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COMPTES RENDUS DES SÉANCES

ET

MEMOIRES

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A LA SOCIETE DE BIOLOGIE

PENDANT L'ANNÉE 1863.

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farJE, [aiprimé par E. Thiinotel C, 26, nie Racine.

DES mu

ET

MÉMOIRES

I)E LA

SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. /^^''^

«^-

TOME CINQUIEME DE LA TROISIEME SERIE.

ANNÉE 1863.

PARIS

J. B. BAILLIÈRE et FILS,

i.ibk;\ises de i^' académie: iMPÉniAi^E dc médecike: ,

19, rue Ilautefeuille.

LONDRES, j NEW-YORK,

Hippolyte Baillière, 219, Regent-Street, 1 Baillière Brothers. 440, Broadway.

nadrid. C. Baill^'BailIière , plaza del Principe Alfonso, 6.

1864

Ô»7>

Er^nest Godard

Mort à Jaffa le 2i Seplemlare 1862,

NOTICE SUR ERNEST GODARD

PAR

M. BENJAMIN BALL,

SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.

La vie si courte et si bien remplie d'Ernest Godard a déjà été re- tracée par un de ses anciens maîtres, resté jusqu'à la tin l'un de ses plus lidèles amis. C'est au récit de M. Martin-Magron que sont em- pruntés les principaux éléments de cette notice. Toutefois, placé à un point de vue un peu différent du sien, je laisserai de côté ces souvenirs intimes, que les amis seuls sont autorisés à invoquer, pour insister plus spécialement sur les travaux biologiques de notre regretté collègue.

Godard est en 1827 à Cognac, son grand-père maternel, le docteur Marquet, exerçait depuis longtemps la médecine. La direction sérieuse imprimée à son esprit par les soins dévoués d'une mère intelligente, parait avoir développé de bonne heure chez lui le goût des études scientifiques, et lorsqu'il parvint à l'âge les apti- tudes se dessinent, il conçut le projet de leur consacrer sa vie tout entière. La position sociale de sa famille, en l'affranchissant des nécessités matérielles de l'existence, lui permit, dès le début de sa carrière, de s'abandonner à ses penchants naturels. Ce qui pour tant d'autres eût été un danger, fut un bonheur pour lui, car il a tou- jours fait de sa fortune le plus noble usage.

Arrivé à Paris à l'âge de 19 ans pour terminer ses humanités, il ne

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YI

tarda point à prendre sa première inscription à l'école de môdoL'ine, et après avoir acquis les connaissances anatomiques indispensables pour cultiver avec fruit les diverses branches des sciences médicales, il se livra pendant longtemps à la pratique des vivisections, dans laquelle il acquit bientôt une grande dextérité.

Nommé interne des hôpitaux au concours de 1853, il vit un champ immense de recherches s'ouvrir devant lui, et parmi les divers sujets qui se disputaient son attention, la pathologie des organes génitaux devint l'objet de ses prédilections spéciales. La première communi- cation qu'il ait faite à la Société de biologie se rattache aux condi- tions physiologiques de la menstruation; ce phénomène, d'après quelques observations qu'il a recueillies, ne coïnciderait pas toujours avec la rupture de la vésicule de Graaf. Un peu plus tard, il s'eftbr- (;ait de prouver que dans l'épididymite aiguë, la glande séminale enflammée cesse de sécréter des spermatozoaires. En poursuivant cette série de recherches, il fut conduit à l'étude de la monorchidie et de la cryptorchidie chez l'homme, à laquelle il a consacré l'un de ses travaux les plus importants. Je me contenterai d'en esquisser rapidement ici les traits principaux.

Les testicules, primitivement situés dans l'abdomen, sont destinés, chez l'homme et plusieurs autres mammifères, à descendre dans les bourses à une période plus avancée de leur développement. Lorsque, par des causes diverses, ces organes restent emprisonnés dans l'ab- domen, ou s'égarent en dehors de la poche destinée à les recevoir, il en résulte une disposition anomale qui a reçu le nom de crypior- chidie. On dit, au contraire, qu'il y a monorchidie^ toutes les fois qu'une seule de ces glandes est arrêtée dans son trajet. Dans l'un et l'autre cas, les testicules qui semblent manquer existent en réalité, soit dans l'abdomen, soit dans le canal inguinal ou crural, soit enfin dans le pli cruro-scrotal. Aussi ne faut-il point confondre cet état anormal avec l'absence congénitale du testicule, vice de conformation dont Godard a rassemblé plusieurs exemples dans sa thèse de doc lorat.

Les causes et les conséquences, soit physiologiques, soit patholo- giques, de ces diverses anomalies, ont été soigneusement étudiées par Godard. Ses recheiches l'ont conduit aux résultats suivants :

La monorchidie peut être héréditaire, ou coïncider avec un arrêt de développement de la moitié correspondante du corps; elle peut

aussi résulter d'une inllamraation de la glande, ou de la positioa vicieuse qu'elle occupe par rapport à l'anneau inguinal interne. Mais le testicule peut aussi se trouver arrêté dans sa migratiou par une disposition anatomiqne, dont la découverte appartient à Godard, c'est l'insertion accidentelle du faisceau moyeu du giibernaculum testis à la peau du pli cruro-scrotal. On sait qu'à l'état normal, ce faisceau musculaire vient s'insérer au fond du scrotum.

Le rôle attribué par Godard au crêmaster qu'il considère comme l'agent principal de la descente du testicule dans les bourses, justifie amplement l'importance qu'il attache à l'étude de ses anomalies ; elles nous rendent compte, en effet, de certaines ectopies de la glande, et font prévoir les positions diverses que le testicule peut occuper par rapport aux parties voisines.

11 était généralement admis, avant les recherches de Godard, que la transformation fibreuse ou la dégénération graisseuse étaient les conséquences obligées de ces anomalies, sauf les cas l'organe demeurait à l'état fœtal. Nous savons aujourd'hui qu'il n'en est pas toujours ainsi, et que le testicule peut demeurer sain, bien qu'il soit presque toujours moins volumineux que son congénère ; mais il ne secrète plus d'animalcules spermatiques ; il en résulte que lorsqu'il est possible d'attirer dans le scrotum un testicule non dégénéré, on parvient quelquefois à lui rendre l'intégrité de ses fonctions. Ce fait, dont un exemple est rapporté par Verdier, est non moins curieux au point de vue scientifique qu'intéressant au point de vue pratique.

La cryptorchidie, qui constitue l'état normal chez le plus grand nombre des animaux, sans gêner en rien leurs facultés génératrices, a pour effet, chez l'homme, de supprimer complètement l'aptitude à la reproduction. En effet, les individus dont les deux testicules, quoique restés sains, sont incomplètement descendus, offrent un certain degré de ressemblance avec les eunuques par leur confor- mation extérieure; ils sont de taille moyenne, blonds, glabres, peu vigoureux; ils ont la voix d'un timbre élevé, et paraissent plus jeunes que leur âge; cependant ils sont aptes au coït; mais leur sperme, privé d'animalcules, est impropre à la fécondation.

L'influence de la monorchidie et de la cryptorchidie sur la produc- tion des maladies des testicules, et les caractères particuliers que présentent alors les lésions dont ils peuvent être affectés, ont égale-

vin ment fixé l'attention de Godard, qui a rassemblé à cet égard un grand nombre de faits intéressants.

Ce mémoire, auquel l'Académie des sciences a décerné une récom- pense en 1857, a été complété, en quelque sorte, par la dissertation inaugurale de l'auteur, intitulée Étude sur l'absence congénitale du testicule. Après avoir décrit succcessivement l'anorcbidie unilaté- rale et l'anorcbidie double, et démontré par des observations posi- tives l'existence de ces anomalies, Godard en fait connaître les con- séquences : il décrit l'influence qu'elles exercent sur l'habitude ex- térieure, les forces physiques et morales et la voix de ceux qui en sont atteints. 11 établit avec soin le diagnostic entre l'anorcbidie et la cryptorchidie, et termine son travail par un parallèle intéressant entre les mœurs des eunuques et celles des hommes privés de testi- cules par un vice congénital. Cette thèse, qui couronnait dignement les excellentes études de notre collègue, a été signalée par la Faculté de médecine au ministre de l'instruction publique.

Deux ans plus tard, un beau travail sur la Tératologie de l'appa- reil séminal vint résumer et compléter les recherches entreprises par Godard sur les organes génitaux. Dans cet ouvrage, il expose l'état de nos connaissances sur l'absence congénitale des deux testi- cules, ou de l'un d'eux seulement, sur celle des canaux déférents, des vésicules séminales et des conduits éjaculateurs. Il démontre l'influence de ces vices de conformation sur les fonctions génératri- ces, sur les maladies des organes sexuels et les changements qu'ils entraînent dans les mœurs, le caractère et l'apparence physique de l'individu.

Les travaux nombreux qui viennent d'être cités témoignent assez de la persévérance avec laquelle notre collègue s'attachait à l'étude des questions qui avaient eu le privilège de l'intéresser; mais ce se- rait une erreur de croire que, renfermé dans un coin de la science, il avait concentré tous ses efforts sur un seul point. Les Mémoires de la Société de biologie contiennent un travail intéressant de Godard sur la structure des tumeurs érectiles, qu'il croit n'être le plus souvent composées que de capillaires dilatés. 11 avait également inséré dans nos Comptes rendus plusieurs observations relatives à l'imperfora- tion du rectum. Enfin, sous \q iWrQ diQ Reclierclies sur la substitua lion graisseuse du rein, il apubUé un travail approfondi sur l'histoire de cette altération rare et fort peu connue.

MternfrleAnRIEN nRI^AHAme^ l»laee de rEcole-de-SSédecliH»-, 9Sj

A ^AKIS.

LEÇONS TflÉORïOLlES ET (immu

SUR LES

AFFECTIONS GÉNÉRIQUES

DE LA PEAU

PROFESSÉES

Par le bocTEUR Bktit^

Médecin de l'hôpit»! Saint- Louis, cheralier de la Légion d'iiouneur, eta, RÉDIGÉES ET PUBLIÉES

Pab les Docteurs E. BAUSOT et X.. GUÉflARl»

Anciens internes de l'hôpital Saint»Lonis.

REVUES ET APPROUVÉES PAR LE PROFESSEUR.

2 vol. in-8». Prix : 11 flr.

Le Traité des a Récitons génériques lapêàu le sépâfe complètement, par sa forme et par son but, des autres pu- blications de M. Bazin. C'est un ouvrage tout à fait à part, et véritablement sans précédent dans la littérature derma- tologique.

Son titre indique suffisamïnent le point de iii% auquel s'est placé sOn auteur. Rejetant stir (iri second plan les questions de cause et de nature, il a pris pour point de dé- part l'affection cutanée telle que l'enseigne k tradition de "Willan. La chose reste la même, sa signification seule a changé : entité morbide de la peau pour Willan et ses dis- ciples, c'est-à-dire espèce morbide toujours identique et indécomposable, affection générique pour M, Bazia, c'est-

Et-diie phénomène relatif et conlhigent,, syiiiplôine commun k des états pathologiques très-divers.

Expliquons par un exemple la pensée de l'auteur.

Soit l'eczéma. Ce mot rappelle à l'esprit cet ensemble ûien connu de phénomènes qui constituent l'eczéma comme affection sut generis entre toutes les autres affections de la peau. Voilà le genre, l'affection générique. Mais l'eczéma peut traduire à la peau des causes morbifiques nombreuses, et l'on sait combien ces causes sont puissantes pour en modifier l'aspect et l'allure, par le cachet de spécificité qu'elles lui impriment : de autant d'affections différen- tes, et qui toutes réclament une place bien distincte dans le cadre nosologique. Ce sont les espèces du genre.

L'affection générique n'est pas autre chose, absolument pariant, qu'une sorte de résultante ou d'affection-type for- mé© des caractères communs à toutes les espèces qui ser- vent à la constituer: abstraction pure, je le veux bien, mais abstraction qui se dégage entre une telle évidence que les auteurs l'ont prise pour la réalité.

Quelques mots maintenant sur le plan de l'ouvrage, son esprit, ses divisions. Je les emprunte à un article publié tout récemment dans l'Union médicale par M. le docteur de Piétra Santa.

« Chaque affection cutanée générique est l'objet de quatre chapitres.

» Le premier est consacré à l'histoire du genre, du symptôme-affection considéré au point de vue de sa forme élémentaire, de son siège, de son évolution, de son dia- gnostic, de son pronostic et de son traitement. C'est la par- tie descriptive proprement dite, le fait d'observation pure, le fond commun et à peu près invariable sur lequel vont se détacher toutes les doctrines.

» L'affection générique une fois connue et décrite,

comme indîvirlualité distincte, il s'agissait de lui assigner sa place dans le cadre nosologlque, et de déterminer le nombre des espèces et variétés qu'elle pouvait comprendre.

1) C'est à ce moment (deuxième et troisième cliapitres) que l'éminent professeur fait comparaître à la barre tous les dermatologistes les plus distingués. Il nous montre, d'une part, l'école anatomique de Willan, représentée par Bateman, Biett, llayer, Cazenave , Gibert, Devergie , d'autre part^ l'école de Lorry et d'Alibert, avec ses disci- ples Baumes, Gintrac et Hardy.

» 11 va sans dire que M. Bazin se pose en arbitre entre les deux écoles rivales ; et après les avoir opposées l'une à l'autre, après avoir montré leurs divergences, indiqué leurs erreurs, constaté les vices de leurs classifications, il expose dans le quatrième chapitre ses propres idées, initie le lec- teur à ses doctrines, précise la place que doivent occuper dans sa classification et le genre et l'espèce. »

Or, tout ceci se répète à propos de chaque affection cutanée.

Tel est, en deux mots, le Traité des affections généri- ques delà peau ^ ouvrage éminemment classique et pratique, puisqu'il représente, dans son acception la plus large, l'état actuel de la science.

L'élève y trouve un guide assuré pour se diriger dans l'étude si difficile des affections de la peau, et le praticien des indications toujours simples et faciles à saisir pour répondre aux besoins de sa thérapeutique.

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR :

Rcvuci photographique «les htVpilaux «Be Paris, journal publié sous le patronage de l'administration de l'assistance publique ; un numéro par mois de 16 pages et 3 photographies. Prix du numéro, 2 fr., et de l'abonnement pour la France, 20 fr. ; étranger, 25 fr.

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QUI SE TROUVENT CHEZ LE MÊME ÉDITEUR,

Leçons sur la scrofule, considérée en elle-même et dans ses rapports avec la syphilis, la dartre et l'arthritis. 1 vol. in-8; 2^ édition, revue et considérablement augmentée. Paris, 1861 7 fr. 50

liCçons théoriques et clinifiues sur les affections cutanées para- sitaires, professées à l'iiôpital Saint-Louis par le docteur Bazin, rédigées et publiées par A. PouQUET, interne des hôpitaux^ revues et approuvées parle professeur. 2^ éd., revue et augmentée. 1 vol. in-8 orné de 5 pi. sur acier. 1862 , 5 fr.

KiCçous théoriques et cliniques sur la syphêSis et les sypbilides,

professées à l'hôpital Saint-Louis par le docteur Bazin. 2^ édit. , publiée par le docteur Dubuc, ancien interne de l'hôpital Saint-Louis, revue et approuvée par le professeur. Paris, 1866. 1 vol. in-8, accompagné de

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lieçons théoriques et cliniques sur les aSCections cutanées arti>i ficicIBes et sUr la lèpre, les diathèses, le purpura, les fliffor- uiités de la peau, etc., professées à l'hôpital Saint-Louis par le docteur BaziN, recueillies et publiées par le docteur Guérard, ancien interne de l'hôpilai Saint-Louis, revues et approuvées parle professeur. Paris, 1862. 1 vol . in-8 6 fr.

Esassaen critique de la divcrgensc des opinions actuelles en pathologie cutanée, professées à l'hôpital Saint-Louis par le docteur Bazin, rédigées et publiées parie docteur Langronne, revues par le pro- fesseur. 1 vol. in-8. Paris, 1866 3 fr. 50

I.eçons sur le traiteanenî des maladies de la peau pur les eaux

MïîEérales. 1 vol. in-8. Paris, 1870

Paris. Imprimerie de E, Maktinet, rue Mignon, 2.

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IX

Mais la création de la Société d'anthropologie, dont il a été l'un des membres fondateurs, vint offrir à son activité intellectuelle un ali- ment nouveau. Sans abandonner le sujet de ses premières études, il comprit la possibilité d'en agrandir le cadre. Un voyage en Espagne lui avait valu l'amitié des savants les plus considérés de ce pays et le diplôme de membre de l'Académie de médecine de Madrid: l'année suivante, un séjour de quelques mois eu Algérie lui permit de re- cueillir de curieuses observations sur les habitudes du pays, et lui inspira probablement l'idée de cette excursion scientifique en Orient, qui devait malheureusement lui coûter la vie.

On ne doit point s'étonner de la fascination que ce projet paraît avoir exercée sur lui. De tout temps, ce désir insatiable de tout exa- miner, de tout apprendre, de tout savoir, qu'on peut considérer comme la base d'une vocation réelle pour les sciences, avait été l'un des caractères prédominants de l'organisation de Godard : tous ceux qui l'ont connu pouvaient témoigner de l'avidité avec laquelle il re- cherchait les moindres renseignements susceptibles d'éclairer les questions dont il aimait à s'occuper. 11 est donc aisé de comprendre les motifs de la détermination qu'il a prise. Étudier sur place les maladies de ces climats lointains; rechercher les conditions au sein desquelles on les voit se développer ; observer de près les hommes et les mœurs, et pénétrer ainsi dans un monde entièrement nouveau, combien d'attraits une telle perspective ne devait-elle point offrir à un esprit comme le sien ! Sans se dissimuler les difficultés et les dan- gers de son entreprise, sans écouter les conseils affectueux de ses amis, Godard s'éloigna de Paris après avoir reçu une mission scien- tifique du ministre d'État, et le 3 février 1861, il quittait la France, qu'il ne devait plus revoir.

Je ne chercherai point à retracer ici les péripéties d'un voyage qui devait se terminer d'une manière aussi funeste ; elles ont été déjà plus d'une fois racontées, et je ne pourrais rien ajouter aux récits qui en ont été publiés. Qu'il me suffise de rappeler qu'à travers des fatigues inouïes, accablé par une chaleur tropicale, couvert d'ulcères, trahi par les serviteurs quïl avait payés pour le suivre, et forcé de les dominer le pistotetàlamain, Godard réussit à recueillir des notes curieuses sur les mœurs des populations à demi barbares qu'il trouva sur son chemin, et que, réunissant le triple caractère d'archéologue, d'anatomiste et de médecin, il trouva le moyen de rassembler une

X

Lelle collection d'antiquités, de recueillir de nombreuses observa- tions et même de disséquer des cadavres, sans se laisser intimider par les préjugés du pays, et sans redouter lès miasmes infectieux qui se développent avec tant d'énergie sous un ciel brûlant.

Mais le terme de ses travaux et de sa vie s'approchait à grands pas. Efitraîné par le désir de compléter ses recherches sur la lèpre d'O- rient, il passe d'Egypte en Palestine : il s'installe au milieu des lé- preux, et là, dans un air infect, il étudie, il dessine, il décrit leurs lésions. Enfin, vaincu par la souffrance, il se décide à partir; mais il était trop tard: sa santé, trop profondément ébranlée, ne devait plus se raffermir. Un abcès s'était formé dans le foie ; ses forces l'aban- donnaient de jour en jour, et lorsqu'il parvint enfin à Jaffa, oii il avait espéré s'embarquer pour retourner en France, il lui restait à peine quelques jours à vivre. Le 21 septembre, il expirait après avoir lui-même annoncé sa fin prochaine à sa famille dans une lettre rem- plie de sentiments affectueux.

Godard est mort en philosophe : les progrès rapides de sa maladie, qu'il pouvait apprécier mieux que personne, n'ont jamais altéré sa résignatioil ni ébranlé son courage. « Depuis longtemps, « écrivait-il, « j'ai fait le sacrifice de ma vie. » Occupé jusqu'au dernier moment de rassembler ses papiers et de compléter ses notes, il a du moins réussi à les faire parvenir en France. Les précieux manuscrits de Godard iie seront pas perdus polir la science : une main amie s'est consacrée à la tâche de les classer, de les coordonner et de les pu- blier, et nous pourrons bientôt apprécier les résultats d'un voyage qui a coûté si cher.

Lès excellentes qualités de Godard lui avaient concilié l'estime et l'amitié de tous ceux qui l'avaient approché. Esprit droit, cœur sen- sible, il n'a jamais laissé échapper une occasion de faire le bien. Rempli de bienveillance pour ses collègues, incapable d'aucun senti- ment de jalousie à leur égard, il n'aimait pas seulement le travail, mais aussi les travailleurs; il les aurait protégés sans doute un jour, si la mort lui en avait laissé le temps. Mais s'il ne lui a pas été donné d'accomplir lui-même ses intentions libérales, il a chargé ses parents et ses amis, ses maîtres et ses collègues de les remplir à sa place. t)ix-neuf jours avant sa mort, il traçait d'une main ferme ses der- nières volontés, et fidèle à la pensée qui avait dominé sa vie tout entière, il créait des bibliothèques dans les hôpitaux, instituait une

XI

récompense annuelle pour l'intenic placé le premier sur la liste de réception, et fondait des prix destinés à encourager l'étude des scien- ces qu'il avait cultivées lui-même.

On ne saurait assez admirer la fermeté d'un homme qui a trouvé la force de concevoir de telles pensées dans une situation terrible, aux approches de la mort, loin de cette famille qu'il aimait tant, loin de ses amis, loin de la France ! Et si quelque chose peut adoucir les regrets que nous laisse une aussi grande perte, c'est la certitude qu'il restera parmi nous un souvenir impérissable de notre bien-aimô col- lègue. La Société de biologie sera fière de contribuer, pour sa part, à l'exécution du programme qu'il avait tracé, et les travaux inspirés par ses libéralités testamentaires seront, de tous les hommages dépo- sés sur sa tombe, les plus dignes de son noble caractère.

PRINCIPAUX OUVRAGES DE E. GODARD.

Obicrvalions relatives à la mcnslriialion ; Comptes rendus de la So- ciété de biologie^ 1854, p. 107.

Tî^ois observations d'atrésie du rectum; Comptes rendus de la So- ciété de biologie, 1855, p. 07.

Note sur deux pièces anatomiqiies relatives à deux cas dHmperfora- tion du rectum ; Comptes rendus de la Société de biologie, 1856, p. 21.

yénatomic pathologique de l'épididymile blennorrhagiqnc aiguë; Comptes rendus de la Société de biologie, 1856, p. 57.

Recherches sur les monorchides et les cryptorchides chez V homme ; Mémoires de la Société de biologie , 1856, p. 315.

Bechcrches sur ta substitution graisseuse du rein; Mémoires de (a Société de biologie, 1858, p. 261.

Études sur Cabsencc congénitale du testicule; Thèse de doctorat, 1858.

Recherches tératologiques sur Cappareil séminal de Chomme. Paris, 1860.

EXTRAIT DU TESTAMENT DE E. GODARD. « Je lègue à la Société de Biologie de Paris, ou si elle n'est pas re-

XII

" connue par l'État, je lègue à son présidcQt une somme de cinq « mille francs, dont les revenus, tous les deux ans, formeront le ca- « pital d'un prix qui sera donné au meilleur mémoire sur un sujet « se rattachant à la biologie. Aucun sujet de prix ne sera proposé. « Dans le cas une année le prix n'aurait pas été donné, il serait « ajouté au prix qui serait donné deux années plus tard. »

LISTE

DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.

COMPOSITION DU BUREAU

EN 1863.

Président perpétael. . . M. Rayer.

, . ^ { M. Laboulbène.

( M. Martin-Magron.

M. Lancereaux.

. ,, . , M. Benj.Ball.

Secrétaires <

M. Milne-Edwards (Alpb.).

M. Ordoîïez.

Trésorier M. Gallois.

Archiviste M. Fournier (Eug.).

MEMBRES HONORAIRES.

MM. Andral.

Bernard (Charles).

Bernard (Claude).

Bouchut.

Bouillaud.

Bouley (Henri).

Bourguignonî

Broca.

Brown-Séquard.

Davaine.

Depaiil.

Dumas.

Flourens.

Follin.

Germain (de Saint-Pierre).

Giraldès.

MM. Hiffelsheim. Houel. Laboulbène. Le Bref. Littré.

Milne-Edwards. Montagne. Morel-Lavallée. Quatrefages (A. de). Rouget. Sappey. Serres. Valenciennes. Velpeau. Verdeil. Verneuil.

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XIV

MEMBRES TITULAIRES.

MM. Balbiani. Bail. Bastien. Béraud. Berthclot. Blot. Cliarcot. Chatin. Dareste. Dumontpallier. Fouruier (Eugène). Gallois. GouJjaux. Gublcr. Giiillemin. Hillairct. Jacqiiart (Henri). Lancereaux. Leblanc (C).

MM. Leconie. Le Gendre. Liégeois. Lorain (Paul). Luys. Magitot. Marey.

Martin-Magron. Micbon.

Milnc Edwards (Alphonse). Moreau (Armand^. Grdoncz. Rayer. RegnaulJ. Ro])in (Charles). Soubeiran (J. L.). Vidal (E.). Vulpian.

MEMBRES ASSOCIÉS.

MM. Agassiz. Baer (de). Bcnnctt (Hughes). Dufour (Léon). Giirlt (Ernsl-Friedrich). Lebert (H.). Liebig (Justus). Mohl (Hugo von).

MM. Owen (Richard). Pagct (James). Panizza (Bartolomco). Pouchet père. Scdillot. Valentin. Wagner (Rudolph).

XV

MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX.

MM. Beylard à Paris.

Blondlot à Nancy.

Chaussât . à Aubusson.

Coquerel (Charles) à l'ile Eourboû.

Courty à Montpellier.

Desgranges à Lyon.

Deslongchamps. . à Caen.

Dufour (Gustave) à Saint-Sever.

Dugès aîné à Paris.

Duplay à Paris.

Ebrard à Bourg.

Faivre (E.) à Lyon.

Gosselin à Paris.

Guérin (Jules) à Paris.

Ehrmann à Strasbourg.

Huette à Montargis.

Jobert (de Lamballe) à Paris.

Lecadre. au Havre.

Leudet (Emile) à Kouen.

Martins (Charles) à Montpellier.

Méricourt (de) à Brest.

MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS.

Grande-Bretagne.

MM. Berkeley (M. J.) à Kings-Cliff.

Bowman (W.) à Londres.

Carpenter (W. B.) à Londres.

Goodsir (John) à Edimbourg.

Grant (R. E.) à Londres.

Jacob (A.) à Dublin.

Jones (Bence) à Londres.

Jones (Wharlon) à Londres.

Maclise à Londres.

Marcel à Londres.

Nunneley à Leeds.

Quekett à Londres.

Redfern , à Aberdeen.

Sharpey à Londres.

XVI

Simon (John) à Londres.

Simpson à Edimbourg.

Thomson (Allen) à Glasgow.

Toynbee à Londres.

Waller à Londres.

Williamson à Londres.

Allemagne.

MM. Bischoff à Munich,

Brucke (Ernst) à Vienne.

Carus (V.) à Leipzig.

Dubois-Reymond à Berlin.

Henle à Gœttingue.

Hering à Stuttgardt.

Hirschfeld (Ludovic) à Varsovie.

Hofmeister à Leipzig.

Hyrtl à Vienne.

Kœlliker à Wurzbourg.

Ludwig à Vienne.

Mayer à Bonn.

Meckel (Albert) à Halle.

Rokitansky à Vienne.

Siebold (G. Th. de) à Munich.

Stannius à Rostock.

Stilling à Cassel.

Virchow à Berlin.

Weber (Wilhelm-Eduard). . . . à Leipzig. Weber(Emsl-Heinrich) à Leipzig.

Beigiqne.

MM. Gluge à Bruxelles.

Schwann à Liège.

Spring à Liège.

Thiernesse à Bruxelles.

Danemark.

M. Hannover à Copenhague.

ffuède. M, Santesson à Stockholm.

ADRIEN DELAHAYE, LI15RAIRE-ÉDITEUR

PLACE DE l'école DE MÉDECINE, A PARIS,

ANATOMÏE ET DISSECTION

CONTENANT

UN f'RÉClïS d'embryologie, LA STHUCTURE DES OHGANES

ET DES TISSUS

Par le d^ J.-A. FORT,

ANCIEN INTERNE DES HOPITAUX, PHOKESSEUR LIBRE D'ANATOMIE.

DEUXIÈME ÉDITION, CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE. 3 Volumes in-12, avec 662 figures intercalées dans le texte.

v'ix : 25 tVanrs.

La rapidité avec laquelle la première édition de cet ouvrage a été épuisée est la preuve la plus légitime qu'on puisse invo- quer en sa faveur. La deuxième t'dition que nous avons l'honneur d'offrir au public médical peut être considérée comme une œuvie nouvelle. Cet ouvrage n'a point son ana- logue : c'est une anatomie appliquée à la physiologie et à la pathologie plutôt qu'une anatomie pure.

Edifiée sur un plan original fort heureux, l'anatomie de M. Fort est la reproduction élaborée des cours qu'il professe depuis de nombreuses années, avec un succès non équivoque, dans les amphithéâtres de l'École pratique, ainsi que des dissections qu'il dirige dans le pavillon de l'École pratique destiné aux professeurs libres.

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Les points saillants de cet ouvrage qui se trouve entre les mains de la plupart des élèves en médecine , sont précisément ceux qui intéressent au plus haut degré le praticien autant que l'anatomiste.

Les MéfïecîHs Praticiesis y trouvent une description mé- thodique et concise de tous les organes et de tous les appareils. L'anatomie descriptive y occupe la plus large part, l'anatomie des régions et l'anatomie microscopique y trouvent leur place. On peut dire que les descriptions sont au courant de la science. Quelques régions , si utiles à connaître pour les praticiens opérant, sont présentées avec une méthode qui a valu à l'auteur de nombreuses félicitations. Pour ne prendre qu'un exemple, nous citerons le périnée. Au lieu de décrire séparément, en divers chapitres, les aponévroses, les muscles, les vaisseaux et les nerfs du périnée, à la manière des auteurs d'anatomie descriptive, M. Fort a réuni toutes ces parties , et il a décrit la région du périnée, couche par couche , faisant l'anatomie descriptive de chaque organe et intercalant de la sorte l'anatomie descriptive et l'anatomie topographique. Il résulte de cette méthode une grande simplicité d'exposition. Ces régions sont étudiées sans aucune difficulté.

La qualité dominante de cet ouvrage pour les médecins praticiens consiste dans les applications physiologiques et pathologiques dont l'auteur fait suivre les descriptions anato- miques. En quelques lignes, à îa suite des descriptions, l'auteur fait saisir la fonction de l'organe, de l'appareil.

C'est ainsi que la description des organes génitaux des deux sexes est suivie de la physiologie complète de ces or- ganes , y compris la fécondation et le développement de l'œuf.

Viennent ensuite les nombreuses déductions pathologiques qui ont contribué pour une large part au succès de l'ou- vrage.

La première partie de l'ouvrage, divisée en 15 chapitres, intéresse au même degré le praticien et l'anatomiste. Lessys-

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tèmes anatomiques y sont traités au point de vue de l'ana- tomie générale , de l'histologie; ils sont tous suivis de la physiologie de ces systèmes et de leurs applications patho- logiques.

Les Anatomistes puiseront d'utiles renseignements dans le deuxième volume que l'auteur désigne sous le nom de Ma- nuel de l'Amphithéâtre. On peut, avec cet ouvrage, devenir véritablement anatomiste.

Les travailleurs y trouveront d'excellents préceptes géné- raux sur la manière de disséquer.

Ils y trouveront tout ce qui est relatif à la conservation des cadavres et des pièces disséquées; les injections conserva- trices et notamment la formule d'une excellente préparation de glycérine phéni(]uée que M. Fort applique avec un pinceau sur les pièces disséquées pour les conserver.

Vient ensuite la préparation des pièces sèches pour les musées et les concours. L'auteur y étudie toutes les injections, ordinaires, fines, par corrosion et macération; la dissec- tion des pièces, le dégraissage des os, la dessiccation, le mon- tage , la peinture et le vernissage de la préparation.

Le Manuel de l'Amphithéâtre contient la description des systèmes musculaire, articulaire, vasculaire et nerveux. La description de chaque organe est précédée de détails très- circonstanciés concernant la dissection qui ne laisse rien à désirer. Nous ne craignons pas d'avancer que ce volume rem- placera avec avantage le Manuel de l'Anatomie de Lauth.

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR.

Traité élémentaire d'histologie. Paris, 1863. In 80 336 pages.

5 fr. 50

Anatomie et Physiologie du poumon , considéré comme organe de sécréliun. 1 vol. in-8o de lUB pages avec 40 figures intercalées dans le texte. Paris, 1867. ......... 2 fr. 50

Manuel de Pathologie et de Clinique Chirurgicales avec la collabora- tion de MM. les docteui's George,-^ Camuset, pour les maladies des yeux, et Emile Ménière, pour les maladies de l'oreille. 4 fort volume in-12 de 950 pages et 135 figures dans le texte, le volume cartonné en toile 13 fr.

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NOUVELLES PUBLICATIONS CHEZ LE MÊME ÉDITEUR.

Traité de Pathologie interne , par le docteur Jaccoud , professeur

agrégé à la Faculté de médecine de Paris, médecin des hôpitaux, etc., ouvrage giccompagné de figures et planches en chromolithographie, l'ouvrage sera complet en 2 fort volumes in-8°, prix de la 4i« partie du tome I^S un volume de 400 pages 6 fr.

Leçons de clinique médicale, faites à l'hôpital de la Charité par le docteur Jaccoud, 2e édition, 1 volume in-8o de 880 pages avec 29 fi- gures et 11 planches en chromolithographie, 1869, avec un joli car- tonnage en toile 16 Ir.

Traité élémentaire de Chirurgie , par le docteur Fano , professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, ouvrage accompagné d'un grand nombre de figures intercalées dans le texte, l'ouvrage sera complet en 2 forts volumes in-8o, prix du tome 1«r, vol. de 1000 pa- ges 13 fr.

Traité du diagnostic des maladies chirurgicales, par Em. Foucher, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris , chirurgien de l'hôpital SainVAiitoine, etc., avec appendice et traité des tumeurs, par A Després, professeur agrégea la Faculté de médecine de Paris, chirurgien des hôpitaux, etc.,'l volume in-8o de 1162 pages avec figures intercalées dans le texte , le volume avec joli cartonnage en toile 18 fr.

Leçons cliniques sur les maladies des vieillards et les maladies chroniques, par le docteur Charcot, professeur agrégea la Faculté de médecine de Paris , médecin de l'hospice de la Salpètrière ; re- cueillies et publiées par les docteurs Bail et Bouchard , revues par le professeur. Cet ouvrage se publie par fascicule, avec figures dans le texte et planches en chromolithographie; les 8 premières fascicules sont en vente, prix 9 fr.

Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants, par le

docteur Giraldès, professeur agiégéà la Faculté de médecine de Paris, chirurgienderiiôpital desenl'ants malades, etc., recueillies et publiées par MM. Bourneville et Bourgeois, revues par le professeur; ouvrage accompagné de nombreuses figures dans le texte. 1 fort volume in-S», cartonné en toile 14 fr.

Traité de l'immobilisation directe des fragments osseux dans les fractures, par le docteur Bérenger Féraud, médecin principal de la marine impériale, etc., 1 vol. in-8o de 768 pages avec 102 figures

dans le texte , 1 0 fr.

Leçons cliniques sur les maladies du cœur, professées à l'Hôtel- Dieu de Paris, par J. Bucquoy, agrégé de la Faculté de médecine de Paris, etc., grand in-8o avec figures dans le texte. 2 i"r. 50

POITIERS.— TYl'Of.KAPHlE DE HENRI OUDIN.

XVII

Bollande.

MM. Donders à Utrecht.

Hartig à Utrecht.

Van der Hœven à Leyde.

Vrolik à Amsterdam.

MM. Duby à Genève.

Miescher à Bâle.

Italie.

MM. Martini à Naples.

Vella à Turin.

Portugal.

M. De Mello à Lisbonne.

État8*IIiil0.

MM. Bigelow (Henry J.) à Boston.

Draper à New-York.

Leidy (Joseph) à Philadelphie.

Brésil.

M. Ahhott à Bahia.

s

DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE

PENDANT L'ANNÉE 1863

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

^ I'

LA SOGIËTË DE BIOLOGIE

pendant le mois de janvier i863; Par m. le Docteur BALL. secrétaire.

PRESIDEE» DE M. RAYEK.

l. - A.NATOMIE.

Recherches sur les fibres musculaires lisses de la peau; par M. le docteur Sappey.

Les fibres musculaires lisses font complètement défaut dans certaines parties de la peau, mais on les observe cependant sur presque toute l'étendue du système cutané, et sur plusieurs points elles se montrent en très-grand nombre.

Les parties de la peau dépourvues de fibres musculaires sont : la paume des mains, la plante des pieds, le derme sous-onguéal, la peau du pavillon de l'oreille, celle des paupières, du nez et des lèvres. Sur ces divers points on ne rencontre jamais aucune trace de faisceaux musculaires dans l'épaisseur du derme.

Sur tous les autres on peut facilement constater leur existence, et l'on c. R. 1

2 remarque qu'ils affectent une disposition très-différente, suivant qu'ils sont situés dans lès couches profondes ou dans les couches superfi- cielles au derme.

Ceux qui occupent les couches profondes se distinguent par leur multiplicité et leur volume; ils constituent l'élément principal de ces couches et offrent les directions les plus variées, en sorte qu'ils se croi- sent dans tous les sens. La plupart cependant marchent parallèlement au derme. Immédiatement au-dessus de ces faisceaux musculaires on voit les glandes sudorifères, et plus haut les glandes sébacées, avec les- quelles ils li'ont aucune connexion. Telle est la disposition qu'ils pré- sentent au niveau de l'auréole du sein; telle est celle qu'ils nous offrent dans le scrotum et la peau de la verge. Au-dessus de l'enveloppe tégu- mentaire des testicules et du pénis oh trouve en effet une couche mus- culaire qui constitue pour la première le dartos, et pour la seconde une membrane non décrite encore, mais analogue. Le dartos, considéré jusqu'ici comme une enveloppe distincte du scrotum, n'est en réalité que la couche profonde de cette enveloppe, de même que le dartos sous-jacent aux téguments de la verge n'est bien évidemment qu'une dépendance de ceux-ci.

Les faisceaux musculaires qu'on remarque dans toutes les autres par- ties de la peau occupent les couches les plus superficielles du derme. Ils sont partout annexés aiix l3lilbt>^ auxquels ifè s'attachent par leur extrémité profonde, pour aller se perdre, en se divisant en plusieurs languettes, dans les couches sous-épidermiques. En général, il n'en existe qu'un pour chaque bulbe pileux; en général aussi, ils sont beau- coup plus développés au moment de la naissance et chez l'enfant que chez l'adulte et le vieillard. Par leur extrémité fixe ou profonde, ces faisceaux s'insèrent aux bulbes pileux immédiatement au-dessous de la glande sébacée correspondante qu'ils contournent pour remonter en- suite plus ou moins perpendiculairement vers la surface l.bre du derme. Ils affectent par conséquent les connexions les plus intimes avec ces glandes qu'ils embrassent dans la concavité de leur courbure. Ils ne peuvent se contracter sans les comprimer, et ont évidemment po'ur usage spécial de présider à l'excrétion de la matière sébacée. Cet usage nous explique pourquoi leur développement est si précoce ; pourquoi ils sont plus accusés, plus faciles à observer chez l'enfant naissant que chez ladulte. N'est-ce pas, en effet, dans les deux derniers mois de la vie intra-utérine que la sécrétion sébacée atteint sa plus grande activité? N'est-ce pas à cette époque que la matière sébacée devient surtout utile pour préserver l'enveloppe tégumentaire de l'action des eaux de Tamnios? Or les muscles lisses de la peau ayant pour destination de prêï.idèr à î'èicrëtion du produit des glandes sébacées, participent à la

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précocité du développeiuent de ces dernières; ils atteignent leur plus haut degré de déveloi)pement en môme temps que celles-ci.

Entre ces glandes et les muscles qui les compriment il existe des rapports anatomiques et physiologiques si intimes, qu'on peut considé- rer les seconds comme autant d'enveloppes contractiles incomplètes, comparables à celle qui entoure la plupart des viscères de labdomen et les canaux des glandes. C'est donc à tort qu'on leur a attribué pour usage de redresser les bulbes pileux et les poils qui en partent.

Lorsqu'on n'envisage que les faisceaux musculaires du cuir chevelu, à l'exemple des autours allemands, on est d'abord porté à penser que tel est en effet leur mode d'action; car les bulbes pileux des cheveux èont inclinés, et l'on voit que ces faisceaux se trouvent situés du côté vers lequel le poil penche. Il était donc assez naturel d'admettre qu'au moment ils se contractent leur raccourcissement a pour résultat de ramener les bulbes dans une direction perpendiculaire à la peau. Mais si dans le cuir chevelu les muscles lisses répondent au côté vers lequel les bulbes s'inclinent, c'est parce que ce côté est celui sur lequel re- posent les glandes sébacées lorsqu'elles sont uniques; et dans le cas assez fréquent il en existe deux pour le même bulbe, la plus volu- mineuse correspond à ce même côté. C'est pour n'avoir pas constaté ce fait que les anatomistes allemands se sont mépris sur le rôle véritable des muscles annexés aux bulbes pileux. Sur les autres régions du corps ces bulbes sont perpendiculairement implantés dans les téguments, il est facile de s'assurer que le muscle est toujours situé du même côté que la glande, qu'il s'enroule autour d'elle, et que s'il s'attache au bulbe, c'est seulement pour prendre au dessous de Cette glande un point fixe, afin de la comprimer avec plus d'efficacité. Il est digne de remarque que les régions dans lesquelles ces agents de compression sont très déve- loppés, telles que la peau des membres et du sein, deviennent rarement le siège des tumeurs produites par l'accumulation de la matière sébacée, tandis que celles ils font défaut, comme le pavillon de l'oreille, les paupières, les ailes du nez, en présentent de fréquents exemples. Le cuir chevelu, dans lequel ils s'atrophient par les progrès de l'âge et dans lequel aussi les glandes sébacées se montrent en plus grand nombre, en est le siège de prédilection.

IL Physiologie.

Greffe animale; par M. Bert.

Mes expériences 'slir la greffe dnirnale m'ont conduit à tenter créa ti'oh de monstres parasitaires, soit extérieurs, soit inclus. Ceùk-ci é'ob- tiennent très-aisément par le i)r6c'édé qlVe j'indiquerai tout à l'heure :

la pièce anatoiniquf que j ai l'honneur de nicllre sous les yeux de la Société se rapporte à un fait de cette catégorie.

Le 2 août 1862, l'opération qui fait le sujet de la présente observa- tion est exécutée sur deux rats albinos âgés de 10 jours. Chez l'un, les doigts du pied gauche sont amputés et le pied écorché jusqu'au milieu de la jambe ; chez l'autre, une incision est pratiquée à la peau du flanc droit. Le pied du premier est alors introduit sous la peau du second, et quelques points de suture maintiennenten affrontement le collet cutané de la jambe avec les lèvres de l'incision abdominale. Des précautions sont prises pour éviter les tiraillements.

Le 4 août, l'animal dont la patte est incluse est mort, l'autre se porte bien ; je coupe alors cette patte au niveau de la suture commune ; aucun accident ne survient (1), et en quelques jours la plaie est complètement cicatrisée.

Les choses restèrent en cet état pendant deux mois environ; au bout de ce temps, je m'aperçus qu'une tumeur arrondie et obscurément fluctuante se développait en avant du pied inclus que l'on sentait faci- lement sous la peau de l'abdomen à laquelle il adhérait. Cette tumeur augmenta lentement, et lorsque le 20 janvier je me décidai â sacrifier l'animal qui la portait, elle était environ de la grosseur d'une petite noix.

L'autopsie montre que le pied adhère intimement par la face dorsale à la peau de l'abdomen ; sa face plantaire est marquée par des brides cellulaires sillonnées de vaisseaux. Les dimensions sont manifestement accrues, car il mesure du calcanéum aux premières phalanges 21 milli- mètres au lieu de 16 millimètres que donne en moyenne le pied d'un rat âgé de 15 jours; le désir de montrer cette pièce intacte à la Société ne m'a pas permis de rechercher en est le développement de son squelette; mais il est probable que l'ossification est complète, car la matière osseuse s'est même déposée dans une sorte de pont jeté sur l'excavation plantaire au niveau de la naissance des doigts. Cette exca- vation est considérablement augmentée par suite de l'atrophie des mus- cles qui la remplissaient. Les vaisseaux du pied communiquent large- ment avec ceux de l'animal incubateur, si j'ose ainsi parler; il n'est même pas besoin d'injection pour le démontrer.

(1) Je dois noter ici que dans une autre opération l'animal à la patte incluse avait survécu huit jours, lorsque je fis l'amputation dont je viens de parler, il s'écoula par l'os de la jambe greffée une telle quantité de sang en nappe, que je dus, en considération de la faiblesse de l'au- tre rat, employer le perchlorure de fer.

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La tumeur dont j ai parlé plus haut est due à un kyste développé à 1 extrémité du pied, dont le moignon des doigts est engagé dans sa pa- roi. Ce kyste se glisse sous le pont ostéo-fibreux indiqué ci-dessus, et présente ainsi une forme bilobée, le lobe postérieur remplissant l'exca- vation plantaire. Il est rempli d'une matière athéromateuse, fort sem blable à celles que contiennent les kystes sébacés.

M. Vulpian a bien voulu se charger de l'étude microscopique de cette pièce. Il a constaté la dégénérescence graisseuse des fibres musculaires, dont aucune ne présente plus de stries transversales. Les nerfs ne con- tiennent que quelques rares tubes primitifs de dimensions fort réduites. car les plus gros ne mesurent que C^^jOGô au lieu de 0'»,01 et plus que donnent l'examen des nerfs de l'autre animal ; on y voit aussi des gra- nulations d'apparence graisseuse. Ils présentent donc les caractères des nerfs en voie de régénération.

Quant au kyste, la matière qui le remplissait était composée unique ment de cellules épidermiques munies encore pour la plupart de leur.^ noyaux.

Je me permettrai d'attirer spécialement l'attention sur deux circon- stances de cette observation : la régénération des nerfs et l'accroisse- ment des dimensions du membre inclus sous l'influence d'une commu- nication vasculaire. Ces faits, que je m'efforce de varier et de multi- plier, me semblent destinés à jeter quelque jour, sinon sur la formation, au moins sur le développement de certains monstres parasitaires.

III. Pathologie. Considérations suk l hydrocéphalie ; par M. le docteur Arcbambacli'.

L'autopsie des enfants qui succombent à l'hydrocéphalie chronique h montré à tous les observateurs que l'épanchement de liquide se fait, dans l'immense majorité des cas, dans l'intérieur des ventricules. Lin verse serait une exception, et encore y aurait-il lieu de discuter s il s'agit bien d'une véritable hydrocéphalie.

Sur quatre cerveaux que j'ai pu examiner, le liquide occupait la fii- vité des ventricules exclusivement.

Ce premier fait doit vivement frapper l'attention, attendu qu'il consti- tue une violation formelle de la loi d'hydrostatique, en vertu de !;:- quelle les liquides s'accumulent dans les parties déclives si rien ne s'oppose à leur libre répartition. Avant même d'avoir étudié personnel- lement l'anatomie pathologique de l'hydrocéphalie, j'en étais venu, sui' la lecture des observations publiées, à conclure ([u'il devait y avoir dans ces cas occlusion des anneaux qui font communiquer l'intérieur des ventricules avec le tissu cellulaire sous-aracluio'idien et le rachis.

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Cçtte occlusion restait à déterminer et pouvait être variable quant à son siège et quant à sa nature, mais son existence me paraissait indis- pensable pour expliquer raccumulation du liquide au sommet du vertex.

Depuis 1863, j'ai recueilli trois cerveaux d'hydrocéphales et les ai fait durcir dans l'alcool pour mieux en étudier les particularités. (M. Blache a lu à l'Académie une note relative à ces trois mêmes cerveaux.)

Dans ces trois faits, le liquide était emprisonné dans l'intérieur des ventricules, et voici comment :

Il existait dans les cavités ventriculaires formant le feuillet le plus interne de leurs parois une membrane épaisse, résistante au-dessous de laquelle se voyaient des vaisseaux nombreux et la substance cérébrale. C'est la membrane interne des ventricules très-épaissie et qui peut être considérée comme l'analogue de la membrane interne d'un kyste. Elle ferme complètement la cavité ventriculaire au niveau de la grande fente de Bichat, et pénètre dans le ventricule moyen à travers le trou de Monro et par des communications anormales. A la partie postérieure du troisième ventricule, au point s'ouvre l'aqueduc de Sylvius, elle offre une disposition qui doit surtout attirer notre attention au point de vue de la démonstration qui nous préoccupe; là, au lieu de pénétrer dans cet aqueduc pour le tapisser, on la voit passer sur son orifice sans s'y enfoncer et former ainsi un moyen d'occlusion, une barrière infranchissable entre le troisième et le quatrième ventricule et l'exté- rieur par conséquent. Cette disposition était très-évidente sur les trois pièces. Sur une d'elles il existait une sorte de cul-de-sac au niveau de l'orifice de l'aqueduc dans le ventricule moyen, mais ce cul-de-sal était, d'une manière bien certaine, imperforé, et par conséquent il y avait apparence de communication à première vue; mais après examen, il ne restait aucun doute sur l'isolement étaient l'un de lautre le troisième et le quatrième ventricule.

S'agit-il dans ces cas d'un vice de conformation, d'un produit ana- tomo-pathologique? c'est ce que je n'ai pas à examiner dans celle note, je n'ai pour but que de donner l'explication d'un phénomène qui se trouve en opposition avec une loi de physique qui ne comporte pas d'exception.

Mais il est d'autres cas le liquide de l'hydrocéphale ne gagne pas la cavité ou rachiset le tissu cellulaire sous-arachno'idien sans que pour cela il existe une occlusion de l'aqueduc de Sylvius au point je l'ai indiquée.

Un grand nombre d'autopsies, dans lesquelles l'aqueduc de Sylvius est signalé comme agrandi, et un fait de cette nature publié en détail dans les BuHelins de la Société anatornique (18.52. p. 236). fait qui

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m'est personnel, témoignent que l'occlusion, s'il eu existe une, doit être placée au-dessous du quatrième ventricule. Je suis convaincu, sans avoir trouvé l'occasion de confirmer ou de détruire cette idée, que dans les faits de cette nature il y a occlusion de l'orifice auquel on donne le nom de trou de Magendie.

Une autre idée se présente également à l'esprit, c'est qu'il peut et doit môme se trouver des cas ces obstacles à la libre communica- tion de l'intérieur avec l'extérieur n'existent nulle part, et que dans celte circonstance, on aurait à la fois hydrocéphalie et hydrorachis. Ces deux maladies dans l'espèce ne feraient qu'un. J'ai vainement cher-- ché les occasions de démontrer cette manière de vo'r sans réussir à les trouver; mais je sais qu'il existe des faits que lui donnent un grand de- gré de probabilité.

Ainsi l'ona vu des enfants devenir manifestement hydrocéphales après qu'on avait, par un moyen quelcon jue, obtenu la disparition d'un spimi hifulu dont ils étaient atteints. Dans ces cas on doit, suivant moi, trouver le canal de iMagendie, le quatrième ventricule et l'aqueduc de Sylvius non-seulement libres, mais encore dilatés.

Celte idée de 1 ident de nature de 1 hydrorachis et de l'hydrocé- phalie, de même que celle de leur coexistence, n'a d'ailleurs rien de neuf, et il n'est pas nécessaire de chercher bien loin pour en avoir la preuve. On lit à l'article Hydrorachis du Dicl. en 30 vol., p. 57 : « Acrell pense que l'hydrorachis est toujours consécutive à l'hydrocé- phalie, de sorte qu'il n'admet pas la première sans la seconde, d'où il suit aussi qu'il y aurait toujours communication entre les deux liqui- des. Mais l'observation dépose contre cette opinion qui n'est fondée que dans le plus petit nombre des cas. Aussi il existe beaucoup d'e.xera- ples d'hydrorachis sans hydrocéphal.e et réciproquement. »

L'olijection faite à la fin de cette citation n'est pas sérieuse.

Qu'il existe beaucoup de cas d'hydrorachis l'on n'ait pas senti l'augmentation de volume de la tête, rien n'est plus certain. Mais en ex'Ste-t-.l dans lesquelles on ait'fait l'autopsie avec assez de soin pour afiirmer que le canal de Magendie, le quatrième ventricule, l'aqueduc de Sylvius, offraient leurs dimensions normales? c'est ce que n'établis- sent pas les observations que j'ai compulsées, l-'existence isolée de l'hydrorachis ou sa relation avec l'hydrocéphalie ne peut manquer d'ê- tre rapidement décidée si chacune veut étudier à ce point de vue les cas qui s'offriront à lui.

Quant aux faits Ihydrocéphalie était isolée, ils rentrent dans la ca- tégorie de ceux que nous avons observés et s'expliquent tous de la môme façon. Reste à faire l'étude de l'hydrorachis au point de vue qui nous occupe.

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t' Altération des nerfs pi^riphériques. sclérème et dégénération caiscé- reuse; par M. V. Cornil, Interne des hôpitaux.

La première de ces altérations a été observée sur les nerfs du mem- bre supérieur contracture d'une femme qui avait succombé à une hémorrhagie ancienne du corps strié et de la couche optique dans le service de M. le docteur Charcot. Le bras droit était paralysé du mou- vement et contracture. Les nerfs de ce membre étaient, à simple vue, beaucoup plus volumineux que leurs analogues du côté gauche. La dif- férence était surtout remarquable sur les nerfs médians, et nous prîmes conséquemment ces deux nerfs pour les mesurer exactement et les exa- miner au microscope. En dissociant les faisceaux nerveux, le névrilème parut plus injecté et plus rénitent à la traction du côté droit que du côté gauche. Au toucher, le nerf malade était beaucoup plus dur. L'hy- pertrophie dont ce dernier était le siège était régulière, sans nodo- sités.

Les tubes nerveux examinés à l'état frais étaient aussi sains d'un côté que de l'autre.

Après avoir fait durcir ces deux nerfs dans l'acide chromique, j'en fis des coupes transversales, comprenant toute leur épaisseur, assez épaisses pour n'être pas aplaties, et je les mesurai sous le microscope avec un oculaire micrométrique.

Le rapport des diamètres des deux surfaces de section était de 142/112. Ce qui donnait en volume un rapport de 2/1. Ces coupes, examinées à de faibles grossissements, montraient une hypertrophie très-évidente du névrilème et du périnèvre. Les faisceaux primitifs de tubes nerveux étaient dans le nerf altéré dissociés et plus nombreux que dans le nerf sain. De plus, les coupes de ces faisceaux primitifs étaient exactement arrondies dans le nerf malade, tandis qu'elles étaient irrégulières dans le nerf sain.

Des coupes plus minces examinées à un grossissement de 250 dia- mètres, après avoir été colorées par le carmin, nous ont montré dans le nerf altéré une hypertrophie et une hypergénèse des corpuscules de tissu conjonctif.

Dans les tractus du périnèvre du côté malade, ces corpuscules étaient très-nombreux, très-gros (0,12 de longueur sur 0,004 de largeur), et quelques-uns présentaient une division manifeste de leur noyau. En outre, il existait entre les faisceaux primitifs une assez grande quantité de vésicules adipeuses avec leur noyau de tissu conjonctif reporté à leur périphérie comme dans le tissu cellulo-adipeux sous-cutané.

Dans l'intérieur des faisceaux primitifs, entre les tubes nerveux, les corpuscules étaient plus uoml>reux du côté malade que du côté sain.

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Ainsi, l'altération du nerl, liée dans ce cas à une contracture perma- nente, consistait dans une hypertrophie du tissu cellulaire qui avait doublé de volume.

Elle était caractérisée par laugmentation en grandeur et en nombre des éléments cellulaires de ce tissu et la formation de vésicules adi- peuses. Cette dernière formation, aussi bien que l'organisation parfaite des éléments nouveaux, indiquait manifestement un processus chro- nique.

Le second cas est relatif à la dégénération cancéreuse des nerfs cru- raux et sciatique du côté droit, survenue consécutivement à un cancer des ganglions mésentériques, lombaires, pelviens, inguinaux et cruraux, ainsi que de leur atmosphère celluleuse. L'altération était surtout très- manifeste sur les racines du nerf sciatique, cest-àdire le tronc lombo- sacré et les deux premières branches antérieures des nerfs sacrés. Ces branches rampaient dans le tissu cellulaire pelvien complètement en- vahi par le cancer. Chacune d'elles, disséquée avec soin, augmentait progressivement de volume jusqu'à atteindre la grosseur de la phalan- gette du petit doigt. La couleur de ces nerfs à leur surface et sur leur coupe était blanche, et la coupe transversale donnait au raclage un suc laiteux. Sur cette coupe on voyait les faisceaux nerveux primitifs sépa- rés par un tissu unissant très-épais.

Les tubes nerveux, examinés à l'état frais à un grossissement de 400 diamètres, ont montré tout d'abord la dégénérescence granuleuse très- évidente, absolument semblable à celle qui succède à la section des nerfs. Mais il s'en fallait de beaucoup que tous les tubes nerveux fussent altérés, et le plus grand nombre d'entre eux était sain.

Après avoir durci ces pièces par l'acide chromique, j'ai fait des coupes fines transversales, et sur elles il était facile de constater une disposi- tion analogue à celle du premier fait, c'est-à-dire un grand nombre de faisceaux primitifs exactement arrondis, séparés par d'épais tractus de substance unissante, dans laquelle existaient des vésicules cellulo-adi- peuses. Mais dans ce dernier cas, les éléments cellulaires étaient beau- coup plus gros et plus abondants que dans le premier.

Le névrilème et le périnèvre, examinés à des grossissements de 150 à 500 diamètres, présentaient une très-abondante formation de cellules et de noyaux. On pouvait suivre les progrès de ces formes nouvelles depuis la division du noyau dans une cellule de tissu cellulaire jusqu'à la formation de cellules cancéreuses avec leur noyau et leurs nucléoles caractéristiques, et même d'alvéoles carcinomateuses. Ces alvéoles me- suraient 0,048 à 0,066 en longueur sur 0,026-0,033 en largeur. Les cel- lules à un ou plusieurs noyaux mesuraient de O.dOfi à ii.lô. la forme des cellules était arrondie ou polyédrique.

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Le développement de cellules cancéreuses ne s'était pas limité au névrilème et au périnèvre, mais elle avait aussi envahi l'intérieur des fa's^eaux primitifs. Ainsi l'enveloppe propre des tubes nerveux, présen- tait jusqu'à deux et trois corpuscules nucléoles sur une coupe fine transversale. Il y avait aussi entre les tubes des cellules volumineuses, degré d'évolution plus avancé. et parfaitement reconnaissable, de la mé- taniorpliose cancéreuse.

A cet état du nerf correspondaient pendant la vie des douleurs très- vives de tout le membre. Nous devons ajouter que la jambe et la cuisse et ient le s'ége d'un œdème considérable, en sorte qu'il est difficile de d'st'nguer les symptômes qui se rapportaient à l'œdème de ceux appar- tenant en propre à la dégénérât on cancéreuse du nerf. La jambe et la cuisse étaient fléchies à angle dro't. Bien que nous n'ayons pas noté spécialement l'état de la sensibilité et de la motilité, la conservation intacte du plus grand nombre des filets nerveux doit nous faire suppo- ser que leurs fonctons étaient conservées.

En comparant ces deux altérations des nerfs, hypertrophie du tissu celli'la re et dégénérescence cancéreuse, nous voyons qu'elles ont de commun Ihypergénèse des éléments cellulaires de ce t'ssu avec disso- ciation des faisceaux primit'fs. IMais tandis que les éléments nouveaux s'organisent dans le premier cas pour former un tissu normal, ils se mult plient ets'hyperirophient de plus en plus dans le second, détruisent un cerla'n nomb e des tubes nerveux, et constituent enfin des cellules et des alvéoles cancéreuses.

IV. Pathologie comparée.

Observations de pathologie comparée; par M. Adolphe Gubler,

M. le docteur Rufz de Lavison, désireux de contribuer à l'avancement de la science en favorisant les recherches micrographiques sur li^s nom- breux sujets dont il dispose au Jardin zoologique d'acclimatation, a bien voulu me faire remettre quelques animaux provenant de ce bel établis- sement.

Voici l'indication de ces envois et les résultats de mes observa- tions :

TUBERCULO.'E DE LAPPARE1L RESPIRATOIRE CHEZ UNE OIE d'Eg\PTE. (EuVOl

du 19 novembre 1861.) La matière tuberculeuse se rencontrait dans le thorax et l'abdomen, dans l'appareil respiratoire et dans les annexes de l'appareil digestif. Elle existait non-seulement dans les poumons, mais aussi dans les

II

culs-de-sac respiratoires qui se prolongent derrière le paquet intesti- nal, autour de la veine cave inférieure ou postérieure.

Dans ces diverticules aériens on distingue de l'extérieur vers la ca- vité : les parois épaissies; 2" une couche noire, pigmentaire; '6° une stratification tuberculeuse, jaunâtre, opaque; enfin une production de môme nature, mais grisâtre, molle et demi-transparente.

Le lobe gauche du foie renferme également une masse tuberculeuse, jaune, opaque, du volume d'un gros pois.

L'étude microscopique de la substance tuberculeuse des sacs aériens fait constater les particularités suivantes :

La substance noire est formée de globules ou de cellules excessive- ment petites de pigment, toutes sensiblement égales en dimensions, arrondies, marquées d'un point brillant au milieu et ombrées de noir sur leur contour. En rapprochant davantage l'objectif, on aperçoit au contraire un point sombre au centre du globule pigmentaire dont la cir- conférence est alors bordée d'une ligne moins noire et moins large. Ces éléments, dun noir foncé quand ils sont réunis en amas, présentent une coloration bistre ou sépia claire lorsqu'ils sont isolés.

La couche superposée, semblable au tubercule cru dans l'espèce hu- maine, est constituée en grande partie par des corpuscules granuleux, un peu irréguliers, du volume de ceux du pus chez l'homme, à noyaux mal dessinés ou absents. Ce sont les analogues des éléments avortés ou difformes qui ont reçu dans la pathologie humaine le titre de corpus- cules spéciaux du tubercule.

Généralement ces corpuscules ne sont pas accolés et pressés les uns contre les autres, mais ils se trouvent disséminés dans l'intérieur d'une substance, en apparence amorphe, finement ponctuée, à peu près comme les cellules de cartilage dans la substance fondamentale.

La couche molle la plus intérieure renferme les mômes éléments his- tologiques soudés par une matière gélatineuse qui semble nôtre autre chose que la substance amorphe, indiquée ci-dessus, à l'état demi- fluide.

On constate en outre quelques globules sanguins et des productions de nature indéterminée (algues ou vibrions?).

Tlmelr enkystée du voume d'un marron, trouvée dans l'abfjome^ d'un viELx COQ. Celte tumeur ovoïde est formée d'une matière friable, jaunâtre, opaque, comme de la pomme de terre cuite, alternant avec des couches concentriques un peu diaphanes et grisâtres. Elle est ren- fermée dans un kyste membraneux, fibreux et parcouru d'arborisations vasculaires, lequel se rétrécit en un pédoncule cylindrique de 5 à

n

6 milhmèlres de diamètre, pour s'insérer à los iliaque en se confondant avec le périoste du bassin.

Le kyste est donc flottant dans la cavité abdominale. Au premier abord, la matière contenue rappelle un ancien caillot sanguin décoloré et altéré par transformation régressive. Le microscope y démontre la présence d'éléments histologiques comparables à ceux des productions tuberculeuses trouvées chez l'oie d'Egypte, mais beaucoup plus gros que ceux-ci. Ce sont des cellules sphéroïdales, un peu irrégulières, à parois granuleuses, contenant un noyau volumineux, et analogues à l'épithélium nucléaire des glandes. Les dimensions de ces éléments sont assez diverses et peuvent varier du simple au triple.

Il existe en outre beaucoup de granulations très-fmes, soit libres, soit dispersées dans une substance amorphe.

Les couches concentriques, demi-transparentes, sont formées d'une substance amorphe, finement ponctuée ou confusément fibroïde.

A sa périphérie la masse incluse dans le kyste fibreux offre un enduit semblable au gras de cadavre, lequel examiné au microscope se montre constitué essentiellement par des globulins graisseux et de véritables gouttelettes huileuses.

Cette couche me paraît manifestement provenir de l'altération de la substance sous-jacente, et démontre la possibilité de la métamorphose des substances protéiques en matières grasses.

3* Matière phymatoïde de la cavité pai.pébrale chez les poules. Nombre de poules présentent une singulière affection qui, débutant par la conjonctive, finit par la destruction de l'oeil. Une couche blanchâtre 56 forme sous les paupières, s'étend, s'épaissit, distend ces voiles mem- braneux, s'enfonce du côté de la cavité orbitaire, refoule et finalement détruit le globe de l'œil. Cette matière est concrète, jaunâtre, un peu élastique. Pour l'étudier, j'ai la diviser d'abord mécaniquement, pur-; l'amollir à l'aide de l'acide acétique étendu.

On y découvre alors, au milieu d'une substance fondamentale anhyste ou obscurément fibroïde, de nombreuses cellules de formes et de di- mensions variées. Quelques-unes ne dépassentpas le volume de nos leuco- cytes, d'autres n'atteignent pas la grosseur de l'épithélium nucléaire. 11 en est de sphériques, d'autres en raquette ou bien irrégulières. Parmi ces cellules, les unes sont dépourvues de noyau, les autres offrent un noyau rond très-distinct. Tantôt elles sont finement granuleuses, tantôt au contraire chargées de granulations plus apparentes et très-réfrin- gentes. Parfois l'enveloppe du noyau semble constituée par un lambeau de la substance amorphe, tant elle est irrégulière dans son contour.

Quoi qu'il en soit de ces variations, les éléments de la substance péri-

13 oculaire, observée chez les poules, sont très-voisins de ceux qui consti- tuent la matière tuberculeuse type. Ce sont toujours, en pareils cas, des cellules de nouvelle formation [néocytes N.) qui subissent un arrêt de développement et plus tard des altérations nécrobiotiques.

Les différences proviennent de la diversité des tissus au contact des- quels se développent ces néocytes. C'est de l'épithélium qui se forme aux dépens du néoplasme épanché sur les surfaces épithéliales, du périoste à côté du périoste, etc., en vertu de ce que j'ai nommé la loi d'isoplasîe.

En somme, ces exemples montrent chez les oiseaux, du moins chez ceux qui vivent en captivité, une tendance prononcée vers la produc- tion de la matière tuberculeuse dans les différents appareils de l'éco- nomie. La disposition stratifiée de cette matière néoplastique dans les cavités aériennes rappelle exactement celle que la pathologie humaine étudie dans l'intérieur des organes génito-urinaires et parfois même dans la cavité du larynx.

La maladie des yeux, chez les poules, semble se rattacher à la dia- thèse tuberculeuse, si fréquente dans l'espèce, et constituerait, d'après cela, une localisation sur une surface qu'on peut considérer comme une annexe de l'appareil respiratoire.

Ultérieurement j'ai reçu de M. le docteur Rufz de Lavison un coq ayant succombé à ce qu'on croit être une affection croupale. Il existait en effet dans l'œsophage et ailleurs une sorte de fausse membrane fort étendue, mince et élastique, semblable aux néoméninges de la diphthé- rie. Seulement je l'ai trouvée essentiellement constituée par des cellules épithéliales, comme ces pseudo- fausse s membranes qui existent parfois sur le col de lutérus chez les femmes âgées et dans d'autres circon- stances. Mais ce sujet important réclame de nouvelles recherches.

Sur les conditions de développement du saprolegnu ferax (alguk

PARASITE DES POISSONS) ÉTUDIÉES CHEZ LE CYPRINUS AURATUS. L'histolre du

parasitisme dans les deux règnes organiques prend chaque jour plus d'importance, et le nombre des espèces végétales ou animales qui vi- vent sur d'autres s'accroît rapidement avec les recherches des natural- istes.

Mais la connaissance d'un nouveau parasite ne constitue qu'un pre- mier pas dans l'acquisition de la vérité. Comment ce parasite vit-il sur la créature qui le supporte? Est-il greffé sur celle-ci comme une ente sur le sujet, ou bien trouve-t-il simplement sur sa demeure vivante l'humus ou la nourriture nécessaire à son alimentation? Voilà ce qu'il «st indispensable de savoir si l'on veut se faire une juste idée du rôle

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du parasite vis-à-vis de son support aussi bien que de son mode d'exis- tence propre.

Les parasites, en eft'et, sont de deux sortes : les uns, appelés parasi- tes VI ais^ que je proposerais de nommer emplnjsieus (1), parce qu'ils s'insinuent dans les tissus de l'être vivant, sur lequel ils s'implantent pour en pomper les sucs et se nourrir véritablement à ses dépens, à peu près comme l'embryon aux dépens de sa mère. Les autres, consi- dérés comme [avx pa> asiles, parce qu'ils n'empruntent que le gîte aux sujets qu'ils envahissent.

L'influence exercée par ces deux classes d'êtres parasitaires est né- cessairement fort diUérente : nulle ou modérée de la part des faux pa- rasites, elle est au contraire très-prononcée et souvent funeste aux su- jets lorsqu'il s'agit de parasites emphysiens. Des pommiers peuvent prospérer, bien que couverts de mousses de lichens : ils périssent à la longue quand de nombreuses toufles de gui s'en emparent.

On comprendra d'après cela l'urgence de la destination qui nous oc- cupe dans l'histoire de chacune des espèces susceptibles de jouer le rôle de parasites. C'est pour avoir négligé de l'établir que des erreurs regrettables se sont propagées touchant les maladies parasitaires tant chez l'homme que chez les animaux et les plantes. Presque toujours, les parasites ont été considérés comme emphysiens, c'est-à-dire comme réellement greffés sur leurs supports, ou du moins vivant aux dépens de leurs organes. Dès lors, les maladies des sujets chargés de parasites ont été généralement attribuées à l'action pernicieuse de ces der- niers.

Gaudichaud, M. Decaisne et d'autres savants se sont élevés contre cette tendance exagérée à l'occasion de la maladie de la pomme de terre. i\l^!. C. Montagne, Germain (de Saint-Pierre) et moi (2), nous avons réagi également contre l'opinion commune à propos d'une altération du blé, sur laquelle nous avons rédigé une note pour la Société de bio- logie.-

Actuellmnent les idées commencent à se modifier sur ce point de doctrine, et l'on se préoccupe davantage de la part qui re\ ient aux conditions antérieures de la santé du sujet dans la production des pa- rasites. Pour moi je ne doute pas que dans une multitude de cas l'orga- nisme qui devient le siège des parasites ne soit préalablement atteint

(1) De ?!JL!pu|j.£, être inhérent à, être inné, etc.

(2) Mémoire sur Culléraliort des céréales, etc., par MM. Montagne. h. Gubler et E. Germain (de SainiPierre), in Comptes rendus et mé- moires de la Société de biologie, Paris, 1851.

15 d'une maladie qui en altère les liquides et les tissus, diminue son acti- vité fonctionnelle et nutritive, et l'expose par à devenir la proie d'autres <?tres plus bas placés dans réchelle. J'ai fourni un exemple à l'appui de cette manière de voir en démonirant (1) que la mucédinée du nuigucl se développe dans l'épithélium buccal, habituellement im- prégné d'acidités, comme dans une couche d'humus approprié et se nourrit de liquides alimentaires introduits dans la bouche sans rien em- prunter aux fluides de l'économie. L'étude des conditions de dévelop- pement de l'algue des poissons confirme pleinement, on va le voir, l'o- pinion qui subordonne dans un bon nombre de circonstances l'appari- tion des parasites à la maladie préalable du sujet.

Les cyprins dorés, vulgairement appelés poissons rouges, résistent mal dans les étroites prisons de verre que nous décorons du titre d'a- quariuiiis, et que nous faisons servir à l'ornementation de nos appar- tements. D'ordinaire, au bout de quelques semaines ils perdent de leur vivacité, leur couleur pàlil, leurs écailles conimencent à se détacher sans être remplacées. Sur Icb places dépouillées, la peau se couvre d'un enduit muaueux diaphane et peu apparent, qui battu par l'eau se trouve entraîné pendant la nage sous forme de flocons imperceptibles. Bientôt de petites houppes filamenteuses, blanches, d'une excessive ténuité, se développent sur la peau privée d'écaillés et macérée. Ces houppes s'allongent et finissent par constituer des panaches flottants d'un blanc très-légèrement bleuâtre, assez analogues à la huppe fine et déliée du marabout.

En même temps les cyprins deviennent plus malades; la desquamma- tion se prononce davantage, les mouvements se ralentissent encore, les nageoires se couvrent de taches, les cornées transparentes s'opacifient et blanchissent par degrés. L'animal cesse de manger, il ouvre et ferme incessamment la bouche comme en étal de pâmoison, se rapproche fré- quemment de la surface de l'eau pour humer de l'air ou pour expulser des bulles de gaz, et bientôt il ne peut plus ni se mouvoir librement ni môme maintenir sa station normale. Enfin quand il flotte l'abdomen en haut, la mort ne tarde pas à survenir.

En présence de ces phénomènes, j'ai me demander quel était le rôle de l'algue parasite et rechercher si la perte des écailles chez nos cyprins dorés n'était pas déjà un premier effet du développement des spores de la plante qui, par sa multiplication, entraînerait des désor-

{[) Études sur Corigine et les conditions de développement de la mucédinée du muguet', mémoire lu à l'Académie de médecine le 4 août 1857.

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dres incompatibles avec la vie de ces jolis animaux. Or rexpérience n'a pas été favorable à cette hypothèse. L'enduit muqueux qui succé- dait à la chute des écailles ne m'a présenté aucun vestige de conferve. Il n'était absolument constitué que par des cellules à noyau, analogues à celles de l'épithélium pavimenteux chez l'homme (1).

Dès lors il était évident que l'algue, loin de précéder les manifesta- tions morbides, n'arrivait au contraire que comme épiphénomène dans le cours de la maladie, et qu'elle prenait naissance dans le produit néo- plastique exhalé par la peau comme dans un terrain qui lui convenait, sans contracter d'ailleurs aucune connexion organique avec l'individu qui la portait, sans exercer non plus une influence notable sur l'issue du mal. Quant à l'état morbide auquel les cyprins dorés finissent par succomber, il est probablement la conséquence des mauvaises condi tiens hygiéniques qui leur sont imposées, telles que le défaut d'espace, d'aération et peut-être l'insuffisance de certains principes nutritifs.

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de mes collègues un dessin en couleur représentant un cyprin doré chargé d'une abondante végéta- tion confervoïde et plusieurs autres dessins micrographiques montrant l'algue parasite à différents degrés de développement. On y reconnaîtra facilement l'espèce décrite par Schrank sous le nom de Conferva pis- cium^ et désignée successivement par Nées von Esenbeck sous les noms à'Achlya proliféra et de Saprolegnia ferax pour exprimer l'excessive fécondité de cette algue filamenteuse.

(1) Au reste, je n y ai pas constaté la réaction acide qui favorise si manifestement, ou du moins qui accompagne le développement de la plupart des mucédinées.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

F r

LA sociËiE m wmm

PENDANT LE MOIS l»E FÉVRIER 18G3;

Par m. le Docteur BAIL, secrétaire.

PRESIDENCE DE W. RAYER.

I. Anatomie comparée.

Note sur la structure de la peau chez quelques batraciens;

par M. Vaillant.

En poursuivant mes recherches analomiques sur la sirène laccrtinc^ j'ai été conduit à reconnaître une particularité de structure de la peau de cet animal, qui permet d'établir, je pense, une différence entre ce qu'elle est chez certains batraciens anoures et ce qu'elle est chez les batraciens nrodèles.

Chez ces derniers, en prenant pour type la grenouille, que seule j'ai pu observer jusqu'ici, la peau se compose de deux couches : l'une su- perficielle, formée de cellules d'épithélium pavimenteux à noyaux, c'est Vêpiderme; l'autre plus profonde, formée de fibres de tissu lamineux (tissu cellulaire des auteurs) entre-croisées en feutrage, et qui constitue la couche dermo-papillaij-e

C. R. 2

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Chez les batraciens urodèles {saUanandra conimunis, Lvilon. crxsta- tus, sircn lacerlina), ces deux parties existent; mais de plus on trouve au-dessous d'elles une couche assez épaisse de fibres nacrées, fines, parallèlement disposées suivant l'axe du corps, réunies en faisceaux assez distincts, et présentant tout à fait l'aspect des fibres lamineuses de la variété qu'on rencontre dans les tendons. Cette couche est très- adhérente à la couche dermo-papillaire dont elle ne peut être séparée, même après une macération prolongée.

La différence de structure est évidemment en rapport avec l'adhé- rence ou la non-adhérence de la peau aux tissus sous-jacents. On sait que chez la grenouille elle est séparée des muscies par de vastes sinus, tandis que chez les batraciens urodèles elle leur est intimement unie et ne peut on être séparée que par une dissection niinulicuse. La structure de la couche supplémentaire et ses rapports avec les organes du mou- vement doivent, je pense, la faire considérer comme résultant de la réunion des tendons des fibres musculaires.

Sur. QUELQUES POINTS DE L'A^'ATOMIE DU SYSTÈME VASCULAIRE CIIEZ LE PnOQUE ;

par M. Bert.

L'auteur signale d'abord la fluidité du sang, à peine coagulable.

Le système artériel présente comme particularités, d'abord le renfle- ment des artères aorte et pulmonaire à leur base, renflement qui per- siste encore chez des pfioca irsulina de 1".30 de longueur, du museau à l'extrémité des pattes. Les artères des membres se résolvent très-vite en rameaux très-petits qui forment de riches plexus ; les artères du cer- veau sont d'un calibre fort réduit.

Le système veineux est remarquable par ses dilatations en plexus et en sinus, connus et décrits depuis longtemps. Ces énormes réservoirs ne contiennent pas de valvules; celles-ci n'apparaissent que dans les veines musculaires ayant environ i^^^S de diamètre, et à l'origine des azygos. Il est fort remarquable que le plus vaste diverticulum sanguin, celui de l'abdomen, est soustrait complètement à l'action des muscles volontaires; ceux des parties postérieures et latérales du cou ne peu- vent être que médiocrement comprimés dans les contractions muscu- laires; enfin la base de la veine cave supérieure est complètement à l'abri.

Burron avait déjà signalé la supériorité de calibre de cette dernière veine sur la veine cave inférieure, à leur arrivée dans l'oreillette droit et cette supériorité est due à l'azygos, énormément renflé à son confluen ; avec la veine cave supérieure.

On connaît l'anneau musculaire que le diaphragme fournit à la veine

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cave inférieure au moment cette veine pénètre dans le thorax. L'au- teur a décrit {Journal de CInslilul, 1862) un faisceau de ce même muscle destiné, au contraire, à dilater rorifice diaphragmatique de cette veine au moment de l'inspiration , et à permettre le retour facile du sang vers le cœur après une longue submersion.

Quel rapport ces faits peuvent-ils avoir avec l'acte du plonger?

Tout le sang envoyé à chaque contraction du cœur dans les régions postérieures du tronc, revenant par les veines, s'emmagasine dans les réservoirs de l'abdomen; il en résulte que la quantité de sang qui tra- verse le poumon est de moins en moins grande, et que par conséquent la proportion d'oxygène qu'elle y emprunte devient de plus en plus considérable. Ce sang, alors suffisamment oxygéné, peut aller entretenir la vie dans l'organisme.

Mais, par le fait de la submersion très- prolongée, un nouvel élément intervient, sur lequel a insisté particulièrement M. Gratiolet: je veux parler de la congestion musculaire, qui ne serait pas sans un danger assez éloigné pour l'animal, et surtout de la congestion du cerveau, qui aurait des conséquences plus immédiates. Alors on voit pourquoi chez le phoque les artères cérébrales sont grêles, pourquoi chez l'hippo- potame la carotide interne est étranglée près de la base du crâne par les muscles hyo'idiens, pourquoi enfin, chez tous les plongeurs, ces ré- servoirs veineux d'où le sang ne peut aisément refluer vers les centres nerveux et les masses musculaires.

L'auteur a eu entre les mains un phoque vivant, mesurant un mètre, blessé à l'œil, soutirant, à jeun depuis quinze jours environ. Il l'a tué par submersion. L'animal a fait des efforts assez peu considérables pendant un quart d'heure, et a répondu aux excitations pendant trois ou quatre minutes encore. Le pouls qui était, avant la submersion, de 80 pulsations environ, après 6 minutes passées sous l'eau, n'en donnait plus que 20, fortes et régulières. Celles-ci s'accélèrent, et vers 15 elles s'élèvent à 40; puis elles deviennent irrégulières et se ralentissent pro- gressivement; au bout de 25 minutes, il n'y en a plus que 10; à 28 mi- nutes la dernière se fait sentir. Il est à noter qu'à chaque mouvement de l'animal ces pulsations s'accéléraient notablenient.

L'auteur a déjà fait un assez grand nombre d'expériences sur l'as- phyxie chez diverses espèces d'animaux. Voici quelques-uns des résul- tats auxquels il est arrivé :

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AQUATIQUES. NON AQUATIQUES.

Rat V 30" Eîtrèmes \ ',' f^!,

Rat d'eau. . . Rat d'can. . 2' Ib" Extrêmes j '^, ^°"

!4' 4S" ) 2/ jgr, J Moyenne de 14 expériences.

Moineau . 40" Eïtrêmes ! ^g„

Alouette.. . id. Roitelet. . . 20"

Pigeon ... 1' 20" Extrêmes 1 *' j^,'

Poulet. ... 3' 20" Extrêmes 1 ^' ^q„

Chevaliers à pieds verts. . . 1' 30"

Tourne-pierre 1' 30"

Marouette 4'

Râle d'eau 4' 30"

Goéland brun 4'

Sarcelle V

Canard 7' Ib"

Oie r 30"

Grèbe castagneux Minimum 2' 30", maximum 3' 40".

Cette liste montre que le type animal exerce une certaine influence sur le temps de l'asphyxie, mais qu'il faut aussi tenir compte de la taille. Elle montre encore qu'il peut se présenter des divergences considéra- bles entre les résultats fournis par la même espèce animale. Mais il faut faire remarquer que le critérium de la mort (mouvements après piqûre, etc.) est loin d'être à labri de tout reproche. Enfin, on peut voir que certaines espèces réputées très-plongeuses (rat d'eau, casta- gneux) le sont, absolument parlant, assez peu, et que des animaux zoologiquement voisins peuvent différer beaucoup sous le rapport du temps de l'asphyxie (râle d'eau, chevalier.)

L'auteur poursuivra ces expériences, et les complétera autant qu'il est en lui.

I. Physiologie. Greffe animale; par M. Bert.

Reproduction partielle du péritoine. Sur le flanc droit d'un rat albinos âgé d'un mois, je pratique une incision cutanée comprenant tout l'espace compris entre le membre antérieur et le membre postérieur; au flanc gauche d'un autre rat de la même portée, je fais la môme opé- ration, et de plus, j'enlève dans toute l'épaisseur de la paroi abdomi- nale un lambeau mesurant 2%5 de longueur sur i centimètre de lar-

Le? deux anmiaux sont alors réunis par les procédés ordinaires, des

•n

point:^ de suture font affronter les peaux saignantes; les intestin:? de l'animal de droite sont ainsi, sur une large surface, en contact immé- diat avec les parois musculaires du corps do l'animal de gauche.

Celui-ci ne paraît souffrir en aucune manière de l'opération; mais l'autre pâlit, s'aiTaiblit, et meurt au bout de six jours. Au moment de sa mort, il était liorriblomenf pâle, les oreilles blanches comme de la cire; son conjoint, au contraire, portait tous les signes d'une excellente santé. Mais, queUiues heures après, ce dernier mourait à son tour après un affaiblissement graduel, et mourait dans un état d'anémie profonde, tandis que toutes les parties du cadavre qu'il traînait après lui étaient rouges et congestionnées. Je signale en passant cette particularité, sans me permettre encore d'en proposer une explication.

L'autopsie me montre que la soudure cutanée est parfaite, et s'est opérée par première intention; aux deux extrémités de l'incision seule- ment, se trouve une petite quantité de pus. Toutes les veines de l'ani- mal mort le premier sont gonflées de sang ; le foie, la rate, sont presque noirs. Chez l'autre, ces deux glandes sont d'une couleur de chair très- pàle.

Le rat auquel j'avais enlevé une partie de la paroi abdominale me présente un fait sur lequel j'appelle l'attention. La cavité intestinale, ainsi béante, s'est complétée par une membrane mince, translucide, très-facile à isoler des tractus celluleux et lâches qui l'unissent aux flancs de l'autre animal. Cette membrane, verticalement tendue, adhère au pourtour du large orifice pratiqué dans les muscles abdominaux; une. portion de l'intestin lui est unie intimement. Elle est luisante à sa face interne, de telle sorte que rien, à l'œil nu. ne la distingue du reste de la cavité ; seulement je n'ai pu y trouver d'épithélium. Mais je rappelle que la mort de l'animal avait eu lieu au sixième jour après l'opération, peut-être l'épithélium se fût-il développé plus tard.

Voici donc, sauf cette dernière restriction, un péritoine formé abso- lument à la façon des bourses séreuses accidentelles, par simple frotte- ment des intestins contre le tissu cellulaire. 11 est à peine besoin d'in- diquer combien cette expérience vient à l'appui des théories déveloi - pées par M. Velpeau sur la nature des séreuses.

L'injection poussée par les artères du rat qui avait un peu survécu a passé abondamment dans les artères de l'autre; elle met en évidence de nombreuses communications, non-seulement des vaisseaux cutanés entre eux, mais aussi des vaisseaux cutanés de l'animal do gauche avec les vaisseaux intestinaux de l'animal de droite. Ces dernières com- munications se font par des branches fort grêles, au point d'adhérence des intestins avec le péritoine de nouvelle formation. Il eût été fort in- téressant de constater si, comme il est probable, le même abouchement

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s'était apéré entre les veines; c'est ce qu il ue m'a [lasété possible de voir.

2" SOUDIRE CUTANÉE ENTRE DEUX AM5IAUX d'eSPÈCE DIFFÉRENTE. L'eX-

périence fut faite entre un jeune rat albinos (nuis ratlus) et un jeune rat de Barbarie {imis striatus). 11 nost pas inutile de faire remarquer que ces animaux s'éloignent assez l'un de Vautre par leur forme géné- rale, leur mode de coloration, etc., pour avoir été classés par quel- ques mammalogistes dans deux sous-genres différents. J'ajouterai que la peau du vins st7'iatus, d'une minceur extrême, est peut-être trois ou quatre fois moins épaisse que celle du rat ordinaire.

L'incision et la suture cutanées n'entraînent rien de particulier; mais six jours après, le rat blanc meurt par accident. Je le détache alors de l'autre animal, en coupant, à 1 ou 2 millimètres delà suture, dans la peau du cadavre ; pendant l'opération, il apparaît quelques gouttelettes de sang qui proviennent évidemment de l'individu vivant. Celui-ci, du reste, est dans un fort piteux état; il s'est brisé deux pattes, se traîne à peine, et sa sauvagerie l'empêche de prendre sa nourriture à la main. Aussi il meurt deux jours après.

A l'autopsie, que l'incroyable fragilité des vaisseaux m'empêche d'ac- compagner d'injection, je trouve la réunion cutanée obtenue sur toute la longueur de l'incision, sauf à son extrémité antérieure, se trouve un petit foyer purulent.

Voici donc un pas fait par la greffe animale dans la direction zoolo- gique ; voici une soudure cutanée obtenue entre deux animaux d'espèce fort différente, mais appartenant encore au même grand genre naturel,

Action du sulfocvanure de potassium sur la fibre musculaire ET SUR le sang; par MM. Ollivier et Bergeron.

On sait que le sulfocyanure do potassium détruit l'irritabilité musculaire; mais ce qu'il importait de déterminer d'une manière pré- cise, ce sont les altérations qu'il amène dans les fibres élémentaires des muscles.

Quand on verse une solution de sulfocyanure de potassium sur le cœur ou sur un muscle quelconque d'un animal vivant, les battements du cœur et les contractions du muscle sont très-rapidement arrêtés. Si alors on examine au microscope les fibres élémentaires, on voit qu'elles ne sont plus transparentes, mais parsemées d'un grand nombre de gra- nulations, et que les stries transversales ont disparu.

2" Les altérations du sang ne sont pas moins remarquables. Elles existent non-seulement quand le poison a été mêlé directement au

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sang sous le microscope, mais encore dans le sang d'un animal empoi- ïsonné.

Si le sang renferme des globules à noyau, on les voit se gonfler; l'en- veloppe se rompt bientôt, se fragmente ; ses fragments ainsi dissociés deviennent de plus en plus petits, le noyau reste libre, se fragmente à son tour et se résout en granulations.

Si ce sont des globules circulaires et sans noyau, on les trouve cré- nelés, déchiquetés, fragmentés.

Nous avons recherché en outre le temps que le sang met à se coaguler après son mélange avec le poison, et étudié les phénomènes dont s accompagne cette coagulation.

Nous avons versé dans deux vases de verre, de même forme et dé- gale capacité, la même quantité de sang provenant d'une saignée faite chez un homme atteint d'une synoque. Dans l'un de ces vases on re- cueillit le sang normal, dans l'autre on mélangea le sang avec le sulfo- cyanure de potassium. Un quart dheure après, le sang qui n'avait été mélangé à aucun poison s'était pris en masse, et deux heures après, la séreuse surnageait au-dessus d'un caillot ferme et résistant. Au con- traire, le sang mêlé au sulfocyanure de potassium ne se prit point en masse, et forma une bouillie d'un rouge vif.

Trois heures après le commencement de l'expérience, on soumit pen- dant le même temps à l'action d'un courant d'oxygène lent et continu le sang contenu dans chaque vase. Au bout de trois à quatre minutes, le caillot du sang normal devint diffluent, et sa couleur d'un rouge vif. Le sang mélangé au sulfocyanure de potassium n'éprouva aucune modi- fication.

III. Tératologie^

Note sur deux poulets déradelphes ; par M. Bert.

La monstruosité double désignée sous le nom de déradelphie « pres- que commune chez les mammifères, « selon Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, n'a point été signalée par lui chez les oiseaux.

Depuis la publication de son livre, un cas de déradelphie a été indi- qué par M. de Quatrefages chez la poule (1); deux autres par M. Da- reste, l'un chez le poulet, l'autre chez le canard (2). M. le docteur Da- vaine a donné dans les bulletins de la Société de biologie la description du squelette d'un poulet déradelphe (3). Enfin Guill. Kaestner, dans

(1) Compl. rend. Ac. se, t. IX, p. 507. (5) Ann. se. nat,, t. XVII, zool., p. 66. (3) Compt. rend. Soc. biol., 1850, p. 13.

24 une thèse soutenue en 186U à Keil, sous la présidence de M. Panum, a étudié les conditions anatomiques de la même monstruosité chez un jeune canard.

Je dois à l'obligeance de MM. les docteurs Duché et Vulpian la com- munication de deux exemplaires de celte monstruosité qui paraît si rare chez les oiseaux. Il s'agit de fœtus arrivés presque au terme de l'incubation. Malheureusement ces deux sujets ont pendant longtemps macéré dans l'alcool, et il m'est impossible d'en donner une description complète sur tous les points.

Les deux êtres qui forment chaque monstre double sont placés en face l'un de l'autre; leur têtes se sont confondues; leurs cols, juxtapo- sés dans la région supérieure, s'isolent bientôt l'une de l'autre, à ce point que les muscles de la nuque sont distincts. Leurs poitrines, leurs parois abdominales, jusqu'à la région ombilicale, se sont ouvertes sur la ligne médiane, et chaque moitié de chaque individu s'est soudée à la moitié correspondante de l'individu qui lui fait face. Au delà de l'om- bilic, les deux êtres se séparent définitivement, complètement.

Ainsi, ces monstres possèdent : une tête commune, deux colonnes rachidiennes opposées, et deux systèmes sternaux opposés aussi l'un à l'autre, mais formés chacun par le concours des deux individus compo- sants qui, du reste, sont complètement égaux. Il y a donc huit mem- bres, quatre thoraciques et quatre abdominaux, normalement constitués.

Seulement, le mode d'union des deux êtres n'est pas exactement le même des deux côtés. En effet, le côté par lequel ils étaient en con- tact avec le vitellus est beaucoup plus développé que l'autre, de telle sorte que les membres abdominaux sont plus écartés, les membres tho- raciques plus élevés, la paroi pectorale plus large de ce côté que de l'autre, les membres thoraciques et les membres abdominaux ar- rivent à se toucher sur la ligne médiane. La tète et la face unique re- gardent du côté le double embryon reposait sur la masse vitelline, côté que j'appellerai antérieur.

Cette description, on le voit, s'accorde avec celle qu'a donnée Is. Geofîroy-Saint-IIilaire dès mammifères déradelphes et avec celle de M. Davaine. Je n'entrerai donc point dans les détails ostéologiques, me contentant de signaler l'atrophie de la voûte du crâne, et la séparation des deux trous occipitaux qui existe chez les deux monstres que j'ai entre les mains.

J'indiquerai maintenant, autant qu'il me sera possible, les particula- rités que présentent les différents systèmes viscéraux.

Une trachée unique qui descend dans l'intervalle antérieur des deux cols, communique avec quatre poumons, sans que j'aie pu voir comment se faisait la séparation des bronches.

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Le cœur, unique aussi, un peu plus gros que dans létat normal, et situc^ derrière le sternum antérieur, à sa place habituelle, est composé de quatre cavités, et des deux ventricules partent une seule aorte et ime seule artère pulmonaire, vaisseaux dont je n'ai pu suivre le mode de distribution. Le sang des parties supérieures est rapporté par trois veines jugulaires, dont une descend entre les deux cols, et les deux autres sur leurs côtés.

Le canal digestif est composé : d'un œsophage, d'un jabot, d'un ven- tricule succenturié, d'un gésier, d'un duodénum et de deux intestins grêles, suivis de gros intestins et aboutissant par deux cloaques à deux anus symétriquement placés à l'extrémité de chaque racliis. La trace de la soudure commence à se manifester au gésier, dont la cavité pré- sente deux loges bien nettement accusées tant à l'intérieur qu'à l'exté- rieur. Le duodénum redevient unique.

11 eût été fort intéressant de savoir commençait la séparation des intestins, et surtout comment le vitellus unique sur lequel s'étaient développés les deux embryons communiquait avec leur système intes- tinal. Malheureusement l'état des pièces ne m'a pas permis de faire cette constatation.

Le foie, unique aussi et composé de deux lobes avec une seule vési- cule du fiel, se trouve à la partie antérieure, enveloppé par la masse vitelline. Je n'ai pu voir le pancréas; les rates m'ont paru séparées.

Le cerveau, endommagé par suite de l'atrophie de la voûte du crâne qui le laissait sans protection, n'a pu être suffisamment étudié. J'y ai constaté la présence de deux moelles allongées, surmontées de deux cervelets probablement unis sur la ligne médiane; il n'y a qu'un chias- ma ; les deux yeux sont égaux et ne présentent rien de particulier, non plus que le reste de la face.

La déformation du crâne mérite quelques détails ; les frontaux, les pariétaux, les occipitaux supérieurs manquent. Chez l'un des deux monstres, les forces cérébelleuses sont bien séparées; chez l'autre, elles se confondent, et le sphénoïde faisant en haut une saillie très-aiguë, détermine une sorte de toit incliné en arrière, au bas duquel s'ouvrent, assez rapprochés l'un de l'autre, les deux trous occipitaux.

En terminant, j'appellerai l'attention sur deux points :

Le vitellus était certainement unique, comme dans le cas de Kaest- ner. La constatation de ce fait si important pour la théorie n'avait pu être faite ni par M. Davaine ni par M. Dareste.

L'atrophie de la voûte du crâne qui existait chez les deux monstres qu^jai étudiés, a été signalée par M. Davaine, par M. Dareste dans un des cas observés par lui, et par Kaestner. Il y a un nouvel exemple

26 de cette coexistence découverte par Et. Geoffroy-Saint-Hilaire entre des monstruosités qui ne paraissent avoir du reste aucun autre rapport.

IV, Pathologie.

REcnERcnES sur les modific.\tions imprimées par l'âge aux vaisseaux et

A LA CIRCULATION CAPILLAIRES DE l'eNCÉPHALE, ET SI5ÎULTANÉME.NT A LA STRUCTURE DU TISSU PROPRE DE CET ORGANE. Du ROLE DE CES MODIFICA- TIONS DANS LA PATHOGÉNIE DES MALADIES CÉRÉBRALES, ET PARTICULIÈREMENT DANS LA MALADIE DITE RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL CHEZ LE VIEILLARD j par

M. J. V. Laborde.

Parmi les résultats des recherches histologiques appliquées à l'étude des lésions du tissu cérébral, un des plus remarquables, sans contredit, est la démonstration aujourd'hui irrécusable d'une altération impliquant particulièrement les organes de la circulation capillaire. A Bennet, Paget, Virchow, Robin, revient surtout le mérite d'avoir appelé l'atten- tion sur ce point.

Adonné depuis plusieurs années à l'étude spéciale et constante de ce sujet, nous croyons être parvenu à une détermination plus complète que celle qui en a été faite des altérations des vaisseaux capillaires du cerveau, nous étant appliqué surtout à saisir ces altérations aux diverses périodes et jusqu'aux premières phases de leur évolution. Du travail se trouvent consignés ces recherches et qui a jusqu'ici rester inédit, nous nous contenterons d'extraire les résultats généraux suivants rela- tifs auxdites altérations, le simple énoncé de ces résultats devant suf- fire, d'ailleurs, au but que nous nous proposons dans cette communi- cation.

Dans le travail morbide très-complexe qui constitue la maladie ap- pelée ramollissement du cerveau chez le vieillard, laquelle a surtout servi de type à nos investigations, l'implication d'ailleurs essentielle des vaisseaux capillaires peut être ramenée, dans ses expressions patho- logiques, aux quatre degrés suivants qui représentent assez fidèlement la marche du processus morbide :

Les premières modifications saisissables dans l'état des capillaires cérébraux sont exprimées par de simples déformations de ces derniers. Ces déformations consistent essentiellement dans des dilatations paj^- ticU.cs , tantôt n'impliquant qu'une portion de la paroi vasculaire de façon à donner lieu à une petite vacuole pariétale, d'autres fois impli- quant tout le calibre du vaisseau et constituant alors de véritables am- poules. Ces dilatations ampulliformes, qui se répètent dans une étendue plus ou moins considérable du capillaire impliqué, lui confèrent un aspect qui ne saurait mieux être comparé qu'à celui d'un petit chapelet:

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c'est pourquoi nous appliquons ù cette modification et à la forme qui la caractérise la désignation (ïétat moniUforme des vaisseaux capillaires du cerveau. C'est là, nous le répétons, coramo le premier terme saisis- sable dans une modification de leur structure, le premier du moins au- quel l'observation la plus attentive nous ait permis de remonter.

2" Dans un deuxième degré, qui constitue évidemment une période plus avancée du processus morbide, ce ne sont plus seulement des dilatations partielles ou l'état moniliforme que l'on observe, mais des distensions totales et portant sur une plus grande étendue du vaisseau ; en même temps commence à apparaître et à se dessiner une altération de sa paroi, consistant dans un dépôt sur celle-ci d'un certain nombre de granulations moléculaires soit opaques, soit transparentes, lesquelles, encore très-discrètes sur certains points , tendent à se condenser et à s'accumuler sur d'autres. Il en est déjà la paroi propre du vaisseau ne s'aperçoit plus distinctement. Nous verrons bientôt que, quoique étant le prélude d'altérations très-graves et constituant même une véri- table imminence morbide pour l'organe central de l'innervation, cet état des capillaires peut, jusqu'à un certain point, être compatible avec l'état physiologique.

Quoi qu'il en soit, à une période plus avancée, le travail morbide dont les vaisseaux capillaires sont le siège a pris des proportions plus considérables en intensité et en étendue. Ces vaisseaux ont perdu en quelque sorte toute forme primitive et normale, et leur calibre est sur- tout singulièrement modifié. Ils ont éprouvé en effet des dilatations énormes et ont pris une forme et un aspect qui rappelle assez bien celui des sangsues gorgées de sang. De plus, et à ce degré surtout de l'altération, l'implication de la paroi vasculaire est telle que l'on ne trouve presque plus trace de ses éléments anatomiques. A leur place se voient accumulées une plus ou moins grande quantité de granulations moléculaires soit opaques, soit transparentes. Ces éléments histologiques morbides apparaissent non-seulement et principalement sur le trajet pariétal des capillaires, lequel a en quelque sorte disparu sous eux, mais encore ils envahissent, en plus ou moins grande abondance, la lu- mière du vaisseau, ils se mêlent à des cumulus stagnants de la ma- tière colorante du sang ou à quelques globules sanguins persistants. Les dépôts formés par cette matière, dont l'élément adipeux constitue le fond (dégénérescence athéromateuse), mais qui renferme aussi très- souvent, surtout à une des périodes avancées du processus morbide, des éléments calcaires, ces dépôts, dis-je, offrent, dans certains cas, une étendue et une épaisseur remarquables. Il en résulte des obstructions complètes et, dans un très-large rayon, non-seulement des troncs capil- laires principaux, mais encore des branches secondaires.

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4" C'est dans ces circonstances que se manifestent les degrés ultimes et, en quelque sorte, le summum des altérations vasculaires, consé- quences immédiates de l'état qui précède; altérations exprimées par des ruptures soit partielles, soit totales des parois des vaisseaux. De ceux-ci l'on ne trouve plus, dans le champ du travail pathologique dès lors confirmé, que des tronçons et comme des squelettes épars, à peine reconnaissables. Ils ne tardent même pas à disparaître complètement, en même temps que les autres éléments de la structure normale de la par- tie impliquée, sous l'influence de la désorganisation totale à laquelle aboutit, en dernière analyse, le processus morbide (1).

Telles sont, d'une manière générale et sommaire, les altérations des vaisseaux capillaires cérébraux, étudiés dans leurs phases successives. Les capillaires de la substance blanche et de la substance grise peuvent en être indifféremment le siège; mais elles affectent, avec une fré- quence incomparablement plus grande, les vaisseaux de la substance grise, et particulièrement ceux de la couche corticale des circonvolu- tions. Viennent ensuite, dans Tordre de fréquence et de l'intensité d'im- plication, les vaisseaux capillaires des couches optiques, des corps striés, des pédoncules et de la protubérance, etc.

Frappé de la constance de ces altérations dans deux maladies du cer- veau, qu'elles constituent d'ailleurs presque essentiellement, l'apoplexie capillaire et le ramollissement cérébraux, chez le vieillard, nous nous sommes demandé si, en raison même de cette constance, elles ne joue- raient pas un rôle capital dans la pathogénic de ces aff'ections, et alors se présentaient à l'esprit les questions suivantes : Ces altérations sont- elles primitives et antérieures aux déterminations morbides qui consti- tuent la maladie confirmée? Sont-elles ou non intimement liées aux progrès de l'âge? Et si oui, à quelle époque de la vie de l'individu est-il possible d'en rencontrer les premiers vestiges?

La solution d'un pareil problème n'impliquait rien moins qu'une étude complète, à l'état physiologique, des organes de la circulation capil- laire encéphalique aux divers âges, et des modifications, s'il en existe,

(1) Nous passons ici volontairement sous silence, et les altérations simultanées des éléments de la substance nerveuse, et les modifications éprouvées par le liquide sanguin en circulation, consécutivement aux altérations des vases qui le contiennent. Quelque intéressante que soit cette étude, et pour aussi intimement qu'elle se lie à celle dont nous venons de présenter un résumé rapide, elle n'a rien d'aff'érent au but que nous nous proposons aujourd'hui. C'est pourquoi nous le réservons pour une communication subséquente.

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qu'ils sont appolôs à subir depuis la première enfance jusqu'à Textrémo vieillesse. Quelque vaste cl ardue que fût cette étude, nous l'avons en- treprise et poursuivie depuis plus de quatre ans. Déjà, deux années consécutives passées à Bicètre nous avaient fourni les éléments plus que suffisants d'une solution en ce qui concerne l'âge sénile ; mais il nous restait à observer, au même point de vue, l'âge adulte et le jeune âge; or une année à l'hôpital de la Charité, une autre à l'hôpital des Enfants malades, nous ont permis do compléter ces recherches. N'ayant laissé échapper aucune occasion qui nous était offerte d'examiner, au point de vue dont il s'agit, tout cerveau réputé sain (1), nous croyons avoir réa- lisé un nombre suffisant d'observations pour pouvoir garantir l'authen- ticité des résultats auxquels elles nous ont conduit, résultats que nous avons essayé de condenser dans les propositions générales suivantes ;

A. Depuis la naissance jusqu'à l'âge de 45 ans, en moyenne les vais- seaux capillaires de la substance encéphalique ne présentent point, à l'état physiologique, de modification appréciable dans leur structure.

Toutefois, chez les très-jeunes enfants, on rencontre souvent un état des capillaires qui, comparativement, pourrait en imposer pour un état anormal ou morbide : ce sont d'abord des dilatations partielles qui donnent à leur calibre un aspect inégal, et ainsi que nous l'avons dit vwniliforme ; et en second lieu, le dépôt sur leurs parois de granula- tions moléculaires transparentes en nombre plus ou moins considérable, mais habituellement disséminées, et ne formant point des accumulations capables de dissimuler complètement la paroi du vaisseau. Cet état se rencontre presque exclusivement dans les capillaires de la substance grise, partant de premier ordre, chez lequel, d'ailleurs, il est facile de constater un volume plus considérable qu'aux autres âges des noyaux tapissant la paroi vasculaire. Mais ces modifications ne se retrouvent plus à un âge plus avancé, et, par exemple, à partir de l'âge de 3 à 4 ans. Aussi pensons-nous que ce n'est qu'un état passager et transitoire, se rattachant probablement à l'une des périodes du développement or- ganique de l'enfance.

B. A partir de l'âge de 55 ans, en moyenne, et surtout de l'âge de 60 ans, les vaisseaux capillaires du cerveau présentent une ou plusieurs des modifications structurales anormales énumérées plus haut; ce sont

(i) L'examen histologiqiio des organes de la circulation capillaire a été fait par nous, sur 2*20 cerveaux, répartis comme il suit :

100 de l'âge de 55 à 100 ans.

60 de quelques jours à. . . 15 ans. 60 de 15 à 55 ane.

30 les deux premières, étal monilîfonnc et commencement d'infiltration granuleuse et graisseuse, qui prédominent dans ces circonstances. D'une manière générale, nous avons constaté un degré d'autant plus avancé de ces altérations que Tru^o lui-rnême était plus avancé. Nous n'avons jamais rencontré dans ces conditions de ruptures vasculaires, cette lésion caractérisant, d'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit, l'une des phases de la maladie confirmée (hémorrhagie ou ramollissement). Cependant il s'est fait, dans quelques cas, soit sur les parois des vais- seaux, soit dans leur intérieur, une accumulation d'éléments morbide? suffisants pour qu'il en résulte des obstructions partielles et plus ou moins complètes de leur lumière. Alors la gêne de la circulation locale se traduit souvent par la présence de lacis vasculaires circonvoisins sortant du type normal, et que l'on ne peut guère se défendre d'attri- buer à des efforts de circulation supplémentaire.

Quoi qu'il en soit, c'est à peine si sur une centaine de cas apparte- nant à l'âge de 55 ans et au-dessus, trois ou quatre ont été rencontrés qui n'aient pas offert au moins la première des modifications susdécrites {état moniliforrac).

C. Ces modifications peuvent se rencontrer dans les vaisseaux capil- laires de toutes les parties de la substance encéphalique; mais elles af- fectent plus particulièrement ceux des corps striés et des couches op- tiques, et ont une prédilection plus marquée encore pour les capillaires de la couche corticale des circonvolutions.

D.Ces modifications, quoique moins accentuées et surtout moins géné- ralisées, se rencontrent néanmoins dans la période d'âge de 40 à 55 ans, mais ce n'est que très-exceptionnellement, et c'est une particularité d'autant plus remarquable que la dégénérescence athéromateuse et calcaire des gros troncs artériels, particulièrement de l'aorte et même des artères de la base de l'encéphale, s'observent surtout chez les sujets compris dans cette période d'âge. Nous avons noté, par contre, que la complication habituelle des capillaires cérébraux à partir de l'âge de 60 ans, ne coïncidait pas, de toute nécessité, avec celle des gros troncs artériels ; d'où il semble résulter que les organes de la circulation capillaire ont leurs altérations propres, une manière d'être pathologique en quelque sorte indépendante.

E. En même temps que ces modifications lentes et progressives s'ac- complissent, pour ainsi dire, en raison directe de l'âge dans les organes de la circulation capillaire, le tissu nerveux proprement dit offre aussi sa part de modification constatable dans sa structure; nous ne ferons que les mentionner ici. Elles se résument d'ailleurs dans ce fait capital : à savoir que les éléments primitifs de la substance nerveuse (cellules et tubes, et swviowi cellules de la substance grise corticale) présentent

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une raréfadion relative remarquable, cl cela justement dans laspliore des altérations des vaisseaux capillaires. 11 nest guère douteux pour nous que cette raréfaction commençante ne soit le prélude de Tétat dé- crit chez le vieillard sous le nom d'atrophie cérébrale, soit partielle, soit généralisée, état dont les conditions pathogéniques sembleraient, en conséquence, se rapprocher singulièrement de celles du ramollisse- ment cérébral lui-même.

Parmi les conclusions à tirer des résultats précédents, il en est deux principales qui en découlent si naturellement qu'il est à peine besoin de les formuler :

Les modifications dont il s'agit, quoique com.patiblcs avec l'état physiologique, ou tout au moins avec l'absence de phénomènes patho- logiques saisissables, constituent cependant, par l'organe qui en est le siège, une imminence morbide permanente.

2' Cette imminence, passée à l'état de détermination morbide confir- mée, se rattache plus spécialement aux deux maladies suivantes, dans lesquelles les altérations dont il vient d'être question firent jouer un rôle capital : le ramollissement et l'apoplexie capillaire. Par se trouve singulièrement éclairée la pathogénie de ces affections et confirmée leur liaison intime.

Enfin un autre fait important, dont nous espérons pouvoir établir bientôt plus amplement la réalité, a sa source dans les résultats qui précèdent, c'est que certains troubles intellectuels plus ou moins passagers, et qui constituent chez le vieillard comme le point de dé- part de la démence dite sénile, trouvent tout naturellement leur raison d'être dans les modifications progressives dont les organes de la circu- lation capillaire et simultanément les éléments anatomiques de la sub- stance de la couche corticale des circonvolutions cérébralessont le siège.

Accidents scnoFtLELX multiples ; lupus térébrakt de la face ;

ALBU51INURIE ; DÉGÉNÉRATIOX AMYLOÏDE DU FOIE ET DES REINS ; par M. CoLNiL.

La nommée Lacour (Élisa) était entrée à l'hospice de la Salpôtrière à l'âge de 12 ans, le 22 octobre 1845. Sur le registre des admissions, la note écrite par le médecin constatait que depuis l'âge de 6 ans son in- telligence avait semblé ne plus faire de progrès, qu'elle était presque complètement sourde, et n'articulait que des sons inintelligibles.

Il y a dix ans, en 1852, a débuté un lupus qui a détruit depuis toute la portion moyenne de la face par un petit bouton rouge croûteux à la base du nez du côté gauche. Cette jeune fille s'occupait dans sa division à des travaux grossiers, et elle était relativement inintelligente. Elle ne

32 parlait pas, mais les sons qu'elle prononçait avaient une signification in- telligible pour les personnes qui vivaient avec elle. Depuis 1856, les progrès de son lupus l'ont forcée à faire de longs séjours à plusieurs re- prises à rinfirmerie des incurables. C'est à sa dernière entrée à l'infir- merie, le 16 janvier 1863, que nous avons pu l'observer. Elle était alors dans l'état suivant :

Face. Le nez, la cloison, les os propres, la voûte palatine ont complè- tement disparu, et sont remplacés par une vaste ouverture au fond de laquelle on voit le pharynx. Cette cavité est limitée latéralement par les joues, inférieurement par la portion inférieure de la lèvre supérieure et l'arcade dentaire supérieure, en haut, par le plancher des orbites. Du côté droit, le rebord inférieur et interne de l'orbite est détruit, et le globe de l'œil est porté en dedans. La paupière inférieure n'existe plus et la conjonctive bulbaire est ulcérée. La cornée est elle-même ulcé- rée dans toute sa moitié inférieure,

Le plancher de cette vaste excavation est formé par la langue et la muqueuse buccale.

Sur le front, à la partie médiane, existent des cicatrices irrégulières, et un tubercule ulcéré et croûteux.

Sur le cou, on observe des cicatrices blanches, profondes, irrégulières qui paraissent résulter de la fonte de ganglions lymphatiques.

Le coude gauche forme une tumeur assez considérable, sans traces de fistules purulentes. L'articulation du coude ne jouit d'aucun mouve- ment.

Amaigrissement extrême du sujet.

Difficulté de la respiration qui donne lieu à un bruit de soufflet aux deux temps. Ce bruit, qu'on entend dans la poitrine, à l'auscultation, masque complètement les bruits normaux ou anormaux, en sorte que cet examen est complètement négatif.

L'urine est très-claire, décolorée et liquide ; elle ne donne aucun sé- diment visible à l'œil nu. L'acide nitrique et la chaleur y démontrent l'existence de l'albumine ; celle-ci forme un nuage très-apparent, mais moins considérable cependant que dans une maladie do Bright. Exami- née au microscope, elle contient des tubes hyalins qui renferment eux- mêmes des cellules épithéliales, celles-ci ne sont pas très nombreuses ; et les tubes sont étroits.

Pas d'hydropisie, diarrhée continuelle. L'état cachectique de la ma- lade fit des progrès rapides, et elle succomba le 5 février à dix heures du matin.

Auopsie, faite le 6, à onze heures du matin.

Le cœur et le péricarde sont sains. La plèvre gauche présente un demi-verre environ de sérosité louche dans laquelle nagent des flocons

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fibreux. La plévie pariétale et pulmonaire [irésente des concrétions fibrineuscs molles, non organisées, et des granulations tuberculeuses transparentes ou opaques disséminées et peu nombreuses.

Le poumon gauche offre à son sommet plusieurs excavations de dif- férent volume; autour d'elles, pneumonie tuberculeuse à différentes pé- riodes.

Le poumon droit renferme aussi à son sommet plusieurs cavernes.

Bronches pleines de liquide purulent et aéré. Ulcération de l'épiglotte à son bord supérieur, qui a mis à nu le cartilage. Ulcération de la sur- face d'une pièce de 20 sous au-dessous des cordes vocales inférieures.

Le foie dépasse de la largeur de la main le rebord inférieur des car- tilages costaux à leur partie interne; il occupe la région épigastrique et hypocondriaque gauche; son poids est de 2 kil. 30 gr.; sa surface est granuleuse; sur celLo surface on voit les points anémiés cireux; sur la coupe, on reconnaît aussi des îlots de matière opaline, un peu transpa- rente, comme la cire vierge. Ces parties prennent une coloration brun foncé par la solution aqueuse d'iode.

La rate est très-grosse et pesante; son diamètre longitudinal est de 15 centimètres; la surface de sa coupe est résistante, sans qu'on voie à l'œil nu des points cireux ; son poids est de 448 grammes.

Les reins sont petits; leur capsule se détache facilement; leur surface est granuleuse et mamelonnée; leur couleur est d'un jaune brun qui offre une certaine ressemblance avec la couleur transparente de l'ambre jaune. Sur cette surface, aussi bien que sur la coupe, on peut recon- naître que les glomérules de Malpighi sont gros, brillants, réfringents et saillants. En versant de la solution d'iode sur la surface de coupe, les glomérules et les artérioles se colorent en brun foncé.

Ulcérations tuberculeuses de l'intestin, arthrite fongueuse du coude gauche.

Examen microscopique du foie et du rein. Sur des coupes minces du foie, lavées et traitées par l'iode, il était assez difficile au premier abord de préciser les points envahis, surtout parce que l'altération amyloïde était tellement avancée qu'il existait des pla({ues irrégulières de la largeur de 2 à 3 millimètres, complètement envahies; mais dans les points moins malades on voyait, à un grossissement de 20 décimètres, soit des anneaux bruns de matière amyloïde placés autour de la coupe transversale des vaisseaux extralobulaires, soit le dessin de ces mêmes vaisseaux se ramifiant de la périphérie au centre des lobules. Les parois de ces vaisseaux étaient elles-mêmes épaissies et colorées. Quant à la (luestion de savoir si ces ramifications vasculaires appartenaient à la veine porte ou à l'artère hépatique, c'est ce (jue mes préparations ne mont pas permis de résoudre. Dans les parties plus altérées, la veine C. B. 3

M

centrale des lobules était entourée par un anneau de cellules hépatiques envahies par la dégénération amyloïde et des grossissements plus élevés, de 300 à 400 diamètres; les cellules du foie qui le coloraient en brun présentaient une réfringence spéciale; elles étaient grosses, dilatées et brillantes. Les autres cellules hépatiques avaient subi la dégéné- rescence graisseuse; il n'y avait pas dans leur intérieur de pigment bi- liaire.

Le rein examiné dans sa partie corticale sur des coupes minces mon- trait, à 80 diamètres, les corpuscules de Malpighi très-saillants et réfringents. Après les avoir colorés par une solution aqueuse diluée diode, on pouvait parfaitement suivre l'altération dans les artérioles af- férentes et constituantes des glomeruli. Quant aux tubes urinifères de la substance corticale, ils étaient petits, leur capsule propre était en certains points le siège de l'altération. Les cellules épithélialcs étaient peu nombreuses et remplies de fines granulations. Le tissu cellulaire du rein m'a paru plus épais qu'à l'état normal, réfringent et coloré presque partout i)ar l'iode.

Note sur le pied endémique de Madura; par M. le professeur Robin.

J'ai riionneur de présenter à la Société, au nom de M. Colas, un cas de dégénération endémique du pied. Cette aft'ection, connue depuis vingt ans sous les noms de morbus tuberculosus^ ulcus grave, pied de Madiira, podcikoma (1), est considérée par quelques auteurs comme scrofuleuse. Elle est constituée par la pénétration de fongus végétaux dans les tissus.

Le pied malade acquiert une forme globuleuse : le siège principal de l'altération paraît être dans les os qui se creusent d'une multitude de petites cavités, offrant dos grumeaux libres, qui finissent par séchap- \)or à travers des orifices fistuleux. Ils sont constitués par des cellules épithéliales prismatiques dont la plupart manquent de noyaux; leur texture est cristalline.

Une suppuration séreuse s'établit sur chacun des trajets fistuleux, et les malades succombent à l'épuisement ou à la gangrène, lorsqu'on n'a pas eu recours k l'amputation.

Dans tous les cas que possède actuellement la science, l'altération était limitée à un seul pied.

(1) Carter, in Transactions of Médical Society of Bombay, 1860.

CaNCROÏDE de la portion vaginale bU COL UTÉRIN ET DU VAGIN , ALTÉRA- TION CONSÉCUTIVE DE MÊME NATURE DES NERFS SCIATIQUE ET CRURAL DU COTÉ

gauche; par M. V. Cornil.

La nommée Laubin, âgée de 48 ans, entre à la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot, le 23 septembre 1862, au n* 1 de la salle Saint- Luc.

L'affection utérine paraissait remontera cinq ans, et s'était manifestée par des métrorrhagies abondantes, de la leucorrhée et des douleurs ab- dominales qui avaient forcé la malade à faire dans les hôpitaux de nom- breux séjours, notamment à la Salpêtrière, elle était restée quatre mois en 1861.

Le 23 septembre 1862, au moment de son retour à la Salpêtrière, elle présentait depuis trois mois, comme symptôme prédominant, un œdème dur du membre inférieur gauche qui était le siège de très-vives douleurs. Ces douleurs avaient débuté par le gros orteil, puis s'étaient fait sentir au mollet et à la cuisse, et à la flexion fessière, et avaient précédé l'œdème de cinq semaines. Elles n'étaient pas continues au début et revenaient par accès; elles étaient assez fortes pour arracher des cris à la malade. Celle-ci les comparait à des pincements. A ce pre- mier examen on ne put constater ni anesthésie ni analgésie. La tempé- rature du membre affecté était plus élevée que celle du membre sain. La douleur suivait sur la jambe le trajet du nerf saphène externe.

On ordonna d'abord du sulfate de quinine, puis plusieurs vésicaloires sur le pied, le tout sans résultat. La violence des douleurs engagea^ M. Charcot à montrer la malade à M. Broca, qui hésita sur la nature de la maladie.

En janvier 1863, la malade était dans un état de cachexie très-avancé; le membre inférieur gauche était œdémateux depuis l'épine iliaque jus- qu'à l'extrémité inférieure. La cuisse était fléchie sur le bassin, la jambe sur la cuisse à angle obtus, le pied fortement étendu, et les or- teils fléchis sur le pied ; l'œdème n'était pas très-considérable, la peau tendue se laissait difficilemement déprimer par le bout du doigt et en gardait longtemps l'empreinte. Les ganglions inguinaux étaient tumé- fiés, du volume de petites noisettes des deux côtés, et la pression n'y était douloureuse qu'à gauche. Douleurs spontanées continues avec des exacerbations dans tout le membre, augmentées par la pression. La peau est sensible, et la motilité est conservée bien que restreinte. La température est la même qu'à droite.

îlort le 5 février 1863.

Autopsie faite le 7 février. Pelvi-péritonile purulente limitée à la par-

36 tie supérieure par des adhérences entre IS iliaque, le reclum et l'uté- rus.

En disséquant la peau de la cuisse gauche, le tissu cellulaire est in- filtré de sérosité et de points purulents. Ces foyers purulents se trouvent surtout au voisinage des glandes inguinales qui sont elles- mêmes grosses, dures et blanches sur une coupe. L'aponévrose crurale mise à nu laisse voir par transparence sur toute la partie antérieure de la cuisse une nappe séro-purulente. La gaîne des vaisseaux et nerfs cruraux est le siège principal du phlegmon, ils baignent au milieu du pus qui remonte en suivant le trajet de leur tissu cellulaire ambiant dans la fosse iliaque et au milieu du psoas jusqu'à ses attaches supé- rieures. Le nerf crural est aussi isolé et disséqué dans toute son éten- due; mais à sa partie supérieure, dans son trajet au milieu du psoas, il présente un renflement fusiforme qui double son volume. Cette diffé- rence est très-manifeste si on le compare avec celui du côté opposé.

Le muscle psoas à ce niveau offre une dégénération de ses fibres mus- culaires qui forment des masses dures, blanches, opaques, d'où suinte sur une coupe un liquide caséeux. Mais le nerf n'est réuni en aucun point avec le muscle.

En faisant une coupe transversale du nerf au point malade, on voit en pressant qu'il sort des gouttelettes caséeuses de lacunes ayant envi- ron 1 millimètre de diamètre.

La veine crurale est oblitérée depuis son origine jusqu'à sa terminai- son par un caillot brun adhérent à ses parois.

L'artère saine.

En décollant le péritoine qui tapisse à gauche le petit hassin, on voit que le tissu cellulaire en est infiltré et dur. On enlève ainsi les nerfs sacrés et le lombo-sacré qui se trouvent entourés d'un tissu dégénéré auquel ils adhèrent. Ces nerfs offrent eux-mêmes la même altération que le crural. Le sciatique gauche dans environ 2 centimètres à partir de sa sortie du bassin, est également très-gros, dur et dégénéré.

Les altérations du tissu cellulaire du psoas et des ganglions sont dans la fosse iliaque droite analogues, mais à un moindre degré que celles du côté gauche, sans que les nerfs y participent. Un assez grand nombre de ganglions lymphatiques sont gros, durs et blanc à la coupe, quelques-uns sont réduits à un coque fibreuse qui renferme un liquide blanc épais caséeux. Ce liquide, aussi bien que celui qui suinte des tissus cellulaire et nerveux altérés, offre de grandes cellules épithéliales avec des noyaux assez volumineux et des granulations graisseuses sous forme de corpuscules granuleux.

La moelle était saine.

Le col utérin était détruit dan* la portion vaginale et se terininaii

37 par une ulcération couverte ainsi que le vagin ulcéré par de petite? saillies rouges visibles à Tœil nu. Le tissu utérin présentait sur une coupe des alvéoles de 1/2 à 1 ou 1 1/2 millimètre remplies de liquide caséenx.

Ces espaces présentaient sur leurs parois les mômes végétations ar- borescentes et le môme aspect au microscope que les nerfs.

Examen microscopique des nerfs. Au-dessous de leurs productions nouvelles, les nerfs sont méconnaissables à l'examen microscopique. On ne peut distinguer ni double contour ni cylinder axis. On a un tissu fibrillaire dans lequel se trouvent des granulations fines et des cor- puscules granuleux de Gluge.

Après les avoir fait durcir dans l'acide chromique, on voyait sur des coupes fines à un faible grossissement dans la place que devaient nor- malement occuper les faisceaux primitifs, de grandes cavités de 1/10 à 2 millimètres remplies de cellules, ou présentant des végétations vil- leuses. Dans ce dernier cas, les productions villeuses allongées et ra- meuses, partaient de la paroi de la cavité qui leur servait de point d'im- plantation. Le centre de la cavité était libre.

Les tubes nerveux avaient été refoulés dans un point périphérique, et offraient une apparence irrégulière, contenant au milieu d'eux de gros corpuscules granuleux. A de plus forts grossissements de 200 à 600 diamètres, ou pouvait facilement étudier les produits de formation nouvelle.

Les cellules contenues dans les espaces mentionnés étaient pavimen- teuses ou planiformes, allongées, à deux ou trois prolongements. Leur diamètre variait entre 0,0165-0,0264 de longueur. Elles contenaient un ou plusieurs noyaux de 0,0095 de longueur sur 0,0066 de largeur. Lus prolongements rameux implantés sur la paroi des cavités étaient recou- verts d'épitliélium planiforme. Ils étaient minces, à structure fibrillairo ou hyaline, présentaient des noyaux allongés de distance en distance, et terminés par de petits renfl.ements très-nombreux, en forme fie massue.

Ces renflements terminaux eux-mêmes, étaient creusés d'une petite cavité dont la paroi offrait un double contour très-net. Dans cette ca- vité se trouvaient des cellules et des noyaux au nombre de 2-12. Quel- ques-unes de ces cavités possédaient un contenu granuleux.

Les rameaux de ces végétations mesuraient en largeur de 0""",008 àû"',010.

Les renflements terminaux avaient un diamètre de 0,026 à 0,040. Les cellules nucléolées renfermées dans leur intérieur affectaient une forme concentrique.

V, —-Pathologie coMPARKii. Note sur m calcul rénal du cheval; par M. le professeur Raveb.

Les calculs rénaux ne sont pas très-rares chez le cheval. M. Verhe^'cn en a indiqué la composition, d'après les analyses qui en ont été faites. Il résulte de ces analyses que ces calculs sont principalement composés de carbonate de chaux, dans la proportion de 38 à 88 p. 100, de carbo- nate de magnésie, d'oxalate de chaux et de phosphate de chaux.

M. Verheyen a cru devoir classer les calculs rénaux du cheval en six groupes établis surtout d'après la forme et la couleur de ces calculs. Mais il me semble que c'est d'après leur composition chimique qu'il convient, selon la nature et la proportion des éléments des calculs, d'établir entre eux un petit nombre de sous-divisions.

Je prierai un de nos collègues de faire l'analyse de quelques parties du calcul que je présente à la Société, afin d'en déterminer la composi- tion.

Je dis « de quelques parties » parce qu'il n'existe pas de semblables calculs dans le musée Dupuytren, je déposerai celui-là, après qu'il aura subi la réduction nécessaire à l'analyse.

Je m'informerai auprès de nos collègues attachés à l'École d'Alfort du nombre des calculs rénaux du cheval qui existent dans la collection de cette École.

Je n'ajouterai plus qu'un mot, à savoir que la présence du carbonate de chaux comme élément principal dans les calculs rénaux du cheval n'a rien qui doive étonner; car on sait que le cheval, comme les autres herbivores, se nourrit de plantes qui contiennent divers sels calcaires à acides organiques (oxalique, citrique, etc.), qui dans l'acte de la respi- ration sont brûlés et transformés en acide carbonique. D'un autre côté, on sait que le carbonate de chaux est très-rare dans les calculs des car- nivores et même des omnivores, comme l'homme.

Note sur quelques pièces pathologiques recueillies chez des oiseaux ; par M. le professeur Rayer.

MM. Gallois et Gillet de Grammont ont rassemblé quelques pièces de pathologie sur des oiseaux dans leurs laboratoires :

Le cœur d'un canard milouin. Cet organe est complètement enve- loppé par une fausse membrane, d'un demi-millimètre d'épaisseur, plus adhérente au feuillet viscéral qu'au feuillet pariétal du péricarde, qui a pu être facilement détaché.

Un corps ovoïde trouvé libre de toute adhérence dans la cavité

39

péritonéale d'une poule cochinchinoise. Ce corps, qui est déprimé en un point par le gésier qui reposait sur lui, offre tout à fait l'aspect d'un œuf tombé dans la cavité abdominale avant de s'être revêtu de son en- veloppe crétacée. Le contenu est épais, grisâtre et homogène. Le mi- croscope y fait reconnaître quelques rares globules de graisse.

Le foie, la rate, le poumon droit d'une poule cochinchinoise. Ces organes offrent des tumeurs blanchâtres granuleuses qui semblent être constituées par de la matière tuberculeuse. A ces pièces on a join t deux ganglions lymphatiques du cou augmentés de volume et tubercu- leux.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

r r

LA SOCIETE DE BIOLOGIE

pendant le mois de mars 1863; Par m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRESIDENCE DE M. RAYER.

I. Physiologie.

Note sur le temps niîcessaire au passage de quelques substances DANS l'urine; par le docteur E. Hardy.

Un grand nombre de substances, introduites dans les voies digesli- ves, sont éliminées par la sécrétion urinaire après un temps variable, les unes sans éprouver de changement de composition, les autres après avoir subi des métamorphoses plus ou moins profondes. Nulle ditliculté pour reconnaître le passage des premières; quant aux secon- des, les réactions qui se produisent au sein de l'organisme ont souvent une si complète analogie avec celles qui s'exécutent dans certaines synthèses chimir[ues, c(u'il suffît de constater l'existence des dérivés

42 pour conclure à la présence préalable des composés auxquels ils don- nent naissance. Des matières plus complexes se retrouvent de même par les modifications caractéristiques, mais moins bien connues, qu'é- prouvent quelques-uns de leurs éléments constitutifs.

Par une conséquence légitime, il devient facile de signaler l'arrivée de substances étrangères, passant du canal alimentaire dans l'urine, et de déterminer le moment exact commence leur élimination hors de l'économie. La seule précaution est de recueillir l'urine aussitôt qu'elle s'écoule sans la laisf t séjourner dans la vessie.

Déjà quelques travaux dirigés en ce sens, et à des points de vue divers, ont été publiés par Stenberger, Parmeggiani, Erichsen. Les essais que nous avons tentés ont eu particulièrement pour but de noter le temps nécessaire à quelques substances pour passer des voies digestives parmi les produits de la sécrétion urinaire.

Ces recherches ont eu lieu dans le service de M. Follin, à l'hôpital Neckcr, sur un bûcheron nommé Philippot, âgé de 34 ans, atteint d'une ectrophie de vessie; entré dans les premiers jours de décembre 1858, sorti le 11 janvier suivant, et couché salle Saint-Pierre, 25. M. Follin a eu l'extrême obligeance de nous faire connaître ce malade et de nous communiquer l'observation détaillée, dont il suffit de rapporter ici un extrait.

Les deux uretères s'ouvraient à quelques centimètres l'un de l'autre, sur la paroi de la vessie entièrement à découvert, et permettaient l'in- troduction facile de deux petites sondes. L'urine, toujours acide, s'é- coulait goutte à goutte, et pouvait être aisément recueillie. Sauf cette infirmité, la santé de ce journalier était bonne, et rien d'anormal ne pouvait troubler les résultats.

On a noté successivement le temps nécessaire pour retrouver dans l'urine l'iodure de potassium : les carbonates alcalins, le cyanoferrure de potassium, la rhubarbe, la santonine et l'infusion de séné. Ces diver- ses substances furent prises le matin et à jeun.

lodure de potassium.— On donna deux fois successivement 1 gramme d'iodure de potassium dissous dans 50 grammes d'eau.

Obs. L On a constaté la présence de ce sel dans l'urine en recon- naissant l'iode par l'acide nitrique et l'amidon.

2'^ minute. . . Pas de coloration bleue.

5' id. id.

7' id. id.

8' id. 50" Coloration bleue.

Obs. il On a répété l'expérience à l'aide du bioxyde de baryium, de l'acide chlorhydrique et de l'amidon.

43

2' minute. . Pas de coloration blau©. -'»= id. id.

7* id. id.

8* id. Coloration bleue.

On voit donc que l'iodure de potassium a été retrouvé dans l'urine de la septième à la huitième minute.

Carbonates alcalins. Obs. I. 6 grammes de bicarbonate de soude, dissous dans 50 grammes d'eau après trois minutes, ont rendu alcaline l'urine primitivement acide. Ce résultat n'a pas été entièrement concluant. De la première à la troisième minute, il y eut arrêt dans l'écoulement par les uretères.

Obs. II. Même quantité de carbonates alcalins.

2* minute. . . Urine acide. 2* id. 30" Urine alcaline.

Après deux minutes trente secondes, le papier de tournesol rougi passa nettement au bleu, et indiqua que la quantité de substances al- calines éliminées était suffisante pour saturer les éléments dacidité de l'urine, et pour permettre de déceler la présence des substances alca- lines elles-mêmes.

Cyanoferrure de potassium. Le passage du cyanoferrure de po- tassium dans l'urine ne fut constaté qu'après un intervalle de temps assez long, relativement à celui employé par les autres substances.

Obs. t. 1 gramme de cyanoferrure de potassium ne donna pas à l'u- rine acide la propriété de se colorer en bleu par le sulfate de peroxyde de fer, même après vingt minutes.

Obs. II. 3 grammes ne purent être constatés après trente minutes.

Obs. III. 10 grammes dissous dans un verre d'eau donnèrent une coloration verte au bout de vingt à vingt-deux minutes. La teinte aug- menta de plus en plus, et arriva jusqu'à un précipité bleu très-abon- dant.

Sulfate de quinine. On fit prendre 1 gramme de sulfate de qui- nine, recherché par l'iodure de potassium iodurée. L'urine ne fut exa- minée que sept minutes après l'ingestion. On constata déjà la présence d'une grande quantité de quinine dans l'urine; mais l'observation ne put être répétée.

Rhubarde. La rhubarbe contient des matières colorantes, éry- throse, acide chrysophanique, qui prennent une couleur rouge intense sous l'influence des alcalis. L'urine des malades qui ont pris ce médica- ment donne la même teinte, lorsqu'on y verse de l'ammoniaque.

44

Obs. 1 gramme de rhubarbe a ingéré dans l'estomac, et son efïet étudié de minute en minute.

13* minute. . . Pas de coloration par l'ammoniaque. 14* id. Teinte rose légère.

16' id. Teinte plus foncée.

17* id. Coloration intense.

On peut donc regarder l'acide chrysaphonique comme apparue dans l'urine de la quinzième à la seizième minute.

Sanlonme. La santonine se rencontre dans les fleurs non épanouies de diverses cn'temisia, connues sous le nom de semen-contra. Elle donne à l'urine la propriété de se colorer en rouge par l'ammoniaque.

On fit prendre une infusion de semen-contra.

15* minute. . . Pas de coloration par l'ammoniaque.

16* id. Coloration rose.

18* id. Coloration rouge intense.

Le passage a donc eu lieu de la quinzième à la dix-septième minute.

Séné. Le séné donne également à l'urine la propriété de se colorer en rouge par l'ammoniaque.

20* minute. . . Pas de coloration par l'ammoniaque.

21* id. Coloration qui augmente pendant les minutes

suivantes. 30* id. Coloration rouge qui n'augmente plus sensi-

blement.

Le séné commence donc à se retrouver à la vingtième minute.

Les expériences qui précèdent ont donc pour résultat de constater qu'il se trouve de notables différences entre les temps nécessaires au passage des diverses substances dans l'urine.

En outre, les observations du cyanoferrure de potassium amèneraient à conclure que le moment commence l'élimination par l'excrétion urinaire varierait avec la dose introduite dans les voies digestives.

Cependant, comme le passage de trop faibles quantités ne peut être décelé par les réactifs, il serait possible de supposer une autre interpré- tation, et de dire qu'en employant de fortes doses, les substances so trouvent dans l'urine après un temps plus court, moins par le fait ôc. leur élimination plus rapide hors de l'économie que par leur arrivée dans la vessie en quantité plus considérable.

Sans rien préjuger de cette interprétation, nous devons remarquer que les chiffres de nos expériences se rapportent uniquement aux dose-^ indiquées, et qu'ils pourraient être des max'una pour des poids plu? élevés, desininima pour des poids plus faibles.

il. TÉr.ATOLoi;iE.

Monstre double, bifemelle, de la famille des mosomphaliens, a unions sors et sus ombilicale, appartenant en même temps aux deux genres iscniopAGE et xYPnoPAGE DE Geoffrov-Saint-Hilaire ; par M. le doclcHir Leroux, chirurgien de l'hôpital civil de Versailles.

Les deux sujets qui composent ce monstre sont placés ventre conlro ventre, mais le thorax de celui qui est placé sur l'autre est un peu dé- jeté.latéralement, de sorte que sa tête regarde Tépaule droite de rautre. Toute la partie supérieure des deux corps jusqu'à la base du thorax est distincte et bien conformée.

Les quatre membres thoraciques ont un développement normal ; seu- lement les deux thorax semblent différer un peu quant à la longueur des parois antérieurs; celle du sujet qui est posé sur l'autre est la plus courte.

Depuis la base des thorax jusqu'aux deux bassins réunis entre eux pour former une seule cavité, les deux corps sont confondus en un seul.

Sur celui des deux sujets qui supporte l'autre, on remarque un om- bilic normal; sur l'autre, au contraire, une légère dépression en forme de cupule circulaire indique la trace d'un anneau ombilical. Du centre de cette dépression part un fdament blanchâtre et celluleux sans trace apparente d'organisation. Ces jumeaux n'avaient qu'un seul cordon om- bilical, un seul placenta et une enveloppe commune.

De même qu'il y a quatre membres thoraciques distincts , on trouve aussi quatre membres pelviens bien conformés et exactement sembla- bles. Ces quatre membres offrent cette particularité, qu'ils paraissent deux à deux rejetés latéralement, de manière que chaque paire ainsi formée se compose du membre droit d'un des composants joint au membre gauche de l'autre (disposition qu'indique Geoffroy-Saint-Hilaire dans sa description des ischiopages).

Les organes externes de la génération manquent.

Les deux sujets ont une région périnéale commune ; au centre de cette région on voit quatre tubercules symétriquement placés, deux à droite, deux à gauche; ils circonscrivent un pcrtuis qui admet facilement l'ex- trémité d'un stylet et son introduction au dedans; on reconnaît alors l'existence d'un cul-de-sac sous-cutané de 1 centimètre et demi de profondeur. A droite et à gauche de ce pertuis on voit deux dépressions irrégulières qui, du dehors elles se remarquent, se refusent au pas- sage du stylet; toutefois nous verrons que ces dépressions doivent être considérées comme les orifices de terminaison dorganeo intérieurs.

46

Ces deux monstres ont une longueur totale de 0"'45

L'ombilic normal est situé au milieu 0"'22

Sa circonférence prise sous les aisselles est de 0"29

Sa circonférence prise au niveau de l'ombilic 0"'40

11 pèse 5 kilogrammes.

Cavités Uioraciques. Elles sont indépendantes, et les quatre poumons et les dœux cœurs étant dans leur rapport ordinaire n'offrent rien de spécial à noter.

Ces deux cages tboraciques sont séparées de la cavité abdominale par un diaphragme commun; l'oxamen permet de reconnaître que ce dia- phragme nest autre chose que la réunion de deux en un seul par un centre aponévro tique commun.

Cavité abdominale. Nous y avons trouvé deux estomacs distincts, deux intestins grêles indépendants dans la plus grande partie de leur , étendue ; à une distance de O^^O de la valvule iléo-cœcale ils se réunis- sent pour former un intestin grêle unique. Suit un gros intestin commun qui se termine à la dépression gauche que nous avons mentionnée dans la description de la région périnéale.

Le foie, qui est unique, renferme les éléments de deux foies réunis en un seul, puisqu'on y constate deux vésicules biliaires parfaitement dis- tincts, et que de plus la veine ombilicale, simple dans le cordon, se divise au niveau du foie en deux branches qui se distribuent à l'or- gane.

L'examen des organes génito-urinaires présente les particularités sui- vantes :

Les vagins sont au nombre de quatre, ils sont distendus par un liquide légèrement blanchâtre et glaireux, ils communiquent tous les quatre librement ensemble par l'espace L (Voir la fig.)

On compte aussi quatre utérus. Nous reviendrons dans un instant sur la description de ces organes.

Les vessies, au nombre de deux, sont normalement développées ; elles communiquent ensemble au moyen d'un canal qui réunit leurs deux cols vésicaux.

Ce canal aa est percé de deux orifices oo' situés l'un au-dessus de l'autre ; de celui qui est en dessus o' part un conduit bb qui va se ren- dre à la dépression droite de la région périnéale; à l'autre orifice o vient aboutir un très-court canal d qui communique avec les quatre vagins.

Nous allons maintenant décrire séparément les organes sexuels de chaque sujet; ils diiî'èrent dans quelques détails de rapports.

Utérus et vagins de celui qui est couché sur l autre. Nous trouvons chez lui deux vagins séparés l'un de l'autre par une cloison médiane;

47 cette cloison est percée d'un orifice qui les met en communication. C'est au devant de cet orifice que débouche le canal cl qui les fait communi- quer avec les vessies.

Au fond de ces deux vagins on voit deux cols distincts d'utérus, dont les corps se réunissent au dehors en un seul allongé transversalement et bilobé. On remarque, en outre, deux ligaments larges renfermant cha- cun un ovaire, une trompe et un ligament rond.

Utérus et vagins du sujet qui supporte Cautrc. Les organes sont ici un peu plus développés que les premiers; ils offrent d'ailleurs la même disposition : vagins séparés par une cloison médiane percée d'un orifice de communication, orifice au devant duquel débouche aussi le canal d.

Au fond de ces deux vagins viennent, par deux cols distincts et très- espaces l'un de lautre, faire saillie deux utérus dont les corps, au lieu de se réunir comme ceux des précédents, sont très-éloignés l'un de l'autre et restent complètement distincts.

Les utérus ont aussi pour annexes deux ligaments larges contenant chacun un ovaire, une trompe et un ligament rond.

Quant à la surface de ces deux vagins on pourrait la comparer à celle de deux œufs de poule se touchant par leurs côtés, la division inté- rieure des deux vagins se faisant remarquer à l'extérieur par un sillon médian très-apparent.

Notons, pour terminer la description anatomique de ces anomalies, la présence d'un conduit sous-cutané c qui relie le rectum près de sa terminaison avec l'extrémité du canal bb des voies génito-urinaires au dehors. Il y a formation d'un véritable cloaque.

Conclusions. La présence de deux ombilics dont l'un est normal et l'autre à l'état rudimentaire ne saurait faire regarder ce monstre comme appartenant aux monstres à deux ombilics distincts ou euso- phaliens.

La présence d'un seul ombilic normal sufffisant aux deux fœtus doit faire ranger cette monstruosité dans les monomphaliens. Mais la présence en môme temps d'un ombilic rudimentaire et parfaitement dis- tinct ne saurait le faire rentrer dans les monomphaliens purs.

Donc ce monstre doit être placé entre les deux seules classes admises des monstruosités doubles (eusophaliens, monomphaliens).

Par le mode d'union sus et sous-ombilicale, et par les particularités que nous avons décrites, on voit que ce monstre participe des deux genres ordinairement distincts (les xyphopages et les ischiopages).

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111. Heuiinthologie.

Note stin des hydatides développées cuez un oiseau, et des vers ces-

TOÏDES TROUVÉS CHEZ LA GENETTE ORDINAIRE; par M. VaiLLANT.

Les trois pièces que je mets aujourd'hui sous les yeux de la Société, empruntées Tune à un oiseau, les autres à un mammifère, sont relatives à riiistoire des helminthes.

La première provient d'une grue couronnée. Ce sont de petits kystes placés à l'extérieur de la portion moyenne de l'intestin grêle, sous la tunique péritonéale. Pour la grosseur et l'aspect, ils ressemblent à des grains de millet. Dans leur intérieur se trouve une vésicule de 0""°,8 en- viron, à paroi formée de couches transparentes, très-régulières, dont le nombre varie de deux à sept. Dans celles qui n'ont que deux à trois couches, le contenu est finement granuleux; dans les autres on ren- contre des grains jaunâtres fortement réfringents de (("""jOlB. On doit, je pense, regarder ces vésicules comme des hydatides dans leur premier état de développement.

Les deux autres préparations sont deux vers cestoïdes provenant de la genette ordinaire.

L'un me paraît devoir être rapproché du teenia platydera de M. Paul Gervais. Le strobile, formé par la suite des anneaux, correspond abso- lument à la description donnée par cet auteur. Seulement ceux que j'ai trouvés présentent une trompe, et je n'ai pu y découvrir les crochets. On peut admettre avec vraisemblance que ces derniers s'étaient déta- chés, les individus ayant été examinés morts.

Le second helminthe, qui me paraît devoir former un genre spécial, présente cette singulière combinaison de caractères, qu'avec une tête arrondie, inerme, pourvue de quatre véritables ventouses, comme chez les ténias, les anneaux présentent les pores génitaux sur la ligne mé- diane, comme chez les botliriocéphales.

IV. Pathologie.

1" Thrombose de l'artère cérébrale moyenne; ramollissement cérébral.— Embolie de l'artère iliaque; gangrène spontanée; par M. Cn. Fernet, interne des hôpitaux.

La nommée Delaporte (Elisabeth), âgée de 46 ans, blanchisseuse, entre à l'hôpital Saint-Antoine le 15 février 1863, salle Sainte-Cécile, n" 26, service de M. le docteur Hav. Richard, suppléé par M. le docteur E. Vidal.

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Cette femme est de petite taille et de mince apparence; elle est maigre. Sa figure est toute ridée et accuse au moins dix ans de plus que son âge. Elle a une conjonctivite chronique avec blépharite ciliaire; aussi les paupières sont-elles presque constamment fermées et collées.

Voici les renseignements que nous recueillons près de la malade à son entrée :

Elle dit avoir toujours été d'une bonne santé, et n'avoir pas eu de maladie avant celle qui l'amène à l'hôpital. Elle a eu cinq enfants, le dernier il y a un an; elle est encore réglée.

Depuis cinq ou six ans cette femme éprouve des palpitations, et de- puis quelques semaines des étourdissements dans la tête qui reviennent à intervalles indéterminés. Six jours avant son entrée elle a perdu su- bitement connaissance, et quand elle est revenue à elle, elle ne pouvait remuer ni le bras ni la jambe gauches.

Lorsqu'on l'apporte à l'hôpital elle est dans un état de somnolence dont on peut cependant la tirer pour obtenir d'elle quelques rensei- gnements qu'elle donne d'une voix brève. On constate une hémiplégie complète du mouvement, incomplète de la sensibilité du côté gauche; pas de fourmillements ni de contracture (la malade dit n'en avoir jamais éprouvé); hémiplégie faciale incomplète du même côté; pas d'embarras de la parole.

Les battements du cœur sont irréguliers, intermittents, de fréquence moyenne. La pointe du cœur est un peu abaissée et portée sous le ma- melon ; à l'auscultation on entend des bruits de souffle aux deux tempes dans une grande étendue, leur maximum est à la pointe. Le pouls est fort et présente quelques irrégularités.

Le 20 février, les symptômes précédents ne se sont pas modifiés; l'abattement et la somnolence ont persisté; l'intelligence n'est pas altérée, et la malade continue à répondre bien aux questions. On s'a- perçoit que le pied et la partie inférieure de la jambe du côté gauche prennent par places une teinte violacée; le membre est sensiblement refroidi à la main. On sent à peine les battements de l'artère fémorale au pli de l'aine ; l'artère est petite et ne paraît pas se développer dans la systole cardiaque. (A ce moment on établit le diagnostic suivant : ramollissement cérébral et gangrène du membre inférieur par embo- lies.)

Les jours suivants, les plaques violacées de la jambe s'étendent et finissent par se confondre; la gangrène se confirme. Le membre diminue de volume dans toute la partie affectée, les deux tiers inférieurs de la jambe et le pied ; odeur très-fétide.

Le 7 mars, l'épiderme se soulève et se détache, le derme est racorni ; tout le segment gangrené est sec, dur, présentant tous les caractères de

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50 la gangrène momifique. La partie du membre située sur les limites de la gangrène est légèrement tuméfiée ; on n'y constate pas d'élévation sen- sible de la température.

L'état général va s'aggravant; la somnolence devient complète et portée jusqu'au coma.

Mort le 12 mars matin.

Autopsie. Légère hypertrophie cardiaque. L'orifice auriculo-ventricu- laire gauche est notablement altéré : les deux valvules sont réunies entfe elles et représentent un cône tronqué saillant dans le ventricule; l'ôri- fice, qui est au sommet du cône, est très-rétréci et à peu près du calibre d'un tuyau de plume ; les parois sont épaisses et résistantes, fibro-carti- lagineuses. Le ventricule gauche et sa cavité ne présentent aucune altération. Dans Toreillette gauche est un gros caillot fibïineux, du vo- lume du pouce environ ; caillot ancien, car il est dense et peu imprégné de liquide; il est sans adhérences avec les parois; dans son intérieur est une matière puriforme grisâtre et épaisse qui s'écoule dès qu'on incise le caillot. A la périphérie de ce dernier on trouve trois ou quatre pro- longements fibrineux de faible longueur, et dont l'extrémité libre est comme déchiquetée.

Pas d'altérations dans le cœur droit. L* oreillette de ce côté renferme un gros caillot fibrineux mou, très-humide, un peu adhérent par places, et qui a se former durant les derniers instants de la vie ou même après la mort. L'artère pulmonaire gauche présente aussi une concrétion fibrineuse ramifiée qui est de formation récente.

Au niveau de la crosse aortique est un caillot fibrineux de formation ancienne, adhérent aux parois qui présentent en ce point seulement Une dégénérescence athéromateuse peu avancée.

L'artère iliaque primitive gauche, saine dans toute sa longueur, pré- sente au niveau de sa bifurcation un caillot ancien, dense et consistant, sec, libre d'adhérences avec les parois. Ce caillot est à cheval sur l'épe- ron de séparation des deux branches; les extrémités libres dans les iliaques interne et externe sont effilées ; la partie qui répond à l'éperon est arrondie et prolongée du côté de l'artère iliaque primitive par un caillot de formation plus récente, et qui s'en distingue par sa couleur rougeâtre, sa densité et sa consistance moindres. Le tronc hypogastrique est vide et sain.

L'artère iliaque externe et la crurale renferment de distance en dis- tance des concrétions fibrineuses dont la formation doit être antérieure aux derniers moments de la vie ; ces concrétions se font surtout remar- quer dans les points l'artère fournit des rameaux, et en particulier à l'origine de la fémorale profonde. Entre ces concrétions est du sang

51 liquide, noir, en voie de décomposition; c'est également ce qu'on ren- contre dans la poplitée jusqu'au point commence la gangrène.

L'artère carotide droite est vide et saine jusqu'à son entrée dans le crâne ; au niveau du sinus caverneux ses parois sont athéromateuses. L'artère cérébrale moyenne, dès son origine, est oblitérée par un caillot (|ui mesure 2 centimètres de longueur; le caillot est jaunâtre, dense, de formation ancienne; il adhère aux parois de l'artère, dont on a quel- (luc peine à le détacher.

Le lobe antérieur droit du cerveau, dans sa totalité, est ramolli; quelques parties même sont à ce point diffluentes qu'elles s'écoulent lorsqu'on enlève le cerveau de la cavité crânienne. Tout le lobe ramolli est jaunâtre et représente parfaitement ce que M. Lancereaux (1) a décrit comme deuxième degré du ramollissement cérébral par oblitération ar- térielle. Les autres parties de l'encéphale sont parfaitement saines.

Conclusions. En présence de ces faits, voici l'interprétation qui paraît la plus naturelle :

Le ramollissement cérébral, qui doit avoir un mois et demi à peu près de date, est sous la dépendance de l'oblitération de l'artère cérébrale moyenne, et il faut remarquer en passant la délimitation exacte de la lésion du cerveau au lobe antérieur. Cette oblitération est-elle le ré- sultat d'une thrombose ou d'une embolie? L'adhérence du caillot aux parois de l'artère, la dégénérescence dont le vaisseau lui-même était le siège, rendent la première hypothèse beaucoup plus probable.

La gangrène du membre inférieur reconnaît vraisemblablement pour cause l'oblitération de l'artère iliaque externe. Or cette oblitération doit être considérée comme une embolie : l'état sain du vaisseau, le défaut d'adhérences du caillot aux parois vasculaires, justifient cette supposi- tion. Quelle est l'origine de l'embolus? Il est permis de croire que c'est un fragment détaché du caillot de l'oreillette gauche, ou bien un frag- ment du caillot aortique.

Pemphigus syphilitique seo-natorum ; gommes sypAilitiques poumon ;

par M. Ranvier.

La nommée H... M..., âgée de 23 ans, enceinte de sept mois et demi, entre le 26 février 1863 dans le service de M. Duplay à l'hôpi- tal Lariboisière.

Elle y accouche la nuit suivante d'un enfant mort-né du sexe mas- culin.

Ce fœtus est presque entièrement couvert de bulbes de pemphigus.

(1) De la thrombose et de l'embolie cérébrales. Thèse de Paris, 1862.

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L'éruption confluente aux extrémités devient plus rare sur le tronc ; elle fait défaut à la tête.

Toutes les bulles sont intactes. La peau qui les entoure est violacée. Le derme, qui forme le fond des bulles, est d'un rouge intense; il est le siège d'une suffusion sanguine très-évidente. Le contenu des bulles est floconneux.

Ce sont bien tous les caractères de la variété syphilitique du pem- phigus neo-natorum.

L'autopsie de l'enfant est faite vingt-huit heures après la mort.

Le foie, volumineux, présente une congestion sanguine considérable. On n'y découvre ni tumeur ni tache. Les autres viscères abdominaux sont sains.

Dans la cavité thoracique, intégrité du thymus et du cœur. Les pou- mons sont denses et ne crépitent pas. A leur surface on aperçoit des ta- ches d'un blanc bleuâtre sur lesquelles on distingue des points blancs et opaques.

Une de ces taches, formant un cercle de 1 centimètre 1/2 de dia- mètre, occupe la face interne du poumon gauche. Une autre recouvre l'extrémité supérieure du lobe inférieur du poumon droit, de manière à figurer les trois côtés d'une pyramide triangulaire. Une incision, prati- quée sur cette dernière tache, montre qu'elle se prolonge dans le pa- renchyme pulmonaire avec les caractères que nous lui avons déjà si- gnalés. Masse bleuâtre, translucide, semée de points blanchâtres. Deux de ces points, qui ont une étendue plus grande que les autres, sont formés par une matière crémeuse.

Ce sont bien les caractères de la gomme syphilitique du poumon, avec ramollissement commençant.

Cette opinion est confirmée par l'analyse microscopique.

Dans les points crus de la tumeur, on voit des produits hyperplasi- ques de la trame pulmonaire, tandis que les éléments épithéliaux sont en régression simple.

Dans les points opaques ou ramollis, tous ces éléments sont en ré- gression granulo-graisseuse. On y voit de très-grandes cellules com- blées de granulations réfractant fortement la lumière, et beaucoup de ces granulations à l'état de liberté.

Nous avons gardé la mère sous nos yeux pendant trois semaines, nous l'avons interrogée bien des fois et toujours sans obtenir d'elle au- cun renseignement syphilitique. Elle a une petite fille de 3 ans dont la santé est florissante. Cette enfant n'a jamais été malade.

Cette femme vit depuis six ans avec un homme à existence aventu- reuse. Au commencement de sa seconde grossesse, cet homme se serait éloigné d'elle pour cause de maladie vénérienne. Actuellement il est

53 au Mexique, et Ion ne pourrait avoir sur son compte aucune espèce de renseignement.

Si nous ne sommes pas trompé par la mère, ce dont nous ne som- mes pas absolument certain malgré notre examen répété, nous avons sous les yeux un cas de pemphigus avec un ascendant syphilitique pa- ternel.

Cancer du sein et des os; kyste cancéreux de l'os iliaque;

par V. CoRNiL.

Au n* 9 de la salle Sainte-Rosalie, dans le service de M. Charcot, mourut le 26 mars 1863 une femme âgée de 40 ans, atteinte d'une pneu- monie aiguë et d'un cancer ulcéré du sein du côté droit. Cette femme, d'un embonpoint ordinaire, bien que la couleur de la peau fût jaunâtre et cachectique, n'avait ni œdème ni tuméfaction douloureuse des extré- mités.

A l'autopsie, faite le 27 mars, la tumeur du sein occupe toute la ré- gion mammaire; elle est globuleuse, mamelonnée, ulcérée à son centre, près du mam.elon qui est rétracté; sa consistance est molle autour des points ulcérés, tandis qu'elle est ferme dans la portion périphérique, l'on sent des bosselures extrêmement dures faisant corps avec la peau, arrondies, développées dans la couche profonde du derme et le tissu cellulo-graisseux sous-cutané. Sur une coupe de la tumeur, on une surface plane, rénitente, qui offre des parties d'aspects divers : des noyaux blancs de la grosseur dune groseille à une cerise, donnant au raclage un suc laiteux ; ailleurs des portions considérables de con- sistance et d'aspect gélatiniforme, de couleur ambrée transparente, muqueuses et fdantes quand on veut en enlever. D'autres points sont tout à fait purulents, et enfin il existe des kystes contenant un liqnide sanguinolent. L'un de ces kystes, situé à la face profonde de la tumeur, a le volume d'un œuf de pigeon.

Il n'y a pas de glandes axillaires.

Les éléments du suc laiteux sont des cellules à un ou plusieurs noyaux très-volumineux relativement à la cellule, des noyaux libres, des cel- lules à un ou deux ou trois prolongements en forme de queue, et des cellules allongées.

Dans les parties gélatineuses ou colloïdes, se trouvent les mêmes éléments, mais plus pâles, ou graisseux ou infiltrés de granulations mo- léculaires, en même temps que des granulations graisseuses libres ou réunies dans des corps granuleux de Gluge, et de grandes tables de cholestérine.

Le liquide des kystes renferme des cellules et des corpuscules gra- nuleux, avec des globules sanguins.

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Le stroma est composé par des tractus de tissu élastique formant des loges étroites et allongées, petites, dans lesquelles sont contenues les cellules précédentes.

Poitrine. Péricarde sain. Cœur volumineux. Aorte athéromateuse, ontenant des foyers athéromateux, les uns fermés, les autres ouverts Jans la cavité du vaisseau. L'un d'eux proémine sous forme d'une tu- meur de la grosseur d'une noisette, à la surface extérieure de la crosse aortique. Poumon gauche normal; à droite, pleurésie ancienne, ayant donné à la séreuse viscérale, qui est adhérente, une épaisseur de 1 à 2 m.illimètres; poumon non rétracté; hépatisation granuleuse grise.

Les côtes du côté droit sont friables; plusieurs d'entre elles font à leur union avec la colonne vertébrale une saillie qui, examinée plus attenti- vement, présente à sa surface le périoste, et au-dessous une partie tu- méfiée qui donne à la coupe une surface de section grise, lardacée, d'où suinte au raclage un suc laiteux. Ce tissu de nouvelle formation se con- tinue dans toute la longueur de la côte par les espaces médullaires augmentés de largeur, et remplis de la même matière.

La colonne vertébrale présente à la région lombaire antérieure quatre tumeurs dures de la grosseur d'une noisette à une noix, saillantes, pla- cées à cheval sur les cartilages; formées par du tissu osseux gorgé de sang à la périphérie, dans lequel on voit aussi des espaces médullaires irréguliers et agrandis, remplis de la même matière qui se trouvait dans les côtes, néoplasie se trouvent des cellules dites cancéreuses, sem- blables à celles de la tumeur du sein. Sur une coupe de la colonne ver- tébrale, les corps des vertèbres offrent la même altération.

Dans la fosse iliaque interne, le muscle psoas iliaque atrophié, dont les fibres sont graisseuses, est soulevé par une tumeur de la grosseur d'un œuf de dinde, ovoïde, allongée dans le sens de l'os. A l'ouverture de cette tumeur, on recueille un liquide transparent, de couleur foncée, contenant des corpuscules granuleux et des globules sanguins. Cette tumeur fait saillie en arrière à la partie postérieure, sous les muscles fessiers. Après avoir enlevé l'os iliaque, il ne reste, au niveau de ce kyste, que le périoste en avant et en arrière; la cavité elle-même, creusée dans l'os iliaque, est anfractueuse, irrégulière, clair-semée à sa périphérie par des tractus fibreux couverts de vaisseaux sanguins. La paroi externe du kyste, très-mince, est formée par une membrane fibreuse à travers laquelle font saillie, en certains endroits, des pointes osseuses.

Sur la surface de l'os iliaque, en avant comme en arrière, on voit de petites tumeurs de la matière cancéreuse déjà décrite aux côtes et à la colonne vertébrale, qui font saillie sous forme de bourgeons de la gros- sour d'une tête d'épingle à une cerise, à travers les i)erforations des

55 lames interne et externe de Tos. Ces petites tumeurs présentent, quel- ques-unes du moins, des ecchymoses. Il existe aussi, creusés dans le diploé du même os, des espaces remplis de la même matière plus ou moins compacte, grise ou blanche. Quelques-unes de ces cavités de nouvelle formation sont remplies seulement de liquide; de telle sorte qu'on peut suivre toutes les phases du processus pathologique, de- puis la dilatation de la cavité médullaire et son remplissage par le tissu nouveau jusqu'à la formation de petits kystes, et enfin du grand kyste, évidemment formé par la réunion de plusieurs d'entre eux : les anfrac- tuosités qu'on observe à l'inspection de la pièce à sa périphérie en font foi.

Les nerfs cruraux, sciatiques, intercostaux, étaient sains, ainsi que les veines.

Note sur un cancer épithélul kystique du tibia consécutif

A UN CANCER ÉPITHÉLIAL DE l'uTÉRUS; par V. CORNIL.

C..., âgée de 50 ans, entre le 8 mai 1862 à l'hospice delà Salpêtrière, dans le service de M. Charcot. Elle est atteinte d'un cancer utérin dont les signes bien manifestes ne remontent qu'à trois mois. Trois mois seulement après son entrée, la malade s'est plainte de douleurs à la jambe droite, et l'on a vu à la face interne et au bord antérieur du ti- bia de petites tumeurs faisant corps avec l'os, au nombre de 5 à 6, ne causant pas d'exacerbation douloureuse pendant la nuit. En grossissant, elles se sont réunies et ont donné lieu à une tuméfaction unique appar- tenant au tibia, de la grosseur d'un œuf de dinde, résistante et dure au toucher. Dans une première ponction exploratrice, on retira un liquide citrin en petite quantité. La paroi de la tumeur était moins dure vers le 5 janvier, époque l'oiïfit une seconde ponction avec le trocart explo- rateur. Il sortit environ une cuillerée de liquide rougeâtro qui conte- nait à l'examen microscopique des globules rouges de sang et de nom- breux corps granuleux (de Gluge).

La malade mourut le 8 janvier 18C3. En disséquant la tumeur, nous constatâmes qu'elle avait complètement remplacé le tibia, dont les deux segments supérieur et inférieur étaient mobiles. En incisant la tumeur, on ouvrit une cavité kystique pouvant loger un œuf de poule ; il conte- nait un liquide brun rougeâtre. La paroi était épaisse d'environ 1/2 cen- timètre et de consistance ferme. Au-dessous de la peau du tissu cellu- laire et des muscles se trouvait, comme formant la membrane envelop- pante de la tumeur, le périoste épaissi, qui se continuait directement avec celui de l'os conservé. Ce périoste était hypertrophié par places, et séparé par un tissu cellulaire lâche du reste la tumeur. Sur uh«

56 coupe de la paroi du kyste, cette distinction du périoste était très-ma- nifeste ; la coupe de la paroi montre, sur un tissu blanc grisâtre, des aréoles visibles à l'œil nu, d'oii par la pression et par le raclage suinte un liquide. Examinée au microscope sur des coupes fines, cette paroi permet de constater qu'elle consiste en un stroma peu riche en tissu cellulaire, creusé de cavités alvéolaires elliptiques assez grandes, rem- plies de cellules épithéliales prismatiques, dont les couches externes sont disposées perpendiculairement à la paroi.

La même structure existe dans les points épaissis du périoste.

A la surface interne du kyste, on reconnaît à l'œil nu un lacis formé par des fibrilles entrelacées formant un très-délicat réseau. En les por- tant sous le microscope, on voit des tubercules anastomosés, recouverts en partie d'épithélium, et renfermant ces mêmes cellules épithéliales dans les intervalles qu'ils laissent entre eux. Ces trabécules possèdent pour la plupart un vaisseau à leur centre, et quelques-uns d'entre eux des prolongements villeux terminés en massue.

Le tibia était interrompu complètement au niveau du kyste, et rem- placé par lui, de telle sorte que le péroné, intact du reste, soutenait seul la jambe. Sur une coupe du tibia, apparaissaient des îlots de colo- ration grise ou rosée de la grosseur d'un grain de millet à un noyau de cerise, situés à la partie centrale de l'os, plus nombreux et plus volu- mineux à mesure qu'on se rapprochait du kyste. Les points étaient com- posés à l'examen microscopique de tissu cellulaire jaune, de tissu mé- dullaire ; il y avait aussi des cellules et noyaux de différentes grosseurs, dont les plus petites étaient les éléments précédents et les plus gros semblables aux cellules épithéliales du kyste, en passant par tous les intermédiaires de volume et de forme. En outre, on trouvait des tra- bécules osseux, formés d'ostéoplastes qui se constituaient directement avec des trabécules décalcifiés de tissu fibroïde riche en noyaux ; de telle sorte que l'hypothèse qui, d'après ces faits, m'a paru la plus vrai- semblable pour expliquer la production du cancer épithélial et du kyste est la suivante : transformation du tissu osseux en tissu cellulaire et médullaire, transformation des cellules de la moelle nouvelle en cellules épithéliales. Dans cette explication que je donne sous toutes réserves, ce serait l'os ancien ainsi transformé qui aurait formé la paroi du kyste.

Le cancer utérin était complètement analogue à cette tumeur comme structure intime. Dans les parois utérines dégénérées, existaient de pe- tites cavités limitées par les fibres-cellules de l'utérus, cavités pleines d'épithélium prismatique. Sur la surface du col végétaient de petites tumeurs hérissées de papilles, renflées de production nouvelle, cou- vertes d'épithélium prismatique.

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V. Pathologie comparée.

1* Anomalie de l'utérus chez une brebis; foetus presque a terme, déve- loppé DANS UNE CORNE UTÉRINE UNIQUE; par M. le profcsseuF Rayer.

Ce fœtus, mort depuis quelque temps, adhérait par sa face externe à l'amnios dans la majeure partie de son étendue. L'absence d'une des cornes de l'utérus a été constatée, non-seulement parce qu'on n'en trou- vait aucune trace à l'extérieur, mais encore parce qu'il n'existait qu'une seule ouverture dans le col de l'utérus au lieu des deux orifices qu'on y rencontre ordinairement lorsque les deux cornes existent.

La corne utérine, avec son contenu, pesait 2,750 grammes; les pattes du fœtus étaient garnies de corne. Le cordon ombilical s'insérait sur un cotylédon volumineux d'un diamètre de 4 centimètres environ. Il exis- tait encore une dizaine d'autres cotylédons, dont les plus petits avaient un diamètre d'un centimètre environ, et d'autres une étendue un peu plus considérable.

La trompe et Tovaire n'ont pu être trouvés et ont été probablement enlevés par le boucher qui a remis la pièce. Le corps du fœtus était adhérent à l'amnios; les poils étaient agglutinés par une matière jau- nâtre. Il n'y avait point de liquide dans la corne utérine ni dans l'amnios.

Le col de l'utérus avait 6 centimètres de longueur, son orifice dans le vagin était libre. Le vagin paraissait à 1 état normal , ainsi que la vessie et le méat urinaire.

En résumé, ce cas offre cette particularité remarquable d'un fœtus développé clans une corne unique, avec adhérences à l'amnios.

Cancer épithélial des reins chez un mouton ; par M. le professeur

Rayer.

Ces reins avaient conservé leur volume naturel ; l'un d'eux offrait à sa surface neuf bosselures, d'un blanc mat, formées par des tumeurs du volume d'une petite noix. Plusieurs de ces tumeurs étaient agglomérées et, par leur réunion, formaient une masse mamelonnée plus considé- rable. Ces tumeurs développées dans la substance corticale pénétraient très-profondément et jusqu'auprès du bassinet.

A la coupe elles paraissaient formées par un tissu homogène, et l'on pouvait assez facilement les énucléer; mais en examinant au microscope une petite lamelle prise sur la coupe de ces tumeurs, on distinguait un ou plusieurs tiibuli traversant la masse, ce qui prouvait que la matière s'était infiltrée dans la substance corticale.

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Quant au tissu altéré, vu à un grossissement de 350 fois, il paraissait constitué presque uniquement par des noyaux d"épithélium, bien dis- tincts par leurs caractères des globules purulents.

L'autre rein offrait des masses de cancer épithélial plus considérables, M. le docteur Fiaux, qui avait remis ces pièces à M. Rayer, lui a dit que, d'après ce que lui ont rapporté les garçons bouchers, lorsqu'il y avait de semblables tumeurs dans les reins, il en existait presque toujours dans les poumons.

3" Tumeur enkystée adhérente au rein, du volume d'un petit oeuf de POULE, CHEZ UN MOUTON; par M. le professeur Rayer.

La matière contenue dans le kyste ressemble à de la matière tuber- culeuse. Au microscope elle est uniquement composée de granules très-petits. L'aspect est d'un jaune grisâtre, la consistance est comme du mastic de vitrier. Quant à l'enveloppe elle-même, elle est fibreuse, composée de plusieurs couches, opaline.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

r r

LA SOCIETE M B!

PENDANT LE MOIS d'AVFxIL 1863;

Far m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRËSlDEi\CE DE M. RAYER.

1. Botanique. De la structure des anthères; par M. le professeur Chatin.

Je me propose de décrire sommairement la structure des valves des anthères et d'appeler l'attention sur quelques faits jusqu'à présent in- connus.

De la membrane externe ou exothèque. Cette membrane, dont les utricules sont le plus souvent minces, colorées et papilliformes, comme celles des corolles, peut acquérir quelquefois un grand dévelop- pement. Ce phénomène coïncide souvent avec l'absence des cellules fibreuses de la seconde membrane, comme nous allons le voir mainte- nant.

2" De la seconde membrane.— La deuxième membrane des anthères, nommée cndolhecium par les auteurs qui ont cru qu'elle tapissait la paroi interne des valves, n'est en réalité qu'une membrane moyenne.

On a regardé jusqu'à ce jour comme démontré qu'elle était formée

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de cellules fibreuses. Or mes observations établissent qu'un assez grand

nombre de groupes naturels (épacridées, éricacées, mélastomées, mono-

tropées, beaucoup d'orchidées, cassia, thunbergia, lycopersicon, etc.),

manquent de cette sorte de cellules.

2" Que chez d'autres plantes (solanum clandestina , lathrsea , gen-

tianées, laurinées, berberidées, etc.), les parois ,des valves ne sont

complètement entourées de cellules fibreuses, ni tout à fait privées de

ces cellules qui se présentent localisées vers les points de déhiscence

ou à ceux d'attache.

J'ai en outre reconnu que si la forme des cellules fibreuses est géné- ralement en rapport avec la circonscription des groupes naturels, comme on l'avait déjà remarqué, la structure même de ces cellules a, sous ce rapport, plus d'importance que la forme. La seconde membrane des anthères justifie donc cette conclusion générale de toutes mes recher- ches sur l'anatomie composée des végétaux :

L'anatomie doit, aussi bien que la morphologie (seule consultée jus- qu'à ce jour), donner des caractères à la classification végétale.

3" De l'existence d'une troisième membrane dans les anthères. Les écrits de Mirbel, de Meyen et de Purkinge, adoptés jusqu'à ce jour sans contrôle, ont rendu classique ce résultat de leurs travaux com- muns : les valves des loges des anthères sont composées de deux mem- branes, que Purkinge a dénommées exothecium et endothecium.

Or il résulte des nombreuses recherches auxquelles je me livre de- puis bientôt trois ans, et que j'ai étendues à toutes les familles du règne végétal, qu'une troisième membrane, plus interne que les deux con- nues jusqu'à ce jour, doit être admise dans la constitution des valves des anthères. Si cette membrane, véritable endothecium {C endothecium de Purkinge ne pouvant plus être regardé que comme mesothccium) n'a pas fixé l'attention des anatomistes, c'est qu'elle est habituellement disparue par résorption au moment de la déhiscence ou maturation des anthères.

La troisième membrane, ou membrane interne, s'applique par sa face externe sous Cendotheeium de Purkinge (vraie membrane moyenne), et tapisse par sa face interne la cavité des loges.

Les extrémités de la membrane interne, le plus souvent à une seule assise, ne se distinguent de la masse des tissus, tant par leur forme que par leur direction souvent rayonnante et leur coloration, que vers l'é- poque où les utricules polliniques occupant le centre de la masse se dessinent elles-mêmes par leur grand développement. A partir de ce moment, l'évolution de la membrane interne et du pollen marchent pa- rallèlement jusqu'à l'époque le pollen approchant de la maturation, la membrane interne se ramollit et bientôt après disparaît.

01 L'évolution parallèle de la membrane interne et du pollen, leur co- loration identique, la texture délicate de cette membrane toujours gor- gée de sucs, l'impossibilité pour le pollen qu'elle circonscrit de toutes parts, de tirer d'ailleurs ses éléments de développement, sa destruction enfin quand le pollen est arrivé à maturation, tout indique que la mem- brane interne est chargée de la nutrition du pollen.

II. Helminthologie. Note sur le trichina spiralis des muscles; par M. Ordonez.

La trichina spiralis est un entozoaire de la famille des nématoïdes, qu'on rencontre chez l'homme et les animaux, renfermé dans un kyste et logé entre les fibres musculaires de la vie de relation.

La description générale de cet entozoaire se trouve au complet dans l'excellent ouvrage de M. Davaine sur les maladies vermineuses de l'homme et des animaux domestiques. Nous nous proposons donc de faire seulement quelques remarques sur la structure du kyste qui ren- ferme l'animal, ainsi que sur la distinction des sexes chez ce dernier.

Kyste. Les auteurs ne sont pas d'accord sur le nombre des cou- ches qui le composent : d'après Bischoff, Luschka, le kyste serait com- posé de deux vésicules emboîtées et parfaitement isolables l'une de l'autre. D'après Bristowe et Raincy, au contraire, le kyste serait simple. C'est aussi notre opinion, et voici nos motifs :

Les adhérences qui maintiennent le kyste uni aux fibres musculaires ambiantes sont constituées par des faisceaux de fibres de tissu lamineux ou fibrillaire très-lâche. Ces adhérences, examinées à un fort grossisse- ment, pourraient peut-être donner l'idée d'une couche régulière se con- fondant avec le sommet des prolongements polaires du kyste; mais à l'aide d'une forte loupe on parvient, par ene dissection attentive, à isoler le kyste proprement dit des parties ambiantes ; il est alors par- faitement homogène dans son ensemble, et si les deux prolongements polaires dont nous venons de parler présentent une coloration foncée, cela tient à l'accumulation d'un grand nombre de granulations calcaires dont on peut démontrer l'existence à l'intérieur du kyste en y faisant pénétrer, après l'avoir crevé, une petite quantité d'acide sulfurique.

Entozoaire. C'est un petit ver, dont la longueur varie entre Û'°,ÛOl et 0°',0Û06. Son extrémité buccale est efiilée, son extrémité anale est arrondie; le diamètre transversal varie entre 20 et 30 millièmes de mil- limètre. Le corps est entouré d'une gaîne élastique, transparente, ré- gulièrement plissée en travers; le canal intestinal peut être suivi depuis l'orifice buccal jusqu'à la partie moyenne du corps de l'entozoaire, il est masqué par des cellules épithéliales. L'extrémité anale est arron-

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die et présente une ouverture centrale qui répond à la cavité de l'in- testin.

Organes sexuels. M. Davaine prétend que les organes sexuels n'existent point chez cet entozoaire, ou ne se trouvent qu'à l'état rudi- mentaire. Pour nous, il n'est pas douteux que la distinction des sexes existe chez la trichina spiralis. En effet, chez certains individus, on distingue à l'extrémité anale un petit organe cylindrique, rétractile, et pouvant glisser dans une petite gaîne transparente ; il peut se cacher entièrement dans l'orifice intestinal, et ressemble sous tous les rapports aux spicules de certains helminthes. Chez d'autres individus, au con- traire, au lieu de l'organe que nous venons de décrire, on remarque vers l'union du tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs une espèce de cœcum renfermant un petit corps formé de granulations iné- gales; à quelques millièmes de millimètre de ce corps granuleux, vers l'extrémité anale, on distingue une petite ouverture circulaire.

De l'étude attentive de ces organes, et des comparaisons que nous avons faites avec les organes sexuels d'autres helminthes, nous croyons pouvoir conclure que le petit prolongement cylindrique est le spicule de la trichina; le corps granuleux, Tovaire; et la vulve, le petit orifice qui se trouve auprès.

Observation de généralisation de cvsticerques chez l'homme ; par M. X. Delore, chirurgien en chef désigné de la Charité de Lyon. Observation recueillie par M. Bonhomme, interne du service.

Pierre Massot, âgé de 77 ans, fut reçu à l'IIôtel-Dieu le 30 no- vembre 1862. A son entrée dans la salle Saint-Bruno, on constata un catarrhe pulmonaire avec une faiblesse générale considérable. Ce- pendant le malade était encore capable de se lever. Le 9 février 18G3, en allant à la chaise il fit une chute et se fractura le col du fémur gauche. Aussitôt après cet accident, il fut transporté dans le service de M. De- lore, qui le fit placer dans une grande gouttière de Bonnet.

De petites tumeurs disposées en chapelet sur la poitrine, le long des bras, aux coudes et dans les aisselles, attirèrent de suite l'attention de M. Delore. Un œdème considérable empêchait d'en observer sur les membres inférieurs. Ces tumeurs étaient sous-cutanées; elles n'adhé- raient ni à la peau ni aux parties profondes; quelques-unes semblaient reliées entre elles par des liens fibro-cellulaires, car les mouvements se transmettaient facilement des unes aux autres ; la peau qui les re- couvrait n'offrait aucune altération; elles avaient le volume d'un hari- cot; elles étaient très-dures, et l'on ne pouvait y percevoir la moindre fluctuation.

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Par voie d'exclusion on pense qu'il s'agissait de tumeurs fibro-plas- tiques.

Peu après son admission dans le service de chirurgie, l'affaissement du malade devint de plus en plus profond. Les sphincters avaient perdu oute tonicité ; aussi l'urine et les matières fécales s'écoulaient-elles sans qu'il en eût conscience; il était constamment plongé dans la som- nolence. La vue et l'ouïe étaient très-affaiblies ; les facultés intellec- tuelles paraissaient aussi altérées , cependant ses réponses avaient en- core un certain sens. Il se plaignait vaguement de vives douleurs, que l'on pensait dues à une vaste escarre qu'il avait au sacrum.

Tous ces symptômes généraux pouvaient être attribués à la vieillesse de notre malade, en même temps qu'à son catarrhe, à sa fracture de cuisse et à l'immobilité qui en était la conséquence.

La mort survint le 16 avril.

Autopsie. Trente heures après la mort on fit l'examen des tumeurs, et M. Delore reconnut aussitôt qu'elles étaient dues à des cysticerques. Dès lors on procéda à un examen très-minutieux, avec l'aide de M. le docteur Bertholus, qui est très-expert dans les questions helmintholo- giques. On découvrit plusieurs cysticerques dans le tissu conjonctif sous-cutané. Les muscles étaient pâles, décolorés, et se déchiraient fa- cilement. Tous les muscles du tronc et des membres nous présentèrent de nombreux cysticerques ; le diaphragme en contenait un très-gros, à peu près du volume d'une amande. Nous en avons extrait 900 des muscles, ce qui nous permet d'évaluer à 2,000 les cysticerques du tissu conjonc- tif sous-cutané, sous-aponévrotique et intermusculaire en tenant compte approximativement de ceux que nous avons laissés. Ils occupent sur- tout les points d'insertion des muscles; leur plus grand diamètre est dirigé parallèlement aux fibres qu'ils écartent sans les détruire; ils sont aussi logés dans les espaces intermusculaires.

Les 05 dans lesquels nous étions autorisé à en soupçonner, à cause de la facilité avec laquelle s'était produite la fracture, n'en présentaient pas. Le col du fémur était fracturé en dehors de la capsule, et le grand trochanter était détaché de la diaphyse. La consolidation n'avait pas eu lieu; mais il n'y avait aucun cysticerque, soit dans l'épaisseur des frag- ments, soit dans le canal médullaire.

Les yeux n'en contenaient point.

Il n'y en avait qu'un à la base de la langue, qui est toujours infestée chez le porc ladre.

Il est vrai que jusqu'ici il n'y a qu'une observation de cysticerques de la langue : elle est rapportée parRudolphi.

Le foie était intact et tout à fait normal.

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La raie et les reins en étaient aussi exempts. Ceux-ci présentaient à leur surface de nombreux kystes.

Le pancréas contenait un cysticerque. Le mésentère en était littéra- lement farci.

Les parotides en renfermaient plusieurs.

Trois ou quatre furent trouvés sur les côtés du larynx ; seize dans les poumons, soit à la surface, soit dans l'épaisseur même du tissu pulmo- naire.

Le cœur en avait un placé superficiellement dans sa paroi anté- rieure.

Les intestins, soigneusement lavés et examinés, ne contenaient ni tœnias ni vers d'aucune espèce.

Dans les centres nerveux nous avons trouvé 111 cysticerques, ainsi répartis :

22 pour les méninges; 84 pour le cerveau ;

4 pour le cervelet;

1 pour la moelle allongée.

La moelle, incomplètement examinée, ne paraissait pas en renfer- mer.

A la surface du cerveau on voyait un assez grand nombre de cys- ticerques, qui s'étaient creusé une petite cavité dans la substance des circonvolutions ; d'autres apparaissaient, par transparence, à travers une mince couche de substance cérébrale. Un accident arrivé à la prépara- tion nous met dans l'impossibilité de rapporter à chaque partie les cys- ticerques sortis du cerveau. Cependant il est possible d'affirmer que les ventricules, les plexus choroïdes et les couches optiques en contenaient un certain nombre.

Le cerveau était mou et diffluent.

Description des cysticerques. Suivant leur siège, ils présentent des différences de forme et de consistance. En général , ils se rap- prochent tous plus ou moins de la forme d'une capsule de copahu très- allongée dont le grand diamètre varie de 15 à 30 millimètres; le petit de 5 à 6 millimètres. Ceux du cerveau s'éloignent beaucoup de ce type général. Les uns ont des expansions vésiculaires, d'autres un étrangle- ment qui semble les diviser en deux, en forme de bissac.

La résistance de la vésicule est plus ou moins grande, suivant le tissu

qu'elle occupe. A travers ses parois transparentes on aperçoit un petit

corps blanchâtre, du volume d'un grain de millet : c'est le scolex. Dans

le point celui-ci se rattache à la vésicule on voit un petit pertuis

qui est l'orifice d'invagination de l'animal.

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Grâce aux habiles préparalions microscopiques de JM. le docteur Bertolus, nous avons pu examiner la structure de l'animai. Sa longueur varie de lU à 15 millimètres, et sa largeur de 2 à 3; la tète est munie de quatre ventouses et d'une double rangée de crochets, dont le nom- bre oscille entre 30 et 34. Autour des ventouses, on aperçoit de petits canaux qui s'anastomosent entre eux, pour en former deux plus larges qui longent tout le corps. Celui-ci renferme un grand nombre de petites granulations calcaires, et est sillonné de plis transversaux dus à la po- sition que prend le scoleix invaginé. Plusieurs de ces animaux ont été trouvés vivants.

Nous avons rencontré quatre cysticerques qui avaient subi complè- tement la transformation calcaire, tout en conservant leurs formes, et qui ressemblaient à des calculs.

Les renseignements que nous avons obtenus sur les antécédents de Pierre Massot sont fort incomplets. Tout ce que nous savons, c'est qu il mendiait, menait une vie errante, et s'enivrait fréquemment. Sa nourriture habituelle consistait en pain, en fromage et en viande de porc. Dans le pays qu'il habitait, il y a beaucoup de porcs ladres. On n'a jamais ouï dire que lui ni des voisins aient été atlectés du ver soli- taire. Ce n'est que pendant les trois derniers mois de sa vie qu'on ob- serva un affaiblissement de ses facultés intellectuelles. Déjà, depuis un certain temps il était affecté d'un catarrhe assez intense, qu'on pouvait attribuer à la mauvaise saison et à l'humidité de Tappartement qu'il habitait.

Cette observation m'a paru intéressante, à cause du nombre considé- rable de cysticerques trouvés à l'autopsie de notre malade. Les cas de généralisation, c'est-à-dire tous les muscles et presque tous les or- ganes en fournissent sont rares. Je n'en ai rencontré que deux. Le pre- mier est à Werner ; le second à M. Demarquay. Dans ce dernier cas, la plupart des muscles logeaient des cysticerques ; mais de tous les organes le poumon seul en contenait. Je suis donc autorisé à penser que j'ai observé le plus bel exemple de généralisation qu'on ait encore rencontré.

Le développement dun si grand nombre de cysticerques m'a semblé d'une innocuité remarquable chez notre sujet, car l'état d'enfance et de faiblesse qu'on observait chez lui pouvait être attribué aussi bien à son âge et à ses infirmités diverses qu'au développement des cysticerques.

Le foie ne renfermait aucun de ces vers vésiculaires; il semble donc y avoir une espèce d'incompatibilité d'existence entre le cysticerque et l'échinocoque. Celui-ci affecte principalement le foie, tandis que ce- lui-là n'y a jamais été rencontré, que je sache.

C. R. 5

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Au sujet de l'observation de mon malade, M. Diday a rapporté l'exemple d'un homme à qui Dupuytren pratiqua la resection des frag- ments pour une fracture non consolidée de l'humérus. On trouva une huitaine de vésicules hydatiques à la présence desquelles l'accident fut attribué, car le malade s'était fait cette fracture en lançant une pierre avec une force modérée.

Je rapporte ce fait, quoiqu'il n'ait qu'une relation éloignée avec celui qu'il m'a été donné d'observer.

D'après ce qu'on sait actuellement, on doit penser que nous avons observé le cyalicercus ceUidosœ des auteurs. Toutefois, M. le docteur Bertholus se fondant sur ses recherches spéciales, pense qu'il appartient à une espèce différente. Cette détermination présente de grandes diffi- cultés, et l'on ne possède aucun caractère qui soit invariable. Ainsi d'après MM. Davaine et Follin, le cystîcerciis cellulosœ du porc a de 26 à 28 crochets, tandis que celui de l'homme en aurait 32. Mais M. Kqe- berlé en a trouvé quelquefois seulement 24.

Quant à la dimension des vésicules et à leur fprme, elles présentent évidemment trop de différences pour pouvoir servir efficacement à i}pe distinction d'espèce.

m. Patholocie.

i" Cancer DE l'utérus ; augmentation considérable i)e l'éçaissppr ijp sps pa- rois VAR infiltration CANCÉREUSE ; CANCER DE LA TROMPE GAUCHE ; CANCy^]^ DE LA VESSIE ; PÉRITONITE SURAIGUE ; INFILTRATION PURULENTE DE LA SURFAÇJi: INFÉRIEURE DU FOIE; par M. CORNIL.

La nommée P..., âgée de 58 ans, entre le 16 avril 1863 à l'infirmerie de la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot, au 19 de la salle Sainte-Marthe.

Son père et sa mère sont morts sans maladie dont elle se rappelle : l'un à 72 ans, l'autre à 74; elle-même a été réglée à 16 ans. s'est ma- riée et a eu deux enfants qui sont morts poitrinaires comme son mari. Ménopause il y a quatre ans. Depuis trois ans elle a ressenti des dou- leurs dans le bas-ventre, avait de mauvaises digestions et de la diffi- culté à uriner. Elle s'est alitée au mois de décembre 1862. Son affection utérine l'a forcée à entrer à la Pitié à la fin de mars 1863, et ce n'est qu'à partir de cette époque qu'elle a eu un écoulement vaginal séreux. Elle n'a éprouvé de perte sanguine que pendant une heure dans ce der- nier séjour à la Pitié.

Le 17 avril, à son entrée, la malade est amaigrie ; la face est jaunâtre et grippée; le ventre est gros, tuméfié, très-douloureux au moindre at- touchement; à la percussion de l'abdomen, on trouve de la matité dans

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les flancs et les parties déclives. Pas de vomissements, selles norma- les, langue rouge, inappétence, difficulté dans la miction.

Toucher vaginal. Le col est haut, les lèvres sont inégales et légère- ment rugueuses; l'utérus est volumineux et fixé; le tissu sous-muqueux des culs-de-saç vaginaux est dur et rigide; les ganglions inguinaux sont développés.

La malade éprouve des sensations de chaleur dans les jambes et des Qrampes dans le mollet. Mort le 19 avril.

Autopsie faite ^jç 20 avril. Le,s parois abdominales spRt yertçs ej, fié- composées. Les organes thoraciques sont sains; le cœur est volumineux. Abdomen. Le péritoine est rempli par un liquide purulent contenant des flocons fibrineux: les anses intestinales sont agglutinées entre elle§ par les mêmes exsudats fibrineux. de couleur jaune et de contenance rnolle.

Le foie est couvert de ces exsudats à sa face convexe sous forme d'une feuille mince. A la face inférieure, on voit à la surface du foie petites plaques de couleur blanc jaunâtre, peu larges, arrondies et as- sez nombreuses, qui répondent sur une coupe à une infiltration puru- lente du tissu hépatique. Ces noyaux d hépatite purulente sont Hmitésè 1 cenlimètre de la surface du foie. Ils sont évidemment dus à la péri- tonite. Le reste du parenchyme hépatique est jaunâtre, sans distinction bien nette des acini. Jlalc molle, assez volumineuse.

Heins pesant ensemble 266 grammes; ils sont tous les deux gros, mous, flasques; leur surface sous la capsule est lisse, blanche, avec de* arborisations vasculaires; la coupe des rçins montre que la substance corticale est de coloration blanc grisâtre et qu'elle est très-épaisse. Les uretères ne sont pas dilatés.

L'ouverture supérieure du bassin est remplie par la vessie en avant, l'utérus proéminent au milieu, le rectum à droite, et à gauche par un kj'Ste purulent fermé par une pseudo-membrane molle : après avoir en- levé cette pseudo-membrane, on pénètre dans une cavité pleine de pus que l'examen ultérieur a montré être le pavillon de la trompe gauche hypertrophiée et dilatée. En arrière de cet abcès se trouve un petit kyste plein de sérosité citrine transparente qui a paru appartenir au pavillon de la trompe.

Les organes pelviens enlevés sont couverts à leur surface péritonéale de pseudo-membranes et de pus. La vessie ouverte contient deux ou trois cuillerées d'urine sanguinolente. Le cul-de-sac vésical est cou-

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vert de fongosités bourgeonnantes rouges ou pâles qui ont un volume considérable et la forme de chou-fleur autour de l'ouverture urétrale.

L'utérus, considérable, mesure 12 centimètres en longueur, sa paroi comprise. Les parois mesurent de 15 à 23 millimètres en épaisseur. L'u- térus est un peu fléchi en arrière. Sa cavité est dilatée, dans le col surtout, sa surface est ulcérée superficiellement. Elle est remplie par un liquide épais, blanc, le microscope montre des éléments re- gardés comme le type du cancer, des cellules mères très-volumineuses contenant plusieurs cellules et noyaux, des cellules allongées, tous élé- ments munis de nucléoles brillants.

En versant de Teau sur la surface muqueuse du col, on voit de longs filaments en forme de houppes soyeuses, composés de tractus conte- nant des vaisseaux et couverts de cellules épithéliales.

La trompe gauche est retournée en cercle sur elle-même, et accolée au bord gauche de l'utérus de façon à présenter en haut son pavillon ouvert. La grosseur de la trompe est au moins celle du doigt. Sa ca- vité, dans les trois quarts externes, est élargie, pleine de pus et cou- verte de fongosités. Les parois qui sont dures, examinées au microscope, ont montré des amas de cellules épithéliales interposés entre les élé- ments.

Les parois si considérables de l'utérus, examinées au microscope à plusieurs reprises, ont toujours donné le même résultat. Les éléments cellulaires du cancer se trouvaient partout inflltrés au milieu des élé- ments musculaires de l'utérus qui étaient eux-mêmes sans altération. Les cellules cancéreuses étaient réunies sous forme d'amas allongés gé- néralement contenus dans des alvéoles creusées au milieu des fibres musculaires de l'utérus et bordées par elles. Quelques-unes d'entre ces alvéoles sont assez volumineuses pour être vues à l'œil nu; elles ont de 1 dixième de millimètre à 2 et 3 millimètres. Elles sont très-allongées à la surface externe de l'utérus, ce qui tient au parallélisme des fibres musculaires en ce point; elles sont plus nombreuses et plus volumineu- ses à mesure qu'elles se rapprochent de la surface ulcérée de la cavité du col. Les éléments qu'elles contiennent sont les mêmes que ceux qui étaient libres à la surface de la muqueuse utérine.

Le tissu cellulaire du bassin est dense et infiltré à gauche dans le li- gament large, de telle sorte que l'ovaire n'a pu être retrouvé ; entre la vessie et le vagin, le tissu cellulaire est épais de 1 centimètre à 1 centimètre 1/2, et renferme des noyaux blancs, durs, d'où suinte un suc cancéreux. Sur une coupe de ces noyaux, on obtient des alvéoles remplies de cellules.

Les nerfs du bassin sont sains.

Les ganglions lymphatiques sont gros et rosés, mais non dégénérés ; on

69 trouve plusieurs veines dans les plexus utéro-vaginaux qui sont oblité- rées, mais les veines iliaques sont libres.

La colonne vertébrale n'est pas malade.

D'après l'autopsie, il nous a paru de toute évidence que la péritonite avait été causée dans ce cas par le cancer de la trompe dont le pavillon, tourné en haut et largement ouvert, était couvert à sa face muqueuse de fongosités et de pus.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

r r

LA SOCiËTE DE BIOLOGIE

PENDANT LE MOIS DE MAI 1863;

Par m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRESIDENCE DE M. RAIER.

1. Physiologie végétale.

Note scr fécondation artificielle a l'aide du pollen conservé PExNDANT quatorze MOIS ; par M. Faivre.

On connaît depuis longtemps la propriété du pollen de pouvoir être conservé sans perdre son aptitude à la fécondation.

Linné, ayant conservé pendant six semaines le pollen du j'rt^ro/^/ia cercits, s'en servit avec succès pour féconder les fleurs femelles.

Ces mêmes tentatives, faites de nos jours sur d'autres plantfs. ont donné des résultais identiques aux horticulteurs praticiens. En Belgi- que, M. Haquin a fécondé des lis avec du pollen de quarante- huit jours, des aialés et des camélias avec du pollen de quarante-deux

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et soixante-cinq jours ; en Auvergne, M. Giraud a fécondé des lis avec du pollen recueilli depuis une année ; en Angleterre, M. Hay Brown a obtenu un hybride de Yepipfiyltum jenkinsonii fécondé par le pollen d'un ccreus grandi floriis conservé six semaines; au jardin des plantes de Paris, M. Houley nous a montré les résultats de même nature obte- nus sur un pied de cycas circinnalis fécondé par du pollen recueilli depuis plusieurs mois sur un chaton de fleurs mâles.

Nous avons entrepris à Lyon quelques expériences analogues dont l'intérêt théorique et pratique est facile à concevoir.

Il ne s'agit pas seulement d'étudier la durée des propriétés et le mode de conservation du pollen, mais de s'assurer de l'influence du pollen conservé et expédié de diverses contrées du globe dans le but, soit de produire de nouvelles variétés de fleurs et de fruits, soit de fixer et.de régénérer les anciennes.

En 1860, nous avons recueilli et conservé dans du papier gris du pollen de glaucinia speciosa. Après une année, nous l'avons examiné au microscope et nous n'avons constaté aucun changement dans sa con- stitution et dans la nature du mouvement particulier dont sont animés les grains de sa fovilla; il a été alors employé à la fécondation sur un pied de même couleur d'une espèce analogue; la fécondation s'est ef- fectuée comme s'il se fût agi d'un pollen normal ; la chute de la corolle, signe certain de la réussite de l'opération, s'est effectuée comme dans les conditions ordinaires.

Le 5 janvier 1862, nous avons recueilli à Lyon du pollen sur un pied de gesneria cinnabarina en pleine fécondation ; nous avons enlevé com- plètement les étamines et nous les avons placées dans un papier gris, ovi elles sont restées une année dans le tiroir d'un bureau. Quelques grains de pollen examinés au microscope au moment de la cueillette nous ont présenté les caractères et les mouvements de la fovilla, ana- logue à ceux que nous avons décrits dans une note sur le gesneria cin- nabarina. {Bulletin de la Société bot. de France, avril, 1863.)

En janvier 1863, la fécondation artificielle a été opérée par le jardi- nier en chef de Lyon à l'aide du pollen recueilli, et les résultats en ont été immédiats et complets.

Un mois après, une partie du pollen restant nous a été expédiée sur notre demande à Paris ; le pollen envoyé dans une lettre a été conservé par nous dans un portefeuille, et examiné avec soin au microscope; les grains en étaient secs, cohérents, ils se laissaient lentement dis- tendre par l'eau, et n'émettaient pas aussi facilement que sur le pollen normal les boyaux polléniques; les granules de la fovilla n'avaient pas cessé d'être doués du mouvement ordinaire, seulement ces mouve- ments étaient moins actifs, moins accusés que ceux du pollen ordinaire ;

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ils furent môme dans certaines préparations si partiels, si peu marqués, que plusieurs personnes auxquelles nous désirions les faire voir étaient tentées d'en nier la réalité; nous étions porté nous-mêmes à concevoir des doutes sur la propriété de la poussière fécondante, lorsque nous la remimes à l'habile jardinier en chef des serres du Muséum, en le priant d'essayer la fécondation sur un pied de gesneria cinnabarina. M. Ouley opéra en effet la fécondation artificielle le 2 avril, après avoir pris toutes les précautions usitées en pareil cas ; l'opération eut un plein succès: déjà, après quelques semaines, l'ovaire de toutes les fleurs fécondées artificiellement a pris un développement égal à celui des fleurs chez lesquelles s'est opérée naturellement la fécondation.

Le résultat qui précède est de nature à suggérer plusieurs réflexions.

Il prouve que le pollen des gesneria peut conserver pendant plus de quatorze mois ses propriétés fécondantes;

Il démontre que les conditions de conservation du pollen ne sont pas nécessairement en rapport avec les conditions de végétation des plan- tes qui le produisent. Ainsi, le gesneria cinnabarina est une plante du Brésil, dont la culture ne peut se faire chez nous qu'en serre chaude, et exige une atmosphère humide; le pollen de cette plante se conserve très-bien dans les conditions opposées de sécheresse et de température peu élevées, il résiste aux variations de température de nos pays, et il est certain que du pollen de cette nature pourrait nous être expédié d'Amérique sans perdre ses propriétés.

Nous voyons enfin par notre expérience, que les mouvements de la fouilla peuvent être modifiés, notablement diminués, sans que la fécon- dation cesse d'être impossible.

Oo

Sl'r les matières colorantes des feuilles; par MM. Chatln et Filhol,

Depuis plusieurs années, nous nous occupons des recherches dont nous communiquons aujourd'hui les premiers résultats, recherches aux- quelles nous nous étions séparément préparés, l'un de nous (M. Filhol), par des études sur les matières colorantes des fleurs, l'autre (M. Cha- tin), par un travail sur les sucs nourriciers des végétaux et la coloration automnale des feuilles.

r La matière avide d'oxygène (provisoirement dénommée A, Comp- tes rendus de CAcad. des sciences, t. XLI, p. 810), et qui colore en brun les feuilles d'automne, existe dans les fleurs comme dans les au- tres tissus végétaux.

L'action de la lumière et de l'air sur la chlorophylle colore celle- ci en brun jaunâtre, et lui fait perdre la propriété de revenir au vert par l'acide chlorhydrique.

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Ce phénomène donne lieu à une absorption d'oxygène et à une re- marquable production de gaz sur laquelle nous reviendrons dans un se- cond travail.

Les feuilles vertes sont recouvertes d'un vernis gras qui se détruit peu à peu dans la période automnale.

Les feuilles vertes exposées à l'air après une immersion dans l'é- ther prennent la coloration de feuille morte. Le phénomène, favorisé par les alcalis (élher ammoniacal), entravé par les acides, est à l'oxyda- tion de la matière A.

5" Les feuilles panachées se colorent (excepté celle de Acer IScgundo) en brun comme les feuilles vertes.

Quelques feuilles prennent en automne la couleur jaune, puis la couleur rouge, jamais la coloration rouge avant celle en jaune. Les variétés jaunes des espèces à fruits, les unes jaunes, les autres rouges {Ribes, Rubus, Prunus, Malus, etc.), donnent lieu à la même observa- tion. Les corps désoxydants (acide sulfureux, etc.) ramènent le rouge au jaune. Donc les feuilles et les fruits jaunes sont des arrêts cCoxyda- Lion par rapport à leurs congénères rouges.

Le quercilrin existe dans la généralité des feuilles ; c'est à lui qu'il faut rapporter la prétendue variété de tannin dit tannin vert, en raison de sa propriété de colorer en vert olive les sels de fer.

Le quercilrin est assez souvent accompagné par le vrai tannin, dit tannin gallique, plus rarement par de l'acide gallique.

Pendant la coloration automnale des feuilles, le quercilrin est détruit le premier, le tannin le second, l'acide gallique le dernier.

10° L'ordre de destruction du quercilrin, du tannin et de l'acide gal- lique est donc le même que celui de leur diffusion et sans doute de leur importance dans la végétation.

IL Chimie médicale.

De l'action du sodium sur quelques anesteésiques; par le docteur

E. Hardy.

Les substances capables de produire l'anesthésie deviennent chaque jour de plus en plus nombreuses; leurs avantages comme leurs inconvé- nients sont également mieux déterminés, et leur mode d'action mieux connu. Cependant, malgré la découverte d'agents nouveaux, certains aneslhésiques conservent une incontestable supériorité et restent pres- que exclusivement employés dans la pratique chirurgicale et les expé- riences physiologiques. Au premier rang se placent le chloroforme et l'éther, puis viennent l'amylène et d'autres composés d'un usage plus restreint.

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Dans l'application, ces agents ne peuvent fournir de résultats compa- rables que sous la condition d'être exempts de produits étrangers. Pôuf- reconnaître ces derniers on a recours à des procédés assez multipliés, qui varient avec chaque substance. Il est possible de substituer à ces moyens divers une méthode simple et générale, fondée sur une action particulière du sodium et réunissant une grande précision à une exécu- tion rapide.

Chloroforme. Dans un travail précédent {Archives de médecine, octobre 18G2), nous avons montré que le chloroforme se reconnaît à l'état pur par son inaltérabilité en présence du sodium; sïl contient de l'alcool ou d'autres produits du môme ordre susceptibles de l'altérer, il se décompose avec dégagement de gaz et formation de matières fixes. L'action se prolonge tant que les substances étrangères ne sont pas en- tièrement détruites. Les gaz dégagés sont un mélange d'hydrogène, de gaz des marais, d'oxyde de carbone ; ceux donnés par l'esprit de bois sont l'hydrogène et l'oxyde de carbone. Les matières fixes appartien- nent, suivant les cas, à l'une des séries méthulmique, éthulmique, amyl- ulmique, etc.

Éther. Pour constater la présence de l'alcool et de l'eau dans l'éther, on se sert habituellement du procédé suivant : une quantité connue d'éther est agitée dans un tube gradué avec une solution de chlorure de calcium ; elle éprouve une diminution de volume qui indi- que à la fois l'alcool et l'eau, ainsi que la portion approximative de ces divers liquides.

L'emploi du sodium permet de reconnaître, d'une manière aussi simple et plus exacte, la pureté de l'éther, et décèle en même temps les pro- duits accessoires autres que l'alcool et l'eau. L'éther possède la propriété de ne point s'altérer en présence du sodium. Tout dégagement de gaz indique la présence de matières étrangères : s'il n'y a que de l'eau et de l'alcool, le gaz est formé seulement d'hydrogène. Voici les chiffres d'une analyse eudiométrique :

Gaz employé , 8 ce.

Gaz et oxygène 24

Contraction après l'étincelle électrique 12

Le résidu gazeux n'est pas absorbé par la potasse et ne contient que de l'oxygène.

Lorsqu'il existe d'autres substances, le gaz paraît encore analogue, mais n'a point été analysé.

L'essai s'effectue dans un tube de verre, avec quelques grammes d'éther et un fragment de sodium. Les bulles de gaz se développent au.ssitôt et persistent tant qu'il y a des substances étrangères. Le déga-

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cernent arrêté, il suffit de laisser reposer les matières fixes et de décan- ter; l'éther qui surnage est pur.

Jusqu'à présent cette réaction a été méconnue; on a répété, par er- reur, que l'éther se décompose lentement en présence du sodium avec dégagement d'hydrogène. Il n'en est point ainsi: non-seulement l'éther anhydre n'est point altéré par le sodium, mais il peut être distillé sur ce métal sans éprouver de décomposition.

Amylène. L'amylène résulte de l'action du chlorure de zinc sur l'alcool amylique. Malgré la différence des points d'ébullition de ces deux corps, il est difficile de le séparer complètement; mais il est pos- sible, en employant le sodium, d'arriver à des résultats identiques à ceux qu'il produit sur l'éther. Pur, l'amylène n'est point altéré par ce métal; un dégagement de gaz devient la preuve de son impureté. Ces gaz ont une composition variable et assez complexe, dont les chiffres analytiques offriraient peu d'intérêt. Il suffit de constater que le sodium décèle l'impureté de l'amylène et peut servir comme moyen de purifi- cation.

Carbures d'hydrogène. Cette inaltérabilité de l'amylène en pré- sence du sodium se retrouve dans d'autres carbures d'hydrogène, parmi lesquels quelques-uns jouissent de propriétés anesthésiques. Mêlés aux substances étrangères déjà énumérées, il y a dégagement de gaz; on dé- cante, les carbures restent purs. Voici les résultats analytiques obtenus avec des gaz provenant d'un mélange de cymène et d'alcool, et de ben- zine et d'alcool ; ils démontrent que le gaz est formé d'hydrogène.

Gaz fourni par un mélange de benzine et d'alcool :

Volume du gaz 5 ce.

Gaz et oxygène 9,5

Contraction après l'étincelle électrique. . . 2,1

Le résidu gazeux n'est pas absorbé par la potasse.

Gaz fourni par un mélange de cymène et d'alcool :

Volume du gaz 8 ce.

Gaz et oxygène 19

Contraction après l'étincelle électrique ... 7,3

Le résidu gazeux n'est pas absorbé par la potasse.

Chlorure de carbone. Le protochlorure de carbone est classé parmi les anesthésiques; pur, il n'est pas attaqué par le sodium; mêlé à des produits étrangers, il dégage des gaz et dépose des matières fixes. Nous nous bornons aujourd'hui à constater que l'apparition des gaz indique l'impureté du chlorure de carbone; prochainement nous ferons con-

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naître la nature et la composition des corps qui prennent naissance pendant cette réaction.

Des faits précédents résulte cette conséquence, qu'il est possible de reconnaître rapidement et avec facilité l'état pur ou impur de la plu- part des anesthésiques. Il suffit d'opérer avec un tube de verre conte- nant un fragment de sodium, plongé dans une petite quantité de liquide à essayer. On n'a pas besoin de chauffer; on n'a à craindre ni inflam- mation ni détonation. La réaction a lieu presque instantanément. Un dégagement de gaz devient l'indice de matières étrangères au sein du produit essayé; la cessation de ce dégagement, comme l'absence de gaz, fournissent la preuve de sa pureté.

Maintenant nous allons ajouter quelques mots touchant une applica- tion qui est une suite et une dépendance naturelle de notre mé- thode.

Lorsqu'il s'agit d'amener Téther à l'état complètement pur et anhydre, l'opération n'est pas sans certaines difficultés par les procédés ordi- naires. Nous offrons un moyen beaucoup plus simple et plus prompt. On laisse léther en contact avec le sodium pendant quelques heures, jusqu'à ce que tout dégagement de gaz ait cessé; puis on décante, ou mieux on distille, et léther ainsi obtenu est arrivé à l'état de pureté absolue.

IV. Toxicologie.

Observation d'empoisonnement par l'hydrogène arsénié; par Auguste Ollivier.

Le 3 mars, vers deux heures de l'après-midi, le nommé Barboret (Charles), âgé de 22 ans, est admis à l'hôpital de la Charité, dans le ser- vice de M. le professeur Piorry, salle Saint-Charles, n" 1.

Ce jeune homme, employé dans une fabrique de produits chimiques, se livrait, le 3 mars au matin, vers sept heures et demiie, à des re- cherches sur la production des matières colorantes de l'aniline. Dans une de ses expériences, il développa une quantité assez grande d'hydro- gène arsénié qui se répandit dans l'atmosphère du laboratoire. Vers huit heures et demie, Barberet ressentit un assez violent mal de tête qui le força d'ouvrir la fenêtre pendant quelques instants. Il reprit ensuite son travail qu'il continua jusqu'au moment de son déjeuner, à dix heures et demie.

Il prit son repas sans ressentir rien de particulier. Une heure après, le mal de tête augmenta, des douleurs se déclarèrent au niveau de l'épi- gastre, puis survinrent des vomissements de matières alimentaires. Un médecin appelé immédiatement prescrivit du sesquioxyde de fer hy-

luj LIBR ARYJ'

^A '35->

78 draté, mais le malade ne suivit pas cette prescription et se lit trans- porter à l'hôpital de la Charité. Pendant le trajet, il vomit trois fois des matières alimentaires. A son entrée, voici ce que l'on constata •. face pâle, lèvres décolorées, marche difficile, céphalalgie frontale très-in- tense, douleur spontanée très-forte vers les lombes; sentiment de con- striction à la base de la poitrine, respiration accélérée, pas de toux, pas de râles à l'auscultation, sonorité normale; soif vive, nulle douleur abdominale spontanément ni à la pression. Les extrémités sont froides. Aucun trouble des sens. (Traitement : sinapismes, frictions avec baume de Fioravanti, boliles d'eau chaude, vin diurétique, 320 grammes en deux fois ; tisane ordinaire avec acétate d'ammoniaque, 15 grammes par litre; lavement avec eau, 500 grammes ; follicules de séné, 12 grammes, sirop de nerprun, 60 grammes.)

Au bout d'une demi-heure environ, le malade se réchauffe, une lé- gère moiteur s'établit par tout le corps; la respiration devient plus fa- cile. Néanmoins le malade accuse toujours une courbature générale, et surtout des douleurs lombaires. La motilité ne semble point altérée. Le pouls est à 1 10 pulsations, assez plein et régulier. Le foie est douloureux à la palpation.

Vers cinq heures, le malade rend deux garde-robes fétides et abon- dantes. Une heure après, émission sans douleur d'environ 220 grammes d'une urine rouge dans laquelle l'examen microscopique fait immédiate- ment ne permet pas de trouver un seul globule de sang.

A partir de cinq heures, vomissements verdâtres provoqués par la moindre quantité de tisane avalée.

Vers dix heures et demie la céphalalgie est plus intense et la face animée; les conjonctives sont injectées. Pouls fort et fréquent. Parole embarrassée, réponses lentes. (Saignée de 500 grammes.) Soulagement presque. immédiat. La céphalalgie diminue ainsi que la douleur lom- baire. 20 respirations, pouls à 95. Cependant les vomissements conti- nuent, et aucune boisson ne peut être supportée.

Vers une heure du matin, M. Piorry, à la prière des parents du ma- lade, vient le voir et le trouve dans l'état suivant : face colorée, peau chaude, pouls à 100 pulsations, régulier, asseî développé ; intelligence intacte, réponses lucides. L'examen du cœur, des poumons, du foie et de la rate, n'offre rien de particulier. L'abdomen n'est plus douloureux et les vomissements ont cessé. M. Piorry prescrit : boissons à hautes dçses, et irrigations du rectum répétées. Un nouveau lavement purga- tif est donné vers trois heures, puis un bain. Le malade se trouve un peu mieux, quoique encore extrêmement fatigué. Après avoir pris son bain, il rend de nouveau environ 200 grammes d'urine offrant tous les caractères physiques de celle qu'il a rendue la première fois.

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Le h mars, fpce d'un jaune terreux, conjonctives non injectées, peau sèche, pouls à 104 pulsations, 40 respirations, congestion pulmonaire en arrière. Langue sèche, soif vive. Le malade n'a pas uriné. 11 existe encore de la céphalalgie, mais peu intense; la douleur lornbaire a dis- paru, hébétude, réponses un peu lentes, sensibilité conservée.

Le 5, apathie remarquable, assoupissement, les conjonctives sont do nouveau injectées et présentent une singulière coloration gris rougeâtre ; toutefois elles ne sont pas douloureuses. Le malade se sent de Tappétit (bouillon, potage, un peu de poulet). Le phénomène le plus saillant est une diminution très-notable des urines qui conservent leur coloration rougeâtre.

Le 6, le malade semble un peu mieux, bien qu'il ait encore un léger assoupissement, pouls fort, à 96 pulsations, respiration toujours accé- lérée, absence complète diiripe.

Le 7 au matin, l'état général s'est notablement aggravé, la face a changé de coloration et présente une teinte qui se rapprpchê du brun jaunâtre. Le malade peut à peine répondre aux questions qu'on lui adresse. Langue sèche, fuligineuse, et difficilement projetée hors la bouche, lèvres également recouvertes d'un enduit fuligineux, ventre non douloureux, aucune garde-robe. Pas d'urine. Râles sous-crépitants et sub-matité en arrière de chaque côté de la poitrine, pouls inégal à 120 pulsations. (Trois frictions sur la peau, vin diurétique, 10 grammes d'acétate de potasse par litre de tisane, vésicatoires aux cuisses.)

Le soir, à cinq heures, pouls imperceptible, respiration accélérée et embarrassée, intelligence perdue, yeux hagards. La peau a une colora- tion bronzée. Il n'y a pas eu d'émission d'urine. Les mains sont froides. La respiration ne tarde pas à s'embarrasser de plus en plus, et la mort survient à six heures.

Autopsie faite quarante-hui,t heures après la mort. Malheureusement elle ne put être complète, les parents s'y étant opposés.

Le crâne n'a pas été ouvert.

Thorax. Pas d'ecchymoses sous-pleurales. Poumons congestionnés surtout à la partie postérieure. Les bronches sont un peu injectées et remplies d'écume. Le volume du cœur est normal. Chaque ventricule renferme un caillot volumineux, moitié fibrineux, moitié formé de sang noir coagulé. Le caillot du cœur droit se prolonge dans l'artère pulmo- naire à une hauteur de 5 à 6 centimètres; celui du ventricule gauclie n'a aucun prolongement dans l'aorte, et adhère moins aux colonnes charnues. A l'examen microscopique, les globules du sang pris dans le cœur ne présentent pas d'altérations bien manifestes. Il en est de même des fibres musculaires du cœur.

Abdomen. Également absence d'ecchymoses sous-péritonéales. L'es-

80 tomac contient un liquide verdâtre pareil à celui que le malade avait vomi. Les intestins, dont on ne peut ouvrir qu'une partie, ne sont nul- lement injectés. Foie volumineux et congestionné, les cellules hépa- tiques ne sont pas altérées; rate ramollie, ayant 18 centimètres de lon- gueur et 9 de largeur. Le volume des reins est augmenté de moitié en- viron. La capsule fibreuse se détache aisément. A la coupe, on trouve une injection de tout lorgane, mais bien plus prononcée dans la sub- stance tubuleuse qui a une teinte violacée. Les tubuli sont à ce niveau fortement colorés par la matière colorante du sang. Les cellules sont granuleuses dans les deux substances, mais elles le sont à un plus haut degré dans la substance tubuleuse, déjà Ton voit apparaître quelques gouttelettes graisseuses.

Les capsules surrénales n'offrent rien de particulier.

La vessie dont la muqueuse a sa coloration ordinaire, renferme un demi-verre d'urine rougeâtre.

M. Fordos, pharmacien en chef de fhôpital, s'étant chargé d'analyser le sang et l'urine, communiquera le résultat de ses recherches à la So- ciété.

IIL Helminthologie.

Expériences sur linfection du mouton par le t^nia coenurus; par MM. Alph. Milne-Edwards et Léon Vaillant.

M. Kuchenmeister ayant envoyé il y a quelques mois des tœnia cœ- niirus à M. Milne-Edwards qui a bien voulu nous les remettre, nous avons fait quelques expériences sur l'infection des moutons par les em- bryons de cet helminthe, expériences dont nous pouvons aujourd'hui présenter les résultats à la Société.

C'est au mois de février dernier que. M. Milne-Edvs^ards reçut de Dresde les strobiles de tœnia cœnitrus. Ils étaient dans de lalbumine d'œuf, mais le col du flacon qui les contenait ayant été brisé pendant le voyage, une portion du liquide s'échappa, et le reste était dans un état très-avancé de putréfaction lorsque, le 21 février, nous l'adminis- trâmes à deux agneaux d'environ 3 mois, qu'on avait mis au Muséum à notre disposition. Lexamen dune portion de l'albumine, dans laquelle se trouvaient les taenias, ne nous montra aucun embryon, mais seule- ment de ces corpuscules calcaires qu'on rencontre dans le corps des vers cestoïdes. Observés pendant plus de deux mois (21 février au 30 avril), les deux agneaux, établis dans un des parcs de la ménagerie, ne présentèrent aucun phénomène anormal; ils mangeaient avec appétit et engraissèrent d'une manière notable.

Il nous parut hors de doute que l'expérience était complètement né-

81 gative, ce qui pouvait provenir soit de l'état d'altération dans lequel se trouvaient les taenias au moment on les avait fait prendre, soit de leur âge. Les anneaux n'étaient peut-être pas encore assez mûrs, suivant les renseignements qui nous avaient été transmis par M. Kuchenmeister.

Ce savant, à la fin du mois d'avril, fit un second envoi de tœnias qui cette fois parvinrent en beaucoup meilleur état, et d'ailleurs, d'après ce qu'il écrivait à M. Milne-Edwards, étaient d'un âge plus convenable que les précédents pour produire l'infection.

Nous fîmes prendre ces helminthes aux deux mêmes agneaux le 30 avril. L'un d'eux, n" 1, prit avec des fragments des vers une portion de l'albumine dans laquelle ils étaient contenus; le second, 2, ne prit guère que ces derniers; le bocal s'était brisé pendant l'opération, le contenu s'était répandu a terre. Examinés avec soin, ces tsenias nous ont paru en parfait état de conservation; les anneaux mûrs étaient remplis d'oeufs, l'albumine cependant exhalait une odeur putride.

Pendant les jours suivants, les agneaux ne présentèrent aucun phéno- mène anormal; leur appétit, leur gaieté s'étaient conservés.

Le 8 mai, on fit tuer l'agneau 2. Nous avions pour but d'abord de constater le point en était l'expérience, en second lieu de voir si la première infection avait réellement échoué, la lettre de M. Kuchen- meister qui accompagnait le second envoi disant que M. Roll, professeur- à l'école vétérinaire de Vienne, avait obtenu des résultats affirmatifs avee les premiers taenias.

L'autopsie, faite le 10, ne nous fait rien reconnaître d'anormal. Le foie est grisâtre, non ramolli; la substance corticale des reins se déchire facilement; le cœur et les poumons sont parfaitement sains. Les mem- branes du cerveau non plus que cet organe ne sont pas injectés (il faut remarquer que la mort avait été produite par hémorrhagie résultant de la section des gros vaisseaux du cou). L'encéphale, examiné avec le plus grand soin sur des sections très-multipliées, ne présente absolument au- cune altération.

L'agneau n" 1 continua de se porter fort bien jusqu'au 14 mai. Le 15 seulement se manifestèrent quelques phénomènes cérébraux. L'animal se tenait debout dans sa cabane, indifférent à ce qui se passait autour de lui et paraissant peu disposé à se mouvoir, bien qu'il fût dérangé à chaque instant par l'entrée ou la sortie d'un bouquetin placé dans le même parc. Le lendemain 16, c'est-à-dire au dix-septième jour de l'in- fection, l'agneau mourut après avoir présenté, suivant le rapport du gardien, des phénomènes nerveux convulsifs et un écoulement séro- sanguinolent par le nez.

L'autopsie est faite le 10 au matin. Le foie, la rate, les intestins ne sont pas altérés, la substance corticale du rein est molle et friable

G. R. 6

82 comme dans l'agneau 2, précédemment examiné. Un épanchemenl sanguinolent fluide, abondant, existe dans lés plèvres et le péricarde ; ce dernier est peut-être épaissi, mais la présence du thymus empêche de pouvoir bien constater ce Ml. Leâ poumons sont fortement engoués, non crépitants, sduf sur u^né très-petite partie du poumon gauche; un fragrnenl jeté dans l'ëaU rie surnage pas; cepeîidant ils ont cohServé leur élasticité. Cela rappelle l'altération qui suit la section des pncumo-gas- triques. Dans le médiastin antérieur se trouve un cysllcercus tenuicoUis au ihilieu du thymus. Les triembrahes du cerveau sont fortèrtierit injec- tées; celui-ci est ramolli, il présente à sa surface ces Sillons jaunâtres décrits déjà par M. Van Beneden et P. Gervais, sillons sur lesquels M. Baillet a particulièrement in&isté, et qu'on regarde comme résultant du passage des èmbi-yons. Il y en a une trentaine sur la surface convexe; à la partie ihfeirieUrë on n'en compte que trois ; sur l'un des tubercules quadrijumeaux, à droite^ on en observe deUx. Enfin, à la partie anté- rieure du ventricule latéral droit se voit Un amas purulent de la gi-os- seur d'un ppis ; il en existe deux semblables dans le plexus chôi'oïde du même côté. Les sillons, larges de 1""" environ, varient eh longueur de 4""" à 15^°""; ils sont isolables des parties voisines^ paraissent situés dans l'épaisseur de la pie-rhère, et suivent souvent le trajet àes> vàiâ- seaux. A l'une de leurs extrémités se trouve un corffs a'ri-ôndi ou ovoïde mesurant 0""",7 à 1"™,2 sur 0'""',^, "liomogène, granuleux, élastique, sans enveloppe externe apparente, mais cependant limité. Ce corps repré- senté sans aucun doute l'embryon de taenia simplement accru, encore à l'état de proscolex; le reste du tube est rempli d'une matière purulente, cbiicrète, riche en leucocytes. On ne trouve que cette dernière dans les amas du plexus choroïde et du ventricule.

De cette expérience simplement cônfirmative dés faits si biéri établis par M. kuchenmeister et M. Baillet, on peut conclure, je pense, à l'in- fection de ce mouton. Cependant lés cœnures ne paraissent avoir pi-ôduit la mort que secondairement, en quelque sorte, par la hiéningite que leur trop grande abondance avait causée, les embryons que nous avons observés dans les sillons n'ayant pu, vu leur petit volume, amener aucun phénomène de compression directe. D'ailleurs, suivant lés observations de M. kuchenmeister, il se passe souvent un temps très-long avant qu'il ne se manifeste aucun phénomène nerveux après l'infection par les coé- nures.

M. Kuchenmeister ayant enyoyé, sauvant son mode d'exjpêrimëntàtioh habituel, les mêmes taenias à différents observateurs, il sera curieux de contrôler, les résultats les uns par les autres, ce qui nous a (engage à donner cette observation ay^c des .d,ét;ails aussi circonstanciés que pos- sible. .

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V. Pathologie. i" Note SUR l'anaïbjhb •PAi'uoLOGiQTiE du chancre induré du prépbge^

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Le chancre induré du prépueo, étudié au point de vue histologique. présente les particularités' suivantes :, ■,

couèliB épidermique de la peau se trouve considérablement augmentée d'épaisseur autour du point occupé par l'ulcération. Les cel- lules les plus superficielles de cette ûoiîche présentent toutes im noybu central, assez volumineux, pourvu d'uh à quatre nucléoles, eontraire- m'enl ;\ ce qui arrive normalement aux cellules épidermiques de toute la surface cutanée^ qui perdent leurs noyaux à mesure quelles appro- chent de la surface externe de la peau. ^f'^ "o Vm.o'p'f

Les digitations interpapillaires du corps muqueuk de la peau au niveau dvi chancre induré sont plus volumineuses que celles de la^eau saine. Les cellules épithéliales de ces digitations sont très-serrées en- semble,"^Ins vbluminevfSes qu'à l'état normal, et infiltrées. par un li- quide tfès-transparent, coagulable par l'alcool. o -i^^) '".'?;■

Au niveau de la couche papillaife du derme, il est facile de con- stater l'existence de petits foyers hémôrrKUgÎTques, occasionnés sans doute par rupture des petites anses capillaires qui se distritmemft-dahs les papilles du derme. L'hématosine, mêlée à quelques globule^ san- guins altérés à difi"érents degrés, se trouve épanchée par plaques, tou- jours au niveau de la couche papillaire du derme entre celle-ci et le corps muqueux. J'ai constaté trois fois le phénomène que je viens de décrire.

A partir de la couche papillaire du derme jusqu'à sa partie la plu? profonde, 6¥i voit ù'iie très-^r'ànde quart*tité de I\-î4ipheplastiqiïé" infil- trant les tnaîlles Gëttë ti'a-rfié dertoiqu'e. Mt^mè Sanâ avoir recOUïsaux réactifs, rien qu'en faisant des coupes minces du chancre, OH Vftil sour- dre par la jit-ession e't p'ar l'actibn 'dé rinstrlifflenflranchant une grande quantité d'un liquide trèS-transparent, légèrement Visqueux, se coagu- lant lentemetit au contact' l'air. Ge liq^iidc, è'xàÉirié au ftlîét-Oscope à l'aide des réactifs, parait être de la lymphte pliafetique ou uti blastème en d'autres termes. '""

Les papilles ài\ derme cutané sont é§'a1ement augmentées de vo- lume, sans changement de forme. Ces organes, ainsi que tout le reste de la trame dermique jusqu'à sa partie plus profonde, se trouvent infiltrées par une grande quantité d'éléments embryô-plastiiïueë, c'est- à-dire des éléments embrvonnaires ou transitoires du tiësùïibTillàlre ou

.84

conjonctif. Ces éléments embryo-plastiques sont constitués : A. par des noyaux ronds ou ovalaires, quelques-uns d'entre eux très-petits à l'état initial, mesurant 4 millièmes de millimètres de diamètre; d'autres plus gros, mesurant jusqu'à 7 et 9 millièmes; B. par de petits corps fusifor- mes fibro-plastiques en voie d'évolution ordinaire ; C. par de petits fais- ceaux de fibres de tissu fibriUaire ou conjonctif de nouvelle formation, reconnues telles à ce que l'atrophie des noyaux n'est pas complète.

Dans l'épaisseur du derme, il est à remarquer un certain nombre des cordons fibreux, à fibres complètement développées, et dont l'as- pect blanc brillant tranche particulièrement sur le reste de la trame du derme à cause de l'imbibition considérable par le blastème que nous avons signalé précédemment. Cet aspect particulier est nettement ac- cusé sur les préparations microscopiques toutes fraîches de chancre induré faites avec de l'eau distillée : les préparations macérées dans l'alcool ou dans la glycérine le présentent aussi, quoiqu'à un degré moins considérable.

Les différentes modifications de la peau du prépuce qui viennent d'ê- tre décrites expliquent à mon avis, d'une manière satisfaisante, l'indu- ration particulière caractéristique du chancre infectant. Je dois ajouter que mes observations portent sur cinq cas de chancre induré du pré- puce, étudiés avec le plus grand soin, et dans le but de me faire une idée aussi précise que possible des modifications locales apportées par le chancre induré.

Observation d'hémorrhagie du cervelet. Conservation de l'intelli- gence ET de la sensibilité, TROUBLES DE LA MOBILITÉ (PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES, STRABISME, DIFFICULTÉ DE PORTER LA LANGUE AC DEHORS, DYSPHAGIE), puis coma ET MORT. AuTOPSIE, VASTE FOVER nÉMORRn.\GlQUE A LA BASE DE

l'hémisphère CÉRÉBELLEUX GAUCHE ; par M. Auguste Ollivier.

Louis Thuilicr; âgé de 70 ans, gardien au Louvre, entre le 27 avril 1863 à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Félix, n" 3, dans le service de M. le professeur Natalis Guillot.

Ce malade s'est toujours bien porté et n'a jamais fait aucune espèce d'excès. Depuis un mois, il était devenu triste et se sentait la tête un peu lourde sans éprouver toutefois une céphalalgie réelle ; de plus, il avait une constipation opiniâtre.

Le 27 avril au matin, peu d'instants après être arrivé au Louvre, il fut pris, vers sept heures et demie, d'un étourdissement, et tomba sans connaissance. Au bout d'un quart d'heure il revint à lui et vomit alors beaucoup de matières verdâtres. Un médecin appelé dans la journée lui prescrivit une bouteille d'eau de Sedlitz.

On le transporta dans la soirée à l'hôpital de la Charité, et voici l'état

85 dans lequel il se trouvait le lendemain matin au moment de la visite : Face colorée, yeux brillants, sensation de pesanteur des membres ; ce- pendant le malade les remue bien dans tous les sens qu'on lui indique et il serre avec égale force de la main droite et de la main gauche. Quand on cherche à le faire lever, il se sent étourdi et ne peut rester debout. La sensibilité paraît être intacte sur tous les points du corps ; seulement le malade accuse une céphalalgie généralisée mais non in- tense. L'intelligence ne présente aucune altération, réponses nettes à toutes les questions. Le pouls est très développé, régulier, 50 pulsa- tions. Rien à noter du côté de lappareil respiratoire. Les vomissements ne se sont pas reproduits et le purgatif administré la veille a amené plusieurs garde-robes (Prescription: saignée de 400 gr., sinapismes).

Le malade éprouva un soulagement notable après sa saignée, et s'as- soupit. Vers quatre heures ses voisins l'aperçurent s'agitantdans son lit pendant quelques instants, mais comme il redevint bien vite calme, on ne fit plus attention à lui.

A la visite du soir, je trouvai le nuiiade couché sur le dos, les yeux immobiles, convulsés tous deux en haut et à droite. Les pupilles sont un peu dilatées et insensibles à la lumière. Le malade semble entendre et fait quelques efforts, mais en vain, pour projeter sa langue hors de la bouche.

Les membres soulevés retombent lourdement; quand on les pince, le malade ne les remue pas non plus, quelle que soit la force avec la- quelle on pince; mais la figure devient grimaçante et les paupières se remuent.

La piqûre d'un point quelconque de la face produit le même effet, mais à un plus haut degré. La conjonctive est également sensible car les paupières se rapprochent sitôt qu'on les touche. Il existe une lé- gère déviation en bas do la commissure labiale droite, tandis quela gauche est un peu entraînée en haut. Quand on raproche les deux mâ- choires et qu'on ferme la bouche, le malade fume un peu la pipe des deux côtés, mais d'une façon plus notable à droite.

On essaye de faire boire le malade qui avale de travers. Pas de vo- missements; pas de garde-robe ni urines involontaires. Battements du cœur réguliers, profonds. Pouls à 80 pulsations. Respiration un peu stertoreuse, qui empêche de pratiquerTauscultation avec soin, toutefois sonorité normale des deux côtés, 40 respirations (lavement, purgatif, sinapismes).

Le 2'J, respiration plus stertoreuse, les yeux sont toujours dans la même position, la sensibilité des membres a disparu, mais elle persiste encore à la face et aux conjonctives, quoique un peu diminuée. Le ma- lade ne semble plus rien entendre,

86

Le soir, pouls à 120, régulier, assez fort, peau brûlante. Un peu de contracture des membres supérieurs. La sensibilité de la face est tout à fait éteinte. Les paupières sont à demi fermées et les deux yeux sont toujours déviés en haut et à droite. 40 respirations, pas de vomisse- ments, pas de garde-robe depuis le matin.

Mort à trois heures dans la nuit.

Autopsie.— Faite trente heures après la mort et par une température assez froide

Crâne. Congestion extrême des méninges qui s'enlèvent aisément. Lg substance blanche du cerveau laisse sourdre un grand nombre de petites gouttelettes de sang quand on la presse et la substance grise a un aspect rosé. Pas de traccs de foyers hémorrhagiques, ni anciens, ni récents.

A la face inférieure de l'hémisphère gauche du cervelet existe une vaste dépression remplie par deux cuillerées de sang moitié liquide, moitié coagulé. L'épanchement occupe la face entière de l'hémisphère cérébelleux et s'étend jusqu'aux parties latérales de la protubérance et du bulbe.

A ce niveau il n'y avait que du sang liquide. Le quatrième ventricule ne renferme pas de sang. On retrouve dans le reste du cervelet des traces de congestion aussi manifestes que dans le cerveau et même la couche superficielle du foyer hémorrhagique a une teinte rosée qui ré- siste au lavage. Toutes les artères de la base de l'encéphale sont athé- romatheuses, principalement le'tronc basilaire.

Tous les viscères thoraciques et abdominaux ne présentent aucune al- tération qui mérite d'être signalée.

Cancer squirrheux du sein droit; granulations cancéreuses secondaires du péricarde, des plèvres, des poumons, des broncbes, de la trachée, du

PÉRITOINE, DE l'eSTOMAC, DE LINTESTIN GRÊLE, ETC. ; CANCER DE LA COLONNE VERTÉBRALE ET DES OS DU CRANE SOUS UNE FORME ARRONDIE PARTICULIÈRE; OEDÈME DU BRAS DROIT; CANCER DE LA VEINE DUMÉRALE, DES NERFS, DES GAN- GLIONS LYMPHATIQUES ET DES MUSCLES A LA RÉGION AXILLAIRE; par M. CoRNlL.

La nommée K..., âgée de 52 ans, couturière, entre à l'infirmerie de la Salpétrière, au 7 de la salle Saint-Alexandre, dans le service de M. Charcot, le 11 mai 1863.

Le père de cette femme est mort d'une fluxion de poitrine à l'âge de 32 ans ; sa mère est morte à 48 ans sans qu'elle puisse nous dire de quelle maladie. Elle n'a jamais entendu raconter qu'il y ait eu de can- céreux dans sa famille. Elle est mariée et a eu quatre enfants.

La tumeur qu'elle porte au sein droit date d'un an, et elle l'attribue

87 à qn ÇQup reçu il y a trois ans sur cet organe ; mais elle nous dit aussi que ce traumatisme n'avait été suivi pendant' deux ans d'aucun trouble. Son bras droit a commencé il y a trois mois à devenir œdémateux. L'œdème a débuté au niveau du coude, et ne s'est étendu aux mains qu'en dernier lieu. Cet œdème a progressivement acquis un volume considérable.

État actuel. Le sein droit est gros et dur; sa forme est arrondie et son poids l'incline légèrement pn bas; le mamelon est rétracté; la peau est solidement fixée aux tissus sous-jacents et ne peut glisser sur eux. A la partie supérieure de limitation de la tumeur se trouve, sur la peau qui recouvre le petit pectoral, le creux sous-claviculaire et l'aisselle, des plaques dures ou des tumeurs hémisphériques saillantes, très-du- res, vascularisées à leur surface, du diamètre d'une lentille à une pièce de 50 centimes. Leur surface est luisante et mouillée.

Le bras droit estœdématié, d'un volume considérable; les tumeurs de la peau paraissent faire corps au niveau de l'aisselle avec la tumé- faction des ganglions de cette région.

La respiration est anxieuse, très-gênée et fréquente.

Malgré cette tumeur du sein dont la nature ne peut être suspecte, la malade est très-grasse, elle est d'une forte constitution qui ne paraît pas avoir été très-altérée ; cependant sa peau est un peu brune et ter- reuse et les paupières inférieures de couleur bistre.

14 mai. Les xirines sont colorées, donnent par la chaleur seule un précipité très-léger qui ne se dissout pas par l'addition d'acide acétique. Ce précipité se dissout à chaud par l'acide nitrique en donnant une co loration rosée. L'acide nitrii'îue employé seul à froid, versé le long des parois du verre, produit à partie inférieure de celui-ci un trouble à peine sensible, et au-dessus une large zone rouge. Les sédiments, très- peu abondants de cette urine, ont montré au microscope des tubes (fi- brineux) hyalins, parfaitement transparents, à contours minces, dont quelques-uns contenaient des cellules épithéliales petites et non granu- leuses des tubes urinifères.

15 mai. Depuis hier, l'anxiété respiratoire est plus accusée ; la malade nous raconte que son oppression est plus vive aux changements de temps; elle fait remonter le début de cette oppression àun'traumatisme, à un coup reçu dans le côté gauche de la poitrine il y a deux mois, à la suite duquel elle aurait eu Un point de côté.

La respiration est très-fréquente ; la percussion dénote, à la partie inférieure de la poitrine à gauche, en arrière, de la matité relative. A l'auscultation on perçoit un souffle très-fort, métallique, sans râles ; pas d'égophonie pure, mais seulement de la broncho-égophonie.

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Température du rectum, 37' 3/5; 108 pulsations à la minute; consti- pation.

On prescrit un vésicatoire au côté gauche de la poitrine en arrière et un lavement purgatif.

16 mai. Le vésicatoire a coulé abondamment. La température du rec- tum est de 37" 4/5. La malade ne peut remuer le bras à cause de son poids considérable, mais elle en souffre beaucoup. La sensibilité tactile, aussi bien que la sensibilité aux piqûres, au pincement, à la tempéra- ture, est complètement intacte.

On prescrit 2 verres d'eau de Sedlitz.

18 mai. L'oppression continue; il existe en outre, aux bras et aux jambes, de nombreuses plaques violacées, d'un rouge vineux, compo- sées elles-mêmes de petites taches agglomérées.

On prescrit un second vésicatoire au dos, à gauche.

19 mai. Agitation et délire pendant toute la nuit du 18 au 19. Mort le 21 mai, à ntuf heures du matin.

Pendant les dix jours qu'elle a passés à l'infirmerie, la malade n'a éprouvé ni vomissements ni diarrhée ; elle avait au contraire de la con- stipation, et ne se plaignait ni du Tontre ni de restoniac. (Ce renseigne- ment a été donné par les personnes du service.)

AuTOrSIE FAITE VINGT-QUATRE HEURES APRÈS LA MORT. Il CxistO dO petites tU-

meurs dures, hémisphériques à la peau, non-seulement au voisinage de la tumeur du sein, mais aussi sur la paroi antérieure de labdomen au- dessous de l'ombilic ; le tissu graisseux sous-cutané est partout très- épais, mais surtout à l'abdomen.

Ouverture du thorax. Le péricarde contient un liquide sanguino- lent peu abondant; sur les deux surfaces pariétale et viscérale du péri- carde, on voit des granulations globuleuses semi-transparentes dures, de la grosseur d'une tête d'épingle à un grain de chènevis. Elles for- ment à la surface du cœur des plaques vasculaires.

Le cœin\ débarrassé du sang, pèse 370 grammes. Il est gros, mais sans lésions de l'endocarde ni des orifices.

Les plèvres sont de chaque côté le siège d'un épanchement séreux incolore assez considérable. La surface des plèvres est criblée de gra- nulations miliaires semi-transparentes atteignant, à la partie inférieure et à la plèvre diaphragmatique elles sont le plus nombreuses, le vo- lume d'un grain de chènevis et d'une lentille, tout en conservant leur transparence et leur dureté. La surface des deux poumons, sous la plè- vre, en est également couverte, principalement à la base des lobes infé- rieurs. Il n'y a pas d'adhérences.

Les poumons présentent sur une surface de section des granulations analogues, moins nombreuses il est vrai qu'à la surface pleurale. On en

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trouve de tout à fait semblables sur la surface muqueuse des grosses et petites bronches, surtout dans celles qui se divisent aux lobes infé- rieurs.

La trachée montre dans toute sa hauteur, au-dessous du larynx qui est sain, des granulations de même nature, assez nombreuses quoique isolées, moins transparentes que celles de la plèvre, et entourées d'une aréole congestive.

Corps thyroïde volumineux.

Ouverture de l'abdomen. Le péritoine ne contient pas de liquide épanché; le grand épiploon est rétracté, adhérent à la paroi antérieure de l'abdomen. Toute la surface du péritoine est couverte de granula- tions dont les plus grosses atteignent le volume d'un petit pois; elles sont déposées généralement le long des vaisseaux sanguins et entourées d'un cercle de fins capillaires injectés.

Le foie est couvert à sa surface de menues granulations qui ne se re- trouvent pas sur les coupes de cet organe.

La rate en présente également, à sa surface seulement. Elle est grosse et d'une assez grande dureté.

Les reins ont leur volume ordinaire; ils ne sont pas flasques, leur capsule se détache facilement; sur une coupe, les deux substances ont à peu de chose près la même couleur; toutes les deux sont rouges, cou- vertes de sang, et après le lavage offrent une couleur ardoisée sur laquelle tranchent les points et lignes rouges dus à la congestion des vaisseaux et des glanicules. Pas d'anémie limitée ni de coloration jau- nâtre de la substance corticale. J'insiste sur cet état du rein, qui était la congestion à son degré de plus grande simplicité, par ce que cette lésion si légère avait néanmoins causé le passage dun peu dalbumine dans l'urine et de cylindres hyalins.

La surface muqueuse de Xestomac est parsemée d'un grand nombre de granulations dont les plus grosses ont le diamètre d'une pièce de 50 centimes. Elles sont blanches, et quelques-unes d'entre elles sont déprimées à leur centre.

Linteslin grêle présente dans l'iléon une dizaine de granulations exactement semblables à celles de l'estomac.

Les vaisseaux artériels veineux et les ganglions lymphatiques de l'abdomen et des cuisses sont normaux.

Colonne vertébrale. Les corps des vertèbres lombaires et dorsales sont presque complètement dégénérés. On y trouve des noyaux ou des plaques formées par un tissu lisse à la coupe, dur, homogène, demi- transparent, qui sont entourés en certains points par des extravasations sanguines.

Ouverture de la télé. La surface interne de la calotte osseuse du

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crâne offre des plaques blanches, exactement arrondies, de la largeur d'une pièce de 20 cèntirties à celle d'une pièce de 2 francs. Il eri existe une quinzaine. En regardant à contre-jour, elles paraissent plus trans- parentes que le reste du tissu osseux; celui-ci est tantôt saillant, tantôt déprimé à leur niveau. A la surface interne du crâne, au niveau de l'une de celles qui sont saillantes, existe une plaque transparente de la con- sistance propre au cancer jaune, qu'on peut détacher et enlever com- plètement; on voit alors que cette plaque se prolonge dans les cavités médullaires agrandies du diploé, de telle sorte qu'après l'avoir séparée complètement, sa surface adhérente était hérissée de petites granula- tions arrondies correspondant aux cavités du tissu osseux. Sur la coupe de ces plaques arrondies des os du crâne on voyait très-nettement à l'œil nu les cavités médullaires agrandies du diploé contenant dans leur intérieur des granulations semi-transparentes, arrondies, du diamètre de 1 millimètre, qu"on pouvait. en faire sortir avec la pointe d'une aiguille. Quelques-unes de ces granulations étaient plus volumineuses, notamment l'une d'elles qui, isolée par la dissection de l'os, avait le vo- lume d'un petit pois.

La diirc-mcre présentait des deux côtés des néomembranes rouges vascularisées, sur sa face interne. En outre, à la surface de la dure- mère, dans la fosse occipitale droite, existait un corps blanc globuleux de la grosseur d'une petite cerise. Il était formé d'une enveloppe fibreuse extérieure peu résistante; son tissu était mou, opaque, facile à écraser et à réduire en une bouillie laiteuse. Il était constitué, à l'exa- men microscopique, par des éléments fibro-plastiques très-allongés, anastomosés entre eux, contenant un noyau et un nucléole brillants; par des noyaux libres ou des cellules arrondies sans stroma de tissu cel- lulaire.

La ine-mère était congestionnée et œdémateuse.

Le cerveau parfaitement sain.

La '}:)eau qui recouvre la région mammaire a une épaisseur considé- rable, de 7 à 8 millimètres; elle est dure et lardacée. Au-dessous d'elle existe un tissu cellulo-graisseux jaune, également très-dur et épais.

La tumeur qui représente la mamelle droite donne sur une coupe des tractus et des plaques irrégulières d'un tissu squirreux très-tlense, semi- transparent, entremêlé de plaques jaunes de tissu cellulo-graisseux se continuant avec l'atmosphère graisseuse ambiante. Rien ne rappelle la disposition que donne une coupe de la glande mammaire. En raclant les parties squirreuses au sein et à la peau on a un suc louche.

La dissection de la région axillaire nous a montré les particularités suivantes : les petits mamelons de la peau sont exactement semblables sur une coupe à celle de la peau qui recouvre Je sein; les muscles de la

n

paroi antérieure du creux axillaire offrent des îlots arrondis ou oblongs, allongés dans la direction des fibres musculaires formées par un lisgû dur, blanchâtre et riche en suc cancéreux. Dans le creux axillaire lui- même se trouve une masse compacte et dense composée des vaisseaux, des nerfs, des ganglions et du tissu cellulaire. Les ganglions sont gros, durs, bien limités, quoique la gangue cellulaire qui' les entoure soit éga- lement squirreuse. La coupe de ces ganglions présente une surface lui- sante, comme éburnée, d"où suinte un liquide louche.

L'artère est saine; la veine axillaire et humérale est comprimée; sa surface interne est plissée en long, ses parois sont rigides, et son ca- libre tellement rétréci qu'à peine aurait-elle pu laisser passer une plume de corbeau. Cette compression existait à son maximum à la partie su- périeure du bras, dans une étendue de 6 à 8 centimètres. Dans cette partie il n'y avait pas de caillot, mais au-dessous du rétrécissement la veine, revenue à son état normal, était remplie par un caillot fibrineux adhérent à la paroi.

Les nerfs, dans leur passage à travers le tissu induré, sont altérés dans une étendue analogue, 10 centimètres environ. On les isole facile- ment du tissu cellulaire induré qui leur sert de gaîne, dans l'intérieur de laquelle ils sont libres et non adhérents. Leur névrilème est injecté à sa surface et épaissi. Cet épaississement du névrilème leur donne un volume beaucoup plus grand que celui de leur partie inférieure; cet ac- croissement de volume est tantôt uniforme, tantôt il offre des bosse- lures noueuses en forme de chapelet, disposition qui est très-marquée au brachial cutané interne. Sur les coupes perpendiculaires à la direc- tion de ces nerfs on voit que leur névrilème dur, épais, semi-transpa- rent, riche en suc, a dissocié les faisceaux nerveux entre lesquels il passe, faisceaux nerveux qui ont du reste conservé leur apparence normale.

Examen microscopique. Les coupes fines pratiquées sur les tissus in- durés et squirreux du sein, du tissu cellulaire, du derme cutané, des ganglions lymphatiques du névrilème des nerfs et des muscles ont donné le même résultat : partout existaient des réseaux très-riches de tissu conjonctif et élastique circonscrivant des alvéoles remplies de cellules; les alvéoles étaient très-régulières et bien dessinées, ovalaires ou à pans coupés dans le tissu mammaire, les lymphatiques, le tissu cellulaire et le névrilème. Elles mesuraient au sein, en longueur, 0,050 en moyenne, et 0,030 de largeur. Elles étaient plus petites dans les ganglions lym- phatiques dégénérés et mesuraient seulement de 0,016 à 0,030. Dans le derme cutané, elles étaient moins bien limitées que partout ailleurs.

Les cellules contenues dans ces alvéoles étaient ovalaires ou arrondies et contenaiont.un noyau volumineux par rapport à la cellule , mais ces

92 éléments étaient généralement petits pour des cellules cancéreuses. Les cellules variaient entre 0,007 et 0,016 dans leur plus grand diamètre; les noyaux seuls mesuraient de 0,006 à 0,009. Ces cellules étaient gé- néralement plus petites dans les ganglions lymphatiques qu'au sein.

Sur les coupes de la peau, aux points uniformément épaissis ou seu- lement tuberculeux, la structure était la même; partout étaient conser- vés intacts les couches épidermiques et les poils; les papilles étaient développées et allongées, mais l'augmentation d'épaisseur était due presque uniquement au derme. Dans les couches du tissu cellulo-grais- seux sous-cutané nous avons vu sur des coupes et examiné au micro- scope un vaisseau de 1 millimètre de diamètre, rempli par une masse dure composée de cellules, ainsi que toutes ses divisions. La paroi elle- même de ce vaisseau était hypertrophiée et formait une zone composée de petites alvéoles remplies de cellules. Nous n'avons pas pu déterminer si nous avions affaire à une veine ou à un lymphatique.

Dans les masses cancéreuses des muscles, c'était le tissu cellulaire qui se trouve entre les tubes primitifs qui était le siège des éléments nouveaux, et en dehors des masses arrondies, dans le tissu musculaire qui paraissait sain au premier abord, existait une prolifération très- abondante et parfaitement nette de leurs noyaux.

Les tubes nerveux étaient sains.

Les granulations des plèvres, du péritoine, des poumons, le tissu de nouvelle formation des os du crâne et du rachis qui avait la même dis- position par petites masses arrondies, présentaient au microscope la même structure. On pouvait y suivre, sur des coupes fines, l'hyperhémie des éléments nouveaux dans ceux préexistants du tissu cellulaire ou médullaire, et l'hypertrophie de ces éléments jusqu'aux formes de cel- lules que nous avons données précédemment. Dans les plus grosses granulations seulement existaient des alvéoles. Les granulations du poumon siégeaient au-dessous de la plèvre et dans les couches les plus superficielles du poumon.

Les granulations situées à la surface muqueuse de la trachée, des bronches, de l'estomac et de l'intestin, étaient caractérisées essentiel- lement par riiyperplasie des éléments du tissu cellulaire qui se trou- vent dans le derme des muqueuses; ainsi elles siégeaient pour la trachée dans la couche la plus superficielle, et nous n'avons pas vu que les glandes trachéales ou bronchiques aient participé à la formation de ces petites tumeurs. 11 n'en était pas de môme à l'estomac : là, dans les plus petites granulations qui sont les plus superficielles, on trouvait des noyaux en grande abondance situés entre les glandes, et ces glandes elles-mêmes étaient élargies et remplies d'un nombre considérable de noyaux, Dans les granulations plus grosses, le tissu cellulaire situé sous

9S la couche glanduleuse était dégénéré et remplacé par des alvéoles pleines déjeunes éléments collulaires ou de noyaux, alvéoles dont la direction ovalaire présentait son grand diamètre parallèle à la surface de Tosto- mac. Enfin, dans les granulations les plus considérables, les couches musculeuses étaient envahies et le centre de la petite tumeur était ul- céré.

4°'j Scissure du sternum; eotopie du coeur; absence du canal artériel; DEUX veines caves SUPÉRIEURES CHEZ UN FOETUS DE 8 MOIS; par M. Ran-

VIER.

Cet enfant est le 10 mai 1863 à l'hôpital Lariboisière, dans le ser- vice de M. Duplay. Il a vécu une heure seulement; on n'a pu l'obser- ver pendant la courte durée de son existence. Il est atteint de l'arrêt de développement connu sous le nom de scissure du sternum.

Les deux pièces verticales qui remplacent cet os ont été écartées à leurs parties inférieures, de telle sorte que le cœur, placé immédiate- ment sous la peau, forme une saillie, sur laquelle on reconnaît les dis- positions de la face antérieure de cet organe.

Les vaisseaux sanguins ont été injectés et préparés soigneusement.

Le sternum a été mis à nu et le péricarde ouvert par sa face anté- rieure.

On peut voir alors que le sternum est représenté par deux pièces car- tilagineuses verticales, réunies par une sorte de symphyse dans toute la hauteur correspondant à la poignée.

Le feuillet pariétal du péricarde en avant adhère à la peau d'une ma- nière intime. Le feuillet pariétal est relié au viscéral, soit par de larges surfaces, soit par de longs et grêles cordages tendineux. A l'examen microscopique, ces cordages paraissent formés du tissu conjonctif pau- vre en cellules formatrices.

La crosse de l'aorte, Taorte thoracique et abdominale, le tronc bra- chio-ccphalique artériel, les artères carotides et sous-clavières, les ar- tères pulmonaires, les artères ombilicales, les veines pulmonaires et cave inférieure, le canal veineux, sont normalement conformés.

Nous ne trouvons que deux vices de conformation vasculaire : l'ab- sence de canal artériel et la présence de deux veines caves supérieu- res.

Nous connaissons un seul fait analogue appartenant à M. Chassaignac. Dans notre cas, comme dans celui de l'auteur que nousvenons de nom- mer, le tronc veineux brachio-céphalique droit a le trajet de la veine cave supérieure et aboutit au même point de l'oreillette droite, tandis que le tronc brachio-céphalique gauche contourne l'oreillette du même

94 côté, vient se placer dans le sillon auriculo-ventriculaire et va se jeter à la partie inférieure et postérieure de l'oreillette droite.

Ce fait rentre complètement dans la manière de voir d'Albiniis sur le développement du sternum. Il rentre encore dans la loi de M. Serres sur le développement symétHqùe des Os médians, il viéfit ensuite à l'appui de l'opinion de Breschet, à savoir que la veine cave supérieure résulte de la fusion des deux troncs veineux brachio-céphaliques.

Maintenant si nous rapprochons les deux arrêts de développement que nous rencontrons chez notre Sujet, nous sommes' conduits à cher- cher une seule et même cause à la scissure du sternum et à la persis tance de séparation entre les deux troncs veineux brachio-céphali- que§.'

VI. Pathologie comparée. Cancer dd lEàTidcLE chez le coq; par M. le professeur Rayer.

Un coq qui vivait depuis longtemps dans ma basse-Cour paraissait in- disposé depuis quinze jours environ. Il était triste, mangeait peu, et rendait des matières fécales liquides. Son état s'aggrava de plus en plus, et il ne tarda pas à succomber.

A l'autopsie, faite quelques heures après la mort, je constatai que l'a- nimal était amaigri, et que l'abdomen était dur et beaucoup plus Volu- mineux qu'à l'état normal. Dès que j'eus ponctionné la cavité abdomi- nale, il s'en écoula 100 grammes environ d'un liquide rosé, transparent, qui était libre dans le péritoine et qui constituait une ascite. En ouvrant les grandes articulations, je constatai également qu'elles renfermaient une abondante quantité d'un liquide d'un jaune citrin et parfaitement limpide. Mais l'altération la plus grave résidait dans le véhtre, comme il me fut facile de m'en convaincre dès que le liquide de l'ascite fut évacué et que les intestins furent enlevés. En effet, la cavité de l'abdo- men était remplie par une tumeur arrondie, bosselée, de couleur rou- geâtre, ayant la consistance l'encéphaloïde, et dont le j)oids était de 750 grammes environ. Fendue en deux parties, elle fut trouvée formée d'un tissu mOu, assez compacte, rosé, et qui avait toutes les apparen- ces du cancer. L'examen microscopique ne put en être fait; mais de l'avis de toutes les personnes qui l'ont vue, il pouvait y avoir de doute sur sa nature.

Cette tumeur cancéreuse s'était développée aux dépené du testicule droit : le téfeticule gauche était légèrement atrophié ; les fein's étaient sains.

'No-oidoGtd oftOTî e'

95

Autopsie dun cuien atteint de nécrose des maxillaires , présentée à la Société par M. Vatel.

Les lèvres supérieure et inférieure du côté droit ont été en grande partie détruites par la gangrène; l'ouverture qu'ils circonscrivent est ovale, assez régulière; son diamètre est d'environ 5 centimètres en lon- gueur et 4 centimètres en hauteur; elle s'étend depuis la canine jusqu'à la dernière grosse molaire. Les bords libres des lèvres gangrenées sont mous et en voie de cicatrisation. Les moitiés droites des maxillaires su- périeur et inférieur sont nécrosées dans la plus grande partie de leur bord libre et les dents sont tombées, mais les séquestres ne sont pas en- core mobiles. Du côté gauche, les lèvres n'ont point été atteintes par la gangrène, mais les dents sont tombées ou fortement ébranlées, et les bords libres des maxillaires sont nécrosés, quoique dans une moindre hauteur que du côté opposé.

A l'ouverture de la poitrine, on trouve sous le sternum une quantité abondante (GO grammes environ) d'une sérosité sanguinolente et puru- lente, semblable à de la lie de vin, qui baigne les poumons et le cœur. Les plèvres et le péricarde sont très-injectés. La plèvre droite a été perforée à son sommet, et le liquide séro-purulent a pénétré en avant sous le cou. Il remonte à 3 centimètres environ au-dessous de la trachée, et il est renfermé dans une poche communiquant librement avec la poitrine et susceptible d'admettre dans son intérieur une noix environ.

Les poumons sont revenus sur eux-mêmes, d'un aspect rosé, et pré- sentent à leur surface un grand nombre de petites taches blanches, len- ticulaires, sans relief apparent. Ces taches incisées renferment une matière assez compacte qui a l'aspect du pus concret.

A l'ouverture du ventre, on constate l'absence de liquide dans le pé- ritoine : lépiploon est jaunâtre, ainsi que le jéjunum, qui est en même temps distendu par des gaz. L'iléum est petit et revenu sur lui-même. Le foie est volumineux, et présente du côté droit, près de son bord in- férieur, de petites taches blanches semblables à celles des poumons. Si l'on incise ces taches, on trouve au-dessous de la tunique fibreuse épais- sie une matière grisâtre, dense, et qui pénètre dans le tissu du foie à une profondeur de 2 millimètres environ. La vésicule biliaire est dis- tendue par la bile. La rate et les reins sont normaux. Le cerveau et le cervelet ne présentent rien non plus à noter ni intérieurement ni exté- rieurement. Enfin, en examinant la fosse nasale de ce chien, qui avait eu du jetage pendant sa vie, on constate dans l'arrière-cavité nasale l'existence d'une matière purulente, gélatiniforme, et l'on remarque en outre que la muqueuse est injectée de couleur grisâtre et qu'elle semble macérée.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE

PENDANT LE MOIS DE JUIN 1863;

Par m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRESIDEKCE DE M. R4VER.

'Ù' *^AS®'-<^/

I. Physiologie expérimentale.

1" Recherches physiologiques sur les nerfs de l'olfaction; par Joseph Giannuzzi.

J'ai entrepris dans ces derniers temps, dans le laboratoire de M. Claude Bernard, au Collège de France, des expériences sur l'organe de rolfac- tion, expériences dont jai eu l'honneur de présenter les résultats à la Société de biologie. Mon but a été de déterminer si le nerf olfactif est le seul qui préside à celte sensation. Je neveux pas dans cette note dé- crire toutes les expériences que j'ai faites, et dans lesquelles les résul- tats ont été très-nets; je me réserve de le faire dans mon mémoire in extenso. Je me bornerai seulement à les annoncer et à décrire le pro- cédé opératoire que j'ai imaginé pour parvenir à couper le nerf olfactif.

Magendie et tous les autres expérimentateurs après lui détruisaient c. R. 7

98 les lobes olfactifs en pénétrant dans le crâne par un trou qu'ils prati- quaient au milieu de l'os frontal. En opérant de cette façon, on blesse toujours les tissus frontaux et très-facilement aussi les fosses nasales, de sorte que l'on produit des inflammations consécutives de la mu- queuse nasale.

J'ai imaginé, afin d'obvier à tous ces inconvénients, d'aller couper le nerf olfactif par l'orbite, et voici le procédé que j'emploie : Je fais une incision d'à peu près 1 centimètre 1/2 sur l'angle externe et supérieur de l'œil; je coupe ensuite le ligament que complète la partie externe et supérieure de l'orbite, lequel chez tous les chiens et à tous les âgés es* formé par un très-fort tissu fibreux. En prenant ensuite pour guide le ligament coupé, j'introduis perpendiculairement à ce ligament, et de l'extérieur à l'intérieur, un instrument pointu avec lequel je perfore la paroi interne de la cavité orbitaire. J'introduis ensuite dans le crâne ''instrument, en ayant soin de tenir horizontalement sa partie courbe. Quand je touche avec l'extrémité de mon instrument la paroi opposée de la cavité crânienne, je le tourne, et sa partie courbe d'horizontale qu'elle était devient verticale. Je retire ainsi mon instrument, en tou- chant toujours avec sa pointe courbe la base de la cavité du crâne. Je répète ce mouvement deux ou trois fois, et en opérant ainsi, on arrive avec un peu d'habitude à couper les nerfs olfactifs d'une manière cer- taine.

Toutes mes expériences peuvent être divisées en deux ordres :

Celles dans lesquelles j'ai coupé non-seulement les nerfs olfactifs, mais détruit aussi ses lobes entièrement.

Celles dans lesquelles j'ai coupé et détruit en grande partie seule- ment le nerf olfactif.

Sur trois chiens j'ai détruit les nerfs et les lobes olfactifs, et voici ce que j'ai observé :

Le premier chien a commencé à manger le quatrième jour après l'o- pération, et le même jour je lui ai bandé les yeux et fait flairer de la viande qu'il a très-bien sentie; il a tout de suite ouvert sa gueule pour la saisir. Il ne faisait aucun mouvement quand on lui faisait flairer du charbon ou d'autres matières qui n'ont aucune odeur. L'animal fut sacrifié le cinquième jour après l'opération, et l'autopsie démontra que les lobes et les nerfs olfactifs étaient détruits.

Le deuxième chien commença à manger le neuvième jour après l'opé- ration. Il sentit très-bien la viande et le fromage de Gruyère quoique ayant les yeux bandés. On le sacrifia vingt-deux jours après l'opération, et les lobes olfactifs furent trouvés à l'autopsie entièrement détruits, il y avait à leur place sur la lame criblée de l'ethno'ide une couche très- dense de tissu fibreux.

m

Lo troisième chien sentait très-I)ieii la viande cliautlo tout de âtlitc après l'opération ; le lendemain, il sentait très-bien le froniagede Gruyère et la viande. Ici il tant noter un fait important, c'est que le sulfure de carbone qui avant ropération lui était désagréable, semblait après lui plaire, et il tâchait avec sa langue de lécher les émanations qui lui ve- naient de cette substance. Le chloroforme lui était très^désagréable avant et après l'opération. Cet animal mourut trois jours après. L'au- topsie démontra que les lobes olfactifs avaient été tout à fait détruits.

Quant aux chiens auxquels j'ai coupé les nerfs olfactifs, j'ai égale- ment trois expériences à citer.

Premier chien. Cet animal a été présenté par moi le 23 mai à la So- ciété de biologie, et c'est pour cette raison que je crois nécessaire de décrire ici toute l'expérience.

Je lui bandai les yeux avant de l'opérer, et je mis à quelques centi- mètres de son nez diflerentes substances ; il sentit la tête de mou- ton. L'hydrogène sulfuré et le sulfure de carbone lui étaient désagréables. 11 mangea de la viande de chien cuite, mais il ne toucha pas la viande de chien crue.

Il fut opéré le 28 avril, et le 3 mai il sentait bien la viande de lapin qui lui fut présentée.

Le 4 mai il sentait bien la viande de lapin, mais le sulfure de carbone fte lui était pas désagréable comme auparavant, et il tâchait, au con- traire, de lécher la vapeur avec la langue.

Le 5 mai il sentait la viande de tête de mouton.

Le 6 mai, idetn. L'hydrogène sulfuré et le sulfure de carbone ne sem- blèrent pas lui être désagréables.

Le 10 mai, idem. Il ne paraît pas s'apercevoir du corps sans odeur qu'on mettait devant lui.

Le 12 mai, idem.. On mit de la viande dans un petit vase de verre qui lui fut présenté après. L'animal oui avait, comme dans toutes les expé- riences, les yeux bandés, tenta pendant un temps très-long d'introduire le nez dans la cavité du vase pour prendre la viande, ce qui lui fut im- possible, parce que l'ouverture en était trop étroite.

Le 16 mai, idem. On évita, en mettant les objets devant lui, de faire aucun bruit pouvant indiquer ce qui se passait.

Le 18 mai, idem. Le sulfure de carbone ne lui fut pas désagréable.

Le 23 mai je l'ai présenté à la Société de biologie, et tout le monde a constaté (|u'il sentait très-bien, quoique ayant les yeux bandés, de l;i viande crue, des morceaux de côtelette de mouton rôti, de la viande de tète de mouton, etc., etc.

Le 30 mai, on sacrifia l'animal, et j'en pratiquai l'autopsie. Le nerf olfactif droit était tout à fait coupé, et les deux bouts étaient écartés

100

l'un de l'autre. Le nerf oltactif gauche était aussi très-bien coupé seule- ment à la partie inférieure, et tout près du trou par lequel l'instrument avait pénétré dans le crâne, il s'était formé des adhérences du nerf avec la dure-mère. M. le professeur Charles Robin après avoir attenti- vement examiné la pièce, a constaté également le fait, et m'a autorisé à dire à la Société de biologie que le nerf gauche avait été comme le droit parfaitement coupé, et que les adhérences qu'on voyait dans sa partie inférieure n'étaient que le produit de l'inflammation.

Deuxième chien. Deux jours après l'opération il a montré qu'il sen- tait bien la viande de lapin et de tète de mouton. 11 est mort le troi- sième jour après l'opération, et l'on a trouvé les deux nerfs coupés.

Troisième chien. 11 a mangé huit jours après l'opération; il a senti très-bien la viande et le fromage. On l'a tué treize jours après l'opéra- tion, et l'on a trouvé les nerfs olfactifs tout à fait coupés. Après toutes ces expériences qui ont été faites avec le plus grand soin, on voit clai- rement que les animaux conservent leur odorat après la section ou la destruction des nerfs olfactifs. Cependant cette sensation est sensible- ment modifiée, et certaines odeurs ne sont plus perçues comme avant l'opération, tels que l'hydrogène sulfuré et le sulfure de carbone. Je ne veux pas trop conclure pour le moment, car il faudra multiplier et va- rier ces expériences. Ce que je peux affirmer avec sécurité dans cette note, c'est que les animaux auxquels on a coupé ou détruit les nerfs olfactifs continuent à percevoir d'une façon non douteuse l'odeur des aliments.

Reproduction de l'extrémité caudale enlevée chez des poissons osseux ;

par M. Paul Bert.

La reproduction des nageoires coupées chez les poissons avait été si- gnalée par Broussonnet à la fin du siècle dernier. Mais ce naturaliste insistait sur ce fait que, si l'amputation intéresse une partie du corps môme du poisson, si elle enlève quelques vertèbres, la reproduction ne s'en effectue pas. C'est ainsi qu'il garda fort longtemps et sans qu'au- cune partie de nouvelle formation ail apparu, de jeunes cyprins aux- quels il avait enlevé l'extrémité de la queue. Ces résultats ont été con- firmés depuis par tous les expérimentateurs, et j'ai eu maintes occasions d'en constater l'exactitude.

Mais les poissons sur lesquels ces tentatives ont été faites étaient arrivés, sinon à leur taille, au moins à leur développement organique complet. Me rappelant les belles expériences dans lesquelles notre col- lègue M. Vulpian a montré que la queue de très-jeunes têtards, séparée complètement du corps, continue à s'organiser, grandit, se sillonne de vaisseaux..., et cela tant qu'elle contient encore des éléments vitellins

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aptes aux transformations hislogéniques, nio rappelant ces faits, dis-jo, j'eus l'idée d'employer pour mes expériences de jeunes poissons nou- vellement éclos, dont la vésicule ombilicale n'est pas encore résorbée. !M. Gerbe, avec sa bienveillance habituelle, me fournit une vingtaine de petites truites et de petites ombres communes âgées de 3 à 8 jours, auxquelles j'enlevai l'extrémité caudale, en y comprenant 3 ou 4 ver- tèbres et les veines vasculaires sanguines terminales sur une largeur de 1 à 2 millimètres. Je dois dire d'abord que malgré mes précautions et les procédés divers employés pour l'amputation, l'hémorrhagie immédiate me fit perdre la plupart de mes animaux.

En examinant, cinq jours après l'opération (24 avril), les 6 jeunes om- bres qui me restaient, je vis que leur extrémité caudale était terminée par un mamelon de nouvelle formation, déjà long de plus d'un demi- millimètre. Ce mamelon grandit encore dans les jours suivants; mais malheureusement les manœuvres d'observation et quelques accidents causèrent, le 29 avril, la mort de tous mes jeunes poissons dont la vé- sicule ombilicale était alors presque entièrement résorbée.

La partie que je crois pouvoir considérer comme reproduite mesurait jusqu'à 1 millimètre de longueur, la taille de l'animal étant de 15 à 18 millimètres. Elle avait la forme d'un bouton renflé dans certains cas à son extrémité. Aucune tache pigmentaire ne la colorait, et l'analyse mi- croscopique y faisait découvrir la continuation delà corde dorsale, avec ses grandes cellules à petits noyaux, entourée d'éléments embryogéni- ques, sous forme de granulations, d'éléments fusiformes ou de grandes cellules à nombreux noyaux. On n'y voyait encore aucune trace de fibres musculaires ni de vaisseaux sanguins.

Ce résultat est, comme on le voit, bien incomplet; de nouvelles expé- riences mieux dirigées seront nécessaires pour démontrer d'une manière incontestable qu'il y a eu réintégration véritable, et faire voir à quel degré d'organisation peut atteindre la partie reproduite. J'ai cru cepen- dant devoir publier ces faits, tout incomplets qu'ils soient, parce que la saison trop avancée me force à remettre à l'année prochaine la suite de ces recherches. Il serait fort à désirer que l'on puisse expérimenter sur les poissons cartilagineux dont les affinités anatomiques avec les batra- ciens semblent promettre des résultats plus sûrs et plus complets.

II. Physiologie comparée. Expériences sur le rôle du cerveau dans l'ingestion des aliments chez

LES insectes, et SUR LES FONCTIONS DU GANGLION FRONTAL; par M. ErNEST

Faivre.

Chez les insectes, et en particulier chez le dytique qui a fait l'objet

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de nos recherches expérimentales, le pharynx, l'œsophage, les estomacs sont animés par les filets du nerf stomato-gastrique. Ce nerf spécial naît d'un renflement volumineux, le ganglion frontal, à l'aide duquel il est rhis en communication avec le cerveau. Deux connectifs établissent cette communication; il suffit de les couper sur l'insecte vivant pour produire un désordre qui nous a permis de comprendre le rôle com- plexe que jouent, dans l'ingestion des aliments, le cerveau et le ganglion frontal.

Rappelons, avant d'analyser les résultats expérimentaux, que le bol alimentaire saisi par les pièces buccales de l'insecte est soumis à une sorte de mastication, puis dégluti par les contractions successives du sphincter pharyngien et des fd^res musculaires de l'œsophage; qu'enfin il est entrahié ainsi jusque dans le jabot, il séjourne un moment.

Cette succession d'actes est interrompue après la section des deux connectifs; la préhension et la mastication s'exécutent, mais la déglu- tition cesse de s'accomplir; l'insecte, après des efforts inouïs, rejette ou conserve dans la cavité buccale l'aliment qu'on lui présente.

Si l'on examine alors le pharynx, on constate que son muscle constric- teur est paralysé, bien qu'il reçoive ses nerfs du ganglion frontal demeuré intact; l'irritation directe de ce ganglion est impuissante à dé- terminer dans le sphincter des contractions énergiques lorsque les con- nectifs sont coupés, tandis qu'à l'état normal ces contractions étaient spontanées, énergiques et fréquentes. De cette expérience il faut néces- sairement conclure que le ganglion n'anime le sphincter que sous l'in- fluence du cerveau, et que cette même influence préside à l'harmonie entre la mastication et la déglutition.

Si dans les conditions précédentes on pousse le bol alimentaire jusque dans l'œ^sophage, en suppléant ainsi à la déglutition pharyngienne, on reconnaît que l'œsophage a cessé de se contracter et de pousser l'ali- ment dans le jabot; or cette action n'a cessé qu'à la suite de la section des connectifs qui lient au cerveau le nerf stomato-gastrique.

Lorsqu'à l'état normal on provoque la déglutition chez un insecte dont on a mis à nu les estomacs, on détermine immédiatement dans le jabot, le gésier, mais surtout le cardia, une série de mouvements spasmodiques et continus.

Cet effet cesse d'avoir lieu à la suite de la section des connectifs; on ne constate plus de rapports entre la déglutition et les mouvements des estomacs; il s'ensuit donc qu'à l'état ordinaire ces rapports étaient éta- blis par le cerveau, agissant comme centre réflexe, tandis que le gan- glion frontal jouait seulement le rôle de conducteur.

Le rôle du cerveau, comme centre de mouvements directs et de mouvements réflexes; le rôle secondaire du ganglion frontal, comme

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conducteur des impressiond, nous semblent mis en évidence par les expériences suivantes :

Chez un dytique non opéré, nous irritons le stomato-gastrique en ar- rière du ganglion; aussitôt le sphincter du pharynx entre en contrac- tion; nous coupons alors les conncctifs et nous reproduisons la même irritation, le sphincter ne se contracte plus.

Chez un insecte sain, on coupe le stomato-gastrique au niveau du jabot : on détermine en très-peu de temps un accroissement notable de la déglutition, et le jabot est bientôt distendu par des gaz. Au contraire, la tympanite ne survient jamais si l'on opère la section du stomato-gas- trique, chez un insecte dont les connectifs fronto-cérébraux ont été coupés; les impressions sont donc transmises du jabot au cerveau, et celui-ci détermine des mouvements de mastication et de déglutition. On en peut avoir la preuve directe si l'on comprime le jabot distendu par les gaz : on détermine alors les mouvements très-actifs de mastication et de déglutition.

La section d'un seul connectif n'abolit pas immédiatement les mouve- ments du sphincter pharyngien, et l'action du cerveau, comme centre réflexe, est encore évidente dans ce cas.

Ajoutons enfin, pour démontrer plus nettement encore le rôle du cer- veau dans l'ingestion des aliments, que la piqûre de ce centre nerveux, au niveau de l'origine des connectifs, détermine des mouvements dans la bouche, dans le pharynx et dans les estomacs.

Des expériences qui viennent d'être rapportées nous pouvons déjà tirer, sur le rôle du ganglion frontal, les indications suivantes :

Le ganglion frontal, en dehors des incitations directes ou indirectes, ne détermine pas de contractions dans le sphincter pharyngien lorsqu'il est soustrait à l'action du cerveau.

Il ne paraît pas doué, dans les mêmes circonstances, du pouvoir de provoquer des mouvements par actions réflexes.

Il agit comme agent de transmission, comme conducteur des impres- sions, à la manière des nerfs ordinaires.

La seule propriété que nous ayons constatée dans le ganglion frontal est de provoquer des mouvements sous l'influence d'excitations directes, après la section des connectifs.

L'expérience suivante met clairement en lumière cette propriété :

On coupe les connectifs et l'on excite le frontal après avoir mis à nu les estomacs; l'excitation produit deux effets: elle provoque dans le jabot, le gésier, le cardia, des mouvements énergiques et continus.

Si elle est longtemps prolongée dans des conditions que nous déter- minerons ultérieurement, elle amène la diminution, puis l'arrêt momen- tané des mouvements du cardia; le cardia est alors en diastole, comme

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le cœur arrêté par une galvanisation énergique du nerf pneumogastrique chez les animaux supérieurs.

Le ganglion conserve ces propriétés plus d'une heure après sa sépa- ration du cerveau, mais seulement sous l'influence des irritations di- rectes.

En définitive, le ganglion frontal paraît jouer chez les insectes le rôle d'un nerf de renforcement.

111. Pathologie.

Observation d'emphïsème pulmonaire généralisé chez un adulte; tuber- cules pulmonaires; perforation a la racine du poumon gauche; propa- gation DE l'air le long DES VAISSEAUX CAROTIDIENS ; MORT PRESQUE SUBITE ; PRÉSENCE DE BULLES d'aIR AU-DESSOUS DE l' ARACHNOÏDE , AU NIVEAU DES DEUX

LOBES FRONTAUX ; par Auguste Ollivier.

Frédéric Chabaud, âgé de 42 ans, teinturier, est admis le 25 avril 1863 à la Charité, salle Saint-Félix, n" 7, service de M. le professeur Natalis Guillot.

Cet homme, toujours souffreteux dans son enfance, n'a pas été vac- ciné et a eu la variole. Son père, sa mère et un de ses frères sont morts, mais il ne peut dire à quelle maladie ils ont succombé.

Il exerça d'abord le métier de relieur, puis se fit teinturier en 1841. Il vint à Paris à cette époque et se livra à des excès de boissons qu'il n'a plus discontinués. Toutefois sa nourriture a toujours été bonne, et jamais il n'a habité dans des lieux humides. Point d'affections véné- neuses ni syphilitiques.

En 1842, il entra à l'hôpital Necker pour une pneumonie qui le retint au lit pendant un mois et demi.

Il y a environ douze ans il s'aperçut qu'il crachait beaucoup, et cela sans tousser. L'expectoration devenait plus abondante à la suite d'excès; ces crachats étaient épais, jaunâtres, et rendus sans effort.

Marié en 1851, il a eu deux enfants qui se portent assez bien mainte- nant, mais qui ont eu des gourmes pendant leur enfance. Il y a cinq ans, légère hémoptysie qui ne s'est pas renouvelée. Après chaque excès alcoolique la toux survenait pendant quelques jours, puis disparaissait bientôt. Persistance du même état jusqu'en juillet 1862. Le malade éprouva un refroidissement et commença à tousser d'une façon con- tinue. C'est à cette époque qu'il fait remonter ses sueurs nocturnes. En novembre, sa voix diminua peu à peu et disparut tout à fait. L'aphonie est restée la même, et depuis quinze jours une douleur sourde s'est dé- clarée au niveau de la partie latérale gauche du cou.

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Le 16 avril, le malade fut pris subitement, au milieu de son travail, d'une g(^ne excessive do la respiration avec douleur vive dans l'inté- rieur du thorax. Notons qu'à ce moment il ne toussait pas et ({ue la na- ture de son travail ne nécessitait aucun effort violent. Il ne peut préciser l'endroit il ressentit la douleur, mais il se rappelle cependant que co fut du côté gauche. Pendant toute la nuit du 16 au 17 avril, il fut obligé de rester assis dans son lit, tant la dyspnée était grande.

Les trois jours suivants, la gêne de la respiration empêcha presque complètement le sommeil.

Le matin du lundi 20 avril, le malade s'aperçut qu'il portait à la ré- gion sus-claviculaire gauche une petite tumeur molle. La tuméfaction s'accrut rapidement, et le lendemain elle occupait le cou. De elle se propagea à la face, à la racine des membres supérieurs et au tronc; le 23, elle était à son maximum, résistante, non douloureuse spontané- ment, mais douloureuse à la palpation.

État actuel, 25 avril. Le malade est à demi assis dans son lit ; pâleur extrême des téguments, décoloration des muqueuses labiales et con- jonctivales. Emphysème occupant toute la face, le tronc jusqu'à l'om- bilic, les bras et la partie supérieure de l'avant-bras; il s'arrête à la région temporale latéralement et à la racine du cuir chevelu en avant. On perçoit la crépitation d'une manière très-sensible dans tous les points indiqués, et par la pression on ne provoque aucune douleur. Voix presque éteinte. Quand le malade avale sa salive il accuse une douleur dans la gorge, spécialement au niveau de la partie latérale gauche du cou. L'exploration du pharynx ne permet de rien constater d'anormal, et en introduisant le doigt dans l'arrière-gorge on sent les replis aryténo-épiglottiques, qui semblent un peu tuméfiés; la palpation du cou au niveau du cartilage thyroïde provoque une douleur du côté gauche. A l'auscultation du larynx on n'entend aucun bruit anormal, mais la respiration y est très-bruyante et même ronflante. Ajoutons qu'il n'existe aucune solution de continuité au cou.

L'examen thoracique ne peut être fait d'une manière satisfaisante à cause de l'emphysème; bien qu'on ait soin de déprimer fortement la peau, la percussion ne fournit aucun renseignement important. A l'aus- cultation des parois thoraciques on entend le bruit produit par l'air épanché dans le tissu cellulaire sous-cutané, bruit qui rappelle le râle sous-crépitant sec. Ce n'est qu'en auscultant quelque temps et avec beaucoup de soin qu'on distingue le bruit respiratoire, qui est rude et ronflant. Au sommet du poumon gauche, et en ce point seulement, on constate quelques craquements humides. La toux est modérée, non quin- teuse et s'accompagne d'une expectoration abondante. Bon nombre de crachats nuuimulaircs flottent au milieu d'un liquide blanc et finement

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aéré. Les respirations sont fréquentes et régulières. Pas de bruits anor- maux au cœur, dont les battements ne sont quaccélérés. Aucun trouble de la sensibilité générale ni des sens.

Le 28, l'emphysème a très-notablement diminué, surtout en arrière; pouls à 116, respiration 44. Les fosses sus-épineuses de chaque côté don- nent une sonorité à peu près la même. En avant il n'existe pas non plus de différence bien sensible entre chaque sommet; mais la moitié gauche du thorax est très-sonore comparativement à la droite, qui résonne elle- même un peu plus qu'à l'état normal. On entend très-nettement des craque- ments humides dans la fosse susépineuse gauche, tandis que dans la droite la respiration est seulement rude. Du reste, il faut encore avoir soin, pour percevoir ces signes, de déprimer préalablement le point qu'on explore. De chaque côté de la colonne vertébrale on entend le bruit respiratoire qui est rude, un peu ronflant. On ne trouve pas à l'auscultation la même différence qu'à la percussion; toutefois le mur- mure vésiculaire est plus fort à droite qu'à gauche. Le malade a toujours de la peine à déglutir, les aliments liquides et solides passent avec diffi- culté. Rien d'apparent dans le pharynx. Pas de vomissements, garde- robes régulières.

Bordeaux, 100 grammes; une portion.

Le 27, le malade a pu dormir; pouls, 120; respiration, 48; peau brû- lante; l'emphysème a encore diminué. Toux assez fréquente; expecto- ration abondante; crachats muco-purulents. La difierence de sonorité entre les deux côtés est toujours très-prononcée. La respiration s'en- tend bien mieux à droite quà gauche. Il semble étrange qu'on puisse percevoir aussi bien le bruit respiratoire de ce dernier côté avec une exagération telle delà sonorité. Le malade restant toujours aphone, il est impossible de rechercher, à l'auscultation, les caractères de la voix et de la toux.

Le 30, insomnie ; le malade s'assoupit pendant quelques minutes, puis se réveille en sursaut avec une sensation de sécheresse, de la gêne au niveau de la partie latérale gauche du cou.

L'emphysème, qui a presque disparu en arrière, persiste encore, quoique bien diminué, en avant et latéralement. Mêmes différences à l'auscultation et à la percussion de la poitrine.

Gros râles muqueux dans toute l'étendue des deux poumons; gar- gouillement sous la clavicule et dans la fosse sous-épineuse gauches; fonctions digestives naturelles; rien au cœur; urines non albumineu- ses. (Une potion extrait thébaïque, 0,05.)

Le 2 mai, rien de particulier à noter, sinon un peu d'agitation; pouls à 116.

Le soir, le malade mangea comme d'habitude et ne présenta aucun

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symptôme nouveau. Vers minuit, il parla à un de ses voisins et se leva j)Our aller à la garde-robe. Linfirmier le trouva mort dans son lit, à cinq heures du matin. Ses voisins ne s'étaient aperçus de rien.

AcTOPsiE faite vingt-huit heures après la mort par une température froide.

Pas le moindre signe de putréfaction.

Crâne. Après l'ouverture du crâne, on aperçoit sous l'arachno'i'de viscérale, dans les mailles de la pie-mère, des bulles d'air de la gros- seur d'un grain de millet. Elles sont surtout très-nombreuses au njveau des lobes frontaux, tandis que vers le tiers moyen du cerveau elles sont rares. On n'en trouve plus au niveau dn tiers postérieur.

Cou et thorax. Les mailles du tissu cellulaire du cou, dans les diffé- rentes couches de cette région, sont remplies d'air. (On en trouve éga- lement, mais à un degré moindre, dans les différentes parties du tronc successivement envahies par l'emphysème.) En suivant la gaine des vaisseaux carotidiens, on voit des bulles d'air dans toute son étendue jusqu'au trou carotidien.

Œdème des ligaments aryténo-épiglottiques de chaque côté; ulcéra- tions nombreuses et profondes dans la moitié gauche de la portion sus- glottique du larynx ; l'une d'entre elles a plus de 1 centimètre en tous sens. La corde vocale de ce côté est complètement détruite. Il existe aussi une petite altération à droite, intéressant légèrement la corde vo- cale supérieure correspondante. Dans la portion sous-glottique, à droite et à gauche, ulcération dirigée longitudinalement, longue de l centimè- tre 1/2, haute de 4 millimètres et profonde de 2 millimètres. Celle du côté gauche est encore un peu plus grande et plus profonde que celle du côté opposé. Ces deux ulcérations, situées au-dessous des cordes vocales inférieures, ont détruit celles-ci dans leurs deux tiers posté- rieurs.

Les cartilages cortaux droits sont coupés et la clavicule correspon- dante désarticulée (1); on écarte alors la paroi thoracique, et l'on peut s'assurer sans ouvrir le médiastin qu'il n'y a point d'air dans la plèvre du côté droit, et que le poumon est libre d'adhérences, mais très-em- physémateux ; le sternum est rabattu sur l'abdomen; on aperçoit alors le médiastin antérieur distendu par une grande quantité d'air; à sa partie inférieure se voit une espèce d'ampoule ayant et la forme et le volume d'une petite poire.

11 n'y a plus de cavité pleurale à gauche; adhérence complète des deux feuillets de la séreuse. Mais le tissu cellulaire sous-pleural pré- sente des aréoles distendues par de l'air. Ces aréoles, qui ont des di-

(1) L'autopsie fut commencée par l'examen du thorax.

108 mensions variables (quelques-unes ont le volume d'un gros œuf), com- muniquent entre elles et avec celles du médiastin.

A la racine du poumon gauche, au centre d'un lobule emphyséma- teux, existe un petit orifice circulaire de 1 millimètre de diamètre en- viron, qui est invisible quand le poumon ne contient pas d'air, qu'on rend très-apparent en insufflant l'organe sous l'eau.

Le poumon droit renferme quelques tubercules crus disséminés et de petit volume. Le sommet du poumon gauche est criblé de petites ca- vernes, et dans le reste de l'organe on trouve un grand nombre de masses tuberculeuses dont quelques-unes commencent déjà à se ramol- lir. La muqueuse des bronches est très-injectée. Le cœur, de volume normal, est rempli d'un sang noir et fluide. Rien de particulier à noter dans les autres viscères.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

F F

LA SOCIETE DE BIOLOGIE

pendant le mois de juillet 1863; Par m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRËSIDGIliCE DE M. RHYER.

I. Anatomie. Des muscles pileux; par M. Ordonez.

Je viens communiquer à la Société une partie de mes recherches sur l'existence des muscles pileux, ou plutôt sur un appareil contractile spécial destiné aux poils.

Quoique cette étude date déjà de quelque temps, je ne ferai aujour- d"hui que prendre date en quelque sorte des points capitaux de ce tra- vail, en me réservant de faire une communication plus complète avec dessins et pièces microscopiques à l'appui dans une des prochaines séances de la Société.

A différentes époques, depuis au moins quatre ans, j'ai voulu consta-

110 ter l'existence des faisceaux de libres musculaires lisses (juc M. Koelli- ker a décrit dans ses Éléments d histologie humaine^ comme étant placés dans l'épaisseur du derme et s'étendant depuis les couches supé- rieures de cette membrane immédiatement au-dessous de répidermo jusque dans les follicules pileux, en embrassant les glandes sébacées.

J'avoue qu'au commencement de mes recherches, j'avais constaté fa- cilement la disposition figurée page 107 de \ Histologie de M. Koelliker (traduction française de MM. Béclard et Sée), sur des coupes de peau durcies dans l'alcool et l'acide chromique, et conservées dans les pré- parations microscopiques au moyen des liquides légèrement saturés de bichromate de potasse; mais je ne pouvais distinguer sur ces i)rétendus faisceaux musculaires autre chose que des fibrilles de tissu fibreux, et nullement des fibres musculaires lisses.

A la fin, je me suis décidé à sacrifier les préparations microscopiques que je possédais; je les ai démontées, disséquées à la loupe et au mi- croscope avec beaucoup de soin, et traitées par différents réactifs ; et en définitive, après des recherches très-multipliées, je suis arrivé à la conviction que les faisceaux décrits et figurés sous la lettre C, fig. 48, p. 107 de l'ouvrage cité, sont des faisceaux de tissu fibreux, dans les- quels il m'a été impossible par aucun moyen d'isoler aucun élémcîit anatomique pouvant se rattacher par sa forme ou par d'autres carac- tères à l'élément fibro-musculaire lisse ou de la vie organique.

Mais les recherches auxquelles je me livrais mont mis, presque à mon insu, sur la trace des vrais muscles pileux, ou d'un appareil con- tractile destiné à produire à la surface de la peau le même phénomène attribué par M. Koelliker à l'existence d'un faisceau musculaire orga- nique placé à la partie supérieure du follicule pileux, c'est-à-dire le phénomène de la chair de poule.

Je ne mentionnerai aujourd'hui que mes recherches sur l'homme. Les endroits que j'ai étudiés plus particulièrement sont : le cuir che- velu, la barbe, la peau du conduit auditif externe, celle des narines, la peau de l'avant-bras et de la cuisse, et enfin celle de l'aréole du mamelon portant des poils très-développés, chez une femme opérée dernièrement par M. Néiaton pour une tumeur du sein.

Des coupes perpendiculaires et très-minces de, la peau des régions ci-dessus mentionnées m'ont montré :

Que sur quelques poils (dont je ne puis encore déterminer la pro portion), il existe un prolongement infundibuliforme renfermant une anse capillaire procédant du réseau vasculaire sous-dermique.

2" Que sur les poils présentant cette particularité, la membrane fibreuse externe qui constitue le follicule pileux, est garnie d'une couche plus ou moins serrée de fibres musculaires lisses, disposées transversa-

lemcnt et situées à la périphérie du ioilicule ; coueho (pii coumienco en général par quelques fibres disséminées un peu au-dessus de l'ouverture du canal excréteur des glandes sébacées, et descend jusqu'au-dessous du bulbe pileux pour se confondre avec la tunique musculeuse des capillaires sanguins qui paraissent faire suite au prolongement infundi- buliformedu follicule ci-dessus mentionné. Cette particularité me paraît digne d'être signalée, parce qu'elle explique la double action que le froid exerce, et sur la surface de la peau pour produire les petites éle- vures qui lui ont fait donner le nom de chair de poule, et la décolora- tion ou pâleur de la peau, due au retrait du sang des capillaires. La contraction des fibres lisses déjà mentionnées doit avoir le double effet de faire remonter le bulbe pileux glissant entre sa gaine épithéliale et le retrait du sang à la contraction du prolongement infundibuliforme qui se confond avec la tunique musculeuse ou contractile des capillaires sanguins.

Que les fibres musculaires lisses ou de la vie organique qui en- trent dans la composition de l'appareil que je viens de décrire, sont très-petites; qu'elles gardent, comme forme et comme volume, la même proportion que les fibres lisses de la tunique musculeuse des intestins, par rapport aux fibres musculaires des petites artères et des canaux excréteurs des glandes. Ceci veut dire que pour bien étudier l'appareil contractile des poils que je viens de décrire, il faut avoir étudié le tissu musculaire de la vie organique dans les intestins, la vessie, l'uté- rus, les grosses et les petites artères.

Sur les nombreuses préparations microscopiques que j'ai faites, tous les poils ne présentent pas le même appareil contractile. Il y en a plusieurs dont les follicules ne se prolongent pas sous le derme, et ne présentent pas de traces de fibres musculaires lisses à la périphérie du follicule ou membrane fibreuse des poils.

Je me réserve de compléter celte étude, et j'espère pouvoir faire part prochainement à la Société des pièces et des dessins que je prépare dans ce moment-ci en appui des idées que je viens d'avancer.

11. Anatomie comparée.

Sur L'okGANlSATlON ET LA NATUIiK DES PSAROSPERMIES ; [lar M. BaLLISAN.

Il règne encore une grande obscurité sur la nature des productions singulières que J. Miiller a découvertes chez divers poissons d'eau douce, et désignées sous le nom de psaros]iermies.

Néanmoins, tous les observateurs s'accordent à les placer dans le rè- gne animal, soit (ju'iis les décrivent comme une classe particulière de

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parasites, soit qu'à l'exemple de MM. Leydig et Lieberkiihn il les fassent entrer dans le groupe des Grégarinés.

Mes observations personnelles m'ont conduit à une conclusion toute différente. J'espère montrer en effet que tous les caractères des psa- rospermies sont ceux de véritables végétaux, et que, si l'on a méconnu jusqu'ici leur nature réelle, c'est qu'on n'avait qu'une idée très-incom- plète des conditions d'organisation et de vie de ces êtres.

Les psarospermies sont des corpuscules microscopiques dont la forme et le volume varient presque autant que les différentes espèces de poissons chez lesquels on les rencontre. Leur forme est tantôt presque complètement globuleuse, tantôt plus ou moins aplatie, ovale ou lenti- culaire, d'autres fois enfin plus ou moins allongée, cylindrique ou fusi- forme. Leur volume dépasse souvent à peine celui des globules rouges du sang chez la plupart des poissons (0,014 à 0,015 millimètres).

Quelles que soient les variations que l'on remarque dans la conforma- tion extérieure de ces corpuscules, ils se composent toujours d'une en- veloppe résistante et d'une cavité renfermant différents organes dans son intérieur. L'enveloppe ou la coque est formée de deux valves qui s'appliquent exactement par leurs bords comme les deux moitiés d'une coquille de noix. Les alcalis caustiques déterminent leur séparation après un temps variable. La déchirure des valves a lieu aussi d'une manière toute spontanée au moment de la reproduction pour laisser échapper les organes propagateurs. Chaque valve est entourée à sa cir- conférence d'un anneau élastique formé de deux moitiés qui s'articu- lent sur la ligne médiane, et se terminent par des prolongements fili- formes qui, dans l'état ordinaire, se replient contre le bord des valves. Ces filaments sont peu visibles ; mais au temps de la reproduction ils s'écartent des valves, grossissent en s'allongeant et se portent dans différentes directions. Ce sont de véritables organes de conjugaison à l'aide desquels deux psarospermies voisines s'entourent mutuelle- ment et se maintiennent en contact pendant toute la durée des phéno- mènes de propagation.

La cavité de la coque présente vers l'une de ses extrémités deux pe- tits organes vésiculeux brillants, qui convergent symétriquement vers la pointe du psarosperme à laquelle ils adhèrent par une extrémité effilée, tandis que par l'autre bout, terminé en cul-de-sac, ils divergent plus ou moins et regardent vers l'intérieur de la cavité. Chacune de ces vésicules est formée d'une paroi assez épaisse et granuleuse et d'une cavité que remplit entièrement un filament roulé en spirale. Sous l'in- fluence des alcalis caustiques, ces filaments se déroulent et apparaissent à l'intérieur sous la forme de deux flagellums plus ou moins droits ou flexueux. Dans cetétat, la longueur des filaments peut atteindre jusqu'à

huit ou dix lois celle du psarosperme tout entier. Dans ces conditions, on remarque aussi que les filaments traversent une petite ouverture dont est percée à son sommet la coque du psarosperme, et qu'ils adhè- rent encore par leur base aux vésicules restées en place. Je suis très- porté à croire, par suite de l'observation des phénomènes dont ces fila- ments sont le siège pendant l'époque delà reproduction, qu'ils remplis- sent chez des psarospermies un rôle analogue à celui des anthérozo'ïdes des autres cryptogames.

Indépendamment des vésicules précédentes, la cavité du psarosperme renferme un nombre variable de très-petits globules brillants disposés d'une manière symétrique autour des premières. Ces globules ne sont autre chose que des organes de même nature que les vésicules à fila- ment spiral, mais restés à un état rudimentaire et destinés à atteindre leur développement complet seulement au temps de la propagation.

Le reste de la cavité du corpuscule est rempli par une substance glutineuse homogène qui s'étend depuis l'extrémité des vésicules jus- qu'au bout opposé du psarosperme. En raison de sa faible réfringence, cette substance est peu visible; mais elle devient beaucoup plus appa- rente sous l'action des réactifs qui la concentrent au milieu de la cavité du corpuscule sous la forme d'un gros noyau ou globule de sarcode. Le môme effet se produit d'une manière toute spontanée pendant la re- production, et l'on voit alors ce globule devenu une véritable sphère se dégager peu à peu à l'aide de contractions lentes des valves qui le tenaient emprisonné, puis se mouvoir à la manière d'une amèbe à tra- vers les organes et les tissus avant de reproduire de nouvelles généra- tions de psarospermes.

On rencontre les psarospermies dans presque tous les organes des poissons; il n'y a guère que les masses musculaires du ironc et les cen- tres nerveux je n'ai pas encore réussi à les découvrir. Cependant la rate et les reins paraissent être leur siège de prédilection. Elles se dé- veloppent en suivant les ramifications artérielles logées dans des folli- cules formés aux dépens de la tunique cellulaire des artères. Chez cer- tains cyprins, tels que la tanche, on les trouye aussi en grand nombre dans la voie natatoire, par leur présence ils déterminent la forma- tion de tumeurs volumineuses d'un blanc jaunâtre, à surface mamelon- née, et dont les parois résultent du dédoublement de la membrane vé- sicale hypertrophiée et épaissie. Il est remarquable qu'on ne trouve ja- mais ces tumeurs que sur la portion antérieure ou petite portion de la vessie aérienne. Sur un grand nombre de tanches qui ont été ouvertes, soit par notre collègue M. A. Moreau dans le cours des recherches qu'il poursuit depuis un temps assez long sur la vessie natatoire, soit par moi-même, nous n'avons jamais trouvé ces altérations siégeant sur la C. R. 8

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portion postérLeure ou longue portioa de cet orgaiie. Chez un certain nonjbre de ces poissons, les parasites sétaient multipliés en si prodi- gieuse quantité qu£î littéralement tous les organes en étaient farcis, et qu-'il en était résulté un véritable état cachectique de ces animaux caractérisé par la décoloration générale des tissus et une diminution con- sidérable des globules sanguins rouges coïncidant avec une multiplica- tion extrême des globules blancs.

111. Anatomie pathologique.

1" Sur l'démorrhagie des tuniques internes de l aorte ; par le docteur E. Lancereaux, chef de clinique médicale.

La plupart des anatomistes, et M. Koelliker (1) en particulier, sont d'accord sur ce point que tous les vaisseaux d'un certain volume, jus- qu'à 1 millimètre et même au-dessous, sont pourvus de vaisseaux nour- riciers ou vasa vasorum; fournis par de petits troncs artériels voisins, les vasa vasorum se distribuent principalement dans la tunique externe, ils forment un riche réseau capillaire à mailles plus ou moins arron- dies ; de ce réseau naissent des ramuscules veineux qui cheminent à côté des artérioles pour se jeter dans les veines mêmes qu'ils servent à nourrir. La tunique moyenne reçoit également des vaisseaux, beaucoup moins cependant que la tunique externe et seulement dans ses couches s-uperficieLles. Quant à la tunique interne, elle paraît à M. Koelliker comme à la plupart des anatomistes complètement privée de vaisseaux. Partant de ces données, quelques auteurs, sans nier l'inflammation des vaisseaux, ont néanmoins prétendu que le processus phlegmasique res- tait toujours limité à la tunique externe, au m,oins pour ce qui est des artères, et ainsi ils ont refusé toute espèce de participation à cet acte pathologique de la part des membranes internes de ces derniers canaux. Cette doctrine, bien qu'elle repose sur l'élude des conditions normales des tissus, n'est cependant guère soutenable; ébranlée par l'induction (s'il est permis de comparer les actes morbides qui se passent dans la cornée à ceux qui peuvent avoir lieu du côté des artères), elle nous paraît, de plus, devoir tomber devant lobservation des faits anatomo- pathologiques.

Les mêmes anatomistes qui nient la vascularité des tuniques internes des artères, celles de l'aorte en particulier, n'admettent pas davantage

{{), Élément s dliislologie humaine^ trad. de jÎM. J. Béclard et Sée. Paria, V. Masson, 1856.

115 à l'état physiologique la vascularité des valvules aortiques. Ces valvules pourtant, dans certains cas pathologiques, deviennent le siège d'une injection très-manifeste et aujourd'hui incontestable. Une jpièce (présen- tée en 1861 à la Société de biologie par M. le docteur Charcot, ne lais- sait aucun doute à cet égard, et depuis cette époque il nous est arrivé de rencontrer à plusieurs reprise-s, et de faire dessiner des valvules sygmoïdes de Taorte qui étaient le siège d'une vascularité non douteuse et même parfois assez riche. Mais d'ailleurs, M. Luschka qui a très- bien étudié la disposition des vaisseaux de la valvule niitrale à l'état pathologique, a fait en outre des recherches tendant à établir que chez l'homme même, dans les conditions physiologiques, les valvules syg- moïdes ne sont, pas plus que les mitrales, privées de capillaires.

Nous n'affirmerons pas que les tuniques internes des artères, celles de l'aorte surtout, soient normalement pourvues de vaisseaux ; mais ce <jue nous pouvons dire, c'est cfue nous avons eu plusieurs fois l'occa- sion de voir à l'état pathologique des traînées vasculaires ou même des réseaux occuper l'épaisseur de la tunique interne et de la tunique moyenne de ce vaisseau, ou du moins siéger dans le tissu qui réunit ces deux tuniques. Il n'est pas douteux en tout cas que des extrava- sations ou même des foyers sanguins se rencontrent quelquefois sous la me-mbrane interne de l'aorte, entre cette membrane et la tunique moyenne. "Voici en effet quelques observations qui paraissent établir ce fait :

Obs. I. Chez un ouvrier mécaaiicien âgé de 47 ans, qui succomba à l'hôpital de la Pitié aux symptônaes d'une affection cardiaque, il exis- tait, à quelques centimètres de l'origine de l'aorte, et principalement au niveau de la crosse, plusieurs points ou petites plaques légè- rement saillantes qui formaient à la surface interne de ce vaisseau autant de petites tumeurs, les unes brunâtres ou noirâtres, les autres grisâtres ou jaunâtres. A la coupe des parois artérielles, il était facile de s'assurer que ces petites tumeurs siégeaient entre les tuniques in- terne et moyenne, et que les unes, plus molles, étaient constituées par de la fibrine et des globules sanguins peu altérés, tandis que dans les autres^ ces mêmes éléments étaient parvenus à un état de régression déjà avancé. Au nombre de six à huit, ces petits foyers ne se rencon- traient plus dans l'aorte abdominale ; à leur niveau, la tunique interne modifiée dans sa structure, c'est-à-dire opaque ou épaissie, n'était nul- lement déchirée, de telle sorte que le sang épanché ne pouvait prove- nir de l'intérieur du vaisseau.

Les tuniques interne et moyenne épaissies présentaient en plusieurs endroits des productions néo-plasmatiques ayant même siège que les

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foyers sanguins; à leur niveau principalement, on apercevait des traî- nées vasculaires.

L'aorte, chez ce malade, était dilaté dans une grande partie de son étendue ; le cœur était hypertrophié.

Les valvules aortiques étaient saines, mais on trouvait dans l'épais seur des franges épaissies de la valvule mitrale de petits dépôts san- guins assez analogues à ceux des tuniques aortiques.

Obs. il Une femme âgée de G7 ans, qui succomba à l'hôpital do la Pitié, salle du Rosaire, eut, comme le précédent malade, une mort rapide après avoir présenté les signes habituels d'une affection du cœur et des gros vaisseaux.

A l'autopsie, intégrité du cœur droit et des orifices cardiaques ; hy- pertrophie du cœur gauche. L'aorte thoracique est dilatée ; sa paroi est épaissie, altérée, légèrement inégale à la surface interne, se rencon- trent des plaques jaunes saillantes, surtout prononcées au niveau de la crosse. En ce môme point, on aperçoit quelques traînées vas- culaires, et l'on rencontre cinq ou six ulcérations de petite étendue circonscrites par un cercle brunâtre, et dont le fond est comblé par une bouillie athéromateuse et sanguinolente. Dans le voisinage se voient deux saillies brunâtres qui paraissent dues au soulèvement de la tuni- que interne par une substance étrangère. Une coupe faite à leur niveau permet de constater qu'il existe entre les deux tuniques internes un coagulura brunâtre ayant plusieurs millimètres d'épaisseur et la com- position des caillots sanguins hémorrhagiques.

L'aorte est dilaté dans toute son étendue; ses parois sont épaissies, ainsi que celles de plusieurs des branches qui en émanent. Les pou- mons, qui sont le siège d'œdème et de congestion, crépitent peu; le cœur est hypertrophié ; le foie est ferme, hyperémié ; les autres viscè- res sont peu ou pas altérés.

Ces deux cas et quelques autres que nous avons été à même d'obser- ver ne nous paraissent laisser aucun doute sur la possibilité de l'appa- rition de canaux vasculaires à l'état pathologique au sein des tuniques internes de l'aorte.

Non-seulement il est permis de voir ces vaisseaux, mais le sang dont nous avons constaté lépanchement entre la tunique interne et la tuni- que moyenue ne pouvant provenir de l'intérieur même de l'aorte, de- vait nécessairement avoir été fourni par des vaisseaux développés dans l'épaisseur de ses parois.

Faut-il voir dans ces cas des vaisseaux normaux ayant pris sous l'in- fluence du processus pathologique un plus grand développement, ou ne s'agit-il ici que de vaisseaux de nouvielle formation? Telle est la ques-

117 lion qui se présente naturellement à l'esprit; la solution en est difficile, mais cependant si, d'une part, nous tenon<A compte des études des anatomistes les plus compétents de notre époque qui refusent toute vascularité aux tuniques internes des artères, et si, d'autre part, nous faisons remarquer que les vaisseaux en question étaient gé- néralement assez larges et contenus au sein d'une gangue ou d'une masse de substance conjonctive de nouvelle formation, qu'ils étaient friables, faciles à rompre comme tous les capillaires qui appartien- nent aux néoplasmes pathologiques, il y a lieu de croire que nous sommes dans ces cas en présence de vaisseaux récemment et patholo- giquement développés ; telle est en effet notre opinion à cet égard. Par conséquent, le travail pathologique qui a précédé dans nos cas l'hé- morrhagie des tuniques artérielles nous paraît devoir être regardé comme un travail phlegmasique. La lésion primitive est ici une vérita- ble aortite.

L'hémorrhagie des tuniques internes de l'aorte, tant que le caillot sanguin est récent, ne peut être confondue avec aucune autre altéra- tion, puisqu'il est toujours facile de la distinguer des anévrismes de petit volume il y a déchirure de ces tuniques. Plus tard, lorsque le caillot, par suite des modifications que subissent les éléments du sang épanché, prend une teinte jaunâtre, il devient facile de confondre cette lésion avec ce qu'on appelle l'athérome de l'aorte ; nous sommes persuadé que la confusion a souvent eu lieu, et pour cette raison peut-être, l'alté- ration en question paraît avoir jusqu'ici échappé à l'attention des observa- teurs. Il est facile néanmoins de différencier ces deux états anatomi- ques, dont la constitution histologique est très-diiïérente : dans un cas en effet, des éléments du sang plus ou moins modifiés, il est vrai ; dans l'autre, au contraire, des éléments de tissu conjonctif en voie d'altéra- tion, des granulations et des gouttelettes d'huile, quelquefois des cris- taux de cholestérine.

L'hémorrhagie des tuniques internes de l'aorte n'est en général une lésion grave qu'autant qu'elle se lie à une affection sérieuse de l'aorte. On comprend cependant qu'elle puisse devenir le point de départ d'une tumeur anévrismale et avoir des conséquences fâcheuses , ainsi qu'il arrive à la suite des athéromes ramollis, des kystes et de quelques autres altérations de l'aorte.

La présence d'ulcérations au voisinage des points hémorrhagiques dans notre deuxième fait n'est-elle pas une circonstance qui semble ap- puyer cette prévision?

Nous avons pensé que cette communication ne manquerait pas d'in- térêt, en présence surtout des doctrines généralement soutenues à l'égard de l'artérite. A ce point de vue, il importe de s'entendre. En

11'8 effet, si l'on prétend! désigner par le mot artérite une inflammation à marche aiguë et rapide pouvant provoquer un état de réaction générale et se terminer par suppuration, certainement l'artérite est rare, et si elle existie, elle affecte à peu près uniquement la tunique externe des vaisseaux artériels; mais si, tenant compte delà structure des parois des artères, dete vascularité qui leur est propre, de la nature des élé- ments qui les composent, on compare les actes morbides qu'on y observe à ceux qui se passent dans des tissus analoa,ues (cornée, cartilages), il faut bien reconnaître que ces actes ne diffèrent en quoi que ce soi'É, et qwe dans tous les cas des vaisseaux apparaissent à l'état pa- thologique là il ne s'en rencontrait pas à l'état physiologique; que des produits nouiveaux se forment au sein de ces tissus, comme dans répaisseur des organes les plus vasculaires, et qu'ainsi, le processus étant partout le même, il doit porter partout la même dénomination. Ceci une fois compris, la différence capitale qui nous semble exister en- tre l'inflammation des tuniques internes de l'aorte et la pneumonie, par exemple, c'est que l'une, l'artérite, est une inflammation à peu près toujours primitivement chronique, tandis que l'autre ne l'est qu'excep- tionnellement.

SCR LES CRGANES GÉNITO-IIRINAIRES d'unE FEMME AFFECTÉE DE CANCER

DE l'utérus ; par M. Cornil.

Cette femme était entrée à la Salpètrière dans le service des cancé- reuses pour son affection utérine en 1861, et y était restée peu de temps. Elle fut admise de nouveau en juin 1862 et n'y resta que dix jours. Le toucher utérin pratiqué à sa dernière admission, le 20 mai 1863, faisait reconnaître l'existence de fongosités dures à l'entrée du vagin et dans sa profondeur ; le col utérin était rugueux, sa surface irrégulière, dé- chiquetée, son tissu induré ainsi que celui des culs-de-sac, et l'utérus était volumineux et fixé. Quoicju'il n'y eût à ce moment ni écoulement sang-uin ni purulent, on n'avait pas hésité à diagnostiquer un cancer de l'utérus.

Les extrémités inférieures commencèrent à s'œdématier vers les der- niers jours de mai, et le 8 juin elle eut dans la nuit une attaque épilep- tiforme, précédée de vomissements, suivie pendant plusieurs heures de ronflements et do somnolence. Ses urines donnent un précipité assez abondant d'albumine, et contiennent des cylindres larges (0,036 de dia- mètre), remplis de cellules granuleuses.

Elle eut une nouvelle attaque convulsive le 27 juin et mourut le 29, après une période comateuse.

A I'autopsie nous avons trouvé des tubercules pulmonaires anciens et

peu nombreux. Les reins présentaient les lésioi\s do la maladie de Bridit avec dé2;énération eranulo-sraisseuse des cellules contenues dans les tubes urinifères contournés et hypertrophiés de ces derniers (ils me- suraient de 0,030 à 0,054 en diamètre).

Les uretères et les bassinets étaient distendus et énormes des deux côtés.

Le bassin était complètement rempli par les organes qu'il contient réunis entre eux par un tissu cellulaire épaissi, fibreux, el tellement dur qu'on fut obligé de sculpter en quelque sorte les viscères pour les en- lever. Mais les coupes de ce tissu cellulo-fibreux ne donnent aucun suc par la pression ou le raclage.

Les parois musculeuse et muqueuse de la vessie étaient très-épaisses. La muqueuse était d'un rouge sombre, très-vascularisée. En la regar- dant avec la loupe, on voyait de petits corps arrondis, saillants à sa surface, blanchâtres, semi-transparents, ou bien les orifices ouverts des follicules dont l'apparence rappelait celle d'une dentelle. L'examen mi- croscopique fit reconnaître que les petits corps arrondis étaient fournis par de petits kystes à paroi bien distincte, possédant un double contour; ils étaient remplis dépithélium nucléaire arrondi, ovalaire ou polygonal, à éléments généralement petits, les noyaux mesurent de 5 à 9 millièmes de millimètres, quelques-unes de ces cellules étaient granuleuses, in- filtrées de graisse. Ces petits kystes étaient environnés de vaisseaux' sanguins qui ne pénétraient pas dans leur intérieur. Leur diamètre était de un demi-millimètre en moyenne. Les coupes pratiquées perpendicu- lairement à la muqueuse nous ont permis de voir et dessiner les culs- de-sac glandulaires remplis plus ou moins par les mêmes éléments qui se trouvaient dans les petits kystes. La muqueuse vésicale était en ou- tre hérissée en certains points de petites saillies papillaires très-riches en vaisseaux.

La muqueuse du vagin était soulevée par des tumeurs arrohdies ou effilées à leur pointe, rouges et non ulcérées à leur surface, mollasses et de structure uniquement fibreuse, ne donnant pas de suc au raclage. 11 y avait, en outre, de petites papilles à peine visibles à l'œil nu sur la muqueuse.

L'utérus était gros, avait une longueur de 6 centimètres et demi, y compris la paroi supérieure, ses parois étaient épaisses et mesuraient de 13 à 18 millimètres.

Le tissu du cal et des culs-de-sac était dur, mais sans donner de suc à la pression ; la muqueuse de la portion vaginale et de la cavité du col était injectée et couverte de petites saillies visibles à l'œil nu, que Texamen microscopique a montré constituées par l'hypertrophie des pa- pilles de cette muqueuse.

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La trompe droite marchait parallèlement au bord supérieur de l'uté- rus en arrière de lui, puis se recourbant en bas, de telle sorte que le pavillon se trouvait en contact avec le col. Cette trompe avait la gros- seur du pouce, elle était remplie par un liquide puriforme consistant en cellules épithéliales, et la surface interne était couverte de bourgeon- nements papillaires contenant des vaisseaux dans leur intérieur. 11 y avait un kyste de la grosseur d'une noix développée dans l'ovaire gauche.

Ainsi nous n'avons trouvé à la surface des papillaires de l'utérus des trompes et du vagin que l'épithélium normal de ces parties, et dans le tissu cellulaire sous-muqueux rien qui pût nous faire supposer à l'exa- men microscopique l'existence du cancer. Aussi pouvons-nous conclure dans ce cas à l'existence d'une hypertrophie papillaire due sans doute à une métrite chronique.

IV. Pathologie.

Tumeur cérébelleuse de nature syphilitique guérie; observation com- muniquée à la Société de biologie par M. le docteur Leven.

Femme de 31 ans qui a eu chancre induré, plaques muqueuses, etc., et est entrée à l'hôpital Lariboisière, portant sur les membres supérieurs une syphilide pustuleuse très-bien caractérisée.

Depuis plusieurs semaines elle se plaignait de céphalalgie occipitale très-violente, elle avait des vomissements incoercibles, et l'iodure de potassium qu'on lui avait administré ne pouvait rien contre ces acci- dents. Bientôt elle se sentait s'affaiblir, elle titubait, la marche deve- nait de plus en plus pénible, et au commencement de mars 1863 elle était obligée de garder le lit; dans le lit elle pouvait encore exécuter les mouvements en tous sens avec les membres inférieurs dans une direction préconçue; elle pouvait coordonner les mouvements, on ne constatait pas de paralysie proprement dite, mais un aftaiblissement musculaire énorme ; il en était des membres supérieurs comme des membres inférieurs: affaiblissement musculaire sans paralysie ; puissance de coordination des mouvements intacte.

En même temps que le trouble de la motilité dans les membres, pa- rut un strabisme double convergent qui alla croissant jusqu'au point que les deux yeux disparaissaient en partie derrière les paupières, et la physionomie de la malade avait contracté un aspect hideux; le stra- bisme se compliquait au début de diplopie sous l'influence de la vo- lonté, elle pouvait réagir en partie contre le strabisme et porter l'œil en dehors, mais avec peine. Nous constatons ici encore, non pas une paralysie, mais un trouble dans le système locomoteur de l'œil.

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L'intelligence et la sensibilité n'avaient pas été touchées dans ce cor- tège de symptômes graves, et les fonctions des autres systèmes étaient également restées intactes; elle n'a pas eu de fièvre, elle ne toussait pas; la nutrition avait été profondément altérée par les vomissements prolongés; elle s'était amaigrie.

Un traitement mercuriel (deux pilules de Sédillot par jour) fut insti- tué dans la première semaine de mars, et au bout de huit jours déjà il y eut une amélioration sensible ; les maux de tôle se calmèrent, les vomissements diminuèrent; puis les autres symptômes graves s'amen- dèrent peu à peu ; la malade récupéra ses forces, bientôt elle put res- ter assise dans son lit, se tenir sur ses jambes; le strabisme céda égale- ment, et après six semaines de traitement mercuriel, en avril 1863, les douleurs de tête, les vomissements avaient disparu; la malade avait récupéré la puissance de ses mouvements ; elle quitta l'hôpital guérie du strabisme et pouvant marcher facilement.

Ce fait présente le plus grand intérêt; il est peut-être unique dans l'histoire de la science; il réunit tous les symptômes que nous avons décrits comme caractérisant une lésion du cervelet dans notre Mémoire sur la pathologie de cet organe, et de plus il montre la possibilité de la guérison des tumeurs cérébelleuses.

J'ai pu suivre l'observation jusqu'à la sortie de la malade de l'hôpital grâce à la bienveillance de M. le docteur Duplay qui, lui aussi, avait diagnostiqué une affection cérébelleuse.

J'ai revu la malade depuis sa sortie, et la guérison est définitive; elle a repris ses travaux.

V. —Pathologie comparée.

Sur le tournis des moutons; communication de M. Leven.

Le kyste siégeait tantôtdans un lobe cérébral, tantôt dans un lobe céré- belleux ou dans les deux lobes cérébraux. Les ventricules latéraux ne sont pas envahis; la substance cérébrale a disparu devant le kyste, est ré- sorbée sans qu'il existe aucune trace d'inflammation ou de suppuration ; la poche kystique est séparée de la substance cérébrale par une mem- brane celluleuse pénétrée de vaisseaux de formation nouvelle en grande quantité. Dans chacun des kystes se trouvaient un grand nombre de cœnures qui ne présentaient rien de particulier à signaler, adhérents pour la plupart à la membrane d'enveloppe; le liquide kystique est blanc, transparent, et varie de quantité, selon les dimensions du kyste, 50 à 60 grammes en moyenne. Dans l'un des cerveaux, le lobe gauche tout entier était envahi, et il ne restait plus qu'un tiers de la substance cérébrale ; l'animal n'a présenté qu'un mouvement circulaire de gauche

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à droite qui se produisait toutes les fois qu'on le poussait dans ce sens. Incapable de tourner de droite à gauche, il avait la faculté de courir en ligne droite, et toute sa puissance musculaire; aucun trouble de la sen- sibilité, ni des facultés instinctives, ni des organes des sens ; la nutrition était intacte, et les troubles du mouvement seuls traduisaient la pré- sence du cœnure.

Chez un deuxième mouton, dont le lobe cérébelleux gauche était creusé par le cœnure dans une grande étendue; môme mouvement cir- culaire de gauche à droite et impuissance de tourner de droite à gau- che; affaiblissement musculaire; il marche péniblement et semble in- complètement paralysé du côté gauche ; du reste aucun trouble de la sensibilité ni des organes des sens; la nutrition altérée; l'animal man- geait peu et s'amaigrissait rapidement.

Deux des moutons étaient morts subitement, et à l'autopsie, on a trouvé la surface du cervelet, le bulbe couverts d'une couche assez épaisse de sang.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

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LA SOCIETE DE BIOLOGIE

PENDANT LE MOIS iVaûUT 1863;

Par m. le Docteur ORDONEZ, secrétaire.

PRËSIDËKCE DE M. RHYËR.

I. PHYSIOLOr.IE EXPÉRIMENTALE. Note sur les effets prûdvits par la commotion des centres nprveiix

CHEZ LA GRENOUILLE ; par M. A. VULPIAN.

Les expériences dont les résultats sont consignés d'une façon succincte dans cette note ont été faites sur des grenouilles vertes {Rana escu- lenta, L.) et sur des grenouilles rousses {Ratia temporm-ia, L.). Elles ont consisté à frapper d'un choc brusque les régions du corps corres- pondant aux diverses parties du système nerveux central, et à étudier les effets produits par cette commotion. Le moyen employé pour déter- miner le choc a été presque toujours le même : c'est à l'aide de chiquenaudes aussi violentes que possible que l'on frappait la tête ou la colonne vertébrale. Quelquefois on ne frappait qu'un coup; mais souvent pour obtenir immédiatement le maximum des effets, on donnait de suite trois à six coups de doigt.

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Voici d'ordinaire ce qu'on observe clicz une grenouille à la suite d'un choc violent de la partie postérieure de la région crânienne. Il y a im- médiatement un spasme convulsif de tous les muscles, accompagné par- fois d'un cri. Dans certains cas, les mâchoires s'écartent et restent ainsi disjointes pendant quelques instants; chez d'autres grenouilles il y a projection de la langue qui n'est peut-être chassée de la cavité buccale que par le choc lui-même, et qui se trouve momentanément pressée entre les mâchoires.

Pendant un temps assez court (une à cihq minutes), on voit des tres- saillements spasmodiques dans des points variés des masses musculaires des membres, des parois du corps et de la région hyoïdienne; puis la grenouille tombe dans une immobilité complète (l).

Drs le premier moment, il y a eu arrêt complet des mouvements res- piratoires.

Quant aux mouvements du cœur, pour observer l'influence que le choc produit sur eux, il faut mettre l'organe à découvert avant de frap- per la région postérieure du crâne. Généralement, aussitôt après que le coup est donné, on n'observe aucun changement dans le rhythme des battements cardiaques. Parfois cependant les mouvements deviennent plus lents; dans d'autres cas, soit qu'ils se ralentissent, soit qu'ils con- servent la fréquence qu'ils avaient auparavant, ils perdent de leur am- plitude, c'est-à-dire que les cavités du cœur se dilatent moins à chaque diastole. Après un certain nombre de battements (de trois à quinze) séparés par des intervalles d'une durée normale, on constate un inter- valle plus long, puis une révolution complète du cœur suivie d'un inter- valle plus long encore. Après le mouvement cardiaque qui succède à cet intervalle ou après le suivant, le cœur devient complètement immo- bile (2) en état de diastole, et cette immobilité persiste pendant dix à

(1) Lorsque les chocs ont été d'une grande violence, il y a abolition plus ou moins prolongée des mouvements réflexes ; mais dans la plupart des cas des mouvements réflexes se manifestent encore lorsque l'on ex- cite une partie quelconque de l'animal, seulement ils sont plus faibles que dans l'état normal et surtout que chez une grenouille décapitée. Parfois, si le choc a porté sur la partie postérieure du crâne, les actions réflexes sont beaucoup moins prononcées dans les membres antérieurs que dans les postérieurs.

(2) Pour que l'immobilité du cœur se produise, il faut en général que l'on ait donné plusieurs coups sur la partie supérieure du crâne. Si l'on

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vingt-cinq secondes, après quoi reparaît un mouvement, soit complet, soit borné à la terminaison des veines ou à cette terminaison et aux oreillettes. Un repos de quatre ou cinq secondes (quelquefois aussi long que le premier) suit ce mouvement; il y a un second mouvement, com- plet cette fois d'ordinaire, puis un repos de trois ou quatre secondes, et soit après ce repos, soit après une série de plusieurs autres révolu- tions séparées par des intervalles plus longs que dans l'état normal, les mouvements reprennent leur rhythme habituel. On remarque encore pendant un certain temps que le cœur se développe moins à chaque diastole qu'il ne le faisait avant le début de l'expérience : la fréquence des mouvements s'accroît rapidement, et le cœur qui battait de qua- rante à quarante-huit fois par minute avant qu'on eût frappé le système nerveux de commotion, bat bientôt, au bout d'une à cinq minutes, de cinquante à soixante fois par minute. L'amplitude des diastoles ne tarde pas non plus à augmenter : au bout de dix à vingt minutes, elle dépasse le plus souvent le degré normal et un peu plus tard elle est devenue considérable. On voit alors chez les grenouilles dont le cœur n'a pas été mis à nu, cet organe soulever avec force toute la région précordiale, et y produire ainsi des mouvements tellement étendus qu'ils pourraient presque être comparés aux mouvements respiratoires de l'appareil hyo'ïdien dans l'état physiologique. Chez les grenouilles dont le cœur mis à découvert peut être observé directement, on con- state facilement aussi l'exagération des diastoles : à chaque diastole les cavités du cœur sont comme distendues par le sang qui vient les em- plir, puis des systoles énergiques vident complètement le cœur en chassant le sang dans le système artériel.

Les mouvements du cœur conservent en général ces caractères jus- qu'au retour des mouvements de respiration et de locomotion.

Le temps pendant lequel l'animal demeure dans une immobilité com- plète varie. Le plus souvent, au bout de vingt minutes, d'une demi-heure ou d'une heure, on voit reparaître des mouvements dans l'appareil hyoï- dien. Ces mouvements, d'abord faibles, séparés par des intervalles irré- guliers et plus ou moins longs, ne reprennent leur étendue et leur régularité normales qu'après un temps variant d'un quart d'heure à une heure ou même davantage.

n'a frappé le crâne qu'une seule fois, à moins que le choc ne soit très- violent, on n'observe d'ordinaire qu'un trouble plus ou moins marqué des mouvements du cœur pendant quelques instants, c'est-à-dire un ralentissement de ces mouvements avec réduction de l'amplitude des diastoles.

Quant aux mouvements des membres, leur réapparition a lieu quel- quefois presque en môme temps que le retour des mouvements respi- ratoires. Mais dans d'autres cas on n'aperçoit de légers mouvements des membres que plus tard, c'est à-dire une demi-heure, par exemple, après les premières contractions des muscles hyoïdiens. Ces mouvements con- sistent d'abord dans des tressaillements des masses musculaires; puis survient de temps à autre un mouvement d'ensemble d'un membre anté- rieui'ou postérieur; un quart d'heure ou vingt minutes après ces premiers indices du réveil de la motilité, on voit le corps entier s'agiter pendant un moment, comme s'il y avait une tentative de locomotion ou de retour à l'attitude normale lorsque l'animal est sur le dos. Ce n'est que deux ou trois heures après le début de l'expérience, si le choc a été violent, que la grenouille a repris en grande partie la plénitude de sa motilité volontaire. Quelquefois alors l'animal ne peut pas se mouvoir en ligne droite, il a la tête un peu tournée sur l'axe du corps, et il y a tendance manifeste à la rotation de l'animal en circuit et autour de son axe ; mais ce résultat de l'espùrience est loin d'être constant, et il finit au bottt dequelcfues heures ou d'un jour par disparaître complètement (1). Parfois aussi on remarque pendant un temps variable, dans certains cas pendant plus de vingt-quatre heures , une inégalité très-prononcée dans la dilatation des deux pupilles.

Le choc de la partie postérieure du crâne n'a pas la même influence sur les cœurs lymphatiques que sur le cœur sanguin. Si l'on met à nu les cœurs lymphatiques postérieurs pour bien les observer, on constate que leurs mouvements sont très-peu troublés par le choc; ces mouve- ments conservent leurs caractères ordinaires ; cependant leur amplitude et leur fréquence semblent parfois modifiées, sans que l'on puisse re- connaître rien de constant dans la nature de ces modifications. Si l'on a mis à découvert sur le même animal les cœurs lymphatiques et le cœur sanguin, on peut bien apprécier la différence des effets du choc sur ces divers organes, car on constate au môme moment l'arrêt du cœur sanguin et la persistance des battements des cœurs lymphatiques. Immédiatement après le choc ou quelques instants plus tard, des contractions plus ou moins énergiques se montrent dans les parois du tube digestif. Des rétrécissements annulaires sur plusieurs points de l'estomac et de l'intestin, un lent mouvement vermiculaire, tels sont les phénomènes qui se manifestent d'ordinaire, et qui n'ont en général qu'une assez courte durée.

(l) Ou s'est assuré, en examinant avec soin l'encéphale de plusieurs grenouiJles soumises à ces sortes d'expériences, qu'il n'avait subi au- cune altération appréciable à l'œil nu.

r27

Pondant la période d'immobilité du corps, s'il y a résolution coin- plèto des membres et suspension des actions réflexes, les nerfs de- meurent excitables, ainsi qu'on a pu sen assurer en mettant à ntr les nerfs sciatiques et en les touchant avec la pince galvanique de Pulver- marcher; à chaque contact, il y a contraction des muscles de la jambe et du pied.

Ainsi, en résumé, une courte période d'agitation spasmodique et to- nique des diverses parties du corps, dont le début est quelquefois marqué par un cri, puis une période plus ou moins longue d'immobilité générale, l'arrêt momentané des mouvements du cœur, la suspension immédiate et prolongée des mouvements respiratoires, enfin le retour constant à l'état normal lorsqu'il rij a pas de graves désordres, tels sont les phénomènes principaux que l'on observe chez la grenouille à la suite de chocs violents portant sur la partie postérieure du crâne.

H convient maintenant de rechercher quel est le mécanisme physio- logique par lequel se produisent tes effets que nous venons d'énu- mérer.

11 faut d'abord bien établir le caractère et la significatioTï des phéno- mènes qui se manifestent immédiatement après le choc. Il y a souvent, avons-nous dit, un cri initial, il y a toujours des tressaillements et d€s mouvements spasmodiques des masses musculaires du tronc et des membres. Or de tels phénomènes indiquent, à n'en pas douter, un vio- lent ébranlement, une vive irritatibn des portions excitatrices du sys- tème nerveux central. C'est cette irritation évidente de ces parties du système nerveux qui va nous servir à expliquer l-es autres effets (ki choc.

C'est en effet cette cause qui nous paraît déterminer dans les pre- miers moments l'arrêt des mouvements respiratoires. Que l'on observe la région hyoïdienne d'une grenouille qui vient d'être frappée d'un choc violent sur la partie postérieure du crâne, on verra que cette région est pendant quelques instants, parfois pendant deu-x ou- trois minutes au moins, le siège de contractions limitées, irrégulières, passant rapide- ment d'un point à un autre des différents muscles. Ce sont des con- tractions désordonnées comme celles qui se produisent dans les mus- cles des membres, et de même que dans ceux-ci, ces contractions se bornent à déterminer dans les muscles de la région hyo'i'dienne un spasme tonique et irrégulier, et par suite suspension des mouve- ments respiratoires.

La persistance, pendant un certain temps, des phénomènes convulsifs qui se manifestent dans les muscles de toutes les régions du coro^.

1^8 montre que l'irritation provoquée dans les centres nerveux par le choc a une certaine durée. Par son intensité même et par sa durée, cette irritation épuise nécessairement l'excitabilité des centres nerveux (1), et alors commence la seconde période, période beaucoup plus longue que la précédente, et dans laquelle les spasmes musculaires font place au collapsus. Alors l'animal est dans une résolution plus ou moins com- plète; la respiration demeure suspendue. 11 y a dans ce moment para- lysie de l'appareil hyoïdien comme il y a paralysie des autres régions musculaires du corps. Après un temps variable, ainsi que nous l'avons vu, les centres nerveux recouvrent peu à peu leur excitabilité normale, et les divers mouvements reparaissent.

Les effets du choc sur le cœur méritent d'être étudiés attentivement. Le choc ne produit pas sur les mouvements du cœur un effet aussi im- médiatement suspensif que sur ceux de l'appareil hyoïdien. Les pre- miers mouvements du cœur sont encore très-réguliers, et, comme nous l'avons dit, ils peuvent rester tout à fait normaux. Ce n'est qu'après quelques secondes que les mouvements du cœur s'arrêtent. 11 nous pa- raît certain que cet arrêt des battements du cœur sanguin se fait par le même mécanisme que l'arrêt des mouvements respiratoires. Il est également à l'irritation des centres nerveux. Le résultat est sembla- ble il celui que détermine la galvanisation de la moelle allongée : sous l'influence du choc, le cœur sarrète en diastole, de même que sous l'influence de l'excitation galvanique.

Si la suspension des battements du cœur n'a pas lieu immédiatement comme celle des mouvements respiratoires, cela tient vraisemblement à la différence des parties du système nerveux par lesquelles se pro- page l'irritation des centres nerveux. La présence de cellules ganglion- naires sur le trajet des nerfs destinés au cœur, et jusque dans cet organe même, ralentissent sans doute le transport des irritations. L'arrêt des mouvements cardiaques est de très-courte durée, et ils reparaissent bientôt avec leur rhythme ordinaire. Les effets de l'irritation des centres nerveux ont cessé à ce moment, au moins relativement au cœur; un peu plus tard, au bout de quelques minutes, nous avons vu que les mouvements du cœur s'accélèrent, se développent, deviennent bien plus larges que dans l'état normal, et il est permis d'attribuer ce ré-

(1) Si l'on met à nu la face supérieure du bulbe rachidien et de la partie voisine de la moelle épinière chez une grenouille frappée decom- motion, on observe que les excitations directes de ces régions du sys- tème nerveux central suscitent dans les membres des convulsions bien moins vives que dans l'état normal.

129 sultaten grande partie à une paralysie tem[iorairo plus ou moins com- plète des nerfs vagues. Ce n'est que lorsque tous les appareils muscu- laires se réveillent pour ainsi dire que les mouvements du cœur repren- nent leurs caractères tout à fait normaux (I).

L'étude des effets du choc sur les mouvements du cœur peut ùlve poussée plus loin; on peut chercher à bien déterminer les parties du système nerveux sur lesquelles doit agir la commotion pour amener le trouble ou la suspension de ces mouvements. Quelques expériences permettent d'arriver à des données assez précises sur ce point.

Il est facile de s'assurer d'abord que la partie antérieure de l'encé- phale, c'est-à-dire le cerveau proprement dit, n'a aucune part dans la production de l'arrêt du cœur. Même alors que les centres nerveux sont intacts, les coups frappés sur la région antéro-supérieure du crâne n'ont point d'action sur le cœur : tout au plus observe-t-on parfois, dans les premiers moments, une diminution de l'amplitude des diastoles, ce qui a lieu évidemment par la transmission du choc aux parties posté- rieures de l'encéphale.

(1) Nous avons vu que le volume du cœur se réduit d'une façon no- table après la percussion du crâne, et qu'il ne se développe qu'au bout de plusieurs minutes. Si l'on examine, pendant que le volume du cœur est diminué, les divers vaisseaux des membranes interdigitales, de la peau des parois latérales du corps, la veine qui longe sur la ligne mé- diane la face profonde de la paroi antérieure de l'abdomen et les vais- seaux mésentériques, on reconnaît que ces différents vaisseaux ne con- tiennent qu'une très-faible quantité de sang. Ce n'est donc pas parce que le sang s'accumule dans le système vasculaire périphérique que le cœur revient sur lui-même. Il est plus probable que c'est dans les parties qui ont été violemment frappées que le sang se porte en grande quantité, et que c'est la cause principale de la réduction du volume du cœur. Il y a, en effet, une assez vive congestion des parties qui ont reçu les chocs du doigt ; il y a même d'ordinaire une infiltration san- guine plus ou moins prononcée. Plus tard, la dilatation vasculaire de ces parties cesse, et le sang qui n'est point extravasé et qui y stagnait rentre dans la circulation; on voit alors le cœur se développer, et les différents vaisseaux, qui étaient plus ou moins exsangues, se remplir de sang, devenir môme plus apparents que dans l'état normal. En gé- néral, il a semblé que le sang parcourant ces divers points de l'appa- reil circulatoire offrait à ce moment une coloration moins vive que dans l'état normal, comme s'il y avait eu afflux et pénétration d'une grande quantité de sérosité dans les capillaires.

C. R. 9

130

Si l'on frappe violemment la région vertébrale, on produit un arrêt des mouvements du cœur à peu près aussi sûrement que lorsque les chocs portent sur la partie postérieure du crâne. Pour savoir si cet effet est bien sous la dépendance de l'ébranlement de la moelle même, on fait sur une grenouille une section transversale complète du bulbe ra- chidien au niveau du sommet du bec du calamus scriplorius. La per- cussion de la colonne vertébrale amène encore la suspension des mou- vements du cœur : on obtient d'ailleurs aussi ce résultat en frappant sur cette même grenouille la région postérieure du crâne. On pourrait toutefois conserver encore quelques doutes sur la valeur de cette ex- périence et se demander si un choc portant sur la colonne vertébrale ne peut pas, malgré la section transversale complète du bulbe rachi- dien, transmettre par les os (vertèbres et crâne) un ébranlement assez fort aux parties postérieures de l'encéphale pour déterminer ainsi l'arrêt momentané des contractions cardiaques. Il est facile de dissiper ces doutes. On enlève complètement sur une grenouille toute la partie des centres nerveux qui est située en avant de la section faite au niveau du bec du calamus, puis on donne deux ou trois coups sur la colonne vertébrale : le cœur s'arrête encore au bout de quelques instants pen- dant plusieurs secondes. De même on peut aisément s'assurer que la commotion de l'encéphale peut par elle-même déterminer l'arrêt du cœur; il suffit de voir cet effet se produire alors qu'on a détruit ou en- levé toute la moelle, en ne laissant intact que l'encéphale.

On doit conclure de cette série d'expériences que les effets détermi- nés sur le cœur par la commotion ne sont pas sous la dépendance ex- clusive de l'encéphale, et que la moelle épinière y prend une certaine part. En étudiant ces résultats à un autre point de vue, on reconnaît que la partie des centres nerveux qui est en avant d'une section prati- quée au niveau du bec du calamus scriptorius donne naissance aux nerfs pneumogastriques; il n'y a donc rien de surprenant à ce qu'une vive excitation de cette partie des centres nerveux détermine une sus- pension des mouvements du cœur. Mais pourquoi y a-t-il aussi arrêt momentané de ces mouvements sous l'influence d'une commotion de la moelle épinière? Pour expliquer ce fait, il faut bien admettre que le cœur, chez la grenouille, reçoit quelques fibres nerveuses provenant des nerfs spinaux. L'expérience montre que ces fibres émanent des nerfs destinés aux membres antérieurs; car il suffit, après que l'encé- phale a été enlevé, de retrancher encore le tronçon médullaire qui donne naissance aux nerfs brachiaux pour ôter aux commotions de la moelle toute influence analogue sur le cœur (1). C'est donc par l'inter-

'1) De même, lorsqu'on coupe chez une grenouille les deux nerfs

!3I médiaire du segment des centres nerveux qui est en rapport avec les origines des nerfs pneumogastriques et brachiaux, que les commotions produisent chez la grenouille l'arrêt temporaire des mouvements du cœur : si Ton enlève sur une grenouille ce segment en laissant les autres parties intactes, les commotions restent sans effet sur le cœur; si on détruit tous les centres nerveux à Texception de ce segment, les chocs portant sur la région dorsale peuvent encore provoquer la sus- pension momentanée des contractions cardiaques (t).

Tels sont les principaux résultats des expériences instituées pour étudier les effets de la commotion des centres nerveux chez la gre- nouille. Ai-je besoin de dire que Ion ne doit que sous toutes réserves tirer de ces résultats des déductions générales, applicables à la physio- logie de la commotion chez les animaux supérieurs? Cependant il est difficile de ne pas admettre que par un mécanisme analogue à celui que nous avons indiqué, des effets du même genre se produisent chez les mam- mifères sous l'influence d'un violent ébranlement des centres nerveux. Chez la grenouille, l'arrêt des mouvements cardiaques ne dure que

pneumogastriques à leur origine, les chocs de la partie postérieure du crâne produisent encore un arrêt passager des mouvements du cœur ; mais si l'on coupe ensuite à leur origine les nerfs des membres anté- rieurs, les chocs n'ont plus alors aucun effet de ce genre.

Il est à remarquer que, soit après la section des nerfs vagues et des nerfs brachiaux, soit après l'ablation de l'encéphale et de la partie de la moelle qui donne naissance à ces derniers nerfs, les chocs portant sur la colonne vertébrale au niveau du reste de la moelle déterminent par- fois un effet tout opposé à celui que nous étudions; il y a dans quelques cas une accélération momentanée des mouvements cardiaques. Ce ré- sultat ne peut-il pas être attribué à une excitation médiate des nerfs sympathiques du cœur?

(I) Pour que le cœur s'arrête sous l'influence de la commotion, il faut que l'excitation des centres nerveux soit transmise à cet organe par les nerfs cardiaques. Les substances loxi(]ues qui rendent impossible chez la grenouille la transmission des excitations des nerfs aux muscles, comme le curare par exemple, ou encore comme la nicotine, la strych- nine, l'éther sulfurique, le chloroforme, à une certaine période de leur action, soustraient le cœur ainsi que les autres muscles à l'influenco de la commotion des centres nerveux.

On remarque aussi que les effets de la commotion sont bien plus diffi- ciles à obtenir en hiver lorsque les grenouilles sont à demi engourdies, que dans les autres saisons.

132 quelques instants, et il en est sans doute de même chez les mammi- fères, si cet effet a lieu, comme cela est probable (1). Mais la suspension des mouvements respiratoires se prolonge pendant une demi-heure ou une heure chez la grenouille, et si ce phénomène n'a pas chez elle la mort comme conséquence inévitable, c'est grâce à l'activité si grande de sa respiration cutanée. Or chez un mammifère frappé d'une violente commotion, si la mort n'arrive pas par arrêt des mouvements du cœur, on comprend qu'elle soit le résultat nécessaire d'une interruption des mouvements respiratoires pendant plus de deux ou trois minutes. C'est là, suivant toute vraisemblance, le m.écanisme de la mort subite, déter- minée par commotion cérébrale.

II. Tératologie,

Note sur cn moxstke double autositaire de la famille des monosomiens (Is.-Geoffroy-Saint-Hilaire); par M. le docteur Paul Bert.

On montre en ce moment à Paris un animal monstrueux vivant, ex- trêmement remarquable, et dont la description mérite d'être donnée en détail.

C'est une génisse de 15 mois environ, bien portante, et de dévelop- pement moyen. Le corps, parfaitement conformé, porte une tête nor- male dans sa partie postérieure, mais dont la face présente des anoma- lies nombreuses que je vais d'abord décrire, en dehors de toute idée d'interprétation.

Les régions postérieures, ai-je dit, crâne, yeux, oreilles, cornes, sont normales : mais au devant des cornes le crâne se prolonge à peu près horizontalement, puis se termine par une arête brusque, une saillie transversale surplombante, de laquelle partent deux cornes divergentes, presque horizontalement dirigées. Ces cornes se rejoignent à leur base sur la ligne médiane, et sont plus développées que les cornes posté- rieures.

Au-dessous de l'éminence sur laquelle elles sont implantées se voit une masse charnue, cylindrique, longue de 7 ou 8 centimètres, revê- tue de poils, et en tous points semblable à la trompe des monstres rhi-

(1) Les lésions brusques de l'isthme de l'encéphale déterminent d'une façon évidente, chez les mammifères, des effets analogues à ceux qu'on voit se produire chez les grenouilles sous l'influence de la commotion des parties postérieures de l'encéphale. Voy. "Vulpian, Bechercfies ex- périmentales relatives aux effets des lésions du plancher du qua- trième ventricule. Mém. de la Soc. de biologie, 1861, p. 315.

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nocépliales. Cette excroissance libre partout, sinon par sa base, repose dans une cavité située au milieu de la face, à la hauteur environ des deux yeux normaux. Sur les talus latéraux qui déterminent cette exca- vation, on aperçoit, en face l'un de l'autre, l'apparence de deux yeux fermés; ce sont bien dos paupières soudées et armées de longs cils, mais le doigt cherche en vain sous elles les globes oculaires.

Le plancher de cet enfoncement s'avance de quelques centimètres, et au-dessous de son bord antérieur apparaît une surface trilobée, tapissée d'une muqueuse semblable à celle qui revêt le mufle des ruminants. C'est le mufle en effet, mais élargi, obliquement dirigé de haut en bas et d'arrière en avant, et qui, au lieu de terminer la face, est en retard sur la mâchoire supérieure qui prolonge son inclinaison. Dans ce mufle énorme, hideux, s'ouvrent trois orifices : l'un, médian, situé sous la trompe, est un véritable gouffre formé évidemment par la réunion de deux cavités nasales; les deux autres, latéraux, sont des narines à peu près normales. C'est par ceux-ci que passe la presque totalité de l'air inspiré et expiré par l'animal ; il en entre, il en sort un peu par l'orifice médian, mais si peu qu'aucun courant appréciable n'en est le résultat.

La mâchoire supérieure est camarde, dépassée considérablement par linférieure. Elle ne présente du reste aucune anomalie importante ; quant à l'inférieure, on voit sur la ligne médiane, immédiatement en arrière de la symphyse du menton, une ouverture ovalaire qui donne dans une cavité tapissée d'une muqueuse analogue à la muqueuse buc- cale, laquelle se termine en un canal sous-cutané de la longueur du doigt.

Toutes les parties de cette face complexe sont ainsi disposées, que la base des cornes antérieures les domine verticalement presque toutes, ce qui donne au profil de la tête l'apparence d'un carré.

Si j"ai réussi à rendre sufiîsamment claire une description toujours difficile en l'absence de figures, le lecteur doit s'imaginer l'aspect étrange et sauvage de cette tête dont la face montre successivement : en haut, les deux cornes antérieures, dirigées sur le côté et en avant; au- dessous l'excavation du fond de laquelle part la trompe, avec les vestiges oculaires situés assez près de la base de cette trompe ; plus bas encore, le vaste trèfle muqueux, et ses trois orifices béants, dont les deux latéraux sont incessamment lubréfiés par la langue de l'animal; enfin, la mâchoire inférieure, avançant comme chez les chiens carlins, et montrant ses dents incisives presque à nu.

Il y a donc, en somme, de surajouté à la tête : deux cornes reposant sur une base osseuse dont la composition anatomique est inconnue, deux yeux avortés dans une cavité orbitaire unique, une trompe représentant évidemment un nez, et deux fosses nasales réunies en une seule sur la

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ligne médiane. J'en finirai avec la description en disant que toutes ces parties ne sont pas exactement disposées d'une manière symétrique par rapport au plan médian de l'animal, mais qu'elles sont un peu déjetées à gauche ; en sorte que le faux œil du côté gauche est ordinairement caché par la trompe, et que celui du côté droit est profondément en- foncé dans leur cavité commune.

Les parties plus profondes, inaccessibles à la vue et au toucher, sont- elles le siège de quelque anomalie? Il est incontestable d'abord que la grande excavation nasale communique avec la bouche ; mais cette com- munication se fait très-probablement par l'intermédiaire des orifices or- dinaires; au moins la voix de l'animal est pure, et ne dénote en rien quelque ouverture anomale de la voûte palatine. A la base de la langue, on sent comme un tubercule que le gardien du monstre prétend être une seconde langue avortée ; mais je suis loin de me porter garant de cette allégation.

Tel est cet animal étrange; il me reste à interpréter les faits que je viens de décrire, et à chercher la place qui revient à ce monstre dans la classification tératologique.

La première idée qui se présentée l'esprit est celle-ci, que ces cornes, ce nez et ces yeux avortés, ces fosses nasales confondues en une seule, constituent un être parasitaire accolé sur la face du sujet autosite, et réduit lui-même à une face incomplète et une portion de crâne. Mais un examen plus approfondi ne me semble pas permettre qu'on s'arrête à cette interprétation. Et si je la repousse, ce n'est pas seulement parce qu'elle n'est en rapport avec aucun ordre des faits tératologiques con- nus, car je crois que la tératologie nous tient bien des surprises en ré- serve ; ce n'est pas seulement parce que notre monstre ne trouverait nulle part sa place dans les cadres de la classification actuelle, car ces cadres sont de toutes parts débordés; c'est parce que j'ai assisté à la démonstration, pour ainsi dire, de l'explication que je vais proposer, et qui du reste s'harmonise bien mieux avec tout ce que nous savons en tératologie.

A mes yeux ce monstre est un monstre double de la classe des monstres autositaires, de la famille des Monosomiens, c'est-à-dire qu'il me paraît formé de la réunion de deux individus égaux, entièrement confondus en un seul jusqu'à la face, se manifeste seulement la dua- lité composante. Dans cette interprétation, la corne postérieure et la corne antérieure du côté gauche seraient les cornes de l'individu de gauche, celles de droite les cornes de l'individu de droite; l'œil normal de gauche et le vestige oculaire de gauche appartiendraient à l'individu de gauche, ceux de droite à l'individu de droite; et de même pour les fosses nasales, la moitié du grand orifice médian appartenant à chacun

135 des individus. Il n'y aurait donc pas eu seulement un accolement des deux têtes, mais comme une sorte d'aplatissement qui aurait porté en avant les parties situées du côté de la ligne médiane. Il va sans dire que j'emploie celte forme de langage d'une façon purement descriptive, car, en théorie, je crois profondément à la monstruosité primitive, en dehors de toutes circonstances postérieures à la fécondation.

Que Ton se reporte aux trois genres établis par Is.-Geoff.-Saint-Hilaire dans la famille des Monosomiens; on verra successivement TAlIodyme présenter sur son corps unique deux têtes séparées, mais contiguës ; ces deux têtes se réunissent en arrière chez l'Iniodyme; et enfin, chez rOpodyme. une tête unique ou en apparence unique est terminée par deux faces distinctes, à partir de la région oculaire. Mais chez les Opo- dymes les plus fusionnés dont je connaisse la description, les deux mâ- choires inférieures existaient, accolées il est vrai sur la ligne médiane, et aussi les deux mâchoires supérieures, plus distinctes encore Tune de l'autre. Au reste, les régions supérieures de la face présentaient des dis- positions fort analogues à celles que j'ai décrites plus haut, fort ana- logues à celles que présentent si fréquemment les monstres cyclocé- phaliens.

Il faut donc, pour se rendre un compte exact du mode de constitu- tion de notre monstre, faire un pas de plus, et confondre les deux bouches d'un opodyme en une bouche commune, en faisant disparaître les branches internes des deux mâchoires, et en réunissant leurs branches externes, réunion anomale dont la petite fente de la lèvre in- férieure semble montrer l'imperfection.

La fusion des deux êtres est donc complète pour le corps, complète pour les parties postérieures et inférieures du crâne et de la face, in- complète pour les régions oculo-fronto-nasales. Mais ceci n'est que l'ex- pression des apparences extérieures, et l'analyse anatomique fera sans doute découvrir des traces de duplicité dans la composition de la base du crâne et dans celle de l'encéphale.

J'ai dit que j'avais assisté, en quelque sorte, à la démonstration de l'interprétation que je viens de proposer. En effet, M. Gerbe a bien voulu me montrer une série de monstres doubles appartenant à la classe des poissons, et éclosdans l'aquarium du collège de France, série qui repré- sente toutes les transitions entre ces deux types extrêmes: individus composants absolument distincts, si ce n'est par l'extrémité de la queue, qui leur est commune ; individus composants presque entièrement con- fondus, et ne témoignant de leur existence virtuellement distincte que par quelques anomalies de la face. Dans cette série, j'ai vu certains monstres qui réalisaient exactement, sauf les différences dues aux types zoûlogiques. les conditions anatomiques du monstre dont je m'occupe

i36 ici. J'en ai vu même de bien plus intimement confondus, puisque le seul indice de leur duplicité était un élargissement du museau, et la pré sence d'un troisième œil sur la ligne médiane, œil double dans certains cas, simple dans d'autres, rudimentaire parfois, ou enfin, dans un cas, réduit à une simple tache pigmentaire!

Nous arrivons donc, de gradation en gradation, par passages insen- sibles, à un individu unique et dont rien ne peut faire soupçonner la dua- lité, qui se compose cependant de deux individus confondus en un seul ; on sent assez quel abîme psychologique s'ouvre devant nous, et ce n'est pas ici le lieu d'insister. Mais combien de problèmes curieux pourraient être résolus, si ces poissons, si môme la vache dont je viens de donner l'histoire, pouvaient nous faire part de leurs sensations, de leurs réflexions, de leurs déterminations volontaires, et peut-être de leurs luttes intérieures ! Constatons seulement que l'observation de leurs faits et gestes ne nous fournit aucune particularité importante, et que cet in- dividu en deux personnes semble se comporter comme un être normal.

Cette note a été présentée à la Société de biologie dans sa séance du 8 août; la semaine suivante, les Comptes rendus de C Académie des sciences m'ont appris que notre collègue M. Goubaux avait adressé, le 3 août, à cette Compagnie un mémoire touchant ce même monstre que je viens de décrire. La description donnée par le savant professeur d'Alfort, bien que singulièrement écourtée par les Comptes rendus, con- corde parfaitement avec celle que l'on vient de lire ; il n'en pouvait être autrement.

Mais l'interprétation admise par M. Goubaux diffère considérable- ment de la mienne, si j'en crois du moins le même recueil, dans lequel on lit seulement que ce monstre se rapporte au genre Epignathe de la famille des Polygnathiens (Is. Geoff. Saint-Hilaire). L'autorité bien con- nue de notre collègue et sa grande expérience de la tératologie ont me faire longuement réfléchir sur la détermination que j'avais proposée. Cependant, après nouvelles délibération, je crois devoir persister dans mon opinion première, en m'appuyant particulièrement sur les obser- vations faites chez les poissons. En tout cas, je ne saurais voir dans la monstruosité en question un exemple de polygnathisme, quand je lis dans Is.-Geoff.-Saint-Hilaire cette phrase, que « le monstre double poly- gnathien représente dans son ensemble un être unitaire avec développe- ment surnuméraire de mâchoires » {Térat. t. III, p. 24), d'où vient son nom même, et cette autre : que le caractère du genre Epignathe est de porter « une tête accessoire, très-incomplète et très-mal conformée dans toutes ses parties, attachée au palais de la tête principale » [Ibid., p. 251 .) Rien de tout cela ne me paraît applicable au cas actuel ; mais on conçoit qu'il est impossible d'établir une discussion régulière en

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présence des quelques lignes sans commentaires ni arguments, publiées par les Comptes rendus.

Depuis l'impression de cette note, j'ai pu faire faire deux croquis de la tôte monstrueuse ci-dessus décrite. Ils sont reproduits pi. V, fig. 1 et2.

III. AXATOMIE ET PliYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. Note sur un cas de division ancienne d'une partie des nerfs, artères et

MUSCLES DE l'aVANT-BRAS, AVEC RÉTABLISSEMENT INCOMPLET DE LA SENSIBILITÉ CUTANÉE DANS LÉTENDUE DE LA DISTRIBUTION DU NERF MÉDIAN , ET CONSERVA- TION PRESQUE COMPLÈTE DES MOUVEMENTS; par E. Leudet , médocin de l'Hôtel-Dieu de Rouen, et M. Delabost, interne du même hôpital.

L... (Louis-Charles), âgé de 55 ans, entra le 6 octobre 1862 à l'Hôtel- Dieu de Rouen pour être traité d'une tuberculisation pulmonaire dont les détails, étrangers au point que nous étudions ici, sont omis à dessein. Cette affection causa la mort.

L... avait été blessé, à l'âge do 18 ans, par un fragment de cruche en terre qui avait profondément divisé les tissus de la partie antérieure de l'avant-bras, à deux travers de doigt de l'articulation du poignet. Cette plaie, étendue transversalement d'un bord à l'autre de l'avant- bras, avait été suivie d'une hémorrhagie abondante, et pendant près de six mois, d'après le conseil d'un médecin, la main fut maintenue immo- bile dans la flexion forcée; aucune ligature ne fut pratiquée. La main et les doigts, froids au début, reprirent peu à peu leur température nor- male, ou du moins le malade cessa d'y éprouver la même sensation de froid. Bientôt, quand on eut cessé la flexion forcée, il recouvra l'usage du membre , et toute sa vie il a pu remplir les fonctions de sommelier en se servant surtout de la main droite.

Au moment L... est soumis à notre observation, nous constatons que l'étendue des mouvements est presque aussi considérable d'un côté que de l'autre ; cependant il serre moins bien de la main droite que de la gauche. Il y a de l'analgésie sans anesthésie absolue, uniquement bornée à l'étendue de la distribution du médian. Aucune douleur spon- tanée ou provoquée dans les ramifications de ce nerf par l'excitation de la périphérie ou de la cicatrice. La chaleur et le froid sont moins bien perçus sur les points animés par le nerf médian que sur le trajet des autres nerfs de l'avant-bras. Jamais aucune douleur ascendante dans les branches nerveuses du membre.

Voici quel était l'état des parties profondes examinées après la mort du malade :

La cicatrice cutanée adhère intimement aux tissus sous-jacents au

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moyen de filaments celluleux, fermes et serrés. Les tendons, dans une étendue de 3 centimètres, présentent, au lieu de leur aspect nacré, une teinte jaune rougeâtre; à l'endroit de la section, sur une longueur lie 1 centimètre, le parallélisme des fibres tendineuses n'existe plus: celles-ci sont déviées et entremêlées de telle sorte que le tendon du long supinateur bifurqué se continue en partie avec le long fléchisseur du pouce; le tendon du grand palmaire s'unit à une masse constituée principalement par les bouts inférieurs de ce tendon, du nerf médian, de la portion du fléchisseur superficiel destinée à l'indicateur, et le bout supérieur de l'artère radiale.

Cette artère, de même que ses veines collatérales, réduite d'abord à un calibre très-mince, puis à un simple cordon fibreux, se perd dans la masse indiquée plus haut, tandis que son bout inférieur se confond avec le long supinateur.

Le nerf médian présente, au-dessus de la section, un renflement oli- vaire de 0'",025 de longueur et de O^jOlO de largeur, dont la pointe se continue par trois minces cordons avec les tissus fibreux intertendineux. Le bout inférieur de ce nerf se jette en haut dans l'intrication des ten- dons du grand palmaire, du long fléchisseur du pouce et du fléchisseur superficiel, avec lesquels il se confond bientôt complètement et sans qu'il soit possible de trouver la moindre continuité avec le bout supé- rieur. Du reste, le bout supérieur à l'avant-bras, ainsi que le bout infé- rieur au poignet, à la paume de la main et aux doigts, n'offre rien d'a- normal sous le rapport de leur volume , de leur couleur ou de leur consistance.

Sur la branche superficielle du nerf radial existe, au niveau de la lé- sion, et sur le côté interne seulement de ce nerf, un renflement assez volumineux qui vient se confondre avec la masse fibreuse du tendon du long supinateur et du bout inférieur de l'artère radiale.

Une branche du musculo-cutané qui vient également se confondre avec les tissus fibreux présente aussi un renflement ovoïde sur chacune de ses branches de bifurcation.

IV. Pathologie. t* Note sur un cas de pellagre sporadique ; par M. le docteur "Vidal.

PELLAGRE SPORADIQUE; ÉRYTHÈME CARACTÉRISTIQUE DE LA FACE DORSALE DES MAINS ET DU TRONC ; TROUBLES NERVEUX; LIENTÉRIE; MORT. HYPERÉMIE CHRO- NIQUE DES CENTRES NERVEUX ET DES PRINCIPAUX VISCÈRES; ULCÉRATIONS INTES- TINALES; ALTÉRATIONS DU FOIE ; ALTÉRATIONS DU SANG.

R... (Nicolas), âgé de 59 ans, à Auserville (Meuse), est entré le y juillet 1862 à l'hôpital Lariboisière (salle Saint-Henri, JG).

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Depuis vingt-cinq ans, cet homme habite les environs de Paris (Pan- tin), et se livre, en qualité de journalier, aux travaux des champs. Il prétend n'avoir jamais souffert de la misère; cependant la viande n'en- trait que pour une faible part dans son régime, le plus ordinairement composé de pain de froment et de substances végétales; jamais à au- cune époque de son existence le maïs n'a fait partie de son alimen- tation.

Les renseignements sur l'état de santé de ses ascendants sont assez vagues. Il était en bas âge quand il perdit son père, et la cause de sa mort lui est inconnue. Sa mère est morte à 48 ans d'une maladie de poi- trine. Il n'a jamais ouï dire qu'aucun des membres de sa famille ait présenté des symptômes d'aliénation mentale.

Il y a à peu près onze mois que sa santé, jusqu'alors très-bonne, s'est altérée sans cause appréciable, il s'est progressivement affaibli ; il a été pris d'une diarrhée assez intense qui, après des alternatives de rémis- sion et de recrudescence, a fini par céder au bout dun mois de traite- ment.

Deux mois plus tard, sa tête se couvrait d'une éruption pour laquelle il fut traité pendant un mois ou six semaines à l'hôpital Saint-Louis. Les vagues renseignements qu il donne à ce sujet ne permettent pas d'ap- précier la nature de cette dermatose du cuir chevelu.

Depuis lors R... avait repris ses travaux, mais n'avait recouvré qu'in° complètement ses forces et était resté amaigri, lorsqu'il y a trois mois survint une diarahée lientérique rebelle à tous les traitements, et pour laquelle il vient aujourd'hui réclamer les secours de Ihôpital.

Il est devenu très-pâle, de plus en plus faible, essoufflé au moindre effort, et depuis plus d'un mois il remarque le soir des gonflements au- tour des malléoles.

Depuis le début de la diarrhée, la vue et l'ouïe s'affaiblissent pro- gressivement.

État actuel. En interrogeant ce malade, on est frappé de son hébé- tude, de l'affaiblissement de sa mémoire. Ses réponses sont vagues, et l'on ne peut même lui faire préciser à un mois près l'époque de son traitement à l'hôpital Saint-Louis; il a du reste conscience de cette di- minution de la mémoire. Il se plaint d'une extrême faiblesse, se tient à peine sur les jambes, et sa marche est chancelante. Il paraît triste, abattu, et reste assez indifférente ce qui se passe autour de lui. Il n'a pas et n'a jamais eu de tendance au suicide.

La sensibilité est notablement modifiée; le tact a perdu sa délica- tesse; l'analgésie assez marquée sur toute la surface cutanée est pres- que complète sur les avant-bras, à peine sent-il une épingle traversant un pli de la peau.

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L'ouïe est très-dure et reste encore obtuse après que les conduits auditifs externes sont débarrassés des bouchons de cérumen noirâtres qui les obstruent.

Le tégument des conduits auditifs est épaissi, d'un rouge érythéma- teux, légèrement érodé en quelques points.

La vue est faible, les pupilles peu mobiles se resserrent lentement sous l'action d'une vive lumière. M. Folhier, qui a bien voulu faire l'oxamen des yeux de ce malade, constate que les troubles de la vision sont dus à une accommodation insuffisante par atonie du muscle ci- liaire. Voici la note qui a été rédigée à ce sujet par M. Thomas, interne de M. Follin :

« Les premiers troubles de la vision remontent à trois mois. Jusqu'à cette époque, le malade avait été doué d'une bonne vue ; il voyait net- tement les objets rapprochés et lisait à la distance normale de la vision distincte.

« Aujourd'hui, la vision éloignée est bonne. Le malade distingue net- tement les numéros des lits d'une extrémité de la salle à l'autre. Il peut lire le 15 de Jaeger à 40 ou 50 centimètres, mais non le 10 à n'im- porte quelle distance.

« L'examen ophthalmoscopique montre l'intégrité des membranes et du milieu de l'œil.

« Ces troubles sont dus à un défaut d'accommodation. L'accommoda- tion de l'œil se fait, puisque le malade peut lire le nol5 de Jaeger, mais elle est insuffisante pour la vision d'objets plus petits. On trouve la preuve de cette insuffisance d'accommodation dans le fait suivant : Si l'on interpose entre l'œil et le 10 de Jaeger un verre convexe du 10 le malade lit facilement à 30 centimètres.

« Cette insuffisance d'accommodation ne saurait être rapportée à la presbyopie à cause du début rapproché des troubles de la vision. L'ac- tion du muscle ciliaire insuffisante et la cause de ces troubles se ratta- chera d'autant plus facilement à cette idée, qu'on ne peut observer chez ce malade un état de faiblesse très-marqué et une atrophie muscu- laire considérable. »

Le malade est pâle ; son teint est un peu plombé; ses chairs sont flas- ques; les bras et le tronc sont très-notablement amaigris; les jambes légèrement infiltrées.

La face dorsale des mains est d'une couleur rosée érythémateuse, sur ce fond uni se détachent de larges écailles d'épiderme mince, comme des pelures d'oignons d'une teinte légèrement brune, adhéren- tes par leur centre à bords soulevés, et paraissant se détacher progres- sivement de la circonférence au centre. Entre ces écailles, l'épiderme

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est fendillé. Sur le dos des mains, la peau semble avoir perdu son élas- ticité, et les plis qu'on y fait sont lents à s'effacer.

Sur les doigts, et surtout au niveau des replis interdigitaux, elle est épaissie, flétrie, ridée, dune teinte grisâtre, et rappelle le type pittores- quement décrit par M. Landouzy sous le nom de peau ansérine.

Une éruption érythémateuse analogue à celle des mains s'observe sur la peau de l'abdomen et des parties latérales de la poitrine. L'épi- derme est fendillé en divers sens; ces solutions de continuité forment des lignes d'un rose vif entre-croisées, et limitantles espaces irréguliers recouverts d'écaillés brunâtres de l'épiderme dont les bords se relèvent.

Les cheveux sont rares, le cuir chevelu ne porte pas trace de l'érup- tion ancienne.

La langue est profondément fendillée à sa face dorsale, et à sa face inférieure du côté gauche on voit une large ulcération aphtheuse ayant presque le diamètre d'une pièce d'un franc.

Les gencives violacées et boursouflées saignent facilement. L'haleine a une odeur un peu acide, l'appétit est conservé, ni gastralgie ni vomisse- ments. Coliques rares et très modérées, évacuations alvines fréquentes et très-abondantes, huit à douze selles par jour composées de substances alimentaires à peine digérées, nageant dans un liquide aqueux abon- dant. Cette diarrhée lientérique dure depuis trois mois.

Souffle anémique au cœur et dans les vaisseaux. Pas de signes d'al- tération du cœur ni des poumons, pouls faible, dépressible lÛU pulsa- tions.

L'urine claire, assez abondante, ne contient ni sucre ni albumine.

Du 10 au 17 juillet, j'essaye en vain de rendre les digestions plus com- plètes en administrant la pepsine, de modérer la diarrhée par les pré- parations sulfureuses, et par le sous-nitrate de bismuth. La lientérie con- tinue, l'affaiblissement augmente rapidement.

Le 17 juillet, la peau de la partie antérieure des jambes, principalement du côté droit et celle qui recouvre la rotule du môme côté, devient d'un rouge erythémateux, l'épiderme se dessèche, devient luisant, brunâtre, et se fendille.

Le 19 juillet, cette éruption est tout à fait analogue à celle du tronc. Celle-ci est plus étendue qu'au moment de l'entrée du malade et occuiio les fesses, presque toute la région dorsale, les régions latérales de la poitrine et de l'abdomen.

Les mains ont pâli, la peau est luisante, et les écailles épidermiques observées au moment de l'entrée sont tout à fait détachées.

Le 20 juillet, anorexie, vomissements alimentaires. L'œdème jusque- limité aux malléoles, remonte jusqu'à la partie supérieure de la jambe.

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Le 26 juillet, l'erythème du tronc et celui des jambes devient plus pâle, les sillons sont à peine rosés et l'épiderme s'exfolie. La faiblesse est excessive et à trois heures du matin, le malade s'éteint sans agonie.

Autopsie faite avec l'assistance de mon collègue le docteur Luys, le 28 juillet, trente heures après la mort.

Les parties de la peau du tronc et de la jambe droite qui pendant la vie étaient le siège de l'erythème sont d'un rose vineux, recouvertes par places d'une teinte d'un fauve grisâtre produite par l'épiderme en voie d'exfoliation.

La peau de la face dorsale des mains est lisse, luisante comme ver- nissée. Elle est pâle, d'une teinte jaune de vieille cire.

Le tissu cellulaire sous-jacent est congestionné, rougeâtre, le tissu adipeux est très-coloré, rouge, et les vaisseaux sont très-développés. Dans les parties envahies par l'erythème le derme est très-injecté. Dans le tissu cellulaire sous-cutané, on voit au microscope de nombreux cris- taux d'hématoïdine.

Système nerveux. A l'ouverture de la boîte crânienne, il s'écoule une abondante quantité de liquide encéphalo-rachidien. Le sinus et les veines sont gorgés de sang noir. La pie-mère est injectée, arborisée, et sur la face convexe des hémisphères on aperçoit plusieurs plaques rouges dhyperhémie.

L'arachnoïde est soulevée par une sérosité contenue avec abondance dans les mailles de la pie-mère. Les méninges épaissies sont d'une teinte opaline très-marquée sur la convexité et plus apparente encore dans le voisinage des vaisseaux.

La pie-mère se détache facilement de la substance grise.

Le cerveau dépouillé est d'une coloration un peu plus rose qu'à l'état normal ; la substance cérébrale est injectée, elle ne présente pas d'alté- ration de consistance appréciable.

Le cervelet est un peu ramolli et la substance corticale, au voisinage des pédoncules, se dissocie sous l'influence d'un filet d'eau.

La comparaison avec le cervelet d'un sujet soumis aux mômes condi- tions de température, et dont la mort était plus ancienne de quelques heures, nous laisse penser que cet état de ramollissement est patholo- gique.

Ramollissement de la partie antérieure de la voûte à trois piliers. Le plancher du quatrième ventricule est ramolli, les origines des nerfs au- ditifs sont altérées.

Dans quelques points de la substance grise des circonvolutions céré- brales les cellules nerveuses sont plus foncées qu'à l'état normal, tein- tées par des granulations pigmentaires en grande quantité; leurs con- tours sont moins nets.

Les méning?»» spinales, particulièrement la pie-mère, sont plus rouge? qu'à l'état sain, et les vaisseaux qui les parcourent sont dilatés, gorgé? de sang et plus apparents.

La moelle, examinée avec soin, nest ramollie dans aucun point.

La substance grise semble un peu hyperhémiée.

Les racines antérieures et postérieures ont un volume normal.

Les ganglions spinaux sont injectés, très-rouges, les cellules nerveu- ses, plus colorées qu'à l'état normal, contiennent beaucoup de granula- tions pigmentaires. Les nerfs de la périphérie (cordon du plexus brachial, trace du pneumo-gastrique) ne paraissent pas altérés.

Le tube digestif est rouge, injecté dans toute sa longueur. L'estomac est contracté, sa muqueuse est plissée longitudinalement, à peine ra- mollie, sans ulcérations. Elle est d'une teinte grisâtre informe, sur laquelle se dessinent des plaques rouges formées par de fines arborisa- tions et quelques petits points ecchymotiques.

Ces plaques se voient surtout à la petite courbure, sur le grand cul- de-sac et au pourtour des deux orifices. Très-intense au niveau du pylore, la rougeur se continue dans le duodénum, et dans le jéjunum la coloration de l'intestin est d'un gris assez foncé, teinté en rose par la coloration sous-jacente des capillaires hyperhémiés.

Cette coloration grise et cette injection, très-prononcée dans le jé- junum, sont moins accentuées dans lïléon. Dans cette partie de l'intes- tin, les membranes semblent amincies, particulièrement la muqueuse.

Quoique moins colorées que dans les autres portions de l'intestin, elles sont plus vascularisées qu'à l'état normal.

Le gros intestin est notablement congestionné vers la fin de la cin- quième iliaque et dans toute l'étendue du rectum jusqu'à l'anus, sur une longueur d'environ 30 centimètres. La muqueuse est érodée par de très-nombreuses ulcérations (une quarantaine environ), taillées à pic, de dimensions variant de celle d'un grain de millet au diamètre d'une pièce d'un franc. Elles occupent à peu près également tous les points du cylindre intestinal. La plupart ne dépassent pas l'épaisseur de la muqueuse; trois ou quatre pénétrant plus profondément entourent les fibres circulaires de la tunique musculeuse. Les plus larges ont pour siège la partie supérieure du rectum. La plupart de ces ulcérations sont arrondies, quelques-unes elliptiques, sans que le plus grand diamètre affecte une direction spéciale.

La muqueuse n'est pas épaissie, quoique les couches profondes de l'in- testin semblent légèrement hypertrophiées.

Le foie, d'un volume ordinaire, est moins consistant qu'à l'état normal d'une coloration jaune docre foncé à peu près uniforme ; cependant le bord antérieur est d'un rouge violacé. Gtîtte dernière teinte se retrouve

144 sur plusieurs points de la face convexe, elle correspond à plusieurs foyers hémorrhagiques.

Les plus volumineux ont à peu près la grosseur d'une noix. On en ren- contre encore dans la profondeur du parenchyme hépatique. Quelques- uns ont à peine la grosseur d'un petit pois. Ils semblent d'âge variable, à en juger par l'état du sang coagulé. Tous cependant doivent être de formation assez récente.

En coupant le foie, on s'aperçoit qu'il graisse le couteau et que les lobules sont d'une teinte uniforme jaune d'ocre.

L'examen au microscope montre les cellules très-altérées et en voie de transformation pjraisseuse. Outre les globules de graisse, elles con- tiennent une quantité considérable de granulations pigmentaires d'un jaune brunâtre. Elles rappellent l'aspect que présentent les cellules hé- patiques infiltrées de bile chez les individus qui succombent pendant l'ictère.

La vésicule du fiel est très- volumineuse, distendue par une bile foncée en couleur d'un vert brun. Les conduits biliaires sont libres.

Baie petite, ridée, couleur violet foncé, assez diffluente.

Capsules surrénales saines.

Beîns volumineux, assez mous, renfermant beaucoup de granulations graisseuses, surtout au milieu des tubuli de la substance corticale.

Cœur volumineux, flasque, infiltré de graisse. Cette dégénérescence graisseuse envahit presque toute l'épaisseur du ventricule droit. Les ca- vités sont dilatées. Les valvules sont saines, à l'exception de la valvule mitrale, dans l'épaisseur de laquelle existent quelques points athéro- mateux, sans toutefois que le jeu de la valvule semble avoir pu en être troublé. Les valvules sigmoïdes sont normales. Quelques points athéro- mateux sont semés sur l'origine et sur la crosse de l'aorte.

Les cavités du cœur sont remplies d'un sang noir, coagulé, ayant l'aspect d'une gelée de groseille très-foncée en couleur et très-consis- tante. Ces caillots se prolongent à droite dans les veines caves; à gauche ils s'étendent sur une longueur de plus de 20 centimètres.

Les veines caves supérieures et inférieures sont remplies de sang coagulé. ■■■

L'examen du sang montre les globules blancs très-peu nombreux. Quant aux globules rouges, ils sont presque de moitié plus petits qu'à l'état normal.

Les poumons sont très-colofés, d'un violet foncé très-hyperhémié et leurs vaisseaux remplis de sang noir coagulé de même aspect que les caillots contenus dans le cœur.

En résumé, un homme de 59 ans, habitant les environs de Paris

145 depuis vingt-cinq ans, ne s'étant jamais nourri de maïs, mais ayant un régime peu substantiel et se livrant à des travaux pénibles, est pris pendant l'été de 1861 d'un état d'affaiblissement et d'amaigrissement progressif, et d"une diarrhée qui ne cède qu'au bout de plusieurs se- maines. L'année suivante, au commencement du printemps (avril 1862), se manifestent tous les symptômes de la pellagre la mieux dessinée : diarrhée lientérique, érythème caractéristique se développant non-seu- lement sur les mains, mais encore sur le tronc et sur les jambes; symp- tômes nerveux; affaiblissement de la mémoire et de l'intelligence, hé- bétude et tristesse, affaiblissement de la myotilité, diminution de la sensibilité ; affaiblissement de la vue et de l'ouïe.

La cachexie pellagreuse fait des progrès rapides, et le malade suc- combe moins de quatre mois après le début de la récidive, un an envi- ron après Tapparition des premiers symptômes qui pourraient être attribués à la pellagre.

L'autopsie montre de très-nombreuses altérations portant sur le tube digestif (hyperhémie et ulcérations), sur le système nerveux et sur presque tous les principaux viscères. Congestion presque générale des organes, taches ecchymotiques, noyaux d'apoplexie, phénomènes ana- logues à ceux qui s'observent sur les sujets en proie à une altération profonde du 6ang, et ici l'analogie est confirmée par l'aspect des cail- lots sanguins, par leur consistance qui rappelle assez l'état du sang des cholériques.

Enfin le foie présente une altération des cellules hépatiques qui nous a paru importante à constater. Dans plusieurs observations relatées par les auteurs qui ont écrit sur la pellagre, nous avons trouvé mentionnée dans plusieurs autopsies l'augmentation du volume du foie, sa coloration jaune, même l'état graisseux, mais dans aucune il n'est question de l'é- tat de cellules hépatiques.

Note sur deox observations de polypes muoueux de l'estomac;

par M. CoRNiL.

Nous avons rencontré deux fois, pendant le mois de juillet 1863, dans les services de l'infirmerie de la Salpêtrière, des polypes muqueux de l'estomac.

Le premier fait est relatif à une femme morte avec une néo-mem- brane généralisée et épaisse de la dure-mère et une cirrhose du foie. Elle avait pendant sa vie des habitudes 6.' ivrognerie et avait vomi du sang quelques jours avant sa mort.

La muqueuse de l'estomac présentait les caractères habituels d'une gastrite chronique : petites plaques et mamelons rosés, vascularisés,

C. R. 10

{4c,

allornant avec des places déprimées cl blanches: pigment noir iiifiltrant les couches superficielles de la muqueuse et lui donnant en certains points une colo/ation ardoisée. En outre, on voyait sur elle huit ou dJA végétations ayant une base large ou rétrécie, variant du volume d'un grain de chènevis à une fève, nombreuses surtout en se rapprochani du pijfore et à la petite courbure. Ces saillies polypeuses étaient mame- lonnées, molles, rosres, plus on moins injectées. On pouvait voir à la surface de celles qui étaient le plus vascularisées un assez riche réseau do capillaires.

C'est sur la structure de ces petits polypes que j'ai spécialement attiré l'attention de la Société ; je les ai examinés au microscope à l'état frais, desséchés et durcis dans l'acide chromique.

Sur des coupes perpendiculaires à leur surface et comprenant toute leur étendue ainsi que les membranes de l'estomac examinées à de faibles grossissements de 12 à 50 diamètres, on voyait les deux cou- ches muscidaires de l'estomac, le tissu cellulaire sous-muqueux épaissi et contenant de gros vaisseaux, puis le champignon polypeux lui-même qui se continuait directement avec la muqueuse voisine saine ou un peu hypertrophiée.

Dans cette partie saillante de la muqueuse qui représentait le polype, on voyait de longs tractus droits ou sinueux parallèles qui, partant de la profondeur, venaient se terminer par une extrémité libre et arrondie à la surface. En outre, dans la plus grosse des tumeurs examinées, qui avait un demi-centimètre en hauteur, existaient plusieurs cavités gé- néralement allongées, mais dont l'une, placée au centre, était arrondie.

Les mêmes préparations, examinées à un grossissement de 220 dia- mètres, nous ont montré les particularités suivantes :

Les longs tractus qui mesuraient presque toute l'étendue en diamètre de la saillie muqueuse étaient formés par une membrane limitante anhyste partout bien nettement visible; leur longueur était de 0,05 à O"'",! ; ils contenaient dans leur intérieur des noyaux pâles, légèrement granuleux, à contours peu foncés, ayant de 0,005 à 0,006 en diamètre, généralement arrondis ou ovalaires, placés au milieu d'une substance finement granuleuse; ils se terminaient à la périphérie du polype, au- dessous de sa surface extérieure, par une extrémité libre, arrondie, gé- néralement un peu renflée. Un assez grand nombre de ces villosités contenait, en outre des noyanx , des gouttelettes graisseuses, réfrin- gentes, jaunes, dont le volume variait de 0,005 à 0,015.

Quant aux cavités plus grandes qui se trouvaient dans le plus gros des polypes examinés, elles étaient constituées par une membrane limi- tante anhyste bien visible, tapissée à son intérieur par une couche simple ou double d épithélium cylindrique. Ces cellules d'épithélium

147 étaient longues de U,U45 sur 0,0U3-U,UU6 de large, parallèles entre elles, formant une couche continue, munies d'un noyau allongé, bordées à leur surface libre par une zone claire comme les cellules de l'intestin, et ne montrant pas de cils vibratils. Enfin, dans l'intérieur de ces cavités kystiques se trouvait un liquide contenant des cellules épithé- liales devenues rondes et granuleuses. Voici le second fait :

Une femme de 80 ans, hémiplégique et gâteuse depuis neuf mois, meurt de pneumonie sans que nous ayons pu nous procurer de rensei- gnements exacts sur ses antécédents. A l'autopsie, on trouve un ramol- lissement du lobe postérieur droit et toutes les lésions d'une pneu- monie fibrino-purulenle. A l'ouverture de l'abdomen, on aperçoit sur le péritoine diaphragmalique du côté gauche et sur toute la surface sé- reuse de l'estomac, des fdaments grêles et allongés, d'une transpa- rence perlée particulière, simples ou rameux, en noirbre considérable, mesurant de 1 à 5 millimètres en longueur. L'examen microscopique a montré que c'étaient des corpuscules de Vater bien caractérisés par leurs enveloppes concentriques et leur filet nerveux. Un grand nombre étaient ramifiés à leur extrémité libre. (M. Ordonez a vérifié l'exacti- tude de cette particularité anatomique.)

La rate était saine. Le foie contenait dans son intérieur une coque fibro-calcaire de la grosseur d'une petite noix remplie d'une bouillie caséeuse. Les reins étaient parsemés de petits kystes à leur surface.

La muqueuse de l'estomac était épaissie, mamelonnée, parsemée d'ar- borisations vasculaires et de plaques ardoisées. A l'union du tiers droit avec le tiers moyen de cette surface, on voyait deux saillies, lune po- lypeuse, l'autre à base large et à sommet légèrement déprimé. La pre- mière présentait un pédicule grêle, allongé, formé par la muqueuse, et possédant à son centre des vaisseaux (artère et veine). Le corps du po- lype était arrondi et lobule en forme de chou-fleur, il avait le volume d'une grosse noisette. On pouvait, par une traction exercée sur lui, faire glisser la muqueuse et allonger ainsi le pédicule. La seconde tumeur était circulaire, hémisphérique, non pédiculisée, déprimée à son centre et d'un diamètre de 1 centimètre environ. Ces deux petites tumeurs étaient couvertes d'un beau réseau de capillaires qui leur donnaient une coloration rosée. Sur les coupes verticales on constatait que la mu- queuse seule et le tissu cellulaire sous-muqueux participaient à leur formation. Il s'écoulait de la coupe une sérosité légèrement teinte de sang, mais pas de liquide laiteux comme dans le cancer. En regardant de près la muqueuse dans leur voisinage et dans toute la région pylo- rique de l'estomac, on pouvait voir de petites saillies villeuses plus ou moins allongées, bien marquées surtout sur le pédicule du polype.

L'examen microscopique de la miîc;ucuise et de ces production.^ nou- velles a été fait le jour même de lautopsie, et longtemps après lorsque la pièce eut durci dans l'acide chromique. En voici le résultat :

Les coupes verticales de la muqueuse examinées à 40 diamètres mon- traient les tubes glandulaires de l'estomac avec leur volume et leur contenu normal, mais le pourtour de leur orifice stomacal était hérissé de villosités plus ou moins longues; tantôt le pourtour de leur orifice était seulement hypertrophié et plus saillant qu'à l'état normal, tantôt cette hypertrophie avait donné naissance à la formation de villosités at- teignant jusqu'à 1 millimètre de longueur. Elles étaient d'autant plus nombreuses, plus grosses et plus voisines les unes des autres, qu'on se rapprochait des petites tumeurs décrites précédemment.

Sur les coupes verticales de la tumeur non pédiculisée, ces produc- tions villeuses forment une couche superficielle elles sont adhérentes par leur partie profonde les unes aux autres, libres seulement par leur sommet, de telle sorte qu'on ne peut plus distinguer d'orifice aux glan- des en tube. Au-dessous de cette couche, les glandes de la muqueuse sont elles-mêmes hypertrophiées et ont changé d'aspect. Rarement elles se présentent sous une forme allongée, mais presque toutes sont trans- formées en petites cavités arrondies, tapissées par leur épithélium sphé- rique ou polyédrique. Ces deux couches, papillaire et glandulaire, con- stituent la majeure partie de la tumeur dont la couche profonde est for- mée par l'hypertrophie du tissu cellulaire sous-muqueux.

La tumeur pédiculée, examinée à de faibles grossissements sur des coupes verticales, présente seulement des vacuoles généralement ar- rondies, glandulaires, tapissées par un épithélium et entourées d'un très-riche réseau vasculaire. La couche superficielle papillaire a presque partout disparu. Les vaisseaux vont en augmentant de volume et dimi- nuant de nombre de la superficie du polype au pédicule, au centre du- quel on ne trouve plus qu'une artère et une veine.

Les villosités examinées à de plus forts grossissements ne nous ont jamais paru posséder de vaisseaux; il est vrai que, pour être assuré do leur non-existence, il aurait fallu faire une injection des artères de l'es- tomac. Ces villosités mesurent en largeur de 0,040 à 0,075. Elles possè- dent une membrane anhyste limitante, à deux contours bien nettement visibles sur certaines. Leur tissu est une substance fondamentale dense, renfermant un grand nombre de noyaux très-rapprochés les uns des autres, et de 0,006 dans leur plus grande longueur. Ces productions, que dans notre première communication nous étions portés à regarder comme des glandes retournées, sont pleines et sans lumière centrale, ce dont nous nous sommes assurés sur des coupes minces perpendicu- laires à leur longueur.

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Les vacuoles glandulaires du polype mesurent en moyenne de 0,09 à 0,15 dans leur plus grand diamètre; elles sont arrondies ou oblongues, pressées les unes contre les autres, et séparées par un tissu cellulaire peu abondant servant de gangue aux vaisseaux. Leur membrane d'enve- loppe est épaisse à deux contours; les cellules qu'elles contiennent for- ment une couche près de la paroi. Ces cellules sont arrondies ou légè- rement polyédriques, de 0,00G à 0,009. On voyait en outre de cette couche pariétale des cellules libres au centre de l'acinus, et plus ou moins granuleuses.

En résumé, on voit que dans la moitié gauche de l'estomac existaient des villosités au pourtour de l'orifice des glandes, phénomène constant chez certains animaux, mais très-rare chez l'homme, et attribué par Rokitanski {Anatomie paChologiqiie, 3^ vol., p. 155, 3" édit.) à la gas trite catarrhale. Les tumeurs saillantes présentaient dans leur structure une couche superficielle de villosités réunies entre elles sans trace de conduits excréteurs, et une couche profonde formée par l'hypertrophie des glandes transformées en petites cavités closes. Nous croyons en outre pouvoir affirmer, en nous basant sur l'étude de l'une de ces tu- meurs, que l'hypertrophie des villosités et leur adhérence entre elles a été la cause de l'oblitération des conduits et de l'hypertrophie des culs- (le-sac glandulaires.

V, Pathologie comparée.

1 ° Nouvelles recherches sur les infusoires du sang dans la maladie connue sous LE NOM DE SANG DE RATE ; par M. le docteur C. Davaine.

Les résultats de mes premières investigations sur les infusoires du saiiq de raie, communiqués à l'Académie des sciences dans la séance du 27 juillet, ont été pleinement confirmés par de nouvelles recherches.

Sur quatorze inoculations pratiquées sur des lapins avec du sang frais infecté de bactéries, quatorze fois des bactéries semblables se sont pro- duites, et toujours la mort s'en est suivie. Dans plusieurs cas, les infu- soires ont été observés deux, quatre et cinq heures avant la mort de l'a- nimal inoculé. Dans plusieurs de ces cas, du sang pris à l'animal encore vivant a transmis la maladie et a déterminé la mort avec infection par des bactéries.

Les bactéries se développent dans le sang et non dans un organe spé- cial. Lorsque, par une recherche persévérante, on découvre au début de l'infection quelques-uns de ces corpuscules, ils sont très-courts en même temps que très-rares ; mais bientôt on les voit se multiplier et s'ac- croître rapidement; leur évolution complète ne met qu'un petit nombre

150 d'heures à s'accomplir. Un lapin dont le sang ne m'offrit que quelques rares bactéries, longues au plus de 4 à 6 millièmes de millimètres mourut au bout de quatre heures; son sang, examiné immédiatement, renfermait un nombre considérable de bactéries, dont quelques-unes, les plus longues que j'aie encore observées, avaient atteint jusqu'à 5 centièmes de millimètre de longueur. Chez quelques animaux, ces cor- puscules sont généralement plus longs que dans les cas ordinaires, mais Is n"o[îrent aucune différence autre que celle-là; leur nombre alors est généralement moindre. La longueur qu'acquièrent parfois ces fdaments engagerait à les classer parmi les conferves; mais je laisse pour le mo- ment cette question, qui n'a pas ici grande importance.

Le nombre des bactéries est très-variable d'un animal à l'autre; après mes premières inoculations, ce nombre décrut très-rapidement, et de- vint huit ou dix fois moindre que celui des corpuscules sanguins. J'ai pu croire alors que la puissance de propagation des bactéries allait s'affai- blissant chez le lapin, mais je me suis convaincu plus tard qu'il n'en était rien; en effet, sur une série de onze individus inoculés successivemen les uns des autres, le dixième m'offrit dans son sang des myriades de bactéries comme le premier. Je ne puis m' expliquer ces variations que par celles de la température atmosphérique, qui s'est abaissée puis re- levée pendant la durée de ces expériences.

Dès que l'animal infecté meurt, les bactéries cessent de se multiplier et de s'accroître; dans le sang conservé hors des vaisseaux, elles se dé- truisent, comme je l'ai déjà dit, ou se transforment. Dans tous les cas, en même temps qu'elles perdent leur apparence primitive, elles perdent la faculté de se propager chez l'animal vivant : deux inoculations prati- quées, l'une avec du sang de mouton conservé depuis huit jours, l'autre avec du sang de lapin conservé depuis dix jours, n'ont déterminé ni la maladie du sang de rate ni la formation de bactéries.

Lorsque du sang frais est desséché rapidement à l'air libre, les bac- téries conservent la faculté de s'inoculer; c'est ce que j'ai constaté par plusieurs expériences : ce sang desséché peut supporter une chaleur de 95 à 100 degrés sans quelles perdent pour cela leur faculté.

Du sang frais fut renfermé dans un tube qui fut maintenu pendant dix minutes dans de l'eau en ébullition; ce sang ayant été introduit ensuite sous la peau d'un lapin, l'animal mourut avec des bactéries au bout de trente et une heures. La cuisson serait donc insuffisante pour détruire leur vitalité.

Sur quatorze lapins, la durée moyenne de la vie, depuis l'inoculation jusqu'à la mort, a été de quarante heures ; la durée la plus courte de dix- huit, et la plus longue de soixante-dix-sept heures. Cette durée est plus longue chez les animaux adultes et vieux que chez les jeunes.

Daus cet esprice de temps l'apparition des bactéries est très-tardive ; mais du moment elles apparaissent, l'animal n'a plus que quelques heures à vivre ; le plus long intervalle que j'aie constaté entre l'appari- tion des bactéries et la mort de l'animal a été de cinq heures; la durée moyenne de l'incubation serait donc de trente-cinq heures.

Dans cette période d'incubation, l'animal n'a rien perdu de sa force et de son agilité; ce n'est que dans les dernières heures, alors que les bactéries existent en quantité notable, que le lapin cesse de manger et de courir; il reste couché sur le ventre, s'affaiblit rapidement et meurt sans aucun autre phénomène apparent; quelquefois la mort est précédée de légers mouvements convulsifs.

L'autopsie, pratiquée immédiatement, laisse voir tous les organes sains; le cœur et les gros vaisseaux sont toujours distendus par des cail- lots très-consistants. La coagulation du sang est la seule cause apparente de la mort. Le microscope donne déjà pendant la vie les indices de cette coagulation ; en effet, dès que les bactéries se multiplient d'une manière notable, les globules rouges semblent acquérir un certain degré de vis- cosité qui les fait s'agglutiner les uns aux autres par petits amas.

Les organes ne renferment des bactéries qu'en raison de leur vascu- larité : la rate est celui de tous qui en contient le plus, et ces corpus- cules y sont toujours en nombre véritablement prodigieux. Cet organe, sain en apparence, est cependant un peu plus volumineux qu'à l'état normal; il paraît être un foyer actif de la production des bactéries, mais c'est sans doute en raison de sa grande vascularité. Après la rate viennent le foie, le rein, puis le poumon. Le cerveau, les muscles, les glandes et les ganglions lymphatiques en contiennent exclusivement dans les vais seaux interposés à leurs tissus.

L'expérience ayant montré que l'apparition des bactéries dans le sang précède celles des phénomènes morbides, il est naturel de rattacher l'existence de ces phénomènes à celle des bactéries, lesquelles, jouis- sant d'une vie propre, s'engendrent et se propagent à la manière des êtres doués de la vie. Tant que le sang ne les contient qu'en germe, tant que leur développement ne s'est pas effectué, les phénomènes morbides ne se produisent point non plus. Mais dans l'examen de ces questions, si l'on se place à un autre point de vue, il paraîtra probable que le sang dans lequel les bactéries n'ont point encore fait leur apparition sera in- capable de les propager chez un nouvel animal ; c'est-à-dire que pendant la période d'incubation les bactéries ne pourraient être semées, et la maladie du sang deratc ne pourrait être communiquée par l'inoculation.

Après avoir dit que pendant la période d'incubation, c'est-à dire tant que les bactéries n'ont pas encore paru dans le sang de l'animal inoculé, ces bactéries ne pourraient être propagée?, et la maladie du sang de

152 rate ne pourrait être communiquée par l'inoculation à un autre animal, M. Davaine ajoute :

L'expérience suivante confirme ces vues d'une manière péremptoire.

Un lapin que je désignerai par la lettre A, adulte et très-vigoureux, fut inoculé avec trois ou quatre gouttes au plus du sang d'un lapin in- fecté de bactéries et encore vivant. Quarante-six heures après l'inocula- tion (le terme moyen de la mort étant outre-passé de six heures), j'exa- minai avec soin le sang de ce lapin A, et je n'y trouvai aucune bactérie. Je tirai alors des veines de l'oreille douze ou quinze gouttes de sang qui furent injectées dans le tissu cellulaire sous-cutané d'un autre lapin âgé d'environ deux mois et demi, et que je désignerai par la lettre B. Neuf heures après cette inoculation, j'examinai de nouveau le sang du lapin A, et j'y constatai la présence d'un grand nombre de bactéries; immédiatement, je tirai des veines de l'oreille un certain nombre de gouttes de sang que j'injectai dans le tissu cellulaire sous-cutané d'un autre lapin, frère du lapin B et de même grosseur que lui. Je le désigne- rai par la lettre C.

Une heure environ après cette inoculation, le lapin A mourut; vingt heures après, le lapin C, le dernier inoculé et avec le sang contenant les bactéries, mourut aussi. L'examen de son sang permit d'y constater la présence des bactéries. Quant au lapin B, inoculé avec le sang du la- pin A quarante-six heures après l'inoculation de ce dernier, dix heures avant sa mort, et lorsque son sang ne contenait pas encore de bactéries, le lapin B est vivant et bien portant aujourd'hui, huit jours après l'ino- culation; or la plus longue durée de la vie après l'inoculation du sang de rate a été, parmi toutes nos expériences, de soixante-dix-sept heures, soit trois jours.

Il n'est pas besoin, je pense, de faire ressortir par un résumé des faits exposés ci-dessus le rôle des bactéries du sang de rate. Personne, sans doute, dans l'état actuel de la science, ne cherchera en dehors de ces corpuscules l'agent de la contagion, agent mystérieux, insaisissable, qui se développerait et se détruirait dans les mêmes conditions que les bac- téries, qui jouirait des mêmes propriétés physiologiques qu'elles. Cet agent est visible et palpable; c'est un être organisé, doué de vie, qui se développe et se propage à la manière des êtres vivants. Par sa pré- sence et par sa multiplication rapide dans le sang, il apporte dans la constitution de ce liquide, sans doute à la manière des ferments, des modifications qui font promptement périr l'animal infecté.

L'étude des bactéries du sang de rate soulève d'autres questions qui ont fait aussi l'objet de mes recherches; mais les résultats en sont en- core trop peu précis pour que j'en entretienne aujourd'hui la Société,

153 Kyste de l'ovaire chez use truie; par M. Ruer.

Les maladies des ovaires ne sont probablement pas rares chez les fe melles des animaux; mais leur histoire est encore entourée de beaucoup dobscurité, et le plus souvent on n'en constate l'existence que sur le cadavre. D'Arboval, dans son Dictionnaire de médecine vélérinaire, n'en rapporte que onze cas, dont huit ont été observés chez la jument, deux chez la vache, et un chez l'ânesse.

Le kyste mis sous les yeux de la Société provient d'une truie : il est extrêmement volumineux, et divisé en deux poches indépendantes. Entre ces deux poches, et comme enfoui au milieu d'un tissu graisseux, on trouve un rein hypertrophié, mais qui a conservé son aspect normal, et dont l'urètre dilaté contourne un des côtés de la tumeur.

La plus petite des cavités du kyste, incisée devant la Société, contient environ trois litres d'un liquide très-fortement coloré en rouge, et qui doit cette coloration à ce qu'elle tient en suspension des globules san- guins plus ou moins altérés, comme le démontre l'examen microscopique. De nombreux tractus blancs, composés de fibrine, s'étendent d'une pa- roi à l'autre de la poche et dans tous les sens.

L'autre poche était vide quand la pièce a été apportée au laboratoire de M. Rayer; mais on estime qu'elle a pu contenir environ 6 litres de liquide. Si on l'examine à l'intérieur, on y remarque un grand nombre de diverticula capables de loger depuis une noix jusqu'à un œuf de poule. On remarque en outre sur la paroi interne de cette poche, un dé- pôt d'une matière jaunâtre, formée de globules sanguins altérés et de carbonate de chaux. En effet, traitée sous le microscope par l'acide sul- furique, cette matière donne lieu à un dégagement d'acide carbonique évident, et l'on obtient en quelques minutes du sulfate de chaux cristal- lisé en pinceaux.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DR

r r

LA SOCIETE DE BÏOLOCIIE

pendant le mois de septembre 1863; Par m. le Docteur ORDONEZ, secrétaire.

PRESIDENCE DE M. RMËR.

l. ÂNATOMIE.

Sur un cas de réplétion des glandes sudoripares axillaires par une

MATIÈRE COLORANTE d'uN NOIR VIOLET FONCÉ; par M. CuARLES ROBIN, prOfeS-

seur d'histologie à la Faculté de Médecine.

La pièce que j'ai l'honneur de présenter est des plus intéressantes en ce qu'elle ne peut laisser de doutes sur la possibilité de la production, par les glandes du groupe des sudoripares, d'une matière ayant une couleur autre que celle qui donne une teinte légèrement jaunâtre au contenu de ces follicules. Il est vrai que la production d'humeurs autre- ment colorées qu'à l'ordinaire, par les glandes dont les sécrétions ne sont pas absolument incolores, est un fait dont l'observation est familière aux anatomistes et aux physiologistes; mais il ne semble pas l'ô'.re à tous les médecins. Il en est en effet qui, sousprétexte que la vérité réside uniquement dans les faits, que tout gît dans l'observation, omettent de

156 se placer dans les conditions nécessaires pour que ceux-ci puissent être, sinon constatés, au moins exactement interprétés. Or sans une exacte interprétation le fait n'existe pas, quelle que soit, du reste, la prétention de vouloir fonder la médecine sur l'observation pure des phénomènes mor- bides indépendamment de la connaissance et de l'interprétation logiques des conditions extérieures et intimes ou organiques qui les causent. L'accumulation des observations restera illusoire tant que ceux qui les recueillent manquent des notions d'anatomie et de physiologie normales qui servent à rendre compte des modifications accidentellement surve- nues; car par suite de l'impossibilité don juger les modes et la nature, on en voit parfois nier l'existence. Mais revenons au fait dont il est ici question.

La pièce dont il s'agita été déposée chez moi sans indication d'origine, en sorte que je n'ai pu obtenir sur elle aucun détail ; mais sa valeur ana- tomique et physiologique ne se trouve diminuée en rien par ce fait. Elle comprend la peau de la région axillaire, les glandes et les follicules pi- leux sous-jacents, ainsi que le tissu adipeux sous-cutané correspondant. Entre les poils blonds et peu abondants la peau était légèrement teintée en noir violacé ou ardoisé, en partie par demi-transparence, en partie par suite de la présence d'une petite quantité de la sécrétion colorée versée à la surface de l'épiderme. C'est ce qu'on pouvait démontrer en essuyant la peau avec un linge blanc; celui-ci se tachait en noirâtre et le dernier présentait encore une coloration légère de même teinte, mais moins foncée, due à la présence des follicules sous-jacents apercevables par demi-transparence. Par la pression il a été possible de faire suinter à une ou deux reprises une substance demi-liquide, par très-petites gouttelettes en forme de points, qui tachaient aussi un peu le linge avec lequel on les essuyait.

En examinant la face profonde de la peau on était frappé de la pré- sence d'un grand nombre de petits grains lisses, d'un noir violacé ou ar- doisé, ovoïdes ou lenticulaires, larges d'un demi-millimètre à un milli- mètre et même un millimètre et demi. Les plus gros étaient d'un noir intense, les plus petits étaient d'un noir ardoisé ou grisâtre. Ils existaient dans toute l'étendue de la peau pourvue de longs poils; à partir de la circonférence de la région pileuse ils diminuaient rapidement de nombre, de volume et de coloration, et à un centimètre au delà des poils on ne trouvait plus que des glandes sudoripares plus petites, qui n'étaient plus visibles à l'œil nu. Les grains précédents étaient contigus vers le centre de la région pileuse, à laquelle ils communiquaient ainsi leur couleur ac- cidentelle; un peu plus écartés vers le bord, ils lui donnaient un aspect tacheté ou marbré de noir grisâtre ou violacé tranchant sur la teinte propre du derme et du tissu adipeux; en étirant la peau on écartait les

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glandes contiguës et toute i'étonduo de la face profonde offrait alors l'aspect tacheté de points noirs dont il vient d'être fait mention.

En isolant ces corps et les plaçant sous le microscope on distinguait nettement le tube glandulaire roulé sur lui-même, plus large, à circon- volutions moins adhérentes, moins rapprochées, et plus faciles à isoler que dans les follicules sudoripares proprement dits, caractères propres à ceux de l'aisselle. Du reste la couche de fibres musculaires de la vie organique, relativement épaisse, qui suit la direction des tubes enroulés, la paroi propre homogène transparente et l'épithélium de ceux-ci n'of- fraient rien d'anormal. Mais la substance demi-liquide, finement granu- leuse ordinairement, légèrement jaunâtre qui remplit ces tubes, présen- tait ici un aspect remarquable par sa teinte d'un brun ardoisé très-foncé, au point de rendre presque opaques les circonvolutions des follicules examinées isolément. Les granulations de cette substance étaient très- nombreuses, d'un noir violacé, à contour net, variant de volume depuis un diamètre presque imperceptible jusqu'à celui de 3 ou 4 millièmes do millimètre. La substance qu'on faisait suinter à la surface de l'épiderme par la pression de la couche glandulaire offrait une constitution sem- blable.

Les granulations colorées que je viens de décrire devenaient d'un bleu foncé au contact de l'acide sulfurique; elles s'y conservaient pen- dant plusieurs heures dans cet état, et finissaient ensuite par pâlir et se décolorer presque entièrement. L'acide azotique les rendait rapidement brunes, puis jaunâtres au bout d'une demi-heure, et finissait par les faire disparaître et les rendre méconnaissables au milieu de l'amas des détritus jaunâtres des tissus ambiants. L'acide acétique, dont l'action est nulle d'abord, fait disparaître la couleur noire, violacée, de ces gra- nules au bout de peu de jours, mais sans les dissoudre pourtant. Ils conservent, en effet, encore leur forme, leurs dimensions et une teinte d'un brun jaunâtre assez foncé, même après un séjour de plusieurs se- maines dans cet acide étendu. L'ammoniaque ne dissolvait pas ces gra- nules colorés ni le contenu demi-liquide finement grenu des tubes glandulaires qui les renfermait; après la destruction de la couleur par les acides, elle ne la faisait pas reparaître, môme ajoutée en excès.

Telle était la constitution de cette substance, qui était assez colorée pour rendre à peu près complètement opaques sous le microscope les tubes glandulaires larges d'un dixième à un dixième et demi de milli- mètre qu'elle remplissait dans toute leur étendue. Elle était notable- ment plus abondante vers la partie profonde des glandes, que dans la portion du tube qui marche isolément à travers le tissu adipeux et le derme. A la lumière réfléchie, elle donnait aux glomérules la couleur noire ardoisée signalée plus haut.

158

M. Ordonez, à qui j'ai remis une portion de peau chargée des glandes précédentes, a constaté les faits que je signale et a conservé des pré- parations qui s'y rapportent. Il est d'autres détails et d'autres réactions secondaires que j'aurais pu noter encore, mais que je passe sous silence parce que cet observateur les fera connaître dans un travail spécial qu'il prépare, et relatif à diverses substances colorantes accidentelles.

En résume, la présence de celte substance dans la profondeur même des follicules sudoripares axillaires prouve qu'on ne saurait sans erreur nier la production accidentelle par les glandes sudoripares d'une ma- tière colorante, remarquable par sa teinte foncée, noirâtre ou ardoisée, et assez abondante pour donner une couleur tout à fait noire aux or- ganes dans lesquels elle se trouve accumulée. La présence de cette matière dans les glandes axillaires seulement, et non dans celles qui sont au delà de la région pourvue de poils, prouve que ce trouble de la sécrétion des glandes sudoripares peut survenir dans des portions restreintes, et assez nettement limitées de la peau, sans affecter les glandes analogues de toute l'étendue de ce tégument.

IL Tératologie. Nouvelles recherches sur la production autificelle des monstruosités

DANS L'ESPÈCE DE LA POULE ; par M. DaRESTE.

Dans mes expériences de cette année, j'ai observé plusieurs faits nouveaux qui me paraissent dignes, à beaucoup d'égards, de fixer l'at- tention des physiologistes.

.Te citerai en première ligne un cas de duplicité du cœur. Cette ano- malie a été, à diverses reprises, signalée par plusieurs anatomistes; mais aucune des observations ne présentait, jusqu'à présent, de garan- ties sutîisantes d'authenticité. C'est pourquoi Isidore-Geoffroy-Saint-Hi- laire qui les a rapportées dans son ouvrage, ne les a mentionnées qu'avec un point de doute. Tout récemment, un physiologiste danois, M. Panum, a fait connaître deux cas parfaitement authentiques de dupli- cité du cœur, qu'il avait observés dans des embryons de poule retirés de l'œuf.

J'ai pu observer cette année un cas de ce genre ; l'œuf avait été mis on incubation le 24 juin et ouvert le 4 juillet. Je fus frappé, au mo- ment où j'ouvrais l'œuf, par l'aspect insolite que présentait le vitellus. Il n'y avait aucune trace visible des vaisseaux sanguins. Le milieu du jaune était occupé par une vésicule ovoïde, dont la plus grande lon- gueur avait à peu près 1 centimètre. Sur les bords de la partie anté- rieure de cette vésicule, 01} voyait, de chaque côté, deux vésicules contractiles qui ont battu sous mes yeux pendant près de dix minutes.

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Enyregardant.de plus'près, je me suis assuré que la vésicule médiane était l'aninios, distendu par le liquide amniotique, et contenant dans son intérieur un embryon vivant. Les vésicules contractiles étaient deux véritables cœurs, composés chacun d'une vésicule auriculaire et d'une vésicule ventriculaire, dont les battements se succédaient d'une manière régulière. Ces deux cœurs étaient entièrement en dehors de l'amnios, et présentaient par conséquent une ectopie complète.

11 eût été fort intéressant d'étudier la disposition du système vascu- laire et ses rapports avec les deux cœurs ; mais il m'a été impossible de faire cette étude, parce le sang était complètement incolore, et que, par conséquent, il ne me permettait pas de suivre, dans Tintérieur de l'embryon, la disposition des vaisseaux sanguins. On comprend d'ail- leurs que la petitesse de l'embryon ne m'ait point permis d'essayer des injections. J'ai déjà eu d'ailleurs occasion, dans un précédent mé- moire, de faire connaître cet état particulier du sang que j'ai rencontré dans plusieurs embryons monstrueux, et qui résulte, non de l'absence, mais de la diminution très-notable des globules.

L'embryon ne s'était pas encore retourné. La tête était très-petite, de la grosseur d'une tête d'épingle, et ne présentait aucune trace d'yeux ni de vésicules encéphaliques. Il n'y avait point de membre supérieur gauche.

Le pédicule de l'amnios existait encore. Je n'ai trouvé aucune trace d'allantoïde.

J'ai eu du reste plusieurs fois occasion d'observer de semblables faits d'atrophie excessive de la tête, qui se rattachaient probablement à cette forme de monstruosité qui a été décrite par Geofl'roy-Saint-Hilaire sous le nom de triocéplialie.

Je n'avais jamais observé dans mes précédentes recherches de cas de monstruosité par fusion d'organes. Cette année j'ai observé deux faits de ce genre.

Le premier m'a présenté un cas de symélie. L'œuf avait été mis en incubation le 3 juillet et ouvert le 16 juillet. L'embryon était mort de- puis quelque temps. Je n'ai pu l'étudier complètement, mais j'ai con- staté de la manière la plus certaine une fusion complète sur la ligne médiane des membres postérieurs qui formaient un membre postérieur unique, mais beaucoup plus volumineux que ne le sont les membres postérieurs des embryons de poule observés à cette époque de l'incu- bation. Il eût été fort intéressant de savoir si dans ce symèle, comme dans les symèles humains, le pied était renversé; mais l'embryon était trop jeune pour me permettre de constater ce fait. L'amnios avait encore son pédicule et présentait en avant une large ouverture ombi- licale. Je n'ai point vu d'allanto'ïde.

IBO

Le secohd fait était bien plus remarquable encore. L'incubation avait commencé le 3 juillet et l'œuf avait été ouvert le 20 juillet. L'embryon était mort, il ne s'était point retourné, et était par conséquent couché à plat sur le vitellus. La tête seule était renversée et couchée sur le côté gauche comme dans l'état normal. Il n'y avait qu'un œil, placé sur la ligne médiane, immédiatement au-dessus du bec supérieur. Cet œil était rudimentaire et seulement indiqué par la choroïde. Il n'y avait égale- ment qu'une seule vésicule cérébrale. J'avais donc sous les yeux un véritable cas de cyclopie. Le membre supérieur gauche était rudimen- taire, tandis que le membre supérieur droit et les deux membres pos- térieurs avaient leurs dimensions normales. L'ombilic était largement ouvert; il y avait une éventration complète. Le cœur, le foie, l'estomac faisaient hernie au travers de l'ombilic. Le cœur était renversé ; la région ventriculaire était dirigée vers la tête, tandis que la région auriculaire était plus voisine de l'ouverture ombilicale. J'ai constaté l'existence d'une bride membraneuse qui unissait le foie aux bords de l'ombilic. Le pédicule amniotique persistait encore.

Je n'ai pu malheureusement étudier tous ces faits avec le soin qu'ils méritaient, car les embryons avaient péri depuis quelque temps lorsque j'ai ouvert les œufs ; mais je crois devoir publier dès à présent ces ob- servations, quoique incomplètes, parce qu'elles me donnent l'espoir fondé de produire artificiellement toutes les formes possibles de mon- struosités simples.

III. AXATOMIE PATHOLOGIQUE. Cancro'ïde ltérin ; piilegmOxN de la fosse iliaque ; névrite chronique du nerf

CRURAL DU MÊME COTÉ; par V. CORML.

La nommée L... âgée de 33 ans, brune, de tempérament bilioso-ner- veux, entre à la Salpêtrière, .salle Sainte-Marthe, n" 17, dans le service de M. Charcot, le 21 février 1863. Pas d'hérédité dans les ascendants ni les collatéraux. Réglée à 13 ans, elle a eu une suppression de ses règles jusqu'à l'âge de 18 ans. Elle a eu sept enfants, dont deux seulement sont vivants et bien portants. L'avant-dernier de ces enfants est venu au monde le 7 mars 1861, et elle l'a nourri dix-huit mois; le dernier est le l"janvier 1863. Elle n'avait jamais souffert du côté de l'utérus, lors- qu'au quatrième mois de sa dernière grossesse elle a été prise de mé- trorrhagie qui s'est continuée jusqu'à la délivrance sous forme de pertes sanguinolentes peu abondantes. L'accouchement a eu lieu quinze jours avant terme, a été précédé pendant huit jours de douleurs intolérables dans le ventre et les jambes. Le travail a duré quatre jours et la déli-

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vranco s'est faite naturellement, bien que suivie d'une hémorrhagie abondante. Cinq jours après sa délivrance elle a pris un lavement qui a repassé par le vagin.

Depuis les derniers jours de sa grossesse elle a éprouvé des douleurs dans la cuisse, la fesse, l'aine et la région iliaque du côté gauche, sous forme d'élancements qui offraient le soir un redoublement d'acuité, et étaient si vives la nuit qu'elles rendaient le sommeil impossible. Elles étaient néanmoins calmées par l'opium, mais incomplètement. La ma- lade ne peut, depuis ce temps, ni se lever ni rester assise. La seule position que lui permettent ses douleurs est le décubitus sur le côté droit. Depuis trois semaines la douleur descend jusqu'au pied, et elle s'accompagne d'une sensation subjective de froid dans tout le membre inférieur gauche, surtout dans le genou.

Étal actuel le 10 mars 1863. Aspect cachectique de la face; les yeux sont enfoncés et les paupières brunes. Maigreur assez prononcée ; langue bonne; pas de fièvre; perte de l'appétit. Le membre inférieur gauche n'a jamais présenté d'œdème pendant la grossesse, et il est de même grosseur que le droit. La main appliquée sur la cuisse gauche perçoit une température moindre qu'à droite. La sensibilité y est par- faitement intacte. La motilité y est presque complètement abolie ; c'est à peine si elle peut élever d'un pouce le talon au-dessus de ses draps. Les ganglions inguinaux sont nombreux et tuméfiés des deux côtés.

La palpation révèle, dans la fosse iliaque gauche, une tumeur assez considérable, ovoïde, douloureuse à la pression.

Toucher vaginal. La paroi postérieure du vagin présente une ulcé- ration à bords durs qui le fait communiquer avec le rectum. Le col utérin est ulcéré et couvert, ainsi que les culs-de-sac, de tumeurs dures et grosses (du volume d'un noyau de cerise environ). La paroi antérieure du vagin laisse sentir la vessie qui est pleine, et cette paroi est molle, sauf une crête dure antéro-postérieure.

16 mars. La malade éprouve généralement dans le membre gauche une sensatien de froid, mais quelquefois aussi une sensation de brû- lure. Mêmes douleurs.

2 avril. Engourdissement et fourmillements dans le pied gauche. Même température objective dans les deux membres, mais sensation glaciale subjective dans le genou gauche. Il n'y a jamais eu de douleur spécialement fixée à un trajet nerveux. Sensibilité intacte; mouvements des orteils conservés. On fait lever et marcher la malade, ce qu'elle ne peut faire sans être soutenue; la jambe est alors fléchie sur la cuisse et celle-ci sur le bassin.

24 avril. La jambe se fléchit sur la cuisse et celle-ci sur le bassin. La température prise avec le thermomètre donne 33* 1/10 entre les orteils C. R. 11

IB2

gauches et 83° 1/5 à droite. La température centrale prise au rectum est de 37" 2/5.

6 juin. Depuis huit jours environ, le pied et la jambe gauches sont devenus œdémateux ; les douleurs sont aussi fortes que par le passé.

9 juin. L'œdème n'a fait qu'augmenter et s'est étendu à la cuisse. La malade ne souffre aujourd'hui que sur le devant du tibia en avant jus- qu'au pied; il n'y a plus de douleurs dans la cuisse. Les douleurs sont prononcées, surtout le soir et la nuit. Elle accuse un sentiment de froid, de fourmillement, d'arrachement de nerfs (expressions de la malade). Il n'y a, du reste, aucune modification de la sensibilité.

30 juin. Les veines de la moitié gauche de la paroi antérieure de l'abdomen sont turgides, grosses et sinueuses. Le courant sanguin, quand on a rendu une portion de 5 centimètres environ exsangue par la pression sur une des plus grosses de ces veines, marche à peu près aussi vite de bas en haut que de haut en bas. Les plus grosses de ces veines ont le volume d'une plume de corbeau à celui d'une plume d'oie. En outre des sinuosités variqueuses, il y a des arborisations capillaires, surtout à la partie supérieure.

Mort le 30 juillet 1863.

Autopsie faite le 1" août, à dix heures du matin.

Nous passons l'ouverture des organes splanchniques pour ne rappor- ter que les détails relatifs à la névrite.

Dans la fosse iliaque gauche se trouve une tumeur formée aux dé- pens du psoas iliaque soulevé et détruit en grande partie. C'est un vaste abcès reposant sur l'os iliaque et descendant dans le petit bassin il s'est largement ouvert dans le vagin. La surface interne du foyer est formée par un détritus pulpeux de couleur noirâtre comme gangre- neuse. Au milieu de cet abcès se trouvent les faisceaux du nerf crural. Ce nerf est à l'œil nu plus gros dans la partie (jui baigne dans le pus qu'à sa portion inférieure; il est rouge et vascularisé à sa surface. Le nerf iliaque est sain; les veines crurale et iliaque n'ont pas de caillots. Des faisceaux nerveux, examinés à l'état frais par M. Charcot, lui ont présenté des altérations granuleuses très-avancéys des tubes primitifs, du moins en certains points. J'examinai un mois après le même nerf con- servé et durci dans l'acide chromiqu"^. En faisant des coupes perpendi- culaires à la direction du nerf dans la partie qui était en rapport avec l'abcès et au-dessous, on voit à l'œil nu que les interstices de tissu cel- lulaire qui séparent les faisceaux primitifs sont beaucoup plus épais dans la première partie que dans la seconde. Examinées au microscope, ces coupes montrent que cet épaisissement est à un très-riche ré- seau de corpuscules du tissu conjonctif étoilées et anastomosées. A un grossissement de 90 diamètres, ces corpuscules sont de coloration

163

brune, presque noirs, particularité qui donne à la préparation une grande ressemblance à une coupe du tissu osseux. A un grossissement de 300 à 400 diamètres, on reconnaît que ces corpuscules sont remplis de granulations graisseuses fines. Quant au tissu nerveux lui-même, on voit à 90 diamètres, sur les mêmes coupes transversales, de gros cor- puscules noirs qui n'existent pas dans tous les faisceaux primitifs, mais bien dans la plupart d'entre eux. Vues à un grossissem'^t de 300 dia- mètres, ces masses noires sont formées par des axas de granulations, au milieu desquelles on peut reconnaître la coupe du cylindcr axis des tubes nerveux. Ce n'est que dans les tubes dont la dégénérescence gra- nuleuse est très-avancée qu'on ne peut pas distinguer le cylindre d'axe. La plus grande partie des tubes nerveux étaient conservés sains. A la partie inférieure du nerf, le tissu cellulaire était sain, mais les tu- bes nerveux étaient altérés. Ainsi, dans ce cas, la névrite limitée, qui vraisemblablement durait depuis six mois, et qui avait causé pendant la vie de vives douleurs, était caractérisée anatomiquement par la mul- tiplication et la dégénération graisseuse des corpuscules de tissu con- jonciif du névrilème et du périnèvre et la dégénération granuleuse d'un certain nombre de tubes nerveux. Les coupes transversales com- prenant toute l'épaisseur du nerf sont indispensables dans ce cas pour apprécier exactement l'étendue de la lésion et son siège dans les divers éléments qui composent le nerf.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

DE

LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE

PENDANT LE MOIS d'OCTOBRE 1863;

Par m. le Docteur ORDONEZ, secrétaire. /^y\p'^^' ^o^

-y^ V«*

PRËSIDEKCE DE M. RAYER.

"S.^

I. Physiologie. Sur les causes dc tournis chez le mouton ; par M. Léven.

Nous avons eu déjà, à plusieurs reprises, l'occasion d'entretenir la Société des accidents qui résultent des lésions du cervelet, et nous en avons fait l'application à la théorie physiologique du tournis.

L'observation que nous avons l'honneur de présenter aujourd'hui est de nature à confirmer les idées que nous avons précédemment émises à cet égard.

Chez un mouton depuis longtemps affecté de cette maladie, l'autop- sie a révélé Texistence d'un kyste énorme dans le lobe gauche du cerveau, dont une grande partie est détruite. Cette tumeur a envahi le

ventricule gauche. Le coi'ps strié et la couche optique, de ce côl','>, ?ont en grande partie atrophiés ; les autres portions de l'encéphale sont saines : autour du kyste il n'existe aucune trace d'inflammation.

Les symptômes observés pendant la vie ont été les suivants :

Tournis du côté gauche : impossibilité de tourner vers la droite ; le mouvement rotatoire est à peine sensible, et Ton ne constate que de l'entraînement vers la gauche. Les membres antérieurs et postérieurs du côté droit, après avoir subi un affaiblissement progressif, sont deve- nus presque complètement paralysés. La sensibilité, de ce même côté, est restée intacte ; rien d'anormal sous le rapport de la vue, qui paraît bien conservée. Vers la fm de la maladie, l'animal se laisse tomber sur le flanc droit, et reste couché dans cette position : lorsqu'on essaye de le soulever, on éprouve une résistance qui prouve que la force d'en- traînement latéral subsiste encore malgré l'état de marasme et d'épui- sement dans lequel cet. animal a succombé.

En résumé, le tournis, comme dans tous les faits que nous avons déjà étudiés, s'est développé à la suite d'une lésion de la couche optique et du corps strié, et a coïncidé avec une hémiplégie. Ce sont deux phé- nomènes en quelque forte parallèles, mais qui résultent d'une lésion essentiellement différente. La paralysie dérive de l'atrophie de la couche optique et du corps strié; l'influence de ces deux portions de l'encé- phale sur les mouvements des membres du côté opposé est un fait dés- ormais acquis à la physiologie; mais le tournis est resté jusqu'à pré- sent un mystère inexplicable, malgré toutes les hypothèses mises en avant pour le résoudre. Quel est son mode de production? A quelle aUéraiion encéphalique se raltache-t-il?

11 est certain que les altérations du cervelet ont seules le privilège d'engendrer le tournis; les physiologistes ont sans doute amené la ma- nifestation de ce phénomène en agissant sur les couches optiques, et il est aisé de répéter ces expériences; mais le cervelet envoie des prolon- gements dans les couches optiques; ce sont les pédoncules cérébelleux supérieurs.

L'expérimentation fournit la démonstration évidente de cette manière de voir.

Le tournis est donc, selon nous, la conséquence dune lésion céré- belleuse, et la maladie se divise en deux périodes : période de tour- nis; 2" période de paralysie. Le tournis se produit dans le sens du siège de la lésion, l'hémiplégie se produit du côté opposé.

C'est ainsi que la physiologie vient éclairer l'un des points jusqu'ici les plus obscurs de la pathologie comparée.

157 1. Anatomie patholo(;iol'e.

Cas de genèse nÉTÉROTOPiQUE DENTAIRE, présenté par MM. Cii. Robin et Georges Felizet, étudiant en médecine.

Le 2 septembre 1863, un cheval âgé de 18 ;?io«s, de race perche- ronne, de taille moyenne et de couleur (jris de fer fut amené à M. Fe- lizet, vétérinaire à Elbeuf-sur-Seine. A la portion anléro-supirieure de la fosse temporale droite existait une tumeur devenue suppurante, assez volumineuse.

Après avoir injecté de la liqueur de Villate, on débrida la tumeur par le bistouri, et l'on vit une dent d'apparence de petite molaire, mais offrant, comme on le verra plus loin, la structure générale des incisi- ves permanentes; elle s'enfonçait dans un alvéole creusé dans un pédi- cule osseux. Ce pédicule pyriforme, dirigé horizontalement en dehors, entouré de tissu lamineux, s'insérait par une extrémité cylindrique amincie sur la suture temporo-par létale au niveau du cartilage senti- forme. Cet appendice, résultat d'une genèse hétérotopique curieuse, fut arraché, et l'opérateur observa que l'origine du pédicule n'oflrait de connexion qn avec la table supérieure de la boîte osseuse du crâne.

Un semblable phénomène dhétérotopie se manifeste au même point de la fosse temporale gauche. On suit les évolutions de cette nouvelle genèse qui est en voie daccroissement lent.

Le produit accidentel enlevé se compose de deux parties, l'une os- seuse, l'autre dentaire.

La partie osseuse est pyriforme, longue de 3 centimètres 1/2. Sa partie rétrécie ou pédicule, au point elle adhérait aux os du crâne, est épaisse de 1 centimètre; l'extrémité opposée est épaisse de 2 centi- mètres, rugueuse comme un os brisé. De cette partie sort latéralement une dent large de 18 millimètres sur une longueur de 21 millimètres. Cette dent est cylindroïde, à sommet ou face de frottement mousse à trois tubercules, limitant une petite dépression médiane, d'où partent trois sillons peu profonds qui se perdent sur lesfaces latérales de la dent. Un trait de scie a montré que la dent s'enfonçait par une racine cy- lindroïde unique dans un alvéole creusé au sein de la pièce osseuse, fit s'avançait jusqu'à 6 millimètres de l'extrémité du pédicule qui adhé- rait aux os du crâne. Cette racine était longue de 15 millimètres sur une largeur de 8 à 9 millimètres et d'une direction oblique par rapport à l'axe de la couronne. Dans cette racine existe une cavité pour le bulbe dentaire, longue de 1 centimètre, large de 3 millimètres à son extré- mité supérieure en cul-de-sac et très-rétrécie vers son orifice au bout de la racine.

168

Sur la coupe de la dent, dans l'axe de sa couronne, au niveau de la dépression médiane entre les trois tubercules indiqués sur la surface de froltement, on remarque toi conicl dcnlairc extérieur \)\Q,'n\ù.Q ciment, long de 17 millimètres, large de 1 à 4 millimètres, ciment qui se ré- fléchit pour tapisser la surface extérieure de la face de frottement et de la périphérie de la couronne, en se réduisant brusquement à une épais- seur de 2 à 3 dixièmes de millimètre. V émail central et Xémail d'en- cadrement qu'il recouvre n'offrent rien de particulier à noter non plus que Fivoire.

Le tissu osseux dans lequel était creusé l'alvéole dentaire était com- pacte comme celui des lames du maxillaire inférieur, et contenait dans sa partie la plus renflée deux autres petites masses dentaires, prisma- tiques, longues et larges de 2 et 3 millimètres, entièrement incluses chacune dans une petite cavité distincte, sans communication avec l'alvéole de la grosse dent.

III. Pathologie.

Suppuration et probablement destruction partielle du rein droit; par M. CouRTY, membre correspondant.

Les fragments de tissu parenchymateux que j'ai l'honneur d'adresser à la Société proviennent d'une jeune femme de 25 à 28 ans, souffrant depuis deux ou trois ans, traitée jusqu'à ce jour successivement pour des douleurs rhumatismales ou des accès de fièvre intermittente, er- reur de diagnostic que peut à peine expliquer un examen très-superfi- ciel.

Appelé auprès d'elle il y a environ six mois, je constatai des dou- leurs de colique néphrétique. Je m'informai aussitôt de l'état des uri- nes, j'explorai la vessie, les uretères, les reins. La pression et la per- cussion très-douloureuses sur le rein droit, la présence du pus dans les urines, l'expulsion renouvelée de temps en temps de fragments d'un tissu particulier, me firent, diagnostiquer une lésion organique du rein, probablement se compliquant de suppuration phlegmoneuse et de des- truction partielle et successive de l'organe. Ces fragments ont été quel- quefois assez volumineux pour déterminer une rétention d'urine et né- cessiter le cathétérisme.

Ces crises, avec expulsion de fragments, ont eu lieu cinq à six fois depuis le début de la maladie. Elles sont toujours précédées et accom- pagnées de pus dans les urines, de frisson et de fièvre. La crise dure de deux à quatre semaines; puis les urines redeviennent claires, et tout rentre dans l'ordre pendant quelques mois.

109

La malade se remet incomplétemenl. Mais une nouvelle crise sur- vient, elle maigrit de nouveau, etc. Depuis l'application de cautères sur la région lombaire droite, les frictions avec l'onguent napolitain, l'u- sage des boissons rafraîchissantes, etc., elle va sensiblement mieux. Pourtant il y a eu dernièrement encore une crise.

Les fragments rendus, et dont j'ai l'honneur d'envoyer un échantillon à la Société, ont l'apparence de fragments de rein entourés de la coa- gulation d'une exsudation plastique. La couleur, l'aspect sont ceux de la substance corticale. L'examen microscopique m'a fait voir un pa- renchyme canaliculé; mais, n'y ayant pas vu de glomérules, je n'ose me prononcer d'une façon absolue.

PuTnisiE pulmonaire; cancer squirrheux du sein; deux angioleucites

RÉTICULAIRES ; NÉVRALGIE INTERCOSTALE; AUTOPSIE ! GRANULATIONS CANCÉ- REUSES DES PLÈVRES, DE LA SURFACE DU FOIE, DU PÉRICARDE, DES BRONCHES, DES POUMONS, DU FRONTAL ET DE LA PEAU ; NÉYROMES CANCÉREUX DES NERFS

intercostaux; par M. Cornil.

F... (Marguerite), âgé de 60 ans, femme de ménage, entrée à l'infir- merie de la Salpôtrière (service de M. Charcot) le 4 février 1863, est couchée au n" 6 de la salle Sainte-Cécile.

Réglée de l'âge de 20 ans à celui de 50, elle a eu trois enfants qu'elle a nourris elle-même sans avoir eu mal au sein.

Sa mère est morte de maladie épidémique, son père est mort très- jeune (elle avait alors 4 ans). Plusieurs de ses sœurs sont mortes de ma- ladies qu'elle ne peut préciser. Une de ses sœurs, âgée de 60 ans, est bien portante actuellement.

Son fils est mort poitrinaire à 23 ans l'année dernière ; son mari avait aussi succombé à une maladie de poitrine qui avait duré trois mois.

Elle dit avoir éprouvé il y a cinq ans une contusion du sein droit, cause à laquelle elle rapporte le début de son mal; elle a toujours souf- fert du sein depuis ce temps, et des glandes se sont développées à l'ais- selle droite il y a trois ans.

Depuis quatre ou cinq mois, sa tumeur du sein s'est ulcérée et a donné lieu à des suintements sanguinolents journaliers. Depuis trois mois, le bras et l'avant-bras droit se sont œdématiés.

État actuel. Tumeur dure, ulcérée du sein droit. La peau du sein gauche présente de petites tumeurs arrondies blanches, dures, siégeant sur un tissu cellulaire induré.

Ganglions lymphatiques formant une tumeur sous le peaucier, au-des- sus de la clavicule droite.

Rien à l'auscultation.

170

28 février. Début par le sein droit d'un érysipèle qui envahit immé- diatement tout le bras droit. 11 y a eu les jours précédents des signes d'embarras gastrique, boiiclie amère, langue prueuse; peu de fièvre.

2 mars. La rougeur érysipélateuse a pâli ; la malade va bien.

9 mars. L'érysipèle est revenu très-aigu aux mêmes points; frisson pendant la nuit précédente; envies de vomir sans vomissements. Le bras, la poitrine et le dos sont envahis par la phlegmasie, La peau pré- sente de petits îlots et traînées rouges entre-croisées, irrégulières.

11) août. N'a jamais rien éprouvé dans les membres inférieurs; elle peut marcher, bien que gênée parle volume et le poids du membre su- périeur droit.

2 septembre. 110 pulsations; n'a pas eu de frisson; signes de névral- gie intercostale à gauche; point douloureux vertébral; bouche sèche; pas d'appétit; transpire un peu la nuit; pas de dévoiement.

29 septembre. Hémorrhagie très-abondante par l'aisselle et l'ulcéra- tion du sein droit.

Mort le 30 septeml)re.

Autopsie faite le 2 octol)re. Embonpoint; infdtration des parties dé- clives.

Crâne. Une tumeur arrondie, aplatie, de coloration blanche, comme nacrée, siège sous le périoste au niveau de la bosse frontale gauche. Cette tumeur est développée dans l'os.

Rien à la dure-mère ni au cerveau.

Moelle cpinière. Pas d'altération.

Seins. Ulcération du sein droit et de l'aisselle; tumeur squirrheuse du sein gauche qui a envahi par petites masses arrondies dures, non- .seulement la peau et le tissu cellulaire sous-cutané, mais aussi les mus- cles pectoraux et les côLes qui se cassent facilement.

Les plèvres, à la surface costale et viscérale, sont couvertes de gra- nulations cancéreuses assez volumineuses.

Au sommet des (/cmo; pyi/mo/is, cavernes tuberculeuses anciennes; à droite, la matière contenue dans l'une d'elles, du volume d'une noi- setle, est formée de substance caséeuse et calcaire. A gauche existent plusieurs petites cavernes ]>lus récentes.

Les derniers anneaux de la trachée et les bronches sont le siège d'un catarrhe purulent; en outre, existent à leur surface de petites saillies arrondies, ou des plaques dures, nacrées à leur surface (granulations cancéreuses de ia muqueuse).

Le pcricardc oiTrc à sa surface plusieurs granulations de même na- ture. foie est couvert d'un grand nombre de granulations de la grosseur

171 (l'une tète d'épingle à une noisette, nombreuses surtout à la face infé- rif me dures, luisantes, nacrées. Le parenchyme du foie est sain.

Le ycritoine n'offre de granulations cancéreuses qu'à sa partie dia- phraîrmatique.

Rien à l'intestin ni à l'estomac.

T\ate dure et grosse. On voit très-bien les corpuscules de Malpighi sur la surface de section.

Pancréas mou, gorgé de sang.

La capsule surrénale gauche un peu hypertrophiée.

Reins normaux.

Utérus contenant deux petits corps fibreux.

Colonne vertébrale saine.

En détachant la plèvre costale, on met à nu les nerfs intercostaux. Deux de ces nerfs sont altérés; on les voit tous les deux entrer dans une granulation cancéreuse du volume d'une fève, l'un avant, l'autre après avoir fourni sa première branche perforante. Ces granulations cancéreuses sont développées au sein du tissu cellulaire sous pleural et entourent les deux nerfs. Les nerfs eux-mêmes présentent à ce ni- veau un léger renflement à l'épaississement du névrilème. Dans ce point et dans leur trajet ultérieur, ces deux nerfs montrent un grand nombre de tubes nerveux altérés (dégénération granulo-graisseuse et atrophie de la moelle nerveuse).

Les ganglions axillaires et sus-claviculaires du côté droit sont gros et éburnés ; peu de suc cancéreux à la coupe. Au milieu des tissus très- durs de l'aisselle, l'artère axillaire est resserrée ; la veine est complè- tement oblitérée en un point par un bourgeon cancéreux de sa pa- roi. Au'dessous de ce point, coagulation fibrineuse. Les nerfs du bras, également compris dans ce tissu induré, présentent des névromes can- ci'reux.

Examen v^icroscopique des seins. Dans les deux seins, examinés sur des coupes minces, on voit des alvéoles formé par du tissu cellulaire abondant, alvéoles rondes ou ovalaires presque toutes de même gran- deur, mesurant 0'", 030 à 0'",045. Les cellules qu'elles contiennent sont l)C'tites; les plus grosses mesurent 0"',015 à0"',018; lesnoyaux de ces (iillules et ceux qui sont libres mesurent 0'",006 à 0™,0i2. Dans certains points, on constate une dégénération granulo-graisseuse, non-seule- ment des cellules cancéreuses, mais aussi du tissu cellulaire qui forme la paroi des alvéoles. Les granulations graisseuses siègent alors princi- palement dans les corpuscules de tissu cellulaire.

Les alvéoles des ganglions lymphatiques et des granulations de la surface du foie ont la môme forme et les mêmes dimensions ; leur con- tenu est le môme. Quant aux alvéoles des muscles, elles sont générale-

172 ment allongées, ovalaires, mesurant de C^OeO à 0"',01h en longueur et 0"',û30 en largeur. Dans toutes les noyaux prédominent et sont petits de O^jOOô à 0",015. Ces éléments nouveaux sont placés dans les muscles, dans l'intervalle des fibres musculaires, et leur sont parallèles. Les fi- bres musculaires sont infiltrés de granulations graisseuses et ont perdu leur striation.

Gi'anulalions de la peau. La peau de la poitrine, des bras, du dos était couverte de granulations cancéreuses dont un certain nombre était ulcéré. La peau tout entière et le tissu cellulaire sous-cutané étaient épaissis. En pratiquant des coupes de cette peau, on voyait des réseaux de fibres de tissu élastique entre-croisées, et dans les mailles de ce ré- seau, une quantité considérable de noyaux de 0°',006 à 0",012, sembla- bles à ceux des autres organes cancérés. Il y avait très-peu de cellules.

En faisant passer les coupes par les granulations cancéreuses de la peau, on voyait que la saillie qui les constituait consistait en une hy- pertrophie du réseau papillaire. A leur niveau, les couches épidermiques étaient intactes, mais les papilles étaient longues, épaisses, rapprochées les unes des autres. La structure de ces papilles dermiques était for- mée, indépendamment des anses vasculaires, par des noyaux abondants et de même nature que ceux qui précèdent.

Au niveau des points ulcérés, on voyait que l'épiderme avait disparu, et que les papilles étaient libres et saillantes.

Sur les ulcérations les plus étendues et les plus anciennes qui étaient jaunâtres à l'œil nu, on constatait au microscope une dégénération grais- seuse des éléments des papilles.

3" Nombreuses coliques saturnines ; albuminurie persistante ; paralysie

DES extenseurs DES DEUX MEMBRES SUPÉRIEURS ; MORT SUBITE ; MALADIE DE BRIGHT ARRIVÉE A l' ATROPHIE DE LA SUBSTANCE CORTICALE ; ALTÉRATION DES MUSCLES ET DES NERFS DANS LES MEMBRES PARALYSÉS ; par AuGUSTE OlLI- VIER.

Duhamel (Adolphe), âgé de 56 ans, peintre en bâtiments, est admis à l"hôpital de la Charité, salle Saint-Louis, 10, dans le service do M. Beau. C'est un homme de taille moyenne, un peu amaigri; son père et sa mère ont vécu en bonne santé jusqu'à un âge avancé, et ses deux sœurs se portent très-bien. A l'âge de 19 ans, il eut une fièvre typhoïde qui dura plus d'un mois. Pas de maladie vénérienne ni d'excès alcoo- liques. Il s'est toujours bien nourri et n'a jamais habité de logements humides. 11 est marié depuis l'âge de 25 ans ; sa femme n'a jamais fait de fausses couches et eut une seule grossesse ; l'enfant mourut pendant l'accouchement qui fut très-laborieux; il était volumineux et bien con- stitué.

Ce luaiadc a coninieiicc le niélie'r de peintre à l'âge de l'2 uns. Pre- mière attaque de coliques Irès-violentes vingt-cinti ans après; elles se repétèrent tous les deux ou trois ans. Malgré cela la santé générale ne s'altéra pas très-sensiblement. Il ne s'est jamais aperçu que son urine ait été sanguinolente, et ne se rappelle point avoir eu des douleurs lom- baires en dehors de ses coliques.

A la fin de juin 1863, il fut obligé de garder le lit trois semaines pour les mêmes accidents. S'étant remis au travail, il fut de nouveau pris de coliques et se décida alors à entrer à l'hôpital. On lui prescrivit succes- sivement une bouteille d'eau de Sedlitz, de l'huile de ricin et des lave- ments purgatifs.

Le 14 août, jour je vis le malade pour la première fois, il était dans l'état suivant : un peu de tremblement dans la voix (depuis douze ans environ), les coliques ont presque disparu; liséré caractéristique, légère diarrhée ; le ventre est souple et non douloureux à la pression. Les mains tremblent un peu quand on les fait étendre; de plus, le médius, l'annulaire et l'auriculaire droits sont fléchis par suite de la paralysie de leurs extenseurs. Il y a du reste, de chaque côté, un affaiblissement musculaire assez prononcé des deux membres supérieurs; toutes les sensibilités sont conservées; douleurs dans les genoux et aux malléoles, mais absence de tuméfaction et de rougeur; crampes passagères. Il n'y a pas la moindre trace d'oedème. Aucun trouble des sens spéciaux; peau sèche, non chaude, pouls à 80, régulier, plein. Bruits du cœur normaux ; l'impulsion est à peine sentie et le volume ne semble pas augmenté. Ja- mais de toux ni de crachements de sang.

La percussion et l'auscultation ne révèlent rien de particulier dans les poumons. Le foie mesure 10 centimètres dans son diamètre vertical, au niveau de la ligne mammaire; urines pâles très-albumineuses, 2 gouttes d'acide nitrique suffisent pour donner lieu à un précipité blanc, abon- dant, qui persiste parla chaleur. Au microscope, on trouve bon nombre de cellules rénales, soit isolées, soit réunies.

L'examen chimique permet de constater la présence du plomb dans l'urine des vingt-quatre heures.

Le 17, pouls à 96; peau un peu chaude, anorexie, plusieurs garde- robes (un verre d'eau de Sedlitz chaque jour); pas de douleurs lom- baires; les urines offrent les mêmes caractères. Aucun changement dans les autres symptômes.

Le 24, le malade éprouve toujours un certain sentiment de faiblesse ;

il ne peut rester debout longtemps. Les urines se troublent seulement

et ne donnent plus de précipité quand on les traite par la chaleur et

l'acide nitrique.

Le 2 septembre, la paralysie des extenseurs est bien moins prononcée;

174

les urines sont toujours albumineuses. Le malade se sentant mieux de- mande sa sortie. Il reprend son travail pendant seize jours, mais les coliques reparaissent ainsi que la paralysie des extenseurs. Il essaye de se soigner chez lui avec de riiuile de ricin, et au bout de huit jours il rentre, le 28 septembre au soir, à la Charité, salle Saint-Félix, n" 18. Pâleur extrême, amaigrissement prononcé, coliques très-vives, consti- pation, paralysie des extenseurs des membres supérieurs (main, avanl- bras et bras) ; il n'existe aux membres inférieurs qu'un peu d'affaiblis- sement musculaire. Embarras de la parole, tremblement de la langue, soubresauts fibrillaires. Pas de trouble des sens spéciaux. L'intelligence et la sensibilité générales ne sont pas altérées. Pouls fréquent, petil, 120 pulsations; respiration accélérée; rien d'anormal dans les poumons et au cœur; urines très-albumineuses. (1 bouteille d'eau de Sedlitz.)

Le 29, la nuit a été agitée, subdélirium, deux garde-robes. A la visite, le calme est revenu. On constate les mêmes signes que la veille, et en outre on remarque que le foie est petit (7 centimètres; ligne mammaiiej; la rate ne paraît pas volumineuse; les urines donnent, parla chaleur et l'acide nitrique, un précipité abondant d'albumine. A l'examen micro- scopique, nombreux cylindres de desquamation épithéliale. A neuf heures et demie, le malade prit un peu de potage. Vers dix heures, il se leva pour aller au cabinet, mais on dut le reporter sur son lit. Au mo- ment où on l'y déposait, il s'écria : je meurs^ fit cinq ou six inspirations bruyantes profondes, et succomba la langue projetée au dehors.

Autopsie faite vingt-Imit heures après la mort.

Rigidité cadavérique encore très-prononcée, pas de traces de sugil- lations ; température peu élevée.

Crâne. Sinus de la dure-mère remplis de sang; absence de sérosité dans l'arachnoïde qui ne présente pas la moindre trace d'opacité, non plus que la pie-mère ; les vaisseaux de celles-ci sont congestionnés ; çà et on aperçoit à la loupe, aussi bien sur la périphérie du cerveau que sur celle du cervelet, des capillaires gorgés de sang, et à côté de plu- sieurs d'entre eux des suffusions sanguines très-manifestes, dont les plus considérables ne dépassent pas 3 à 4 millimètres de diamètre.

Les artères de la base de l'encéphale ne présentent aucune altération dans leurs parois , seulement elles renferment, en divers points, quel- ques petits caillots noirâtres et mous, n'oblitérant pas complètement la lumière du vaisseau. La première se détache aisément, sans produire aucune déchirure delà pulpe cérébrale; pas de liquide dans les ventri- cules. Le cerveau, coupé en tranches excessivement minces, n'offre en aucun point ni piqueté, ni hémorrhagie, ni ramollissement. Le cervelet, la protubérance et le bulbe donnent également des résultats négatifs.

Thorax. Pas de liquide dans le péricarde; cœur de volume ordinaire,

les cavités droitos ne renfeiiticiit point do caillots et leurs valvules sont saines.

En poursuivant les divisions de l'artère pulmonaire, on trouve, dans une des troisièmes divisions gauches, un petit caillot moitié fibrineux, moitié formé de sang noirâtre. Les cavités droites ne renferment pas non plus de sang; les valvules aortiques sont intactes, mais les valvu- les mitrales sont un peu épaissies, rugueuses à leur base. Le larynx ne présente ni injection ni érosion; la muqueuse bronchique a sa colora- tion blanc rose de l'état normal. Quelques légères adhérences pleurales aux deux sommets des poumons ; elles sont d'ancienne date. Pas de li- ipiide dans les plèvres; les poumons crépitent parfaitement, surnagent très-bien, seulement ils sont un peu congestionnés; aucune trace de tu- bercules.

Abdomen. Pas de liquide dans la cavité péritonéale; l'estomac ren- ferme un verre environ de matières grisâtres liquides; sa muqueuse n'est point altérée. A 30 centimètres au-dessus du cœcum, large pla- que d'injection (15 centimètres) occupant toute la périphérie de l'intes- tin. Çà et là, dans le reste de l'intestin grêle, arborisations isolées ou réunies.

La rate mesure 4 centimètres dans sa hauteur, 8 dans sa plus grande largeur et 3 dans son épaisseur.

Rien de particulier à la coupe, si ce n'est un peu de congestion.

Le foie est également congestionné, mais ne présente pas d'autres al- térations: diamè'.re transversal, 22 centimètres; diamètre vertical, 7 cen- timètres; diamètre longitudinal, 19 centimètres. Les voies biliaires et les branches de la veine porte sont intactes. Les reins sont notablement diminués de volume. Rein droit: 16 centimètres 1/2 en longueur, 3 cen- timètres 1/2 en largeur, 3 centimètres en épaisseur ; poids, 80 grammes. Rein gauche : 9 centimètres en longueur, G centimètres en largeur, 3 centimètres en épaisseur; poids, 83 grammes. A la surface, granula- tions nombreuses et coloration jaune, opaque de la substance corticale.

A ma demande, mon collègue et excellent ami M. Cornil voulut bien se charger de l'étude histologique des reins. Voici le résultat de cet examen : « La substance corticale, examinée sur des coupes verticales et des grossissements variant de 40 à 100 diamètres, présente les parti- cularités suivantes : les tubes urinifères contournés et presque tous atrophiés; leur diamètre mesure 0'°'°,024 à 0°"",030. Les plus larges me- surent 0'°°',045, tandis que le diamètre normal, donné par Kolliker pour ces tubes contournés, est de 0°"°,060. Ils ne sont pas tous remplis par des cellules; un certain nombre d'entre eux ont une lumière assez lat-ge; dans presque tous, les cellules sont rendues troubles par des granulations protéiques; un petit nombre de ces tubes contiennent

I7r.

des cellules infiltrées de granulations graisseuses. Le volume des cel Iules est normal ; les artères rénales sont toutes altérées ; les parois sont épaissies de telle sorte que certaines, vues longitudinalement, ont la forme d'un tuyau rigide avec multiplication des éléments de tissus cellulaire et musculaire qui entrent dans leur structure. Sur des coupes transversales elles se montrent sous l'aspect de cercles concentriques dont l'épaisseur a rétréci et presque obturé sur certaines d'entre elles leur canal central.

« Les glomérules sont un peu troubles à un faible grossissement, ce qui est dû, comme on le reconnaît en employant un fort grossissement, à la multiplication des noyaux de leurs artérioles. Les tractus qui sépa- rent les tubes urinifères ont généralement leur épaisseur normale; cependant quelques-uns présentent un assez grand nombre de noyaux, et nous en avons même : rencontré ces noyaux et leur pourtour étaient infiltrés de granulations jaunes graisseuses. La substance des pyramides était saine, sauf l'altération des noyaux,

«En résumé, ce sont les altérations microscopiques de la maladie de Bright arrivée à Tatrophie de la substance corticale. Il y a, entre l'état anatomique de ce rein et ceu:. des animaux empoisonnés, la différence qu'on trouve toujours entre le premier et les derniers degrés de la néphrite albumineuse. ^

La moelle ne présente aucune altération appréciable.

Les muscles extenseurs du membre supérieur droit ont à l'œil nu une coloration jaune. En dilacérant leurs fibres pour leur préparation, on s'aperçoit qu'ils sont plus friables que ceux qui sont sains. En exami- nant les faisceaux non altérés à 300 diamètres, leurs stries longitudina- les et transversales sont très-belles. Dans les muscles supposés altérés, au contraire, on ne voit pas ou on voit à peine sur quelques fibres seu- lement la structure transversale. Les stries. longitudinales des tubes primitifs sont visibles, mais, dans ces stries, on voit des séries longitu- dinales de très-fines granulations jaunâtres qui se dissolvent dans l'é- tlier. Un petit nombre des tubes présente cette altération.

Le nerf radial du membre paralysé est moins altéré relativement que les muscles auxquels il se rend. Les tubes nerveux sont presque tous sains; quelques-uns seulement sont moins gros, plus pâles, et offrent de fines granulations.

Note sur un cas de maladie de BRicni chez un peintre en bâtiments;

par Auguste Ollivier.

Homme de 46 ans, fortement constitué, peintre en bâtiments. Il n'a jamais eu de maladies syphilitiques ni fait d'excès alcooliques; sa santé

177 a toujours été bonne jusqu'en 18GU. A cette époque, il fut pris pour la première fois de coliques de plomb qui furent assez violentes. Ulté- rieurement et à différentes reprises, il eut des coliques semblables. Au commencement de septembre, il eut quelques accidents cérébraux, et le 8 octobre, il entrait à l'hôpital de la Charité, dans le service de M. Nonat, avec tous les symptômes d'une encéphalopathie saturnine. 11 mourut dans le coma le lendemain matin.

A l'autopsie, on constata une augmentation notable de la pulpe céré- brale qui parut augmentée de volume. Les reins étaient irréguliers à leur surface extérieure : l'un avait le volume normal et l'autre était beau- coup plus petit. La capsule fibreuse se détacha facilement, et au-dessous d'elle existait un grand nombre de granulations. A la coupe, la substance corticale présenta une coloration jaunâtre très-prononcée. L'examen mi- croscopique permit de constater tous les caractères d'une maladie de Bright fort avancée. L'urine ne fut malheureusement pas examinée pen- dant la vie, et la vessie fut trouvée vide à l'autopsie.

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COMPTE RENDU DES SÉANCES

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LA SOCIËTË m BIOLOGIE

pendant le mois de novembre j863; Par m. le Docteur BALL, secrétaire.

PRËSIDE^CË DE M. RAYER.

I. Physiologie.

Greffe animale ; rétablissement de la circulation sanguine et propaga- tion DE LA SENSIBILITE EN SENS INVERSE DE LEUR COURS NORMAL ; 'par

M. Paul Bert.

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de la Société Un rat albinos sur lequel a été pratiquée le 8 mai dernier (il n'avait alors que 3 semai- nes), l'opération suivante :

L'extrémité de la queue a été écorchée sur une longueur de 5 centi- mètres; un trou a été pratiqué à la peau du dos, et une loge creusée dans le tissu cellulaire sous-cutané à l'aide d'un instrument mousse. Les muscles fléchisseurs de la queue ayant été préalablement coupés,

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cet organe est recourbé sur le dos, sa partie dénudée introduite dans la loge préparée, et les bords cutanés des deux plaies réunis par quatre points de suture.

Le 15, section circulaire de la peau, le 17 ligature très-serrée, et le 18 amputation de la queue à 1 centimètre environ de l'anus; le tronçon libre mesure à peu près 25 millimètres.

A ce moment, il s'en faut de beaucoup que les lèvres cutanées soient accolées; cependant le sang revient en nappe par l'extrémité du tron- çon amputé; il y a donc évidemment des anastomoses profondes éta- blies. Aussi, après quelques heures, le tronçon, d'abord pâle, reprend sa couleur normale et donne, quand on le pique, de la sérosité et du sang. La cicatrisation, qui marche un peu plus lentement sur le tronçon que sur le moignon de la queue, est terminée du reste, aux deux sec- tions, du 20 au 25 juin, après l'élimination de fragments de vertèbres.

La circulation s'est donc rétablie dans le fragment parasitaire, et il est facile de voir qu'elle s'est rétablie dans une direction inverse de celle qu'elle suivait d'abord, le sang artériel marchant désormais dans ce morceau de queue, du petit bout vers le gros bout, et le sang vei- neux, au contraire, du gros bout vers le petit, du bout primitivement central vers le bout primitivement périphérique. Cependant sa rapidité paraît être la même que si elle s'exécutait dans les conditions normales, au moins deux mois après Topération, car dans les premiers temps, le tronçon caudal était évidemment œdématié; en effet, ayant le 15 juillet ébarbé son extrémité et l'ayant plongée dans un doigt de gant qui con- tenait de l'extrait aqueux de belladone, j'ai vu la dilatation pupillaire apparaître au bout du même temps qu'en agissant sur une queue en place.

La nutrition, pour être un peu ralentie, n'en a pas moins continué. Une formation et une desquammation épidermiquc considérables se sont faites sur le tronçon parasitaire. Enfin, ce tronçon a notablement grandi; le 15 juillet le moignon mesurait 18 millimètres, le fragment de queue inclus 7 centimètres environ, et le bout libre 31 millimètres; ce qui donne pour la partie restée en place un allongement de 80 p. 100, le parasite interne ayant grandi seulement de 40 p. 100, et l'externe de 30 p. 100. La somme de ces trois longueurs est à peu près celle de la queue intacte d'un rat du même âge.

A cette époque, aucun signe de sensibilité ne se manifastait dans le membre parasitaire externe. Mais au milieu d'août, il me sembla que si je le piquais et le pinçais violemment, l'animal avait quelque conscience de ces lésions. Dans les premiers jours d'octobre, il fut évident que le rat, dans ces circonstances, s'agitait et témoignait de la douleur, quoi- qu'il ne criât pas. Aujourd'hui, 9 novembre, si l'on pince son tronçon

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caudal, le rat crie et cherche à fuir : la sensibilité est revenue, mais bien peu vive encore.

Donc, cinq mois et demi se sont écoulés avant qu'elle ait reparu d'une manière bien nette. Pendant ce temps, un triple travail s'est accompli dans les nerfs de la queue ; ils se sont altérés d'abord, puis régénérés, et se sont réunis par leurs extrémités avec des ramuscules nerveux qui se rendaient primitivement à la peau du dos. Or, dans ces nerfs de la queue, la propagation de Tébranleraent d'où résulte la sensation se fait évidemment, comme la circulation du sang dans les vaisseaux,— en sens inverse de son cours naturel, suivant une direction qui était avant l'opération centrifuge. Les tubes nerveux sont donc aptes à conduire indifféremment une impression dans un sens ou dans l'autre ; ils [)euvent être retournés bout pour bout. Il devient donc extrêmement vraisem- blable que dans l'état normal, in situ, toute excitation portée sur le tra- jet d'un filet nerveux est transmise également suivant les deux direc- tions, centrifuge et centripète, à la façon d'une onde sonore, par exemple. Seulement, la perception ne peut s'opérer que du côté cen- tral, parce que cette extrémité du nerf correspond seule à un appareil de réceptivité.

Si l'on rapproche de cette expérience celles si remarquables de M]\I. Philipeaux et Vulpian sur la soudure du nerf hypoglosse avec le nerf lingual, on se trouve, à l'exemple de M. Vulpian, très-disposé à penser que les nerfs sont simplement des conducteurs semblables les uns aux autres, possédant la propriété de transmissibililé : transmissibi- lité des impressions d'une part; transmissibilité des réflexions motrices volontaires ou involontaires, d'autre part; leur mode d'action n'étant subordonné qu'aux connexions anatomiques de leurs extrémités. Si leur origine est en rapport avec un centre récepteur, il y a sensation ; si leur terminaison est en rapport avec des parties douées de motricité, il y a mouvement ; les deux phénomènes peuvent môme se manifester à la fois par une seule impression, comme il est arrivé dans l'importante expérience que je viens de rappeler.

Revenant à ma queue parasitaire externe, je ferai remarquer qu'au- jourd'hui, lorsqu'on la pince, l'animal ne sait pas trouver le lieu de la lésion. Il paraît la rapporter à la région du dos, se distribuaient autrefois ces petits nerfs divisés avec lesquels ont se réunir les filets nerveux de l'extrémité caudale mise à nu. Mais il n'est pas douteux pour moi qu'il ne finisse par faire son éducation, et par reconnaître, à force d'expériences quotidiennes, l'endroit on le blesse. Il montrera d'abord ainsi comment un sentiment peut se transformer en sensation; il témoi- gnera encore que le sentiment prétendu inné que nous avons du lieu qu'occupe dans l'espace chacune des parties de notre corps n est.

18S comme toutes nos connaissances, qu'un fruit de rexpérience. Peut-être, cependant, faudra-t-il, pour bien constater ce curieux résultat, répéter l'opération sur des animaux plus' intelligents et plus faciles à observer que des rats.

II. Pathologie.

1" Productions nÉTÉRADÉNiQLEs du col de l'utérus; par M. Cornil.

La nommée J..., âgée de 42 ans, domestique, entre le 31 août 1863, salle Sainte-Marthe, 13, dans le service de M. Charcot.

Avant d'être reçue à la Salpêtrière, cette femme avait séjourné près d'une année dans divers hôpitaux : à la Charité, à l'Hôtel-Dieu et à la Pitié ; elle avait eu dès le début de son affection d'abondantes pertes utérines. A son entrée, la malade était très-maigre, dans un état de ca- chexie très-avancé; sa peau terreuse était de coloration jaunâtre. Le toucher utérin nous fit constater que le col était fixé, que sa cavité ul- cérée, ouverte, permettant l'introduction du bout du doigt, était limitée par un rebord couvert de fongosités assez grosses et dures. Les signes fournis par le toucher joints à l'écoulement séro-sanguinolent avaient fait porter sans hésitation le diagnostic de cancer utérin.

Depuis l'époque do sou entrée à l'hôpital jusqu'à sa mort, la malade n'eut pas de métrorrhagie ; les jambes et les cuisses devinrent des deux côtés le siège d'un œdème assez considérable; elle se plaignait souvent de douleurs dans les lombes mal déterminées, et n'aff'ectant pas spécia- lement le trajet des nerfs. Elle mourut le 19 octobre, à une heure du matin.

Autopsie faite le 20 décembre.

Péricarde sain ; cœur de volume normal ; plèvres et poumons nor- maux.

Péritoine normal, sans granulations ; foie dur, petit, légèrement gra- nulé à sa surface, et très-résistant sur une coupe. Le centre des lobules est de couleur rouge; la périphérie est grise. La rate est petite et dure.

La vessie est distendue, sans altération de sa muqueuse ; les uretères sont dilatés des deux côtés.

Les reins offrent une coloration blanc jaunâtre à leur surface, après qu'on a enlevé leur capsule; sur une coupe, la substance corticale est anémiée, blanc jaunâtre, transparente; la substance tubuleuse est rouge. L'examen microscopique de la substance corticale n'a révélé au- cune altération des tubuli ni de leur contenu épithélial.

Le col utérin est transformé en une tumeur assez volumineuse ulcé- rée et fongueuse à son centre, pleine de suc laiteux. Le pourtour de

cette ulcération, qui ne s'étend pas au vagin, est formé par des boiir- geons durs et vascularisés à leur surface, dont le plus volumineux de }a grosseur dune noisette, siège à la lèvre postérieure du col. Sur une coupe comprenant l'épaisseur de ce dernier, on voit des cavités dont les plus grandes ont 1 millimètre de diamètre, d'où l'on fait sortir par la pression un liquide épais, blanc, semblable par sa forme et sa couleur à de petits vers blancs.

A gauche de l'utérus, dans le tissu cellulaire péri-utérin, s'estdéveloppée une tumeur qui se continue avec le col, de coloration blanc jaunâtre, bos- selée à sa surface. La coupe de cette production est dure, comme squir- rheuse, semi-transparente, et fournit très-peu d'un liquide louche à la pression ou au raclage. Les ganglions inguinaux sont un, peu plus grQs qu'à l'état normal, mais non dégénérés.

Examen microscopique. A. En examinant à un grossissement de 12 diamètres des tranches de la tumeur delà lèvre postérieure du col, on voyait de grandes alvéoles contenant dans leur intérieur des produc- tions cylindriques, allongées, plus ou moins régulières ou sphériques, très-grosses, atteignant jusqu'à 1 millimètre de diamètre. Les parois de ces alvéoles contenaient un assez grand nombre de vaisseaux offrant eux-mêmes des dilatations partielles.

Les alvéoles renfermaient :

l* Un liquide au milieu duquel étaient placées les productions cy- lindriques ou sphériques précédentes. Ce liquide était formé de cellules arrondies ou polyédriques à angles mousses, à noyaux volumineux; on trouvait au milieu d'elles un grand nombre de cellules mères, renfer- mant plusieurs noyaux ou cellules. Quelques-unes de ces cellules mères (corps oviformes), mesurant 0°"",040 à 0°"°,080 en diamètre, sont for- mées d'une enveloppe épaisse à plusieurs couches, et dans leur intérieur se voient des globules réfringents jaunâtres ayant jusqu'à û^'^jOlS de diamètre.

Les productions sphériques ou cylindriques qui formaient le con- tenu le plus remarquable des alvéoles. Leur forme était très-variable; c'étaient tantôt des corps se rapprochant plus ou moins de la forme sphérique, mesurant de 2 millimètres à 1 millimètre de diamètre, se lais- sant aplatir sans se rompre, formés d'une enveloppe mince, et couverts de noyaux de 5 à fi millièmes de millimètre de diamètre. Us présentaient parfois des prolongements renflés en massue. Tantôt leur forme se rap- prochait d'un cylindre avec des prolongements et des ramifications. Ces productions cylindriques étaient souvent renflées à leur partie mé- diane, recourbées sur elles-mêmes à leurs extrémités de manière à se rapprocher de l'aspect d'un estomac. Certaines d'entre elles étaient tel- lement irrégulières qu'elles échappaient à toute description. Les noyaux

184

que présentait la surface de ces corps se disposaient parfois en séries concentriques, et en aplatissant ou dilacérant ces points, on recon- naissait que les noyaux appartenaient à des cellules fusiformes.

Quelques-unes de ces grandes productions sphéroïdes présentaient dans leur intérieur des corps oviformes mesurant 0""°,040 à Û'°"',080 en diamètre, formés d'une enveloppe bien distincte à deux ou plusieurs contours, contenant, soit des granulations moléculaires très-fines, soit des globules réfringents jaunâtres. Ils étaient semblables à ceux que nous avons déjà notés dans le liquide des alvéoles.

B. La tumeur située à gauche du col utérin donnait par le raclage un liquide renfermant des cellules fibro-plastiques, à deux ou un plusgrand nombre de prolongements, dont le noyau, muni d'un nucléole, mesu- rait û^^jOOQ à 0""',012. On trouvait aussi dans ce liquide des fragments ces éléments étaient contigus.

Les coupes mêmes de cette tumeur, examinées à un faible grossisse- ment, présentent des tubes allongés, ramifiés, anastomisés, terminés en cul-de-sac, séparés les uns des autres par un tissu cellulaire peu abon- dant, riche en vaisseaux. Elles rappellent la disposition glandulaire. A un plus fort grossissement (200 à 300 diamètres), on voit que ces productions tubuliformes présentent une enveloppe peu visible, et sont formées par les cellules fusiformes contenant des noyaux que nous ve- nons de décrire : ces éléments sont tous à peu près de même forme et de même grosseur et contigus les uns aux autres ; on ne voit pas au milieu d'eux de cavité ou lumière, particularité qui les distingue des tubes glandulaires. Les minces tractus de tissu conjonctif qui les sépa- rent contiennent des vaisseaux capillaires et des noyaux de tissu con- jonctif.

2* Cancroïde du col utérin propagé aux vaisseaux lymphatiques de l'utérus,

par M. CoRNiL.

C..., 64 ans, entrée le 4 février 1863 au n" 14, salle Sainte-Marthe (service de M. Charcot à la Salpôtrière), morte le 8 novembre 1863.

Sa mère était asthmatique et a vécu jusqu'à 70 ans ; son père est mort jeune, sans qu'elle sache de quelle maladie. Ses frères et sœurs jouis- saient d'une bonne santé. Elle a eu un seul enfant mort en bas âge.

Établissement des règles à 12 ans. Ménopause à 50 ans, et à l'âge de 60 ans, réapparition des métrorrhagics qui reviennent tous les mois ; de- puis deux mois seulement ses pertes se sont rapprochées et sont à peu près continuelles.

Depuis l'âge de 45 ans jusqu'à 50 elle s'enrhume tous les hivers, mais ne tousse pas pendant l'été ; de 50 à 60 ans (pendant la cessation des

185 métrorrhagies), elle est sujette à des accès d'asthme aussi fréquents Tété que l'hiver, se montrant presque tous les jours, surtout aux change- ments de temps. Ces accès duraient de cinq à douze heures; ils étaient caractérisés par le manque de respiration et des vomissements. Ils ne s'accompagnaient ni de douleur au cœur ni au bras. Dans l'intervalle des accès elle ne pouvait pas monter les escaliers sans avoir des palpita- tions. Depuis l'époque (quatre ans) elle a vu revenir les pertes utérines, les étouffements se sont éloignés de plus en plus, et elle a remarqué un antagonisme entre ses pertes et ses accès. Depuis un an, elle n'a plus eu d'accès d'étouffement.

Elle était autrefois très-grasse et pesait 210 livres, mais elle a maigri depuis trois ans.

État actuel 10 février 1863. Femme assez grasse, figure bouffie, teint jaune paille. Les jambes ne sont pas œdématiées. Rien au cœur. Aux poumons, sonorité exagérée, manque de murmure vésiculaire aux deux poumons en arrière, pas de râles.

Perte de l'appétit.

Glandes inguinales assez nombreuses 6t dures, de la grosseur d'avelines. Au toucher vaginal, le col est porté à gauche, ulcéré, couvert de fongo- sités dures et petites. Elle perd en rouge sans interruption depuis six jours.

Elle dit avoir eu il y a six mois des crampes dans les jambes, et des douleurs dans les régions iliaques et crurales. Depuis trois semaines, elle ressent une douleur à droite sur le trajet du nerf sciatique avec fourmillements.

Dans les derniers mois de sa vie, œdème des membres inférieurs.

Le sang examiné le 17 octobre 1863 a montré un très-grand nombre de globules blancs (1 sur 50 environ) ; le sang était aqueux, les globules rouges n'étaient pas déformées.

Autopsie faite le 9 novembre 1863. Cadavre assez gras. Les jambes sont œdématiées ainsi que la cuisse droite.

Péricarde sain. Cœur volumineux pesant 420 grammes. Les parois du ventricule gauche sont hypertrophiées. L'aorte est suffisante, pas d'alté- ration des orifices.

Plèvres pleines de sérosité. Aux deux poumons ^ emphysème des lobes supérieurs et œdème des lobes inférieurs qui sont fermes et laissent échapper sur une coupe une grande quantité de sérosité spu- meuse.

Foie normal. Vésicule biliaire revenue sur elle-même contenant un gros calcul qui la remplit. Entre le calcul et les parois se trouve une petite quantité de pus. Les parois de la vésicule sont épaissies et sa muqueuse injectée.

16G

Rate dure de valume ordinaire.

Reins, le droit pèse 80 grammes ; le bassinet et l'uretère sont disten- dus, énormes, le rein droit pèse 170 grammes. La substance corticale et tubuleuse des deux reins est anémiée, comme transparente.

La vessie est saine ainsi que le rectum.

L'utérus est gros, saillant dans le bassin. Adroite, l'ovaire et la trompe forment une tumeur qui proémine dans le bassin ; la trompe est grosse comme le pouce, enroulée autour de l'ovaire et contient de la sérosité louche. A gauclie, la trompe également distendue est appliquée à la partie postéro-latérale du col au niveau de son union avec le corps. L'ovaire gauche renferme des kystes petits et pleins d'un liquide blan- châtre épais.

Le col utérin est blanc, offre à sa surface des bourgeons blanchâtres et des franges vasculaires. En le coupant dans l'axe de l'utérus, on fait suinter du col un liquide épais, blanc, sous forme de gouttelettes La coupe en est molle, présente de petites cavités anfractueuses d'oîi sort le liquide. Ce liquide lui-même est constitué par des cellules épithéliales cylindriques pourvues de noyaux allongés et de nucléoles.

Le canal cervical est oblitéré et la cavité du corps utérin est dilatée, remplie par environ deux cuillerées d'un liquide muqueux jaunâtre, transparent, au milieu duquel nagent des parties opaques blanches ar- rondies de 1/2 à 1 millimètre de diamètre. Ce liquide contient des élé- ments cellulaires arrondis, infiltrés de granulations graisseuses. Les corps arrondis précédents sont des amas do cellules cylindriques ou granuleuses et dans ce cas arrondies, qui sont disposées régulièrement de façon à présenter leur grosso extrémité à la périphérie,

La hauteur de l'utérus = 9 centimètres. L'épaisseur des parois = 1 cent. 1/2.

La surface péritonéale du corps utérin présente des lignes plus ou moins sinueuses, saillantes, moniliformos, parallèles ou anastomosées en réseau, ipimédiatement situées sous la séreuse. Ces cylindres, qui no sont autres que le réseau des lymphatiques rempli, ont de 1/2 à 1 cen- timètre de diamètre. Sur |a coupe des parois du corps utérin, ils ré- pondent à des lumières d'où l'on fait sourdre, en pressant sur leur trajet, une grande quantité de liquide blanchâtre et épais. Ce liquide contient des agglomérations de cellules épithéliales cylindriques ou arrondies quand elles sont granuleuses, dont la disposition est très-régulière. Elles forment par leur réunion une masse arrondie ou allongée et sont toutes disposées comme autour d'un axe ou centre fictif de façon à présenter à la périphérie leur extrémité renflée et libre. Ces cellules sont pour-

187

vues de noyaux el de nucléoles trôs-vislbles sur celles qui ne sont pas granuleuses.

Les ganglions inguinaux sont gros et durs, mais non dégénérés. Il en est de même des ganglions lombaires.

Les veines iliaques sont libres, bien qu'il y ait un œdème considérable, surtout à la cuisse gauche.

Les nerfs d'origine du sciatique n'ont pas d'autre altération que la compression à droite, causée surtout par la tumeur composée de la trompe de l'ovaire et de l'utérus hypertrophiés.

Cette observation est intéressante par les antécédents de la malade ainsi que par la forme analomique de l'affection utérine, et par Calté- rcUlon des vaisseaux lymplialiques. La néoplasie épithéliale a pris ici la forme d'épithélium cylindrique, et nous y avons constaté un grand nombre des agglomérations spéciales de cet épithélium, qui paraissent être des productions analogues aux globes épidermiques qu'on rencontre si souvent à l'utérus dans les cancro'ïdes à épithélium pavimenteux,

Paralysie infantile; cancer des seins; autopsie : altérations delà moelle épinière, des nerfs et des muscles; génér.\lisation du cancer; par v.

CORML.

Laurent, âgée de 49 ans, allumeuse de cierges à Saint-Thomas d'A- quin, entre à la Salpêtrière dans le service de M- Cliarcot, le 16 mars

Elle fut placée en nourrice à la campagne au moment de l'invasion des alliés dans le midi, en 1815. Sa nourrice fut obligée de se réfugier un certain temps au milieu des bois, où, toute enfant, elle eut à souf- frir de l'humidité et du froid. De retour chez ses parents, elle fut prise à 1 âge de deux ans de paralysie des membres inférieurs. Cette para- lysie s'étendit progressivement et fut très-longue à s'amender. La petite malade ne put marcher qu'à l'âge de 8 ans. Depuis cette époque, la marche était possible, bien que pénible, et dans les mouvements, les muscles de la cuisse et du bassin étaient seuls actifs. Les muscles de la jambe et du pied étaient atrophiés et paralysés, surtout du côté gauche, et ne supportaient pas toujours bien le poids du corps, surtout si la ma- lade s'appuyait sur le bord interne ou externe. Dans ce cas, son pied tournait et elle-même tombait ; ce qui lui arrivait souvent. Dans une de ces chutes faites il y a environ dix ans, elle se fractura le tibia. Le chi- rurgien qui la soigna à Lariboisière s'étonnait qu'elle ait pu marcher avec une paralysie musculaire aussi marquée. Dans la convalescence de celte affection chirurgicale, elle fit une nouvelle chute suivie de fraQ- lure du même o&,

188

Son père est mort d'une hernie à l'âge de 66 ans; sa mère est morte à 56 ans; sa sœur est bien portante.

Le 28 août 1862, la malade fut opérée d'un cancer du sein droit par M. Maisonneuve. Six mois après l'opération, elle éprouva des douleurs dans la cicatrice et dans le sein gauche; depuis le commencement du mois de mars, son bras droit devint œdémateux. A partir de cette épo- que, elle eut à plusieurs reprises des frissons et des douleurs suivant le trajet des six ou sept premiers nerfs intercostaux du côté droit.

C'est pour ces accidents que la malade vint dans la salle Sainte-Ro- salie (infirmerie des Incurables), elle fut couchée au n" 24.

Étal actuel, 25 juin 1863. A la place du sein droit existe une cica- trice horizontale de 5 centimètres de longueur, ulcérée en un point, in- durée et mamelonnée dans le reste de son étendue. Le bras droit est énorme, œdémateux et dur. La pression est douloureuse sur le côté droit de la colonne vertébrale, en arrière, et c'est que la malade re- porte ses douleurs. On applique en cette région un vésicatoire qui ne calme que momentanément la souffrance.

23 août. Depuis trois jours, la malade éprouve des accès fébriles ca- ractérisés de la façon suivante : vers midi, elle est prise de frissons qui durent une heure environ, qui sont suivis de chaleur et accompagnés de gêne dans la respiration. La face de la malade devient très-rouge. Cet état dure toute la journée et la nuit jusqu'à deux heures du matin, moment commence la sueur qui est peu abondante. Vers trois heures du matin, la rémission s'établit. On prescrit 0,50 de sulfate de quinine.

27 août. L'administration du sulfate de quinine n'a pas empêché le retour des accès, qui sont seulement reculés et ne débutent plus que vers quatre heures du soir. Ils sont toujours caractérisés par le frisson, la chaleur et la moiteur. La nuit précédente, elle a vomi trois ou quatre fois des matières muqueuses. L'auscultation ne fait rien entendre à droite ni à gauche.

1" septembre. La malade n'a plus de frissons, mais elle s'affaiblit de plus en plus, et, au milieu de la nuit, elle éprouve toujours des accès d'oppression, avec chaleur à la peau suivie de sueur.

15 septembre. Hier, vers une heure de l'après-midi, la malade res- sentit un violent point de côté à gauche, sous l'aisselle et sous le ma- melon. A onze heures du soir, accès d'étouffement, frisson, chaleur et fièvre pendant toute la nuit. Le matin du 15 septembre, le point de côté persiste, la respiration est fréquente, la peau couverte de sueur. La percussion et l'auscultation ne révèlent rien de positif, mais seule- ment de l'obscurité du murmure vésiculaire des deux côtés. Le pouls est fréquent, caché, sans irrégularité. Les jours suivants, le point de côté diminue; on entend en dehors du sein gauche un bruit de frotte-

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ment sec pendant l'expiration; la malade éprouve des accès de sufTo- cation avec toux quinteusc qui durent un quart d'heure environ et re- viennent plusieurs fois par jour.

Sur toute la peau du thorax, du côté droit, sur le devant de la poi- trine et dans Faisselle du côté gauche se développe une éruption de prlils tubercules durs, à peine saillants, sans changement de colora- tion des téguments. Ces petites nodosités sont parfois plus sensibles au toucher qu'à la vue. et Ton apprécie bien par le toucher qu'ils siègent dans l'épaisseur du derme.

Les extrémités inférieures sont atrophiées, les pieds sont presque complètement paralysés et leur position est indifférente. Le pied gau- che est dévié en dedans. Le pied et la jambe gauches sont œdématiés. La sensibilité tactile paraît obtuse sur ce membre. Les autres modes de sensibilité sont conservés intacts.

Jusqu'à sa mort, les accès de dyspnée persistent : la percussion et l'auscultation ne donnent que des renseignements peu positifs, cepen- dant, la sonorité du côté droit était moindre que celle du côté gauche ; le murmure vésiculaire s'entendait peu à droite et l'on y percevait des râles sous-crépitants.

Mort le 10 octobre.

Autopsie faite le 11 octobre. La couche de tissu cellulo-graisseux sous-cutané est assez épaisse partout, surtout sur le ventre elle me- sure 1 centimètre environ.

En ouvrant le sujet, on voit que les muscles pectoraux unis à la peau d'une part et aux côtes de l'autre par un tissu dur et lardacé, sont en- vahis par des granulations du volume d'une tête d'épingle à celui d'un petit pois, granulations qui sont de nature cancéreuse, et donnent un liquide à la pression. Des granulations analogues se remarquent dans le sein gauche.

La plèvre contient à gauche un liquide séro-sanguinolent peu abondant, et à droite elle est tout à fait adhérente. La plèvre costale gauche présente à sa surface des granulations cancéreuses. En décollant la plèvre, on voit que deux des nerfs intercostaux sont en contact avec des granu- lations cancéreuses de la grosseur d'un petit pois. L'une de ces granu- lations appartient à la plèvre, l'autre est adhérente à la côte. Au niveau de cette dernière qui entoure le nerf, celui-ci présente lui-môme un petit névrome cancéreux. En l'examinant au microscope, on reconnaît les éléments propres au cancer (noyaux et cellules) et les tubes nerveux eux-mêmes sont infdtrés de granulations graisseuses.

La surface du poumon droit est couverte de grosses granulations. Sur une coupe de ce poumon, les tractus fibreux interlobulaires, le

l'.lO

pourtour des bronches et des vaisseaux, se ruontrent comme le siégo principal des granulations cancéreuses.

Le poumon gauche est altéré de la même façon, mais à un moindre degré.

La muqueuse de la partie inférieure du larynx, de la trachée et des bronches jusqu'à leurs plus petites branches, est le siège de gramila- tions de même nature, dures, blanches, opaliiies, parfois réunies en plaques saillantes , ci donnant un suc laiteux très-ténu sur une coupe.

La rate est grosse. Le foie et les reins présentent des granulations semblables à leur surface.

Les autres organes (péricarde, cœur, tube digestif, vessie, utérus) sont sains.

La dissection de Vaisselle montre une dégénération squirrheuse très- dure des ganglions lymphatiques et du tissu cellulaire, la même altéra- tion des parois veineuses avec oblitération complète, et des névroraes cancéreux du nerf médian.

Les muscles de la jambe et quelques-uns de ceux de la cuisse gauclie ont une coloration jaune semblable à celle d'une masse graisseuse. Néanmoins leur volume est conservé à peu près normal, ainsi que leur forme. On distingue même très-bien à Toeil nu les faisceaux longitudi- naux. Les muscles de la jambe droite sont moins altérés.

En examinant au microscope ces faisceaux musculaires, la prépara- tion est encombrée de gouttelettes huileuses visibles à l'œil nu ; après avoir lavé la préparation à l'alcool, on voit les éléments du sarcolemme et des vaisseaux (artériels et veineux) parfaitement normaux. Par la dissection des éléments on obtient des tubes à deux contours, grêles, allongés, hyalins, mesurant 3 millièmes de millimètre en diamètre, qui se gonflent par l'acide acétique et sur lesquels se trouvent çà et des noyaux allongés. Ce sont des tubes de sarcolemme vides. En aucun point on n'aperçoit de striation. Les grosses gouttelettes huileuses étaient situées entre les tubes du sarcolemme. Dans un des muscles de la cuisse qui est moins altéré, on peut étudier tous les degrés de la dégénération graisseuse des fibres musculaires.

Les nerfs sciatiques sont petits, le gauche plus que le droit. Lt- scia- tique poplité externe du côté gauche est très-atrophié. La couleur de ces nerfs est jaune; ils sont infiltrés de globules graisseux, et l'examen microscopique y montre, comme dans les muscles, une dégénération graisseuse de la substance médullaire des tubes nerveux aboutissant en dernière analyse à l'atrophie de ces tubes.

La moelle épinière est petite, surtout aux régions dorsale et lom- baire. Après l'avoir fait durcir dans l'acide chromique, et pratiqué des

coupe? transversales à diverses liauleurs, les niensurations prises au niicromèlre avec un grossissement de 12 diamètres montrent que l'é- [laisseur des cordons antérieurs, mesurée du bord antérieur de la moelle, à la commissure blanche, est moindre que la même épaisseur mesurée sur une moelle saine. La mensuration n'ayant pas été faite sur un assez grand nombre de coupes à diverses hauteurs, nous ne pouvons pas en donner une moyenne qui possède un degré suffisant de précision, mais nous pouvons dire que la masse des faisceaux antéro-latéraux de la moelle avait subi une atrophie très-appréciable. Ainsi dans la fig. ?>, pi. V, qui représente une coupe au niveau du commencement du renflement lombaire vue à 12 diamètres, les cordons postérieurs ont une surface beaucoup plus étendue relativement à celle des cordons antéro-latéraux, quelle ne le serait sur une moelle normale. Aussi voit- on sur cette figure que la circonférence des cordons antéro-latéraux, au lieu de continuer la courbe des cordons postérieurs, appartient à une circonférence dun plus petit rayon. Sur le diamètre antéro-postérieur, répaisscur des cordons antérieurs est égale à 22 divisions du micromè- tre, l'épaisseur des cordons postérieurs est égale à 50 divisions, et si l'on compare ces dimensions avec celles d'une moelle saine, on trouve que le diamètre antéro-postérieur est .d'un quart à un cinquième pliis petit qu'il ne serait à Tétat normal.

En examinant les coupes de la moelle a de plus forts grossissements, nous avons constaté qu'il existait dans toute l'étendue de la moelle, depuis les premières paires cervicales jusqu à sa terminaison, une al téralion anatomique caractérisée par la présence en quantité consi- dérable de corpuscules amyloïdes. Ces corpuscules étaient surtout abondants dans les cornes antérieures de substance grise, principale ment au niveau des vaisseaux, et dans les cordons antérieurs. Néan- moins on en trouvait aussi dans les cordons postérieurs. La fig. 4, pi, V , qui représente une corne antérieure, à un grossissementde 90 diamètres {Ocul.l, obj, 5 de llartliach), donne une juste idée de la quantité énorme de ces coqiuscules. On voit en N une cellule nerveuse qui est, du reste, la seule que montrait cette préparation ; mais sur des coupes plus épais- ses nous avons vu que les cellules nerveuses étaient intactes et avaient conservé leurs rapports normaux.

Ainsi, en résumant les points principaux de cette observation, il en résulte qu'une paralysie infantile datant de l'âge de 2 ans, a donné comme lésions anatomiques à l'âge de 49 ans :

1* 'Une substitution graisseuse complète des muscles avec atrophie des fibres primitives ;

Une dégénération graisseuse des nerfs avec atrophie des tubes nerveux ;

m

Une atrophie des faisceaux antéro-postérieurs de la moelle avec production de corpuscules amyloïdes dans toute son étendue.

Ces lésions des organes moteurs sont d'autant moins prononcés qu'on remonte de la périphérie, c'est-à-dire des muscles au centre, ou à la moelle.

L'exemple que nous venons de donner d'une lésion médullaire dans la paralysie infantile est le premier fait de ce genre qui ait été publié; mais il n'est pas le seul qui ait été observé jusqu'à présent. Au com- mencement de l'année 1863, un enfant atteint de cette affection est mort dans le service de M. Roger à l'hôpital des Enfants-Malades. Mon excellent collègue M. Laborde, qui avait pris l'observation clinique du malade, m'a remis la moelle pour en faire l'examen, et j'ai trouvé dans les faisceaux antérieurs une plus grande quantité qu'à l'état normal de corpuscules de tissu conjonctif. (Cette observation doit figurer dans un travail complet que MM. Roger et Laborde préparent sur la paralysie infantile.)

Ce sont les deux seules autopsies de cette paralysie l'on ait trouvé des lésions dans la moelle ; mais pour être peu nombreuses, elles n'en sont pas moins positives : resterait à déterminer si, dans ces cas, la lésion affecte primitivement les muscles, les nerfs ou la moelle. Nous n'avons aucune raison certaine tirée de l'anatomie pathologique pour résoudre cette question, l'analyse des symptômes observés pendant la vie conviendrait mieux pour la décider.

Aussi, bien que nous croyons que les organes périphériques, les mus- cles et les nerfs soient atteints les premiers, nous n'avons pas de preu- ves assez certaines pour entraîner la conviction.

M. Charcot nous a communiqué une observation très-curieuse qu'il a faite, prouvant que les membres paralysés dans la paralysie infantile n'obéissent pas comme les membres sains à la rigidité cadavérique. Voici cette observation :

Un enfant paralysé du pied et de la jambe droite depuis le mois d'août 1862 meurt du croup le 26 novembre 1863, à cinq heures du soir. A huit heures et demi du même soir, le membre inférieur gauche était dans la rigidité absolue; il pouvait être élevé tout d'une pièce et paraissait plus long que celui du côté opposé. Le membre droit, para- lysé pendant la vie, était au contraire flasque dans toutes ses parties. A dix heures un quart, la hanche et le genou droit s'étaient un peu roidis dans l'extension. Le pied était resté tout à fait flasque. Le mem- bre gauche 'avait conservé sa roideur.

Ainsi, dans ce cas, la partie paralysée reste soustraite à la rigidité cadavérique pendant que le membre sain est envahi par elle presque aussitôt après la mort.

193

4* E?'r01S0.NNEMK>iT fAft UNE APPLICATION DE NITRATE ACIDE DE MERCCKE SL'R LNE LARGE SURFACE DE LA l'EAU j MORT LE NEUVIÈME JOUR APRÈS l" ACCIDENT ;

par M. E. Vidal-

Une femme de 26 ans, d'une faible constitution, chloro-anéraique, souffrant depuis plusieurs années de dyspepsie et de douleurs névral- giques, entrait à l'Hôtel-Dieu le 27 juillet 1863, en proie aux plus vives douleurs que puisse causer une cautérisation, sur une large surface, par un liquide caustique. Par une inconcevable méprise, la personne char- gée de lui donner des soins, se trompant de fiole, au lieu du liniment ordonné, avait employé en friction une partie du contenu d'un flacon de nitrate acide de mercure.

La friction avait été faite avec un linge imbibé de ce liquide et avait duré de cinq à six minutes, malgré les cris de douleur de la patiente.

Au moment de l'entrée, on constatait sur le côté gauche de la poi- trine, dans une étendue de la largeur des deux mains, les traces d'une cautérisation profonde du derme. Cette portion de la peau était d'un rouge brunâtre, tuméfiée et saillante au-dessus des parties restées sai- nes, et ses contours étaient indiqués par une ligne d'un blanc jaunâtre, large de 4 à 5 millimètres. Sur le dos, au niveau de la partie moyenne de l'omoplate gauche, existait une seconde escarre, ayant à peu près les dimensions de la main; le derme, vivement enflammé, était d'un rouge vif, ecchymotique, parsemé de taches d'un jaune brun.

Cette large brûlure était également circonscrite par un liséré blanc jaunâtre. Il en partait une traînée jaune d'un centimètre de largeur, traversant le dos obliquement et descendant vers la hanche droite. Cette traînée indiquait que le liquide caustique avait été employé en quan- tité et qu'une partie avait coulé au delà des limites de la région fric- tionnée.

La malade était dans un état d'anxiété extrême. Pendant la nuit, elle tomba dans une grande prostration et fut prise à cinq ou six reprises de vomissements de matières bilieuses.

Le lendemain 28 juillet, je trouvai cette malade dans l'état choléri- forme le plus grave :

Refroidissement général, algidité très-marquée des extrémités, du nez et de la langue, traits tirés, yeux excavés, pâleur livide de la face, cyanose des lèvres et des extrémités. Voix très-faible, presque éteinte; sentiment de lipothymie et d'anxiété épigastrique; nausées continueJ- les. Pouls petit, presque filiforme, très-fréquent.

Une potion additionnée de rhum et de teinture de musc, des boissoh» chaudes excitantes réchauffèrent un peu la malade: cependant les vo- missements continuèrent pendant la journée et pendant la nuit, c. K. 13

194 Constipation et aiiurie.

29 juillet. Les vomissements bilieux contiennent quelques filets de sang, la face est toujours grippée, les extrémités encore cyanosées bien que l'algidité soit moins prononcée que la veille. Les souffrances sont très-vives. L'intelligence est très-bien conservée.

Depuis la veille au soir, la malade sent que ses gencives sont enflées. Elles sont en effet gonflées et saignent facilement; la muqueuse buccale est rouge et tuméfiée dans les replis des lèvres. Il nV a pas de saliva- tion, mais, particularité bien remarquable, il s'est j)roduit depuis la veille un liséré noirâtre des plus tranchés sur le bord libre des genci- ves. Ce liséré, très-prononcé autour de la sertissure des dents incisives- et canines de la mâchoire inférieure et de la mâchoire supérieure, est moins marqué autour des molaires. Le ventre est rétracté, la constipa- tion persiste. La malade n'a ])as uriné depuis vingt-quatre heures; la vessie est vide. Les vomissements persistent, malgré la glace et l'eau de Seltz.

30 juillet. Les escarres sont entourées d'une auréole Inflammatoire et commencent à se détacher. Les vomissements sont glaireux, filants et encore très-fréquents, bien que diminués un peu par l'administration d'une potion de Rivière. Deux évacuations alvines, brunâtres et demi- liquides. Ténesme vésical. Impossibilité d'uriner; la sonde, introduite dans la vessie, ne ramène que quelques gouttes de mucosités sanguino- lentes.

1" août. Les vomissements ont diminué, mais la diarrhée est abon- dante et accompagnée de coliques. Les évacuations sont involontaires et la malade, très-affaiblie, se plaint de céphalalgie, d'éblouissements et de tintements d'oreille. Le refroidissement persiste; le pouls est petit, filiforme, à 140 pulsations.

2 août. L'algidité augmente, la faiblesse extrême, la voix éteinte; la malade ne répond plus que par signes, lorsqu'on la tire de l'état demi- comateux dans lequel elle est plongée. Les vomissements ont cessé. La diarrhée est séreuse, jaunâtre ; les évacuations sont fréquentes.

3 août. L'escarre du dos est détachée et laisse à nu une large plaie couverte de bourgeons charnus et en pleine suppuration.

4 août. Les vomissements n'ont pas reparu, l'anurie continue ; les selles sont toujours diarrhéiques; le pouls d'une fréquence extrême est à peine perceptible, les extrémités sont cyanosées. La malade ne ré- pond plus et est dans un état de coma qui annonce une fin prochaine. Elle meurt sans agonie à trois heures de l'après-midi.

Autopsie. Los vJL^cères de la poitrine et de l'abdomen étaient conges- onnés d'une coloration analogue à celle qu'ils présentent chez les as-

195 phyxiés. Ils (étaient gorgés d'un sang noir, fluide, contenu également en assez grande quantité dans le cœur et dans les veines caves.

On no trouvait dans les plèvres, même au voisinage des escarres, au- cune trace d'inflammation.

La surface interne de l'estomac était rouge, arborisée, ponctuée d'ec- chymose, en quelques points de la grande courbure. Cette môme arbo- risation inflammatoire et des ecchymoses nombreuses, existaient sur la muqueuse de la vessie. On les retrouvait également dans presque toute la longueur de l'intestin.

Le foie semblait un peu augmenté de volume ainsi que les reins.

L'examen microscopique de ces derniers organes fait constater une injection prononcée du parenchyme rénal, principalement au niveau des glomérules de Malpighi, qui forment un pointillé rougeâtre. Les cellules épithéliales sont les unes déformées et granuleuses, les autres partielle- ment détruites : on en retrouve les débris à l'intérieur des tubuli-

Le cei'veau ne paraissait pas altéré, un sang noir, fluide, remplissait les sinus.

L'escarre de la partie latérale gauche de la poitrine atteignait en profondeur l'aponévrose musculaire ; toute l'épaisseur du derme et du tissu cellulaire sous-jacent avait été pénétrée par le caustique.

A l'examen au microscope d'un morceau de ce derme, on voyait çà et des points noirâtres de substance amorphe, mais on ne trouvait pas le mercure sous forme de globules reconnaissables.

M. Flandrin, interne en pharmacie, très-habile dans les manipulations chimiques, voulut bien se charger de rechercher le mercure dans le foie, les reins, le cœur et le cerveau.

Le résultat de cette analyse a démontré la présence d'une quantité sensible de mercure dans le foie : les autres organes n'en ont point offert de traces.

IIL Pathologie comparée.

Tubercules du foie et des reins chez une truie; par M. le professeur

Rayer.

M. Collonties, inspecteur de l'abattoir de Château-Landon, a bien voulu m'adresser plusieurs pièces pathologiques dont voici la descrip- tion détaillée :

Une truie âgée de 2 ans, d'un poids de 130 kilogrammes, et qui avait fait deux ou trois portées, fut abattue sans avoir présenté aucun signe de maladie.

A l'autopsie, on trouva le foie et les deux reins farcis d'une multi- tude de noyaux blanchâtres, arrondis, très-rapprochés les uns des

!06 autres. Les plus volumineux pouvaient offrir 5 à 6 centimètres de dia- mètre, et faisaient saillie à l'extérieur. Dans l'intervalle, le parenchyme hépatique et rénal était parfaitement normal.

Examinées au microscope, ces petites tumeurs présentent une quan- tité considérable de petits noyaux à forme irrégulièrement sphéroïdale, à contours nettement accusés, finement granulés et contenant un ou plusieurs nucléoles, et résistant à l'action de Tacide acétique. Ils sont environnés d'un grand nombre de gouttelettes graisseuses.

Tous les autres organes de l'animal étaient parfaitement sains,

FEU DE SAINT-ANTOINE CHEZ UN PORC MALE.

Cet animal a été frappé avec une telle intensité que, dans l'espace d'une heure après le début de la maladie, il est devenu indispensable de l'abattre.

On a trouvé l'estomac chargé d'un liquide noirâtre, au milieu duquel nageaient quelques aliments non encore digérés. La muqueuse gastrique était tuméfiée et fortement injectée. L'intestin grêle, ballonné par des gaz excrémentitiels, offrait aussi une injection notable. La moelle épi- nière était plongée clans un liquide sanguinolent, comme chez les ani- maux surmenés. Enfin le derme était le siège d'une injection sanguine des plus intenses, et qui pénétrait à plusieurs centimètres de profondeur dans le lard.

Les reins de cet animal, qui nous ont été envoyés, offraient un rouge vif, ot se trouvaient parsemés de petits points visibles à l'œil nu : c'é- taient les glomérules de Malpighi très-fortement injectées, ainsi que l'examen histologiquo a permis de le constater.

COMPTE RENDU DES SÉANCES

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LA SOCIETE DE BiOiaGIE

penpant le mois de décembre 1863; Par m. le Docteur ÛRDONEZ, secrétaire.

PRESIDENCE DE M. R4YER.

I. Botanique.

Recuerche du sl'Cre dans I a séye, et i^n général dans les divers sucs DES végétaux; par M. le professeur Chatin.

Les analyses de plusieurs savants, et notamment celles de MM. Biot, Boussingault et Payen, indiquaient le sucre comme partie constituante de la sève des végétaux. Or la confirmation et la généralisation de cet aperçu importaient d'autant plus à la physiologie végétale que le sucre peul, par un simple changement isomérique, devenir cellulose, comme la fibrine du sang devient chair musculaire par une simple modification organique.

Les points de vue sous lesquels je me suis proposé de considérer la question ressortent des conclusions suivantes :

A. Sucre dans la série végétale. Les monocotylédones sont, on

198 moyenne, plus sucrées que les dicotylédones. Dans les acotylédones, les cryptogames vasculaires comptent parmi les plantes les plus riches en sucre , les cryptogames cellulaires parmi les plus pauvres.

Chaque grand embranchement compte d'ailleurs des familles à sève très-sucrée, et des familles à sève ne contenant que des traces de sucre. Dans les dicotylédones, les Bignoniacées, Jasminées, Ericacées, Campa- nulacées, etc., sont notablement sucrées; les Plombaginées, Plantagi- nées, Nyctaginées, Amarantacées, le sont beaucoup moins.

Chez les monocotylédones, la sève est très-sucrée dans les Grami- nées, Cypéracées, Joncées, Asparaginées, Cycadées; elle l'est peu dans les Amomées, la plupart des Cannées et des Broméliacées. Parmi les cryptogames cellulaires, les Mousses et les Hépatiques contiennent encore une notable proportion de sucre, principe qui manque presque complètement aux Fucacées.

La proportion du sucre est souvent assez uniform.e dans un même groupe naturel, mais il est quelques familles offrant entre leurs divers genres, parfois dans les espèces d'un même genre, de grandes diffé- rences. De deux catégories de familles par rapport à la richesse sac- charine, savoir les familles homogènes (Graminées, Bignoniacées, Amo- mées), et les familles hétérogènes (Labiées, Légumineuses, Rutacées).

B. Organes divers d'une même plante. Les rapports généraux qui suivent découlent de l'ensemble de mes observations :

La tige est plus sucrée que les feuilles;

La portion inférieure de la tige est généralement plus riche en sucre que la région terminale ;

Le pétiole est plus sucré que la lame de la feuille ;

La fleur est plus sucrée que la feuille ; le péricarpe, plus que la graine ;

La portion souterraine de la plante est plus riche en sucre que sa portion aérienne ;

Le rhizome est plus sucré que la portion aérienne de la tige ;

Les racines qu'émet le rhizome sont moins sucrées que celui-ci ;

La souche des racines pivotantes est plus sucrée que les radicelles qu'elle porte ; elle est à celles-ci ce qu'est le rhizome aux racines qui s'y attachent ;

Le maximum de richesse saccharine du corps de la racine pivotante est vers sa partie moyenne ;

Les radicelles ultimes sont moins sucrées que les racines auxquelles elles font suite.

Si donc une plante est considérée dans son ensemble, on trouve que ce sont ses extrémités ou ses expansions ultimes (dernières ramifications des racines dans le sol, appendices foliacés dans l'atmosphère) quiren-

19'J

ferment les sucs les moins sucrés. On ne peut ne pas remorquer que ces organes, les plus j)auvres en sucre, sont les agents osscnliels de l'absorption.

C. Sucre à divers âges des organes. La proportion du sucre n'est pas toujours, comme celle de l'azote établie par les belles recherches de M. Payen, à son maximum dans les très-jeunes tissus; elle n'atteint parfois ce maximum qu'à un certain moment de l'âge adulte pour les parties foliacées, à l'époque de l'anlhèse pour les fleurs, vers la pé- riode de repos pour les organes souterrains, avant la maturation pour les graines et les fruits herbacés ou coriaces, et seulement à la matura- tion complète dans les fruits charnus.

D. Sucre en diverses conditions météorologiques, La proportion du sucre varie suivant la température, la lumière, l'humidité, et en gé- néral suivant les conditions climatologiques.

Une même plante a plus de sucre au soleil qu'à l'ombre, et cepen- dant la portion souterraine et complètement étiolée de sa tige ou de ses feuilles a des sucs plus sucrés que ceux de la portion aérienne de ce.s organes.

En automne, la proportion du sucre dans les parties herbacées en végétation active paraît souvent très-affaiblie. La proportion du sucre est, en efi'et, moindre qu'en été par rapport à la masse des sucs, mais cette masse s'étant elle-même proportionnellement accrue par l'absorp- tion de l'eau des pluies et par l'affaiblissement de la transpiration, la quantité du sucre n'est, en réalité, pas habituellement diminuée dans ces organes.

La dessiccation automnale des organes que la vie abandonne paraît, au contraire, par la raréfaction des sucs, augmenter la proportion du sucre.

Dans les organes étiolés, il y a aussi accroissement de la masse du suc par rapport aux parties solides; mais en môme temps la quantité du sucre s'est tellement accrue, que la proportion de celui-ci y est plus forte que dans les parties herbacées voisines.

E. Influence de la floraison et de la. maturation. Elles diminuent, en des proportions d'ailleurs fort diverses, la richesse saccharine des organes de la nutrition, mais ne font jamais disparaître la totalité du sucre. L'appauvrissement est surtout prononcé dans les racines des espèces herbacées dont la tige est d'une poussée rapide et très-florifère (Betterave).

F. Rapports du sucre avec d'autres principes. De très-remarqua- bles et constants rapports lient l'histoire du sucre à celle d'autres prin- cipes auxquels leur diffusion générale dans la sève des plantes fait at-

20Û

tribuer, comme au sucre lui-même, un rôle important pour la vie de

celles-ci.

a. Rapports avec Les tannins. Ces rapports méritaient un examen d'autant plus sérieux que de savants chimistes, forts de quelques expé- riences de laboratoire, et s'appuyant sur ce fait que dans les fruits (oranges, poires et pommes) la proportion du tannin décroît, tandis que celle du sucre augmente à mesure que le moment de la maturation ap- proche, soutiennent que le sucre est un corps de formation secon- daire dont le tannin est le premier âge. Mais les observations nombreu- ses comprises dans ce travail, celles surtout qui portent sur des organes ne contenant jamais que peu ou point de tannin, et cependant les plus riches en sucre, détruisent cette hypothèse. Le chou et la laitue verte ne contiennent qued'inflmes traces de substances tannoïdcs, et cependant ils développent beaucoup de sucre, surtout par l'étiolemenl. Les raci- nes les plus sucrées (betteraves, navets, etc.) ne contiennent de tannin à aucune époque de leur développement.

h. Rapports avec les mucilarjes. La proportion du sucre est d'au- tant moindre que celle du mucilage est plus forte. Les fucus, dont les sucs ne sont habituellement qu'une masse muqueuse, comptent parmi les plantes les plus pauvres en sucre.

c. Rapports avec la fécule. Schacht a avancé que la présence de la fécule exclut celle du sucre. Cette opinion, assez bien d'accord avec les faits généraux relatifs à la maturation des graines, ne peut être ad- mise qu'avec d'importantes restrictions, beaucoup de racines (batale, belladone, pachysandra, etc.) étant à la fois riches en sucre et en fé- cule.

cl. Rapports avec l'invline. Ce que Schacht disait de la fécule par rapport au sucre s'applique avec beaucoup plus de justesse à l'inuline, matière qui remplace la fécule dans les synanthérées. L'inuline, regar- dée jusqu'à ce jour comme de la famille des fécules, me paraît devoir être rattachée de préférence aux sucres avec lesquels elle partage la propriété de subir la fermentation alcoolique.

e. Rapports avec la viannite. La mannite paraît être en propor- tion inverse de celle du sucre dans quelques algues [Laminaria sac- charina^ etc.), mais ce rapport ne se soutient pas en d'autres végétaux (sucs des Fraxinus Ornus, F. floribunda, etc.).

f. Rapports avec la pectine. Le sucre paraît diminuer quand la pectine augmente. Le coing, et surtout le coing de Chine {Cydonia vul- garis et C. sinensis), sont les poires les plus pauvres en sucre et les plus riches en pectine.

g. Rapports avec les acides. Le sucre est en raison inverse de l'a- cidité. Ce rapport me paraît être absolu. Le citron est moins sucré que

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l'orange; les Rutnex âcidcs {H. status^ R. acetosa) le sont moins que les espèces non acides {lî. patientia, etc.); le sucre tombe à 0 dans des Bégonia, plantes que mes observations classent parmi les plus ri- ches en oxalate acide de potasse.

h. Rapports avec les alcalis.— Ih ne m'ont pas semblé appréciables, qu'on ait égard aux alcalis organiques (alcaloïdes) ou aux alcalis miné- raux, observation d'ailleurs en rapport avec ce fait, que les alcalis de la sève sont toujours saturés par des acides. Il n'y a pas môme d'ex- ception réelle à cet égard par les plantes marines.

i. Rapports avec les matières azotées. Dans les plantes comme dans les animaux, on peut admettre deux classes de matières azotées, savoir : les matières protéiques ou albuminoïdes essentiellement orga- niques et les matières cristallines (urée chez les animaux, asparagine dans les végétaux), produits secondaires de celles-là. Or c'est dans les parties étiolées ou non vertes des plantes (racines, rhizomes, portions hypogées des tiges et des feuilles, cœur des choux et des salades, fruits charnus), possédant la propriété de produire du gaz carbonique au lieu de le décomposer, qu'on trouve à la fois le plus de sucre et d'asparagine (1). Il n'y a pas d'ailleurs d'exclusion entre les substances albumino'ides et le sucre.

j. Rapports avec les corps gras-- La proportion du sucre diminue à mesure que celle du corps gras augmente (dans le développement des grains).

G. Aperçus relatifs à la diagnose et aux ajjinités des groupes.— h?i proportion du sucre est souvent, on l'a vu plus haut, en rapport avec les familles naturelles et avec certains composés chimiques. De des applications possibles à la détermination d'affinités rnéconnues ou con- testées. C'est ainsi que la minime proportion du sucre co'incidant avec l'acidité des sucs par le bioxalate de potasse dans les Bigoniacées et les Polygonées, donne raison à ceux des botanistes qui admettent d'intimes rapprochements entre ces deux familles, l'une et l'autre d'une organi- sation si spéciale.

H. Considérations relatives à la physiologie. Des faits observés ressortent quelques enseignements pour la physiologie, que je m'efforce de mettre en relief. Les rapports inverses entre le sucre et ses isomères (fécule, inuline, mucilages, etc.), indiquent clairement que ces matières se remplacent réciproquement pour l'aliment du végétal, et suivant la nature de ses organes. En voyant, d'autre part, des matières oxigénées

(1) Ces faits s'accordent avec des observations récentes de M. Bous- singault. (Note ajoutée à l'impression.)

r*- '/ iv

(acides) et hydrocarbonées (corps gras) remplacer aussi le sucre, le phy- siologiste doit, admettre que ces corps peuvent, par des réactions dont la plante a encore le secret, être ramenés aux isomères de la cellulose. La richesse en sucre comme en matière azotée des jeunes tissus, té- moigne du rôle qu'il joue à ce moment d'activité de la vie des organes. Et enfin la présence de l'asparagine dans les racines, fleurs, fruits, etc., organes à respiration végétale affaiblie ou même renversée, suggère un rapprochement inattendu avec la prédominance d'un autre amide, l'u- rée, chez le diabétique (dont la maladie paraît tenir à un affaiblissement de la respiration).

I. Aperçus touchant à Corganographîe. La connaissance de la différence que présentent des organes donnés, quant à leur richesse en sucre, peut être appliquée à la détermination de la nature vraie d'un organe de nature litigieuse. C'est ainsi que la portion libre de la feuille des graminées, prise par les uns pour un limbe vrai, par les autres pour un pétiole aplati, doit être classé parmi les limbes, en raison de la faiftle proportion de sucre qu'il contient comparativement à la gaîne.

J. Applications. Elles se rapportent à la médecine et à l'économie domestique : à la médecine, qui trouvera dans les plantes acides et dans celles riches en mucilage des aliments utiles aux diabétiques; à l'économie domestique, qui mettra à profit, notamment pour la pro- duction de l'alcool, les données sur la richesse saccharine d'un grand nombre de plantes ou de parties de plantes (péricarpes du Pisum, du Tubu, etc.).

IL Amatomie.

Note sur le lieu précis ou se montre le premier point d'ossification des os LONGS ; par M. le docteur Charles Robin, professeur d'histologie à la Faculté de médecine de Paris, etc.

Le point d'ossification des cartilages précédant l'humérus, le radius, le cubitus, le fémur, le tibia et le péroné, commence sous forme d'une tache grisâtre, devenant bientôt opaque. Ce point débute au milieu de la longueur de ces cartilages, milieu qui en est la partie la plus mince. Ce n'est pas au centre du cylindre qu'il apparaît, mais à son côté interne, immédiatement sous le périchondre qui deviendra périoste, mais séparé de lui par une mince couche de substance de hyaline épaisse d'un centième de millimètre environ. A cette époque, le périoste est encore formé de corps fibro-plastiques fusiformes; par la direction de ceux-ci et par la teinte plus foncée de la mince couche qu'ils forment, il tran- che sur la substance transparente du cartilage et sur les chondroplastes larges, arrondis ou ovoïdes, devenus larges en cet endroit, dont elle est

•203

parsemée (1). Ce point osseux est en forme de cône, à sommet mousse tourné vers Taxe du cartilage que d'abord il n'atteint pas, et sa base s'arrête net cesse le cartilage sans empiéter sur le périoste ([u'elle ne touche pas tout à fait. Cette base s'élargit à mesure que le sommet gagne du côté opposé, pour dépasser bientôt l'axe du cartilage et at- teindre le périchondre du côté externe de l'organe, au côté diamétrale- ment opposé à celui la tache osseuse a débuté. Lorsque le point os- seux atteint ce côté opposé, il s'est tellement élargi à sa base qu'il a perdu sa forme conoïde pour prendre celle d'un disque séparant le car- tilage en deux moitiés, l'une supérieure, l'autre inférieure.

Dès l'époque ce point osseux conique a empiété sur les deux tiers de l'épaisseur du cartilage, sa base est assez large pour qu'il ait déjà l'air d'un disque, surtout si au lieu de regarder l'organe en voie d'ossi- fication par l'une de ses faces antérieure ou postérieure, i! est placé de manière que cette base soit tournée sous le microscope vers l'œil de l'observateur.

Ainsi ce point osseux apparaît et s'avance dans le cartilage sous forme de cône aplati de haut en bas ; il atteint le côté opposé et prend la forme d'un disque complet au milieu de l'os dont le cartilage préexis- tant est ainsi divisé en deux moitiés, avant que ce cartilage, le péri- chondre et ce point osseux lui-môme possèdent des capillaires et de la moelle.

La substance du sommet du cône osseux qui empiète de plus en plus sur le cartilage est éloignée de tout périoste pendant cette progression et ne peut être considérée comme produite par celui-ci. Il en est de même des faces supérieure et inférieure de ce point osseux médian quand il a pris la forme d'un disque qui s'épaissit de plus en plus pour former bientôt un cylindre osseux diaphysaire, à mesure que ces deux

(1) Ce serait vouloir se mettre de parti pris en contradiction avec la réalité que de cliercher dans ces conditions de la génération des os, qui sont les plus habituelles, à faire provenir les ostéoplastes d'une modifi- cation quelconque des corps fibro-plastiques {cellules plasmatiqiies de quelques auteurs) ou de leurs noyaux, ainsi qu'ont voulu le faire quel- ques médecins, puisque ces éléments n'existent pas dans le cartilage naît la substance osseuse. Nulle part, du reste, on ne voit à la place naissent les maxillaires, les os de la voûte du crâne, non plus que dans le périoste les corps flbro-plastiques, ni les noyaux embryoplastiques rangés régulièrement autour des capillaires, comme le sont dans un ordre déterminé les ostéoplastes autour des canaux vasculaires dans la tissu osseux.

204 faces empiètent sur le cartilage en s'avançant du côté des extrémités articulaires.

Au fond, ici encore, ce fait rentre dans le cas de l'autogenèse os- seuse, ayant seulement lieu au sein du cartilage et non au milieu du tissu embryoplastique bordant la bouche, par exemple, ou du tissu fibreux des parois encéphaliques; et dans ce cas-là pas plus que dans ceux-ci on ne peut saisir la production ou prétendue sécrétion de l'os par un autre tissu, tel que le périoste, par exemple, ni le passage du noyau des corps fibro-plastiques de ce dernier à l'état d'ostéoplastes.

D'un embryon à Vautre on trouve des différences sensibles touchant l'ordre de l'apparition de ces points osseux. Quant à l'époque de leur apparition, la plupart des auteurs la font de cinq à huit jours plus ré- cente qu'elle n'est en réalité, ainsi que le montrent les renseignements précis que parfois on peut prendre à cet égard. Sur un embryon long de 24 millimètres du périnée au vertex, la petite plaque triangulaire osseuse représentant la mâchoire supérieure à son début était longue d'un demi-millimètre, le point osseux de la mâchoire inférieure était grêle, long d'un millimètre; celui du cartilage de la clavicule occupait toute l'épaisseur de celle-ci et était long d'un millimètre. Le point os- seux conoïde placé au côté cubital du cartilage de l'humérus n'empié- tait pas au delà de la moitié de l'épaisseur de ce cartilage. Un point osseux de même forme existait sur le milieu de la longueur du carti- lage du radius à son bord cubital et n'empiétait pas jusqu'au milieu de son épaisseur. A ce niveau, le bord opposé du cubitus, c'est-à-dire celui qui correspond au doigt auriculaire, présentait à la loupe et sous le microscope une petite tache grisâtre, plus foncée que le reste du cartilage, mais non opaque.

Un point osseux formant un petit disque occupait toute l'épaisseur du milieu du fémur et était un peu plus épais au côté interne de cet organe qu'au côté externe. Sur la face interne du cartilage du tibia existait un point osseux cono'ide empiétant déjà sur les deux tiers de la partie moyenne de ce cartilage. Le bord tibial ou interne du cartilage du péroné montrait, vers le milieu de sa longueur, une tache grisâtre demi-transparente analogue à celle indiquée plus haut sur le cubitus, mais plus foncée.

Sur un embryon déjà long de 30 millimètres depuis le périnée jus- qu'au vertex, les petites lames osseuses triangulaires du maxillaire su- périeur étaient longues d'un millimètre; celles plus allongées, presque quadrilatères, du maxillaire inférieur, avaient près de deux tiers de mil- limètre de large et étaient longues de 2 millimètres et demi.

Le point osseux de la clavicule avait 2 millimètres de long. Celui de l'humérus était cono'ide, comme sur l'autre embryon, mais plus gros ;

205 il empiétait déjà sur les deux tiers de l'épiii^seur du cartilage précédant cet organe, sans que, contrairement à ce qu'on voyait sur Teml^ryon ci-dessus, il y eût encore trace sur le radius et sur le cubitus de point d'ossification, ni même de la tache grisâtre qui en annonce l'appari- tion.

Sur le fémur le point d'ossification occupait toute l'épaisseur du car- tilage, mais était un peu plus épais vers sa face interne qu'à sa face externe. Sur le tibia existait un point d'ossification empiétant sur les trois quarts environ du cartilage, mais sans point osseux ni tache gri- sâtre même, dans le milieu du péroné. Ainsi dans les deux embryons les points d'ossification étaient plus avancés à la cuisse et à la jambe qu'au bras et à l'avant-bras; mais le plus jeune avait déjà un point os- seux au radius et des traces d'apparition prochaine de l'os au milieu du cubitus et du péroné, alors qu'il n'y en avait pas sur ces derniers cartilages chez un fœtus plus long de 6 millimètres pour le tronc et la tête seulement.

On remarquera aussi que ces points osseux des trois os longs de chaque membre apparaissent à leur côté interne, de sorte qu'il n'y a que pour l'humérus que le lieu occupé au début par ce point osseux conique, coïncide avec l'endroit qu'occupera plus tard le canal nourri- cier de l'os.

Toutes les fois que l'os naît dans un cartilage et se substitue à lui, celui-ci a déjà, lors de l'apparition de la substance osseuse, la forme générale de l'organe osseux qui le remplace peu à peu; mais jamais l'os ne se produit dans tout le cartilage à la fois et lors de son apparition il n'a ni la forme du cartilage au sein duquel il naît, ni celle qu'il aura par la suite. Ce dernier fait, du reste, s'observe également pour les os qui naissent sans cartilage préexistant.

Toutes ces données prouvent qu'on ne peut avoir une notion exacte du développement du système osseux en général et de chaque os en particulier, si on l'étudié, ainsi que cela est l'usage, en faisant abstrac- tion de la forme et des autres caractères du cartilage préexistant à l'os ; si Ton détruit ce cartilage par la putréfaction pour ne conserver que l'organe osseux qui vient de se substituera lui. 11 importe, au contraire, de savoir pour chaque os, quand et comment naît le cartilage qui le précède, quand et comment naît la substance osseuse dans celui-ci. Enfin, il n'importe pas moins de suivre ensuite et d'une manière paral- lèle, en quelque sorte, les phases du développement des deux parties, cartilagineuse et osseuse, de chaque pièce squelettique jusqu'à ce que celle-ci soit entièrement substituée à la première; car le cartilage con- tinue à présenter des changements évolutifs considérables, après l'ap- parition de l'os dans son épaisseur.

Ces notions une fois acquises, en jirocédiint de celte manière, vien- draient changer en bien des points les idées qui régnent encore sur ce qu'on nomme les lois de l'osléogénie en particulier et sur le système osseux considéré soit dans la série des vertèbres, soit sur chaque espèce animale en particulier.

En conduisant à déterminer exactement la nature réelle des tissus par la connaissance des éléments qui les composent et par celle de leur mode do naissance et de développement, l'anatomie générale apporte ainsi de notables modifications dans la manière, jusqu'à présent adoptée, d'envisager les systèmes anatomiques, et donne à leur étude une impor- tance plus grande que celle qu'on croyait devoir lui attribuer (1).

m. Physiologie. Notes pour servir \ l'iustoire de l'asphyxie; par M. Paul Bert.

I. Rcsisiance à C asphyxie des animaux à sang chaudnouveau-îiés.— La lenteur avec laquelle survient la mort des mammifères nouveau-nés quand on les immerge dans l'eau est vulgairement connue depuis les recherches de R. Boyle (1670), de Buffon, de Legallois, etc.. Ces ex- périmentateurs ont constaté que cette résistance à l'asphyxie persiste pendant les jours qui suivent la naissance, mais va en diminuant jus- qu'à une époque qui n'a pas été nettement déterminée et qui bien évi- demment varie pour chaque espèce.

La plupart des auteurs classiques s'accordent à faire coïncider cette époque avec l'oblitération des orifices (trou de Botal, canal artériel), qui font chez le fœtus communiquer directement les cavités droites avec les cavités gauches du cœur, sans que le liquide nourricier soit obligé de passer par la circulation pulmonaire. On conçoit en effet que cette voie toujours ouverte, permettant au sang de cheminer librement, alors que la respiration est suspendue et le poumon gorgé, puisse aider à la prolongation de la vie.

Je ne veux pas dans cette simple note insister sur les objections près- que sans réplique qu'on aurait pu opposer à cette manière de voir. Il vaut mieux en physiologie expérimenter que discuter. J'ai donc appelé à mon aide l'investigation directe, et je me suis proposé de chercher :

(1) J'établis d'abord que les os existent à l'état cartilagineux avant de devenir solides par l'addition du phosphate de chaux, et je montre en- suite que c'est dans cet état primitif qu'il faut les observer, si l'on veut acquérir des notions exactes sur les phénomènes de leur formation. (Serres, Comptes rendvs de l'Académie des sciences, 1861, t. LIIL)

207

1" si, chez certains animaux, la résistance à l'asphyxie avait encore lieu après roblitcration des orifices fœtaux; 2" si en sens inverse, chez cer- tains autres, les nouveau-nés dont les orifices vasculaires seraient en- core perméables au sang ne présenteraient pas une résistance moindre que les adultes.

Première question. Une double précaution est prise dans toutes les expériences qui vont ôtre rappelées : l'eau les animaux sont im mergés est tiède (20 à 30" C), et les animaux y sont entièrement li- bres, s;ms aucune compression, et maintenus seulement par un dia- phragme qui les empoche de remonter à la surl'ace.

Voici les résultats fournis par déjeunes rats albinos :

N" 1, âgé de l'Z à 15 heures, fait un dernier mouvement à 30™

20"

27""

15'" 1 2'"

- 11^,30'

- 7-,2œ 1"',35^

Or, à partir du 5 (inclusivement), l'examen nécroscopique fait avec le soin le plus minutieux montre que le trou de Botal comme le ca- nal artériel sont complètement oblitérés. Cependant la résistance à l'as- phyxie est évidente pendant plusieurs jours encore. 11 n'y a donc au cun rapport entre cette résistance et la perméabilité des communica- tions fœtales.

Deuxième question. La réponse m'a été fournie par déjeunes pou- lets nouvellement éclos. En effet, tandis qu'un poulet voisin de l'âge adulte se noie en trois ou quatre minutes et quelquefois un peu plus, j'ai vu les jeunes éclos depuis vingt-quatre heures, ou même sortant de la coquille, mourir dans l'eau tiède en l'",20' ou en 1",25'. Bien plus, en brisant l'œuf avec précaution quelques jours avant Téclosion, il m'a été facile de constater que le fœtus qui était déjà tout recouvert de plumes succombait à peu près aussi vite qu'après l'éclosion. Et il est bien évi- dent que dans toutes ces circonstances, canal artériel comme trou de Botal étaient entièrement ouverts.

Mais il ne faudrait pas croire que tous les jeunes oiseaux présentent la môme exception à la règle établie pour les mammifères. Si, au lieu d'expérimenter sur les gallinacés, dont les jeunes mangent eux-mêmes et courent à peine éclos, on s'adresse à ces oiseaux dont les petits sont

N" 2

3 jours

N" 3

- id.

N" i

(3 jours

5

- 7 -

N" 6

- 10 -

N" 7

13 -

8

- 20 -

l-,35'

est

le temps au bout

tes immergt

îs.

208 nus pendant plusieurs jours après réclosion, et incapables de pôurvou" à leurs besoins (passereaux, etc.), on retrouve la résistance signalée depuis si longtemps chez les chiens, lapins, etc.

En effet, de jeunes moineaux {passer domesticus, L.), n'ayant pas en- core de plumes, ont mis à se noyer de à 7", 40' ; des mésanges à tête noire {parus major, L.), dont les plumes commençaient à sortir, sont mortes en 2'°,20' à 2"°, 45% et des hirondelles de cheminée (/uVwndo ruslica, L.), dont les plus longues rémiges avaient déjà 5 centimètres, ont résisté de r',30' à ['",bO\ Or les parents de ces jeunes oiseaux meu- rent en un temps qui varie de 30' à 50'.

Il y a donc une dilTérence considérable au point de vue de l'asphyxie entre les jeunes appartenant à ces deux grandes divisions de la classe des oiseaux établies par Ch. Bonaparte, les altrices et les nutrices. Quelque chose d'analogue, mais de beaucoup moins accentué, avait été signalé par W. Edwards entre les mammifères qui viennent au monde les yeux fermés, incapables de marcher (chiens, chats, lapins), et ceux qui naissent les yeux ouverts, dans un état de développement beaucoup plus avancé (cochons d'Inde, chevreaux, etc.). En résumé, les faits rap- portés ci-dessus démontrent de la manière la plus évidente que la ré- sistance à l'asphyxie présentée par la plupart des animaux nouveau-nés n'est, en aucune façon, liée à la persistance du trou interauriculaire et du canal interartériel.

II. Différences présentées par Caspliyxie dans Cacide carbonique, dans l'azote, etc. {jeunes mammifères). Mon intention n'est pas d'a- border la difficile question de savoir comment agit l'acide carbonique dans l'asphyxie; je veux seulement indiquer un fait qui n'a pas été, je crois, signalé jusqu'ici.

On sait que les grenouilles meurent beaucoup plus vite dans l'acide carbonique que dans l'azote ou l'hydrogène ; mais on n'avait pas, à ma connaissance du moins, tenté de répéter l'expérience sur les mammifè- res, à cause de la trop grande rapidité de leur mort dans un milieu non oxygéné. Mais la longue résistance des nouveau-nés à l'asphyxie m'a conduit à expérimenter sur eux, et voici quels résultats j'ai obtenus :

Première expérience. Rats albinos de quatre ou cinq jours, pesant 6 à 7 grammes. L'expérience est disposée comme il suit : le gaz étant renfermé dans une cloche de 120° sur le mercure, l'animal est passé rapidement à travers le métal, et introduit dans la cloche ; un large bouchon est immédiatement ajouté de la même façon, de manière à éviter au jeune rat le contact refroidissant du liquide ; puis le tout est porté sur un poêle est entretenue une température d'environ 20°.

N" 1 . Hydrogène préparé par Zn et SO^HO. L'animal fait des mouve- ments d'inspiration pendant vingt-trois minutes.

2ûy

V2. Azote préparé par le phosphore à chaud cl à froid. L'animai se ilôbat pendant une minute environ, puis tombe sur le flanc, et fait des mouvements d'inspiration pendant seize minutes. Retiré, puis ouvert, on voit battre le cœur au contact de l'air.

3. CO^ bien pur. L'animal tombe bientôt sur le flanc, et fait plus aucune inspiration au bout d'une ou deux minutes. Retiré à vingt mi- nutes, le cœur ne bat plus à l'air.

3'. CO- id. L'animal s'agite pendant une minute environ, puis tombe et ne fait plus aucune inspiration. Retiré à dix minutes, le cœur ne bat plus à l'air.

Deuxième expérience. Rats du même âge à peu près que les précé- dents (sans poils encore, yeux fermés; pesant 6^', 5).

1. Azote préparé par le phosphore à chaud, et laissé sur l'eau en présence du phosphore à froid pendant quatre jours. L'animal se débat pendant une minute environ, puis exécute des mouvements inspiratoires pendant vingt-deux minutes. Retiré à vingt-cinq minutes, le cœur ex- posé à l'air bat encore et répond aux excitants.

N* 2. Noyé dans eau de 25 à 30°. S'agite pendant 1"\30", fait des mou- vements inspiratoires jusqu'à trente et une minutes. Retiré à 35 minu- tes : les oreillettes battent encore.

3. CO* bien pur. Agitation une minute; mouvements inspiratoires deux à trois minutes. Retiré à sept minutes. Le cœur ne bat plus.

Troisième expérience.— Rats un peu plus âgés que ceux de la première et de la deuxième expérience (6 à 7 grammes, commençant à avoir du poil, yeux fermés).

N" 1. Azote pur. Agitation une minute. Fait trois ou quatre inspira- tions, reste immobile trois ou quatre minutes, puis inspire à 6"", 30', 9", 12'", 13'", 13'", 30», l'i"",30% lô"". Retiré alors, il inspire encore: réchauffé, frictionné, il revient à la vie.

2. CO- pur. Agitation une minute. Fait huit ou dix inspirations de moins en moins fortes jusqu'à six minutes a lieu la dernière. Retiré à dix minutes, déjà froid, le cœur exposé à l'air ne bat plus.

Quatrième expérience.— Rats frères des rats de la seconde expérience, faite sept jours après celle-ci (poils déjà longs, yeux fermés, pesant 13 grammes).

N" 1. Azote préparé comme le précédent, et depuis huit jours au con- tact du phosphore sur l'eau. Agitation trente secondes. Mouvements d'inspiration réguliers. L'animal, retiré à 7"°, 30', réchauffé, revient à la vie.

N" 2. CO' bien pur. Agitation trente secondes; à partir d'une minute, fait de nombreuses et petites inspirations, dont la dernière a lieu k 3", 40'.

C. R. 14

2!0

Ces courtes indications sont très-suffisantes pour faire voir que, mal- gré quelques différences de détail dont la raison ne m'est pas encore bien connue, la mort dans l'acide carbonique est infiniment plus rapide que dans l'eau ou dans l'hydrogène et l'azote. Voici donc vérifié pour les mammifères ce qui avait été constaté pour les batraciens. Je me contente d'indiquer ce fait, sans vouloir encore en tirer des consé- quences théoriques.

IV. Tératologie

Mémoire sur la production de certaines formes de monstruosités simples ;

par M. Dareste.

Les expériences que je poursuis, depuis plusieurs années, sur la pro- duction artificielle des monstruosités animales, m'ont permis d'étudier plus de 300 poulets monstrueux qui se sont formés dans mes appareils d'incubation. Comme ces monstres ont été retirés de la coquille à des époques différentes de l'incubation, et que, par conséquent, ils m'ont présenté des degrés très-inégaux de développement suivant l'âge au- quel je les observais, il m'a été possible de constater par des observa- tions directes, pour un certain nombre de types monstrueux, la série des modifications anatomiques qui écartent Torganisation de l'état nor- mal, et qui impriment au développement de l'être une direction nou- velle.

J'ai actuellement tout lieu d'espérer qu'en multipliant mes expérien- ces je pourrai faire connaître l'origine et les divers états organiques qui se succèdent dans tous les types des anomalies simples.

J'ai pour objet de faire connaître ce que ces observations m'ont ap- pris sur le mode de formation des trois types d'anomalies simples qui se sont le plus fréquemment produites dans mes expériences. Ces trois types d'anomalies sont le développement nu! ou incomplet des mem- bres, les éventrations, et les hernies de l'encéphale, ou, d'après la no- menclature de M. Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, les ectromélies, les céloso- mies et les exencéphalies. Ils sont bien différents les uns des autres, quant à leur nature et quant aux régions du corps qu'ils affectent. Mais elles sont si fréquemment associées deux à deux, et même toutes les trois ensemble sur le même sujet, que j'ai me demander si elles ne seraient point les effets divers d'une seule et même cause.

La recherche de cette cause m'a déjà conduit à la connaissance d'un fait très-remarquable : en effet, tous les monstres que j'ai observés et qui appartenaient à l'une de ces trois familles, m'ont présenté une con- dition anatomique commune, consistant dans un arrêt de développe-

211

«lent de l'amnios. J'ai montré comment cet arrêt de développement de l'amnios devient lui-même la cause d'un arrêt de développement de l'allantoïde, et comment cet arrêt de développement de Tallantoïde de- vient lui-même, à un moment donné, un obstacle à l'exercice de la res- piration, et amène ainsi d'une manière fatale la mort par asphyxie de l'embryon, à une époque antérieure à l'éclosion.

Je me propose aujourd'hui d'expliquer comment cet arrêt de déve- loppement de l'amnios est en rapport direct avec la production des trois formes d'anomalies que je viens d'indiquer et d'un certain nombre d'anomalies secondaires qui paraissent, dans bien des cas, en être la conséquence : en effet, la célosomie s'accompagne fréquemment de courbures anormales de la colonne vertébrale, et l'exencéphalie est presque toujours associée à diverses anomalies des yeux ou de la face.

Et d'abord, il est bien évident que la célosomie ou l'éventration, quel que soit du reste le nombre des organes qui font hernie en dehors de la cavité thoraco-abdominale, qu'ils soient réduits au ventricule du cœur ou qu'ils comprennent le cœur, le foie, l'estomac, la plus grande partie de l'intestin, jusqu'aux poumons et aux vésicules aériennes, ne peut se concevoir sans un arrêt de développement des parois thoraco- abdominales, et sans un arrêt de développement de l'amnios. Il faut en effet, de toute nécessité, que l'ouverture ombilicale reste plus ou moins largement ouverte, pour laisser une issue aux viscères qui sont ordinai- rement contenus dans la cavité du corps. Mais il s'agit de savoir si l'arrêt de développement de l'amnios est antérieur ou postérieur à l'é- ventration.

L'étude d'un grand nombre de faits m'a convaincu que, du moins le plus ordinairement, l'éventration précède l'arrêt de développement de l'amnios. J'ai constaté en effet, dans bien des cas, l'existence d'adhé- rences entre les viscères déplacés et certaines parties de l'aire vascu- laire, ou bien entre ces mêmes viscères et certaines parties des parois de l'ouverture ombilicale elle-même. Ces adhérences résultaient de la formation de brides membraneuses. Il est bien évident pour moi que ces adhérences, lorsqu'elles existent, sont le point de départ de l'éven- tralion. Nous savons en effet que les blastèmes qui doivent former les parois abdominales de l'embryon et que l'on désigne sous les noms de lames ventrales ou viscérales, se forment des deux côtés des lames dorsales, et qu'ils sont par conséquent, à leur origine, considérablement écartés l'un de l'autre. Plus tard, les lames ventrales se recourbent au-dessous de l'embryon et se rapprochent l'une de l'autre en marchant vers la ligne médiane, de manière à transformer la lame embryonnaire primitive en une cavité cylindrique qui enferme les viscères. Rien n'est donc plus facile de comprendre que, si les viscères ont contracté des

adhérences avec l'aire vasculaire, ils forment un obstacle à la réunion médiane des lames ventrales, et qu'ils empêchent, par conséquent, la formation de l'amnios à la région antérieure des corps. Ici, comme on le voit, l'arrêt de développement de l'amnios est un fait postérieur à l'a- nomalie.

Ici toutefois je dois ajouter que je n'ai pas toujours constaté l'exis- tence de ces brides membraneuses. J'ai lieu cependant de supposer que ces brides peuvent exister à un moment donné, qu'elles peuvent, par conséquent, agir pour déterminer des anomalies, [mis se déchirer et disparaître sans laisser aucune trace appréciable de leur existence : car elles sont d'une très-grande minceur, et par suite, d'une très-grande fragilité. Il m'est arrivé fréquemment, dans mes expériences, de les voir se rompre d'elles-mêmes, sous la seule influence des mouvements lé- gers que j'imprimais à mes embryons pour les étudier. Rien n'empêche donc de supposer que la cause prochaine des éventrations consiste, pour le plus grand nombre des cas, dans l'existence de ces brides mem- braneuses, et que cette cause est beaucoup plus générale que l'observa- tion seule ne semblerait l'indiquer : seulement je ne suis pas en droit d'affirmer que les éventrations, dans quelques cas particuliers, ne pourraient avoir une tout autre origine.

Dans la célosomie, l'arrêt de développement de l'amnios est donc consécutif à la formation de l'anomalie. Il n'en est pas de môme des autres anomalies qui sont le sujet de ce mémoire : elles sont évidem- ment pour moi la conséquence de l'arrêt de développement de l'amnios.

On comprend tout d'abord que si l'amnios cesse de s'accroître à un moment donné de son existence, sans que l'embryon cesse simultané- ment de s'accroître, l'embryon, au lieu de flotter librement dans l'inté- rieur du liquide amniotique, se trouvera immédiatement en contact avec les parois de l'amnios, et sera par conséquent exposé à subir des pressions plus ou moins étendues sur divers points de sa surface. Le •léveloppement embryonnaire sera donc plus ou moins complètement entravé, et l'on verra, sous l'influence de ces causes purement mécani- ques, se produire un certain nombre d'anomalies, consistant tantôt dans des changements de position, et tantôt dans le défaut plus ou moins complet du développement de certains organes.

J'ai déjà dit que la célosomie s'accompagne très-fréquemment de courbures anormales de la colonne vertébrale. Ces courbures sont très- diverses quant à leur nature, et ne peuvent par conséquent se prêter à une description générale ; mais quelque grande que soit leur diversité, elles m'ont toujours présenté le caractère commun d'être liées à un arrêt de développement de l'amnios. J'ai même remarqué que ces in- curvations de la colonne veriébrale étaient surtout fréquentes dans les

213

cas de célosoiaie iaïunius s'était arrêté aux premiers temps de sa formation, et présentait encore un ombilic amniotique plus ou moins largement ouvert. Ici l'influence de la cause mécanique était parfaite- ment évidente ; car la longueur de rembryon étant plus considérable que celle de la cavité de Tamnios, les courbures de la colonne verté- brale ont été la conséquence nécessaire de cette différence de longueur entre le contenant et le contenu.

Ces considérations s'appliquent également aux faits de déviations des membres que j'ai eu à diverses reprises occasion d'observer. On com- prend en effet qu'une pression extérieure peut imprimer aux différents segments des membres des positions vicieuses, et que, par suite de ces positions vicieuses, les surfaces articulaires des os peuvent être plus ou moins modifiées. Je puis citer à cette occasion plusieurs cas de dé- viation des pieds qui rappelaient d'une manière plus ou moins exacte les dispositions observées dans les pieds bots.

Les ectromélies, c'est-à-dire les anomalies caractérisées par une atro- phie partielle ou totale des membres, peuvent également s'expliquer par le fait d'une compression extérieure qui a mis obstacle au déve- loppement de ces parties.

Tous ces faits ne présentent aucune difficulté et s'expliquent de la manière la plus satisfaisante, du moment que l'on admet l'existence d'une compression déterminée par l'amnios. Aussi plusieurs anatomis- tes, parmi lesquels je dois citer M. Cruveilhier, ont-ils cherché, avant moi, à expliquer l'origine de certaines monstruosités, et particulière- raent'de celles qui sont caractérisées par le déplacement et le chan- gement de position de certains organes, par l'action de pressions exté- rieures exercées sur l'embryon. Mais ils n'ont fait valoir à l'appui de leur thèse que des considérations purement théoriques, tandis qu'ici je raconte ce que j'ai vu.

Or si. dans certains cas, il était facile d'expliquer théoriquement, par une pression extérieure, la formation de plusieurs anomalies, il y a d'autres anomalies ce mode de production ne.pouvait être soup- çonné : telles sont les exencéphalies. Ici l'observation seule pouvait in'apprendre qu'un très-grand nombre d'exencéphalies résultent d'une pression exercée par l'amnios. C'est assurément une des conséquen- ces les plus curieuses et les plus inattendues de mes recherches téra- tologiques.

L'encéphale est, à son origine, constitué par un certain nombre de vésicules pleines de sérosité, dont les parois s'épaississent peu à peu par la formation de la matière nerveuse. Ces vésicules sont recouver- tes par trois membranes extrêmement minces qui sont les points do départ de la peau, du crâne et de la dure-mère, mais qui sont trop

molles pour pouvoir proléger les organes qu'elles revêtent contre des pressions extérieures.

J'ai observé plusieurs fois des exencéphalies en voie de formation, et j'ai pu constater parfaitement l'existence dune compression exercée par l'amnios sur les vésicules encéphaliques. Par suite de cette com- pression, les vésicules changèrent de forme : au lieu de conserver leur forme sphérique, elles s'aplatissaient de haut en bas, et en même temps s'élargissaient sur les côtés, de manière à former un rebord saillant qui déborde latéralement les parois de la tête, ce qui est séparé du reste de la tête par un sillon plus ou moins profond. Rien n'empêche dans ces conditions nouvelles la formation de la matière nerveuse dans l'in- térieur des vésicules ; mais la formation des parties cartilagineuses et osseuses du crâne ne peut se faire que d'une matière incomplète, et s'arrête au fond du sillon qui sépare du reste de la tête les vé- sicules encéphaliques ainsi déformées. J'ai d'abord constaté ce fait pour les hernies totales de l'encéphale, qu'Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire dé- signait sous les noms d'hyperencéphalies et de podencéphalies, et qui ne diffèrent l'une de l'autre que par l'étendue plus ou moins considé- rable de l'ossification au-dessous de la tumeur herniaire. J'ai eu, dans ces derniers temps, occasion d'observer plusieurs encéphalies partiel- les en voie de formation, et j'ai pu constater qu'elles se forment par le même mécanisme.

Maintenant je dois faire observer que si j'ai constaté le fait d'une compression dans un grand nombre de cas, je ne suis pas cependant en droit d'affirmer que ce fait existe dans tous les cas. En effet, j'ai ren- contré, rarement il est vrai, quelques embryons encéphales qui flot- taient dans un liquide amniotique très-abondant, et chez lesquels, par conséquent, je n'ai pu constater aucun fait actuel de compression. Mais j'ai lieu de supposer que la comi)ression avait primitivement existé, qu'elle avait modifié la forme des vésicules encéphaliques, puis qu'elle avait cessé à un certain moment, par suite, soit d'un changement de position de l'embryon par rapport à l'amnios, soit d'une augmentation de la sécrétion du liquide amniotique.

Il faut encore ajouter ici que la race des poules de Padoue présente, entre autres caractères, celui d'une hernie normale et héréditaire des hémisphères cérébraux, et qu'ici, par conséquent, le fait d'une com- pression ne peut être invoqué comme cause prochaine de l'anomalie.

Cette anomalie, si remarquable à bien des égards, que présentent les poules de Padoue, nous montre donc qu'on ne saurait mettre trop de réserve dans la détermination des causes des monstruosités, puisque les mêmes déviations organiques peuvent être le résultat de causes diver- ses. Je n'ai donc pas la prétention de dire ce qui se produira dans tous

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les cas possibles ; mais je rappelle que mon mémoire est entièrement fondé sur l'observation directe des faits. Je crois donc pouvoir conclure que les arrêts de développement de l'amnios sont tantôt l'effet et tantôt la cause de certaines anomalies, et je ferai remarquer à ce sujet que si l'amnios joue ainsi un grand rôle dans la production des monstruosités, ces monstruosités ne doivent point se rencontrer chez les batraciens et chez les poissons dont l'embryon est dépourvu d'amnios.

V. Pathologie.

Ataxie locomotuice ; cancroïde utérin ; mort ; mensuration des diamètres

ET EXAMEN MICROSCOPIQUE DE LA MOELLE ; par V. CoRNIL.

Roux (Marie), âgée de 44 ans, couturière, entre à Tinfirmerie de la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot, le 4 septembre 1863.

Elle est amaigrie, brune, de tempérament nerveux. Réglée pour la première fois à 17 ans, elle a eu trois enfants, et depuis six mois a éprouvé des pertes utérines abondantes qui ont cessé depuis six semai- nes. C'est pour ces pertes et son affection utérine qu'elle entre à la Sal- pêtrière. Au toucher utérin, le col est aplati, large, bourgeonnant, à bords renversés en dehors. L'utérus est fixé.

En outre, elle nous dit qu'elle a été traitée il y a six ans pour une paraplégie. Elle est restée alors deux mois à l'hôpital de la Charité, avec des douleurs en ceinture et des douleurs fulgurantes dans les mas ses musculaires des extrémités inférieures. On lui a posé alors quatre cautères dans la région lombaire. Cette paraplégie a été amendée sous le rapport des douleurs, mais n'a pas été guérie, ainsi qu'on s'en as- sure en voyant marcher la malade. Alors en effet les mouvements sont irréguliers, non coordonnés; les pieds sont jetés à droite et à gauche; la station est impossible quand on lui ferme les yeux, et l'on s'assure qu'elle a perdu la notion de position des extrémités inférieures. Les extrémités supérieures sont atteintes, mais à un plus faible degré.

On institue le traitement au nitrate d'argent le 2 octobre et on le con- tinue jusqu'au 2 décembre. Pendant le cours de ce traitement, les dou- leurs des membres et celles en ceinture n'ont pas été observées. Le nitrate d'argent avait causé des démangeaisons sans éruption à la peau et le liséré caractéristique des gencives.

Pendant le mois de novembre, elle vomit souvent et éprouva des pertes utérines assez considérables. Le 5 décembre, une métrorrhagie très-abondante se manifesta, dura plusieurs jours, et laissa après elle une anémie profonde qui enleva la malade le 29 décembre, à six heures du soir.

1\&

Autopsie faite lo 31 déceml)rc 1863. OuoerLivc du thorax : péri- carde sain. Le cœur présente à la surface endocardique, sur les colon- nes musculaires du premier ordre, des points jaunâtres ou des lignes entre-croisées qui sont constituées par une dégénérescence graisseuse partielle des muscles dans ces points. Les orifices du cœur, non plus que son volume, ne présentent rien d'anormal.

Les poumons sont anémiés et emphysémateux à un faible degré.

Abdomen. Le foie esl gros, pesant; sa surface est lisse et jaune, ainsi que sa coupe. Il est gras à un haut degré.

La rate est normale, ainsi que X estomac et le tuhe digestif.

Le rein droit est gros; sa capsule se détache facilement; le bassinet, les calices et l'uretère distendus sont remplis par un ptis légèrement jaunâtre bien lié ; la substance corticale offre aussi, le long des artères, de petits foyers purulents miliaires. Après avoir lavé la muqueuse du bassinet et de l'uretère, on voit à sa surface une injection vasculaire bien marquée.

Le rein gauche présente les altérations de la néphrite parenchyma- teuse : substance corticale jaunâtre, tubes contournés remplis de cel- lules épithéliales infiltrées de granulations graisseuses.

La vessie est vascularisée à sa surface et contient du pus.

Le col utérin est gros, entr'ouvert, bourgeonnant. A la lèvre posté- rieure existe un gros champignon composé de bourgeons secondaires.

A l'examen microscopique du col, on trouve des globes épidermi- ques, des cellules prismatiques, des corps fibro-plastiques et des acini glanduliformes.

Les membres inférieurs sont œdémateux, sans qu'on trouve de cail- lots anciens dans les veines iliaques et fémorales.

Centres nerveux. Le crâne est mince ; les méninges cérébrales et le cerveau n'offrent aucune lésion.

Les nerfs optiques sont gris, mous, semi-transparents et atrophiés. Les nerfs olfactif, acoustique, etc., sont sains.

Moelle épinière. La pie-mère spinale est adhérente, épaissie et opa- que dans sa partie postérieure. Les racines postérieures sont atrophiées. Les cordons postérieurs sont semi-transparents et grisâtres.

Mensurations et examen microscopique. Pour apprécier exactement les dimensions des divers diamètres de la moelle de cette malade com- parativement avec ceux de la moelle saine, j'ai fait durcir par le même procédé cette moelle et celle d'une femme du même âge morte sans lé- sion médullaire. Pour cela, on les a mises deux jours dans l'alcool, puis deux ou trois jours dans une solution d'acide chromique. Cela fait, on a pratiqué des coupes exactement transversales de ces deux moelles à chacune des origines des nerfs rachidiens. Ces coupes, assez minces

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pour être vues à un faible grossissement et comprenant toute l'épais- seur de la moelle, ont été mesurées au micromètre avec un grossisse- ment de 12 diamètres (oculaire 2, objectif 2 dédoublé de Harlnach), en ayant soin do ne pas les recouvrir d'un petit verre qui aurait pu les aplatir. On a mesuré ainsi les diamètres transversal et antéro-posté- rieur. Dans ce dernier, on a mesuré l'épaisseur des cordons antérieurs étendus de la surface antérieure de la moelle à la commissure blanche, et le diamètre des cordons postérieurs étendu de la surface postérieure de la moelle à la commissure grise.

Pendant que le diamètre transversal a été trouvé sensiblement le même dans les deux moelles, le diamètre an téro -postérieur était dimi- nué d'une façon constante sur toutes les coupes de la moelle d'ataxi- que. Le rapport approximatif des moyennes des mensurations du dia- mètre antéro-postérieur de la moelle saine à celui de la moelle malade était de 100/80, c'est-à-dire que ce dernier était diminué de 1/5. Cette diminution de diamètre avait lieu uniquement aux dépens du diamètre antéro-postérieur des cordons postérieurs, dont le rapport avec le môme diamètre mesuré dans la moelle saine était de 2/3, en sorte que le dia- mètre des cordons postérieurs de la moelle de l'ataxique avait dimi- nué d'un tiers.

L'examen microscopique fait à de plus forts grossissements nous a paru offrir de l'intérêt à cause de cette circonstance que notre malade avait succombé à une affection indépendante de la moelle, à un épithé- lium utérin, et que les lésions des tubes nerveux de la moelle n'étaient pas arrivées à leur période ultime, ainsi qu'on le verra bientôt. Voici les résultats obtenus sur des coupes horizontales comprenant toute l'épais- seur de la moelle, et sur des coupes verticales passant par les cordons postérieurs. Sur les premières, on voit, à un grossissement de 80 dia- mètres (obj. 4, oc. 2 Harth.), que, tandis que les cordons antéro-laté- raux présentent des tubes nerveux de même diamètre, rendus opaques par la substance médullaire qu'ils contiennent, la coupe des faisceaux postérieurs présente des points arrondis opaques parsemés sur un fond transparent. Ces faisceaux postérieurs examinés à 220 diamètres (obj. 7, ocul. 2), montrent que les points opaques sont formés par des granula- tions graisseuses disposées autour d'un cylindre d'axe dont la coupe ap- paraît au centre de ces granulations comme un point brillant. Le tissu environnant, plus clair, est constitué par les mailles étroites de tissu cellulaire, au centre desquels passe le cylindre d'axe atrophié et pâle des tubes nerveux arrives à la dernière période de l'atrophie. Ces mailles de tissu connectif contiennent des noyaux généralement allon- gés et sont en certains points le siège de fines granulations graisseuses. De distance en distance on voit des corpuscules amylacés généralc- C. R. 15

218 ment situés autour des vaisseaux dont la paroi est épaissie, sans dé- génération athéromateuse.

Sur les coupes verticales, on a la confirmation des mêmes lésions sous une autre apparence. Les tubes nerveux se voient alors dans le sens de leur longueur : un certain nombre d'entre eux paraissent opa- ques à un faible grossissement, et l'on reconnaît avec un objectif plus fort que leur opacité est due à des granulations graisseuses qui entou- rent le cylindre d'axe bien conservé. Ces granulations graisseuses sont parfois réunies dans une enveloppe (corpuscules granuleux de Gluge). Le tissu voisin, qui constitue la majeure partie des cordons postérieurs, offre des lignes parallèles pâles qui sont le vestige des tubes nerveux atrophiés et pâles.

Les cellules nerveuses de la substance grise, ainsi que celles des ganglions spinaux, sont intactes.

Ainsi, dans ce cas, l'atrophie des tubes nerveux des cordons posté- rieurs n'est pas arrivée à sa dernière limite, et l'on voit très-bien une phase du processus morbide, la dégénération gi'aissense de la substance médullaire de ces tubes.

Cet examen microscopique est en résumé une confirmation complète de l'observation qu'ont faite MM. Vulpian et Charcot sur les lésions de l'ataxie locomotrice, à savoir : que dans les tubes altérés la substance médullaire se segmente en fines granulations graisseuses, et que cette dégénérescence précède leur atrophie qui s'effectue absolument comme dans la partie périphérique des nerfs séparés des centres nerveux.

VI. Pathologie comp.\rée.

Affection vermineuse insolite cdez les gallinacés; par M. Legros,

interne des hôpitaux.

Au mois de septembre dernier, me trouvant dans les environs de Grenoble, j'ai vu une mortalité inusitée sévir sur les poules d'une basse- cour plusieurs variétés de ces oiseaux étaient rassemblées. C'étaient surtout les poules de Crèvecœur qui succombaient à cette épidémie : on les voyait maigrir, devenir tristes, et mourir épuisées sans avoir ja- mais perdu l'appétit; elles paraissaient au contraire, pendant les der- niers jours delà vie, offrir une voracité inusitée.

Ayant fait l'ouverture de deux de ces oiseaux, j'ai trouvé le gésier tiérissé de petits vers, dont les uns étaient entièrement cachés dans l'épaisseur de la muqueuse, tandis que les autres, insérés par l'une de leurs extrémités dans cette membrane, flottaient librement par l'autre bout dans la cavité stomacale. Ces petits entozoaires étaient tellement

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serrés les uns contre les autres, que dans certains endroits ils for- maient une espèce de tissu.

M. le professeur Robin, ayant examiné les pièces, a reconnu l'espèce à laquelle appartenaient ces petits vers : cest le spiroptera nasuta de Rudolphi, helminthe assez rare, et qui n'a guère été rencontré que chez les moineaux.

On se demande comment ils ont pu résister à l'action puissante des muscles du gésier, qui broie les aliments les plus durs à l'aide des cail- loux dont il est rempli. On est forcé de croire que pendant la digestion, ces petits vers se réfugient dans l'intérieur de la muqueuse, dont l'épi- thélium assez épais suffit sans doute pour les protéger.

FIN DES COMPTES RENDUS DES SÉANCES.

MÉMOI

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A LA SOCIETE DE BIOLOGIE

PENDANT L'ANNÉE 1863.

DE

L'INOSURIE

MÉMOIRE LU A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE

PAR

LE DOCTEUR N. GALLOIS,

Laui'éat de l'iustitut (Académie des sciences), membre de la Société de Biologie.

CHAPITRE I.

DÉFINITION DE LINOSURIE. PRÉPARATION DE l'INOSITE ; SES CARACTÈRES CHIMIQUES.

De même qu'on donne le nom d'albuminurie ou de glycosurie à des symptômes pathologiques caractérisés par l'apparition dans l'u- rine de l'albumine ou de la glycose; de même je donne le nom (ïîno- surie, à un phénomène morbide caractérisé par l'apparition dans l'u- rine, d'une substance appartenant à la famille des sucres, et que les chimistes ont appelée inosite.

C'est au point de vue chimique que j'envisagerai tout d'abord cette, substance.

L'inosite (deïî, îvo^, muscle) s'appelle aussi inosine et pbaséoman-

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nite. Elle a été découverte en 1850 par M. Schérer, dans les eaux mères provenant du traitement de la chair musculaire pour l'extraction de la créatine (1). Voici, d'après Gerhardt, le procédé qu'il faut suivre pour l'obtenir.

On concentre les eaux mères dont la créatine s'est déposée, et l'on précipite par l'acide sulfurique étendu l'excès de baryte qu'elles ren- ferment. On chasse par la chaleur la plus grande partie des acides gras volatils qui sont ainsi mis en liberté, et on agite le résidu avec de l'éther, pour enlever les dernières traces d'acides volatils, ainsi que l'acide lactique libre. Après avoir décanté la solution éthérée, on ajoute peu à peu de l'alcool concentré à la liqueur aqueuse restante, jusqu'à ce qu'elle commence à se troubler, et on l'abandonne ensuite à elle-même. Par ce moyen, presque tout le sulfate vient se déposer. Si l'on continue les additions d'alcool, on voit bientôt apparaître, en même temps que ce sel, des cristaux qui ressemblent au gypse natu- rel. Il est aisé, par un simple triage, d'opérer la séparation des deux espèces de cristaux, après les avoir rassemblés sur des doubles de papier Joseph. On peut aussi traiter le mélange par une petite quan- tité d'eau chaude, qui dissout très-vite les cristaux d'inosite, et aban- donner la solution à l'évaporalion.

Mais si, sans s'occuper de la créatine, on veut traiter directement la viande pour en extraire l'inosite, voici, d'après M. Stadeler (2), le procédé qu'il convient de suivre :

On hache la viande, on la broie avec son volume de verre pilé ou de sable, puis on la délaye avec de l'alcool, de façon à obtenir une bouillie liquide. On chauffe et on sépare le liquide par la pression. Le résidu ainsi obtenu est mis en digestion pendant quelques heures avec de l'eau à la température de 50° environ, puis le liquide est sé- paré de nouveau par la pression, et réuni à la liqueur alcoolique déjà obtenue.

Gela fait, on extrait l'alcool par la distillation, on filtre et on ré- duit par évaporation la liqueur au plus petit volume possible. L'ex-

(1) Schérer, Annalen der chemie und pharmacie, t. LXXIII, p. 322, et t. LXXXI, p. 375, 1850.

(2) Stadeler, Annalen der chemie und pharmacie, t. CXVI, p. 103, octobre 1860.

5 trait qu'on obtient ainsi est précipité par l'acétate de plomb neutre et on filtre. Le liquide filtré est traité à son tour par l'acétate de plomb basique ; on laisse digérer pendant douze heures, et l'on filtre pour recueillir le second précipité. C'est ce précipité qui renferme l'inosite. Pour isoler cette dernière substance, on délaye le précipité dans l'eau, et on le décompose par rhydrogène sulfuré; on filtre, on évapore pour faire cristalliser ; et les cristaux obtenus sont purifiés par une seconde cristallisation dans l'alcool.

A l'aide de ce procédé, M. Stadeler a réussi à obtenir de l'inosite des muscles; mais cette substance n'existe pas seulement dans le tissu musculaire. M. MuUer l'a extraite du cerveau (1), et un chimiste distingué de Zurich, M. Cloetta, en a préparé avec les poumons, les reins, le foie et la rate. En analysant ces tissus, M. Cloetta y a ren- contré, en même temps que l'inosite, différents corps appartenant à la chimie organique, tels que l'acide urique, la leucine et la taurine. Mais je n'emprunterai à cet intéressant travail (2), que ce qui est rela- tif à l'inosite.

On prend des poumons frais de bœuf, dit M. Cloetta, on les hache et on les fait digérer de douze à dix-huit heures dans de l'eau distil- lée, à une douce température, et en ayant soin d'agiter souvent. On sépare ensuite le hquide par expression, on l'acidulé à l'aide de l'a- cide acétique, on le coagule par rébullition et on le filtre. Le produit de la filtration est évaporé au bain-marie. jusqu'à ce qu'il soit réduit au dixième de son volume, puis précipité par une solution d'acétate de plomb neutre. Ce premier précipité est habituellement négUgé; quant au liquide qui le surnage, et qui est ordinairement clair et d'une couleur jaunâtre, on le traite par l'acétate de plomb basique, et l'on obtient un précipité. Ce dernier est lavé, puis décomposé par l'hydrogène sulfuré; on filtre, et le liquide séparé du sulfure de plomb est abandonné au repos. Au bout de vingt-quatre heures en- viron, l'acide urique qu'il tenait en dissolution s'est déposé sous la forme de petits grains blancs et cristallins faciles à reconnaître au

(1) Muller, Annalen der chemie und pharmacie, t. CIII, p. 131-159,

(2) Cloetta, De l existence de liuo.sile, de l'acide urique, de la tau- rine et de la leucine dans le corps des animaux. Jnnalen der chemie und pharmacie, t. XCIX, p. 280; et Journal de pharmacie et de chi mie, t. XXIX, 1856, p. 359.

6 microscope, on filtre alors la liqueur, et on la concentre au bain- marie jusqu'à ce que l'alcool qu'on y ajoute forme avec elle un trouble permanent. Ce résultat obtenu, on étend le liquide de son volume d'alcool, et on le chauffe jusqu'à ce que le trouble ait disparu, puis on l'abandonne à lui-même. Au bout d'un ou deux jours, l'ino- site qui y était dissoute se dépose sous forme d'une masse cristalline, qu'on purifie par des cristallisations successives. M. Gloetta lit cette opération sur 50 livres de poumon de bœuf, et il réussit à en extraire non-seulement de l'inosite, mais encore de l'acide urique, de la tau- rine et de la leucine.

Selon cet auteur, le tissu des reins est remarquable par sa richesse en inosite, et en opérant comme je viens de le dire, sur 13 livres de reins de bœuf, M. Gloetta a pu isoler 5 à 6 grammes d'inosite. Je dois ajouter aussi que le même procédé a été appliqué avec succès à la re- cherche de l'inosite dans le rein de l'homme.

D'autres observateurs après M. Gloetta, ont recherché l'inosite dans divers organes. Ainsi, en 1858, dans un travail intitulé : Hecherche de Cinosiie dans les muscles des ivrognes (1), Valentiner dit que sur huit cadavres qu'il a examinés, et qui provenaient de sujets adonnés à la boisson, il a rencontré cinq fois une forte proportion d'inosite dans les muscles pectoraux, qu'il n'en a point trouvé dans le tissu du cœur, et qu'une fois seulement il en a découvert une petite quan- tité dans le cerveau et dans le tissu cellulaire de la poitrine. Sur vingt et un autres cadavres n'appartenant point à des ivrognes, l'au- teur a recherché l'inosite dans les pectoraux et dans le cœur, et il n'en a trouvé que des traces ou point du tout.

Le docteur Newkomm, dans sa thèse inaugurale (2) soutenue à Zurich en 1859, dit qu'ayant recherché l'inosite dans le tissu des reins de sept cadavres, il en a trouvé cinq fois chez des sujets qui avaient succombé à Fanémie, à la syphilis, au diabète, et à la maladie de Bright. Il en a toujours trouvé dans le cerveau de l'homme, trois

(1) Valentiner, Inosit im devimuskelnvonpotaloi'en. Schmidt's, Jalir- bûcher] 1859, p. 158.

(2) Newkomm, Uebe?' das Vorkommen von leucin, lyrosin ttnd an- derer twisatzsioffe im menschl. Kôrper bei krankeiten. Schmidt's, Jahrbûcfier, 1860, p. 6.

fois dans le cœur, une fois dans le poumon et le foie, mais il dit n'en avoir rencontré ni dans les muscles des diabétiques, ni dans le sang d'autres cadavres, ni dans la rate, ni dans la sueur.

Postérieurement à ces deux derniers auteurs, M. Cooper Laue a indiqué un nouveau procédé pour extraire l'inosite, et qui permet- trait, selon lui, de produire avec un cerveau de bœuf, le quart d'un poumon, une rate, un pancréas, une abondante cristallisation de cette substance (1). L'opération consiste à traiter les liquides concen- trés par évaporation et bouillants, par trois ou quatre fois leur vo- lume d'alcool. S'il se forme un précipité abondant s'attachautau vase, on décante. S'il ne se produit qu'un dépôt floconneux, on filtre à chaud et on laisse refroidir. Au bout de vingt-quatre heures, s'il s'est déposé de l'inosite en cristaux, on filtre une seconde fois, et on lave les cristaux avec une petite quantité d'alcool froid. S'il ne s'est pas séparé de cristaux, on ajoute de l'éther à la liqueur limpide, en agi- tant jusqu'à ce qu'il se produise un trouble laiteux, et on laisse re- poser vingt-quatre heures. Quand l'arldition d'éther a été suffisante, toute l'inosite se dépose en belles lamelles nacrées. Lorsque la liqueur renferme beaucoup de matières étrangères, il est bon, après avoir séparé l'albumine, de traiter d'abord la solution par l'acétate de plomb neutre, puis de précipiter l'inosite par le sous-acétate et de décom- poser par l'hydrogène sulfuré. C'est la solution ainsi obtenue, qu'on traite comme il vient d'être indiqué.

Si l'inosite se montre dans la plupart des tissus animaux, elle existe aussi dans le règne végétal. En effet, la substance que M. "Vohl avait extraite des haricots verts, et désignée sous le nom de phaséoman- nite, n'est autre chose nue de l'inosite, comme cet auteur lui-même ne tarda pas à le reconnaître. Voici le moyen de l'extraire des hari- cots verts (2).

On divise finement les gousses de haricots, on les met dans un sac, et on les fait bouiUir avec de l'eau pendant une demi-heure. On presse, on mélange le liquide avec de la levure de bière et on fait

(1) Cooper Lane, Procédé nouveau pour la préparaiion de Cinosite. Annalen der chemie und pharmacie, t. CXVII, p. 118 fnouv. série, t. XLI], janvier 1861 ; et Répertoire de chimie, sept. 1861, p. 367.

(2) "Vchl, Annalen der chemie und pharmacie, t. CL, p. 50, 1857; et t. CV, p. 330, 1858.

8 fermenter. Gela fait, ou sature par la craie, on évapore au bain-marie en consistance de sirop, ou traite le résidu par l'alcool bouillant et l'on concentre. L'inosite cristallise et n'a plus besoin que d'être pu- rifiée. Seulement, il est bon qu'on soit prévenu que le rendement est peu considérable, car 20 kilos de haricots verts n'ont fourni qu'un à 2 grammes d'inosite.

Quel que soit le procédé à l'aide duquel on ait préparé l'inosite, elle se présente sous la forme d'un corps blanc, d'une saveur fran- chement sucrée. Elle cristallise eu prismes rhomboïdaux, dont l'angle obtus est de 138°, 52. A 90", leur densité, s'ils sont à l'état d'hydrate, est de 1,1154 ; ils sont efflorescents et deviennent opaques en perdant leur eau de cristallisation. Ceux qui se sont formés à la température de 100° sont anhydres.

Chauffée avec précaution sur une lame de platine, l'inosite perd d'abord son eau de cristallisation, et elle peut, sans s'altérer, être chauffée jusqu'à 210°. Ce n'est qu'au delà de 210°, qu'elle entre en fusion, en donnant un liquide limpide. Si on laisse brusquement refroidir la masse fondue, elle se prend en cristaux aciculaires ; mais si le refroidissement est lent, elle donne une matière amorphe et cornée. Soumise à la distillation, elle se boursoufle, dégage des gaz inflammables et se détruit en se carbonisant.

L'inosite a pour îormule C'-H'-O'^ + 4 HO ; elle se dissout à IT dans 6 fois son poids d'eau. Elle est insoluble dans Téther et dans l'alcool absolu, peu soluble dans l'alcool ordinaire froid, un peu plus soluble dans l'alcool bouillant, et la dissolution alcoolique, en se refroidis- sant, laisse déposer l'inosite sous forme de lamelles brillantes et mi- cacées semblables à de la cholestérine. L'insolubilité de l'inosite dans l'alcool fort permet d'employer ce dernier agent pour la précipiter de ses dissolutions aqueuses concentrées.

Au lieu de la formule C'-H'^O'^, qui est généralement assignée à l'inosite, M. le docteur Vohl (1) pense que la formule C-H'O^ serait plus exacte. Il fonde cette manière devoir sur ce qu'il a réussi à déri- ver de l'inosite un composé nitré ayant la formule G-HO + AzO*, et dans lequel un équivalent d'eau de C-fPO^ serait remplacé par Azû\

{■[) Yoh], Archiv, fur pfujsiologische heilkunde, 1858, t. II, p. 410, nouvelle série. "Voir Union ^nédicale. t. V, p. 446, 1860; et Gazette hebdomadaire, 1859. p. 221.

9 Si l'on admettait cette formule, un équivalent de sucre équivaudrait à 6 équivalents d'inosite, d'après lequalion G'^Hi^0i2=6(G=IP0^). Quelques expériences ont été tentées par M. Vohl pour transformer artificiellement la glycose en inosite, et bien qu'il n'ait pu obtenir cette tranformation, il est disposé à admettre qu'elle pourrait bien s'opérer dans Torganisme.

L'acide chlorhydrique bouillant n'altère pas l'inosite non plus que Tacide sulfurique dilué, mais l'acide sulfurique concentré la brunit à 1 00". L'acide nitrique mêlé d'acide sulfurique la change en inosite hexanitrique ; l'acide nitrique affaibli et bouillant l'oxyde -et pro- duit de l'acide oxalique ; l'acide fumant donne lieu à une substance nitrée, le nitro-inosite , qui cristallise en rhomboèdres. Insoluble dans l'eau, le nitro-inosite se dissout dans l'alcool, ij fait facilement explosion, et peut très-bien servir dans la confection des amorces fulminantes. Le nitro-inosite peut être considéré comme de l'inosite C'-H'-O'-, dans laquelle 6 équivalents d'eau ont été remplacés par 6 équivalents d'acide hypoazotique.

Les alcahs concentrés et bouillants n'altèrent point l'inosite, et la potasse bouillante ne la colore point comme la glycose. L'inosite ne réduit pas le tartrate cupro-potassique, et il ne se forme d'oxyde cuivreux ni à chaud ni à froid. Seulement, si on la chauffe avec une solution de tartrate de cuivre et de potasse, elle donne une solution verte, de laqueUe se sépare au bout de quelque temps un précipité verdâtre et léger, tandis que le liquide redevient bleu. Si l'on filtre ce dernier, et si on le fait bouillir, on observe le même changement de couleur.

L'inosite n'exerce aucune action sur la lumière polarisée; elle n'éprouve point la fermentation alcoolique, mais elle donne au con- tact des ferments de l'acide butyrique et de l'acide lactique.

L'acétate de plomb tribasique la précipite; mais la réaction la plus caractéristique de l'inosite est la suivante : lorsque sa dissolution aqueuse est évaporée à siccité dans une capsule avec de l'acide ni- trique, et que le résidu sec est humecté avec de l'ammoniaque et un peu de chlorure de calcium, puis évaporé de nouveau à siccité, on voit se produire une belle couleur rose. L'amidon, la glycose, le sucre de canne et le sucre de lait ne présentent pas cette réaction, qui est tellement sensible pour l'inosite, qu'un demi-milligramme de cette substance donne encore une coloration très-marquée.

If)

Voulant savoir si d'autres rùactifs ne produiraient pas aussi quel- ques phénomènes de coloration, je fis tomber dans une capsule des cristaux d'inosite, j'y mêlai de l'oxyde puce de plomb, et je délayai le mélange avec deux gouttes d'acide sulfurique à froid. Or dans ce cas il ne se produisit aucune coloration. Dans le même but, j'ai traité de rinosite par quelques gouttes d'une solution d'acide chromique au centième, j'évaporai à siccité, et je n'obtins qu'un résidu légère- ment verdàtre dlj à l'oxyde de chrome. L'inosite n'avait point été mo- difiée, comme j'ai pu m'en assurer par d'autres réactions. Je ne pro- duisis non plus aucune coloration particulière en chauffant l'inosite avec l'eau iodée ou avec l'eau bromée.

En évaporant à siccité une dissolution d'inosite en présence d'un mélange composé de trois parties d'acide chlorhydrique et d'une par- tie d'acide nitrique, ou bien de deux parties d'acide nitrique et d'une partie d'acide chlorhydrique, je n'ai réussi à produire qu'une teinte rose extrêmement pâle. J'ai dissous ce résidu dans quelques gouttes d'eau, j'y ai ajouté une petite quantité du mélange acide et une pin- cée d'oxyde de zinc, j'ai évaporé de nouveau et j'ai obtenu cette fois un résidu d'un rose beaucoup plus prononcé que le premier.

J'ai essayé l'inosite par le réactif de Pettenkofer, et je n'ai vu se produire qu'une teinte d'un violet sale, qui ne ressemble en rien à la belle couleur pourpre que la glycose fournit dans ce cas. Enfin, trai- tée par l'acide chlorhydrique et le perchlorure de fer étendu, elle n'a fourni qu'un résidu jaune au perchlorure.

Il est probable que l'inosite chauffée à 200° avec les acides gras et les acides analogues, s'y combinerait comme le fait la mannite, mais cette expérience n'a pas encore été tentée. Quoi qu'il en soit, les faits qui précèdent établissent suffisamment, que l'inosite est beaucoup plus stable que la glycose, puisqu'elle résiste à l'action des acides et des alcalis à 100", et qu'elle n'est pas détruite par la chaleur, même à 200". Aussi ces caractères la rapprochent-ils de la mannite et des matières sucrées, qui renferment un excès d'hydrogène.

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CHAPITRE II.

DES RECHERCHES FAITES PAR DIFFÉRENTS AUTEURS SUR LA PRÉSENCE DE L'INOSITE DANS L'URINE. RÉSULTATS OBTENUS, BUT A ATTEINDRE.

Le titre que j'ai donné à ce travail indique suffisamment le but que je me suis proposé, la recherche de Tinosite dans l'urine, et c'est à résumer ce qui avait été tenté jusqu'alors dans ce sens par différents auteurs que je m'appliquerai tout d'abord.

C'est à M. Cloetta, que revient l'honneur d'avoir signalé le premier l'existence de l'inosité dans l'urine, découverte qu'il a consignée dans le travail que j'ai précédemment cité. Après avoir extrait l'ino- sité du tissu du rein, M. Cloetta eut la pensée que cette substance se rencontrerait peut-être également dans le produit de la sécrétion de cet organe. Ses recherches portèrent d'abord sur l'urine de la vactie et sur l'urine de l'homme sain. Quatre livres de cette dernière furent essayées par un procédé que l'auteur n'indique point, et dans les deux cas la présence de l'inosité ne put être constatée. Mais M. Cloetta fut plus heureux en opérant sur une urine pathologique, et il signala, dit-il, avec toute certituele, la présence de l'inosité dans l'urine d'une personne atteinte de la maladie de Bright, quoique son analyse n'eût porté que sur une quantité de ce liquide moindre que celle qu'il avait employée, quand il s'était agi de rechercher l'inosité dans l'urine de l'homme en santé. Au moment oti il fît cette analyse, des purgatifs drastiques avaient été administrés, et la proportion d'albumine excré- tée par les reins était si peu considérable, que l'urine se troublait à peine sous l'influence de la chaleur. Cependant, il y avait persistance des symptômes urémiqucs.

Dans l'année qui suivit cette découverte de M. Cloetta, M. New- komm, chef de clinique de M. le professeur Lebert, frappé de l'ana- logie qui existait entre la glycose et l'inosité, rechercha cette der- nière substance dans l'urine d'un diabétique admis le 11 septembre 1857 à la Clinique de M. Lebert, et il y fut assez heureux pour l'y rencontrer, comme il le rapporte dans sa thèse inaugurale (1). Il dit en avoir rencontré aussi dans trois cas de maladie de Bright,

(1) Newkomm, Uebcr das Vorkommen von Icucin uncl tyrosin und

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Depuis cette époque, M. le professeur Lebert, dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire, m'a dit qu'il avait trouvé de l'inosite dans des urines de diabétiques fortement sucrées. M. Cloetta en a constaté également une seule fois dans l'urine d'un malade affecté de glycosurie.

Enfin, en 1858, M. le docteur Vohl (de Bonn) (1) a aussi rencontré l'inosite dans l'urine d'un diabétique, mais cette fois avec des particu- larités qu'il importe de signaler. En effet, cette urine présenta tout d'abord les caractères qu'elle oflfre habituellement dans le diabète. Sa densité était de 1,036, son odeur fade, douceâtre, non urineuse, et elle renfermait une quantité de sucre que l'auteur n'a point indiquée. Au bout d'un certain temps, la proportion de glycose diminua peu à peu, et il en fut de même pour l'urée ; mais en même temps la quan- tité d'urine rendue dans les vingt-quatre heures augmenta notable- ment, et Tétat général du malade alla toujours en s'aggravant. Ce fut dans ces circonstances, que M. Vohl se rappelant que M. Cloetta avait trouvé de l'inosite dans une urine albumineuse, rechercha cette sub- stance dans l'urine de son malade et l'y découvrit. Il remarqua, en outre, qu'elle s'y montrait en proportion croissante et inverse de celle de l'urée et du sucre, de telle sorte que finalement, l'urine ana- lysée ne contenait plus qu'une quantité minime d'urée, que le sucre avait complètement disparu, et que 18 à 20 grammes d'inosite purent être extraits de l'urine rendue en vingt-quatre heures. Les analyses qui étaient faites tous les trois jours furent malheureusement inter- rompues à cette époque. Dans ce cas, M. Vohl pense que la glycose s'est transformée dans l'organisme eninosite; mais ce n'est qu'une opinion théorique et qui aurait besoin d'être démontrée. Ce qu'il y a de certain, c'est que M. Vohl a essayé dans son laboratoire, comme je l'ai dit déjà, de transformer artificiellement le sucre de raisin en ino- site, et qu'il n'y a pas réussi.

Tels sont les seuls faits que j'ai pu recueillir sur l'existence de l'i- nosite dans l'urine, et c'est guidé par eux que j'entrepris de faire des recherches sur cet intéressant sujet.

anderer umsatzstoffe im menschlichen Kôrper bei krankeiten , Zu- rich, 1859. (1) Vohl, loco citato.

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L'inosite se renconlre-t-elle normalement dans l'urine de l'homme sain, ou bien n'y existe-t-elle que pendant l'état de maladie? Le pas- sage de cette substance dans l'urine, ou en un mot l'inosurie, consti- tue-t-elle un état morbide spécial et défini, ayant ses symptômes propres et sou traitement, comme le diabète sucré par exemple, ou bien l'inosurie n'est-elle qu'un symptôme commun à plusieurs ma- ladies? Telles sont les principales questions que je me suis posées, et dont je me suis efforcé de chercher la solution.

Mais pour atteindre le but, il m'a semblé tout d'abord qu'il était indispensable de trouver un procédé simple et d'une exécution ra- pide, qui permit de reconnaitre dans une urine quelconque la pré- sence de l'inosite ; qu'il fallait en un mot posséder un réactif de l'i- nosite clans Curine qui, soit par un changement de couleur, soit par la formation d'un précipité, soit par tout autre phénomène objectif facile à saisir, décelât sûrement la présence de cette substance, sauf bien entendu, quand cette indication aurait été obtenue, à l'extraire ensuite par un procédé chimique régulier et à en faire le dosage.

Les recherches auxquelles je me livrai pour atteindre ce but ne m'ont point fait découvrir jusqu'aujourd'hui un agent chimique qui, mis en contact directement et sans préparation préalable avec une urine contenant de l'inosite, fournit une indication immédiate de la présence de ce corps. Mais cette indication, j'ai réussi à l'obtenir par des moyens détournés qui, s'ils exigent un peu plus de temps, offrent en revanche beaucoup plus de certitude, et comportent à la fois plus de sensibilité et de précision. J'ai été guidé dans ce genre de recherches, et par les propriétés de l'inosite que j'ai trouvées con- signées dans les traités de chimie, et surtout par d'autres réactions que j'ai déterminées à l'aide de ce corps, et que je crois avoir signa- lées le premier.

CHAPITRE III.

DES MOYENS CHIMIQUES PROPRES A DÉMONTRER L'EXISTENCE DE l'I- NOSITE DANS L'URINE. QUELQUES RÉACTIONS NOUVELLES DE L'I- NOSITE.

S'il ne se fût agi que de rechercher l'inosite dans l'eau, la tâche eût

14 été facile, car les chimistes savent reconnaître la présence de ce corps dans une solution aqueuse qui n'en renferme qu'un demi-mil- lième. Le procédé employé dans ce cas, et que j'ai déjà indiqué, con- siste à évaporer à siccité dans une capsule de porcelaine, la solution aqueuse d'inosite additionnée de quelques gouttes d'acide nitrique, à laisser refroidir, puis à humecter le résidu sec avec du chlorure de calcium et de l'ammoniaque, et à chauffer de nouveau jusqu'à dessiccation. On voit en effet, dans ce cas, se produire immédiate- ment une belle coloration rose caractéristique de l'inosite.

J'eus tout d'abord l'idée de recourir à ce procédé pour trouver linosite dans l'urine. Je fis dissoudre une certaine quantité de cette substance dans l'urine d'une personne en santé, et j'opérai comme je viens de le dire pour une solution aqueuse d'inosite ; mais au lieu d'un résidu rose, je n'obtins qu'une couleur jaune sale, qui est celle de l'extrait d'urine.

En présence de cette difficulté, je fus contraint, avant de chercher à produire la coloration rose, de soumettre l'urine inositique à un trai- tement préalable, et j'opérai comme l'a conseillé M. Vohl, c'est-à- dire que j'évaporai l'urine à une douce chaleur, et que j'y versai de l'eau de baryte jusqu'à ce qu'elle devint légèrement alcaline. Je fil- trai et je traitai par l'alcool affaibli le produit de la filtration ; je fil- trai de nouveau, je concentrai à une douce chaleur, et je traitai par l'alcool concentré. Le liquide trouble ainsi obtenu fut abandonné à lui-même dans un tube à essai, et il s'en déposa un précipité blanc, qui fut recueilli sur un filtre, et qui devait renfermer l'inosite. Pour l'essayer, je le délayai dans un peu d'eau distillée, et je l'évaporai avec précaution jusqu'à siccité, en présence de quelques gouttes d'acide nitrique. A la fin de cette évaporation, je vis apparaître sur les bords de la capsule une coloration rose vif; mais outre qu'elle s'était produite sous l'influence de l'acide azotique seul, je remar- quai qu'elle virait au pourpre par l'addition de quelques gouttes d'ammoniaque, et il fut dès lors certain, que la coloration rouge ob- tenue était due à l'acide urique de l'urine qui avait été précipité par l'alcool concentré, beaucoup plus qu'à l'inosite qui avait été précipi- tée en même temps.

Pour lever tous les doutes à cet égard, je pris une égale quantité de la même urine ; mais cette fois je n'y ajoutai point d'inosite, et j'opé- rai sur cet échantillon connue sur le précédent. La même coloration

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se manifesta par l'évaporation en présence de l'acide nitrique, et il fut évident dès lors, que l'inosite y était tout à fait étrangère. Enfin, pour démontrer que ce phénomène était à l'acide urique ou aux urates de l'urine, je fis dissoudre dans Teau distillée unurate alca- lin, je traitai cette solution par l'alcool concentré, et le dépôt formé se conduisit vis-à-vis de l'acide azotique et de l'ammoniaque abso- lument comme l'urine précédemment examinée. Ces faits prouvent suffisamment, que quand il s'agit de démontrer existence de l'inosite dans le produit de la sécrétion rénale, on ne saurait recourir à l'acide nitrique, au chlorure de calcium et à l'am moniaque, qui la décèlent si bien dans l'eau, et cela parce que la présence de l'acide urique donne lieu à une coloration, qui empêche de saisir celle qui est due à l'inosite elle-même.

Arrêté par cet obstacle, je me suis efforcé d'arriver autrement à la solution du problème , et de trouver des réactifs dont l'action sur l'inosite ne fût point troublée par la présence de l'acide uri- que. Mais avant d'en parler, je désire présenter de simples remar- ques sur ce qui se passe quand on fait réagir sur l'inosite l'acide azotique, le chlorure de calcium et l'ammoniaque. En opérant comme l'indiquent les traités de chimie, on détermine l'apparition d'une co- loration rose ou plus exactement lie de vin, qui a été considérée jus- qu'alors comme caractéristique de la présence de l'inosite. Par le re- froidissement et l'exposition à l'air, le résidu, qui était de couleur lie de vin, redevient incolore en attirant l'humidité atmosphérique, mais si on le chauffe avec précaution, on fait reparaître la coloration primitive, qui s'efface .ensuite par absorption de la vapeur d'eau am biante, pour reparaître de nouveau, même à plusieurs jours d'in- tervalle, sous l'influence d'une chaleur convenablement appliquée.

En répétant de plusieurs manières cette réaction, je m'aperçus que quand on chauffe une dissolution aqueuse d'inosite en présence de l'acide azotique seul, et qu'on évapore avec précaution jusqu'à sic- cité, on voit une coloration rose très-pàle apparaître sur les bords de la matière desséchée. Si alors on humecte le résidu avec quelques gouttes de chlorure de calcium, et qu'on chauffe de nouveau, on dé- veloppe immédiatement une belle couleur rouge brique. L'addition de l'ammoniaque m'a donc paru inutile pour produire ce phénomène de coloration, et j'ajouterai môme qu'il n'est pas nécessaire que la solution d'inosite soit évaporée àsiccité, au moment l'on y ajoute

16 le chlorure de calcium, pour qu'en desséchant le mélange on fasse apparaître la couleur rouge.

Cette modification ayant été apportée au procédé primitif, je ne tardai pas à trouver d'autres propriétés chimiques de l'inosite. En effet, en cherchant quelle était l'action des chlorures sur l'inosite, je constatai bientôt une propriété remarquable du chlorure de zinc.

Étant donnée une solution aqueuse d'inosite, si on l'évaporé dans une petite capsule de porcelaine, et que pendant que l'évaporation se produit, on y fasse tomber quelques gouttes d'une solution de chlo- rure de zinc, qu'on évapore de nouveau avec précaution, et que quand il ne reste plus qu'une petite quantité de liquide, on l'additionne de quelques gouttes d'acide azotique et qu'on évapore à une douce cha- leur jusqu'à siccité, on voit aussitôt se produire sur les parois de la capsule une belle couleur rouge brique.

Ce procédé, qui est suffisamment sensible, est surtout précieux au point de vue particulier de la recherche de l'inosite dans l'urine. En effet, j'ai dit précédemment, que quand on verse de l'alcool à 90° dans une urine inositiquc, on précipite à la fois l'inosite -et une partie de l'acide urique, et que la présence de ce dernier corps, par la colora- tion rouge vif qu'il produit au contact de l'acide azotique, s'oppose à ce qu'on ait recours pour déceler l'inosite dans l'urine, à Tacide ni- trique au chlorure de calcium et à l'ammoniaque. Or cette difficulté n'existe plus quand on utilise la propriété du chlorure de zinc que je viens d'indiquer. Pour s'en convaincre, il suffit de mettre dans une petite capsule de l'acide urique et de l'eau distillée, de porter à l'é- buUition, d'ajouter quelques gouttes de solution de chlorure de zinc, d'évaporer de nouveau, et enfin de faire tomber dans la dernière por- tion du liquide quelques gouttes d'acide azotique. Si alors on évapore à siccité, on n'obtient qu'un résidu blanchâtre. Mais si au lieu d'opérer ainsi sur de l'acide urique pur, on agit sur un mélange d'acide uri- que et d'une petite quantité d'inosite, le résidu dans ce cas se colore en rouge brique, absolument comme si l'acide urique n'existait point dans le mélange, ce qui prouve au moins que ce dernier corps ne mo- difie point l'action du chlorure de zinc et de l'acide azotique sur l'i- nosite.

Après avoir essayé sur la dissolution aqueuse d'inosite, l'effet du chlorure de zinc et de l'acide azotique, je cherchai comment se com- porteraient dans cette circonstance d'autres chlorures substitués au

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chlorure de zinc. Avec le chlorure de hurium et le chlorhydrate d'am- moniaque, le résidu prit une teinte rose pâle ; avec les chlorures de manganèse, de nickel, le bichlorure de mercure, j'obtins une colora- tion d'un rouge plus ou moins foncé.

En présence des résultats obtenus par l'action de l'acide azotique sur les chlorures, je pensai que je pourrais employer, au lieu d'acide azotique, certains azotates acides, et ceux que j'ai particulièrement essayés sont les azotates acides de plomb et de bismuth et le proto- azotate de mercure. Par exemple, si l'on dissout dans l'eau une très- petite quantité d'inosite, qu'on y ajoute une goutte de chlorure de nickel, qu'on fasse bouillir, qu'on verse dans la capsule une goutte d'une solution acide d'azotate de plomb et qu'on évapore, on obtient aussitôt une belle couleur rouge, qui pâlit sous l'influence d'une chaleur trop vive et trop prolongée. La preuve que cette coloration est bien due à l'inosite, et non à la simple oxydation du plomb par le fait seul de la chaleur, c'est que si l'on répète l'expérience à blanc et sans inosite, le résidu qui se produit est noirâtre et nullement rouge.

Si la dissolution d'inosite est traitée par le chlorure de nickel et l'azotate acide de bismuth, on obtient encore un résidu rouge, fort semblable au précédent, et qui pâlit comme lui par l'action d'une chaleur trop intense. L'expérience répétée à blanc ne donne point de résidu rouge. Avec le chlorure de zinc et les azotates de plomb et de bismuth réagissant isolément sur la dissolution aqueuse d'inosite, j'ai aussi obtenu un résidu rougeâtre.

Le proto-azotate de mercure, dont j'ai à parler maintenant, m'a paru notablement plus sensible que les précédents, et surtout que l'azide azotique, quand il- s'est agi de déceler la présence de très- petites quantités d'inosite. Dans plusieurs essais, je l'ai fait agir sur divers chlorures, et avec un mélange de chlorure de nickel et de bi- chlorure de mercure, il m'a paru présenter une très-grande sensibi- lité. L'essai se fait absolument comme avec l'acide azotique, et le ré- sidu est d'un rose plus ou moins foncé. J'ajoute que l'acide urique traité par le bichlorure et le proto-azotate de mercure ou par le chlorure de nickel et le proto-azotate de mercure se conduit comme quand il est traité par le chlorure de zinc et l'acide azotique, c'est-à- dire qu'il donne un résidu blanc jaunâtre, qui ne ressemble en rien à celui que fournit l'inosite, et que quand il est mêlé à. cette der-

.MÉM. 2

m

nière substance, il ne nuit nullement à la manifestation de la colo- ration qui caract^^rise l'inosite.

Une dissolution aqueuse d'urée étant donnée, si on la porte à l'é- bullition, qu'on y verse deux à trois gouttes d'une solution concen- trée de bichlorure de mercure, qu'on continue à faire bouillir, qu'on fasse tomber dans la capsule deux à trois gouttes de proto-azotate de mercure et qu'on évapore à siccité, on obtient un résidu blanchâ- tre. Mais si à l'urée on a mêlé une petite quantité d'inosite et qu'on opère comme je viens de le dire, on voit, en soumettant le résidu à l'action d'uoe forte chaleur, se produire une belle couleur violet foncé. Cette couleur n'est soluble ni dans l'eau, ni dans l'alcool, ni dans l'éther. L'ammoniaque la dissout en partie, et elle reparait après évaporation avec sa couleur primitive. Traitée par l'acide nitri- que, elle subit une légère modification dans sa nuance, qui passe au rouge vineux.

Quand on verse de l'azotate de protoxyde de mercure dans une so- lution saturée de sublimé corrosif, il se produit immédiatement un précipité blanc, et la liqueur surnageante reste limpide. C'est qu'en effet le protoxyde de mercure s'unit au chlore du bichlorure pour le transformer en protochlorure de mercure blanc insoluble, et la liqueur débarrassée de son protoxyde de mercure se trouve ramenée alors à l'état d'azotate de deutoxyde. Ce résultat me fit penser que, quand pour rechercher l'inosite dans une liqueur, je faisais agir successive- ment le bichlorure et l'azotate de protoxyde de mercure, l'agent es- sentiel de la réaction était probablement l'azotate de bioxyde de mer- cure, et en effet, les expériences que je fis pour le vérifier ne me laissèrent plus de doute à cet égard; mais elles m'apprirent en même temps qu'il était indispensable, pour que l'expérience réussît bien, que l'azotate de bioxyde de mercure ne fût ni trop concentré ni trop étendu. Or voici la formule à laquelle je me suis arrêté après de nombreux tâtonnements :

Pr. Mercure 16 grammes.

Acide azotique ordinaire. . . 32

Laissez réagir à froid vingt-quatre heures; au bout de ce temps, versez dans une capsule, et évaporez jusqu'à ce que le liquide ait perdu la moitié de son poids. Pendant cette évaporation, on doit avoir soin d'agiter constamment le liquide avec une baguette de verre,

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pour faciliter le dégagement des vapeurs rutilantes. Cela fait, on laisse refroidir la capsule, on pèse 24 grammes d'eau distillée, c'est- à-dire un poids égal à celui que la solution mcrcurielle a perdu par l'évaporation, et on l'ajoute à la liqueur. Immédiatement on voit se produire un dépôt d'azotate basique. On laisse reposer vingt- quatre heures, et l'on décante la liqueur claire. C'est ce liquide que l'expérience m'a démontré être le meilleur réactif pour déceler l'exis- tence de l'inosite dans l'urine, et je pourrais ajouter que c'est aussi le plus sensible, le plus commode et relativement le plus simple pour la recherche de l'inosite en solution dans l'eau.

Pour s'en servir, on met dans une petite capsule de porcelaine la substance qui contient de l'inosite, on verse dessus une faible quan- tité d'eau, on évapore à une douce chaleur en imprimant continuelle- ment au liquide un mouvement circulatoire qui en favorise la volati- lisation, et quand il n'en reste plus que quelques gouttes au fond de la capsule, on y fait tomber à l'aide d'une pipette en verre effilée, une seule gouttelette du réactif mercuriel. Un précipité jaunâtre appa- raît, on rétend autant que possible sur les parois de la capsule, et l'on évapore de nouveau en redoublant de précautions. (Si l'on n'a pas encore l'habitude de ce genre de recherches, le mieux est d'opérer au bain-marie.) Quand tout le liquide a disparu, si l'on n'a pas mis trop de réactif, le résidu est blanc jaunâtre, et si l'on continue l'applica- tion de la chaleur, on le voit bientôt devenir d'un rose plus ou moins foncé, selon la proportion d'ioosite qu'il renferme. Par le refroidis- sement, la couleur rose disparaît, et le fond de la capsule redevient jaunâtre ; mais dès qu'on chauffe légèrement, la teinte rose se montre de nouveau. Cette apparition et cette disparition successive de la teinte rose peuvent être obtenues plusieurs fois. Dans les cas dou- teux, on peut traiter le résidu par l'eau bouillante, filtrer et évapo- rer, en ajoutant, comme la première fois, une gouttelette de réactif. Dès que l'évaporation est achevée, la nuance rose reparaît, et l'on peut répéter plusieurs fois cette opération avec succès; mais on remarque, après plusieurs essais successifs, que la couleur rose devient de plus en plus pâle, et finit par n'être plus appréciable.

On ne saurait objecter que la coloration rose du résidu est due à la simple oxydation du mercure, car la coloration produite par cette oxydation ne ressemble en rien à celle qui résulte de la présence de rinosite, et, de plus, elle ne se manifeste qu'à une température très-

20 élevée, tandis que la couleur rose de l'inosite se produit à la chaleur du Lain-marie, disparait par le rel'roidissement, et se montre de nou- veau sous lintluence dune faible chaleur. J'ai dit déjà que l'acide urique et l'urée ne produisaient rien de semblable. J'en puis dire autant de l'amidon, du sucre de lait, de la mannite. du glycocolle, de la taurine, de la cystine et de la matière glycogène du foie. Quant à l'albumine et à la glycose, elles méritent une mention spéciale, à cause de la fréquence avec laquelle on les rencontre dans l'urine.

Si l'on verse quelques gouttes du réactif mercuriel dans de l'eau albumineuse, on remarque que le liquide se colore en rose, et si l'on évapore à siccité, on obtient un résidu coloré, qui peut masquer jus- qu'à un certain point la coloration spéciale de l'inosite ; aussi est-il indispensable que le liquide dans lequel on recherche l'inosite soit débarrassé d'albumine. J'en dirai autant de la glycose, qui noircit en présence du réactif mercuriel. Mais il est facile d'obvier à ces diffi- cultés, comme je vais le dire tout à l'heure avec plus de détails.

En résumé, ce que je tiens à établir tout de suite, c'est qu'il existe un agent chimique très-sensible, qui donne avec l'inosite une réaction caractéristique, et qui permet, à l'aide d'une manipulation facile, et en opérant sur une petite quantité de liquide, de déceler la présence de cette substance dans l'urine; que ce réactif, qui n'est autre chose que la solution mercurielle dont je viens de donner la formule, peut être appliqué indifféremment à la recherche de l'inosite dans toutes les urines de l'homme sain ou malade, et daus celle de plusieurs ani- maux, qu'il est applicable aussi à la recherche de l'inosite dans d'au très liquides de l'organisme, et qu'il est doué d'une sensibilité re- marquable, qui permet d'apporter beaucoup de précision dans les essais.

l II-

" Pour expérimenter le réactif que je viens d'indiquer, il fallait ajouter à de l'urine une quantité connue d'inosite, et voir quelle était la proportion minimum de cette substance qu'il était possible de reconnaître avec certitude. J'ai fait cette expérience un certain nombre de fois, avec de l'inosite que je devais à l'obligeance de MM. Gloetta et Schérer, et je suis arrivé, en opérant seulement sur 10. et 20 grammes d'urine, à retrouver l'indice de la présence de l'inosite dans des urines qui n'en contenaient que 75 centigrammes

2t et 1 gramme par 1,000. Pour cela, plusieurs manipulations peuvent être mises en usage, selon que l'urine contient de l'albumine ou de la glycose, ou qu'elle ne renferme ni l'une ni l'autre de ces deux sub- stances.

Vrinc no contenant ni albumine ni glycose.

Dans ce cas, qui est le plus simple, on peut opérer la précipitation de l'inosite :

1" Par i'alcool. Pour cela, on pèse 10 ou 20 grammes d'urine, on y verse de l'eau de baryte, qui produit un précipité, en même temps qu'elle décolore le liquide, on filtre, on évapore dans une petite cap- sule à une douce chaleur, ou mieux encore au bain-marie, afin de ne pas colorer le résidu, et quand le contenu de la capsule a été éva- poré aux quatre cinquièmes environ, on le fait couler brusquement dans un verre à pied, et l'on verse dessus de l'alcool à 95°, qui produit un trouble considérable. On abandonne au repos pendant vingt-quatre heures, puis on décante avec précaution, à l'aide d'une pipette, l'al- cool clair. On verse sur le dépôt une nouvelle quantité d'alcool con- centré et froid, on agite, puis on laisse reposer douze heures. Au bout de ce temps, on enlève l'alcool comme précédemment, on reçoit le dépôt dans une capsule, on y ajoute de l'eau, on évapore, et quand la plus grande partie du liquide est évaporée, on y fait tomber une gouttelette du réactif mercuriel, et l'on dessèche le résidu. Si l'urine essayée renfermait de l'inosite, celle-ci a été précipitée par l'alcool concentré, et le dépôt, traité par l'eau et par le réactif mercuriel, donne un résidu qui présente la couleur rose caractéristique.

2* Par l'acétate de plomb basique. On pèse 20 grammes de l'urine à essayer, on y verse par petites quantités une solution saturée d'acé- tate de plomb neutre jusqu'à ce qu'une nouvelle addition ne trouble plus le liquide, on filtre, on néglige le précipité resté sur le filtre, mais. dans la liqueur filtrée on verse de l'acétate de plomb basique. Un nouveau précipité se produit; on essaye si le liquide surnageant n'est plus troublé par une nouvelle addition de sel plombique, et quand ce résultat est obtenu, on laisse reposer vingt-quatre heures. On décante alors la liqueur claire, on verse de l'eau sur le dépôt, on agite pour le laver et entraîner tout ce qui est soluble, on laisse re- poser de nouveau, et l'on décante encore. Le précipité ainsi obtenu et convenablement lavé contient l'inosite combinée à l'acétate basique

22 de plomb. Pour isoler ce dernier corps, on place le précipité dans un verre à pied, on le délaye dans 15 à 20 grammes d'eau distillée, et on le fait traverser par un courant de gaz acide suif hydrique jusqu'à ce que la décomposition soit complète. Gela fait, on sépare par le filtre la liqueur claire du dépôt de sulfure de plomb, on l'évaporé dans une capsule, et quand la plus grande partie du liquide a disparu par l'é- vaporation, on fait tomber dans la capsule une seule gouttelette de l'azotate de bioxyde de mercure préparé comme je lai précédemment indiqué. Le liquide se trouble ou devient légèrement jaunâtre, on le répand soigneusement sur les parois de la capsule, en même temps qu'on le chauffe doucement jusqu'à siccité, et bientôt on voit appa- raître la couleur rose. Si le résidu était trop coloré pour qu'on pût distinguer bien nettement la nuance rose, on verserait dans la cap- sule une petite quantité d'eau, on ferait bouillir, on filtrerait, et l'on essayerait de nouveau la liqueur filtrée, en l'évaporant avec addition d'une goutte du réactif mercuriel. En répétant ainsi l'opération, on obtient quelquefois un résultat plus net que le premier, et il est bon d'y avoir recours dans les cas douteux. Pour être sûr de ne pas ver- ser trop de solution mercurielle dans la capsule, je me sers d'un tube en verre effilé, que je plonge dans le réactif, et qui ne le laisse échapper que par gouttes très-ténues. J'ajoute encore que, par le refroidisse- ment et l'exposition à l'air, la couleur rose est remplacée par une couleur jaunâtre , mais qu'elle reparaît dès que le fond de la capsule est soumis à une chaleur convenable.

Ce procédé, dont le principal inconvénient est de nécessiter un dé- gagement d'hydrogène sulfuré, présente sur le précédent un avantage marqué, celui dr donner avec toutes les urines, même avec celles qui sont le plus colorées, une Uqueur parfaitement incolore et qui faci- lite beaucoup les recherches ; aussi est-ce à lui que je conseille d'avoir le plus souvent recours, à moins que l'urine soit très-peu chargée de matière extractive, comme dans la polyurie, dans l'urine dite ner- veuse des hystériques, etc., cas dans lesquels la précipitation par L'a^lcool concentré réussit bien.

Essai des urines albumineuses.

On pèse 20 grammes d'urine, on y verse quelques gouttes d'acide acétique, et l'on porte à lébuUitioii pour coaguler l'albumine. On filtre, on laisse refroidir, on traite par l'acétate neutre de plomb, on

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filtre de nouveau, et l'on précipite cette fois par l'acétate basique de plomb. On laisse reposer, on décante le liquide surnageant, on lave à plusieurs reprises le précipité avec de l'eau, puis on le décompose par l'hydrogène sulfuré, et l'on essaye par le réactif mercuriel le li- quide limpide qui provient de la décomposition. S'il arrivait qu'il contînt encore une certaine proportion d'albumine, l'addition du réactif colorerait immédiatement en rose le liquide de la capsule, mais en évaporant à siccité, reprenant le résidu par l'eau bouillante, filtrant, puis évaporant ce dernier liquide avec une goutte de la solu- tion de mercure, on n'obtient de résidu rose qu'autant que l'urine essayée renfermait de l'inosite.

Les urines dites chyleuses ou laiteuses, les urines sanguinolentes et les urines purulentes seront traitées comme les urines albumi- neuses.

Essai des urines contenant de la glycose.

J'ai dit que la glycose, chauffée à siccité en présence du réactif mercuriel, communiquait au résidu une teinte noire qui masquait complètement la couleur rose de l'inosite; aussi était-il indispensable, pour rechercher cette dernière substance dans les urines qui renfer- maient de la glycose, de pouvoir l'isoler de celle-ci. La précipitation par l'alcool n'était point applicable dans ce cas, car l'alcool à 95' pré- cipite une forte proportion de glycose. Quant à l'acétate de plomb tribasique, il en précipite aussi une certaine quantité; mais comme on n'opère que sur très-peu d'urine, la faible proportion qui se trouve dans la liqueur, après la décomposition par l'hydrogène sul- furé, n'empêche point la coloration rose de se produire si le liquide renferme de l'inosite.

Ceci posé, pour rechercher l'inosite dans une urine diabétique, on pèsera 20 grammes de cette urine, on la traitera par l'acétate de plomb neutre, on filtrera, et l'on traitera la liqueur claire obtenue par l'acétate de plomb tribasique. Quand cette dernière précipitation sera complète, on laissera le dépôt se rassembler convenablement au fond du vase, puis on décantera le liquide surnageant, et on le rem- placera par huit à dix fois son volume d'eau distillée. On agitera, on laissera reposer, puis on décantera, et l'on recommencera plusieurs fois cette dernière opération, jusqu'à ce que l'eau de lavage ne ré- duise plus la liqueur de Fehling. Cela fait, on versera sur le pré-

24 cipité 20 grammes environ d'eau, on agitera, et l'on décomposera par l'acide sulfhydrique. On obtiendra ainsi une liqueur parfaite- ment incolore, qu'on essayera par le réactif mercuriel, comme je l'ai déjà indiqué. Seulement, comme le liquide peut contenir encore une faible quantité de sucre, si l'on chauffe à feu nu, on redoublera de précaution à la fin de l'opération, pour que le résidu ne soit point soumis à une température trop élevée, et que la coloration noire ne se produise pas.

J'ai à peine besoin d'ajouter, que si une urine diabétique était en môme temps albumineuse, -comme cela s'observe quelquefois, il fau- drait tout d'abord se débarrasser de l'albumine, avant de faire les pré- cipitations par les acétates neutre et basique de plomb.

Quand, en opérant comme je viens de l'indiquer sur un petit échan- tillon d'une urine quelconque, on a acquis la certitude qu'elle con- tient de l'inosite, et qu'on veut extraire celle-ci, on recommence l'opération absolument de la même manière, mais eu agissant cette fois sur un demi-litre ou sur un litre de liquide, et lorsque le préci- pité obtenu à l'aide de l'acétate basique de plOmb a été décomposé par l'acide sulfhydrique, on évapore doucement au bain-marie, et le pro- duit de l'évaporation est traité par l'alcool concentré bouillant, qui en se refroidissant, laisse cristalliser l'inosite. C'est en suivant cette marche, que j'ai réussi à extraire de l'inosite de l'urine d'un diabé- tique.

Si, au lieu d'employer l'acétate de plomb, on a précipité par l'al- cool concentré, il suffira, pour obtenir l'inosite, de laver plusieurs fois à froid le précipité avec l'alcool fort, puis de le traiter par l'alcool concentré bouillant, qui dissoudra l'inosite et la laissera cris- talliser par le refroidissement. Les cristaux obtenus, on les dessé- chera pour en déterminer lo poids.

Après avoir trouvé un procédé qui permit de constater l'existence de l'inosite dans un petit échantillon d'une urine quelconque, je me suis mis en devoir de rechercher cette substance dans le produit de la sécrétion rénale, et ce sont les résultats que j'ai obtenus, que je vais maintenant exposer.

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CHAPITRE IV.

RECHERCHE DE LINOSITE DANS L'URINE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX

PENDANT l'État de santé.

D'après les analyses de M. Briicke, répétées et confirmées par M. Bence-Jones, on trouverait constamment une faible proportion de glycose dans l'urine de l'homme sain. Je ne connais aucun travail fait en France qui vienne appuyer cette assertion ; aussi je ne la re- produis que sous toute réserve. Ce qui est mieux établi (1), c'est que quand un homme bien portant ou un animal ingèrent, étant à jeun, une quantité considérable de sucre de canne, il arrive souvent qu'une certaine proportion de ce sucre peut passer dans les urines, on le retrouve à l'état de glycose.

Or, si les choses se passent ainsi pour le sucre, il était rationnel de se demander à priori si l'inosite qui existe constamment dans la viande, notre aliment le plus usuel, qui se rencontre également dans les haricots verts et probablement dans d'autres légumes, qui fait partie constituante de nos muscles et de tous nos viscères, n'était pas habituellement éliminée de l'organisme par les urines.

M. Gloetta s'était déjà posé cette question, et il avait cherché à la résoudre. L'analyse successive de 4 livres d'urine d'homme bien portant et de 10 livres d'urine de vache lui avait donné des ré- sultats négatifs. De mon côté, j'ai essayé aussi, par la méthode précé- demment décrite, de l'urine de Thomme à l'état physiologique, et quoique ce procédé, comme je l'ai dit déjà, permette de reconnaître l'inosite dans une urine qui en contient moins d'un millième, je n'ai pu réussir à en trouver dans l'urine normale.

Si ces recherches m'autorisent à penser que l'urine de l'homme, à l'état physiologique, ne contient point d'inosite, ou au moins qu'elle n'en renferme pas une proportion susceptible d'être appréciée par les procédés actuellement connus, il est encore une question que j'ai me poser, c'est celle de savoir ce qui arriverait, si l'on ingérait une

(1) Claude Bernard, Leçons de physiologie expérimentale, t. I, p. 426.

Î6 quantité notable d'inosite. Malheureusement la solution de ce pro- blème, si facile quand il s'agit du sucre, rencontre par rapport à l'inosite un obstacle presque insurmontable, en raison de la rareté de cette substance et de la difficulté de la préparer en grand. N'en ayant eu à ma disposition qu'une petite quantité, il m'a été impossible d'en ingérer assez pour avoir quelques chances de la retrouver dans mon urine, et j'ai renoncer pour le moment à cette expérience in- téressante. Restait la ressource de l'emprunter aux aliments, en se nourrissant exclusivement, par exemple, avec les viandes qui en contiennent le plus. Mais d'abord il est possible que la cuisson, en présence de certains condiments, modifie plus ou moins la composi- tion chimique de l'inosite; en second lieu, en admettant qu'elle n'eût point changé de nature sous l'influence de la préparation culinaire, elle n'arriverait dans les organes digestifs, que mêlée à une quantité considérable de fibrine et des autres matières albuminoïdes qui en- trent dans la composition des tissus animaux, et le suc gastrique ne se conduirait peut-être point vis-à-vis d'elle comme si elle était pure ; enfin, les recherches de MM. Schérer et Cloetta montrent que la pro- portion d'inosite contenue dans les muscles et dans les différents viscères est bien peu considérable, puisque ce dernier chimiste n'a pu extraire que 5 à 6 grammes d'inosite, en opérant sur 13 livres de reins de bœuf.

En présence de ces difficultés, j'ai pensé que le problème pourrait être éclairé, sinon résolu, par un moyen indirect, et que les animaux féroces exclusivement carnivores étaient à peu près dans les condi- tions assignées à l'expérience. En effet, ces animaux, tels que le lion, le tigi'e et le jaguar, mangent en moyenne, dans les vingt-quatre heures, 4 à 5 kilos de chair musculaire, et introduisent par consé- quent tous les jours, dans leur appareil digestif, une quantité notable d'inosite. Or, grâce à l'obligeance de M. le professeur Milne-Edwards, directeur du jardin des plantes, j'ai pu me procurer de l'urine de deux lions, d'une tigresse et de deux jaguars.

J'ai recueilli moi-même * avec soin les urines de la nuit, j'ai pris 30 grammes de chacune d'elles, je les ai filtrées séparément, puis je les ai précipitées successivement par l'acétate neutre de plomb et par le sous-acétate, et les précipités obtenus par ce dernier agent ont été décomposés par l'hydrogène sulfuré. Les liquides provenant de ces décompositions ont été essayés à l'aide de la solution mercurielle, et

27 aucun d'eux ne m'a fourni la réaction caractéristique de l'inosite. Après cette première série d'expériences, je réunis dans un même vase tout ce qui me restait de ces urines, je précipitai le tout par l'acétate neutre, puis par le sous-acétate de plomb, et je décomposai ce dernier précipité par Facide sulfliydrique. La liqueur ainsi obte- nue fut évaporée avec précaution et précipitée par l'alcool à 95°, et le dépôt ainsi produit, dissous dans l'eau et évaporé en présence du réactif mercuriel ne me fournit qu'un résidu blanc.

Ces résultats m'autorisent à conclure, que chez les animaux qui in- gèrent tous les jours plusieurs grammes d'inosite avec leurs ali- ments, les reins dans les conditions ordinaires de la santé, n'éliminent pourtant point une quantité appréciable de cette substance, qui est modifiée sans doute en traversant le tube digestif. Il est vrai, je l'a- voue, que si un homme ou un animal ayant mangé de la viande, et par suite l'inosite qui y est contenue, n'ont point rendu cette sub- stance par l'urine, on ne saurait affirmer pour cela qu'il en eût été absolument de même, si l'inosite eût été prise seule, à l'état de pu- reté età jeun, c'est-à-dire dans les conditions les plus favorables à son assimilation. Mais cependant il y a quelques raisons de croire, que même dans ce dernier cas, l'inosite, comme le sucre ou l'albumine, n'aurait de chance d'être retrouvée dans l'urine, que si on en avait ingéré une quantité assez considérable.

CHAPITRE V.

RECHERCHE DE L'INOSITE DANS L'URINE DE L'HOMME PENDANT

l'état de maladie.

Les seuls cas d'urine inositique qui, à ma connaissance, aient été consignés dans les journaux scientifiques, appartiennent à des mé- decins étrangers. C'est M. Cloetta qui le premier, comme je l'ai dit en commençant, a découvert l'inosite dans l'urine, et la personne qui la lui avait fournie était affectée de la maladie de Bright. Le même observateur en a rencontré une fois dans l'urine d'un diabétique. Sur quatre urines inositiques observées par le docteur Neukomm, trois appartenaient à des albuminuriques et une à un diabétique. Enfin, les cas de MM. Lebert et Vohl se rapportaient à des glycosu- riques.

- 28 C'est la connaissance de ces quelques faits isolés qui m'a donné l'idée d'entreprendre de nouvelles recherches. Existait-il une mala- die comparable au diabète, qui fût causée uniquement par le passage de l'inosite dans l'urine, et qui méritât le nom d'inosurie essentielle ou de diabète inosilique? Dans ce cas, quels en étaient les symptô- mes, la nature et le traitement? Ou bien l'inosurie n'était-elle qu'un symptôme, qu'un épiphénomène qui apparaissait dans certains états morbides? Et alors quelles étaient les maladies dans lesquelles on ob- servait ce symptôme, et quelle en était la signification? Telles sont les questions que je me suis posées et dont j'ai cherché la solution.

ri.

Recherche de Pinoaite dans l'urine des polynriqnes.

La maladie qu'on désigne sous les noms de polyurie, de polydipsie, de diabète insipide, est trop bien connue pour que je croie devoir en rapporter les symptômes. Je rappellerai seulement, que M. le profes- seur Claude Bernard a démontré qu'on pouvait la produire artificielle- ment comme le diabète sucré, en piquant un point déterminé du plancher du quatrième ventricule du cerveau. Outre cette analogie d'origine, le diabète sucré et la polyurie offrent des ressemblances très- frappantes sous le rapport des symptômes, et sous le rapportde l'aspect des urines excrétées qui sont incolores et limpides. Mais vient-on aies analyser, on trouve qu'elles diffèrent complètement l'une de l'autre, en ce que l'une contient de la glycose, tandis que l'autre en est ab- solument dépourvue.

En songeant que les polyuriques maigrissent ordinairement, c'est- à-dire perdent de leur tissu musculaire, et par conséquent l'inosite qui y est contenue, que leur soif est vive comme celle des malades dont l'urine renferme de la glycose, et qu'ils accusent quelquefois une saveur sucrée dans la bouche, l'idée me vint que dans leur urine, la glycose pourrait bien être remplacée par l'inosite. Que sil'on ob- jecte maintenant qu'une urine inositique ne serait point insipide, je répondrai qu'une certaine quantité de ce corps dissoute dans le pro- duit de la sécrétion rénale pourrait n'être point sensible au goût en présence des sels contenus dans l'urine, et être cependant très-ap- préciable aux réactifs.

J'ai eu l'occasion d'observer plusieurs polyuriques, j'ai analysé

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leurs urines, et je rapporterai succinctement les résultats que j'ai ob- tenus.

Obs. I. X..., cocher d'omnibus, couché à la Charité, salle Saint- Ferdinand, 15, est âgé de 54 ans. Depuis trois mois, à la suite d'un refroidissement, il a beaucoup maigri; sa peau est sèche et se des- quamme. L'appétit est très-développé et les digestions sont pénibles ; mais le. symptôme le plus insupportable est une soif excessive. En effet, le sujet boit dans les vingt-quatre heures de 12 à 14 litres d'eau, et il rend sensiblement la même quantité d'urine. Celle-ci est limpide, tout à fait incolore, et n'agit nullement sur la liqueur de Fehling avec la- quelle on la fait bouillir.

Pour y rechercher l'inosite, j'en évaporai 50 grammes au bain-marie jusqu'à ce que le liquide fût ramené environ au dixième de son volume, et je le versai rapidement dans un verre à pied. Je l'étendis de huit à dix fois son volume d'alcool à 95°, et je laissai le précipité pendant douze heures se rassembler au fond du vase. L'alcool fut alors décanté avec précaution ; je le remplaçai par un même volume d'alcool à 95°, avec lequel j'agitai le dépôt pour le laver, et j'abandonnai le tout au repos. Dès que lo précipité fut bien rassemblé au fond du vase, je dé- cantai le liquide surnageant; le dépôt fut reçu dans une petite capsule de porcelaine et dissous dans une faible quantité d'eau. Cette dernière solution, qui devait contenir l'inosite, fut évaporée, et à la fin de Topé- ration, j'ajoutai une gouttelette du réactif mercuriel, et j'évaporai à sic- cité. Le résidu ainsi obtenu resta blanc, et indiqua par conséquent l'absence de l'inosite.

L'essai fut répété avec de semblables précautions sur 30 grammes de la même urine, et la coloration caractéristique de la présence de l'ino- site fit encore défaut. Enfin, quinze jours plus tard, alors que l'état du malade était amélioré, que la faim et la soif avaient notablement dimi- nué, j'analysai un nouvel échantillon d'urine, et j'y constatai cette fois encore l'absence de l'inosite.

Obs. il Un infirmier placé dans le service de M. Béhier, à l'hôpi- tal de la Pitié, était tourmenté par une soif ardente. Son appétit était très-développé et ses forces à peu près conservées. La quantité d'urine rendue dans les vingt-quatre heures était d'environ 9 à 10 litres, et cette urine était limpide etincolore comme de l'eau distillée. J'en éva- porai 60 grammes aux 9/10 de leur volume, et le résidu de l'évaporation fut traité par l'alcool à 95°. J'obtins ainsi un dépôt, que je lavai une se- conde fois avec de l'alcool concentré, et que je fis dissoudre ensuite dans une petite quantité d'eau. Je filtrai et j'essayai cette solution lim- pide par le réactif mercuriel ; mais le résidu obtenu resta complètement

30 blanc, et me permit ainsi de conclure à l'absence de l'inosite. Pourm'as- surer que je m'étais entouré de toutes les précautions désirables, j'a- joutai à 60 grammes prélevés sur le même échantillon d'urine quelques cristaux d'inosite, et en répétant l'opération comme précédemment, j'obtins un résidu d'un rose vif, qui décela d'une manière évidente la présence de la faible proportion d'inosite introduite artificiellement,

Obs, III. Salle Sainte-Jeanne, 20 (Hôtel-Dieu). Ce malade, âgé de 30 ans environ, dit avoir reçu il y a trois ans environ un coup de pied de cheval dans la région de Ihypocondre droit. Bientôt après cet accident, il se produisit un ictère très-prononcé, puis les urines devin- rent sucrées, et le malade fut soumis en ville au traitement des diabéti- ques. Quand il entraàl'Hôtel-Dieu, son urine fut examinée, et l'onycon- stata l'absence complète de glycose; mais la soif ardente à laquelle le sujet était en proie établissait suffisamment qu'on avait affaire à une po- lyurie. La quantité de boisson ingérée dans les vingt-quatre heures était d'environ 15 litres, et la quantité d'urine rendue dans le même temps était encore plus considérable. C'est dans ces conditions que je recueillis l'urine de cet homme, qui me paraissait emprunter uh intérêt tout spécial, à cette circonstance qu'elle avait renfermé de la glycose à un moment donné de la maladie, et|qu"elle n'en renfermait plus le jour de mon examen. Je fis deux parts égales de cette urine : l'une fut traitée par le procédé de l'alcool concentré, l'autre fut soumise au procédé d'a- nalyse par les acétates plombiques et l'hydrogène sulfuré, et dans les deux cas, je constatai l'absence de l'inosite.

Obs. IV. —Salle Saint-Charles, 19 (Pitié). Une femme d'un embon- point très-prononcé, couchée dans le service de M. Béhier, dit avoir été prise tout d'un coup, à la suite d'une longue course, d'une soif inextin- guible. Au moment de son entrée à l'hôpital, elle buvait environ 17 litres d'eau par jour, et le volume de l'urine rendue était plus considéra^ ble encore que celui des boissons ingérées. Cette urine, limpide et inco- lore comme de l'eau, ne contenaitpas la moindre trace de glycose, quoique la malade accusât un goût sucré dans la bouche, et par conséquent on ne pouvait hésiter à reconnaître dans ce cas une polyurie. Pour cher- cher l'inosite dans l'urine de cette malade, j'en pris 100 grammes, et je les précipitai successivementpar l'acétate neutre, puis par l'acétate ba- sique de plomb. Je lavai le dernier précipité obtenu, je le décomposai par l'hydrogène sulfuré, et le liquide provenant de cette décomposition, évaporé avec les précautions convenables, puis additionné dune gout- telette du réactif mercuriel, fournit un résidu blanc, qui indiquait l'ab- sence certaine de l'inosite.

31 De ces quatre observations, je puis donc déjà conclure, que dans le diabète insipide, il n'y a point inosurie, et qu'on ne saurait par con- séquent, en assimilant cette maladie au diabète sucré, attribuer à l'é- limination de l'inosite par l'urine, les principaux symptômes que l'on remarque cliez les polyuriques.

Recherche dp l'inosite dans l'urine des femmes en lactation.

Il est une catégorie d'urines dans lesquelles j'ai cru devoir aussi rechercher spécialement l'inosite : ce sont celles des femmes récem- ment accouchées et en lactation, qui réduisent très-énergiquement la liqueur de Fehling;, comme l'a démontré M. Blot, et qui cependant, d'après les analyses faites avec le plus grand soin par M. Leconte, ne renferment point de glycose.

1" Hôpital des Cliniques, service d'accouchements, n" 28. Femme accouchée depuis trois jours en pleine lactation. Son urine, chauffée avec la liqueur de Fehling, communique à cette dernière une couleur jaune serin qui, par le refroidissement, passe au jaune verdàtre. J'ai précipité 60 grammes de cette urine par l'acétate neutre, puis par l'a- cétate basique de plomb. Le dernier précipité obtenu a été décomposé par l'hydrogène sulfuré, et en recherchant l'inosite dans le liquide qui provenait de cette décomposition, je n'ai obtenu qu'un résultat négatif. Pour m'assurer que j'avais convenablement opéré, j'ai recommencé l'a- nalyse de la même urine en y ajoutant une petite quantité d'inosite, et j'ai obtenu cette fois la coloration rose caractéristique de la présence de cette substance.

Hôpital des Cliniques, service d'accouchements, n" 33. Femme accouchée depuis cinquante-quatre heures, seins remplis de lait. L'u- rine agit surla liqueur de Fehling comme la précédente. L'essai a été fait sur 60 grammes par le môme procédé et avec les mêmes précau- tions que dans le premier cas, et le résultat a encore été négatif. Une contre-expérience a été faite en ajoutant artificiellement de l'inosite à cette urine, et cette fois cette substance a été retrouvée.

Enfin, l'urine d'une troisième femme accouchée et en lactation s'étant absolument conduite comme les deux premières, il est naturel de conclure que l'inosite qui, par sa formule chimique appartient au même groupe que la galactose, n'existe point en quantité appréciable dans l'urine des femmes récemment accouchées qui nourrissent, et

32 qu'elle ne joue aucun rôle par conséquent, dans le phénomène de colo- ration en jaune et de réduction, qui se produit quand on fait bouillir cette urine avec le réactif de Fehling.

l m. .

Recherche de Pinosite dans l'urine des diabétiques ; inosurie et glycosurie simultanées.

Puisque l'inosite avait déjà été trouvée dans l'urine des diabéti- ques, mon attention devait se porter naturellement de ce côté. Eu effet, il était important de savoir si toutes les urines qui renferment de la glycose étaient en même temps inositiques, ou bien si l'inosite ne s'y rencontrait que quelquefois, et dans quelle proportion on l'y trouvait; si l'inosite et la glycose s'excluaient l'une l'autre ; si dans certains cas la glycose disparaissait et était remplacée complètement par l'inosite, de manière que la maladie méritât alors le nom de dia- bète inositique ; si enfin on observait des symptômes particuliers, sur les sujets dont lurine renfermait une plus ou moins forte proportion d'inosite.

Pour les urines simplement polyuriques et qui ne renfermaient point de glycose, j'ai pu précipiter l'inosite indifféremment, soit par l'alcool concentré, soit par l'acétate de plomb basique; mais quand l'urine contient du sucre de raisin, la précipitation de l'inosite par l'alcool n'est plus possible, parce qu'une proportion considérable de glycose serait entraînée en même temps que l'inosite par l'alcool con- centré, et dans ce cas, il faut recourir à la précipitation par le sous- acétate de plomb.

Étant donc donnée une urine de diabétique, pour y rechercher l'i- nosite, on en pèsera 20 grammes, on les traitera par l'acétate de plomb neutre, jusqu'à ce que ce réactif cesse d'y former un préci- pité, on filtrera dans un verre à expérience, et l'on précipitera la li- queur filtrée par l'acétate de plomb basique. Cela fait, on laissera re- poser le tout jusqu'à ce que le dépôt soit bien rassemblé au fond du verre, et que le liquide surnageant soit limpide. Ce dernier sera dé- canté avec précaution, puis remplacé par une quantité triple ou qua- druple d'eau distillée, destinée à laver le précipité, et à entraîner la glycose qui pourrait être emprisonnée dans sa masse. Au bout de quelques heures de repos, le liquide surnageant devenu limpide sera

33 -^ -

décanté à son toui", puis remplacé par une nouvelle quantité d'eau, qui ne devra plus contenir de glycose, comme il sera facile de s'en assurer en la faisant bouillir avec de la liqueur de Fehling. Ce résul- tat étant obtenu, on décantera encore une fois la liqueur claire, puis on délayera le précipité ainsi lavé dans 15 ù 20 grammes environ d'eau distillée, et on le décomposera par un courant d'hydrogène sulfuré. Quand la décomposition sera complète, on fdtrera et l'on évaporera le produit de la fdtration dans une petite capsule de porcelaine, eu y faisant tomber, quand il ne restera plus que 1 à 2 grammes de li- quide, une gouttelette du réactif mercuriel. On inclinera la capsule dans tous les sens, pour que le liquide s'étale convenablement sur ses parois, puis on évaporera doucement à siccité. Si la liqueur essayée contenait de l'inosite, le résidu sera coloré en rose, tandis qu'il res- tera blanc jaunâtre si lurine n'était point inositique.

Si l'on verse sur ce résidu 5 grammes environ d'eau distillée, qu'on porte à rébuilition, qu'on jette sur un fdtre et qu'on évapore de nou- veau à siccité, en ajoutant une goutte du sel mercuriel, la couleur rose reparait une seconde fois s'il y avait de l'inosite, et dans le cas contraire, le résidu reste blanchâtre. C'est donc une contre-expé- rience qu'il est bon de répéter dans les cas douteux. Quand l'essai que je viens de décrire a indiqué d'une manière certaine la présence de l'inosite dans l'urine examinée, si l'on désire isoler cette substance et la doser, on procédera comme je l'ai indiqué précédemment.

J'ai cherché l'inosite dans un certain nombre d'urines de diabéti- ques, et je vais exposer les résultats que l'expérience m'a fournis.

Obs. I. Mademoiselle de "V..., à Besançon, est diabétique, et le po- larimètre indique dans son urine la présence de 50 grammes de glycose. Cette même urine a été essayée au point de vue de l'inosite, et le ré- sultat que j'ai obtenu a été négatif.

Obs. II. X..., diabétique, rend de l'urine qui renferme 65 grammes de glycose par 1,000. Je prélevai un écbantillon de cette urine pour y rechercher l'inosite, et je ne réussis pas à y découvrir la moindre trace de cette substance.

Obs. III. Diabète très-léger, puisque l'urine ne renferme que 5 gram- mes de glycose par 1,000; point d'inosite.

Obs. l'V. Mademoiselle M..., âgée de 4 ans, est atteinte du diabète sucré, et le polarimètre indique la présence de 40 grammes de glycose

MÉM, 3

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dans son urine. Je recherchai Tinosite à différentes périodes de la ma- ladie dans plusieurs échantillons de cette urine, et j'arrivai toujours à

des résultats négatifs.

Obs. V. X..., diabétique, rend 50 grammes de glycose par 1,000 grammes d'urine. Je prélève 30 grammes de cette urine que je précipite successivement par l'acétate neutre, puis basique de plomb. Je décom- pose le dernier précipité obtenu par l'hydrogène sulfuré, et l'analyse du liquide provenant de cette décomposition me démontre l'absence de l'inosite dans l'urine examinée.

Obs. VI. X..., âgé de 34 ans, garçon épicier, est couché à la Pitié, salle Saint-Paul, 29. Il rend dans les vingt-quatre heures quatre à cinq litres dune urine assez chargée de glycose. La recherche de l'ino- site dans ce liquide a donné un résultat négatif.

Obs. VII. Un échantillon d'urine diabétique qui m'avait été donné par M. Leconte, fut soumis à l'analyse par le procédé précédemment décrit, et j'y constatai la présence de l'inosite. Ici donc glycosurie et inosurie simultanées.

Obs. VIII. M. le comte de L..., confié aux soins de M. le professeur Rayer, est affecté depuis quelque temps du diabète sucré. Je recher- chai l'inosite dans un échantillon de son urine, qui renfermait 40 gram- mes de glycose par 1,000, puis quatre mois plus tard, dans un nouvel échantillon qui en renfermait 47 grammes, et ces deux analyses m'ont donné toutes deux des résultats négatifs.

Obs. IX. Dans un cas de diabète léger, et dans lequel l'urine ana- lysée par le procédé de la fermentation, ne contenait que 8 grammes de glycose par 1 ,000, je n'ai pu réussir à découvrir la moindre trace d'inosite.

Obs. X. L'urine d'un diabétique qui contenait 16 grammes de gly- cose par 1,000, et que je devais à l'obligeance de M. le docteur Le- conte, fut divisée en trois portions qui furent soumises toutes trois au procédé d'analyse par le plomb et l'acide sulfhydrique, et dans toutes les trois, le réactif mercuriel donna un résidu rose, indiquant d'une manière très-positive l'existence de l'inosite. Ainsi donc, ici encore la glycosurie et Tinosurie sont simultanées.

Obs. XL— M. le docteur L... est diabétique depuis plusieurs années. L'échantillon de son urine dans lequel je recherchai l'inosite, renfer- mait 65 grammes de glycose par 1,000, et l'analyse ne me permit pas d'y découvrir la moindre trace d'inosite. Un second essai fait plusieurs mois après le premier sur une nouvelle quantité d'urine, me fournit également un résultat négatif.

35 Obs. XII. X... est affecté d'un diabète léger, puisque son urine ne contient que 3 grammes de glycose par 1,000. J'y ai recherché Finosite, et la coloration rose obtenue à l'aide du réactif mercuriel m'a démontré l'existence de cette substance dans le liquide examiné.

Obs. XIII. Madame R..., qui est adonnée à la culture des lettres, est atteinte d'un diabète léger. L'échantillon d'urine qui me fut remis, et que j'examinai au polarimètre, contenait 22 grammes de sucre par 1,000 grammes. J'y recherchai l'inosite, et j'y constatai la présence de cette substance.

Obs. XrV. M. Dup... est affecté aussi d'un diabète peu intense, puisque l'urine qu'il m'a remise ne contenait que 8 grammes par 1,000 grammes de glycose. L'essai que je fis pour y rechercher l'inosite ne me donna qu'un résultat négatif.

Obs. XV. M. B..., architecte,— urine contenants grammes de gly- cose par 1,000 grammes ; point d'inosite.

Obs. XVI. M. Dum... est affecté d'un diabète très-intense, puisque son urine renferme 75 grammes de glycose par 1,000 grammes. Les es- sais auxquels je me suis livré pour y découvrir l'inosite ont été infruc- tueux.

Obs. XVII. M. Fr..., dont l'urine contient une forte proportion sucre, ne rend point non plus d'inosite.

Obs. XVIII. M. X..,, 30 grammes de glycose par 1,000; point d'i- nosite.

Obs. XIX. M. Ferdinand L... est atteint d'un diabète qui date de plusieurs années. Son urine renferme en moyenne de 30 à 40 grammes de glycose par 1,000. J'ai recherché l'inosite dans divers échantillons de cette urine recueillis à plusieurs mois d'intervalle, et toujours mes essais ont été infructueux.

Obs. XX. M. d'Arm... est à la fois goutteux et diabétique, comme on a souvent occasion de l'observer. Quand j'analysai son urine, je trouvai très-chargée de sucre, car elle en contenait 76 grammes par 1,000, et elle renfermait en outre une forte proportion d'acide urique cristallisé; mais j'y recherchai en vain l'inosite.

Obs. XXI. X..., couché au 21 de la salle Saint-Charles, à l'hô- pital de Lariboisière, est arrivé à une période très-avancée du diabète. Sa toux fréquente et l'aspect des matières expectorées indiquent l'exis- tence de tubercules en voie de ramollissement. L'amaigrissement est

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très-prononcé, et l'urine est très-chargée de sucre, mais je n"ai pu y découvrir la présence de l'inosite.

Obs. XXll. X..., couché au n" 17 du même service, rend aussi une forte quantité de glycose, mais le dépérissement est moindre, et l'état général plus satisfaisant. Je n"ai point trouvé d'inosite non.plus dans son urine.

Obs. XXIII. X..., couché au 19 de la salle Saint-Landry, à l'hô- pital de Lariboisière, boit sept à huit litres d'eau dans les vingt-quatre heures. L'urine est rendue en quantité proportionnelle, et l'analyse y démontre la présence d'une quantité considérable de sucre, mais l'ab- sence complète de l'inosite.

Obs. XXIV. M. de Bonnef..., employé de commerce, est diabé- tique depuis quatre ans environ. Il a beaucoup maigri, et il est telle- ment affaibli qu'il a renoncer à son travail. Il a perdu l'appétit, et sa langue est continuellement sèche et noirâtre. L'urine contient environ 40 à 45 grammes de glycose par 1,000 grammes. J'ai opéré sur GO grammes de ce liquide, pour y rechercher l'inosite, et le réactif mercu- riel ne m'a pas donné la moindre coloration rose, qui indiquât la pré- sence de cette substance.

Obs. XXV.— M. B... rend une urine qui contient 42 grammes de gly- cose par 1,000; j'y ai recherché l'inosite en opérant sur 40 grammes de liquide, et plusieurs essais successifs m'y ont démontré l'absence de l'inosite.

Obs. XXVI. Une urine de diabétique qui contenait 40 grammes de glycose, et qui m'avait été donnée par M. Leconte, fut analysée au point de vue de l'inosite, et le résultat fut négatif.

Obs. XXVII. X... est depuis longtemps glycosurique : la fermenta- tion indique dans son urine la présence de 64 grammes de glycose; mais je n'y ai point constaté la présence de l'inosite.

Obs. XXVIII. M. Duham..., dont l'urine a contenu jusqu'à 45 grammes de glycose par 1,000, est aujourd'hui à peu près guéri, car la fermentation de ce liquide n'indique plus que la présence d'une quan- tité à peine appréciable de glycose. Mais en raison môme de celte cir- constance, il m'a paru très-intéressant d'y rechercher l'inosite. J'ai fait l'essai sur 60 grammes, et je n'ai obtenu qu'un résultat négatif.

Obs. XXIX. G... est affecté d'un diabète peu intense; son urine ne renferme que 12 grammes de glycose par 1,000, et point d'inosite.

Obs. XXX. M. le docteur X... n'est diabétique que depuis peu de

37 temps. Son urine, examinée au polarimètrc, fut trouvée contenir 68 grammes de glycose par 1,UU0. J'en prélevai 3U grammes, je les préci- pitai parles acétates neutre et basique de plomb, et ce dernier précipité, décomposé par l'hydrogène sulfuré, me fournit une liqueur qui, évapo- rée à siccité en présence d'une gouttelette du réactif mercuriel, donna une coloration rose intense annonçant la présence de l'inosite.

Pour qu'il ne restât aucun doute sur la valeur du procédé que je viens d'indiquer, je résolus d'essayer d'extraire l'inosite elle-même. Dans ce but, je pris 200 grammes de la même urine, je la traitai par l'acétate neutre de plomb, je filtrai et je précipitai la liqueur claire ob- tenue par l'acétate de plomb basique. Ce dernier précipité fut décom- posé par l'hydrogène sulfuré, et la liqueur claire qui résulta de cette décomposition devait contenir l'inosite. Pour m'en assurer, je la fis éva- porer au quatre cinquièmes de son volume, puis je la précipitai par l'alcool à 90". Je fis bouillir un instant cet alcool dans un tube à essai, puis je versai immédiatement le contenu du tube dans un verre à expé- rience où je le laissai reposer. Au bout de trois jours, je décantai soi- gneusement l'alcool clair, et il me resta un dépôt amorphe d'un blanc jaunâtre, qui n'était autre chose que de l'inosite impure. Ilauraitsuffi de la traiter une seconde fois par l'alcool concentré bouillant pour l'obtenir cristallisée.

Cette expérience indique su iïisamment la sensibilité du procédé applicable à la recherche de l'inosite, et elle prouve que quand le ré- actif mercuriel a donné la coloration rose caractéristique avec une urine, on peut affirmer qu'elle renferme de l'inosite.

M. le docteurX..., soumis immédiatementà l'usage de la teinture d'iode, prise à l'intérieur, constata au bout de quelques jours qu'il n'avait plus la bouche poisseuse, et que les symptômes du diabète s'étaient considérable- ment amendés. En effet, l'analyse de son urine me démontra que le sucre avait presque complètement disparu. Il était intéressant de savoir s'il en était de même de l'inosite. Pourcela, je prisl20 grammes de cette urine, je la précipitai par le plomb, je décomposai le précipité par l'hydrogène sulfuré, et dans le liquide provenant de cette décomposition, je constatai très-nettement la présence de l'inosite. D'où il suit que dans ce cas, la disparition presque totale de la glycose n'avait point entraîné la dispa- rition complète de l'inosite. Je n'ai point eu à ma disposition une suffi- sante quantité de cette dernière urine, pour tenter d'en extraire l'ino- site; mais cependant, en raison de l'intensité de la coloration obtenue avec le réactif mercuriel, je suis porté à croire que la proportion d'ino- site contenue dans cette urine était un peu moindre que dans l'échan- tillon qui renfermait 63 grammes de glycose.

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La série d'analyses d'urines diabétiques que je viens de rapporter me permet, il me semble, d'établir certains faits, Le premier, c'est que toutes les urines sucrées ne sont point inositiques, puisque sur 30 urines analysées, je n'ai rencontré que 5 fois l'inosite, c'est-à-dire environ 16 fois sur 100. Pour que cette moyenne eût eu plus de va- leur, il aurait fallu pouvoir analyser plusieurs centaines d'urines diabétiques; mais cependant, ce chiffre doit-être considéré comme une première donnée intéressante, et qui devra être prise en consi- dération par les expérimentateurs qui poursuivront les recherches sur ce sujet.

Le second fait que mes expériences mettent en évidence, c'est que l'inosite et la glycose peuvent exister simultanément dans l'urine, et qu'elles ne s'excluent point l'une l'autre, en un mot, qu'il n'y a point incompatibilité entre ces deux corps. Au contraire, à en juger par les résultats que j'ai obtenus, et par ceux qui ont été observés en Allemagne, ces deux substances, si voisines par leur composition chimique, auraient une certaine tendance à se trouver réunies. Je me garderai bien de dire cependant qu'il en est toujours ainsi, et que quand une urine renferme de l'inosite, elle est toujours en même temps sucrée par de la glycose. Une pareille conclusion serait pro- bablement erronée, comme l'établiront les analyses rapportées dans le chapitre suivant.

La proportion de glycose contenue dans une urine inositique peut être extrêmement variable. En effet, j'ai constaté la présence de l'i- nosite dans des urines très-chargées de sucre , et dans d'autres qui en contenaient à peine, de sorte qu'il n'y a aucun caractère fixe à invoquer sur ce point. Je ne sais point jusqu'alors s'il existe chez les diabétiques des symptômes propres à l'inosurie, et qui permettent de dire à l'avance, que tel malade perd à la fois par les urines de la glycose et de l'inosite. Mais quand un plus grand nombre de ces cas auront été observés, il est possible qu'on arrive à saisir quelque phé- nomène propre à l'inosurie, et qu'il y ait lieu dès lors de modifier la thérapeutique du diabète en vue de ce symptôme.

C'est ici le moment, ce me semble, de dire quelques mots d'une forme particulière de consomption analogue au diabète , et dans la- quelle lurine ne contient point de glycose. Cette maladie, que Prout, Bostok et quelques autres auteurs anglais ont déjà mentionnée, et que Willis a désignée sous le nom à.''azotutHe, a été observée en France

39 par M. Bouchardat (1), qui en résume ainsi les principaux symp- tômes : L'amaigrissement sans cause apparente en est le premier phénomène; il y a de la soif, labouclie est sèche, l'appétit très-irrégu- lier, souvent excessif, parfois vomissements bilieux, alternatives de constipation et de diarrhée, pouls fréquent, essoufflement pour la moindre fatigue, voix cassée, insomnie, tristesse, hypocondrie, af- faiblissement progressif, quantité des urines rendues plus considé- rable qu'à l'état normal. L'exploration des organes ne fournit que des résultats négatifs , sauf une très-légère augmentation du volume du foie dans les cas graves, et un peu de sensibilité à la pression dans la région de cet organe. Cette forme de consomption peut être aiguë, mais elle est le plus souvent chronique. M. Bouchardat l'attribue à une activité exagérée de l'une des fonctions du foie.

On peut rapprocher de la description de M. Bouchardat, deux cas observés par Baron (2), et dans lesquels les principaux symptômes notés furent de l'amaigrissement, une peau sèche et jaunâtre, une faim impérieuse, de la fatigue générale, de la faiblesse, un sommeil interrompu , des urines abondantes plus copieuses que les boissons, quand les sujets avaient mangé des farineux ou des aliments fécu- lents et sucrés. Elles étaient pâles, aqueuses, quelquefois un peu mousseuses, médiocrement acides, et leur pesanteur spécifique n'é- tait pas augmentée.

En examinant les circonstances qui se rattachent à cette forme de consomption. Baron a pensé qu'elle pouvait être rapportée à une di- minution de la sécrétion des fluides destinés à l'accomplissement de la digestion duodénale, et particulièrement de la bile, dont sans doute la quantité était insuffisante pour que cette digestion s'effectuât com- plètement. Les urines ont été analysées, et l'on n'y découvrit point de sucre. L'absence de sucre fut notée aussi dans l'urine des malades de M. Bouchardat, et ce savant observateur constata seulement qu'elles laissaient un résidu fixe beaucoup plus considérable que les urines des personnes en santé, et qu'elles renfermaient une quantité d'urée quelquefois double ou triple de celle qui existe dans l'urine à l'état physiologique.

(i) Bouchardat, Annuaire pour 18C1. Supplément, p. 292. (2) Baron, Gazette tnédicak de Paris, 1856, p. 663.

40 Dans ces faits si intéressants qui se rapprochent à la fois du dia- bète sucré et de la polyurie, l'inosite na malheureusement point été recherchée dans l'urine, et c'est une lacune qu'il serait fort impor- tant de combler, quand de pareils cas se représenteront. Il ne serait pas impossible, on le conçoit, que cette forme de consomption recon- nût pour cause déterminante le passage de l'inosite dans l'urine. Mais c'est une simple hypothèse, qui a besoin d'être confirmée par l'expérience.

Reebei'Clic do l'inosite ilans les urines albuniineuses etehylcuscçi.

On se rappelle, comme je l'ai dit précédemment, que c'est dans l'urine d'une personne atteinte de la maladie deBright, que M. Gloetta constata, pour la première fois, la présence de Tinosite. Cette obser- vation devait donc attirer tout particulièrement mon attention vers cette catégorie d'urines, je croyais avoir les chances les plus nom- breuses de rencontrer la substance qui faisait l'objet de mes recher- ches. Dans ce but, j'ai recueilli un certain nombre d'urines albunii- neuses provenant de maladies de Briglit, d'affections du cœur, et d'autres maladies et je les ai soumises à l'analyse. Mais pour cet essai, une première précaution est indispensable, c'est l'élimination aussi complète que possible de l'albumine contenue dans le produit de la sécrétion rénale.

Étant donc donnée une urine albumineuse, si l'on veut y rechercher l'inosite, on en pèsera 20 grammes, on y ajoutera 5 à 6 gouttes d'a- cide acétique, et l'on portera à l'ébulUtion. On flltrera, on laissera re- froidir le liquide filtré, on le traitera par l'acétate de plomb neutre; on fdtrera de nouveau, et l'on précipitera la liqueur claire par l'acé- tate de plomb basique. Ce dernier précipité, lavé à plusieurs reprises, sera décomposé comme à l'ordinaire par l'hydrogène sulfuré, et dans le produit de la décomposition, on cherchera l'inosite à l'aide du réac- tif mercuriel.

Obs. I. X..., couché au 22 de la salle Sainte-Agnès (Hôtel- Dieu), est atteint d'une néphrite albumineuse. J'ai recherché l'inosite dans 20 grammes de son urine, et je n"ai pu réussir à en découvrir la moindre trace.

Obs. II. Un homme atteint d'une néphrite albumineuse, et qui

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avait été admis à la Charité, salle Saint-Félix, me fournit une urine al- bumineuse que j'essayai avec soin, et dans laquelle je ne trouvai point d'inosilo.

Obs. III. Charité, salle Saint-Joan-de-Dieu, n" 26, maladie de Bright chronique, avec œdème général, urine chargée d'albumine, mais ne renfermant point d'inosite.

Obs. IV. Chez un autre sujet affecté comme le précédent d'une né- phrite albumineuse, et placé à la Charité au n* 22 de la salle Saint-Fer- dinand, je constatai encore l'absence de l'inosite dans l'urine.

Obs. V. M. de M..., atteint d'une néphrite albumineuse chronique, rend une urine albumineuse, trouble, dans laquelle j'ai pu constater, à l'aide du microscope, la présence de cristaux d'oxalate de chaux et de quelques spermatozoïdes, mais l'essai fait pour y déceler la présence de l'inosite n'aboutit qu'à un résultat négatif.

Obs. VI. M. Lam..., souffrant d'une maladie de Bright chronique, me fournit un échantillon durine dans lequel je trouvai une propor- tion notable d'albumine, des globules sanguins altérés, un grand nom- bre de spermatozoïdes, mais point d'inosite.

Obs. VII. Un garçon de pharmacie, âgé de 20 ans environ, fut at- teint à la suite d'un refroidissement d'une néphrite albumineuse. Son urine était tellement chargée d'albumine, qu'elle se prenait pour ainsi dire en masse par l'ébullition. J'en prélevai 50 grammes pour y recher- cher l'inosite, et j'arrivai à un résultat négatif.

Obs. VIII. X..., âgé de 2G ans, domestique, a été admis pour une néphrite albumineuse au n" 63 de la salle Sainte-Jeanne (Hôtel-Dieu). Il y a un an, il était entré dans un autre service du même hôpital, et il y avait été soigné pour un diabète parfaitement caractérisé. Je ne sais si à cette époque son urine était déjà albumineuse en môme temps que sucrée. Aujourd'hui, les symptômes de la glycosurie ont disparu, et les réactifs ordinaires du sucre n'accusent point la présence de ce corps ; mais le malade présente une infiltration des membres inférieurs, son urine est très-albumineuse, et il y a une amblyopie telle que le sujet peut à peine se conduire dans la salle. L'appétit est assez développé et la soif peu vive, car la quantité de boisson ingérée dans les vingt-qua- tre heures n'est guère que de 2 litres 1/2. Ce cas est très-intéressant, à cause de la substitution de l'albumine au sucre, substitution qui s'ob- serve quelquefois, et qui a été mentionnée par différents auteurs.

J'ai examiné l'urine de ce malade au point de vue de l'inosite, et dans le premier échantillon que je soumis à l'analyse, et qui avait été

,/

42 rendu pendant la nuit, j'obtins à l'aide du réactif mercuriel une colo- ration rose très-intense, qui ne me laissa aucun doute sur l'existence de l'inosite dans cette urine. J'avais préalablement constaté qu'elle ne donnait aucune réduction, quand on la faisait bouillir en présence de la liqueur de Fehling, de sorte qu'il était évident, dès lors, que chez ce malade l'élimination de la glycose par les reins avait fait place à l'jno- surie.

Pour remédier à l'amblyopie, qui devenait de jour en jour plus pro- noncée, un séton fut passé à la nuque ; mais ce séton, sans produire l'effet qu'on en attendait, détermina bientôt l'apparition d'un vaste éry- sipèle phlegmoneux, qui alluma une fièvre intense et qui aggrava consi- dérablement l'état du malade. C'estdans ces conditions, et quinze jours après la première analyse, que je recueillis un nouvel échantillon d'u- rine. Je constatai qu'elle était très-albumineuse et qu'elle ne contenait point de glycose; mais je ne réussis point cette fois à y découvrir d'i- nosite. Je me proposais de répéter cet essai un peu plus tard, pour voir si la disparition de l'inosite avait été seulement temporaire et acciden- telle, ou si elle était au contraire définitive; mais le malade devint de jour en jour plus souffrant, et ne tarda pas à succomber.

Obs. IX. —X..., atteint d'une maladie du cœur, rend une urine légè- rement albumineuse, dans laquelle je n'ai point trouvé d'inosite.

Obs. X. Un autre malade, dans des conditions fort analogues au précédent, me fournit un échantillon d'urine dont je prélevai 30 gram- mes. Après l'avoir acidulée par l'acide acétique, je la portai à l'ébulli- tion, je filtrai, puis j'évaporai aux 5/6 environ et je précipitai par l'al- cool à 95°. Le précipité ainsi obtenu fut lavé par l'alcool à 95", puis traité par l'eau bouillante qui devait entraîner l'inosite, et cette solu- tion fut essayée par le réactif de l'inosite, mais je n'obtins point la co- loration rose caractéristique de la présence de ce corps.

Obs. XI. M. de M... est affecté d'une cystite calculeuse : dans son urine, qui renferme une faible proportion d'albumine, je n'ai point trouvé d'inosite.

Obs. XII. M. Pr..., peintre distingué, souffre depuis longtemps d'un état névropathique, et son urine est presque toujours légèrement albumi- neuse. J'y ai vainement cherché l'inosite.

Obs. XIII. Chez un sujet affecté d'ascite et couché àl'Hôtel-Dieu, dans le service de M. Grisolle, l'urine était albumineuse et ne conte- nait point d'inosite. La ponction de l'abdomen fut faite, et je recueillis une certaine quantiié du liquide qui s'écoulait par la canule du trocart.

43 J'acidulai ce liquide par l'acide acétique ; je le chauffai pour coaguler l'albumine, je filtrai et j'obtins ainsi 30 grammes de ce liquide filtré, qui fut divisé en deux parties égales. La première fut traitée par les réactifs plombiques, puis par l'hydrogène sulfuré ; la seconde partie fut traitée par lalcool concentré, et ni par l'un ni par l'autre de ces procé- dés, je' ne pus déceler la présence de l'inosite dans le liquide de la ponction.

Obs. XIV. Un malade couché au n" 23 de la salle Sainte-Agnès (Hôtel-Dieu), avait longtemps rendu de l'albumine par les urines. Mais quand je l'observai, il existait un œdème prononcé des membres infé- rieurs, et le produit de la sécrétion rénale ne renfermait point d'albu- mine. J'y recherchai l'inosite, et je n'arrivai non plus qu'à un résultat négatif.

Obs. X'V. X..., atteint d'une insuffisance auriculo-ventriculaire et qui est couché au n" 16 de la salle Saint-Félix (Charité), perd par les urines une très-minime quantité d'albumine, mais point d'inosite.

Obs. XVI. M.Da... Urine pâle, acide; elle contient de l'albumine, des cellules épithéliales et des globules de muco-pus, mais point d'i- nosite.

Obs. XVII. M. Lat... d'H... souffre depuis longtemps d'une maladie des reins. Son urine renferme une proportion assez notable d'albumine. J'y ai recherché l'inosite, et deux essais successifs faits à plusieurs jours d'intervalle m'ont donné la certitude que cette urine était inosi- tique. Ici donc, comme dans la huitième observation, albuminurie et inosurie simultanées.

Obs. XVUI. Femme enceinte; membres inférieurs très-œdéma- tiés; urine albumineuse; point d'inosite.

Obs. XIX. Salle Saint-Bernard, 27 (Hôtel-Dieu), femme arrivée à la fin de sa grossesse. Les jambes ne sont point gonflées, mais il y a eu déjà plusieurs attaques d'éclampsie, et l'urine est albumineuse. J'en ai analysé 30 grammes, et je n'y ai point trouvé trace d'inosite.

Obs. XX. Salle Saint-Bernard, n" 4 (Hôtel-Dieu), femme qui a eu des attaques d'éclampsie avant ses couches, et dont l'urine est encore légèrement albumineuse, quoique l'accouchement ait eu lieu depuis vingt-deux jours. 30 grammes de ce liquide soumis à l'analyse ne m'ont donné qu'un résultat négatif.

Obs. XXL— Madame L..., âgée de 19 ans, enceinte pour la première fois, présentait une infiltration marquée des membres inférieurs. Pen- dant le travail de l'accouchement, elle fut prise tout à coup de violen-

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tes attaques d'éclampsie, qui me mirent dans la nécessité d'appliquer immédiatement le forceps. Quatre attaques se produisirent encore après l'accouchement, mais elles furent de moins en moins prolongées, et l'œdème disparut graduellement. Cependant, le membre inférieur gau- che fut atteint de plilegmalia alba dolens, qui retarda de plusieurs se- maines le rétablissement complet de la malade. L'urine qui fut rendue dans l'intervalle des attaques éclamptiques était albumineuse, mais je n'ai pu y découvrir d'inosite.

Obs. XXII. Madame V..., âgée de 38 ans, était arrivée à la fin de sa grossesse, et présentait un œdème si considérable des membres in- férieurs, des organes génitaux et des parois abdominales, qu'elle ne pouvait presque plus supporter la station assise, et que la position ho- rizontale s'accompagnait aussi d'une gène extrême de la respiration. Pour remédier à la suffocation qui était imminente, je pratiquai une saignée du bras qui amena beaucoup de soulagement; mais trois heu- res après, il survint une violente attaque d'éclampsie, qui fut suivie de plusieurs autres à de courts intervalles, et au milieu des convulsions épileptiques, madame V... donna le jour à un enfant mort. Plusieurs attaques d'éclampsie eurent lieu encore après l'accouchement, mais elles furent de moins en moins prolongées, et la malade ne tarda pas à se rétablir. Avant la première attaque éclamptique, je constatai que l'u- rine de madame V... était très-albumineuse; j'en pris 20 grammes pour y rechercher l'inosite, mais je n'y découvris aucune trace de l'existence de ce corps.

Obs. XXIII. A la suite des urines albumineuses, j'ai cru devoir placer les urines dites chyleuses ou albumino-graisseuses, dont j'ai eu occasion d'analyser plusieurs échantillons. La première de ces urines avait été rendue par un créole de lîle de la Réunion. Je m'assurai d'a- bord qu'elle ne contenait point de glycose, puis je l'acidulai par l'acide acétique; je la portai à l'ébullition pour coaguler l'albumine, je filtrai, je précipitai par les acétates neutre et basique de plomb, et le dernier précipité obtenu, décomposé par l'hydrogène sulfuré, me fournit un li- quide dans lequel le réactif mercuriel n'indiqua nullement l'existence de l'inosite.

Obs. XXIV. Une urine chyleuse, qui avait été rendue par un ha- bitant de la Havane, fut analysée par le même procédé que la précé- dente, et fournit comme elle un résultat négatif.

Obs. XXY. Un troisième échantillon d'urine albumino-graisseuse m'ayant été donné par M. Fordos, je l'analysai comme les précédents, et j'acquis encore la certitude qu'elle ne contenait pas d'inosite.

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Il ressort des observations que je viens de présenter sous le titre d'urines albumiiieuses, que l'inosuric est un symptôme qui peut éti'e observe quand il y a élimination d'albumine par les urines, mais que c'est un symptôme assez rare et probablement passager, qui ne paraît pas avoir une influence prononcée sur la marche de la maladie principale. Un des cas que j'ai observés a offert une particularité cu- rieuse, c'est que la glycose a été remplacée dans l'urine par l'inosite. Ce fait est de nature à mettre en évidence l'étroite parenté physiolo- gique qui existe entre la glycose et l'inosite, et au sujet de laquelle j'entrerai tout à l'heure dans de nouveaux détails. Pour le moment, je me borne à appeler particulièrement l'attention sur ce fait, et à dire que quand on trouve de l'inosite dans une urine albumineuse, on doit interroger soigneusement les antécédents du malade, pour sa- voir si à une époque antérieure son urine n'a point contenu de la glycose. J'ajoute qu'on devra redoubler d'attention pour y rechercher cette substance, et que si l'on ne l'y découvre point actuellement, on ne devra point être surpris de l'y trouver plus tard. Je reviendrai en- core sur cette intéressante question; mais ce qu'il importe d'établir tout de suite comme un fait incontestable, c'est que l'inosurie peut exister en même temps que l'albuminurie.

Recherche de l'inosite «lans les urines de maladies diverges. IL'inosurie est-elle une maladie essentielle ou seulement un symptôme ?

Jusqu'à présent il n'a été question que de la recherche de l'inosite dans les urines qui contenaient de l'albumine ou de la glycose et dans les urines des polyuriques. Mais je n'ai point borné mes inves- tigations, et mon attention a été tout naturellement attirée vers l'ana- lyse des urines rendues dans diverses maladies, étude qui, à ma connaissance, n'avait point encore été faite, et qui semblait pleine d'in- térêt. 11 est en effet des maladies qui s'accompagnent d'un amaigris- sement rapide, et il était rationnel de penser que cette destruction des muscles pouvait avoir pour conséquence l'élimination par les reins dune certaine quantité d'inosite. Il en est d'autres qui ne se révèlent par aucune lésion matérielle et appréciable à l'autopsie, et dans celles-là encore, il était possible que l'analyse démontrât le pas-

sage dans le produit de la sécrétion rénale d'un corps de la famille des sucres, et qui jusqu'alors n'y avait point été Signalé.

C'est sous l'impression de ces idées, que j'analysai un certain nom- bre d'urines recueillies dans les hôpitaux et en ville, et que j'ai grou- pées dans le tableau ci-contre :

MALADIES DIVERSES DANS LE COURS DESQUELLES l'inOSITE A ÉTÉ RECHERCHÉE

DANS l'urine.

Noms Nombre

des d'urines

maladies. analysées.

Tubercules pulmonaires 4

Catarrhe bronchique 2

Pneumonie 2

Pleurésie purulente 1

Péritonite tuberculeuse 1

Chloro-anémie 2

Ictère 3

Fièvre bilieuse 1

Dyspepsie 3

Affection du cœur 2

Goutte. 3

Calcul du rein 4

Variole 2

Anthrax 1

Spermatorrhée 1

Névralgie sciatique 2

Paralysie générale 2

Asthme nerveux 1

Hypochondrie 1

Amaurose 1

Diabète guéri depuis longtemps 1

Total 40

Toutes ces analyses furent négatives, et clans aucun cas je ne fus assez heureux pour constater le passage de l'inosite dans l'urine.

Ainsi donc, sur un nombre total de 102 urines pathologiques analy- sées, je n'ai trouvé que sept fois l'inosite, et j'ai toujours constaté que sa présence coïncidait soit avec la glycose, soit avec l'albumine. Cepen- dant, je n'oserais affirmer qu'il en est toujours ainsi, et que l'inosu-

47 rie implique forcément la glycosurie ou l'albuminurie. Je me contente de dire que l'inosurie est un symptôme commun à la glycosurie, à l'albuminurie, et peut-être encore à d'autres états pathologiques, et que dans l'état actuel de mes recherches, elle ne me paraît point de voir être considérée comme une entité morbide. L'observation citée par M. Vohl semble indiquer pourtant, qu'un glycosurique dont l'urine aurait cessé de contenir de la glycose aurait continué à s'affaiblir sous l'influence de l'élimination exclusive de l'inosite par les urines ; mais cette observation est incomplète, en ce que le malade a été perdu de vue, et qu'on n'a pu s'assurer si la glycose avait reparu ultérieu- rement dans le produit de la sécrétion rénale, condition qui me pa- rait assez probable d'après les faits que je connais. Je suis donc porté à croire qu'il y a eu dans ce cas, plutôt alternance que substitution définitive.

CHAPITRE YI.

SUR LE MÉCANISME PHYSIOLOGIQUE DE LA FORMATION DE L'INOSITE DANS l'organisme, expériences instituées pour ESSAYER A DÉMONTRER l'origine DE l'inosurie.

Un problème des plus intéressants à résoudre serait celui de savoir comment l'inosite s'engendre dans l'économie animale, et comment le sang, dans certaines conditions pathologiques, peut en être assez chargé pour que les reins la puisent à cette source, et l'éliminent dissoute dans les urines. La première pensée qui se présente à l'es- prit, c'est que l'homme l'emprunte aux aliments dont il se nourrit, à la chair musculaire par exemple, dont il fait un usage si fréquent, et à certains légumes, tels que les haricots verts ou d'autres encore, dans lesquels l'analyse chimique a démontré l'existence de l'inosite. Mais si on réfléchit à la minime quantité de ce corps qui est conte- nue dans la chair des animaux et dans le fruit du phaseotus vulgaris, on est forcé de convenir que cette opinion n'est point admissible. Je suis porté à croire, en me fondant sur la stabilité de l'inosite sou- mise à l'action des réactifs chimiques, que si on ingérait ce corps à l'état d'isolement, on le retrouverait en partie dans l'urine ; mais je pense qu'il faudrait, pour que l'expérience réussit, que la quantité

48 d'inosite introduite dans l'appareil digestif fût plus considérable que celle qui existe dans les aliments.

M. le docteur Vohl (de Bonn) a songé à invoquer une transforma- tion de la glycose en inosite, mais il n'a pu réussir lui-môme à pro- duire cette métamorphose à l'aide des réactifs chimiques. Je sais qu'il s'opère quelquefois dans le corps des animaux des transformations que la science ne détermine qu'avec des agents extrêmement éner- giques. C'est ainsi que le sucre de canne pris à jeun en quantité con- sidérable, se retrouve dans l'urine à l'état de glycose (1), que l'acide benzoïque introduit dans l'estomac se retrouve dans le produit de la sécrétion rénale sous la forme d'acide hippurique (2), que l'acide toluique se transforme dans l'organisme en acide tolurique, l'acide anisique en acide anisurique, et que, même en faisant avaler à un animal Carnivore un acide artificiel et qui n'a point d'analogue parmi les principes contenus dans les êtres vivants, l'acide nitro-benzoïque, par exemple, on retrouve dans les urines l'acide nitro-hippurique, c'est-à-dire un principe formé par l'union de l'acide nitro-benzoïque avec la glycoUamine. Mais cependant, malgré les exemples que je viens de citer, les chimistes auxquels j'ai soumis la question ne sont point disposés à reconnaître que l'inosite résulte d'une transforma- tion de la glycose, et réciproquement, je ne crois pas que l'inosite ingérée avec la viande puisse se transformer en glycose, et se retrou- ver sous cette forme dans l'urine.

Mais en songeant aux belles expériences de M. le professeur Cl. Bernard sur la matière glycogène du foie, j'ai pensé que cette sub- stance pourrait bien être l'origine de l'inosite.

En elfet, la matière glycogène que M. Bernard a réussi à extraire du tissu du foie, joue chez les animaux le même rôle que l'amidon chez les végétaux, et de même que l'amidon végétal, sous l'influence de la diastase, se transforme en dextrine, puis bientôt en glycose, de même aussi la matière glycogène du foie, sous l'influence du sang et d'éléments diastasiques, se transforme dans l'animal vivant en dex- trine et en glycose. Ces deux produits de transformation, et le der- nier surtout dont les caractères physiques et chimiques sont si faciles

(1) Cl. Bernard, Leçons de physiologie expérimentale, t. I*', p. 426.

(2) Berthelot, Chimie organique, t. 11, p. 797.

49 à apprérier, ont éié immédiatement reconnus ; mais ne se pourrait-il pas qu'outre ces tleux corps, la matièi-e glycogène donnât encore naissance à d'autres produits de transformation, intermédiaires entre la matière glycogène et la dextrine hépatique, ou entre cette dernière et la glycose du foie?

La chimie organique nous offre des exemples de corps susceptibles d'éprouver, sous l'inlluence d'actions chimiques graduées, des séries de transformations dont les différents produits peuvent être isolés. C'est ainsi, par exemple, qu'avec l'acide urique mis en présence de certains agents d'oxydation, on peut obtenir d'abord de l'alloxane, puis, avec l'alloxane, MM. Liebig et "Vœhler ont préparé et isolé une quinzaine de corps, qui tous sont susceptibles de se transformer en un seul et unique produit, la murexide, de sorte que la murexide re- présente pour ainsi dire le point de convergence de tous les composés uriques. Or ne se ponrrait-il pas que la matière glycogène, en se transformant, fût capable de donner naissance à une série de corps parmi lesquels figureraient la dextrine et Finosite, et dont le dernier terme fût la glycose?

Pour répondre à cette question, j'eus l'idée de recourir à une expé- rience physiologique, qui me parût susceptible de donner indirecte- ment la solution du problème. En effet, nous savons aujourd'hui, grâce aux savantes recherches de M. Cl. Bernard, que quand on pique sur un lapin vivant le plancher du quatrième ventricule du cerveau, exactement au milieu de l'espace compris entre l'origine des pneumo- gastriques et des nerfs acoustiques, on produit immédiatement un véritable diabète sucré, qui dure depuis quelques heures jusqu'à un ou deux jours, et qui se traduit par le passage dans l'urine d'une quantité très-notable de glycose. Ce diabète artificiel résulte, selon M. Bernard, d'une exagération de la fonction glycogénique du foie et, par suite, de la transformation en glycose d'une quantité de matière glycogène plus considérable qu'à l'état physiologique. Or si ce fait, qui est admis par tous les physiologistes, est vrai; si c'est bien la ma- tière glycogène qui est mise en jeu, et si cette espèce d'amidon animal est capable, en se transformant, de donner naissance à une série de corps au nombre desquels serait Finosite, il est évident que la piqûre du plancher du quatrième ventricule et Fanalyse de Furine rendue après cette opération constituent un moyen rationnel d'étudier les métamorphoses subies par la matière glycogène pendant la vie.

.MÉ.M. 4

50

Dans cette hypothèse, je pris un lapin vigoureux et bien nourri, et je m'assurai par l'analyse, que l'urine de cet animal, à l'état de santé, ne contenait ni glycose ni inosite; puis je priai M. le professeur Gl. Bernard de pratiquer sur lui la piqûre du plancher du quatrième ventricule, opération qu'il pratiqua avec son habileté ordinaire et qui eut un plein succès.

Le premier échantillon d'urine que je recueiUis, et que je mis à part, ne contenait pas encore de sucre en quantité appréciable avec la liqueur de Barreswill; j'en prélevai 10 grammes, que je précipitai par l'acétate neutre de plomb, puis par l'acétate tribasique, et le der- nier précipité obtenu, décomposé par l'hydrogène sulfuré, me donna une liqueur dans laquelle le réactif mercuriel me démontra la pré- sence de l'inosite.

Deux heures environ après la piqûre, l'animal rendit 25 grammes d'urine contenant une notable proportion de glycose; je traitai cet échantillon comme le précédent, mais je ne parvins pas à y découvrir d'inosite.

Un nouvel échantillon d'urine, du poids de 40 grammes, fut encore recueilli quatre à cinq heures après l'opération pratiquée, et malgré tout le soin que je mis à y rechercher l'inosite, je ne pus y constater aucune trace de la présence de ce corps.

A partir de ce moment, l'animal ayant été placé dans une boite dont le fond incliné et percé de trous permettait de recevoir l'urine qui s'écoulait, j'obtins ainsi 40 grammes de ce liquide rendu dans les vingt heures suivantes. Je les soumis au traitement ordinaire par les acétates neutre et basique de plomb, je décomposai le dernier préci- pité par l'hydrogène sulfuré, et le liquide résultant de cette opération, évaporé en présence du réactif mercuriel, me fournit un résidu dont la couleur rose prouva d'une manière très-nette l'existence de l'ino- site dans le liquide essayé. Ce résidu, traité par l'eau bouillante, filtré et évaporé de nouveau avec une gouttelette du réactif, reproduisit toujours la même teinte rose, et cette épreuve put être répétée plus de dix fois de suite avec le même résultat.

Les analyses des divers échantillons d'urine de ce premier lapin établissent donc que l'inosite existait dans le produit de la sécrétion rénale très-peu de temps après la piqûre de la base du cerveau, et avant l'apparition d'une quantité appréciable de glycose ; qu'elle ne se trouvait plus dans l'urine quand la glycose y était dissoute en pro-

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portion notable, et qu'enfin elle s'y est montrée de nouveau, quand la glycose a disparu en partie ou en totalité.

Cette expérience intéressante avait besoin d'être répétée pour qu'il fût possible d'établir si les faits se passaient toujours ainsi, ou si au contraire, dans le diabète artificiel comme dans le spontané, le symp- tôme inosurie ne s'observait que quelquefois, et dans des conditions spéciales qu'il serait important de déterminer. Pour cela, je me pro- curai deux autres lapins, et je priai M. le professeur Cl. Bernard de leur piquer le plancher du quatrième ventricule. Les deux opérations réussirent parfaitement, et quand trois heures se furent écoulées, je recueillis un échantillon d'urine de chacun des deux animaux. Ces deux urines étaient claires, limpides, presque incolores, et renfer- maient une proportion considérable de glycose, comme le prouvait la réduction rapide et abondante qu'elles donnaient par l'ébullition avec la liqueur de Fehling. J'y recherchai soigneusement l'inosite par le procédé ordinaire, et je n'en découvris aucune trace. Je recueillis l'urine des deux animaux de la troisième à la douzième heure après l'opération, et après avoir constaté qu'elles ne renfermaient plus qu'une proportion insignifiante de glycose, je les soumis au traite- ment propre à y déceler la présence de l'inosite ; mais cet essai n'a- boutit, comme le précédent, qu'à un résultat négatif. J'en dirai autant des expériences faites sur les urines seize, vingt-deux et quarante heures après l'opération ; dans aucun de ces liquides je ne réussis à découvrir l'existence de l'inosite. Enfin, je renouvelai une dernière fois l'essai au bout de huit jours, et cette fois encore je ne pus que constater l'absence de l'inosite.

En résumé, les expériences que je viens de rapporter démontrent que si le physiologiste peut à son gré, et à l'aide d'une opération bien connue, déterminer artificiellement chez les animaux une glycosurie temporaire, il peut aussi du même coup produire l'ino- surie. Mais dans ce cas, l'élimination de l'inosite par les reins, tem- poraire comme la glycosurie, ne s'observe point chez tous les ani- maux opérés, de même que chez l'homme, linosurie n'accompagne pas toujours le diabète. Dans l'expérience j'ai constaté le passage de l'inosite dans l'urine, après la piqûre du plancher du quatrième ventricule du cerveau, je l'ai trouvée dans l'urine qui, rendue la pre- mière après l'opération, ne contenait pas encore de sucre, et dans celle qui, six à huit heures plus tard, ne renfermait pour ainsi dire

52 plus (le glycose, tandis que je n'en ai point constaté dans le produit de la sécrétion rénale, alors qu'il était très-cbargé de glycose. Je ne sais si les faits se présenteraient toujours ainsi : je suis même peu disposé à le rroire. car j'ai établi dans le cours de ce travail, que la glycose et l'inosite pouvaient se rencontrer simultanément dans l'u- rine des diabétiques, mais j'ai enregistrer les résultats de mes ex- périences tels que je les ai obtenus, en attendant de nouveaux es- sais.

Quoi qu'il en soit, si la piqûre du plancher du quatrième ventri- cule du cerveau détermine chez les animaux le passage de la glycose dans l'urine, en produisant la transformation en sucre d'une propor- tion de la matière glycogène du foie plus considérable que celle qui subit cette transformation à l'état normal, et si la même opération a pour résultat de faire apparaître l'inosite dans le produit de la sécré- tion rénale, il y a, ce me semble, bien des raisons de considérer la matière glycogène du foie comme une source commune à la glycose et à l'inosite.

Pour que cette présomption devint une certitude, il faudrait pou- voir, en soumettant la matière glycogène à l'action de certains agents chimiques, préparer directement de l'inosite. J'ai fait quelques ten- tatives dans ce but. Dans une première expérience, j'ai mis en con- tact de la salive et de la matière glycogène, et dans la liqueur sucrée obtenue j'ai recherché l'inosite. Dans deux autres expériences, j'ai traité la matière glycogène par l'eau acidulée avec l'acide nitrique et par une solution aqueuse d'acide tartrique, et dans les liqueurs ré- sultant de ces traitements, j'ai encore cherché l'inosite. Dans ces trois essais, je ne suis arrivé qu'à des résultats négatifs; mais comme le peu de matière glycogène du foie dont je pouvais disposer ne m'a permis d'agir que sur de très-petites quantités de cette substance, je n'ose considérer ces expériences comme détinitives, et je me propose de les répéter, quand je pourrai agir sur un volume notable d'ami- don hépatique. Du reste, les réactions que le chimiste ne peut pro- duire dans son laboratoire, la nature, comme on le sait, les détermine souvent par des procédés qui ne nous sont pas toujours bien connus.

En résumé, sans oser dire que l'inosite provient exclusivement de la matière glycogène, il parait incontestable pourtant que cette dernière substance lui donne naissance dans certains cas, et ce fait prouve l'étroite parenté qui existe entre la glycose et l'inosite, envisa-

53 gées au triple point de vue de la chimie, de la physiologie et de la pathologie.

Quand une urine albumineuse est en même temps inositique, il est important de chercher attentivement si elle ne contient pas actuelle- ment de la glycose, ou si le malade qui l'a rendue n'a pas été anté- rieurement diabétique. En effet, dans un cas d'urine albumineuse ino- sitique que j'ai observé, le malade avait été atteint dun diabète sucré bien confirmé. Quand l'une ou l'autre de ces conditions se réa- lise, il est naturel d'invoquer encore, comme origine de l'inosite, la transformation de la matière glycogène. Quand il n'en est poiutainsi, et que l'inosurie persiste, on doit examiner de temps en temps Tu rine pour voir si la glycose s'y montre, et il est probable qu'à un mo meut donné on parviendra à l'y découvrir. Mais lors même qu'on n'y réussirait point, l'hypothèse précédemment émise sur l'origine de l'inosite ne serait point dénuée de fondement. Si, en effet, on in- terroge la physiologie expérimentale (1), on apprend qu'en piquant la moeUe allongée sur un animal, on fait quelquefois apparaître dans l'urine de l'albumine et du sucre, ce qui prouve que la lésion d'un même point des centres nerveux provoque dans certains cas le pas- sage de ces deux corps dans l'urine. Or si dans cette expérience le sucre excrété provient de la matière glycogène, il est facile de com- prendre qu'aux dépens de la même substance il peut se former de l'inosite au lieu de glycose. Mais le plus souvent, comme je l'ai dit dans un des précédents chapitres, les urines albumineuses ne ren- ferment point d'inosite.

De tous ces faits, je crois pouvoir conclure en terminant, que s'il est possible de rapporter le symptôme inosurie à des causes diver- ses, et en particuUer peut-être à l'alimentation, il parait incontesta- ble aussi, que dans certains cas déterminés, il est étroitement lié à la fonction glycogénique du foie.

CONCLUSIONS.

L'inosite qui, par sa composition chimique, appartient à la famille

(1) Cl. Bernard, Leçons de philosophie expérimentale, t. I, p. 426.

54 des sucres, peut quelquefois se montrer dans l'urine, et je désigne ce phénomène sous le nom (ï'inosui'ie

Pendant l'état de santé, l'urine de l'homme et des différents ani- maux que j'ai ohservés ne contenait point d'inosite. Mais il est des conditions pathologiques dans lesquelles l'inosite se retrouve dans le produit de la sécrétion rénale.

M. Cloetta, qui a le premier découvert l'inosite dans l'urine, l'a trouvée accompagnée d'albumine ou de glycose, et la même obser- vation a été faite par MM. Lebert et Newkomm. Mes recherches per- sonnelles ont abouti au même résultat, et sont venues confirmer cette première donnée.

L'inosurie et la glycosurie peuvent donc exister simultanément; mais il est juste de dire que la réunion de ces deux symptômes est relativement rare, et que la glycosurie est plus souvent observée seule qu'associée à l'inosurie.

Quand une urine sucrée est en même temps inositique, la pro- portion de glycose peut être considérable ou au contraire presque nulle, et l'on ne saurait établir de règle à cet égard.

Quand l'inosite se rencontre dans une urine albumineuse, il y a lieu d'y rechercher très-attentivement la glycose, soit qu'elle y existe actuellement, soit qu'elle s'y montre dans un temps prochain, soit qu'elle y ait été observée à une époque antérieure.

Dans lapolyuriequi, parplusieurs de ses symptômes, se rapproche du diabète sucré, je n'ai jamais constaté le passage de l'inosite dans l'urine. Je n'ai jamais réussi à en découvrir non plus, en dehors du diabète sucré et de la néphrite albumineuse aiguë ou chronique, dans les nombreuses urines pathologiques que j'ai analysées. Je n'en ai point trouvé dans l'urine des femmes en lactation, qui réduit si énergiquement la liqueur cupro-potassique.

Il résulte de mes recherches, que l'inosurie ne doit point être con- sidérée comme une maladie proprement dite, mais seulement comme un symptôme.

L'inosite qui se produit dans l'organisme ne paraît point être direc- tement empruntée le plus ordinairement aux aliments ingérés, et elle ne résulte pas non plus d'une transformation de la glycose.

La formation de l'inosite dans réconomie semble étroitement liée à la fonction glycogénique du foie, et l'inosite, comme la dextrine et

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la glycose, paraît être l'un des produits qui résultent de la transfor- mation de la matière glycogène.

Ce qui le prouve, c'est qu'on peut dans certains cas, en piquant le plancher du quatrième ventricule du cerveau, déterminer artificiel- lement l'inosurie, comme on détermine artificiellement la glyco- surie.

QUELLE EST L'ORIGINE

DU PRINCIPE COLORANT

DES SUPPURATIONS BLEUES

PAR

LE DOCTEUR DELORE,

Professeur suppléant à l'Ecole de médecine, chirurgien en chef désigné de la Charité de Lyon.

Le but unique de ce nouveau travail est de démontrer que le prin- cipe qui colore en bleu les appareils de pansement provient de l'hé- matine du sang.

Peut-être reproduirai -je aujourd'hui une partie des arguments que jai autrefois énoncés dans mes précédentes publications sur ce su- jet ; mais je crois que le temps et l'observation leur ont donné plus de force.

Avant d'entrer en matière, je tiens à poser nettement la question pour éviter toute équivoque.

L'usage a fait prévaloir le mot supputation bleue, et il doit être conservé, parce qu'il existe et qu'il est commode; mais il a deux in- convénients, le premier de faire penser que le liquide purulent lui- même est bleu, tandis qu'il a sa couleur habituelle (1) ; le second de

(1) Je dois excepter les sérosités purulentes qui remplissent les am- poules survenant à la suite de fractures ou de contusions. (Voir obs. 14 et 16.)

58 faire croire que la coloration est uniquement bleue^ tandis qu'elle est au moins aussi fréquemment verie.

L'étude de la suppuration bleue possède un intérêt purement spé- culatif, et sa valeur pratique est nulle. Quant à la signification chi- rurgicale du phénomène, elle est assurément de minime portée , l'état général du malade n'y est pour rien (voir obs. 3, 4 et 9) ; il est à une disposition de la plaie ou des tissus voisins. Cette disposi- tion est encore inexpliquée ; mais la fréquence plus grande de cette coloration, à la suite des contusions, me semble devoir éclairer ce singulier problème pathologique.

EXAMEN DES PRINCIPALES OPINIONS ÉMISES SDR LA CAUSE DE LA COLORATION

BLEUE.

Un phéuomène aussi curieux que la coloration en bleu des linges de pansement devait attirer l'attention des observateurs, et en effets il a donné lieu à plusieurs travaux sérieux et à des explications fort nombreuses et bien différentes les unes des autres.

On a invoqué tour à tour le bleu de Prusse, le sulfate de fer, le sulfure de fer, le tournesol ; mais ces opinions n'ont pas été généra- lement admises et ont cédé le pas à d'autres soutenues avec talent et entourées de preuves plus solides.

Cette coloration a été attribuée par M. Robin au passage de la hîli- verdine dans le pus. J'ai cherché dans un précédent travail (1859) à combattre cette explication en faisant valoir la différence des réac- tions chimiques qui distinguent la pyocyanine de la biliverdine. La bile n'est jamais bleue, tandis que la matière colorante du pus dont je m'occupe est verte ou bleue, à peu près indifféremment.

De plus, aucun des individus affectés de suppuration bleue et ob- servés par moi n'était ictérique, et si la bile avait passé dans le pus, elle eût également passé dans les urines et se fût montrée sous la peau.

En 1859, M. Fordos publia dans le Recueil des travaux de la Société d'émulation pour les sciences pharmaceutiques un travail intéressant Bur la matière colorante des suppurations bleues. Ses recherches n'é- taient point parvenues à ma connaissance au mois de septembre de la même année, époque à laquelle je crus pouvoir appeler cyanopiène le principe qu'il avait nommé pyocyanine quelques mois aupara- vant.

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M. Fordos extrait d'abord la matière colorante du pus au moyen du chloroforme, d'après un procède analogue à celui que j'avais publié déjà en 1854 dans ma thèse inaugurale. Mais grâce à des traitements successifs, il est parvenu à o])teair ce principe cristallisé, ce que je n'avais pu faire, car je l'avais toujours trouvé uni à des sels dont il colorait les cristaux. Du reste, il a reconnu à cette substance les mê- mes propriétés que celles que j'avais indiquées moi-même.

Renouvelant une opinion déjà anciennement émise, M. Chalvet, dans un mémoire plein d'intéressantes recherches sur les cryptoga- mes marins {Gdz. hebd., 1860), a admis qu'il y avait deux espèces de matières colorantes, une bleue et une verte. Cette assertion, émise sans preuve scientifique, tend à concilier des explications qui me pa- raissent inconciliables, et je crois pouvoir l'infirmer par les faits sui- vants : l"la dissolution de la pyocyanine dans le chloroforme est verte; dès qu'on y ajoute un peu d'eau, elle bleuit ; 2" sur la même pièce de pansement d'une plaie, il y a des taches tantôt vertes, tantôt bleues. On peut donc légitimement conclure à l'identité du principe colorant vert et bleu. Je ne connais pour mon compte aucun fait qui démontre, ou même peut faire soupçonner deux espèces de coloration bien tranchées.

M. Chalvet attribue la coloration à la production d'une algue infé- rieure du genre palusella. Suivant lui, il se développe un champignon appelé agaricus nosocomîorum, champignon des plaies. Ce végétal, primitivement vert, devient bleu sous certaines influences incon- nues; il se révèle au microscope par des sporules d'une extrême té- nuité.

11 pullule rapidement, car si l'on place quelques brins de charpie légèrement colorés en vert dans un tube, maintenu à un état d'humi- dité et de chaleur uniformes, on voit la coloration augmenter. J'ai répété plusieurs fois la même expérience, et lorsque la coloration est devenue plus apparente, j'ai toujours pu l'attribuer au contact pro- longé avec l'air.

On rencontre fréquemment des sporules dans le pus ; ce fait n'est point nouveau et n'a point été démontré par M. Chalvet; mais il y en a dans le pus ordinaire comme dans le pus qui colore en bleu ou en vert les pièces de pansement. Chaque fois que j'ai rencontré de pareils cas de suppuration, je n'ai pas manqué de pratiquer l'examen micro- scopique, et je l'ai fait avec plus de soin encore depuis la publication

60 de M. Chalvet. Or, deux fois sur dix seulement, j'ai rencontré des spo- rules. Mais bien mieux à côté de ces sporules incolores (voir obs. 16), on voyait de petits amas informes de matière colorante, disposés de la même façon que dans les cas il n'y avait pas de sporules ; c'est ce qui résulte également des observations de M. Robin. On est donc conduit à penser que ce n'est point dans ces sporules que réside le principe colorant. Qu'on n'aille point dire que l'extrême ténuité des éléments ne permet point d'en apprécier la couleur, car le glo- bule de sang, les granulations pigmentaires, laissent très-bien aper- cevoir leur coloration.

Plusieurs fois dans les nombreuses recberches chimiques que j'ai faites sur ce sujet, j'ai traité par l'eau froide seulement la charpie ou des linges colorés en bleu par le pus ; puis cette eau a été jetée sur un filtre de papier. La filtration s'exécutait alors fort mal à cause des éléments albuminoïdes ou gras du pus; mais enfin quelques gouttes passaient, et elles étaient d'un bleu prononcé.

Je ne sache pas que jamais les sporules puissent se comporter de la sorte, non plus que certains vibrions bleus, observés dans le lait par MM. Chauveau et Marey. Voilà donc encore un fait en opposition avec l'opinion de M. Chalvet.

J'ai cherché à produire la multiplication de ces prétendues spo- rules par des essais de deux genres aussi infructueux l'un que l'autre.

J'ai déposé au fond de plusieurs verres, pendant la chaleur de l'été de 1861, de gros bourdonnets de charpie fortement verdis par du pus; en contact avec eux j'ai placé de la charpie imbibée tantôt de sérosité incolore du sang, tantôt de sérosité purulente, tantôt d'eau simple ; dans aucune de ces expériences répétées à satiété je n'ai vu la matière colorante s'accroître.

2" M. Chalvet ayant observé plusieurs fois des suppurations bleues, apparaissant en môme temps dans la même salle, en a conclu immé- diatement à la contagion. S'il y a contagion, il doit y avoir inocula- tion possible; or j'avoue que j'ai tenté deux fois l'inoculation en me plaçant, je crois, dans de bonnes conditions (voir obs. 8), et mal- gré cela, je n"ai obtenu que des résultats négatifs, ce qui ne prouve point en faveur du champignon contagieux.

J'ai examiné au microscope un grand nombre de moisissures colo- rées en vert, et j'ai constaté qu'elles étaient formées par des champi-

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gnons qui m'ont paru appartenir à deux variétés distinctes. L'une est constituée uniquement par des sporules dont les dimensions Tarientde 1 à 20 centièmes de millimètre. La plus petite de ces spo- rules, comme la plus grosse, était fortement colorée un vert, même à un grossissement de 500 diamètres.

Dans la seconde variété, toutes les sporules étaient logées dans des tubes de mycélium, à travers lesquels leur coloration verte apparais- sait manifestement.

J'ai constaté également que la sporule était colorée dans le champi- gnon du fromage bleu, mais d'une manière moins prononcée que dans les moisissures.

Enfin, ce qui est encore en opposition avec l'explication de M. Ghal- vet, ce sont les cas de coloration verte sous-épidermique, dont j'ai cité des exemples (voir obs. 14 et 16).

A ces faits j'en ajouterai un autre qui ne manque point de valeur, à mon avis : c'est que la matière colorante, verte ou bleue, des sup- purations est éminemment soluble dans l'eau, et c'est par accident seulement qu'on la voit, au microscope, disposée en petits amas, tandis que les champignons ne se dissolvent point dans l'eau dont ils sont parfaitement distincts à l'œil et au microscope. Nulle part, du reste, dans son mémoire, M. Chalvet ne parle de la coloration verte des sporules qu'il a observées dans le pus.

De toutes ces raisons ne puis-je pas légitimement conclure que le principe colorant des suppurations bleues n'est pas au développe- ment des sporules? Qu'il se développe des moisissures dans le voisi- nage des plaies et sur les appareils de pansement lorsque les soins de propreté ne sont pas rigoureusement observés, je ne veux point le nier; mais je suis en droit d'affirmer qu'aucun de mes malades n'était dans des conditions semblables.

LA COLORATION EST DUE A UNE MODIFICATION CHIMIQUE DE l'hÉMATINE.

J'ai émis l'assertion que la coloration bleue des pièces de panse- ment était due à une modification de l'hématine du sang, qui s'altère au contact de l'air. Cette proposition en contient implicitement une autre, c'est que la coloration jaune habituelle du pus est due égale- ment à l'hématine. J'ai cherché à en domier la démonstration par des faits, par des raisonnements et par des considérations de physiologie pathologique.

62 Je ne viens point, je l'avoue, démontrer par une analyse rigou- reuse ridentité de la pyocyauine et de l'hématine ; cela eût mieux valu sans doute, mais je crois néanmoins pouvoir fournir des preuves satisfaisantes.

La coloration bleue me parait provenir d'une source unique, car dans tous les cas je l'ai observée (ils sont au nombre de 50 en- viron), elle s'est comportée de la même façon, quelle que fût la plaie qui lui donnât naissance.

Je l'ai vue sur des plaies récentes et sur des plaies anciennes; pro- duite par la sérosité des vésicatoires ou par celle de phlyctènes spontanément développées ; à la suite de solutions de continuité faites par le bistouri, la cautérisation ou un écrasement; venant à travers un long trajet d'une carie profonde, ou se formant à l'abri du contact de l'air sous l'épiderme d'une phlyctène desséchée; en- gendrée par du pus de bonne nature ou par la sérosité fétide d'un énorme cancer ulcéré. Je l'ai vue chez des enfants et chez des vieil- lards, chez des blessés dune santé délabrée ou d'une vigoureuse constitution; dans la chentèle des hôpitaux et dans celle de la ville, pendant les chaleurs de l'été et pendant les rigueurs de l'hiver, et dans tous les cas je lui ai reconnu les mêmes caractères; je suis donc autorisé à penser que la matière colorante est toujours la même et peu disposé à admettre qu'elle est due tantôt à une cause, tantôt à une autre. Dans des circonstances si diverses, comment expliquer un phénomène de coloration toujours identique, si ce n'est par le sang?

Bien mieux, je vais chercher à prouver qu'il règne la plus grande analogie entre la couleur rouge du sang, la couleur bleue des suppu- rations et la teinte jaune du pus et de nos humeurs.

La coloration jaune, par exemple, est très-répandue dans l'éco- nomie; on la rencontre dans l'urine, la sérosité morbide du péritoine, celle des vésicatoires et la suppuration ordinaire. 11 est naturel de penser que cette coloration provient d'une transsudatiou de l'héma- tine, qui s'altère dans les capillaires de la plaie ou de la surface de sécrétion. Je suppose une altération, car rien ne démontre que le plasma du sang soit coloré d'une teinte ambrée : tout prouve, au con- traire, qu'il est parfaitement incolore; et qu'on ne dise point qu'il y a une sécrétion nouvelle, car la sérosité de la saignée d'un homme bien portant est ambrée.

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Il est difficile, je crois, de ne point admettre une première proposi- tion, qui me sert pour ainsi dire de point de départ: Coloration jaune se produisant très-facilement et dérivant de l liématine.

Mais la coloration jaune habituelle de nos humeurs devient quel- quefois intense et prend une teinte safranée. La raison de ce fait est assez difficile à donner ; toutefois, ayant depuis longtemps remarqué qu'il était plus fréquent à la suite des fractures ou contusions avec plaies, j'ai pensé que le sang épanché y contribuait pour quelque chose et venait ajouter à l'exsudation ordinaire une teinte plus pro- noncée. Malheureusement il en est ici comme dans beaucoup d'autres phénomènes pathologiques ; on n'y rencontre point la régularité des lois physiques, et il est impossible de déterminer positivement dans quelles circonstances apparaîtra la coloration safranée du pus.

L'inflammation semble quelquefois jouer un certain rôle; ainsi, dans la période inflammatoire de la blennorrhagie, le pus devient verdàtre. Dans ce cas, comme dans les précédents, n'y a-t-il pas trans- sudation plus considérable de la matière colorante du sang?

Les diverses colorations dont je viens de parler appartiennent au pus lui-même ; il n'en est point ainsi de la suivante : Une plaie verse un liquide de couleur jaunâtre, et les linges qui en sont imbibés sont tachés en bleu, et cela d'une façon d'autant plus prononcée que la tache est plus superficielle, fait qui démontre l'influence de l'air sur le développement de la matière colorante, qui de jaune devient bleue. S'il y a eu rupture vasculaire et mélange direct du sang au pus, celui-ci possède une teinte d'un rouge variable.

Voilà donc trois couleurs distinctes que peuvent affecter les suppu- rations : jaune, bleue et rouge, et ce que je dis n'est point un ar- tifice imaginé à plaisir ; car sur la même pièce de pansement j'ai vu quelquefois ces trois teintes diverses provenant d'une même plaie ou deplusieursplaies voisines. (Voir obs. 13 et 15.)

Cet accident me semble une bonne démonstration de ce que j'ai avancé, c'est-à-dire que le principe colorant jaune ou bleu dérive de l'hématine dont il n'est qu'une modification légère.

La plupart des actions chimiques de l'économie s'exécutent par des procédés fort simples, et il n'y a pas un appareil sécréteur spé- cial, il ne peut y avoir un principe chimique qui n'existe pas tout formé dans le sang. Toutes les fois que nous trouverons un liquide pathologiquement exsudé par toutes les parties de notre corps,

64 comme le plasma, la sérosité, le pus, nous pouvons penser qu'il ne renferme que les éléments du sang. Ce sera presque toujours une simple filtration qui permettra tout au plus une légère altération chi- mique des éléments du fluide sanguin.

Dire que la pyocyanine dérive d'une altération légère de l'hématine me semble parfaitement conforme aux principes que je viens d'énon- cer; je vais essayer d'en fournir encore une preuve de plus.

Y A-T-IL UNE RELATION ENTRE LA CONTUSION ET LA SUPPURATION BLEUE?

Les colorations d'un jaune prononcé ou d'un bleu plus ou moins verdâtre, ne s'observent que rarement sur les plaies qui suppurent; c'est, au contraire, la règle à la suite des contusions.

Que voit-on, en effet, quand du sang a été épanché sous la peau? Au bout d'un temps qui varie de deux à six jours, suivant l'épeis- seur de l'organe cutané ou la profondeur de l'épanchement, il appa- raît à travers l'épiderme une coloration rouge lie de vin, puis bleue, puis verie, et enfin jaune. N'est-ce point une analogie frappante avec ce qu'on observe dans les diverses colorations du pus? N'est-ce point une analyse faite par la nature pour démontrer la dégradation insen- sible de la coloration de riiémalinc? Et n'y a-t-il pas une relation évidente avec la coloration du pus safrané que j'ai observée si fré- quemment à la suite des plaies contuses?

Bien plus, j'ai vu souvent, chez des blessés atteints de fractures avec épanchements sanguins considérables, se développer des phlyc- tènes dont la sérosité était colorée en jaune, en rouge ou en vert. (Voirobs. 13 et 15.)

J'ai cru pouvoir reproduire le procédé de la nature en faisant des vésications légères sur des contusions de divers âges et de diverses profondeurs ; j'ai constamment échoué, et la sérosité ainsi obtenue a toujours eu la teinte habituelle. Cette expérience, innocente du reste, m'a montré un fait assez curieux. Quand on enlève l'épiderme du petit vésicatoire, on trouve au-dessous le derme complètement privé des teintes ecchymotiques qui existent dans les tissus voisins. Je ne fais qu'indiquer cela en passant; car en chercher l'exphcation m'é- loignerait de mon sujet.

La non-réussite de cet essai prouve uniquement que les phlyc- tènes spontanément développées à la suite de fractures, se produisent par un mécanisme difièrent de celui des phlyctènes artificielles.

65 .io vais maintenant citer un certain nombre de faits pour corrobo- rer les assertions que je viens d'émettre ; j'ai cru pouvoir, sans incon- vénient, les abréger autant que possible; pour en rendre la lecture moins fastidieuse je les ai divisés en deux ou trois séries : dans la première, j'ai rapporté des observations de suppurations bleues; dans la seconde, des observations d'ecchymoses avec phlyctènes co- lorées ; dans la troisième, des observations de pus jaune safranô.

PREMIÈRE SÉRIE. SUPPURATIONS BLEUES.

Obs. I. Q. Buisson, âgé do 73 ans, d'une constitution délabrée est affecté d'un cancroïde ulcéré qui envahit toute la face dorsale de la main gauche. On lui pratique des cautérisations avec le chlorure de zinc. Après la chute des escarres, les linges sont tachés en bleu et en vert pendant six jours; au bout de ce temps la coloration disparaît brusquement.

Obs. II. E. Laliche, âgé de 16 ans, est affecté depuis quatre mois et demi d'un abcès fistuleux de la bourse trochantérienne gauche.

Le lendemain du débridement de la fistule suivi d'une légère cauté- risation au fer rouge, les linges de pansement sont colorés en vert par une sérosité purulente qui s'écoule abondamment de la plaie.

Obs. III. A. Nicolas, âgé de 36 ans, est affecté depuis deux jours d'une brûlure au second degré de la main droite, produite par de l'al- cool.

Pendant sept jours les linges sont tachés en bleu et en vert.

Une mouche de Milan appliquée au bras donne lieu à une sérosité ordinaire.

Obs. IV. C. Valentin, âgée de 19 ans, est affectée depuis trois ans d'une tumeur blanche suppurée du genou gauche. Sept trajets fistuleux provenant des parties malades versent une quantité considérable de pus qui épuise cette jeune fille. Un seul de ces orifices fournit abon- damment et sans interruption du pus qui colore en bleu les linges de pansement. Il provient dune fongosité articulaire située à partie postérieure de l'articulation, ainsi que le démontra plus tard l'autopsie du membre amputé.

Cette observation et la précédente prouvent bien que la suppura- tion bleue tient seulement à un état local de la plaie.

Obs. V. C. Balandra, âgée de 42 ans, est affectée d'une tumeur .MÉM. 5

60 blanche tibio-tarsienne avec fongosités et trajets fistuleux conduisant à une carie.

Le 31 octobre on pratique neuf raies de feu autour de l'article. Le premier jour il s'écoule beaucoup de sérosité, on fait un pansement avec du cérat laudanisé. Le second jour les linges de pansement sont fortement bleuis.

Le 10 novembre cette coloration disparaît.

Obs. VL J. François, âgé de 19 ans, a eu la main blessée par un éclat de fusil le 20 octobre 1861. Après quinze jours d'irrigations con- tinues, on trouve le milieu de la plaie fortement coloré en jaune chrome ou safrané, et sur les premières phalanges des doigts, l'irrigation se fait peu, l'épiderme est teint par de la suppuration bleue.

Obs. Vn. M. Zouduron, âgée de 3 ans et demi, est affectée d'une brûlure au second degré, du bras et de l'aisselle. Après huit jours, les plaies donnent une suppuration qui colore en bleu les pièces de panse- ment, imbibées de Uniment oléo-calcaire. Cette coloration se produisit mieux avec des pièces de linge qu'avec de la charpie ; elle persista pendant tout le temps que la petite malade fut en observation.

Obs. VIIL L. Brosson, âgé de 19 ans, est affecté d'un paraphimosis simple. On pratique le débridement au septième jour.

Deux jours après l'opération le pus colore en vert la charpie de pan- sement.

Ce phénomène dura pendant six jours.

Je prends quelques fragments de charpie colorés d'un beau vert et je les applique directement sur la plaie d'un malade à qui j'ai pratiqué depuis un mois la resection du cuboïde.

Cette tentative d'inoculation fut complètement nulle.

Je place encore de la charpie fortement colorée sur la plaie d'un épi- leptique qui est affecté d'une brûlure profonde de toute la jambe gauche. Le lendemain je retrouve un peu de coloration existant encore sur cette charpie, mais moins intense. Le surlendemain tout a dis- paru.

Obs. IX. "V. Darniat, âgé de 19 ans, à la suite d'un éboulement a été affecté d'une fracture de la partie moyenne de l'humérus gauche avec plaies pénétrantes et décollement des fragments.

Trois semaines après son accident, les plaies marchent vers la cica- trisation, et l'on observe sur les linges de pansement une coloration légère d'abord, puis ensuite plus intense, et dont la teinte varie du bleu au vert. Ce phénomène disparaît et se reproduit pendant un mois à di- vers intervalles. Il siège sur une seule des plaies du blessé.

07 Obs. X.— A. Leprincc, âgé de 34 ans, subit Tamputation de la jambe gauche à la suite dun broiement produit par la roue d'un wagon. Le cinquième jour la suppuration colora le pansement d'une teinte d'un bleu verdâtre prononcé. Les jours suivants un état général grave étant survenu, cette coloration disparut. Elle se reproduisit cinq jours après, en même temps que la santé de l'opéré s'améliora et continua encore pendant quinze jours.

Obs. XL F. Douzel, âgé de 36 ans, a la main gauche broyée entre deux cylindres, qui produisent une déchirure des parties molles de la région dorsale.

Le quatrième jour les pièces de pansement sont colorées en bleu, et ce phénomène continue pendant quinze jours, malgré les pansements avec la poudre de quina et des cautérisations au nitrate d'argent.

Obs. XIL L. Picollier, âgée de 45 ans, est affectée depuis dix-huit mois d'un cancer du sein gauche.

Depuis douze jours que la malade est entrée à l'hôpital, l'énorme ul- cération de sa tumeur verse un ichor fétide et abondant qui colore en bleu les linges de pansement.

DEUXIÈME SÉRIE. OBSERVATIONS DE PHLYCTÈNES ECCHYMOTIQUES DONT LA .SÉROSITÉ COLORE EN BLEU LES PIÈCES DE PANSEMENT, ETC.

Obs. XIIL J. Martin, âgé de 46 ans, est atteint d'une fracture simple des deux os de la jambe. A la levée de l'appareil provisoire, je trouve le membre couvert d'ampoules remplies de sérosité citrine. Je pratique de petites ouvertures, la sérosité s'écoule et la jambe est en- tourée de compresses cératées.

Pendant six jours, l'abondante sérosité qui s'écoula de ces ampoules teignit les linges en bleu^ en vert, et quelquefois en jaune safrané d'une manière très-prononcée.

Dans deux ou trois points assez limités, du reste, la face interne de l'épiderme ampullaire fut fortement colorée en vert.

La coloration ne cessa qu'à la guérison des ampoules.

Obs. XIV. C. Truche, âgé de 47 ans, entre à l'hôpital le 17 dé- cembre 1801 pour une fracture des deux os de la jambe. Des applica- tions irritantes ont été faites sur le membre et ont produit le dévelop- pement de phlyctènes qui ont été remplies d'une sérosité verdâtre. La partie liquide s'est résorbée et la face profonde de l'épiderme a été for- tement colorée en vert.

Voici comment j'ai expliqué cette coloration : il y avait un épanche-

68 ment de sang assez considérable sur presque toute la jambe. L'héma- tine s'est transformée en pyocyanine et a coloré la sérosité. On ne peut, dans ce cas, invoquer l'existence d'une algue; car l'cpidcriuc n'a pas élë rompu ^ et il n'y a pas eu accès de l'air. La matière colorante est am.assée sur la face profonde de l'épiderme qui est dense et solide. A l'examen microscopique on ne trouve aucune trace de sporule.

Obs. XV. Une pesante A'oiture passe sur la jambe d"un jeune homme de 20 ans, au-dessous du mollet. Plusieurs phlyctènes se déve- loppent le troisième jour, et le douzième une certaine étpndue de la peau se mortifie.

Au début, certaines phlyctènes contiennent une sérosité citrine, d'autres une sérosité sanguinolente. Le quinzième jour, à la place des phlyctènes desséchées, on voit une trentaine de taches. Les plus nom- breuses varient du rouge brun au rouge violacé. Huit sont d'un jaune très-prononcé; six sont d'un vert très-foncé et très-caractérisé. La dis- position de ces taches est irrégulière ; la matière colorante est sous- épidermique; elle provient de la sérosité des phlyctènes desséchées. La blessure marche rapidement vers la guérison.

Obs. XVL J. Teillou, âgé de 41 ans, se fit en tombant une fracture des deux os de la jambe droite. Au treizième jour, on observe au niveau de la fracture une phlyctène contenant de la sérosité verdâlrc. Le li- quide examiné au microscope contient des globules do pus et de sang et des gouttelettes huileuses. Après ouverture, on panse avec des linges cératés. Au bout de quatre jours j'enlève l'épiderme desséché; sa face interne est fortement colorée en vert, et je trouve alors, en examinant au microscope la couche interne qui le tapisse, une grande quantité de spores, qui offrent comme aspect et comme volume la plus grande ana- logie avec les globules de ferment. Ils paraissent incolores. On ren- contre aussi de distance en distance des amas de matière amorphe, d'un bleu intense, dans lesquels on ne peut distinguer la moindre trace de spores.

Ces amas de matière bleue se transforment en quelques jours en amas jaunâtres et rougeàtres, analogues aux amas ûliémaloïdine. De- puis fort longtemps j'avais observé une altération semblable dans la pyocyanine que je conservais soit sèche, soit en dissolution.

Outre les sporules on trouve des corps allongés aboutissant à des renflements ou terminés par eux. Ces productions parasitaires sont re- marquablement incolores.

ÏUOlSlÈMli SÉRIE. OIiSi:R\V4TI0K& DE SUPPURATIONS SAFRANÉES.

Obs. XVII. J. Lusinier, âgé de 27 ans, est affecté d'une plaie con- tuse de la partie interne du bras. La suppuration qui s'en écoule est fortement colorée en jaune chrome.-

Oos. XVîiî. A. Gaillard, âgé de 38 ans, a eu la main droite broyée par un engrenage ; toutes les parties inolies de région dorsale sont détruites et décollées. Malgré l'irrigation continue, il survint une in- flammation considérable et plusieurs lambeaux se mortifièrent. La sup- puration est abondante, elle a une couleur d'un jaune safrané prononcé; phénomène qui continue jusqu'au moment la cicatrisation com- mence.

Je me borne à citer ces dix-huit feits ; il m'eût été facile de les multiplier : ceux-ci suffisent, je crois, au soutien de ma thèse. Il ré- sulte de mon observation, teuue eu éveil sur ce sujet depuis plusieurs années, et qui porte sur un nombre considérable de malades, que, non pas toujours, mais souvent, il y a suppuration ou sérosité colo- rées en jaune foncé ou en bleu venUUre dans les plaies voisines des grandes contusions. Ne peut-on pas penser qu'alors l'hématine du sang épanché imbibe fortement les parties molles qui suppurent, et contribue aux colorations spéciales?

RÉSUMÉ.

De tout ce qui précède, je crois pouvoir tirer les conclusions sui- vantes :

La coloration bleue ou verte des linges de pansement n'est point due à un champignon. En effet, les sporules qu'on rencontre, quel- quefois seulement, dans le pus, sont incolores; la pyocyanine est très-soluble dans l'eau ; tandis que la couleur des champignons con- stituant les moisissures, etc., ne parait pas l'être; la couleur de la suppuration ne peut se reproduire par inoculation, ou à la manière des ferments.

Il n'y a qu'une seule variété de suppuration bleue.

3" Ce phénomène est à une altération de l'hématine du sang , cela semble prouvé par l'analyse chimique , par la production des suppurations bleues dans toutes les parties du corps, par la coïnci-

70 dence fréquente sur une même plaie ou un même membre, des trois colorations rouge, verte et jaune intense.

. Les suppurations colorées en vert ou en jaune safrané sont plus fréquentes à la suite des contusions.

Après un traumatisme, le sang épanché devient bleu, vert et jaune. Cela prouve avec quelle facilité l'hématine subit ces change- ments de couleur, et cela fait concevoir jusqu'à un certain point le mécanisme des suppurations bleues.

RECHERCHES

SUR LE

BOUQUET DES VINS

Mémoire lu ï la Société

Par m. BERTHELOT.

Je demande à la Société la permission de lui exposer quelques ob- servations que j'ai faites sur la formation des éthers dans les vins et sur le bouquet des vins. Quoique ce sujet ne se rattache que d'une manière indirecte à ses travaux, cependant j'espère que les résultats que je vais lui présenter ne lui seront pas indifférents, parce qu'ils sont relatifs à l'étude de ces actions lentes d'hydratation, de déshy- dratation et d'oxydation qui jouent un si grand rôle dans l'écono- mie des êtres vivants , et aussi parce qu'ils définissent certains chan- gements éprouvés par les liquides alcooliques, dont l'usage est universel dans l'alimentation humaine. Plusieurs des membres de la Société et son président ont bien voulu d'ailleurs m'inviter à pu- blier ces résultats dans nos mémoires.

La question du bouquet des vins est l'une des plus compliquées parmi celles qui se rattachent à la chimie agricole. En général, on distingue dans le bouquet deux éléments, savoir le goût vineux, com- mun à tous les vins, et la saveur spéciale et caractéristique de chaque vin. Jusqu'ici la plupart des chimistes attribuent le bouquet à la pré-

72 sence de petites quantités d'ôthers formés par Fuuion des alcools ordinaire, amylique et autres avec divers acides, tels que l'acide acé- tique et les corps de sa série. On a même signalé en particulier l'é- ther œnanthique comme la cause du goût vineux commun à tous les vins. Des éthers spéciaux seraient la cause des saveurs caractéris- tiques de chaque vin. Mais ce sont des notions un peu vagues et à quelques égards incertaines.

La suite de mes recherches sur les affinités et sur les lois géné- rales de la formation des éthers, m'a conduit à m'occuper de cette mêtne formation, dans les liquides vineux en particulier. J'ai réussi à préciser un certain nombre des points qui s'y rapportent, et j'ai été conduit sur d'autres à des opinions fort différentes de celles qui sont généralement répandues. Ce sont ces résultats que je vais essayer de résumer devant la Société.

Mon travail est partagé en sept parties :

Détermination de la quantité totale des éthers qui peuvent exis- ter dans un vin.

Étude sur la formation de ces éthers et sur les conditions qui peuvent la modifier dans les liqueurs fermentées.

Apphcation des principes posés précédemment aux eaux-de-vie et aux vinaigres, c'est-à-dire aux produits dérivés du vin.

Proportions relatives des éthers neutres et des éthers acides.

5" Gaz dissous dans les vins.

Action de l'oxygène sur les vins et sur leur bouquet en particu- lier.

Essais pour isoler les principes dans lesquels réside le bouquet des vins.

I. Sun L.\ QUANTITÉ TOTALE DES ÈTHÈRS CONTENUS DANS LÈS VINS.

J'examinerai d'abord ce qui se passe dans une liqueur alcoolique mise à l'abri de toute cause d'altération étrangère à la formation des éthers. Il suffit que cette liqueur ne renferme ni sucre ultérieure- ment fermentescible, ni mycodermes, ni ferments, et qu'elle soit conservée dans un vase de verre scellé à la lampe, et privé d'air d'une manière absolue. Ceci posé, il résulte de mes expériences que :

La formation des éthers s'effectue d'une manière nécessaire, par suite des actions réciproques entre les acides et les alcools;

73

2" Elle a lieu, quelle que soit la quantité d'eau mise en présence;

Elle tend peu à peu vers un certain équilibre qui sera atteint seulement au bout de plusieurs années ;

4" Cet équilibre est indépciidant de la température ;

Il dépend des proportions relatives d'acide, d'alcool et d'eau mises en présence.

C'est cet état d'équilibre qite je vais maintenant définir, tel qu'il doit se produire dans les liqueurs vineuses ; je m'appuierai sur les deux principes suivants, établis par mes expériences :

{a} Etant donné un mélange d'alcool, d'acide et d'eau, dans lequel l'eau se trouve en grand excès, ce qui est le cas examiné, la quan- tité d' et lier qui doit se former est sensiblement proportionnelle au poids total de l'acide contenu dans la liqueur.

(6) La quantité d'alcool qui entre en combinaison dépend seulement du rapport entre la somme des équivalents des acides et la somme des équivalents des alcools; elle est la même, qu'il s'agisse d'un sys- tème formé par un seul acide et par un seul alcool, ou par plusieurs acides et par plusieurs alcools.

On peut se servir de ces principes pour calculer, soit l'état actuel d'une liqueur parvenue à l'état d'équilibre, soit l'état futur d'une li- queur dans laquelle aucune réaction ne s'est encore manifestée.

Commençons par l'état actuel d'une liqueur parvenue à l'équilibre. Trois données suffisent : le poids de l'eau, le poids de l'alcool et le poids équivalent des acides libres ; ce dernier peut être établi par un essai alcalimétrique. Ces trois données étant connues, on peut ré- sumer les résultats de mes expériences par la formule suivante :

(1) î/ = l,17A+2,8

dans laquelle A représente le rapport (multiplié par 100) entre le poids de l'alcool et les poids réunis de l'alcool et de l'eau, et y le coefficient d'éthéritication actuelle, c'est-à-dire le rapport (multiplié par 100) entre le poids de l'alcool actuellement combiné sous forme d'éther et le poids de l'alcool équivalent à l'acide libre.

Cette formule est applicable tant que les liqueurs ne contiennent pas plus de 20 ou 25 pour 100 (en poids) d'alcool. Elle montre que dans un vin contenant 5 centièmes d'alcool, la quantité des acides étliérifiés est le douzième de la quantité des acides libres; dans un vin contenant lu centièmes d'alcool, la quantité des acides étliérifiés

7-i est le septième de celle des acides libres ; dans un vin contenant 15 pour 100 d'alcool, la proportion est du cinquième; elle est du quart avec 20 pour 100 d'alcool, et s'élève au tiers avec 25 pour JOO.

Pour citer un exemple, soit le vin de Formichon (Beaujolais). 1858. Ce vin est assez vieux pour que la formation des éthers puisse être regardée comme à peu près terminée. Dans ce vin, le rapport en poids de l'alcool à l'eau a été trouvé égal à celui de 1 1 : 89 ; et le li- tre acide équivalait, par 100 grammes de vin, à 0^',483 d'acide sulfa- rique SO^HO (c'est-à-dire à 45 centigr. G^H^O^).

Ici A:=gg-j-jyx 100 = 11,

?/ = 1,17x11 +2,8 = 15,7. L'alcool combiné=:'^"^^^' =0^071 dans 100 gr., ou 0«',71

pour un litre de vin. Cet alcool neutralise un poids d'acide équivalent à 08',76 de SO^HO par litre. Le rapport entre l'acide éthérifié et l'acide total est donc celui de 76 : 483 = 16 : 100 environ. Tel est le résultat du calcul fondé sur les lois générales de l'éthérification.

Je l'ai contrôlé par une expérience directe faite sur le vin de For- michon, et j'ai trouvé que le rapport entre l'acide éthérifié et l'acide total était environ 19/100, nombre aussi voisin du précédent que l'on pouvait l'espérer, surtout en raison des petites erreurs que com- porte l'expérience.

L'état actuel d'une liqueur en équilibre étant défini par ce qui pré- cède, examinons maintenant le cas opposé, celui d'un liquide dans le- quel les acides et les alcools n'ont encore exercé aucune réaction : c'est un cas idéal, puisque, dans une liqueur fermentée, l'alcool prend naissance, et par conséquent réagit, successivement. Mais il est nécessaire de le définir pour l'intelligence complète des phéno- mènes.

Admettons connues les trois données suivantes : le poids de l'eau, le poids de l'alcool et le poids équivalent des acides, c'est-à-dire le titre alcalimétrique ; les résultats de mes expériences peuvent être résumés dans la formule suivante :

(2) z = 0,9B X 3,5 B exprime le rapport (multiplié par 100) entre le poids de l'alcool et

75 la somme du poids de l'eau et de l'alcool, et z exprime le coefficient d'éthérificatiou future, c'est-à-dire le rapport (multiplié par 100) entre l'alcool destiné à entrer en combinaison et l'alcool équivalent à l'a- cide total contenu dans la liqueur. D'après cette formule, dans un vin contenant 5 pour 100 d'alcool, la quantité des acides qui s'éthé- rifieront est le treizième de la quantité totale; dans un via à 10 pour 100 d'alcool, elle est le huitième; dans un vin à 15 pour 100, elle est le sixième ; enfin dans un vin à 20 pour 100 d'alcool, la quantité des acides qui s'étliériiïeront s'élève à un peu plus du cinquième de leur quantité totale.

Les formules (1) et (2) représentent deux limites, entre lesquelles se trouve compris l'état de toutes les liqueurs vineuses et autres dans lesquelles la réaction des acides sur l'alcool a commencé à s'accom- plir, sans être encore terminée. Nous allons maintenant examiner quelle est la succession des phénomènes correspondants aux états intermédiaires.

»

II. COMMENT LES ÉTHEKS SE FORMENT DANS LES VL\S ET LIQUEURS

FERMENTÉES.

Nous distinguerons les effets qui résultent de la composition initiale et ceux qui sont dus à des influences étrangères à la réaction mémo des acides par les alcools, exercées pendant le cours de la conserva- tion des liqueurs.

Les effets qui dérivent de la composition initiale peuvent être prévus d'une manière générale, d'après les résultats de nos recher- ches. Les acides se combinent lentement avec les alcools, eu tendant peu à peu vers la limite définie plus haut. La marche graduelle de cette combinaison est telle que, dans une liqueur diluée, la vitesse de l'éthérilication devient au bout d'un certain temps, etdemeure ensuite, comparable à ce qu'elle serait dans un système formé uniquement d'acide et d'alcool. Or ce dernier état est le seul dont nous ayons réel- lement à nous préoccuper, puisque au début la liqueur varie sans cesse dans sa composition, tant que la fermentation n'est pas terminée. Pour fixer les idées, je rappellerai qu'en opérant à la température or- dinaire sur l'alcool et sur l'acide acétique, à équivalents égaux, les deux tiers de la quantité d'éther possible sont formés au bout de cinq à six mois, les cinq sixièmes au bout d'un an. Deux années n'ont pas suffi pour épuiser la réaction; cependant eUe est alors bien

76 près de son terme, les quinze seizièmes de la quantité d'éther possible se trouvant réalisés.

Avec les acides polybasiques, tels que ceux qui dominent clans le vin (acides succinique, malique, tartrique), la combinaison est un peu plus rapide. Ajoutons enfin que la chaleur accélère la formation des éthers, le froid la ralentit ; mais la limite demeure toujours la même.

Ces indications peuvent donner une idée, sinon des phénomènes qui se passent précisément et qui dépendent de la composition iridi- viduelle de chaque liqueur, mais au moins de la marche générale de l'éthérification. Onvoit que, d'après ces données, l'acidité du vin doit aller eh diminuant, de telle sorte que les vins ordinaires, en deux ou trois ans, perdent de un huitième à un sixième de leur acidité, suivant leur richesse en alcool, par le seul fait de la formation des éthers.

J'ai raisonné jusqu'ici en supposant que les proportiofls relatives d'alcool, d'acide et d'eau ne changent pas dans l^s liqueurs pendant tout le cours de leur conservation. Mais il n'en est pas ainsi dans la réalité : des causes très-diverses peuvent accroître ou diminuer la quantité de l'alcool ou celle de l'acide. Sans entrer dans leur discus- sion détaillée, il suffira de dire que leur influence peut être résumée ainsi :

Toutes les fois que l'alcool augmente, la proportion d'éther tend à augmenter, par suite d'une réaction lente qui s'établit aussitôt. Telle est, en somme, l'influence exercée par le développement graduel de l'alcool durant la fermentation normale ; par une addition d'alcool ; par un sucrage, suivi d'une fermentation nouvelle; par le dédouble- ment lent des glucosides naturels, et la fermentation consécutive des sucres qui en résultent; par l'endosmose à travers les parois des ton- neaux (dans le cas elle élimine l'eau de préférence à l'alcool) ; par la congélation, etc.

Toutes les fois que l'alcool diminue, la proportion d'éther tend à diminuer : tel est l'un des effets exercés par Févaporation, par l'oxy- dation, etc.

Toutes les fois que l'acidité augmente, la proportion d'éther tend à s'accroître. Telle est l'influence des causes suivantes : fermentations spéciales engendrant des acides; dédoublement lentdes gkicosideset desamides produisant également des acides; oxydation, etc.

Toutes les fois que l'acidité diminue, la proportion d'éther tend

77 à décroitre. Telle est riiiilueiico exercée par certaines fermentations; par la précipitation de la crème tic tartre résultant de l'accroissement de l'alcool ou de la formation de certaines laques insolubles; par l'ad- dition du tartrate neutre de potasse, suivie d'une séparation de crème de tartre qui diminue l'acidité totale de la liqueur, etc.

Terminons par les inlluences qui s"exercent plus spécialement sur les éthers eux-mêmes. Telles sont certaines fermentations qui en provoquent le dédoublement, comme je l'ai montré en étudiant l'ac- tion du suc pancréatique sur l'étber acétique; telles sont peut-être encore d'autres fermentations, capables d'accélérer la formation des éthers ; telle enfin l'addition aux vins dun étlier neutre ou acide, addition qui est suivie aussitôt d'une nouvelle réaction lente, en vertu de laquelle l'éther ajouté, loin de subsister intégralement, se décompose en partie, avec reproduction de l'acide et de l'alcool qu'il contient. Cette décomposition s'opère d'une manière nécessaire : elle est due à la fois à la réaction de l'eau qui tend à reproduire peu à

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peu les conditions de l'équilibre normal, et au déplacement partiel des acides ou des alcools des éthers additionnels par l'alcool et les acides du vin.

Telles sont les principales actions perturbatrices venues à ma conr naissance parmi celles qui peuvent agir sur les liqueurs vineuses et influer sur la formation des éthers qui y sont contenus. Ces actions sont nombreuses et complexes, comme on pouvait s'y attendre dans l'étude d'un produit naturel, dont la connaissance parfaite exigerait le concours de la chimie toute entière dans ce qu'elle a de plus précis et de plus délicat.

On est conduit par à se demander s'il existe pour les vins un état définitif d'éthérification, tel que la nature et la proportion des éthers qui y sont contenus n'éprouvent désormais aucune variation. A cette question la réponse est facile : un tel état ne pourrait se produire que dans un vin conservé dans des vases scellés à la lam- pe, à l'abri de l'oxygène et des ferments. Mais dans les conditions normales de la conservation de ce liquide, il survient sans cesse de certaines variations dans les proportions d'eau, il'acide et d'alcool, et ces variations s'opèrent à la longue suivant des limites extrême- ment étendues. Â mesure qu'elles se développent, la limite d'éthérifi- cation se déplace et la proportion des éthers varie peu à peu, aussi bien que leur nature même.

78 Cependant je dois me hâter d'ajouter aussitôt : que, quelle que soit l'étendue de ces variations, Tétat présent dune liqueur vineuse, c'est-à-dire la quantité d'alcool éthérifié qu'elle renferme, peut en général être déterminé avec une précision sufiisante, pourvu que le vin ait été conservé depuis plusieurs années et qu'il n'éprouve pas de variations brusques dans sa composition. En effet, au bout de quelques années, l'affinité des acides pour les alcools est sensi- blement satisfaite; tout l'alcool éthérifiable, ou à peu près, est entré en combinaison. A partir de ce moment, si les variations de composition s'opèrent très-lentement, les variations dans l'étbéri- fication auront lieu parallèlement, de telle sorte qu'à un moment quelconque le système se trouvera, soit en équilibre, soit dans un état très-voisin de l'équilibre. La proportion des éthers contenus dans la liqueur pourra donc, dans tous les cas, être calculée approximative- ment d'après les proportions de l'eau, de l'alcool et des acides libres actuellement existant dans cette môme liqueur. On voit dès lors com- ment, les principes généraux que j'ai posés sont presque toujours applicables aux liqueurs vineuses, pourvu qu'on les prenne, soit au moment la première fermentation vient de s'accomplir et la réaction des acides sur les alcools est à peine commencée, soit au bout de quelques années de conservation, alors que l'équilibre entre les acides et les alcools peut être regardé sans erreur notable comme toujours actuellement établi.

III. -- SUR LA PnOPORTION DES ÉTHERS CONTENUS DANS LES EAUX-DE-VIE ET DANS LES VINAIGRES.

Eaux-de-vie. On sait que l'eau-de-vie se prépare en distillant le vin ou toute autre liqueur alcoolique, de façon à obtenir un liquide contenant 40 à 60 centièmes d'alcool en poids. Ce liquide peut être ensuite conservé presque indéfiniment; il renferme :

1" De l'eau ;

De l'aicool ordinaire et quelques traces d'alcool amylique;

Une partie des acides volatils du vm (acétique, butyrique, etc., et peut-être succinique), acides dont la plus grande quantité demeure dans le résidu; le vin d'ailleurs lui-môme n'en contient que des tra- ces. A ces acides ^'ajoute une faible proportion d'acides empy- reumatiquesj

79

A" Les ôthers les plus volatils du vin (acétique, formique? etc.), dont la proportion est très-faible dans le vin ; la distillation dure trop peu de temps pour les altérer ;

Divers principes volatils provenant du vin ou de la liqueur fermentée, tels que huiles essentielles, aldéhydes, etc. ; d'autres produits empyreumatiques, enfin certaines matières empruntées aux tonneaux. Je ne m'occuperai pas des principes de cette catégorie, non que j'en méconnaisse l'importance, mais parce qu'ils sont étran- gers à la question dont je m'occupe.

Déterminons d'abord quel doit être l'équilibre d'éthérification dans un pareil liquide au bout de quelques années. 11 s'agit ici de liqueurs renfermant seulement des traces d'acide. Or dans ce cas l'expérience prouve que la quantité d'acide éthérifiée est une fraction à peu près constante de la quantité totale, et dépend seulement du rap- port entre lalcool et l'eau. Ainsi, par exemple, dans un liquide formé de 60 parties d'alcool et de 40 parties d'eau en poids, la portion d'a- cide qui s'éthérifie à la longue s'élève aux deux tiers de l'acide primitif. Dans un liquide formé de 50 parties d'alcool et de 50 par- ties d'eau, la portion d'acide éthéritiable s'élève à 56 pour 100 de l'acide total. Dans un liquide formé de 40 parties d'alcool et de 60 par- ties d'eau, la portion d'acide éthérifiable s'élève à 45 pour 100 de l'acide total. D'où il suit que dans une eau-de-vie conservée depuis plusieurs années, la quantité des éthers, ou plus exactement des acides contenus dans ces éthers, est connue dès que l'on a déterminé le titre acide de cette eau-de-vie. Dans une eau-de-vie à 60 pour 100 u'alcool (en poids), l'acide combiné est double de l'acide libre; dans une eau-de-vie à 50 pour 100 l'acide combiné est égal aux 5/4 de l'acide libre; la proportion est à peu près égale dans une eau-de-vie à 40 ou 45 pour 100 d'alcool. Tel est l'état définitif du système. Si la proportion des éthers au début était moindre que la précédente, leur formation continuera jusqu'à cette limite ; si au contraire elle était supérieure à la limite, une partie se décomposera peu à peu, de façon à ramener le système à son équilibre régulier.

Ou voit par que l'addition dun éther neutre transformé à une eau-de-vie pour lui donner du bouquet, donne lieu à des effets plus compliqués qu'on le croit généralement. En effet :

r Cet éther, pour peu quil soit ajouté en proportion excédant la limite, ne tardera pas à y revenir en se décomposant, avec mise en

.su

!il)erté d'une partie tic raride et de Talcool qu'il renferme, et dont la la saveur et l'odeur viendront modifier celles du produit, tel qu'il ré- sultait d'abord de l'addition primitive.

T Entre l'alcool et l'acide qui ont concouru à former cet éther et l'alcool et les acides de la liqueur s'opéreront des échanges lents qui tendront également à mettre en liberté une partie de l'acide et de l'alcool de l'éther (si cet alcool diffère de l'alcool ordinaire). Ces échanges sont réglés par les conditions de masse relative, comme je l'ai établi, il y a dix ans, en montrant que deux alcools, et aussi deux acides, peuvent se déplacer réciproquement dans leurs combinaisons éthérées. Ce sont ici précisément les mêmes considérations qui ont été indiquées plus haut à l'occasion des vins.

Vinaigres de vin et analogues. -- Pendant la fabrication du vinaigre une grande partie do l'alcool se transforme en acide acétique, une autre portion s'oxyde complètement. Si tout l'alcool disparaissait à la lin de l'expérience, il n'y aura pas lieu de se préoccuper de l'existence des éthers, ceux-ci ne tarderaient pas à y disparaître également, ainsi que le genre de parfum qu'ils peuvent communiquer. Mais en général il subsiste dans le vinaigre de petites quantités d'alcool, et par consé- quent d'éthers, soit que ces éthers préexistent dans le vin, soit qu'ils se produisent sous l'influence d'une conservation prolongée. Ces éthprs sont formés surtout par l'éther acétique ; ils concourent émi- nemment au bouquet des vinaigres, quoiqu'ils n'en soient pas la seule origine. Mais je ne m'occuperai pas des principes différents des éthers. C'est leur quantité qu'il s'agit maintenant d'évaluer. Or, en se fondant sur mes expériences, on peut établir que cette quantité est proportionnelle au produit du poids de l'acide par le poids de l'alcool contenu dans un vinaigre :

Ether = krtA.

Si a représente le poids de l'alcool contenu dans un litre de vinaigre, A celui de l'acide, le poids de l'éther acétique est sensible- ment égal à

1000

Soit par exemple un vinaigre contenant 60 grammes d'acide et 1 gramme d'alcool par litre, le poids de l'éther acétique qui se for- mera à la longue dans ce vinaigre sera égal à 0^,12.

Ces liuiubrcs expliquent la persistance dans les vinaigres de vin d'une odeur éthérée étrangère aux. vinaigres de bois, et la présence de petites quantités d'étlicr acétique parmi les produits de la distil- lation des premiers vinaigres. Si faible que soit la quantité d'alcool échappée à l'oxydation, si considérable que soit l'excès d'eau, une proportion d'éther acétique comparable à celle de l'alcool, prendra naissance d'une manière nécessaire.

IV, PROPORTION RELATIVE DES ÉTHERS NEUTRES ET DES ÉTHERS ACIDES.

Jusqu'ici j'ai développé des notions générales qui me parais- sent applicables à la neutralisation des acides par les alcools con- tenus dans les vins et autres liqueurs alcooliques. Pour aller plus loin, il faudrait savoir précisément quels sont les éthers et les acides renfermés dans ces liqueurs, éthers et acides fort peu connus jusqu'à présent. Sans être en mesure de résoudre encore la question dans toute son étendue, et avec une précision définitive, voici cependant quelques résultats que je crois utile de signaler. J'indiquerai d'abord à quelle catégorie appartiennent les principaux acides du vin; puis je chercherai quelle réaction les acides de ce groupe exercent sur des solutions alcooliques étendues comparables au vin; enfin je montre- rai que les éthers contenus dans le vin sont principalement des éthers acides, et j'assignerai des limites maximum à la proportion des éthers neutres.

1" Quel est le caractère des principaux acides du vin ?

Les acides contenus dans. le vin appartiennent pour la plupart au groupe des acides très-oxygénés, fixes ou peu volatils, enfin polyba- siques, tels que les acides succinique, malique, tartrique, citrique. Au contraire, le vin ne renferme que des quantités très-faibles d'a- cides monobasiques, tels que les acides acétique, butyrique, etc. En effet :

(a) Les acides monobasiques solubles dans l'eau pure ou légère- ment alcoolisée, ce qui est le cas du vin, sont en général odorants et volatils : dès lors leur odeur caractéristique devrait se retrouver dans le vin, puisque la quantité d'eau est telle que les 4/5 au moins du poids total des acides, et souvent même davantage, demeurent en liberté. Or, à l'exception de certains vins d'Espagne à odeur de bouc,

MKM. 6

82 on n'observe rien de pareil, ce qui prouve que ia proporiion de tels acides ne peut être qu'extrêmement faible.

{b) Les acides monobasiques et solubles dans l'eau peuvent être enlevés en grande partie à l'eau par l'étber ordinaire avec lequel on les agite. Le fait est facile à établir pour l'acide butyrique. L'acide acétique, quoique moins facile à séparer par cette voie, passe cepen- dant en grande quantité dans l'éther. Or le vin agité avec le quart de son volume d'étber ne lui cède pas les acides précédents en propor- tion appréciable :1a quantité d'acide enlevée par l'étber (3 pour 100 de l'acide total dans une expérience sur le vin de Thorins) diffère peu de celle que l'étber enlèverait à une solution aqueuse d'acide succi- nique (3,7 pour 100) de même titre.

(c) Les acides monobasiques et solubles dans l'eau, distillent avec la vapeur de cette substance. On les rencontre, en effet, dans la dis- tillation du vin : mais leur proportion ne s'élève pas à un demi- gramme par litre, à moins que le vin n'ait subi quelque altération.

Si les acidesmonobasiques sont si peu abondants, les acides polyba- siques constituent nécessairement la presque totalité des acides du vin. L'acide succinique libre, signalé par MM. Scbmidt et Pasteur, est facile à manifester en agitant le vin avec son volume d'étber. L'extrait fourni par l'évaporation de l'éther ne tarde pas à se remplir de cris- taux. — L'acide tartrique existe dans la crème de tartre ; mais la proportion de cet acide ne dépasse pas en général celle qui est conte- nue dans le bitartrate dépotasse, d'après les recherches que j'aifaites sur son dosage, en commun avec M. de Fleurieu. L'acide malique a été signalé, etc. Tous ces acides, succinique, tartrique, mali- que, etc., sont des acides polybasiques. Ce fait conduit à des consé- quences intéressantes et que je vais développer relativement à la na- ture des éthers contenus dans le vin.

Quelle réaction les acides polybasiques exercent-ils sur une so- lution'alcolique étendue?

J'ai reconnu que les acides polybasiques, et nommément les acides tartrique et succinique, réagissant en petite quantité sur un mélange de 90 parties d'eau, et de 10 parties d'alcool, donnent principalement naissance à des étîiers acides, tels que l'acide éthylsuccinique, l'acide éthyltartrique, etc. La proportion d'étber neutre formée dans ce.'? conditions est faible et moindre que le vingtième du poids de l'éther acide?

83

3" Quelle est la proportion des étliers neutres contenus dans le vin ?

Sans être en mesure de résoudre ce problème d'une manière ri- goureuse, je vais montrer que l'on peut se former une idée à priori de cette proportion daprès les données précédentes, et je vérifierai si cette notion est conforme à l'expérience. Commençons par la no- tion à priori.

Soit un vin contenant par litre 0«',4 d'acide acétique et analogue, et 5^'^,0 d'acides succinique, tartrique et analogues, nombres que Texpé- rience fournit en efl'et dans certains cas; admettons que le rapport entre l'alcool et l'eau soit celui de 1 : 10. Admettons encore que le vin ait été conservé depuis plusieurs années et que la formation des éthers y soit accomplie. Supposons enfin que les quantités dacides monobasiques et bibasiques éthérifîés soient proportionnelles aux poids équivalents de ces acides, hypothèse qui aurait besoin d'ê- tre vérifiée par des expériences directes, mais qu'il est nécessaire de faire pour se former une première idée des phénomènes. D'après cette hypothèse et la formule (1) de la page 834 le poids de l'acide acétique éthérifié égal sera à 0'\057, et le poids des acides succini- ques et analogues éthérifiés sera égal à 0«%70 environ. Sur ces 0^',70 le poids neutralisé dans les éthers acides sera de 0^',67, et le poids neutralisé dans les éthers neutres de 0,03 environ. Rapportons ces résultats à l'alcool combiné dans les divers éthers pour plus de clarté, et nous trouverons :

Alcool combiné dans les éthers acides, environ 0^',46.

Alcool combiné dans les éthers neutres des acides polybasiques : 0,02.

Alcool combiné dans les éthers des acides monobasiques, environ : 0,04.

Le rapport entre l'alcool engagé dans les éthers acides et l'alcool engagé dans les éthers neutres serait donc celui de 46 : 6 = 8/1 en- viron. A priori les éthers acides doivent donc prédominer dans le vin. La proportion des éthers neutres serait, d'après ces calculs, telle que dans le vin ci-dessus l'alcool engagé dans cet ordre de composés s'élevait à un seize miUième du poids du vin, à I/IGOO du poids de l'alcool total.

Ces résultats sont conformes à l'expérience, sinon comme valeurs absolues, au moins comme signification générale. En effet, je me suis

assuré, par un procédé qu'il serait trop long de décrire ici (1), que dans le vin de Pomard (1858), à bouquet trés-développé, le poids de l'alcool contenu dans les éthers neutres est inférieur à 1/15000 du poids du vin; dans le vin de Médoc (1858), à 1/15000; dans le vin de Saint-Emilion (1857), à 1/12000; dans le vin de Formichon (Beaujo- lais, 1860), à 1/30000.

Ces nombres montrent combien est petite la proportion des éthers neutres contenus dans le vin; la nature individuelle de principes aussi peu abondants échappe à nos moyens actuels d'analyse.

Terminons en appréciant quelle est l'influence exercée par les qualités du vin, soit par la présence des éthers neutres, soit par la présence des éthers acides.

Les éthers neutres sont les seuls qui émettent des vapeurs à la tem- pérature ordinaire, et qui soient, par conséquent, susceptibles d'in- fluer sur l'odeur des vins. J'ajouterai même que les éthers des acides monobasiques, de beaucoup les plus volatils, doivent exercer ici la principale influence. Mais le bouquet odorant des vins est une chose complexe, et les éthers n'y jouent, à mon avis, qu'un rôle accessoire. Je reviendrai sur ce point dans la septième partie du présent mé- moire.

Les éthers acides, au contraire, sont généralement fixes et à peu près sans action sur l'odorat; mais ils peuvent et doivent agir sur le goût, aussi bien que les éthers volatils. C'est à la formation lente des éthers, et surtout des éthers acides, que je suis porté à attribuer la fusion des goûts multiples et de durée inégale que présentent les vins récents, lesquels goûts se transforment en cette saveur continue qui appartient aux mêmes vins, après quelques années de conserva- tion.

Les faits et les considérations que je viens de développer assignent des limites déterminées à l'influence que la formation des éthers peut exercer sur le bouquet des vins. Ils montrent en même temps que cette formation à la fois si lente et si peu dépendante de l'influence de l'air et de celle de la température, ne saurait expliquer les chan- gements pi'ofonds et rapides que le goût du vin éprouve, lorsque ce

(1) Voir Comptes rendus de C Académie des sciences^ deuxième se- mestre 1863, p. 288.

85 liquide est soumis à l'action de la chaleur, ou exposé au contact de l'air sur une large surface. Il est nécessaire de faire intervenir ici, pour expliquer le bouquet des vins, un autre ordre d'idées et d'expé- riences.

Les unes de ces expériences sont relatives à l'action que l'oxygène de l'air exerce sur les vins, étude qui a être précédée par celle des gaz contenus dans les vins; les autres expériences concernent un principe nouveau et très-altérable que j'ai découvert dans les vins, et auquel j'attribue un rôle fondamental dans les altérations du bou- quet. Ajoutons d'ailleurs que les faits qui vont suivre, n'ont été déter- minés que sur des vins à bouquet très-altérable, tels que les vins de nos climats, bordeaux et surtout bourgogne. Les vins liquoreux et peu altérables du Midi donneraient lieu sans doute à des considéra- tions fort différentes. Mais dans des questions aussi compliquées, il faut diviser les problèmes pour en aborder la solution.

V. GAZ DISSOUS DANS LE VIN (1).

Nous avons examiné les gaz dissous dans le vin, principalemeut en opérant sur le vin de Formichon de 1859, conservé en bouteilles de- puis trois ans et sur le vin de Glos-Saint-Jean 1858. Ces gaz sont: 1" l'acide carbonique : sa proportion varie et va en diminuant à me- sure que l'on s'éloigne de l'époque de la fermentation ; elle était très- faible dans le vin susnommé ; 2" l'azote : sa proportion a été trouvée égale à environ 20 centimètres cubes par litre du vin ci-dessus. Ce gaz a été isolé par la méthode de déplacement à froid, en agitant le vin à plusieurs reprises avec son volume d'acide carbonique absolu- ment pur.

Nous n'avons pas trouvé trace d'oxygène dans le vin analysé. Ce vin était d'ailleurs parfaitement transparent et présentait toutes les propriétés d'un vin en très-bon état de conservation.

L'absence de l'oxygène dans les vins examinés est un fait très-im- portant ; il s'accorde avec l'existence du principe oxydable qui sera signalé plus loin et avec la prompte altération que le vin subit sous l'influence de l'air.

(1) Ces expériences ont été faites en commun avec M. A. de Fleu- ricu.

86

VI. ACTION DE l'oxygène SUR LES VINS.

J'ai opéré principalement sur des vins de Bourgogne, bien authen- tiques, que M. P. Thenard a eu l'obligeance de mettre à ma disposi- tion. Après avoir vérifié que ces vins (Clos Saint-Jean 1858, Tho- fin 1858) renfermaient seulement de l'azote et de l'acide carbonique, sans oxygène, je les ai saturés d'oxygèue, par agitation sur le mer- cure, de façon à prévenir toute évaporation.

Leur bouquet a disparu presque aussitôt, pour faire place à une odeur de vinasse des plus désagréables. Cette altération est bien due à l'oxygène, car les mômes vins, saturés d'acide carbonique de la même manière, n'ont éprouvé aucune modification dans leur bou- quet, ce qui exclut toute action spéciale du mercure dans les condi- tions de l'expérience. Ajoutons encore qu'il suffit d'agiter un bon vin avec de l'air dans une bouteille propre renfermant seulement un quart ou un cinquième de vin : au bout d'un quart d'heure d'agitation, on a altéré complètement le bouquet. C'est une expérience que chacun peut faire avec du Volnay, du Thorin ou tout autre vin analogue. Eln étudiant de plus près cette réaction j'ai trouvé que :

L'oxygène se dissout d'abord sans entrer en combinaison; mais cet état de simple dissolution dure à peine quelques instants.

Au bout de trois ou quatre minutes, on trouve que 10", 5 d'oxy- gène, c'est-à-dire les deux tiers de la quantité absorbé par un litre de vin dans mou expérience, ont complètement disparu. Ce volume d'oxygène suffit pour détruire le bouquet d'un litre de vin de Tho- rin (1858).

A cette première absorption rapide, succède une absorption de plus en plus ralentie. Au bout de deux jours, 10" d'oxygène par litre de vin sont de nouveau entrés en combinaison, puis 4", 5 dans le cours des deux jours suivants, etc. En même temps, la teinte rouge du vin est devenue plus vive et la matière colorante bleue a paru se brûler.

L'absorption définitive de l'oxygène par le vin est accélérée par l'élévation de la température ; elle est rendue presque instantanée par l'addition d'un alcali. En général, toutes les fois qu'un vin de Bourgogne ou analogue est devenu susceptible de conserver l'oxy- gène à l'état de simple dissolution au delà de quelques minutes et

87 sans labsoi'bcr détiuitiveiiieiit, c'est pour moi, et pour les déiiusta- teurs lial)iles que j'ai consultés, un vin fini et dénaturé. C'est d'ail- leurs un l'ait vulanire que Taltération du bouquet d'un vin répandu ou laissé au contact de l'air; je me borne à l'expliquer.

Les phénomènes que je viens de décrire me paraissent applicables, soit à l'emploi du vin comme aliment, soit aux pratiques usitées dans sa conservation (i).

Ils prouvent en effet avec quel soin le vin une fois lait, doit-étre préservé de l'action de l'oxygène de l'air, puisque le contact prolongé de 10" d'oxygène, c'est-à-dire de 50'" d'air, suffit pour détruire le bou- quet d'un litre de vin. Peut-être cependant la présence d'une petite quantité d'oxygène est-elle utile an développement initial du bou- quet ; c'est un point à éclaircir. Mais plus tard elle ne saurait être que nuisible. Énumérons quelques-uns des effets connus que l'action de l'oxygène peut expliquer :

1" Ces expériences rendent compte de la présence de l'azote et de l'absence de l'oxygène dans le vin. Ce liquide, n'étant pas contenu dans des vases scellés à la lampe, échange plus ou moins lentement, suivant la nature des vases, les gaz qu'il renferme contre ceux de l'atmosphère. De cet appauvrissement graduel en acide carboni- que, signalé plus haut; de aussi la présence de l'azote de l'air qui le déplace peu à peu, tandis que l'oxygène absorbé par le vin ne tarde pas à y disparaître.

2" C'est à la pénétration lente de l'oxygène dans les bouteilles, que je suis porté à attribuer la destruction totale que tout vin éprouve à la longue. Cette pénétration s'opère d'une manière nécessaire dans tout vase qui n'est pas scellé à la lampe, non-seulement parce que les bou- chons laissent fdtrer au-dedans l'oxygène du dehors, à mesure que l'oxygène intérieur s'absorbe; c'est un phénomène d'endomose que l'on ralentit en cachetant les bouteilles. Mais il y a une autre cause qui accélère les échanges, ce sont les variations de pression du gaz intérieur qui résultent des dilatations et des contractions du liquide sous l'influence des changements dans la température. Il en résulte

(1) Je rappellerai que je ne prétends parler ici que des vins de nos climats et non des vins liquoreux du midi, dont la constitution paraît différente et l'altérabilité moindre.

88 des échanges continuels entre l'atmosphère générale et l'atmosphère confinée des bouteilles. C'est sans doute pour rendre ces échanges plus difficiles par l'interposition d'une couche liquide, que l'on a l'habitude de tenir les bouteilles couchées, et la face intérieure des bouchons noyée sous le liquide.

Pour analyser complètement les effets qui résultent de cette pé- nétration lente de l'oxygène, il est nécessaire de remarquer que la quantité d'oxygène nécessaire pour détruire le bouquet d'un litre de vin dans ces conditions, c'est-à-dire par diffusion, est beaucoup plus considérable que la quantité suffisante pour l'anéantir sous l'in- fluence d'une agitation brusque. En effet l'oxygène, nous l'avons dit, est absorbé de deux manières par le vin ; il y a une absorption ra- pide qui détruit le bouquet, et il y a une absorption consécutive et de plus en plus lente et qui oxyde des principes d'une nature différente. Or, lorsque la pénétration est lente et que le liquide n'éprouve pas d'agitation, les premières couches atteintes doivent absorber toute la quantité d'oxygène possible, ou tout au moins une quantité supé- rieure à celle qui suffit pour en détruire le bouquet ; ces premières couches protégeront donc jusqu'à un certain point, les couches con- sécutives contre l'action de l'oxygène, protection d'autant plus effi- cace, que la diffusion qui fera pénétrer ensuite l'oxygène dans les couches profondes, s'exerce plus lentement entre deux couches li- quides qu'entre un gaz et un liquide.

En raison de la lenteur de cette oxydation, les produits oxydés tout d'abord peuvent éprouver une combustion plus complète, et les prin- cipes qui n'ont pas été atteints au début, peuvent se brûler ensuite. C'est ce qui arrive certainement pour les matières colorantes du vin, comme le montrent quelques-unes des observations précédentes et aussi la décoloration des vins très-anciens et usés comme on dit, par une trop longue conservation.

La même cause intervenant sans doute, peut produire des diffé- rences entre l'odeur et le goût d'un vin éventé ou répandu, c'est-à- dire oxydé brusquement, et l'odeur et le goût d'un vin trop vieux et usé, c'est-à-dire oxydé très-lentement. On sait, en effet, que dans les vins qui sont usés après avoir eu dabord beaucoup de bouquet, la dernière saveur se rapproche de celle des vins liquoreux du midi; à cela près que toute force a disparu. Peut-être même la différence qui existe entre les vins liquoreux

89 et les vins de nos climats, au point de vue du goût et de la stabilité, tient-elle à une cause du même ordre. Sous l'influence de la tempé- rature élevée du midi, les principes qui, dans nos climats, forme- raient plus tard le bouquet, peuvent être oxydés soit dans le raisin même, soit dans le jus fermentant ; de là, l'analogie de goût entre ces vins liquoreux et nos bons vins usés. De aussi la stabilité des premiers, assurée soit au point de vue du bouquet, par le fait d'une oxydation accomplie, soit au point de vue de fermentations ul- térieures, par une richesse plus grande en alcool. Mais cest un sujet qui réclame une étude spéciale et approfondie.

Je rappellerai enlin que dans ce qui précède, j'envisage seulement l'oxydation directe et sans intermédiaire des principes du vin par l'air; on sait que cette oxydation prend un tout autre caractère sous lintluence de mycodermes et des ferments. Mais c'est une pertur- bation, une maladie des vins, comme on dit, dont je ne m'occupe point pour le moment.

Le goût de cuit des vins gelés provient sans doute en partie, si- non en totalité, du contact avec l'air que ces vins éprouvent durant le soutirage, contact inévitable et qui s'opère sur une surface multi- pliée, mais dont les effets sont heureusement ralentis par l'abais- sement de la température. De là, l'analogie qui existe entre cette saveur et celle d'un vin lentement oxydé.

Les soutirages que l'on a coutume de faire subir au vin durant les premières années, et au moment de sa mise en bouteilles, sont peut-être utiles au début; mais par la suite ils deviennent d'au- tant plus nuisibles que le vin se trouve en contact avec l'air plus longtemps et sur une plus grande surface. Aussi cherche-t-on instinc- tivement à diminuer la surface et la durée du contact. Les effets fâ- cheux sont cependant moindres qu'on ne pourrait le craindre, parce que le vin récent étant saturé d'acide carbonique, en dégage une portion au contact de l'air ; la pénétration d'un faible volume d'air dans le vin, détermine le dégagement d'un volume beaucoup plus grand d'acide carbonique, en vertu des lois d'échange gazeux par so- lubilités. Il se forme ainsi à la surface du vin. une couche de gaz car- bonique qui se dissipe lentement et qui préserve en grande partie le liquide sousjacent. Le même effet se produit clans les tonneaux et di- minue l influence des vides (jui résultent de l'évaporation lente et des variations de température.

00

L'altération du vin dans les bouteilles en vidange (1), la diminu- tion du bouquet, bien connue des gourmets, dans les vins simple- mont transvasés, sont dues à l'action de l'oxygène.

6" La destruction complète du goût du vin par l'addition dune eau minérale alcaline, telle que Teau de Vichy, s'explique également par les faits précédents. Si l'eau minérale est en quantité suffisante pour rendre le mélange alcalin, elle détermine une absorption d'oxygène presque instantanée. Même en petite quantité , elle exerce encore une influence pernicieuse au moment du mélange sur les points elle se trouve momentanément en excès.

7" Il n'est pas jusqu'à l'addition de l'eau au vin qui, loin d'être un simple mélange, comme on le croit en général, ne provoque une réac- tion capable d'altérer en quelques minutes le bouquet, en raison de l'oxygène dissous dans l'eau elle-même ; un volume d'eau peut ainsi détruire le bouquet d'environ son propre volume devin.

Mais je ne veux pas insister davantage sur des applications que cha- cun pourra faire aux pratiques diverses de l'alimentation.

Les faits que je viens d'exposer sont particulièrement relatifs à la période durant laquelle le vin déjà fait se détruit en absorbant de l'oxygène. D'après des faits publiés récemment par M. Pasteur, cette même absorption d'oxygène, s'opérant au début, déterminerait d'a- bord la vinification, c'est-à-dire la production des qualités que nous recherchons dans le vin. Le vin est donc à l'état d'oxydation continue, depuis le commencement jusqu'à la fin de son existence : c'est dans la période intermédiaire qu'il possède toutes ses qualités.

Des phénomènes analogues, dus à l'existence d'un principe oxy- dable du même ordre que celui du vin , mais plus volatil , me parais- sent régler la formation et la durée du cidre; il en est sans doute de même de diverses autres liqueurs fermentées.

En se conformant aux notions qui viennent d'être développées, on pourrait essayer de vieillir subitement le vin, sans arriver cependant à la destruction complète de ses qualités ; mais il faut se hâter d'a- jouter que, sur les deux groupes de produits qui concourent à former le bouquet, on n'obtiendrait ainsi, même dans l'hypothèse la plus favorable, qu'un seul groupe, celui des produits qui résultent de

(1) Sans parler de l'influence des fleurs ou mycodermes qui peuvent s'y développer en quelques heures, surtout en été.

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l'oxydation; mais on n'obtiendrait pas l'autre groupe, à des phé- nomènes d'éthérification dont les lois fort différentes ont été exposées au début de ce travail.

En se plaçant au terme opposé des métamorphoses, il est également utile de remarquer que, dans un vin usé^ comme dans un cidre tué^ les produits oxydables du bouquet ont seuls disparu; mais les éthers subsistent tant que les proportions relatives d'eau, d'acide et d'alcool ne sont pas changées.

VII. ESSAIS POUR ISOLER LES PRINCIPES DANS LESQUELS RÉSIDE LE BOUQUET DES VINS.

Les faits exposés jusqu'ici montrent que le bouquet des vins dépend non-seulement de la formation des éthers, mais aussi et plus encore de certains phénomènes d'oxydation que j'ai cherché à définir d'une manière générale. J'ai fait quelques essais pour isoler les principes oxydables, dont les altérations sous linfluence de la chaleur t de l'oxygène, c'est-à-dire de deux causes incapables de décomposer les éthers, répondent à celles du bouquet lui-même.

Les principes qui communiquent aux vins la saveur vineuse peu- vent être isolés, en effet, en agitant à froid, dans un vase rempli d'a- cide carbonique, le vin avec de l'éther ordinaire préalablement purgé d'air par un courant d'acide carbonique. On décante l'éther et ou l'évaporé à une basse température, dans un courant d'acide carboni- que, en évitant soigneusement l'intervention de la moindre bulle dair. L'éther employé doit être tel que si on l'évaporé seul dans les mêmes conditions, il ne laisse pas un résidu doué d'une odeur sen- sible, résultat qu'il n'est pas toujours facile de réaliser.

On obtient ainsi un extrait dont le poids est inférieur au millième de celui du vin. Le goût vineux et le bouquet se trouvent concentrés dans cet extrait, tandis que la vinasse, privée d'éther au moyen d'un courant très-prolongé d'acide carbonique, demeure à peu près dépourvue de bouquet, tout en conservant une saveur acide et al- coolique fort peu agréable.

L'extrait éthéré que l'on obtient ainsi s'altère avec une extrême facilité sous l'influence des mêmes causes qui modifient le bouquet du vin. Pour peu qu'on le chauffe à 40" ou 50", cet extrait prend un goût de cuit, semblable à celui du vin chauffé. Si l'on n"a pas exclu

92 complètement l'air des appareils pendant l'évaporation, ou si on laisse l'extrait au contact de l'air, il se modifie aussitôt, en prenant le goût de vin répandu. J'ajouterai que cet extrait représente à la fois l'odeur vineuse générale et l'odeur propre du vin par lequel on opère.

Il est formé de divers principes, parmi lesquels j'ai observé les substances suivantes, communes aux divers vins de Bourgogne et de Bordeaux, sur lesquels j'ai opéré :

1" Une petite quantité d'alcool amylique, qui passe à la distillation immédiatement après létber employé comme dissolvant.

Une huile essentielle insoluble dans l'eau, qui renferme sans doute l'éther œnanthique et les autres éthers neutres et peu volatils du vin.

3" Une petite quantité d'acide, dont on peut éviter la présence dans l'extrait éthéré en saturant exactement le vin par la potasse avant de l'agiter avec l'éther: seulement il faut dans cette circonstance opérer très-rapidement et saturer l'éther d'acide carbonique aussitôt après qu'il a été décanté. Si l'on réussit à éviter l'altériition du bouquet dans ces conditions, il se présente avec une odeur plus suave qu'en opérant à la manière ordinaire. Mais l'addition d'un alcali au vin est une cause d'altération si active qu'il est fort difficile d'opérer assez vite pour en prévenir les effets.

4" Une trace de matière colorante jaune, que l'on pourrait retenir à l'aide d'un alcali, comme ci-dessus.

Les divers principes cités jusqu'ici ne représentent pas les proprié- tés essentielles des vins ; mais il en est autrement du composé sui- vant :

Un principe neutre beaucoup plus important et dont la facile al- tération sous l'influence de l'air et de la chaleur répond à celle des vins. Ce principe ne se combine ni aux acides ni aux alcalis, du moinsimmediatement.il est liquide, presque fixe, quoique faiblement volatil avec la vapeur d'éther, ou dans un courant prolongé d'acide carbonique. Il est fort solubledans l'eau etdans l'alcool. L'éther Ten- lève à l'eau même alcoolisée, comme il résulte du procédé suivi dans son extraction ; mais le sulfate de carbone ne l'enlève pas à l'eau en proportion appréciable, quoique le liquide évaporé laisse aux vases l'odeur du principe précédent.

La chaleur altère ce principe avec une extrême promptitude ; il se détruit dans un extrait exposé pendant quelque temps au contact de

l'air. Eli raison de cotte tloul)lc propriété, on no sera parf surpris de ne retrouver ce principe ni dans l'alcool extrait du vin par distilla- tion ni dans les vinasses séparées dudit alcool.

L'oxydabilité de ce principe se manifeste également par ses réac- tions. En effet, il réduit à froid l'oxyde d'argent ammoniacal; il pré- cipite le tartrate cupropotassique; il brunit par la potasse, etc. Toutes ces réactions se retrouvent en eifot dans le vin, mais elles y sont dues, non-seulement à l'existence du principe précédent, neutre et soluble dans l'éther ; mais aussi, comme l'expérience le prouve, à l'existence d'autres principes que l'éther n'enlève pas au vin, soit pur, soit rendu alcalin (glucose, gallique, tannin, etc.).

Le principe que je viens de signaler est tout à fait distinct, par sa fixité surtout, de l'aldéhyde ordinaire signalé dans le vin par divers observateurs et que je n'y ai point rencontré. L'aldéhyde parait n'exister que dans des vins en cours de fermentation acétique. Au contraire, le principe que je signale est caractéristique des vins de nos climats dans leur état normal. D'après ses propriétés, il me pa- rait appartenir au groupe des aldéhydes très-oxygénés, dérivés dos alcools polyatomiques.

A la suite de cette substance, je citerai un principe peu vo- latil, dont l'odeur rappelle le vin d'une manière éloignée et qui ré- siste à l'action de l'oxyde d'argent ammoniacal. Peut-être résulte-t-il de quelque transformation du corps précédent.

•le n'ai pas eu assez de matière pour soumettre ces divers principes à des essais suffisamment approfondis et pour en établir la nature chimique : ce qui se conçoit, puisque 1 litre de vin fournit à peine quelques décigrammes d'extrait éthéré. D'ailleurs l'extrême altérabi- lité du principe oxydable entrave beaucoup les recherches : quel- ques centimètres cubes d'oxygène, introduits, soit en nature, soit à l'état de dissolution liquide dans le cours de manipulations longues et compliquées snfiisent pour dénaturer ce principe. Quoi qu'il en soit, je crois avoir signalé des faits assez nombreux pour établir que les propriétés de ce principe doivent intervenir dans l'explica- tion de la plupart des phénomènes relatifs au goût vineux et au bouquet des vins. La formation du bouquet par une première ab- sorption d'oxygène, et sa destruction ultérieure par une absorption continuée s'accordent fort bien avec l'existence d'un principe oxyda- ble analogue à un aldéhyde, un tel principe pouvant se former par

94 une première oxydation et se détruire ensuite par une oxydation plus profonde.

En résumé, et sans sortir des résultats de l'expérience, dans l'é- tude du bouquet, les phénomènes permanents ou lentement va- riables me paraissent dus surtout aux éthers, tandis que les variations brusques doivent être attribuées aux principes oxydables.

SUR LES ÉTATS

DE VIRULENCE ET DE PUTRIDITÉ

DE LA SUBSTANCE ORGANISÉE

Mémoire lu à la Société de Biologie, dans sa séance du 7 février 1863,

PAR

M. CHARLES ROBIN,

Professeur d'IiislologiH à la Faculté de médecine, etc.

L'instabilité de la composition de la substance organisée liquide ou solide fait qu'elle est susceptible de présenter divers modes daltéra- tions chimiques. Il en est qui tiennent à la différence de composition immédiate de chacune des espèces de parties qu'elle forme; mais cha- cune de celles-ci individuellement peut être le siège de plusieurs sor- tes d'altérations, selon qu'elle est encore vivante, c'est-à-dire sou- mise au mouvement continu de rénovation moléculaire, ou morte, c'est-à-dire après qu'elle a cessé toute assimilation et désassimilation : d'autres altérations encore tiennent aux conditions de milieu exté- rieur, d'alimentation, d'activité, etc., auxquelles se trouvent soumi- ses ces parties,

Les premiers modes d'altération de la substance organisée dont il y a lieu de parler consistent en certains changements catalytiques qui

oc,

surviennent dans les substances organiques des humeurs en général, mais des éléments anatomiques solides également.

Elles conservent d'autre part toutes leurs qualités physiques; mais au point de vue dynamique, elles ont acquis la propriété de trans- mettre à toute autre substance organique saine un état analogue au leur, et c'est d'après ces qualités anormales nouvelles plus frap- pantes et mieux connues que la perturbation de leur état moléculaire qu'on les désigne. C'est ce qu'on appelle Valléraiion virulenie des hu- meurs et des tissus; c'est un des modes d'altérations les plus élémen- taires, les plus simples de la substance organisée, et par suite un de ceux dont l'état caractéristique se transmet le plus aisément à la substance saine, liquide ou solide.

On peut reconnaître que les substances organiques des humeurs principalement ont subi, par catalyse isomérique, une modification telle que, sans que leurs caractères physico-chimiques soient nota- blement changés, elles ont pris la propriété de transmettre la modifi- cation acquise aux substances organiques avec lesquelles elles sont mises en contact. C'est un changement d'état spécifique qu'elles transmettent aux substances organiques, et par suite à la substance organisée de tout autre être vivant. Elles transmettent cet état en vertu de cette propriété qu'ont toutes les substances organiques d(^ déterminer, par leur simple contact avec des substances saines d'es- pèce semblable ou d'autre espèce, le mode même d'altération qu'elles ont subi, et cela, lors même qu'elles sont en quantité minime, parce que la modification a lieu graduellement, de proche en proche, mo- lécule à molécule.

Quant à la production de l'état virulent, elle s'accomplit d'après les lois mêmes du phénomène qui détermine la formation des substances organiques normales par catalyse isomérique, et la transmission, par simple contact, de cette propriété, permet d'en comprendre ration- nellement toutes les phases. D'abord spécial à l'animal chez qui a lieu l'altération de l'humeur, l'état virulent pourra être communiqué à d'autres individus de la même espèce ou d'espèces différentes : soit directement, c'est ce qu'on appelle ïinoculation ; soit indirectement, c'est-à-dire sans contact inmiédiat de l'humeur virulente ou de l'ani- mal sain avec le malade, c'est ce qui caractérise Vinfection. Si l'espèce animale est trop différente, par son organisation, de celle dont quel- que humeur est virulente, la transmission pourra ne pas avoir lieu.

97 quels que soient les moyens employés, ou au moins la forme ilo 1;! maladie transmise sera changée clans le cas il y aui-a eu action, i/état virulent étant caractérisé par la modification d'une substance organique, il n'est pas étonnant de voir certaines maladies simple- ment épidémiques ou même endémiques offrir des cas manifestes de contagion miasmatique, comme la suette, le choléra, la dyssenterie, la fièvre typhoïde, le typhus, etc. 11 suflit, en effet, qu'un individu at- teint de quelqu'une de ces affections se trouve placé dans des condi- tions telles que ses humeurs subissent une certaine altération, dont la nature est encore peu déterminée, à un degré plus prononcé que chez les autres malades. C'est aussi ce qu'on observe dans l'altéra- tion des humeurs et des tissus sur les cadavres donnant lieu à la production de l'état virulent qui cause les accidents des piqûres ana- lomiques. Les substances organiques altérées qui constituent le virus peuvent être entraînées par la vapeur d'eau qu'exhale le poumon et rejetées dans l'atmosphère; on comprend alors comment, de même qu'au contact cet état se transmettait à un individu, de même, res- piré par des populations entières, il se transmet à la manière dun miasme. C'est ainsi qu'agissent les virus variolique, typhique, scar- latineux, etc. Selon le mode d'altération des substances organiques qui cause l'état virulent, le mode de transmission de celui-ci varie. Ainsi, certains des modes de ces états ne se transmettent que d'une seule manière; le virus charbonneux, syphilitique, rabique, par con- tact ou par inoculation, quelques-uns par ces deux modes; le virus- vaccin, par inoculation seulement; les virus de la scarlatine, du ty- phus, etc., par l'intermédiaire de l'air respiré seulement ; le virus variolique, par tous ces différents modes à la fois. L'action d'un vi- rus opère en raison de la propriété qu'ont les substances organiques, prises en quantité très-minime, de transmettre d'une manière lente, mais continue, leur état muléculaire propre aux substances organi- ques avec lesquelles elles sont en contact, quelle que soit la masse de celles-ci, parce que la petite portion d'entre elles qui est modifiée est bientôt cause d'altération semblable pour les parties voisines. C'est ainsi que dès qu'il y a matière virulente, la question de sa quantité devient insignifiante devant celle de la nature des actes qui caracté- risent la vb-ulence; car par leur nature, les effets des actes dits cata- lytiques étant graduels, ils ne sont pas comparables à ceux des autres actes moléculaires, tels que ceux dus aux états de température, d'a- Mt:M. 7

98 cidité, d'alcalinité, etc., dans lesquels les effets produits sont simul- tanés, proportionnels au degré de ces états et à la quantité de la ma- tière qui les présente.

C'est ainsi que certains liquides, virus lents (syphilitique, etc.), peuvent déterminer graduellement une modification moléculaire par- ticulière dans toutes les parties de l'organisme tant solides que li- quides; c'est ce qui caractérise Vinfeôîion. Quelques-unes de ces modifications peuvent être transmises héréditairement d'une manière analogue. Du reste, pour qu'une humeur virulente détermine une modification analogue à celle qui la caractérise, dans les humeurs d'un autre individu que celui qui la porte, il faut que ce dernier soit dans certaines conditions naturelles ou accidentelles de constitution, de nourriture, etc. C'est ce qui fait que Pou voit des virus, même le syphilitique, ne pas avoir prise sur tous les individus et causer des actions différentes sur la constitution de chacun.

C'est pour avoir méconnu ou mal étudié les substances organiques et leurs propriétés, celles, entre autres, de transmettre graduelle- ment leur état d'altération à dautres espèces de substances que le mode d'action et de transmission des états virulents est resté in- tx)nnu, et que la nature des principes contagieux l'est encore généra- lement, lorsque leur existence n'est pas niée. On ne savait en effet à quelle base objective, à quelle sorte de corps on pouvait les rattacher, ni quelles propriétés pouvaient rendre compte de leur action; delà l'impossibilité de se guider sur quoique ce fût pour expérimenter. On ne comprenait pas comment, par l'intermédiaire du sang delà mère déjà variolée ou vaccinée, le fœtus dans Futérus est atteint de variole sans que la mère le soit ; il n'est pas besoin, on le voit, que le virus soit doué d'une prétendue résistance à l'action de la circula- tion et des actes assimilateurs et désassimilateurs. On comprend ac- tuellement comment la substance organique modifiée qui représente le virus peut conserver ses propriétés un temps considérable, lors- qu'elle est desséchée sans décomposition par la chaleur ni putréfac- tion. On comprend comment les matières virulentes peuvent être transportées par des individus ou des objets divers; comment ils peuvent naître partout des animaux ou des végétaux se trouvent agglomérés au delà de ce que permet la nature des iniheux nécessai- res à leur existence; comment le sol, les saisons, la température, l'état de sécheresse ou d humidité, etc., ont une certaine influence

m

sur riiitcnsilé ou l;i i';i|)idité de rallératioii virulente de la nintiùre organisée, ainsi que sur sa transmission à celle qui est encore saine, bien que ces conditions extérieures ne soient pas les agents essentiels de l'apparition de ces effets.

Ainsi, les virus ne sont pas une chose pondérable, un corps, un principe distinct et séparable des humeurs ou des tissus; ce sont ces tissus et ces humeurs même arrivés graduellement à un certain état d'altération totius substantiœ, dit virulence ; ce sont le sang, les mu- cus, le pus, les muscles, etc., devenus m>î//en?5.

D'autres changements dans la composition de la matière organisée consistant encore en de simples modifications catalytiques des sub- stances organiques des humeurs, se manifestent extérieurement par des différences dans le mode de coagulation de celles-ci, dans la rapi- dité de leur putréfaction. Par suite des relations moléculaires que la nutrition établit entre les humeurs et les solides, des altérations cor- respondantes se transmettent à ces derniers et en modifient la con- sistance, l'odeur naturelle, en rendent la putréfaction plus prompte en lui donnant un cachet particulier selon diverses circonstances. Il en résulte naturellement des troubles dans les propriétés spéciales inhérentes à la substance organisée dont les manifestations reposent sur la persistance de sa composition immédiate, et ces troubles déter- minent ce quel'on nomme des maladies générales. Ces altérations de la substance organisée proviennent soit de la mauvaise nature des ma- tériaux alimentaires qui arrivent au sang, soit de la pénétration dans l'économie de matières miasmatiques venues du dehors.

Les miasmes, très-voisius des virus, sont des particules des sub- stances organiques altérées, volatiles ou emportées par les liquides volatils lors de leur évaporation, qui proviennent des tissus animaux ou végétaux en voie de décomposition, des déjections, des exhala- tions pulmonaires ou sudorales d'animaux sains ou malades et déter- minant alors des accidents différents. Ces substances, ou les matières, qui les fournissent, peuvent être retenues ou non, selon leur nature, parles vêtements ou autres corps ayant touché ou avoisiné l'homme ou les animaux ; ils peuvent par là, comme par leur transport dans l'atmosphère, devenir un moyen de transmission de maladies dites contagieuses ou épidémiques selon qu'il a besoin ou nom du contact avec le malade (ce qui i-approche des virus certains d'entre eux) ; leur manière de déterminer des accidents par transmission de l'état d'air

100 téiTition qu'ils offrent est analogue à celui des viiiis; W temps qui! faut à partir du moment de l'action du miasme pour qu'il amène les accidents morbides, porte le nom d'incubation. Quelque court que soit ce temps, le mode d'action des matières virulentes et des miasmes est bien différent de celui des poisons par sa lenteur et par la nature des accidents. Quand léconomie est en souffrance, le miasme qui la causée n'y est plus , c'est l'altération des bumeurs et des tissus con- sécutivement qu'il a causés qui existe. Pour guérir alors il ne s'agit donc pas (comme de fausses notions sur les miasmes le font dire) de détruire ou de neutraliser le miasme, puisqu'il n'est point fixé dans l'économie à la manière d'un poison, mais il s'agit de ramener les hu- meurs à leur état normal par des moyens propres à faire cesser leur état d'altération et non pas ceux qui hâtent l'élimination des poisons.

Les matières virulentes se rapprochent des miasmes en ce point : car ce sont des humeurs qui se trouvent dans de mauvaises condi- tions, s'altèrent spontanément, ou qui le font au contact d'une hu- meur déjà altérée. Mais, dans le sang, par exemple, modifié par suite du contact d'une humeur virulente, c'est comme sang qu'il est lésé tout entier et le virus ne s'y trouve nullement, comme on le voit, au contraire, dans le cas pour un poison ; on n'y découvre point une matière pondérable étrangère venue du dehors, ajoutée et combinée à l'humeur connue le répètent presque tous les ouvrages. L'humeur a subi une perturbation et non un empoisonnement. Aussi l'analogie des états virulents et des miasmes avec les poisons, admise faute de notions suffisantes touchant les propriétés des substances organiques (et faute par suite de pouvoir comprendre le mode d'altération des bumeurs) doit être rejetée parce qu'elle donne une idée inexacte de la nature des maladies qu'ils causent.

Lorsque la rénovation moléculaire continue de la matière organisée, ayant cessé, elle vient à rentrer dansle domaine des lois générales de la matière brute, on reconnaît qu'elle acquiert par sa décomposition des propriétés ii;-u\ elles, autres que celles qu'elle possédait pendant qu'elle était douée de la propriété de nutrition. Ces propriétés ne sont ni les qualités normales de la substance organisée vivante, ni celles des corps bruts ; elles dérivent particulièrement des qualités inhérentes aux substances organiques, principes immédiats qui sont des corps de composition chimique non définie et très-altérable, présentant iso- lément des modes divers de modifications graduelles (précédant leur

lui

destruction vu couipuscs déliuis), dont les corps cristallisables ou vo- latils saos décomposition iroiïrent pas dexemples.

La matière organisée préseuto des modifications graduelles diverses aux diverses phases des phénomènes d'altération cadavérique dont elle est le siège. Elles portent d'abord sur les substances organiques, qui entraînent ensuite la décomposition des principes cristallisables, d'origine organique et même d'un certain nombre de sels d'origine minérale (i).

Les modifications des substances organiques commencent par être catalytiques avant d'arriver au degré de décomposition, caractérisé par la formation d'acides carbonique, butyrique, d'ammoniaque, etc. Ces modifications isomèriques donnent à la substance organisée morte des propriétés nouvelles par rapport à celles qu'elle possédait avant d'être altérée et nouvelles par rapport à la matière organisée vivante, propriétés qui différent aux diverses phases de ces altérations. C'est un fait des plus importants et sur lequel on ne saurait trop insister qui est en rapport avec ce qu'offrent de si remarquable la constitution des substances organiques, par suite des changements catalytiques survenant dans cette matière et particulièrement dans les substances organiques qui en constituent la partie fondamentale, elle devient d'abord virulente, c'est-à-dire apte à transmettre aux humeurs des êtres vivants des modifications analogues aux siennes, elle est ainsi la source de troubles graves de la nutrition. Ces troubles sont divers, selon le degré ou le mode d'altération de la substance et selon la con- stitution de l'individu. Ce peuvent en effet être, tantôt des troubles généraux, avec ou sans manifestations locales, tantôt ce sont des al- térations locales principalement inflammatoires, qui sont le point de départ des maladies auxquelles sont exposés les anatomistes.

Ces altérations de la substance organisée sont analogues à celles qui sur le vivant, rendent virulents les humeurs et certains tissus, mais ne sont identiques à aucune d'elles, car elles siègent dans la ma- tière organisée morte, tant solide que liquide et non spécialement dans les humeurs produites durant la vie.

Eu raison de ces particularités de décomposition graduelle dessiiO- sianccs organiques, ces dernières, ainsi que la matière organisée,

(1) Chimie anntonnqvr. Paris, 1853, t, III, \k 142.

lorsqu'elles sont altérées, transmettent cette altération aux substances analogues et à la matière organisée vivante d'une manière graduelle aussi. Cette altération nest pas subite, instantanée, comme les dé- compositions opérées enti-e composés chimiques définis, mais se pro- pagede proche en proche, plus oumoins vite, selon les conditions dans lesquelles se trouve l'être vivant. De vient aussi qu'une quantité de substance altérée extrêmement petite entraine des modifications analogues à celles dont elle est le siège, et des accidents dont la gra- vité semble disproportionnée avec la quantité minime de matière qui les a déterminés, de vient qu'il n'est pas nécessaire, comme pour les composés chimiques définis, que la quantité de substance qui en- traîne ces modifications isomériques précédant la décomposition, soit équivalente à celle qui subit les altérations.

Ces faits sont importants à connaître, parce que c'est sur une no- tion exacte des lois d'après lesquelles ils s'accomplissent, que repose l'interprétation de toutes les actions morbifiques relatives aux alTec- tions virulentes et contagieuses. Us le sont d'autre part, pour la déter- mination de la natu redes actes dont la matière est le siège d'une ma- nière générale et sous les divers états spéciaux qu'elle présente. C'est pour n'avoir pas connu les propriétés des substances organiques en particulier, les lois qui président à leurs modifications isomériques. à leur décomposition et à l'influence des unes sur les autj-es lors- qu'elles passent par ces divers étals, que beaucoup d'auteurs ont admis à tort quelles étaient le siège de qualités mystérieuses, incon- nues et à jamais inexplicables, en raison d'une origine supposée sur- naturelle.

Mais il importe de remarquer d'abord, qu'en raison des dilTèrences qui les séparent au point de vue de leur composition non définie et de leur non-cristallisation, l'action qu'exercent les unes sur les au- tres, lorsqu'elles sont prises isolément en quantité suflisamment con- sidérable, ne saurait être comparée à celle que présentent des com- posés définis dans des conditions analogues.

Quant à l'action exercée sur les tissus vivants par une quantité in- finiment petite de certaines d'entre elles, arrivées à un état particu- lier d'altération, elle n'est pas plus étonnante en soi que l'action de fort petites quantités de certains composés cyanhydriques, etc., sur l'économie seulement, elle s'accomplit d'après des lois en rapport avec leur composition non définie, etc. ; lois propres aux composés de

103 cette nature et qui ne sont pas celles que suit l'action des composés cristallisables ou volatils sans décomposition.

Ces lois sont celles de transmission graduelle de l'état de ces sub- stances à leurs analogues, encore normales et dont il a été question plus haut. Seulement tant que les caractèi'cs propres aux substances organiques et leurs modes d'altération (1) n'étaient pas connus, ces phénomènes complexes et variant sous de faibles influences ne pou- vaient être rattachés à leur cause réelle ni reliés eutre eux d'après leurs caractères de similitude et de succession.

Les substances organiques qui composent essentiellement en masse et en poids la substance organisée, et par suite cette dernière consi- dérée comme un tout, pouvait, dans un assez grand nombre de con- ditions, s'arrêter aux états isomériques signalés plus haut, mais sou- vent aussi ces moditications s'étendent jusqu'à une véritable décom- position.

La matière organisée, tant solide que liquide, est susceptible de se détruire chimiquement dans l'organisme vivant lui-même, mais dune manière locale seulement et sur des portions préalablement morti- fiées. Cette altération, qui caractérise la putridité, s'opère d'après les lois de la putréfaction, en offrant des différences d'une partie à l'autre du corps selon la composition immédiate de celles qui sont atteintes selon leur consistance, et la plus ou moins grande quantité de liquide dont elles sont imbibées. Les différences sont encore plus considérables lorsque cette putréfaction reconnaît pour cause un changement préalable dans la composition immédiate des humeurs qui fournissaient à la rénovation nutritive des parties atteintes {gan- grène et pourriture d'hôpital), ou au contraire la cessation de tout afflux du saijg ; tels sont les cas dits de gangrène sèche et sénile par suite de coagulation du sang dans les vaisseaux. L'étude de ces divers modes d'altérations de la substance organisée qui entraînent des troubles importants , puis la cessation des actes dont les parties atteintes sont le siège, se lie d'une manière directe à la connais- sance de la composition immédiate de la matière organisée ; ces lé- sions se rattachant en particulier essentiellement aux modes divers d'altérations des substances organiques qu'elles reconnaissent pour

(1) Voyez Chimie analomiquc, Paris, 1853, in-8, t. lil, p. U:2. g 1293.

cause (1). G'esït égaleuieiit par décomposilioii des substances orga- niques, puis des composés cTorig;iue organique lorsque vient à cesser la rénovation moléculaire nutritive, que commence la putréfaction cadavérique de la matière organisée. Les pliénomènes essentiels de cette putréfaction ont été décrits d'après ce qu'on a observé sur la matière organisée considérée en masse, bien plus que d'après leur examen fait sur chaque principe immédiat en particulier. II en ré- sulte qu'ils ont toujours servi de base à la description de la putréfac- lioîi en général; c'est en raison de cela qu'ils ont déjà été exposés ailleurs (-2) et que je n'ai pas à y revenir ici.

La putridité est un mode d'altération de la substance organisée mortifiée qui succède graduellement à son état virulent cadavérique, qu'il importe d'autant plus de ne pas confondre avec celui-ci qu'il est malfaisant pour l'organisme vivant, mais d'une autre manière. La putridité, en un mot, n'est pas la virulence, et la détruit môme lors- qu'elle est arrivée à un certain degré.

La putridité commence lorsqu'aux dépens des éléments chimiques des substances organiques qui se décomposent se forment des carbo- nate et sulfhydrate d'ammoniaque, des traces d'hydrogène phosphore et carboné, associés à des acides gras volatils, tous composés chi- miques définis. Elle ne saurait, par conséquent, être confondue dans sa nature ni dans ses effets avec la virulence provenant d'un simple changement isomérique. Ces états isomériques des substances orga- niques se trouvent en effet détruits par la décomposition même de ces substances, ou modifiés par l'influence qu'exercent sur elle les composés sulfurés et autres qui ont la propriété de changer le carac- tère des actions catalytiques ou de les faire cesser sur la plupart des corps qui en sont le siège.

C'est ainsi que la putridité détruit ou modifie beaucoup le carac- tère de la virulence, parce qu'elle est le résultat de la décomposition des substances organiques ou change le caractère des portions qui ne sont pas encore décomposées. Aussi depuis longtemps a-t-on remarqué que l'inoculation par les piqûres anatomiques de la sub- stance organisée devenue virulente par décomposition cadavé- rique, est d'autant moins grave au point de vue des accidents géné-

(t) Chimie anatomiqitc, Paris, 1853, in-8, t. I,Jp. 478, et t. III, p. 14?. (2) J6irf., t. I, p. 502 et suiv.

raux que cette dernière est plus avancée. On sait, de plus, que les effets de la putridité sur l'économie sont à peu près proportionnés à la quantité do la matière putride, et disparaissent avec elle, comme lorsqu'il s'agit d'un poison dont les matières putrides représentent une espèce particulière; mais ces dernières n"ont pas, comme les substances virulentes, une action qui se continue et se propage comme état local et comme état général d'une manière prolongée et graduelle. Gela tient à ce qu'elles ne représentent pas, comme les virus, un simple état isomérique particulier des éléments anato- miques et des humeurs, nullement décomposés; ce sont des matières distinctes formées d'un mélange de composés divers. Par suite leur état de putridité ne se propage pas à la substance organisée vivante comme dans le cas des virus, mais ne gagne que la matière morti- fiée dont elles favorisent du reste la mortification en se mêlant aux principes assimilables ; mais leur action sur l'organisme cesse lors- qu'on vient à les enlever.

Dans les divers actes moléculaires passés ici en revue, depuis les états isomériques dits virulents jusqu'à ceux de putridité, pas plus que dans les actions de combinaison de la substance organisée à cer- tains sels ou pas plus que dans les actes de destruction par les acides, il n'y a quoi que ce soit qui puisse être assimilé aux propriétés inhé- rentes à la substance organisée quelle seule possède et qui sont dites vitales. Les unes et les autres se rattachent aux lois d'après lesquelles se manifestent les actes dits moléculaires ou chimiques, soit qu'ils aient lieu sur le cadavre, soit qu'ils s'accomplissent sur l'organisme vivant; rien n'est vital dans la production de ces états isomériques dits virulents des substances organiques placées dans certaines conditions actuellement déterminées ou susceptibles de l'être ; rien n'est vital non plus dans la transmission graduelle de ces états, transmission qui s'accomplit d'après les lois mêmes des actions qui les ont amenés. Il n'y a de vital que les troubles que ces modifications ainsi trans- mises suscitent dans les propriétés naturelles de la substance orga- nisée, jusque-là demeurée saine.

Seulement la plupart des actes précédents ayant pour siège des composés chimiques non définis, rentrent dans l'ordre des actions chimiques dites indirectes, de contact ou catalytiques, dans lesquelles se rangent les fermentations. A la vérité, ces actions chimiques ont été longtemps considérées elles-mêmes comme de nature vitale, c'est-

106 à-dire obscure et mystérieuse, ou comme dues à une cause siégeant en dehors du corps même se passaient ces actions. Mais bien que plus complexes que les actes dont sont généralement le siège les corps tirés du règne inorganique, ces phénomènes ont été de mieux en mieux connus à mesure qu'ils ont été plus étudiés et qu'on a mieux observé les corps non cristaUisables, ni volatils sans décompo- sition. Tous aujourd'hui se trouvent ramenés à une même conception générale, et sont définitivement assimilables aux actions de présence provoquées par le contact des acides étendus surtout et d'autres agents chimiques proprement dits. Le manque de notions suflisam- ment précises touchant les actions catalytiques de fermentations et autres, touchant les caractères des substances organiques et la con- stitution de la substance organisée sont les seules raisons qui font que l'origine et l'action de ces états virulents sont encore considé- rées comme mystérieuses ou comme vitales.

Ici enfin les actes d'après lesquels s'accomplissent ces modifications isomériques, et ceux plus nets encore qui entraînent la décomposition des substances non cristaUisables dans la matière organisée, sont de même ordre que ceux d'après lesquels ont lieu leur formation. Les seules conditions extérieures à ces matières dans lesquelles s'accom- plissent ces actes sont différents. Si nous connaissions à fond les premiers, nous arriverions, non pas peut-être à la synthèse de la substance organisée, en raison de la difiiculté de l'èunir l'ensemble des conditions extérieures ci-dessus, mais nous pourrions facilement ramener la substance modifiée accidentellement à son état naturel, c'est-à-dire faire cesser sa transmission nuisible, et en d'autres termes arriver à la thérapeutique de ses clTets accidentels.

NOTE

SUR LES LÉSIONS DES NERFS ET DES MUSCLES

LIÉES A LA CONTRACTURE TARDIVE ET PERMANENTE DES MEMBRES

DAiNS

LES HÉMIPLÉGIES

LUE A LA eoCIÉTÉ

far >I. V. CORIVIL,

Interne des hôpitaux.

Notre excellent maître, M. Gharcot, avait depuis longtemps remarqué que dans les cas d'hémiplégie ancienne accompagnée de la rigidité des muscles, les troncs nerveux des membres paralysés étaient manifes- tement plus volumineux que ceux du côté opposé ; que dans ces cas les muscles présentaient, non pas, comme on l'a dit quelquefois, un état de dégénération graisseuse, mais bien une lésion caractérisée à l'œil nu par une atrophie, une friabilité et une teinte brune qui con- trastent avec la coloration rouge et la consistance ferme des muscles du côté sain. D'après ses conseils et sous sa direction, nous avons fait de ce sujet l'objet d'études suivies dont nous publions aujourd'hui les premiers résultats (1).

(1) Le docteur R. B. Todd, dans ses Leçons cliniques sur la paraly- sie^ admet quatre états ditiérenis des muscles dans les membres par*-

108 Lorsqu'une lésiou de i'uu des hémisphères du cerveau (apoplexie ou ramollissement) a produit une paralysie complète de la motilité du côté opposé, et que cette hémiplégie n'a aucune tendance à la gué- rison, les membres paralysés prennent dans certains cas une atti- tude permanente qui se rapproche plus ou moins de l'un des deux types suivants. Dans le premier, la contracture porte sur presque tous les muscles; le bras est serré contre la poitrine, l'avant-bras fléchi sur le bras repose sur la paroi antérieure du tronc, le poignet est fléchi sur l'avant-bras, et les doigts dans le creux de la main. Cette flexion des doigts est telle qu'on est obligé de placer une bande roulée dans le creux de la main pour prévenir les accidents qui ré- sulteraient de la pression des ongles sur la peau. Au membre infé- rieur, les articulations de la hanche et du genou sont quelquefois

jysés à la suite d'une affection cérébrale (Çlinical lectures on paralysis, 2* édition. Londres, 1856, p. 31) :

Les muscles diffèrent à peine de ce qu'ils sont à l'état sain, et ont conservé en majeure partie leur excitabilité électrique ;

Les membres présentent un relâchement complet et s'atrophient rapidement; leur contractilité sous l'influence du galvanisme est très- faible ou nulle ; c'est la paralysie dans le strict sens du mot; les pulsa- tions artérielles sont faibles, l'œdème se manifeste aux extrémités, sur- tout lorsqu'elles sont placées dans une position déclive. Quelques-unes de ces paralysies guérissent, d'autres restent absolument dans le même état, et d'autres enfin passent à l'état suivant :

Les muscles, relâchés d'abord, deviennent graduellement contrac- tures et rigides. Les fléchisseurs sont atteints à un plus haut degré que les extenseurs, de telle sorte que les doigts sont fléchis dans la paume de la main, la main fléchie sur l'avant-bras et l'avant-bras sur le bras. Dans cet état, les muscles sont altérés, atrophiés, bien que tendus comme des cordes. C'est indubitablement une forme d'atrophie muscu- laire dont la rigidité est le trait dislinctif ;

Les muscles ne souffrent pas dans leur nutrition, la paralysie est rarement complète; ils sont constamment rigides et contractures, ouïe deviennent au plus faible mouvement qu'on leur imprime. Ils sont fréquemment plus excitables par le galvanisme que les muscles corres- pondants du côté sain.

Nous n'avons en vue ici que la troisième variété du docteur Todd, à laquelle jl a consacré la douzième leçon de son livre.

109 dans la flexion, mais le plus souvent elles sont étendues; la rigidité des muscles est limitée habituellement à ceux de la jambe, et surtout de la région postérieure; le pied est dans une extension forcée et les orteils sont fléchis en crochet. L'extension du pied peut se compli- quer d'un certain degré d'abduction ou d'adduction, de telle sorte qu'il en résulte diverses variétés de pied bot équin. Ce qui caractérise cette attitude, c'est la tension et la contracture des muscles fléchis- seurs de presque toutes les jointures. Ces muscles sont tendus comme des cordes, et sont en même temps plus petits que ceux du côté op- posé ; tout le côté paralysé est atrophié ; cette atrophie est surtout manifeste aux masses musculaires de l'avant-bras, des éminences thénar et hypothénar, aux muscles interosseux des doigts. La main est aplatie d'avant en arrière. Certains malades éprouvent dans ces membres des douleurs spontanées, douleurs qui se manifestent tou- jours sous l'influence du redressement, et sont alors assez vives pour leur arracher des cris. Lorsqu'on les a redressés et qu'on les aban- donne à eux-mêmes, les membres reviennent progressivement et sans secousses à leur position première.

Dans un second type, la contracture existe, mais elle est hmitée aux extrémités; le bras est étendu mollement le long du corps; il est flasque, retombe lourdement quand on le soulève, obéit aux mou- vements qu'on lui imprime; il en est de même du membre inférieur. Mais les extrémités présentent une contracture permanente ; tantôt les doigts sont fléchis dans toutes leurs articulations, tantôt les pha- langes sont étendues, tandis que les phalangines et les phalangettes sont fléchies en crochet : toutes variétés sur lesquelles nous n'insis- terons pas davantage, puisqu'elles rentrent dans un type commun.

Nous avons fait, au commencement de cette année, l'autopsie d'une femme qui présentait un exemple de contracture de notre pre- mier type ; nous avons montré à cette époque ses nerfs et ses mus- cles à la Société de biologie. Depuis lors, dans six autres nécropsies de femmes mortes avec une affection encéphalique et une contracture permanente, nous avons rencontré la même lésion plus ou moins prononcée, mais parfaitement reconnaissable ; dételle sorte que nous pouvons dire, autant que le permet ce petit nombre de faits, que sa présence est la règle et son absence l'exception. L'exception peut néanmoins se montrer, et nous avons sous les yeux, eu rédigeant cette note, une observation de lésion encéphalique avec contracture

110 permanente, dont l'autopsie n'a révélé aucune altération appréciable (les nerfs. Voici en quoi consistent ces lésions :

Lorsqu'on a disséqué les deux membres supérieurs et isolé les troncs nerveux et les muscles pour les examiner comparativement, on est frappé d'abord par Catrophie relative et la coloration brunâtre ou jaune brunâtre des muscles de l'avant-bras et du bras du côté pa- ralysé. Ces muscles sont aussi plus mous^ moins résistants à la trac- tion que leurs symétriques.

Pour les nerfs, c'est au nerf médian que l'altération est la plus prononcée et la plus facile à observer. Souvent, en effet, quand on examine les nerfs sciatiques, l'induration du tissu cellulaire et les abcès, suites d'escarres au sacrum, ont modifié l'aspect et la struc- ture de ces nerfs, tandis que cette complication n'existe pas au mem- bre supérieur. Nous aurons donc principalement en vue le nerf mé- dian dans notre description, bien que les autres nerfs du bras et de la jambe soient plus ou moins atteints. Parfois le tissu cellulaire, qui est en rapport avec le névrilemme de ce nerf, lui adhère plus qu'au côté opposé, et son isolement par la dissection est rendu plus difficile. Le volume du nerf du côté malade est toujours plus ou moins augmenté : dans deux de nos observations, il était deux fois plus gros que celui du côté sain.

En soulevant les deux nerfs médians comparativement entre le pouce et l'index de chaque main, on apprécie facilement que celui du côté malade est plus dense, plus résistant que celui du côté sain. Sa coloration à l'extérieur est aussi modifiée : tandis que le nerf du côté sain est blanc, que son névrilemme n'est pas sensiblement injecté, le névrilemme du nerf malade est rosé, présente de nombreuses arbo- risations vasculaires. Cette coloration anormale est surtout manifeste à la surface dans les intervalles le névrilemme s'enfonce entre les faisceaux primitifs. Sur une coupe perpendiculaire à la direction des deux nerfs que nous examinons toujours comparativement, le né- vrilemme qui forme l'enveloppe des faisceaux primitifs présente sur toute la surface de section une coloration rouge et un épaississement qui ne s'observent pas du côté sain.

Ainsi, en résumé, l'examen à lœil nu du nerf du côté malade pré- sente trois caractères distinctifs : son augmentation de volume, de densité et d'injection vasculaîre. Cette altération paraît porter uni- quement sur le névrilemme, les faisceaux primitifs de tubes nerveux

111

conservant leur coloration blanriie nacrée et leur fermeté habi- tuelle.

En quoi consiste cet épaississement du névrilemme? les tubes ner- veux sont-ils réellement intacts? Telles sont les questions que l'exa- men microscopique permet de résoudre.

Pour cet examen, nous laissons pendant quelques jours les nerfs des deux côtés dans une solution d'acide chromique jusqu'à ce qu'ils aient acquis une dureté convenable pour en faire des coupes min- ces. Lorsqu'on examine deux nerfs médians ainsi durcis dans la même solution, on remarque que leur différence de grosseur est plus évidente qu'à l'état frais. Le nerf sain, dont la texture était plus lâ- che que celle du côté malade, s'est resserré plus que ce dernier dans l'acide chromique, et son volume a diminué de telle sorte qu'une différence de grosseur douteuse à l'état frais devient parfaitement manifeste par ce procédé.

Les nerfs étant durcis, nous en faisons des coupes minces trans- versales, comprenant toute leur épaisseur. Alors en les examinant avec un grossissement très-faible, de 15 à -20 diamètres, on peut les mesurer exactement avec le micromètre. (11 faut avoir soin de ne pas recouvrir la préparation du petit verre afin de ne pas l'aplatir, ce qui changerait tout à fait le résultat.) Par ce procédé de mensuration, nous avons trouvé, dans l'observation communiquée à la Société de biologie en janvier 1863, que le rapport du diamètre du nerf altéré à

149 celui du nerf sain était tt^, ce qui donne pour les surfaces de sec-

1 n

tion un rapport de-p,et pour les volumes de ces cylindres un rap-

port de ^.

Dans ce cas, par conséquent, le nerf du côté contracture était deux fois plus gros que son symétrique , et nous avons trouvé le même accroissement dans une autre de nos observations. Dans les cinq autres, cet accroissement était moindre, mais toujours bien évident.

En examinant ces mêmes coupes avec le grossissement le plus faible, on peut apprécier C hyper trophie du tissu cellulaire qui forme le névriieme et le périnèvre. En outre, tandis que dans le nerf sain les faisceaux primitifs ont une forme irrégulière, et que leur circoo- férence est une courbe polyédrique à angles mousses, à cause de leur pression réciproque les uns contre les autres , dans le nerf altéré, au

112 contraire, les Caisceaux primitifs, séparés les uns des autres par une large épaisseur de iiévrilème, sont très-régulièrement circulaires. Leur nombre est aussi plus grand dans ce dernier, parce que certains d'entre eux ont été dissociés par 1 epaississement du névrilème.

Sur des coupes plus minces, examinées à un grossissement de 220 diamètres (obs. 7, ocul. 2 de Hartnach), les larges tractus du névri- lème du côté malade contiennent des fibres de tissu lamineux et des corpuscules de tissu conjonctif, noyaux et cellules, plus gros et plus nombreux que les mêmes éléments du côté sain. Cette différence est très-manifeste après qu'on a coloré les préparations avec la solution ammoniacale de carmin. Les noyaux du névrilème hypertrophié me- surent 0,012 de longueur sur 0,004 de large. Nous avons vu plusieurs de ces éléments en voie de division. Dans ce névrilème existaient aussi un assez grand nombre de vésicules adipeuses semblables à celles du tissu cellulaire sous-cutané, avec leur noyau reporté à la périphérie de la vésicule, tandis que les vésicules adipeuses étaient rares dans le nerf sain. Le périnèvre du côté malade formait aux faisceaux primitifs des gaines beaucoup plus épaisses que celles du côté sain. Quant aux tubes nerveux qui forment les faisceaux primi- tifs, ils étaient parfaitement intacts et tout à fait semblables des deux côtés ; la substance médullaire, le cylindre d'axe n'offraient aucune altération, aucune différence dans les deux nerfs. Il nous a seule- ment semblé que les noyaux qu'on trouve de distance en distance entre ces tubes dans l'intérieur des faisceaux primitifs étaient plus nombreux du côté altéré.

Ainsi, en résumé, l'examen microscopique montre une hypertro- phie et hyperplasie du tissu conjonctif dans le névrilemme, le périnèvre et les faisceaux primitifs du côte malade avec conservation parfaite de la structure des lubes nerveux eux-mêmes.

Eu examinant ces tubes nerveux ù l'état frais par la dissection avec les aiguilles, nous avons toujours constaté leur intégrité, aussi bien que celle des corpuscules de Paccini et des terminaisons des nerfs dans la peau ou corpuscules de Meisner.

Cet état des nerfs, cette hypertrophie du tissu conjonctif qui entre dans leur structure, pourrait être à la rigueur regardé comme dé- pendant d'un processus irritatif chronique, mais nous préférons lui donner le nom de sclérose qui indique cet état sans rien préjuger sur sa nature. Le docteur Todd, bien que n'ayant pas observé d'altération

113 de? nerfs, était arrivé, uniquement par l'examen des symptômes de contracture, à formuler cette opinion, que cette contracture était due à un état d'irritation et d'excitation des nerfs dépendant lui- même de l'état analogue des parties du cerveau environnant le point lésé.

Nous avons dit précédemment que les muscles du côté malade étaient atrophiés et jaunâtres ou brunâtres, au lieu d'offrir'la cou- leur rouge qui caractérise l'intégrité de leur tissu. Dans ces muscles altérés le microscope démontre rarement une véritable dégénération graisseuse. Rarement on trouve dans les tubes musculaires des gra- nulations jaunes réfringentes, résistant à l'action de l'acide acétique et de la soude et se dissolvant dans l'étlier, c'est-à-dire réellement formées par de la graisse. Mais ordinairement les tubes musculaires sont le siège de granulations très-fmes qui se dissolvent par l'acide acétique et la soude, et presque toujours les noyaux du sarcolemme sont plus nombreux qu'à Cétat normal.

Si maintenant nous analysons les lésions des centres nerveux qui avaient produit celles des membres dans nos sept observations, nous trouvons qu'elles ont trait à une hémorrhagie ancienne une seule fois et au ramollissement cérébral dans les six autres cas. Ces lésions étaient réparties de la façon suivante :

Foyer hémorrhagique ancien du corps strié et de la couche optique 1 cas.

Ramollissement et atroplii-e des circonvolutions (plaques jaunes) du lobe antérieur du côté gaucho 2 cas.

Ramollissement et atrophie des circonvolutions du lobe pos- térieur du côté gauche 1 cas.

Ramollissement et atrophie de la circonvolution postérieure du sillon de Rolande à gauche 1 cas.

Ramollissement du corps strié du côté gauche 1 cas.

Ramollissement et atrophie des circonvolutions du lobe an- térieur droit (scissure de Rolande, insula de Reil) 1 cas.

Ainsi, de nos six cas de ramollissement, un seul siège à droite et cinq à gauche, cinq d'entre eux ont intéressé les circonvolutions, et cinq siègent au lobe antérieur.

Nous avons presque toujours pu constater et suivre les lésions des couches superficielles du cerveau dans ses parties profondes, dans les couches optiques, les pédoncules cérébraux, la protubérance, les

MÉM. 8

114 pyramides et la moelle épinière. Ces lésions élaieiit caractérisées par l'atrophie et la dégénérescence des faisceaux des pyramides du côté opposé à la lésion cérébrale.

Ainsi, en analysant nos observations, sur six d'entre elles l'on a noté l'état des pédoncules cérébraux et des pyramides, une seule fois l'atrophie du pédoncule et de la pyramide a fait défaut. Dans les cinq autres observations se trouve notée l'atrophie manifeste du pédoncule cérébral et de la protubérance du côté de la lésion céré- brale, et de la pyramide antérieure du côté opposé. Dans quatre de ces cas Ton a fait l'examen microscopique des cordons atrophiés, on a trouvé une dégéuération graisseuse caractérisée par de nombreux corpuscules granuleux de Gluge.

C'est ainsi que l'anatomie pathologique nous permet d'étudier la succession des lésions du cerveau dans les cordons qui sont en conti- nuité avec lui, dans la protubérance, le bulbe, la moelle épinière et les nerfs. Dans une seule de nos observations cette continuité des lésions nous fait défaut : dans ce cas, bien qu'il existât une hypertro- phie très-marquée des nerfs avec une lésion des couches optiques et du corps strié, il n'y avait pas d'atrophie apparente au pédoncule et à la pyramide. Nous devons ajouter néanmoins que lexamen micro- scopique n'en a pas été fait, et, par conséquent, cette obseî'vation n'est pas absolument probante contre la continuité des lésions des centres nerveux à leur périphérie.

Au moment de la mort de nos malades, leur affection cérébrale était toujours plus ou moins ancienne ; elle remontait à plusieurs années dans six cas, et à un an dans le septième. Dans ce fait néan- moins l'augmentation de volume du nerf du côté paralysé et con- tracture était très-évidente. 11 nous a été difficile de préciser l'é- poque du début, de la contracture. Nos malades, en eftet, n'a- vaient été généralement admises à la Salpêtrière qu'après son éta- bUssemeut; nous n'avons pas observé les premières périodes de leur maladie, et il est d'un autre côté tout à fait illusoire de compter sur les renseignements qu'elles donnent elles-mêmes, vu raluiiblissemeut ou la perversion de leurs facultés intellectueUes. Nous pouvons néan- moins dire que dans deux cas la contracture est survenue un an après le début de la paralysie caractérisée primitivement par la flaccidité des membres.

Cette contracture était limilée aux extrémités dans quatre cas;

115 elle avait dans les trois autres alTecté les muscles des grandes articu- lations. Les membres contractures avaient toujours subi une atrophie portant surtout sur les masses musculaires de l'avant-bras, des émi- nences thénar et hypothénar et sur les interosseux. La température de la peau était généralement diminuée.

La sensibilité était intacte dans toutes nos observations, à l'excep- tion d'une seule la sensibilité tactile avait été nulle pendant un certain temps. Dans les autres tous les modes de sensibilité, au tact, à la douleur, à la température, au chatouillement, etc., étaient très- bien perçus : ces diverses explorations provoquaient des mouvements réflexes chez toutes nos malades, à l'exception d'une seule.

Quant aux mouvements spontanés, ils étaient nuls, excepté chez une de nos malades qui pouvait imprimer quelques mouvements obs- curs au membre inférieur incomplètement paralysé.

Pour résumer ce qui précède, nous dirons, en nous appuyant sur les résultats positifs de sept autopsies, que, dans les cas de contrac- ture hémiplégique permanente liée à une affection ancienne du cer- veau (hémorrhagie ou ramollissement), alors qu'après le retour de la sensibilité la motilité reste abolie, on trouve le plus souvent à l'au- topsie une augmentation de volume des troncs nerveux des membres paralysés; et que cette lésion consiste dans Thypertrophie etl'hyper- plasie du névrilemme et du périnèvre avec conservation parfaite de la structure des tubes nerveux.

TUMEUR VOLUMINEUSE

^ ■• ■*

FORMÉE PAR

HYPERGÉNÈSE DE LA SUBSTMGE GRISE DE LA MOELLE ÉPINIËRE

CHEZ UN FŒTUS DE SIX MOIS;

Note lue à la Société de Biologie

Par MM. RAYER et BALL.

(Voy. pi. I et II.)

L'observation sur laquelle nous désirons appeler l'attention nous a paru digne d'intérêt, non-seulement parce qu'elle représente le pre- mier cas d'une hypergénôse de la substance grise de la moelle épi- nière qui ait été publié jusqu'à ce jour, mais encore parce qu'elle appartient à un groupe d'affections du système nerveux qui, jusqu'à présent, n'a peut-être pas suffisamment attiré les recherches des ana- tomistes.

Obs. Au mois de novembre 1863, une jeune fille de 18 ans est ac- couchée avant terme d'un fœtus qui portait, au bas des reins, une tu- meur volumineuse. L'accouchement fut opéré sans la moindre difficulté; le placenta ne présentait aucune disposition anormale. L'enfant a vécu près de quatre heures.

M. le docteur Lebœuf (deCahors), qui avait assisté la mère, jugea utile d'adresser cette pièce à la Faculté de médecine de Paris. Les renseigne- ments qui précèdent nous ont été fournis par cet honorable confrère.

Ce fœtus est du sexe féminin ; son âge n'a pas été spécifié, mais il paraît, d'après sa taille, d'après le développement des poils et quelques autres caractères, avoir atteint le sixième mois de la vie intra-utérine. A l'exception de la tumeur que nous allons décrire, il est de tout point régulièrement conformé.

Tous les viscères abdominaux et thoraciques sont parfaitement sains, et ne présentent aucune trace de productions anormales.

Le crâne offre une forme régulière; le cerveau, complètement ra-

118

molli au moment nous l'examinons, ne parait d'ailleurs offrir aucune lésion appréciable. Son poids total est do 230 grammes.

Entre les deux jambes, immédiatement au-dessous du bassin, est située une tumeur d'un volume au moins égal à celui de la tète de l'enfant. Sa forme est régulièrement sphéroïdale. A sa face antérieure, recouverte parla peau, on aperçoit une petite ouverture circulaire qui correspond à l'anus; un stylet, plongé dans cet orifice, parvient dans le rectum. (PI. II, fig. 2.) Au-dessus, dans une région complètement indépendante de la tumeur, on aperçoit la vulve, l'orifice vaginal et le méat urinaire.

A la face postérieure, la peau qui recouvre la portion inférieure de la tumeur se continue avec une membrane plus mince et d'un aspect vio- lacé, qui se confond, au-dessus de la région sacrée, avec les téguments. (PI. I.) Soulevée, à ce niveau, par une petite accumulation de liquide, elle présente une fluctuation manifeste : partout ailleurs, la tumeur possède une consistance demi-molle, analogue à celle du cancer cérébri- formc non encore ramolli.

Une incision pratiquée sur le siège de la fluctuation donne issue à un flot de liquide blanchâtre, mêlé de sang, qui provient manifestement du ramollissement de la partie supérieure de la tumeur et des portions inférieures de la moelle épinière (1). L'écoulement de ce liquide per- met d'apercevoir un orifice étroit, à travers lequel un stylet pénètre dans le canal rachidien. (Voy. pi. I.)

L'écartement des deux lèvres de l'incision permet de voir au-dessous une tumeur arrondie, mamelonnée, d'un blanc rougeâtrc, sillonnée par de nombreux tractus vasculaires, et qui paraît formée de plusieurs lo- bules agglomérés. A la coupe, cette tumeur offre quelques variations de consistance : certains points sont un peu plus durs que d'autres ; mais d'une manière générale, la masse est assez molle, et sur certains points presque diffluente.

Une dissection attentive permet de constater :

Que les muscles fessiers en sont complètement indépendants; de- puis leurs insertions sacrées jusqu'à leurs insertions trochantériennes, ils ne contractent aucune adhérence avec la niasse qui leur est juxta- posée;

Que le canal rachidien estbien conformé jusqu'à la partie inférieure du sacrum, il existe un spina-bifida peu prononcé. C'est à travers cette étroite ouverture que la pie-mère rachidienne se prolonge sur la tumeur, dont elle forme l'enveloppe la plus immédiate.

(1) L'examen histologique y montre des éléments idcnli(iues à ceux de la tumeur, quoique très-allérés.

110

L'enveloppe exlcneurc se confond avec le légument cutané en haut et en bas, tandis qu'une membrane moyenne, située entre les deux au- tres, remonte en haut pour se confondre avec les aponévroses d'cnvc- lo{>pe de la région lombaire.

Il n'existe point de nerfs, visibles à l'œil nu, sur les parois de l'es- pèce de poche fibro-vasculaire dans laquelle la tumeur est renfermée.

La moelle épinière, qui présentait, à l'époque nous avons pratiqué l'autopsie, un ramollissement assez marqué dans la région supérieure, ne paraissait avoir subi aucune altération pathologique sur ce point. Mais à sa partie inférieure, grâce sans doute aux progrès de la décom- position, elle était devenue complètement difiluente ; il n'a donc pas été possible den étudier nettement la terminaison ni de préciser les rapports qu'elle affecte avec la masse pathologique développée au-des- sous d'elle. Toutefois les nerfs du plexus sacré suivaient leur distribu- tion accoutumée ; mais l'état de l'axe médullaire n'a pas permis d'en saisir nettement le point d'origine.

L'examen histologique de la tumeur fait apercevoir, au milieu d'une matière amorphe qui en constitue la masse principale, une quantité considérable de noyaux à contours foncés, tantôt ellipsoïdes, tantôt sphéroïdaux (pi. II, fig. 2) offrant un diamètre de 5 à 8 millièmes de millimètre, finement granulés, et renfermant, pour la plupart, un ou deux nucléoles à l'intérieur. A côté de ces éléments, il existe quelques cellules plus volumineuses et plus pâles, dont le diamètre atteint 10 à 12 millièmes de millimètre, et qui contiennent des noyaux semblables aux précédents.

Le contact de l'eau ne fait subir aucun gonflement soit aux cellules. soit aux noyaux libres. L'acide acétique dissout les cellules, après les avoir préalablement pâlies et gonflées; mais il resserre les noyaux et augmente la netteté de leur circonférence, sans cependant les rendre plus transparents.

Il existe en outre dans cette tumeur un assez grand nombre de vais- seaux capillaires; on trouve aussi, sous le champ du microscope, des globules sanguins libres et beaucoup de gouttelettes graisseuses. Enfin, çà et là, il existe quehjues fibres de tissu lamineux (1).

Les résultats de l'analyse microscopique qui vient d'être rapportée ne peuvent laisser subsister aucun doute sur la nature de cette sin gulière production. En effet, les éléments qu'on y rencontre appar-

(1) L'examen histologique dont nous venons de rapporter les résultats a été pratiqué par M. le professeur Robin.

120 tiennent exclusivement à la structure normale de la moelle épinière; on n'y reconnaît aucun tissu nouveau, aucune production étrangère, et le rôle principal appartient à ces noyaux spliéroïdaux, offrant un ou plusieurs nucléoles, quelquefois privés de nucléoles, auxquels M. le professeur Robin a donné le nom de myélocytes. Partout il existe, au sein des centres nerveux, de la substance grise, ces élé- ments se rencontrent ; ils sont surtout très-abondants dans le cer- velet, et leur prolifération exagérée donne lieu à des tumeurs que, jusqu'à ces derniers temps, on avait coutume de ranger dans la classe des cancers.

On n'a pas souvent l'occasion de rencontrer cette altération parti- culière du système nerveux, et pour ce qui touche à la moelle épi- nière, nous ne connaissons aucun cas de ce genre qui ait été jusqu'à présent publié : cependant M. le professeur Robin nous a appris qu'il en avait rencontré quelques exemples, restés inédits jusqu'à ce jour ; mais des lésions analogues ont été observées sur d'autres points du système nerveux.

Ainsi, la rétine est quelquefois le siège de végétations fongueuses, molles, pultacées, grisâtres, qu'on a décrites sous le nom de cancers, et qui sont presque entièrement composées de myélocytes. C'est ainsi que chez un enfant atteint d'un double cancer de l'œil, la tumeur implantée sur la rétine a été examinée par M. le professeur Robin ; elle ne présentait, au microscope, qu'une hypergénèse des éléments normaux de cette membrane : la couche des bâtonnets offrait une prolifération évidente; mais c'était surtout la couche des cellules sous-jacentes qui avait subi le principal développement; aussi les myélocytes formaient-ils la portion principale de ce produit patho- logique qui, sous le rapport clinique, avait suivi la marche ordinaire des tumeurs malignes. La relation de ce fait intéressant a été publiée dans le Moniteur des hôpitaux par M. le docteur Doumic (1), et re- produite, avec une planche à l'appui, àànsVIconographicopluluibno- logique de M. le docteur Sichel (2).

Un cas analogue a été publié (3) par M. le docteur Schweigger. 11

(1) Monit. des hôpitaux, 1854, p. 989.

(2) Sichel, Ophthalmologic iconographique, n" 75.

(3) Fait von intraocularcm Tunior von Netzhauldcgeneration, in Arcliiv fur ophthaimologie, Sechster Band, Abtheilungll, p. 324.

121 s'agit d'un enfant do 5 ans, chez lequel une tumeur intraoculaire avait nécessité l'amputation de l'œil : à l'autopsie on trouva une masse arrondie implantée sur la rétine, et envahissant les deux tiers environ du corps vitré ; elle s'insérait à la face postérieure du cris- tallin, et présentait un canal central très-étroit, qui se rendait au point d'entrée du nerf optique. La rétine, épaissie et détachée de ses adhérences, présentait des végétations disséminées qui, par leur réunion, constituaient la masse de la tumeur : à l'examen histologi- que, on découvrait de nombreux vaisseaux; mais les éléments consti- tutifs de la tumeur étaient des cellules rétiniennes (myélocyles) en quantité innombrable, avec quelques tractus de tissu conjonctif.

M. le professeur de Graefe, dans le service duquel cette observa- tion a été recueillie, a rencontré peu de temps après un cas analo- gue (I). Il s'agissait d'un enfant de 3 ans, chez qui l'amputation de l'œil fut pratiquée pour une tumeur semblable à la précédente. A l'au- topsie, on trouva la rétine envahie par une multitude de petites vé- gétations qui, après avoir ac([uis un certain volume, s'accolaient les unes aux autres pour constituer une seule masse, d'une consistance analogue à celle du fromage de Brie. L'examen microscopique, pra- tiqué par M. le professeur Virchow, a montré, vers la surface de cette tumeur, de petites cellules arrondies, renfermant un ou plusieurs noyaux contenant des granulations pigmentaires et des globules graisseux ; dans la partie profonde de la tumeur, les cellules devien- nent beaucoup plus grosses, et les noyaux acquièrent le volume des globules du pus. On voit, par conséquent, qu'il s'agit encore ici d'une hypergénèse avec hypertrophie des cellules normales de la rétine. M. le professeur Virchow considère cette tumeur comme un sarcome médullaire.

M. le docteur Horner (de Zurich) (2) a publié l'année dernière une observation semblable. Il s'agissait ici d'une petite fille de 2 ans et demi : l'extirpation de l'œil ayant été pratiquée comme dans les cas précédents, on trouva une tumeur énorme de la rétine, ayant envahi les deux tiers de l'œil, et constituée exclusivement par une grande (tuantité de petites cellules arrondies, renfermant un ou plusieurs

1) Arckiv fur opklhalmologie, Siebenter Band, Abtheilung II, p. 42. (2) Kliniscke MonutsbUutcr fur AuyenhcUkunde, von D' Zehender. Erlangen, août 1863, p. 341.

122 noyaux brillants, et semblables en tout point aux éléments normaux de la couche cellulaire de la rétine.

Les tumeurs de ce gcni-e peuvent aussi se rencontrer dans l'encé- phale, où elles se trouvent surtout au voisinage de la couche corti- cale, qui renferme la substance grise les myélocytes existent à l'état normal. M. le professeur Robin en a récemment observé un exemple chez un enfant de 14 ans; mais c'est plutôt dans le cervelet que dans les hémisphères que ces productions pathologiques, d'ail- leurs peu communes, il faut le dire, sont sujettes à se développer. Il est du reste évident que jamais ces tumeurs intracraniennes ne peuvent acquérir le volume de celle que nous avions sous les yeux : les phénomènes décompression qui en seraient la conséquence vien- draient mettre un terme à la vie, longtemps avant que la tumeur fût parvenue à un tel développement.

On voit, par conséquent, que beaucoup d'altérations du tissu ner- veux, décrites jusqu'ici sous des noms divers, rentreraient probable- ment dans la catégorie des tumeurs à myélocytes ; ce seraient de simples hypergônèses des éléments nerveux, et non, comme on l'a cru longtemps, des produits hétéromorphes.

Les altérations de ce genre, quoique beaucoup plus fréquentes dans la première enfance qu'à toute autre période de la vie, n'ont ja- mais été jusqu'à présent constatées chez le fœtus. Sous ce rapport, notre observation offre donc un intérêt particulier. Nous ajouterons qu'il n'existe aucun autre cas, à notre connaissance, une lésion semblable ait coïncidé avec le spina-bilida. Enlin nous signalerons une particularité histologique qui nous paraît digne d'être notée : c'est que les éléments anatoraiques avaient parfaitement conservé leur volume ordinaire ; lesmyélocytcsotTraientles mêmes dimensions que dans la substance grise de la moelle épinière à l'état normal. C'est un fait peu conforme à la règle habituelle, car l'hypertrophie coïncide presque toujours avec l'hypergénèse.

Sous le triple rapport du volume de la tumeur, de son siège ex- ceptionnel, et de la période de la vie à laquelle ce produit morbide s'est développé, nous nous croyons donc autorisés à considérer ce fait comme un cas jusqu'à présent unique dans la science.

La pièce a été déposée au musée Dupuytren.

NOTE

SUR UNE FORME PARTICULIÈRE

DE

RAMOLLISSEMENT DU DÉPÔT ATIIÉROMATIÎUX

DES ARTÈRES

lue à la Société de Biologie

Par m. le Docteur E. LEUDET ,

Professeur titulaire de clinique médicale à l'École de médecine de Rouen,

membre correspondant de l'Académie impériale de médecine,

de la Société de Biologie.

La forme de ramollissement du dt-pôt athôromateux des artères que je décris ici n'est pas nouvelle, elle a déjà été décrite par Lob- stein et Rockitansky ; mais sa rareté même et surtout l'absence de sa description dans la plupart des ouvrages classiques m'engage à don- ner une courte indication de cette forme de dégénérescence athéro- raateuse des artères d'après un cas que j'ai eu l'occasion d'observer,

« En examinant, dit Rockitansky {Ueber einîge der Wichiigstcn Krankheiten der Arterien; flJémoires de i Académie des sciences de Vienne, 1853), une artère, qui est le siège de lésions parvenues à un degré avancé, on trouve çà et de petites ouvertures du volume d'une tète d'épingle ou plus volumineuses, à bords rouges et lais- sant transsudcr une petite gouttelette de sang... On pourrait prendre

124 facilement ces petits trous pour des orifices de vaisseaux, si ou ne les rencontrait pas dans des points il n'en existe pas; ces ou- vertures communiquent avec de petits canaux simples ou ramifiés qui traversent l'épaisseur de la plaque et se prolongent quelquefois dans la tunique moyenne altérée; d'autres fois ces canaux se con- fondent ensemble et forment une sorte de tissu érectile. C'est sans doute cette forme à laquelle Lobstein donna le nom (ïariciiomalacic, dans laquelle la paroi de l'artère est changée en tissu spongieux comme caverneux, d'où la pression fait suinter du sang par de pe- tites ouvertures. »

C'est cette même lésion que Rockitansky compare ailleurs au tissu caverneux et décrit sous le nom de dépôt athéromateux.

J'ai cherché en vain la description et l'interprétation de cette cu- rieuse lésion dans les Traités danatomie pathologique de M. Cruveil- hier, le Traite de pathologie externe de Follin (vol. II), et dans les ouvrages qui s'occupent des maladies des vaisseaux et du cœur, de même que dans les catalogues descriptifs des musées du Collège des chirurgiens d'Angleterre ou du musée du Boston.

Voici la relation du fait que j'ai observé :

Obs. Saunier (Jacques-Antoine-Eléonore), âgé de 50 ans, garçon d'amphithéâtre à IHôtel-Dieu de Rouen, est entré trois fois dans ma division médicale de cet hôpital en 1861 et 1862. Depuis 1860, il avait commencé à éprouver de la dyspnée au moindre exercice, et surtout en montant les rues inclinées; presque simultanément il éprouva des douleurs dans le bras gaucho avec un peu de faiblesse de ce membre, sans néanmoins cesser jamais de s'en servir pour les occupations possi- bles de sa profession, comme de placer ou de porter des cadavres. De- puis la même époque, il ressentait parfois des engourdissements dans tout le bras gauche et avait lui-môme constaté depuis la même époque un affaiblissement très-marqué du pouls de l'artère radiale gauche. Pendant les trois séjours que S... fit dans mon service, je constatai une augmentation considérable du volume du cœur et une faiblesse telle du pouls à l'artère radiale gauche qu'on pouvait à peine compter le nom- bre des pulsations; engourdissement du bras de ce côté depuis la main jusqu'au coude, sans aucune anesthésie ; absence d'œdème de ce bras ou de circulation supplémentaire artérielle ou veineuse visible. L'aus- cultation permettait de constater un souffle double très-fort sur le tra- jet de l'aorte ascendante avec une impulsion très-distincte un peu à gauche du sternum et au niveau de la deuxième côte. Aucun signe de

125 compression des veines ou des bronches. Les entrées successives de S... dans mon service furent déterminées par des accès de bronchite et d'oedème pulmonaire. Dans les intervalles il reprenait ses occupgitions ; mais depuis le mois de juillet 1863, il y avait complètement renoncé et avait été rayé du tableau du personnel de l'Hôtel-Dieu de Rouen. Placé depuis cette époque dans un des services de l'Hôtel-Dieu, division chirurgicale (il n'avait néanmoins aucune maladie chirurgicale), il mou- rut le matin du 4 septembre 1863.

Le cœur et laorte avaient été examinés. L'hypertrophie cardiaque étant considérable, les cavités droites, mais surtout les gauches, étaient dilatées ; l'augmentation d'épaisseur du ventricule gauche était consi- dérable; aucune dégénérescence apparente de la paroi musculaire. La valvule mitrale était souple ; son orifice insuffisant laissait pénétrer plus de trois doigts; les colonnes charnues de premier ordre étaient atro- phiées et pâles, surtout celle de droite et la plus rapprochée des val- vules aortiques. Ces valvules sigmoïdes simples n'offraient que quel- ques petits épaississements au niveau des tubercules d'Arantins. L'aorte présentait une altération considérable de toutes ses tuniques, avec des dépôts athéromateux nombreux et à divers degrés d'évolution, surtout au niveau de sa partie ascendante et dans sa crosse; la tunique externe était un peu opaque et légèrement adhérente dans quelques points plus que dans l'état normal au niveau des points les plus malades. La tu- nique moyenne était un peu friable et se laissait facilement séparer en lamelles contenant des plaques jaunes et d'autres calcaires. La tunique interne dans plusieurs points était adhérente à ces plaques calcaires étendues; nulle part il n'existait aucun ramollissement de ces plaques de matière crayeuse ou athéromateuse.

Au niveau de la naissance de l'artère sous-clavière gauche à la crosse de l'aorte, une plaque un peu jaunâtre et déjà calcaire, mais lisse à sa surface, faisait un peu saillie dans l'intérieur du vaisseau; cette plaque qui siégeait sur un tiers à peu près do la circonférence de cet orifice, était lisse sans destruction de la membrane vasculaire interne. Aucune coagulation sanguine ancienne ou récente à sa surface.

Le canal artériel du membre supérieur gauche fut ouvert dans toute sa longueur, et celui du bras droit dans la môme étendue, afin d'en pouvoir faire l'étude comparée.

L'artère radiale gauche était saine, de même que l'humérale jusqu'au- dessus du coude. Dans ce point, la pointe mousse des ciseaux qui avant pénètre facilement dans les artères, même moins volumineuses, fut arrêtée par un rétrécissement qui permettait à peine le passage d'une plume de corbeau un peu volumineuse.

L'artère fut ouverte et présenta un rétrécissement d'environ un tiers

de sa circonférence. Dans mu; liauteur de 1 cenlimèlre, la tunique in- terne ûlail détruite; la circonfLTcnce du vaisseau présentait deux lésions un peu différentes d'aspect dans sa moitié antérieure et sa moitié pos- térieure. Dans la moitié antérieure de la circonférence, on trouvait la tunique interne soulevée par une plaque un peu molle, mais non liquide, parcourue à sa surface par plusieurs trabécules du volume d'un fil in- terceptant plusieurs petites cavités capables de laisser pénétrer la pointe d'une épingle; quelques-uns de ces petits trabécules étaient libres, mais avaient à peine 0,001 de longueur. Dans la moitié postérieure de la circonférence du vaisseau, la lésion était plus marquée. En allant de bas en haut, on trouvait un petit pont formé par un amas de fibres transversales ayant près de 0,002 de hauteur, et se continuant des deux côtés avec la couche des fibres musculaires transverses de la tunique moyenne; réunies dans leur partie moyenne, ses fibres se séparaient à leur point de continuité avec la tunique moyenne en plusieurs fibrilles secondaires. Au-dessous de ce petit pont formé par ces fibres trans- verses, on pouvait introduire un stylet de trousse ordinaire, mais ce canal était borgne. A la partie supérieure du rétrécissement existait une petite cavité capable d'admettre un pois de volume ordinaire, et demi-spliérique. Sa partie supérieure était traversée par deux fibres grêles adhérentes des deux côtés à la tunique moyenne, et dans le fond de la cavité on reconnaissait des fibres saillantes de la tunique moyenne. Dans cette hauteur de 0,01, l'artère semblait donc comme réticulée, parsemée de fibres transversales plus ou moins volumineuses, libres dans toute leur circonférence ou adhérentes dans une partie de leur étendue ; toutes étaient adhérentes par leurs extrémités., et intéres- saient de petites cavités plus ou moins grandes, dont aucune ne dépas- sait la tunique moyenne.

Examinée en dehors, la tunique celluleuse externe était soulevée par une petite plaque ayant 0,008 de longueur sur 0,006 de largeur, et assez ferme ; aucun vaisseau ne naissait de l'artère humérale à ce ni- veau.

Au-dessus et au-dessous de cette lésion l'artère humérale présentait une augmentation légère de la saillie des fibres transversales de la tunique moyenne sans aucune plaque athéromateuse.

La description que je viens de donner de cette lésion me semble fournir des éléments capables d'éclairer sur son mode de production. Le dépôt athéromateux existant encore au-dessous de la membrane interne de l'artère et saillant en dehors au-dessous de la tunique celluleuse externe, a été le point de départ de la lésion; en dedans

1-27 du vaisseau lo dépôt ne se retrouve plus qu'à l une des extrémités de la lésion; au contraire, examinée en dehors la dégénérescence atlié- romateuse correspond à toute l'étendue de ce que nous appelons la dégénérescence aréolaire. Quelle est l'origine de ces tuljercules di- rigés transversalement réunis en masses plus ou moins volumineuses et séparées par de petites cavités. Leur continuité avec les fibres de la tunique moyenne montre que ce sont manifestement les restes de ces fibres dissociées.

NOUVEAU PROCEDE

POUR MESURER LE VOLUME DE L'ENCÉPHALE

ET

LA CAPACITE DU CRANE

CHEZ L'HOMME EX LES ANIMAUX

Mémoire présenté à la Société de Biologie

Par m. le Docteur Henri JACQUARD,

Ancien interne des hôpitaux, aide naturaliste au Jardin des Plantes,

vice-président de la Société de Biologie et de la Société médicale du sixième

arrondissement, chevalier de la Légion d'honneur.

S*il est un problème dont la solution ait vivement intéressé les an- thropologistes, c'est sans contredit la mensuration du volume de l'en- céphale humain et l'évaluation de la capacité du crâne qui le contient, pour comparer ensuite les individus d'une même race, ou les races entre elles.

Excepté dans quelques heureuses circonstances, nous ne pouvons guère nous procurer que des cerveaux de la race au milieu de la- quelle nous vivons. Il est possible de mesurer ou de peser directe- ment ceux-ci ; mais pour les autres races, n'ayant ordinairement que des crânes, nous sommes réduits à en déterminer la capacité, qui re- présente le volume de l'encéphale.

Il est inutile de décrire avec détail les différents moyens auxquels on a eu recours pour évaluer la capacité crânienne. Nous pensons qu'ils sont assez connus pour qu'il suffise de les mentionner ici.

MÉM. 9

130

On a proposé, comme on sait, de bouclier les ouvertures du crâne, à l'exception du trou occipital, et d'en remplir la cavité par ce trou, soit de sable convenablement séché, soit de graine de moutarde, ou de toute autre graine semblable par le volume et la forme arrondie, soit enlin de cendrée de plomb de chasse. Ce dernier procédé nous paraît devoir être préféré, parce que le plomb est incompressible, et n'est pas hygrométrique comme les graines. On peut évaluer en cen- timètres cubes la quantité de substance employée, en la jaugeant dans une mesure graduée.

Tous les résultats fournis par ces procédés, d'une exécution d'ail- leurs assez longue, loin d'être exacts et rigoureux, sont seulement approximatifs.

On a eu aussi l'idée de mouler de la gélatine dans l'intérieur de la boîte osseuse divisée par une coupe antéro-postérieure verticale ou horizontale, puis d'en tirer une épreuve en plâtre. Ces essais, com- mencés il y a longtemps au Muséum sur le crâne de l'homme et des animaux par M. le professeur Serres, poursuivis ensuite par MM. Ser- res et Gratiolet, ont été repris et continués dans ces derniers temps sous les auspices de M. le professeur de Quatrcfages, par M. Pruncr Bey sur des crânes humains seulement.

Les épreuves obtenues par ces moulages représentent en effet le vo- lume de l'encéphale revêtu de ses membranes, avec ses vaisseaux . les sinus de la dure-mère et le sang qui y est contenu, ainsi que le li- quide céphalo-rachidien qui s'y trouve (1).

(1) Jusqu'à ce que des recherches entreprises dans cette direction nous aipnt appris les modifications do forme et de volume que subissent de race à race et d'individu à individu les simis de la dure-mère, les membranes de l'encéphale, les vaisseaux qui s'y rendent, et le liquide céphalo-rachidien contenu dans les ventricules et dans les cavités intra ou extra-arachnoïdiennes, il nous est permis de considérer ces différents éléments comme invariables, et par conséquent comme augmentant d'une même quantité le volume de Fencéphale dans les différentes races. Nous sommes porté à adopter cette manière de voir, jusqu'à preuve du contraire.

Il nous semble cependant qu'il y aurait à faire une série de recher- ches fort intéressantes, si l'on pouvait disposer d'un nombre suffisant de sujets, ou plutôt si les savants se mettaient à étudier sous ce point de vue la race au milieu de laquelle ils vivent, et publiaient ensuite les

131 Mais si l'épreuve obtenue par le moulage de l'intérieur du crâne est bien kl représeutaliou de la capacité de celui-ci, ou du volume de rcncépbale, avant qu'il n'ait été retiré de sa cavité, il reste encore à

résultats de leurs recherches. Et en effet, pourrait-on dire aux anthro- pologistcs, quand vous mesurez le volume de l'encéphale et la capacité du crâne dans les races, c'est pour évaluer la plus ou moins grande quantité de substance nerveuse centrale qui a été dévolue à chacune, et en déduire quelque chose par rapport à rintelligence. A la vérité, il faudrait d'abord savoir, ce que nous ignorons absolument, quel rapport il y a entre le centre nerveux et l'aptitude intellectuelle de chaque in- dividu.

Est-ce le plus grand volume ou la plus grande densité? est-ce la structure ou l'arrangement moléculaire ; ou bien encore la composition chimique de la pulpe cérébrale qui donne la supériorité intellectuelle? Problèmes non résolus et peut-être à jamais insolubles! Mais enfin, en nous tenant aux idées les plus généralement reçues, et qui paraissent à tous les plus raisonnables, en supposant que la pesanteur spécifique, que l'arrangement moléculaire, que la composition chimique de la sub- stance nerveuse centrale soit la même pour tous les hommes et dans toutes les races, et que le degré d'intelligence, à part l'influence de l'é- ducation, puisse être mesuré par le volume de l'encéphale, n'oublions pas que les épreuves obtenues par le moulage de la cavité crânienne ne représentent pas seulement le volume de la substance nerveuse encé- phalique, mais ce volume grossi de l'épaisseur des membranes dure- mère, arachnoïde et pie-mère, des sinus, des vaisseaux, des glandes de Pacchioni, du liquide céphalo-rachidien intra ou extra-arachnoïdien, et enfin de celui qui remplit les ventricules. Pour évaluer exactement le volume de l'encéphale humain, il faudrait savoir si les membranes ont toujours la môme épaisseur dans toutes les races, et chez tous les indi- vidus d'une môme race, si les vaisseaux, si les sinus ne sont pas plus ou moins développés de race à race, et d'individu à individu. Il faudrait rechercher si les variations dans les dimensions des cavités ventriculaires ne démentent pas les mesures du volume de l'encéphale que vous prenez, sans faire entrer ces dimensions en ligne de compte. Aussi, bien que nous inventions un procédé pour trouver d'une manière facile et rigoureuse le volume que présente Tencéphale avant d'avoir été retiré du crâne, nous déclarons que tant qu'on n'aura pas résolu les différents problèmes que nous venons d'indiquer, le jaugeage de la ca- pacité du crâne ne permettra de rien conclure de positif par rapport à celui de la substance cérébrale entrant dans la composition de l'encé-

132 l'évaluer en centimètres cubes, et ici commence la difficulté; car les plâtres ainsi moulés étant ordinairement creux, atin de les rendre plus légers, on ne peut, en les pesant, en déduire le volume. Mais fussent-ils pleins, on ne pourrait encore rien en conclure de rigou- reux sous ce rapport d'après le poids. C'est que la substance qui les compose est loin d'olMr une densité constante. En effet, le plâtre provenant de la même extraction absorbe dans les moulages une quantité d'eau différente, suivant le degré de cuisson qu'il a reçu. Bien plus, le plâtre tiré du même sac, suivant la température à la- quelle on opère, et le modus faciendi de l'artiste, ne se combine pas avec la même quantité d'eau ; d'où il suit que la comparaison des poids des épreuves massives ne saurait être faite, et ne pourrait nous mener à rien de satisfaisant pour eu déduire le volume.

Nous avions pensé à peser les épreuves massives obtenues en gé- latine; mais l'habile mouleur du Muséum, M. Stahl, qui emploie ce procédé pour mouler ensuite en plâtre, nous a assuré qu'il ne pou- vait répondre que la densité de la gélatine employée fût toujours la même, qu'elle variait au contraire à l'infini, suivantla quantité d'eau absorbée.

On est donc réduit à prendre directement de nombreuses mesures sur les différentes parties des moules eu plâtre, et à déduire par le calcul le volume de ces moules. Mais on comprend combien les for- mes anfractueuses et irrégulières de l'encéphale, dont la moitié droite et la gauche ne sont même pas symétiiques, se prêtent peu à l'application des formules mathématiques. Ce procédé de mensura- tion directe qui, sous certains points de vue particuliers, peut ren- dre des services, est long, pénible, compliqué, ennuyeux et presque impraticable, si l'on a un grand nombre d'épreuves à mesurer, et ne donne après tout que des résultats approximatifs.

phale. Mais l'étude comparative de la capacité du crâne, do race à race et d'individu à individu, n'en restera pas moins indispensable pour ap- précier une des conditions physiques de celui-ci. Il en est de même de l'étude de l'angle facial; quelle que soit d'ailleurs sa signification par rapport au développement de l'intelligence, elle servira à constater l'une des conditions physiques de la tète, c'est-à-dire qu'elle sera la base de cette partie de la science anthropologique qui compare le dé- veloppement des différents sinus de la face.

133 Nous avons toul récemment trouvé un moyen l'acilc d'évaluer en centimètres cubes le volume de l'exempUiire tiré en plâtre. Il s'agit tout simplement de le rendre imperméable par l'immersion plus ou moins prolongée dans de l'acide stéarique fondu (1) et maintenu en fusion à une douce chaleur. Celui-ci imbibe la matière calcaire, se combine avec elle, sans en altérer en rien la forme ni le volume. Elle prend une petite teinte jaunâtre comme éburnée, et acquiert plus de solidité. On connaît et l'on recherche dans le commerce ces épreuves sous le nom de plâtres stéarines, et elles ont plus de prix. La quan- tité d'acide stéarique absorbée par chaque moule d'encéphale himiain pour devenir imperméable à l'eau est fort petite et d'une valeur in- signifiante. C'est le meilleur de tous les procédés pour obtenir l'im- perméabilité. Il n'altère en rien la surface; il est vraiment irrépro- chable. Cela est si vrai que les inscriptions faites sur le plâtre avec un crayon de mine de plomb n'ont souffert en rien de l'imprégnation de lacide stéarique, et sont restées ce qu'elles étaient avant, aussi ap- parentes et aussi lisibles. Il n'en est pas de même des couches répé- tées et alternatives d'huile grasse et de vernis qui donnent l'imper- méabilité, mais ont réellement une certaine épaisseur. Une peinture uniforme de la surface du plâtre produit le même résultat, mais cou- vre trop. Nous avons essayer de tous ces moyens, soit par nous- même, soit avec l'obligeant concours d'un artiste distingué attaché au Muséum, M. Henri Formant, dont l'habile pinceau a su rendre avec une admirable fidéhté aux bustes de races qui figurent dans nos galeries les couleurs naturelles des types originaux.

(1 } Vingt ou trente minutes au plus suffisent ordinairement pour ren- dre le plâtre imperméable à l'eau. Nous ferons remarquer ici qu'il y au- rait avantage à ce que les épreuves fussent pleines et sans cavité inté- rieure : c'est qu'on rendrait ainsi inutile la pièce de notre instrument qui sert à tenir immergées sous l'eau celles qui surnagent après y avoir été plongées ; 2" on ne serait pas obligé de boucher, avec un mastic fait exprès, les trous ou fentes qui s'y trouvent, et qui, la pièce étant plon- gée dans l'acide stéarique fondu, donneront passage à un courant de petites bulles d'air dé[)lacé par l'eau, si on ne les bouche pas avec cette composition. Pour cela on retire l'épreuve de l'acide stéarique fondu par le même moyen qui a servi à l'y plonger, c'est-à-dire à l'aide d'un fil mince de laiton, et on les y replace ensuite quelques minutes.

134

Lorsqu'on a ainsi obtenu l'imperméabilité, il suffît de plonpcr l'é- preuve dans un vase contenant une certaine quantité d'eau ; la quan- tité du liquide déplacé donne le volume de celui-ci. Voici Finstru- ment que nous avons imaginé, et que nous proposons d'appeler en- domètre crânien de evôov (dedans) et ixéTpov (mesure), tel que nous l'avions d'abord fait construire. On prend un vase cylindrique haut de 20 à 21 centimètres et de 16 à 18 centimètres de diamètre, aussi ré- gulier que possible.

Il est évident que plus le vase sera étroit, plus les degrés par les- quels on évaluera sa capacité seront espacés, et par conséquent plus l'instrument sera sensible. C'est ce qui nous a déterminé à y plonger l'épreuve en plâtre en plaçant le grand diamètre verticalement, et la grosse extrémité ou occipitale en bas, pour rendre l'équilibre stable. Les dimensions du vase que nous venons d'indiquer permettent do l'introduire sans qu'elle touche les parois du bocal.

Comme la plupart des épreuves sont creuses, elles surnagent assez souvent, ce qu'il faut empêcher. C'est pourquoi une traverse aplatie en cuivre est solidement fixée par les deux extrémités repliées en forme de pinces plates sur le bord supérieur du vase qui est renversé en dehors. On use ce bord supérieur à Fémeri, ainsi que son fond pour les dresser. Cette traverse est superposée au diamètre du vase et mobile; c'est-à-dire qu'on peut Fôtcr pour Fintroduction de l'é- preuve et la replacer ensuite. Un tube en cuivre lui est soudé verti- calement dans son milieu ; dans l'intérieur de celui-ci se meut à l'aide d'une crémaillère une tige terminée en bas par une pointe mousse, qui vient presser la partie supérieure du plâtre et le maintient con- tre le fond du bocal.

Un support en cuivre muni de trois vis sert à dresser horizontale- ment, à l'aide de deux niveaux d'eau, le fond du vase sous lequel il est placé. L'échelle des divisions marquées sur le vase doit être per- pendiculaire à ce fond, et ces divisions horizontales, lorsque le niveau a été établi à Faide de trois vis, c'est-à-dire lorsqu'elles sont paral- lèles à la surface du liquide contenu dans le vase.

Une fois l'épreuve maintenue, on verse de l'eau jusqu'à ce qu'elle rase Fextrémité supérieure de celle-ci.

Un curseur se mouvant en totalité avec la main pour les grandes distances, avec des vis de rappel pour les petites sur une règle verti- cale en cuivre, indique sur l'échelle gravée sur le verre le volume de

la lûtalitu du liquide. Il est clair que si maintenant, à l'aide d'un lil mince do laiton dont on a cmbrassô l'épreuve moulôo avant de la plonger, on la retire et on la laisse ôgouter au-dessus du vase, le liquide restant dans le vase retranché de celui indiqué antérieure- ment par le premier curseur, donnera le liquide déplacé, c'est-à-dire le volume du corps plongé. Mais à cause de la présence du fd de lai- ton, de la nécessité de retirer l'épreuve de l'eau, et de la perte plus ou moins grande de liquide qui reste adhérent à sa surface, il est mieux de procéder autrement, c'est-à-dire de laisser le plâtre fixé dans le vase, d'évacuer par l'ouverture d'un robinet partant du fond du vase toute l'eau qu'il contient et de la jauger. Son volume retran- ché, comme nous venons de le dire, de la totalité du liquide que con- tient le vase, à partir de son fond jusqu'à l'extrémité supérieure de l'épreuve, donne le volume de celle-ci.

Ce procédé, satisfaisant au premier coup d'œil, n'est cependant rigoureusement applicable qu'à des cerveaux d'un petit volume, ceux par exemple de petits animaux ou do fœtus humains. Alors le vase en verre n'a plus besoin que d'un diamètre très-rétréci, pour permettre leur introduction, et l'on peut espacer les degrés suffisamment pour avoir un instrument très-sensible, c'est-à-dire pour rendre appré- ciable une différence de quelques grammes ; tandis qu'il n'en est pas ainsi quand il s'agit de cerveaux humains ou de grands animaux. On sait, du reste, que pas un de nos gros mammifères, tels que l'élé- phant, le rhinocéros, etc., n'offre un encéphale qui dépasse en vo- lume celui de l'harmie.

Obligé de nous servir d'un vase à grand diamètre, les tranches de liquide, quoique n'ayant pas plus d'un millimètre de hauteur, repré- sentent la cinquième partie d'un décilitre qui est de 100 grammes, c'est-à-dire 20 grammes; on est donc exposé à se tromper de 15 à 20 grammes, à cause des oscillations inévitables du liquide sur une large surface, au milieu des vibrations de l'air ambiant. Nous avons eu recours à un autre procédé que nous croyons bien préférable.

Nous prenons un vase en verre de même diamètre que le précédent, mais deux fois plus élevé.

Nous conservons le support à trois vis de la base, et l'appareil des- tiné à fixer les plâtres qui surnageraient.

Un robinet est placé latéralement, d'un assez grand diamètre; pour donner un prompt écoulement au liquide, et assez élevé au-dessus

136 du fond pour que le niveau de l'eau une fois établi par l'ouverture de ce robinet, dépasse l'extrémité supérieure de l'encéphale le plus gros placé verticalement, suivant son plus grand diamètre.

Le robinet est ouvert, le niveau constant établi; on ferme le robi- net, on plonge l'épreuve en plâtre; le liquide déplacé par elle monte au-dessus du robinet; le robinet est ouvert de nouveau, on reçoit tout le liquide qui s'écoule, et on le jauge dans des éprouvettes gra- duées qu'on peut choisir aussi sensibles qu'on voudra.

Ainsi nous n'avons plus besoin de cahbrer notre vase, si ce n'est peut-être pour en tirer des indications générales qui ne seront pas sans utilité.

Cependant, comme nous l'avons dit, pour les organes de petites dimensions qui permettront de i-étrécir le vase et de l'allonger, notre premier appareil pourra être utilement employé. Non-seulement notre dernier instrument donnera avec une extrême exactitude le volume de la capacité du crâne, mais il servira aussi à prendre le volume de cerveaux frais avec ou sans membranes. Il ne sera pas seulement utile à l'anthropologie ; les pathologistes pourront l'employer pour jauger le volume des organes dont ils étudieront les altérations sous ce rapport.

Notre méthode est applicable ù la mensuration de la capacité du crâne lorsqu'il aura été divisé par une coupe horizontale ou verti- cale. L'emploi de la cendrée de plomb devra être réservé, pour les crânes entiers qu'on ne veut pas ouvrir, parce qu'on les regarde comme trop précieux pour la collection dont ils font partie.

Notre procédé, par la facilité de son exécution et la rigueur ma- thématique de ses résultats, nous parait devoir marcher de pair avec la mensuration de l'angle facial pris avec notre goniomètre, que l'A- cadémie des sciences, sur le rapport favorable de M. de Quatrefages, a bien voulu honorer de sa sanction.

Nous ne saurions terminer ce mémoire sans présenter quelques considérations qui, pour être accessoires à notre sujet, n'en sont pas moins d'une grande importance.

Nous sommes convaincu que l'avenir du procédé que nous avons seulement le mérite d'appliquer, n'est pas borné à la mensuration de la capacité du crâne qui lui a donné naissance.

Nous avons ouvert, en quelque sorte à notre insu, comme cela ar- rive quelquefois aux inventeurs, un bien plus vaste champ à d'au-

137 très études, que celles auxquelles uous consacrons journellement notre labeur.

L'instrument que nous venons de décrire mesurera aussi le volume de tout autre organe sain ou malade, sans moulage préalable. On pourra jauger encentimètres cubes, les viscères frais soit d'un volume normal, soit après les changements que les maladies leur auront fait subir sous ce rapport.

Sait-on quel volume le cerveau humain sain et frais, revêtu ou dépouillé de ses enveloppes, présente de race à race et d'individu à individu? Ce sont des problèmes fort intéressants à résoudre, et nous rendons plus faciles les recherches qu'il faudra multiplier pour arri- ver à leur solution.

Si l'on nous fait observer que le mélange du sang avec l'eau mo- difie les résultats, nous répondrons que l'opération est trop rapide pour que l'objection soit bien sérieuse; enfin nous ajouterons que les viscères comparés entre eux étant soumis aux mêmes conditions, nous avons tout lieu d'attendre des résultats exacts.

Tel est le nouvel borizon qui paraît se dérouler à nos yeux d'une manière inattendue. Mais il appartient à d'autres de réaliser l'objet de nos espérances. Nous ne sommes pas placé nous-mème de ma- nière à tirer de ce procédé tout ce qu'en peuvent attendre, selon nous, l'anatomie normale et l'anatomie pathologique.

CONTRIBUTIONS

DE LA GOUTTE

ET SPÉCIALEMENT DU REIN CHEZ LES GOUTTEUX;

Mémoire lu à la Sociéié de Biologie

VAU

M. LE DOCTEUR GHARGOT,

Médecin de l'hospice de la Salpêtrière, agrégé de la Faculté de médecine de Paris, membre de la Société de Biologie,

ET

M. V. CORNIL,

lulerne des hôpitaui, membre de la Société de Biologie. (Voy. pi. IV.)

Nous avons pu observer récemment, à l'infirmerie de la Salpêtrière, une femme qui présentait réunies à l'autopsie la plupart des altéra- tions anatomiques de la goutte. Nous publions in extenso cette ob- servation qui nous a permis de contrôler les faits avancés dans ces dernières années par les médecins étrangers, et de les compléter sur certains points, principalement en ce qui toucbe les lésions rénales et articulaires.

140

ARTCROPATHIES MULTIPLES TRES-ANCIENNES. PNEUMONIE. MORT. A L AUTOPSIE, DE- POTS d'uRATES DE SOUDE DANS LES CARTILAGES, LES SÉREUSES, ET LES TISSUS FIBREUX ARTICULAIRES. ATROPHIE ET KYSTES DU REIN DROIT. NÉPHRITE iPA- RENCHYMATEUSE ET DÉPOTS d'uRATE DE SOUDE DANS LE REIN GAUCUE. NÉO- MEMBRANES DE LA DURE-MÈRE.

Obs. La nommée M..., âgée de 84 ans, avait été admise à l'hospice de la Salpêtrière le 20 février 1849, atteinte d'arthropathies multiples qui avaient produit aux membres, et surtout aux extrémités, tant inférieures que supérieures, des difformités très-prononcées. M... fut conduite à l'infirmerie le 15 mars 1863. Le soir même de son admission, on con- stata les signes d'une pneumonie occupant le sommet du poumon droit : souffle tubaire, bronchophonie, râle crépitant, crachats rouilles, etc. La malade est dans un tel état de prostration qu'il est impossible de sa- voir d'elle à quelle époque remonte le début de l'affection actuelle. On dit que depuis plusieurs jours M... avait de la diarrhée et refusait de manger; mais elle avait caché tout cela dans la crainte d'êire conduite à l'infirmerie dont elle redoutait le séjour. Huit ventouses furent ap- pliquées sur le côté droit de la poitrine.

Le 16 mars, extrémités froides; les parties centrales présentent, au contraire, une température très-élevée; pouls faible, à 100 pulsations environ à la minute; face jaunâtre, légèrement cyanosée; nez froid; joue droite rouge et chaude; langue très-sèche; râle laryngo-trachéal ; la diarrhée persiste. Prescription : Potion avec extrait de quinquina, 2 grammes; acétate d'ammoniaque, 4 grammes; poudre d'ipécacuanha, 1 gramme. Application d'un large vésicaloire sur le devant de la poi- trine.

La malade meurt le 17 mars à une heure du matin.

Les renseignements qui suivent concernant l'histoire de M..., ont été fournis par sa petite-fille qui la connaissait d'ailleurs assez peu, et la voyait assez rarement ; on ne pouvait songer à interroger la malade elle-même à cause de la gravité de son état. M... avait eu pour mari un employé de la maison de l'empereur Napoléon I", et peut-être a-t-elle vécu pendant cette période de sa vie relativement dans l'aisance. De son mari, elle avait eu dix enfants; cet homme, dont la conduite, paraît-il, laissait beaucoup à désirer, disparut en 1815, et l'on n'eut plus depuis de ses nouvelles. M... resta abandonnée, sans ressources, et le seul soutien de sa nombreuse famille. Elle exerçait la profession de ravaudeuse; les douleurs articulaires avaient débuté seulement pendant l'année 1846; mais rien n'est moins certain que cela.

Voici le résultat du l'examen des délormations que présentait M...

141 Toutes, ou à peu près toutes les jointures des membres et des extré- mités étaient rigides, à l'exception des épaules et des hanches. Les ar- ticulations fémoro-tibiales et tihio-tarsicnnes étaient le siège de craque- ments; celles des gros orteils étaient subluxées et ankylosées. La rigidité et les déformations permanentes étaient surtout prononcées aux mains, et depuis longtemps elles empêchaient tout travail. Les deux mains, fortement maintenues en pronation, sont affectées symétrique- ment et au même degré.

Il y a déviation en masse de tous les doigts vers le bord cubital de la main, et cette déviation est si prononcée que le bord externe du petit doigt fait presque un angle droit avec l'axe du cubitus. Il y a de plus subluxation des phalanges en arrière et en dehors des têtes métacar- piennes, qui font sous les téguments amaigris une saillie très-accusée ; par suite tous les doigts de la main sont fléchis sur le métacarpe en même temps qu'ils sont dans l'abduction : de plus les phalangines sont légèrement étendues sur les phalanges, et les phalangettes fléchies sur les phalangines. La plupart des jointures, ainsi affectées, ont conservé encore une mobilité obscure ; à leur niveau il n'y a pas traces de proé- minences, de tumeurs autres que celles que produisent les têtes des os subluxés; ou, autrement dit, il n'existe point de tumeurs tophacées appréciables. Nous trouvons donc ici l'exacte reproduction de l'un des types de difformité des extrémités supérieures, observés le plus fré- quemment dans le rhumatisme articulaire chronique progressif. Pre- mier type, ou type de flexion. (Voir Charcot, Thcsc inaugurale, Paris, 1853, p. 16, planche I, fig. 3 et 4 ; planche II, fig. 1 et 2.)

Nécroscopie. Examen des jointures. La plupart des articulations des membres inférieurs et supérieurs ont été ouvertes, et à l'exception des jointures des hanches, elles présentaient une altération consistant en un dépôt abondant d'urate de soude dans l'épaisseur et à la surface des cartilages diarthrodiaux; les ligaments articulaires et les tendons au voisinage des jointures étaient parsemés en outre de petites concrétions blanches d'aspect crayeux, ne dépassant pas en général le volume d'une tête d'épingle et formées également d'urate de soude. Ce qui est re- latif aux extrémités supérieures mérite une mention spéciale : les pha- langes étaient maintenues dans la flexion et dans l'abduction par suite delà rétraction qu'avaient subie à la longue les tissus fibreux. Par suite de la subluxation des têtes des phalanges en arrière, les têtes des mé- tacarpiens devenus presque complètement libres, se trouvaient placées immédiatement sous la peau. Leurs cartilages diarthrodiaux, ulcérés et détruits même en plusieurs points de leur extrémité périphérique étaient partout incrustés d'urate de soude, et présentaient une surface blanche d'aspect crayeux. En outre, sur la face dorsale des têtes métacarpiennes.

142 immédiatement en arrière des surfaces diarthrodiales, il exi«tait des dépôts de matière crayeuse, enveloppés de tissu cellulaire lâche et qui laissait voir, par transparence, leur couleur d'un blanc mat. Ces dépôts, limités latéralement par les tendons des extenseurs, jouissaient de mou- vements de latéralité sur les métacarpiens dont ils étaient tout à fait indépendants; placés immédiatement sous la peau, et pressés, pour ainsi dire, contre les têtes osseuses, ils étaient aplatis et ne formaient pas sur le dos de la main de saillie appréciable, de telle sorte que, avant la dissection des parties molles, leur existence ne pouvait pas ôtre re- connue. On trouvait aussi des points blancs et de petites masses crayeuses, dures, enchâssées solidement dans les tissus fibreux péri- articulaires et dans les tendons des extenseurs sur toute l'étendue de leur trajet. Toutes les articulations des phalanges, des phalangines et des phalangettes étaient incrustées comme lesmétacarpo-phalangiennes, de matière crayeuse, mais à un moindre degré au voisinage des jointures ; le tissu sous-cellulaire sous-cutané, le névrilemme, les couches profondes du derme présentaient de semblables dépôts sous forme d'une fine pous- sière blanche.

Aux genoux les condyles du fémur, les surfaces articulaires du ti- bia et de la rotule paraissent également recouverts par un vernis blanc opaque, brillant, dur, d'aspect crayeux, lequel occupe dans une épais- seur de 1/2 à 1 millimètre la plus grande étendue des cartilages diar- throdiaux. Sur une coupe de ces cartilages, le dépôt blanc paraît limité du côté de la face profonde par une ligne légèrement ondulée. La sur- face synoviale de la capsule articulaire, dans toute son étendue, ainsi que les divers ligaments de l'articulation, offrent une multitude de pe- tits points blancs adhérents et donnant l'idée d'une fine poussière. Ces mêmes points blancs se retrouvent dans l'épaisseur du ligament rotu- licn. Les articulations tibio-astragaliennes, celles du coude et de l'é- paule présentent des altérations analogues. La synovie est, dans ces diverses jointures, rare, transparente, peu visqueuse.

La matière blanche qui incrustait les cartilages articulaires, traitée par l'acide azotique bouillant, puis par l'ammoniaque, a donné la belle coloration pourpre de murexyde.

Examen microscopique. Les dépôts d'urates des cartilages articu- laires examinés au microscope sur des coupes perpendiculaires à la sur- face de ces cartilages, vus à un faible grossissement, formaient une zone opaque à la lumière transmise, blanche à la lumière réfléchie, ré- gulière du côté de la surface articulaire, festonnée du côté de la tête osseuse. A un plus fort grossissement (200 diamètres, pi. IV, fig. G), chacun de ces festons arrondis (V, fig. G) donnait naissance à des houp- pes soyeuses de cristaux fins et allongés qui se dirigeaient du côté des

143 cellules de cartilage libres de tout dépôt (0, fig. G). A la limite du dépôt, entre les cellules tout à fait transparentes et les portions noires d'uratcs, se trouvaient dos masses opaques (N, fig. G, et C, fig. 7) ayant la forme et le volume dos cellules cartilagineuses, et de ces masses par- taient des cristaux fins. En ajoutant de l'acide acétique, les cristaux et les masses opaques se dissolvaient en môme temps qu'apparaissaient toutes les formes cristallines propres à l'acide urique (U, fig. 7), et lors- que tout était dissous, il restait aux points primitivement noirs de belles cellules cartilagineuses. Comme la dissolution se faisait lentement, on pouvait en suivre toutes les phases, et voir que d'abord les aiguilles cristallines se dissolvaient, ainsi que les urates contenus dans la sub- stance fondamentale du cartilage, en laissant les cellules noires et en- core incrustées (C, fig. 7). Puis la membrane des cellules commençait à apparaître, et les urates contenus dans leur intérieur étaient dissous jusqu'au noyau qui restait opaque un certain temps (G", fig. 7). Bientôt les urates renfermés dans le novau do la cellule laissaient voir, en se dissolvant, la membrane du noyau et le nucléole qui devenait transpa- rent en dernier lieu (C", fig. 7). Nous avons répété un grand nombre de fois, et à de longs intervalles de temps, la môme expérience qui nous a toujours donné le même résultat; dételle sorte qu'il est bien certain que le dépôt d'urate de soude dans les couches superficielles des carti- lages se fait à la fois dans l'intérieur et à l'extérieur des cellules cartila- gineuses.

Les urates sont dans l'intérieur des cellules sous forme amorphe, et ces dernières, transformées en une masse opaque qui conserve leur forme arrondie ou ovalaire servent elles-mêmes de centres d'où s'irra- dient les aiguilles cristallines dans la substance intercellulaire amorphe du cartilage.

A la surface des séreuses, particulièrement autour des cartilages diarthrodiaux du genou, on voyait do petits points blancs situés sur les franges synoviales. En examinant ces derniers au microscope, on voyait un grand nombre de houppes synoviales renfermant à leur centre une masse opaque généralement arrondie (iVI, fig. 5), simple ou double, blanche à la lumière réfléchie, noire à la lumière directe; en ajoutant de l'acide acétique, cette masse montrait bientôt à sa péri- phérie de très-petits cristaux d'acide urique et se dissolvait ensuite complètement.

Dans le tissu cellulaire sous-séreux, dans les ligaments articulaires, dans les tendons des muscles, dans le névrilemme des nerfs des doigts, dans le tissu conjonctif sous-cutané, dans les couches profondes du derme, en un mot dans tous les tissus fibreux périarticulaires, les points blancs, sablés, qui s'y trouvaient en grand nombre, avaient la même

144 structure et la même composition. Us étaient toujours formé par des masses généralement arrondies, opaques, d'urate de soude amorphe qui donnait très-rapidement des cristaux d'acide urique lorsqu'on les trai- tait par un acide. Ces petites masses étaient entourées par des fais- ceaux de tissu fibreux et élastique qui se condensaient autour d'elles et les enchatonnaient solidement.

Examen des viscères. Péricarde sain, sauf l'existence d'une petite plaque laiteuse siégeant sur la surface viscérale et de la largeur d'une pièce de 50 centimes. Le cœur volumineux ne présente cependant au- cune altération de texture : il pèse 280 grammes. V aorte n'est que très-légèrement alhéromateuse. Poumon droite hépatisation granuleuse grise dans toute l'étendue du lobe supérieur. Le poumon gauche, con- gestionné dans toute son étendue, offre dans l'épaisseur de son lobe supérieur trois noyaux d'hépatisation rouge, chacun de la grosseur d'une noix.

La dure-mère est épaisse : à sa surface interne, sur les parties qui correspondent à l'hémisphère gauche, on remarque des îlots rouges, comme imbibés de sang, saillants, irréguliers, disposés sous forme de plaques ou de simples points accolés à la dure-mère et bien indépen- dants de l'arachnoïde : ce sont des nco-membrancs vasculaires et infil- trées d'extravasations sanguines. La moitié droite de la dure-mère pré- sente quelques points rouges analogues, non réunis sous forme de pla- ques. Le cerveau paraît sain dans toute son étendue. Les artères de l'encéphale sont à peine un peu indurées.

20 grammes environ de la sérosité sous-aracfinoïdienne qui s'était écoulée lors de l'incision des méninges furent recueillis et placés dans un verre de pendule et traités par l'acide acétique, d'après la méthode de Garrod {tfiread cxperiment). Les fds qui avaient été déposés au sein de ccmélangeparurent, au bout de trois jours, recouverts d'un certain nombre de cristaux d'acide urique.

Le foie est de volume normal. LdiVésicule biliaire renferme trois cal- culs verdâtres, mous, irréguliers. La rate est normale.

Vutérus, la vessie, les i^'c/è?^* ne présentent aucune altération ; il n'existe pas de calculs, de graviers, soit dans la vessie, soit dans les uretères.

Reins. Le 7'ein droit, réduit à un très-petit volume, était adhérent au tissu cellulo-graisseux ambiant. La capsule propre, épaissie, adhérait intimement à la substance corticale du rein.

Celle-ci, atrophiée elle-même, était pour ainsi dire tranformée en kystes nombreux dont les plus volumineux étaient gros comme une noisette. Les pyramides étaient également réduites à de très-petites dimensions, de telle sorte que la substance propre du rein indurée et de

145 consistance presque fibreuse, formait autour du bassinet et des calices dilatés une coque dont l'épaisseur ne dépassait pas 1/2 centimètre.

Examen microscopique (de 20 à 300 diamètres). Des alvéoles cellu- leuses très-épaisses, très-riches en noyaux, enveloppent de toutes parts les tubes urinifères et les glomérules de Malpighi. Les éléments propres du rein, tubes et glomérules, sont atrophiés. Leur volume est à peu près réduit de moitié. Les parois des vaisseaux artériels étaient épaissies. Nulle part dans ce rein il n'existait de dépôt d'urates. La surface mu- queuse du bassinet présentait des plaques de coloration jaunâtre répon- dant à des dépôts de même couleur situés sous la membrane muqueuse. Ces dépôts étaient produits par une infiltration graisseuse du tissu cel- lulaire sous-muqueux; on y rencontrait également des cellules de tissu conjonctif remplies de granulations fines qui se dissolvaient dans l'é- ther.

Bein gauche. Son volume est à peu de chose près celui de l'état normal. L'organe est mou, flasque; sa surface, à laquelle n'adhère que faiblement la capsule fibreuse, est lisse, sans bosselures ou granula- tions. Sur une coupe, la substance corticale paraît manifestement épais- sie; elle est d'une coloration d'un jaune pâle; les vaisseaux et les glo- mérules de Malpighi injectés s'y dessinent sous forme de petites stries et de petits points rouges visibles à la loupe ou même à l'œil nu. La substance tubuleuse présente une coloration rouge brun assez vif. Ces altérations rappellent, comme on voit, les caractères qu'a assi- gnés M. Rayer à la deuxième forme de la néphrfte albumineuse ; mais, en outre, on aperçoit sur les coupes d'un certain nombre des cônes, de petites lignes ou stries d'un blanc de craie parallèles à la direction des tnbuli (fig. 1, A), et qui se dessinent vivement sur la substance tubuleuse rouge et injectée. L'extrémité de quelques-uns de ces in- farctus est visible sous forme de points blancs au sommet libre des papilles.

Examen microscopique. Les tubes contournés de la substance corti- cale examinée sur des coupes minces, à un faible grossissement (80 dia- mètres), paraissent légèrement opaques. Ces tubes, plus larges que dans l'état normal, examinés à un plus fort grossissement (300 dia- mètres), sont vus remplis de cellules épithéliales volumineuses à con- tenu granuleux (fig. 2, B). Ce contenu granuleux , d'où dépend l'opacité des tubes, est composé à la fois de granulations protéiques qui se dis- solvent sous l'influence d'une solution de soude et par l'acide acétique et de granulations graisseuses qui résistent à l'action de ce réactif. L'examen à un grossissement de 80 à 300diamètres d'une tranche mince de la substance tubuleuse, dans les points elle renferme des dépôts blancs, linéaires, parallèles à la direction des tubes, a donné les ré- MÉM. 10

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sultats suivants. Les dépôts se dessinent sous forme de masses opaques, allongées, composées de volumineux et longs cristaux prismatiques, disposés parallèlement les uns aux autres, et réunis en faisceaux. Quel- ques-unes de ces aiguilles paraissent s'attacher par une de leurs ex- trémités à la masse 'principale, et, libres par l'autre extrémité, elles se dirigent en rayonnant dans tous les sens. (Fig. 3, D, D', grossisse- ment de 150 diamètres.)

Par l'addition d'acide acétique, les cristaux libres par une de leurs extrémités se dissolvent les premiers, en môme temps qu'en leur lieu et place on voit se produire les différentes formes cristallines qui carac- térisent l'acide urique. Peu à peu, par suite de la pénétration de l'acide acétique dans les parties situées plus profondément, les cristaux réunis en faisceaux se dissolvent à leur tour, et bientôt il ne reste plus qu'une masse opaque, amorphe, cylindrique, qui constitue comme le moule interne d'un tube urinifère dont elle conserve la forme et le volume. Cette masse amorphe, évidemment contenue dans le tube urinifère, est attaquée enfin elle-même et se dissout. Plusieurs fois, il nous est arrivé de suivre, pour ainsi dire pas à pas, la dissolution progressive de ces masses opaques contenues dans les tubes. La figure 4 représente un temps de la dissolution. Une portion d'un tube urinifère G est déjà de- venue transparente, tandis qu'un autre point E (fig. 4) de ce même tube reste obstrué par la masse amorphe. On peut conclure de qu'une partie de la matière qui constitue les dépôts blancs, est contenue dans l'intérieur même des tubes urinifères elle parait exister à l'état de masse amorphe, tandis qu'une autre partie du dépôt située en dehors des tubes paraît, au moins pour la majorité, composée d'aiguilles cristal- lines soit agglomérées en faisceaux, soit libres par une de leurs extré- mités, et disposées sous forme de rayons. La partie amorphe et la par- tie cristalline ont d'ailleurs la même constitution chimique, car toutes, après dissolution, donnent naissance aux cristaux d'acide urique.

La goutte, caractérisée par des dépôts durate de soude dans les cartilages articulaires, est d'une extrême rareté chez les femmes, surtout chez celles qui sont admises à la Salpêtrière; au contraire, les cas de rhumatisme articulaire chronique primitif y sont très- nombreux. Aussi avions-nous pensé, pendant la vie de la malade dont on vient de lire l'observation, que nous avions affaire à un rhuma- tisme chronique, d'autant mieux qu'elle nous offrait un type parfait des déformations qui sont propres à cette dernière affection, et qu'il n'existait aucun signe apparent de tophus. Dans ce cas, en effet, les têtes des métacarpifcns étaient saillantes; les phalanges étaient ffé-

147 ciliés et en siibluxaliuii sui' leri niétacarpieiis, les pluiliuigiiies étaient étnulucs Fur les phalanges, les phalangettes étaient étendues ou flé- chies; la déformation, en un mot, était exactement celle du premier type figuré par M. Charcotdans sa thèse sur le rhumatisme chronique (Thèses de Paris, 1853, pi. II, iig. 2). En outre, comme pour aug- menter les chances d'erreur, il n'y avait chez notre malade aucun des signes visibles de la goutte, ni les nodosités des cartilages du pa- villon de l'oreille, ni les tophns siégeant sur les métacarpiens ou le poignet. Ces circonstances expliquent et justifient l'erreur de diag- nostic qui a été commise pendant la vie, et notre observation dé- montre que le diagnostic entre la goutte et le rhumatisme chronique est parfois impossible par la seule inspection des déformations arti- culaires. Nous reviendrons bientôt sur les altérations anatomiques des reins et des articulations que nous avons trouvées à l'autopsie, mais nous croyons utile d'exposer en quelques mots l'historique et l'état actuel de nos connaissances sur ce sujet.

I. De l'état du rein chez les goutteux

Parmi les lésions du rein trouvées à l'autopsie de sujets goutteux, les unes, bien que dépendantes de la goutte, ne présentent rien qui lui soit spécial, tandis que les autres lui appartiennent en propre. La première catégorie de lésions n'est autre chose que la néphrite albu- mineuse; la seconde consiste dans des dépôts d'acide urique ou d'u- ratcs de soude dans le rein. Ces infarctus rénaux, immédiatement liés à la goutte, présentent deux formes bien tranchées suivant qu'ils sont constitués par de l'acide urique ou des urates. Dans ce dernier cas, dont notre observation a présenté un bel exemple, le pot d'urates sous forme de lignes blanches (A, fîg. 1) est aussi ca- ractéristique de la goutte et au môme titre que les dépôts de même nature des articulations.

De tout temps l'idée de goutte a été associée dans l'esprit des méde- cins à celle de maladie rénale, ce qui tient à l'existence souvent ob- servée de calculs rénaux chez les goutteux. Telles sont les relations indiquées par Aretée, Sydenham, Murgrave, Fasch, Hoffmann, Wepfer, Morgagni,etc. Au commencement de notre siècle, Scudamore a vu que l'albumine se rencontrait parfois dans l'urine des goutteux, qu'ils fussent ou non hydropiques, et que sa présence coïncidait avec

148 une remarquable diminution de l'urée et des principes salins de l'u- rine (1). La néphrite albumineuse a été observée également chez des goutteux par Bright, Blackall, Anderson. Leurs observations sont ana- lysées dans le chapitre du livre des maladies du rein de M. le profes- seur Rayer qui traite des rapports de la néphrite albumineuse avec la goutte. 11 s'agissait dans ces cas de formes chroniques d'albuminu- rie, dont on a voulu faire dans ces dernières années, en Angleterre, une espèce spéciale, comme nous le verrons bientôt.

M. Rayer a décrit sous le nom de néphrite goutteuse (2) une altéra- tion du rein plus directement liée à la goutte et qui coexiste avec la gravelle urique; c'est le dépôt de petits grains jaunes ou rouges, composés d'acide urique, fixés dans la substance corticale et tubu- leuse du rein et dans les cahces.

M. de Castelnau a le premier signalé la seconde forme de dépôts qu'on trouve dans le rein, dans un mémoii-e sur la goutte et le rhu- matisme, inséré dans les Archives de médecine en 1843 (3). A l'autopsie du malade qui fait le sujet de l'observation remarquablement bien prise de M. Castelnau, on trouva les deux reins malades; le gaucbe, atrophié, présentait sa membrane fibreuse adhérente, la substance corticale réduite à 1 miUimètre 1/2 d'épaisseur, jaunâtre, comme si elle avait une tendance à la transformation graisseuse ; la substance lubuleuse était remplacée par une masse graisseuse ; les bassinets trèS'dilatés contenaient du pus ; leur muqueuse était blanche et épaisse. Le rein droit, plus volumineux que le gauche, quoique restant bien au-dessous du volume normal du rein, également envahi par la dégé- nérescence graisseuse, contenait seul des dépôts salins.

« Tous les cônes tubuleux qui restent renferment des dépôts de « matière blanche comme de rémait, en tout semblable à celle des ar- « ticulations; celle matière est fartoui disposée en stries très-fines « qui affectent la direction des tubes urinifères et semblent être con- « tenus dans r intérieur de ces tubes eux-mêmes; ce n'est que dans « des points très- rares qu'on la trouve sous la forme de granulations « amorphes infiniment petites et toujours du même blanc éclatant.»

(1) Scudamore, A treatise, etc., fourth edit., p. 313. London, 1823, cité par M. Rayer dans son Traité des maladies du rcin^ t. II. p. 540.

(2) T. II, p. 42.

(à) Archives générales de médecine, ¥ série, t. III, p. 285.

149 La substance corticale n'en renfermait pas. Dans les réflexiona fort judicieuses qui suivent, M. de Castelnau signale la différence des dépôts qu'il a observés avec ceux qu'a décrits M. Rayer. Dans les cas de M. Rayer, en effet, ce sont des grains rouges composés d'acide urique, tandis que dans l'observation de M. de Castelnau ce sont des lignes d'un blanc éclatant chimiquement constituées par de l'urate de soude. (L'analyse en avait été faite par M. Laroque, prépa- rateur à l'École de pharmacie.) Ce sont ces dépôts, chimiquement identiques à ceux des articulations qui appartiennent en propre à la goutte, ce sont eux qu'ont observés plusieurs fois les auteurs anglais MM. Ceeley, Todd et Garrod, et dont nous rapportons nous-mêmes un exemple.

Le docteur Todd, dans ses leçons sur quelques maladies des organes urinaires(l), consacre un long chapitre à l'état du rein dans la goutte, et il s'efforce d'établir qu'il y a constamment une forme particulière de néphrite chronique, qu'il appelle le rein goutteux, gouty kidney.

Le rein goutteux de Todd est petit, dur, atrophié, réduit à la moi- tié ou au tiers de son volume primitif. La capsule fibreuse y est opa- que et épaissie; la surface du rein est rugueuse et granulée. Sur une coupe, on voit que la diminution de volume porte sur la substance corticale, si étroite que les pyramides touchent presque la surface de l'organe.

Cet état du rein s'accompagne quelquefois pendant la vie, mais non constamment, d'une hydropisie limitée et peu considérable, qui n'est jamais générale et abondante comme dans la maladie de Rright. La quantité de l'urine n'est pas diminuée, mais elle est au contraire nor- male ou accrue. Elle est pâle, et contient de ralbumine, mais en pe- tite quantité. L'acide nitrique et la chaleur y font naître un léger pré- cipité, qui peut même n'être pas appréciable dans l'intervalle qui sépare deux attaques de goutte, pour reparaître au prochain accès. Les sédiments de l'urine y sont relativement en petite quantité. De l'é- pilhélium plus ou moins altéré, des cellules de pus, des dépouilles granuleuses (wrta:y casts) des tubes urinifères, forment dans l'urine un dépôt blanchâtre quelques heures après l'émission. Qu'il survienne

(1) Robert Bentley Todd, Clinical lectures on certain diseuses of the urinary organs and dropsies. London, 1857, in-12.

150 alors une attaque ai;AUC de goutte ou une irritation bronchique, et l'on trouvera dans l'urine dos urates en grande abondance.

Tels sont les caractères anatomiques et cliniques sur lesquels s'appuie le docteur Todd pour différencier la néphrite chronique des goutteux de la maladie de Bi'ight aiguë et chronique. 11 est certain que Jeg .caractères différentiels donnés par le docteur Todd sont le fruit d'une observation exacte, que l'œdème est rare et Umité, que l'albu piine, quand elle existe dans l'urine, est peu abondante, que les reins sont ordinairement atrophiés, endurcis et granuleux à leur surface; mais d'un autre côté, cet état du rein et les symptômes qui en résul- tent peuvent s'observer dans d'autres maladies que la goutte, et de plus, nous verrons bientôt par l'analyse d'une observation de M. Gar- rod et par la nôtre, que les reins de goutteux peuvent présenter ana- tomiquement toutes les lésions de la maladie de Bright (néphrite albumineuse, desquammative, ou parenchymateuse). Aussi croyons- nous que la distinction établie par Todd ne peut être admise dans les termes il l'a posée.

Quant aux dépôts d'urate de soude dans le rein, l'auteur que nous analysons les a notés deux fois, mais sans paraître leur attacher une grande importance, dans une de ses observations (obs. 38), et dans une autre qui lui a été communiquée par le docteur Ceeley. Notons en passant ce fait remarquable, c'est que deux des malades de Todd sont morts subitement, avec des symptômes urémiques très-évidents.

C'est au docteur Garrod qu'appartient l'honneur d'avoir mis en re- lief, dans son bel ouvrage sur la goutte (1), la forme spéciale des dé- pôts d'uratcs de soude dans le rein. En 1849, dans l'examen des reins d'un goutteux mort d'une autre maladie, il rencontra, dit-il, un dé- pôt Giayeux considérable. Il apparaissait sous forme de raies disposées suivant la direction des tubes des pyramides; la papille de chaque cône présentait de petits points blancs dus à cette matière. La sub- stance corticale montrait aussi quelques uns de ces dépôts. 11 a eu depuis l'occasion d'examiner plusieurs reins de goutteux offrant les mêmes lésions, notamment ceux de ses observations 4, 5, 6 et 8.

L'examen microscopique des dépôts blancs linéaires, ajoute le doc- teur Garrod, y montre une structure cristalline consistant en prismes

(1) Garrod, On goût and rhmmatic gont, London, 1859, et 2' cdit. (1863 p. 236 et suivantes, changes in tlie kidncys of gouly subjccts.)

151 d'urate de soude. Leur composition est coiistainmcnt la même; l'ana- lyse chimique y démontre de l'urate de soude seml^lable à celui des dépôts des cartilages articulaires. La murexide, avec sa belle colora- tio!) purpurine, prend naissance par la réaction de l'acide nitrique chaud et de Tammoniaque sur eux, et l'addition d'un acide fait cris- talliser des rhombes d'acide urique.

Une question se présentait, à savoir si le dépôt d'urate avait eu lieu en dehors des tubes urinil'ères ou dans leur intérieur. Le premier exa- men anatomique fait par le docteur Garrod le porta à penser que les lignes blanches étaient dues au remplissage des tubes urinifères, et ce fut aussi lidée de M. Ceeley; des examens ultérieurs modifièrent son opinion : les cristaux d'urate de soude, communément plus larges dans le rein que dans les cartilages, lui parurent plusieurs fois si- tués dans le tissu cellulaire plutôt que dans la cavité des tubuli: du reste, dit-il, ce point demande de nouvelles études.

L'examen anatomique du rein, dans le fait qui nous appartient, nous a permis de résoudre cotte question, au moins pour ce cas par- ticulier, dans lequel les cristaux semblaient au premier abord placés dans l'intervalle des tubes (fig. 3) ; mais par l'addition d'acide acéti- que et la dissolution des cristaux libres, on voyait qu'une partie du dépôt siégeait manifestement dans l'intérieur même des tubes urini- fères (fig. 4).

Quant à l'altération des reins qui accompagne ces infarctus ura- tiques, le docteur Garrod a généralement observé les reins atrophiés, condensés, et granuleux à leur surface, comme les décrit Todd sous le nom de gouiy kiclney. Dans ces cas, l'urine était albumineuse et contenait des dépouilles (cylindres fibrineux) granulées ou cireuses {wazy casts). Mais peut-être l'état atrophique et granuleux du rein tenait-il uniquement à la période avancée de la maladie étaient morts ses malades. C'est ce qui parait résulter de l'analyse de l'obser- vation très-intéressante d'un goutteux mort à sa huitième attaque peu de temps après le début de l'alîection (obs. 8). Dans ce cas le rein était sain en apparence, sa capsule s'enleva sans difficulté; il pesait 4 onces 1/2, et cependant la coupe de cet organe révéla dans les cônes de la substance tubuleuse des dépôts blancs d'urate de soude. L'exa- men microscopique du parenchyme rénal fut fait par le docteur G. Johnson, qui trouva l'épithélium des tubes trés-granulé, infiltré de graisse, la ligne extérieure des tubes urinifères trôs-sombre, etc.,

152 toutes lésions appartenant à la néphrite desquammative ou parenchy- mateuse (néphrite albumineuso de M. Rayer).

Dans un relevé des altérations réuales fait par M. Dickinson (1) dans les autopsies d'une période de dix ans de l'hôpital Saint-Geor- ges, à Londres, ce médecin n'a jamais rencontré que des reins durs et granulés à leur surface chez les goutteux. Il distingue deux for- mes de lésion rénale, l'une portant sur le contenu épithélial des tu- bes, qui donne lieu au rein lisse à sa surface, l'autre portant sur le tissu cellulaire interstitiel qui cause le rein endurci et granuleux. Or sur 152 casde reins lissés à leur surface, un seul, et encore est-il douteux, appartient à un sujet mort de la goutte. Sur 281 casde reins granulés, 27 au contraire appartenaient à des personnes sûre- ment goutteuses. Pour Dickinson, c'est donc le rein granuleux (né- phrite interstitielle) qui est prédominant dans la goutte, et telle est aussi l'opinion de Bashara (2).

Dans l'autopsie que nous avons faite , les deux reins présen- taient des lésions fort différentes à droite et à gauche : le rein gauche contenait seul des dépôts d'urate de soude. 11 était de gros- seur à peu près normale, de consistance molle. Sur la coupe, la sub- stance corticale épaisse et de coloration gris jaunâtre, montrait une injection assez vive des vaisseaux et des glomérules de Malpighi. Sur des coupes minces de la substance corticale, on voyait au microscope, à un grossissement de 80 diamètres, que les tubes con- tournés étaient opaques. Cette opacité était due aux granulations protéiques et graisseuses contenues dans les cellules épithéliales des tubes (fig. 2) qui avaient eux-mêmes subi une assez grande augmenta- tion de volume par l'hypertrophie et l'hypergénèse de leur contenu épithélial. Ce sont les altérations anatomiques de la néphrite pa- renchymateuse (deuxième degré de la néphrite albumineuse de M. Rayer), et il est impossible de ranger cet état du rein dans le gouty kidney de Todd.

Les dépôts blancs (fig. 1, A), linéaires, se détachaient vivement sur la substance tubuleuse rouge et injectée. Examinés sur des coupes fines à des grossissements de 80 à 300 diamètres, ils se sont montrés composés de longs cristaux prismatiques généralement parallèles ou

(1) Dickinson, Medko-chirnrgical transactions^ 1861, p. 170. 2) On dropsy connected with rénal diseases, 1859.

In:? réunis en faisceaux (lig. 3, D); quelques-uns d'entre eux parlant de la masse principalement se dirigeaient dans tous les sens (fig. 3, D').

Lorsqu'on eut ajouté de l'acide acétique, les cristaux libres furent dissous les premiers en même temps que se formaient les tables rhomboidales d'acide urique; la masse tout entière perdit sa struc- ture cristalline, devint amorphe, opaque, et prit la forme et le vo» lume de tubes urinifèrcs. Une partie du contenu de ces tubes se dis- solvant, on obtint la figure 4. dans laquelle une portion de tube, de- venue transparente G, se continuait avec une portion du même tube encore remplie. Ces examens microscopiques répétés à divers inter- valles ne nous ont laissé aucun doute sur le siège des dépôts dans le rein que nous avons observé. Les cristaux superficiels étaient libres et situés hors des tubes droits; mais ces derniers étaient aussi rem- plis par un dépôt probablement amorphe du même sel qui servait de point d'implantation aux aiguilles libres.

Le rein droit offrait des altérations toutes différentes ; il était petit, réduit au tiers à peine de son volume primitif, difficile à détacher de son enveloppe graisseuse. Sa capsule fibreuse y adhérait intimement La substance corticale atrophiée était couverte de kystes. Sur une coupe de ce rein, les vaisseaux se présentaient à l'oeil nu sous forme de lignes fibreuses très-apparentes, dures et privées de sang. La mu- queuse du bassinet épaissie présentait des plaques de coloration jau- nâtre répondant à des dépôts graisseux situés dans le tissu cellulaire sous-muqueux.

L'examen microscopique de ce rein montra une atrophie très-mar- quée de tout son parenchyme sécréteur, glomérules et tubes, en même temps que l'épaisissement des parois artérielles et des cloisons fibreu- ses qui séparent les glomérules et les tubes. Il n'y avait pas dans ce rein de dépôts uratiques.

D'après ce qui précède et l'analyse des faits, il est vrai peu nom- breux, qui ont trait à notre sujet, nous croyons pouvoir conclure :

L Que chez un certain nombre de goutteux, par suite de l'irrita- tion que cause dans le rein le passage d'une grande quantité d'urates, l'albumine se montre dans l'urine, irrégulièrement et en faible quan- tité, et coïncide parfois avec de U'œdème;

II. Que ces symptômes correspondent à une altération anatomique quelquefois très-avancée des reins, qui consiste dans une forme chronique de la néphrite alburaineuse (néphrite parenchymateuse),

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154 ou dans une altération chronique caractérisée par l'atrophie du pa- renchyme avec épaississemeut des cloisons fibreuses et des parois artérielies (néphrite interstitielle, gouiy kidnexj de Todd), mais que ces lésions n'ont rien par elles-mêmes qui soit spécial à la goutte ; 111. Que deux sortes de dépôts du rein appartiennent en propre à la goutte : les dépôts uriques ou néphrite goutteuse de M. Rayer; les dépôts uratiques qui sont caractéristiques de la goutte, et com- plètement identiques à ceux des articulations.

II. LÉSIONS DES ARTICULATIONS DANS LA GOUTTE.

Les dépôts uratiques caractéristiques de la goutte existent dans les cartilages, dans la séreuse articulaire, dans tous les tissus fibreux qui constituent les moyens d'union ou de consolidation des extrémi- tés articulaires ; on en trouve même parfois dans le tissu spongieux des têtes osseuses. Ces altérations ont été parfaitement décrites et représentées par M. le professeur Cruveilhicr dans son bel Atlas d'a- natomic pathologique. Nous ne reviendrons pas sur une description qui ne laisse rien à désirer, et nous donnerons seulement le résultat des recherches faites récemment à l'aide du microscope par divers auteurs et par nous.

Suivant M. le professeur Monneret (1), Leuwenhoeck aurait vu au microscope les cristaux salins des articulations des goutteux.

En 1843, le docteur Garrod, dans son remarquable travail sur les altérations du sang et de l'urine dans la goutte et le rhumatisme (2), a fait figurer un fragment de cartilage articulaire d'un goutteux l'on voit la inatièie tophacée disposée sous forme d'amas de cristaux d'une grande ténuité.

En 1845, Bramson(.3) a donné l'examen microscopique et chimique des cartilages d'un goutteux qui présentait, entre autres particula- rités intéressantes, des concrétions uratiques dans l'aorte.

En 1852 M. Broca, et Dufour en 1853, ont fait, à la Société anato- mique, des communications, peu détaillées du reste, sur les dépôts cristallins des cartilages des goutteux.

(1) Monneret, Thèse de concours, 1851.

(2) Medico-chirwgical transactions, vol. XXXI, p. 85.

(3) Bvamson, ArthritischeErkrankung der Gelenkknorpel, in Zeitscli fur rationnel Mcdicin, t. III, p. 175.

155

Le travail le plus complet publié sur ce point d anatomie patholo- gique est celui du docteur W. Budd (1). Suivant lui, la matière dépo- sée dans les cartilages se présente sous deux formes, tantôt granu- leuse et amorphe, tantôt parfaitement cristallisée. Le type principal qu'il a décrit et fait dessiner est celui que nous avons représenté. D'une masse centrale opaque s'irradient dans toutes les directions des aiguilles cristallines d'une grande délicatesse. Pour ce qui re- garde le rapport de ces dépôts avec les éléments qui entrent dans la structure du cartilage, l'auteur ne parait pas avoir une opinion bien arrêtée. « Cependant, dit-il, en étudiant une série assez étendue de spécimens, il devient graduellement évident qu'une relation existe entre le dépôt et la cellule propre du cartilage, ou, pour être plus explicite, que (dan? quelques cas au moins) la cellule cartilagineuse est le foyer de chaque dépôt individuel, le centre autour duquel la cristallisation s'effectue. » M. Budd présente cette opinion sous toute réserve, et ne regarde pas cette disposition comme la plus habituelle. Les cristaux étaient, dans le cas qu'il rapporte, composés d'urate de soude. Les cellules des cartilages affectés n'avaient pas disparu, et le dépôt était interstitiel de sa nature.

L'un de nous a montré en 1859 à la Société de biologie les altéra- tions des cartilages d'un sujet goutteux déposé à l'École pratique (2). a Les cartilages étaient inliUrés d'une matière d'un blanc mat, d'as- pect crayeux, formant des îlots d'inégale dimension, irrégulièrement disséminés, mais en général disposés de telle sorte que les plus vo- lumineux occupaient surtout les parties superficielles et le centre du cartilage, tandis que les plus petits se rencontraient principalement dans les parties profondes et à la périphérie. A l'examen microsco- pique de ces îlots, faits sur des tranches minces, la matière tophacée se présentait sous deux aspects différents. Tous les grands îlots et un certain nombre des petits étaient constitués par une masse amorphe grenue, tout à fait opaque. Les petits îlots, au contraire, dont quelques- uns n'étaient pas perceptibles à l'œil nu, résultaient pour la plupart de la réunion de fines et longues aiguilles cristallines qui s'agré-

(1) W. Budd, Rescarches on goût, in Mcdico-cliirurgical transac- tions, 1855.

(2) Comptes rendus des séances cl mémoires de la Société de bio- logie, 1850, p. 12'J.

156 geaieiit en rayonnant autour d'un centre commun, de manière à don- ner l'image d'une aigrette, de certaines algues, d'une pomme épi- neuse, etc. Au centre de ces agrégats de cristaux on rencontrait souvent un petit noyau de matière amorphe. On trouvait enfin, disséminés çà et dans l'épaisseur de la substance intermédiaire du cartilage, dans l'intervalle des deux espèces d'îlots dont il vient d'être question, des cristaux aciculaires en tout semblables aux précédents, mais complètement isolés, ou bien réunis seulement au nombre de 2 à 4. L'acide acétique concentré dissolvait très- rapidement et complè- tement, sans effervescence, les masses de matière grenue aussi bien que les amas de cristaux, ceux-ci toutefois un peu moins rapidement que celles-là. Peu de temps après la dissolution des îlots, on voyait se former, dans les points mômes qu'ils occupaient auparavant, de nombreux cristaux de formes très-variées, mais qui nous ont paru pouvoir être rapportés pour la plupart à l'une quelconque des cor- nées cristallines que peut revêtir l'acide urique.

Les dépôts de matière tophacée, ajoute le présentateur, et les amas de cristaux, siégeaient toujours exclusivement dans l'épaisseur de la substance intermédiaire du cartilage; on ne les rencontrait jamais dans l'iQtérieur des cellules. Celles-ci ne nous ont pas paru présenter d'altérations, alors même qu'elles étaient pour ainsi dire enveloppées plus ou moins complètement par un amas de matière tophacée. Nous verrons bientôt, par l'analyse du fait que nous rapportons aujour- d'hui, que notre opinion a été totalement modifiée à cet égard, et que nous avons toujours vu, dans ce cas au moins, que la matière amorphe siégeait dans les cellules et que les cristaux aciculaires libres prenaient sur elles leur point d'implantation. {Voir fig. 7.)

M. Garrod (op. cil.) donne de la disposition des cristaux dans les cartilages une description qui concorde pleinement avec celle de Budd et la nôtre : il prouve en outre ce fait d'une importance capi- tale :

Que Cinflammation goutteuse est invariablement accompagnée du dépôt d'un sel spécial [urate de soude), qu'elle a par cela même un caractère spécifique et diffère entièrement des autres affections arti- culaires.

Le dépôt d'urates a lieu dès les premières atteintes de la goutte articulaire, et il rapporte l'exemple d'un goutteux, qui n'avait éprouvé qu'une seule attaque, dans une seule jointure, au gros orteil et Ion

157 put constater le dépôt caractéristique dans les cartilages (obs. 9).

L'étude microscopique des lésions articulaires de ce malade dont nous avons rapporté l'histoire, nous a montré les particularités sui- vantes qui ne diffèrent pas pour les parties essentielles des faits que nous venons d'analyser.

A la surface des cartilages se trouvait une couche assez épaisse, opaque à la lumière directe, blanche à la lumière réfléchie. Examinée à un faible grossissement sur des couches verticales, cette couche était limitée d'un côté par la surface du cartilage, et de l'autre pénétrait dans la profondeur sous forme d'îlots régulièrement disposés les uns au- près des autres comme des festons. Chacun de ces gros ilôts examinés à un grossissement de 200 diamètres (V, fig. 6). donnait naissance à des houppes soyeuses de cristaux fins et allongés. Dans les gros îlots ou entre eux, on voyait des masses opaques plus petites (N, lig. 6) qui servaient aussi de centres de cristallisation, et qui avaient le volume et la forme de cellules cartilagineuses. En ajoutant de l'acide acétique, tout le dépôt se dissolvaiten même temps qu'apparaissaient les cris- taux d'acide urique, et il ne restait plus à la place des masses opa- ques que les cellules cartilagineuses parfaitement normales. Comme la dissolution se fait lentement et ne met pas moins de deux à trois heures, on en pouvait suivre les phases et voir que les cristaux et la masse amorphe contenus dans la substance intermédiaire du carti- lage disparaissaient les premiers, en laissant les cellules de cartilage noires et encore incrustées (C, fig. 7). Puis la membrane des cellules commençait à paraître, et les urates contenus dans son intérieur étaient dissous jusqu'au noyau qui restait opaque (G", fig. 7). Enfin le noyau, et en dernier lieu le nucléole, devenaient transparents (G'", fig. 7).

Ces résultats, parfaitement nets et plusieurs fois répétés, permet- tent d'affirmer que dans ce cas, et probablement dans tous les faits analogues, la matière amorphe d'urate se dépose aussi bien dans l'in- térieur des cellules cartilagineuses qu'en dehors d'elles. Là, comme dans le rein, pour les tubes urinifères, le processus est identique, la matière amorphe contenue dans les cellules de cartilage d'une part, dans les tubes urinifères d'autre part, forme la base du dépôt et de- vient le centre d'où s'irradient des aiguilles cristallines qui pénètrent entre les éléments anatoniiques voisins dans la substance iutercellu- laire.

158

Sui' les séreuses aiticulaii'erf, on voyait des poiiilri blancs plus ou moins tins toujours très-adliéreuls, dont le siège principal était les grosses franges visibles à Tœil nu qui se trouvent au pourtour du cartilage. Il existait même de ces dépôts dans les plus petites franges synoviales, visibles seulement au microscope (fig, 5), fait que nous n'avons trouvé signalé nulle part. Ces masses opaques donnaient im- médiatement naissance à des cristaux d'acide urique sous l'in- fluence de l'acide nitrique.

Enfin dans les tissus fibreux péri-articulaires, dans la couche cel- lulaire de la séreuse, dans les tendons et les ligaments, dans le tissu cellulaire voisin, et même dans les couches profondes du derme, les dépôts avaient toujours la forme de petits grains arrondis, solidement maintenus, constitués par de la matière amorphe. Leur solidité était due à une sorte de condensation autour d'eux du tissu cellulaire qui leur formait comme un enchatonnement.

Notre mémoire était depuis longtemps terminé, lorsque l'un de nous a eu l'occasion d'observer le fait suivant qui confirme de tout point les conclusions précédentes, aussi bien en ce qui touche les lé- sions des reins que celles des articulations. Dans ce cas, en efTet, notre malade perdait avec ses urines une quantité considérable d'al- bumine, et l'autopsie a montré c{uenous avions afTaii-e à unenéphrite parenchymateuse avec les granulations de Bright (troisième degré de la néphrite albumineuse de M. Rayer) et des dépôts uratiques du rein. Quant aux lésions articulaires, tlles étaient exactement les mêmes que dans la première observation.

goutte' articulaire; albuminurie; hypertrophie du coeur; autopsie; né»

PHRITE albumineuse (TROISIÈME DEGRÉ DE M. RAYER) ; CONCRÉTIONS UR.4^TIQUES DU REIN ; INCRUSTATIONS DE MÊME NATURE DES CARTILAGES ET DES TISSUS FI- BREUX ARTICULAIRES.

Obs. II. M... (Louis), âgé de 50 ans, mécanicien, entre le 25 janvier 1864 dans le service de M. Herard à Lariboisière, au n" 19 de la salle Saint-Landry.

Ce malade a tous les attributs du tempérament sanguin et d'une forte constitution; dans son enfance, il a eu des gourmes dans les che- veux et des glandes non suppurées au cou. Il dit avoir eu la gale il

159 y a Irente-cinq ans. Il s'enrhume très-facilement et tousse presque tous les hivers.

En 1855, il entre à 1 hôpital de la Pitié, il fait un séjour de deux ou trois mois pour une artiiropathie fébrile accompagnée de palpita- tions. Il fut traité pour un rhumatisme articulaire aigu, et il attribue cette première attaque à l'impression du froid auquel il était journelle- ment exposé quand il sortait de la cave il chauffait une machine à vapeur.

Depuis cette époque, il a eu presque tous les ans des attaques passa- gères caractérisées par des douleurs articulaires et la tuméfaction des jointures des extrémités. La première manifestation de ses douleurs arti- culaires ne portait pas spécialement sur les petites articulations, mais dans ses rechutes postérieures, ce sont toujours les petites articulations des doigts et des orteils qui se sont trouvées atteintes, et elles avaient conservé une tuméfaction persistante et de la gêne dans les mouvements. Ses dernières attaques ne duraient pashabituellement plus de huit jours. A la suite de son dernier accès, il a été regardé comme anémique et traité à la Pitié par des préparations ferrugineuses.

Le 22 janvier 1864, il a ressenti pendant la nuit une vive douleur au gros orteil de Tun des pieds. Le lendemain, les deux pieds étaientpris; il s'est fait conduire au parvis Notre-Dame, et de àLariboisière, il a été transporté sur un brancard.

Actuellement (25 janvier), la majeure partie des articulations des or- teils, surtout celles des premiers métatarsiens avec les phalanges des gros orteils, et les articulations du cou-de-pied sont tuméfiées, doulou- reuses, et la peau qui les recouvre est dun rose sombre. Le genou droit est également douloureux et tuméfié ; aux mains, l'articulation mé- tacarpo-phalangienne du pouce droit et la phalango-phalanginienne de l'index gauche sont noueuses, douloureuses et chaudes au toucher avec la même coloration rosée de la peau.

Le malade a de la fièvre, la peau chaude, le pouls fréquent; sa res- piration est dilEcile et accélérée. La percussion du cœur donne une ma- tité assez considérable se prolongeant surtout à la base du thorax la pointe bat en dehors du mamelon et plus bas qu'à l'état normal ; les bruits du cœur sont précipités, tumultueux et sourds sans bruit de souffle. L'auscultation des poumons fait entendre des deux côtés des râles vibrants et ronflants.

Les douleurs articulaires s'amendèrent très-vite, et le malade en fut complètement délivré au bout d'une quinzaine de jours; mais son affec- tion cardiaque et pulmonaire resta dans le même état.

Dans le milieu du mois de mars, on s'aperçut que son visage était bouffi, d'une pâleur blafarde, et ses chevilles œdématiées. On examina

160

alors à plusieurs reprises ses urines qui présentèrent les caractères sui- vants : Elles étaient pâles, presque incolores, transparentes, avec un très-léger dépôt au fond du verre; elles donnaient avec la chaleur et avec l'acide nitrique un précipité floconneux très-abondant d'albumine. Une seule goutte d'acide nitrique formait en y tombant un précipité lourd qui gagnait le fond du vase. L'examen microscopique du dépôt nous a montré des globules muqueux, des cellules épithéliales des tu- bes urinifères plus ou moins infdtrées de granulations graisseuses, îles cylindres hyalins en grande quantité et des dépouilles épithéliales.

L'anasarque se propagea à toute l'étendue des extrémités inférieures et aux parois abdominales; les palpitations, les accès d'oppression s'aggravèrent, et le malade tomba dans un état de cachexie hydrémique complet; les extrémités supérieures et le thorax étaient les seules par- ties respectées par l'œdème.

Le 15 avril, le malade se plaint de nausées, d'envies de vomir et de douleur aux articulations des phalanges. Les articulations phalango- phalanginiennes de l'index et de l'annulaire gauche, et la dernière join- ture de Tannulaire droit sont tuméfiées, leurs mouvements sont difïiciles et la peau rosée à leur niveau.

Cette nouvelle recrudescence de douleurs ne dura que peu de jours.

Pendant le mois de mai, se manifestèrent les symptômes d'une ascite accompagnée du développemeiii des veines sous-cutanées abdominales et de douleur continue dans les régions lombaires. Les urines présentè- rent les mômes caractères et la môme abondance d'albumine jusqu'au moment de sa mort, qui eut lieu le 4 juin.

Autopsie faite trente-six heures après la mort.

Les extrémités supérieures seules ne sont pas infiltrées, mais la face, les parois abdominales et les extrémités inférieures le sont à un haut degré.

Le péricarde contient peu de liquide; le cœur est énorme, visible- ment hypertrophié; ses parois, surtout celles du ventricule gauche, sont très-épaissies et de coloration jaune pâle; les fibres musculaires sont altérées et en dégénération graisseuse. Les orifices auriculo- ventriculaires et artériels sont parfaitement sains; l'aorte est suffisante, et très-légèrement athéromateuse; on voit seulemeut sur la surface in- terne de ce vaisseau de petites plaques jaunes non ulcérées. Les cavités du cœur sont remplies par des caillots adhérents, décolorés, qui se con- tinuent dans l'artère pulmonaire. Dans cette artère, ils ne sont pas ad- hérents et paraissent partout formés sur place pendant l'agonie.

Les poumons sont sains, sauf une congestion générale des deux côtés, et, du côté gauche, des adhérences du sommet de la plèvre. Dansée point existaient, à la surface du poumon, deux petites dépressions ci-

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catriciellos duies qui répondaient à deux masses crayeuses arrondies de la grosseur d'un petit pois renfermées dans des coques formées par le tissu pulmonaire induré. Ces petites masses contenaient des granu- lations et gouttelettes graisseuses, ainsi que des sels calcaires, mais pas de sels uratiques. Nulle pari sur la plèvre ni dans le poumon on no découvre de granulations tuberculeuses.

A l'ouverture du ventre, il s'écoule une quantité considérable de sé- rosité albumineuse limpide. Le péritoine est sain, le foie a son volume normal, la vésicule biliaire ne contient pas de calculs. La couleur du foie sur une coupe est uniforménient brunâtre, sans distinction nette des lobules : sa consistance est normale, sa surface lisse.

La rate est molle, sans augmentation de volume.

L'estomac et les intestins sont sains.

Reins. Le rein droit est diminué de volume; sa capsule s'enlève fa- cilement; sa surface, mamelonnée, présente partout une coloration uniforme gris jaunâtre et des granulations à peine saillantes de la gros- seur d'une tête d'épingle, généralement plus opaques que le reste du tissu. Ces granulations sont séparées les unes des autreappar des vais- seaux injectés qui rampent dans les sillons qui bordent leur circonfé- rence. La consistance du rein est pâteuse ; sur une surface de section, toute l'épaisseur de la substance corticale, y compris les pyramides de Bertin, présente la môme couleur et les mêmes granulations opaques que la surface rénale; de telle sorte que l'altération du rein dans ce cas est un type parfait de la maladie de Bright avec dégénération gra- nuleuse du troisième degré de M. Rayer. Les pyramides de Malpighi offrent une coloration rosée due à l'injection des vaisseaux. En deux points de ces pyramides, on voit de petiles concrétions blanches, crayeuses, très-fines, comme deux grains de poussière adhérente.

Ces deux petites concrétions, examinées au microscope, sont compo- sées û aiguilles pj-ismatiqiies cristallines qui se dissolvent pur Cuddi- tion d\icide acétique et se tran&formenl en cristaux d\icide urique.

Le rein gauche est plus volumineux que le droit et la substance cor- ticale plus congestionnée, moins pâle qu'à droite. Il présente du reste à la surface et sur les coupes de la substance corticale des granulations jaunâtres, en tout semblables à celles de son congénère. Il n'y a pas de concrétions uratiques.

Examen microscopique des reins. Les coupes de la substance corti- cale nous ont donné les résultats suivants : les granulations brightiques sont formées par des îlots de tubes contournés très-allérés, opaques à un faible grossissement, remplis de cellules épithéliales infiltrées de granu- lationsgraisseuses pressées, réfringentes, dont les plus grosses ont de 3 à i millièmes de millimètre. Les cellules épithéliales sont généralement

MÉM. 11

16^ voliiiiiineuse.>. Lcb lubes minii'ères ont a peu près leur volume normal (0,044 à 0,0G6 de diamètre). A côté de ces îlots très-altérés de la sub- stance corticale qui constituent dans ce cas particulier les granulations de la maladie de Bright, on voit des tubes urinifères presque complè- tement sains, possédant des cellules épithéliales transparentes ou légè- rement granuleuses.

Les glomérules de Malpiglii sont généralement normaux ; il en est ce- pendant qui offrent des granulations graisseuses dans la paroi de leurs artérioles.

Sur des coupes minces préalablement lavées au pinceau, on voit dans les tractus qui séparent les canalicules urinifères de très-nom- breuses granulations graisseuses situées, soit autour des noyaux, soit dans les noyaux eux-mêmes. C'est une altération athéromateuse du ré- seau capillaire du rein; les gros troncs artériels sont sains.

Articulations. En les examinant avant de les ouvrir, il aurait été dif- iicile de savoir si elles étaient saines ou altérées; elles n'étaient ni tu- méfiées ni déformées, et la seule qui présentât un peu de roideur était celle du gros orteil avec le métatarse. Nous avons ouvert les articula- tions métacarpo-plialangiennes des deux mains, les fémoro-tibiales et celles des gros orteils. Les premières étaient presque normales; dans celles du pouce seulement nous avons vu, sur le cartilage et à la sur- IV.ce de la séreuse, de petits points blancs, crayeux. Dans les articula- tions du genou, qui contenaient une assez grande quantité de synovie épaisse et un peu louche, les cartilages articulaires des rotules étaient, dans la moitié environ de leur surface, le siège de semblables dépôts. Quelques-unes de ces petites plaques crayeuses étaient déprimées en cupule à leur centre et érodées. Les cartilages des condyles étaient moins malades. La synoviale était partout parsemée de petits points blancs adhérents. Les articulations malades au plus haut degré étaient les inétatarso-phalangiennes des gros orteils. les surfaces des carti- lages étaient complètement incrustées, et l'incrustation s'étendait au tiers ou à la moitié de l'épaisseur du cartilage, tandis qu'aux jointures précédentes, le dépôt de sels uriques était constitué par une couche très-mince. La surface de ces dépôts était rugueuse et usée par places; ils s'enfonçaient dans la profondeur du cartilage sous forme de cônes, dont le sommet répondait à la partie du cartilage en lapportavec l'os. Dans ces articulations, la synoviale était fortement injectée et d'un rouge de sang dans tous les points elle était respectée par les in- crustations de sels uratiques.

L'examen microscopique nous a montré les mêmes lésions que dans l'observation précédente; aussi nous n'v insisterons pas avec autant de détail. Dans les carti!a^:e^, l'incrustation de sels amorphes siégeait

163 principalement dans lintérieur des cellules carUlai^incuses, et a la pén- pliérie de ces masses s"enfonçaient de tous côtés dans la sidDstance fon- damentale du cartilage les minces cristaux soyeux d'urate de soude. L"addition d'acide acétique faisait apparaître des cellules cartilagineuses où, avant la dissolution, on ne voyait qu'une masse opiupie. La dis- position des dépôts dans les franges synoviales, dans les tissus fibreux ei tendineux péri-articulaires était la môme que dans l'observation re- latée précédemment.

Ainsi, en rt'suiné, un malade est pcis d'attaques de goutte, d'hyjjer- ti'ophie du cœur, puis de néphrite alburaineuse; il succombe aux progrès de la cacliexie liydréniiquc. A son autopsie, on trouve les lé- sions caractéristiques de la goutte (dépôts d'urate de soude dans les cartilages) et de la maladie de Bright (troisième degré de M. Rayer); les reins pi'ésentent des traces de dépôts d'urate de soude. U parait bien probable que dans ce cas, le passage à diverses reprises dans les reins d'une grande quantité d'urates, à la suite de chacune des atta- ques de goutte, ou dans l'intervalle des accès, a été la cause occasion- nelle, l'épine qui a déterminé la production de l'affection rénale qui s'est montrée avec tout l'ensemble clinique et anatomiquede la ma- ladie de Bright. Les dépôts uratiques que nous avons trouvés dans le rein à l'autopsie étaient très-peu abondants, il est vrai; mais on sait avec quelle facilité ils peuvent être dissous et éliminés par les urines, et leur présence n'en a pas moins une haute importance pour déterminer la nature goutteuse de la néphrite albumineuse dans ce cas.

RECHERCHES

LES LÉSIONS DE L'ŒSOPHAGE

CAUSÉES PAR les' ANÉVRISMES DE L'AORTE; Communiquées à la Société PAR

M. LE Docteur E. LEUDET,

Çrqfesseur de clinique médicale à l'École de médecine de Rouen,

membre correspondant de l'Académie de médecine,

de la Société de Biolnpie, etc.

L'étude d'une maladie ne devient en général complète que lorsqu il est permis de l'observer fréquemment et, par conséquent, d'en scru- ter les diverses formes; d'autres maladies, plus rarement observées, demeurent par cela même relativement plus obscures -. c'est ce qui a eu lieu peut-être pour la variété d'accidents des anévrismes de l'aorte dont il est ici question. Dans un travail récent, M. Millard {BuU. de la Société analomique, sect. Il, t. VI, p. 42i, 1861) publiait un réï^umé substantiel de nos connaissances actuelles sur ce sujet, d'après l'analyse de ] G observations. Ayant moi-mOme eu l'occasion d'observer un nombre relaliviîmenl considéralilo de cette tei-miiiai- son des anévrismes de iaortii et de découvrir (VàWi les archives de la

ItiO ^cicnro plusiour? laits qui ne figuraient pas dans le savant travail (lu mf'decin des iiôpitaux de Paris, j'ai cru utile aux progrès de la science de publier quelques nouveaux éléments propres à éclairer quelques-uns des points de cette question.

La plupart des faits publiés actuellement, surtout dans les recueils français, nous montrent la perforation de lœsopliage comme com- plète; pour arriver à une notion plus exacte sur le mécanisme de ce travail pathologique, j'ai recherché surtout les observations dans les- quelles la perforation n'était pas achevée, des faits par conséquent dans lesquels on surprenait la lésion en cours d'évolution.

Ce rapprochement d'observations de lésions plus ou moins avan- cées de l'œsophage sous l'influence de la pression exercée par l'anè- vrisme aortique contigu avait pour but de montrer qu'elle était la vraie parmi plusieurs théories émises; l'une, en effet, c'est celle de Mondière {Mal. de l'œsophage ; Arcidv. gén. de méd., sect. Il, t. III, p. 50, 1833), prétend que la perforation, qui est produite par un ané- vrisme de l'aorte, doit être attribuée à une sorte d'usure, sans tra- vail inflammatoire. La portion du tube œsophagien, dit-il, qui se trouve en contact avec le sac anévrismal, se désorganise, s'amincit, s'use de plus eu plus, et finit enfin par se détruire complètement. Celte opinion de Mondière paraît, au moins en partie, celle de M. H. Lebei'l {Traité d'anat. puili. gén., vol. 1, p. 521); en effet, suivant lui, c'est de dehors en dedans que semble progresser le travail qui prépare la comnmnication entre le vaisseau sanguin et la partie supérieure des voies digestives. Une autre opinion, celle la plus généralement reçue aujourd'hui et professée dans son travail par M. Millard {loc. cit., p. 429), est que dans les anévrismes de l'aorte s'ouvrant dans l'œso- phage la perforation a lieu par gangrène.

C'est à cette dernière opinion que je me rattache et crois, d'après l'analyse des faits cl pour les raisons que je vais donner, que l'usure de l'œsophage de dehors en dedans, que la rupture par phlegmasie n'a jamais été démontrée cliniquement ou anatomiquement.

L'anévrisme de l'aoï'te, eu comprimant l'œsophage, donne lieu à plusieurs ordres de lésions; je ne parlerai pas ici du déplacement, beaucoup plus rare qu'on ne pourrait le présumer, et qui s'explique cependant par les liens étroits musculaire et cellulo-fibreux qui fixent le commencement de l'œsophage aux voie aériennes supérieu- res. Ces cas de déplacement sont rares dans la science; je sais cepen-

(!;uil qn il L'. l iiuliijiii' dans r.ii l'ail im'.-onté jiar M. ûo lloaiivais à la Société anatomiqiie. Il est plus diflicile de se rendre compte de la compression simple, eu égard aux changements de rapports que la dissection opère dans les parties. Restent donc les lésions de tissu ; ce sont celles dont je m'occuperai ici.

Ces lésions sont, ou bien la gangrène simple des parois de l'œso- phage, ou l'ulcération de ce canal sans communication avec l'aorte, ou bien enfin la conmumication libre entre l'œsophage et l'aorte ané- vrismatique par une ouverture plus ou moins grande.

Les observations parvenues à ma connaissance sont les suivantes, que je classe d'après la division ci-dessus :

I. Anévrismes de l'aorte causant la gangrène de l'œsophage.

Hal)ershon, Observations on tlie diseases of the alimentary canal, p. 47. 1857, 1" édit.

GuU, dans l'ouvrage d'Habershon, p. 'i8. Londonmed. (htzclte, mai 1839; Archiv. gén. deméd., série Ul, vol. Y, p. 180.

II. Anévrismes de l'aorte causant une ulcération de V œsophage qui ne communique pas avec le vaisseau sanguin.

J. B. S. Jackson, Catalogne of tlie Boston Society for médical improvement. p. 98. 1847. R. Leudet. fait inédit.

III. Anévrismes de Caorte avec perforation complète de Cœsojy/iage.

Popham, Journ. de Sclimidt; Archiv. gén. de méd., série V, vol. XI, p. 477.

FuUer. Loîid. med. Gaz., janvier 1847; Archiv. gén. deméd., série IV, vol. XXI, p. 378.

Soemmering, cité dans Yoigtel, Path. anat., vol. I, p. 468. 1804.

Mac Dowell, Dublin hosp. Gaz., 1856; Canstatt's Jahrerb, 1856, vol. m. p. 248.

W. H. Walslio, Diseases oftke licart and Lungs, p. 555. 1851.

G. Langstaff, Catalogue of the Muséum of tlie royal Collège of surgeons of England, Path. spec, vol. III, p. 253. 1848.

Sir W. Blizard, ibid., p. 252.

A ces observations, il faut ajouter celles dont on retrouvera l'indi-

168 cation dans le travail de M. Millard. Co sont les faits publiés par Ar- miger, Sédillot, Fauconneau-Dufresne, Briclieteau, Ouvrard, Rear- don, Morgagni, Sauvage, Bertiu et Bouillaud, Cruveilliier, Serverin, Walil, une publiée dans les Epliéméridesde Montpellier^ et enfin trois observations qui me sont propres; deux d'entre elles ont déjà été pu- bliées (Bulletins de la Société anatomique, série I, vol. XXIII, p. 25. 1848; vol. XXVI, p. 355. 1851), la troisième est inédite et sera con- signée dans ce travail.

Gomme il est facile de le prévoir, Tanévrisme occupait dans tous les cas la portion descendante et la crosse de l'aorte, tantôt limité à cette partie du vaisseau, comme dans les observations d'Habershon, dePopbam etFuIler, tantôt comprenant, outre cette partie, une éten- due plus ou moins grande de Taorte ascendante ou de l'aorte des- cendante. Le plus souvent l'anévrisme était constitué par le soulève- ment de la tunique cellulaire avec rupture des tuniques interne et moyenne; cependant dans quelques cas l'anévrisme était vrai, c'est-à- dire consistait dans une dilatation plus ou moins étendue de toutes les tuniques occupant une partie variable de la circonférence du vaisseau.

De ta gangrène de l'œsophage consécutive à la pression exercée par fanéorisme de l'aorte. Cette lésion est rare; aussi n'en connaissons- nous que peu d'exemples que nous transcrivons ici.

Anévrisme de l'aorte ; gangrène de l'oesophage .sans communication avec le VAISSEAU SANGUIN. (Extrait dc Haberslion, Diseases of the alimentary canal., p. 47. 18.57.)

Obs. L James (F.), âgé de 34 ans, fut admis dans les salles du doc- teur Hughes (hôpital de Guy) en novembre 1855, et mourut en janvier 1856; c'était un homme d'habitudes régulières, marié et ciiltivateur à Dartford. Six mois avant son entrée à Ihopital, après avoir porté pen- dant peu de temps des fardeaux très-lourds, il ressentit dans le sein gauche une douleur très-vive qui augmenta rapidement d'intensité et s'étendit jusque dans l'espace interscapulaire.

Le 4 décembre, la douleur se localisa plus au niveau du sein gauche, et l'on entendit un léger bruit de souffle au premier temps. Le 1" jan- vier, le docteur Hughes remarqua que le pouls était plus faible à la radiale droite, et le malade accusa de la difficulté pour avaler les ali- ments solides. La dysphagie augmenta d'intensité et la dyspnée de- vint plus pénible: le 20 janvier, il était incapable d'avaler les ali-

nients; sa ligure élail livide, la (ly^pnée oxtrt'mo el la douleur affreuse. 11 mourut le 25 janvier.

Les poumons étaient emphysémateux pâles, mais modérément affais- sés; on constatait une indammalion du péricarde elune injection con- sidérable des doux plèvres. Une tumeur anévrismale du volume d'une grosse orange existait à la fin de la crosse de l'aorte; ses parois étaient minces; la partie postérieure du vaisseau était détruite et remplacée par une cavité située en avant du corps des vertèbres; le corps de l'une des vertèbres était résorbé. Il y avait de la fibrine dans le sac. La tumeur anévrismale avait comprimé l'œsophage et oblitéré complète- ment sa cavité; ses parois verdâtres exhalaient une odeur fétide et étaient sphacelées; il n'existait cependant aucune perforation. Les deux bronches étaient comprimées. Deux autres tumeurs anévrismales exis- taient dans la partie ascendante et transverse de la crosse de l'aorte.

Cotte observation, bien qu'exceptionnelle, est presque identique avec un autre fait publié antérieurement, et que je reproduis à cause de sa rareté.

Anévrisme de l'aorte. r.ANGRÈNE DE l' OESOPHAGE. (Londou, Mccl. Grt2:.,1839. Arcfiiv. gén. de méd., sér. III, vol. Y, p. 480, 1839.)

Qbs. II. Hempson, mécanicien, âgé de 56 ans, eut l'année dernière une indisposition qu'on traita de grippe.

Le 2 janvier, étant ivre, il tomba sur le côté.

Le 6, il fut pris subitement d'une impossibilité d'avaler et fit appeler un médecin ; il ne souffrait plus du côté et ne se plaignait que de l'im- possibilité d'avaler toute substance liquide ou solide ; tout ce qu'il pre- nait s'arrêtait à un point fixe qu'il rapportait à environ 3 pouces au dessus de l'ouverture de l'œsophage dans l'estomac. Les matières ingérées ne produisaient pas de douleur au passage, mais au bout do deux ou trois minutes, il en sentait une très-vive qui durait cinq à six minutes et était suivie de vomissements. On supposa une constriction spasmodique et l'on proposa d'introduire une sonde œsophagienne ; mais, comme le malade ne voulut pas y consentir, des lavements furent administrés. Les symptômes continuèrent et la mort par inanition sur- vint quinze jours après la première apparition de la dysphagie.

Autopsie. Point de fracture des côtes ; à gauche anciennes adhé- rences; vaste sac anévrismal de l'aorte pectorale rempli de couches fibreuses qui semblent oblitérer sa cavité. Cet anévrisme comprenrl l'aorte thoracique tout entière depuis l'origine de ses vaisseaux jus- que près de son passage à travers le diaphragme et comprime l'œsophage

17(1

au point le malade éprouvait de la ronstriction. 1/œsophage pré sente sur son trajet, dans une longueur de 4 pouces, une couleur noire et un aspect gangreneux, il est ramolli, réduit en bouillie, et se déchire par la moindre pression. 2 pouces au-dessus et au-dessous de ce point, le conduit est, au contraire, épaissi et congestionné. Les valvules du cœur sont saines, ainsi que tous les vaisseaux du thorax; le ventricide du cœur est légèrement hypertrophié; les organes abdominaux n'offrent aucune altération.

Ces deux observations présentent une étendue tout à fait excep- tionnelle du sphacèle de Tœsopliafïe sous l'influence de la compres- sion exercée par l'anévrisme de l'aorte; du reste les symptômes con- statés pendant la vie sont complètement en rapport avec les lésions. En effet la dysphagie était telle que la déglutition était devenue pres- que absolument impossible, et cela par une progression très-rapide des accidents. Dans aucun autre cas de gangrène localisée ou d'ulcé- ration peu étendue, la dysphagie ne fut aussi marquée.

D'autres fois, comme dans une observation de Gull (obs. III), la gangrène est beaucoup plus limitée ; il en est de même dans une ob- servation du docteur Fuller.

Ces cas oii l'on rencontre l'oesophage spbacelé sans aucune commu nication, sont, du reste, exceptionnels; le plus souvent l'escarre est dt^à détachée, cependant on a constaté dans un cas très-intéressant que le détacliement de l'escarre n'était pas encore accompli; tel je résume ici le cas de cette observation.

Anévrisme de i,'aorte ascendante ouvert dans le péricarde; gangrène

DE l'oesophage COJIMCINIQUANT AVEC LA BRONCHE GAUCHE; par Ic dOCtOUr

Gull. (Citât, de Habershon, Diseuses of ttie alimentary canal, p. 48,

IS57.)

Obs. III. Frédéric K..., âgé de 23 ans, fut admis dans le service du docteur Gull l'hôpital de Guy) le 23 janvier, et mourut le 26 avril 1856. Il avait joui dune bonne santé jusque il y a cinq mois, époque une caisse suspendue à une grue lui frappa la poitrine ; quinze jours après il ressentit dans cet endroit une douleur qui alla en augmentant jusqu'à trois semaines avant son admission à l'hôpital, et qui existait encore à celte époque. On constate alors une impulsion entre les deuxième et troisième côtes droites, et un frémissement au deuxième temps du cœur. De la douleur est accusée par le malade au niveau du siège de l'impulsion et se propage, le long du bras droit surtout, à son

côti* interiio Pt sous lo grand pccloral. Un bruit do souflle fut consUiln au niveau du siégo do la Unncur; sommeil impossible pendant la nuil.

Le 10 avril, le malade éprouva une difliculté de la déglutition qui augmenta les jours suivants.

Le 28, après avoir parlé à des amis, il mourut subitement.

En enlevant le sternum, on trouva un anévrisme de l'aorte ascen- dante qui atteignait à droite le sternum. Le péricarde était plein de sang, et présentait dans sa partie supérieure un petit orifice irrégulier qui communiquait avec l'aorte. Le cœur présentait son volume normal ; le ventricule gauche n'était pas hypertrophié; les valvules étaient saines. L'aorte ascendante donnait naissance à un sac anévrismatiquc qui avait environ 2 pouces 1/2 de diamètre, principalement du côté droit. Le poumon était adhérent et presque perforé. L'anévrisme s'éten- dait jusqu'à la carotide gauche; au-dessous de la sous-clavière gaucl:e existait une autre petite dilatation. Au centre de l'œsophage, dans l'en- droit où il est en contact avec la lironche gauche, on remarque une escarre gangreneuse et une ouverture dans la bronche, avec beaucoup de tissu inflammatoire; il n'existait aucune communication avec lo vaisseau.

Dans ce fait, nous trouvons une lésion peu indiquée parles auteurs, c'est une escarre de l'œsopliage, sans communication avec le vaisseau sanguin, et même dans ce cas, quoique le peu de détails ne nous poi- mette pas d'aflirmer le fait, il semble que la lésion soit surtout loca- lisée au niveau de la surface interne du canal œsophagien. Ce qu'il nous importe de constater ici, c'est que l'escarre est localisée, pou étendue, non encore détachée.

A un degré plus avancé, la partie sphacelée de l'œsophage est trou- vée en partie détachée ; c'est ce qui avait lieu dans un fait publié par le docteur Fuller. (Lond., M éd. Gaz., janvier 1847. Air h. gcn. de méd., sér. 4, vol. XVI, p. 378, 1848.) On voyait dans ce cas l'aorte ané- vrismalique communiquer simultanément avec la trachée et l'œso- phage par deux orifices séparés. « L'ulcération de l'œsophage, dans ce cas, de forme ovalaire, était un peu plus grande qu'un shelling, avait des bords irréguliers, et était bouchée en partie par une escai're brunâtre adhérente aux parties voisines; c'était par une partie de cette ouverture, dont l'escarre s'était détachée, que le sang avait pé- nétré dans l'œsophage et dans l'estomac.

Jusqu'ici nous observons une gradation des lésions depuis le spha- céle non localisé jusqu'à l'escarre limitée et jusqu'à un commence-

ment tVéliminatina do lu partie mortifiôe; dans les faits quejo viens de relater ici, la partie interne de l'œsophage semble surtout altérée; malheureusement on regrette de ne pas trouver dans ces faits des détails exacts sur l'état des tuniques externes, ce qui aurait permis d'établir dans quel ordre s'altèrent les tuniques de l'oesophage. J'ai moi-même eu l'occasion de recueillir une observation que je crois propre à éclairer un peu ce fait, et je la transcris ici dans ses détails.

ANÉVRISME DE l'aORTE ASCENpANTE OUVERT DANS LE PÉRICARDE; ULCÉRATION DE LA PARTIE INFÉRIEURE DE LA TRACHÉE ET DE L'œSOPHAGE, SEULEMENT A SA PARTIE INTERNE, SANS PERFORATION; MORT; AUTOPSIE.

Obs. IV. Deleau (Louis-Pascal), âgé de 62 ans, revendeur, d'une taille moyenne, muscles peu développés, maigre, entre le 2 octobre 1863 à THôtel-Dieu, salle 19, 4, dans ma division.

Malaise depuis deux ans, D... n'éprouvait cependant aucune douleur localisée et ne se rappelle qu'une éruption pustulo-crustacée de la lar- geur de la paume de la main au niveau de la fosse iliaque droite; cette éruption avait duré cinq à six mois ; cependant ses souffrances ne l'em- pochèrent pas de travailler; depuis le mois de juin 1863, son état ma- ladif a augmenté, il est survenu de la toux, de la gêne de la respira- tion, et depuis quinze jours avant l'entrée de l'œdème très-considérable et rapidement croissant des membres inférieurs ; depuis la même épo- que, anorexie et abattement.

Lors de l'admission à l'Hôlel-Dieu, D... était dans l'état suivant : pâ- leur, un peu de cyanose des lèvres et des mains; anasarque assez mar- qué de toute la longueur des membres inférieurs: dyspnée, impossibilité de demeurer couché horizontalement; le malade est presque toujours assis. Distension de la veine jugulaire gauche sans aucun pouls vei- neux, sans régurgitation ; la veine jugulaire droite est relativemeni beaucoup moins distendue; aucune déformation ou voussure de la paroi antérieure du thorax, dans la région précordiaie ou ailleurs; aucuneim- pulsion visible, mais la main perçoit dans une grande étendue depuis la deuxième jusqu'à la cinquième côte gauche une impulsion profonde; malité très-intense dans toute cette étendue dépassant en dehors lema- melon et un peu à droite le sternum sous lequel elle est absolue. Les deux bruits du cœur sont sourds, sans souffle distinct ; cependant le premier bruit semble plus couvert que le deuxième. Aucun frémisse- ment cataire ou soulèvement des artères du col. Isoclironisme et déve- loppement égal du pouls peu accéléré aux deux artères radiales. Res- pir.'itinn rude aux deux sommets avec beaucoup de rrdes sous-crépi*

173 Unis à grosses bulles ressemblant presque ii du gargouillement; en arrière, cette ressemblance avec le gargouillement est encore plus mar- quée aux deux sommets, mais il n'y a ni bronchophonie ni matité. Ex- |)ectoration spumeuse el un peu purulente. Anorexie, pas de difficulté remarquée dans la déglutition; aucun trouble digestif; Turine estasse/. colorée, non sédimenteusc, et ne donne pas de précipité d'albumine quand on l'examine par la chaleur ou par l'acide nitrique. (Vésicatoire volant sur le thorax, gomme sucrée, pectoraux, julep diacodé.)

Du 3 au 6 octobre, l'état de D... demeure à peu près le mème;rexa- Hien de la région précordiale donne les mêmes résultats; l'atrophie est la même, et D... passe une partie des nuits assis sur son lit. (Vésica- toire le 6 octobre sur le thorax.)

Le 7 octobre, à dix heures du soir, mais après un affaiblissement pro- gressif déjà manifeste dans la matinée, connaissance restée intacte jus- qu'à la mort.

Examen du cadavre le 9 octobre 1863, à neuf heures du matin. Temps chaud et assez sec.

Cerveau et moelle non examinés.

En ouvrant la cavité thoracique, on trouve les deux poumons refoulés en dehors par une tumeur ayant le volume du poing d'un adulte et sur- montant le péricarde qui semble lui-même distendu.

Le péricarde était distendu par une masse de sang non-seulement coa- gulé dont la quantité pouvant être évaluée à 150 grammes; ce sangétail placé dans le péricarde en avant du cœur Jansdeux cavités circonscrites par des adhérences anciennes et cellulo-fibreuses; en arrière un acco- lement complet des deux feuillets du péricarde a' ait empêché l'épan- chement de se faire dans cet endroit. A la partie supérieure du cœur, en avant des ventricules, l'aorte énormément dilatée anévrismatique com- muniquait avec la cavité du péricarde par un orifice morbide qui avait permis lépanchement du sang dans sa cavité. Le cœur lui-même étant d'un volume un peu au-dessus de l'état normal, surtout au niveau du ventricule gauche, la valvule mitrale était intacte, comme la tricus- pide, les valvules aortiques étaient un peu épaisses.

Immédiatement au-dessus des valvules sigmoïdes de l'aorte commen- çait la tumeur anévrismale qui occupait toute la hauteur de Taorte as- cendante; elle avait une capsule capable de loger la tête d'un fœtus à terme et contenant beaucoup de caillots de sang noirâtre à peine déco- lorés dans une petite parti(^ de leur étendue; aucun caillot stratifié an- cien comme ceux des anévrismes succiformes. Les parois sont formées par toutes les tuniijues dilatées avec de petits points dans lesquels la tunique moyenne est ronqiue et la tunique celluleuse est saillante.

La crosse de l'aorte se continuait avec la tumeur anévrismale et ne

174

présentait aucun rétrécissement ou ampliation partielle autre. Les gros troncs du col et des membres supérieurs étaient sains.

Le larynx était sain, la trachée présentait, vue à l'intérieur, une pe- tite tache un peu brunâtre ayant 0,02 de long sur 0,01 de large au ni- veau de sa partie inférieure et un peu externe se continuant dans la partie supérieure et un peu externe de la bronche gauche; à l'intérieur de cette partie du canal aérien on n'observait aucune apparence de ré- trécissement ou d'aplatissement ni aucune ulcération. L'œsophage ac- colé dans ce point à cette partie du canal aérien n'offrait à l'extérieur rien d'anormal ; en l'ouvrant on trouvait à sa partie médiane et un peu à gauche une perte de substance de sa tunique muqueuse et fibreuse un peu ellipsoïde; les bords de cette perte de substance sont taillés à pic, un peu noirâtres, sans aucune trace de vascularisation périphérique, de supinu'alionou dépaississement du tissu cellulaire environnant. Dans le fond de la plaie on voyait les anneaux cartilagineux de la trachée et du commencement de la bronche gauche au nombre de quatre saillants comme des épines, leur partie libre et détachée dirigée perpendiculai- rement à l'axe de la trachée et tous détachés suivant une môme ligne verticale. Ces anneaux n'étaient pas ramollis. Ailleurs les anneaux n'é- taient pas dénudés ; il n'existait aucune communication entre les voies aériennes et l'anévrisme; mais la poche appuyait dans ce point sur la trachée.

Poumons volumineux, ))arsemés de quelques bulbes d'emphysème, sans aucune dilation des bronches ou trace de pneumonie. Les poumons n'offraient aucune adhérence avec l'anévrisme.

Aucune altération des viscères de l'abdomen; foie un peu conges- tionné, sain; rate et reins sains.

Dans ce fait, il semble démontré que le travail de destruction a commencé à la face interne de l'œsophage; en effet, j'insiste spécia- lement ici sur l'absence d'adhérence étroite du canal alimentaire avec la tumeur anévrismale et le défaut d'épaississement du tissu cellu- laire. D'ailleurs l'a^sophage au niveau de l'ulcération, comme au- dessus et au-dessous d'elle ne présentait aucun signe de phlegmasie. Quelle a donc été, dans ce cas, la lésion primitive? Les faits citésplus haut me permettent de supposer qu'il y a eu d'abord une gangrène localisée de l'œsophage à sa partie interne, et que le détachement de l'escarre a mis à nu et détruit une partie de la couche externe délia bronche gauche. On aurait doue pu dans ce cas, si le malade n'était pas mort par suite d'une rupture de l'anévrisme dans le péricarde,

175 observer une tistule brocho-cusophagieinicsaiiri (;ouiniLinicatiou avec

le vaisseau sanguin.

Une autre lésion peut encore s'observer, c'est la propagation du travail de destruction s'étendant des voies aériennes à l'œsopliage ; c'est ce qui avait lieu dans le cas suivant que j'emprunte à un obser- vateur américain :

AnÉVRISME de l'aorte ouvert dans la BRONCUE GAtCUE QUI COMMUNIQUE

ELLE-MÊME AVEC l'oesopiiage. (J. B. S. Jackson, Cutcilogue of Ihe Mu- séum of tfie Boston Society for médical impivvemenf, p, 98. 1847.)

Obs. V. - Une négresse âgée de 64 ans fut d'abord vue par le doc- leur R... en octobre 1834 pour un rhumatisme supposé de l'épaule gau- che et d'un coté du col. En octobre 1835, quand elle fut examinée pour la première fois, ellp déclara que pendant l'hiver précédent, elle avait commencé à éprouver de la dysphagie, de la céphalalgie et une dou- leur du col s'étendant jusque derrière l'oreille gauche. Pendant la se- maine précédente, elle avait eu de l'orthopnée, de la douleur, une op pression à la base du sternum et une toux déchirante, fréquente, sans expectoration; jamais elle n'eut de palpitations. La dysphagie était par moments considérable; elle ne pouvait avaler un morceau de viande sans boire et souvent éprouvait d'affreuses douleurs après avoir essayé de le faire. En examinant la poitrine, on trouva à gauche du sternum, au niveau de l'articulation de la pièce supérieure et moyenne de cet os, une saillie marquée, et au même endroit une forte impulsion et de la matité à la percussion. La respiration était mêlée de râles sibilants dans tout le poumon gauche, puérile et mêlée de râles sonores dans le poumon droit. Aucun bruit de souffle. On porta le diagnostic d'un ané- vrisme de la crosse de l'aorte.

A partir de cette date d'octobre 1835, les principaux symptômes et signes physiques persistèrent ; la dysphagie devint surtout très-gênante, au point de faire redouter constamment une suffocation. Le 22 février 1836, pendant ({u'elle était en train de causer, elle fit un effort pour se soulever et demanda un crachoir, (]uand un flot de sang s'échappa i)ar la bouche et le nez, et elle mourut immédiatement, ne rendant pas plus d une pinte do sang.

Autopsie. Vaorlc est dilatée depuis son origine jusqu'au delà de la crosse, existent deux anévrismcs faux, presque aussi volumineux que le poing; l'un deux est adhérent à la partie sui)érieurc du sternum. La concavité do l'aorte pressait sur la bronche gauche, avec laquelle elle communiquait par un orifice placé presque à la naissance de cette bron-

nC)

ciio. A la sui!ac(:î inlcine do 1 œsophage, on trouve un pelil ulcère pro- l'ond qui communique avec la bronche gauche près de l'orifice de coni- nmnicalion de cette bronche avec Tanévrisme. La trachée et les bron- ches du côté droit sont pleins de sang coagulé. Le poumon droit est volumineux et sain, le poumon gauche est plus petit, son tissu com- primé et carnifié.

L'observation que je viens d'emprunter au catalogue du musée de Boston complète celle que jai moi-même recueillie, elle fournit éga- lement la preuve de la possibilité d'une ulcération de l'œsophage sans communication avec lanévrisme, il semble que dans ce cas la lésion initiale ait été celle du canal aérien, et que celle-ci ait amené consécutivement la perte de substance de l'œsophage.

Un fait bien connu de M. Cruveilhier {Atlas cVanatomie pathol., liv. III, pi. 4), présente une autre variété de lésions. C'est une perfo- ration de l'œsophage communiquant avec l'anévrisrae et plusieurs perforations incomplètes de la bronche gauche.

L'ulcération de l'œsophage consécutive à la pression par 1 anc- vrisme de Taoï-te, mais sans communication avec le vaisseau, est luie lésion, du reste exceptionelle, on rencontre en général la perforation déjà complète, et une libre communication entre Lœsophage et la- névrisme. L'ulcération perforante a presque toujours une forme ronde ou ovo'ide, ce que l'on comprend facilement en admettant que la mortification rèsulte de la compression exercée par un cylindre vertical sur un autre cylindre, qu'il touche dans un endroit souvent peu étendu, ce qui est plus mai-qué encore quand la cause compri- mante est un sac anévrismal dit faux; les bords de ces orifices sont en général lisses, c'est du moins ce que j'ai observé moi-même dans les quatre faits que j'ai recueillis et dans les faits publiés, rinégalité des bords de la plaie n'est guère indiquée que dans les faits de Sau- vages et de Georges Laugstaff. Encore la description que ces auteurs nous donnent des bords de la perte de substance est-elle assez écour- tée, pour qu'on ne puisse y attacher une trop grande iAiportance.

Ces premiers caractères nous montrent beaucoup plus les carac- tères d'un ulcère reUquat dune escarre éliminée, que d'nn produit phlegmasique.

Il est un autre caractère auquel quelques observateurs ont attaché une interprétation que je ne crois pas assez démontrée, c'est la colo- ration noirâtre des bords de la plaie; on a voulu y voir la preuve

(l une lésion ancienne, cunnne on l'observe dans des pertes de sub- stances consécutives à des pblegmasies de longue durée. Si l'on se l'appelle que le point de départ de la perte de substance est presque toujours une gangrène, on doit manifestement ne pas bésiter à croire que le dépôt de pigment peut exister sur les bords dune perte de substance même de date récente. C'est, du reste, toujours un pro- blème difficile que de chercber à déterminer l'époque présumée du début de la lésion œsopbagienne.

Les lésions des tuniques externes de rœsopbage sont à peine indi- quées dans la plupart des observations, ou bien elles sont indiquées comme ayant fait défaut. L'adhérence seule de Tanévrisme à l'œso- phage au moyen d'un tissu cellulaire plus ou moins dense n'est pas une preuve d'un travail phlegmasique antérieur, dans toutes les compressions exercées par des tumeurs sur la couche celluleuse, on voit celle-ci se condenser à mesure qu'elle diminue d'épaisseur. Ce que nous remarquerons surtout, c'est que dans aucun fait à nous connu, on n'observe jamais la destruction des couches externes, les internes continuant à exister, que par conséquent l'usure simple comme cause des lésions de Toesophage dans les anévrismes de l'aorte est plus que problématique.

Des symptômes des LÉsmxs de l'œ:soph.\ge consécutives a lx

PRESSION exercée PAR LES ANÉVRISMES DE LAORTE, J'ai peU de

chose à ajouter à ce qui a été écrit jusqu'ici sur ce sujet; tous les observateurs ont signalé l'état souvent latent des anévrismes de lu portion descendante et postérieure de la crosse de l'aorte et plus encore de la portion descendante de l'aorte thoracique, l'usure des vertèbres, la compression de la trachée, d'une bronche et même de l'œsophage, peut s'opérer longtemps et préparer des lésions mortelles sans éveiller aucune manifestation séméiologique. M. Millard a fort justement insisté sur ce point de séméiologie, et je rapporterai ii l'appui de cette opinion le fait suivant emprunté à ma pratique per- sonnelle.

ANÉVRISME DE l'aORTE TnORACIQL'E DESCENDANTE OUVERT DANS LOESOPHAGE. HÉMORRHAGIE GRAVE. MORT DIX-HL'IT HEURES APRÈS l'iIÉMORRHAGIE. ANÉ- VRISME DU COMMENCEMENT DE LAORTE TRORACIQUE DESCENDANTE; LARGE PER- FORATION DE l'œsophage.

Obs. VL Sebire (Théodore), âgé de 45 ans, entre à rHôlel-Dieu, MÉM. 12

17S

salle ',), n" 4, dans ma uivirfion, le li nuirs 18GU; d\\w> taille moyenne, muscles bien développés, S... ne se rappelle pas avoir fait de maladies graves; il y a neuf ou dix ans S... aurait été atteint de chancres, et il y a deux ou trois ans d'une éruption cutanée non prurigineuse, avec douleurs vagues dan.s les os des jambes, sans déformation.

La maladie actuelle remonte à trois ou quati'c mois; il aurait éprouvé depuis cette époque des battements de cœur peu incommodes sans œdème des membres inférieurs, simultanément de la gène de la respi- ration, pas de dilTiculté notable dans la déglutition; cependant son ap- pétit avait un peu diminué, et dans ces derniers temps il avait été obligé l)lusieurs fois de garder le lit plusieurs jours de suite sans se soumettre néanmoins à aucun traitement.

Le soir de l'entrée, S... fut examiné e!i nion abscjice par l'élève in- terne de mon service, qui crut reconnaître un bruit de souffle sous-sternal sur le trajet de Taorte, sans constater rien dans le dos.

Dans la nuit du 1 1, vers neuf heures du soir, S... rendit par la bouche environ GOO grammes de sang rougeàtre qui se coagule sponianémenl dans le vase; adynamie prononcée, absence do toux, pas de selles.

Le \'2 mars, à la visite du ma.tiu, pâleur du sujet, poids assez fré- quent, peu fort, égal l't synchrone aux deux radiales; pas de dilatation des veines sous-cutanées ou d'œdèmc de la partie supérieure du tronc. Aucun i>attement accusé dans le dos ou [jcrru par la main. Mouvements des bras et des jambes intacts. La percussion jirésentait des deux côtés du thorax une sonorité exagérée avec absence de murmure respiratoire, l'inspiration était sèche et rude. U semble <pi'on entende quelques râles sibilants épars. Uien au cœur, dans les vaisseaux ou dans le dos. (Infu- sion de feuilles de digitale; limonade suli'urique ; 1 pil. d'extrait d'opium de 0,U5; bouillon Iroid.)

Le 12, vers trois heures d'après-midi, nouveau vomisspnient d'environ un demi-verre de sang rutilant. îilort immédiate.

Ouverture du cadavre vingt-cinq heures après la mort. Pas de roidpur cadavérique; aucune trace de putréfaction.

Tcle non examinée.

Larynx sain ; aucune trace de sang dans son intérieur ou dans les bronches; la bronche gauche adhérait au sac anévrismal que je décrirai plus loin; sa muqueuse était d'une couleur grisâtre ardoisée, ramollie, ses anneaux cartilagineux intacts. Quelques tubercules grisâtres demi- transparents, réunis en plusieurs masses au sommet de chaque poumon, sans induration périphérique, sans ramollissement de la masse tuber- culeuse. Pas de trace de pneumonie ou d'apoplexie.

Pas d épanchement dans le pénegrde qui est Bain; coeur nornwl san:-

17(1 alléialion des valvules aortiques ou iiiilrales, pas de dilatation des ca- vités ou d'hypertrophie des parois.

Aorte ascendante dilatée d'une manière uniforme et légèrement; plaques alhéromateuses, molles dans toute son étendue avec épaississe- ment do la membrane interne. L'origine du tronc brachiocéphalique, des artères carotide gauche et sous-clavière est saine, de même que les tuniques de ces vaisseaux. Dépression ancienne du canal artériel nor- male dans l'aorte et dans l'artère pulmonaire. A 3 centimètres au-des- sous de ce point, sur l'aorte thoraciiiue descendante, poche anévrisma- tique du volume du poing communiquant avec le canal de l'aorte par une ouverture circulaire épaisse, lisse, ayant •'] centimètres de diamètre. La poche anévrismatique avait une apparence et une épaisseur diffé- rentes dans le voisinage de l'aorte et auprès de la colonne vertébrale; auprès de l'aorte elle était élastique, jaunâtre, formée de la tunique élastique et externe épaissie, mais plus loin on ne trouvait plus que la tunique celluleuse épaissie, et au contact de la colonne vertébrale la paroi était détruite et le sang de la poche baignait le corps de trois ver- tèbres dorsales dont le tissu osseux était érodé, sans ostéite raréfiante descendante, sans fausse membrane sus-jacente. Les disques inter- vertébraux étaient moins usés et faisaient une légère saillie. Dune au- tre part, le sac anévrismatique était ouvert dans l'œsophage par un orifice capable d'admettre quatre doigts; orifice elliptique, abords réguliers, sans aucune rougeur ou ramollissement du tissu ambiant. La partie inférieure de l'œsophage était colorée par du sang. La poche ané- vrismatique contenait du sang stratilié en caillots peu décolorés, mais d'autant plus qu'ils se rapprochaient de la péripîiérie de l'anévrisme.

Aucune autre dilatation dans l'aorte descendante, pas de plaques calcaires dans l'épaisseur de ses tuniques.

L'œsophage présentait à l'union de son tiers supérieur avec son tiers moyen l'ulcération décrite plus haut et qui communiquait avec l'aorte. Ve&tomac contenait un caillot de sang noirâtre dont la quantité pou- vait être évaluée à 400 grammes, et dont la forme représentait exacte- ment celle de l'estomac ; du sang noirâtre et liquide dans toute la lon- gueur (lu tube digestif. La muqueuse de ces canaux était pâle. Le poumon était sain dans toute son étendue.

Foie pâle, sans lésion; de même que la 7-aie et les reitis.

L'observation que je viens de relater rentre donc complètement, au point de vue de la séméiologie, dans le cadre le plus habituel; l'œso- phage est compi'iraé sans qu'aucun symptôme permette de soupçon- ner la lésion jusqu'au moment elle est devenue perforante.

Dans d'autres cas (obii. I, II) la dysphagic est beaucoup plus luar-

180 quel', et cola anivu en géuéral quand la compression occasionnée par l'anévrisme détermine une gangrène étendue de l'œsophage. Quand la compression agit sur une portion plus restreinte du canal alimen- taire, la dysphagie ])eut ne se produire que par moments, cesser sans cause appréciable pour se reproduire ensuite. On a attribué à un spasme du vaisseau malade les variations dans l'intensité de la tlys- phagie ; au lieu d'expliquer ce fait par une pure hypothèse, il vaut mieux avouer que sa cause nous est encore inconnue. Gomme l'ont indiqué S. Gooper et Proudfort, la dysphagie peut cesser momenta- nément après une hémorrhagie qui semble amener une diminution momentanée du volume de l'anévrisme.

Dans le plus grand nombre des faits publiés, la dysphagie a une durée assez courte, cependant dans quelques cas la dysphagie peut persister pendant plus d'un an avant la mort (obs. V).

CONCLUSIONS.

1" Les anévrismes de l'aorte peuvent occasionner la gangrène d'une partie plus ou moins étendue de l'œsophage.

2" Gettc gangrène de l'œsophage peut être suivie daus toutes ses phases, depuis le sphacèlc jusqu'au détachement partiel de lescarre, et la perforation.

3" L'usure de la paroi de l'œsophage de dehors en dedans, la per- foration par phlegmasie ne sont pas démontrées.

4" La paroi interne de l'œsophage peut être sphacelée, les couches externes demeurant intactes.

5" La dysphagie, dans les cas de compression de l'œsophage par des anévrismes de l'aorte, manque le plus souvent ; elle peut, dans certains cas, être très-intense.

La perforation de l'œsophage peut s'opérer rapidement en quel- ques jours ; d'autres fois elle n'a lieu que très-lentement, et le malade peut éprouver de la dysphagie pendant plus d'une année.

MEMOIRE

SUR LES

FISSURES CONGÉNITALES DES JOUES

Par m. PELVET,

IntPrne des hôpitaux. /Vov.pl.lIT.1

Parmi les difformités de la face, il en est une qui se rencontre très- rarement et qui, pour ce motif, a peu appelé Tattenlion: c'est celle qu'on a désignée sous le nom de fissure congénitale des joues.

Un nouveau cas de ce genre vient de se présenter à notre observa- tion à Ihopital Saint-Louis, dans le service de M. Lailler, et s'ajouter à, la liste peu nombreuse des faits déjà connus. En voici la descrip- tion :

Obs. Sarton (Emm.), âgé de 22 ans, entre le G mars 18G3 à l'hôpital Saint-Louis. On ne trouve rien de particulier dans ses antécédents hé- réditaires; aucun membre de sa famille n'a été atteint de difformités. Sa mère raconte qu'étant enceinte de lui, elle fut vivement frappée de la vue d'un homme qui aurait présenté une large division de la joue. Elle dit également avoir fait une chute, mais à une époque assez avancée de la grossesse. Quoi qu'il en soit, on eut beaucoup de peine à l'élever; il ne pouvait prendre le sein, et fut nourri au biberon. D'une santé tou- jours faible, il présenta plusieurs manifestations scrofuleuses dans le cours de son enfance. Aujourd'hui sa taille et son développement sont loin d'être en rapport avec son âge, et son intelligence a subi, comme le reste, un arrêt d'évolution.

182

Depuis deux mois, il est affecté d'une carie du sternum et probable- ment d'un abcès du médiastin.

Mais ce qui frappe surtout en lui, c'est la singulière difformité de son visage.

Sa bouche, d'une largeur anormale, mesure 8 centimètres d'une com- missure à l'autre, et cette ouverture est encore prolongée du côté gauche par un sillon (Voy. pi. III, fig. 1, A) qui décrit une courbe très- prononcée à concavité supérieure et se porte ainsi jusque vers la tempe. Ce sillon n'est constitué que par une simple dépression de la peau, qui a conservé son aspect normal à ce niveau. Les lèvres ont perdu leur symétrie; l'inférieure est portée à gauche, tandis que la supérieure est relevée à droite. Au niveau de la commissure gauche, la muqueuse ne présente plus son aspect liabituel et devient comme cicatricielle. Du même côté, en renversant la lèvre supérieure, on voit un repli mu- queux, une espèce de frein qui s'étend de la gencive à la joue, de la première grosse molaire à la partie profonde du sillon qui divise la joue.

Si Ton passe à l'examen des os sous-jacents, on trouve que les maxil- laires ne se correspondent plus. L'inférieur est dévié à gauche; son bord inférieur est arrondi en courbe, de sorte que l'angle postérieur est à peine saillant. La tôte du condyle ne se sent plus à sa place habituelle au devant du tragus, et il est assez difficile de préciser sa position. Le maxillaire supérieur gauche présente une hypertrophie de son bord al- véolaire, sensible surtout à la partie postérieure, est doublé do vo- lume. Presque toutes les dents qu'il supporte sont atteintes de carie et en partie détruites.

Si l'on suit avec le doigt le sillon qui divise la joue gauche, on sent au niveau de la tempe que l'arcade zygomatique elle-même est atteinte par la division et que ce sillon la partage en deux parties : l'une anté- rieure, formée par la portion zygomatique du malaire; l'autre posté- rieure, appartenant à la môme portion du temporal, et toutes les deux inclinées en bas.

Du côté droit existe une difformité d'un autre genre. IJne fissure ver- ticale s'étend de l'œil à la bouche, en contournant la narine (Voy. pi. III, fig. 1, B). Cette fissure est superficielle; elle est cependant nettement tranchée. Inférieurement elle tombe sur la lèvre supérieure, au niveau de l'espace qui sépare l'incisive externe de l'interne. En ce point, la lèvre est relevée, grosse, et présente une échancrure sur son bord libre. Elle est reliée à la gencive par une bride muqueuse analogue à celle du côté gauche. 11 résulte de ces dispositions que toute la por- tion de la lèvre qui est à droite de la fissure est projetée en avant et fait une saillie prononcée.

A son extrémité supérieure, ce sillon se prolonge jusqu'à la paupière

init'ritnire qu'il i!ivi:?c. 11 hX' lormino par une surface rouge, inégale, comme cicatricielle, au milieu de laquelle on ne peut retrouver le point lacrymal.

La paupière ne protégeant plus l'opil à ce niveau , la conjonctive est rouge et vascularisée.

A la paupière supérieure, deux échancvures en forme do V se remar- quent : l'une près de la commissure exlorne, Taulre près do l'angle in- terne; leurs bords sont totalement dépourvus de cils.

D'autres déformations existent encore de ce côté. La narine est ou- verte largement et tirée en haut par sa partie postérieure. Le nez est dévié à droite. Au-dessous do l'œil, la joue présente une notable dépres- sion, comme un enfoncement du sinus maxillaire, de sorte qu'en saisis- sant cet os entre les doigts, l'un introduit dans la bouclie, rautre appuyant sur renfoncement, on s'aperçoit que le sinus a disparu et qu(! ses parois se sont prescpie adossées. 11 en résulte encore que l'œil droit est attiré en bas et se trouve sur une ligne inférieure à l'œil gauche.

La division n'est pas restée bornée à la face, elle a porté son action plus profondément encore. En faisant ouvrir la bouche au malade, on voit la luette rejetée du côté droit et séparée par une large échancrure du pilier gauche, sur lequel un petit tubercule semble être le vestige d'une portion de luette laissée parla division fvoy. pi. III. fig. "2,0 et E . La voûte palatine est saine, et la division n'a porté que sur la portion molle.

En lisant l'explication que les auteurs donnent de ces anomalies, il nous a semblé que le mécanisme de leur formation avait été formulé d'une manière un peu vague, et qu'il y avait lieu d'y apporte)- plus d'exactitude.

Il y a peu de temps encore, on ne connaissait que quatre ou cinq faits épars dans les recueils spéciaux, et personne u'avait songé à se rendre compte de la manière dont ils se produisaient.

C'est en 1823 que Nicati (1), pour la première fois, dans sa disser- tation inaugurale, chercha dans l'étude comparative du développe- ment l'explication de ces faits. Il en rapporta deux exemples et en donna une interprétation, sinon complète, du moins de beaucoup su- périeure aux pi'éf^édentes.

La même année, M. Lnroclie (?) en fit mention dans sa thèse et rap-

(1) Nicati, Spécimen analomîco-'pallwlogicuin înav.gnvnle de lab. Icp. nalurâ et origmi ; Utrecht et Amsterdam, 18??.

(2) Laroche, rhrsr^; Pnris, 1R*J3,

184 pela les faits de Nicati. 11 émit sur la cause de leur formation les idées de son maître, Béclard, c'est-à-dire la réunion trop tardive des pièces osseuses sus-maxillaires, à peu près la même opinion que Nicati.

Is. Geoftroy-Saint-Hilaire (1) parle aussi de la fissure congénitale des joues. Il la range dans les anomalies par disjonction qui sont re- latives à la disposition. Il en attribue la cause également au défaut de soudure ou à la soudure tardive des os de la face.

plusieurs de ces malformations ont été signalées depuis, tant en France qu'à l'étranger, et ont fini par appeler l'attention, d'autant plus que, dans certains cas, la chirurgie a pu y remédier d'une ma- nière heureuse. L'exemple le plus remarquable est celui d'Ammon, opéré par le professeur Langenbeck (2) avec un plein succès.

C'est à M. Bouisson (3) et surtout à M, Débuut (4) qu'on doit les no- tions les plus complètes sur ce genre de difformités. Ce dernier a rassemblé tous les faits publiés jusqu'à ce jour et s'est occupé de la question, principalement au point de vue chirurgical.

Pour la plupart de ces auteurs :

« La fissure congénitale des joues consiste en un prolongement de « l'ouverture buccale, soit dans le sens transversal, soit dans une ûi- « rection oblique en haut et en dehors vers l'un des angles des yeux. » Il n'y aurait là, d'après cette définition, qu'une seule et même diffor- mité présentant deux variétés. Cependant, en examinant les faits rapportés par eux et les dessins qui les accompagnent, on voit qu'il y a lieu de les séparer en deux groupes, aussi distincts par leur aspect que par leur mode de formation.

L'une de ces malformations consiste en effet en un simple prolon- gement de l'ouverture buccale dans le sens transversal, et mérite le nom de fissure génienne.

L'autre, qui n'est point un prolongement de la bouche, est formée par une fissure verticale étendue de l'œil à la bouche et pourrait être appelée fissure naso-génienne, car elle occupe en général le sillon qui sépare le nez de la joue.

(1) Is. Geoffroy-Saint-Hilairc, Traité de tératologie, t. I.

(2) Langenbeck, Neue bibliotek fiir die chirurgie u ophlhalmologie ; Hanover, 1827.

(3) Bouisson, Tribut à la cliir-tirgie, t. IL

(4) Débout, Bulletin de thérapeutiqiie , 1862.

l!^5

Ces deuK nialforniatioiis peuvent se trouver réunies, il est vrai, notre cas en est un exemple, mais elles n'en sont pas moins bien dis- tinctes, et il sufilsait (Vinterroger le développement de la face pour ne pas les confondre. Gliacuue, en eifet, présente des caractères spé- ciaux qui ne se rencontrent jamais dans Tautre, et nous allons voir que l'état fœtal peut donner la clef de chacune de ces particularités.

La lissure naso-génienue n'est, à proprement parler, qu'un bec-de- lièvre prolongé qui, au lieu de sarréter à la narine, contourne son bord externe pour remonter jusqu'à l'œil. Gomme lui, elle peut pré- senter différents degrés : être simple ou double, occuper tout l'es- pace qui s'étend de l'œil à la bouche ou seulement une partie de cette distance. Il existe plusieurs cas correspondant à chacun de ces de- grés.

Dans la forme la plus simple, la fissure ne se borne plus à la lèvre, comme dans le bec-de-liévre, elle remonte en dehors de la narine. Celle-ci est en général déformée, tirée en haut ou de côté; le nez lui-même est aplati et refoulé du côté opposé.

Deux exemples de ce genre se trouvent rapportés dans un mémoire de M. Butcher (1) sur les opérations des lèvres. Dans l'un d'eux, la fissure occupait les deux tiers de l'espace séparant l'œil de la bouclie et ne s'arrêtait qu'au-dessus de la narine qu'elle contournait.

Viennent ensuite des cas dans lesquels cet espace tout entier se trouve divisé, comme ceux de Nicati et deFergusson.

Dans ces cas, en même temps que la fissure existe d'un côté, le plus souvent il y a un bec-de-lièvre de l'autre.

Enfin elle peut exister, non plus d'un seul côté, mais des deux à la fois, en isolant un vaste lambeau, dans lequel le nez se trouve compris. Ce serait dans cette dernière variété un bec-de-lièvre double dont le lobule comprendrait toute la partie médiane de la face.

Tels sont les cas de Klein (2) et de M. Guersant (3). Dans ce der- nier, qui a provoqué il y a deux ans à la Société de chirurgie une discussion sur l'âge le plus convenable à l'opération du bcc-de-liè- vre, on voyait deux fissures qui, partant de chaque côté de la bouche, allaient rejoindre les angles internes des yeux en divisant les pau-

(1) Butcher, Qiiarterly Journal of Dublin, ISGO.

(2) Klein, Monstrorum quorumdam descriplio. Stuttgardt, 1793,

(3) Guersant, Bulletins de la Société decliirur(jic. WA.

18G pièrcs inférieures. Quant nu cas de Klein, il a C'té rangé à tort dans les fissures horizontales ; car, des deux fentes qui se rendaient aux yeux, l'une allaita l'angle interne, l'autre à l'angle externe.

Il faut citer aussi dans cette dernière catégorie un fœtus aiiencé- plialc observé par Nicati dans le musée de Vrolicli. et qui portait une fissure naso-génienne double. C'est le dernier degré de la série.

Telles sont les différentes formes que peut revêtir la fissure naso- génienne; mais rarement elle reste bornée à cet état de simplicité. Des complications assez nombreuses l'accompagnent le plus souvent ; il est même rare de rencontrer un cas qui en soit exempt. L'une des plus fréquentes est l'arrêt de développement des paupières. Presque toujours la fissure, en arrivant à la paupière inférieure, la divise en deux parties et se termine là. 11 en résulte une écbancrure de la pau- pière, dont le bord libre est plus ou moins détruit. On voit à sa place une surface rouge, inégale, comme cicatricielle. Une particularité très-importante qui est la conséquence de cette déformation, c"est la destruction du point lacrymal, soit que son orifice ait été masqué parle tissu anormal de la fissure, soit qu'il n'existe pas réellement. La paupière supérieure elle-même peut être divisée; dans notre cas, par exemple, elle présente deux encoches sur son bord libre. Enfin, c'est l'œil du côté opposé qui peut participer à l'arrêt de développe- ment. Fergusson cite un cas dans lequel il y avait soudure de la paupière inférieure du côté opposé à la fissure avec la conjonctive.

Le nez est en général déformé, ainsi que nous l'avons déjà dit. C'est la narine principalement qui subit ces altérations.

Mais les complications les plus remarquables sont celles qui por- tent sur les parties profondes. La fissure reste rarement bornée à la superficie; d'ordinaire elle s'étend aux os de la face, et le maxillaire supérieur subit diverses altérations.

Ainsi, dans l'observation de Fergusson (1), « on voyait, dit ce chi- « rurgien, au fond de la fissure, la gencive et la partie antérieure de « l'antre d'Highmore, tapissées de muqueuse, et l'on remarquait une « dépression à la partie antérieure de l'autre. »

Dans notre cas, le sinus maxillaire a presque disparu. 11 existe à sa place un enfoncement; ses parois antérieure et inférieure se sont

Forgr.?.5nn. A sysfrm cfpracîicol siirgrrii. 4'' ('".1.

187 rapprochées Time do l'autre, do porte qu'il ne présente entre les doigts qui le saisissent qu'une faible épaisseur.

La scission peut s'étendre plus loin encui'c ; on observe alors des divisions de la voûte palatine, du voile du palais et de la luette, di- visions plus ou moins larges et plus ou moins étendues.

Il est probable que des lésions profondes existaient dans tous les cas, et que, si elles n'ont point été signalées, c'est qu'elles ont passé inaperçues; c'est ce qu'autorise à penser le peu de détails qui ac- compagnent la plupart de ces faits.

Oi) ne peut mettre au nombre des complications une particularité singulière, observée dans un des cas de Nicati. C'était, selon lui, une double insertion du cordon placentaire, dont une des branches se fixait à la tête. Ainsi que le fait observer Geofiroy-Saint-Hilaire, celte prétendue division du cordon n'était qu'une bride tégumentaire al- lant du cordon à la tête. D'après lui, elle pouvait expliquer l'arrêt de développement de ces parties, par suite de la traction qu'elle au- rait exercée sur elles. Disons enlin que plusieurs de ces cas ont été observés chez des anencéphales.

Cette lissure se rencontre rarement; il n'en existe en tout que cinq cas. Les symptômes qu'elle présente sont peu nombreux et n'ont pu être observés jusqu'ici, les sujets ayant succombé à une époque en- core très-rapprochée de leur naissance. Chez le malade qui fait lo sujet de notre observation, les seuls troubles qu'on remarque sont l'écoulement des larmes et le nasonnement delà voix. Le larmoie- ment est facilement expliqué par l'absence du point lacrymal infé- rieur. Les larmes coulent sur la joue connue lorsqu'il y a obstacle à leur cours dans les voies lacrymales, et le malade est obligé de les étancher souvent.

Il est résulté aussi chez lui de la destruction partielle de la paupière qu'une portion de l'œil se trouve à découvert ; elle s'est enflammée et est devenue le siège d'une vascularisation chronique. Quant au nasonnement. il tient à la fissure palatine et ne présente rien de spécial à noter.

Le deuxième genre de monstruosité, la fissure génienne horizon- tale, bien qu'elle soit rare, s'est rencontrée plus fréquemment que la précédente. Elle donne à la face un cachet de laideur tout particu- lier. L'ouverture de la bouche étant énormément agrandie dans plu- sieurs cas. il en résulte une ressemblance plus ou moins rapprochée

avec la gueule de certains animaux, à laquelle on l'a comparée.

Cette lissure peut présenter différents degrés, depuis une légère augmentation de largeur jusqu'à ces rictus monstrueux qui, s'éten- dant d'une oreille à l'autre, semblent séparer la face en deux parties. Deux cas de cette dernière forme ont été observés : le premier par Murait (1) en 1715; il fut opéré comme un bec-de-lièvre par avive- mont et suture; l'auteur ne dit pas quel fut le résultat définitif de l'opération. Otto (2) a observé le second chez un anencépliale; les di- mensions étaient moindres que dans le précédent.

La direction de la fissure est assez variable. Tantôt, en effet, elle s'étend dans le sens horizontal directement ; c'est ce qui a lieu lors- qu'elle ne dépasse pas certaines limites. Mais vient-elle à acquérir plus de largeur, elle remonte alors vers la tempe, en décrivant une courbure à concavité supérieure; c'est ce qu'on observe également quand elle occupe les deux côtés de la face.

La cause du mal n'a pas toujours borné son action à la fissure. Dans quelques cas, un sillon qui n'intéresse que l'épaisseur de la peau prolonge cette fente jusque vers la tempe, bien au delà du point s'arrête la division réelle ; c'est ce qui avait lieu dans le cas de Murait; cette disposition se retrouve aussi dans le nôtre. Sur les bords de la fissure, la nmqueuse n'a pas conservé en général ses ca- ractères dans toute sa longueur. Au lieu d'être lisses et arrondies, les lèvres sont plates, leurs bords sont comme fiétris, crispés et inégaux, ce qui tient probablement à la rétraction des fibres musculaires sous- cutanées, divisées par la fente congénitale.

Les troubles qui résultent de cet agrandissement de l'ouverture buccale sont faciles à prévoir. C'est d'abord, chez les nouveau-nés, la difficulté de la succion; cette fonction est d'autant plus troublée que la fissure est plus large; aussi a-t-on beaucoup de peine à les élever. Il en peut résulter en effet une altération considérable dans les fonc- tions digestives et, par suite, un afiaiblissement rapidement mortel, surtout chez les jeunes enfants. Plus tard, l'écartement des lèvres permet à la salive de s'écouler sans cesse de la bouche et s'oppose à la

(1) Murait, Epliémcrides des curieux de la nature, cent. III et IV, 1715.

(2) Otto, Musœum anatomicum, Vratislaviense, 1841,

180 rùtciition des ulimoiits. Le iiialade est obligé de soutenir avec sa main les parois de la bouche, pour refouler les parcelles alimentaires, que les joues divisées sont inii)uissantes à maintenir en dedans des ai'- cades dentaires. Joignons enlin les troubles de la parole : chez notre lualade, par exemple, les labiales b, p, v ne sauraient être pronon- cées distinctement; elles sont remplacées toutes les trois par un même son qui n'a pas de rapport avec elles.

Cette grandeur inusitée de la bouche s'observe rarement chez des sujets sains, et presque toujours quelque autre monstruosité rac- compagne. Plusieurs cas ont été observés chez des anencéphales. On a même prétendu que ce n'était qu'une disposition exagérée de l'état ordinaire de ces monstres dont la bouche, comme ou le sait, est en général d'une grande dimension.

Le sujet observé par Sue (1) ressemblait, dit-il, à un terme, n'ayant dans toute la partie inférieure aucune apparence de cuisses ni de jambes. Celui d'Otto était anencéphale et portait une double fissure.

Chez ceux qui vivent, il existe des complications qu'on rencontre d'une manière presque constante. L'une des plus fréquentes est la déformation ou le déplacement de l'oreille. Elle s'est rencontrée dans les cas de Sue et de Murait, et dans ceux de MM. Fergusson, Fr. Rynd et Colson. Tantôt c'est une petite tumeur sur le tragus, tan- tôt une division du lobule. Dans le nôtre, il n'y a pas de déformation, et ce caractère négatif est à noter.

On a cité aussi l'excès de volume de la langue. C'est même à cette cause que Vrolick et Langenheck ont rapporté la formation de la fissure ; mais, ainsi que le fait remarquer M. Debout, la langue à cette époque du développement n'est point encore assez grosse pour em- pêcher la soudure des parties. Enfin, les compUcations les plus im- portantes et qui n'ont point été signalées, sont celles qu'on rencontre du côté des parties profondes.

Les maxihaires, en effet, sont alors plus ou moins altérés dans leur forme ou modifiés dans leurs rapports. L'inférieur prend un aspect particulier, son hord inférieur se porte vers l'oreille sans pré- senter de saillie; son angle postérieur a presque complètement dis- paru, et Pou ne trouve plus à sa place qu'une courbe peu prononcée telle qu'on Pobserve chez le fœtus, alors que l'os n"a pas encore at-

(1) Suc, Méiii. Acad. des sciences, 1746.

100 teitit son enlici' dcveluppement. C'est ce que nous avons obscM'vé chez notre sujet ot d'après la figure qui accompagne la description de Murait, il est bien permis de croire que la même disposition s'y re- trouvait. Le maxillaire supérieur est aussi déformé; son bord alvéo- laire est presque doublé de volume; cet épaississement est surtout sensible à la partie postérieure.

Mais la complication la plus remarquable, c'est l'extension de la fissure aux parties profondes, alors qu'elle remonte vers la tempe. Chez notre malade, au fond du sillon qui prolonge la bouche, il est facile de sentir les deux branches de l'arcade zygomatique divisées et déviées en bas de chaque côté de la fente; d'une part la portion malairc, de l'autre la temporale. La fissure pénètre ainsi jusque dans la fosse temporale. Cette complication n'a pas été signalée ; on peut croire cependant qu'elle se présentait sur la malade de Murait; car sur le dessin qu'il en donne, on voit qu'un sillon large et profond prolonge la fissure jusque dans la fosse temporale. Cela ne peut être, du reste, qu'une pure supposition, car ro!)servatiou n'en mentionne rien.

C'est ici le lieu de parler d'une anomalie qui n'est qu'une forme de la précédente, et dont un seul cas s'est présenté jusqu'ici. 11 a été observé et décrit par Borricliius (1) dans les Actes de la Sociéi.é de Copenhague. Il consistait en une fente de la joue droite, tandis que par contre l'orifice buccal faisait défaut. Ce cas établit un passage entre les perforations et les divisions anomales. Il a la môme expli- cation embryologique que le précédent et reconnaît la même cause.

Si maintenant nous cherchons dans le développement de la face l'explication de ces deux monstruosités, déjà si difi'érentes par leurs caractères physiques, nous allons voir une plus grande distinction s'établir entre elles.

E.x.aminons d'abord comment se forme la fissure naso-génlenne^ et pour cela cherchons à quel état transitoire du fœtus elle pourrait correspondre.

Or vers le quarantième jour de la vie intra-utérine il existe un sillon oblique qui sépare le bourgeon maxillaire du bourgeon incisif. A la partie postérieure et supérieure de ce sillon se trouve l'œil qui, à ce moment, est porté très en arrière. Ce sillon, vestige du sac la-

(1) 01. Borrichius, Act. Hafn, !. H.

191 crymal et du canal nasal, comprend deux Lranches réunies à angle presque droit. La partie supérieure sépare l'aile du nez du bourgeon latéral ; la branche inférieure se trouve entre ce dernier et le bour- geon incisif. Que ces deux bourgeons ne se réunissent pas, on aura un bec-de-lièvre simple; mais que l'arrêt de développement porîc non seulement sur eux, mais encore s'étende à la branche supé- rieure, on aura précisément la malformation dont nous nous occu- pons. Par suite du développement de la face, ce sillon se redressera et ses deux branches deviendront presque verticales. xVinsi formé, il s'étendra directement de l'œil à Va bouche; ce ne sera autre chose que le sillon qui constitue la fissure naso-gcnicnne. Cette explication rend parfaitement compte des particularités qui accompagnent la fissure, telles que la division des paupières, la dépression du maxil- laire supérieur et enfin la séparation prolongée aux parties profondes. Ce n'est pas ainsi pourtant qu'on s'est rendu compte de cette anoma- lie. On la faisait dépendre, comme la fissure horizontale avec laquelle on la confondait, d'un défaut de soudure eistre le bourgeon maxil- laire supérieur et l'inférieur. Mais à aucune époque du développe- ment, la bouche ne communique avec Uœil; elle eu est toujours sé- parée par toute l'épaisseur du bourgeon latéral. Cette interprétation ne saurait, par conséquent, s'appliquer à la fissure naso-génienne.

Dans quelques cas, .il est vrai, la fissure ne semble pas occuper la place du sillon précédemment décrit, mais elle est reportée presque au milieu de la joue : tel est par exemple le cas de Fergusson. On pourrait croire alors que ce n'est qu'un prolongement de la bouclie; il n'en est rien cependant. Le développement des parties superficielles n'est pas aussi intimement lié à celui des parties profondes que le pensait Nicati. Et si la fissure, dans ce cas, semble reportée plus en dehors, il n'en est pas moins vrai que le maxillaire supérieur portait les traces d'une division, puisqu'il présentait un enfoncement.

Cette division de l'os correspond la plupart du temps à celle des parties superficielles; eUe varie, comme on le sait, dans le bec-de- lièvre. Ne i'a-t-on pas observée soit sur la ligne médiane, soit entre la canine et l'incisive externe, suivant que la scission portait entre les deux intermaxillaires ou bien entre eux et le maxillaire? Enfin Âlbinus et Sœmmering disent avoir vu une fissure du bord alvéo- laire entre la première et la deuxième incisive, ce qui est beaucoup plus rare, et ce que Meckel explique en admettant que Tintermaxil-

laire se compose primiliveinent de deux pièces renfermant ciuicune une incisive. Mais, tandis que la iissure profonde ne porte jamais qu'en ces trois points, le siège de la division superficielle varie d'une manière indéterminée. L'examen des parties profondes est donc de la plus grande importance pour établir quelle est la nature d'une anomalie.

La fissure génieime ne peut présenter aucune incertitude dans son mode de formation. 11 est évident qu'elle résulte du défaut de sou- dure entre le Lourgeon latéral et le bourgeon maxillaire inférieur. L'étendue de la fente sera d'autant plus grande que l'arrêt de déve- loppement aura lieu à une époque plus rapprochée de la conception.

On pénètre ainsi facilement le mécanisme de ces anomalies en les comparant à l'état fœtal. Mais ne doivent pas s'arrêter les recher- ches, car le point le plus important serait de connaître la cause qui a provoqué l'arrêt de développement lui-même. Ici cesse le domaine des faits positifs, et les altérations qui atteignent le fœtus dans le sein maternel ne sont dans bien des cas expliquées que par des hy- pothèses.

Est-ce à la mère, au fœtus, aux causes extérieures qu'il faut re- monter pour en trouver l'origine?

Les relations intimes et encore si obscures qui unissent entre elles la vie de la mère et celle du fœtus, peuvent-elles expliquer le con- tre-coup que ressentirait ce dernier des allections maternelles?

Le vice de nutrition des parties affectées tient-il à la vie propre dont commence à jouir l'être organisé qui se développe?

Ce sont autant de questions qui réclament des faits nouveaux et des études plus complètes.

NOUVELLES RECHERCHES

SUR LA

MALADIE DU SANG DE RATE

CONSIDÉRÉE AU POINT DE VUE DE SA NATURE ;

COMMUNlOUÉliS A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EN 1803 PAR

LE DOCTEUR G. DAVAINE,

Médecin par quartier de l'Empereur,

membre de la Société de Biologie, chevalier de la Légion d'honneur, lauréat de l'Institut,

correspondant de la Société impériale des sciences de Lille, etc.

Au mois de juillet dernier, je fis voir à la Société le sang de plusieurs animaux morts des suites de l'inoculation du sang d'un mouton qui avait succombé à la maladie connue sous le nom de sang de rate, ma- ladie de nature charbonneuse. Le liquide sanguin, placé sous le microscope, offrait des myriades de corpuscules filiformes qui, comme je l'ai dit alors, s'étaient développés avant la mort des indivi- dus inoculés.

De nouvelles expériences mont permis de reconnaître que ces cor- puscules se développent constamment pendant la vie des animaux et jamais après leur mort; elles m'ont permis de déterminer avec certi- tude, je crois, le rôle qu'ils jouent dans la production de la maladie du sang de rate.

Les animaux sur lesquels ont porté mes expériences sont aujour- MLM. 13

iy4 d'iiui (décembre 1863) au nombre de 137. Je vais donner en résumé les résultats de ces expériences, me réservant de traiter plus tard, avec tous les détails quïl comporte, ce sujet intéressant et encore neuf.

Les corpuscules qui existent dans le sang des animaux atteints du sang de rate sont des fdaments droits, quelquefois infléchis à angle obtus en deux ou trois ou quatre points, jamais rameux, libres, sans mouvement spontané, longs le plus ordinairement de 4 à 12 mil- lièmes de millimètre. Ces filaments, après avoir été desséchés, con- servent leur forme et leur apparence; l'acide suli'urique, la potasse caustique ne leur font point éprouver de changement très-notable; ils disparaissent par la putréfaction. Ces derniers caractères, que l'on peut aussi constater chez des conferves très-simples , suffisent pour faire distinguer les filaments du sang de rate d'avec les cristaux qui se forment quelquefois dans le sang, et pour établir leur nature or- ganique.

Dans une communication à l'Académie des sciences (27 juillet 1863) j'ai cru devoir classer ces corpuscules parmi les infusoires filiformes, bacleriumow. vibrions^ car ceux que j'avais observés jusqu'alors en dif- féraient seulement par l'absence de mouvements. Or (c'est une propo- sition qu'il serait trop long de discuter dans cette simple note), l'existence ou l'absence de mouvements ne peut constituer chez ces êtres inférieurs un caractère générique ou spécifique. Par cette raison, tenant compte de la forme et de la longueur des filaments du sang de rate, de leur mode de développement, du milieu dans lequel ils s'en- gendrent, je les classai parmi les bactéiHes. Mais de nouvelles observa- tions ont mis sous mes yeux plusieurs cas dans lesquels un grand nombre de ces corpuscules avaient une longueur bien supérieure à celle qui est assignée aux bacierium et même aux vibrions. Leur longueur eût suffi à les faire classer parmi les conferves.

Je ne puis ici encore, dans ce rapide résumé, examiner à quel genre de conferves ces corpuscules appartiendraient ; je dirai tout de suite qu'on ne peut les classer convenablement dans aucun des genres décrits jusqu'aujourd'hui. Leur habitat spécial, les phénomènes par- ticuliers déterminés par leur propagation doivent nous faire regarder ces filaments comme une espèce bien définie, qu'on pourrait rappro- cher des protozoaires filiformes par la manière dont elle s'engendre et se propage, des conferves filamenteuses par la forme, l'apparence

19;. et les dimensions, de certains ferments par les phénomènes qu'elle délerinine.

On voit, daprès les considérations qui précèdent, que le nom do bactérie, par lequel j'ai désigné primitivement ces corps, ne peut leur convenir. Lorsque l'étude des êtres microscopiques qui jouent un grand rôle dans la fermentation, dans la putréfaction, etc., est à peine com- mencée, il serait prématuré de vouloir classer d'une manière défini- tive les corpuscules du sang de rate, qui ont avec ces êtres une ana- logie évidente. Je nie bornerai donc, pour désigner ces corpuscules, à modifier légèrement le nom que je leur ai primitivement donné, et je les appellerai désormais des baciéridics. Cette expression qui ne s'applique, je crois, à aucun autre corps organisé, aura ici l'avantage de n'être en quelque sorte point un nom nouveau; elle aura en outre celui d'indiquer des rapports entre les êtres qu'elle désigne et les vibrions ou les bactéries, infusoires avec lesquels les filaments du sang de raie ont évidemment une liaison étroite et dont ils ne seront sans doute pas séparés lorsque la science aura fait sur ces questions de nouveaux progrès.

J'ai dit que les filaments du sang de raie ont le plus ordinairement de 4 à 12 millièmes de millimètre de longueur; il est des cas dans lesquels un grand nombre de ces filaments atteignent une longueur bien supérieure et qui peut aller jusqu'à 5 centièmes de millimètre ; sous tous les autres rapports, ces longs filaments ne diffèrent point des courts. Dans d'autres cas, mais beaucoup plus rares, presque tous les filaments ont des dimensions excessivement petites; les plus longs n'atteignent guère une longueur supérieure à 3 ou 4 millièmes de millimètre; alors ils sont agités de mouvements (probablement browniens), et leur apparence est tout à fait celle des bacicriiim termo.

Dans mes expériences, aucune condition soit d'espèce de l'animal inoculé, soit de température extérieure, soit de nourriture, soit d'âge, n'a pu rendre raison de ces variations.

Le nombre des bactéridies est très-variable chez les divers indi- vidus; il en est chez qui ces corpuscules se trouvent par myriades; il en est d'autres chez lesquels ils sont assez rares, au moins dans les gros vaisseaux, car le sang des capillaires en est généralement bien pourvu. Ces différences dans le nombre des bactéridies n'a pu sex-

pliqiiui' iioii plus par qii(iiquc circonstance appréciàJDie; elles tiennent certainement à une condition individuelle.

Les globules du sang, dans la maladie qui nous occupe, ont acquis la propriété de s'agglutiner les uns aux autres, comme le feraient des globules de sarcode, de sorte qu'ils se présentent par ilôts disséminés dans le sérum. C'est certainement un état spécial à la maladie du sang de rate ou aux maladies charbonneuses, et qui peut probable- ment être regardé comme caractéristique. Cet état du sang est plus apparent dans certaines espèces d'animaux; il est surtout très- remarquable chez le cobaye. Rien de semblable ne s'observe chez les animaux qui ont succoml)é à l'inoculation de matières putréfiées. J'ai l'emarquô môme plusieurs fois, et ce phénomène est peut-être con- stant, que les globules primitivement agglutinés les uns aux autres dans le sang frais, se séparent et deviennent libres, comme à l'ordi- naire, lorsque le sang infecté de bactéridies commence à se pu- tréfier.

Le sang des capillaires est beaucoup plus riche en bactéridies que celui des gros vaisseaux; aussi trouve-t-on ces filaments en abon- dance dans l'oreille, la langue et les organes parenchymateux chez dos animaux qui en montrent très-peu dans le sang du cœur et de l'aorte. Serait-ce que ces filaments, comme des bâtons flottants, s'ar- rêtent et s'accumulent dans ces étroits canaux? Quoi qu'il en soit, ils ne passent pas de la mère au fœtus, bien qu'ils puissent se trouver en quantité prodigieuse dans le placenta. C'est ce que j'ai vu chez un cobaye qui portait deux fœtus à terme au moment je l'inoculai. Son sang, après sa mort, me montra un nombre immense de bactéri- dies et les globules agglutinés entre eux d'une manière très-remar- quable; il en fut de môme du sang des placentas, mais celui des deux fœtus ne m'offrit aucune bactéridie; de plus, tous les globules rou- laient libres et indépendants, formant avec ceux de la mère un con- traste très-frappant.

La production des bactéridies peut être observée plusieurs heures avant la mort de l'animal inoculé. 11 est possible alors, si l'on exa- mine le sang à de courts intervalles, de suivre la multiplication de ces corpuscules et leur accroissement en longueur. Lorsque la mort arrive, on constate facilement que le nombre et la longueur des fila- ments n'augmente plus, et môme, après ui), deux ou trois jours, plus ou moins, suivant la chaleur almusphérique, on peut voir que le sang

ronf(M'miJ dans les vai^'.scaux et à Fahri du contact do l'air, contient de moins en moins de ces corpuscules. Il arrive un moment la pro- duction des vibrioniens, par suite de la putréfaction, pourrait rendre cette observation incertaine, mais on évitera facilement l'erreur si l'on met quelque suite dans cette recherche et si l'on tient compte des mouvements dont sont doués les filaments de nouvelle formation.

Lorsque le sang commence à se putréfier et que les bactéridies n'y sont plus reconnaissables, ce liquide perd la faculté d'inoculer le sang de rate. Si la quantité de sang putréfié qui est inoculée est assez considérable, l'animal peut, il est vrai, devenir malade et périr, mais c'est avec des symptômes tout autres que ceux de la maladie du sang de rate; en outre, il ne se produit point chez lui de bactéridies et les globules sanguins ne deviennent jamais agglutinaiifs, comme ils le sont d'une manière si remarquable dans la maladie du sang de rate. Enfin, lorsqu'un animal a été inoculé avec du sang de rate pu- tréfié (sang qui a contenu des bactéridies, mais qui n'en contient plus par suite de la putréfaction), le sang de cet animal, qu'il soit pris pendant la vie ou après la mort, ne donne jamais lieu chez un ani- mal auquel on l'inocule, au développement de la maladie du sang de rate et des bactéridies.

Il résulte donc de tous ces faits que la maladie du sang de rate (maladie charbonneuse) n'est point de nature putride, comme on l'a conclu d'après des expériences faites sans examen microscopique. Plusieurs expérimentateurs, en effet, ont inoculé sous la peau, ou bien ont injecté dans les veines des matières animales putréfiées, et, d'après les phénomènes toxiques qui se sont montrés dans la plupart des cas, ils ont cru à l'identité de nature entre le virus charbonneux et celui de la putréfaction. Cette opinion règne encore aujourd'hui dans la science, comme on peut le lire dans un excellent Traité des maladies charbonneuses récemment couronné par l'Académie de mé- decine. Après avoir parlé des expériences dont il vient d'être question, l'auteur tle ce traité, le docteur Raimbert, ajoute : « Les résultats de " l'expérimentation prouvent donc d'une manière incontestable la na- « ture putride des afTections charbonneuses, du principe qui leur « donne naissance et les constitue. «(Ouvrage cité, p. 15.) Or, en con- tradiction avec cette conclusion, mes expériences montrent que le sang vivant ou frais transmet les bactéridies et la maladie du sang de

198 rate, tandis que la putréfaction détruit dans le sang la faculté de transmettre les bactéridies et donne aux phénomènes morbides, s'il s'en produit, un caractère tout différent de ceux de la maladie du sang de rate.

L'espace de temps pendant lequel le sang, après la mort, conserve la faculté de propager les bactéridies est plus ou moins long, suivant la température atmosphérique. Par les grandes chaleurs de l'été, cette faculté peut disparaître en moins de deux jours : dans la pre- mière quinzaine du mois d'août, la température étant de 28° à 32° G., je lis les expériences suivantes : Du sang de quatre animaux morts du sang de rate, et dans lequel on avait constaté la présence des bac- téridies, fut conservé dans des bocaux. Ce sang, après quarante-trois, quarante-deux, cinquante, trente-cinq heures, étant déjà fétide, fut inoculé à quatre lapins forts et bien portants. Les trois premiers de ces lapins moururent avec des phénomènes divers, sans rapport avec ceux delà maladie du sang de rate; leur sang ne contenait aucune bactéridie, et les globules n'offraient aucune altération caractéristi- que de cette maladie. Le quatrième lapin survécut.

C'est sans doute en s'opposant à la putréfaction que la dessicca- tion conserve au sang infecté de bactéridies la faculté de propager ces corpuscules; nous avons dit, en effet, qu'on retrouve dans le sang desséché les bactéridies intactes; toutefois, pour obtenir ce ré- sultat, il faut que la dessiccation se fasse rapidement, car elle ne rend pas au sang pourri la faculté qu'il a perdue.

On ne pourra juger que dans l'avenir de la durée du pouvoir de propagation des bactéridies à Tétat sec. Il y a quelques jours, j'ai inoculé un rat blanc avec du sang conservé sec depuis quatre mois et demi et un cobaye avec du sang conservé sec depuis cinq mois : le premier de ces animaux n'a rien éprouvé, mais le second est mort avec un grand nombre de bactéridies.

Le sang, parfaitement desséché, conserve sa faculté d'inoculation lorsqu'on le soumet à une température voisine de 100 degrés; il n'en est pas de même lorsqu'il est liquide, quoique j'eusse pu croire le contraire au début de mes recherches. De nouvelles expériences m'ont fait voir que le sang frais chauffé à 100 degrés environ perd la faculté de transmettre la maladie du sang de raie.

La dessiccation des bactéridie? ne modifie nullement l'apparence

1 DO des générations qui succèdont à colle qui a été desséoliée; les suc- cessions dans ces générations, la diversité des espèces auxquelles elles sont transmises, les hautes ou basses températures des diverses saisons n'ont aucune influence appréciable sur l'apparence des bac- téridies. C'est ce que j'ai constaté dans une série de trente inocula- tions pratiquées successivement du mouton au lapin, au cobaye et au rat. Sept fois le sang inoculé avait été pris sur l'animal encore vivant ; une fois il était desséché depuis cinq jours ; dans les autres cas il avait été pris après la mort.

Les bactéridies se transmettent d'un animal à l'autre par l'inocula- tion du sang sous la peau. La quantité du sang inoculé ne m'a paru avoir aucune influence sur la durée de l'incubation ni sur le nombre des bactéridies qui surviennent chez l'animal inoculé. Une quantité de sang très-petite et bien inférieure à une goutte suffit à transmet- tre la maladie.

Le sang desséché inocule moins certainement que le sang frais; sur dix inoculations pratiquées avec du sang desséché, quatre fois la transmission n'a pas eu lieu.

Il est probable que des bactéridies sèches introduites dans les voies respiratoires transmettraient la maladie du sang de rate; c'est sans doute ainsi que sciait la contagion dans les troupeaux, mais une ex- périence que j'ai tentée sur un cobaye n'a donné aucun résultat.

La maladie du sang de rate et les bactéridies se transmettent par les voies digestives, avec moins de certitude toutefois que par le tissu cellulaire sous-cutané. Sur cinq animaux auxquels j'ai fait manger le foie et la rate tout frais d'animaux morts du sang de rate, trois mou- rurent avec des bactéridies ; ce sont : un rat, une souris et un co- baye. Les deux qui ont survécu sont : un lapin et un rat. Dans les trois cas de mort, la durée de l'incubation a été notablement plus longue que par l'inoculation sous-cutanée.

Chez tous les animaux qui ont mangé les viscères remplis de bac- téridies, viscères tout frais et pris au moment de la mort, on n'a observé aucun dérangement dans les fonctions des voies digestives.

D'après mes expériences, toutes les espèces des animaux supé- rieurs ne sont pas susceptibles de contracter la maladie du sang de rate. Deux poulets ont été inoculés à plusieurs reprises avec du sang infecté de bactéridies; ils ont mangé pendant plusieurs semaines des

200 chairs fraîches cranimaux morts de cotte maladie, sans offrir aucun phénomène morbide; ils sont, au contraire, devenus gros et gras. Un moineau, un pinson et un verdier, traités de même, sont restés éga- lement bien portants. Huit grenouilles ont été inoculées vainement. Or si l'on a admis la transmission des maladies charbonneuses à ces divers animaux, c'est que sans doute les expérimentateurs confon- dant ces maladies avec celles que déterminent les substances ani- males putréfiées, auront inoculé des matières corrompues.

Quant aux mammifères, j'ai inoculé le sang de rate à des lapins, à des cobayes, des rats et des souris, et tous ces animaux ont contracté la maladie. Cependant tous les individus ne la contractent pas avec la même facilité ; quelques-uns ont été inoculés plusieurs fois, quel- ques-uns même ont été tout à fait réfractaires : sur G5 lapins, 3 ont résisté à des inoculations pratiquées pendant trois mois avec des in- tervalles de une à deux ou trois semaines.

La durée de l'incubation, dans mes expériences d'inoculation pra- tiquée avec du .sang frais, a été en rapport avec la taille des animaux : sur 02 individus, lapins, cobayes, rats, souris, la plus longue durée de la vie après l'inoculation a été 91 heures donnée par un lapin; la plus courte 17 heures donnée par un rat et une souris. Les moyennes ont été pour le lapin 43 heures, pour le cobaye 38 heures, pour le rat 28 heures, pour la souris 26 heures.

Dans une même espèce, la rapidité de la mort m'a paru n'avoir au- cun rapport avec le nombre des bactéridies développées dans le sang : tel individu meurt rapidement avec un nombre ordinaire de ces corpuscules ; tel autre met le double de temps à mourir qui n'en offre ni plus ni moins. Il y a là, comme sous d'autres rapports dont nous avons déjà parlé, quelque chose de spécial à l'individu, une susceptibilité particulière, une véritable idiosyncrasie.

Le nom de sang de rate donné à la maladie qui nous occupe, vient ae l'opinion, déjà ancienne, que le foyer du mal est la rate; aussi, d'après cette opinion, toutes les inoculations primitivement prati- quées pour reconnaître la nature contagieuse de la maladie ont été faites avec le sang ou la substance de la rate. J'ai déjà donné les rai- sons qui me portaient à croire que le siège de la maladie est le sang ; mais, afin d'élucider plus complètement cette question, je fis les ex- périences suivantes : sur deux rats engourdis par le chloroforme,

201

j'enlevai la rate ?ans en laisser la moindre parcelle, puis j'inoculai ce^ animaux avec du sang infecté de bactéridies. Les deux rats se remircn l promptement et reprirent leur agilité ordinaire. Le lendemain, il.s n'offraient rien de particulier dans leur manière d'être, mais vers le soir l'un des deux devint languissant et tomba dans la torpeur par- ticulière aux petits animaux qui vont succomber au sang de rate. Une heure ou deux après, 26 heures après l'inoculation, il mourut sans phénomènes particuliers; son sang, examiné aussitôt, conte- nait un nombre considérable de bactéridies. L'autre rat, qui était resté très-agile, tomba tout à coup, quelques heures plus tard que ie précédent, dans cet état de langueur, puis de torpeur sans somno- lence qui annonce lïnvasion des bactéridies ; en effet, il mourut bien- tôt (31 heures après l'inoculation), et l'examen microscopique (it constater la présence des bactéridies dans son sang.

Les recherches exposées ci-dessus suffisent à montrer le rôle des bactéridies dans la maladie du sang de rate; elles montrent, eu effet, la présence constante des bactéridies dans cette maladie; la transmission par l'inoculation d'un état morbide particulier suivi de mort, état morbide qui est constamment accompagné des filaments que nous avons décrits; elles montrent la présence de ces filaments intacts dans le sang desséché qui a conservé le pouvoir d'inoculer la maladie, l'absence de ces filaments dans le sang putréfié qui a perdu le pouvoir d'inoculer cette même maladie. Je puis donc dire aujoui'- d'hui avec plus de certitude encore, ce que j'ai dit il y a quatre mois dans une communication à l'Académie des sciences : « Personne, « sans doute, dans l'état actuel de la science, ne cherchera en de- « hors de ces corpuscules l'agent de la contagion, agent mystérieux. « insaisissable, qui se développerait et se détruirait dans les mêmes « conditions que les bactéridies, qui jouirait des mêmes propriétés « physiologiques qu'elles. Cet agent est visible et palpable; c'est un « être organisé, doué de vie, qui se développe et se propage à la ma- « nière des êtres vivants. Par sa présence et par sa multiplication « rapide dans le sang, il apporte dans la constitution de ce liquide, « sans doute à la manière des ferments, des modifications qui font « promptement périr l'animal infecté. »

Avant de terminer cette note, je répondrai à des réclamations de

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priorité faites en laveur dïm savant regrettable, le professeur Delà- fond, bien que le style de ces réclamations et la manière dont elles se sont produites eussent pu me dispenser de m'en occuper.

En 1860, Delafond a fait à la Société de médecine vétérinaire une communication sur la présence de corps particuliers dans le sang des animaux atteints du charbon ; ce sont les bactéridies que j'avais observées dix ans auparavant chez des moutons atteints de sang de rate. Delafond a vu que ces corpuscules se transmettent par l'inocu- lation, mais il n'a pas été au delà de cette simple observation; voici, en effet, textuellement la conclusion de sa communication : « Je suis « loin de prétendre, dit ce savant, que ce soient ces productions qui « engendrent le charbon, et que la nature propre du virus qui trans- M met la maladie soit due à leur existence ; mais je dois faire remar- « quer que le sang des animaux charbonneux me paraît avoir acquis « une constitution morbide favorisant essentiellement la multiplica- <( tion de ces productions. »

On le voit, Delafond n'a nullement élucidé l'importante question du rôle des bactéridies dans les maladies charbonneuses, et c'est ce que je crois avoir fait d'une manière évidente. Enfin les recherches du savant vétérinaire datent de 1860, tandis que mes premières ob- servations sont consignées dans nos mémoires pour l'année 1850.

FIN DES MÉMOIRES.

PLANCHES.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE I.

TUMEUR VOLUMINEUSE FORMÉE PAR HYPERCEXÈSE DE LA SUBSTANCE CAUSE DE LA MOELLE ÈPIMÈRE CHEZ UN FŒTUS DE SLX MOIS.

(Mémoires, page 117.)

a. Face postérieure de la tumeur.

b. Membrane enveloppaûte.

e. Aponévrose des muscles spinaux postérieurs.

d. Muscle grand fessier.

e. Orifice conduisant dans l'intérieur du canal racliidien.

f. Canal rachidien.

g. Moelle épinière enveloppée de ses membranes.

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PLANCHE II.

TUiMEUR VOLUMINEUSE FORMÉE PAR HYPERGENÈSE DE LA SUBSTANCE GRISE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE.

(Mémoires, page 117.)

FiG. 1. a. face antérieure de la tumeur. /. Anus. m. Vulve. M, Vessie. 0. Utérus. p. Rectum.

FiG. 2. a. Myélocytes (cellules).

b. Myélocytes (noyaux).

c. Globules sanguins.

d. Gouttelettes graisseuses.

e. Vaisseaux capillaires.

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PLANCHE III.

DES FISSURES CONGÉNITALES DES JOUES.

(Mémoires, page 181.)

FiG. 1.

A. Fissure horizontale et sillon qui la prolonge jusque vers l'oreille. (Ce sillon n'est pas

assez accentué sur la figure).

B. Fissure naso-géaienne, terminée d'une part à la paupière inférieure par une échancrure

en forme de V, et de l'autre à la lèvre inférieure, qu'elle divise.

C. Enfoncement du masillaire.

FiG. 2.

VUE DE l'intérieur DE LA liOUCHE.

A. tjillon horizontal de la joue.

B. Fissure naso-génienne.

r«. Bord inférieur du maxillaire hypertrophié. D et E. Les deux portions de la luette divisée.

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PLANCHE IV.

CONTRIBUTIONS A L'ÉTUDE DES ALTÉRATIONS ANATOMIQUES DE LA GOUTTE ET SPÉCIALEMENT DU REIN CHEZ LES GOUTTEUX.

(Mémoires, page 139.)

FiG. 1. Segment de coupe du rein grossi deux fois à la lonpe : les lignes blanches crayeuses A sont les dépôts d'urate de soude de la substance tubuleuse, qui sont repré- sentés à un grossissement de IbO diamètres dans la fig. 3.

Fis. 2. Tube uinifère contourné de la substance corticale, dont les cellules épithéliales B, grosses et troubles, possèdent en outre une grande quantité de granulations graisseuses (grossissement, 300 diamètres).

Fig. 3. Cristaui d'urate de soude D formant le dépôt visible à l'œil nu représenté en A, fig. 1 (coupe de la substance tubuleuse grossie 150 fois).

Fig. 4. Elle montre une période de la dissolution de ces dépôts sous l'influence de l'acide acétique. Les cristaui libres sont dissous, et il ne reste plus qu'un dépôt amorphe E, dont la dissolution se continue lentement. On voit très-clairement alors que ce dépôt siège dans l'intérieur des tubes urinifères G (coupe du rein vue à un grossissement de 200 diamètres).

Fig. 5. Franges synoviales de l'articulation du genou couvertes de leur épithélium, et mon- trant en M un dépôt d'urate de soude généralement amorphe.

Fis. 6. Coupe perpendiculaire à la surface articulaire d'un cartilage incrusté. P surface ar- ticulaire. V groupes de cellules cartilagineuses infiltrées et hérissées de cristaux soyeui très-fins d'urate de soude. 0 cellules cartilagineuses normales.

Fig. 7. Représeaiation en partie schématique de la dissolution des urates qui incrustent une cellule cartilagineuse sous l'influence de l'acide acétique. G cellule cartilagineuse incrus- tée et hérissée de cristaiii libres d'urate de soude. EnC les ciistaui libres sont dissous, et il se forme des cristaux d'acide urique U; en C", la membrane de la cellule cartila- gineuse parait, tandis que son noyau reste encore incrusté; enfin en C", toute la cellule est devenue transparente, sauf un point au centre du noyau.

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PLANCHE V.

MONSTRE DOUBLE AUTOSITAIRE DE LA FAMILLE DES MONOSOMIENS. (Comples rendus, page 152.)

F iG. 1 . Tète vue de profil.

FiG. 2. Même tète vue de trois quarts.

lîREFFE ANIMALE. (Comples rendus, page 3.)

FiG. 3. a. Squelette de la patte avant la greffe (grandeur naturelle). b. Squelette de la patte après la greffe.

PARALYSIE INFANTILE.

(Comples rendus, page 187.)

Les fig. 4 et ii représentent deux coupes de la moelle épinière dans un cas de paralysie in- fantile ancienne.

La fig. !j (grossissement de 12 diamètres) représente une coupe de la moelle à la partie infé- rieure de la région dorsale, dans laquelle les cordons antéro-latéraux sont visiblement atro- phiés relativement aux cordons postérieurs.

La fig. 4 (grossissement de 90 diamètres) représente la coupe d'une corne antérieure gauche de la moelle. N cellule nerveuse. M, M, corpuscules amyloides brillants très-nombreui, sur- tout sur le trajet des capillaires.

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TABLE DES MÉMOIRES

DE LA SOCIETE DE BIOLOGIE.

I. De l'inosurie; par M. N.Gallois l

2. Quelle est l'origine du principe colorant des suppurations bleues? par

M. Deiore. . 57

3. Recherches sur le bouquet des vins : par M. Berlhelol 71

i. Sur les étals de virulence et de puuidité de la substance organisée; par

M. Charles Robin 9S

5. Note sur les lésions des nerl's el des muscles liées à la contracture tardive

et pennanenie des membres dans les hémiplégies; parM.V. Cornil. . . lOT e. Tumeur volumineuse formée par bjpergénése de la substance grise de la

moelle épiniére chez un fœtus de 6 mois (avec planche); par MM. Rayer

elBall in

7. Note sur une forme particulière de ramollissement du dépôt athéromateux

des artères (arlériomalacie de Lobstein) ; par M. Leudet 123

8. Nouveau procédé pour mesurer le volume de l'encéphale, par M. Jac-

quart 129

9. Contributions à l'étude des altérations anatomiques de la goutte et spécia-

lement du rein chez les goutteu.i (avec planche); par MM. Charcot et

V. Cornil 139

M. Recherches sur les lésions de l'œsophage causés par les anévrismes de

l'aorte; par M. Leudet icr.

u. Des fissures congénitales des joues (avec planche;; par M. Pelvet i8i

12 Nouvelles recherches sur la maladie du sang de rate, considérée principale- ment au point de vue de sa nature; par M. Davaine , . 193

FIN DE LA T.VIILE DE.S MEMOIRES,

TABLE ANALniQUE DES MATIÈRES

CONTENUES

DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIIIES

DE liA SOCIETE DE BIOLOGIE

POUR l'année 1863 (1).

A

C. R,

Albuminurie saturnine persistante; maladie de Bright saturnine; par

M. Ollivier 172

chez un scrofuleux; par M. Gornil 3i

Aoestliésiques (Action du sodium sur quelques) ; par M. Hardy. . . . 74

Anthères Structure des); par M Chatin. 59

Aorte (Hemorrhagies des tuniques internes de I'); par M. Lancereaux. . Il4

Arsénié (Hydrogène) (Empojsonnemen* par I); par M. Ollivier. ... 77

Artères (Raiiiiillissemenl des dépôts aiheromaieux desj; par M. Leudel. » I23

Asphyxie (Note pour servir à l'histoire de 1'); par M. Bert. ... . 206 Ataxie locomotrice, caiicroïde ulerin; mort; mensuration de diamètres

et examen microscopique de la moelle; par M. V. Cornil 2(5

Athéromes (Ramollissement des) des artères; par M. Leudet » i23

C

Calcul rénal du cheval (Note sur un); par M. Rayer 38 >

Cancer épithélial des reins chez un mouton; par M. Rayer 57 »

du sein et des os; parM. Cornil 53 »

—du testicule chez le coq; par M. Rayer 94 «

squirrheuidu sein droit avec généralisation de rinfection cancéreuse;

par M. Cornil 85 »

(l)Les pagps indiquées à la marge sont celles des comptes rendus (C.R.) et des mémoires (M).

•21 G

C. K. U.

de l'utérus, du la trompe gauche et de la vessie; par &1. Cornil. ... 6g »

—(Prétendu) des organes génito-urinaires d'une femme; par M. Cornil. . U8 »

Gancroïde du col utérin et du vagin; par M. Cornil 3j »

—des nerfs sciatique et crural; par M. Cornil 35 »

—utérin avec phlegmon de la fosse iliaque et névrite chronique du crural

du même côté; par M. Cornil leo

Caudale (Extrémité) reproduite après avoir été enlevée chez les pois- sons osseux; par M. Bort lOO »

Cerveau (Rdie du dans l'ingestion des aliments chez les insectes; par

M. Faivre lOi »

Cervelet (Hémorrhagie du); par M. Ollivier 84 »

—(Tumeur du) de nature syphilitique; guérison; par M. Leven. ... 120 »

Cestoïdes (Vers; trouvés chez la genetle ordinaire; par M. Vaillant. . 48 »• Chancre induré du prépuce (Analomie pathologique); par M. Or-

donez 83 »

Chien (Nécrose des maxillaires chez un); par M. Vatel 95 »

Commotion des centres nerveux chez la grenouille; par M. Vulpian. . 123 »

Coq (Tumeur du testicule chez le); par M. Rayer 94 »

Gysticerque» (Généralisation des) chez l'homme; par MM. Delore et

Bonhomme «

D

Bcntaîre (Genèse hétérotopique) chez le cheval; par MM. Robin et Fe-

lizet 167 »

Biathèse et généralisation cancéreuse chez une malade tuberculeuse;

par M. Cornil 169 »

I^ivision des nerfs, artères et muscles de l'avant-bras avec rétablisse- ment incomplet de la sensibilité et du mouvement; par MM. Leu- detet Dt;Iabost 137

E

Hctopie du coeur dans un cas de scissure du sternum ; par M. Ranvier. . 93 » Encéphale (Circulation capillaire de 1') chez les vieillards; par M La-

borde îG »

Stnbolie de l'artère iliaque et gangrène spontanée; par M. Fernet. . . 48 »

Empoisonnement par l'hydrogène arsénié; par M. A. Ollivier- . . 77 x —par une application de nitrate acide de mercure sur la peau; par

M. Vidal 193 »

Emphysème généralisé chez un adulte; par M. Ollivier i04 •>

Encéphale (Nouveau procédé pour mesurer le volume de 1'); parM.Jac-

quarl » 129

Estomac (Polypes niuqueux de 1'); par M. Cornil 145 u

F

Face (Lupus térébrant de la); par M Cornil 31 »

S'écondation artilicielle à l'aide du pollen conservé pendant quatorze

mois, par M. Faivre 7t »

Feu de Saint-Antoine chez un porc mâle; par M. Rayer 19s >

C. R. M.

Feuilles (Malières colorantes des); par MM. Chatin ot Filhol >•

Fibre musculaire (Aclion du sulfo-cyanurc de potassium sur la); par

MM. Ueri,'eron et Ollivier 22 •>

Fœtus presque à terme développé dans une corne utérine unique chez

une brebis; par M. Rayer 57 »

des mois (Eotopiedii cœur sur un); par M. Ranvier 93 "

Foie et des reins d'un scrofuleux (Dégénération amyloïdes du); par

M. Cornil 3l »

G

Gallinacés (Affection vermineuse insolite chez les); par M. Legros. . . 2i8 Ganglion frontal (Rôle du) dans Tingestion des aliments chez les in- sectes; par M. Faivre lOi »

Gangrène spontanée et embolie de l'artère iliaque; par M. Fernet. . . 48 »

Généralisation du cancer; par M. V. Cornil 8G el 187 »

Gommes syphilitiques du poumon chci les nouveau-nés; par M. Ran- vier 51 >■

Goutte. Contribution à l'étude des altérations analoraiques de la goutte et spécialement du rein chez les goutteux (avec planche);

par MM. Cbarcot el V. Cornil » lô.T

GreÉFe animale; par M. Bert (avec planche) Sel 20 »

Grenouille fCommotion des centres nerveux chez la); par M. Vulpian. . 123 »

H

Hémorrhagies des tuniques internes de l'aorte; par M. Lancereaux. . ii4 »

du cervelet; par M. Ollivier 84 >•

Bétéradénie du col utérin; par M. Cornil 182 «

Hydatides développées chez un oiseau; par M. Vaillant. ...... 48 »

Hydrocéphalie (Considérations sur 1'); par M. Archambaull S »

I

Infection cancéreuse généralisée; par .M. Cornil S8 »

—du moulon par le tœnia cœnurut; par MM. Milne Edwards et Vail- lant , 80 »

Infusoires du sang dans la maladie du sang de rate; par M. Davaine. 1-19 »

Xnosurie ; par M. Gallois 1

Intoxication saturnine; altération des muscles et des nerfs desmem-

bres paralysés; par M. Ollivier 172 »

J

Joue» (Fissures congénitales des) (avec planche) ; par M. Pelvet. . . . » I8i

K

K.y8te cancéreux de l'os iliaque; par M. Cornil 5S a

tuberculeux adhérent du rein chez un mouton; par M. Rayer. ... 58 »

de l'ovaire chez une truie; parM. Rayer )J3 »

as h

0. «. M.

ïjupu» lérébranl de la face; par M. Cornil 3i »

^lymphatiques de l'utérus (Cancroïde du col utérin propagé aux

vaisseaux) ; par M. Cornil 184 »

M

Madura (Pied endémique de); par M. Robin 33 »

Maladie de Bright de nature saturnine; par M. Ollivier 176 »

daladies cérébrales (Palhogénie des); par M. Laborde 26 »

Matière colorante dans les glandes sudoripares de l'aisselle; parM. Ch.

Robin 156

Maxillaires (Nécrose des) chez un chien; par M. Vatel 95 »•

Milouin (Canard); par M. Rayer 38 »

(Péricardite chezun); par M. Rayer 38 »

Moelle épinière (Altération de la) dans un cas de paralysie infantile;

par M. V. Cornil 187 »

(Hypergénèse de la substance grise de la) chez un fœtus de 6 mois

(avec planches); par MM. Rayer et Bail >. tn

Monstre double bifemelle de la famille des monocéphaliens apparte- nant en même temps aux deux genres iscbiopage et xyphopage de

Geoffroy-Saint-Hilaire; par M. Leroux 45 »

aiilositaire; par M. Bert (avec planche) 132

Monstruosités dans l'espèce poule (Production artificielle de); par

M. Dareste 158 »

simples (Mémoire sur la production de certaines formes de); par

M. Dareste 213 »

Mouton (Cancer épithélial des reins chez le); par M. Rayer. .... 57 » (Tumeur iuberc"**^"se enkystée adhérente au rein chez un); par

M. Rayer. ..-..- 58 »

(Tournis des^; par M Leven. ... 121 et 106 »

Musculaires (Fibres) de la peau; par M. Sappey 1 «

Muscles pileux; par M. Onlofiez 109 »

(Trichma spiralls des); par M. Ordofiez 61 »

Muscles et nerfs (Lésions des) liées à la contracture tardive et perma- nente des membres dans les hémiplégies; par M. V. Cornil. ... » 107

N

Itïécrose des maxillaires chez un chien; par M. Vatel 95 »

Merf crural (Cancroïde du); par M. Cornil 35 »

sriaiique (Cancroïde du); par M. V. Cornil 35 »

S'îerfs (Sclérèrae et cancer des); par M. V. Cornil 8 »

rie l'olfaction, recherches physiologiques; par M. Gianuzzi 97 »

Suerrj et muscles (Lésions des) liées à la contracture tardive et perma- nente des membres dans les hémiplégies; par M. V. Cornil. ... iu7 Mévrite ciironique du nerf crural dans un cas de cancroïde utérin; par

M. Coinil 160 »

^évï ornes cancéreux des nerfs intercostaux; par M. Cornil 16'J »

Bâfitrate acide de mercure (Empoisonnement par le); par M. Vidal. . . 193 »

O

11. R. M.

Œsophage (I>ésions de 1') causées par les anévrismes de l'aorte; par

M. Leudet ■• jc5

Olfaclion Nerfs de 1'). Recherches physiologiques; par J!. Gianuzii. . d7 »

Os iliaque (Kyste cancéreux de 1'); par M. Cornil :,j »

Ovaire (Kyste de 1') chez une Iruie; par M. Rayer as »

P

Paralysie infantile et cancer des seins. Autopsie, altération de la

moelle épinière, des nerfs et des muscles; par M. V. Cornil ... i87

Pathologie comparée (Observations de) ; par M. Gubler lo »

Peau (Fibres musculaires lisses de la); par M. Sappey i ,<

^Structure de la) chez quelques batraciens; par M. Vaillant n »

(Granulations cancéreuses de la- ; par M. Cornil !G9 et i7'i •>

Pellagre sporadique; par M. Vidal 138 »

Pemphygus syphilitique néo-natorum; par M. Ranvier ôl »

Péricardite chez un canard milouin; par M. Rayer 38 »

Pied endémique de Madura; par M.Robin 33 »

Phoque (Quelques points de l'anatomie du système vasculaire chez le);

par M. Bert 18 »

Point d'ossification des os longs; par Robin 20i »

Pollen conservé pendant quatorze mois (Fécondation arliJicielle à l'aide

du); par M. Faivre 71 »

Polypes muqueux de l'estomac; par M. Cornil 145 »

Porc raille (Feu de Saint-Antoine chez un); par M. Rayer i96 »

Poulet» déradelphes (Note sur deux); par M. Bert '.^3 »

Psorospermes. Organisation et nature; par Baibiani ni »

R

Ramollissement cérébral I Pathogénie du); par M. Laborde. ... 26 »

—et thrombose de l'artère sylvienne; par M. Fernei 48

Reins (Cancer épithélial des) chez un mouton; par M. Rayer 57 »

Reins et foie d'un scrofuleux (Dégénération amyloïde des); par M. Cor- nil 31 »

Rein (Suppuration et destruction partielle du) ; par M. Courty. . . . ics » Rétablissement de la circulation sanguine, et propagation de la tensi-

t»<i/d en sens inverse de leur cours normal; par M. Rert i7y »

S

Sang (Action du sulfocyanure de potassium sur le); par MM. Bergeron

et Ollivier 22 .

Sang de rate (Infusoires du Ii{|uide sanguin dans la malade dite); par

M. Davaine 149 >

—(Nouvelles recherches sur la maladie dite). Nature de la maladie du

sang de rate; par M. Davaine » 193

Scissure du sternum; par M. Ranvier 93 »

Scrofule f Accidents multiples de la); par M. Cornil 3i »

Sodium (Action du) sur quel(|ues anesthésiques; pur Hardy 74

C. k. u.

Soudure cutanée entre deui animaux d'espèce différente; parM.iîert. 22 »

Sternum (Scissure du) avec ectopie du cœur; par M. Ranvier 9J

Structure des anthères; par M. Chatin 59 »

Sucre dans la sève et en {général dans les divers sucs des végétaux; par

M. Cliatin 197 "

Sudoripares (Matière colorante dans les glande*); par M. Robin. . . . 156 » Sulfocyanure de potassium (Action du) sur la libre musculaire et le

sang ; par MM. Bergeron et Oilivier , 22 »

Suppurations bleues (Origine du principe colorant des); par M. De-

lore ui

T

Testicule (Cancer du) chez le coq; par M. Rayer 94 »

Thrombose de l'artère sylvienne. Ramollissement cérébral; par M. Fer- net 48 »

Tibia (Cancer épilhélial kystique du) consécutif à un cancer épithélial de

l'utérus ; par M. Cornil 55 »

Tœnia caenurus (Infection du mouton par le); par MM. Milne-Edwards

et Vaillant 80

Tournis des moutons; par M. Leven 121 et 166 »

Trichina spiralis des muscles (Noie sur le); par M. Ordonez 61 »

Truie i^Kysle de l'ovaire chez une); par M. Rayer 153 »

Tubercules du foie et des reins chez une); par M. Rayer. ..... 195 »

Tubercules du foie et des reins chez une truie; par M. Rayer. ... 195

Tuberculisation du foie, de la rate el des poumons chez une poule co-

cbincbinoise ; par M. Rayer 38 »

Tuberculeuse et cancéreuse (Diathéses) chez une femme de CO ans;

par M. V. Cornil 169 »

D

Urines (Note sur le temps nécessaire au passage de quelques substances

dans les); par M. Hardy 4i

Utérus (Anomalie de 1') chez une brebis; fœtus presque à terme déve- loppé dans une corne utérine unique ; par M. Rayer 57 »

InTiitration cancéreuse des parois de l'uiérus, ayant déterminé une aug- mentation considérable des parois de l'organe utérin; par M. Cor- nil 66 "

CCancroïde du col de 1'); par M. Cornil 35 »

—(Production liéléradénique du col de 1'); par M. Cornil i82 »

V

Vagin (Cancroide du); par M Cornil « 35 .

Veine cave supérieure double chez un fœtus de s mois; par Ranvier. . 93 »

Vermineuse (Affection) insolite chez les gallinacés; par M. Legros. . 218 »

Vins (Recherches sur le bouquet des); par M. Berthelot .> 71

Virulence et putridité de la substance organisée; par M. Ch. Robin. . >> 9j

FIN DE LA TABLK ANALYTIQUE.

TABLE DES MATIERES

t I R K A R V':

PAR NOMS D'AUTEURS.

Archàhbault. . . . Hydrocéphalie.

C. R.

S

6

Halbuni Sur l'organisaliori et la nature des psorosperines. . m »

BiLL et Rayer. . . Tumeur volumineuse formée par bypergénèse de la substance grise de la moelle épinière chez un fœtus de 6 mois (avec planches) » n?

Bergeron et Ollivier. Action du sulfocyanure de potassium sur la libre

musculaire et sur le sang 22 »

Bert Notes pour servir à l'histoire de l'asphyxie. . . . 206 »

Note sur un monstre double autositaire de la famille

des monosomiens (Class Is. G. S. H,), (avec

planche 132 »

Greffe animale (avec planche) 3 et 20 «

Soudure cutanée entre deux animaux d'espèce diffé-

rente 22 "

Grefle animale; rétablissement de la circulation san-

guine et propagation de la sensibilité en sens in- verse de leur cours normal 179 »

Note sur deux poulets déradelphes 23

Reproduction de l'extrémité caudale enlevée chez les

poissons osseux 100

Sur quelques points d'anatoiuie du système vascu-

laire che7. le phoque IS »

Berthelot Recherches sur le bouquet des vins » 71

Bonhomme cIDelore. Voy. Delore.

C

Charcot et CuKML. Contributions à l'étude des altérations analoniiqucs de la goutte, et spécialement du rein chez les gout- teux (avec planche) » 139

2

•> i

31

M

53

M

66

n

160

n

22'2

i;. R, M. CîiATiN De la structure des anthères 59 »

Recherches du sucre dans la sève et en général dans

les divers sucs des végétaux 197 »

et FiLHOL. . . . Sur les matières colorantes des feuilles 73 »

CoRML Ataxie locomotrice; cancroïde utérin; mort, mensu- ration des diamètres et examen microscopique de

la moelle 2i5 »

Accidents scrofuleux multiples; lupus térébrant de

la face; albuminurie; dégénération amyloïde du foie et des reins

Cancer du sein et des os; kyste; cancer de l'os

iliaque

Cancer de l'utérus; augmentation considérable des

parois de l'organe par infiltration cancéreuse; can- cer de la trompe gauche; de la vessie

Cancroïde utérin; phlegmon de la fosse iliaque; né-

vrite chronique du nerf crural du mémo côté. . .

Cancroïde de la portion vaginale du col utérin et du

vagin. Altération cancroïde des nerfs scialique et crural du côté gauche 33

Cancroïde du col utérin propaj^é aux vaisseaux lym-

phatiques de l'utérus I8J »

Organes génito-urinaires d'une femme affectée de

cancer de l'utérus 118 »

Productions iiéiéradéniques du col de l'utérus. ' . . 182 »

Sclérème et cancer des nerfs périphériques. ... 8 »

Note sur un cancer épithélial kystique du tibia con-

sécutif à un cancer épithélial de l'utérus. ... 55 »

Cancer squirrheux du sein droit. Généralisation de

l'infection cancéreuse 86 »

Phtbisie pulmonaire; cancer squirrheux du sein;

angioleuciteréticulairc; névralgie intercostale. Au- topsie: granulation cancéreuses des plèvres, de la surface du foie, du péricarde, des bronches, des poumons, etc. Névromcs cancéreux des nerfs in- tercostaux 11)9 I)

Deux observations de polypes muqueux de l'es-

tomac 145 »

Paralysie infantile; cancer des seins. Autopsie : Al-

tération de la moelle épinière, des nerfs et des

muscles; généralisation du cancer 187 »

Note sur les lésions des mrfs et des muscles liées à

la contracture tardive et permanente des membres

dans les hémiplégies « 107

et Charcot. . . Contribution à l'étude des altérations anatomiques de

la goutte, et spécialement du rein chez les gout- teux (avec planche) » 135

GouRTY i Suppuration et probablement destruction partielle

du rein droit. . , i68 »

D

u. n. M.

Darestb Nouvelles recbercbes sur la production artificielle

des monstruosités dans l'espèce poule 158 »

Mémoire sur la production de certaines formes de

monslruosilés simples 210 n

Dayaine Infusoires du sang dans la maladie connue sous le

nom de sang de rate no »

Nouvelles recherches sur la maladie du sang de rate,

considérée principalement au point de vue de sa

nature. » 193

Delabost et Lecdet. Vuy. Leudet.

Delore et Bonhomme. Observation de généralisation de cyslicerques

chez l'homme 62 »

Delore Quelle est l'origine du principe colorant des suppu- rations bleues? Il 57

Faivre Expériences sur le rôle du cerveau dans l'ingestion

des aliments chez les insectes, et sur les fonctions

du ganglion frontal lOi

Note sur la fécondation artificielle à l'aide du pollen

conservé pendant quatorze mois 71

Fêuzet et Robin. . Voy. Robin.

Fernet Thrombose de l'artère cérébrale moyenne; ramollis- sement cérébral. Embolie de l'arlère iliaque; gan- grène spontanée 4S

FiLHOL et Chatin. . Voy. Chatin.

G

Gallois De l'inosurie »

et GiLLiiT DE Grandmont. Voy. Rayer.

GiANNi'Zzi (Joseph). Recherches physiologiques sur les nerfs de l'olfac- tion 97

Godard Erkest. . . (Notice sur) ; par Benjamin Bail v

Gi'BLER Observations de pathologie comparée 10

H

Hardy Note sur le temps nécessaire au passage de quelques

substances dans l'urine H

De l'action du sodium sur quelques anesthésiques . 74

Jagqi'ART Nouveau procédé pour mcsurerle volume de l'en- céphale .... » 129

•li'i

Laburuë Hecherches sur les luoditicalions imprimées par l'dge

aux vaisseaux de la circulation capillaire de l'en- ccpliale et sur la structure de l'encéphale. Pa- lliogénie des maladies cérébrales et en particu- lier du ramollissement chez le vieillard 26 »

Lancerkaux Hémorrhagies des tuniques internes de l'aorte. . . U4 »

Lkgros Affection vermineuse insolite chez les gallinacés. . 2i8 »

Leroux Monstre double, bifemelle, de la famille des mo-

nocéphaliens à unions sous et sus-ombilicales. . 45 »

Leudet Note sur une forme particulière de ramollissement

du dépôt athéromateux des artères. (Artérioma-

lacie de Lobstein.) 123

Recherches sur les lésions de l'œsophage causées par

les anévrismes de l'aorte " idâ

~elD£LABosT. . . . Division ancienne des nerfs, artères et muscles de l'avanl-bras, avec rétablissement incomplet de la sensibilité et conservation presque complète des

mouveiiienls 13? *

Levsn. ....... Tumeur cérébelleuse de nature syphilitique; gué-

rison J20 »

Tournis des moutons 121 »

Sur les causes du tournis chez le mouton 168

M

MiLNE Edwards 'Alph. ; et L. Vaillant. Expériences sur l'infection du

mouton par le lœnia eœnurus 80 »

O

Olliviep, Emphysème pulmonaire généralisé chez un adulte. . 104 »

Empoisonnement par l'hydrogène arsénié 77 »

elBEUGERON. . . Fo»/. Bergeron et Ollivier.

Ollivier Hémorrhagie du cervelet 84 »

Nombreuses coliques saturnines; albuminurie per-

sistante; paralysies; mort subite. Maladie de Bright; atrophie de la substance corticale du rein; altération des muscles et des nerfs dans les mem- bres paralysés 172 et 176 »

Ordosez Note sur l'anatomie pathologique du chancre induré

du prépuce 83

Muscles pileux 109 »

Note sur le trichina spinalis des muscles. ... 6i «

P

Pelvet Des fissures congénitales des joues (avec planche). » I8i

R

Ranvier Pemphygus syphilitique néo-naloruni; gourmes sy- philitiques du poumon âi

225

, 0 n. .1!.

ftANviEK Scissure tlu Sternum; ectopie du cœur; absence du

canal artériel; deux veines caves supérieures chez

un fœtus de 8 mois 83 »

Hâter Anomalie de l'utérus chez une brebis; fœtus pres- que à terme développé dans une corne utérine unique 57 «

Note sur un calcul rénal du cheval S8

Cancer épithélial des reins chez un mouton. ... 57

Tumeur enkystée adhérente au rein du vo!un:e

d'un petit œuf de poule chez un mouton. ... 07

Kyste de l'ovaire chez une truie at »

Tubercules du foie et des reins chez une truie . . lUr,

Feu de Saint-Antoine chez un porc mâle i9(i .

Pathologie comparée chez les oiseaux; péricardite;

tubercules probables chez un canard du foie do la rate et du poumon chez une poule eochinchi- noise SS

Cancer du testicule chez le coq 94

et Ball Tumeur volumineuse formée par hypflrgénése delà

substance grise de la moelle épinière chez un

fœtus de 6 mois (avec planches) » n;

Robin (Charles). . . Note sur le lieu précis se montre le premier

point d'ossification des os longs 201 »

Pied endémique de Madura 33 «

Sur un cas de réplétion des glandes sudoripares

axillaires par une matière colorante d'un noir

violet 15S »

Sur les états de virulence et de pulridité de la sub-

stance organisée » !;5

et G. Felizet. . Cas de genèse hétérotopique dentaire chez le che-

val 167 »

S S.ippEY , . . Fibres musculaires de la peau l >.

V

VAiLLiSiT Scruclure de la peau chez quelques batraciens. . . 17 »

Note : sur les hydalides développées chez un oi-

seau 48 »

20 Sur les vers cestoïdes trouvés chez la genette or-

dinaire m »

et MiLSE EuwAUDS. Voy. Milne Edwards.

Vatel Autopsie d'un chien atteint de nécrose des maxil- laires 55 '

Vidai Empoisonnement par une application do nitrate

acide de mercure sur la peau, mort le neuvième jour après l'accident. 193

Note sur un cas de pellagre sporadique 138

VoLPiAS Note sur les effets produits par la commotion des

centres nerveux chez la grenouille 123

FIN DES TABLES. iMÉ.M. 15

LISTE DES OUVRAGES

OFFERTS A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.

1863.

B

Berroni (de Turin) Statistique sur le traitement et la guérison de

la folie.

Bert De la greffe animale (thèse inaugurale) ; in-4°.

1863.

Blot De la version pelvienne dans certains cas de

rétrécissement du bassin. Bulletin et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris ; in-S°.

1860-63. Bulletin de l'Académie des sciences de Leipzig. Bulletins de l'Institut d'Egypte.

Bulletin de la Société royale de Londres; in-8". 1863, vol. XlL Bulletin de la Société médicale d'émulation. Bulletin de la Société médicale des hôpitaux de Paris. Bulletins de l'Institut national genevois; in-4°. 1863, vol. IX. Bulletins de la Société impériale des naturalistes de Moscou; in-8°.

1863, vol. XXVI. Bulletin de la Société botanique de France; in-8". 1863. Bulletin de l'Académie royale de Belgique; in-8°. 1863, t. VI, 2" série. Bulletins de l'Académie royale de médecine de Belgique. Bulletins et Mémoires de la Société de chirurgie de Paris. Bulletin de la Société d'acclimatation et d'histoire naturelle do l'île d^

la Réunion; in-8°. 1863. Bulletin de la Société médicale d'Anvers; in-8''. 1863, vol. II. Bulletins de la Société médicale du nord de la France ; in-8". 1863.

C

Comptes rendus ni mémoires de l'Académie des sciences d Amster- dam.

228

Comptes rendus de la Société impériale de médecine de Marseille ;

in-8". lSf32. Comptes rendus et mémoires de la Société de chirurgie; in-8". 1863.

t. iV, 2* série. Comptes rendus de l'Académie des sciences (Institut); in-4''. 1863, Garpenteh Mémoire sur les mollusques.

D

D.4RESTE , Recherches sur les conditions de la vie et de

la mort chez les monstres électroméliens, célosomiens et exencéphaliens, produits ar- tificiellement dans l'espèce de la poule. 1 863.

Delouk. De l'absorption des médicaments par la peau.

1863.

F

Fouhnier. De la végétation des environs de h Caille;

broch. 1863.

G

Gazette Médicale de Paris; vol. in-4'>. 1863. GiNTRAc fils De la pellagre ; broch. 1863.

II

HiLLAiRET. , Rapport sur le mémoire de M. Gintrac sur la

pellagre; broch. 1863.

J

Journal des connaissances d'histoire naturelle de Wiirtzbourg; in-S",

t. IV. 1863. Journal de médecine de Wiirtzbourg; in-8°, t. IV. 1862.

L

Labbij (L.). De la coxalgie ; thèse d'agrégation . 1 863.

LuTON De la médication substitutive paronchyma-

teuse ; broch. 1863.

M

Marey. . , Physiologie médicale de la circulation du

sang; in-8°. 1863.

229

Macgioram (C.) Essais sur la craniologie des anciens Ro- mains; in-S". 1803.

- Caractères de la race chinoise; brocli. 1862.

Des momies de FercnUlIo ; brocli. 18GJ. Mémoires de concours et des savants étrangers publiés par l'Académie

royale de médecine de Belgique.

Martin-Mac.uon Éloge du docteur Ernest Godard ; broch. 1863.

MiciioN Étude sur les écrits du cardinal de Retz,

broch. 1863.

O

Olmvieu De l'albuminurie saturnine ; thèse inaugu- rale. 1862.

P

Philii'peau\ et Vulpian. Modifications physiologiques du nerf lingual à

la suite de l'abolition temporaire de la mo- tricité du nerf hypoglosse ; broch. 1862.

PotcnET père De la génération spontanée; in-S". 1862.

R

Rayer Introduction au cours de médecine compa

rée; broch. in-8°. 1863.

S Strube Des parasites phytoïdes.

T

TuRGis Du goitre exophthalmique; thèse inaugurale,

1863.

V

Union médicale de la Seine-Inférieure.

V

Vaillant (L.) De la fécondation dans les cryptogames (Ihèst^

d'agrégation). ;8G3. Histoire anatomique de la sirène lacertine.

FIN.

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