenus plus oil moins agate, & qui varicnt par les couleurs ; les uns font brims, d'autres blanchatres, gris on autrement colores ; un de ces morceaux, qui eft agatifie dans le centre ou par un bout, eft, comme on nous l'a aflure, encore bois par l'autre bout; on pretend meme qu'il s'enflamme dans cette partie : nous n'en times pas 1'experience , elle fut propofec •, ces bois petrifies font ordinairenient des rondins de plus d'un demi pied oil d'un pied de diametre ; quantite d'au- tres ont plulieurs pieds de longueur, & font d'une grofleur conliderable; ils prennent tons un poli beau & brillant. Parmi les fels on diftingue un morceau de fel gemme qui renferme de 1'eau , plulieurs incruftations de fel , & principalement line portion d'une echelle abandonnee dans les mines , qui y a ete recouverte de gros cubes de fel dont la couleur eft un pen verdatre. Entre les marbres & les albatres , qui font en grand nombre , on re- marque principalement un albatre verdatre & tranfparent , & un marbre rempli d'une infinite de madrepores, dont les diflcrentes coupes forment des panaches , des plumes , &c. & font de ce morceau un tres-joli marbre ; les breches y font trcs-variees. En general, les morceaux qui compofent la fuite des agates, des jafpes, des calcedoines, des amethyftes, des poudingues, font plus ou moins gros & beaux ; on voit parmi ces pierres , des bois petrifies devenus agate & meme calcedoine. La fuite des mines d'or & d'argent eft tres-riche; il y en a du Potoli & de Chemnitz . dont les echantillons font conliderables par Ieur groffeur-, •on en voit parmi ceux de Chemnitz ou 1'argent eft ramifie en cheveux ou en clous. L'armoire des mines de fer, de plomb, de cuivre, de cobolt, renferme de tres- belles pieces & bien variees ; on y diftingue du vert de montagne & des echantillons de mine de fer mamelonnes & ftries en ftaladites bril- lantes, avec un travail en cifelure qn'on diroit etre facl:icei cette cifelure reprelente des feuillages en relief; quelques-uns de ces feuillages font re- converts d'une legere couche de fer , ce qui les fait rclfembler a des den- drites : ces morceaux font tres curieux. La collection des «)ftaux dc roche y eft tres-nombreufe , tres-variee lc6 AEREGl DES MEMOIRES par la grofleur & la couleur ; plufieurs font mouffeux-, d'autres renferment " de l'amianthe -, un contient de l'eau •, une matrice d'ametyfte eft chargee dc H i s t o i r e j-es cryH-aux t qUi font blancs ou violets : de grands morceaux de pierres Nat v R r. l l e. qUartzeufes le font de grenats ou d'hyacinthes. Annie 1-763. Enfin le cabinet d'hiftoire naturelle de l'empereur eft tres-intereflant -, un catalogue raifonne de ce cabinet, qui nous apprendroit ce que chaque morceau peut avoir de fingulier , & l'endroit d'oii il fe tire , ne pourroit qu'etre tres-bien real des naturaliftes ; au refte , grand nombre de ces morceaux viennent de Hongrie ou de quelqu'autre partie de l'Allemagne. Un autre cabinet ou plutot line petite collection de mines, fiite par M. Zollicofter, merite que j'en dife un mot; les morceaux de cette col- lection font , pour la plupart , d'un volume peu confiderable , mais ils font curieux par leur matiere , & fur-tout par les accidens qu'ils pre*. fentent. Entre les morceaux de mines de cobolt , il y en a de violets, de gris- de-lin, de cryftallifes & de metallifes en blanc. La fuite du cinabre y eft trcs-belle; elle prefente des morceaux recou- verts de petits cryftaux rouges , d'autres ont du mercure coulant , d'autres du cuivre , de l'argent ou de la pyrite ■, il y en a dans du quartz , un de ces morceaux eft poli ; des terres noiratres ont du mercure coulant : tous ces morceaux font des mines d'Idria, dans le Frioul. Je remarquai encore un morceau d'antimoine en belles eguilles •, une mafie de vitriol jaune en ftaladlites , formee fur les parois d'une mine-, des boules pyriteufes qui renferment line efpece de jayet ou une matiere noire bitumineufe. On voit , parmi les mines de cuivre , un morceau de quartz entoure de grandes feuilles de cuivre natif ; un autre 011 ces feuilles ne font pas (i grandes-, un morceau de bois de Neufotl , qui en eft auffi charge, & une mine azuree qui contient de l'argent. Les mines detain font en gros & beaux cryftaux. Entr'autres mines d'argent, en eft une d'argent rouge dans une pyrite globulaire, & une autre dont l'argent eft en cheveux, unie a de l'ame- thyfte. Enfin j'ai vu dans cette petite collecHon une fuite de mines dor en feuilles larges & dentees, prifes dans du quartz gris-blanc ou dans du quartz ou le blanc dominoit plus que le gris , d'autres etoient dans du cinabre ; ces mines font de Tranfilvanie. Un autre cabinet, tres-digne de l'attention des voyageurs, eft celui de M.Moll. .. Les corps marins foffiles y font en tres-grand nombre , des mieux choihs & des plus curieux-, la fuite des cornes d' Amnion y eft conhderable , de meme que celle des echinites , des coeiirs de bceufs & autres bivalves ; M.Moll, me fit remarquer parmi ces foffiles une frippiere detrois polices de diametre, un grand rocher, un amas de gros glands demer envoye de Tofcane, une matrice de hifterolithe , qui paroit etre formee par une poll- ?, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 207 lettc 011 concha anomia ftriee ; la pierre oil eft cette matrice eft remplie » de ces poulettes. ; H 1 s t o 1 r e Des morceaux encore tres-curieux font une mafle d'oolites ; M. Moll JsJati-relle me le tit obferver comme meritant beaucoup d'attention : je diftinguai tres-bien a la loupe que plulieurs des oolites renfermoient dans leur centre Annie ijGj. tine petite coquille de celles auxquellcs on a donne le nom de vis; ces eoquilles ont-elles ete incruftees par la matiere des oolites, on les oolites font-elles , comme plulieurs auteurs l'ont penfe, des ceufs de coquilles 2 L'un & l'autre fentiment pent fe fouterrir , & quoiquc cette obfervation , ui eft due a M. Moll, foit trcs-favorable au ientiment de ceux qui pen- ent que les oolites font des ceufs , elle n'eft cependant pas une maiTe d'oolites de petits os fofliles trouves dans des pierres calcaires , & que la fagacite de M. Moll a decouvert avoir appartenu a Yalcyonium priinum dio/ioridis , dont M. Donati a donne l'anatomie dans fon eliai d'hiftoire naturelle de la mer Adriatique ; une pomme de pin metallifee ou pyri- teufe trouvee aux environs de Vienne. M. Moll ne s'eft pas borne aux feuls corps marins fofliles, il a audi ra- malTe beaucoup d'agates, de primes d'amethyltes, de cryftaux , d? chalce- doines : ces dernieres pierres (e diftinguent des agates , luivant M. Moll & quelques autres naturaliftes , par les mamelons qui , dans celles qui font polies, occalionnent des efpeces de cavites demi-fpheriques; les agates font ondees. Cette difference, dans la compolition de ces pierres, eft une marque tres-propre a faire diftinguer aifement ces pierres les unes des autres-, elle eft mejlleure & plus fure que la durete , le poli & la tranfparence qu'elles peuvent avoir ou qu'on peut leur donner. M. Moll n'a pas 11011 plus neglige les autres corps naturels , il en a fait une collection des plus amples. Les coraux , les madrepores , les lithophytes & les coquilles marines ne font pas les morceaux auxquels M. Moll fe foit beaucoup attache , il n'en a qu'autant qu'il lui en eft necellaire pour fervir de comparailon avec les fofliles : ce but que M. Moll s'eft propofe, l'a cependant oblige d'en avoir une alfez belle collection qui contient des morceaux bien choilis. Enfin M. Moll , en curieux qui aime tout ce qui a rapport a la fcience dont il s'occupe , n'a pas neglige de fe procurer de ces pierres fachces avec des empreintcs de dirlerens animaux , fur lefquels Beringer a donne un ou- vrsge, trompe par fesennemis, qui lui en avoient impofe, & qui avoient voulu par-la jetter fur lui un ridicule qui ne lui fut que trop funefte , puifqu'il y fuccomba & en mourut. M. Moll conferve dans fon cabinet quclijues-unes des empreintes, qui reprefentent des cruftacees , il s'en eft defait d'une en ma faveur, qui reprefente une limace. J'aurois bien delire, avant de quitter Vienne, pouvoir faire quelques courles dans les montagnes voilines, pour determiner la nature des pierres qu'elles renferment ^ truis quoique j'aie refte quinze Jours dans cette ville , a peine m'ont-ils fufE pour la voir, comme elle merite de l'etre. II n'y a oS A B R E G E" DES ME MOIRES ! guere lieu au refle de douter que les pierres des montagnes ne foient v. , calcaires; celles dont on batit a Vienne font de cette nature, & elles en •», font tirees , fur-tout de Dorden-Paca , village a environ line lieue de Vienne-, celle de cet endroit eft bleuatre, parfemee de paillettes talqucufes 'Annie *?%• brillantes ; elle fe diffout en partie a l'eau-fprte : d'auties font grifes, cal- caires & renferment des coquilles foffiles. C'eft la nature de cette pierre qui probablement a fait dire a des auteurs, que Vienne etoit de mime que Paris, batie de coquilles foffiles. Ces pierres en contiennent , comme je viens de le dire ; on en voit encore dans une baffe montagne, fur laquelle eft une partie des jardins de Schonbrunn, palais de l'empereur, qui eft a une petite lieue de Vienne. La montagne oii j'ai vu cette pierre, eft formee de la facon fuivante : elle eft fur le haut, en grande partie couverte de cailloux roules, qui pen- vent avoir depuis moins d'un pouce de diametre, jiifqu'a plus d'nn pied; ils font rouffeatres , gris , blanchatres on veines de blanc, & de differente nature-, les rouffeatres font ordinairement vitrifiables, les autres calcaires: ceux-ci fe diffolvent avec vivacite & bruit a l'eau-forte; la reunion de ces cailloux & de ceux qui font vitrifiables forme quelquefois des poudin- gues. Apres ce banc de cailloux, qui peut avoir un on deux pieds d'e- paiffeur, eft placee une terre argilleule remplie de fragineus de coquilles, & dont le banc eft d'environ cinq a fix pieds de hauteur-, il eft fuivi d'un petit, qui peut etre d'un pied, & forme d'une marne blanchatre ondulee; au-deffous de celui-ci en eft un d'un pied d'epaiffeur, d'une efpece de pierre calcaire grisatre, remplie de coquilles fruftes devenues blanches; on y remarque des fragmens de peignes, de cames & autres coquilles: ce blanc eft compofe de plulieurs petits quartiers de pierres pofes les uns fur les autres; chacun peut avoir deux ou trois polices d'epaiffeur, fur un , deux ou trois pieds de longueur : ce lit en precede un de fable jau- natre , oil Ton remarque des parties de coquilles femblables a celles qui font dans les pierres; ce fable eft gros. Vis-h-vis la porte d'entree du palais , on a coupe une eminence pour y former une demi-lune , qu on a plantee d'arbres ; cette coupe a ete faite dans une terre fablonneufe & argilleufe, entierement femblable a celle de la montagne que je viens de decrire. Les cailloux roules font les pierres qui entrent communement dans la conftrudtion des chemins des environs de Vienne. Celui qui de Schon- brunn conduit a Laxembourg autre maifon de campagne de l'empereur; en eft fait de meme que celui qui va de Vienne a Neuftadt; ce chemin paffe par Neudorf, Trykirchen, Schenau, Solemart; il traverfe une lande qui, du cote de Vienne eft affez bien cultivee jufqu'a environ la moitie du chemin; l'autre ne l'eft point; elle y forme une peloufe d'herbe trcs- courte, & qui peut avoir plus ou moins d'un pied de terre noiratre , au-deffous de laquelle eft un lit de cailloux roules quartzeux, grani- teux, &e. les coupes des foffes qui font fur le bord du chemin le font voir a nu. On trouve de temps en temps de ces coupes, qui ont quatre, cinq DE t'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. »&* cinq ou fix pieds de hauteur ; elles ne lailTent prefque voir que de c&>SSSSSSSSSS cailloux. ,, C'eft encore dans de femblables cailloux que Ton paffe de Vienne a ,.,' S T ° ' R E Wolkersdorft, fur la route de Moravie ; ils font rcpandus dans line plaine AT u R e i, i b. de gravier ou de fable, leur couleur eft blanchatre ou jaune, leur nature Annie 1763. quartzeufe : on monte , apres cette plaine , de petites montagnes de fable. II eft probable que cette plaine a etc autrefois couverte par les eaux du Danube, les cailloux & le fable qu'il charrie maintenant etant femblables aux cailloux & au lable qui fe voient dans cette plaine. Depuis Wolkerf- dorff jufqu'a Nicolsbourg, le chemin & le terrain font fablonneux, & de temps en temps on rencontre des fablieres d'un pareil lable , d'ou Ton tire les cailloux qui y font meles , & Ton en fait les chauflees. L'on palle fouvent dans cette route de baffes montagnes qui forment des chaines alongees. Le chateau de Nicolsbourg eft bati fur un rocher de pierres calcaires; la voiite de fa porte eft percee meme dans le rocher, & Ton a lauTe faillir hors du mur, du cote de la cour , des quartiers de rochers, fur lefquels le chateau eft elevi , ce qui lui donne un air ruftique & lingulier. Les montagnes qui entourent Nicolsbourg font peu elevees , & couronnees de rochers femblables a ceux du chateau ; ils paroiffent comme rompus & dechir^s. On batit dans cette ville avec une pierre graveleufe grife , qui a des paillettes talqueules argentees, avec une qui eft parfemee de cailloux, ou bien avec celle qui forme principalement les rochers des montagnes voilines ; la deuxieme efpece de ces pierres m'a paru former les premieres couches des carrieres •, le pave de Nicolsbourg eft de pierre calcaire, le chemin de cette ville a Pareitz eft fait de cette pierre •, le refte eft de cailloux roules jaunatres & quartzeux. Briinn eft bati fur une montagne de fable , le terrain des environs eft fablonneux , il eft le meme apres qu'on eft forti de cette ville, on monte meme quelques petites montagnes "qui font aufli de ce fable : le pave de Wifchau eft d'une pierre grife & graveleufe. Cremfier eft pave en cailloux de quartz & de pierres grave- leufes-, on a eleve dans le jardin que le comte de Rotel a dans cette ville, un pavilion dont le plancher & tout 1'interieur forment une forte de mo- fa'ique faite de femblables cailloux roules. A Libefwau , village oil Ton pafTe apres Biftritz , on rencontre de la pierre talqueufe grife, tendre & dont les paillettes font argentees. Neutif- chein eft pave de quartz bleuatre & roule ; on traverfe enfuite un pays de fable, ou les pierres font graveleufes ou de poudingues a petits cailloux, comme depuis Keltrech jufqu'a Neutichen. A Friedeck le pave eft de cailloux roules , & les pierres en poudingues femblables aux precedens. On fait de la chaux a Miteck, village qui eft a un mille avant Friedeclc ; depuis ces derniers endroits jufqu'a Bielitz, ou l'on fort de la Sileiie Au- trichienne, le chemin eft, a peu de chofe prcs, entierement femblable. Je devrois finir ici ce memoire , ayant rapporte , dans celni que j'ai donne fur la Pologne , ce que j'ai obferve depuis Bielitz jufqu'a Varfovie ; Tome XIII. Purtie Franfoife. Dd tu A B R E G t DES MEMOIRES imais ayant, a mon retour en France , paft'e par quelques endroits de l'Al- .. _ lemagne que je n'avois pas vus en allant en Pologne, je finirai par ces dernieres obfervations qui, aiT refte, font en petit nombre. On dekend il Hamberg une montagne affez haute , pavee de fchifte Ar.rJe I76q. bleuatre dur , qu'on pourroit regarder comme du quartz-, Ies cotes du chemin font voir du fchifte brun , qui entre dans la composition de cette montagne •, on remarque de ce fchifte le long du chemin dans plulieurs endroits depuis Dorf-Tefchen -, il y a ^ Olmutz un grand & beau batiment en entrant dans la ville, qui eft bati fur des rochers de cette pierre •, les chemins qui patient dans ce canton , de mime que les bomes qui font le long de ces chemins, en font pareillement •, on y fait entrer les pierres calcaires dans les environs de Briinn , & a deux ou trois milles de Vienne: ce font des pierres jaunatres qui ont des fragmens blancs de coquilles. Plus on approche de Vienne, plus on voit de chemins fiits de cailloux roules quartzeux, blancs jaunatres, &c. pres de cette ville & a Vienne on fe fert a cet efFet de ceux qu'on tire du Danube ; il entre pourtant auflt dans le pave de cette ville des pierres calcaires. J'ai appris a Vienne qu'il fe trouvoit a Mannerfdorf de la pierre cal- caire blanchatre , veinee de jaune , du fpath cryftallife en plaques , de grofles cames de differentes grandeurs, des echinites plats, grands comme la main ; Mannerfdorf eft a environ fept a huit lieues de Vienne lur les confins de la Hongrie & au-deli de la Leytha, ou l'empereur a etabli un bain dont on fait chauffer l'eau , cette eau etant naturellement froide •, a la gauche de Mannerfdorf & a plus d'une lieue eft Summerein •, cet endroit renferme du bois petrifie & des pierres blenes qui contiennent du foufre ; depuis Vienne jufqu'a. Lintz , le chemin eft fait de cailloux roules quart- zeux blancs & d'autres qui font calcaires-, on voit des poudingues a Ens, & entre Ens & Lintz dans les montagnes, & des cailloux roules fur les bords des foties. En entrant dans Lambach & en fortant de cette ville, on remarque une terre bleuatre & une blanchatre, qui forment de petites couches feuille- tees; on en marne les terres, ce qui me fait penfer qu'elles font calcaires: on en voit jufqu'a Haag. Depuis Lambach jufqu'a ce dernier endroit, les chemins font faits de cailloux roules, de mcrae que depuis Haag jufqu'^ Riet-, j'ai trouve parmi ces cailloux apres Lambach, un morceau de bois petrifie trcs-bien veine & oil les fibres du bois fe diftinguent tres-facilement. De Riet a Amphng, les cailloux lont communs , la grande plaine ou eft Munich en eft rem- plie-, ils font au-deflbus d'une couche de terre, les cailloux calcaires pa- roiffent y dominer , les autres font quartzeux •, avant cette plaine on tra- verfe heauconp de petites montagnes d'une terre jaunatre fablonneufe, avec des cailloux roules quartzeux-, on ne paffe de Munich a Ausbourg qu'une montagne oil eft placee une petite ville ; cette montagne eft affez roide : de Munich i Ausbourg, le chemin eft compofe d'un gros gravier, ou petits cailloux blancs quartzeux qui fe tirent le long du chemin ; on en DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. XI I voit plufieurs grevieres de temps en temps •, j'ai remarque a Kinsbourg & — — n— — a Elchingen de la pierre a chaux ; de la a Strasbourg je n'ai rien obferve t cjue je n'aie rapporte dans le commencement de ce memoire , je ne trouve \f ' s T ° ' R l rien du moins qui ait rapport a la mineralogie dans les notes que j'ai faites vm.ej.z4, ^n^ i ■ » r • , , **»& '" ymconque aura lu ce memoire, pourra etre iurpris de la grande quan- tite de lables remplis de cailloux roules qu'on rencontre de Strasbourg a Biclitz , dernier endroit de 1'Allemagne par oil j'ai paffe, du pen de mon- tagnes a pierres calcaires & a fchiftes qu'on traver/e , & en general du {ietit nombre de montagnes que Ton rencontre ; il fembleroit qu'on voyage e plus (ouvent dans des plaines fablonneufes , que ces plaines peuvent te communiquer avec celles de la Pologne.qui forment la bande fablon- neufe de ce royaume ; que les montagnes qui renferment des pierres cal- caires font partie d'une bande marneufe, comme celles ou il y a du fchifte, d'une bande fchifteufe; en un mot, qu'on voyage dans tout cet efpace fur les confins des lines ou des autres de ces bandes, dans lefquelles on entre ou defquelles on fort, fuivant les finuolites que la route oblige de fuivre. Je me propofe d'eclaircir ces difHcultes en rapprochant, dans un memoire, les observations que nous avons fur cet empire, & d'en former un plan qui puiife Her ces obfervations avec celles qui ont ete faites fur la France & celles que j'ai renfermees dans le memoire que j'ai donne fur la Pologne, qui, comparees avec celles de M. l'abbe Chappe fur les Voges, celles que j'ai recueillies fur la SuilTe , 1'Angleterre , l'Egypte, la Judee & la Syrie; celles de M. Chappe fur l'empire de Ruffle, pourront deja fairs un corps capable de jetter quelques lumieres fur 1'arrangeinent des foffiles & des mineraux que la terre renferme ; ce que je me fuis toujours propofe d'e- claircir dans ce memoire, comme dans ceux que j'ai donnes fur cette matiere curieufe & important?. Dd Mem. mi ABRECi DES MEMOIRES H i s t o i n. e Natuiui.il $ur ies CorpS marins quife trouvcnl dans les environs de Paris. Anne'e 1764. \/\ IVXr. Guettaud a continue cette annee les details de la mineralogie des environs de Paris. Les corps marins cju'on rencontre tant dans les ter- res, que dans les pierres qui entrent dans la compoiition des montagnes dont eft forme le baffin de cette grande ville , font l'objet de ce nouveau memoire. Deux efpeces de cornes d'Ammon bien confervees & devenues de la na- ture de la pyrite ferrugineufe , out ete tirees d'une fouille qu'on fit il y a plufieurs annees au jardin des apothicaires pour uu puits que Ton creufoit. Une de ces cornes d'Ammon a un dos ana, de grolfes cannelures, & deux rangs de gros mansions fur le premier tour de la fpirale; la feconde ne diflere de celle-ci que parce qu'elle n'a pas de mamelons, & qu'elle eft de l'efpece de celles qu'on appelle cornes d'Ammon fleuries , a caule de cer- taines ramifications repandues fur leur furface, & formees par les articula- tions qu'ont ces fortes de cornes d'Ammon. Ces deux foffiles & une hui- tre d'une affez grande efpece , dont M. Guettard a parle dans fon memoire fur les accidens des coquilles foffiles , font les feuls qu'on ait julqu'a pre- fent, du moins a fa connoiffance , trouves dans les glailes des environs de Paris. Les marnes fourniffent une efpece d'huitre d'une moyenne grandeur , tronquee, ailee de lifle. On en trouve dans les marnes de Bougival & de Montereau-Faut-Yonne 5 les fables dont les montagnes font compofees contiennent des empreintes de differentes cames & tellines, parmi lelquel- les il y a d'autres empreintes faites par des tonnes , des buccins & par des vis les plus communes, & qui font li abondantes dans les pierres a batir ordinaires-, ces empreintes ne fe font pas faites fans doute dans les maffes de fables mobiles-, il faut que ce fable ait pris de la conliftance, qu'il ait forme du gres ; e'eft auffi dans une forte de gres d'un jaune rouille de fer & un pen noiratre qu'on rencontre ces empreintes. Sur la butte de Belle- ville , a deux pieds (bus terre on trouve un banc de ce gres , fuivi d'un autre forme d'un fable jaune plus clair : ce banc a en hauteur environ 35a 40 pieds. Les pierres font les fubftances dans la made defquelles on trouve le plus des indices de fofliles-, ces pierres font de deux genres; elles font on des pierres calcaires ou des pierres a fulil ; les premieres font celles dont on fe fert pour les batimens, les corps marins qui s'y trouvent, n'y lont point ordinairement en fubftance : ils n'y out communement laiffe que leur em- preinte ou les noyaux qui fe font moules dans leur interieur; on n'y trouve guere que des huitres appellees vulgairement pelures d'oignon , qui aient conferve leur nature de coquilles. De toutes les empreintes de coquiUes qui fe trouvent dans ces pierres, celles d'une petite vis a pas herifies de- DE L'ACADKMJE ROYALE DES SCIENCES. 213 pines font Ics plus communes ■, non-ieulcment Ies mocllons , mais Ies plus «— ^_ gros quartiers de pierres a bjtir en font remplis, de iorte que lorfqu'on fcie ces qiurtiers, Ies furfaces de ces pierres fciees en font couvertes; Ies ^T ' s T ° ' R ! furfaces exterieures en font egalement parfemecs •, fouvent Ies petites cavi- ^Allj'RtUL, tes formees par ces empreintes font remplies d'un noyau qui a etc laifie par Annie i-r* la coquille lorfqu'elle s'eft detruire. / *' On remarque, outre ces vis, des empreintes d'univalves & de bivalves, mais en moindre quantite. Parmi Ies univalves on diftingue des limacons applatis , des buccins , des rouleaux ; parmi Ies bivalves font des cames & des tellines qui varient Ies lines & Ies autres par la grandeur ou par quel- qu'autre propriete; on trouve Ies lines ou Ies autres de ces coquilles d;ns toutes Ies pierres coquillieres , de quelque canton qu'elles foient tirees ; quelquefois une efpece y domine plus qu'une autre, mais il eft rare de n'y rencontrer qu'une feule efpece. On trouve encore dans Ies pierres a batir 1111 petit corps globulaire ou uniforme audi fin qu'un grain de fable , corn- pole de pluiieurs couches : il eft du nombre de ceux qu'on nomme am- mites ; quelquefois Ies pierres en font (I remplies qu'elles en parouTent pref- qu'entierement compofees. Les pierres a fulil dont Ies craies de Bougival font lardees , fourniffent une bien plus grande variete de coquilles foffiles-, on y trouve non-fetile- iTient des coquilles univalves & bivalves, mais encore quelques efpeces d; petits coraux ou madrepores : les uns & les autres font devenus de la na- ture de la pierre meme ou ils out ete enclaves. Les univalves obfervees par M. Guettard, font des echinites de trois efpeces : fun eft connu fous le nom de cafque, le fecond fous le nom de pas de poulain , & le troi- ileme reiTemble a un bouton de chapeau , qui feroit un peu moins applati que ne le font ordinairement ces boutons. II y a rencontre auffi des poir.- tes d'ourlin ou dechinite , 8c des belemnites de l'efpece la plus commune. Ce favant naturalifte penfe que Ies belemnites font des corps qui fe font rnoules dans l'interieur de quelques coquilles ou tuyaux marins, que leur figure depend de celle des tuyaux , & que leur fubftance rayonnec ne left ainli que parce quelle eft de la nature du fpath a rayons & de la pyrite ferrugineufe rayonnee. Les coquilles bivalves renfermees dans Ies memes cailloux de Bougival font fur tout des huitres de pluiieurs efpeces : petites huitres a oreille , huitres a bee recourbe, pelures d'oignon & autres ; des poulettes & des gryphites, des conques en forme de cceur, des efpeces de peignes , de mon- ies , dc cames , Sec. On trouve encore parmi les foffiics marins de Bougival, des polipiers, des etoiles de mer, des coraux ou madrepores du nombre de ceux qui (bnt tres-petits ou peu conhderables : le plus limple de ces corps eft gloc . ire & du genre de ceux que l'on nomme pores-, il eft en efFet cril : I'une quantite de petits trous parfem^s fur toute fa furface & qui • fenfibles qua la loupe. II eft hngulier par fa figure & fin 1 telle, n'etant pas plus gros qu'un grain de vclfe, ou tout au plus un puis* ii4 A B R E G E D E S M E M O I R E S, &c. _i fa couleur eft ordinairement blanche, quelquefois dun rouffeatre rouille de fer. Un fecond plus petit encore eft: demi -fphcrique , & pent etre rapporte H i s t o i R e aux champignons marins feuilletes. Un troifieme n'a pas de figure deter- Nat u r e l l e. mmge , il forme des plaques plus oil moins grandes fur des coquilles ou Annie 1164 fur d'autres corps matins. M. Guettard le rapporte a cette efpece de ma- " drepore qu'on appelle Efchara ; c'eft en effet line forte de releau dont leg trous font ronds & tres- multiplies. M. Guettard n'a point trouve dans les carrieres de Bougival , fur les cailloux du moins, de ces coquilles connues fous le nom de vis, buccin, Iimacon, rouleau, &c. mais ces efpeces font trcs communes dans les carrieres d'lffy pres Vaugirard, dont les cailloux font encore parfemes a leur furfa- ce, & remplis dans l'interieur, de plulieurs efpeces de turbinites. M. Guet- tard obferve encore que dans ces dernieres carrieres, les cailloux ne font point, comme a Bougival repandus & difpcrfes dans des lits de craie, mais qu'ils forment un lit horizontal en des bancs de pierres, auffi ne font-ils pas irreguliers comme ceux de Bougival , mais plats, leur couleur eft d'un brun grisatre, & ils prennent un beau poll. Les hauteurs des environs de Paris font, dans certains endroits, plus ou moins fournies de cailloux plats d'un blanc ou d'un jaune plus ou moins vif , ces cailloux font parfemes de petits corps contournes en fpirale , a peu- prcs comme les fruits de certaines lufernes, qui ont ces fruits arrondis; on remarque encore dans ces memes cailloux d'autres petits corps cylindri- ques ou en forme de fufeau; les uns & les autres font ordinairement de- venus de la nature de l'agate , & leur couleur eft d'un atfez beau blanc ; lorfque les premiers de ces corps font detaches de la made du caillou , on voit qu'ils etoient dans de petites cavites dont les parois font cannelees : ces cannelures ont ete formees par les pas de fpirale qu'ont les corps qu'el- les contiennent. Ces deux efpeces de foffiles ont-ils leurs analogues dans la mer, c'eft ce que M. Guettard laifle indecis, ne pouvant les rapporter h aucun corps marin connu. BOTANIQUE. BOTANIQUE. -i; BOTANIQUE. Sur i' Ins ec te qui d evore les grains de l' An GOV MO I s. JL eusonnb n'ignore les ravages que font dans les pays chauds les inon- dations des fauterelles qui s'y repandent ; les pertes qu'elles occalionnent R font fi conliderables, que l'ecrivain facie les met en plus d'un endroit au n I q u E. nombre des fleaux dont la Juftice divine fe fert pour punir les crimes des Annie 1761. homines. Une calamite du racrae genre, moins effrayante en apparence, & peut-etre dans le fond aufli redoutable , menace plulieurs provinces meri- dionales du royaume; une petite chenille s'introduit dans le grain . foit de froment , foit de feigle , foit d'avoine , s'y nourrit en devorant la partie farineufe, s'y transforme en chryfalide, puis en fort papillon , fans que le grain porte a 1'exterieur prefqu'aucune marque du ravage qu'elle y a fait ; & cet infecte s'eft mameureufement multiplie a un tel point, qu'il y a des endroits oil il detruit les trois quarts au moins de la recolte. Le fort du mal s'eft d'abord fait fentir dans l'Angoumois , & les papillons ont porte de-la leur pofterite & leur ravage dans les provinces voihnes qui en font aujourd'hui tres incommodees. Un mal li confiderable etoit d'autant plus \ craindre, qu'il peut s'eten- dre , non-feulement par la voie des papillons, mais encore par celle du bled infecte, tres- difficile a diftinguer du bled fain; il a excite l'attention du gouvernement, & M. le controleur- general adreffa i l'academie, au mois de juin 1760, des ordres du roi , en confequence defquels Mrs. da Hamel & Tillet partirent au commencement de juillet pour aller fur le lieu meme obferver les circonftances du mal , & mettre l'academie en etat d'y trouver un remede, s'il etoit poffible. Un des premiers endroits on ils fe tranfporterent , fut le canton de la Rochefoucault, & fur-tout la paroilfe de Chaffeneuil, ou le mal avoit fait un trcs-grand progres : ce n'etoit pas qu'on n'eut deji fait quelques tenta- tives pour y remedier; Madame de Chalfeneuil fit part aux academiciens de fes vues & de plulieurs experiences qu'elle avoit deji faites, & qui leur furent utiles dans la fuite; (i les obfervations, qui n'ont que le feul avan- cement de la phylique pour objet, meritent des louanges, combien n'en meritent-elles pas plus, lorfqu'elles font didtees par le bon cceur & par I'en- vie de foulager les miferes publiques. Le premier pas a faire etoit de reconnoitre l'ennemi qu'on avoit a com- battre , & les deux academiciens n'eurent que trop de facilite a fe fatis- faire kir cet article-, un nombre infini de grains de bled d'une piece voi- iine du chateau de Chalfeneuil leur offrit , en les ditlequant , l'animal qui Tome XIII. Partie Franfotje, Ee i.rt ABRECE DES MEMOIRES i i faifoit l'objet de leurs recherchcs , tantot fous la forme de chenille 8c tan- ~~ tot fous celle de chryfalide , & leur montra de plus le degat que ces ani- Botanique. maux y avo;enc fait jans toute fon Vendue; la meme chofe fe trouva dans Annie 1161, l'orge nouvellement moillonnee. Mais s'il etoit aile de reconnoitre, a 1'aide d'une loupe, ou merae a la vue fimple, la chenille qui etoit dans ces grains, il n'etoit pas audi facile de difcerner par ou & comment elle s'y etoit introduite; ces grains n'avoient h l'exterieur aucune marque qui put les faire diftinguer d'avec les grains exempts d'accidens, & ce ne rut qu'apres bien des recherches tres-delicates & tris-multipliees que les academiciens crurent entrevoir le figne cara<5ti- riftique qui diftinguoit les grains attaques de ceux qui ne l'etoient pas : les premiers offroient quelque portion de matiere blanche dans le fillon qui paitege le grain en deux , M«- du Hamel & Tillet imaginerent que cette matiere blanche pouvoit bien etre un debris de la portion de matiere fa- rineufe que l'infe&e avoit detruite pour s'introduire dans le grain : ils avoient raifon; mais comrae ils n'avoient pas alors de microfcope fous la main , & qu en pareille matiere on ne doit croire que ce qu on voit bien nettement, ils ne regarderent cette idee que comme une conjecture, & paf- ferent a d'autres obfervations. Un de leurs premiers foins fut de fe procurer quelques-uns des papil- lons, tant pour mieux reconnoitre l'efpece que pour avoir des ceufs fecon- des, & par confequent remarquer leur figure, l'endroit ou le papillon les depofoit , & la maniere dont la jeune chenille s'introduilbit dans le bled. Le premier objet ne fut pas difficile a remplir 5 ils virent aifement a la pre- miere infpeftion , que le papillon en queftion avoit ete dscrit par M. de Reaumur dans fes memoires fur les infe&es (a), ou il eft range, comme il le doit etre , dans la feconde claffe des phalenes oil papillons de ntiir : il a des ailes d'un canelle tres-clair, mais ce qui le diftingue le plus des au- tres papillons, c'eft la figure de fa tete a laquelle les deux barbes qui en- ferment fa trompe , forment en fe relevant , des efpeces de comes de be- lier , ou du moins quelque chofe qui en a l'apparence. Pour parvenir a remplir le fecond objet, il falloit attraper des papillons vivans, &, s'il etoit poffible, quelques-uns qui fuilent accoupleV, de deux qui furent pris en cet etat, un fe fauva en les introduifant dans le gobelet de cryftal ou on vouloit les enfermer; heureufement c'etoit le male, & la femelle demeuree prifonniere, depofa fur quelques grains de froment tres- fain , qui avoient ete enfermes avec elle , des ceufs rougeatres , ayaiit la forme d'un gland, & fi petits qu'ils ne purent etre reconnus pour ce qu'ils etoient ju'a l'aide du microfcope. La fecondite de ces femelles eft extreme-, une eule peut produire jufqu'a quatre-vingt-huit ou quatre-vingt-dix ceufs ; heureufement , comme nous aurons bientot accalion de le dire , il s'en faut beaucoup que toute cette pofterite ne vienne a bien. Oil imaginera aifement que les academiciens furent tres-attehtifs a fui- vre le developpement des jeunes chenilles •, bientot ils les virent s'attacher i (a) Memoires fur les infeftes , torn?' II. page 490. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. £19 aux grains de b!ed qui leur avoient ere abandonnes, & travailler a fe pro- — — — 1 eurcr, en lcs entamant, la nourriture & ime retraite. H Mais com me ils s'etoient convaincus par leurs propres yeux que lcs che- tJoTANI^u£* nilles attaquoient non-feulement le bled dans les greniers , mais encore dans Annie 11 6t. le champ & fur pied , il etoit important de s'alTurer (i I'infedte n'em- ployoit pas pour attaquer le bled verd, d'autres rnoycns que ccux qu'il met en uCige pour entamer le bled fee & mur. Pour y parvenir, M". du Hamel & Tillet enfermercnt des papillon? avec une touffe de bled dans un tres-grand gobelet de cryftal foutenu en l'.iir au moyen d'un pieu , & garni a fon orifice d'une bande de toile qu'on pouvoit froncer fur la tige du bled-, ce gobelet ainfi renverfe , devenoit une prison tranfparente, qui mettoit a decouvert toutes les manoeuvres des infectes, fans oter an bled la liberie de croitre-, ils examinerent avec grand foin tout ce qui fe pafioit, & virent que les chenilles agifibient de U mane rnaniere fur le bled fee & fur le bled verd -, ils continuerent done leurs obfervations , & cela dans differens cantons : nous allons en presen- ter ici le refultar. De toutes les chenilles qui eclofent, il y en a heureufement beaucoup qui perilfent avant que d'etre parvenues a fe loger dans le grain ; les lines nieurent de foiblefle oil de maladie, & les autres des combats qu'elles fe li- vrent les lines aux autres , lorfque deux s'attachent au meme grain ; ces combats finiffent toujours par la moit de la plus foible , & celle qui s'eft mile une fois en poffeffion d'un grain , ne confent jamais a le partager avec une autre. La jeune chenille, qui entreprend de percer un grain de bled pour s'y loger, commence par s'etablir a l'extremite inferieure du fillon qui partage le grain dans toute fi longueur; l'ecorce dure manque en cet endroit, & la partie farineufe n'eft prefque recouverte que d'une fimple membrane. Le petit infecte, pas plus gros alors qu'une tres-petite epingle, & a peine long d'un quart de ligne , commence par couvrir la partie du fillon ou il eft d'une petite gafe de foie qui puilfe le derober aux yeux, lui & fon tra- vail-, il enrame alors le grain dont il mange la partie farineufe, & fe loge petit- a- petit dans le vuide qu'il y a forme; il continue d'y demeurer & de s'y nourir , jufqu'a ce qu'il fe transforme en chryfalide -, & le degat qu'il y fait, eft proportionne au temps qu'il y demeure-, quand la chaleur accelere cette transformation , il ne mange guere que la moilie du grain -, mais quand elle fe trouve retardee, il eft quelquefois prefque tout con fume. La chryfa- lide refle dans le meme grain jufqu'a fa metamorphofe en papillon -, alors l'animal fort , non a la faveur de l'ouverture par laquelle la chenille eft en- tree, mais par une autre proportionnee a fa groffeur, qu'il fe pratique dans l'ecorce meme du bled. II en a coute bien de la peine a M". du Hamel & Tillet pour favoir comment il fe pouvoit menager cette fortie; le papillon & la chryfalide font ablolument depourvus de tout inftrument propre a entamer l'ecorce du bled -, auffi n'eft-ce foils l'une ni l'autre de ces deux formes que l'infe&e i'eutame, e'eft fous celle de chenille; il fait qu'il aura befoin de cette 011- Ee ij tio ABREGE DES MEMOIRES __ ., ^= verture , il fe hate de fe la preparer avant C.\ premiere metamorphofe; & lorfqu'il eft devenu papillon , il ne lui faut que le plus petit effort pour Botaniqui. faire partir ja pjcce ^ui bouche cette ouverture , & qui ne tient prefquc Annce 1761. plus a rien. Une chenille que ces Meffieurs furprirent dans ce travail, leur en devoila tout le myftere, & depuis ce moment il leur fut aife de remar- quer fur les grains de bled attaques , l'endroit que l'infedte avoit prepari pour fa fortie. Les papillons fortent communement en deux faifons, au printemps, des que le bled commence a paroitre en epi, & ce font ceux qui fe font con- ferves dans le bled pendant l'hiver-, les autres fortent en ete, aux environs de la moifl'on-, ceux-ci proviennent des ceufs des premiers dont nous ve- nous de parler, & donnent la naiffancc aux chenilles qui doivent produire les papillons de l'annee fuivante : ce n'eft pas qu'il n'en naiffe pendant tout l'ete-, mais les volees, s'il m'eft permis d'employer ce terme, fuivent aflez exattement cette marche , qui fe trouve cependant quelquefois acceleree ou retardee par les difterentes temperatures de l'air. Une chofe digne de remarque eft que ceux des papillons qui fortent an mois de mai des grains renfermes dans les greniers, fe hatent de fortir par les fenetres, & de gagner la campagne -, au-lieu que ceux qui fortent im- mediatement apres la moiffon , ne font aucune tentative pour seehapper •, il femble que leur inftind les avertifle qu'ils ne trouveroient plus alors dans la campagne de quoi pourvoir au bien etre de leur pofterite. Les chenilles en queftion s'accommodent egalement bien du froment, du feigle & de 1'avoine , & on auroit inutilement tente , comme quelques perfonnes l'avoient propofe de faire , une efpece de meteil d'orge & d'a- voine, s'imaginant que ce dernier grain, qu'ils fuppofoient tres-defagreable aux chenilles, preferveroit l'autre •, elles s'accommodent meme alfez bien du mais, & ce grain ne leur feroit que trop favorable-, parce que fa grol- feur permcttant a plufieurs chenilles d'habiter le meme grain fans s'incom- moder, il n'y a point, pour la poffeffion de ce grain, de ces combats meur- triers & a outrance qu'elles fe livrent pour celle des grains de bled : leur iiiftinit , plus fur en ce point que notre raifon , ne leur permet la guerre que dans les cas d'une neceffite abfolue. Heureufement le mais n'eft guere expofe a leurs attaques-, les chenilles ne peuvent le percer que lorfqu'il eft depouille de fes enveloppes , & il s'en depouille fi tard du moins dans ce pays-ci, qu'il n'y a plus alors de chenilles dans les champs pour l'attaquer. Dans tous les grains, de quelque efpece qu'ils foient, qui out ete perccs par les chenilles, on ne trouve plus de germe : e'eft la premiere ^ partie qu'elles devorent, tant parce quelle eft la plus tendre que parce quelle fe trouve ties-voifine de l'endroit par ou elles s'y introduilent ; ainfi tous les grains attaques deviennent inutilcs aitx femences. Le bled , meme en mediocre quantite , s'echauffe conilderablement en tas, lorfqu'il contient des chenilles ou des chryfalides, foit que l'infedelui communique quelque chaleur, foit que l'humidite de fa tranfpiration donne lieu a une partie de la fubftance farineufe de fermenter. Mrs. du Hamel & Tillet ont trouve que cette chaleur extraordinaire du grain pouvoit aller 3 DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 211 a 32 degres du thermometre de M. dc Reaumur-, & la preuvc la plus com- . plette que l'infecle en eft la veritable caufe , e'eftque toutes chofes d'ailleurs egales, cette chalcur eft toujours proportionnelle a la quantite de papillons ^ ° T A " ' Q u r- qu'on voit fortir du tas defied par la fuite, ce qui pourroit fournir 1111 Ann'e nGi moyen de reconnoitre jufqu'a quel point il eft attaque. ' ' II eft prefque inutile d'avertir ici quele papillon de cette chenille etant phalene , e'eft-a-dire nocturne , on le chercheroit inutilement pendant le jour , & que dans tel champ oil a la faveur d'une lanterne on en apper- coit la twit des milliers , on n'en trouveroit prefque aucun pendant le jour. Puifqu'on peut reconnoitre a-peu-pres, par le degre auquel le bled se- chauffe , la quantite des grains attaques qu'il contient , on pourroit croire qu'en femant en plus grande quantite ce grain ainli mele de grains gates & de grains fains, les demiers leveroient, & que les infe&es contenns dans Ies autres pcriroient, ou etouffes par la terre , ou detruits par les pluies, les gelecs, &c. auxquelles ils feroient expofes, & il f.uit avouer que cette idee etoit affez vraifemblable ; elle n'eft pourtant pas vraie , & line expe- rience de Madame de Chaffeneuil , repetee par Mrs. du Hamel & Tilet,, fait voir qu'on emploieroit inutilement ce moyen. Elle avoit place an com mencement de 1'automne fur de la terre mife au fond de plufieurs caiffes, des grains de bled qui contenoient des jeunes chenilles •, ces grains avoient enluite ete reconverts dans quelques caiffes d'un pouce de terre , dans d'autres de deux, & dans d'autrcs de trois, ces caiffes pafferent l'hiver ex- pofees a toutes les injures de l'air , & cependant les papillons en fortirent an printemps ; a la verite un peu plus difticilement qu'ils n'auroient fait dans un grenier, mais fans paroitre avoir fouffert beaucoup de cette rude epreuve. II peut done tres-bien fe faire qu'une partie des papillons qu'on voit au printemps dans les champs, y viennent des chenilles qu'on y a en- tentes., dans le bled de femence, & ce moyen de les dstruire feroit inu- tilement pratique. Le mal que caufent ces infectes fe peut etendre de deux manieres; la premiere , par le commerce des grains infedtes , qui les portent dans des provinces on ils n'exiftoient pas, & la feconde, par les papillons qui pcu- vent, en volant, aller depofer leurs a-ufs a line certaine diftance. Les loins du miniftere public peuvent arreter le progres du mal caufe par le premier moyen •, mais il etoit bien important de voir jufqu'oii les papillons por- toient , en volant , cette efpece de contagion. Les experiences ont appris que les papillons pouvoient porter affez loin leur pernicieure pofterite, & qu'apparemment la prefence du bled, mane eloigne, leur devenoit affez fenlible pour les y attirer. M"- les academi- ciens firent defricher line lande tituee au milieu d'une foret tres-longue , & qui avoit plus d'une lieue de large ; il n'y avoit jamais eu de grains dans cet endroit , & le terrain n'y recut d'autre preparation que les labours mul- tiplies , ni d'autres engrais que la cendre des bruyeres qu'on y avoit bai- lees ; le bled qui y fat feme , etoit fcrupuleufement examine & parfaitement fain j cependant lorfqu'il fat venu en maturite, il s'y trouva des infe&es, mi ABREGE DES ME MOIRES «=«■■■■■«=» a la verity ils y etoient en moindre nombre; mais la diftance & lepaifleur , de la forer n'avoient pu empecher les papillons d'y voler & d'y depofer i Q v E. [ems (jgyf^ La metne chofe arriva encore a une autre piece de bled placee Annie 1761. **ans un endroit defert, eloigne de toute habitation, & defendu d'un cote parun taillis tres-large & tres-epais, les papillons y penetrerent, & le bled ie trouva infecH. II eft done bien prouve que le mal peut s'etendre a une certaine diftance par le feul vol des papillons •, mais il paroit qu'il s'eft repandu principale- raent par le debit du bled infe&e. Tel eft en general le precis des obfervations par lefquelles Mr'- du Ha- mel & Till it fe font allures de la nature & de l'etendue du mal qu'on avoit a combattre, mais quelques recherches qu'il ait fallu faire pour le recon- noitre, il eft encore peut-etre bien plus difficile d'y remedier, & il feroit fans doute temeraire d'ofer promettre a&uellement un remede general & efticace-, en attendant, Mrs' les academiciens ont recueilli , avec le plus grand foin, ceux des moyens qu'on a employes pour s'oppofer au mal, & qui ont paru pouvoir etre de quelque utilite : car on juge bien qu'il a fallu les feparer de bien des pratiques ridicules & inutiles que l'ignorance ne inanque jamais de produire en pareil cas. Mais avant que de pafler outre > il eft bon d'avertir que, dans toutes les provinces meridionales du royau- me, on ne ferre jamais le bled dans la grange, on bat oil on fait fouler les gerbes par les beftiaux au moment meme de la moiuon , & le bled eft porte dans les greniers, tandis qu'on ferre la gerbee dans les endroits qui lui Ibnt deftines : cette pratique inconnue dans le nord du royaume auroit pu jetter quelque obfeurite fur ce que nous avons a dire, & nous avons cru de- voir la rappeller au ledteur. Revenons a notre fujet. Quelques particuliers avoient imagine de couvrir les monceaux de bled , ferres dans les greniers, d'une couche de cendre d'une certaine epaiffeur, non pour empecher les papillons de fortir, mais pour les mettre dans l'im- poffibilite d'aller pondre fur le grain, des oeufs qui auroient acheve de gi- ter celui qui etoit fain, & il n'eft pas douteux que cet expedient tres-bien imagine , ne fiit propre a diminuer la quantite de ces infecies , s'il etoit ge- neralement mis en ulage-, mais il faudroit, pour qu'il put produire cet utile effet , qu'on n'eut a craindre que ceux de ces infectes qui fortent des gre- niers, & qu'il n'y en eut pas de repandus dans la campagne qui puffent re- parer cette perte & multiplier leur pofterite -, aind ce moyen ne peut aller qua diminuer le mal, & non a l'aneantir. D'autres avoient imagine d'enfermer Ie bled dans des tonneaux tres- exadtement clos, pretendr.nt y faire pair, faute d'air, les papillons & les chenilles ; mais il eft evident qu'on n'obtiendroit rien par ce moyen, les infectes peuvent vivre long-temps fans air; & a plus forte raifon dans un air tres-etoufte; les papillons ne s'en developperoient pas moins, & les che^ nilles n'attaqueroient pas moins le grain qu'a l'air abfolument libre. D'autres avoient penfd qu'en repandant du fel fur les tas de bled , & les arrofant enluite de vinaigre, on parviendroit a faire perir les infectes qui y etoient eufermes, fous quelque forme qu'ils fulfent; mais il eft trcs-dou- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ii5 teux que cette efpece de fanmure acide puifle pcnctrer par la tres- petite —■—»—«—— ouverture qu'a faite la chenille jufques dans la cavite qu'elle s'eft pratiquee R dans le grain -, fans cela , elle ne peut en aucune maniere incommoder l'a- ° T * x ' Q c '' nimat ' t Annie ij6i. D'autres propofoient de donner an grain un degii de clialeur trop petit pour detruire le germe , & fuffifant feulement pour faire eclorc les rrufs ik de le laver enfuitc h lean tres-froide pour faire pdrir les jeunes chenilles avant qu'elles euflent pu fc inenager une retraite dans les grains •, niais il eft douteux que l'eau froide fit alors ce que les vents & les pluies du prin- temps ne peuvent faire-, il feroit bien p!us Innple de laver feulement le grain fans faire eclore les ceufs, l'eau les detacheroit (ans peine-, & coramc ils furnageroient , il feroit facile de les enlever avec une ecumoire : il eft vrai qu'on ne detruiroit par- la que les clienilles encore dans l'ceuf, & qu'il pourroit en refter afTez des premieres eclofes canton nees- dans le grain pour en perpetuer l'eipece. Dans d'autres cantons on expofe le grain etendu 2> la chaleur du foleil, qui fur-tout dans les provinces meridionales, eft tres-forte au temps de la moiffon. Mrs. du Hamel & Tiller ont cru remarquer en eftet que ce degre de chaleur pouvoit etre fatal a un grand nombre de ces infe&es ■■, mais il feroit a craindre qu'il ne le fut pas k tous , & qu'il u'en reftat encore que trop poiir perpetuer une race que nous avons tant d'interet de detruire. Le feul moyen qui leur paroilfe aflure pour y parvenir, eft de palfer le grain dans le four apres que le pain en eft tire ; le degri de chaleur qui y regne alors, eft communement de 75 degres ati-deifus de la congelation, & mil animal , nul infecte ne le peut foutenir fans perir ; il detruira egale- ment les ceufs, les chenilles, les chryfalides & les papillons. II eft vrai qu'en employant ce moyen, on fera infailliblement perir le germe du grain, & qu'il faudra le pourvoir d'atitre femence-, mais quand cet inconvenient feroit inevitable, il n'y auroit pas a balancer; on pour- roit (e procurer pour les femences, du bled des autres provinces dans lef- qtielles on ne voit point de ces infectes, & on viendroit h bout de les de- truire , avec du foin & de l'attention. On pourroit a la verite, en conftruifant des etuves, y menager la cha- leur de maniere quelle fit perir les infe&es , fans intereller le germe ; mais ce moyen eft difpendieux, & d'ailleurs exigeroit des attentions qu'on ne peut guere fe promettre : M". du Hamel & Tillet penfent que le plus sur eft d'eniployer la chaleur du four & d'y expofer tout le bled qui doit etre mange, dans une efpece de claie faite en bateau , & garnie en dedans d'une toile de crin : ce moyen leur a paru le plus propre de tous a lui faire ef- luyer la chaleur egalement , & a le preferver des mal-propreies qu'il pour- roit contra<5ter, li on l'cxpofoit iminediatement fur l'atre du four. A l'egard du bled de femence, on pourroit, coramc nous l'avons dit, le tirer des provinces oil il n'y a point d'infe&es; mais les deux academi- ciens croient poffible de rendre propre a cet ufage une partie de celui qu'on recueille dans les provinces qui en font infeftees; ils ont imagine de faire tremper ces grains dans une kllive de cendres aiguifee ds cliaux , & 2i4 ABREGE DES MEMOIRES — ^— chaufTee feulement jufqu'au cinquantieme degre au-deffus de h congela- „ tion ; ils penfent avec beaucoup de vraifemblance, que les inledres ne fou- Cotanique. tjenjront nl ce degre de chaleur , ni l'acrete de cette liqueur, qui ne peut Annie ij6i. cependant endommager le germe. II eft vrni que l'expdrience n'a pas en- tierement reufli •, on a encore trouve des infedies vivans dans du bled qui avoir fubi cetre preparation •, mais il y a apparence que cela ne venoit que de ce que, pour rendre la liqueur plus active, on avoit brouille dedans, le marc de chaux quelle avoit depofe •, ce qui l'avoit epaiffie & rendue in- capable de penetrer dans la retraite des chenilles par la tres-petite ouver- ture qui leur fert a s'introduire dans le grain; malgre ce mauvais fucces, M". du Hamel & Tillet perliftent encore dans leur idee , qu'ils ne don- nent cependant que coinme line conjecture qui pourra peut-etre mener encore a quelque chofe de plus utile & qui merite de nouvelles expe- riences. On voit par tout ce que nous venons de dire que, malgre les peines que fe font donnees les deux academiciens , cette matiere n'eft pas encore epuifee, & quelle donnera probablement lieu a bien d'autres recherches. C'eft cependant beaucoup que de s'etre mis fur la voie, & de voir net- tement le point de vue qu'on peut fe propofer •, mais quels que foient les moyens qu'on emploie , il faudra toujours un concert prefqu'unanime pour y reufliri en vain detruiroit-on les infecies d'un canton, s'il s'en trouvoit dans le voifinage qui puffent les remplacer. II faudra peut-etre meme re- chercher fi dans les plantes qui viennent d'elles-memes , il n'y en a point dont les graines puffent leur fervir de retraite , aftn de les faire detruire. On fent bien qu'un concert audi unanime doit etre l'ouvrage de la pru- dence & de l'attention du miniftere public ; jamais objet plus intereffant nc pourra exciter fon zele. 5tf/ DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. '*; o BoTANIQUH. Sur un Arbre d'un nouveau genre , qui croit au Stntgal. Annie iiGi. n dit communement que la nature a des bornes & des Iimites,def- Hift. qudles elle ne s'ecarte pas dans fes productions -, mais ne fe preffe-t-on pas trop quelquefois de pofcr ces bornes & d'afligner ces limites : on re- garderoit , par exemple , rorame une chofe denuee de vraifemblance , la defcription d'un arbre qui forme feul un bois conliderable, dont le tronc a communement deux fois autant de diametre qu'il a de hauteur , & qui met peut-etre un grand nombre de liecles a parvenir a cette enorrue groffeur. Cependant cette defcription, (i eloignee de tout ce que nous connoif- fons , n'eft que la peinture fidele d'un arbre que M. Adanfon a oblervd au Senegal, & duquel il avoit communique a l'academie la defcription dont nous avons a rendre compte des l'annee 1756, pres de trois ans avant qu'il y flit admis. Le veritable nom de cet arbre eft baobab , lesOualors, naturels du pays, le nomment goui, & fon fruit boui, les Francois le connoiffent fous lc nom de calebajjier , & appellent fon fruit pain-de-finge. Le baobab ne peut croitre que dans les pays tres-chauds; il fe plait dans un terrain fablonneux & humide, fur tout li ce terrain eft exempt de pier- res qui puiffent bleffer fes racines •, car la moindre ecorchure qu'elles recoi- vent, eft bientot fuivie d'une carie qui fe communique au tronc de l'ar- bre, & le fait infailliblement perir. Le tronc de ce fingulier arbre n'eft pas fort haut ; M. Adanfon n'en a guere vu qui excedalfent 12 a 15 pieds depuis les racines jufqu'aux bran- ches; mais il en a vu plufieurs qui avoient 75 on 78 pieds de tour, c'eft- a-dire, 15 a 27 pieds de diametre. Les premieres branches s'ctendent pref- qtie horizontalement, & comme elles lont tres-groffes & qu'elles ont en- viron 60 pieds de longueur, leur propre poids en fait plier l'extremite jufqu'a terre, en forte que la tete del'arbre, d'ailleurs affez rcguliereinent arrondie , cache ablolument fon tronc, & paroit une maffe hemifpherique de verdure d'environ 120 ou ijo pieds de diametre. L'ecorce du tronc eft grisatre, litfe, & comme onctuetife au toucher; (i On l'enleve, le dedans eft d'un verd picote de rouge; elle peut avoir 8a 9 lignes d'epaiffeur; celle de jeunes branches de l'annee eft verte & parle- mee de poils fort rares : le bois de l'arbre eft tres-tendre & affez blanc. Les ftuilles font longues d'environ 5 pouces fur 2 polices de large, & pointues aux deux extremites, mediocrement epailTes , d'un verd gai en delfus & pale en deffous, & attachees trois, cinq ou fept, mais plus com- munement fept, en maniere d'eventail , fur un pedicule commun , a-peu- pres comme celles du marronier; elles ne naiffent que fur les jeunes bran- ches fur lefquclles les pedieulcs de ces feuilles font alternativement places. Les racines du boabab repondent a fa grolleur Sc a celles de fes bran- Tome XIII. Partie Franfoi/e. F f n6 ABREGE DES MEMOIRES ' — »«"m ches ; celle du milieu forme un pivot qui s'enfonce bien avant en terre ; _ mais les autres rampent pres de la fuperficie du terrain. M. Adanfon en a. o t a n i q u e. vu une ^u'an courant d'eau avoit decouverte dans l'efpace de plus de Annie 2761. 1 10 pieds, &il etoitaife de juger par la groffeur quelle avoit, que ce qui reftoit cache (bus terre, avoit encore au moins 40 ou 50 pieds de long, & cependant l'arbre qui fit le fujet de cette obfervation , n'etoit relative- ment aux autres que de mediocre groffeur. Les fleurs font proportionnees a la groffeur de l'arbre ; elles ne le ce- dent point en grandeur aux plus grandes que nous connoiffions •, elles for- ment, lorfqu'elles font encore en bouton, un globe d'environ 3 polices de diametre-, & lorfqu'elles font epanouies, elles ont quatre polices de lon- gueur fur 6 de largeur; il en fort ordinairement trois de chaque branche, & laquelle elles font attachees par un pedicule long d'un pied, & epais de 5 lignes-, le calice eft d'une feule piece, & entierement couvert de poils blanchatres & luifans en dedans , & de poils verds en dehors ; ce calice tombe des que le fruit eft none. Les petales ou feuilles de la fleur font au nombre de cinq •, i!s font egaux entr'eux & a la longueur du calice, ronds, recourbes en dehors en demi-cercle, blancs, epais, parfemes de quelque poils, releves par environ vingt-cinq nervures paralleles a leur longueur, & termines en bas par un onglet qui les attache autour du centre du calice. Du milieu du calice part le piftile, dont la longueur excede un pen celle des petales; 1'ovaire en forme la partie la plus bade-, il eft de la figure d'un ceuf qui n'auroit que quelques lignes de diametre, & des poils epais, conches de bas en haut, le revetiffent entierement : c'eft cet ovaire qui doit devenir par la fuite le fruit de l'arbre ; la partie fuperieure eft fur- montee d'un ftyle affez long, qui porte & fon extremite plufieurs ftigmates. Tout ce piftile eft renferme , jufqu'a quelques lignes de fon extremite fuperieure , dans une efpece de cone tronque , creux , chamu , blanchatre & trcs epais , attache en partie aux petales & en partie au calice par fon extremite inferieure. La fuperieure eft ouverte & donne paffage a l'extre- mite du ftile qui porte les ftigmates -, ce cone eft couronne d'environ fept cents etamines qui fe rabatent fur lui comme une houpe , & chacun de ces filets porte a fon extremite un fommet en forme de rein , qui en s'ouvrant laiffe echapper la pouffiere fecondante qu'il contenoit , & qui eft recue par les ftigmates du piftile. Apres la chute des petales & des etamines, 1'ovaire en muriffant devient un fruit oblong, poinru dans fes deux extremites, ayanr 15218 ponces de long fur 5 a 6 de large, reconvert d'une efpece de duvet verdatre , fous lequel on trouve une ecorce ligneufe, dure, prefque noire, & mar- quee de douze ou quatorze iillons qui la partagent comme en cotes fui- vant fa longueur ; ce fruit tient a l'arbre par un pedicule d'environ deux pieds de long. Ce fruit renferme line efpece de pulpe 011 fubftance blanchatre , fpon- gieufe & remplie d'une eau aigrelette-, cette pulpe ne paroit faire qu'une leule maffe, quand le fruit eft fraisv mais en fe deffechant elle fe retire & DE 1/ AC AD EMIT- ROYALE DES SCIENCES. 117 fe partage d'elle-meme en un grand nombre de poliedres 011 corps a pin- — ■— ■ 1 fours faccttes qui renfermcnt chacun line femence brune, luifante, de la D a \ I j> c j u ■ j r j 1 o j jBotaniquh. rigure a-peu pres dune feve de haricot, dc 5 lignes de longueur & de 5 de largeur, & la pulpe qui les enveloppe, fe reduit facilement en unc pou- Annie 1761. dre qu'on apporte ici du levant, & que Ton connoit depuis long-temps ibus le nora trts-iinpropre de terre Jigille'e de Lemnos /parce qu'eftective- ment les Mandingues la portent aux Arabes , qui la diftribuent enfuite en Egypte & dans toute la partie orientale de la Mediterranee : Profper Alpin lavoit que cette poudre etoit vegetale •, mais on ne fe feroit certainement fas aviie de chercher au Senegal 1'origine d'une drogue que Ton tiroit de Archipel. A la defcription que nous venons de faire des fleurs du baobab , i! n'eft pas difficile de reconnoitre qti'il appartient a la famille des malvacies , e'eft-a-dire , de ces plantes qui out un rapport trcs prochain avec celle qu'on nomme mauve ; comme elles il a des petales qui femblent unis par dedans, quoiqu'ils foient fepares par la partie exterieure qui touche au calice; comme elles il a une efpece de fourreau qui enveloppe le piftile, & qui porte les ctamines; comme elles il porte un fruit dans lequel les femences font ran- gees autour de l'axe; comme elles il a des femences recourbees en forme de rein ou de feve de haricot •, comme elles il porte des fleurs qu'on pour- roit appeller belles de jour, parce qu'elles ne s'ouvrent que le matin , & fe ferment a l'approche de la nuif, comme elles il a un bois blanc & fort tendre; comme elles il perd fes feuilles en automne, meme au Senegal oil prefque tous les arbres confervent les leurs •, comme elles enfin il fait une exception a la regie generale de tous les arbres & arbuftes dont les feuilles fortent d'abord de la plante en bouton, e'eft-a-dire, enveloppees de pe- tites ecailles & deflipules ; celles du baobab , de meme que celles de tous les autres arbufles de cette clalfe , fortent fans etre enveloppees, leurs fti- pules n'etant pas affez grandes pour les recouvrir. Le baobab fe trouve done range tout naturellement dans cette famille de plantes , & M. Adanfon croit qu'on doit le placer dans la feftion des malvacees qui n'ont qu'un calice. Revenons nuintenant a l'hiftoire ds cet arbre. Nous avons dit au commencement de cet article, que le baobab fe plai- foit dans les terres fablonneufes & tres-liumides; on ne peut le tranfplan- ter, ni lorfqu'il commence a lever, ni lorfqu'il a atteint 1'age de dix ans; fa racine periroit prefqu'infailliblement : le meilleur plant eft celui qui a de- puis fix mois jufqu'a deux ans ; fes branches prennent quelquefois de bou- ture, mais plus fouvent encore elles manquent, & le progies meme de celles qui reprennent, eft toujours plus lent que celui du plant venu de graine. Outre la carie qui attaque , comme nous avons dit , le tronc de cet ar- bre, lorfque fes racines font entamees, il eft fujet encore a une autre ma- ladie, plus rare a la verite, mais qui n'eft pas moins mortelle pour lui : e'eft une efpece de moifiiTure qui fe ripand dans tout le corps ligneux, & qui, fans changer la texture de fes fibres, l'amollit au point de n'avoir Ff ij ziS ABREGE DES MEMOIRES ■mmumimbw pas phis de confiftance que la mobile ordinaire des arbres; alors il devient „ t incapable de refifter aux coups de vent , & ce tronc monfhueux eft cade o t n i q • par le moindre orage. M. Adanfon en a vu un dans cet etat; il etoit ha- Annt'e 1761. bite par un grand nombre de vers de fcarabees & de capricornes : ces ani- maux ne paroiffen.t pas avoir contribue a la maladie de 1'arbre, niais leurs crufs pptivoient tres-bien avoir ete introduits dans ce bois ramolli , de la meme maniere qu'une infinite d'infedes introduifent les leurs dans le faille, lorfqu'il eprouve un etat de moleffe a-peu-pres femblable, quoiqu'ils ne I'atraquent pas Iorfqu'il eft fain. La veritable patrie du baobab eft l'Afrique, & fur-tout la cote occt- denrale de cette partie du monde qui s'etend depuis le Niger jufqu'aa xoyaume de Benin , on ne le trouve ni dans les catalogues des plantes dAfie, ni dans ceux des plantes d'Amerique : ce n'elt pas cependant qu'il ne puiffe y en avoir acftuellement quelques-uns dans les climats de ces deux parties du monde, qui reffemblent a la partie dAfrique qui le produit \ mais i!s n'y font pas venus d'eux-memes •, les negres efclaves, qu'on tranf- porte tons les ans dAfrique dans nos colonies , ne manquent guere d'em- porter avec eux un petit fachet de graines qu'ils prefument leur devoir ctre utiles ; dans le nombre dcfquelles eft toujours celle du baobab . c'cft probablement a ce tranfport que font ou feront dus ceux qu'on y trou- vera, tels que ceiui que M. de Chanvallon , correfpondant de l'academie, n dit avoir vu a la Martinique, & qui en eftet etoit aflez jeune : ils s'y naturaliferont peut-etre ; mais ce ne iera pas leur premiere origine , & on n'y en verra de long-temps qui egalent en grofleur ceux de la cote dAfrique. Nous difons qu'on n'y en verra de long-temps d'auffi gros qu'en Afri- que; car ces arbres, quoique d'un bois fort tendre, font tres-long-temps a parvenir a cette enorme groffeur. M. Adanfon a raflemble foigneufe- raent tous les faits qu'il a cru lui pouvoir procurer quelques connoiiran- ces fur cet article •, il a vu deux de ces arbres dans l'une des ifles de la Magdelaine, fur l'ecorce defquels etoient graves des noms Europeens, & des dates, dont les lines etoient pofterieures a 1600, d'autres remontoient a 1 5 5 5 , & avoient ete probablement Pouvrage de ceux qui accompagnoient Thevet dans fon voyage aux Terres auftrales; car il dit lui-meme avoir vu des baobab dans cet endroit-, d'autres enfin paroiffent anterieures a 1500: mais celles-ci pourroient etre equivoques; les caraderes de ces noms avoient environ fix pouces de haut, & les noms occupoient deux pieds en longueur, e'eft a-dire, moins de la huitieme partie de la circonference de 1'arbre. En fuppofant meme que ces cara&eres euffent ete graves dans la premiere jeuneife de 1'arbre , il en refulteroit que fi en deux cents ans il a pu croltre de 6 pieds en diametre, il faudroit plus de huit liecles pour qu'il put arriver a 15 pieds de diametre, en fuppofant qu'il crut toujours egalement ; mais il s'en faut bien que cette fuppofition puiffe etre regardee comme vraie •, car M. Adanfon a obferve que les accfoiffemens de cet arbre, tres-rapides dans les premieres annees qui fuivent fa naif- fance, diminuent enfuite coniiderablementi & quoique la proportion, dans I DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, ti-j laquclle fe fait cette diminution , ne foit "pas bien coniuic , il croit cepen- ^— — d.int pouvoir foupconner que les demiers accroifTemens du baobab fe font p avcc line extreme Lenteur, Sk que ceux de ces.arbres qui lout p.irvenus a la groffeur dont nous avons parle, peuvent ctre fortis de terre dans dcs Annie ij6i. temps peu eloignes du deluge univerfel-, mais ce qui eft bien a remarquer, e'eft cue ceux qu'on eleve ici dans des lenes tenues foignculemcnt a la temperature de leur climat , n'y prerinent tout au plus que la cinquieme artie de l'accroiffement qu'ils recoivent au Senegal dans tin temps lem- able; obfervation qui prouveroit bien, s'll etoit poffible d'en douter, que la chaleur artifieielle ne pent tenir que tres-impartaitement lieu aux plantes ^trangeres , de cclle qu'elles eprouvent dans leur climat naturel. Le baobab, comme toutes les autres plantes de la famille des malva- cees , a une vertu emolliente , capable d'entretenir dans le corps une trans- piration abondante & de s'oppofer a la trop grande ardcur du fang. Les negres font fecher fes feuilles a l'ombre, & les reduiient en une poudre qu'ils nomment lalo , qu'ils mclent avec leurs alimens, non pour leur don- ner du gout , car le lalo n'en a prefqu'aucun , mais pour en obtenir l'effet dont nous venous de parler. M. Adanfon lui-meme en a eprouve la vertu; & la tifane faite avec ces memes feuilles l'a prcferve lui & tin feul des officiers Francois qui voulut s'aftreindre a ce regime , des ardeurs d'urinc &• des fievres ardentes qui attaquent ordinairement les etrangers au Sene- gal pendant le mois de feptembre, & qui regnerent encore plus ferieufe- ment en 1751 qu'elles ne l'avoient fait depuis plulleurs annees. Le fruit recent de cet arbre n'c-ft pas nioins utile que fes feuilles ; on en mange la chair qui eft aigrelctte & affezagreable ; on fait, en melant le jus de cette cluir avec de l'eau & un peu de fucre, une boiilon tre$-propre dans toutes les affections chaudes & dans les fievres putrides ou peftilencielles ; enfin , lorfque ce fruit eft gate , les negres en font un excellent favon , en le brulant & melant fes cendres avec de l'huile de palmier qui commence a rancir. Les negres font encore un ufage bien lingulier de ce monftrueux arbre: nous avons dtt qu'il etoit fujet a la carie , qui creufe fouvent fon tronc ; ils agrandiffent ces cavites , & en font des efpeces de chambres oii ils pendent les cadavres de ceux auxquels ils ne veulent p.as accorder leshon- neurs de la fepulture-, ces cadavres s'y deffechent parfaitement, &. y de- viennent de veritables momies, fans aiicune autre preparation. Le plus grand nombre de ces cadavres ainii deffecheseftde ceux des Guiriots: ces gens, peuvent etre compares aux anciens Jongleurs, ft fameux chez nos aieux; ils font poetes-muliciens, ont une efpece d'infpe<5Hon fur les fetes & fur les danfes, & font toujours en afiez bon nombre a la cour des rois negres, qu'ils divertiffent & qu'ils flattent a outrance dans leurs poenes. Cette efpece de fuperiorite de talens les rend redoutables aux negres pen- dant leur vie; ils l'attribuent a quelque chole de furnaturel : mais au-lieu de faire, comme les anciens Grecs, leurs poetes enfans des dieux, ils les regardent au contraire comme des forciers & des miniftres du diable , & croient qu'en cette qualite ils attireroient la malediction fur la terre , ou i5o ABREGE DES MEMOIRES — u— — — meme fur les eaux qui auroient recu leurs corps-, c'eft pourquoi il Ies cachent & Ies deffechent, comme nous venons de Ie dire, dans les troncs PoTA!..QUE,CKUldeWA Anntt J 76 1. Quelques recherches qu'ait pu faire M. Adanfon, il n'a trouve aucun auteur qui ait parle du baobab avant Thevet, qui vivoit vers 1555, & qui, dans fon livre furies lingularites de la France antarctique, en donne une defcription affez exacte, li on en excepte les feuilles, que Thevet fait femblables a celles du figuier , quoiqu'elles reffemblent beaucoup plus a celles du maronnier. L'Eclufe, plus connu fous le nom de Clufius , en donne audi line def- cription affez exadte : il depeint les feuilles telles qu'elles font reellement j mais au-lieu de faire tenir les femences a leur placenta commun par 11 n feul pedicule, ainfi qu'elles y tiennent effedivement, il les y attache par pludeurs filets. Profper Alpin & Jules-Cefar Scaliger n'ont vu que le fruit du baobab ; encore ne l'ont ils vu que fee & en mauvais etat : audi n'y a-t-il pas grand fond a faire fur les defcriptions qu'ils en ont donnees. Le celebre Gafpard Bauhin n'en avoit pas vu davantage, fi ce n'eft que le fruit de baobab qu'il avoit recu, etoit en moins mauvais etat. Celui de tous qui paroit avoir decrit le plus exactement le fruit du baobab , eft M. Lippi, qui vivoit dans le fiecle dernier, & qui perit dansun voyage en Abyffinie, qu'il avoit entrepris par l'ordre du feu roi Louis XIV. M. Adanfon n'hefite point a dire que ii cet auteur avoit ete a portee de voir , comme lui , l'arbre meme charge de fes fleurs & de fes fruits , le memoire dont nous rendons compte auroit ete abfolument inutile •, aveu qui marque egalement fa modeftie & le cas qu'il fait de l'ouvrage de M. Lippi, dont M. de Juffieu lui a communique le manufcrit. II eft aife de juger par tout ce que nous venons de dire, qu'on n'avoit jufqu'ici connu que le fruit, & tout au plus les feuilles du baobab; mais queperfonne n'avoit encore decrit ni l'arbre meme ni fes fleurs, qui font, comme on fait, la partie effentielle aux botaniftes, pour decider quelle place doit occuper dans le regne vegetal un arbre dont la monftrueufe groffeur orTre un fait des plus finguliers de l'hiftoire naturelle & de la Bo- ianique. Homere (a) raconte qu'Ulyffe s'etoit fait a Ithaque un bois de lit complet d'un tronc d'olivier tenant a fes racines, autour duquel il fit en- fuite batir une chambre. Si ce prince avoit eu, dans l'enceinte de fon palais, un arbre de baobab, il auroit pu pouffer la fingularite plus loin, & fe procurer la chambre & tous les meubles tallies dans la meme piece de bois. (a) Horn, Odyjf.Lh'. 23, DE L'ACADEMIE ROYALE DES .SCIENCES.' L Sur le caraclere gMrique de la Plante appelUe Marfilca. B O T A M Q u E. Annee :rSz. I a variete qui regne dans les ouvrages de la nature, meine dans c"eux Hift. qui paroiffent etre lcs plus faits fur le meme plan, embarraffe fouvent les botaniftes, lorlqu'ils effaient de determiner le genre auquel certaioes plan-, tes doivent etre rapportees. De ce nombre eft la plante appellee Marjtlea , fur le caraclere generi- que de laquelle les botaniftes ont conliderablement varie. II ne faut pas meme trop s'en etonner. Les caracleres diftin&ifs du genre d'une plante fe tirent de fa flcur ou de fes examines, & la marlilea ne femble offrir aux yeux aucune de ces parties. Les botaniftes favent que plulleurs plantes qui paroiffent. etre dans le meme cas ont cependant lcurs fleurs & toutes les parties neceffaires a la fecundation de leurs graines, mais qu'elles les ont cachees dans une efpece de boite ou d'enveloppe. La figue eft, comme on fait, moins un fruit qu'une enveloppe qui contient les fleurs & enfuite les graines du figuier, & parmi les plantes aquatiques , le Lemma (a) & la pillulaire(^) , decrites par M. dejuffieu, peuvent en fournir des exem- ples; mais quoique la MarJiUa foit, comme ces dernieres, une plante aquatique, & qu'elle ait, comme elles, des efpeces de coques capables de contenir les organes de la fecondation , elle en differe aflez d'ailleurs pour que les fentimens aient ete partages fur le genre de cette plante, 1'ouver- ture des coques dont nous venons de parler, femble meme donner lieu a cette incertitude 5 on ne trouve pas dans tous les inemes corps, & cette difference a donne lieu de croire que ces coques ne renfermoient pas, comme celles du Lemma, les organes de la generation, qui doivent etre par-tout conftamment les memes, on les a done cherches dans d'autres parties de la plante & fur-tout dans des feuilles. Celles de cette plante ne font prefque qu'un compofe de velicules \ quatre, cinq ou fix pans-, il part de ceux de ces pans, qui forme la fur- face inferieure de la feuille, un filet rouffeatre, & par la pohtion de la plante, qui nage toujours fur la furface de l'eau , ce filet y eft neceffaire- ment plonge •, d'autres poils plus courts naiffent de la furface fuperieure. Ce font ces derniers que Micheli, & apres lui M. Linna-us, ont regarde comme les veritables etamines de la plante, deftinees a feconder les grai- nes contenues dans les coques; felon eux, la Marfilea eft une plante dont les fleurs n'ont pas de petales ou feuilles, mais feulement une etamine tournee en fpirale, & ces fleurs font communement portees quatre a qua- tre fur le fommet de petites verrues, dont le deUus de ces feuilles eft comme chagrine. M. Linnxus adopte a-peu-prcs le meme fvfteme, auquel il fait cepen- dant divers changemens ; il regarde, par exemple, les mamelons des feuil- O) Voyra lesMemoires 17^0. CulkCt. Acad, Part. Tf. TumeX. (£) Idem, 175V. lid. iji abreg£ des memoires •— — iggggg les comme les veritables etamines, dont Ies poils que Micheli prcnd pour des etamines, ne font que les antheres oil fommites; il vent que Ie peri- t i Q u .. caJ-pe ou enveloppe des embryons dans la coque, foit a quatre loges, au- Annie ij6z. ^'eu Sue Micheli ne lui en donne qu'une. Les obfervations de M. Guettard levent ccs difficultes , ni l'un ni l'autre n'ont reconnu le veritable organe de la generation de cette plante ; il penfe que M. Linnarus pourroit bien n'avoir vu que des coques feches, ou du moins apres que les etamines ont ceffe d'y exifter : il aura pris les intervalles entre les cloifons & les loges qu'ils forment, pour la place qu'a- voient occupee les graines, ou bien il aura pu prendre les etamines meme pour des femences, & voici, felon M. Guettard, la maniere dont on peut prefumer que fe fait la fecondation dans la Marjilea. Les veritables organes de la generation de cette plante, font, comme ceux du lemma & de la pillulaire, contenus dans les coques qui naiffent de l'origine de chaque conjugaifon de feuilles, mais avec cette- difference que dans le lemma & la pillulaire , chaque coque contient des etamines & des piftils, an lieu que dans la Marjilea , de huit a neuf coques qui naif- fent a chaque affemblage de feuilles , une feule renferme les piftils & les embryons, randis que toutes les autres ne contiennent que des etamines; il refulte de cet arrangement, que la fecondation ne peut s'operer fans que les coques s'ouvrent, & il nait de cette circonftance une objection que M. Guettard ne fe diffimule pas. Les coques font abfolument plongees dans l'eau : comment done fuppofer que la poufliere des etamines puiffe fortir des coques pour paffer dans celle qui contient les embryons fans £tre abforbee par l'eau? & quand meme on fuppoferoit que les etamines donnaflent, au-lieu de poufliere, une liqueur, ne fe meleroit-elle pas in- failliblement avec l'eau dans laquelle les coques fonr plongees, avant que d'avoir pu parvenir a la coque qui contient les embryons ? Quelque forte que puiffe paroitre cette objection, M. Guettard ne la croit cependant pas fans replique : l'eau n'eft point, felon lui, un obftacle a la fecondation des graines de la marjilea. M'. de Juflieu a obferve que la poufliere des etamines du lemma s'ouvroit dans l'eau & y formoit un petit nuage facile a diftinguer : cette liqueur feminale eft done une liqueur vifqueufe & qui fe mele difficilement avec l'eau; l'analogie qui fe trouve entre le lemma & la marfilea , porte a croire que les pouflieres de cette derniere font de meme nature; elle peut done fe conferver dans l'eau affez long-temps pour qu'elle penetre les coques qui contiennent les em- bryons; & quand meme on fuppoferoit qu'une partie de cette liqueur flit diffoute par l'eau, il y a tant de coques a etamines autour d'une feule coque a piftil , qu'il feroit bien difficile qu'il ne fe trouvat affez de liqueur feminale pour feconder fes embryons : la nature femble avoir en ces ha- fards en vue , lorfqu'elle a entoure chaque coque a piftils d'un fi grand nombre de coques a etamines. II pourroit d'ailleurs arriver que la fecondation des graines de la mar- jilea ne fe fit que lorfque l'eau , en fe retirant ou en s'evaporant , l'a laif- fee a fee; alors toutes les difficultes feroient levees-, & cette fecondation is DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i}$ fe feroit comme cellc dcs plantes terreftres. Cette idee mcrae ell d'autant gJBg — ■— ■ ■ plus vraifemblable , que M. Gtiettard a conferve long temps dans 1'eau des R f>ieds de marfilea , laps que les coques fe foient ouvertes, tandis que eel- T N ' °- l es de quelques autres pieds, qui avoient ete abandonnes par l'eau dans Annie ll€z, Laquelle ils etoient, fe font toutes ouvertes. II ne refte done prefqu'aucun doute que les coques de la marfilea ne contiennent les parties de la generation , & en ce point elle a line reiTem- blance bien marquee avec le lemma 8c la pillulaire ; mais elle en differe en plufieurs points : fes femences ont un pericarpe oil enveloppe particu- liere, & celles du lemma n'en ont point-, fes etamines ont un pedicule commun, & celles du lemma font attachees aux cloifons qui divifent in- terieurement les coques-, les fommets font alonges dans le lemma , 8c arrondis dans la marfilea , les piftils du lemma font entoures d'une mem- brane, ceux de la marfilea n'en ont point-, les coques du lemma font fimples , & celles de la marfilea font doubles; mais la plus marquee de toutes les differences qui fe trouvent entre les deux plantes, eft que dans le lemma les fleurs males & les fleurs femelles font renfermees dans line nieme coque, au-lieu que dans le marfilea elles font renfermees dans des coques dirlerentes. La marfilea ne peut done etre comprife fous le meme genre que le lemma, elle en differe par trop de points effentiels, & elle conftitue urt genre particulier tres-voifin de celui de ces plantes, mais qui cependant n'eft pas le meme-, elle eft parmi les plantes aquatiques dont les fleurs font enfermees dans des coques , ce que le chanvre , le mais & quelques au- tres plantes font parmi les autres plantes terreftres. M. Guettard ne con- noit encore que la marfilea qui foit de ce genre; mais peut-etre fe trou- rera-t-il d'autres efpeces qui lui appartiendront. Cette plante eft connue des botaniftes fous differens noms : Jean Bauhiu la nomme lens palufiris Patavina oil la lentille d'eau de Padoue -, Gafpard Bauhin & Magnol lui donnent le nom de lenticula palufiris retifolia punctata ou l'entille d'eau , dont les feuilles font a refeau & marquees de points : Cxfalpin lui donne le nom de Stratiotes (a) ou foldat, on ne fait trop pourquoi , a moins qu'il ne l'ait confondue avec quelqu'autre plante connue des anciens fous ce nom. Micheli la nomme falvinia du nom d'un Patricien Florentin , auquel il vouloit apparemment faire fa cour; mais M. Linnsus a penle qu'ayanf. line plante a nommer, il etoit plus a propos d'en faire un monument a la gloire d'un des plus illuftres botaniftes du fiecle palle, qua celle dc tout autre, & il l'a nominee marfilea, du nom du celebre comte Marligli, autrefois menjbre de cette academie , & Pun des hommes , peut-etre , auxquels les fciences en general , & en particulier la botanique foient les plus redevables. M. Guettard etoit trop attache a l'academie & aux fciences qui font 1'oSjet de fes travaux, pour ne pas adop- ter ce nom & la facon de penfer de M. Linnxus, & il a en eli^: confer^ a cette plante finguliere le nom de marfilea que ce cdlebre botanifte lui avoit donne. (,t) Xipvmnrs, miles. 'lonie XUl. tartie Francoife. Cg «34 ABREGi D E S M E M O I R E S B O T AN I QU £. Annie ij6z. OBSERVATIONS BOTANIQVES. Hift. J.VXr. Montet, de la fbciete royale des fciences de MontpelKer, remarqua , dans un voyage qu'il fit fur les montagnes de l'Efperou & de l'Algoual , que tous les champignons de l'efpece de ceux qu'on nomme fungus maximus pedis equini Jpecie , qui croiffent fur les hetres dont ces montagnes font remplies , naiffoient principalement fur les troncs de ces arbres qu'on a coupes, & que les bucherons laiffent de quatre ou cinq pieds de hauteur •, il obferva audi qu'ils ne croiffoient que fur ceux de ces troncs qui commencoient a pourrir, & que sll fe trauvoit quelques- uns de ces champignons fur des arbres entiers & vivans , ce n'etoit Jamais que fur quelque partie de l'arbre deja morte; les habitans de l'Efperou l'ont allure , qu'avant d'appercevoir ces champignons fur les troncs d'arbres inorts , on en voyoit decouler beaucoup d'eau ; la partie interne de ces fungus fert a faire de l'amadou , on l'emploie auffi a preparer cette ma- tiere qui arrete le fang felon la decouverte de M. Broffard; mais il n'eft pas vrai qu'il n'y ait que ceux de ces champignons qui croiffent fur le chene qu'on puiffe employer a ce dernier ufage. M. Montet a employe avec fucccs des fungus crus fur le hetre, peut-etre ceux qui croiffent fur les autres bois y font-ils egalement propres. Nouvelle facilite de preparer cet utile remede-, on peut encore, li les uns & les autres manquoient, em- ployer la poudre contenue dans le lyeorperdon ou veffe de loup qui, fui- vant les obfervations de M. laFoffe, verifiees en prefence des commifTaires de l'academie, produit a-peu-pres le meme em:t. M. Montet obferve que, puifque ces fungus ne croiffent que fur la partie morte de l'aibre, on peu» en infercr avec affez de vraifemblance que s'ils ne font pas entierement le iiroduit de la putrefaftion, au moins conrourt-elle pour quelque chofe a eur production. On en trouve d'une groffeur extraordinaire , & qui fur- paffent celle du pied du plus gros cheval di Frife, ils font fort adherens au tronc de l'arbre, & on a peine a les en detacher. I I. Le meme M. Montet fe troiivant, pendant les vacances de 1762, dans vn endroit appelle Beaulieu pres du Vigan , au diocefe d'Alais, remarqua que fur un affez grand nombre d'arpens de terre tous plantes de muriers depuis 10 jufqu'a 25 ans, il y en avoit plulieiirs des plus grands a demi morts, d'autrcs fort pales & fort eloignes de leur couleur ordinaire, & que ces arbres malades fe trouvoient fur la meme ligne; il s'informa de ceux du canton d'ou venoit cet accident, & il apprit qu'il n'etoit que trop ordinaire , non-feulement a Beaulieu , mais encore dans les paroiiles voi- DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 155 fines, comme le Vigan , Aulas, Saint-Andre, oii on eleve quantity dc — —— ^—» vers-a-foie ; & que les lubitans fe plaignoient que, lorfque dans une piece ROTANIOur de terre plantee de muriers de I'age de ccux dont nous venous de parler, il y en avoit quelqu'un qui mouroit, tons les autres perilibient fucceflive- Annie zy6z. merit : cette nialadie epidemique des muriers commence ordinaircment par la cime, & voici ce qu'on a obferve. Au temps de la (eve on commence a voir decouler du collet d'une grofle branche beaucoup d'eau qui noircit toute l'ecorce oii elle touche, des qu'on voit couler cette eau en abondance , on juge l'arbre perdu, & quelque foin qu'on ait de couper la branche d'oii l'eau decoule , l'arbre perit par ■parties dans un certain efpace de temps : on remarque meme que li Ton coupe routes les groffes branches , l'arbre pouffe l'annee (uivante de forts rejetons, mais qui periiTent an bout de l'annee, & il arrive tres-fouvent que cette maladie fe communique fucceffivement dans l'efpace de quelques annees aux autres muriers de la meme plantation. Une circonftance que les habitans de ce canton ont fait obferver I M. Montet, pourroit peut-etre donner quelques lumieres fur la caule de cette epidemie, lorfqu'on arrache des muriers de quinze a vingt annees & •abfolument morts , pour les remplacer par de jeunes arbres de la meme elpece, h on neglige d'enlever jufqu'aux plus petits fragmens des racines du murier mort, eclui qu'on met en fa place ne poufle que lentement, reuffit tnal & fe rabougrit ; auffi ces arbres ne vienuent-ils jamais mieux que dans les terrains oii il n'y en a jamais eu : la pourriture des racines mortes porte done line efpece de contagion aux racines vivantes , du moins dans toute cette partie des Cevennes ; mais comme cet effet pourroit auffi de- pen dre du terrain de ces cantons, M. Montet n'a pas oublie de l'exami- ner, & il a trouve que ce terrain n'etoit prefque par-tout compofe que d'une legere couche de terre fablonneufe au-deffous de Iaquelle on trou- voit ce qu'on fppelle en langage du pays, ciflras ; ce ciftras qui eft plus oil moins dur s'emie toujours affez facilement fous les coups d'un pic de fer; il eft compofe de mica & d'un quartz qui eft une efpece de granit mol dont tout ce canton abonde; il s'y en trouve auiH de trcs-dur, auffi beau que celui d'Egypte , & qui eft iiifceptible du plus beau poli , nouvelle fource de cette matiere qu'on a cru (i long- temps propre a TEgypte, & dont le royaume fe trouve peut-etre auffi abondamment pourvu quelle ait jamais ete : cette decouyerte eft un fruit furnumeraire des obfervations de M. Montet. Cg ij ij6 ABREG12 DES MEMOIRES BoTANIQUE. Annie 176a.. Sur les Elemens x>' Agriculture. c iette annee parut un ouvrage de M. da Hamel, intitule Elemens d' 'Agriculture ; deux volumes in-iz, Paris 3 che\ Gu'erin. L'art de l'agriculture eft vraifemblablement le plus ancien des arts ; les produ&ions de la terre , deftinees par V Auteur de la nature , a nourrie les hommes & les animaux, & a leur procurer tous leurs befoins & toutes leurs commodites, doivent etre regardees comme les veritables richerTes-, les metaux, les monnoies, & tout ce que la facilite du commerce a fait inventer en ce genre n'en font que les iignes •, mais ces veritables richefies font le fruit du travail , elles ne nous font accordees qua ce prix •, des que ce travail fe relache ou s'execute mal dans un etat, quelques avanta- ges qu'il puiffe avoir d'ailleurs , il ne peut manquer de s'affoiblir : la cul- ture des terres, celle des arts, & le commerce, qui en eft la fuite necef- faire, font, pour ainfi dire, les nerfs qui lui donneront de la force, en augmenteront infailliblement la puiffance, & qui procureront l'aifance aux citoyens. Toutes ces considerations avoient porte depuis long-temps M. du Hamel a tourner fes vues plutot du cote de la culture des plantes, que de celui de la nomenclature, & a faire fur ce fujet un nombre infini d'experiences & de recherches, dont plulieurs ont ete publiees dans les memoires de l'academie ; il avoit meme publie a part la culture de la garance , & tout ce qui concernoit la methode de cultiver les terres , propofee par M. Tull. Mais malgre l'utilite de tous ces morceaux detaches & d'une infinite dau- ■tres, publics par difterens auteurs, il manquoit aux agriculteurs & a ceux qui avoient envie de le devenir , ou du moins de fe mettre a portee de veiller a l'amelioration de leurs heritages, un livre qui put leur indiquer les principes generaux fur lefquels ils devoient fe regler , & qui, en leur enfeignant les differentes manieres d'operer , ufitees dans les difterens en- droits , les mJt en etat de choifir celles qui pouvoient leur etre utiles , & de s'aftranchir du joug de la tyrannie , du prejuge & de la routine. C'eft fur ce plan qua travaille M. du Hamel, dans l'ouvrage dont nous allons effayer de donner une idee. Les principes generaux de la botanique fur la ftrudure des plantes & fur l'economie vegetale, ne font pas bornes aux feules plantes curieufes, ils s'appliquent egalement aux plantes champetres-, & il feroit auffi ridicule d'entreprendre un traite d'agriculture fans ces connoiflances preliminaires , que de vouloir enfeigner la mddccine fans donner des notions d'anatomie & d'economie animate : c'eft auffi a prefenter au ledeur ces principes fi neceffaires , qu'eft deftine le premier livre de l'ouvrage de M. du Hamel. La premiere divillon des plantes eft en vivaces ou annuelles •, & fous ce dernier titre, font contenues non-feulement celles qui ne vivent qu'un ati ou moins dun an, mais encore celles qui ont une plus longue durce. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 257 comme les navets, les carottes, les fcorfonercs , qui durcnt , a la verite , «^— — — ""■ plus d'une annee , mais periflent auffi-tot qu'elles out donne Icur fruit.™ Les racines des plantes donnent encore une feconde maniere de les divi- fer; les lines ont une made charnue , qui leur fert de racine, & qui prend Annee tjSz. le nom de bulbe oil d'oignon , h elle eft compofee de couches qui s'en- veloppenf les uns les autres, & celui de tubercules, fi cette maffe eft folide & fans aucunes couches; les racines pcuvent encore etre pivotantes ou ce qu'on nomme latdrales ; c'eft-a-dire, s'enfoncer profondement en terre ou s ecarter de la plante , en rampant pros de la furface de la terre. M. du Hamel examine le plus ou le moins de facilite cjue les lines & les autres ont a peneuer la fubftance du terrain, & les eftets qui en relultent, toutes connoiflances neceffaires pour donner a chaque terrain les plantes qui lui font propres, & a chaque plante la culture qui lui conviejif, les tiges des plantes ne font pas un objet moins important que les racines avec lefquelles elles ont d'ailleurs line telle proportion, qu'elles dependent pref- que toujours les lines des autres ; audi font-elles un objet dans le premier livre de l'ouvrage de M. du Hamel : ces tiges & leurs branches font ef- fentiellement deftinees J porter les feuilles & les fleurs , auxquelles doi- vent fucceder' les graines ou femences; les premieres ne font pas feule- ment deftinees a fervir d'ornement a la plante & a mettre a convert les boutons & les fleurs, elles ont une fonction bien plus importante, & on feroit furement perir une plante a laquelle on enleveroit fuoitement toutes fes feuilles ', les experiences de M«- Mariotte, Wodward , Hales, Guet- tard , &c. ont fait voir quels font les organes deftines a la tranfpiration des lantes, & que de phis elles leur fervent aufli de fucoirs, pour pomper humidite des rofees. On concoit done avec quelle attention elles doivent etre menagees, & qu'on peut fe fervir de cette propriete pour affoiblir a dcllein , & par une fouftraction de feuilles prudemment faite, un arbre trop vigoureux ou une branche gourmande •, les fleurs ne font pas des organes moins importans, elles contiennent les embryons des femences & les parties deftinees a les feronder ; dans le plus grand nombre, les parties males & femelles font renfermees dans la meme fleur, mais dans d'autres il y a des fleurs males & des fleurs femelles feparees : tek font les chatons du noycr, deftines a feconder les embryons des noix placecs fur le meme arbre, mais dans des endroits differens •, enfin , il y a des plantes oil les fleurs males & les femelles' font portees par des individus difterens, comme le chanvre. La feve, cette liqueur qui, fert^, pour ainfi dire, de fang aux arbres, meritoit bien u;i examen partictilier : on a long- temps cru qu'elle circuloit comme le fang, miis cette opinion n'a pas etc foutenue julqu'ici de preuves fuffifantes ; il eft bien certain que la feve eft attiree par les plantes avec une force furprenante : on ignore la caufe de cette attraction : mais le fait exifte, & M. du Hamel le detaiUe dans toutes fes cirennftan- ccs. L'examen des differens changemens que la feve, vraifembLbbmcnt atfez conftamment la meme pour toutes les plantes , recoit en paffant par leurs dirferens couloirs, n'eft pa; un noint moins furprenant ni moins in- tereflant que tous ceux dQnt nous avo'ns parle, & M. du Hamel ne lejaiti'e I i38 A B R E G E DES MEMOIRES ■ ■ pas jgnorer a fes lc&eurs : ce fuc, quel qu'il foit, que les plantes pompent „ . par leurs racines, doit etre tire de la terre; il peut etre different dans les o t A n l Q v £• cJift'erens terrains , mais au moins y eft-il plus ou moins abondant , & plus ou sinne'e Z7 On pent employer divers moyens pour operer cette divihoiv, la beche, la houe , la pioche peuvent y fervir utilement tant qu'on n'aura qu'une pe- R the ctendue de terrain a travailler •, mais des que cette ctendue (e multi- ° T A N ' Q u E- plie, elle devient un obftacle a cette efpece de travail qui demanderoit trop Annit i 762. de bras ; on a done imagine des machines auxquelles on a donne le nom de charrues , qui , armees de fers differemment contoirrnes, ouvrent la terre & la retournent en la renverfant par le moyen d'une piece de bois difpofee a cet eftet qu'on nomme , klon fa figure, oreille on verjbir; cette ma- chine trainee par des bceufs, des chevaux, on par d'autres betes de fomme, & conduite par un feul homme qui la guide , expedie le travail avec bien plus de vitefle , & prefqu'aufli bien que le feroit la beche ou le crochet v nous difons preique aufn-bien, car l'experience a fait voir que Ies terres labourers a la beche l'etoient mieux & plus profondement que celles qui avoient e"tc laboirrees a la charrue; heureulement le travail de ees dernie- res eft fuffifant pour la plupart des plantes qu'elles doivent recevoir. La difference de la nature des terres fait necelTairement varier la maniere de les labourer-, les terres qui ne craignent point 1'eau doivent etre labou- rers a plat, on y creufe feulement, en fuivant la pente du terrain , quelmcs forts lillons qui traverfent les raies, & qui fervent a en retirer les eaux: dans les terres fujettes a etre noyees, on laboure.en planches, e'eft a-dire, qu'aprcs plulieurs raies ou en creufe une beaucoup plus profonde, & qu'on tient le milieu de ces planches plus eleve que lesbords-, on laboure auffi les terres plus ou ir.oins profondement , fuivant qu'elles font fortes ou lege- res, argifleufes ou crayonneufes ; les temps & le nombre des labours va- rient auffi, non-feulement felon la nature des terres, mais encore felon celle du grain que Ton veut femer. Nous avons dit que les facons qu'on donnoit a la terre, avoient pour principal but de la rendre meuble, & d'en ecarter les molecules •, on y con- tribue par le melange des fumiers & des autres engrais ; le premier, qui n'eft autre chofe qu'un melange de paille & d'autres fubftances vegetales jointes aux excremens des animaux , opere une veritable divilion par la fer- mentation qu'il lubit-, les curures de fofies, celles detangs, les debris des vieux murs de terre font encore employes aux engrais-, on tire du fond de la terre, une terre crayonneufe, douce au toucher & tres graffe, qu'on nomme la marne. Cette terre procure aux terres, iuivant la nature dont elle eft, une fertilite plus ou moins durable; quelques terres trop graffes s'ameliorent avec du lable , des debris de coquilles , meme avec des platras pulverifes. Dans quelques provinces on prepare des engrais avec des -.eg. - taux qu'on laille pourrir en tas; en un mot, il peut y avoir autant d'engrais que des circonflances particulieres, pourvu qu'on ne perde pas de vue le principe general quiL doivent contribuer a divifer les molecules de la ter- re, fans la deffecher plus qu'il n'eft neceilure, & qu'on ne les emploie qu'a- vec prudence. II eft trcs-rare qu'une meme terre puilTe porter tous les nns du froment; il s*en trouve quelques marccaux dans ce cas, mais en gtutral elles ont bdoin d'etre enkmencecs d'autres plantes, ce. meme de fe repekr de temps i4o ABREGfi DES MEMOIRES i i en temps. Dans ce pays-ci, on a coutume de partager les terres labotira- „ bles en trois parties, qui font Fucceffiveiticnt femees en froment, en mars, o t a n i Q u E. c'eft^djre, en aVoine , pois, orge, &c. & en jachere on repos : c'eft pen- Anm'i 17&Z. dant cetteannee de repos qu'on a le temps de donner aux terres les facons neceilaires pour les mettre en etat de porter du bled. Dans quelques pro- vinces du royaume, on ne partage les terres qu'en deux Coles ou parties, qui portent alternativement du bled & des menus grains ; ou voit bien que tout cet arrangement doit dependre de la nature du terrain & dq la recolte plus ou moins avancee des plantes qui doivent faire place au bled, puifqu'il faut tdujours trouver le temps de donner a la terre les facons qu'exige ce dernier. Lorfque la terre a ete bien preparee, on peut lui confier les femences; mais il faut, (I on veut avoir line bonne recolte, les bien choifir & pren- dre garde qu'elles foient exemptes du melange d'autres graines •, il y a plu- fieurs efpeces de froment, & on doit etudier avec foin celle qui convient au terrain qu'on met en valeur-, les tins fe fement en automne, & paffent, apres avoir leve, tout l'hiver en terre ; d'autres fe fement au printemps, & c'eft la reffource des pieces qui ont he endommagees par l'hiver-, on change de temps en temps les femences , e'eft-a-dire , qu'on les tire d'un autre canton : cet uiage eft prefque generalement er.ibli , non-feulement pour le bled , mais encore pour toutes les autres graines. On feme com- munement le grain de la derniere recolte-, mais il eft conftant, par des experiences inconteftables, qu'on peut employer, du moins pour le bled, des femences de deux ans, & peut-etre de plus anciennes. On donne au grain quelques preparations avant que de le mettre en terre, on le paffe , par exemple , a 1'eau de chaux, on le depouille foigneu- fement de tout le bled noirci par une maladie dont nous parlerons bien- tot; mais ces preparations utiles ne doivent pas etre confondues avec de pretendues liqueurs prolifiques, qui, a en croire leurs inventeurs, doivent multiplier prodigieufement le produit des grains qui en auront ete imbi- bes, independamment de toute culture, & aftranchir les hommes de l'arret qui les condamne a devoir le pain , qui leur fert de nourriture , a leur peine & a leur travail •, il n'eft pas difficile de voir quel fonds on peut faire fur de pareilles promeffes : comme il s'eft cependant trouve quelques perfon- nes affez credules pour s'y fier, M. du Hamel a fait l'honneur a celles de ces pratiques qui font venues a fa connoiffance, de les eflayer, & il a trou- ve, comme il s'y attendoit bien, qu'elles ne produifoient aucun effet. Les femences etant bien preparees , il les faut jetter en terre dans la qnan- tite convenable , & dans la faifon & la temperature qui leur eft propre •, la faifon de femer les bleds eft en automne, & on ne peut trop recomman- der aux laboureurs de profiter des premiers temps convenables-, le bled qui doit paffer l'hiver en terre, a befoin d'une certaine force pour y refif- ter, & il pourroit bien en manquer, fi les femences trop tardives ne lui avoient pas permis de l'acquerir avant les gelees, ils feroient d'aillenrs plus expofes aux maladies dont nous parlerons inceffamment •, on feme com- munement ici au commencement d'odobrc, & l'experience a difte a chi- que DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 241 que province le temps de cette operation ; il faut que dans le temps oil m^— — ^m Ton feme , la terre ait affez d'humidite pour faire lever Ic grain , mais quelle „ nen ait pas aflez pour le noyer & le pournr •, lcs leniences du printemps fe font ordinairement dans le mois d'avril , c'eft le temps oil Ton feme Tor- 4nnSe l']6%. ge, l'avoine, le bled dc mars & les autres menus grains. On feme communement a la main ; le femeur prend le grain a poignees dans une efpece de tablier entortille antour d'un de fes bras & attache a fon cou, & le repand avec inefure *, cet ouvrage exige beaucoup d'adrerTe & dhabitude , & une tres-grande intelligence j toutes les terres exigent une quantite precife de chaque femence , fi on leur en donne moins, cllcs ne portent pas autant qu'elles pcuvent porter, & li on leur donne trop, on aflame les plantcs. M. du Hamel donne les moyens de determiner cette quantite pour chaque terrain : les femailles etant faites , on les recouvre par le moyen de la herfe, efpece de rateau arme de longues dents de bois, qu'on fait trainer par des betes de fomme; mais, quelque precaution qu'on prenne, il y a toujours beaucoup de grain a decouvert ou peu enterre, qui ne germe pas ou devient la proie des oifeaux •, ces inconveniens ont fait penler qu'un inftrument qui femeroit toujours le grain a la profondeur qu'on dclire, qui n'cn femeroit que la quantite necetfaire & qui le recouvriroit exadlement, feroit une ch'ofe tres-utile ; cet inftrument eft le femoir qui produit de lui-meme, en le promenant dans les raies, tous les bons effets dont nous venons de parler, & dont M. du Hamel donne une defcription bicn detaillee. Le bled une fois leve, demeure expofe aux ravages qu'y caufent les mau- vaifes herbes, les infedes & les oifeaux 5 on diminuera beaucoup celui des premieres, li on a loin de retoumer les guerets de bonne heure, & auili- tot que les jacheres commencenr a verdir , les plantes alors n'ont encore produit ni fleurs ni graines, & on enfevelit avec elles toute leur pofterife-, il eft vrai qu'en meme temps on occalionne la germination d'autres graines, mais un fecond labour fait a propos, detruira encore celles-ci,& il eftde flit que plus on multiplie les labours dans les jacheres, & moins le bled eft infecie de plantes etrangeres : on prend encore la precaution de larcler les bleds an printemps, pour achever de detruire celles quiauroient pu echap- per aux labours ou y poulfer depuis-, ce n'eft pas qu'avec toutes les atten- tions poffibles on doive fe flatter de les voir toutes detruites , il fe trouve des graines qui peuvent fe conferver en terre un efpace de temps furpre- nant : les experiences de M. du Hamel lui ont conftate cette verite •, mais il y en aura toujours beaucoup moins que fi on n'avoit pris aucune pre- caution, & ce peu ne fera pas capable dt caufer beaucoup de domnuge. Les oifeaux font encore des ennemis que les bleds ont a craindre : les cor- neilles favent punir de leur negligence les riverains des forets dont les bleds ne font pas leves & aifez forts avant qu'elles arrivenf, elles arrachent le grain qui eft dans la terre-, lcs pigeons y caufent auffi quelque dommage, qui n'eft, pour ainli dire, que momentane : mais les ennemis les plus re- doutables pour le bled, font les moineaux, ils ont quelquefois mange le tiers ou la moitie de la recolte dans les pieces dctachees; le rcmcde ell de Tome XIII. Purtie Fran$oijc. Hh 14* ABREGE DES MEMOIRE5 — ■ — ^^— — leur tendre des pieges, de leur faire line guerre continuelle, & de les ef* d frayer meme en les tirant dans les endroits on cela eft permis; on en a tud en un ieul ete plus de cinq cents dans un mediocre clos on us auroient dnnie fjGz. tout devore fans cette precaution ; a l'egard des infe&es, il eft prefque tou- jours trcs-difticile de les detruire, & s'il eft polTible d'y parvenir, ce n'eft qu'avec line conftantc affiduite a obferver la nature &, pour ainfi dire, la marche de ceux qu'on pent avoir a combattre. Les vegctaux ne font pas plus exempts que les animaux de maladies ca- pables de deranger ou meme de detruire leur organifation , c'eft a l'examen de celles qui peuvent attaquer le bled qu'eft deftine le troifieme livre des elemens d'agriculture , ces maladies font la nielle, le charbon , l'ergot, le grain coule , le grain retrait, le grain rouille , le grain avorte & enfin le bled fterile , auxquelles M. du Hamel joint le bled verfe, accident qui, malheureufement, n'eft que trop commun & qui vaut bien une maladie. La nielle eft fouvent confondue avec le charbon, mais elle en differe en bien des points, & fur- tout dans les deux fuivans; les epis nielles ne con- tiennent point de grain , au-lieu que ceux qui font charbonnes en contien- nent ■, mais ce grain eft totalement vicie, & la poufliere qu'il rend lorfqu'on bat le bled , a la mauvaife propriete de s'attacher aux grains fains , & de leur communiquer celle de produire des bleds attaques de la meme mala- die, la caufe de ces deux maladies eft encore aflez peu connue : on a trouve cependant des remedes contre la maladie du charbon , les experiences de Mrs- Tillet & Aymen out appris que le lait de chaux joint a une leflive affez forte dans laquelle on trempe le bled de femence, qu'on fera toujours bien de choifir le plus exempt de noir qu'il fera poffible , preferve le grain de cette maladie , dont trcs-peu de pieds font attaques dans les champs fe- mes de cette maniere. ■L'ergot eft une efpece de maladie qui attaque tres-fouvent le feigle & plus rarement le froment , les grains vicies de cette maniere deviennent plus gros & plus longs que les grains fains , & fe trouvent plus on moins courbis; ils font bruns ou noiratres, & leur furfaee eft raboteufe, ils con- tiennent ail milieu un peu de farine blanche enveloppee d'une autre farine rouffe ou brune , cette farine eft acre , & elle a la funefte propriete de faire tomber les membres de ceux qui en mangent dans leur pain , elle oc- cafionne une gangrene feche. On a vu dans l'hopital d'Orleans plufieurs ha- bitans de laSologne, n'ayant plus que le tronc, & attendant, en cet etat, une mort inevitable. Ce malheur eft facile a eviter dans les annees oii la recolte eft bonne, parce qu'il eft tres-aife de ieparer l'ergot du bon grain avec le crible •, mais dans les annees de difette , les habitans diminueroient trop la quantite de leur grain , & ils aiment mieux s'expofer au rifque de la gangrene, que de mourir furement de faim. Ne feroit-ce pas en pa- reille occafion une depenfe utile que de leur donner autant de bons grains qu'ils auroient fepare d'ergot du leur > on conferveroit la vie, par ce moyen , a un grand nombre de malheureux. Si les rois font, par etat, les peres de leurs peuples, pourroient-ils regarder comme une depenfe onereufele moyerl de preferver leurs enfans de la mort? DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 145 La rouille eft une maladie qui attaque tome la plante du bled, lcs feuillcs1 & les tigcs paroilient couvertes d'une pouffiere couleur de rouille de for & u ties-pen adherente, on n'eprouve guere cette maladie que dans let annees l ou le printemps a ete humide, & qu'enfuite de plulieurs jours fees & fans Annie i"6z. rofce le foleil fe niontre aprcs un brouillard kc ; cette maladie eft trcs- facheufe , elle pent reduire a rien les plus beaux fromens , mais on n'en connoit ni la caufe hi le remede : comme elle confifte principalement en une pouffiere qui fe trouve fur la plante du bled ou de l'herbe, car elle atta- que audi les foins, il pourroit fe faire que les animaux qui mangent ce fourrage en fuflent incommodes. M. du Hamel propofe d'en faire l'expe- rience , en nourrilTant quelques beftiaux uniquement de paille & de foin rouille pour fupprimer abfolument cette nourriture , fi elle eft nuilible , oil pouvoir l'employer fans inquietude, li elle ne l'eft pas. On appelle ble d could celui dont les epis, au- lieu d'etre bien remplis de bons grains, en font abfolument demies a la pointe oil n'en contiennent que de mauvais denues de farine , & qui s'echappent par le crible avec la pouffiere; cet accident eft caufe par tout ce qui peut deranger la vegeta- tion & attoiblir les plantes; les bleds qui fe trouvent dans de bonnes terres bien faconnees, y font bien moins fujets que les autres. Le bled retrait ou dchaudd eft celui qui, au-lieu d'avoir fa furface unie & d'etre bien rempli de farine , fe trouve ride exterieurement : cet acci- dent ne fait que diminuer la quantite de la farine; il n'altere point la qua- lite du grain , & on peut l'employer en femence , ou il reunit audi bien que d'autre, il arrive, lorfque les bleds ont ete verfes encore en lait, la paille ou rompue ou (implement plide, ne fournit plus affez de nourriture au grain qui murit fans s'etre fumfamment rempli ; les grandes chaleurs , qui accelerent trop la maturite du bled , peuvent audi produire le meme tftet, le bled doit etre pefant, uni a fa furface, & d'un jaune clair & bril- lant, Il cette furface eft d'un blanc mat, on dit qu'il eft glace, ce defuut vient des grandes chaleurs , qui ont accelere la maturite du grain , lorfque fa farine etoit prefque formee. M. du Hamel ne connoit d'autre defaut au grain glace, Imon que fa farine boit peut-ctre un pen moins d'eau que d'autre lorlqu'on la petrit. Le bled avorti n'eft heureufement pas fort comraun -, la plante , dans cette maladie , devient veritablement rachitique comme les enfans qu'on nomme noue's ; elle eft toute contournee & croit moins que les autres; elle ne produit que des grains monftrueux, cornus, femblables a des pois , &c. on n'en connoit ni la caufe ni le remede. II arrive dans quelques provinces, que les bleds font attaques d'une au- tre efpece de maladie qu'on nomme (le'rilite '; la plante de ces bleds fteriles eft forte & vigoureufe; mais les organes femelles de la fleur font prefque detruits, en forte que la fecondation ne pouvant fe faire, le grain avorte abfolument. M. Aymen attribue cet accident ou a la trop grande quantite de feve qui fe porte a la plante & affame l'epi, ou a des gelees furvenues dans le temps du developpemcnt de l'epi , qui ont attaque les organes fe- melles de la flcur apparemment plus delicats. Hh ij 2+4- ABREGE DES MEMOIRES — — "55* — Les meilleurs bleds font encore fujets a un accident qui fouvent fait ■D evanouir les efperances les mieux fondees du laboureur-, ils foiit ce qu'on ' appelle verfe's ou couches par la pluie & le vent', s'ils n'ont fait que plier, Annie iy6x. le nial n'eft pas grand, ils fe relevent d'eux-memes ; mais fi au contraire la paille eft caffee ou forcee par le pied , alors ils ne fe relevent plus. Les bleds verfes peuvent raurir, fi cet accident leur arrive aux environs de la moilfon & que la pluie ne continue pas -, mais s'ils font couches long-temps avant la recoite ou que la pluie continue, ils font bientot reconverts par j'herbe-, la paille pourrit, le grain germe , & on eft oblige de les couper pour fervir de nourriture aux beftiaux : cet accident arrive plus fouvent aux bleds bien travailles qu'aux autres, parce que leur paille etant plus haute & leur epi plus pefant , ils donnent plus de prife a la tempete •, mais comme il depend de caufes qui ne font point au pouvoir des homines, on ne connoit Julqu'ici aiiciin moyen de le prevenir. Lorfque les bleds ont echappe a tous les accidens dont nous venous de parler & qu'ils font parvenus a leur maturite, il n'eft plus queftion que de les recueillir & de les ferrer : e'eft cette recoite qui fait le lujet du qua- trieme livre de M. du Hamel. La premiere attention qu'on doit avoir, eft de bien faifir le point de maturite du grain; s'il eft trop verd , il devient retrait dans le tas •, s'il eft trop inur , il s'egrene : heureufement toutes les pieces d'une meme ferme ne miirilfent pas toutes a-la-fois, & un bon laboureur commence toujours par les plus prelfees. On coupe communement le bled avec une faucille, au-lieu qu'on fauche l'orge & l'avoine •, on fe fert cependant de la faux pour le bled dans certaines provinces, mais il faut que la lame en foit plus petite & montee fur un manche auquel il y ait une baguette ployee en arc, pour jetter le bled coupe fur celui qui refte debout & l'empecher de s'eparpiller : cette methode peut etre pratiquee avec fucces; on ne doit pas craindre qu'elle faffe plus egrener le bled que la methode ordinaire, & elle eft beaucoup plus expeditive : avantage immenle li on conlidere qu'il ne faut fouvent qu'un orage, furvenu pendant la moiifon, pour tout gater, & que par confequent les momens y font bien precieux. Un autre avantage de cette methode, eft qu'on employeroit par ce moyen a ramal- fer le grain coupe derriere le faucheur, une grande quantite de femmes infirmes, d'enfins, &c. qui demeurent inutiles dans la methode ordinaire, ce qui empecheroit le defceuvrement & la mendicite qui en eft une fuite. La paille des bleds ainli coupes eft plus longue , l'herbe fe reproduit plus vite dans les champs fauches que dans les autres, & le betail qu'on y met paitre y trouve une pature bien plus aifee , n'ayant pas les nafeaux piques continuellcment par le long chaume qu'y lailfe la faucille. Les grains etant une fois coupes, il ne refte plus qu'a les tirer de leur epi, les nettoyer & en ferrer la paille. Dans les provinces meridionales du royaume, on ne ferre jamais le bled dans fon epi, on l'en tire aulli-tot qu'il eft coupe : dans quelques-unes on le fait fouler aux pieds des bef- tiaux, puis on fepare la paille hachee qui en provient, & qu'on tranlporte dans les magafins qui lui font deftines, du graiu qui eft porte dans les DE L'ACADEMIE ROYALE DES 'SCIENCES. i+y greniers. Dans d'aiurcs pays, oii Ton veut conferver la paille, on bat le ^ »^^» grain avec des fleaux , & , aprcs l'avoir vanne , on le porte an grenicr , & }} 0 T A v . ,, ,, . la paille dans la grange aprcs l'avoir bottelee. L'une & l'autre de ces operations fe failant en plein air, il faut etre Annie tj6z. allure d'une firenite de temps trcs-conftante , qu'on ne peut fe promettre dans la partie feptentrionale du royaume. On y ferre done dans les granges les gerbes toutes chargees de grain, pour les battre enfuite a convert & a melure qu'on en a beloiiv, cet ouvrage dure communement tout l'hiver, & ne finit meme louvent quail milieu de I'ete. On a propofe depi-iis pen des machines pour abreger cette operation; & il feroit d'autant plus a fouhaiter que Tillage s'en etablit, que le travail des batteurs en grange eft non-leulement penible, mais li dangereux pour eux, a caule de la pouf- liere qui fort du bled, que la plupart periifent de maladies de poitrine on deviennent aftmatiques. Le bled une fois egrene, eft palfe par des cribles, dont les trous ont difrerentes figures & dirlerentes grolfeurs, pour en Spa- rer les pailles on epis rompus, dont on fourre des bottes de paille-, qu'on appelle grojjets & qu'on donne aux chevaux, & pour en oter les petits grains & les graines etrangeres qui s'y trouvent melees •, & e'eft line chofe finguliere que FadreiFe avec laquelle on a fu trouver le moyen de percer des cribles de maniere qu'ils feparent k volonte telle ou telle elpece de graine. Le bled nettoye de cette maniere, recoit encore une preparation-, on le vanne, e'eft- a-dire , qu'on le fecoue & qu'on le retourne dans un grand panier d'olier, qui a a-peu-pres la figure dune grande coquille plate, afin d'en lep.irer la pouffiere, les barbes & rout ce qui auroit pu echapper aux diffirens cribles par leiquels on l'a palfe. Ces marieres plus legeres viennent neceifairement au-detlus du grain, & on les en lepare en les balayant avec une plume. On lepare enfuite le bled de differente qualite , & cette operation fe fait encore par le moyen des cribles, dont les trous font difpofes pour cet effet ■, e'eft la derniere preparation qu'on donne au grain avant que de le ferrer & de le mettre en -etat d'etre conferve ; & cette confervation fait le fujet du cinquieme livre. Lorlqu'une annee a ete pluvieufe & la faifon de la moiffon feche, alors les grains font ailes a conlerver; mais lorlque l'annee a ete humide & la moiiion- pluvieufe , il faut multiplier les attentions pour eviter de perdre ces grains, & on doit meme s'en defaire Je plutot qu'il eft poilible, parce qu'ils lont extremement fujets a fermenter, a caule de l'humidite lurabon- dante qu'ils contiennent, & encore parce que ces bleds lont extremement lujets a etre endommages par les inlcctes, deftructeurs des grains, qui en font tres-friands. Les greniers a bled font ordinairement de longues galeries bien carre- lees, ouvertes, autant qu'il le pent, par des fenitres oppofees les lines aux autres , & garnies non-leulement de volets, mais encore de treillis de fil de fer allez lerres pour farmer le palfage aux oifeaux : on y arrange le bled fur le planehcr, qui doit etre bien carrele, & on en fait un tis de dix-huit polices de hauteur fur prefque toute la longueur du grenicr, ob- H6 ABREGEDES MEMOIRES — — — ■ fervant feulement de killer tout autcmr un paffage de trois pieds & un efpace vuide de dix a douze pieds vers l'entree, pour donner le moyen Botanique. de changer je grain de place; ce qu'on doit faire tres- frequemment, fur- Annic 176%. tout les premiers mois, fi on veut empecher qu'il ne s'echauffe. On place ordinairement les greniers a bled au haut des batimens pour procurer k ce grain plus de fechereffe, mais auffi la chaleur y eft favorable aux infec- tes deftrufteurs, & les tuiles leur off rent des afyles qui empechent qu'on ne puiffe les detruire •, d'un autre cots l'humidite des rez-de-chauffee leroit funefte au bled , & M. du Hamel penfe , avec . raifon , qu'il fera toujours bien place dans nn lieu frais & lee. Le bled une fois depofe dans les greniers, doit etre remue frequemment, non-feulemcnt pour eviter qu'il ne s'echauffe, mais encore pour incom- moder & detruire les infettes qui s'y logent pour en manger la fubftance; les plus incommodes de tous , du moins en ce pays , font les charanfons. On a donne plufieurs recettes pour les detruire ou les chaffer, mais M. du Hamel n'en a jufqu'ici trouve aucune qui foit IumTante •, il en eft demeure £ eventer le bled frequemment, en le remuant a la pelle & a le paffer par des cribles de fil de fer a tambour : ces animaux, que le mouvement inquiete, ne manquent pas de retirer leurs pattes, & dans cet etat, de- venus plus petits qu'un grain de bled , ils paffent a travers le crible & tom- bent dans un vaiffeau de cuivre avec les epluchures", & comme ils ne peu- vent gravir contre les parois, on les y trouve & on a foin de les detruire. II eft cependant un moyen fur de s'en defaire, e'eft de faire paffer le bled a l'ctuve & de lui faire eprouver pendant plufieurs heures une cha- leur de 90 ou 100 degres du thermometre de M. de Reaumur : on peut operer le nieme effet , au moyen d'un four dans lequel on le paffera partie par partie. La meme operation detruit auffi les fauffes teignes & tous les infeftes qui attaquent le bled. La confervation des grains dans les greniers ordinaires, eft toujours dif- pendieufe : pour y remedier, M. du Hamel propofe de fe fervir des gre- niers de fon invention , qui confident en des coffres de bois , dans lef- quels on enferme le bled & dans lefquels on oeut l'eventer fans le re- muer, bien entendu cependant qu'il ait ete pafle a l'etuve, dont il donne auffi la defcription •, mais comme l'academie a deja rendu compte de ces inventions , d'apres M. du Hamel meme , tant dans fon hiftoire de 1745 (a) que dans celle de 1753 {b) , nous prions le ledteur de vou- loir bien y recourir. Nous dirons la meme chofe de la nouvelle culture fuivant les princi- pes de M. Tull , qui fait l'objet des fix & feptieme livres de M. du Ha- mel •, nous avons dit par avance ce que nous en pourrions dire ici , en rendant compte dans l'hiftoire de 1750 (c) de fon traite de la culture des 1 • i n- 1 • • I » I ' -I 11 n. . I , BOTAK1QVE. tin : quoique deftinee principalement au Detail, elle elt trcs-bonne pour la cuiline •, & quoique fort grotfe , elle eft er> meme temps tres- delicate : 1°. la Annie tj€su groffe rave ou gros navet du Limolin. Toutes ces plantes ont la meme culture , il lcur faut des tcrres legeres & feblonneufes; on les prepare par trois labours, le premier fe fait avant l'hiver, le fecond apres les gelees, & le troilieme an mois de juin , ou on K-s feme : les labours doivent etre profonds, mais il ne faut pas recouvrir la graine de plus d'un ponce. Lorfqu'ils font leves, on doit en arracher les herbes & meme une partie du plant, pour qu'il ne foit pas trop dm, & qu'il y ait au moins un pied d'intervalle entre chaque planche. Ces na- vets arraches fe donnent au betail , qui s'en accommode au mieux : ces navets s'arrachent au mois d'o lorfqu'elle n'a pas penetre trop avant, on emporte l'ulcere avec la pointe d'un couteau, & on laiffe l'oignon fe deffecher un peu avant que de Ie rcpl.inter. Mais la maladie la plus terrible de toutes eft celle qti'on nomme la mort; elle me.ite d'autant mieux ce nom , qu'elle eft contagicufe & fe commu- nique de proche en proche. Nous n'en dirons rien ici , & nous prierons le kcteur de vouloir bien recourir a ce que l'academie en a dit, d'apres M. du Hamel, dans fon hiftoire de 172.!! (a). Nous lui ferons la meme priere a l'egard de la garance , qui fait le der- nier article du onzieme livre de M. du Hamel , & dont il a donne a part toute la culture dans un ouvrage particulier, duquel l'academie a donne le precis dans fon hiftoire de 1757 (^). Le douzieme livre contient des reflexions fur differens points d'agri- culture. On eft communement en ufage dans les pays a bled, de lier les gerbes avec des liens faits de paille de feigle , oil au defaut de cellc-ci, de paille de fromenf, mais il s'eft introduit dans quelques provinces un ufage per- nicieux de les lier avec des harts : cet ufage caufe une depredation monf- trueufe dans les taillis; on coupe pour cet ufage, non les brins inu- tiles au bois , mais les plus beaux jets : cet abus meriteroit bien d'etre prolcrit. La vaine pature eft un obftacle tres-confiderable au progres de l'agri- culture dans les pays oil elle eft etablie : dans ces endroits toutes les ter- res font indiftinftement livrees au betail des que les gerbes ont e'te enle- vees , d'oii il fuit que routes les productions plus tardives , les pres artificiels, &c. ne peuvent avoir lieu dans ces endroits, & le laboureur eft dans une impoflibilite abfolue de fe procurer aucune des relfources qu'une induftrie eclairee eft capable de lui donner. On fent aifement quel peut etre Tabus de cet ufage; cependant comme en certains cantons il eft au- torife & qu'il feroit peut-etre bien difficile de ie detruire totalement, M. du Hamel penfe qu'il fuffiroit peut-etre dans ces endroits de permettre a chaque fvrmier de mettre en defenfe la trentieme partie de fa terre •, cet efpace a l'abri du betail, fuffiroit vraifemblablement pour fournir au cultivateur les fecours d'hiver dont il auroit befoin. Les deux derniers articles de l'ouvrage de M. du Hamel, roulent fur l'avantage que pourroient procurer les baux a longues annees & la police des grains •, mais ces deux points, quoique bien dignes d attention, font cependant trop etrangers a l'objet de l'academie pour trnuver place dans fon hiftoire : tout ce que nous en pouvons dire, e'eft qu'on y reconncit, comme dans tout le refte de l'ouvr3ge de M. du Hamel, l'efprit du phy- ficien, eclaire, guide par le cceur du bon citoyen. (a) Voyei Hift. 1728, Co!le<5ion Acad^mique , Paitie Fra^yoife, Tome VI. (4) Voyez Hift. 1757, Gollcift. Acad. Part. Fians. Tome XII. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i^ B O T A N 1 Q V E. OBSERVATIONS BOTANIQUES. Ann(e e- I. o n connoit deja plufieurs plantes dont lecorce pent fournir, en la uift. preparant, une fubftance filamenteufe & capable d'etre rilee, mais on n'a- voit point mis jufqu'ici en ce rang l'arbrifleau connu fous le nom de genit: on emploie cependant aux environs de Pife fon ecorce a cet ufage. On fait macerer les tiges de cet arbriffeau dans une eau thermale peu eloignee, qui contient des matieres fulfureufes & martiales : on ne s'en eft , a la ve- rite, encore fervi qu'a faire des toiles tres-grofles , mais peut-etre par- viendroit-on a trouver des moyens de fuppleer a l'eau thermale & de mieux preparer cette efpece de filafle : elle msriteroit d'autant mieux qu'on y travaillat , que le genet vient par-tout & dans des terrains ou il ne feroit pas pofTible d'elever du chanvre ni du Iin. Cette obfervation eft tiree d'une lettre ecrite a M. le prelident de Broffes, par M. l'abbe Ce- rati , prelident de 1'univexfitd de Pife. I I. On croit communement que 1'arbriUe.iu dont les feuilles fourniflent le the, eft li particulier a la Chine, qu'il ne peut s'elever en aucun autre lieu, du moins n'en a-t-on jamais trouve ailleurs-, cependant M. Linnx-us a mande a M. du Hamel, qu'il avoit dans fon jardin un pied de cet ar- brilfeau bien vivant ; qu'il etfayoit de le multiplier pour en envoyer a l'academie , & que cette plante ne paroifloit pas plus redouter le froid qu'uii grand nombre d'autres qui viennent dans nos climats , & nomme- ment pas plus que le fyringa. 11 feroit bien a fouhaiter que cette decou- verte tut fuivie, & qu'on put naturaliler cette plante en Europe. I I I. Il n'arrive que trop fouvent , fur-tout dans certaines provinces du royaume , que le feigle eft attaque d'une maladie qui en rend un grand nombre de grains plus long & plus gros qu'a l'ordinaire, crochus & vio- lets : en cet etat , ils reifemblent alfez a l'ergot d'un coq , & c'eft ce qui a fait nommer cette maladie ergot. Ce feigle ergote a la funefte propriete de cauler a ceux qui en mangent une gangrene feche qui bit tomber les membres piece a piece : cette maladie du grain n'eft pas li particuliere au feigle, quelle n'attaque quelquefois le froment, mais on avoit ignore juf- qu'ici que l'orge y put etre iujet. M. Tillet en a fait voir quelques grains ergotes •, nouveau motif pour ticher de trouver un moyen de remedier a un mal dont les luitcs peuvent etre li facheufes & li terribles. Kk ij Bift. 160 A B R E G E D E S M E M O I R E S — ■—— SSSB Citte annee parut tin ouvrage de M. Adanfon , intitule Families des Botanioue Plantes > in- 1 1. , deux volumes, a Paris, chez Vincent. La connoiffance des plantes eft vraifembl.iblement prefque aufli ancienne Annie tj6q. que Ie monde : des que les hommes fe font tin pen multiplies, il a ete de leur interet de connoitre cclles qui pouvoient leur etre utiles, foit conime alimens , foit comme remedes , & il a du arriver que des experiences fa- cheufes les aient avertis qu'il y en avoit de dangcreufes. Cette efpece d'etude des plantes a du etre d'abord affez bornee; niais lorfque la curiofite s'eft mife de la partie , Ie nombre des plantes counties a du atigmenter confiderablement : alors il a ete necetlaire d'y mettre un ordre qui put fervir a les reconnoitre. Nous ignorons celui que les pre- miers hommes avoient imagine : le detain de l'ecriture a oblige de l'aban- donner a la tradition , & il n'a pu echapper a 1'injure du temps. Les ouvrages de Th^ophrafte & de Diofcoride font les plus anciens qui nous reftent , & ne nous donnent pas tine grande idee des connoiffances des anciens dans cette partie de la phylique : Diofcoride , qui s'etoit fait le plus grand nom fur cette matiere , ne parle que d'environ fix cents plantes ; efpece d'infiniment petit , fi on le compare a 11 nombre de celles que les botaniftes connoiflent aujourd'hui : Pline & Galicn qui le fuivi- rent , n'enrichirent pas beaucotip la botanique, & elle n'avoit fait qu'un mediocre progres lorfque l'inondation des Barbares qui envahirent toute l'Europe la fit difparoitre avec les aurres fciences. Ce ne flit qu'au quinzieme fiecle qu'elles commencerent a reparoitre , & alors les premiers qui etudierent la botanique , chercherent plus a la re- trouver dans les livres des anciens , que dans l'obfervation de la nature ; aufli n'y firent-ils p.is de grands progres : a la fin on ola fortir de cette efpece d'efclavage & confulter la nature; e'eft , pour ainfi dire, a ce mo- ment qu'il faut fixer la renaiifaiice , oil peut-etre meme la naiffance de la botanique. L'obiervation multiplia bientot a tel point le nombre des plantes cou- nties , qu'il fallut imaginer des fyftemes & des arrangemens methodiques pour pouvoir s'y reconnoitre. Les plantes ont ete repandues ca & la fur le globe terrelfre avec tine magnifique profusion , mais fins atictin ordre qui puiffe indiquer le plan qti'a fuivi i'Auteur de la nature; & ce plan , qui feroit le feul iyfteme na- turel , a jufqu'ici echappe aux recherches des plus habiles botaniftes. Au defaut de ce fyfteme naturel, il a bien fallu avoir recours aux fyf- temes artificiels , & chercher dans les diflerentes parties des plantes, des caracteres diftin&ifs qui puffent fervir a etablir des claries , des genres & des efpeces. ■ On imagine bien que les botaniftes fe partagerent , & qu'il y eut tin grand nombre d'arrangemens differens propofes, & l'hiftoire de ces diffe- rentes idees doit offrir a l'efprit tin fpettacle affez amufant; audi M. Adanfon a-t-il cru le devoir prefenter a fon lecleur, dans tine hiftoire de la bota- r.iqtie qu'il a mife a la tete de fon ouvrage, dans laquelle il rend compte de leurs differens fyftemes, de leurs avantages & de leurs defavantages. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i6t Comme cctte hiftoire, toute curicufe qu'elle eft par elle-meme, eft une — efpece d'extrait dcs ouvrages cites, nous lui ferions tort de l'abreger enco-T, re , & nous ne pouvons qu'y renvoyer It ledteur. Nous allons ieulement ° T A N ' °- u E- effayer de donner line idee de ce qu'on nonime un Jyfte'me de botar.ique. Annte ijS^. Les plantes font en general compofees de plulieurs parties, coinme les racines, la tige, les branches, Ics feuilles, les fleurs & les fruits-, ce n'eft pas cependant qu'il ne s'en troflve plulieurs privees de cjuelques-unes de ces parties, meme de celles qui paroilfent les plus eifentielles : fouvent cette privation n'eft qu'.ipparentc, comme an lemma, duquel M. de Jflflieu a decouvert les fleurs qui s'y trouvent dans une efpece de boite ou on ne sVtoit pas avile de les chercher; mais cette privation fut-dle encore plus reelle , elle ne fcroit qu'une exception a la regie , & il fera toujours vrai de dire que les parties dont nous venous de parler entrent plus oil moins dans la ltrudure de toutes les plantes. C'eft par la reflemblance de ces parties ou de quelqucs-unes d'entr'elles qu'on peut parvcnir a claffer les plantes & a mettre dans leur arrangement un ordre methodique; niais quelles font ces parlies dont la resemblance doit conftituer cct ordre? font-ce les racines , les tiges, les feuilles, les fleurs ou les fruits? c'eft fur ce point que la plupart des methodiftes out varie : il faut cependant avoucr que Ie plus grand nombre a cherche a tirer Jes caracleres des plantes des parties de la fructification : ces parties font celles qui fe trouvent le plus generalcment dans les plantes, & il eft aife d'y reconnoitre les organes deftines par le Crcateur a perpetuer leurs efpe- ces; & les efforts qui out ete faits pour etablir des fyftemes par ce moyen, out ete affez heureux pour donner lieu de penfer que li on n'avoit pas tout-a-fait faili le fecret de la nature, on en avoit au moins beaucoup ap- proche. Nous ne parlerons point ici de tous les fyftemes qui ont ete propofes; nous excederions les bornes qui nous font prefcrites; & comme tout le monde botanifte eft prefque entierement reuni a adopter le fvfteme' de M. de Tournefort, ou celui de M. Linnxus , nous elfaierons de donner une tres-lcgere efquilfe de l'un & de l'autre, afin qu'on puifie mieux failir en quoi celui que propole M. Adanlon ditfere de l'un & de l'autre. A travers l'immenfe variete des plantes, M. de Tournefort avoit remar- que dans les fleurs une elpece d'uniformite qui l'avoit frappe : fes obfer- vations repetees lui avoient demontre que toutes les fleurs ie rapportoient a quatorze figures differentes , ce qui lui fit etablir quatorze dalles, aux- quelles joignant Its plantes qui n'avoient ou ne paroitfoient avoir ancune fleur & les arbriffeaux ou arbres, il fe trouve en tout vingt-deux clalfes : les differences qui fe trouvent enfuite entre les fruits donnent fix cents foixante-treize genres ; & celle qui le trouve entre les autres parties de la plante , conftituc les efpeces. II eft aile de voir quelle facilire ce fyf- teme offte aux botaniftcs pour reconnoitre les plantes, quatorze figures de fleirs etant feulement imprimees dans la memoire : des qu'on verra la fleur d'une plante, on faura fa cl.ilie •, peu de jours apres le fruit viendra deci- der ion genre, & ics autres parties feront ailement reconnoitre fon efpece. i lailons de lannec : de plulieurs experiences faites pour connoitre le chan- gement de grolleur du tronc des arbres pendant I'hiver & leurs poids dans Annie zjfy. les dirferentes parties de l'annee, il refulte que la groffeur des arbres dimi- nue proportionnellement a l'intenlite du froid : M. du Hamel avertit qu'on ne doit pas attribuer cette diminution a une moindre quantite de feve, mais feulement a ce qu'elle eft plus condense ; un grand nombre d'expe- riences tres-ingenieufes & faites avec loin , mettent ce lentiment hors de tout doute. Rien n'eft plus religieufement obferve par les ouvriers des forets , que d'abattre les arbres en decours, faute de cette precaution le bois s'altere, felon eux , & l'aubier fe pique y cette regie fi conftante avoit bien l'air d'un refte de faftrologiej cependant M. du Hamel a cru devoir au prejuge de confulter 1'expeVience, il a fait abattre un grand nombre d'arbres , tons pa- reils , les uns en decours & les autres en croiffant ; & il n'y a trouve au- cune difference aflez caracterifee pour antorifer & pour motiver un choix, la lune a encore perdu cette portion de fon credit; mais ce qu'il y a de fingulier, e'eft que fi on confulte le peu de variete qui s'eft trouvee dans les experiences , on verra qu'elles donnent precifement le contraire de la regie fi religieufement obfervee, les petites differences obfervees entre les bois abattus en croiffant ou en decours ont toujours 6te a l'avantage de ceux qui avoient ete abattus en croiffant. Les vents de nord & de fud nroduifent des changemens conhderables dans la temperature de l'air , & ii etoit neceffaire d'examiner jufqu'a quel point on doit y avoir egard quand on veut abattre des arbres : I'examen. de M. du Hamel le conduit a approuver la methode des biicherons qui pre- ferent d'abattre les arbres par un vent du nord, a l'egard de la faifon, l'ete & I'hiver font a-peu-pres egaux, li on excepte de ce dernier, le temps des grandes gelees , & l'ufage d'ahattre ordinairement en hiver , n'a vraifem- blablement d'autre fondement que la commodite des ouvriers qui emploient alors un temps que les autres travaux de la campagne leur laiffent libre. Quelques auteurs , au nombre defquels on compte VTitruve , avoient avance qu'on pouvoit augmenter la durete du bois, en mutilant quelques parties des arbres , mais ils n'en apportoient aucune preuve : l'importance de l'objet a engage M. du Hamel a examiner les moyens employes pour produire cet effet. II refulte de fon examen , que plulieurs de ces moyens ne doivent pas etre tentes , mais que celui d'enlever toute l'ecorce aux ar- bres & de ne les abattre que lorfqu'ils font morts, durcit conliderablement le bois. Les ordonnances dependent de pivoter les arbres, e'eft-a-dire de faire une foffe au pied pour en couper les racines a rafe terre & enlever enfuite l'arbre avec fon pivot. Le but de cette loi eft de conferver les fouches , mais Ii par quelque raifon on eft dans le cas d'enlever des arbres de cette efpeee , M. du Hamel termine fon troilieme livre par la defcription de quel- ques machines & de quelques pratiques qu'on emploie dans cette occafion. LI ij 268 ABREGE DES MEM 01 RES ■l hum !■■■■■ i w—m Lorfqu'une foret eft abattuc , il eft queftion d'exploiter le bois quelle n a produit, c'eft l'objet du quatrieme livre : mais avant que de commencer a o t a n i Q u e. ce{ ouvrage ; jl eft nexeffaire de s'affurer que le bois ne fe gercera pas de Annie 1764. maniere a rendre inutiles ou ddfeiStueufes les pieces qu'on en auroit for- nixes , & qu'il ne s'ecuauftera pas : ces fentes oil gercures font ordinairement caufees par le deffechement du bois, occafionne par l'evaporation de la feve lorfqu'il fe fait trop inegalement : il fe prefente a ce fujet line queftion im- portante : Doit- on laiJJ'er ficher U bois abattu ayec fes branches & Jon icorce? ou, pour fe fervir des termes de I' art, en grume? doit-on I'en depouiller promptement? Les fentimens des praticiens etant fort partages, M. du Hamel a eu recours a fon oracle ordinaire, l'experience, elle a de- cide que les bois equarris donnent lieu , toutes chofes d'ailleurs egales , a line plus pronipte evaporation de la feve-, qu'au contraire les bois en grume la retiennent plus long-temps , mais qu'il y a un teniae de deffechement , paffe lequel ceux-ci perdent plus que les premiers ; & que comme line quan- lite de feve trop abondante & trop long-temps retenue, pourroit conduire h la fermentation , & par-la echauffer ou meme pourrir le bois , on doit equarrir ou travailler les arbres auffi-tot qu'ils ont ete abattus. Quant aux gercures, il eft certain qu'il ne s'en feroit aucune fi la feve etoit uniformement diftribuee dans le corps de l'arbre, que l'evaporation s'en fit uniformement, & qu'enfin les parties fe pretaffent egalement a la contraction qu'elles doivent eprouver , mais aucune de ces conditions n'a lieu : k bois de la circonference eft fenfiblement moins dur que celui du centre : il doit done fe deffecher plus promptement que ce dernier, & de-lanaiffent neceffairement des gercures. L'experience, confultee par M. du Hamel, a fait voir qu'il etoit comme impoflible de garantir abfolument le bois des fentes & des gercures , mais qu'on pouvoit faire qu'au-lieu d'une grande fente, qui rendroit la piece inutile, il s'en forme une grande quan- tite de petites qui ne lui font aucun tort ; on peut meme , li les pieces doivent etre refendues, privenir, par une pronipte refente, prefque tout cet inconvenient. II en eft encore un autre prefqu'aiiffi incommode, c'eft le raccourciffement inegal des fibres longitudinales, qui fait dejetter, ou comme dilent les ou- vriers tourmenter le bois; il n'eft pas toujours facile d'eviter cet inconve- nient, mais M. du Hamel indique les bois qui y font le plus fujets , &■ les precautions qu'on peut prendre pour le diminuer. Les bois qu'on fait exploiter, contiennent des pieces propres a differens ufages, relativement aux efpeces d'arbres, a leur grolieur, a leur longueur, h leur figure , ou a leur qualite : quelques-i|ns fe vendtnt en grume , & d'autres ne peuvent fe vendre que debites. II faut done que le proprie- taire qui en veut tirer un parti avantageux, foit tres-attemif a fiire de fes pieces la deftination convenable , & M. du Hamel lui donne toutes les Iu- Ciicres neceffaires pour bien faire ce choix. Le bois qu'on vend en grume, n'exige de la part du proprietaire que le foin de le conferver i celui de le mefurer avec exaftitudc. M. du Hamel lui en fournit encore ..s moyens. A legard des bois qui ne fe vendent que debites, il eft neceffaire que DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 169 le proprietaire (bit inllruit dn detail des dificrens arts relatifs a cct objet, — — — — qui fe pratiquent dans lcs forces. La description abregee de ccs arts , fait D encore partie de l'ouvrage de M. dti Hamel , il y donue celle de 1'art duOTANIQUE- fabotier, de celui de faire les petits barrils de fmle d'une feule piece, Anne'e 1764 de celui dii fendeur pour les echalas, les lattes, le merrein , les gourna- bles oil chevilles de vaiffeau ; il y joint tout le travail des ouvrages qu'on nomme de raderie , dans lequel on n'emploie guere que du hctre, fa- Voir, les edifies, le bois mince a 1'ufage des gainiers, les copeaux a edair- cir le vin , les panneaux des foufflets , les attelles de colliers des betes de trait, les ecopes a vider l'eau des bateaux , les pelles , les bats , les arsons de felle, les monies a fuif, les febilles, les lanternes d'ecurie, &c. En tin mor, il ne laiffe rien a delirer fur ces differentes manieres d'employcr le bois. Jufqu'ici nous n'avons parle que de la fabrique du bois employe a de menus ouvrages; & nous n'avons rien dit de celle du bois quirre deftine a la charpente & a la menuiferie : c'eft l'objet du cinquieme & dernier li- vre de l'ouvrage de M. du Hamel. II y rappelle d'abord un principe etabli dans les livres precedens, que le bois des vieux arbres eft moins fort au centre qu'au dehors , & que le contraire a lieu dans les jeunes arbres. C'eft en partant de ce principe qu'il examine ceux qui doivent etre equarris a la cognee & ceux qui doivent etre refendus a la fcie, pour en faire des planches & des membrures : ce •choix n'eft nullement indifferent & contribue beaucoup a la bonte des pie- ces , & par confequent a la vente & au debit. On pent reconnoitre a des lignes certains, fi les pieces font de bonne qualite on ii elles ont des defauts effentiels, comme la roulure , la cadra- nure , la ge'livure, le bois roux oil verged; M. du Hamel explique les de- fauts qu'on exprime par ces noms, & le moyen de les reconnoitre; ce n'eft pas qu'ils rendent le bois inutile a tout , mais ils bornent (on utilite a certains ufages que M. du Rimel indique. II arrive rarement qu'on trouve des pieces d'une certaine grofleur par- faitement faines & qui durent tres- long-temps, il y en avoit cependant au- trefois, & les charpentes des anciens batimens en font foi , mais nos pre- decelleurs choifilibient le meilleur bois, & nous fommes obliges de nous contenter du moins mauvais; la facilite avec laquelle on a permis aux par- ticuliers d'abattre leurs futayes en a prefqu'entierement depeuplc le royaume, & il feroit bien a delirer qu'au moins a 1'avenir on ne permit la coupe des grands arbres qu'avec connohrance de caufe & aprcs le plus mur examen, & jamais fans obliger de remplacer par des referves foigneufement confer- vees , ce qu'on avoit permis d'abattre , fans quoi le luxe , & la necefiite qui marche toujours a fa fuite, auront bientot acheve de detruire le peu de bois de charpente & de conftruclion qui nous refte. Tout ce qu'on pent faire dans l'etat 011 font les chofes, c'eft d'examiner foigneufement lei pieces qu'on emploie , fonder avec la tarriere ou le ci- feau les nccuds fufpe&s & les malandres, de fcier le bout des pieces pour examiner leur interieur, & enfin de parer a l'herminette les endroits foup- connes , on evitera par ces moyens les fames les plus dangereufes »7d ABRECE DES MEMOIRES - Le toifc des bois eft tres-different de celui de la pierre & des autres matcriaux , il a fes principes & fes regies a part : M. du Hamel ne les laiffe Boiakiqme. »£>norcr a fes lefteurs, & c'eft par ou il termine Ion cinquieme livre, Annie fr&4. ce r les infe&es & leurs ceufs. Les experiences out decide en faveur de la methode, & elles out outre cela fait remarquer k M. du Hamel plulieurs objets intereflans •, elles lui ont appris, par exemple, que les grains ne perdoient pas tous egalement de leur poids, & que ceux qui etoient plus humides en perdoient davan- tage ; que , malgre cette perte de poids , ces grains augmentoient d'abord de volume; que les grains, toutes chofes d'ailleurs egales, perdoient d'ati- tant plus de leur poids qu'ils reftoient plus long-temps dans l'etuve-, qu'ils reprenoient une partie de l'humidite de fair li on les mettoit an fortir de l'etuve dans un lieu trop frais ; que c'etoit une erreur de croire qu'on put, par une chaleur plus vive , abreger le temps de l'operation & qu'il falloit laifler h l'humidite le temps de fortir du grain , de fe reduire en vapeurs & de s'echapper •, que quoique le bled puiffe etre expofe fans rifque i une chaleur de plus de ioo degres du thermometre de M. de Reaumur, on peut cependant fe contenter de lui en faire effuyer une d'un peu plus de 90 degres •, que le grain etuve etoit plus aife a moudre , & que la mouture en etoit plus courte d'un tiers-, que la farine abforboit plus d'eau que celle du bled non etuve , que la pate fe retiroit moins au four •, & qu'enfin elle cuiloit plus promptement. Le grain une fois deffeche & les infedes ou leurs ceufs qu'il pouvoit contenir, etant detruits, on le mettra dans des caiffes ou coftres de bon bois Sc bien clos, qui le garantiront aifement du tort que les rats, les fou- ris, les oifeaux & les chats pourroient lui faire. On peut & on doit def- fecher de meme les farines , & fur-tout celles qu'on envoie en tonneaux dans les colonies, & qui, faute de cette precaution, fe trouvent fouvent gatees en arrivant. L'operation d'etuver le grain n'eft nullement difficile, il fuflGt de le jet- ter dans une trsmie placee au haut de l'etuve , il s'arrange de lui-meme dans l'interieur; & lorfque l'operation eft finie, en ouvrant (implement le canal par oil il doit fortir, il tombe de lui-meme dans les facs qu'on pre- lente pour le recevoir. M. du Hamel avoit donne dans fon premier ouvrage la defcription de fon etuve, il donne dans celui-ci les changemens qu'une longue expe- rience lui ont fait juger neceffaires •, il rapporte des exemples de bleds con- ferves tres-long-temps par cette methode, & il n'a rien neglige de ce qui pouvoit contribuer & la perfection d'un travail li utile & qui obvie a de fi facheux inconveniens. On commence & fe fervir de cette methode en plulieurs endroits, mais celles manes qui font les meilleures & les plus utiles ont fouvent befoin d'un long temps pour s'etablir. CHYMIE. C H Y M I E. Tome XIII. Panic Frangoife. Mm - C H Y M I E. M I E. O B S E R V A T I O N S C H Y M 1 Q U E S. I. V^/n a deja trouve Ie moyen de faire prendre a 1'efprit-de-vin le mieux " re&ifie , une forme folide par l'addition de differentes matieres. M. Hellot r a communique a l'accademie une nouvelle maniere de produire le mime Y efFet, que le hafard lui a offerte. II avoit fait du beurre d'antimoine avec Annie ij6i deux parties de fublime" corrofif & une partie d'antimoine pur •, il avoit reduit ce beurre d'antimoine en deliquium, par l'humidite de l'atmofphere; fur fept gros & demi de ce deliquium. il a verfe huit onces d'efprit-de-vin ; au bout de trois heures le melange s'efl: trouve congels & prefque folide dans le vaiffeau ; mais fi on l'expofe a la plus foible chaleur , la congelation fe diffout de nouveau ; Sc par une longue digeftion dans ce vaiffeau , exac- tement ferine par un vaiffeau de rencontre, la liqueur prend uue bells couleur de diffolution d'or. i r. Les Anglois emploient depuis long- temps fur Ie cuivre Jaune & fur 1'argent.un vernis qui donne a ces metaux une couleur d'or peu differente de la dorure en or moulu. La compofition de ce vernis fut communiquee en 1720 a M. Hellot par M. Scarlet, & en 1738 a feu M. du Fay par M. Graham. M. Hellot en a fait part cette annee a l'academie, qui a cm la devoir donner au public. Prenez deux onces de gomme-lacque , deux onces de karabe, fuccin oil ambre jaune, quarante grains de fang de dragon en larmes, demi-gros de fafran, & quarante onces de bon efprit-de-vin ; faites infufer & digerer le tout a la maniere ordinaire , puis le paffez par un linge. Lorfqu'on yeut employer ce vernis, il faut faire chauffer la piece d'ar- gent on de laiton , avant que de l'appliquer deffus •, elle prend par ce moyen une couleur d'or qu'on nettoie, quand elle eft fale, avec un peu d'eau tiede. Mi C H Y M I E. 176 ABREGli DES MEMOIRES r 1 r. Annie iy6u Les eruptions du Vefuve n'ont que trop mnlriplie cette matiere fondue qui en fort toute enflammee, & a laquelle on donne le nora de lave. M. Cadet , ancien apothicaire-major des Invalides , apothicaire-major & infpedeur de pharmacie des hopitaux des armees du roi, a communique a l'academie I'analyfe qu'il avoit faite de cette matiere. La lave refroidie forme une pierre tres-dure & qui reffembfe beaitcoup h cette ecume melee de metal & de matieres vitrifiees, qui fort du fourneau d'une forge a fer, & qu'on norame laitier; elle a fouffert dans an creufet un feu affez vif , fans fe decompofer. M. Cadet a eu toute la peine pof- fible a la pulverifer-, elle mord fur les pilous les plus durs & les mieux trempes -, la pierre d'aimant, promenee dans cette poudre , en a ramaffe de petits grouppes parfaitement aiguilles-, mais comme il pouvoit fe faire que la matiere de ces grouppes eut etc fournie par le pilon , M. Cadet en. a broye avec un pilon de bronze, & la pierre d'aimant a tire de cette nou- velle poudre une quantite de fer egale a celle qu'elle avoit tiree de la pre- miere ; preuve evidente que ce fer venoit effentiellement de la lave , & non du pilon. L'acide nitretix & 1'acide marin n'agiffent fur cette poudre qiA la fa- veur d'une forte digeftion ; mais l'acide vitriolique la diffout a froid , pourvu cependant qu'il ne foit pas trop concentre , mais en prenant la precaution de raffoiblk avec un peu d'eau, il diffout la poudre avec une vive effervefcence , accompagnee d'une grande chaleur, & il s'eleve en rnerae temps de ce melange, des vapeurs qui ont une odeur d'ail femblable a celle qu'on femble reconnoitre dans l'operation du vitriol de Mars-, ces vapeurs s'eixflammentjfi on leur prefente une bougie allumee , mais elles 11c produifent d'autre bruit qu'un leger fifflement, & Ton pent prefumes que li la quantite de fer contenue dans la lave etoit plus confiderable , le bruit feroit auffi plus grand. Si 1'on mele cette diffolution avec de Tefprit-de-vin, & qu'on y mette le feu , la fTamme prend une belle couleur verte. Cette meme diffolution fillree & evaporee a un certain point, a donne des cryftaux de vitriol de Mars tres-reguliers , des cryftaux d'alun , & un fel en petites aiguilles foyeufes. Le vitriol dont nous venous de parfcr etant diffous , Hon jette dans la. diffolution quelques gouttes de celle d'alkali volatil, elle prend fur le champ une legere couleur bleue , & il fe fait enfuite un precipite verd -, & fi on trempe une lame de fer polie dans cette diffolution, la fuperficie de cette iame devieiit cuivreufe. Les cryftaux d'alun, mis fur le feu, s'y font bourfoufles comme l'alun ordinaire & y ont laiffe une terre blanche, poreufe & parfaitement femr blable a ce qu'on nomine alun calcinJ. Les cryftaux en aiguilles loyeufes n'ont pu fe diffoudre dans 1'eau froi- de? ce qui donne lieu de cr,oire qu'ils ne doivei.t leur fprmation qu'a DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. *77 l'atflion dc l'acide vitriolique fur une terre verifiable contenue dans la lav>. De toute cette analyfe, il refultc que la lave du Vefuve, que M. Cadet " Y M ' a examinee, contient du fer , puifqu'une partie de la poudre a ete attiree Aniiic nGi par 1'aimant, & qu'avec l'acide vitriolique elle forme un vitriol martial qui, comme on fait, eft un fel metallique auquel le fer fert de bafe. On ne peut pas plus douter quelle ne contienne du cuivre, quoiqu'ci afiez petite quantite; la couleur verte que la dilfolution a donnee a la flamme de l'efprit-de-vin, & la couleur bleue que cette meme dilfolution a priie par le melange du lei alkali volatil, en font des preuves fans re- plique. L'alun qu'elle a donn<£ par fon melange avec l'acide vitriolique, y d&- montre de meme une terre alumineufe, Enfin les petits cryftaux foyeux prouvent que cette matiere contient une terre vitrifiable, puifque ce n'eft que par fon union avec une pareille terre que l'acide vitriolique forme des cryftaux de cette efpece. On peut done legitimement conjecturer, avec M, Cadet, que les laves du mont Vefuve font formees de pyrites vitrioliques & alumineufes, char- gees de beaucoup de foufre, que la violence du feu en ayant enleve le foufre , e'eft a-dire, le phlogiftique & l'acide vitriolique, le fer, le cuivre, la terre alumineufe & la terre vitrifiable le font fondues, & ont forme une efpece de verre opaque, a l'aide du quartz qui y etoit contenu, & dont on rencontre encore quelques veftiges dans la lave. On pourroit encore tirer de cette formation de la lave une caufe affez vraifemblable de l'inflammarion de ces matieres; 1'experience de M. Hom- berg, rapportee dans les memoires de 1700, a fait voir que le foufre & le fer meles enfemble, & legerement humedtis , pouvoient s'enflammer d'eux-memes, quoique mis fous terre a une certaine profondeur : le fer ni le foufre n'ont pas du manquer, comme on vient de ie voir, dans les cavites d'oii eft fortie la lave ■, il ne faut done plus qu'une quantite d'eau fufhlante pour mettre ces matieres en feu, li elles fe font trouvees, comme il eft tres-poffible , dans la proportion convenable, & il eft aife de voir, par combien de moyens tres natureis cette eau aura pu s'y introduire.. F. i78 ABREGlS DES MEMOIRES tmaama — « C H Y M I E. ytirJe n6z ^"r ^ quantite d'argent que retiennent les Coupdles. L i'argent qu'on emploie, foit a la fabrication des monnoies , foit \ celle des autres ouvrages faits de ce metal eft toujours allie, c'eft-a-dire, mele d'tine certaine quantite de cuivre, fans laquelle il n'auroit pas la du- rete & Ja confiftance neceffaires aux ufages auxquels il eft deftine ; mais cette quantite d'alliage doit etre , & eft expreffement fixee par la loi : elle n'eft, pour la vaiffelle, que la vingt-quatrieme partie du poids total-, & fi l'argent contient line plus grande quantite de cuivre, on dit qu'il n'eft pas au titre , & il n'eft point admiffible dans le commerce. Pour parvenir a connoitre la quantite de cuivre ou alliage que contient l'argent, on emploie ordinairement la coupelle •, mais pour fe faire une idee de cette operation , il ne fera peut-etre pas inutile de rappeller au ledteur les principes fur Iefquels elle eft fondee. L'or & l'argent font les feuls metaux qui puiffent foutenir 1'extrem'e violence du feu fans le decompofer : tous les autres n'y peuvent relifter, & s'y reduifent en verre. Le plomb eft de tous ces derniers celui qui fe vitrifie le plus facilement; mais il a de plus la linguliere propriete de com- muniquer cette facilite de fe vitrifier, aux autres metaux avec Iefquels il eft mele, & de les entratner avec lui a travers les pores du vaifleau qui le contient, qu'il penetre en cet etat avec une merveilleufe facilite. Si done on a un melange d'argent & de quelqu autre metal que ce puifle etre , excepte Tor , voici la maniere qu'on emploie pour les feparer : on met ce morceau d'argent allie avec une certaine quantite de plomb, dans un petit creufet extremement poreux , fait avec des cendres d'os brules, bien leffivees pour en enlever tous les fels , & on place le tout dans un fourneau ou on lui fait eprouver un tres- grand feu; alors le tout etant fondu , le metal mele avec l'argent (e vitrifie avec le plomb , pafle a tra- vers les pores de la coupeHe, & l'argent refte feul en fufion dans ce vaif- feau. II eft done aife, par cette operation , de connoitre combien de metal etranger contenoit l'argent allie , puifqu'en le pefant apres l'operation , on en trouvera le poids diminue de tout celui de ce metal qui s'en eft fepare. Toute la theorie chymique de cette operation eft done , comme on voit, fondee fur ce que le plomb, en fe vitrifiant, entralne avec lui, dans le meme etat de vitrification, le metal etranger & IaifTe pur l'argent qui ne fe vitrifie pas, du moins au meme degre de feu; mais que fera-ce fi l'ar- gent, fans etre vitrifie, petit etre en partie entraine par le plomb? il eft clair que la quantite, dont l'argent qu'on tffaie diminue, fera augmentee, & qu'on jugera qu'il contenoit plus d'alliage qu'il n'en contenoit reellement. Celt ce fait fi interellant que M. Tillet a voulu conftater par des expe- riences decilives : il avoit loupgonne depuis quelque temps que les cou- pelles pouvoient abforber avec le plomb quelque portion de l'argent qu'on aftinoif, mais pour s'en affurers il expofa plulieurs de ces coupelles, qui DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 179 etoient tres-imbibees de litharge on plomb vitrifie, a ua feu de charbons . affcz vif , la flamme du charbon cut bientot rendu au plomb le phloetfli- que qu'il avoit perdu & le fit reparoitre fous fa forme naturelle ■■, alors H Y M ' *• M. Tillet niit ce bouton de plomb, qu'il avoit obtenu dans uric coupelle Annie i-G luuve; & l'ayant pouffe au feu, il donna line quantite d'argent qui exce- J doit de beaucoup celle qu'auroit donnee line pareille quantite de plomb qui n'auroit pas etc employee aux effais, car il n'y a prelque pas de plomb qui ne contienne plus ou moins de ce metal. C'etoit beaucoup que d'etre allure de ce fait, mais ce n etoit pas encore affez pour remplir Its vues de M. Tillet ; il falloit connoitre avee preci- fion, combien les coupelles pouvoient retenir d'argent dans 1'affinage, puif- que cet argent fin , retenu par elles , diminuoit d'autant le poids du bou- ton qu'on effiyoit. Pour y parvenir, il a pris deux coupelles imbibees de litharge, qui avoient fervi aux effais ; & comme il connoiffoit exa&ement le poids que pefoient ces coupelles avant qu'elles euffent fervi, il pouvoit aifement juger, en les pelant, de la quantite de plomb qu'elles avoient abforbee , qui fe trouva monter a quatre gros, e'eft-a-dire, deux gros chacune. Apres les avoir reduites en poudre , il les mit dans un creufet avec uu flux compofe de deux parties de tartre blanc & d'une partie de falpetre & raftinc, ayant couvert ce creufet d'un autre creufet renverfe, bien lutte les jointures & menage au haut de celui qui fervoit de couvercle, une ouverture pour laiffer echapper les vapeurs du flux lorfqu'il detonneroit ; il expofa le tout h on feu gradue, qu'il foutint a la plus grande violence pendant pres d'une hfure-, l'operation finie , il en retira environ deux gros de plomb, qui, mis a la coupelle, fournirent deux grains & demi d'argent, poids ficHf ou de femelle, tandis que deux gros de plomb, qui n'avoit point fervi aux effais, traite au meme feu & de la menie maniere, n'en fournirent qu'un quart de grain au meme poids fi&if; il etoit done bien fur que le plomb qui avoit fervi aux effais avoit retenu un grain & txois quarts de l'argent qu'il avoit fervi a purifier. M. Tillet n'etoit cependant pas encore fatisfait, il n'avoit retire que deux gros de plomb, des quatre que fes deux coupelles avoient abforbes: il foupijonna que les deux autres gros pouvoient etre dans les fcories: en effet , les ayant bien lavees dans l'eau chaude pour diffoudre tout le flux, il trouva au fond du vaiffeau un gros & douze grains de plomb, le refte ayant apparemment ets diffipe dans l'operation •, ce gros & douze grains de plomb paffes a la coupelle donnerent encore un grain & demi, poids fidif : c'etoit done en tout quatre grains d'argent qui avoient ete retenus par le plomb, & qui diminuoient d'autant le poids du bouton. II eft done certain que le plomb qu'on emploie aux effais, retient une quantite fenfible d'argent, & que les effayeurs qui ignoroient cette pro- priety du plomb ont toujours fixe le titre au-deffous de ce qu'il etoit ve- ritablercent, l'ayant eftime par le dechet du bouton qu'ils attribuoient tout eiitier a la deftrudtion du metal etranger, quoiqu'une p.irtie de ce dechet tut due a la quantite d'argent que le plomb avoit retenu. iSo ABREGE DES MEHGIRES — — — »— — II Tuit encore qu'on ne doit employer dans les effais que la qnantirc de C h y m i e. P'omb "eceffaire. Puifqu'en employant une plus grande quantite de ce me- tal, on aiigmente la portion d'argent qu'il retient, & qu'enfin , lorfqu'on Annie ij6a.. veut fixer tres-exa&ement le titre de l'argent, il faut revivifier le plomb abforbe par la coupelle, & le coupeller enfuite pour en retirer l'argent gemmc, en le tenant long- temps en fulion dans an creufet, une efpece de gljiie trcs-fine & quelqucs parties graffes & bitumineufes ayant une forte Annie Ij6x. odeur d'huile de Pctrole. Prefque toutes ces eaux contiennent encore une affez grande quantite de gypfe ou matiere platreule, & toutes, fans exccp- .tion, contiennent un principe alkali furabondant qui leur donne la pro- priety de verdir le lirop violat, & de retablir la teinture de tournefol rougie par les acides , ce qui n'arriveroit certainement pas , (i tout ce qu'elles contiennent d'alkali ctoit joint aux acides vitriolique & marin qui s'y rencontrent; elles contiennent encore une terre alkaline qui, etant dif- foute par les acides, paffe a travers tous les filtres, & agit comme terre abforbante en decompofant le vitriol, Iorfqu'on en mele la folution avec les eaux falees , ce qui prouve evidemment que ces eaux ne contiennent aucun vitriol en nature, puilqu'il feroit infailliblement dscoinpofe par cette terre avec laquelle l'acide vitriolique a bien plus d'aftinite qu'avec fa bafe metallique. Tous les fe!s de Salins fe trouvent meles de toutes ces differentes ma- tieres , fur-tout le fel qu'on met en pains & dont on fait grand ufage dans tout le pays-, a l'egard de la faline de Montmorot, le fel $ gros grains qui eft produit par une evaporation lente, eft tres-pur; mais celui qui eft forme Ear une evaporation rapide & telle que l'eau qui le contient eft toujour? ouillante , contient un melange de ces memes matieres ; e'etoit avec ce fel qu'on formoit les fels en pains, & on croyoit leur donner plus de corps en les imbibant des eaux grades qui reftent apres qu'on en a tire le fel, & qui contiennent rout ce qui n'a pu entrer dans la compolition du fel ; ces pains fe trouvoient beaucoup plus charges de mitieres etrangeres que les fels en petits grains , & produifoient encore de plus mauvais effets. Independamment de l'alkali furabondant & des autres matieres etrange- res , les pains de fel etoient encore lujets a un autre defaut ; on avoit cou- tume de les deffecher en les laiffant un temps affez long fur des lits de braife alluinee ; mais il arrivoit prefque toujours que le contact immediat d'un feu affez vif decompoloit le lei de la bafe de ces pains, & en enle- voit l'acide; audi M. de Montigny s'appercut-il depuis en entrant dans le lieu de ce travail, dune tres-forre odeur d'efprit de fel, & que cette va- peur teignoit en rouge le papier bleu -, le bas des pains eft done en partie decompofe, & laiffe a nud la bafe du fel, e'eft-a-dire une efpece de fel de foude tres acre-, les habitans qui achetoient ces pains de fel etoient obli- ges de couper tout ce deffous avec une fcie & de le jetter. Telles furent les obfervations que le premier coupd'oril oft'rit a M. de Montigny, lorfqu'aprcs avoir fcrupuleulemcnt examine avec M. Hellot I^s fels & les eaux qu'on avoit fait venir a Paris , il eut ete envoye fur le lieu pour y continuer fes operations : il ne fe contenta pas de cette premiere recherche , il examina avec le plus grand fpin les eaux qu on tiroit des fources falees, les differentes operations par lefquelles on en tiroit lc fel, les fels nieme tant en gros grain qu'en petit grain , les fels en pain , les Tome XIII. Partie Franfoi/e. Nn i8i A B R E G E DES MEMOIRES ! differentes eaux qui reftoient dcs muires on eaux fa'ees qu'on evapore pour „ en tirer le fel, & les differentes ecumes qui s'en feparent dans le temps de 1 ebullition. Annie ijGz. Non content de cet examen , M. de Montigny voulut s'atTurer par lui- nieme de l'cftet de ces fels & des defauts qu'on leur reprochoif, pour cela, ii parcourut les pays que fourniflent ces (alines, & fur-tout les montagnes dans ltfquelles le fait le plus grand nombre de fromagcs & de falaifons-,- objet de la plus grande importance pour le commerce de la Franche- Comte, & voici les connoiffances qui I y recueillir. Les fromages fales avec le fel en pains, contradtoient vers la fuperficie un mauvais gout & un peu d'amertume , tandis que le milieu ne fe faloit que peu ou point du tout •, les falaifons de viandes ne reuffiffoient pas mieux, ces matieres melees avec le fel etant incapables de les preferver de la corruption, & leur communiquant un tres-mauvais gout; enfin il etoit a craindre que ce fel ainfi vicie ne nuisit a la longue a la fante des habi- tans , qui en font un ufage continuel. C etoit a tous ces inconveniens qu'il etoit queftion de remedier -, & M. de Montigny eut bientot trouve dans la nature merae du mal des moyens egalement furs & faciles de s'en garantir-, mais avant que de les expofer , ii ne fera peut-etre pas inutile de remettre fous les yeux du lec- teur la nature & la formation des fels neutres. Tout fel , du genre de ceux qu'on appelle neutres , eft effentielle- ment compofe d'un acide & d'une bafe ; cette bafe peut etre un alkali fixe ou volatil , line terre abforbante , line matiere pierreufe , ou enfin une matiere metallique. Aucun de ces fels ne peut etre regarde comme veritablement neutre, que lorfque la portion d'acide qu'il contient eft abforbee & retenue par une quantite luffilante d'alkali ou des matieres qui en tiennent lieir, s'il y a line portion d'acide non liee a cette bafe , le fel donnera des marques d'acidite , il rougira , par exemple , la teinture de tournefol \ & fi au con- traire il y a de l'allcali non occupe par l'acide , il verdira la teinture de violette •, mais fi la dole de l'un & de l'autre font juftes , il ne fera ni 1'un ni l'autre de ces effets. Le fel marin eft compofe d'un acide auquel il a donne fon nom , & d'un alkali a-peu-pres femblable au fel de foude qui lui fert de bafe ; il doit , pour etre le plus parfait qu'il fe puiffe , ne contenir que ces deux feules fubftances & les contenir en telle proportion , qu'il n'y ait aucune portion de l'acide qui ne foit liee a une portion d'alkali, ni aucune por- tion d'alkali qui ne foit ocrtipee par une portion d'acide •, fans cette der- niere condition , l'acide demeure libre , feroit capable de faire beaucoup de mal, en agiffant de toute fa puiffance fur les corps auxquels il fe trou- veroit applique, & l'alkali oifif communiqueroit au fel une acrete defagrea- ble & lui donneroit une caufticite qu'il ne doit point avoir. Le premier pas a faire pour perfjedionner les fels de Franche-Comte , etoit done d'enlever a ces fels la furabondance d'alkali, qui leur commu- niquoit une mauvaife qualite ; pour cela , il ne faut que meler avec la M I E. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. i35 liqueur qui les contient , de l'acide , du vinaigre ou du petit lait aigri ; " pour lors les diflercns fels qui s'y rencontrent , n'etant plus embarrafles ^ par cet alkali furabondant, fe preientent fucceffivement en cryftaux regit- H Y liers & fans etre meliSs les uns avec les autres , & c'eft, pour le dire en Aanu ijGz paflant, le moyen qu'emploient les Hollandois pour ralrlner le fel de nier qu'ils tirent de France, & pour rendre leurs lalailons auffi parfaites qu'elles le font. Le gypfc & les felenites ne pouvant etre tenus en diffolution que dans line grande quantite d'eau , reparoiflent en forme folide & concrete long- temps avant que ^evaporation foit aflez avancee pour occaflonner la cryf- tallilation du fel; & comine files deviennent alors plus pefantes qu'un pa- reil volume d'eau , elles le precipitent au fond ; mais la violence de l'ebul- lition les chatfant du milieu de la poele , elles retombent tout autour & font recues dans des bafllns portatifs de role a longue queue , qu'on place au fond de la liqueur tout autour de la poele , & qu'on enleve des qu'on voit paroitre a la lurface les premiers cryftaux de lei marin. Ces baffins n'etoient pas, a beaucoup pres, en aflez grand nombre, M. de Montigny en a plus que double le nombre , & les a vu fortir de la poele prefque remplis de ce melange de gyple & de felenite, que les ouvriers appellent fchelot , & par-la il a prefque entitlement fepare cette matiere etrangere qui ne pouvoit que nuire. Puifque la forte ebullition eft neceflaire pour la feparation du fchelot , il s'enluit que tons les vaiffeaux dans lefquels on fera l'evaporation de i'eau qui le contient, fans leur faire eprouver un degre de ch.ileur alfez fort, n'opereront point cette feparation , & que cette mauvaife matiere y de- rneurera jointe au fel dans la cryftallifation •, c'eft precifement ce qui arri- voit dans les poe'lons de falins : ces poelons etoient de petites poeles , tenant environ le tiers des poeles ordinaires , & qu'on avoit placets a la fuite des grandes pour profiter de la chaleur qui fe perdoit auparavant dans ces endroits ; mais comme le degre de feu qu'ils y eprouvoient n'e- toit pas, a beaucoup pres, fufrifant pour la feparation du fchelot , elle ne s'y opiroit point & le fel en reftoit impregne. M. de Montigny les a fait abfolument fupprimer & a trouve moyen d'employer plus utilement cet excedent de chaleur, comme nous le verrons dans un moment. Les eaux grafles qui reftent apres la cuite, & dont on fe fervoit pour humedter le lei qu'on vouloit mettre en pains , meritoient bien un exa- men particulier, elles contiennent du fel de Glauber, du fel d'Eblom , alteres par le melange de beaucoup de gypfe ; & quand on en a fepare ces fels, il n'y refte plus qu'une tres-grande quantite de fel marin a bafe ter- reufe deliquefcent , & plulieurs matieres gralfes , vegetales & minerales , c'eft-a-dire, qu'elles font chargees de tous les principes qui doivent etre loigneufement exclus du bon fel ; ce defaut eft commun aux eaux grafles de Salins & de Montmorot : mais ces dernieres en ont encore un autre qui leur eft particulier-, comme le degre de falure des fources eft foible, pour eviter les frais d'une trop longue evaporation au feu, on ne les met dans les poeles qu'aprcs qu'elles ont pafle & repafle plufleurs fois a travers Nn ij z&4 A B R E G £ DES MEMOIRES 2^r des rangees de fagots d 'epines , expofees les unes au-deffus des autres, & C h v m i e S'"'e' Par ce moveil> I'a&ion de l'air a emporte tine bonne partie de l'eau fupernue : or, il arrive neceffairement que ce paffage reitere charge lean slnnc'e ijGz. d'une forte teinture, quelle tire de ces epines , fur-tout lorfqu'elles font neuves, ce qui, joint aux mal-propretes que la negligence des ouv'riers laifle dans les augets & les conduits de bois par lefquels clle paffe dans cette operation , tache le fel & lui donne une odeur de piffat de chat in- fupportable, Iorfque I'adtion du feu neceffaire pour fecher les pains de fel a developpe toutes ces matieres etrangeres & y a joint l'efprit de fel quelle enleve aux pains. Pour eviter ces inconveniens, M. de Montigny a totalement fuppriini l'emploi des eaux graffes, & il a fait former les pains en humedtant le fel avec de l'eau douce pure , mais qui doit etre employee affez chaude , (1 on veut qu'elle puiffe enlever le fel d'Ebfom avec l'efpece de teinture que les epines ont donnee au fel ; par ce moyen fi fimple , les pains fe font formes fans aucun melange de matiere etrangere , purs, folides, pro- pres a foutenir le tranfport & a etre employes a tous les ufages auxquels ils font deftines. II eft cependant bon de remarquer que , pour que le fel en pains foit pur, comme nous venons de le dire, il eft abfolument neceffaire que le lei en grains dont on le compole le foit auffi. Or c'eft ce qui ne fe trou- voit nullement dans le fel a petits grains de Montmorot qu'on employoit a cet ufage ; ces fels fortoient de la muire , enduits de fel de Glauber, de fel d'Ebfom , & de toutes les matieres etrangeres qui etoient contenues dans l'eau; & comme qn les portoit au fortir de la poe'le dans des maga- fins fees & expofes a Taction de Fair exterieur, il arrivoit, & fur- tout en hiver, que ces fels etrangers qui fe cryftallifent au froid , fe durciffoient tres-promptement , & qu'il ne couloit prefque rien dans les refervoirs dci- tines a recevoir leur diilolution. II fallut done reformer ces magafins , & y entretenir toujours une cha- leur humide -, alors le fel de Glauber & celui d'Ebfom plus aifes a fondre que le fel marin , fe feparerent aifement de ce dernier, coulerent dans les refervoirs, le fel marin refta pur, ou s'il y etoit refte quelque atome de fel etranger , il fut entraine par l'eau douce chaude que M. de Montigny employoit a former les pains. Le dernier inconvenient que M. de Montigny avoit a parer , etoit la ci^compofition du fel operee par la braife fur laquelle on fechoit les pains. Pour y remedier, il imagina de les faire fecher dans des etuves bii on fut niaitre de la chaleur, & d'employer a cette operation la chaleur fuperflue des iburneaux d evaporation. Pour cela, il fit ouvrir dans le terrain de la heme ou laboratoire, une longue tranchee aboutiffante d'un cote an folirneau qu'il avoit fait percer eft cet endroit, & de l'autre a une cheminee elevee contre le mur ; les cotes de cette tranchee furent revetus d'un mur de brique , dans lequel 6fi avoit obferve une retraite fur laquelle il (it placer des plaques de tole ; & 1c deffus ayant etc garni de couvercJes de bois qui fe pouvoient hauffer c H V M I I. DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 285 ou baiffcr a volonte , la capacity du foffe fe trouva partagee entre deux cavils, dont l'inferieure etoit une efpece de cheminee horizonrale qui recevoit plus oil nioins de la clialeur du fourneau au moyen d'une pelle mobile de tole qui en fermoit rembouchure an point qu'on vouloit, & Annie m6z dont la partie fuperieure etoit une longue etuve tres-propre a fecher les pains de fel prefque egalement dans toute fon etendue , & fans courir Ie rilque de les decompofer fenliblement , nous difons fenliblement > parce qu'il eft impoflible que quelque attention qu'on apporte , il n'y ait pas toujour* quelque petite partie de l'acide enlevee , & par consequent un pen de (el decompofe •, mais cet inconvenient eft reduit a li peu dc chofe dans les etuves de M. de Montigny , qu'on le peut regarder comme phy- fiquement mil. Pour empecher l'adherence des pains de fel aux plaques , il ne faut que mettre fur celle-ci un lit de cendres de huit a dix lignes d'epailfcur : cette cendre empeche que les pains ne s'attachcnt aux plaques, & s'attache li peu elle-meme au fel , que le moindre frottement eft capable de l'enle- ver; & les etuves propofees par M. de Montigny out eu l'avantage de porter la perfection des pains de fel aufll loin quelle puiffe aller, en epar- gnant les frais conliderables des braifes qui fe confumoient pour cette operation. Nous difons auffi loin qu'elle puiffe aller , car il ne penfe pas qu'on puiffe jamais rendre le fel en pains, forme de fel a menu grain, fait a l'eau bouillante, auffi pur que le fel a gros grain de Montmorot dont il feroit a fouhaiter que l'ufage fiit par-tout fubftitue a celui du fel en pains. Quoi qu'il en foit, les pratiques propofees par M. de Montigny out eu tout le fucces qu'on en pouvoit attendre, & ont ete abfolument adoptees a Montmorot ; on n'y fait plus que des pains de fel formes de fel futfi- farament egoutte, petri a l'eau douce chaude & feche a 1'etuve ; & la dif- ference de ces pains avec ceux qu'on y faifoit precedemment a ete li frap- pante, que M. de Montigny en a recueilli lui-meme le fruit par les marques les plus flatteufes & les moins equivoques de la fatisfaction du peuple, qu'il recut, en parcourant les manes montagnes oil il avoit ob- ferve, en commencant les recherches, les mauvais effets du fel mal tra- vaille. II eft a prefumer que ces manes procedes li utiles , & nous ofons le dire, C\ neceffaires, feront adoptes a Salins , de meme qua Montmo- rot, pourvu cependant que des interets particuliers & 1'attachement qu'on n'a que trop fouvent pour des abus confacres en quelque forte par une longue habitude, ne s'y oppofent point ; mais quoi qu'il en puiffe arriver, on devra toujours a M. de Montigny d'avoir travaille efficacement a reine- dier aux inconveniens caufes par la mauvaife fabrique des fels, & de Its avoir prefque entierement bannis par des procedes egalement furs & is- ciles. Les arts ne pourront jamais que gagner a etre eclaires par les regards de ceux qui font a portee d'en connoitre la pratique & d'y joindre la theorie, & affez zeles pour n'epargner ni leurs foins , ni leurs peines, lorf- qu'il s'agit de contribuer au bi;n public , & a l'avantage de la focietc. !U ABREGE DES MEMOIRES Sur les ejfais des matieres d'Or & d' Argent. C H Y M I E. Annie 1763. Hift. V-/ETTE matiere a deja ete examinee en ij6z. Nous avons rendu compte dans l'hiftoire de cette annee, (a) du travail par lequel M. Tillet s'etoit affure que les coupelles retenoient toujours un peu d'argent inele avec le plomb reduit en litharge dont elles s'imbibent, & nous avons ex- pofe a ce fujet un abrege des principes fur lefquels eft fondee cette ope- ration, auquel, pour eviter des redites inutiles, nous prions le le&eur dc vouloir bien recourir. Un nouveau travail fur cette meme matiere a ete fait cette annee, en vertu d'un ordre du roi, par M"- Hellot, Tillet & Macquer. II s'agiffoit de conftater la meilleure maniere d'effayer Tor & l'argent , & de determi- ner les dofes de plomb & la nature des coupelles qu'on doit employer a ces effais. Nous avons dit en 1761, que les coupelles imbibees de litharge four- niffoient par la fonte un culot de plomb, dans lequel il fe trouve de l'ar- gent fin qu'elles avoient retenu de celui qu'on leur avoit confie dans les effais. Cet argent ne peut etre refte dans les coupelles, fans avoir diminue la quantite de celui qu'on effayoit , mais cette perte n'eft pas le plus grand mal : comme on etoit perfuade qu'il n'y avoit que l'alliage qui flit enleve dans l'operation , on attribuoit en entier la diminution au cuivre contenu dans l'argent, & par confequent l'augmentation du dechet faifoit juger que l'argent en contenoit da vantage , qu'il etoit d'un titre plus bas qu'il n'etoit reellement; & en le poinconnant fur ce pied, on caufoit une perte reelle & injufte a celui auquel il appartenoit. Puifque le plomb & les coupelles retiennent quelque portion d'argent, on doit en tenir compte ; mais pour cela il eft neceffaire que la quantite de plomb , la matiere & la facon des coupelles foient uniformes dans toils les effais d'argent a-peu-pres au meme titre , autrement il feroit impoffible d'evaluer ce dont on devroit tenir compte de ce chef dans les effais, puif- que ce feroit entreprendre de fixer une quantite variable fans aucune regie, & c'etoit a cet important objet qu'etoit deftine le travail de M". Hellot, Tillet & Macquer. Plus de cent experiences out ete faites fur l'argent, entre lefquelles il ne s'en eft rencontre que deux ou trois qui aient donne des refultats dou- teux , & elles ont ete pour cette raifon rejettees. Ces experiences ont parfaitement rempli les vues du miniftere & celle de M^. Hellot , Tillet & Macquer , & nous rendrons compte a la fin dc cet article du reglement qu'elles ont occalionne , mais elles ont outre cela donne lieu h quelques difcuffions phyfiques & chymiques qui ont paru dignes de l'attention de ceux qui aiment ces fciences. (a) Voyez Hift. 1762, ci-deffus. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 287 Dans toutes ces experiences , comme dans celles dont nous avons rendu compte l'annee derniere, les coupelles out retenu une partie du fin; mais en revivifiant par la fufion & l'addition du phlogiftique, le plomb litharge dont ellcs s'etoient imbibees, on en a retire lur une nouvelle coupelle l'argent dont ellcs s'etoient emparees. II etoit affez naturel de penfer que les coupelles & leur plomb avoient derobe au bouton d'effai cet argent fin cju'on en retiroit : cependant quel- ques chymiftes de la plus grande reputation , comme Ofchal , Stalk & Junker , ont pretendu que le plomb converti en litharge, revivifie en- fuite & coupele de nouveau , rendoit une petite quantite d'argent qu'il ne contenoit pas auparavant •, ce qui feroit une veritable tranfmutation du plomb en argent, d'oii il fuivroit que le fin qu'on retire des vieilles cou- pelles pourroit n'etre pas dii au bouton d'effai. Cette objection , & plus encore la reputation des favans chymiftes que nous avons cites, merite qu'on y reponde, & voici les faits que M". Hellot, Tillet & Macquer emploient pour la detruire. lis ont pris du plomb tire du debris de deux coupelles qui avoient fern aux effais-, & l'ayant coupele de nouveau dans une coupelle neuve , il a rendu lix grains de fin. Les debris de la feconde coupelle, foumis a la meme operation, n'ont plus rendu qu'un demi-grain , ceux de la troifieme un feizieme de grain, ceux de la quatrieme encore moins-, a la cinquieme reduction, il ne ve- noit plus affez de fin pour le pefer, & enfin a la huitieme il falloit une loupe de fix lignes de foyer pour en appercevoir •, d'ou il fuit neceffai- rement que la petite quantite d'argent que rend le plomb n'eft pas due a une tranimutation de ce metal en argent , puifqu'en ce cas il devroit en rendre a chaque operation une quantite a-peu-pres egale, mais a l'argent qu'il avoit retenu des effais & que les reductions multiplies l'ont force de rendre. La maniere de faire les coupelles n'eft nullement indifferente ; leur epaif- feur l'efl airez, pourvu cependant qu'elle foit au moins de trois lignes dans le fond •, mais ce a quoi on doit extremement prendre garde , c'eft au choix de la matiere & a la fineffe de fon grain : on ne doit y employer ni ch.uix, ni fpath calcaire-, celles dans la competition defquelles il en en- tre, fe chargent, malgre toils les recuits qu'on leur donne , de l'humidite de l'air , qui ne manque pas de produire au feu un bouillonnement dans le plomb & l'argent , & quelquefois des explolions qui en lancent des par- ticules jufqu'a la voute de la moufle. Les bonnes coupelles doivent etre uniquement de chaux d'os leflivee , tamifees dans un tamis tres-fin , & bien ferrees dans le moule , afin que le baflin en foit fort uni : elles fe- ront pour lors, autant qu'il ie peut, a l'abri de tous les inconveniens. La maniere de gouverner le feu n'eft pas moins effentielle a la perfec- tion de l'operation •, on chaufle ordinairement la coupelle jufquau^u blanc avant que d'y mettre le plomb, c'eft-a-dire jufqu'a ce qu'on ne la diftin- gue plus du refte de la moufle > mais il ne faudroit pas continuer le feu au meme degrc des qu'on a luis l'argent ; il faut au contraire ccarter quel- a88 ABREGE DES ME MOIRES — —^—— i ques-uns des charbons qui ferment l'ouverture de la moufle, de maniere? „ que la coupelle devienne foiblement obfcure, & qu'on puiffe diftinguer le bain des deux metaux par fa clarte : fans cela , l'exces de chaleur occafion- Annte 1163. neroit un dechet conliderable fur l'argent, en l'introduilant dans l'interieur de la coupelle. Si les effais de l'argent exigent une fi grande precifion , ceux de 1'or doivent en exiger encore une bien plus Icrupulcufe , puifque le metal itant bien plus precieux, la perte qu'on occafionneroit all proprictaire, en fixant le titre de l'or au-deffous de ce qu'il doit etre, feroit aulli beaucoup plus confiderable que celle que pourroit occalionner une lt'gere erreur dans la fixation du titre de l'argent. L'or s'effaie d'une maniere differente de celle avec laqiielle on eflaie l'argent : on joint a l'or ordinairement deux fois fon poids d'argent fin •, fi on y en meloit davantage, il y auroit de l'inconvenient. On enveloppe le tout dans un petit morceau de papier ; on met dans une coupelle deux gros de plomb par trente-lix grains dor : ce plomb doit etre tres-pur, & fur tout ne point tenir d'or •, des qu'il eft en bain clair & circulant, on y porte les deux metaux meles & enveloppes de leur papier. lis s'y fon- denr, le plomb, en fe- reduifant en litharge, entraine tout leur alliage , & il refte dans le baflin un bouton d'argent fin mele avec l'or de I'eifai. Pour faire ce qu'on nomme le depart ou la feparation de ces deux me- taux , on applatit ce bouton fur un tas d'acier poli , & on le rend extre- mement mince; obfervant de le recuire fouvent, pour empecher qu'il ne fe gerce & qu'il ne s'en detache quelque partie qui pourroit fe perdre. On le fait rough: une derniere fois, pour lui rendre la dudtilite qu'il a perdue en secrouiifant , & on le rovile fur un tuyau de plume : e'eft ce qu'on nomme le cornet. Ce cornet eft mis dans un petit matras de verre mince a long col ; on y verfe de l'eau-forte, affoiblie par un tiers d'eau de pluie ou de riviere, afin qu'elle ne tienne aucun acide vitriolique •, mais il faut fur-tout avoir la plus grande attention qu'elle ne blanchiffe pas fur l'argent; ce feroit une marque fiire qu'elle contiendroit de l'efprit de fel ; ce qui en feroit une eau regale, qui attaqueroit l'or, & rendroit par-la I'eifai faux. On met le matras fur de la braile allumee, pour y faire bouillir cette liqueur; tant qu'elle agit fur l'argent, on en voit fortir line infinite de petits globules d'air tres-fins : ces globules groffiffent vers le temps oil l'eau-forte finit fon adtion ; alors on la verfe par inclination , & on y remet pareille quan- tite de la meme eau- forte, mais pure & fans eau : on remet bouillir le matras, & quand elle a ceffe d'agir on la retire de meme. On remplit trois fois de fuite le matras d'eau bouillante, & enluite une feule fois d'eau froide, pour emporter tout l'acide qui pourroit etre demeure adherant au comet ; on le fait fecher , puis rougir dans un petit creufet fous la moufle, pour lui faire prendre une belle couleur d'or. Le cornet en cet etat eft de pur or : l'eau-forte, comme on fait, n'a point d'action fur ce metal ; elle n'a diffout que l'argent avec lequel on 1'avoit joint, & l'operation de la coupelle en a enleve tous les autres metaux. On -■>• DEL'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. iS9 On juge bien que Tor en cet etat ne pefe plus le meme poids qu'il pe- — » ■■ ; H Y M I E. c • i • • ill- r . » r . , au hit des principes de la chymie , on lera certainement lurpris qu une Annie 1763. rnatiere contenant tout Ton phlogifHque , corame l'argent, puifle etre inti- mement jointe a line autre, qui, comme la litharge, a perdu tout le lien, & qu'elles fe confervent en cet etat. II faut que le phlogiftique de l'argent y foit uni d'une facon bien (inguliere , pour que ce melange ne Ten fe-; pare pas. Quelque curieux que foient Ies phenomenes que le travail de M. Tiller, lui a oftert, ce n'a pas ete toute fon utilite; il a fervi de bafe a un nou- veau reglement, qui etablit une methode uniforme par tout le royaume pour faire les effais des matieres d'or & d'argent. Nous ne rappoiterons point en entier ce reglement quia ete publie; nous nous contenterons de dire en general qu'il prefcrit , 1 •. la matiere des coupellcs , qui doivent etre entierement compofees de cendres d'os calcines jufqu'au blanc, bien lefllvies , paffees au tamis de foie tres-fin , & formees fous une preffe def- tinee a cet effet •, 2°. Ieur epaiffeur, qui doit etre de quatre lignes en par- tant du fond, pour les coupelles fimples , & a proportion pour celles qui feront doubles ou plus grandes; 30. l'unifv/rmite du plomb , qui doit etre neuf , & le plus pauvre qu'il eft poflible ; 4°. les doles de plomb qui doi- vent etre employees aux effais des difterentes matieres; favoir, pour l'ar- gent d'affinage , le double de fon poids , ou deux parties de plomb pour une d'argent; pour celui de vaiffelle , dont le titre eft a 1 1 deniers 1 2 grains, quatre parties de plomb; pour l'argent a 1 1 deniers & au-deffous, fix par- ties ; pour celui a ro deniers & au-deffous, huit parties; pour celui a « de~ niers & au-deffous , dix parties ; pour celui a 8 deniers & au-deffous , douze parties; pour celui a 7 deniers & au-deffous, quatorze parties; pour celui a 6 deniers & au-deffous, feize parties. 50. Enfin, l'uniformite des poids de femelle oil qui doivent fervir aux effais & la maniere dont ils doivent etre conftruits & etalonnes. Ce regle- ment (I fage, du aux foins & au zele de M. Bertin, alors controleur-gene- ral, & de M. Chauvelin, intendant des finances, fera un fruit des travaux de M. Tillet & de Mrs. Hellot & Macquer , qui ont porte fur cet impor- tant objet une lumiere qui y etoit fi neceffaire : en obfervant exaclrement tout ce qui eft prefcrit par le reglement , on fera toujours en etat d eva- luer ce que les coupelles auront pu retenir d'arg;nt} & de fixer an jufte fon veritable titre. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 293 C II V M I E. OBSERVATION C II Y M I Q U E. Ann4 ABREGE DES.MEMOIRES, &e. II paroit en general que cette matiere ne peut etre attaquee que par des diflblvans tres-volatils , & que meme en ce cas ce n'eft que la partie de ces diffolvans la plus volatile qui agit fur IuL Dans cet etat de diffolution ou de ramolliuement , on en peut faire toutes fortes d'ouvrages , & M. He- riffant penfe qu'il pourroit etre fur-tout d'un tres-grand ufage pour les bou- gies medicinales & des fondes tant pleines que creufes, qui feroient bien {his commodes, par leur flexibilite, que celles de metal, fur-tout pour es perfonnes qui font obligees de les porter continuellement, & qui font fouvent expofees a stre bleffees par la durete & la roideur des fondes de metal. ANATOMIE. ANATOMIE. D7 ANATOMIE. Sur les Plans musculeux de la tunique charnue ve l' est 0 mac humain. fA ftru&ure de h tunique mufculcufe de l'eftomac, a toujours etc' regardee par les anatomiftes, conimc trcs-difficile a ddvelopper. Heifter, a ., , ,. ' I \, J- II f .-in r ■ /T-l I ■ . . «ir i. ■ '"NATOMIB. en parlant d elle , dit qu ll eft preique impollible de denulcr 1 ordre & l'arrangement de fes fibres. On avoit cependant effaye de vaincre ces dif- Annie tyGi. ficultes, & on croyoit y etre parvenu; les plus habiles anatomiftes, a la „., tete defquels on peut mettre M. Window, regardoient cette feconde tu- nique comme compofee de deux plans de fibres, Tun interne & ['autre externe. M. Bertin y en a decouvert un troilieme immediatement place fur la tunique nerveufe ou veloutee, qui tapiffc le dedans de l'eftomac ; il rendit a l'acadcmie un compte fommaire de cette decouverte , en 1746, dans un memoire qu'il lut alors fur la ftructure de l'eftomac du cheval, & que l'acadcmie a publie dans fon volume de la raeme annee. {a) II avoit promis des-lors de donner line defcription plus detaillee •, il s'eft acquitte cette annee de fa parole. Nous ne rapportons ici la date dont nous venous de parler , que parce que les travaux de M. Haller 1'ayant, de fon cote, conduit au meme but, fans qu'il eut en probablement connoitfance de la decouverte de M. Bertin, il a publie la defcription de ce troilieme plan de la tunique charnue de l'eftomac, dans fa phiiiologie imprimee a Gottingue en 175 1 , & que la date de 1746 devient neceffaire pour affurer a M. Bertin l'honneur & la propriete de fa decouverte ; nous allons eiTayer d'en donner line idee. Tons les anatomiftes conviennent que l'eftomac humain eft compofe de quatre tuniques; la premiere, qui eft la plus exterieure, eft membrancufj ; la feconde eft charnue ou mufculcufe ; la troilieme eft appellee tunique nerveuje , & M. Bertin penfe qu'on pourroit, a raifon des vaifleaux qui s'y trouvent en grande quantite , la nommcr vnjculo- nerveufe ; la quatricmc enfin, qui eft la plus interne, fe nomme tunique velout/e , dans laquelle font comme enchafles philieurs petits grains glanduleux & quelqucs glandes un peu plus groffes , mais en aflez petit nombre. M. Bertin n'entreprend , dans ce memoire, que 1'examen de la fju'c tunique charnue ou mufculcufe-, on la regardoit, avant lui, comme com- pofee de deux fails plans de fibres, & les obfervations de M. Bertin lui ont fait voir qu'il y en avoit encore un troilieme qui avoit jufqu'ici echappc aux regards des anatomiftes. CO Voyez Hilt. 1746, & M3 ABREGfi DES MEMOIRES mSSSSSSSSSS Le premier plan eft prefqu'entierement compofe de fibres, qui tirent leur origine des fibres longitudinalcs de l'cefophage ■, elles partent de l'in- fertion "de ce dernier pour fe repandre fur les parties anterieures , pofte- Annie TjGt. rieures & laterales de I'eftomac, qu'elles parcourent plus ou moins obli- quement. Le fecond plan eft compofe de fibres circulaires perpendiculaires a la longueur de .I'eftomac i ces anneatix mufculeux font ranges parallelement les uns aupres des autres, & communiquent enfemble par des fibres obli- ques ; ils font moins forts & moins complcts fur la partie qui fait le cul- de-fac de I'eftomac, qu'aux environs du pylore & de la petite courbure ', mais nous allons bientot voir que cette partie de I'eftomac n'en eft pas moins forte, & qu'ils y font remplaces par les fibres du troiGeme plan decouvert par M. Bertin , & duquel nous allons parler incelf.imment. La plupart des anatomiftes admettent cntre ces deux plans, des fibres obliques, qui fembleroient donner ridee d'un plan intermediaire •, mais M. Bertin s'eft allure par un tres-grand nombre de diffeeHons faites avec le plus grand foin , que ces fibres li'exiftorent poiit, & qiu les deux plans ctoient abfolument contigus. Sous le (econd plan des fibres circulaires , dont nous venons de par- ler , il s'en trouve conftamment up troilieme , que les obiervations de M. Eertin lui ont fait decouvrir; il confide en line forte & large bande chainue , jettee obliqirement & en forme decharpe fur la partie gauche de l'orifice fuperieur de I'eftomac, & dont les extremites allant obiiquement de gauche a droite, s'epanouiirent & deviennent tendin.'ufes avant que d'arriver a la grande courbure : celles de ces fibres qui vont a droite , font prefqne policies a la longueur de 1'eftomac; elles s'approchent le plus de la petite courbure, mais cependant fans la recouvrir-, elles font ties- fortes & tres- marquees. Celles qui vont a gauche, fe repandent fur les faces du cul-de-fac de I'eftomac, & celles- ci ceffent bientot de s'avancer en droite ligne pour prendre line direction prefque femblable a celle des fibres circulaires du fecond plan , fuppleant par ce moyen aii defaut de ces dernieres , que nous avons dit etre en cet endroit moins fortes que par-tout ailletirs; enfin les fibres qui repondent aux faces anterieures & pofterieures de I'efto- mac , s'y repandent obiiquement, devenant de plus en plus divergentes , a mefure qu'elles s'avancent, & elles coupent a angles tres-aigus les fibres circulaires du fecond plan. II fuit evidemment de cette ftru&ure , que ce dernier plan eft line cou- che mufctlleufe , prefqu'univerfellement repandue fous le plan des fibres circulaires, excepte fur la petite courbure, qui n'en eft que tres-peu re- couverte-, ce qui, pour le dire en paiTant, a pu empecher les anatomiftes d'en fiire la dccouverte, parce qu'ayant apparemment toujours commence leurs recherches par cette partie, oil les fibres du troilieme plan ne font pas fort fenlibles, ils ne font pas appercu , & ne font pas cherche dans le reftc de ce vifcere, ou fes fibres font confondues avec celles du plan a fibres circulaires. II eft en effet tres-facile de confondre ce troifieme plan DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 199 «vec lc fccond aux environs du cul-de-fac de 1'eftomac; il h'eft done pas - etonnant que les fibres de ce plan pouvant ctre facilement confondues \ N A T 0 _v , f. dans un endroit avec celles du plan qui le recouvre , & n'exifhnt qu'en trcs-petit nombre dans un autre, Pexiftence du plan foit demeuree incon- Annie 1161. nue, jufqu'a ce que M. Bertin ait force, pour ainfi dire, par des rechcr- ches plus exactes , la nature a fe declarer. II fuit encore que le troiheme & dernier plan foumit des fibres en plus grand nombre, plus fortes & plus fenfibles que le plan externe, & qu'il touche immediatement la tunique nerveufe, excepte fur la petite courbure, ou fes fibres manquent, & ou la tunique nerveufe eft recouverte imme- diatement du fecond plan a fibres circulaires. II refulte enfin des obfervations de M. Bertin , que les fibres du plan externe touchent immediatement les fibres circulaires du fecond plan , fans qu'il y ait entre deux aucun plan mufculaire ni aucun ordre dc fibres. II eft bien fingulier qu'une partie (i confiderable d'un organe effentiel , & qui a ete de tout temps 1'objet des recherches des anatomiftes, ait pu fe derober li long- temps a leurs regards. Sur quelques vices des votes urinaires & des parties de la generation. o 'n ne pent obferver avec trop de foin les phenomenes finguliers qu'of- Hift. fre l'etude de la phylique ; les erreurs meme de la nature font fouvent inf- trudives , & peuvent fervir a eclaircir tine infinite de points intereilans , qui feroient toujours des enigmes dans l'etat naturel. Au mois de fevrier de cette annee, M. Tenon fit voir a l'academie un homme age de trente-fept ans, qui lui avoit ete adreffe par M. Bourgelat , correfpondant de l'academie. Cet homme avoit fur les os pubis line tumenr a-peu-prcs de la groffeur d'un ccuf d'oie , rouge, grenue, excoriee dans quelques endroits, & par- tout cxtremement fenlible. Le grand diametrc de cette tumeur s'etendoit de gauche a droite : elle s'elevoit du milieu d'un enfoncement prefque quadrangulaire , 8c vers fa partie inferieure on ob- fervoit deux petits trous places, l'un a droite & l'autre a gauche, par lef- quels Purine s'ecouloit involontairement ■, le nombril n'etoit pas a fa place ordinaire, mais litue immediatement au-deffus des os pubis, ou on le dif- tinguoit par line efpece de petit pli de la peau , en forme de croitfant , place au-deffus de la tumeur-, fous cclle-ci etoit line efpece de verge longuc d'un ponce & demi, fen due en deffus dans toute fa longueur , ainli que le canal de l'uretre , qui s'y trouve place, au lieu d'etre en deffous , corame dans la fituation naturelle, & ce canal ainfi ouvert n'aboutiffoit a aucune cavite -, on fentoit au taft dans des plis de la peau (itues dans les aines deux corps de la forn-.e'& du volume des tefticules, a chacun defqtiels fe ren- doit un cordon-, dans le pli de Paine gauche, on obfervoit de plus line defcente qui rentroit a la moindrc compreffion -, & dans f endroit ou auroit Pp ij A K A T O :.i I E ,00 ABREGE D E S MEMOIRES' du etre le fcrotum, il n'y avoit qu'une peau dure, gercee & comme clu- grinee. Cet hurarae ne paroir avoir rien d'efKmine.; les nuifcles font gros & forts-, il eft extremement barbu & d'un poil noir-, fa voix, qiii eft une Annie 1161. taille foible, avoit ete d'abord, a l'ordinaire, un buffet; elle mua a l'age de dix-huit ans 8c devint rauque, comme la^voix devient en ce cas; mais cctte raucite, qui fe diflipe ordinairement , a fublifle-, ce qui donneroit lieu de prefumer qu'il eft refte dans I'etat de la puberte commencante ; il fe porte bien , n'a jamais ete malade qu'une fois ; il eft ordinairement rela- che, mange & boit fort peu, & prefque tou jours fans appetit & fans foif; fa memoire, fon efprit & fes fens, li on en excepte celui du gout, font excellent j il n'a jamais fenti aucun defir des femmes , & il allure que 1'efpece de verge qu'il a , n'a jamais eu d'adtion dans aucune circpnftance. Cette conformation fi linguliere n'avoit point etonne M. Tenon : il s'e- toit rappelle plufieurs faits du meme genre, qui I'avoient mis en etat de reconnoitre quelles etoient les parties ainfi dehgurees , & qui le conduili- rent a des obfervations tres-curieufes , dcfquelles nous rendrons compte, apres avoir rapporte fommairement les faits dont nous venons de parler. Le premier eft cite par Bakius dans fes obfervations de medecine; il y parle d'un homme de trente-cinq ans, qui n'avoit point de veffie i_ les ureteres, qui etoient beaucoup plus grands que dans fetat nature!, fe joi- gnoient enfemble vers le pubis, & de-la s'elevoient jufqu'a l'ombilic , oii ils aboutiffoient a un petit trou par lequel l'lirine s'ecouloit involontai- rement. Le fecond eft l'obfervation communiquee a l'academie en 1741 , par feu M. Lemery, il s'agiffoit d'une fille dans Iaquelle il ne paroilfoit aucun fexe; elle avoit feulement de la gorge , & au-deffous du nombril line tumeur groffe comme une pomme, percee de petits trous en forme d'ar- rofoir, par lefquels s'ecouloient les urines. On pourroit y joindre lePatre, dont parle Montague , age de trente ans ou environ , auqucl il ne paroif- foit aucune des parties qui cara&erifent le fexe mafculin , & qui rendoit 1'on urine involontairement par trois trous ; celuici etoit barbu , & pa- ioiffoit defirer la compagnie & l'attouchement des femmes. Les exemples que nous venons de rapporter, fourniffent feulement des faits a-peu- pres femblables a celui duquel nous avons parle d'abord ; les deux qui vont fuivre ont donne quelque chofe de plus a M. Tenon, 8c l'ont mis a portee de reconnoitre ce que c'etoit que cette conformation , qui paroit au premier coup-d'ail (j extraordinaire : ces deux exemples font pris fur deux safaris que M. Tenon a pu diflequer apres leur mort. Le premier, age de deux mois, n'avoit aucune ouverture a la verge; elle etoit comme divifee en deux teres a fon.extremite, l'une formee par les corps caverneux, & l'autre par le gland : hh racine de la verge on obfervoitun enfoncement oblong, place precifement au-deffus du pubis, dans lequel fe trouvoit un corps membraneux de la groffeur & de la figure d'une mure, pliffe & brmv, deux ligncs au-delius de ce corps etoit un bouton cutane gros comme un pois, & on obfervoit fur les deux cotes deux tumeurs qui bordoient l'enfoncemeut oblong dont nous venons de DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 301 n.irlcr ; Ie fcroium, les tefticules & les vaiffeaux fpermatiques etoicnt dans — leur cut naturel, h ce n'eft que les vaiffeaux deferens, fe rerminoient, cha- A cun de leur cote, dans le baffin a deux tubercules blancs, qui ne paroif- N A T ° M ' E" foient avoir mediatement ni immediatement aucune communication an Annie 1761. dehors. ' A l'ouvcrture du cadavre de cet enfant, M. Tenon chercha inutilement la veffie; pour s'affurer de l'endroit ou die pouvoit etre, il fouffia par les ureteres, perftiade que par ce moyen il alloit Li feire gonfler; mais il fut bien (urpris de voir que le vent sechappoit par deux petits trous fitues a droite & a gauche de cette tumeur externe & mcnibrancufe , que nous avons dit reffembler a tine mure; il foupconna auffi-tot que cette tumeur pouvoit fort bien etre line portion de la veffie, qui formoit la une hernie; & dont le rede avoit etc detruit ou ne s'etoit pas dcveloppc. Pour s'en eclaircir, il fuivit avec attention les arteres, les veines ombi- licalcs & 1'ouraque, toutes parties qui aboutilk-nt a la veffie, & il trouva qu'effectivement dies fe rendoient a la tumeur membraneufe, commc dans I'etat nature] , avec cette difference que 1'ouraque aboutilioit a ce bouton cutane, place au-deffus du pubis, que M. Tenon reconnut par ce moyen pour l'ombilic qui, an lieu d'etre litue a ['ordinaire, etoit feirfement place plus bas •, ce qui rendoit les arteres ombilicales & 1'ouraque beaucoup plus courtes qu'eiles ne devoient etre naturellemcnt, & la veine ornbilicale, qui fe teiminc au fine , beaucoup plus longue. L'autre enfant, age de trois mois lorfqu'il mourut, offrit a M. Tenon les merries phenomenes, a cela pres que prefque tous les organes de la ge- neration nunquoient; il n'y avoit ni proftates, ni veficules feminales, ni verge, ni fcrotum; M. Tenon trouva fculement dans deux plis formes par la peau des aines, 1111 tefticule de chaque cote, garni dun epidydime & d'un canal deferent; mais celui-ci fe terminoit en dedans a un tubercule blanc & fans cavite & fans iffue. II eft done plus que probable que , dans tous les cas dont nous avons parle ci-deffus, la conformation monftrueufe etoit une veritable hernie de la veffie, fortie par la ligne blanche, & qui n'avoit pu entniner aucune autre panic pour Iui fervir de fac herniaire, puifque e'etoit la partie in- terne de ce vifcere qui etoit fortie la premiere, & qui formoit l'enveloppe exterieure de (a tumeur. Les differences qui fe rencontrent entre les deux enfins qua diffeques M. Tenon, & l'adulte dont nous avons parle, tiennent a une autre mala- die qu'il a, & que les enfans auroient eu probablem :nt, s'ils avoieat v&aa: une defcente dinteftins accompjgne celle de la veffie, qui Iui Lrt de fac herniaire; on la fait aifement rentrer par le tact; & li le majade toufle en ce moment, le doigt reffent a l'inftant 1'imprellion du raouvement que Ie diaphragrne communique a tout le paquet inteftinal ; U hernie d'inteffin rentre meme prefque entierement d'elle-meiue, quand cet homme de- nieure long-temps couche, & alors la fumcur caufee pat la v (5c, diminue confiddrablement de volume; enfin la fen ibilite, la rougeuj, 8c meme les ccorchures font des fuites naturelles de la mal-proprete, du i'ejour conti- A N A T O M I E. pi ABRE&i DES MEMOIRES ! nuel de l'urine, & du frottement des habits contre une membrane qui, dans l'etat naturel , n'eft nullcment faite pour refter expofee a de fembla- bles accidens. Voyons prelentement le parti que M. Tenon a fu tirer de Anncd inGi. cette ftru&ure hnguliere une foisconnue, pour l'eclairciffement d'un point trcs-intereffant de 1'cconomie animale. La manicre dont l'lirine fe rend dans la veffie, a ete jufqu'ici an phe- nomene fur lequel Ies anatomiftes ont ete pen d'accord -, tous conviennent que cette liqueur fe fepare du fang dans les reins , & eft conduite de-la dans la veffie par les uretes : mais comment expliquer par ce moyen plu- fieurs phenomenes qu'on obferve journellement •, pourquoi on rend avec tant de promptitude certaines eaux minerates •, pourquoi les premieres uri- nes qu'on rend , apres avoir bu beaucoup , font tres-peu colorees , tandis que celles qu'on rend enfuite le font beaucoup-, pourquoi difterentes fubf- tances, comme la terebenthine , les afperges, le cafe, les betteraves, l'in- fulion de garence donnent de la couleur ou de l'odeur tres-promptement aux premieres urines , & n'agiffent que pen ou point du tout fur les fe- condes? Ces faits avoient paru fi difficiles a expliquer, en ne fuppofant que la feule route des ureteres, par laquelle les urines fe puffent rendre dans la veffie, que Willis, feu M. Morin, de cette academie, & plufieurs autres anatomiftes avoient cru devoir admettre line feconde voie par la- quelle elles y puffent cntrer. Willis fuppofe des tuyaux, communiquant immediatement de l'eftomac a la veffie ; mais perfonne jufqu'ici n'a pu les trouver ni les demontrer. M. Morin a recours a la porofite de l'eftomac & de la veffie-, & pretend que 1'eau les penetrant Fun & l'autre, e'eft par cette voie que les premieres urines fe rendent dans celle-ci. Pour decider la queftion , il auroit fallu voir dans un homme vivant ce qui fe paffc dans l'interieur de la veffie, & y obferver la qtiantite d'u- rines que les ureteres y verfent en differens temps, & la qualite qu'elles ont. L'occafion de faire une obfervation li finguliere s'eft une fois offerte a Francois Collot, fameux litotomifte. La veffie d'une femme, a laquelle il venoit de tirer une pierre enorme, refta affez dilatee pendant environ une demi-heure, pour lui permettre de voir, a la faveur d'une bougie, l'urine fortir goutte a goutte de l'embouchure des ureteres : mais quelque cu- rieufe que foit en elle-meme cette obfervation , elle ne pouvoit donner aucunes lumieres fur la difficulte en queftion , & probablement on ne fera jamais tente de la repeter. Mais dans le fujet dont nous avons donne la defcription , les embouchu- res des ureteres etant abfolument a decouvert, on pent, fans aucun incon- venient , obferver a loilir ce qui s'y paffe , & tenter des experiences qui ne feroient pas praticables dans toute autre circonftance. M. Tenon na pas manque de proliter de cette occafion, & voici le refultat de fes expe- riences. L'homme en queftion n'ayant ni bu ni mange •depuis dix ou douze heu- res, & s'etant un pen repol'e, il fortoit pendant l'efpace de deux minutes, environ fept gouttes d'urine de l'extremite de l'uretere gauche, & !ix gout- tes de l'uretere droit. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 305 Lorfqu'il s'agitoit en marciuiit on en faifant quelque exercice de corps il fortoit de l'un & de 1'autre nretere , cinq, (ix, iept, huit, nenf, dix ' . onze & jufqu'a douze gouttcs d'lirine par minute-, peut etre an exercice °M ' plus 1 >ug ou plus violent en pourroit-il faire fortir dav.intage. Environ une Annie 1761 dcmi heure aprcs avoir bu une demi-bouteille de vin blanc.que M. Te- ' non lui fit prendre comme diurctique, les gouttes augmenterent de nora- bre & de volume-, il en fortoit fept a huit de fuitc de chaque uretcre,. mais toujours plus du gauche que du droit, & dies faifoient une petite faillie avant que de fe detacher, fans cependant former encore un jet : ce jet vint enfuite, & dans le fort de la fecretion , les gouttes s'alongeoient en filet continu, qui s'elancoit a la diftance d'environ (ix lignes; enfin dans l'efpace d'une heure & demie il avoit rendu par les ureteres, d'abord une urine bhnche, fereufe & fort peu odorante, & enfuite une plus chargee, & le tout enfemble egaloit a-peu-pres les trois quarts de la demi bouteille qu'il avoit bue il y avoit deux heures. La meme chofe n'arrivoit pas , lorfque c'etoit de lean qu'il avoit bue -, le cours & la quantite des urines n'augmentoient pas a beaucoup pres, audi promptemenf, il fe palfoit quelquefois une heure & dimie avant qu'on remarquat une acceleration fenlible dans le cours des urines, & une aug- mentation dans la quantite qui fortoit des ureteres. Ces observations de M. Tenon , d'autant plus conciliates qu'elles ont ete taites lur un fujet d'ailleurs tres-fain, ne detruifent pas abiolument le fentiment de Willis, ni cclui de M. Morin -, mais tiles font voir qu'on pent, fans avoir recours aux expcdiens qu'ils out propofes, expliquer Temiffion prompte & abondante de l'urine , & la difference entre les premieres uri- nes claires & celles qui viennent enfuite plus colorees -, les unes & les au- tres font revues evidemment par les ureteres dans le fujet en queftion : il Ji'eft done nullement neceffaire de recourir a des canaux inconnus ou a la porofite de la veffie, pour expliquer la promptitude avec laquelle les uri- nes coulent dans certains cas, & leur difference de contain e'eft porter un terrible coup a une hypothefe, que de faire voir qu'on peut expliquer fans fon fecours, le phenomene qui y a donne lieu. ;o+ ABREGi DES MEMOIRES A N AT O.M I E. Annie inGi. $ur la maladie des chevaux qu'on appelle la Morve. L, Hift. I jes animaux abandonnes a eux-memes, font fujets a peu de maladies; les execs & les maux qu'ils produifent, leur font egalement inconnus; mais ceux qui font dcltines a etre, pour ainti dire, domeftiques de l'homme , paient ordinairement les charges de cette fociete, par les maladies plus on moins nombreules qu'elle entraine neceffairement avec elle. . Le cheval eft peut-etre , de tous les animaux domeftiques, celui qui s'y trouve le plus fouvent expofe , les travaux penibles & forces auxquels on l'emploie; le froid auquel il eft fouvent expofe, lorfqu'une -agitation vio- lente vient de i'cchaufrer , & mille autres accidens qu'il feroit trop long de decrire, font pour lui la caufe d'une infinite de maladies. Une des plus & craindre eft celle qu'on nomme la morve ; elle eft d'au- tant plus redoutable qu'elle avoit toujours ete regardee comme incurable, & qu'elle a la funefte propriete d'etre contagieuie •, ce qui obligeoit de faire tuer , fans diftinction, tous les chevaux qui en etoient attaques. Une fi terrible maladie meritoit bien qu'on fit les derniers efforts pour en trouver le remede ; mais ces efforts avoient toujours etc inutiles : ce n'eft que depuis affez peu de temps qu'on commence h pouvoir efperer d'y reuflir, & il ne fera peut-etre pas inutile de remettre ici fous les yeux du leclreur, les tentatives qui ont ete faites fur ce fujet, avant que de par- ler des obfervations de M. Malouin , defquelles nous avons a rendre compte : nous allons effayer d'en prefenter le tableau. En 1749, M. la Fofle, marechal des ecuries du roi, prefenra a l'aca- demie un memoire, dans lequel il fait voir que la morve, qu'on avoit crue jufqu'alors une maladie des vifceres de l'animal, etoit 1111 vice purement local , qui attaquoit la membrane pituitaire •, il appuya fon opinion fur l'ou- vexture de pluiieiirs chevaux morveux , dans lefquels cette membrane, & particulierement la partie qui revet les cornets du nez, etoit enflammee, tumefiee, ulceree & comme chancreufe, & les glandes fublinguales dures & engorgees; ce qu'on exprime en difant que ces chevaux font glandes, quoique les poumons Sc les autres vilceres de ces animaux fuffent fains: il fit plus, pour faire voir que la morve etoit un vice purement- local, il entreprit de la donner ^ des chevaux bien fains, & il y reuffit, en leur feiinguant dans les narines une liqueur corrofive , qui put enflammer la membrane pituitaire; les chevaux devinrent morveux & glandes, foit des deux cotes, foit d'un feul, felon que l'injec~tion avoit etc faite par les deux nafeaux 011 par un feul; il ajouta que l'exercice de fon art lui avoit offert line trcs-grande quantite de circonftances dans lefquelles la morve etoit venue, a la fuite de coups portes fur le nez de l'animal. Le traitement propofe par M. de la Fofle etoit abfolument conforme a^ ce fyfteme; il n'admettoit aucun remede interne, & portoit feulement fes vues fur le derangement furvenu dans la membrane pituitaire, qu'il atta- quoit DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ?o5 quoit par des injedions vulncraires, deteruVcs , en un mot appropriscs j ' ■ la maladie ■, & mcme pour fe faire jour dans les occafions on it etoit nc- a N . 0 „ ceffaire, il n'helitoit point a penetrer dans les cavites ofleufes dont nous avons parle , par le moyen du trepan , a l'aide duquel il y faifoit les ouver- Annie Ij6i, tures & contr'ouvertures neceffaires pour 1 ecoulement de i'hunicur & des injedions •, il a fait voir mcme par plulieurs experiences taites en prefence des comiv.illaires de 1'academic, que ces ouverturcs n'ctoient ni inortelles iii dangeuufes. II femble qu'on puifle legitimement inferer de ce que nous venons de dire, que la morve eft, comme le pretend M. la Fofl'e, un vice purement local. Void cependant d'autres oblervations qui fcmblcnt la remettre dans la daffe des maladies liumorales. Les fondions que M. Malouin exerce a la cour, l'ayant mis a portee d'examiner plulieurs chevaux des ecuries du roi, atteints de cette maladie, il entreprit de fuivre cet objet intereffant •, & voici le refultat de fes ex- periences qu'il a communiquees a l'academie. Le premier pas qu'il fit dans cette recherche, fut d'employer l'examen anatomique •, plulieurs chevaux morveux depuis plus on moins long-temps furent ouverts; le cerveau , dans tous, fe trouva fain-, mais la membrane pituitaire etoit toujours rouge, plus epaifie & plus lache que dans l'etat naturel , & plus ou moins garnie d'une matiere femblable a celle qu'avoient jette les chevaux : elle n'etoit pas egalement affedee dans tous •, dans let uns , il n'y avoit qu'une partie de cette membrane qui portat le caradere de la maladie-, dans d'autres, elle etoit totalement vicice & ulceree : le voile du palais etoit le plus fouvent affede , & il paroiffoit mcme , dam un grand nombre , que e'etoit de cette partie que decouloit principale- roent la morve. Dans prefque tous, les poumons etoient malades, 8c plus on moins rem- plis de tubercules & de petits abecs remplis de la matiere de la morve ; fouvent le foie avoit de grandes taches blanches, fur-tout a fa partie con- vexe -, & fous ces taches , on trouvoit prefque toujours des abces fembla- bles a ceux du poumon , & remplis de la meme matiere ; quelquefois le mefentere , les reins, le pylore & la trachee-artere en etoient attaques •> mais tres-rarement l'eefophage, l'eflomac, les inteftins & la rate partici- poient a la maladie. Plus la maladie etoit ancienne, plus il y avoit de ces parties attaquecs: dans ceux qui n'ctoient malades que depuis peu de temps, on ne rrou- voit que la membrane pituitaire viciee-, mais dans ceux qui 1'etoient depuis long- temps, on trouvoit toujours d'atitant plus de vifceres attaques, qu'il y avoit plus de temps que le mal avoit commence. Muni de toutes ces connoillances , M. Malouin engagea M. Servicr, marechal de la petite ecurie, a demander qu'il lui flit permis de trairer des chevaux attaques de la morve , & les experiences dont nous allons donn-r le precis, ont etc faites fous les yeux & par les ordres de M«- les ecuycrs du roi. Tome XIII. Partie Franfoi/e. Qq }0« ABREGi DESMEMOIRES i i ggg Le premier fujet fur lequel elles furent tcntees, etoit un cheval de " felle, :igc d'environ dix ans , glande du cote droit, ou hors le montoir, A n a t o w 1 E. & jcrtant une nlorve tres-fctide par h narine du meme cote, qui etoit Annie 1761. elle-meme attaqude & chancreufe. On donna a cet animal, line fois par jour, de I'arthiops antimonial , ln- vente par M. Malouin (a), & une fois de la pervenche hachee & melee avec du fon ; on le mit a l'ufage d'une eau blanche faite avec de la pate levee •, on fit trois trous de trepan pour penetrer dans les linus , & pour injecler par ce moyen la membrane pituitaire, d'abord avec la decoclion d'ariftoloche, enfuite avec l'eau vulneraire, & fur la fin du traitement avec l'efprit de vitriol-, on le purgea tous les lmit jours-, on fit une incilion pour decouvrir la glande tumefiee, qui ne cedoit pas atix remedes , & on y ap- pliqua un cauftique qui la fondit; on le promenaau foleil, & on obferva de le bouclionner ties fouvcnt lorfqu'il etoit a l'ecurie. Au bout d'environ quatre mois de ce traitement, le cheval n'avoit plus aucun figne de morve, & on celfa de lui continuer les remedes, quoique M. Ma'.ouin fut d'avis de n 'eloigner les purgatifs que peua-peu, pour met- tle l'animal a couvert de toute recidive -, mais trois mois s'etant encore ecoules, & le cheval ayant ete juge ties-fain, & ayant meme repris de I'em- bonpoint, on le remit au travail, qu'il foutint tres-bien pendant trois mois, & qu'il auroit probablement foutenu plus long-temps, Ii le bien du (ervice n'avoit engage M"- les ecuyers a le faire tuer, pour juger par I'ouverture de fon corps , de l'effet des remedes : on en trouya toutes les parties fai- nes, a 1'exccption de la membrane pituitaire, du cote droit duquel le che- val avoit jette, qui parut encore un pen enfiee & imbue d'une humeur de morve; ce qui marque que'ce cheval n'etoit pas a couvert de recidive, & qu'il auroit eu reellement befoin de la continuation du traitement que M. Malouin vouloit qu'on lui fit. Le fecond cheval qui fut foumis aux experiences , etoit age de douze ans; il etoit poulTif, & battoit du flanc depuis long-temps; il etoit glande du cote du montoir , & il jettoit par le nafeau de ce meme cote une morve tres-fetide. II fut traite, comme le premier, avec l'aethiops antimomal & la perven- che; mais on ne lui fit aucun trou de trepan, aucune injedion, ni aucune fumigation par les nafeaux ; on ne fit aucune incilion fur la glande, & on n'y appliqua aucun cauftique; on le purgea feulement d'abord de hint en huit jours, puis de quirlze en quinze, & enfin on eloigna les purgations infenliblement. ; Ce traitement a fuffi, pour que le cheval ait ceffe de jetter & de battre du flanc; la refpiration eft devenue libre, & il n'a plus toulfe; en un mot, on l'a juge gueri de la pouffe & de la morve, & au bout d'environ lix mors on l'a remis a travailler avec les autres chevaux de l'attelage du r.oi, dont (a) Voyez Hiftoire 1750. Colleft. Acad. Part. Franc. Tome X, & la Cbymie midi- ciiwlc de M. Malouin, T. 11. p. J6y. DE L'ACADEMIE ROYALE DES .SCIENCES. rr >1 fait partie, & c'tft achiclkmcnt celui de tous qui fatigue le plus, ctant ■— — — ^— ■ charge dii poftillon ; la feule precaution qu'on ait prife, eft de le pureer « de tcinps en temps, &: M. Malouin a obtenu quon la continual , & que ce cheval ne flit jamais re-forme, pour voir ce qu'il en arrivera. Annie tj6i. Le troifieme cheval etoit morveux au dernier degre; les os mcrae de la tete du cote droit, etoient tumefies; il etoit glande, & jettoit de ce cote Une morve trcs-fitide, rouflratre, & fouvent melee de fang; la nariue etoit chancrcufe, & pendant qu'on le traitoit de la morve, il fut attaque du farcin. On fit h ce cheval trois trous de trepan , & on inje&a les firms avec une liqueur vu'nersire; on lui fit prendre de la poudre d'ariftoloche & dc la pervenche, tin pen d'sthiops antimonial, & il fut purge quelquefois. L'ufage de ces remedes fit ailez promptement dilparoitre le farcin ; mais la morve tint ben , & ne fe diffipa jamais entierement ; clle diminua ce- pendant, & devint de bien moins mauvaile qualite : lorfque le cheval a commence h jetter moins du cote droit, il a jette aulli du cote gauche, & a continue a jetter des deux cotes, fans jetter cependant pour cela davantagei au contraire, la quantite etoit moindre, il a meme ete plulieurs jo#rs ians jetter, & la morve, fur-tout vers la fin du traitement, etoit devenue blan- che, inoins epaifle, & fans mauvaife odeur; la glande du cote droit fut attaquee par un cauttique, qui en fit lortir une liqueur purulente, lembla- ble a de l'eau de favon ; les os qui etoient turneries , revinrent dans leur etat naturel •, feulement les purgatifs ayant etc negliges pendant quelque temps, il parut au jarret gauche une enflure qui le diffipa par Tillage de ces remedes ; Tanimal meme avoit repris de l'embonpoint. Malgre cela, la guerilon de la morve n'avancoit point; le cheval etoit dans les remedes depuis deux ans, & la derniere annee n'avoit paru pro- curer aucun foulagement ; MIS- les ecuyers jugerent a propos de le faire tuer, & voici ce que M. Malouin obferva a Touverture de fon corps, qui fut faite en fa prelence. La tete paroilloit dans fon etat naturel, excepte au cote droit, ou les finus zygomatiques & maxillaires etoient encore imbus de 1'huaieur de morve, & ou la tuberolite meme de l'os maxillaire en etoit penetree ; il y avoit un refte de glande adherent a la ganache ; le lobe droit des pou- mons etoit interieurement rempli de tubercules & exterieurement parleme de taches bleuatres ; il y avoit un petit abces a la rate ', le refle du corps etoit parfaitement fain. Ces obfervations ferablent replacer la morve au rang des maladies hu- morales, puilqu'elles offrent une gucrifon complete d'un cheval morveux, operee par les feuls remedes internes , & fans aucunes injections qui puf- fent attaquer le vice local , 8t dies s'accordent en ce point avec les remar- ques qu'avoit fait M. Malouin a Touverture des chevaux qu'il avoit pre- cedemment difieques. Malgre cet accord, le fentiment qu'il appuie a etc attaque par M. la Foffc le fils : qui dans un memoire qu'il prefeuta a Tacademie, & qu'elle a def-j Q4 >i jo8 ABREGi DES MEMOIRES tine a etre imprime dans Ie recueil des favans etrangers , perfifte toujours a „ . ^ regarder la morve comme un vice purernent local. L'academie, frappee de umportance de cette matiere , & perluadee de 1 utilite de ces recher- jinnee tyGi. ches, nomma des commiffaires , tant pour examiner l'ecrit de M. la Foffe, que pour aflifter a l'ouverture cju'il fe propofoit de faire de pluiieurs che- vaux morveux. Dans quatre chevaux morveux qui furent ouverts , il ne s'en trouva qu'un feul, fur Ie foie duquel on appercut quelqucs taches blanches, en- core n'etoient-elles que fuperficielles-, le refte des vifceres de cet animal, ainfi que tous ceux des trois atitres chevaux , etoient parfaitement lains-, on n'obfervoit de veftiges de la maladie que dans les lirius maxillaires & frontaux; & aux glandes lublinguales on de la ganache •, les poumons fur- lout parurent etre abfolument dans leur etat nature). Comment concilier des faits qui paroiffent audi oppofes que les obfer- vations que nous venous de rapporter, le font a celles de M. Malouin ? EMes peuvent cependant etre ramenees an meme point de vue, en diftin- guant deux caufes de morve proprement dite, la premiere externe , qui agit irmVediatement fur la membrane pituitaire, & l'aulre procedant d'une maladie preexiftante , qui en procurant l'ecouk'ment d'une ferofite acre par le nez , it rite la membrane pituitaire , & y occafionne ime inflammation. Les coups fur le nez, le refroidilfement trop fubit, une matiere corrolive refpiree ou injectee , feront au nombre des premieres caufes , & cette efpece de morve doit etre attaquee par les injections , les fumiga- tions , &-c. La pulmonic , la goiirme m align e , la courbature , le farcin & mille autres efpeces de maladie , peuvent etre regirdees comme caufe de la fe- conde efpece de morve , & il eft evident qu'on tenteroit inutilement de guerir celle-ci par des remedes topiques, puifque la caufe fubliftant tou- jours, la reproduiroit a chaque inftant, & qu'il fiut dans cette occafion detruire avant tout la maladie qui en eft la veritable fource : c'eft done alors aux remedes internes qu'il faut avoir recours, & il doit arriver fou- vent que, dans ce cas , le vice local fe guerira de lui-meme, lorfqu'on aura detruit la caufe qui l'entretenoit •, cette caufe meme doit etre aflez commune, parce que la pofition du voile du palais, qui s'abaiffe beaucoup dans le cheval , oblige tout ce qui peut fortir de la trachee-artere, d'enfi- ler la route des nak'aux, d'oii il fuit que le moindre vice du poumon doit prefqtie neceffairement fe communiquer a la membrane pituitaire •: les che- vaux attaques de la morve de la premiere efpece , conferveront leur force & kur embonpoint ; mais ceux qui feront arrectes de la feconde , (ouffri- ront plus ou moins, & feront deteriores, a proportion de la force & de la qualite plus ou moins mauvaife de la maladie qui en eft la principale caule. Mais ce qu'on ne doit pas perdre de vue, c'eft que la morve de la pre- miere efpece pent & doit aftedter les vifceres de i'animal, fi elle dure long- temps ; on fait avec quelle facilite les vauTeaux fauguins repompent des DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3c9 matieres purulcntes , pour les aller reporter aillcurs fur les parties ou le SSSBBI^B 'coins 3d f.ing eft le moins vif. I! doit done tres-fouvent arriver que la A morve mtme de la premiere efpece exige , lorfqu'elle a dure quelque NATO*"1' temps, les niemes remedes que cclle de la feconde, & peut-etrc lc-roit-il AnnJc tj6i, prudent d'adminiftrer en mime temps & les topiques & les remedes inter- nes ■, ce fcroit affurer le fucccs des uns & des autres fans aucun inconve- nient. Cette efpece de metaftafe paroit meme n'avoir pas ete inconnuc a Ariflote qui, en parlant de lane & decrivant line maladie de cet animal, qui rcileinble beaucoup a la morve, en diflingue deux efpeces, dont une qui fe borne a la tete & qu'il ne regarde pas comme mortelle , peut , dit-il, le devenir, li elle gagne le poumon. II relulte de tout ceci que les obfervations & les experiences de M. Ma- louin , quoiqu'en apparence tres-oppofees a celles de M. la Folic, fe peu- Vent concilkr avec elles, qu'elles n'otent point a ces derniers le merite & l'iionneur d'avoir decouvert le liege le plus ordinaire de cette maladie; niais les lines & les autres laiffent encore entrcvoir une longuc fuite d'ob- fcrvations neceilaires pour bien dilcerner les fymptomes qui en caraclrcri- fent les efpeces, celles qui fe peuvent guerir , celles qui font incurables, & enfin les difterens remedes qu'on doit employer , & qui doivent vrai- fcmblabkment varier autant que les maladies qui peuvent caufer ou ac- compagner la morve : quoi qu'il en foit, la reullite complete fiit-elle re- fervee a la pofterite , on devia toujours aux travaux dont nous venons de rendre compte, d'avoir mis les phyhciens & ceux qui s'occupent de la me- decine veteiinaire , a portee de combattre avec fucccs line maladie qu'on avoit toujours jugee incurable , & qu'il feroit cependant C\ interelTant de pouvoir guerir , ne fiit-cc que dans quelques cas particuliers. 5i» A B R E G E DES ME MOIRES A N A T O M I E. Annie i76i. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. L, Ilift. J Je i8 Juin 1758, le temps ayant ete ferein a Ninies tout le jour, le vent, qui etoit nord & ailez foible, fe rangea tout- a- coup a l'oueft vers les cinq heures; un feul eclair preceda tin coup de tonnerre qui, tombant dans uue aire decouverte ; oii plufieurs ouvriers travailloient, mit le feu a un gerbier ou meule de gerbes , & tua une femme-, comme elle n'avoit point change de couleur & qu'il ne paroiiloit fur elle aucune marque de coup, on la crut encore en etat d'etre fecourue , & on appella M. Razout, medecin de l'Hotel-Dieti de Nimes, & correfpondant de l'academie, qui ne put la voir qu'environ une heure apres l'accidenf, elle n'etoit nulle- ment noircie , & avoit conferve toute fa couleur naturelle •, les levres etoient un peu livides, & on obfervoit a la nuque du col , que les che- veux etoient brules dans 1'efpace de deux travers de doigt , & que la peau y etoit un peu ridee. Elle etoit effecYivement debout & la tete courbee lorfqu'elle fut frappee : M. Razout lui fit, a tout hafard, ouvrir la veine, le fang jaillit a un demi-pied, mais ce ne fut que pour bien peu de temps, car il n'en vint qu'environ une once ou le quart d'une palette •, ce qui eft cependant a remarquer : car probablement elle avoit etc tuee fur le champ, & par confequent une heure avant la faignee ; I'endroit ou etoit placee la brulure , & la violence ordinaire des coups de tonnerre ne permettent guere d'en doutcr. I I. Le merae M. Razout a envoye a M. Bourdelin Tobfervation fuivante, . dont l'importance a engage l'academie a la publier dans le plus grand detail. Mademoifelle ***, agee de vingt-deux ans , ne jouiffoit pas depuis quelque temps d'une fante parfaite, elle maigriffoit tons les jours-, elle louf- froit de temps en temps des douleurs vagues aux articulations, il lui fur- venoit des lallitudes fpontanees-, elle etoit fujette a des fluxions aux dents &: au vifage , a des catares, &c. Au mois de mai 1758, elle fut attaquee d'une toux continuelle , jointe a un nial de gorge violent & a une fievre aiguc qui redoubloit tous les foirs. Get etat alarmoit, avec railon : cepen- dant cet orage , qui n'etoit que le prelude des maux auxquels elle alloit etre expoiee , ceda au traitement methodique & au lait de chevre 'que prefcrivit M. Razout •, la malade fe remit affez bien , & aux laflitudes dou- loureufes pres, qui fe firent fentir de temps en temps, elle jouit , au moir.l en apparence , d'une allez bonne fante julqu'au printemps de l'annee fui- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCLS. jti vante 17^9, que le mal fe declara dans toute fa force, & que M. Razout' fur npp.-llc pour la fecourir : void l'ir du foulagemcnt; on ne voyoit dans la palette qu'uiie pellirule epaiffe de quclques lignes & d'un violet tres-fonce, nageant dans une feroiite claire & tenue. Les remedes les plus efficaces en pareil cas, furent employes par M. Ra- zout, drops acidules, minoratifs, elprit de cochlearia, petit-lait altere avec le crellon, tout fut mis en ufage; on effiya meme les frictions mercuriel- les , qui ne firent qu'augmenter le mal ; on attaqua les exoftofes avec les linimens, les baumes & meme la pommade mercurielle , on panfoit les chancres avec des digeftifs amines, le balilicum impregne de diverfes tein- tures fortes, & le baume verd •, on detruifoit les chairs bavenfes avec le precipite, & on fe fervoit pour les gencives & pour les ulceres de la bou- che, du collyre deLanfranc^ malgre tous ces remedes, fi naturellement in- diques, le mal augmentoit toujours, & la malade en etoit venue au point de n'avoir de repos ni jour ni nuit, fans que le lirop de pavot & les autres narcotiques qu'on lui donnoit, puffenr lui en procurer. L'etat dans hquel elle etoit alors, paroiMbit le detract period" de la maladie : en effet , on ne pouvoit guere en imaginer une plus trifte ni plus defefperee. Ce fut dans ces circonftances que M. de Sauvages, qui fe trouva alors a Nimes, ' confeilla a M. Razout d'employer la limple dio-ction du folanum fcandens ou dulcamara, qui lui avoit ere indiquee par M. Linnius, comme un fpe- cifiqiie contre ces fortes de maladies fcorbntiqaes. M. Razour rut beau- coup de peine a y faire conkntir les parens de la IXmoifelb malade, parce qu'on leur avoit infinue que cette plante etoit un violent poifon : ce- 5ii ABREGi DES MEMOIRES i pendant il vint a bout de les determiner , & on commenca a en faire ufage le 9 juillet , d'abord a ties-petite dole , & enfuite en augmentant peu-a-. ' pen. Annie 1761. ^es premiers effais n'en furenr pas henreux , les douleurs dans les extre- ' mites devinrent exceffives & infupportables; il s'y joignit des elancemens fi vifs dans la tete , que la malade difoir qu'il lui fembloit qu'on lui arra- chat les yeux. En eftet, ces elancemens augmenterent pendant les quinzc premiers jours , a un tel point que fes yeux fe troublerent , devinrent vi- tres, e'eft- a-dire demi-opaques & bleuatres , & quelle perdit abfolument la vue. M. Razout ne fe decouragea point par ce mauvais fucces, il fit con- tinuer le reniede avec plus de foin , & il eut enfin la fatisfadtion de voir, des les premiers jours d'aoiit , une diminution bien marquee des fympto- mes de la maladie, les douleurs diminuerent, les chancres donnerent une bonne fuppuration , les velicatoires coulerent abondamment, les elancemens de tete furent moins vifs & moins frequens , les yeux reprirent leur cou- leur naturelle & leurs fon&ions, les ulceres fe cicatiilerent, les taches dif- parurent, auffi-bien que la fievre, l'eltomjc !e retablit , & la malade re- vint peu-a-peu aux alimens folides que dfpuis long temps elle n'avoit pu foutenir; l'ufage du folanum continue jufqu'a la fin de feptembre, fit in- fenliblement difparoitre les exoflofes, les douleurs s'evanouirenr, le fom- meil naturel revint, les chancres & les ulceres fe guerirent totalement, les gencives reprirent leur fermete & leur couleur vermeille; enfin la malade paffa d'un etat prefque defefpere h une entiere guerilon, fans autre remede que le folanum dulcamara , li ce n'eft que , lorfqu'elle en cefTa l'ufage , M. Razout y fubftitua le lait d'aneffe pendant quelque temps-, & ce qui eft digne de remarque, e'eft qu'il n'eft furvenu aucun inconvenient pendant l'ufage de ce remede ; il n'a produit ni vertige tenebreux , ni ardeur de golier , ni aucun autre facheux fymptome, il n'a produit aucunes evacua-i • tions, ni par les felles, ni par les urines, ni par les iueurs; un jour feule- ment la dole du remede ay'ant ete mal a propos augmentee , la malade ref- fentit une ardeur dans l'enomac, qui rut fuivie de naufees & de vomiffe- mens , mais on en fut quitte pour ceffer l'ulage du remede pendant vingt- quatre heures , & tons les accidens cefferent. Le remede paroit done agir, pour ainli dire, par extin&ion ; il va chcr- chtr dans la maffe du fang le virus fcorbutique, qu'il combat & qu'il de- truit : il y a meme lieu de croire que e'eft fans retour; car M. Razout, qui a exprc-s attendu deux annees avant que de communiquer cette obferva- tion a l'Academie, n'a obferve dans la malade aucune marque de recidive; elle jouit d'une parfaite fante1; elle a eu depuis une fievre continue limple, qui a cede aux remedes ordinaires, & dont la convalefcence n'a ete nilon- gue ni laborieufe; ce qui n'auroit certainement pas ete, s'il y avoit eu la plus petite quantite de virus fcorbutique dans le lang. On peut done regarder cette plante comme un remede tres-efficace dans Je traitement de cette maladie , bien plus commune qu'on ne penfe. Void la maniere de l'employer. La DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5ij La plante eft le folanum /can Jens , ou dulcamara (a), vulgairement ! connu foils le nom de vigne de Judie ; elle eft tres- commune & tres- fa- ^ N A T 0 m I I. cile a elever. On prend , en commencant , on demi-gros de la tige recente ou fraiche de cctte plante, on en ore les feuilles , les fleurs & les fruits, Annie iy6l. on la coupe par petits morceaux , & on la fait bouillir dans feize onces d'eau de fontaine jufqu'a la diminution de moitie •, on coule cette decoc- tion , on la mele avec partie egale de lait de vache bien ecrsme , & on en fait boire au malade un verre de quatre heures en quatre heures ; on aug- mente peu-a-peu la dofe de la plante jufqu'a deux gros, du moinsM.Ra- zout n'a-t-il pas cte plus avant, & il n'y a pas lieu de prcltimer qu'aucun malade fe puifle trouver dans un etat plus deplorable que la demoifelle qui a fait le fujet de cette obfervation, & put exiger une plus forte dofe-, elle pourroit meme, comme nous 1'avons vu , etre fujctte a des inconviniens, &. c'eft a la prudence du midecin a en regler la quantite. I I I. On croit communement que les mulets ne font pas fujets, comme les chevaux , a la maladie qu'on nomme morve : voici cependant une obfer- vation qui prouve le contraire. M. Collet, gendre de M. la FolTe, mare- chal des ecuries du roi, a fait voir a l'academie la cloifon du nez d'un mulet qui avoit its attaque de cette maladie •, il y avoit du cote du mon- toir quatre grands ulceres qui penetroient la membrane pituitaire jufqu'au cartilage exclirfivement. Cette obfervation jufqu'a prefent unique dans le mulet , fait une dpoque dans la medecine veterinaire. I V. Le 18 novembre 1761 une femme de Ciudadella , ancienne capitale de I'iflc de Minorque , accoucha apres neuf mois de groffeffe & fans aucun ac- cident extraordinaire, d'un enfant monftrueux, qui ne vecut que trois heu- res; c'etoit un veritable cyclope, tels que les poe'tes les ont depeints ; ii avoit environ feize ponces de long; la tete etoit fort grofle, & le vifage large & tres applati en devant ; au milieu de la partie inferieure du front, a la hauteur ou font ordinairement places les deux yeux, il y en avoit un feul affez grand & ouvert, autour duquel on obfervoit trois efpeces d'in- cifions irregulieres; au deiTiis de cet ceil , a la diftance d'environ deux a trois doigts, il fortoit du haut du front une eminence pendante en forme de corne , mais molafle, & foils laquelle on trouva un fecond ceil, infiniment plus petit que le premier; il ne paroiflbit dans ce (ingulier vifage aucun veftige de nez, li ce n'eft qu'on crut en trouver l'ouverture fous la levre fuperieure ; la tete etoit garnie de beaucoup de longs cheveux , & les epau- les, le ventre & les cuifles remplies de poil. M. Mezeray, correfpondant de l'academie, auquel elle doit la defcription de ce monftre, auroit bien («) V. C. Bauh. Pin. p. 167. Infl. R. hub, Jt Tmn'firt, f. 149. Tome XIII. Partie Franfoife. R * i4 A B R E G E DES MEMOIRES ; voulu 1'avoir pour le conferver dans l'efprit de vin , on tout au moins pour le diiliquer ; mais jamais LI ne put y faire confer) tir les parens, queique A n a t o m i i. cnofe cju'il leur ofrrit : tout ce qu'ils voulurent bien lui permettre, ce fut Annie 1161. d'ouvrir en leur prcfence leminence charnue qui droit au haut du front, & fous laquelle fe trouva le petit ceil dont nous avons parle. II eft a pre- fumer qu'un examen plus detaille auroit pu prelenter queique fingularite in- tereflante ; ce n'eft pas la preii)iere fois que des prejuges de cettc efpece ont retarde les progres de l'anatomie. V. Il eft ne a Bernon en Champagne, en feptembre 1756, une fille qui ap- porta en naifiant toutes les marques exterieures de puberte-, agee feule- ment de quatre mois elle a commence a etre reglee , & l'avoit toujours ete, lorfque le 30 novembre 1760, M. Baillot , chirurgien demetirant a Ligneres, pres Tonnerre, en envoya l'obfervation a M. Morand, qui l'a communiquee a l'academie. Cette filJe eft incommodee la veille de fes re- gies, qui durent ordinairement trois jours-, mais des qu'elles paroiflent, clle reprend fon etat nature!, elle jouit d'ailleurs d'une bonne fante. II y a peu d'exemples d'une puberte auffi precoce. V I. L'acaijemie a fait part au public, dans le volume de 1756" (a), d'une obfervation (ingiiliere , qui lui avoit ete communiquee par M. Lardillon fon- correfpondant. II y etoit queftion d'une Jeune fille de Pomard, & demi- lieue de Beaume, qui avoit paffe pres de quatre annees fans prendre d'au- tre nourriture que de lean & fans pouvoir fe fervir de fes jambes, le tout accompagne d'accidens tres-extraordinaires & tres-facheux , & qui cepen- dant avoit ete guerie , fuivant le pronoftic de M. Lardillon , des quelle s'etoit trouvee atiiijettie aux evacuations de fon fexe. Ce fait (1 intereffant a ete fuivi par M. Lardillon, depuis l'ete de 1755 , ou finilfoit la relation qu'il en avoit envoyee, jufqu'en 1759', & voici le refultat de fes obfer- yations. La fante de Chriftine Michelot ( e'eft le nom de cette fille ) s'eft aflez bien foutemie depuis 1755 , quelle commenca ^ etre reglee, jufqu'en 17591 elle inangeoit afiez bien , mais ne marchoit fans bequilles que rarement, & dans des intervalles atfez courts. Au commencement du printemps elle ref- fentit dans les jambes des douleurs li vives & fi continues, que fes parens, efirayes, crurent devoir implorer pour elle la mifericorde divine, & la me- nerent en pelerinage a Notre-Dame de l'Etang, ou elle avoit deja ete au commencement de fa maladie. Elle y trouva en effet du fecours, mais d'nne £19011 differente de celle qu'ils avoient imaginee. La premiere fois , la violence de la foif qu'elle fouf- (O Voyez Hifi. 1756, CoIIeft. Acad. Part. Ftaaj. Tow XII. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 315 frit en revenant, lui fit faire des efforts qui lui dciicrent la langue; celle-ci, j les fecouffes qu'elle rccut pendant unc route de dix lk-ues, quelle fit en « charrette, les efforts qu'elle fit pour monrer, en fe trainant fur fes genoux, T ° M ' l" julqu'a la chapelle, lituce fur une montagne haute & roide, pour en def- Annt'c 11C1. cenJre de la mcrae maniere, & enluitc pour fe relever-, 1'act.ion meme dc l'imagination violemment echauffce , furent probablement les caufes phyfi- ques delquelles Dieu voulut fe fervir pour lui accorder le foulagement quelle demandoit. Elle revint en effet trcs-foulagee, & en etat non-feu- lement de fe foutenir, mais encore de fuivre les vendangcs avcc autaut d'exaiftitude que fes compagnes. M. Lardillon, qui l'a vue au commencement du mois de novembre 1759, la trouva marchant d'un pas ferme & aife^ & lui vit meme monter un ef- calier fort long & trcs- roide, il lui fit faire la reverence, & trouva quelle, plioit les genoux avec beaucoup de fouplefle •, mais le pere & la mere lui avouerent que, fur-tout depuis l'approche de l'hiver, ils s'appercevoient que la fante de leur fille etoit chancelante, & que fa guerifon n'etoit pas audi parfaite qu'ils l'avoient cru d'abord, fur quoiM. Lardillon les exhorta a conduire leur fille a Beaune, pour conliilter Mrs. Ganiare & Patin, me- decins de cette ville , fur ce qu'il y avoit a faire pour rendre cette gueri- fon complete. Elle fit le voyage a pied , & marcha plus dune heure dans la ville avant que d'arriver dans la maifon 011 M. Lardillon & ces deux meflieurs i'atten- doienf, aufTi elle etoit tres latfe & fort elfouflee : fes jambes & fes pieds parurent etre dans un etat naturel : mais cependant un peu d'enflure qu'on y remarqua au-delfus de la cheville, donna lieu a des queftions : il parut par fes reponfes que fes regies n'etoient pas telles qu'elles devoient etre , ni pour la quantite ni pour la qualite , 8c qu'elle rejettoit tous les alimens qu'elle prenoit excepte le pain & l'eau. II fut aife d'en conclure qu'elle avoit encore dans l'eftomac & dans les premieres voies des levains qu'il falloit evacuer, pour eviter les mauvais effets qu'ils auroient pu produire pendant l'hiver-, dans cette vue, M. Lardillon & fes collegues lui propoferent de venir a l'hopital de Beaune, oii ils pourroient lui adminiftrer les fecours neceffaires, & elle le promit. Elle n'y vint cependant pas, elle ne fit aucun remede , & guerit malgre cela C\ parfaitement , qu'au mois de decembre 1 76 1 , elle jouilfoit d'une fante parfaite, qui fe foutenoit depuis plus de deux an-, nees: elle marchoit avec la plus grande facilite , travailloit afliduement de fon metier de couturiere, & avoit pris le plus brillant embonpoint \ en urt mot , M. Lardillon la regarde comme guerie , & il y a toute apparence qu'elle fera deformais affez heureufe pour ne plus occuper de place, du moiiis a cetitre, dans l'hiftoire de l'academie. Rr ij 3i6 ABREGE DES MEMOIRES A N A T O M I E. . , g SUR LES YEUX DE QUELQUES P 0 J S S O N S. Ilift. i Jt& n A t o m i e comparee ou l'examen des parties femblables dans Thomme & dans les differens animaux, eft un des plus utiles moyens qu'on puiffe mettre en ufage pour eclaircir une infinite de queftions; fouvent tel organe, dont il eft prefque impoffible de connoitre la conftru&ion dans une certaine efpece, fe prdfente a decouvert dans un autre, & plus fou- vent encore des ufages qu'on croyoit pouvoir attribuer a difterentes par- ties dans rhomme , fe trouvent abfolument detruits par 1'impQiTibilite dc les attribuer a ces memes parties dans d'autres animaux. C'eft fous ce point de vue que M. Haller a envifage les recherches qu'il a entreprifes fur les yeux des poiffons, defquelles il a fait part a 1'acade- mie, & il n'a pas ete trompe dans fon attente; fes obfervations lui ont vain , oufre une connoiffance exadte de eet organe , la deciilon de quel- ques points d'anatomie rres-intereflans & tres-conteftes. Nous allons eilayer da donner une idee, non de tout fon travail, mais de ce qu'il lui a offert de plus nouveau & de plus intereffant; & pour mieux nous faire enten- dre, nous commencerons par remettre fous les yeux du ledteur une courte defcription de l'ceil & des diff^rentes parties qu'il contienr. L'ccil eft en general line efpece de globe plus ou moins approchant de l'exa&e fphericite; dans b plupart des animaux il eft loge dans une cavite formee par les os de la tete, & qu'on nomme orbite , dans laquelle il pent le mouvoir par 1'adtion de plufieurs mufcles deftines a cet ufage. A la partie pofterieure de ce globe eft line efpece de queue ou pedi- cule aflez confiderable, qui, paffant par une ouverture qui fe trouve ail fond de l'orbite, va fe perdre & fe confondre dans le cerveau; ce pedi- cule eft le nerf optique. Ce nerf eft reconvert de deux enveloppes , qui font 1'une & l'autre des productions des meninges ou membranes qui enveloppent le cerveau ; l'ex- terieure, qui tire fon origine de la dure mere, forme, ei> s'epanouiflant, l'enveloppe exterieure de l'ceil, a laquelle, a caufe de fa durete , on a donn£ le nom de fcle'rotique (a). Cette membrane eft opaque dans fa plus grande partie, mais au-devant de l'ceil, elle prend line courbure un peu plus convexe, & devient auffi tranfparente que les plus belles lames de corne; auffi cette partie porte-t-elle le nom de corne'e tranfparente , pour la diftinguer du refte de la fclerotique que quelques-uns nomment cornie opaque. Sous cette enveloppe on en trouve line feconde, qui n'eft qu'une ex- panfion de la premiere , & qu'on nomme choroids , c'eft-a-dire ( b), fepa- ration ou enveloppe-, celle-ci s'applique exaclement contre 1'intcrieur de (<) 2**»{«s , dutus. (J) Xui?gx , fcparo , include. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ji7 la fclerotique , jufqu'a l'endroit oil commence la cornee tranfparente; la,_ elle s'en fepare & traverfe abfolument le globe de l'ccil , formant un plan . qui fert de bale a l'efpece de calotte que forme la cornee tranfparente : ce M ' £' plan porte le nom d'uvSe , a caufe de la couleur de fa partie interne, qui Annie r&, reffemble a celle d'une peaii de railln noir; c'eft iur la partie anterieure qu'eft place ce cercle colore qu'on nomine iris, & qui entoure l'ouver- ture de la prunelle. Derriere cette membrane, & a tres-peu de diftance, en eft placee une autre qui fe detache audi de la choroide & qu'on nomme couronne ciliaire , celle-ci embraffe & tient fufpendu vis-a-vis la prunelle un corps tranlparent & prefque lenticulaire, qu'on nomme cryflallin; enfin, la partie medullaire du nerf optique s'epanouit auffi , & forme une troi- fieme membrane tres-fine & comme muqueufe , qui tapiffc fous la choroide tout le fond de 1'ceil , & qu'on nomme ritine. Toutes ces membranes partagent, comme Ton voir, 1'ceil en rrois cham- bres ou cavites, l'anterieure, comprife entre la cornee tranfparente & 1'iris, communique , par l'ouverture de la prunelle , avec la feconde , comprife entre la meme membrane de l'iris, la couronne ciliaire, & le cryftallin •, ces deux chambres font remplies d'une liqueur prefqu'auffi claire & auffi fluide que de l'eau, & qu'on nomme, pour cette raifon, humeur aqueuje , la troiheme chambre, qui n'a nulle communication avec les deux premie- res , eft remplie d'une eipece de gelee tranfparente , qu'on nomme humeur yitrie. C'eft par le moyen de cette admirable ftructure. que les rayons de lumiere, re^us par l'ouverture de la prunelle, vont faire, par les refrac- tions qu'ils eprouvent dans l'oeil, une peinture exadle des objers exterieurs fur la retine qui tapiffe le fond de cet organe. Telle eft en general la defcription de 1'ceil-, mais cette ftructure eprouve des varietes dans les difterentes efpeces, & ces varietes peuvent fervir &■ eclaireir une infinite de points fur l'ufage des difterentes parties de cet or- gane. Nous allons rendre compte de celles que les obfervations deM. Hal- ler lui ont fait oblerver dans les poiffons. Le nerf optique y eft beaucoup plus considerable que dans les autres animaux , une grande partie des tubercules qui , dins les poiffons , dement lieu de cerveau, lemblent deftines a lui fournir fa partie niedulLiire; &, ce qui eft bien digne de remarque, c'eft que, malgre l'inegalite du noin- bre & la variete des figures de ces tubercules dans les differens poilFons, les deux qui tiennent lieu de couches des nerfs optiques ont une ftruifture conftante dans tous les poiffons-, ils font creux & contiennent un ventri- cule, comme dans les oifeaux, reffemblance (inguliere entre deux efpeces fi differentes , mais qui n'eft cependant pas la leale & de laquclle nous an- ions occafion de remarquer plus d'un exemple dans les oblervations de M. Haller. Ces nerfs ne s'uniffent point, comme dans 1'homme , fur la lelle fpheno'idale , mais les couches dont ils partent le font par des fibres tranverlales qui, apparemment, tiennent lieu de cette union : mais s'ils- ne s'uniffent pas dans leur trajet, le croilement qu'on ne fait que foup- conner dans l'homme, y eft apparent, ils fe croifent avant que (f entree dans les orbitesj on voit evidemment que le nerf qui part dc la couche Anatomie 51S ABREGE DES ME MOIRES « droite, va fe rendre a l'ceil gauche, & celui qui part de la couche gauche a l'oeil droit. II eft bon dc remarquer que ce croifement eft commun a tous les nerfs de toutes les efpeces connues, oil il eft demontre par mille ytnne'c fGz. experiences, & que , quoiqu'on en ignore la raifon, il paroit etre necef- laire dans tout le fyfteme nerveux. Le nerf optique eft affez limple dans les poiffons , & fa (ubftance medullaire y eft partagee en efpeces de fail— ceaux unis par une toile cellulaire qui leur fert de gaine : cette fubftancc medullaire lort en maffe, quand on preffe le nerf, &.n'eft point recou- verte de cette efpece de membrane criblee, qui, dans quelques animaux terreftres , ne laiffe paffer dans ce cas la moe'lle qu'en filets. Nous avons dit que les differentes membranes du globe de l'oeil etoient formees par l'expanfion de celles qui enveloppent le nerf optique, & par l'expanfion de fa partie medullaire-, mais ce qu'il y a de iingulier, c'eft que cette production des membranes ne fe faffe pas de la mpme maniere dans tout le genre des poiffons : les uns, comme la carpe, la lotte , le munier & la tanche, retiennent en cette partie la raeme ftru&ure que les quadru- pedes, & dans les autres , comme la truite, le faumon , l'ombre-chevalier, on retrouve la ftructure de l'ceil des oifeaux. Dans les premiers, le nerf optique eft couvert d'une enveloppe tres- dure, & auflt-tot apres qu'il a traverfe la fclerotique ou enveloppe exte- rieure de l'ceil, il produit cette membrane argentee, qui, dans les poif- fons, fert de choro'ide : immediatement apres, il produit une membrane remplie de vaiffeaux qu'on nomine, pour cette raifon, vafculaire , qui n'exifte que dans les poiffons, ce n'eft qu'une ligne plus loin qu'il produit la retine, qui fe trouve, par confequent, eloignee du fond de l'ceil d'une quantite confiderable, & dont les lames paroiffent etre une production de la fubftance blanche oil medullaire du nerf optique; dans tout cetrajet, depuis le fond de l'ceil jufqu'a la retine, le nerf eft etroitement enveloppe d'une membrane noire, qui eft une extenlion de la pie-mere-, il fort encore de la circonference du cercle, par lequel le nerf optique s'epanotiit, des faifceaux de fibres qui vont, en s'epanouiffant , former cette membrane qu'on nomme arackno'ide , qui s'applique fur la retine, & k laquelle on a donne ce nom a caufe de fa reffemblance avec des toiles d'araignee; mais M. Haller n'a jamais pu les fuivre jufque-la. Dans les feconds, le nerf optique donne bien a-peu-prcs les memes membranes, mais il fe dilate en formant comme un arc du cercle, & la retine eft foutenue par un appendice moins long, a la verite , mais fem- blable a celui qu'on obferve dans les oifeaux , la coupe de la membrane noire a l'endroit oil paffe le nerf optique eft tres-elliptique, & la moe'lle de ce nerf y paroit a decouvert ; la furl'ace par laquelle ce meme nerf ell termine, eft longue comme dans les oifeaux, & a, comme dans ces der- niers , une artere qui en parcourt la longueur •, on n'y voit point cette membrane, fervant de bafe a la partie qu'on nomme peigne , dans les yeux des oifeaux, & qui couvre l'entree du nerf optique, cette partie man- que abfolument, meme dans les poiffons dont nous venons de parler,&qui ont la ftruchire de leurs yeux la plus fcmblable a cclle des ycux des oifeaux. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ,i'9 Quelle peut etre la raifon de cette diverfite qui s'obfcrve dans les diife- < rentes efpeces de poilfons i il feroit pcttt-etre difficile de l'affigner •, mais . on peut, fuivant la penfee de M. Haller, en tircr line maxime bien utile N A T u :i ' ; aux phyticiens, e'eft de ne jamais conclure par analogic d'une efpece a l'au- Annie f?Cz. tie, & d'etre toujours en garde contre les inductions. La retine eft de toutes les parties' de l'ccil, cclle qui a fourni les ob- fervations les plus fatisfaifantcs a M. Haller. On foupconnoit depuis long- temps, & les obfervations de Ruyfch & d'Albinus iembloient meme l'iii- diquer, que la retine etoit compofee de deux plans difterens, dont 1'un etoit un refeau de vaifleaux extremement fins , & l'autre line efpece de pulpc blanche qui recouvroit le premier-, mais on n'avoit pu encore par- venir a avoir ces deux feuillets fepares & entiers. La meme ditriculte ne fe trouve pas dans les poifibns, toute la precau- tion necelfaire eft de fe fervir des yeux les plus frais; la retine eft li deli- cate, que le plus petit commencement de putrefaction fufrit pour la de- truire; mais, en fe fervant d'yeux frais, il fuffit de feparer cette tunique de celles qui la couvrent : ce qui fe peut toujours faire avec facilite. On apperijoit alors, a travers le corps vitre, une infinite de fibres blanches, partant du cercle terminateur du nerf optique comme d'un centre, & ve- nant fe terminer a I'en droit od commence l'uvee; laiffant enfuite l'oeil dans de l'eau-de-vie , la retine, qui eft naturellement tres epaiffe dans les poilfons, s'y endurcit; & alors on fepare la membrane pulpeuie qui eft aflez epaiffe, de la lame fibreufe; & il ne refte de la retine qu'un hemif- phere applique fur le corps vitre compofe de fibres extremement deliees> & qui pourroit porter a jufte titre le nom de membrane arachnoide. Quoique M. Haller naif pas encore pu parvenir a leparer les deux la- mes de la retine dans l'homme & dans les animaux terreftres aufli parfai- tement que dans les poilfons, cependant il en a vu affez dans plulieurs efpeces, pour que fes obiervations reunies a celles de Ruyfch , d'Albinus & de Mrs- MaJler & Zinn, l'autorifent a donner la meme Itrudlure a la retine de l'homme, e'eft- a- dire, a la compoler d'une membrane muqucufc 8c dune arachnoide. M. Haller a oblerve dans la retine des quadrupedes un grand nombre de vaitieaux fanguins, partie arteritis, & partie veineux ; ces vaiffcaux, a niefure qu'ils fe fubdivifent , pcrdent leur couleur rouge & deviennent invilibles : exemple evident de la production des vailfeaux arteriels du fecond rang. . Mais la plus belle obfervation que M. Haller ait faite dans fes recher- ches fur les yeux des poilfons , e'eft celle d'une mucolite noire & opaque qui recouvre exterieurement la retine, & fe trouve par Ci nutation inter- pofce entre la retine & la choroide. Cette couche opaque qui empeche les rayons de lumiere de parvenir jufqu'a la choroide , ne permet pas ds fuppofer, avec M. Mariotte, que cette tunique foit l'organe de la vilion--, clle attribue inconteftab!ement cette noble fonction a la feule retine , & decide fans retour line queflion qui partageoit depuis long temps les an.;- tonriftes. 310 AflREGfi DES MEMOIRES Le corps vitre eft extremement petit & tres-plat dans les poiffons; Ie . nerf optique parcourt chez eux un efpace confiderable av.int que ti'y arri- ' ver; & c'eft dans cet.efipace que ie loge, entre les deux lames de h cho- Annii inGz. roide, un mufcle nomme fe r a cheval, & la lame vafculaire •, malgre fa petiteffe, il offre des objers intereffans & qu'on ne voit point dans lesyemc des autres animaux : ces objets font les vaiffeaux anttfrieurs & pofterieurs du corps vitre : mais avant de parler de ces vaiiTeaux , il eft neceffaire de decrire une orgsnifation particuliere de l'ceil des poiffons. Ces animaux n'ont point de couronne ciliaire : l'uvee eft chez eux ap- pliquee immediatement fur le corps vitre, & le cryftallin eft comme cha- tonne dans fon ouverture •, mais il y a tin organe fingulier qui fert a affer- lriir ce cryftallin dans fa pofition, & cet organe varie dans les dirKrentes efpeces de poiffons. Dans la carpe, le murder & la tanche, il part de la choroide, a l'endroit otr devroit etre la couronne ciliaire, line bande den- telee a laquelle un prolongement de la retine fert comme de doublure ', cette bande s'attache pofterieurement au cryftallin, & recoit un vaiffeau fanguin confiderable qui paroit aller diredement a ce dernier ; mais avant que d'y arriver , il jette , a gauche & a droite , des branches dans l'endroit de la jondion de l'uvee, du corps vitre & de la retine, & forme en cet endroit un cercle parfait duquel il part line infinite de vaiffeaux qui fe ren- dent dans la membrane qui enveloppe le corps vitre, & fe repandant en branches toujours de plus deliees en plus deltees, y forment, par leur union avec les vaiffeaux pofterieurs dont nous allons parler, le plus beau refeau qui fe voie dans le corps animal Ces vaiffeaux pofterieurs , qui fe joignent a ceux dont nous venons de parler, naiffent du tronc central de la retine, & s'appliqueut, s'il eft per- lriis d'ufer de ce mot, au pole du corps vitre, ou ils fe divifent en une infinite de rayons qui enveloppent la convexite du vitre, & vont, fous toutes fortes de directions , fe joindre aux vaiffeaux anterieurs que nous avons decrits, jufque dans le cercle vafculeux que ceux-ci forment a l'ori- gine de l'uvee; mais il ne paroit pas que ces vaifleaux entrent dans la lubf- tance meme du corps vitre : du nioins M. Haller n'a jamais pu les y ap-r percevoir. Dans la truite, le faumon, l'ombre- chevalier & la lotte, la ftmcTrure de l'ccil eft a cet egard un peu differente-, le nerf optique, dans ces animaux, fait un chemin confiderable dans l'ceil avant que de s'epanouir pour former Ja retine-, immediatement avant cet epanouiffement, il fort de ce nerf ou de fes enveloppes, deux vaiffeaux recouverts d'une gaine noire-, ils font accompagnes d'un nerf particulier qui entre dans l'ceil a cote du nerf op- tique, ils forment un demi- cercle autour de la convexite pofterieure de l'ail , & quand ils font prefque arrives a l'uvee , il s'y joint de nouvelles membranes & de nouveaux vaiffeaux ; & il fe forme du tout une efpece de petite cloche mouchetee au dehors & blanche en dedans, dont la figure eft comme parabolique, & qui fe termine par une pointe de laquelle il part plufieurs filets qui vont s'attacher a la partie ppfterieure de la capfule du cryftallin ; M. Haller y a vu plufieurs vaiffeaux rcmplis de fang. Daiis la trtiite ATOMIC DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, jtf trnite & dans le faumon, le nicmc tronc qui fort du nerf optique donne; tres-pres de fa fortie une branche qui , apres avoir rampe fur la convexile » pofterieure du coips vitre, forme pros dc l'uvee un ccrcle vafculeux pref- que fembl able a cdui que- M. Halk-r a oblerve dans Ies poifforw de la pre- Annie lj6z miere clalfe. II feroit certainerrient bien alliens de definir l'ufage de cette cloche parabolique*, !e ncrf qui s'y rend, pourroit la faire regarckr comme mi' culeuie •, mais M. Haller n'y a pu difanguer dc fibres parallclcs, & il ai., ■ mieux demeiirer dans l'ind*c:f:on fur ce point, que de hafarder une idee qui pourroit etre dans la filite dimentie par I'obfervation. Le cryftallin eft plus grand a proportion dans les poilfons qu'il ne l'eft dans ! < autrcs animaux, il eft compofe de couches concentriques prefque fphexiques, &, comme ils n'ont point de chambre pofterieure, le cryftallin paffe par \\ prunelle pour fe monirer dans k chambre anrerieure, les vaif- feaux fanguins qui partent du cercle vaiculeux, dont nous avons parle, s'y rendent, & >1. Haller les a fuivis julque dans la capfule qui l'enveloppe. II eft trcs-di.iiciie d'obferver la meme organifation dans les autres animaux, cependant, q^oique M. Haller n'ait pu la trouver que dans quclques-uns, il croit etre fo.ide a prefumer qu'eli; cxifte dans tous, mais ce n'eft en- core qu'u-ne conjecture, qui demande a etre verifiee. La choroide des poilfons eft bien differente de -celle des quadrupedes; clle eft evidemmrnt compofee de deux membranes, dont 1'une eft argen- tee & commence a l'endroit meme oil le n^-rf optique entre dans l'ccil ", elle eft fort lache, tres-foible & fe dechire fort ailement, e'eft elle qui forme l'iris ou la membrane anterieure de l'anneau puptllaire; elle eft comme doublee d'une membrane noire fort epaiffe dans le fond de l'ccil, lache & vafculeufe, & couverte, du cote qu'elle regarde la retine, d'une mucofite coulcur de tabac qui s'attache a la retine meme ; entre ces deux membra- nes, il fe trouve dans les poiffons une tioilieme tunique fine, mais ailee a demontrer, qui part des enveloppes du nerf optique & forme un enton- noir autour de la moitie pofterieure de la membrane noire. M. Haller la nomme vafculaire , a caule d'une artere & d'une veine considerable qui s'y rendent , & qui apres s'etre divifees en deux branches, y forment une quantite prodigieufe de rameaux, qui s'etant divifes & fubdivifes, vont fc plonger dans l'organe que nous allons decrire. Cet organe eft une elpece de fer a cheval d'un rouge trcs-vif , plat & convert dune membrane luifante, il embraffe un peu moins que la circon- ference de l'attache de la membrane vafculaire a la membrane noire, dans laquelle fe trouve un lillon creufe pour le loger, mais prefque fans aucune adherence ; li on le fait macerer dans l'eau-de-vie, on y diftingue des li- gnes paralleles compofees de fibres droites & entre-melees d'un nombre in- fini de vaiffeaux, cet organe exifte dans tous les poiffons que M. Haller a eu occalion de diffequer •, e'eft, felon lui , un veritable mufcle dont la fondtion eft de rapprocher, en fe contradlant , le cryftallin de la retine, ce qui eft ablolument neceffaire aux poiffons voraces, qui ont befoin d'apper- cevoir tres-diftindlement leur proie a des diftances tres-inegales. L'iris eft, comme nous l'avons dit, dans les poiffons forme par la mem- Tome XIII. Pariie Francoije. Ss ui ABREG^DESM EM O I R E S ibrane argentee de la choro'ide qui recouvre l'uvee : celle-ci, chez eux, eft briuie entre-melee de vaiffeaux rouges, qui n'ont pas paru a M. Halles A n a t o m 1 B. avo.r de direaion marqU^e-, la prunelle ne lui a pas paru fouffrir d'aug- Annk ij6i. mentation ni de diminution, meme lorfqu'il approchoit une bougie aliu- nde tres-pres d'un poitfbn vivant; & a cette occafion, il rapporte un fait qui lui a paru meriter d'avoir place ki , quoiqu'il n'y foit point queftion des yeux des poiffons. II diffequoit ceux d'un jenne chat noye vingt-trois heures auparavant : ces yeux, comme ceux de tout animal mort, avoient la prunelle trcs-dila- tee; comme le cryftallin etoit opaque, il mit cet ceil fur un fourneau me- diocrement chaud, pour lui rendre la tranfparence -, au bout dune minute ou deux, il appercut avec etonnement que la prunelle s'etoit abfolument refermee , & qu'elle etoit dans le meme etat que celle d'un chat vivant ex- pofe au grand jour , toutc-s les fibres de l'iris etoient tendues & vifibles , on appercevoit Uifqu' a cette efpece de polygene fibreux qui entoure la pru- nelle, & auquel ces fibres s'attachent ; & cet etat dura autant que la cha- leur, a mefure qu'elle diminua, les fibres fe raccourcirent, & l'iris fe di- lata-, M. Haller obferva feulement que la principale diminution de l'iris fe fit dans l'efpace qui eft entre le polygone fibreux, dont nous avons parle, & les bords proprement dits de la prunelle. Un phenomene de cette efpece meritoit bien d'etre examine par plu- fieurs experiences ; mais M. Haller n'a pu y reuffir , & il ne l'a jamais pu revoir, quelques tcntatives qu'il ait pu faire; mais il en refulte toujours que l'agrandilfement & la diminution de la prunelle peuvent s'operer fans ^in- tervention de la volonte , & qu'ils pourroient ne point tenir a l'acTiioni mufculaire. Les obfervations de M. Haller fur la conronne ciliaire , que nous allons rapporter, n'ont pas plus de rapport aux poiffons que la precedente : il s a- git d'y examiner (i le corps ciliaire, dans les quadrupedes & les oifeaux, eft adherent au cryftallin , & fert a le retenir dans fa lituation , ou s'il n'y a. aucune adherence. Cette queftion a extremement partageles anatomiftes : ks uns, avec M. Zinn, pretendent que le corps ciliaire n'a aucune adhe- rence avec le cryftallin , & effectivement il arrive prefque toujours qu'on. Ten trouve detache en diffequant les yeux de differentes efpeces d'animaiix*. cependant M. Haller n'a pas cm, malgre cette apparence, devoir fe rendre a ce fentiment, il a fait reflexion que le cryftallin ne paroiffoit dans aucim animal, pouvoir avoir d'autre attache, & il a foup9onne qu'il pouvoit fe faire que l'adherence de l'un a l'autre fe detruillt aprcs la mort-, il a trouve en efiet, que dans les yeux du heron le corps ciliaire etoit adherent au cryftallin, au moyen d'une mucofite noire qui le colloit a la capfule, mais qui fe diffolvoit enticement des qu'on laiffoit les yeux macerer un peu trop long- temps-, & en effet, dans les yeux oil le cryftallin eft roulant, 1'humeur aqneufe , li claire dans 1'animal vivant, eft de couleur de cafe, ce qui prouve la diffolution de la colle noire-, or, fi dans le heron, quatre jours de ma- ceration peuvent operer cet effet, ne peut-on pas prefumer que quelques heures 1'operent dans les autres animaux ? du means eft-ce le fentiment qu a DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 515 cm devoir adopter M. Haller, jufqu'a ce qu'il ait pu obtenir fur ce filjet gSgg* ■ de nouvelles lumieres. La cornee tranfparenre eft fort plate dans la plupart des poiffons; quel- N A T ° M ' F' ques-uns cependant, comme la lotte , I'ont audi convexe que l'homme : ils Annie iiCx. out, en general, peu d'humeur aqueufe; quelques-uns neanmoins, comme la lotte & le faumon, en font aflez bien pourvus; mais elle eft beaucoup plus vifqueufe que dans les animaux terreftres-, de merae que l'humeur vi- tree qui peut fe foutenir , depouillee de fa membrane : la cornee opaque on fclerotique eft chez cux trcs-epaiffe & tres-dure, elle forme dans le faumon un cartilage de plus d'une ligne d'epaiffeur , vers l'entree du nerf optique-, celle des oileaux aquatiques participe & cette durete. Telles font les obfervations que M. Haller a communiquees fur les yeux des poiffbns : elles otfrent, comme on voit, des lingularites bien remar- quables, & un vafte champ de decouvertes a faire; mais, en meme temps, elles font bien regretter que M. Haller , comme il s'en plaint lui-meme , n'ait pas ete a portce d'examiner les poHfons de mer, plus varies, & fou- vent bien plus gros que ceux de riviere : e'eft a ceux des anatomiftes qui auront cet avantage, a profiter de fes vues, & a remplir totalemeut cet objet. O B S E R V A T I O N ANA T O M I Q U E. u> n maitre de danfe , de la ville de Touloufe, etoit fujet depuis long- temps a une ditriculte de refpirer •, il etoit opprelfe & effouffle apres la moindre fatigue ; il touffoit fans cracher beaucoup , & le peu qu'il cra- choit etoit tres-vifqueux. Son mal augmenta pendant 1'hiver de 175 1 , & degenera en fluxion de poitrine, dont les fymptomes furent violens, les crachats etoient rouilles, & il fe plaignoit d'une douleur qu'il fentoit au milieu & a la partie fupe- rieure du fternum. On le traita fuivant la methode ordinaire , & il fut faigne lix fob. Vers le lixieme jour de la maladie, roppreflion devint tres- forte , & djns une violente quinte de toux , de laquelle il fut prefque fuffoque , il rendit , par l'expeftoration , un corps ramifie , d'environ trois polices de longueur. La fortie de ce corps ne fut precedee ni fuivie d'au- cune effulion de fang •, les crachats furent meles de pus pendant quelqucs jours , & le malade fut bientot parfiitement retabli. Ce corps avoit , comme nous l'avons dit , trois pouces de longueur , depuis le commencement du tronc jufqu'a 1'extremite des ramifications , le tronc avoit lix lignes de circonference & autant de longueur, il fe bifur- quoit enfuite, & chacune des branches fe divifoit & fe fubdivifoit en plu- heurs rameaux , dont la groffeur diminuoit a mefure qu'ils s'eloignoient du tronc -, la tige avoit une cavite fenlible , mais qui ne fut pas fuivie plus loin. Ss ij ji4 ABREGE DES ME MOIRES ■ La figure & les dimenfions de ce corps ne laiffent aucun lieu de dou- . ter qu'il ait ete forme dans l'interieur des bronches, mais eft-ce la paroi A N A T O M I t. . , k . a l»u w •,. •* r 1 - niterieure de ces meaies bronches on line concretion pituiteule moulee Anne'e ijGz. dans leur cavite ? On pourroit alleguer, en faveur du premier fentiment, que le corps en queftion etoit creux , que les differentes concretions qui fe font formees dans le poumon , n'ont jamais rien offert de femblable , & qu'enfin les crachats purulens qui fuivirent l'expulhon de ce corps, etoient une fuite de l'erofion qui avoit fcpare la pnroi interne des bronches , de 1'externe & des velicules pulmonaires , d'autant plus que Ton a trouve dans les pou- rnons d'un phtilique, des fragmens de la tunique des bronches qui nageoient dans la fanie. Malgre toutes ces prefomptions , M. Marcorelle, de l'academie royale des fciences & belles-lettres deTouloufe, & correfpondant de l'academie, a qui ce fait fut communique, n'ofa lui en faire part, & ce n'a ete qu'a- pres avoir examine par lui-meme un fait pareil , qui s'eft paffe fous fes yeux , qu'il s'eft determine a donner la relation de run & de 1'autre. Au mois de feptembre 1761, une femme de Narbonne fut attaquee d'une fluxion de poitrine, & rendit un corps abfolument pareil a celui qu'avoit rendu le maitre a danfer de Touloufe. M. Marcorelle l'examina fcrupuleufement, avec M. Barthes, profeffeur en medecine a Montpcllier, & tres-connu dans la republique des letttes; non-feulement ils verifierent la cavite de ce corps jufque dans les dernieres ramifications, mais ils trou- verent encore , a l'extremite de ces ramifications , des velicules fouftlees • & remplies d'air : or on fait que les cellules pulmonaires adherent late— ralement, & en forme de grappes, aux vaiffeaux bronchiques. Voila done dans ce fecond corps des preuves affez fortes d'organifa- tion , & qui lemblent le diftinguer affez nettement d'une concretion pitui- teufe. Mais comment, dira-t-on, concevoir que l'erofion qui s'eft faite ait pu detacher toute la paroi interne des bronches, & meme quelques cel- lules pulmonaires, fans que la refpiration ait ete genee, & en ait fouffert un dommage notable par la furte ? On ceffera d'en etre furpris , fi on veut faire attention a l'extreme facilite avec Iaquelle les parties entamees de la poitrine fe reuniffent , & fe cicatrifent. On a vu des gens guerir , apres avoir effuye des delabremens prodigieux par des fuppurations qui avoient detruit une partie du poumon, apre6 meme avoir rejette, non-feulement des parties du poumon, mais meme encore des portions de vaiffeaux fan- guins , par l'expectoration. II n'eft done pas etonnant que la paroi interne des bronches ait pu fe reproduire, apres en avoir ete feparee de 1'externe par 1'erolion d'une liqueur acre qui fe fera fait jour entre deux -, il a du feulement s'etablir une fuppuration qui a pu fournir pendant quelques jours les crachats purulens que les malades ont rendus : la nature a des resour- ces fiires pour reparer fes pertes, des que la caufe qui les occafionnoit eft detruite. Mais quelque vraifemblable que tout ceci paroiffe , M. Marco- relle n'ofe encore decider fi les deux corps rendus par l'expedfcoration font efieftivement la paroi interne des bronches j il s'eft contents d'espofer le DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ji5 fait & les idees qu'il lui a fait naitre, & l'academie n'a pas cru pouvoir mieux faire que d'imiter, en publiant c-tte observation, unc ll prudente retenue ; ce fait an refte n'eft pas ablblument nouveau : on a des exem- N A T ° M i £" pies de gens qui ont rendu de iemblables corps par l'expeifcoration ; mais An.nct zrtz. il y en a peut-etre peu qui en aient rendu de li confiderables. Sur une (pide'mie arriyie dans le canton de Berne. JL/ANNiE i7<5z avoit ete lingulierement feche dans le canton dcBerne. Vn peu avant la fin de cette annee li ieche, on s'appercut d'une maladie epidemique qui faiioit beaucoup de ravages dans la paroilfe d'Aigle, chef- -^nn^ Z7&3- lieu du gouvernement de M. Haller, & dans les trois villages d'Yvorne, me licux qui jouilfent d'une temperature li douce , qu'ils produifent d'excel- lens vins, que les oliviers s'y cultivent, que les rochers y font, comme en Provence, cou verts de romarins, & que le thermoraetre, a l'ombre, s'y foutient quelquefois a jy degr:s au-deflus de la congelation : peu de temps apres on apprit que la meme maladie ravageoit egaleruent la partie occidentale du bailliage de Geffenay, limitrophe 4 la verite du meme gou- vernement , mais confidant en deux vallees tres-elevees , qui ne portent point de fruits, & font uniquement remplies de paturages & de pres ou paitfent les animaux , dont le lait fert a former les excellens fromages de Gruyere. La temperature de ce dernier endroit , eft , felon M. Haller, i- peu- pres la meme que celle du climat de la Suede ; & ce qui eft a remarquer, U meme maladie avoit en 1747 ravage les deux memes can- tons, dont la difierence de temperature eft li enorme, fans qu'aucun des endroits intermediaires en eiit ete attaque. La maladie en qiK-uion s'annoncoit d'abord fous la forme d'une pleu- refie , avec le point de cote & r.ippreflioiv, quelques malades crachoient jaune , & meme quelquefois da fang , mais bk-ntot on y remarquoit ua earadere bien plus dangereux •, les forces du malade tomboient tout d'un coup 1 le pouls deveaoit foible , frequent & fans durete ; il furvcnoit des naulees & des vomilfeinens , luivis de diarrhees bilieufes , des maux de tete & des ftupeurs. Bientot le malade perilioit dans ces ftupeurs meme , les uns en vingt-quatre heures, les autrcs an plus tard en trois jours. Quel? quefois l'inflatnmation s'emparoit du bas-ventre au quatrieme jour ; les yeux & tout le corps devenoient jaunes', les marques de gangrene fe ma- nifeftoient, & alors les malades perilToicnt le .5 , le 6 , ou au plus tard le 7 : les cadavres d'un trcs grand nombre de ceux-ci etoient livides. Tous ces fyniptomcs etoient accompagnrs de ceux qui fuivent ordir.airement les fievivs malignes 5 comme fueiirs abondantes , fechereffe de peau & de bouche, & fouvent meme d'eruptions miliaires. Cette maladie, par elle-meme li terrible , n'etoit cependant nullement incurable ■, elle cedoit avec une facilite furprenante quand on 1'dttaquok dans fon commencement ; maJheureul'emciH pour les habitaas des endcoils. $it ABREG^ DES MEMOIRES — ^i attaques il ne s'y trouvoit aucun medecin , & ils auroient ete bien a plain- dre s'ils n'enflenr trouve line resource alfuree dans les talens & l'huma- A n a t o m 1 e. nj^ je j^ Haller , leur gouverneur. Malgre fes nombreufes & importan- Annie 1163. tes occupations, il fe crut dans l'obligation d'etre a-la-fois leur gouver- neur & leur medecin , & fes foins , li dignes de l'humanite , eurent le fucces le plus heureux : il examina quelques-uns des malades qui etoient I fa portee; & apres avoir fecbnnu la caufe du mal & forme fon plan de curation , il envoya aux plus eloignes un chirurgien charge de fes direc- tions & des remedes convenables. Le fond de cette maladie parut a M. Haller un etat de putridite bieii decidee •, & comme il crut remarquer que les vomiflemens & les diarrhees paroiffoient e'tre la voie par laquelle la nature tentoit de fe foulager, il refolut de les favorifer par fes remedes, tandis qu'il tenteroit de detrutre la putridite par l'ufage des acides. Dans cette vue, il faifoit quelquefois prendre au commencement de la maladie l'ipecacuanha , dans la vue d'aider le vomiffement •, il purgeoit les habitans des plaines avec la creme de tartre; & comme ce remede n'au- foit pas agi fur ceux des montagnes, dans l'eftomac defquels l'ufage con- tinuel du lait formoit une efpece d'obftacle, il aiguifoit pour eux la creme de tartre avec d'autres purgatifs •, & foit que ces remedes euffent procure la diarrhee, foit qu'elle tut venue naturellement, on l'entretenoit par des lavemens emoliiens donnes toils les foirs. Pendant l'ufage de ces remedes, il combattoit la putridite par un oxymel compofe de miel battu avec de l'eau , dans lequel on meloit & chaque prife quelquefois jufqu'a foixante gouttes d'efprit de foufre , M. Haller ayant appris, par fa propre experience, que ce n'etoit que par des dofes trcs-fortes d'acides qu'on pouvoit domter la nature putride des humeurs. Lorfque l'extreme foibleffe, la ftupeur, la frequence du pouls & fa mol- leffe exigeoient un cordial, M. Haller employoit le foufre dore d'anti- moine en affez grande dofe ; mais s'il s'agiilbit feulement de foutenir la nature, il avoit recours aux cordiaux ordinaires. Le regime confiftoit en du bouillon de gruaii d'avoine, fans aucun me- lange de viande oil d'eeuf : on donnoit des boiflons de plantes pectorales, prifes en forme de the , & ceux que la toux incommodoit •, quelquefois on leur appliquoit des emoliiens exterieurement , ou bien on leur faifoit des fomentations avec de la graine de lin cuite dans un melange d'eau & de lait. M. Haller n'a jamais permis qu'on ait faigne' ceux qui etoient attaques de cette maladie, non pas que la faignee n'eut pu etre utile a quelques- uns, mais parce que ne pouvant pas les voir toils lui-meme, il ne vou- loit pas courier ^ des gens peu eclaires le foin de decider les cas oil elle pouvoit etre utile. Les fecours de M. Haller ont ete d'une (i grande utilite , que dans le dis- trict d'Aigle il n'eft mort que fept malades fur trente-cinq qui avoient ete traites fuivant fa methode ; & de ces fept, les uns s'etoient tues eux-me- mes par l'ufage iinmodere du vin , & d'autres avoient le temperament mine, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. $17 un fcul, fage & bien conftitue, a peri le quatricme jour de la malndie, en- 1 >-«••■ ■> core eft- il vrailemblable que ce rt'a etc que parce qu'il n'avoit etc fecouru » que le troineme jour. Dans le Geffenay, fur trente-fix malades il en eft mort cinq , ma avant jinnee i?£x l'arrivee du fecours dans ce meme canton , fur quatre-vingt-onzc malades attaques il en etoit mort quatre-vingt-cinq, fiilant la douzieme partie des habitans. On peut juger de la combien d'hommes out dri & doivent en- eore la vie aux talens & aux foins de M. Haller. Cette epidemic n'a , felon M. Haller , etc caufee que par l'extreine fe- cherelTe & la chaleur de I'ete precedent , qui en enlevant la partie la plus fubtile du fang , avoit favorite le developpement des parties alkalefcen- tes, & donne par-la lieu a la putridite d'humeurs qui caraiterifoit cette maladie. Une feconde caufe que M. Haller regarde comme encore plus prochaine, eft la petiteffe, le peu d elevation & I'humidite des habitations & l'enorme chaleur qu'ils y entretiennent par des poe'les trop grands & ordinairement furchauftes : M. Haller lui-meme avoit effuye une fievre miliaire dange- reufe , pour avoir ete expofe quelque temps chez un de fes amis i la trop grande chaleur d'un poe'le , aulTi a-t-il eu grand foin de faire renouveller fouvent 1'air dans les chambres de fes malades , d'y faire evaporer du vi- naigre, tant fur le feu qua lair libre, & de faire diminuer le feu dans les poe'les •, & il y a d'.-.utant plus lieu de croire que fa conjecture etoit fon- dee, qu'un froid affez vif, fuivenu avec de la neige au commencement de mars, a totalement abattu la force de la maladie. 11 paroit que cette maladie etoit contagieufe , car des que quelqu'un erj etoit attaque dans une mailon , le mal n'y epargnoit ordinairement per- fonne. Ce n'eft pas au refte la premiere fois quelle ait paru •, M. Haller fe fou- vient que dans le temps qu'il etoit membre du fenat de f.nte, ce tribunal etoit oblige prefque tous les ans, pour le meme fujet, d'envoyer des me- decins dans les differens diftricts du canton de B.-rne. Des caules p.ueilles font vraifemblablement qu'en Suede , dont le cli- mat approche beaucoup, pour la temperature, du haut des Alpes, les fie- vres malignes font tres-frequ.'ntes & la petite verole tres-meurtriere, que la pefte de 1 357 y a detruit plus du tiers des habitans. D'ou il fuit que les pays froids n'ont pas toujours 1'avantage d'une plus grande (alubrite d'air qu'ort leur attribue communement. Tel eft le precis de l'hiftoire de cette epide- mie & de la manure dont M. Haller s'y eft pris pour la combattre : 1'aca- demie a cru devoir concourir i fon zele pour le bien de l'humanite, eu publiant Tune & 1'autre pour fervir de guides en pareilles circonliances , qui lont peut-etre beaucoup moins rares qu'on ne penfe. 3i8 ABREGfi DES MEMOIRES A N A T O M 1 E, Annie 1161. ^ur le mouvement alternatif des yeines } dependant de la refpiration. Hift. JL>A refpiration eft line des principales fondtions du corps animal , elle facilite an fang le palfage dans les vaiffeaux du poumun ; elle l'y rafraichit en lui fournilfant un air nonveau qui le rend capable de toirtcs les fonc-». tions auxquelles il eft deftine , elle leule met en jeu les organes de la pa- role, & elle eft d'uni- (i grande & li abfolue neceiTite dans tout le fyfteme de 1'economie animale, que cefler de refpirer meme pendant un temps af- fez court, e'eft ceder de vivre. Jndependamment des ufages de la refpiration, defquels nous venous de parler, & qui font, pour ainli dire, fous les yeux de tout le monde, les anatomiftes lui en ont encore decouvert un autre qui n'eft pas moins im- portant , e'eft celui d'accelerer ou de retarder le mouvement du fang qui retourne an coeur, & d'en rendre, pour ainli dire, a volonte la quantite plus ou moins abondante. C'eft cette dernicre propriete de la refpiration que M. Bertin a entre-; pris d examiner dans ce memoire. Refpirer n'eft autre chofe que faire entrer dans le poumon une certaine quantite d'air & Ten faire fortir, la premiere de ces deux actions fe nomme infpiration , & la feconde expiration. L'air introduit dans le poumon par une infpiration naturelle, en,diftend tomes les cellules & permet au fang, qui eft porte par l'artere pulmonaire dans les ramifications infinies qui rampent fur leurs parois, de pafler libre- liient a travers ce vifcere ; ce qu'il ne feroit point ii le poumon etoit af- faiffe , & de plus il s'introduit en partie dans ce fang a travers les tuniqties extremement minces de ces vaifi'eaux, & le met en etat d'aller remplir,' en circulant par tout le corps animal , les foncUons auxquelles if eft deftine. Jufqu'ici nous n'avons fuppofe qu'une refpiration toute naturelle , mais fi apres avoir fait une grande infpiration, on retient l'air dans la poitrine, alors les veficules pulmonaires trop gonflees, generont le paffage du fang, bien-loin de le favorifer 5 & comme les veines-caves fuperieure & infe- rieure en apporteront toujours la meme quantite, la jondtion de ces deux veines, qu'on nomme \ew fmus , & 1'oreillette droite du cceur, fe trou- veront engorgees , & le fang refluera dans les veines fous-clavieres & dans les jugulaires -, & eftectivement on voit evidemment en pareil cas tous les Yaiffeaux de la gorge & du vifage fe gonfler, & il eft plus que vraifem- blable que pre fque tous les principaux troncs du fyfteme des veines eprou- vent un pareil gonflement, quoiqu'on ne puifle pas le remarquer. La meme chofe arrivera encore d'une facon plus marquee , fi , dans le temps de l'infpiration , on met en contraction les muiclcs du bas-ventre , & fur-tout les mufcles tranfverfes-, & 1'erret fera encore bien plus grand, 6, fans que l'infpiration cefle , ou fait agir violemment tous les mufcles du corps, DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ;i9 corps, commc font ceux qui foulevent de grands fardeaux, & quelquefois faction des mufcles eft (i forte contre les vaiffeaux du cervcau , du cou , . da poumon & dcs inteftins, mane contre l'oreillette droite, qu'ils fe caf- fent , & caufent une mort iiifailiible. Annie i Les anatomiftes ont expliqti'i jufqu'ici ce phenomene , en difant que l'air entre dans la poitrinc, fe rarefiant par la chaleur du corps, il fe dilate dans les velicules pulmonaires , & y excite une tenlion affez forte pour erupc- cher le fang de coulcr librement dans les differens vaiffeaux de ce vil- cere ; d'oii il filit que le ventricule droit ne fe vidant qu'itnparfaitement & avec peine , le fang regorge dans l'oreillette du nicme cote , dans le finds de la veine-cave, & dans les troncs des veines, qui en font les prin- cipals branches. Les memes phenomenes fe retrouvent encore lorfque , dans le temps d'une forte expiration, on fait entrer les mulcles du bas-ventre en con- traction, comme lorfqu'oii touffe violemment, qu'on rit immoderement, ou qu'on chaffe l'air par fecouffe & avec violence, comme le font pin— lieurs des joueurs d'inftrumens a vent, & il arrive dans tons ces cas des accidens auffi ficheux que ceux que produifent les trop grandes infpi- rations. Quelque diftsrentes que foient les caufes de CesefFets, les anatomiftes les espliquent avec une egale facilite. Si dans le cas d'une forte infpiration , le fang chaffe par faction des mufcles du bas-ventre , trouve un paffage difficile dans les velicules pulmonaires, a caufe de leur trop grande diften- fion, il n'en trouve pas un beaucoup plus aife dans le cas de ['expiration forcee; les velicules s'applatiffent , alors elles fe rapprochent de fetat oil elles etoient avant que le fcetus eut refpire •, & le paffage du lang etant cgalement gene dans l'un & dans l'autre cas, il doit s'enluivre line egale furabondance de fang dans le linus de la veine-cave & dans les principaux troncs des groffes veines, qui en font les branches. Ce reflux du fang eft quelquefois (i abondant, qu'il produit les accidens les plus terribles, comme des anevrifmes , des apoplexies, des dilatations de cceur, des peripneumonies, des convullions, & M. Benin en rapporte plulieurs excmples tires des ecrits des meilleurs praticiens-, & tons, fans exception, attribuent uniquement cette plahore fanguine locale a la diffi- culte que le fang , chaffe par Taction des mufcles du bas ventre , jointe a celle du cceur, eprouve a paffer dans les vaiffeaux du poumon, que l'ex- ceflive dillenlion des velicules de ce vifcere, ou leur trop grand affaiffe- nient, produifent egalement. M. Benin n'a garde de nier cette caufe-, mais , felon lui, elle n'eft pas la feule qui agiffe en cette occalion •, il en eft une autre, qu'il regarde comme bien plus puiffante, qui concourt au moins avec la premiere, & fouvent agit feule dans la plupart de ces effets •, & nous allons eflayer dc la developper. La circulation du fang fe fait dans le foie d'une maniere bien diftercnte de celle qui a lieu dans tout le refte du corps ■, la plus grande partie du fang qui y paffe y eft apportee , non par une artere, mais par une veins Tame XIII. Panie Franfoije. Tt 330 ABREGfi DES MEMOIRES , que les anatomiftes nomment veine-porte. En confiderant cette veine . comme un tronc d'arbre, on peut dire qu'elles a fes racines dans le me- ' fentere & dans prefque tous les vifceres dti bas-ventre , defquelles elle jinnSe ijGi. recoit le Tang, qui leur eft apporte du ccEiir par differentes arteres •, & que ces racines ayant forme un tronc par leur reunion , les branches de ce tronc font les ramifications , extremement multiplies dans la fubftance du foie, oii elles aboutiffent a une infinite de petits grains glanduleux, qu'on regarde comme les organes deftines a filtrer, pour ainli dire, la bile, & a la feparer du fang. L'autre partie du fang eft apportee au foie par l'artere hepatique , qui , partant de l'artere celiaque , vient fe ramifier audi dans la fubftance du foie. Des grains glanduleux, dont nous venons de parler, il part un nombre incroyable de petits filets veineux , qui , apres avoir rampe quelque temps dans la fubftance du foie, fe reuniffent affez fubitement, & forment des rameaux affez gros, qui fe reuniffant eux-memes bientot aprcs , donnent naiffance aux troncs des veines hepatiques, qui vont s'inferer dans le tronc de la veine-cave inferieure. Les vc-incs hepatiques, a leur embouchure dans la veine-cave, ne font pas toujours en meme nombre, & leurs troncs font tres-inegaux. Quelques anatomiftes ont cru que les petits etoient deftines a recevoir le lang ap- porte par l'artere hepatique, & les gros, a reprendre celui qui etoit fourni par la veine-porte-, mais il eft prouve, & par l'exacle perquisition qu'en a faite M. Bertin , & par les injections qui , etant pouffees dans la veine- porte , fortent egalement par les groffes & les petites veines hepatiques, que les uns & les autres partent des grains glanduleux , & recoivent ega- lement le fang de la veine-porte & celui de l'artere hepatique. Les veines hepatiques s'inierent dans le tronc de la veine-cave fous un angle prefque droit, & fans aucune valvule qui puiffe empecher le retour du fang : leur portion meme ne permet pas d'y trouver cette efpece d'epe- ron que produit l'infertion oblique de plulieurs autres vaiffeaux dans les troncs oil ils fc rendent-, circonftance qu'il eft tres-important de remarquer. Pour peu qu'on veuille faire attention a la difpofition des vaiffeaux que nous venons de decrire, il fera aife de voir que dans le cas d'une forte infpiration ou d'une forte expiration, on met les mufcles de l'abdomen dans une contraction violentc, non-feulement le fang arrete par Tobftacle que les veficules pulmonaires , trop diftendues , offrent a fon paflage , s'amaffcra dans le finus de la veine-cave, & diftendra toutes les veines qui y portent leur fang-, mais que ce gonflement deviendra encore bien plus fort par l'.iction des mufcles du ventre , qui , en comprimant la veine- porte & toutes fes ramifications , forceront le fang a entrer avec force dans la veine-cave par dix jets conliderables; & que des que cet etat force ceffera , une partie du fang refluera , par les ouvertures des veines hepati- ques vers le foie, & de-la dans la veine-porte. II exifte done une efpece de flux & de reflux du fang dans le linus de la veine-cave & dans tous les vaiffeaux qui y communiquent prochaine- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. };i mcnt •, & ce flux & reflux eft caufe par la predion qu'exercent fur les ■■ w— vaiffeaux de I'abdomen le mouvemcnt alternatif du diaphragme & des mufcles du bas- ventre •, & fi le gonflement des veines du vifage 8c dc \z gorge ne paroit pas fenliblement dans le cas de la refpiration naturelle, Ann.ee 176*. il n'en exiite pas moins; puifque la refpiration naturelle ne ditfcre que du plus an moins de la refpiration qu'on force , en augmentant volontaire- ment Taction des mufcles du ventre. On ne pent pas nier que Textreme diftenfion des veficules pulmonaires ou leur extreme aftaiflement , ne mettent obftacle au paffage du fang dans ce vifcere-, mais il eft aife de fe convaincre , en retenant fon haleine, ce que pludeurs perfonnes peuvent faire pendant iin temps confiderable, que cet obftacle n'eft point infurmontable a Taction du fang, & n'empeche pas abfolument que le ventricule droit ne fe vuide. II paroit meme que lorf- 3 lie les mufcles du bas-ventre font tranquilles, il n'en refulte qu'un go:i- ement tres-mediocre dans les veines du vifage & de la gorge; au-lieu que ce gonflement augmente & peut devenir affez fort pour crever les vaiffeaux , li les mufcles de I'abdomen font mis dans une contraction fu- bite & violente. II y a plus , le gonflement qui paroit dans les vaiffeaux , lors meme qu'on ne met- pas en jeu les mufcles de I'abdomen, pourroit bien venir en partie du fang chaffe dans le iinus de la veine-cave par les veines he- patiques. On ne l.iuroit emplir le poumon par une forte infpiration , fans augmenter la capacite de la poittine, & fans faire defcendre le diaphragme; or ce niouvement du diaphragme vers le ventre, comprime neceffaire- ment tous les vifceres qui y font contenus, & fur-tout le foie, qui eft plus immediatement expofe a fon action. II doit done en refuiter une plus grande vitefie & an plus grand volume de fang lance par les veines hepa- tiques, & par confequent un plus grand gonflement du iinus des veines- caves & de tous les vaiffeaux qui y aboutiffent ; & cette caufe , jufqu'ici ignoree, eft peut-etre celle qui influe le plus fur le gonflement qui paroit dans les vaiffeaux du vifage & de la gorge ; d'oii on peut conclure que les troncs des veines hepatiques font a l'egard du iinus de la veine-cave, ce que les oreillettes lont a l'egard des ventricules du cceur , fe rempliffant & fe vuidant reciproquement l'un dans l'autre a chaque alternative de la refpiration •, & e'eft apparemment pour cette raifon que ces troncs des veines hepatiques out une groffeur li conliderable , relativement a leurs branches. II fait encore que dans les infpirations & les expirations fpontanees, il paffe plus de fang de la veinc-porte & des veines hepatiques dans la veine- cave pendant l'inlpiration que dans l'expiration -, mais que le contraire doit arriver , & arrive en effet , lorfque, par reflet de la volonte, on fait agir les mufcles dc la poitrine pour rendre l'infpiration & l'expiration plus forte-, & qu'enfin li, dans le moment d'une forte infpiration, on fait agir fortement les mulcles du ventre , alors la quantite de fang portee dans le finus de la veine-cave eft la plus grande qui foit poffible, toutes les cau- ses fe retinillant pour augmenter cette quantite. Tt ij 5ji ABREGfi DES MEMOIRES Puifqu'il fe fait, par le moyen de la refpiration , un flux & un reflux alternatif du fang dans les veines, & que le battement du cccur occafionne A n a t o m i h. je |-Qn c^t^ {jes pU[(at,ons reglees dans les arteres, il doit arriver que lorf- Anme 1763. Sue ^es deux caufes concourront enfemble, le battement des arteres de- viendra plus fort. Les experiences qu'a faites M. Bertin lui ont fait voir que le coeur battoit quatre fois pendant que les veines s'enfloient line. Ce n'eft done que de cinq en cinq battemens de pouls que 1'enflure des veines concourt avec le battement du coeur-, & effe&ivement on obferve dans de certaines circonftances cette difference. Nous difons dans certains cas; car a l'ordinaire, & dans une refpiration pailible, elle feroit tres-difli- cile a faiiir. II refulte de ce que nous venons de dire, qu'il exifte reellement un mouvement alternatif du fang dans les troncs veineux •, que ce mouve- ment a pour caufe , 1 °. la difficulte que le lang eprouve a pafler dans les vaiffeaux du poumon , lorfque les velicules pulmonairea font trop diften- dues ou trop aftaiffees ; 20. la grande affluence de fang dans le finus de la veine-cave , caufee par la predion du diaphragme fur le foie & fur les autres vifceres contenus dans l'abdomeiv, 50. que (i l'adUon des mufcles du ventre concourt avec les deux caufes dont nous venons de parler, la quantite de fang porte dans la veine-cave augmenteroit , & quelle pour- roit augmenter au point de caufer les accidens les plus facheux , & meme la mort ; d'oii il fuit qu'il eft utile aux perlonnes pretes a tomber en foi- blefle de faire de fortes infpirattons , pour augmenter la viteffe & le mou- vement du fing qui fe ralentiiTent ; que tout ce qui pent les y porter , comme l'eau jettee au vifige , les liqueurs fpiritueules, les alkalis volatils, doit etre employe, de meme que les vomitifs , qui ne peuvent manquer de mettre en jeu les mufcles du ventre •, qu'on doit faire rire , autant qu'il eft poffible , les perfonnes melancoliques & vnporeuks , pour feconder l'intention de la nature , qui leur infpire de faire frequemmeni de grandes infpirations pour ranimer le mouvement de leur fang. On voit de meme que la toux, fur- tout fi elle eft violente , doit aug- menter le mal de tete par le fang qu'elle oblige a y refluer, & pourquoi, lorfqu'on veut faire evacuer le iang epancbe fous le crane dans 1 operation du trepan , on fait faire au malade une grande & violente infpiration. II luit encore de la theorie de M. Bertin , que le ris , la toux , & les efforts des mufcles font tres-dangereux pour ceux qui ont effuye des atta- ques d'apoplexie par l'abondance de fang porte dans les vaiffeaux de la tete de]a aftoiblis , & qu'au contraire tout ce qui tend a evacuer le ven- tre, eft falutaire en pareil cas & dans celui des violens maux de tere: Que lorfqu'on craint une hemorrhagic, on doit tenir les mufcles du ven- tre dans un repos parfait, & eviter avec loin tout ce qui pourroit dormer lieu a leur contraction : Que la toux, l'eternuement , le vomiffement, & toute action vive des mufcles du bas-ventre , peuvent etre tres-pernicieux & ceux qui ont de grandes obftiudtions dans le foie, puifque le paflage du iang des rameaux de la veine-porte dans ceux de la veine hepatique etant devenu difficile , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5}J l'affluence du fang dans la premiere pourroit la mettre en rifque de. ■ crever : » Qu'il doit etre trcs-dangereux pour de tels malades de fe trop emplir N A t o m i e. l'eftomac, qui ne manqueroit pas de preffer les vifceres & d'en dialler le Annie ij6i. lang dans la veine-porte : Qu'enfin il eft utile pour la meme raifon , que les femmes groffes me- nagent leur refpiration , qu'elles ne faifent point d'eftorts , & qu'elles fe faifent (aigncr a l.» moindre plenitude , iiir-tout dans le dernier mois de leur grofleife. Tels font les principaux corollaires de la theorie de M. Bertin fur le mouvement du fang dans les veines, caufe par la refpiration : quelques- uns de ces eftets etoient deja connus , mais la caufe en ctoit cachee , on ne pouvoit en rendre raifon •, & cela d'autant moins , qu'on cherchoit cette caufe ou elle n'etoit pas. On en devra atix recherches de M. Bertin la decouverte toute entiere & celle d'une infinite d'autres eftets qui avoient jufqu'ici echappe aux obfervateurs. II ne faut pas meme s'imaginer que 1'acKon des mufcles du bas-ventre fur le fang de la veine-porte loit mediocre-, il feroit peut-etre difficile de l'evaluer avec precilion; mais M. Bertin ayant examine fcrupuleufement ce point, a trouve que Taction des mufcles du bas- ventre, qui fe contractent avec force pendant line grande infpiration , imprimoit au fang de la veine- porte an mouvement au moins audi vif que celui qu'on imprime a lair en fouftlant avec force dans une farbacane : or ce dernier mouvement eft capable de pouffer une dragee pefint un gros a trois cent foixante pieds. Que n'auroit-on done pas a craindre d'une telle explolion de fang , ll la veine-porte n'etoit elle-meme revetue d'une tunique particuliere , connue fous le nom de capfide de GliJJbn ? Plus on avance dans 1'anatomie , plus on admire la fagelie avec laquelle l'Auteur de la nature a phce par-tout des reifources contre les accidens auxquels il prevoyoit que le corps ani- mal feroit expofe. m ABREG^DESMEMOIRES Anatomi E. Annie 1763. OBSERVATIONS ANATOMI QUES. I. Ilift. J-Vi-R. Bourru, chirurgien de Paris, a communique a I'academie 1'obfervation fuivante. Le 25 juillet 1765 , il fut appelle, avec M. Philip, medecin de la faculte de Paris, pour faire l'ouverture d'un horame mort la veille : cet horame avoit cu pendant Ies cinq dernieres annees de fa vie une dyffenterie prefque continuclle & 1'haleine tres-courte ; il fentoit vers le creux de l'eftomac une pefanteur infupportable ; & M. Philip , qui avoit fuivi fa maladie , avoit remarqtie au-deitous du cote gauche de la poitrine une tumeur qui etoit douloureufe lorfqu'on appuyoit la main def- fus. Ce malade avoit neanmoins beaucoup d'embonpoint : le jour de fa mort il avoit rendu par les idles beaucoup de fang caille. On trouva a l'ouverture du corps deux oil trois pintes d'une eau jau- natre epanchee dans le bas-ventre , le pancreas etoit un peu fquirreux & fes veines variqueufes , l'appendice vermiculaire du ccccum manquoit ablo- lument •, les inteftins greles etoient dans l'etat naturel , mais le colon n'y etoit que jufqu'a la moitie de fon grand arc, au-dela il alloit toujours en retrecilfant tellement, qu'a 1'endroit ou il prend le nom de redum, il ad- mettoit a peine le petit doigt, & cette efpece d'etranglement etoit dur & fquirreux : toutes les parties contenues dans le bas-ventre etoient envelop- pees de paquets de graiffe bien plus confiderables qu'elles ne le font dans Tetat naturel : le foie n'avoit ni la confiftance ni la couleur ordinaire & etoit parfeme de petits grains blanos, qui paroilibient autant de petites glan- des devenues trcs-dures & fquirreufes : les veines de l'abdomen etoient varifqueufes. Tout le refte des vifceres etoit en bon etat. II n'y avoit dans tout ce que nous venons d'expofer aucune caufe de mort, mais M. Philip, & M. Bourru l'eurent bientot trouvee en ouvrant la poitrine. Aprc-s avoir enleve le Iternum , ils apper9iirent une poche grolfe comme la tete d'un homme , qui couvroit les poumons ; elle etoit d'un rouge noiratre & paroiffoit prete a fe mortifier a 1'endroit qui repondoit a celui ou M. Philip avoit appercu la tumeur. Les deux obfervateurs recon- nurent cette poche pour etre le pericarde extremement dilate ; il en fortit, en l'ouvrant , environ trois pintes d'un fluide fanguinolent : le cceur etoit excorie dans quelques endroits de fa furface externe, & fuppuroit dans d'au- tres endroits de cette meme furface, qui etoit enflammee d'un bout a l'au- tre. Le pericarde etoit fquirreux •, dans quelques endroits il avoit plus d'un pouce d'epaiffeur & dans les moins epais trois ou quatre lignes , fa furface interne etoit en auffi mauvais etat que la furface externe du cccur : le pou- iuoii gauche fuppuroit & le droit etoit gangrene, il adheroit au pericarde & a, la plevre, qui avoit dans le cote droit un pouce d'epaiffeur, en forte que toutes ces diiierentes parties de la poitrine ne formoient qu'une feule DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 555 maffe prete a tomber en pourriture. Dans le cote gauche, le plevre etoit ■■■■ — — — — en bon etat, mais le poumon fuppuroit. Aprcs totite cette description de letat de la poitrine de ce malade, il N A T ° M ' E* eft aile de voir quelle avoit ete la caufc de fa morf, mais il n'eft pas aufli Annie ft 3. facile de decider quelle avoit etc celle de la maladie, ni quels moyens on auroit pu tenter pour la domter, ou meme pour en retarder le progrcs. On trouve ordinairement dans le pericarde des cadavres qu'on diifeque, une liqueur plus ou moins abondante , qu'on croit fervir a lubrlfier le cceur & le pericarde , & a empecher que ces deux parties ne s'enflamment par le frottement continu & ne parviennent a s'unir. Cetre opinion n'eft cependant pas h generale, que quelques anatomiftes ne nient 1'exiftence de cette liqueur: nous pouvons meme citer au nombrede ces derniers, M. Lieu« taud , (a) qui pretend quelle ne fe forme qu'aprcs la mort. Si cependant on veut admettre l'opinion d'Heifter qui pretend que cette liqueur eft ex- primee du fang & filtre a travers les oreillettes 11 i neterogene au relte de la pierre ; queues different entrelles par leur cou- AnrJc ijSj. leur , leur forme, leur volume, leur poids , leur durete & l'arrangement de quelques-unes de leurs parties, & l'analyfe chymique avoit t:re de plu- lieurs d'entr'elles, de la terre , du fel volatil , de l'huile fetide & meme une quantite d'air incroyable & qui va quelquefois , fuivant les experiences de M. Hales, jufqu'a la moitie du poids de la pierre : enfin quelques phy- ficiens avoient avance qu'il y avoit des calculs diffolubles par les acides , tandis que d'autres nioient formellement que ces diffolvans euflent aucune prife fur eux ; ceux qui loutenoient la diffolubilite des calculs dans les aci- des, ajoutoient line circonftance remarquable, c'eft qu'apres la dilfolution , il reftoit une efpece de nuage ou de flocon mucilagineux , fufpendu dans Ie diffolvant , & qui ne s'y meloit point. Dans cette incertitude, M. Tenon prit le parti de recommencer les ex- periences par lui meme & d'examiner principalement ces deux points , 1'un s'il y a des pierres animales qui reliftent a l'actton des acides, ou au moins de certains acides ', & l'autre quelle eft la nature de ce nuage que quelques auteurs avoient vu dans la liqueur apres la diflblution. II commenca done par fe fournir des differentes efpeces de concretions pierreules qui fe forment dans le corps animal, & les foumit a Taction des dirlerens acides , obfervant leulement de les aftoiblir avec l'eau commune comme Maltre-Jean 1'avoit autrefois pratique dans fes recherches fur le cryftallin, & comme M. HerilTant l'a mis en ufage dans le travail interellant qu'il nous a donne fur la texture des os. Cette precaution d'afToiblir les acides mineraux dont on fe fert, n'eft pas inutile, s'ils etoient dans toute leur force, ils detruiroienr une partie inte- reffante de la pierre que les recherches & les obkrvations de M. Tenon lui ont fait connoitre : hatons-nous d'en prefenter les refultats. Les efprits de nitre & de fel , l'eau regale aftbiblis, les acides meme ve- getaux, degagent une quantite d'air confiderable des pierres foumifes a leur action , ils feparent de toutes celles qu'ils peuvent dilfoudre une partie ter- reftre qui fe dilfout & demeure unie au diffolvant, a moins qu'on ne la precipite par un alkali : mais cette diffolution laiffe a decouvert une autre partie bien plus finguliere , qui s'eleve a la furface de la liqueur fous la forme d'un nuage niucilagineux, & qui , tant qu'elle eft imbibee du fiuide, conferve la forme & le volume de la pierre-, ce corps tranfparent & leger eft le rudiment, oil comme M. Tenon le nomme, le canevas de l'edi- fice pierreux •, les perles, les pierres qui fe forment fur les dents ou dans i 1'os de la machoire , celles de {'uterus, celles des boyaux des chevaux ou des chevres, & enfin celles de la veflie de l'homme & du pore- epic, ont toutes prefente le meme phenomene. II ne faut pourtant pas s'imagincr que les memes acides produifent le meme eflet fur toutes lortes de pierres , les pierres jaunes & cendrees du poumon & les pierres a couches jauiiatres de la veffie, font bien plus lon- gues a diffoudre par l'acide nitreux , & ellcs ne prcfentent apres la dido- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 35? Union aucun canevas, mais un flocou de mucolite qui fe precipite au fond — — — ■ du vaiffeau. . D'autres pierres de veffie noires, & mamelonnees a leur furface, ne fe N A T ° M ' E' dilfolvent point du tout dans I'acide nitrcux , mais cepcndant il agit fur Annie 1764. elles , car il leur enleve leur couleur noire & les rend friables. Dans le nombre des pierres de la veffie , il s'en trouve qui font alter- nativement compofees de couches noires & de couches blanches; M. Te- non voulut voir ce qu'elles deviendroient dans de l'cfprit de nitre , & il les y mit-, la meme chofe arriva qu'aux pierres purement noires & pure- ment blanches , les couches de cctte derniere couleur furent diffoutes & laifferent a decouvert leur canevas, les noires ne furent pas attaquees. M. Tenon ayant examine Taction de Tefprit de nitre fur les pierres ani- males qu'il lui avoit foumifes, voulut voir quel feroit fur elks Teffet de l'huile de vitriol, & il trouva que cet acidc, quoique plus fort que l'efprit de nitre , n'attaquoit point les pierres jaunes de la veffie que I'acide ni- treux avoit diffoutes, qu'il diflolvoit ou plutot detruifoit plus lentement que l'efprit de nitre, prelque toutes les autres pierres animales , excepts chiles des boyaux des chevaux, mais qu'il detruifoit en meme temps cette ffpece de lubftance qu'on nomme canevas , qui fe trouve dans toutes ces pierres. Nous avons dit qu'il detruiloit, car Taction de I'acide vitriolique n'opere pas une veritable diffolution , e'eft plutot , felon l'expreffion meme de M. Tenon, une demolition, & on en voit les debris au fond du ViCe, ce qui n'arriveroit certainement pas s'ils etoient dilfous. Cette circonftance de la deftruction du canevas dans l'huile de vitriol , & les flocons muqucux ou glaireux qu'on obfervoit au fond du bocal aprcs la diffolution de certaines pierres par Tefprit de nitre, rappellerent a M. Te- non qu'on Tavoit autrefois affur£ que les eaux de Barege reduifoient en glaire les pierres de la veffie loumiles a leur action , e'en fut alfez pour lui faire foupconner que les flocons glaireux de fes experiences & la glaire dans la forme de laquelle les pierres etoient converties par Teau de Barege n'e- toient autre chole que les debris de ce canevas qu'oftrent toutes les pierres diffoutes & plus ou moins attaque & ramolli. Un voyage que M. Tenon eut o;calion de faire a Barege, le mit a por- tee d'examiner ce fait par lui- meme, & il trouva que les pierres blanches, & les pierres Jaunes etoient reduites affez promptement dans les eaux de li Source royile & dans celles de Cautres en une efpece de glaire limpide, vilqueufe & femblabie au blanc d'asuf ; il eft done certain que le canevas qui y exifte eft au moins tres-altere par Taction de ces eaux, mais ce qui eft peut-etre plus lingulier que tout le refte, e'eft que ces memes pierres jaunes qui avoient relifte abiolument a l'huile de vitriol, & ne s'etoient dif- foutes dans I'acide nitreux qu'aprcs plulieurs mois de fejour dans cet aci- de , aient cede li promptement a Taction de ces eaux, bien moins fortes en apparence que les acides dont nous venons de parler. 11 exiftoit encore line efpece de pierres morales qui ne fe Iaiiioient en- tamer ni par les eaux minerales , ni par Tacide nitreux ; il ctoit cependant Vv ij 5+o abreg£ des memoires __ neceflaire de les decompofer pour voir (i elles contenoient reellement , comme M. Tenon avoit droit de le foupconner, un canevas analogue a A n a t o m i e. celui qU'il aVoit trouve dans toutes les autres. Annie I'ca, ^ avoit appercu que ces pierres , quoiqu'elles ne fuiTent pas dirToutes. ' donnoient a l'acide nitreux line couleur jaune , & il avoit degage de cer- tains calculs une fubfhnce jaunatre & huileufe , plus pefante que l'efprit de vin & que les acides , & qui le precipitoit au fond du vaifleair, e'en fut aflez pour lui faire foupconner que dans la composition des pierres refrac- taires, il fe trouvoit une fubftance graffe qui defendoit le refte de kurs par- ties integrantes de faction des acides. Pour effayer de leur enlever ce defenfif, il les fit bouillir les lines dans de 1'eau pure, les autres dans de 1'eau de favon , d'autres enfin dans des eaux minerales de Barege & de Cautres, & il eut le plaifir de voir fa con- jecture confirmee, il en fortit des courans etonnans d'air, & les ruemes pier- res qui avoient rellfte pendant trente-cinq meis aux acides , y furent apres cette preparation diifoutes en tres-peu de jours & laifferent leur canevas a decouvert , mais avec cette circonftance que celles qui n'avoienr eprouve que 1'eau commune on 1'eau de Barege bouillante pour toute preparation, le trouverent les plus faciles a diffoudre. II eft done bien certain que toutes les pierres animales fe peuvent dif- foudre par les acides, mais elles ne fe difiolvent pas toutes par le meme, & quelques-unes ont , comme on vient de le voir , befoin d'une prepara- tion cjui les rende diffolubles. II n'eft pas moins conftant qu'il n'eft point de pierre animale qui n'ait Hn canevas qui fert comme de charpente a fon organifation & de (outien h !a matiere cretacee diffoluble dans les acides, qui leur donne leur con- li.ftance & leur durete. Ces canevas ne font ni de la meme forme ni de la meme nature dans toutes les pierres : les lines, comme les perles fines, les pierres blanches & jaunes murales de la veffie, celles des routes uterines, certains bezoards tres- compa&s du pore-epic, & celles des boyaux de chevre, ont un canevas com- pofe de couches orbiculaires concentriques, emboitees les unes dans les au- tres comme les peaux d'un oignon, trantparentes, flexibles & muqueufes. D'autres, comme celles des ecreviffes & des homars, le tuf des dents & quelques-unes du baffinet du rein, ont un canevas compote de couches audi tranfparentes, mais plus folides & feulement femi-orbiculaires, emboi- tees les lines dans les autres comme des gobelets •, ces deux efpeces de ca- nevas fe durciffent par 1'eau bouillante & par l'efprit de vin, mais 1'eau tiede les ramollic & les reduit h la longue en une fubftance branchue & mu- cueufe. II fe trouve des pierres dont le -canevas eft poreux, & reprsfente luie ef- pece d'eponge , & ces canevas font de trois efpeces difterentes •, les pre- mieres qui fe trouvent dans de certaines pierres de Yuterus offrent une fubf- tance qui parol t comme lymphatique, trouee en plufieurs endroits, & une partie eolorante huileufe qu'on en fepare par l'efprit de vin ; ceux de la fe- conde efpece qui fe trouvent dans certaines pierres d:s boyaux des chevaux, DE I/ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 54.1 font compofes, outre la fubftance muqueufe, d'une trcs-grande quantite de *—— — ^ poils tres-fins & de fragmens tres-menus de vegetaux : if s'eft trouve enfin . dans quelques pierres formees dans la machoire inferieure un canevas qui , N A T ° "! ' T' a la folidire pres, rcifembloit beaucoup au parenchyme des os. Annie i^&a II rcfulte des recherches de M. Tenon , defquelles nous venons de ren- dre compte, que la nature des pierres animales n'etoit en aucune facon connue , & que la diverlite de leur compolition etant audi grande qu'elle Left, il ne doit pas paroitre etonnant qu'aucun remedc julqu'ici n'ait pu par- venir a les ditfbudre toutcs : on s'eft trop hate de les donner, fur quelques fucccs, comine des fpecifiques contre la pierre en general, on s'eft trop hate de les profcrire & de les abandpnner d'apres leur inefficacite dans d'au- tres cas; la nature des pierres mieux connue, pourra donner des moyens de reconnoitre l'cfpece de celles qu'on voudra attaquer , & de fubftituer des traitemens reflechis & eclaires, a I'empyrifme aveugle. On juge bien que ce travail n'eft pas fini , M. Tenon n'a garde de ne pas profiter de la route qu'il went des'ouvrir, il promet la fuite de fes recherches, on peut s'en rapporter a fes lumieres & a fon zele pour le progres de la phyiique & etre bien fur qu'il ne les abandonnera pas. Sur unc Maladie finguliere. /academie a rendu compte en 1-53 (a) de la maladie extraordinaire T;: de la nominee Suppiot, dont les os setoient ramollis au point de ceder a la retraction des mufcles, & de permettre a fes pieds de fe relever jufque derriere fa the, a laquelle ils fervoient comme de couffin : en void one feconde qui ne le cede nullement en lingularites a la premiere , & que M. Morand fils a communiquee a l'academie : la nominee Bourguillot , veuve Mellin , qui a eu le malheur d'en etre le fujet, etoit d'une affez belle taille, d'un temperament plethorique & cTun caradtere vif, prompt & enjoin;-, elle n'avoit eu pendant fa jeunefTe d'autre derangement de fante, qu'une ftipprelTion de fes regies pendant environ deux ans, line ophtalmie, quelques douleurs fourdes dans un genou , accompagnees d'une cfpece de cliquetis qui fe raifoit entendre dans les mouvemens de cette partie, & quelquefois d'une rougeur & d'une legere enflure qui s'y faifoient re- marquer. Elle fe maria a lage de vingt-un ans & cut deux enfans en quatorze mois, a la feconde couche elle eut beaucoup de bit, qui ne parut s'ecou- lcr par aucune des voies ordinaires : bien- loin de-la, tout fe fupprima 'des le troilieme jour, fans cependant lui caufer d'autre accident qu'ime legere enflure au genou, & elle fe releva le huitieme jour fins aucune incommo- dite apparente. (a) Voycz Hifi. 1753, Cell. Add. Part. Trw?. Time TO Anatomie. j4i ABREGE DES MEMOIRES Cet etat ne fut pas de longue duree, le lendemain die fut faifie d'un froid & dune foibleue univerfelle , accompagnee d'un violent mal de tete ' & de douleurs aigue's dans les genoux , qui parurent gonfles & converts Annie 1764. d'empoules rouges & luifantes : elle perdit l'appetif, on fentoit dans toute l'etendue de l'abdomen des inegalites produites par le lait grumele, & elle rendit par le voiniffement line matiere laiteufe infectie. Dix mois de fecours adminiftres felon toutes les regies de la medecine, n'opererent aucun changement favorable dans la lituation de la malade, bien-loin de-la , les mufcles extenfeurs du pied commencerent a fe rac- courcir, & les pieds fe trouverent dans la meme dire&ion que la jambe ; un Empyrique auquel elle fe livra fut plus heureux , du nioins en appa- rence , au moyen de topiques qu'il appliqua , l'enflure des genoux difpa- rut, mais l'humeur qu'il avoit chaffee feulement de cette partie, ne tarda pas a fe jetter fur une autre ; il furvint vers le coccix des clous de la grof- feur d'un ceuf, ils abcederent & les vers s'y mirent ainfi qu'aux ongles des pieds-, les douleurs revinrent tres-vives, non-feulement aux genoux, mais encore aux bras, la retra&ion s'etablit dans leurs mufcles & la malade cefia de pouvoir en faire ufage •, elle devint fujette a des fyncopes accompagnees d'epanchement de bile qui paroiflbit fur la face, & pendant lelquelles on l'a crue morte plus d'une fois •, les douleurs devinrent afFreufes & fans re- lache, & les jambes & les cuifles fe retirerent de mjiniere qu'elles le font appliquees fur fon corps, de facon que les talons touchoient immediate- ment les feffes; cet exces de maux n etoit pas cependant encore a fon ram- ble, il s'y joignit une violente douleur de tete, elle vit autour d'elle un brouillard epais , la vue s'affoiblit & fe perdit fans retour : cet etat affreux dura Rx mois, alors les regies fupprimees depuis la couche fatale qui avoit caufe tons fes maux , reparurent & ne difcontinuerent plus de revenir en leur temps, les douleurs diminuerent, elle obtint quelques heures de fom- meil, mais la retradcion des mufcles augmenta, les bras, lescuilfes& les jambes s'appliquerent fortement le long du corps comme s'ils y euffent ete replies & ferres avec une corde. L'etat de la femme Suppiot dont la malade entendit parler, & a Iaquelle fes pieds fervoient d'oreiller , 1'eftraya, & pour eviter un pareil malhcur quelle crut avoir a craindre , elle contint fes membres dans le milerable etat ou ils etoient, au moyen d'une efpece de jupon , fes mains etoient alors enflees & fi douloureufes qu'elles ne pouvoient pas foufrrir le contact meme des draps •, les douleurs cependant fe font plus conftamment fixees fur les genoux, & la rougeur & l'enflure y fubliftent plus ou moins, la malade eprouve de temps en temps une fenlation qui lui fait croire que fes mem- bres vont s'alonger, mais cette fenfation eft trompeufe & e'eft le temps ou ils fe raccourciffent davanrage. Son eftomac ne paroit pas encore s'etre aftbibli, mais le ventre eft un peu pareffeux , les urines & les fueurs font dans leur etat naturel •, elle a pref- que toujours une douleur de tete fourde & quelquefois des elancemens , elle a une fluxion continuelle fur lesyeux, & de temps en temps une petite toux feche accompagnee dun crachement frequent , d'un mal de DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 5+5 dos continuel , d'clancemens dans cette partie & de gene dans la ref- •»»_n_aM_ piralion. ______ Un etat fi facheux paroftroit devoir mettre la malade a l'abri d'autrcs Anatomic. maladies, elle fenibleroit avoir paye bien au-dela de fa cotte-part des mi- Am' i^fi feres de cette efpece attachces a l'humanite, mais cependant elle n'a pas * ' iti exempte d'autres maladies graves, & indepcndamment des ulcercs & autres accidens de cette efpece qu'elle a efiiiyes , elle a etc attaquee d'une peripneumonie qui lui a fait cracher le fang & le pus pendant trois jours, elle a eu une fievre de mauvais caraftere & une enflure univerfelle , pen douloureufe a la verite & qui fe tcrmina par une dartre vive & faigneufe qui parut fous les aiflelles. Dans letat oti nous venons de reprefenter la veuve Mellin , privee de 1'ufage de la vue & de toils fes membres , audi horriblement contrefaite qu'elle left, livree aux verres & aux infe&es qui s'engendrent fouvent dans les uiceres qui lui furviennent , & dans les ongles de fes pieds & de fes mains devenus enormes, affujettie pour les moindres befoins a des fecours etrangers que fon etat ne lui permer pas trop de fe procurer, il lui feroit en verite bien pardonnable d'avoir ce que Ton nomme de Xhumeur , elle n'en donne cependant aucune marque, elle a conferve au milieu de fes dou- leurs, fa gaiete naturelle; fon embonpoint & fon coloris ne delignent nl les fouftranccs de fon corps ni l'aftlidlion de Tame. Cetre maUdie , malgre tout le rapport qu'elle a tant dans fa caufe que dans fes effets avec celle de la femme Suppiot, en diftere cependant a plu- fieurs egards •, dans celle de la Suppiot , la matiere morbifique avoit prin- cipalement agi fur les os, qui etant devenus flexibles, n'avoient plus fervi de point d'appui aux mufcles & avoient cede a leur adtion irreguliere •, dans celle-ci les os ont conferve leur durete, mais l'acl:ion des mufcles irregu- lierement augmentee , les a prefque tons diplaces, &-il s'eft fait, pour ainfi dire, une infinite de luxations par caule interne, qui ont occalionne l'aftreux ravage dont nous venons de rendre compte : mais quelque terrible que puiile are cet etat, peut-on le regarder encore comme le terme des maux de cette efpece auxquels l'humanite eft atTujettie! 344 ABREGE DES MEMOIRES Hift. A N A T O M I E. j ; f Sur une cpiplocele dont les Jignes furent d'abord trls- equivoques. V_/n feroit trop heureux en medecine & en chirurgie, fi les maladies qu'on entreprend de traiter etoient toujours fi bien cara&erifees qu'il fut im- poffible de s'y meprendre •, mais ce n'eft pas le cas le plus ordinaire , & fou- vent l'ambiguite des fignes exerce plus la fagacite du medecin pour recon- noitre la maladie, que fon habilete pour la guair quand elle eft une foi9 reconnue. M. Tenon rapporte une obfervation (inguliere qui pourroit fervir de nouvelle preuve a cette verite, fi elle avoit encore befoin d'etre prouvee-, il eft feulement facheux que ce foit un academicien qui y ait donne lieu. II fut appelle pendant l'automne 176} , pour voir M. Maraldi , qui etoit revenu de la campagne avec une groffeur dans l'aine droites il n'avoit fait aucun effort qui ei'it pu y dormer lieu, il avoit feulement fenti un leger piu- cement dans l'aine en le tournant dans fon lit, apres lequel la tumeur avoit paru, & s'etoit beaucoup accrue, parce qu'un accident arrive a la voiture dans laquelle il etoit, l'avoit oblige de faire un chemin confiderable a pied. M. Tenon examina la tumeur, elle n'etoit point ronde , mais boiielee & remplie de petits corps durs de la forme & de la groffeur d'une ave- line ; la peau etoit dure, paroiffoit epaiffe & adherente aux parties intcrieu- res qui ne fe pretoient a aucun deplacement, en un mot cette tumeur ne reffembloit en rien a une hernie de 1 1 jours qui etoient 1'epoque de celle de M. Maraldi. Les emolliens, les cataplafmes, la pomade mercurielle nJopererent rien fur cette tumeur, les bains & les bols fondans & legerement purgatifs eu- rent un peu plus de fucces, ils procurerent le ramolliffement de la tumeur, fon volume auparavant conftant , augmentoit lorfque le malade alloit a la felle & on fentoit au travers des duretes, une partie voifine de 1'anneaii qu'on pouvoit faire rentrer, pour lors on appercevoit avec les doigts un vide entre 1'anneau & ce corps pelotonne qui etoit toujours adherent, dur & fuperficiel. II n'etoit pas douteux qu'il n'y eut dans cette maladie une hernie, mais quel etoit ce corps li dur & li rebelle qui l'accompagnoit ? M. Tenon ofa penfer que ce corps etoit le refte d'une ancienne hernie dans laquelle lepi- ploon n'ayant pas ete repouffe dans l'abdomen , s'etoit par la preffion d'un bandage, colle autour de 1'anneau, l'avoit bouche & s'etoit durci dans plu- lieurs endroits, mais que quelques points de cette adherence ayant ete rom- pus, les pardes qui compofoient la nouvelle hernie, s'etoient echappees par-lh, M". Morand & Moreau, appelles en confultation , furent du meme avis, & ils apprirent en interrogeant le malade, qu'effectivement il avoit eu dans fa jeuneffe une hernie du meme cote, qui avoit ete guerie par un bandage, & a laquelle il ne penfoit plus depuis long-temps. II fe trouvoit done effectivement deux heniies, l'une recente aifee a guerir, DEL'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. J4f guthir, & uric autre anciennej M. Tenon effaya de fondre ces duretes de ;r^^TT^!2S Fancier) epiploon pour parvenir a cicatricer les bords de I'anneau, mais il A eut beau mcttre en ceuvre les fondans & les emplaftiques , rien ne reulTit, N T ° M ' E- il le forma dans les duretes des foyers de fuppuration , & il fallut ouvrir: Annie llGd. il trouvu effettivement line maffe d'epiploon qui bouchoit exadtement l'anneau , excepte par le bas , oil on voyoit une ouverture par laquelle avoient paffe les parties qui formoicnt la nouvelle defcente; cette maffe d'epiploon etoit li dure qu'on eut beaucoup de peine a l'emporter, il fallut employer le fer, les ligatures & la fuppuration pour s'en defaire,&on ne put en etre quitte qu'apres un traitement de pres de trois mois : cette ob- fervation peut fervir a demontrer combien il eft dangereux de lailfer quel- ques parties d'une hernie fans les faire rentrer; & combien il eft prudent, lorlqu'on a ete attaque de cette maladie , de porter toujours au moins un bandage contentif-, elle fait voir encore que la fuppuration (i redoutable dans les hernies recentes, a ete favorable dans celle-ci, & enfin elle offre des vues & des avantages dans le traitement des epiploceles anciennes, ad- herentes & fquirreufes, qu'on voudroit guerir radicalement. Ce n'eft qu'en obfervant de pres les accidens (inguiiers , qu'on peut trouver des reflour- ces pour les combattre ou les prevenir. Sur la Juuation du grand trou occipital dans V Homme & dans les Animaux. J—i'ANATOMU comparee eft un des flambeaux de la phyfique , la diffe- Hift. rence qui fe trouve entre les memes parties dans les diverfes efpeces d'a- nimaux, tient ordinairement aux ufages que chaque elpece en doit faire, & par conlequent influe beaucoup lur la connoilfance de l'economie ani- mate Jans chacune de ces efpeces ; il eft done utile d'examiner avec foin ces differences , puifqu'elles doivent prefque toujours nous conduire a dc nouvelles connoiffances. C'eft dans cette vue que M. Daubenton a entrepris de rechercher quelle pouvoit etre la caufe de l'enorme difference qui l'avoit frappe entre la fituation du trou occipital dans l'homme & dans les dirferentes efpeces d'a- nimaux •, nous allons effayer de donner une idee de fes recherches. Le grand trou occipiral eft l'ouverture par laquelle la lnbftance medul- laire doit paffer de la boite du crane dans la gaine offeule , formee par la colonne vertebrate ou epine du dos : c'eft le premier & principal de fes ufages, mais il en a encore un autre prefqu'auiTi important", deux points places fur les bords de cette ouverture, & plus releves que le refte, tou- chent a la premiere des verttbres du cou, & (out avec ces vcrtebres , comme la charniere ou plutot le genou lur lequel doivent s'executer tons les mou- vemens de la tete. CVft vraifemblablement a ce dernier ufage que tient la difference que Tome XIII. Partie Franfoiji. X x 34 II femble , dit-il , que la hauteur moyenne des hommes etant d'envi- s> ron cinq pieds, les limites ne s'etendent guere qua un pied au-deffus » & DE L'ACADEMIE ROY ALE DES SCIENCES. ,5, »» & au-deilous un homme de lix pie Js eft en eirel un tri-s-grand homme > '" f> & un homme de quatre pieds eft tres-petit ; les geans & les Nains qui ^ N _ f> font au-dcflus & au-deffous de ces tcrmes do grandeur doivent etre re- j> gardes comme des varictes individuelles & a'ccidentelles , & non comme Annie 1764. as des differences permancntes qui produiroient des races conftantcs. >j II n'eft done pas etonnnt que les manages de Nains & de Naincs frits, par I'e- le&rice de Brand.bourg & par Catherine de Modicis , n'aient donne au- cunc pofterite; fi quelqu'un avoir pu etrc fecond, il auroir pcut-ctrc pro- duit des hommes de taille ordinaire. u> OBSERVATIONS ANATOMIQUES. I. P u n habitant de la paroiffe de Trutemer prcs Conde-fur-Noireait, en ffifi. baffe Normandie, fe trouva tout d'un coup fail! d'un froid 011 friffon qui lui dura jufqu'au lendemain , ii commenca alors h reffentir des maux d'ef- tomac 8c line colique tres-violente accompagnee de vomiffemEns affretix parmi lefquels il rendoit des matieres ftercorales; il furvint le iurlende- main line douleur tres-vive a la cuiffe droite, il y appliqua un cataplafme de farine & de vinaigre qui diflipa la douleur , & il le crut gueri pendant trois jours; il s'en falloit cependant bcaucoup : au bout de ce temps les mo- mes douleurs & les memes accidens recommencerent, & il parut de plus line groffeur dans l'aine droite ; le malade qui n'en favoit pas affez pour feHtir le. danger de fon etat, fe contenta d'appliquer fur cette tumeur line jelotte de linge foutenue au moyen d'une ceinture de cotonnade , mais es accidens fubliftant toujours , il appella M. Legot, cbirurgien a Tinche- bray dans le voihnage. L'examen que celui-ci fit de l'efrt du malade, lui eut bientot fait reconnoitre line hernie avec etranglement de l'inteftin , il lui reprefenta le danger de fon etat fi vivement, qu'il fe refolut a l'opera- tion : la tumeur etant preparce par un cataplafme aromatique , on trouva qu'il s'y etoit forme line fifiule par laquelle il etoit forti plein la coquille d'un cetif de matiere jaunatre, epaiffe comme du miel & de trcs-mauvaife odeur; la fonde introduite par cette ouverture, fit voir que la plaie pene- troit du cote du ventre , & qu'il y avoit une fufee qui s'etendoiu du cote des bourfes qui etoient pour lors tres-cedemateufes-, l'ouverture faite lur la fonde donna ilfue h un pus de trcs-mauvaife odeur , dans lequcl il le trouva deux vers de cinq a iix pouces de long, de la meme efpece que ccux qu'on rend ordinairement par les felles; au panfement du lendemain il s'en trouva encore trois autres pareils, ce qui cemtinua jufqu'a ce que la plaie fut prefqu'entiercment cicatrifee, en forte que le malade rendit quinze vers par la plaie , & environ vingt par les fellcs. II n'eft pas difficile de voir queja caufe de tout le mal avoit eite une hernie avec etranglement; les vomitle- mens ftercorcux , les douleurs & le frtfibn que lc malade avoit eprouves Tome XLLL Panic Franfoi/i. Y y ^H A B R E G E DES MEMOIRES niii.i— nc le lui auroient que trop indique, s'il eut ete praticien, mais il ne l'ctoi: pas, 3c il avoit donne le temps a la partie pincee de Tinteftin de fe de- Anatomie. trH;re . c'ctoit lorfque cette partie avoit ceili d'etre vivante , qu'il avoit eu Annie t7&4- ^ taux ca'me dont nous venons de parler, alors l'inteitin abcede s'etoit ou- vert, & c'etoit par cette ouverture que s'ecouloient les matieres qui infec- toient, le pus & les vers qui paflbient de l'inteftin dans la plate ; le trai- rement methodique a fait difparoitre tous les accidens, mais le malade en avoit grand befoin , & la maladie fans ce fecours auroit furement ete mor- telle : ce detail eft tire d'une Icttre ecrite par M. Legot a M. Tenon. I I. M. Saiomon Cuchet , ancien chimrgien de vaiffeavt , a fait voir a l'a- cademie un foetus monftnieux , ne a Souliers en Provence. Cet enfant qui etoit venu a terme etoit compofe de deux corps reunis interieurement & un pen lateralement par le ventre & par la poitrine , les extremites fuperieures & inferieures etant dtimeurees dans letat naturel. II faut cependant en excepter la tete qui etoit unique & viliblement for- mee de la jonftion de celle des deux embryons. II refulte de ce que nous venons de dire, qu'en regardant ce foetus du cote de la poitrine, on voyoit quelle etoit forrnee de la moitie du fter- num de l'un & de la moitie du fternum de l'autre. II en refulte encore que le bras droit & la jambe droite .jppartenoient a un des foetus, & le bras gauche & la jambe gauche a l'autre, le cote droit de l'un & le cote droit de l'autre ayant ete comme obliteres par la jondion. En regardant chaque foetus pofterieurement , ils paroilfent complets , parce que l'epine eft terminee dans chacun par la faillie occipitale qui ap- partient a chacun, mais ces deux occiputs en venant fe joindre pour for- mer la boite offeufe unique, qui contient le cerveau, forment d'un cotd une face monftrueufement large, qui repond a-peu-pres a un thorax, & qui eft accompagnee d'une oreille de chaque cote, tandis que les deux au- tres oreilles fe trouvent tres-proches l'une de l'autre dans Tangle que for- ment pofterieurement les faillies des deux occiputs-, & le vifage , indepen- damment de ion exceffive largeur, a encore le defaut de ne repondre a aucun des deux occiputs ni a aucun des deux thorax , mais d'etre place ir- regulierement a tous egards. Cette conformation n'eft pas fi finguliere dans l'homme qu'on n'en trouve des exemples •, M. Morand flls , qui fut charge de l'examen de ce foetus monflrueux, en fit voir un prefque femblable, grave & decrit dans l'ou- vrage de Fortunius Licetus , de Monflris p. jo<>, fous Is nom de Monf- trum HaJJinceum. Mais elle eft encore bien moins rare dans les animaux , tels que les chiens, les chats, les cochons; & le meme M. Morand en fit voir un de cette der- niere efpece , qui avoit beaucoup d'analogie avec celui dont nous yenons de parler. M. Cuchet a dit que la mere de I'enfant qu'il avoit prefente , etoit a peine haute de trois pieds, quelle fe difoit agee de trente ans, & t>E L'ACADEMIE ROYALE DES SCONCES. 3 -> ' fulte , contre le fentiment de la plus grande partie des anatomiftes , que Hift. dans le fcetus, la veine ombilicalc fournit an foie la plus grande partie du tang qu'il recoit; que cette veine fe divile enluite en deux branches, dont rune le jette dans la veine-cave & l'autre s'unit avec la veine-porte-, que le fang de cette veine coule dans le foie de gauche a droite, mais qn'au moment de la naiffance, la veine ombilicale celfant ia fonftion, le fang de la veine-porte rebroufle, pour aiiill dire , chemin , pour remplir, par la communication c'tablie entre ces deux veines , les rameaux que la veine om- bilicale avoit jettes dans le foie, ou il va jufqu'a la mort dans une direc- tion abfolument contraire a celle qu'il avoit dans le fcetus. M. Berlin a donne cette annee la luite de cet important ouvrage djns deux memoires fepares •, le premier contient la defcription des veines he- patiques, & principalement des rameaux de communication , jufqu'a pre- fent ignores, qui paflent immediatement de la veine-porte & de la veine- ombilicale dans les veines hepatiques, & enfin des conlequences qti'on en pent tirer pour l'intelligence du vrai cours du lang dans le foie du fcetus & dans celtii de l'adulte , & des resources que la nature s'eft menagees dans cette conftruction en cas de maladie de ce vifcere. Les veines hepatiques qui forment, au fortir du foie, des branches de la veine-cave, ont des ramifications tres-nombreufes •, ces ramifications prennent nailfance dans les grains glanduleux du foie , & e'eft la vraifem- blablement que font leurs anaftomofes ou jondtions avec les extremites des rameaux, fournis par la veine-porte & par la veinc-ombilicalc qui font a regard du foie la fonclion d'arteres. Des anaftomofes femblables unitfent les extremites des branches capil- Iaires des arteres a celles des veines ; elles font une fuite neeeiiaire de h circulation, & le paffage des injections des arteres dans les veines, en de- montre l'exiftence : mais ces jonctions immediates font tres-difficiles a ap- percevoir, & les plus celebres anatomiftes de i'antiquitc n'ont pu avoir cette fatisfac"tion. Leuwcnhocck & Malpighi ont cte plus heureux : a l'aids (a) Voyez 1'Hift. de 1753. ColIcA. Acad. Part. Ff. Tome XI. 55S A B R E G £ DES MEMOIRES — » des microfcopes , ils en ont appercu quelques- lines dans le poumon , le me- . fentere & la queue de quelques animaux-, M. Berlin lui-meme, apres bien A N A t o m i e. jes teinat,ves inutiles, eft parvenu a appercevoir diftindtement deux anaf- Anntc 1764 tomofes, l'une de I'artere bronchique avec une veine cefophagienne & avec une branche veineufe du tronc interieur des pulmonaires gauches , & il a vu quatre fois I'artere radiale donner une branche vilible qui s'ouvroit dans une des deux veines fatellites dont on fait quelle eft accompagnee. Puifque la veine-porte & la veine-ombilicale font dans le foie fon&ion d'arteres , ce feroit donner une preuve de la circulation que de demontrer qu'elles euflent des anaftomofes vifibles avec les veines hepatiques ; les in- jections qui paffent aifement des unes aux autres, font une preuve certaine de l'exiftence de ces anaftomofes , mais perfonne jufqu'ici n'avoit pu par- venir a les voir-, & fi Spigel & Bartholin en ont donne des figures , l'enorme grandeur quils donnent a ces communications fait voir evidemment qu'ils fe font trompes en prenant pour ces anaftomofes des efpeces de collemens ou d'tinions membraneufes que les branches capitales des veines hepatiques contractint avec celle de la veine-porte aux endroits ou elles fe croifent, inais fans aucune communication des unes aux autres. Les anciens avoient trouve un autre moyen de rendre raifon du paffage du fang & des injections, du tronc de la veine-porte ou de celui de lom- bilieale dans les veines hepatiques ; ils regardoient la fubftance parenchy- mateufe du foie comme une efpece de terrain marecageux , dans lequel les extremites des rameaux de la veine-porte & de la veine-ombilicale repan- doient leur fang , qui etoit enfuite repompe par celles des veines hepati- ques , a-peu-pres comme un arbre pompe avec fes racines l'eau qui s'efl imbibee dans le terrain oil il eft plantc : idee fauffe en elle-meme , mais qui eft au moins une preuve fans replique qu'ils navoient pas decouvert les anaftomofes de ces vaiffeaux. On juge bien que M. Bertin n'a pas epargne fon travail pour decouvnr ces anaftomofes tant defirees , & fi fes foins n'ont pas ete couronnes d'un fucces complet, il eft au moins parvenu-a decouvrir des communications immediates & trcs-differentes de celle de Spigel entre la veine-porte & les veines hepatiques ; il a trouve dans le foie humain , par un travail opinia- tre, des canaux affez fouvent tournes en arcade, mais cependant quelque- fois droits, qui faifoient cette communication. II en a vu quatre ou cinq, & ne doute nullement qu'il n'y en ait un bien plus grandnombre ; quel- ques-uns de ces canaux font tres-courts-, dautres ont jufqu'a 4 ou 5 hgnes de longueur fur environ une ligne de large; ils font tres-difticiles a luivre & plus encore a diftinguer d'une infinite de vaiffeaux des veines-pprte & hepatique , qui fe croifent & s'cntrelacent de mille manieres fans fe joindre en aucune facon. II n eft pas' difficile de reconnoitre l'ufage de ces communications : dans le foetus, elles fervent au merae ufage que le canal veineux d'Aran- tius (a), & laident dans fa fonction de tranfporter immediatement le fang (a) Voy. I'Hift. de 17J3. Ibid. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 355 de la veinc-porte & de l'ombilicale dans la veine-hepatique, mais elles ont ■ . bicn un autre uiage dans l'adii'te •, elles font des routes que la fageffe du « Createur a menagees pour fuppleer aux veritables anaftomofes lorlque eel- N *•"' les-ci font rendues inutiles par les engorgemens des grains glanduleux oil Annt'e ijGc. elles fe font, & qui n'arrivent que trop fouvent : fans ce lecours , non- feulement la filtration de la bile, mais encore la circulation du fang, cef- feroit totalement dans le foie, & la mort en feroit une fuite infaillible. Mais pourquoi ces engorgemens font- ils beaucoup plus frequens dans le foie que dans aucune autre partie du corps animal ? M. Bertin en trouve la raifon dans la dirficule du paffage du lang i travers le foie qui produit la lenteur de la circulation , & par confequent repailTifferaent du fing dans ce vifcere : cet epaiffiffement eft une fuite naturelle de la diminution du mouvement, & cette diminution etoit neceffaire pour donner lieu a la te~ paration qui fe fait de la bile contenue dans le fang, dans les follicules glanduleux du foie. II eft done tres-avantageux que lorfque ces follicules font engorgees, il n'y ait que la feparation de la bile de fupprimee, & que la circulation fubCfte; la premiere produit, a la verire, une maladie dan- gereufe, mais a laquelle on peut remedier, & la feconde feroit fuivie d'unc prompte mort. La eaule de cette lenteur de circulation eft aifee a decouvrir : le fang des arteres deja anims par l'air qu'il vient de recevoir, eft encore chaffs vi- •vement par le battement du cceur & par leur reaction ■, celui de la veine- porte , an contraire, eft depouille de la plus grande partie de fon air & ne recoit prefque aucune impullion des arteres , & fa lenteur feroit bien plus grande, li fon mouvement n'etoit aide par Taction du diaphragme & des mulcles dans le temps de la relpiration ; M. Boerhaave remarfjue que lorfqu'on ouvre le ventre aun chien vivant, les veines mifenteriques qu'on appercoit d'abord tres-petites, fe gonflent prodigieufement, & la raifon de cet erfet, eft que ces vaiffeaux qui torment par leur reunion la veine-porte, n'etant plus aides par le mouvement excite par la refpiration , puifque 1'ou- verture du ventre a ditruit les organes qui le lui communiquoient , la circulation s'eft ralentie dans le foie, & ces vaiffeaux fe font trouves fur- eharges de fang-, tout ceci pole, il en refulte par une confequence necef- faire, que la vie ledentaire & appliquee, dans laquelle la refpiration eft comme diminuee & oii le corps ne recoit aucun mouvement, rend les gens de lettres beaucoup plus lufceptibles des maladies du foie que les autres hom- ines, & que par confequent ils doivent rechercher avec loin les occafions de faire de l'exercice; ces vaiffeaux de communication decouverts par M. Ber- tin , font places pres des grains glanduleux, & ils acquierent par-la une nou- yelle utilite : la bile noire & les autres matieres qui embarraffent les ve- ritables anaftomofes, peuvent plus ailement, foit par ferret des remedes , foit d'elles-memes , rep.iffer par ces conduits & rentrer dans le torrent de la circulation , que s'ils etoient fort eloignes des points d'engorgemenf, elles peuvent de meme repompcr la matiere purulentc des abces & des ulceres qui fe torment dans les vifceres du bas- ventre, & e'eft une reffource de plus, menagee par l'autcur de la nature dans le cas de ces accidens. A N A T O M I 1 tfb ABREGE DES MEMOIRES On dira peut-etre que le petit nombre & le petit diametre de ces tuyaux feroient line foible reffource d.ms le cas oil le foie feroit obftrus dans fa ' plus grande partie •, mais premierement M. Bertin n'eft pas allure de leur Annte ijGc.. nombre, & il eft a prefumer qu'il eft fort grand; quant a leur capacite, elle peut admettre dans fa cavite une quantite de fang considerable, ces vaiffeaux etant fujets a exten(ion des que le fluide y abonde : c'eft fur ce principe que M. Duverney empecha qu'on ne coupat le bras a un homme \ qui on avoit ete oblige de Her l'artere brachiale; il ofa fe fier fur l'agranditfement des branches collaterals prefqu'imperceptibles dans l'etat naturel , & foil attente ne fut pas trompee ; il fauva le bras & peut-etre la vie au malade. Les reffources de la nature font en tres-grand nombre, c'eft au travail des anatomiftes a nous en mettre, pour ainli dire, en poffeffion. Jufqu'ici nous n'avons prefque parle que des differentes parties du foie Sc de la defcription qu'en a donnee M. Bertin, il eft temps de les mettre, pour ainfi dire, en action & d'expliquer la maniere dont fe fait la circula- tion dans cet organe, fur-tout pendant le temps que le foetus eft enferme dans le fein de fa mere •, cette circulation etoit (i peu connue , qu'on peut regarder cette matiere comme abfolument nouvelle, c'eft l'objet du fecond memoire de M. Bertin. On fera aifement convaincu de cette verite (i on veut bien prendre la peine de lire les ecrits des plus celebres anatomiftes fur cette matiere, comme M^ Tauvry, Needham, Bianchi, Heifter, Morgagni, &c. & fur- tout les paffages de Mrs- Bianchi & Morgagni, cites par M. Bertin dans la premiere partie de fon memoire-, on y verra des idees abfolument contraires a celles qui fuivent neceffairement des recherches de M. Bertin : nous hater de paffer a la maniere dont le fang circule dans le foie du fcetus, qui fait le fujet de la feconde partie du memoire de M. Bertin •, cette feule ex- position furhra pour faire voir combien il differe en ce point de ceux qui l'ont precede. Tout le fang que recoit le fastus , vient de la mere •, incapable de ref- pirer par fa fituation , il ctoufleroit bientot (i la mere ne refpiroit pour liu & ne lui envoyoit le fang impregne d'air & ce fang apres avoir circule dans le corps du fcetus retourne a la mere pour paffer de nouveau par fon pou- mon & y reprendre de l'air, fuivons le dans ce trajet. Le fang de la mere paffe des vaiffeaux de la matrice dans ceux du pla- centa qui lui eft adherent, & de-la enfile la route de la veine ombilicale qui le porte direftement au foie du fcetus. Arrive a ce vifcere , ce fang parcourt rapidement toute la longueur de la veine ombilicale qui fe termine en cet endroit par une efpece de tete de laquelle fortent deux tuyaux , l'un eft le canal veineux, qui fuivant a- peu-prcs la meme direction que le tronc de l'ombilicale, va fe jetter, apres un court trajet, dans la veine-cave a l'infertion d'un des troncs des veines hepatiques, l'autre va joindre la veine-porte en allant de gauche a droite & s'unit abfolument avec elle; une partie du fang apporte par l'ombilicale, enfile done directement la route du cosiir du fcetus & fournit au develop- peinent de cet organe fi neceffaire , & par fon moyen a celui de tout le corps ; DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3*1 corps •, cette quantite de fang eft conlideiable ii on !a compare avec celle — ™— — — qui paffe par !es autres branches qui naiffent de cette efpece de tete que . M. Benin nomme le fiaus ombilical. A n a t o m i e. Une autre partie de fang paffe par un rameau qui part dn meme finus & Annie lj6i. coulant de gauche a droite, va s'unir apres un court trajet a ia veine-porte, au fang de laquelle elle mcle le lien, & ces deux colonnes de fang reu- nies , rerapliffent tous les tuyaux des branches que fournit Ia veine porte. II refulte de cette difpolition, que dans le rectus, la veine ombilicale fournit elle feule prefque les trois quarts du fang qui paffe dans le foie , puifqu'elle nourritelle feule tous les rameaux qu'elle jette, & quelle donnc encore une partie confiderable de fon fang pour fournir ceux que produit la veine-porte-, il en relulte encore que la quantite confiderable de fang qui paffe diredtement par le canal veineux , appartient en entier a la veine ombilicale, fans que la veine-porte y contribue en rien ; I'infpe&ion feule des vaiffeaux & de Ieur calibre prouve inconteftablement cette circulation, puilqu'en la fuppofant, comme on l'avoit fait jufqu'a prefent , en fens con- traire , il faudroit que le cours du fang de la veine-porte , moindre en quantite & dont la viteffe eft tres petite, puifqu'il n'eft fourni que par la veine fplenique , la mefenterique & l'hemorroidale interne du fcetus, fur- montat celui du fang de l'ombilicale qui vient en bien plus grande quan- tite & qui eft anime par l'action de la relpiration & des vaiiieaux de la mere; le fang, rant de la veine-porte que de l'ombilicale, parcourt done toutes les ramifications qu'elles donnent, jufqu'a cellcs qui fe perdent dans les grains glanduleux oil fe fait la fecretion de la bile, & apres l'y avoir depofee, il rentre par les extremit.es capillaires des veines hepatiques, d'oil il paffe dans leur tronc & de-la dans Ia veine-cave ; tout le fang ne fait pas cependant cette route jufqu'au bout, une partie paffe fans aller "jufqu'aux grains glanduleux de la veine-porte & de l'ombilicale dans les veines hepa- tiques par les tuyaux de communication que M. Benin a decouverts & dont nous avons parle ci-deffus. II feroit fans doute tres-curieux de connoitre le rapport des quantites de fang qui paffent par la veine-ombilicale , la veine-porte & tons les ra- meaux qu'elles repandent dans le foie; mais on ne peut fe flatter d'un cal- cul exacl: fur cette matiere , il faudroit que la proportion de ces vaiffeaux flit la meme dans tous les fujets, & elle|ne l'eft pas; que les mefures de leurs cavites fuffent precifes, & il eft prefqu'impoilible de s'en procurer de telles ; & enfin que les viteffes du fang dans leurs cavites fuffent exa&e- ment connues , & nous ne pouvons nous en affurer que ires-imparfai- tement. Au defaut de ce calcul exacT: qui nous eft refufe, nous pouvons obtenir des probability affez fortes. En raffemblant, par exemple, les mefures fai- tes du calibre des vaiffeaux par differens anatomiftes & par lui-meme, M. Bertin eft parvenu a en avoir une proportion approchee : en examinant le developpement & les ramifications de ces vaiffeaux dans le foie, on peut juger , par leur quantite & par l'efpace qu'elles occupent , de Ia quantite de fangfournie par chaque tronc; la proportion du canal veineux avee l'om- Tome XIII. Partie Franfoi/e. Zz j£z ABREG&DES MEMOIRES -»■■ mmm^m^mm bilicale , laiffe audi entrevoir quelle partie du fang de cette veine peut • paffer par ce canal. n a t o m i e. jsJons fuppoferons prefentement i°. l'egalite de viteffe du fang & celle Annie 176$. de la reliftance qu'il eprouve dans ces differens tuyaux; 2°. qu'il paffe quatre fois moins de nuide dans un vaiffeau dont la capacite eft plus petite da double ; }°. que la tige de la veine-ombilicale fournit le quart des vaiffeaux veineux qui le diftribuent dans le foie; 4.0. que la veine-porte en fournit 11 n autre quart; 50. que le tronc du (inus ombilical fournit la moitie ref- tante des vaiffeaux du foie; 6°. enfin que l'aire de la tige de la veine-om- bilicale eft double de l'aire du canal veineux. Nous devons cependant obferver que l'egalite de viteffe du fang n'efl: pas exa&e •, celui de l'ombilicale eft pouffe & anime par la circulation de la mere, tandis que celui de la veine-porte ne re^oit d'impullion que du coeur de l'enfant; il fe peut de meme que le canal veineux par la iituation & par fon peu de longueuf oft re moins de reliftance an fang , que le ca- nal qui va joindre la veine-porte. Des principes que nous venons d'etablir , il fuit que tant que le foetus eft dans le fein de fa mere , il paffe beaucoup plus de fang par le canal qui vient de l'ombilicale a la veine-porte que par la veine-porte meme : que le fang de cette veine, pouffe par les arteres qui l'environnent & l'en- tourent , va par fauts comme le fang arteriel ; ftrudhire bien avantageufe au developpement des organes du foetus , & cela d'autant plus qu'il n'eft point de partie dans le corps humain oil le fang ait Ion cours plus libre & plus facile que dans le placenta; & qu'enfin il relulte de toutes ces con- siderations, que la veine ombilicale apporte au foie du foetus environ les trois quarts du fang qu'il recoit, & que ce fang fe mele avec le quart que fournit la veine-porte : mais nous allons voir la fcene etrangement changee au moment de la naiffance. Des qu'un enfant eft ne , on fait au cordon ombilical line ligature qui intetcepte abfolument le cours du fang dans la veine & dans les arteres om- bilicales ; fans cette ligature , l'enfant eprouveroit bientot line hemorrhagic mortelle, le fang cefle done abfolument de couler par la veine ombilicale, qui , un moment auparavant , fourniffoit au foie les trois quarts du fang qu'il recevoit : ce vifcere fe trouve done reduit au quart de fon fang, qui lui eft apporte par la veine-porte. Non -ietllement la quantite du lang fe trouve fubitement tres-diminuee, mais la route eft changee, du moins en grande partie; le fang de la veine- porte, qui n'alloit auparavant que de gauche a droite & mele avec celui que lui portoit la tige de la veine-ombilicale , trouvant cette tige & le finus om- bilical ou abfolument vide oil au moins fans reliftance , fe partage & coule de droite a gauche pour s'emparer de ce vaiffeau & de toute fes branches, dans lefquelles il n'avoit jamais paffe : on juge bien qu'alors la circulation eft bien foible , & die cefferoit auili bientot 11 la refpiration de l'enfant, qui commence au moment de fa naiffance, fes eternuemens , & i'irritation que le meconium, cette efpece de lie noiratre contenue dans l'inteftin , ■caufe aux nerfs de ces parties , n'obligeoient les mufcles du ventre a dou- DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. j^ ner, en fe contractant avec force, une noiivelle activite an fang de la veine- "' jgm porte : le fang d'ailleurs ne pouvant plus s'echapper par les artcres ombiii- , cales qui font fermees , reflue en plus grande quantite dans les vaiffeaux • du ventre, & de-la dans la veine-porte : c'eft aind que jufqu'aux cris & Anntfc fGi. aux douleurs del'enfant, tout eft employe a fa confcrvation. Que deviennent cependant la partie de la veine & des arteres ombili- cales qui eft au-deffus de la ligature & le canal veineux d'Arantius ? II leur arrive precifement ce qui arrive a tout vaiffeau ou le fang ceffe de cou- ler, leur cavite s'oblitere, & ils deviennent de (imples ligamens ; la veine- ombilicale, devenue inutile, fe deffeche affez promptement depuis 1'om- bilic jufqu'a fon entree dans le foie , mais la cavite du grand linus fublifte encore long-temps dans toute fon etendue : il diminue cependant petit-a- petit jufqu'au milieu ou a-peu-pres de fon trajet dans le foie; mais ce n'eft u'apres plulieurs annees qu'il parvient a cet etat, & M. Bertin s'en eft af- ure en difTequant des enfans depuis un an julqu'a la puberte. A legard du canal veineux, comme fa fondlion etoit de porter droit au cceur le fang que fa quantite & l'impullion qu'il recevoit de la mere , rendoit ftirabondant & capable d'engorger les vailleaux du foie , des que cette furabondance & cette vitefle ont ceile, fa fonction ceffe pareillement; leperon angulaire qu'il forme par fa joniftion avec I'un des troncs des he- patiques a l'endroit de fon infertion dans la veine-cave, cet eperon , disje, fe renverfe fur fon embouchure & empeche le fang de l'hepatique & de la veine-cave d'y rentrer, & le canal s'oblitere petit-a- petit & devient tin fiinple ligament. Telle eft la theorie abfolument nouvelle que M. Bertin a donnee de la circulation du fang dans le foie du fetus : elle peut etre la bafe d'une infinite de confequences pratiques dont la medecine & la chi- rurgie feront redevables a M. Bertin •, l'anatomie ne peut guere recevoir d'accroiffement qu'elles n'en profitent ?, 2z ij 3<54 A B R E G E DES MEMOIRES A N A T O M I E. Annie in 6c *>ur un anivrifme qui a produit des effets finguliers. Par M. Petit. Hilt. 1J1 Ies faits rares & finguliers qu'on obferve en anatomie devoient etre tou- jours uniques, leur rarete ne leur devroit attirer qu'une mediocre atten- tion de la part des phyficiens ; mais comme il n'arrive que trop fouvent que des cas femblables ou prefque femblables fe rencontrent, il eft de leur de- voir de consigner a la pofterite , non-feulement les faits de cette nature, mais encore leurs caufes lorfque la difledion ou l'obfervation fuiyie les ont fait reconnoitre-, & c'eft dans cette vue que M. Petit a communique a l'a- cademie l'obfervation fuivante. En 1758 , M. Vieillard, medecin de Paris & tres-habile dans fon art, s'appercut que M. fon frere , avocat du roi a Saint-L6, avoit fous le cote droit de la machoire inferieure une petite tumeur, & il s'en alarma telle- ment qu'il dit a quelques uns de fes amis, qu'il regardoit fon frere comme un homme mort : comme cette tumeur ne caufoit aucune incommodite au malade, celui-ci fe moqua de la prediction & ne voulut s'aftreindre a aucun regime -, cependant deux mois aprcs, voyant que la tumeur augmen- toit , il confentit a y appliquer un bandage pour la contenir •, le bandage fut inutile, & pour chercher des moyens plus efficaces, on fit une confu- tation a laquelle M. Petit affifta : la tumeur etoit alors groffe comme un auf de pigeon , elle avoit une pulfation bien marquee, elle rentroit lorf- qu'on la comprimoit & repaffoit bientot apres : a ces fignes, il ne fut pas difficile de reconnoitre un anevrifme vras , que M. Petit jugea place a la bifurcation du tronc de la carotide, & les frequentes faignees , le regime le plus exacl: , & la tranquillite de l'efprit & du corps furent recommandes au malade. Trois mois de ce regime firent diminuer la tumeur de moitie , & le ma- lade quitta Paris pour retourner a Saint-L6. M. Vieillard le medecin, ofa predire que le refte de la tumeur and- vrifmale acheveroit de difparoitre , que l'artere elle-meme s'oblitereroit , & il ajouta qu'il y avoit , en ce cas , tout a craindre pour la vie de M. fon frere. La chofe arriva precifement comme il l'avoit predit •, le malade fe croyant gueri , oublia les confeils des medecins & abandonna le regime, la tu- meur continua de diminuer & enfin s'efta9a tout-a-fait, il ne lui refta d'au- tre incommodite que celle de prononcer difficilement & en bt-gayant, d'a- voir la bouche habituellement remplie de falive & de ne pouvoir tirer la Lngue hors de la bouche. II vecut fept ans dans cet etat 8c mourut enfln dans un voyage qu'il fit a Paris, d'une attaque d'apoplexie. M. Petit ayant ouvert la tete , trouva dans le cote du cerveau oppofe a DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. }£5 la tumeur effacee, line ferofite fanguinolente , fous laquclle Ie cervean etoit — ^— fain , mais dans le ventricule fuperieur il y avoit cinq a fix onccs de fang . dilfous & un caillot de fang congele , gros comme un ccuf de poule, qui N A T ° M ' cachoit un ample crevaffe f.iite dans l.i lubftance meme du cerveau , il n'en Anr.it 1765, falloit pas taut pour caufer la mort. II eft aife de s'imaginer que Ie cote de la tete ou avoit paru !a tumeur, ne fut pas neglige dans cet examen , on trouva le pronoftic de M. Vieil- lard, medecin, pleinement juftifie; l'artere carotide droite etoit complete- ment obliteree dcpuis (1 feparation de l'artere fouclaviere jufqua fa bifur- cation oii etoit la tumeur obfervee, qui etoit alors devenue un nceud dur & fans cavite, de la groffeur d'un noyau d'olive, & cette artere , ordi- nairement groffe comme le petit doigt, etoit devenue un ligament fans ca- vite , d'environ 1 Iignes de diametre. Mais ce qu'on n'avoit ni appercu ni meme foupconne pendant la vie du malade, c etoit un autre fac anevrifmal gros commc une noix mufcade , place h l'endroit oii la carotide fort de la fouclaviere, fa tunique 6toit fort mince & il etoit rempli par une matiere en partie graiifeufe, en p.utie fem- blable h du (ang deffeche , en y diftinguoit encore quelques veftiges de fa communication avec la carotide obliteree; la fituation de ce fac, place precifement fous la clavicule , avoit empeche jufque-li de 1'appercevoir. II eft aife , d'aprcs ces obfervations , de rendre raifon de tout ce qui s'etoit pafle : le fang recti au fortir de la fouclaviere par le fac anevrifmal, bcaucoup plus grand que la capacite naturelle de ce vailfeau , y perdoit nne grande partie de Ion mouvement & n'avoit plus affez de force pour * diftendre les parois de la carotide; leur rellbrt naturel a done dii les rap- procher , & cette diminution de capacite augmentant encore la difKculte du p.iliage du lang, les parois fe font enfin rapprochees jufqu'i fe fouder, alors le fang ne trouvant plus d'ilfue , celui du fac anevrifmal a peu-£-peu perdu fa feroiite & fa fluidite, & de lh la mafle qui le reinplilfoit ; alors la quantite de fang qui, avant cet accident, fe partageoit entre les deux caro- tids , a ere obligee de paffer toute entiere par la carotide gauche, de-Ii I'augmentation du tronc & des rameaux de cette carotide, la lurcharge de fang dans cette partie du cerveau & la crevalfe qui y a ete obfervee & qui a ete la caufe immediate de la mort du malade. Le cots droit, cependant, n'etoit pas abfolument prive de fang, une partie de celui de la carotide gauche y couloit, non feulement paries anaf- tomofes des branches des deux carotides externes, mais encore par la com- munication etablie entre les deux carotides internes, par la grande anafto- mofe de leurs rameaux ant^rieurs ; mais on voit aifement combien cette efpece de circulation devoit etre lente & combien le fang trouvoit de dif- ficult!; h pailer par toutes ces routes. II n'eft done pas etonnant que de- venu , pour aind dire, fta^nant, il lailfat echapper une plus grande quan- tite de lerofite dans les glandes falivaires : le be^ai.ment & T'impoflibilite de tirer la langae hors de la bouche , n'en font pas une fuite moins na- tu on lair que pour que le mouvement mufculaire puiife. s'excrcer , il faut que le lang ait un libre cours dins le inufcle, & celui des mufclcs '. }66 ABREGE DES MEMOIRES ■^ ^— de la langtie n'y devoit paffer qu'avec peine, y caufer une efpece d'engor- . gement & deranger par-la le mouvement des elprits , qui ne pouvoir plus ' s'y fure qu'irregulierement. Annie 176$- ^ e^ peut-etre plus difficile d'affigner la caufe de la tumeur anevrii- male obfervee a la bifurcation de la carotide oblitdree; voici cependant, felon M. Petit, quelle en a pu etre l'origine. Le fang paflant de la carotide gauche dans les branches de la droite & y trouvant le paffage, ou abfolument ferme ou tres- difficile ; ce point de rencontre de tous les rameaux a he diftendu & il s'y eft forme un vrai fac anevrifmal , que M. Petit & les autres confultans out bien reconnu pour tel, mais le fang arrete dans cette efpece de cul-de-fac , a du laiffer echap- per fa lymphe dans ce tiffu cellulaire environnant , elle s'y eft epaiifie & endurcie, le fang lui-meme devenu immobile, s'eft endurci & a forme un tampon ; levaporation & le reffort des tuniques des arteres font , petit a- petit , diminue •, les membranes de ces vaiffeaux fe font unies ; collees & epaiffies corarae elles l'i'oient par 1'extravafation de la lymphe , elles ont forme ce noyau qui s'eft prefente a l'ouverture de la tete. II fuit de tout ce que nous venons de dire, que li le malade avoit voulu fuivre le regime qui lui avoit ete prefcrit , s'il avoit fur tout diminue par de frequentes faignees la maffe de fon fang, & fi des affaires intereffantes ne l'avoient pas arrache au repos dont il jouiffoit dans fa patrie, il auroit pu echapper encore plufieurs annees au danger de fon etat, & entretenir, entre Taction du fang & la reliftance des vaiffeaux , line elpece d'equi- libre artificiel qui auroit pu fuppleer a l'equilibre naturel , (i ^trangement altere par l'anevrifme & par 1'oDliteMtioii de la carotide, qui en avoit etc une fuite. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3*7 AllATOMI!, OBSERVATIONS A N A T O M I Q U E S. Annie 1; I. -LVJ.R. Bonvoux, infpe&eur des ouvrages de la Loire & demeurant a Hift. Nantes, a mande a M. Fougcroux , que le 10 juillet 1765 , on prit ail Harpon, fur les cotes de Bretagne pres de Pornic, line tortue linguliere qui vecut quarante-huit heures aprcs qu'on l'eut tiree de l'eau •, elle pel'oit environ un millier, & fon corps contenoit une prodigieufe quantite d'ccufs, les mis gros comme des oranges & les autres plus petits ; elle fut videe i Nantes & fourree, & on l'apporta a Paris, ou M. Fougeroux a eu le loilir de l'examiner, & il s'eft d'autant plus volontiers determine a en donner la defcription , quelle fe trotive plus rarement fur les cotes, & que comme elle eft inutile aux arts, il n'y a pas d'apparence qu'on l'apporte des pays ou elle fe trouve ordinairement. Cette tortue n'a point d'ecaille ; elle eft couverte en-defius d'un cuir 011 d'une peau brune , dure , d'un police & demi d'epais , & fous le ventre d'une peau pareille , mais du double plus epaille , qui eft tigree oil mar- quee de tach.es de differentes formes & de differente grandeur; fes raa- choires fuperieure & inferieure font terminees par une partie comee & flguree comme le bee d'un perroquet , & fes machoires font garnies de cette meme efpece de come, dans laquelle font implantees les dents-, ces dents forment un double rang & fe courbent les unes fur les autres comme celles du requin , a la referve que celle de ce dernier font plates & min- ces, & que celle de la tortue en queftion font cylindriques-, les deux grofTes dents de la machoire fuperieure lont beaucoup plus longues que celles de la machoire inferieure qui leur repondent. Quoiqu'il foit affez rare de trouver des tortues de cette efpece dans nos mers , cela n'eft pas cependant lans exemple. Sous le pontiricat de Be- noit XIV ; on en pecha deux dans le golfe Adriatique qui furent deffe- chees & portees , par ordre de ce favant Pontife , l'une dans le cabinet d hiftoire naturelle de l'inftitut de Bologne , l'autre dans celui de 1'uni- verlite de Padoue. En 1729, M. Delafont, ingenieur en chef a Nantes, envoya a l'academie la defcription d'une tortue abfolument femblable a celle-ci, qui avoit ete prife a la Pierre percee a trois lieues de Nantes (a',\ M. Delafont la compare avec la Tefludo coriacea de Rondelet, marquant cependant les differences qui fe trouvent entre la lienne & celle que Ron- delet a decrite : il eft evident qu'elles font de la meme efpece, & il y a grande apparence que cette tortue de 1729 eft celle qu'on voit dans le cabinet de S. A. S. Mgr- le prince de Conde a Chantilly. M. Delafont fotipconne ces animaux originaires de la Chine, en ce cas, (a) Voy. l'Hil't. de 1'Acad. 1729. iSU. Tom« VI 3*8 ABREGE DES MEMOIRES : il feroit bien curieux de favoir ce qui a pu les attirer de li loin & routes a ^ ., . r deux dans le meme endroit de la cote de Bretagne : il feroit peut-etre Anatomie. . . . , . o r r difficile de le deviner , a moms quon ne voulut luppofer que lune & Annie 1765. l'autre avoient fuivi les vailleaux de la compagnie des Indes, venant dc Chine. I I. "Une demoifelle , agce d'environ cinquante-huit ans, n'ayant jamais ef- fuye ni travaux exceffifs, ni maladie longue, ni paffions vives, tomba dans tine atrophie ou amaigrifiement li general, que tous les vifceres s'extenue- rent en meme temps & que toutes leurs fonctions en furent aftoiblies , elle avoit joui jufqu'alors d'une bonne fante , qui n'etoit interrompue que par de frequens maux de tete & par des alternatives de douleurs vagues dans les articulations & dans les muicles, qu'on regardoit comme rhuma- tifmales •, elles augmenterent avec ramaigrillement dont nous venons de parler , & il fallut que la demoifelle fe ririt au lit , ou elle a paffe les deux dernieres annees de fa vie : mais les douleurs , qui n'etoient d'abord qu'intermittentes , devinrent continues & cauferent des infomnics prefque continuelles, & la foibleffe & l'abattement devinrent li conliderables, qu'el'e ne pouvoit plus du tout fe foutenir & qu'elle avoit meme peine \ relever fes membres, qui etoient d'une licherefle & d'une maigreur extremes-, les articulations plioient avec difficulte, a caufe de la roideur des fibres mufcu- Iaires & tendineufes, du derangement de faction des mufcles dont les an- tagoniftes agiflbient fouvent a la fois , & fur-tout \ caufe de la retraction des tendons flechiileurs •, la peau etoit feche, ridee & ecailleufe, & le pouls lent, inegal & tres-petit. La malade n'eut jamais ni gonflement fur aucune partie, ni taches au vifage, ni aux extremites; elle n'avoit point d'altera- tion & trouvoit aux alimens leur gout naturel, mais elle en prenoit en II petite quantite , qu'au commencement de fa maladie une alouette & trois bouchees de inie de pain fumToient pour fa joumee, & dans les deux der- niers mois de fa vie un bouillon & une tranche de pain : les excretions etoient en petite quantite , mais jamais aucune ne fut fupprimee ni excef- five; elle avoit quelquefois des coliques inteftinales •, fa voix etoit foible, & on remarquoit que la plupart des vaiffeaux etoient obliteres & fans fonc- tion : le mal ne fit qu'augmenter 8c l'atrophie devint fi extreme que e'etoit prefque une momie vivante & que le plus leger mouvement etoit pour elle un travail : enfin en voulant s'aider pour prendre le baffin , elle fe cafla l'os de la cuiffe en trois c-ndroits •, le panfement de cette fracture fut dif- ficile parce qu'on n'ofoit ferrer le bandage, de peur de fupprimer le peu de circulation qui reftoit , & la reunion, quoiqu'imparfaite , fut trois ou quatre mois a s'operer, au-lieu de quarante jours qui, comme on fait, eft le terme ordinaire. A peine etoit-elle guerie de cet accident, qu'elle fe fradtura l'os du bras droit, puis l'avant-bras en deux endroits & enfin la cuifle gauche : & la reduction de toutes ces fractures etoit d'autant plus pe- nible & plus douloureufe, que le manque de foupleffe & de flexibilite des mufcles ne leur permettoit pas de fe preter aux extenfions & aux contr'ex- icnfions I ' . DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3 ' M £ D E c , N E. n'y a pas meme lieu d'cn etre etonne : une maladie toujours dangereufe & fouvent mortelle , a redouter meme pour ceux qu'clle epargne , par les Ann(e l"]Gi. fuites defagreables qu'elle laitfe prefque toujours apres elle , doit imprimer naturellement alfez de terreur pour qu'on nc fe porte pas aifement a fe la procurer par artifice; n'y eut-il qu'un malade lur mille, qui en rut la victime , perfonne ne veut s'expofer a etre facrifie au bien public. Mais (i l'inoculation offre par elle-meme taut d'objets erhrayans , que fera-ce s'il s'y joint encore l'incertitude du fucces, & la crainte d'avoir etc inocule en pure perte, & fans eviter le danger auquel pent expofer la pe- tite verole naturelle. C'eft a raffurer le public fur ce dernier inconvenient, que M. Morand Je his s'eft principalement applique dans l'ouvrage dont nous allons ren- dre compte, apres avoir raconte en peu de mots le fait qui y a donns lieu. M. Potitheau, medecin de Lyon , avoit en 1758 inocule a Lyon deux jeunes demoifelles; l'inoculation n'eut aucun effet, & depuis ce temps les deux inocuieesont eu la petite verole naturelle. II n'eft peut-etre pas. inu- tile d'obferver ici que ces deux inoculations avoient ete faites par deux methodes diiferentes ; la premiere malade avoit ete inoculee par une feule incifion, & la feconie d'abord par les velicatoires , & huit jours apres par incilion. II eft cependant bien certain que les deux demoifelles en quefiion etoient ires -fulceptibles du levain de la petite verole, puifque ce lcvain fe deve- loppa de lui-memc peu de temps apres. M. Poutheau n'etoit p.is moins fiir dc la qualite du levain vari.;Iiq^ie employe fur ces deux maladcs, puifque ce meme levain avoit donne la petite verole a trois autres peifonoes a qui on l'avoit applique. On ne petit done attribuer fori pen d'elret qua la ma- niere dont il avoit ete applique aux deux demoifelles dont nous venons dc parler. Ce n'cft pas au rcfle la premiere fois qu'on ait vu manqiier l'inoculation fur des (ujtts qui en etoient tres- lufccptibles , & il eft inhniment utile d'en decouvrir la caufe, puifque f.ms cel.i I'irioculatiou tie poorroit in !rer qu'une faulfe iecurite. , ou plutot nVn iofpiieroit aucune, du moins aux M E I) E C IN ?-f ABREGE DES ME MOIRES ! perfonnes bien fenfees , & c'eft ce qui a determine M. Poutheau a la re- chercher. II a cm la trouver dans le pen de profondeur des incilions & dans le pen Annie ij6i. d'effet des veficatoires qn'on av6it employes pour introduire le levain va- riolique; il regarde ces deux methodcs comtne infuflifantes, & appuie fon opinion non-feulement fur le pen de lucces qu'elles out eu dans I'occafion dont il s'agit, mais encore fur l'experience qui en fut faite fur deux au- tres perfonnes qui furent inoculees ians lucces par le moyen des vefica- toires, & chez lefquelles la petite verole ne parut que lorfqu'aprcs avoir attendu inutilement pendant plus de huit jours, on eut reitere l'inoculation par incilion. M. Poutheau ne traite pas plus favorablement la methode inferee dans le journal etranger, qui conlifte a frotter line partie du bras jufqu'a ce que la peau foit rouge, & a placer fur cette partie, apres une feconde friction du pus variolique •■, il regarde cette methode comme trop incertaine & comme trop fujette a manquer fon efFet. L'opinion qu'il a de l'infuftifance de ces methodes, eft appuyee du rai- fonnement de M. Timoni. En efFet fi , comme on ne petit guere en dou- ter, il y a des fujets plus ou moins fufceptibles du levain variolique, il refulte de-la, par une confequence neceflaire, qu'une methode d'inocula- tion, qui fera infuffifante pour l'un j reuffira tres-bien fur tin autre fujet, mais comme on a l'interet le plus vif a etre affure, lorfqu'on fe fait inocu- ler, que fi on n'a pas pris la petite-verole , c'eft qu'on etoit incapable de la prendre, M. Poutheau conclut qu'on ne doit admettre d'autre methode que celle de l'incifion, en la faifant penetrer jufqu'aux cellules graifleufes; on fera fur alors qu'en employant du levain variolique bien conditionne , l'operation ne manquera que lorfque le fujet fera ablblument incapable de le recevoir, & qu'on > n'aura pas le defagrement de voir la petite verole na« turelle faillr celui quon avoit infrudtueiifement inocule. A ces raifons trcs-fenfibles d'elles-memes , M. Morand en ajoute encore line autre tiree de l'economie animale. La petite verole fe termine, comme on fiit , par uri depot critique a toute l'habitude exterieure du corps ; or la plaie que Ton fait en inoculant par incifion devient, (i elle eft affez profonde , line efpece d'ulcere qui epuife & detourne une grande partie de la matiere varioleufe , ou , ii Ton veut, un maitre-grain artifi- ciel qu'on place a volonte , & dans un endroit ou il ne puiffe pas etre dangereux. Cependant, quelque plaufible que paroifle ce raifonnement, M. Morand ne le croit pas fans replique, & on doit apprehender que cet ecoulement qu'on a cherche a fe procurer, ne devienne, dans plufieurs circonftances , trop abondant , qu'il ne fe forme des infiltrations dans les cellules de la graiffe, & que le venin de la rnakdie, qu'on a appelle, n'agifle avec trop de force fur la partie entamee par l'incihon , & n'y caufe des engorge- mens infkmmatoires ou phlegmoneux , a-peu-pres comme le pourroit fake un cautere applique fur l'incifion •, en ce cas on auroit a fe reprocher d'avoir procure au malade une incommodite dangercufe , qui fubiifteroit DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 375 apres la fin de la petite verole, & qu'on auroit peut-ctre beaucoup de peine < a guerir. Que faire done en pareilles circonftancesi M. Morand penfe qu'on peat fupplecr a line leule incilion trop grande , trop profonde , & qui ne feroit Anm'c l 7oi. pas fans danger , par deux incifions mediocres a chaque bras •, la methode feroit, felon lui, egalement Aire , & la matiere ayant pluheurs iffues, fe par- tageroit & feroit bien moins a portee de faire du ravage-, & pour etre fur de faire toujours ces incilions egalement, il propofe un infrrument tres- fiinple, invente par M. Hofty, medecin de la faculte de Paris, & l'un de ceux qui ont le plus etudie & fuivi 1'inoculation : e'eft une plaque ovale, ouverte au milieu par une fente felon fa longueur , dans laquelle on peut promener une lame tranchante, qui n'excede que dune ligne le deflbus de la plaque. II efc clair que, par ce moyen , on iera toujours maitre de faire des incilions egales en longueur & en profondeurj en multipliant ainLl les incifions , M. Morand croit qu'on affurera la methode , & qu'on evit;ra l'inconvenient des incilions trop profondes , propofees par M. Pouthcau ; mais e'eft a l'experience a prononcer , & on fent avec combien de fageffe & de precaution on doit tenter des epreuves en pareille matiere. SUR L'INOCULATION DE LA PETITE VEROLE Depuis 1 j $8 jufqu'en 166$. M, -R. de ia Condaminf. a repris cette anne'e lTiiftoire de llnoculatior? ' 011 il l'avoit laiffee dans fon memoire de 1758 [a). Les adverfaires de cette . , „ methode en France, y femoient en vain les bruits les plus alarmans. Leurs nnee z" $' faux railonnemens, leurs accufations calomnieufes avancees avec une impu- Mem. dence incroyable (t>), fe tournoient contre eux , & n'arretoient point le zele eclaire d?s inoculateurs. Paris voyoit dans fon fein, Mrs- Gatti, Te- non, Geoftroy , Hofti, Tronchin, Petit, Cofte, Bertrand, Querenet & au- tres affurer la vie de tons ceux qui avoient confiance dans leur art. Mais I'inoculation failoit encore de plus gTand progres dans les provinces meri- dionales. Lyon, Marfeille, Aix, Avignon, Aries, Tarafcon , Nifmes, Montpellier recueilloient les fruits de cette heureufe invention. On ino- culoit avec le meme fucces dans les Cevenes , dans le Gevaudan , en Au- vergnj , en Anjou , en Lorraine , en Franche-Comte , en Normandie , en Picardie. M. de la Condamine ne nomme que ces provinces , parce qu'il ne parle que de ce qui lui eft connu & dont il a la preuve en main. Cependant la mort dun enfant de quatre ans inocule pres de Befancon , fit beaucoup de bruit a Paris pendant l'hiver de 1764. Le fait ayant ete (a) Collect. Acad. Part. Fr. Tome XII. (i) Un Anonyme n'avoit-il pas eu I'impudence dlmprimer h Paris meme que Mgr. '-' due de Chartres avoit eu la aeiic \.;r''e naturelle depuis fon inoculation. S. A. S. or- douna a M. de la Condamine de dememir celte impoliurc. }7 cette operation , conforraement aux defirs de ce jeutw prince DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. j77 prince age d'onzc ans & dcmi. II rut inocule le 10 juin 1760, & ii cut la — — petite verole la plus douce & la plus benigne. ». . M. Schultz, medecin de Stockolm, s'e.xprime ain(i dans un memoire re- i> e c 1 n e. mis a M. de la Condamine de la part de l'academie royale de Suede. Anw*c ijG$. » Je n'ai inocule jufqu'ici (1765) que cent quarante & une perfonnes, mais » toutes font vivantes & jouilient d'une parfaite fante : j'en ai vu inoculer )3 plus de quinze cents , dont je puis alfurer que pas une n'eft morte ni jj n'a contract d'infirmite. M. Hart, medecin principal de la Bothnie orien- » tale, en a inocule trois cent dix-huit dans le feul ete de 1763 , la pin— »> part enfans de payfans Finnois. Le nombre des inoculations faites en jj Suede en 1764 montoit a pres de douze cents au mois d'o&obre, & Ton jj n'a pas connoiffance que pcrfonne en foit mort. A la derniere diete des jj etats , le corps des medecins a produ'tt une lifte nombrcufe de ceux qui jj avoient fubi cette operation. II n'y a depuis les premieres experiences jj faites en Suede en 1754, nul exemple de feconde petite verole parmi jj les inocules... Aucun medecin ni aucun ecclellaftique en Suede ne s'efl: jj declare contre cette pratique, jj L'inoculation a commence a prendre faveur a Berlin. Elle eft: trcs-com- mune en Weftphalie , & en Baffe-Saxe ; & il eft inutile de repeter qu'elle eft prefque auffi ancienne a Hanovre qu'en Angleterre. M. Soultzer, medecin du due regnant de Saxe-Gotha, ecrivoit en 1759 , a M. de In Condamine, qu'il avoit fait depuis un an vingt-fept inoculations , a coram? ncer par fes enfans , que du nombre des vingt-fept etoit le flls cadet de S. A. S. age de douze ans, qu'un officier age de vingt-huit ans, apres une petite verole inoculee tres-benigne , dont la matiere avoit ete prife du jeune prince, s'etoit fait inoculer une feconde fois , apres fa convalescence, avec la ma- tiere d'une petite verole naturelle , mais que les plaies fecherent lous le fll varioleux. Mais l'inoculation n'a pas encore pris racine en Autriche, dit M. Ie Ba- ron de Van-Swieten , dans une lettre de 1764, & fes progres feront na- turellement retardes en Boheme par un accident arrive a un medecin qui avoit fort bien reuffi a Drefde. C'eft le do&eur Timiani, & M. de la Con- damine juge qu'il s'efl: juftifie de cet accident, puiiqu'il eft: devenu premier medecin de la cour de Saxe apres avoir inocule trois princes de la mailor» elcctorale. A Geneve & dans toutes les villes de la Suiffo, l'inoculation eft deve- nue commune. Elle a caufe prelqu'autant de debats en Italic qu'en France ; mais enfin elle a triomphe de tous les obftacles. On inocule avec fucces a Genes, a Venife, a Padoue, a Veronne, a Brefcia , a Mantoue, a Bo- logne , a Milan , a Plaifance, a Parme , a Pife , a Lucques , a Florence, a Sienne, a Rome. A Naples ieulement, le faux bruit de la prescription totale de cette pratique en France en a empeche jufqu'ici 1'etabliiTement. M. de la Condamine termine fon memoire par la reponfe a une objec- tion qui lui eft nouvelle, & qui feroit la plus forte de toutes il elle emit fondee. L'inoculation eft inutile, dit-on , puifque la petite verole n'eft plus dangereufe, & que la methode de la traiter s'eft pcrf.cctonije, kir-tout a Tomt XIII. Panic Franfoifi. B b o ?78 ABREGE DES M E M O I R E S, Jtf, — — «^— ■» Vienne en Autriche , au point qu'entre les mains d'un medecin habile la M £ n e c i n e. v'e ^u ma'nde e& en fSrett Cette obje&ion eft aifement refutee par la lifte recente des morts de cette maladie dans un grand nombre de villes Annie ij6$- d'Europe. A Montpellier, la derniere epidemie a enleve , fous les yeux d'une faculte celebre, la moitie des enfans attaques , & les trois quarts a Berlin en 1759. A Touloufe, en 1764, elle a ete funefte a prefque tous les adultes , fans exception. MECHANIQUE. Bbb ii 3»x MECHANIQUE. SUR LA DESCRIPTION e>es Arts et Metiers. J_/academie a commence cette annee a publier la defcription des arts & ^— =— metiers, ouvrage dnquel elle avoit forme le projet des les premiers temps de fon etabliflement ; mais en annoncant an public que cet ouvrage s'exe- ™*chanique. cute, elle a cm lui devoir rendre compte des motifs qui le lui avoient fait Annfe xi€i. entreprendre , & des raifons qui en out retarde jufqiuci la publication. La defcription des arts , faite avec une exactitude eclairee , depouillee **■ de toutes les pratiques inutiles que l'ignorance, toujours myftcrieufe , y ac- cumule fans ceffe , & reduite aux principes conftans de la faine theorie, eft peut-etre le moyen le plus propre a hater leur perfection & a rendre plus abondantes ces tources de biens & de commodite que l'Etre fupreme a voulu que les hommes dufient a leur travail & a leur induftrie. Reduire les arts a la fimple tradition , eft peut-etre mettre a leurs pro- gress le plus grand obftacle qu'on puilTe y apporter. Les ouvriers font en general peu accoutumes aux reflexions, & prelque toujours hors d'etat de remonter aux premiers principes de leur art; aulli voit-on que des que les circonftances ne leur permettent plus 1'application des regies qu'ils ont ap- prifes, ils fe trouvent prefque toujours fans reffource, & ne peuvent reuffir cue par hafard ; U quelqu'un d'entr'eux , ne avec nn gdnie inventif , ofe ef- fayer de prendre un vol plus eleve , bientot le defaut de theorie vient l'arrcter, & rend fes efforts inutiles-, fouvent meme ces tentatives ne fer- vent qu'a l'egarer. LTn autre inconvenient plus a craindre peut-etre encore eft le defaut de ces connoiflances & de ces principes generaux , qui lient, pour ainfi dire, les arts enfemble , & etabliffent entr'eux une communication reciproque de lumieres. Tons les arts, par exemple, qui emploicnt le fer, ont des principes comrauns; mais ce feroit inutilcment qu'on en attendroit la con- noiffance de ceux qui exercent ces arts; chacun d'eux ne connoit que l'ap- plicaticn de ces principes a la pratique de fon art : un marechal, un ferru- rier, un coutelier favent forger; mais chacun d'eux ne connoit que It nu- niere de forger qu'il a apprife , & ignore parfaitement que Tart de tra- vaillcr le fer a di.s principes generaux, qui ccpendant Ini feroient infini- ment utiles dans un grand nombre de cas imprevus , auxeju^ii i.i prat'tqu* ordinaire ne peut s'applicuier. j3i ABREGE DES MEMOIRES — ~— ' «— Nous ne pretendons cependant pas que tons les artiftes doivent etre Com- „, , pris dans le nombre de ceux dont nous venons de parler; il fe trouve dans Mechanic UE.r ,- i c tr. j • ■ j- 3 i xi • m pivlque toutes les proreliions, des genics dun ordre plus eleve , capables Annie 1161. de generaUfer leurs idees, d'obferver, de profiter de leurs obfervations , & affez forls pour franchir d'eux-memes, & fans fccours, les bornes etroites qui retiennent les autres comme captifs. C'eft h ces hommes precieux qu'on doit le chemin que les arts out fait jufqu'ici vers lew perfection : pour-; quoi ne travailleroit-on pas a en multiplier le nombre ? Ce n'efl qu'en rapprochant , pour ainli dire, les arts les tins des autres; qu'on peut y parvenir; on les mettra , par ce moyen, a portee de s'eclai- rer mutuellement , & peut-etre de produire un grand nombre de nou- veautes utiles •, ce n'efl: que par-la qu'on peut en bien connoitre les veri- tables principes , comparer les pratiques ulitces dans le royaume avec celtes des autres pays, leur donner le moyen de recevoir du fecours de la theo- rie : ce n'efl: pas meme en ce cas un mediocre avantage que de mettre ceux qui s'appliquent aux fciences, & qui n'ont pas le loilir oil la commo- dite d'aller etudier les arts chez les artiftes, a portee de connoitre de quel cote i!s doivent tourner leurs vues & diriger leurs travaux , pour les ren- dre plus promptement & plus diredlement utiles a la fociete •, enfin la def- cription des arts & le moyen le plus efficace d'apprendre a line grande quantite de proprietaires , qu'ils ont en leur pofleilion des trefors qui leut font inconnus •, & qu'ils peuvent mettre en valour par letabliuement de diverfes manufactures dont elles n'avoient aucune connoiffance , & dont la lecture de cet ouvrage leur pourra donner l'idee. Plufieurs perfonnes pla- cees dans des endroits oil Ton manque fouvent d'ouvriers meme medio- cres, y trouveront le moyen , on d'exercer elles memes les arts qui leur fe- ront necefTaires , ou de les faire exercer par des gens qui ne les avoient jamais pratiques. Ceux qui fe font trouves dans le cas dont nous parlons avec quelque connoiffance des arts, faventde quelle reffource peuvent ctre ces connoiffances , tant pour fe procurer line infinite d'agremens que pour doniter , pour ain(i dire , par une occupation utile & agreable , l'ennui d'une folitude que les temps & les circonftances rendent fouvent forcee.' N'eut-on meme aucun befpin de pratiquer les arts ni de former des ou- vriers , quelles reffources ne trouvera-t-on pas dans lamufement que l'hif- toire des arts eft en etat de procurer! II doit etre furement plus agreable pour un ami de l'humanite, d'admirer, dans cette hiftoire, le genie & l'in- duftrie de l'homme, que de voir dans celle des royaumes & des empires, jufqu'ou l'ambition, l'interet, & mille autres paflions encore plus indignes de lui, ont pu le degrader de la nobleffe de fon etre. On fera etonne du nombre prodigieux de pratiques ingenieufes qui ont ete inventees pour nous faire jouir commodement, & a peu de frais, d'une infinite de chofes utiles, & pour mettre a profit des biens que nous foulons aux pieds, fans les connoitre , & qui ne font des objets de commerce , de richeffes & de com- modite que pour ceux dont le genie trouve le moyen de les mettre en valeur, C'etoit dans cctte vue que l'academie avoit cru devoir entreprendre une DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3S$ defcription des arts detaillee & raifonnee. On voit aifement qti'un pareil — — — — ouvrage ne pent ctre que celui d'une compagnie-; 1.* vie, les connoilTances , & les facultes d'un particular , quelque fortune, quelques talens, quel- CHANIQUE' qu'ardeur qu'on lui fuppofat, ne pourroient cert.iincnu-nt jamais fuftire pour Annct in($i. le conduire a fa perfection. EHe avoit obtenu de feu Mgr- le due d'Orlrans , regent du royaume, des ordres adreffes aux intendans des diffcrentes pro- vinces, pour qu'ils lui envoyafient des defcriptions exactes & circonft.m- ciees, tant des arts qui fe pratiquoicnr dans chaque generalite , que des dif- ferentes productions qui pouvoient s'y trouver. Ces memoires recueillis avec foin, & examines iuivant les principes des mathematiques & de la phy- tique, devoient former une hiftoire des arts, d'autant plus precieufe qu'on en avoit foigneufement exclu tout ce qui pouvoit ctre inutile. L'academie avoit confie , pour ainn" dire , la direction de tout ce tra- vail a feu M. de Reaumur , l'homme peut-etre de fon liecle le plus eclairi fur cette partie de la mechanique, & le plus au fait de la phyfique & de l'hiftoire naturelle. II y a travaille pendant une grande partie de fa vie ; mais les difierentes occupations de ce celebre academicien ne lui ayant pas permis de conduire cet important ouvrage a la fin , on a trouve a fa mort une quantite tres-conliderable de planches gravees, de dentins, de memoi- res , les uns prets a paroitre, & les autres qui n'avoient pas encore etc rediges. L'academie a cru devoir reprendre 1'execution de ce projer, & pour y parvenir, elle a engage ceux de les membres qui out pu le prefer a ce tra- vail, a le charger non-feulcment de publier les memoires deja rediges, mais encore de Its re voir, d'y ajouter les progrcs qu'avoient fait les arts depuis la redaction des memoires, & enfin de travailler a la defcription de ccux qui n'avoient pas encore ete examines ,• le zele avec lequcl ils le font Hvres a ce travail , a ete li grand , qu'en moins de trois annees clle s'eft vua en etat de commencer la publication de cet ouvrage. S'il avoit etc poflible que routes les defcriptions des arts eulTent ete faites en meme temps , l'ordre naturel de leur publication auroit ete de les ran- ger, pour ainfi dire, par matieres , e'eft-a-dire , de mettre de Ante tous ceux qui peuvent avoir un rapport ellentiel les uns avec les autres ; mais il auroit fallu attendre trop long- temps pour les publier de cctte maniere, & l'academie a cru devoir faire paroitre chaque art leparement, aulIT-tot qu'il feroit en etat d'etre publie, & fans faire fuivre les chifTres des pages les uns aux autres-, par ce moyen elle lailTe a chacun la liberte de les arranger comrae il le jugera convenable, & celle de fe procurer l'art qu'il dclirera, fans etre oblige de fe charger d'aucun autre •, avantage d'autant plus ellen- tiel, qu'on imagine aifement que l'ouvrage entier deviendra tres-conlide- rable , & feroit hors de la portee de la plupart des artiftes auxquels il eft principalcment deftine. Cette facilite meme d'acquerir chaque art en particulier, a pirn fufeep- tible d'un autre » Vantage 3 donnant a chaque artilte le moyen de fe procu- rer la defcription de l'art qu'il delire, il y a tout lieu d'cl'perer que l'aca- demie en rccevra des memoires & des inftructions fur lus points de la ■!.- ■ 5H ABREGE DES MEMOIRES — «■ i cription des arts qui pourrobnt etre omifes ou mal expliquees dans cet bu- , vrage; elle eft bien eloignee dc le regarder comme parfait; il petit lui Mechanique. manquer une infinite de pratiques & de connoiffances de det.nl quelle re- Annie 1761. cevra avec plaillr de la main de ceux qui pratiquent les arts & les me- tiers, & dont elle profitera en rendant aux auteurs toute la juftice qui leur fera due, perfuadee que ceux qui out atlez de genie pour reflechir fur leur art , font auffi ceux qui peuvent donner le plus de lumieres fur la meil- leure maniere de l'exercer. Elle en eft meme fi pleinement convaincue quelle ne fera aucune diffi- culte d'adopter , pour ainfi dire , & de publier fous le nom de leur auteur les defcriptions meme entieres des arts qui lui feront envoyees, des quelle les jugera propres a etre publiees ; elle ne cherche , dans cet ouvrage , que l'avantage du public , & elle partagera avec plailir la gloire de le procurer avec tous ceux qui pourront & qui voudront y contribuer. II nous refte a dire un mot des arts que l'academie a publies cette an- nee •, cette publication appartient trop a 1'objet de fes travaux , pour quelle ne fade pas une partie de fon hiftoire : fes trophies feront toujours les mo- numens qu'elle confacrera a l'utilite publique. Le premier eft l'art du Charbonnier; par M. du Hamel. Quelque fim- ple que paroiffe cet art, & quelque commune que foit cette matiere, nous ofons affurer que la plus grande partie de ceux qui en liront la defcrip- tion , demeureront d'accord qu'ils h'avoient pas meme la mpindre idee du fingulier etat dans lequel le bois eft reduit par cette operation , ni de toutes les attentions delicates & neceffaires pour l'y amener. Le fecond eft celui de Chandelier; par le meme M. du Hamel. Cet art, qui foumit la matiere d'un commerce confiderable dans le royaume meri- toit d'autant plus d'etre exa&ement decrit, que dans un tres-grand nombre d'endroits on eft oblige de le faire exercer dans les chateaux, les commu- nautes, &c. & que les reflexions que M. du Hamel y a jointes , jetteront certainement un grand jour fur la maniere de le pratiquer avec fucces. Le troifieme eft l'art de la Fabrique des ancres. Cet art eft un de ceux qui avoient ete commences par M. de Reaumur , mais M. du Hamel y a joint toutes les obfervations & toutes les reflexions qu'une longue expe- rience & l'exeicice de fa place d'infpedeur general de la marine , ont pil lui fournir fur cette importante matiere. Le quatrieme eft l'art de I'Epinglier. Le meme M. du Hamel y joint a ce qui en avoit ete trouve dans les papiers de M. de Reaumur , fes pro- pres obfervations , & celles qui lui avoient ete comnmniquees par M. Pe- ronnet, premier ingenieur des ponts & chauffees. On fera etonne, k la lec- ture de cet art, du nombre d'operations neceffaires pour mettre a fa per- fection un ouvrage auffi vil en apparence qu'une epingle, & des ingenieu- fes inventions qui ont ete neceffaires pour pouvoir les procurer au public a un prix li modique, qu'un millier de" pieces qui ont paffe chacune qua- torze fois par les mains, peut etre donne pour douze fols; & meme pour beaucoup moins : e'eft cependant ce a quoi l'induftrie humaine a trouve le moyen de parvenir. Le DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 3S5 Le cinquieme eft l'art defaire le Papier. Ces manufactures forment l'ob- Jet d'un trcsgros commerce , & meriteut par confequcnt d'etre decrites avec m^ch la plus grande attention. M. de la Landj), qui en a donne la defcription, n'a epargni ni peines ni voyages pour le mettre parfaitcment au fait de Annt'e Ij6i. cette operation. II decrit non-feulemcnt les pratiques ulitees dans un en- droit, mais encore routes ceiles qu'on fuit dans les difterentcs manufachi- res ; il les compare les lines aux autres , & les raniene par-tout aux prin- cipes de la plus faine phylique. Le dernier art qui ait paru pendant l'annce 1761 , a ete la premiere & la feconde partie de celui des forges d fer. Cet important objet avoit he commence par feu M. de Reaumur-, il a etc continue par M. le marquis de Courtivron & M. Bouchu , correipondant de l'academie. La premiere de ces deux parties a pour objet la maniere de reconnoitre les mines de fer, d'en determiner la nature, de les tirer, de les preparer, & de leur melrr les differentes matieres qui doivent leur fervir de fondans : la feconde a pour objet I'application du feu au travail du fer , & particulierement la conf- truction des differens foufflets qu'on emploie dans les forges pour en ex- citer la violence ; on y admirera fans doute comment 1'induftrie humaine a pu fubjuguer les elemens, & forcer en quelque forte l'air, l'eau & le feu, a rirer du fein de la terre une matiere audi neceffaire que le fer. Tels font les arts dont la publication a eu cette annee pour epoqtte ; l'academie fe fera deformais un devoir d'inftruire chnque annee le public , dans fon hiftoire , de tous ceux qui auront ete publics. Cet ouvrage n'eft entrepris que pour fon utilitc, & il eft jufte quil loit informe exa&ement de fes progres. Tome XIII. Partie Fran^oift. Ccc M & C H AN I Q U E. Annie xj6t. 3S ne machine inventee & executee a Rouen par M. Brifout, pour acee- lerer & perfe&ionner la filature du coton du lin & de la foie , & princi- palernent pour dirainuer le prix de :1a. main-d'ceuvre dans la filature des cotons fins, propres a fabriquer des raouirelines. Deux cent quatre vingt- feize bobines y font mifes en mouvement par deux grandes roues ; cent quarante-huit fileufes ayant chacune line quenouille placee devant elles, ti- rent un fil de chaque main ; & comme elles ne font affujetties a aucun autre mouvement, elles peuvent donner toute leur attention a rendre leur fil par- fait; chaque fileufe peut interrompre ou ralentir, a fa volonte, le mouve- ment de fa bobine, fins rien changer an mouvement de routes les autres., & filer ainfi plus ou moius vite , a propoption de fon habilete ; lorfqu'un fil cafle , elle peut le reprendre , pendant que routes les autres bobines continuent de le mouvoir. Cette machine a paru cTautant plus intereflante, que les certificats qua rapportes M. Brifout , conftatent le fucces qu'elle a eu en grand a Rouen & a Gifors, oil elle a ete etablie , & que les effais de coton file qu'il a fait voir , ont ete trouves d'une tres-grande beaute. I I. Une machine hydraulique de M. Limbourg , medecin de la faculte de Montpellier. Le principe de cette machine , de meme que de celle qui a ete executee aux mines de Chemnitz, & dont l'academie doit donner la description dans le cinquieme volume du recueil des favans ctrangers, eft l'air qui, chaffe par tine chute d'eau d'une cavite ou il eft enferme, va par des tuyaux, comprimer de l'eau contenue dans d'autres cavites, & l'oblige par- la a s'elever. M. Limbourg place deux de ces machines a cote 1'une de l'aurre, & les fait commnniquer enfemble , afin qu'il n'y ait aucun temps de perdu, & que la machine aille toujours pendant que l'une des deux pre- mieres cavites fe vuide d'eau & fe remplit d'air. La hauteur a laquelle il vent elever l'eau , eft partagee par des refervoirs fermes en autant de par- ries, de chacune defquelles la hauteur eft moindre que la chute d'eau qui comprime l'air, & le tout eft garni de foupapes aux endroits convenables: quoique cette. machine , dans l'ctat oil elle a ete prefentee a l'academie , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 387 ait paru fujettes a de grands inconvcniens , tant pour h conftruciion que —— — pour 1'ufage , cependant l'idee en a paru ingcnieufe, & meriter les efforts MicHANiour que M. Limbourg fe propofe de faire pour l'amener au point de perfe&ion dont elle peut etre fufceptible. Annie I'Gi. I I I. Des fours porratifs pour Ie fervice des armees , propofes par M. Fii- guct, treforier de France a Chalons & membre de la focicte d'agriculturc de Bretagne. Ces fours font compofes de deux grandes caiffes de tole pla- cees I'une dans l'autre, & laiffant entr'elles un ou deux pouces d'intervallei ces cahfes iont foutenues par des barreaux de fer affujeuis par des vis, de maniere que le tout puiffe fe demonter-, la caiife exterieure doit etre d'une tole plus forte que l'interieure; celle-ci, qui eft le veritable four, eft partagee en trois etages qui peuvent chacun recevoir cent quatre-vingt- douze rations de pain; ce qui feroit cinq cent foixante-feize rations dans les trois etages. Cc four rccoit fa chaleur , du feu qu'on allume entre les deux caiffes, & dont la flamme penetrant dans l'intervalle qu'elles laiffent entr'elles, communique a toutes Ces parties une chaleur affez egale, fur- tout fi, comrae le prefcrit M. Faigtiet, on defend le fond du four de faction immediate du feu, par une caiffe de tole remplie de fable a quelques pou- ces d'epaiffeur. L'auteur propofe de joindre a ces caiffes toutes montees, des efljeux de fer pour les tranfporter, fans les demonter, lorfqu'on le ju- gera neceffaire : cette conftruction a paru ingenieufe, & meriter qu'on ch fit des experiences en grand. 1 y. Le meme M. Faiguet a propofe a 1'academie line forte de pain compole de la partie farineufe des pommes de terre, melee & fermentee avec les t:rines d'orge ou de feigle, pour fuppleer en partie aux grains dans les temps de diictte. Apres avoir lave & gratte la pomme de terre , pour en feparer celle qui peut y etre reftee adherente, on la fait boui'lir un quart d'heure dans l'eau; puis on la reduit, en l'ecrafant, en une efpece de pate qu'on delaie dans beaucoup d'eau pour la paffer par un tamis a claire voie, afin d'en feparer les parties groflieres , les pellicules , &c. qui reftent fur le tamis : la liqueur ctant repolee , on trouve au fond La partie farineufe de la pomme de terre ; on jette l'eau qui fumage ; & apres avoir mis I'efpece de pate qui refte, dans un lac de groffe toile, on l'exprime a la prclie on Ions une groffe picrre pour en chaffer route l'eau qu'clle contient; alors elle demcure feche & friable, on mele un tiers de cette pate avec la fa- line de leigle ou d'orge; on fait enfuite lever le tout a l'ordinaire. Le pain d'orge & celui de leigle, n'en recoivent que peu d'alteration ; un tiers de cette farine, mile avec un tiers de froment & un tiers de fekle, a produit cc ij 388 A B R E G B DES MEMOIRES urn — nn pain peu different au gout de celui de meteil , mais extraordinairement -j . vifqueux : on a cm que cette invention pouvoit fuppleer a la rarete des 1;CHANIQrE' grains en temps de difette, comme 1'auteur fe l'etoit propofe-, mais qu'en jinnee 1161. toute autre circonftance, les manipulations qit'exige la preparation de la ra- cine , empecheroient qu'il n'y eiit du profit a en faire ufage. V. Une nouvelle efpece de fufpenfion pour les carrofles, inventce par M. Za- charie, horloger a Lyon. Au-Iieu des foupentes ordinaires des bcrlines , & des foupentes a reffort qu'on emploie a quelques equipages , I'auteur em- ploie des efpeces de chaines elaftiques , formees de ces faifceaux de fil de fer en forme d'anneaux , que vendent les marchands de fer ; ces efpeces danneaux joints enfemble par des liures du meme fil de fer qui les allem- blent, deviennent une cbaine elaftique, capable de porter ioiidement la caiffe d'une voiture. M. Zacharie en place deux a chaque coin de la caifle, & il les affujettit au mouton par le moyen d'une vis qui , en tirant la piece de fer a laquelle tienncnt les deux chaines, permet de les tendre plus on moins, felon le beloin. II a paru que cette elpece de fufpenfion etoit plus douce que celles des fimples foupentes , & un peu moins que celle des foupentes a reflbrf, mais audi elle ne coutera qu'en viron la cinquieme partie de cette derniere efpece , & k-peu-prcs la moitie des foupentes fimples : 1'experience d'une voiture , que M. Zacharie a amenee de Lyon avec des foupentes de cette efpece, fans qu'elles aient perdu leur elafticite , fait voir qu'elles font capables de relifter a tous les efforts qu'elles peuvent avoir h. foutenir ; ce qui a ete de plus confirme par le calcul qu'on en a fait. V L Une montre de nuit, an moyen de laqueUe on pent, par le fimple tact, connoitre l'heure quelle marque. Le cercle exterieur du cadran eft decoupe de fa^on que chaque heure y forme une efpece de dent •, les quatre qui repondcnt a midi, a trois , a fix & a neuf heures, font quarrees; une heure, trois heures, fept heures & dix heures font (implement arrondies , & les autres heures, favoir, deux heures, cinq heures, huit heures & onze heures font auffi arrondies , mais avec une petite pointe mouffe. L'aiguillc des heures eft plus a I on gee que dans les autres montres •, elle va jufqu'au cercle exterieur , & eft furmontee d'une petite pointe qui fe releve a an- gles droits fur (on extremite-, par ce moyen on pent, dans l'obfcurite , re- connoitre aifeinent a quelle heure elle fe trouve , en ouvrant la montre , & ch?rchant avec le bout du doigt l'heure a laquelle elle repond, qui fera toujours facile a connoitre , tant par fa figure que par la diflance a midi , qui fe trouve toujours vis-a-vis le bouton qui lert a fulpendre la montre; on trouvera par le meme moyen la pofition de l'aiguille des minutes, & DE L'ACADEMIE R6YALE DES SCIENCES. j%, la plus grande erreur qu'on pu'ufe commcttre, fera environ de la moitie «— — i— ■ de la diftance d'une heure a l'autre , c'eft-a-dire d'cnviron deux minutes,. & demie ; precilion au moins egale a celle des meillcurrs repetitions; & CCH AN1QU &■ comme un cadran decoupe de cette maniere pourroit a l'ordin.iire & pen- Aanie 1761 dant le jour , avoir quelque chole de (ingulier , la lunette d; I.i m Mitre porte une piece emaillce qui , en la fermant , rcniplit tons les intervalles que lailLnt les dents dont nous avoiis parle, en forte que le cadran ne dif- fere prefque plus des cadrans ordinaires. Cette invention (T (imple & II in- genieufe eft due a S. A. S. Mgr- le prince de Conti, qui l'a fait executer par M. le Roy. Ce n'eft pas la premiere fois que l'academie a eu l'honneur de citer le nom de ce prince en pareille occasion, (a) V I L Une machine deftinee au fervice des pompes pour eteindre ies incen- dies , & fauver les perfonnes & les effets precieux, lorfque le feu a gagne les elcaliers, propofce par M. Alleon de Varcourt. Elle conlifte en un grand chariot, fur lequel eft place uu mat qui peut fe coucher & fe redrefler; ce mat eft une efpece de tuyau, & porte a fon. extremite une hune feinblable a celle des mats de navire-, des cordages attaches a fon fommet & au cha- riot l'affermiffent dans fa iituation , quand il eft redreffe ; dans l'interieur de ce mat eft un autre tuyau femblable, garni aufTi d'une hune a fon ex- tremite ; celui-ci seleve par le moyen d'une corde qui , paffant par def- fous , va fe garnir a un treuil place fur le chariot, & il eft retenu de h meme maniere par des cordages attaches au chariot •, un tantieme mat eft encore contenu dans le fecond, au-deflus duquel il s'eleve & s'aifujettit de la meme maniere -, les cordages ou h.iubans portent des echelons oil enfle- chures, par lefquelles on peut inonter aux luiiies ou en defcendre. II eft evident qu'au moyen de cette machine, qui peut etre conduite & montee en tres-peu de temps, on etablit par les fenetres d'une maifon, dont l'efca- lier eft enibrafe , une communication facile , par laquelle on peut intro- duire du fecours & fauver les perfonnes ou les erfets precieux qui s'y trou- veroient. Cette invention a paru atlez limple & aifez utile pour merits qu'on en faffe des experiences qui puiiTent lui douner toutc la perfection dont elle paroit fufceptible. VIII. PtirsnuKS machines proposes par M. Lorior. i°. Une machine a caffcr le mine al dans les fonderies , elk- eft compnfee d'tin certain nombre de martcaux dilpofes circulairement , & qui fe levent les tins apres les autrca parle mi>yn d'un pl.it .m ron 1 olace an centre , & charge de trois plan3 inclines qui rencontrent fucceffivement toutes leius levees ; ce pl.-.tc.iu eft (a) Voyez Hift. 1749, j j,o A B R E G £ DES'MEMOIRES 2S conduit par deux hommes , les tetes de ces marteaux battent fur des en- clumes placees dans une rigole qui a a-peu-pres la figure d'un pas de vis, Meciianique. ^ j-orte ja mat;ere mu"e & brifee fous le marteau le plus haut, eft fuc- Annie ij6l. eeffivement entrainee fous tous les autres par l'eau quieoule dans la rigole; des tremies placees dans le bord exterieur de la rigole permettent de jetter de nouveau mineral fous chaqne marteau, felon qu'il convient, & Une ef- pece de berceau attache an rebord , empeche qu'il ne puifle etre jette de- hors cette machine. Kile a ete executee avec fucces , & a para preferable h la maniere ordinaire de I'ecrafer a la main avec des marteaux , tant pour l'epargne du temps que pour celle du mineral meme, dont on perd fou- vent la partie la plus precieufe par la methode ordinaire. i°. Une machine propre a tirer parti du flux & reflux de la mer pour elever des fardeaux. Un petit batiment place dans un endroit convenable, porte une grue , fur le treuil de laquelle eft roulee une corde afiujettie au fond de la mer ; une autre corde eft devidee en fens contraire fur la roue fixee a ce treuil, d'oii elle fe rend aux poulies du chapeau de la grue, & va de la faillr le poids qu'on veut enlever-, ce qui fait que la maree mon- tante elevant le batiment , elle obligera neceffairement le treuil a tourner & a faire audi tourner la roue qui elevera le poids ; en ne dormant a la voue que huit fois le diametre du treuil , on peut elever pendant une ma- ree qui ne monte qu'^ 8 pieds , un fardeau confiderable \ 64. pieds. On a trouve que cette machine pourroit etre tres-utilement employee testes les fois qu'on auroit a elever tres-lentement de tres gros fardeaux , comme pour mater & demater des navires , &c. mais que lorfque l'operation exi- gcroit de la promptitude & de la vivacite , elle perdroit la plus grands partie de fon avantage. 3°. Une efpece de bafcule deftinee a fervir de grue dans les ports, pour tirer les ballots des vaiffeaux , & pour les pefer en meme temps ; elle con- fide en un grand levier porte fur deux tourillons places au milieu de fa lon- gueur , & foutenu par un petit mat de hauteur convenable ; un poids plus ourd que tous ceux qu'on peut avoir h foulever avec la machine, eft fuf- pendu a l'une de fes extremites par une barre de fer ou par une corde dont la longueur egale a-peu-pres ceile de la moitie du levier-, une autre corde paflant fur une poulie, proche des tourillons, eft attachee par un bout au poids, & par l'autre a un treuil attache au pied de la machine; par ce moyen on peut , en feifant decrire un quart de cercle au poids , le mettre a routes les diftances poffibles des tourillons , & par confequent l'egaler au fardeau qu'on attache a l'autre bout du levier •, & la valeur des difterens poids avec lefquels il eft en equilibre dans chaque (ituation , eft gravee fur un quart de cercle attache au levier-, des que le poids eft en equilibre avec le fardeau, le levier fe met dans la fituation horizontale , & on peut, en tournant le levier, le conduire a droite ou a gauche, & en meme temps on voit fur le quart de cercle le nombre de livres qu'il pefe. On a cm que cette machine bien executee, fcroit capable de remplir, avec l'exactitude requife en pareil cas, le double objet que l'auteur s'etoit propofe. f DE L'ACADEMIE ROYALE DE.S SCIENCES. iSJ 4°. Un mpycn d'arreter le mouvement de la roue d'unc grue , lorfque ; la corde qui cnleve le poids, vient a fe caffer; l'auteur emploie pour cela M , Un levier charge d'un gros poids qui, lorfqu'il eft libre, t'rutte conhe la'" £CHAN1' circonference de la roue, & arrete fon mouvement ', ce levier repond par Annie 1161. un cordage a un autre levier qui porte la poulie pir-dcfius jaquelk palL- la corde avant que d'arriver fur le treuil; par ce moycn, taut que l.i cor.'.i chargee du poids cju'on elevc, appuie iur la poulie, le levier qui doit ex- citer un frottement fur la roue, demeure fufpendu-, mais fi la corde vient a caffer, le levier exerce dans 1c moment Ion adcion fur la roue, & l'arrete par fon frottement. L'auteur applique la meme mechanique aux roues des carrieres-, & comrae il n'y a point la de poulie, cVft un des paliers dans Jefquels roulent les tourillons du treuil , qu'il rend mobile, & qui, tant qti'il eft charge par le poids de la pierre lufpendue par le cable an treuil, louleve le levier deftine a empecher la roue de tourner , & lui iailfe all contraire la liberie d'arreter le mouvement de la roue, des que la rupture du cable le decharge de ce poids, On a cru que ce moyen alicz hmple par lui-meme, pouvoit etre utile dans bic-n des cas. 50. Deux efpeces de petits chariots 011 equipages brifes, I'un pour trans- porter des orangers dans leur caitTe , l'autre pour voiturer des barriques dans les ports de mer, & une chaine fans fin, deftinee pour les puits des mines , atin que les ouvriers ne loient charges que du poids du mineral qu'ils ont a elever 1 un des cotes de la chaine faifant dans ce cas cquilibre avec l'autre. On a trouve que les deux petits chariots pourroient etre d'un ulage commode, & que l'utilite de la chaine fans fin, dont on s'eft deja fervi en plulieurs femblables occalions, ne pouvoit etre mife en doute. I X. Une autre machine du meme M. Loriot, deftinee dans Texploitalior) des mines de plomb , a la double operation de laver & de tirer le mine- ral ; il la nomine machine a laver. On lave le mineral pour en detacher les parties terreufes qui y font jointes, & que le courant de 1'eau pent delayer & entrainer, & on le crible pour leparer les fragmens de differentes grolleurs-, ces deux operations s'exe- cutent S l'ordinaire ieparement ; le lavoir eft une rigole inclinee , dans la- ejuelle palfe un filet d'eau ■, on y jette le mineral concaife , qu'on remue avec line efpece de rateau; 1'eau emporte avec elle Iv terre quelle a dctrempee, & les parties metalliques demeurent comme plus pelantes au fond de la ri- gole ■, pour cribler, l'ouvrier prend an crible de fil de laiton charge de mineral , & le trempant dans 1'eau dune cuve , il l'agite de fecoufles plus ou moins grandes , & le plonge & le retire alternativement ; par cette ma- noeuvre, il opcre fur le mineral qui eft dans le crible, la meme chofe qu'on opere Iur le bled en le vannant j les particules metalliques s'arangent fui- vant Ieurs differentes pefanteurs fpecifiques, & le cribleur eft en etat de les leparer. On concoit bien que les operations du lavage & du criblage doi- J9i ABREGE DES MEMOIRES i ii i vent fe repeter fucceffivement plufieurs fois , fi on veut avoir le mineral »» . bien trie. iucuanique. £., Machine de M. Loriot, mue par un couant d'eau tree modique , fait Annie fj€i. feule a la fois toutes ces operations, & epargne parconfequent la plus grande partie des ouvrkrs qu'on y emploie-, elle conlifte dans un vaiffeau en forme de cone tronque, ferme par le petit bout, * ouvert par le grand j ce vaiffeau a pour axe un arbre qui le traverfe, & qui porte encore line roue a augets, qui au moyen d'mi courant d'eau, fait mouvoir toute la ma- chine , un canal tourne , non en helice , mais en portions circulates qui , par une inflexion a la fin de chaque tour, communiquent les unes avec les autres , rampe d'un bout a l'autre de ce vaiffeau ", ce canal recoit le mineral par la bale du cone qui eft ouverte ; les tetes des clous qui font aux pre- miers tours dans le fond du canal , font l'effet des rateaux des lavoirs or- dinaires: & pendant que le mouvement circulaire de la machine force le mineral a parcourir cette efpece d'helice , l'eau qui eft continuellement ap- portee par un tuyau dans la machine , & qui y eft retenue fur les premiers tours par un rebord circulaire place a fon embouchure, lave le mineral, & enleve fa partie terreufe. Dans les tours fuivans, il paffe, en continuant fa route, par differens cribles qui, en laiffant paffer dans le fonddu canal ce qui eft fuffifamment prepare, rejettent le refte par des ouvertures & des canaux de decharge au dehors de la machine; enfin , le meme mouvement ayant conduit le mineral a l'extremite, le fait en quelque forte revenir fur fes pas dans d'autres canaux , oii il acheve de fe tamifer par differens cri- bles qu'il y rencontre, & en fort enfin lave, crible & propre a porter a la fonderie. Cette machine a paru ingenieufe & bien imaginee ; l'academie a cm que , par les differens effets qui doivent refulter de fa conftrucliion , on pouvoit la rendre capable de fatisfaire a ce qu'exigent les operations du lavage & du.criblage ; ce qui pent meme etre confirme par une experience de plus de deux annees, pendant lefqnelles la machine de M. Loriot a ete employee avec affez de lucces pour iupprimer la plus grande partie des euyriers qui etoient employes a ces deux opexatious. 6ur DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 395 M £ C II A N I Q U E. Sur une nouvelle efpece de Piflons. Annie i?6z. /utilite des pompes a fouvent engage les mechaniciens a faire de ces Hift. machines l'objet de leurs recherches & a tenter tous les moyens poflibles de les perfeciionner. De toutes les parties d'une pompe, le pifton eft peut-etre la plus effen- tielle-, audi n'a-t-on jufqu'ici neglige aucun travail pour lui donner une conftruftion qui le rende folide, exacl: & facile a mouvoir. Les piftons des pompes font en general de deux efpeces , les uns qu'on nomme fins frottement j & les autres qui frottent reellement contre les pa- rois du corps de la pompe. On n'en connoit guere que trois de la premiere efpece •, le premier eft compole d'tui cylindre de cuivre, ayant au moins une hauteur double du diametre de fa bafe : ce cylindre doit etre, a tres-peu-pres , du meme dia- metre que l'interieur du corps de pompe qu'il doit prefque toucher par- tout fans frotter nulle part. On juge bien que ces deux pieces ne peuvent etre travaillees avec trop de foin Ii on veut qu'elles produifent leur eflet, & que cette efpece de pifton doit relifter auffi tres- long- temps a Taction des liqueurs acres qu'on peut faire elever a la pompe ', e'eft pourquoi on 1'emploie aux pompes qui fervent a elever de la leffive , dont l'aclion au- roit bientot detruit les cuirs des autres piftons , dont nous parlerons ci- apres , & cette efpece de pompe en a retenu le nom de pompe a. lejjive , fous lequel elle eft connue. Comme le pifton de cette pompe ne touche pas exadement le corps de pompe, il y a neceffaireinent entre deux un vuide tres-petit a la ve- rite, mais par lequel l'eau s'echappe en une quantite d'autant plus conlide- rable , que le poids de la colonne quelle foutient eft plus grand, & e'eft ce qui empeclie d'employer ce pifton , quoique fans frottement , dans les pompes qui doiveut elever l'eau un pen haut , il s'en perdroit une trop grande quantite : on peut meme aifement fe convaincre que dans les rac- diocres hauteurs, cette perte eft fenfible, car en connoilTant le diametre du corps de pompe & la levee du pifton , on peut aifement connoitre combien la pompe doit donner d'eau dans un certain nombre de coups de pifton ; & li on en fait l'experience , on trouvera toujours la quantite d'eau don- nee par la pompe au-deffous de celle quelle auroit du fournir fuivant le calcul. La ieconde efpece de piftons, qu'on nomme fins frottement , n'exige pas a beaucoup prcs autant d'exaftitude & d'attention que ceux dont nous venous de parler : ces piftons font compofes de rondelles de cuir enfilees, qui forment un cylindre femblable au cylindre de cuivre dont nous venons de parler , & ce pifton eft bientot moule dans le corps de pompe , mais il ne pent fervir long-temps fans laifler echapper l'eau. La troifieme efpece de pifton fans frottement , eft celle qui fut pro- Torne XIII. Partie Franfoife. D d d ?9+ ABREGEDESMEMOIRES I pofee par M«- Goffet & la Deuille-, il confide en un plateau de bois, perce , dans fon milieu pour laiffer paffer l'eau quand le pifton defcend , & garni Mechanique. (j>une f0Upape qUj l'empsche de s'ecouler par cette otiverture quand le pif- Annlc ij6z. ton remonte : ce pifton eft place entre deux cuirs circulaires, qui lui per- mettent de s'elever & de s'abaiffer d'une certaine quantite, mais il eft evi- dent que ces cuirs , plies alternative'ment d'un fens & de l'autre , doivent fe couper en peu de temps , 8c que d'ailleurs etant continuellement char- ges d'une colonne d'eau, qui doit etre aflez large pour fuppleer au peu de mouvement de pifton , on ne peut s'en fervir toutes les fois que la pompe devra monter l'eau un peu haut. Le pifton qu'on emploie le plus ordinairement dans les pompes qui doi- vent elever l'eau aflez haut, & etre d'un frequent ufage, eft compofe d'un morceau de bois tourne, dont le diametre eft plus petit que celui du corps de pompe. Au haut de ce cylindre de bois eft creufee une efpece de feuil- lure circulaire d'environ quatre a cinq lignes de profondeur, dans laquelle eft cloue le bout d'une bande de cuir , taillee de maniere qu'elle forme une efpece de vaiffeau conique , dont l'extremite fuperieure touche l'in- terieur du corps de pompe. II refulte de cette conftrucHon , que Iorfque le pifton defcend, l'eau fait appliquer la bande de cuir contre le pifton & trouve un libre paffage entre celui-ci & le corps de pompe pour paffer au-deffus , mais que des que le pifton remonte , le poids de la colonne d'eau, qui pone fur la bande de cuir, fait elargir l'efpece de vaifleau qu'elle forme & 1'oblige d'appliquer fes parois contre le corps de pompe d'autant plus exa&ement que la colonne d'eau eft plus pefante. Cette conftrudtion ne laifferoit rien a defirer, (1 a la fimplicite dont elle Jouit elle joignoit la folidite , mais il arrive prefque toujours que le poids de la colonne d'eau , foutenue par le cuir , ou le renverfe ou detache les clous qui le joignent au pifton-, alors l'eau n'ayant plus rien qui la retienne, s'ecoule & rend la pompe inutile : d'un autre cote , les clous fortis de leurs feuillures raient avec leur tete le corps de pompe , & cela d'autant plus facilement, que le bois etant plus petit que le tuyau, rien ne l'empeche de fe jetter plus d'un cote que de l'autre, felon que le deplacement de cuir, qui n'eft jamais egal tout autour, l'y follicite. C'eft ce qui a engage M. Deparcieux a chercher une conftrudtion de pif- tons, qui eiit les avantages de celui ci fans en avoir les inconveniens : celui qu'il propofe n'a point de clous, le cuir ne peut abfoliunent fe renverfer, il va toujours dans une direction parallele a l'axe du corps de pompe & n'a qu'un frottement prefque infenlible. Ce pifton eft compofe de deux pieces de cuivre ou de fer fondu, qui, Jointes enfemble par la verge de fer qui les enfile toutes deux , fbrment un corps a-peu pres cylindrique, d'un diametre un peu plus petit que celui du corps de pompe; nous difons a-peu-pres cylindrique, parce qu'il va un peu en depouille , & que la bale inferieure eft plus petite que la fupe- rieure : ce cylindre eft perce, felon fa longueur, de trois ouvertures, par lefquelles l'eau peut aifement paffer lorfqu'on abaiffe le pifton ; mais lorf- qu'on le remonte , une piece de meme metal , garnie de cuir en dcffous , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 395 8c qui peut fe mouvoir de haut en bas le long de la verge de pifton , dans ^ — » laquelleelle eft enfilee, s'applique fur ces ouvertures & intercepte le retourM . de l'eau qui fe trouve au-deilus du pifton avec d'autant plus d'exa&itude £ChaniQue. que la colonne fe trouve plus grande. Annie in6z, Entre les deux pieces qui compolent le pifton , fe trouve ferries deux autres parties deftinees a toucher le corps de pompe , l'une eft une ron- delle de plomb dont les bords, fondus exprcs , s'appliquent fur la furface exterieure du cylindre, &y forment une large bande qu'on rend du raeme diametre que le corps de pompe, en l'y failant entrer 1111 peu a force, & l'y faifant aller & venir a pluheurs reprifes : cette piece eft deftinee tant a faire mouvoir le pifton parallelement au corps de pompe , qu'a foutenir la feconde piece dont nous allons parler. Elle eft compofee d'une efpece de tafle de cuir fort, dont le fond eft cvide aux endroits qui repondent aux ouvertures interieures du pifton, & dont les bords embraflent, en fe relevant, la furface exterieure du pifton; c'eft ce cuir qui, preffe par la colonne d'eau que le pifton enleve, s'appli- que exadtement contre le corps de pompe , (ans y frotter au-dela de ce qui eft neceffaire pour que le pifton foit fidele & faffe fon efret : on voit aifement que , par cette conftruciion , l'eau ne peut ni le detacher , parce qu'il eft d'une piece, ni le renverfer, parce qu'il eft foutenu en-deffous par le plomb & n'a pas affez d'efpace pour fe retourner-, on fait prendre au cuir cette forme, en le mettant tout mouille dans un vailfeau fait ex- pres, & l'y alTujettiflant avec un morceau de bois tourne pour cet eflet. Ce pifton, comme on voit, conferve tous les avantages de celui auquel M. Deparcieux le fubftitue , fans avoir aucun de fes defauts •, il eft vrai qu'il coutera un peu plus , mais la duree & Ion exadtitude indemniferont bien de ce petit exces de depenfe •, & comme il fe demonte avec la plus grande facilite , il fera toujours aife de reparer celle de fes pieces qui fe feroit derangee. C'eft reloudre un probleme de cette efpece dans toute fon itendue,xque d'allier enfemble , en pareille matiere, la precilion des ef- fets, la folidite de la piece qui les opeie & la facilite de la reparer en cas d'accident. Ddd ij 1!)6 abreg£ des memoires MiCHANIQUE. Annte i76z. SUR LA DESCRIPTION des Arts et Metiers. &]&. M-j'acAt>£mti, en rendant compte an public, dans I'hiftoire de l'annee derniere , de la publication de Ion travail fur la defcription des arts , s'e- toit engagee a lui annoncer chaque annee les arts dont la defcription auroit paru •, c'eft de cet engagement qu'elle s'acquitte ici pour cette annee : les arts qui ont paru en iy6i , font au nombre de huit. Le premier eft Van de VArdoifier , par M. Fougeroux; il y decrit non-feulement la maniere de tirer l'ardoile du fein de la terre, de la re- fendre, de la tailler & de la rendre propre aux ufages auxquels on l'em- ploie ordinairement, telle qu'elle eft ulitee daiis les perrieres ou carrieres. d'ardoife des environs d' Angers , les plus conliderables du royaume , mais encore celle qui eft ufitee dans celles de Rimogne pres Mezieres en Cham- pagne , & dans celles de plutieurs autres endroits : on voit , par la diffe- rence de ces procedes que celles des circonftances a exigee, combien la pra- tique d'un art peut etre variee fans s'ecarter des principes fur lefquels il eft appuye. Le fecond eft Van du drier. M. du Hamel y a joint a fes propres re- cherches les obfervations qui lui ont ete communiquees par M. Trudon proprietaire de la belle manufa&ure etablie a Antony , celui peut-etre de tous les manufacltiriers du royaume qui a fait le plus d'etudes & de tenta- tives pour parvenir a la perfection de fon art •, M. du Hamel prend l'art du cirier depuis le moment oii la cire eft tiree des ruches , jufqu'a celui auquel les plus beaux ouvrages de cette efpece font acheves; il y explique toutes les operations neceffaires pour blanchir la cire , pour la mettre en etat d'etre employee , & tous les moyens ingenieux qu'on met en ulage pour accelerer & faciliter le travail , & pour conferver aux differens ou- vrages la perfection & la proprete qui leur eft G neceffaire •, chaque opera- tion eft rappellee aux principes phyfiques fur lefquels elle eft fondee , & on ne pourra certainement lire la defcription de cet art , fans etre etenn£ de tout le travail & de toutes les attentions qu'il exige. Le troifieme eft Van de faire les Tapijferies de cuir dori , par M. Foil- geroux : cet art offre a la curiofite du ledtcur bien des procedes dignes d'at- tention ; mais le plus fingulier de tous eft certainement celui par lequel onv donne la couleur d'or la plus parfaite, a 1'argent dont on recouvre ces peaux : bien des gens ont peut-etre vu long-temps de ces teintures ft bien dorees, fans foupconner qu'il n'y entre pas un feu! grain d'or; mais ce qui doit rclever le prix de ces tapifferies, c'eft la propriete qu'elles on: de re- fifter a l'humidite qui, dans des endroits bas & peu fouvent habites, tels que les rez-de-chauffee de la nlupart des chateaix, detruirok bientot toutes celles qu'on voudroit leur fubflituer. DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. ?97 Le quatrieme eft l'art du Parcheminier. M. de la Lande qui en eft 1'au- ■^mh^^mbmw teur, y decrit non-feulement tous les procedes qu'on emploic pour mettre ~~ les differentes peaux en etat de iervir a lecriture, au deilin , a la peinture Q u E' & aux autres ufages atixquels on emploie le parchemin, le velin & les au- Ann't 1-61. tres peaux preparees de cette maniere ; mais il y donne encore une hif- toire abregee de 1'origine de cet arf & des differens reglemens qui ont etc faits j ce fujet , dans laquelle on trouvera un grand nombre de faits tres- intereffans. Le cinquieme contient la troillcme & la quatrieme partie de I'art des Forges a fer , par M. le marquis de Courtivron & M. Bouchu, correfpon- dant de l'academie : la premiere traite de la conftruction des fourneaux deftines a fondre la mine, de la fabrique des monies deftines a former les dilferens ouvrages de fonte de fer , & des precautions neceffaires pour couler ces ouvrages : on y admirera l'art avec lequel on eft parvenu a menager faction du feu prefqu'a volonte, par la differente eonftruction des four- neaux , les differentes manieres d'y porter le vent neceffaire pour en aug- menter l'a&ivite, & enfin l'induftrie avec laquelle on eft parvenu a former avec de la terre des moules affez precis pour y couler des chaudieres & d'autres pieces audi minces, fans qu'H fe trouve dans leur epaiileur d'ine- galite fenlible. La feconde eft une traduction faite par M. Bouchu, du traite du fer, ecrit en latin parM. Swedemborg : cet ouvrage, qui contient dans le plus grand detail les pratiques uiitees dans les forges a fer de Suede » forme une fuite d'autant plus naturelle de cet art, qu'il prelente aux yeux une tres-grande quantite de moyens de parvenir au mime but, & que cette variete de procedes expofes par un homme habile , ne peut que jetter de grandes lumieres fur la theorie de l'art des forges : M. Swedemborg a meme pouui 1'attention jufqu'a examiner l'ufage des mines de fer, non-feulement par rapport aux forges , mais encore relativement a tous les autres avan- tages qu'elles peuvent procurer, comme les eaux minerales , &c, Le lixieme art, fuite naturelle de celui des forges a fer, eft celui de la Forge des enclumes ..par M. du Hamel. Quoiqu'il n'y foit pas queftion de la production du fer, & que communement cet art fe pratique loin des for- ges,.cependant l'enormite de la maffe des enclumes oblige d'employer des i>rocedes a-peu-pres femblables a quelques-uns de ceux qu'on emploie dans es aftineries des grandes forges; & on y verra fans doute avec plailir les moyens hmples & ingenieux que les ouvriers qui forgent les enclumes, emploient pour luppleer aux fecours qu'ils trouveroient dins une grande forge & qu'ils ne pourroient fe procurer dans les dilferens endroits cm ils font obliges fucceffivement de travailler, leur etant bien plus aife de tranf- porter leur equipage que leurs ouvrages. Le feptieme art eft celui du Cartonnier , par M. de la Lande-, on y re- trouvera en petit & d'une maniere bien plus grofflere les mimes procedes que le papetier met en ufage-, efpece d'economie neceffaire pour procurer, a trcs-bon marche, une matiere auffi generaleraent utile que le font les diiicrentes efpeces de carton. Le huirkme & dernier art qui ait paru en ij6i , eft celui du Cartier 398 ABREGIL DES MEMOIRES Sou I' art defaire les Cartes a jouer, par M. du Has-nel : cet art, que I'oi- , (ivete, & peut-etre auffi quelquefois l'avidite des hommes, ont rendu l'ob- Mechanique..^ ^.^ tr£s_gros commerce, offre une infinite de pratiques fingulieres , Annie ij6z. fur-tout celle d'appliquer les couleurs a travers des cartons perces qui fe rapportent li exa&ement, qu'il femble que chaque figure ait ete coloree i la main & feparement , & celle de couper les cartes avec des cifeaux fi ega- lement, qu'on croiroit que chaque jeu a ete ferre dans une preffe & coupi au couteau de relieur. Hift. MACHINES ou INVENTIONS APPROUVEES PAR L'ACADEMIE En M. D C C. L X I I. \Jne pendule a demi-fecondes , prefentee par M. Millot, horloger de Paris : cette pendule fonne , comtne les pendules ordinaires, les heures & les demies ; elle marque, par plulieurs ouvertures percees dans le cadran , l'annee, le nom du mois ou Ton fe trouve & le nombre de jours qu'il contient, le quantieme du mois, celui de la lune , la lettre dominicale , I'epadte, le nombre d'or, le cycle folaire, la phafe de la lune, le lever & le coucher du foleil pour Paris : ce lever & ce coucher s'y marquent meme d'une facon linguliere-, comme le rouage qui entraine l'image du foleil . ne pourroit'la faire paffer en trois minutes fous la piece qui reprelente 1 ho- rizon , un petit rouage qui fe dctend alors , fait elever dans ce meme ef- pace de temps une ailette qui couvre le foleil & en fait retomber le matin line autre a 1'heure du lever du foleil : a l'inftant que le foleil de la pen- dule fe couche , il s'ouvre dans toute l'etendue du fond bleu qui repre- fente le ciel, quatre-vingt-dix petites ouvertures, par lefquelles lortent quarre-vingt-dix petits brillans qui reprefentent les etoiles. Comme le mois de fevrier eft tous les quatre ans de vingt-neuf jours , une etoile a trois rayons , & qui n'eft en prife que de quatre en quatre ans, fait avancer le lendemain du 28 une petite languette qui le recouvre & qui porte le chiffre ieh -r lorfqn'ori bailL- la touchc qui repond a chaque corde , ce qui doiwie h facilite de tir<.r des fons plus ou moins forts. L'auteur a joint a cette machine un clavier de pedale, qui 4oe A B R E G £ DES MEMOIRES — — — — v,i par les memes moyens, & un fecond clavier, qui repond a un autre , jeu de cordes a boyau, place fur le meme corps d'inftrument , & dont il Mech anique. tjr£ je £-on^ non en j-g fervant je ja roue) majs au nioyen de fauteraux gar- Annce ij6&. "IS> au-lieu de plume, d'un petit morceau de cuir dur , ce qui produic un fon affez approchant de celui du theorbe ou de la guitare •, l'harmonie de cet inftrument eft agreable & reflemble a un concert de parties de viole; elle pent memeetre extreniement variee par les differentes manieres de tou- cher le clavier : cet inftrument a paru ingenieux & meriter les efforts que I'auteur eft dans le deirein de faire , pour lui donner toute la perfection dont il eft fufceptible. V. Une nouvelle maniere, propofee par le fieur Challier, maitre arquebu- fler , d'aflujettir fur le rut la platine des armes a feu , & fur-tout celles des fufils de chaffe , an moyen de laquelle on peut, en preflant un bouton , oter en un inftant la platine entiere & la remettre avec la meme prompti- tude. On fent affez l'avantage de cette conftruclion , tant pour mettre la platine a l'abri , en cas de pluie , que pour prevenir des accidens qui n'ar- rivent que trop fouvenf, un fulil etant abfolument hors d'etat de tirer quand jl eft prive de fa platine, qu'on peut lui rejoindre toujours en un inftant Jorfqu'on voudra le mettre en etat de fervir. V L Des rames a l'ufage des galeres 8c des vaifleaux, propofees par M. Babut : elles font placees verticalement hors du vaifleau ; elles fe meuvent paral- Jelement a la quille, pour donner le coup de rame, & enfuite perpendi- culairement a cette meme quille, pour fe relever & fortir de l'eau par leur tranchant. Comme on peut les faire aifement plonger plus ou moins , on peut, en augmentant le nombre des rameurs, augmenter leur force ; ce qui lie fe peut avec les rames des galeres , dont on raccourcit la partie inte- rieure en augmentant l'exterieure : les rameurs ne s'embarrafferont point & travailleront tous egalement; on peut meme en placer dans la calle qui agi- ront utilement en halant des cordages. Cette invention a paru meriter qu'on en fit des experiences en grand, pour en evaluer plus precifement les avan-: tages & pour en connoitre & en corriger les defauts. V I L Des nouveaux caradteres d'imprimerie pour la mufique, inventus 8c exe- cutes par M. Fournier le jeune. II a paru , par les differentes epreuves que l'auteur en a prefentees , que ces caracteres donnoient a i'impreflion de la mulique cette force & cette nettete que la feule gravure en taille- douce avoit pu jufqu'ici lui donner •, & qu'on n'avoit encore jamais pu obtenir en France avec les caradteres fondus , quoique les Allemands euflent deji fait en ce point de grands pas vers la perfection : ces caradteres ont paru devoir DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. +ot devoir etre d'autant plus utiles, qu'en confervant a la mufique toute la M"M"— force & la nettete de la gravure, ils en dimiiiueront conliderablement 'eMtcn unique. prix. VIII. Aiinit ijCi. Une machine a battre Ie bled, prefentee par M. de Malaflagny : cette ma- chine execute l'operation propofee , au moyen de pilous garnis par en bas d'empatemens canneles , & qui etant fucccflivement elevcs par les menton- nets d'un arbre qu'on fait tourner comme dans les moulins a poudre ou a foulon , frappent le bled par leur chute. Le batis fur lequel tout eft porte, eft mobile fur des roulettes & fe peut tranfporter en avant, en arriere & Iateralement, pour battre par ce moyen tout le bled qui eft etendu fur l'aire. Quoique les pilons ne puiffent pas donner cette efpece de coup de fouet que le bled reijoit du fleau , cependant on a cru que cette machine devoit wire au moins un effet egal a celui des pieds des beftiaux, qui dans bien. des endroits font les feuls agens qu'on emploie pour battre le bled, & elle a paru tres-propre a produire 1'effet qu'on en peut attendre, fur- tout lorf- qu'elle aura etc limplifiee> comrae I'auteur le le propole & comme elle en ft fufceptible. Le parlement ayant fait l'honncur a l'academie de lui demander fon avis fur les lettres patentes obtenues par le fieur Mellawits, par lefquelles le roi lui accorde la permiffion d'aigenter par fullon toutes fortes d'ouvrages dc cuivre fuivant fa methods , approuvee par l'academie ; fur celles obtenues par le fieur Durand, maitre ferrurier a Paris, pour l'etabliffement d'une ma- chine propre a tailler des limes de toute efpece & de tout calibre, & k retailler celles qui font ufees, & fur celles obtenues par les fieurs Vidal, pere & fUs , Defaubus & Ferrand, portant permiffion de fabriquer ou dc faire fabriquer des ouvrages d'un metal de leur composition , imitant la blan- cheur de l'argent , & d en etablir la vente & le debit : la compagnie a trouve que le procede du lieur Mellawitz pour argenter le cuivre, etoit trcs-difterent de celui qui eft en ufage , qu'il pouvoit etre fort avantagcux au public, & qu'il etoit a fouhaitcr que cette methode s'etablit dans le royaume (; placee prelqu'a la moitie de la ha,uteur entre ks deux platines, fans eprouver aucun obftacle de la part de la fufee, qui lui prc- lentera dans cet endroit fa partie la plus menue; le pignon pourra fe trouver immediatement au-delious de la roue, ainli que celui de la roue de chan ; & pour mettre ces roues & ces pignons encore plus au milieu de leurs arbres, M. le Roy fait rouler leurs pivocs inferieurs, non dans la platine , mais dans une barette placee de 1'autre cote de cette meme platine : par ce moyen , il rend l'efrort de leurs pivots prefqu'egal, & evite que l'huile^ne quitte les pivots pour fe rendre dans les pignons, comme il n'arrivc que trop fouvent dans la conftrudtion ordinaire. Ce changement de la lituation de la filler n'entraine aucun inconvenient. En efiet , pour peu qu'on foit au fait de la conftruction d'une montre, on voit aifement que la fufee n'etant deftinee qua corriger lincgalite de Taction du grand relfort , il importe tres-peu que Textremite de la chaii e foit attachee au haut ou au bas du barillet. II y a plus , dans les montres Eec ij +o4 ABREGfiDESMEMOIRES -ri„:f0c & dans toutes celles qui fe remontent comme elles pnr-deflbus & ~ non par le cadran, elle produit un tres-grand avantage, parce que le quarre, M e c h a'n 1 Q u e. ou ros p^vot <;tant alors du coti de la bafe , les pivots fe trouvent propor- Annie 6 tionnes aux frottemens , ce qui n'arrive pas dans la fituation ordinaire de la fufee. , . II refulte de ce que nous venons de dire, que toute la tneone con- firme 1'idee qua eue M. le Roy , de renverfer abfolument la fituation de la fufee dans les montres fimples-, mais ce feroit peu en pareille matiere que h theorie , fi l'experience ne l"avoit confirmee. Ce genre de preuves ne manque point a M. le Roy, M. fon frere, qui a adopte cette conftruftion , ne fait prefque plus de montres fimples qua fufee renverfee; & il affure que depuis cinq ans qu'il en conftruit de cette efpece , il n'a pas encore re- marque que les trous des pivots de la roue moyenne & de la roue de chan fe foient ufes comme il arrive dans les montres ordinaires; d'ou il refulte que les engrenages de ces roues n'ont point varie, & que les frottemens font reftes, a tres-peu-pres, les mcmes. Que d'avantages dans la pratique des arts tiennent a des changemens auffi fimples que celui-ci , & qui paroif- fent, au premier coup-d'ceil, d'aufli peu de confequence, a moins- qu'on n'ait'le taft affeas fin pour en prevoir les effetsl Sur une nouydle efpece de Grue propre d pefer & a foulever en mime- temps de gros fardeaux. IKft. X ous ceux qui ont vn charger & decharger des vaiffeaux ou de grands bateaux, ont certainement pu remarquer la difficulte qui fe trouve a remuer les fardeaux enormes qu'ils contiennent fouvent, a les faire paffer fur les ponts de madriers qu'on eft force d'etablir pour les conduire du bord du batiment au rivage, on du rivage a bord du batiment, & enfin a pefer ceux dont il eft neceffaire d'evaluer le poids : on feroit meme trop heureux ft ees operations n'offroient que de la difficulte , & fi les accidens qui mena- cent a chaque inftant la vie des hommes & la perte ou la deterioration des marchandifes, n'etoient pas trop fouvent le funefte fruit de ces manoeuvres. C'eft a cet inconvenient que M. de Vaucanfon a eu deffein de reme- dier, en faifant part k l'academie dune machine, qui en meme temps quelle opere le chargement & le dechargement avec la plus grande facilite & fans aucun rifque pour les hommes ni pour les marchandifes, a encore la pro- priete d'en indiquer le poids. t Cette machine eft une efpece de bafcule ou de gnie placee lur le bord de la mer ou d'une riviere. Pour sen former une idee, qu'on imagine On arbre de charpente d'environ fix ou huit pieds de haut , etabli yerticale- ment au bord de la riviere, foit au moyen de ce qu'il fera fcelle en terre avec de la maconnerie , foit au moyen dun empatement de charpente qui le maintienne i'olideraent dans cette pofition : cet arbre porte a fextremite de fa partie fuperieure , qui doit ctre cylindrique, une crapaudine, au fond DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 455 de laquelle eft une demi-fphere , creufe d'environ quatrc 011 cinq lignes —— ——— de rayon : cette crapaudine recoit an pivot de fer, dont la pointe eft ter- ,, . minee par une demi-fphere folide d'acier trempe , d'environ trois lignes ltcl,ANI(2U£- de rayon, qui eft re$ue & roule dans la demi-fphere creufe dont nous ve- AnrUe 1763. nons de parler. Ce pivot eft fermement attache nil milieu d'une forte fleche de bois d'en- viron foixante pieds de long, formee de plufieurs pieces affcmblk-s •, & pour empecher que cette fleche ne puiffe plier fous le poids dont elle doit etre chargee, elle eft fortifiee par des pieces courbes, dont celles qui fe trouvenr au milieu font jointes en forme de moifes, & laiffent entr'elles une ouverture fuffifante , non-feulement pour paffer l'extremite rondc de l'arbre vertical , mais encore pour permettre a toute la fleche un balance- ment d'environ un pied dans le fens vertical, & le pivot eft attache a cette fleche, de maniere que la machine etant en repos, elle foit inclinec a l'ho- rizon , d'environ 10 degris. La partie la plus forte de la fleche eft deftinee a s'avancer au-deffus des bateaux , a trcnte pieds du bord , pour y prendre ou y porter les fardeaux , celle qui eft de l'autre cote eft chargee d'un petit chariot, qui, au moyen des roulettes dont il eft garni & de deux rainures pratiquees dans la partie pofterieure de la fleche , pent aller d'un bout a l'autre de cette partie & couleroit neceffairement au bout, a caufe de la pente, s'il n'ctoit retenu, tomrae nous allons le dire dans un moment, & li on ne pouvoit 1'arreter a volonte, au moyen d'une cheville qui fe place dans des trous perces fui la fleche. Ce chariot eft charge d'un poids de douze mille livres, deftine a fervir de contrepoids aux fardeaux qu'on vent enlever, & qui, au moyen de ce qu'il pent s'avancer ou fe reculer fur la fleche, fe met toujours en equi- libie avec eux , & indique leur poids fur les divihons marquees fur cette fleche, qui par ce moyen devient une veritable romaine. Voici prefente- roent comment on met la machine en jeu. A la partie anterieure de la fleche , font placees deux fortes polities , & le chariot eft arrete fnr le milieu de la machine en repos , au moyen de la cheville dont nous avons parle : a fon extremite anterieure, eft atta- ' chee une corde qui palTant fur une des poulies de la fleche , va pafler auiH fur une poulie a chappe de fer, garnie d'un crochet pour y fufpendre les fardeaux-, de-la elle remonte jufqu'a l'autre poulie du bout de la fleche, & pafTant encore defliis, va fe garnir a an treuil place proche du pivot, & qui porte a chaque bout une roue a chevilles, commc celles des carrie- res, d'environ fix pieds de rayon. Lorfqu'on veut done enlever un fardeau an moyen de cet inftrument, comme, par exemple, tirer un ballot d'un bateau charge, on dirigc le bee de la grue fur l'endrott ou eft ce baljot ; & l'ayant attache au crochet de la poulie , on devide le cable fnr le treuil jufqu'a ce qu'H commence J tircr ; alors il doit arriver neceffairement que le chariot auquel eft attache l'autre bout du cable faffe un petit mouvement qui permettc d'oter la che- ville qui ctoit derrkrej alois oa devirc le cable pour lailfcr au chariot h 4o(S ABRIGfi D E S MEMOIRES liberte de delcendre le long de la queue de la grue, jufqul ce qu'on juge qu'il puitfe etre en equilibre avec le fardeau, & on 1'arrete en cette poli- Mechanique. tion aV£C ja chevjUe. pour lors on fait agir les roues & le treuil qui en- Annie fGi. levent le fardeau, dont le poids eft diminue de moitie pour les homines J qui font agir les roues par la poulie a laquelle il eft accroche, qui fait fonc- tion d'un veritable palau. Des que le fardeau commence a perdre terre , on eft averti par les b*-' lancemens de la grue, h" le chariot eft trop ou trop peu defcendu, & alors on relache le cable pour Iui faire prendre une pofition telle que la grue pie bafcule pas plus d'un cote que de 1'autre, on l'y arrete avec la cheville, & on acheve d'elever le poids a la hauteur convenable. Comme le chariot eft alors en equilibre avec le fardeau , un index qu'il porte , indique , fur les divifions marquees fur la fleche , le poids de ce fardeau : on en fera aifement convaincu, C\ on fait attention que le chariot pelant toujours douze mille livres , il fera , par exemple , en equilibre avec un poids de neiif mille livres , s'il eft aux trois quarts de la diftance du point d'appui an bout de la fleche-, avec un de fix mille , s'il eft a moi- tie, &c. d'oii il fuit qu'on aura toujours, a pcu de chofe pres, le poids du fardeau. Nous difons a pen de chofe pres, parce qu'on n'en pourra guere etre fur qua une cinquantaine de livres pres; mais ce degre d'exa&itude eft Aifrilant pour les ufages auxquels cette machine doit etre employee.. Des qu'on aura fufhTamment eleve le fardeau , on toumera la grue fur fon pivot, pour le mcttre dans la voiture qui doit le tranfporter-, des qu'il y portera, le chariot rcculera & fe degagera de la cheville ; alors on le ra- menera au milieu , & on l'y contiendra en placant la cheville derriere , apres quoi en lkhera le cable pour degager le crochet de la poulie mo- bile qui tenoit au fardeau , & on remettra la grue dans fa polition or- dinaire. t .'•' ' Si on fuppofe, comme nous l'avons fait, le chariot charge de douze mille livres , la machine enlevera & pefera tous les fardeaux du meme poids & au-deffous jufqu'a hx mille livres, mais au-defibus de ce poids on ne pour- roit plus s'en lervir •, le poids que la poulie mobile diminue de moitie a ' l'egard du chariot , ue feroit plus fuffifant pour arreter le chariot fur fon plan incline : il faut pour cela que la moitie du fardeau egale au moins le quart du poids total du chariot , mais on pourroit dans ce cas decharger le chariot de la moitie de fon poids, & prendre alors la moitie du poids in- dique par 1'index. Comme le poids eft toujours en equilibre avec le chariot , cette grue ne tend pas a fe renverfer , & n'a nul befoin d'etre retenue par des hau- bans, comme les grues ordinaires-, ce qui lui donne la liberte de faire un tour entier fur fon pivot, s'il eft neceflaire. Enfin l'experience a prononce en fa faveur; on s'en eft fervi pour em- barquer fur la Seine quelques canons de vingt-quatre-, elle a tres-bien reuffi, & les petits defauts que l'experience a fait remarquer a M. de Vaiicanfon , ont ete foigneufement corriges. Tout ce qui tend a augmenter la filrete des marcliandifes & la facilite du fervice, & a diminuer fur- tout le rilque que DE UACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4o7 petivent courir les hommes, mcrite certaincmcnt les cloges de tous ceux?^" qui font amis de l'humanitc. ,, , 71 . Mi- CHAN] QUE. Cette annee, M. l'abbe Boffiit, profelTcur roy.il dc marhematiq'ic aux Annu i~ ecoles du genie a Mezieres , & correfpondant de Kacademie , lui prthcnta nn ouvrage intitule : Train' (Umentaire de Mechanique & de Dyr.umi- ' que , applique' principalement aux mouvemens des :aackines. La mechanique eft non-feulement une des plus utiles parties des mathe- matiques , mais on peut dire encore quelle en eft une des plus belies & des plus etendues-, on la partage ordinairement en trois branches princi- pals •, la ftatique, qui conlidere les corps en cquilibre, la mechanique pro- prement dite , qui les conlidere en mouvement , & enfin la dynamique, ou fuivant la force du mot (Au«>us notentia) la fciencc des nuiflances, qui a pour objet le mouvement des corps, en taut qu'il eft produic ou al- tere par leur action mutuelle. La ftatique a ete fuftifamment traitee, & on trouve affez communement de bons elemens de cette partie de la mechanique; mais il n'en eft pas de meme de la mechanique proprement dite & de la dynamique. Les traites qu'on a donties pour des elemens de ces fciences, ne contiennent prelque rien qui puilfe mettre les commencans en etat de les etudier par eux- memes ; & les autres livres ou ils pourroient puifer des principes , font trop au-deffus de leur portee, pour qu'ils puiflent les entendre & en profiter. M. l'abbe Bofiuta regarde comme tin devoir de fon miniftere, de com- ofer un traite purement elementaire de ces deux fciences , qui put fervir l'inftructicn des jeunes eleves confies i fes foins , qui doivent , dans le cours des fonctions auxquelles ils font deftines , en faire un ufage continuel. Cet ouvrage eft partage en deux livres : dans le premier, 1'auteur exa- mine les proprieties du mouvement en general ; & le fecond a pour objet la determination des mouvemens qui reiuhent de Taction des corps les cms fur les autres. II eft impoffible de fe former une idee jufte du mouvement, (ans con- noitre auparavant ce que e'eft que temps, efpaces, viteffes, &c. toutes idees metaphy'llques, & par confequent tres-dciicates & tres-difrici!es a expofer. M. l'abbe BotTut s'eft attache a en donner des idees nettes & precifes, en ne prenant que ce qui pouvoit avoir rapport a fon objet, & rejettant, avec foin , toutes les diftinctions qui n'auroient fervi qua y jetter de l'embarras & de l'obfcurite. Le mouvement pent etre ablolu ou relatif, il pent etre uniforme ou vaiie-, e'eft-a-dire , accelere ou retarde , & cette variation el!e-meme peut etre faite uniformement, e'eft-i-dire, par des accroiifemens ou des di:ni- nutians cgales, ou fans uniformite, e'eft-i-dire, oar des arcroiUemens ou des diminutions inegales. M. l'abbe BoiTut donne les loix in mouvement dans tous ces differens etats, contcnues dans un petit nombre de tommies, & fait voir enfuite une applicatioM fufnfaminent ek-ndue de tes princi - I 4oS A B R E C E DES MEMOIRES —— ^mmm — ■ » pes , au mouvement des corps graves , & a celui des corps qui fe meu- "" vent fur des plans inclines-, e'eft par oil il terraine la premiere partie MECHAN.QUE.de fonoUVMge. Annie 1763. ^a feconde eft, comme nous l'avons dit, deftinee a enfeigner comment on doit determiner lei mouveniens qui relultent de l'adbion des corps les 11ns fur les autres. On voir affez, fans que nous le difions, combien cet objet eft etendu , & qu'il niene fouvent a des applications qui feroient beaucoup au-deffus d'un traite elementaire, & de la portee des commencans. Heu- mifement il en eft aufli de plus fimples, & qui n'exigent pas , comme les premieres, de profondes connoiffances de geometrie. Ce font celles-la que M. l'abbe Boffut a choifies pour faire voir a fes ledteurs comment on peut appliquer les principes qu'il a pofes aux cas les plus ordinaires dans les ma- chines ufiteesj mais quoique M. l'abbe Boffut fe foit, pour ainfi dire, re- duit pour fe mettre a la portee des commences , fes principes font ce- pendant fi generaux & fi feconds, que ceux qui auroient les plus profondes connoilfances de geometrie , pourroient encore trouver a profitcr dans fon •uvrage. Le principe duquel il fait le plus d'ufage , eft que dans un fyf- teme de corps qui agiffent les uns fur les autres , la quantiti de mouve- ment perdue par une partie quelconque du Jyjlerne , eft toujours partagte entre les autres parties du fyjleme & les obfiacles qui lui font Grangers. De ce principe , il tire les loix du choc des corps elaftiques & non elal- tiques, foit que ce choc foit direct, foit qu'il foit oblique, foit qu'il n'y ait que deux corps, foit qu'il y en ait un plus grand nombre, & celles du mouvement des corps qui feroient frappes fuivant line direction qui ne paf- feroit point par leur centre de gravite. De-la il paffe aux machines en mouvement. Ici fe prefenteune nouveUc dimculte-, il n'eft plus queftion des feuls principes mathematiques. Le frot- tement & la roideur des cordages viennent a tout moment deranger le re- fultat des calculs les mieux faits. M. l'abbe Boffut examine ces deux objets, & du cote de la theorie & de celui de l'experience •, il en rapporte plu- iieurs faites avec le plus grand foin , pour en determiner la valeur : les re- fultats ont paru s'acrorder affez bien avec celles de M. Amontons. Partant du frottement & de la roideur des cordes ainfi determines , il en fait 1'ap- filication aux machines fimples, comme le levier, le plan incline, les pou- ies , le tour , le coin & la vis , & fait voir ce que ces deux objets oc- cafionnent de difference entre le calcul mathematique , dans lequel on ne ks avoit pas admis, & l'experience : connoiffance lans laquelle on tombe- roit dans des crreurs monftrueufes fur l'cffet qu'on doit attendre des machines. Cette partis de 1'ouvrage eft fuivie de la folution d'un grand nombre de problcmes qui concernent le mouvement des machines. On juge bien que pour pen qu'on vcuille examiner fcrupuleufement toutes les parties dune machine en mouvement, cet examen conduira neceffairement a des calculs bien au-deffus de b portee de ceux auxquels ces elemens font def- ines. Pour eviter cet inconvenient, M. l'abbe Boffut a eu recours au meme expedient qu'il avoit deja employe : il a choili les applications de fon prin- cipe DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 409 cipe les moins compliquiies , ce qui fuflit pour mettre fon lcctcur fur Ii ■ voie, & lui infpircr, pour ainli dire, l'ciprit d'application des principes,w . ne perdant cepeudant prefque jamais de vue les objets utiles & d'une ap- KHAN1(!Uc' plication direcce. Annie. 176$- L'ouvrage de M. 1'abbe Boffut eft principalement dcftine , comme nous l'avons dit , aux coinmcncans , auxquels il ne fuppofe guere d'autre cnpa- cite en algcbre, que de reloudre les equations du fecond degre. Si cepcn- dant quclqu'un de fes lecteurs avoit, en ce genre, des connoiffances plus etendues , il trouvcra dans la derniere fection , les folutions de plulieurs problemes relatifs aux centres d'ofcillation , an mouvement de rotation libre des corps , loit qu'ils foient foumis a l'adlion de la pefanteur , foit qu'ils 11 'en foient pas arterites. De tous les traites de mechanique, celui-ci eft prefque le feul qui ait eu pour objet les machines en mouvement : cette maniere de les conlide- rer, fuftiroit feule pour rendre utile le livre de M. l'abbe Boffut, li la ma- niere dont tout le refte a etc traite, n'etoit pas, par elle-meme, digne dc l'attention du public. SUR LA DESCRIPTION des Arts et Metiers. J—iES arts qui ontete publies pendant le cours de l'annee 17^5 , font all ma. nombre de cinq. Le premier , eft YArt de la Teinture en Joie , par M. Macquer. Nous avons rendu compte en 1750, (a) de celui de la teinture en laine , que M. Hellot a decrit dans un ouvrage qui parut alors. On verra dans celui-ci la difference que la nature des matieres a teindre apporte dans les proce- des, & on y admirera fur-tout l'art avec lequel on a fu fubftituer aux in- grediens des teintures en laine , d'autres ingrediens qui fe cachoient opi- niatrement dans les mixtes qui les contenoient , & qui n'en ont pu etrc tires que par des procedes fondes fur une theorie fine & delicate. On y ap- prendra la difference des couleurs folides , nommees yraies ou de bon teint , d'avec celles qui ne reilftent pas ; & il y aura peu de perfonnes qui lifent cette delcription , fans fe favoir bon gre de l'avoir lue. Le fecond, eft YArt d'adoucir le fer fondu , ouvrage pofthume de feu M. de Reaumur. Le celebre academicien avoit donne en 1712. , dans un traite fepare, la defcription de cet art, & l'academie en avoit rendu compte dans l'hiftoire de la meme annee. lb) Nous ne repeterons done point ici ce qui fut dit alors pour en expofer les principes ; nous nous contenterons de dire qu'on trouva dans les papiers de M. de Reaumur un nouveau ras- ( a ) Voyez Hifi. t 750 , Col!. Acad. Part. Fran?. Tome X. (J) Voycz Hift. 1722, Coll. Acad. Part. Franj. Tome V. Tome XIII. Panic Franfoije. Fff 4io A B R E G fi DES ME MOIRES — — — — nufcrit plus ample de beaucoup que le premier , dans lequel M. de Reau- , . , mur propofoit divers changemens & donnoit plufieurs procedes abfolument £CH niq •n0uveaux, qui pouvoient faciliter confiderablement les operations de cet Annie ijG-1. art & en etendre l'ufage-, en forte que M. du Hamel, qui a bien voulu fe charger de le mettre en etat d'etre publie, n'a pas hefite de lui donner le nom de nouvel art d'adoucir le fer fondu ; nom qu'il foutient dignement par les pratiques nouvelles & curieufes qu'il contient. Le troifieme eft I' Art du chamoifeur } par M. de la Lande. Cet art, qui fournit les peaux les plus donees & les plus propres a nos habillemens , n'emploie pas feulement les peaux de l'animal , nomine en latin rupica- pra , & en francois chamois , mais encore , & meme plus ordinairement celles de bouc ou de mouton. M. de la Lande detaille dans fa defcription tons les procedes neceffaires pour y parvenir, les divers inftrumens & les moulins qu'on y emploie , & enleigne a eviter les inconveniens qui pour- roient empecher la perfection de ce travail. On fera etonne en voyant toutes les reffources qu'il a fallu tirer des differentes preparations qu'on donne aux peaux, pour les rendre propres aux ufages auxquels on emploie la peau de chamois. Le quatrieme eft I'Artdu Tuillier -briquetier ..parM". Fourcroy & Gal- lon, ingenieurs du roi, & ce dernier correfpondant de l'academie. Cet art, prefqu'aufli ancien que le monde, & li neceiTaire a la conftrudtion des edi- fices, & fur-tout a celles de plufieurs de leurs parties qui doivent etre ex- pofees a 1'adtion du feu, avoit toujours ete abandonne a line routine aveu- gle : auffi fe plaignoit-on fouvent de la mauvaife qualite des tuiles & des briques. Les experiences rapportees dans cet ouvrage, ont mis a portee de reconnoitre les fources de ces defauts & d'y remedier : fouvent meme les reflexions qui y font jointes peuvent epargner aux briquetiers & aux tuilliers de grandes pertes. C'eft un grand pas vers la perfection d'un art , que de pouvoir operer mieux & a moins de frais. Le cinquieme & dernier art qui ait paru en 1763 , eft celui du Tonne- Ikr, par M. Fougeroux. Cet art, dont l'habitude nous empeche de con- noitre tout le merite, eft la folution de ce fingulier probleme de mecha- nique : conjlruire avec des pieces de bois detachtes , unies par la feule juxta-pofition & par une prejjion > d la viriti ajj'e\ forte , un vaijfeau ca- pable non-J'eulement de contenir des fluides , mais encore de rififter A la violente explojion d'une liqueur qui fermente , c'eft cependant ce que font tous les jours les tonneliers , & meme par des operations alfez (implesi M. Fougeroux decrir avec exactitude tous les procedes & tous les inftru- mens de cet art, & met fon lecteur a portee de juger fainement de la bonte & de la perfection des ouvrages de cette efpece. DE LACADEM1E ROYALE DES SCIENCES. +u Mf:CH AN1QUE. MACHINES ou INVENTIONS Annlus avantageufe, Ieur forme plus limple, leur execution moins dirEcile, & eur efFet plus aiTure que dans les repetitions ordinaires. I I. Une machine a battre le bled , prefentee par M. Loriot. Elle eft: compo- fee de fept fleatix, qu'un fettl homme fait mouvoir par le moyen d'une ma- Mivelle coudee en fept endroits, & qui, par la dilpolition de la machine, recoivent un mouvement affez femblable a celui que les batteurs en grange communiquent a leurs fleaux. Quoiqu'on puifle apprehender que le mou- vement uniforme de la machine n'ait de la peine a communiquer aux fieaux une certaine acceleration de mouvement que le batteur communique au lien , felon l'occafion , il eft: aife de voir combien cette machine, qu'on peut promener fur des roulettes pour conduire les fleaux oil on a befoin de les faire agir,peut epargner dc frais de main-d'oeuvre & accelerer lc travail. Ff f i] MicHANIQUE 412 ABREGE DES ME MOIRES I I I. Annie 1163. "Un brife-glace du meme auteur, deftinea rompre Iesglaces qui fe trou- vent arretifes dans les rivieres. Cet inftrument eft line efpece de raouton , arme d'une tete de fer en pointe de diamant; il eft etabli fur un plancher mobile, pofe a la pointe anterieure d'un bateau, autour de laquelle il peut decrire un arc de cercle aflez grand au-devant de cette pointe; le mouton y eft eleve par une corde qui va fe rendre fur une large poulie horizon- tale , menee par un levier auquel les hommes font appliques •, cette poulie n'eft pas arretee ferme fur fon axe, elle peut y gliler verticalement, & elle y eft en eftet contrainte par une rampe circulaire fur laquelle elle porte, & qui l'eleve affez apres un demi-tour , pour qu'une cheville attachee a la poulie, & qui la faifoit participer au mouvement du levier s'en degage v alors la poulie tourne en fens contraire par le poids du mouton qui re- tombe, & cela jufqu'a ce que la cheville. redefcendue rencontre de nou- veau le levier pour s'y engager; par ce moyen le mouvement des hommes eft toujours continu & exempt de tout accident. Le bateau a deux cabef- tans, a chacun defquels eft attach^ un cordage qui va fe fixer a un pieu fur chaque bord de la riviere ; & on voit bien qu'en virant fur l'un ou fur l'autre de ces cabeftans, on pourra faire varier h. volonte la portion du ba- teau, & caffer la glace dans toute fa largeur. On a trouve que cette conf- truction fimple & ingenieufe par elle- meme avoit un jeu tres-facile, & quelle y joignoit l'avantage (i defirable en pareil cas, de remplir fon objet fans aucun rifque pour les ouvriers qu'on y emploie. I V. Un mouton a battre Jes pilotis, du meme M. Loriot. II emploie, pour le jeu de ce mouton , la meme mechanique dont a il fait ufage pour le brife-glace dont nous venons de parler ; la feule difference qui s'y trouve , c'eft que comme dans l'enfoncement des pieux on eft oblige d'alonger la corde qui foutient le mouton , afin qu'il puiffe fuivre le pieu qui def- cend toujours, M. Loriot place les rampes circulaires fur un plateau qu'on peut faire tourner & qui s'affujettit au moyen d'un cliquet, par ce moyen on peut, en reculant le plateau qui porte les rampes, diminuer a volonte la partie de la corde qui enveloppe la poulie , & par ce moyen l'alonger. Deux montres prefentees par M. le Roi, horloger du t'oi. La premiere eft Une montre a fecondes dans laquelle le cadran des fecondes eft fur la pla- tine du coq, & fe voh par une ouverture pratiquee au fond de la boite, & gamie d'un cryftal : l'aiguille des fecondes eft menee par une roue de renvoi , qui rcgoit fon mouvement d'une autre roue fixee fur le pivot dc DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4i5 la rone de chan-, par ce moyeii, M. le Roi dvitc tons les inconveniens des SSSSSSSSS autres m.inieres He fiire marqner les fecondes fur le cadran, foit par le cen- Ar . tre, foit excentriquement , & limplifie beaucoup la piece. La leconde eit r" AM'0UE> une montre a repetition, dans laquelle M. le Roy a fupprime, if. la piece Annie l'/G% qu'on nomme piece des quarts ; 2°. les deux petitcs pieces mobiles nom- inees e'ehappemens; 30. les deux refforts qui les font mouvoir 4.°. le petit marteau employe pour f.iire fonner les doubles coups des quarts; 50. fori reilbrt ; 6°. enfin la piece appellee le doigt, qui remontant par une che- ville la piece des quarts , lui fait lever les deux marteaux : la montre n'en fonne pas moins les doubles quarts, & le tout s'execute par le moyen de quelques petites dents placees fur ce rochet entre les grandes qui feroient ibnner un feul coup aux quarts, & une feulc piece tient la levee du marteau affez eloignee pour ne pas rencontrer les dents lorfqu'il n'y a point de quarts h fonner , & la laifle libre tant que 1'enfoncement du limacon des quarts Je permet. On fent affez combien la iuppreffion de tant de pieces doit etre avantageufe, foit par la diminution des accidens, qui comme on fait, fuit affez ordinairement celle des pieces , & que par la place quelle procure on pent donner plus de force & d'etendue a celles qui reftent ; elle prouve- roit, s'il en etoit encore befoin, le gout & le talent de l'auteur pour la per- fection de ion art. V L Un moyen employe par le fieur Songy , maitre coutelier a Paris , pour pouvoir, en mane temps qu'il travaille afes meules ou polijfoires , faire mouvoir les roues qui Les font tourner. Cette manoeuvre s'execute en em- ploy-ant une pedale, qui, par le moyen d'un levier, brife en deux parties, communique par un tirant a la manivelle de la roue : la roue eft chargee de poids de plomb , de maniere que lorfque fon centre de gravite eft le plus bas , le rayon par lequel le tirant agit eft a-peu pres horizontale : quoi- qu'une pareille roue ne puiffe prendre un audi grand degre de viteife que ii elle etoit menee a force de bras immediatement par un homme appli- que a fa manivelle, elle en prendra toujours un fuffilant pour les ufages de la coutellerie •, & cette invention a paru d'autant meilleure , que non-feu- lement elle epargne an coutelier des journees dliommes , mais encore qu e- tant maitre de donner a fa roue la viteffe qui lui convient, il n'eft pas ex- pofe au danger & aux funeftes accidens qui refultent de l'exploliou des meules, caufes par le trop de viteife donnee a la roue, & deiquels on a que trop d'exemples (a). (a) Voye* Hift. 1762, ci-deffus, + f+ ABREGE DES MEMOIRES i V T T. Annie 1763- Des Iampes economiques ou chandeliers a huile, prefentes par Ie fieur Chenie : elles different de celles qui furent prefentees en 1755 (a) par fen M. l'abbe de Preigney, i9. en ce qu'au-lieu d'une double enveloppe d'e- mail, dont la tranlparence Iui donnoit l'apparence d'une bougie, & entrc laquelle & la lampe proprement dite, couloit l'huile fuperrlue pour ren- trer dans le refervoir , il n'y a dans celles du lieur Chenie qu'une feule en- veloppe de fer-blanc peint en blanc, & un tuyau interieur pour reprendre l'huile fuperrlue-, i°. en ce que la pompe, qui dans celles de M. l'abbe de Preigney eft toute d'etain , fe mene entierement a la main , & fe peiu tirer du chandelier, eft dans celles-ci beaucoup plus grofle , ce qui em- peche qu'on ne la puiffe fortir du chandelier Tans en deffouder le fond, & que le pifton qui eft de liege eft toujours tenu leve par un reflbrt a boudin qui ne lui permet de s'abaifler que lorfqu'on appuie fur la bobeche pour le faire baifier; elles different de celles prefentees depuis, en 1760, par le fieur MefTier , en ce que la pompe de ces dernieres eft un foufflet ou courcaillet de cuir, au-lieu que celles du lieur Chenie ont des pompes de fer-blanc & des piftons de liege. Ces Iampes ont paru d'un bon ufage, & fujettes a tres-peu d'inconveniens. VIII. D'autrbs chandeliers a huile, prefentes par le fieur Perier : ils ne dif- ferent des precedens , qu'en ce que la pompe de ceux-ci peut fortir du chandelier fans deffouder le pied, ce qui engage feulement a faire le chan- delier un peu plus gros, mais donne auffi une grande facilite pour nettoyer la pompe ou pour la reparer : on peut d'ailleurs dormer au flambeau une forme qui, en confervant au chandelier aflez de grofleur pour le paffage de la pompe, le rendre agreable & commode •, & ce changement du fieur Perier aux chandeliers a huile , deja connus , a paru avantageux. I X. Un cryble a cylindre, propre a nettoyer les grains, prefente par le fieur Poix. La partie de ce crible, ou roule le grain , eft longue d'environ fept a huit pieds, & conique", de facon qu'une de fes bafes ayant un pied de diametre , l'autre n'a que fept pouces : fon axe, qui eft de bois, eft mene par une manivelle , & peut etre plus ou moins incline , l'line des deux planches, qui lui fert de (upport, etant percee de plulieurs trous, qui peu- vent recevoir l'une des extremites de l'axe & la porter plus ou moins haut, le corps de cette efpece de cone eft forme de zones de fil-d'archal , da- (O Voyez Hift. 1755 , Colled. Acad. Part. Fran?. Tome XI. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 415 bord affez ferres pour ne laiffer paffage qua la pouffiere , aux grains re- ; traits ou brifes , & aux charancons. Au-deflbus dc cette partie , les zones ., de fil de fer s'ecartent davant.ige, & le bon grain fort par cet endroit; Mkchani<2UE. enfin au-deflbus, & tout an bas du crible, ces zones dc fil-de-fer font An ■■',■ fff~: encore plus ecartees , & donnent paflage aux pierres & gros gravicrs qui excedent la grofleur du grain pour empecher le bon grain de fe mcler de nouveau a touces les matieres qu'on en a feparees ; il y a fous la premiere partie du cryble qui laifle paffcr la pouffiere, les petits grains & les cha- rancons , une planche inclinee qui conduit ces matieres dans une des par- tics de la boite qui eft dcflbus le crible ; & au-deflbus de la partie qui laifle pafler le bon grain, une autre planche inclinee en fens contraire, qui le renvoie du cote oppofe aux criblurcs : quant aux pierres, elles font recues dans un fac qui eft au-deflbus de la partie la plus bafle du cylindre. II a paru , par les experiences qu'on a faites de ce crible , qu'il nettoyoit trcs- bien le grain & que l'ufage en etoit trcs-facile : on pourroit mcrae y ajou- ter, dans le befoin, quelques zones de tole piquee en forme de rape, pour nettoyer le bled mouchete, s'il s'en trouvoit dans celui qu'on veut cribler. Ce cryble a etc execute par rauteur, a faint Martin-des-Champs, & les re- ligieux n'en emploient pas d'autre. X. De nouvelles portes d'eclufe , inventees par M. Zacharie , auteur & en- trepreneur du canal de Givors. Ces portes ne font point bufquees comme les portes d'eclufe ordinaires; elles n'ont qu'un venteau qui occtipe toute la largeur de la baie : au-lieu dc s'ouvrir horizontalement, au moyen de gonds fcelles dans les bajoyers, les gonds de la nouvelle porte font fcelles' an fond de la baie : pour l'ouvrir , on l'abaiffe au fond du canal , & les bateaux paflent par-d?ffus. La porte d'amont a une efpece de batis, dont l'ouverture eftfermce par un guichet qu'on pent ouvrir fiparement au moyen de deux leviers qui y font attaches; & quand l'eau s'eft ecoulee par cette ou- verture , la totalite de la porte s'abat au fond de l'eau & les bateaux paf- fent par-deflus. Les avantages de ces nouvelles portes font, i°. qu'elles fe- ront plus faciles a conftruire •, :". que l'eau s'ecoulant par des ouvertures trois fois plus grandes que dans les portes d'eclufe ordinaires , le lervice en fera plus prompt; 30. enfin que cette eau n'etant point lancee comme dans les eclules ordinaires , mais s'ecoulant par les cotes de la porte quand on commence a l'ouvrir, 011 ne fera pas oblige d'en eloigner tant les bateaux, & que les fas pourront avoir feulement quatre-vingt-cinq pieds de long au-lieu de cent qu'on leur donne; ce qui non-feulement fera une epargne confiderable fur la maconnerie , mais encore diminuera conliderablement la quantite d'eau qu'on emploie a chaque eclufec. 4itf ABREGE DES MEMOIRES X I. Mechaniqu e. Annce 1763. De nouvelles fontaines on cannelles a tirer Ie vin , prefentees par le fieur Preaux , maitre potier d'etain de Paris , etabli a Saint-Denis. On fait com- bien le cuivre a de facilite a fe diffoudre dans les acides, & combien toute liqueur qui eft impregnee de ce metal eft dangereufe : le fieur Preaux a invente une efpece de metal, compofe en partie d'etain, qu'il rend tres- dur & tres-folide , qui ne contient aucune portion de cuivre , & qui fe diflbut tres-difticilement dans l'acide du vin , & meme dans celui du vi- naigre. C'eft de ce metal que font compofees fes cannelles, dont la forme eft la meme que celles des cannelles ordinaires. On a regarde comme un grand avantage de fupprimer le cuivre dans une piece oil neceflairement il doit faire contracter au vin une qualite plus oumoins nuifible a la fante, mais toujours tres-dangereufe. X I L Un inftrument, invente & prefente par M. de Cotteneuvei auquel il donne le nom de Polygraphe ou Copijle habile , parce qu'en effet un co- pifte peut , par foil moyen , faire d'une feule main & en meme temps trois copies abfolument femblables. Les trois plumes font attachees dans la po- fition convenable , a une efpece de finge ou pantographe tres-leger, qui ne leur permet que des mouvemens abfolument femblables & fimultanes : par ce moyen , le copifte dirigeant une de ces plumes , au moyen d'un petit manche d'ivoire attache a la machine & qu'il tient entre fes mains, il eft fur que les deux autres plumes tracent chacune , fur le papier qui leur eft oppofe, des traits abfolument femblables a ceux que decrit la premiere. Lorfqu'une ligne eft finie, le porte-plume peut reculer de droite a gauche pour en commencer une autre •, mais comme fa conftrudion ne peut lui permettre de defcendre a chaque ligne, c'eft au contraire le papier qui re- monte , au moyen de deux regies qui en pincent les extremites fuperieure & inferieure, & qu'on fait mouvoir foils la table par des cordes , des pou- lies & une manivelle , le papier y paffant par des fentes faites a la table. Cette machine, qui auroit eu encore bien plus de prix avant l'impreffion, a paru tres-ingenieufe , & les experiences, qui en out ete faites en pre- fence des commiflaires de l'academie, ont leve tous les doutes qu'on auroit pu former fur la ' poffibilite de fon ufage & fur l'utilite dont elle peut etre. XIII. Une voiture; prefentee par M. Brethon , dont la fufpenfion eft telle , qu'elle garde toujours une iituation horizontale , malgre les inegalites du terrain : la caiffe y eft fufpendue par deux branches de fer, qui partant des deux coins inferieurs du devant & des deux coins inferieurs du derriere, ie reuniffcnt chacune en un boulon qui porte fur les extremites des deux reiforts , DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 417 refforts, donfl'un eft place au milieu du devant du train, & I'aurre au mi- — ■— 1 lieu de Ton arriere, tous deux verticalement & dans la raerac forme que „ ces refforts qu'on nomme a la Dak/me. La voittire ainli fufpendne, tin peu M'CHAN,QUE- plus haut que fon centre de gravite , doit garder , comme on le voit, la Annie 1761. htuation horizontale , malgre 1'incliuaifon du train ; mais comme la facilitd quelle a de tourner fur les boulons, pouvoit la faire pencher quand on y entre, M. Brethon a pari cet inconvenient, en placant fous la caiffe deux petites barres de fer, qui, lorfque la portiere eft fermee, ll' trouvent ab- iblument cachies , mais qui fortent lorlqa'on l'ouvre & portent fur les bran- cards. Quuique cette fulpenfion de yoicure ait beaucoup de rapport avee celle qui fut propolse en 171 6 par M. Godefroy , & qui eft gravee dans fe recueil des machines approuvees par l'acadimie , & de laquelle M. Bre- thon ne paroit pas avoir eu connoiffance , cependant la maniere dont il a conftruit & execute la lienne, a paru iugenieufe & beaucoup plus Ample que celle de M. Godefroy. X I V. Une trappe pour fermer commodement une ouverture pratiquee dans la couverture d'un obfervatoire pour obferver au Zenith, inventee & exe- cutce par M. Bouin , correfpondant de l'academie. L'obfervatoire de cet aftronome a pour comble une terraffe recouverte de plomb : il y avoit pratique une ouverture fermee par une trappe recouverte de plomb & qu'on Ievoit de deffus la terraffe-, mais comme il etoit trop incommode d'y mon- ter li fouvent ,il a imagine de border l'ouverture d'un cadre de bois fer- mement attache a la terraffe , & d'y faire gliffer fa trappe dans des rainu- res garnies de rouleaux, pour en faciliter le mouvement. Par ce moyen fi fimple , il peut , au moyen d'une corde attachee aux deux bouts de fa trappe , l'ouvrir & la fermer commodement fans monter fur la terraffe , & le plomb qui recouvre la trappe & qui la deborde de tous cotes , met la rain ure & la jointure abfolument a l'abri de la pluie & des injures de l'air. La limplicite de cette machine & la couimodite dont elle peut etrc , ont engage l'academie a la publier. Tome XIII. P^rtie Franfoije. C g g 4i$ A B R E G £ DES MEMOIRES Hilt. Mechaniquh. Annce iy64. SUR LA- DESCRIPTION. ves Arts et Metiers. L^es arts dont l'academie a publie cette annee la defcription font: L'art de rqffiner le fucre , par M. da Hamel. II commence cet ouvrage par la defcription de la plante , communement appellee canne a fucre ; il en decrit la culture , la recolte & la maniere d'en extraire le fuc , duquel on tire par evaporation cette fubftance qui contient le fucre : il paffe en- fuite aux operations neceffaires pour le depouiller des matieres etrangeres avec lefquelles il eft mele , & le faire paroitre foils la forme de fel con- cret. Une partie de ces operations s'execute fur le lieu meme ou^ croit le fuc, mais ce n'eft qu'en France qu'on lui donne le dernier degre de pu- rete : toutes les manoeuvres deftinees a le lui procurer font decrites dans le plus grand detail dans l'ouvrage de M. du Hamel, & la plupart de ceux qui le liront demeureront d'accord qu'ils n'avoient pas la moindre id^e des- operations neceffaires pour nous procurer cette matiere, autrefois pla- cee au rang des remedes, & devenue l'objet d'un commerce immenfe depuis qn'on l'a mife au nombre des alimens. L'art du tanneur , par M. de la Lande. On y verra avec etonnement toutes les preparations neceffaires pour donner aux peaux qu'on foumet a cette operation toutes les qualites neceffaires pour les rendre propres aux ufages auxquels elles font deftinees -, les differentes matieres qu'on pent y employer , les differens eftets qu'elles produifent , tant pour la perfection du travail que pour l'economie, & enfin les fraudes qui peuvent s'intro- duire dans l'exercice de cet art, les abus qui en refultent, & la maniere de les reconnoitre & de s'en preferver. Le troifieme & le dernier art qui ait ete publie en 1764, eft celui de convertir la rofette ou cuivre rouge en cuivre jaune , par M. Gallon , colo- nel d'infmterie, chevalier de l'ordre de Saint-Louis, ingenieur en chef au Havre- de-Grace, & correfpondant de l'academie, auquel eft joint celui de Yaffinage du cuivre Si du potin , tel qu'il fe pratique a Villedieu-les-Poeles en Normandie , par M. du Hamel. On fait que la nature ne produit que du cuivre rouge , & qu'on ne le reduit a l'etat de cuivre jaune ou laiton que par l'addition d'une pierre metallique & fuiible , qu'on nomme cala- mine : on trouvera dans l'ouvrage de M. Gallon tous les procedes necef- faires pour tirer cette pierre de fa mine, la broyer, la fondre avec le cui- vre rouge & en preparer les plaques, chauderons, fils de laiton & tous les autres ouvrages de cette efpece; & dans celui de M. du Hamel, qui y eft joint, les operations neceffaires pour degager le cuivre des parties etrangeres qui le rendoient aigre & caffant, & le reduifoient a l'etat de potin. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 41, MACHINES ou INVENTIONS APPROUVLES PAR L'ACADEMIE En M, D C C. L X I V. Mechaniqve. Annie ijGj. u, ne nouvelle conftrudion de montres, prefentee par M. Biefta, mai- fr,- tre-horloger a Paris, dans Iaquelle tout ce qui appartient a 1 echappement pent s'cnlever fans demonter le rede de la montre. La potence , la con- tre-potence, le coq, la couliffe , la rofette, le balancier, le piton & le refl'ort fpiral y etant portes par une plaque d'acier qui s'attache par trois vis a la platine du nom (a), percee en cet endroit, pour donner parage aux parties de l'echappement qui doivent entrer dans la cage ; cette conf- trudion qui peut etre appliquee a toutes les montres deja faites, a parvt d'autant plus avantageufe que la plus grande partie des derangemens qui arrivent aux montres , font occailonnes par l'alteration de l'echappement & quelle peut fur- tout etre trcs-utile dans les montres a fonnerie ou a repe- tition, qu'on ne fera plus oblige de demonter en cntier pour le moindre accident arrive a l'echappement ; il pourra aifcment etre repare par les plus mediocres ouvriers , qui rifqueroient , en les demontant en entier, de gater des pieces delicates dont la conftrudion & le jeu ne leur font fouver.t que trop inconnus. I I. Une montre de nouvelle conftrudion , prefentee par M. Nioux , hor- loger, dans laquelle les fecondes font marquees diftindement d'une en une, fans aucun recul ni balancement dans leur aiguille ; la montre de M. Nioux n'a cette propriete que parce que le mouvement n'eft pas com- munique immediatement a raiguille des lecondes par les roues de la mon- tre, mais qu'au contraire elle eft menee par un rochet qui recoit (on mou- vement d'un autre rochet fixe lur la tige d'une roue qui fait fon tour en une minute, & cela par l'entremife d'un levier qui lert de communication aux deux rochets; e'eft par cette ingenicufe mechanique que M. Nioux trouve moyen de faire marquer a fa montre les fecondes fans aucun recul & fans balancement dans I'aiguille. (a) La platine lii mm eft ccllc qui eft oppofec »u CBdran & fur Lnquelle on grave orJi- nairement le nom de l'Auteur. 'gg y 4i« MicHANIQU!. Annie ij(>4- ABREGf DES MEMOIRES I I I. Une montre, prefentee par M. Cotipfon, horloger : cette montre n'a ni barillet ni fufee, & le mouvement lui eft communique par uu reffort droit qu'on met en aftion en l'en/oncant avec un pouffoir attache au bou- ton & femblable a celui de la repetition : ce reffort, en fe defendant, fait tourner le pignon d'une grande roue qui engrene dans le pignon d'une feconde , & celle-ci dans le pignon de la petite roue moyenne. Quoique cette conftru&ion n'ait paru avoir aucun avantage fur la conftrudion ordinaire, on la cru affez ingenieufe pour meriter d'etre publiee : il peut fe trouver des circonftances dans lefquelles ellc feroit avantageufement appliquee. Sur la maniere de mefurer le rapport des mefures d grains & celles des liquides ayec le boijfeau ou la pinte de Paris. -— «-^^— - 1 1 eft inutile d'enoncer ici combien il feroit avantageux qu'il n'y eut dans tout le royaume, & meme, s'il fe pouvoit, par tout le monde, qu'un jinnee 2705. feu| poi(j5 & une feuie meji,re-, fe confeil, occupe de cet important objet, Hift. a cru devoir commencer par s'affurer du rapport de toutes les mefures , tant a grains qua liquides, avec le boiffeau & la pinte de Paris-, & en confluence M. le controleur-general chargea feu M. Hellot & M. Tillet de travailler a cette evaluation. - Pour faciliter ce travail, ils imaginerent quelques machines qui rendent cette operation egalement limple & facile, & defquelles M. Tillet a donne la defcription ; effayons de prefenter une idee tant de celles qui fervent a comparer les mefures a grains, que de celles qui fervent a comparer les mefures a liquides. Qu'on imagine un cylindre de fer-blanc de 10 pouces de diametre & de 17 a 28 pouces de hauteur, ouvert par les deux bouts : qu'on fe figure enfuite une efpece de gueridon duquel le deffus foit circulaire , de meme diametre que le cylindre de fer-blanc & garni tout autour d'une bande de peau de daim : il eft aife de voir que (i on fait entrer le deffus de ce gueridon dans le cylindre de fer-blanc on aura un vaiffeau a fond mobile & capable d'avoir fucceffivement toutes fortes de capacites •, on voit de plus qu'en mefurant exadement la marche du cylindre fur le plateau , on pourra dreffer une table des pouces & parties de pouces cubiques qiu" repondent a chaque abaiffement du cylindre, depnis fa hauteur totale de 18 pouces jufqu'a l'enfoncement total qui amenera le bord du cylindre au niveau du plateau , & fera dil'paroitre toute fa capacite. Pour mefurer les enfoncemens du cylindre & pour le forcer a defcen- dre toujours droit , il porte deux anneaux quarres de chaque cote , qui paffent dans deux barres de fer tixees fur le pied du gueridon, 5: dont DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4n Tunc eft charges d'une graduation en ponces qui fe peut fubdivifer en — —^"^— ■» lignes au moyen d'un curfeur divife en lignes, af.ichi a I'un des anneaux M , fuperieurs du cylindre & cjui s'eleve avec Iui , l'autre anneau portc une echaniqus. vis, au moyen de laquelle on peut arreter le cylindre a quelle hauteur on Annit i~€\ veut ' '"' Pour empecher la perte du grain qui pourroit tomber da cylindre, il eft environne d'une gouttiere mife en pente, qui a vers le bas un bcc mi goulot ferme d'une petite vanne, qu'on ouvre pour faire fortir le grain qui y eft contenu. Par les experiences de M. Tillet, la tranche de ce eylindrc d'une ligne depaiffeur, contient un pen plus de 6 polices cubes-, celle d'un pouce d'epaifleur, un peu plus de 78 polices cubes; & celle d'un pied, un peu plus de 9.4.2 polices cubes : il iera done toujours aife, en enfoncant le cylindre plus ou moins, pour le faire quadrer avec line mefure donnee, de iavoir combien cette mefure contient de polices cubes, & par confe- quent fa proportion avec le boiffeau de Paris, qui en contient 661 4 : on ne peut guere imaginer de moyen plus prompt ni plus facile pour parve- nir a cette connoitTance. L'inftrument qui fert a comparer les mefures des liquides avec la pinte de Paris, eft aulli limple & conftruit fur les memes principes; il fe peut tabriquer de deux manieres. On tonne un tuyau cylindriqtie d'etain , ferme par fon extremite infe- rieure, dont le diametre interieur eft de 2 pouces 9 lignes & line portion de ligne prefqu'imperceptible -, ce tuyau eft fixe fur un pied qui le main- tient dans une lituation verticale-, fon extremite fuperieure eft couverte d'une platine de cuivre qui y eft fixee avec des vis & qui porte une regie de cuivre cjui y eft fixee verticalement, cette regie eft divifee en polices, lignes & quarts de ligne, & a cote de cette regie eft une petite planche qui peut porter fucceflivement dkKrentes bandes de carton partagees en trois colonnes, dont la premiere indique les differentes mefures, la fe- conde le poids des liquides, & la troilieme la continence de ces mefures en polices cubiques. La platine eft percee pres de la regie pour donner pafTage a un fil d'ar- gent, fixe dans un morceau de liege place dans le cylindre, & ce fil da r- gent a la meme longueur que le cylindre, e'eft- a-dire 13 pouces ou en- viron -, cette meme platine eft encore percee d'un trou gros com me le petit doigt, pour recevoir la queue d'un entonnoir, avec lequel on pent remplir le cylindre d'eau , & il y a au bas du cylindre un robiuet dcitii>e •a fuller ecouler l'eau quand on le juge a propos. Pour faire ulage de cet inftrument on y verfe d'abord afiez d'eau pour que I'extremite du fil d'argentqui s'eleve avec le liege qui flotte, atteigne I'extremite mffrieiire de la divifion de la regie de cuivre-, cette eau n'en- tre point en compte, elle n'eft faite que pour eviterles erreurs que pour- roient caufer les inegalites du fond & la plus ou moins grande imbibi- tion du liege -, alors on y introduit des qiuntites d'eau bien detcrminecs & pefees avec Coin, tenant mdu;c compte des gouttes qui rcftent attaches 4iz A B R E C £ DES MEMOIRES *— —— — — ^au vafe, & on examinera avec foin les divifions auxquelles chaque quan- ■». . tite d'eau fera monter la pointe du fil d'argent , & on verra que ? onces MeCHANIQUE. „ . ,, ff „ . c, § ' v iii. 7 gros & 9 grains deau tout monter le hi d argent a i polices^ de ligne, Annie lj6$. qui equivalent a 5 polices 11 lignes \\\ cubes, & par confequent auhui- tieme de pinte ou poiffon ; que 1 5 onces 4 gros | qui font elever le hi d'argent a 4 polices i de ligne , forment la chopine rale & fourniffent 2 5 poli- ces 11 lignes fff- cubes; & qu'enfin ji onces 1 gros d'eau, font elever le fil de 8 pouces \ ligne, equivalant a tres-peu-pres a 48 polices cubes & fonnent la pinte de Paris. II eft aife de fentir combien cet inftrument, que M. Tillet nomme hydrometre , doit apporter de precision dans la com- paraifon des difrerentes mefures; l'experience a meme fait voir a M. Tillet que lorfque le ■fil d'argent etoit line fois fixe a im point de la regie, on l'y retrouvoit encore huit 011 dix heures apres •, preuve evidente qu'on n'a rien a craindre de ce cote. Comrae on a connu par 1'afcenfion du fil d'argent la quantite d'eau qu'on introduifoit dans le cylindre, en ouvrant le robinet qui eft au bas de la machine, on connoitra par la defcenlion du fil la diminution de l'eau qu'on peut aufli pefer a chaque operation •, nouvelle verification dc l'exadtitude de cet inftrument. La feconde methode de le conftruire eft encore plus rimple, dans cette conftruction le cylindre eft ouvert par les deux bouts comme le cylindre de fer-blanc de la mefure a grains , un pifton y entre par fon extremite inferieure, & la tige de ce pifton, arretee verticalement fur un pied, porte des divisions en pouces , en lignes & en quarts de ligne. 11 eft evident qu'en enfoncant plus oil moins le cylindre d'etain fur ce pifton, on diminue la capacite de la partie fuperieure, & que cette dimi- nution eft marquee par les divifions de la tige du pifton ; on pent done connoitre exadtement avec cet inftrument, comme avec I'autre, la quan- tite de pouces cubiques que contient un certain nombre de divilions, le poids de l'eau neceilaire a remplir cette quantite, & enfin le rapport de cette quantite de fluide avec la pinte de Paris. II eft prefqu'inutile ici d'ajouter que le cylindre etant abaiffe jufqu'au bas de la diviiion, il refte encore environ deux lignes entre fon bord & le pifton, ces deux lignes ne fe comptent pas, & elles ne fervent, comme dans I'autre manicre , qu'a eviter les erreurs qui tiendroient de l'inegalite du pifton & de l'eau qui pourroit s'inlinuer entre lui & le cylindre. C'eft an moyen de ces inftrumens audi iimplesqti'ingenieux que M. Tillet parvient a pouvoir faire une comparailon exacle des difrerentes mefures avec le boiffeau & la pinte de Paris, l'utilite d'une pareille recherche eft la jufte mefure des eloges qui lui font dus. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 4ij SUR LA DESCRIPTION z>ES Arts et Mict lers- I irs arts qui ont ete publies pendant le corns de I'annee 1765 , font au nombre de trois. Le premier eft \'art du drapier , par M. da Ham?!. On y verra avcc plailir tout l'appareil de cet art deftine a nous procurer I'etoffe llngulicrc qu'on norame drap , & qui eft compofee de deux etoffes dc nature tres- differente; lavoir, d'une toile de lain; & d'une efpece d™ fcutte qui la recouvre, produit par le foulage & 1'appret des poils de laine qui fortent de certe toile. M. du Hamel prend cet art depuis le choix de la Iainj : i! indique toutes les preparations qu'on doit lui donner, tant pour la card.-r que pour la filer', les differentes efpeces de Line & l'ufage qu'on en dbrt faire-, ce qu'on doit attendre de leur melange, la manierc de les ourdir fur le metier & de les y travailler, de fouler le drap, de le tondre & d'y donner le luftre; en un mot, tout ce que les manufactures les plus renom- mees pratiquent pour porter cet art a la plus grande perfection. Le fecond eft I'art du chapelier , par M. l'abbe Nollet. Cet art fingnlier enfeigne a former des habillemens de tete impenetrables a l'air & a l'eau avec des poils 11011 files & non tiffus, auxquels on donne ^ deflein & par des procedes trcs-ingenicux un arrangement fortuit capable de les faire prendre les uns avec les autres , & de recevoir enfuite, par le moyen du foulage qu'on leur fait fubir , une adherence qui en fait une etoffe affez forte pour reiifter a toutes les injures de l'air : on y verra le choix des differentes matieres qui peuvent entrer dans la fabrication des cha- peaux ; les preparations qui leur font neceffaires •, & enfin la maniere de joindre les pieces qui en lout formees & de leur donner la forme conve- nable pour les rendre propres aux ulages auxquels on les emploie. Le troilienie & dernier art qui ait paru en 1765 eft celui dnrrzc'gijjier, par M. de la Lande. Cet art a pour objet la preparation des peaux blan- ches, tant de moutons que d'agneaux & de chevreaux, qui fervent a faire des tabliers d'ouvriers, des gants & des doublures de gants, des garnitures de foupapes & de fommiers dans les orgues, & a une infinite d'autres ufages auxquels on les emp}oie : on y verra la maniere d'enlever a la peau l'rut- midite animale quelle contient&qui en auroit bientot occalionne la pour- riture i celle d'y fubftituer des matieres capables de lui donner le degre de foupleffe necellaire-, le choix des eaux propres a accelcrer ce travail; & enfin tout le detail des operations neceffaires pour procurer les peaus blanches, fi utiles a une infinite d'arts & de travaux difjerens. Mtcu an 10 L c, Annie 176$. 4i4 ABREGfi D E S MEMOIRES Mechanique, Annce 176$' MACHINES ou INVENTIONS APPR.OUVEES PAR L'ACADEMIE En M. D C C. L X V. es canons de fufil, propofis par le fieur Dcfcourtieux. Ces canons Drgent en roulant en helice une lame de fer aiitonr d'un tuyau de meme matiere, foudant enfuite, les tours d'helice entr'eux & an tuyau, & enlevant enfuite , en forant le canon , tout le fer du tuyau qui lui a fcrvi de mandrin : cette methode de conftruire les canons a paru de beaucoup preferable a la methode ordinaire ; elle avoit meme depuis long-temps etc pratiquee en partie par quelques canonniers jaloux de leurs ouvrages; mais quelqu'avantage qu'on y ait reconnu , l'academie croit devoir avertir ceux qui voudroient fe fervir de canons de cette efpece de ne les employer qu'apres les avoir foumis aux epreuves ordinaires. Quelque bonne que puiffe etre la methode, la moindre negligence de la part de l'ouvrier, le rnoindre defaut dans la matiere peuvent rendre un canon defe&ueux & meme dangereux ; on ne peut s'affurer de fa bonte que par les epreuves. I I. Des refforts de fufpe-nfion pour les voitures, prefentes par le fieur Rcy- nal , machinifte. Ces refforts font du genre de ceux qu'on nomine ref- forts a boudins, & ceux du fieur Reynal font enfermes dans une boite cylindrique , ce qui leur donne la forme de ces pefons cylindriques h reffort (i fort en ufage •, la boite eft arretee au train de la voiture , & la caiffe eft attachee a une tringle de fer, qui, en tirant, preffe les fpi- res du reffort ■, au-lieu d'un feul reffort , le fieur Reynal en met deux; au moyen de quoi les refforts font plus courts & plus aifes a fabriquerj rriais il faut aufli que la partie de la tringle qui pefe fur les refforts foit double. Quoique cette invention ne foit pas abfolument nouvelle, puifque le fond en a ete propofe a l'academie en 1705 {a) par le fieur Thomas, cependant comme le fieur Reynal a corrige, dans fa conftruction , plufieurs inconveniens qui fe trouvoient dans celle du fieur Thomas , & que fes refforts ont tres-bien reuffi dans les experiences qui en ont etc faites, on acruqu'ils pouvoient a cet egard meriter qu'on en fit de nouvelles epreu- ves qui puffent en conftater la durce , & cela d'autant plus qu'ils couteroient beaucoup moins que les refforts ordinaires. («) Vovez i'Hift. de 1703. Colleift. Acad. Part. Fran?. Tome I. DEL'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. +is P ic * *■ *' MiCHANIQUe. Une maniere d'imprimcr la mufique, propofee par Ie hear Gando fils, Annie 1765. ar laquelle il ne fe doit trouver aucun blanc ni dans les lignes ni entrc es notes & les lignes. Pour y parvenir, le lieur Gando imprime fa mufi- que en deux fois & fur deux difterentes planches ou formes ; la premiere contient la note, les paufes, les lettres & les chiffres-, & la feconde con- tient les reglets qui doivent former les lignes : ces reglets ne font pas conipofes de pieces detachers dont les angles, en s'abattant, formeroient necelTairement des interruptions ou blancs dans les lignes ■, ils font formes d'une lame de cuivre continue, & par confequent il eft impoffible qu'il fe forme aucun blanc; niais audi cette methode exige la plus fcrapuleufe attention de la part de I'imprimeur ■, la plus petite negligence dans cette {>artie ; Ie plus petit derangement dans le tympan de la preffe , feroit que es notes ne repondroient plus a kur place : auffi le fieur Gando a-t-il propofe plufieurs moyens pour aflurer cette operation, & il a paru, par les epreuves qui en ont ets faites, qu'avec de 1'attention on pouvoit, par les moyens qu'il propofe, eviter cet inconvenient. Quoique l'art d'impri- mer la mufique femblable a celle qui eft gravee ne foit pas nouveau ; que Ie fieur Breitkopf, de Leipfick, en ait publie de cette elpece en 1755; qu'un an apres le lieur Foumier le jeune, en ait fait voir quelques eflais qu'il a depuis perfeifHonnes & defquels l'academie a rendu compte au pu- blic, (a) cependant comme la mufique du lieurGando a 1'avantage de n'a- voir point de blancs, on a cru qu'en prenant les precautions neceffaires, elle pouvoit reuffir, & que cette methode qui fourniroit aux amateurs, de la mufique auffi belle que la gravee a un prix beaucoup moindre, meri- toit d'etre tentee, & que les plus habiles artiftes employaffent toutes les reffources de leur genie pour la porter a fa perfection. IV. Un pcfon a reffbrt, prefente par le lieur Hanin, ferrurier. Le corps de ce pelbn eft un cercle de fer plat, au cote duquel eft fixe par fon milieu un demi-cercle d'acier trempe, allant en diminuant vers les extremites ; a I'une de ces extremites, font attaches un etrier & un anneau pour fuf- pendre le pefon & a l'autre le crochet qui doit porter la marchandife a pefer : ces memes extremites portent encore l'une une branche de fer qui vient au centre du cercle & qui porte no pignon, & l'autre une fembla- ble branche qui porte un rateau pour engrener dans ce pignon. II eft aife de voir que, par ce moyen , lorfqu'on chargera le crochet, les deux ex- tremites du demi-cercle d'acier tendront a s'ecarter d'autant plus que le (a) Voyez I'Hift. de 1762 ci-deffus. Tome XIII. Partie Francoife. Hhh +itf A B R E G E DES'MEMOIRES "±^rr- crochet (era plus ch.irge; ce qui ne pcut fe faire fans que le rateau ne faffe Mi'chaniqui tourner le pignon, qui, par ce niouvement, marquera, au moyen d'une aiguille attachee a fori axe, le poids de la marchandife fur les divifions Anne'e i '5. tracees fur le cercle immobile. Cette conftrudtion de pefon a paru com- mode & ingenieufe, & on a cru quelle pouvoit etre utile, pourvu quelle fut bien executee ; le feul inconvenient qu'on y pourroit craindre, feroit que le reflort ne fe relachat a la longue, ou que le froid & le chaud ex- ceffifs ne puffent augmenter ou diminuer fon action •, mais on en feroit bientot averti, foit en voyarrt fi le pefon marque fldellement la pefanteur d'un poids connu, foit parce que le pefon etant decharge, l'aiguille ne iiarqueroit plus o , comine elle le doit faire. V. tne nouvelle mnniere de faire le carmin , propofee par M. Viquefnel. Ce armin etant mele avec le fel d'ofeille & avec 1'alkali fixe , fa couleur na vs ete plus alteree par ces melanges que ne l'a ete celle du meilleur earn i de la fabrique ordinaire, qui fervoit de piece de comparaifon •, il n'a p u infirieur ni en beaute ni en bonte a aucun autre ; il femble meme avoir 'us d'eclat que les plus beaux que Ton connoifle : & pour dernier avanta , fon prix n'excedera pas celui de, ces derniers. V I. Une it. hine a arracher des arbres, prefentee par M. Jurine. Cette ma= chine" eft . ie efpece de eric , compofe de deux longues pieces de bois q'ui couleni Tune fur l'autre fans fe pouvoir feparer, & qui font menees par line cremaillere a dents de rochet, a laquelle un long levier imprime le mouvement-, la piece qui eft en haut porte a fon extremite fuperieure line griffe de fer qui entre dans l'arbre lorfque la machine s'appuie con- tre, & la piece qui eft en bas eft armee a fon extremite inferieure de deux pointes de fer qui l'empechent de glifl'er fur la terre. Quoique cette ma- chine ne foit pas abfolument nouvelle , cependant fa construction a paru ingenieufe & propre a produire les eff'ets auxquels l'auteur la deftine, pourvu cependant qu'on ne veuille pas les porter trop loin ; car il y a certaine- jnent des cas ou la machine exigeroit, pour produire fon effet , d'etre fi forte & C\ confiderable , que 1'embarras du tranfport & les equipages ne- ceffaires pour la mettre en jeu exeederoient ! avantage qu'on en pourroit tirer. DE LACADHMIE ROYALE DES SCIENCES. +: V I I. Mien • Plusieurs machines da genre de celle qui eft connne fous Ie nom de Anncc ? - Digefteur qu de Machine de Papin , prclentees par le lleur Tilhaye , pour appliquer aux ufages domeftiques le principe de cette inachine qui aug- mente prodigieufenient la chaleur & l'aftion de l'eau bouillante, en rete- nant les vapeurs qui s'en elevent. La premiere eft la machine racrae de Papin, extremement fimplifiee ; i a parti par l'experience qui en a etc faite, que cette machine chauffee ad point que les gouttes d'eau qu'on laiffoit tomber fur ie couvercle, s'eva poroient a l'inftant, avoit tiri d'un os de bccuf qui y avoit ete renferme avec cinq pintes d'eau, quatre pintes & plus d'un bouillon gras, de faveiu a la veritii defagreable, inconvenient qu'on pourroit peut-etre dviter; que 1'os s'ctoit trouve inegalement amolli, triable en quelques endroits, en ir.i mot quelle avoit exactement produit le meme eftet que le digefteur dc Papin. La feconde eft une cifferole de cuivre doublee d'etain, oii Ton peut cuire des viandes en peu de temps & avec peu de feu, en menageant l'avantage de conferver les parties qui s'en evaporent loifqu'on les cuit a feu ouvert; cette cafferole eft environnee d'un autre vailieau qu'on rem- plit d'eau, qui devient un bain-marie ordinaire li on laiffe une libre iiTue aux vapeurs de cette eau , & un veritable digefteur G on ferme cette iffue; le couvercle de la cafferole s'applique de meme exactement & eft contenu par une vis : il eft aife de voir qu'en empechant l'eau du bain-marie de sevaporer, on obtient une chaleur fumTante pour taire cuire toutes fortes de viandes, & qu'en retenant de meme les vapeurs qui s'exhalenr de la viahde , on les oblige a la penetrer & a en faciliter la cuiffon. La troifieme machine eft une cafetiere ou cucurbite d'etain , revetue de meme d'un bain-marie qui fe pent fermer, & garnie d'un couvercle qui fermc exactement; on voit aifement cue par le moyen de cet inftrumeru on peut faire bouillir differentes matieres fans crainte de les bruler , & leur donner, en fermant Ie bain-marie, tel degre de chaleur que Ton veut-, on peut meme fubftituer au couvercle_un chapiteau, & pour lors on aura un veritable alambic. Ces machines out paru une application ingenieufe du principe du digefteur , mais il faut etre tres-attentif" a ne les pas furchaiif- fer; on lait qua la force expanfiVe de l'eau, reduite en vapeurs, eft pro- digieule ; ck la moindre negligence fur ce point, pourroit caufer des ex- ploiions & des accidens terribles : on ne doit done les Conner qu'a des gens affez attentifs & affez intelligens pour prevenir ce malheur. L'acade- mie s'eft cru obligee de faire cette observation au public Hhh 4-zS ABEEGi DES MEMOIRES MlicHANIQUE. VIII. Annie tjb£. jjn nouveaQ clavecin organife, prefenti par M. Berger, organiile de Grenoble : ce clavecin ne differe prefque pas, a l'exterieur , d'un clavecin ordinaire, mais la perfonne qui joue , pent a fon gre augmenter ou dimi- mier le fon de l'inftrument en pouffant avec le genou droit la queue dun levier placee verticalement fous la table du clavier , ou en le laiilant re- tomber. Un autre levier, place horizontalement & expofe a Taction du meme genou, fait agir line fourdine, & ces deux leviers peuvent agir in- dependamment l'un de l'autre , en forte qu'on peut enfler & diminuer le fon du clavecin avec la fourdine ou lans la fourdine ; un petit jeu d'orgue a anche eft place fous le fond du clavecin, l'un des claviers communique a l'orgue & l'autre stil clavecin, & on pent les jouer enfemble ou fepare- nienti le fon de l'orgue, comme celui du clavecin, peut etre augmente ou diminue par Taction du genou gauche fur un autre levier, place a cote du premier •, TefTet de cet inftrument a paru agreable & bien remplir le but que l'auteur s'eft propofe. Quoique la propriete d'enfler & de dimi- nuer les fons du clavecin, ne loit pas ablolument nouvelle, & que Taca- demie ait mcme rendu compte en 175? (a) de quelques tentatives faites a ce fujet : cependant, comme la maniere d'operer ce changement dans le clavecin du lieur Berger eft trcs-dirlerente de celles qui ont ete prece- demment employees, & que celle dont il fe fert pour enfler & diminuer le fon de l'orgue eft neuve & ingenieufe, on a cru que le clavecin de M. Berger, quoique fufceptible d'etre encore perfectionne, mcritoic l'atr tention des connohTeurs & celle du public. ix. • Un habit a nager, propofe fous le nom de fchaphandre {b) ou homme- lateau , par M. l'abbe de la Chapelle : cet habit eft une efpece de cami- fo!e fans manche ou de foubrevc.fte, qui defcend jufqu'a la hauteur des hanches 8c fe boutonne par-devant, elle eft compofee de deux fortes toi- les ou coutils, entre lefquels font fixes des qtiarfes de liege, & le tout eft retenu par en bas avec une bande de toile double qui tient au bas dti dos de la camifole , & apres avoir pafle entre les jambes du nageur, vient s'attacher au-devant; a l'alde de cette camifole & de Fait avec lequel M. l'abbe de la Chapelle y a diftiibue fcs morceaux de liege , on peut Hotter dans l'eau debout & avoir la tete & les bras hors de l'eau •, dans l'experience qui en fat faite par M. l'abbe de la Chapelle, il caufoit avec ceux qui etoierit dans le bateau, il pouvoit porter a fa bouche des ali- (<0 Vovez J'Hift. tJe I'Acad. 1759. Ibid. Tome XII. (I) Sk«^j) nnvicula ailf vir. DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES. 429 mens & de l.i boiffon , tirer un piftolet & gefticuler avec une epee , un ■M-^— ■ — ■ baton, &c. prendre toutes les fituations poffibles & fe conduire a I'aide de « < fes mains & de fes jambes. L'idee de ces fortes d'lubits n'eft nullement chanique. nouvellc, l'academie a public avec eloge en 1757 (a), celui qui lui fat Ar.r.!s i~r'. alors prcientc parM. de Gclacy , colonel d'infanterie ctrangere-, ellen'igno- roit pas non plus les tentatives qui avoient etc faites par M. de Puyfegur pour nager , a I'aide d'une ceinture de liege attachee a une efpece dc pan- talon de toile, qui avoit la femelle chargee de plomb : ce moyen meme conviendroit tres-bien pour des foldats qui devroient nager les armes a la main, mais pour le cas de naufrage que M. l'abbe de la Chapelle a cu piincipalement en vue, il a paru que fon fchaphandre etoit preferable a toutes les inventions de cette efpece connues juiqu'ici, taut parce qu'il eft d'un ufage plus fur, que parce que dans un cas fubit & inopine, U eft d'un ulage plus prompt, & qu'ennn il ne caufe aucun embarras. Une plate- forme a divifer les inftrumens de mathematique, propofee par M. le due de Chaulnes ; cette plate- forme une fois faite & divifse avec les attentions qu'exige la methode dc M. le due de Chaulnes, & citant placee dans un lieu convenable , tons les inftrumens aftronomiques pour- ront y ctre divifes avec la plus grande precision & avec une telle facilite, que la main la moins exercee fera capable d'y reuffir, il arrivera de la que 1 inftiument divife; en moins de temps, coutera moins cher , qu'on fera plus liir de fa divifion que de celle de ceux-inemes qui auront ete faits par les meilleurs ouvriers dont mille caufes peuvent alterer l'aitention, & rendre 1'adreffe inutile-, & qu'enfin on ne fera plus dins le cas de depen- dre de la vie & de la fame d'un feul homme, qui peut etre enlevc par un grand nombre d'accidens. On a juge que cette plate-forme feroit de la plus grande utilite, & que M. le due de Chaulnes, qui la propofe, & qui fera par-la jouir la nation de toitte la perfection de fa methode, avoit droit a la reconnoiilance de l'academie & a celle de tons ceux qui culti- vent ou qui aiment l'aftronomie & les mathematiques. (a) Voyez l'llift. de 1757. Ibid. Fin da Tomt .reixjemc. t'./7.;l..lcaJ ■ Parti.- Fr , f.-m.XJIt. /'I I. Pla.I. .'/■/«../,•/.'/• /( ./;..'.'■,-,... /:,„ .:■:.■ />/. VUE DE LA SOLFATARE. Ehemtn ..'■-.' A .'"././/- /*&*!? %T CotUclst^J '.Avt Fr. Tame X///.J'/ .JI . ,>.y- , i aStd .I.jJ fart Jr Tarn* XIII. I'/ MI Plain. * mmmmmm /■),;. 2. ^71 /v,/. 3. JiaeadL^j • """"■'-"""■•""■"'"" """""""' - n - i i i«»i niiini in mi Fib. i 1 " I ' »»FT»