de ; d DL {4 dus MIATUMAIOE à . sl ut ; : " Le Meta: ’ G1 Fate, tre ” jh Ai 4 ie As 1 24) ci ain if ! M FH fat MEME y fIaelUe . ii, HIER HRANE gl 1 itur «| LOT de Does ie . fs Mie HAU an et de Anar aveu) y te JUNE 0 ( a tone (0 ent # DiStetrt net 0e À PONS d } ! LE AN à HO ae j ls ;1, ( j k (] ns DU " de : À pairs Pets ile je à ji RE } ROAIAAX RE eur dt di ! , aie Ds fi (Et j ’ {à $ fa Hi 1e 1: 1 [ . dite 1 " 4 4 ie si HAf nil nt rer te Ë ji il Re ï HU ARENA fi ci th : , 1 Ms ul y ts À ri ti ‘ | | it nr LOCIDT IC PIENIEEE et A Monet si de pi ne ff { “be Het ke iii le a D til is mn ue fr ! LINE 0e fl nEs Aït pie Hague 1 Îa RAA HICRE IC «al: di wi , gti 1(] anni hi du pre .. jui Us sus ju is if, EE y fier ru tal CHATEN HG nl quid 14 Ai48 ç4t # ANTETN et) A2 Ge e jh! k * fur 2e TAC à AUS agé jai a À CET! A ; EN F COMPTES “ue DES SÉANCES MÉMOIRES A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1871. re Paris. — Imprimerie Arnous de Rivière et C°, rue Racine, 26. COMPTES RENDUS DES SÉANCES ET MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. re TOME TROISIÈME DE LA CINQUIÈME SÉRIE ANNÉE 1871 VINGT-TROISIÈME DE LA COLLECTION. AVEC 13 PLANCHES LITHOGRAPHIÉES. PARIS ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR, Place de l’École-de-Médecine. 1873 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE EN 1871. + COMPOSITION DU BUREAU. Président perpétuel. M. Claude Bernard. Vice-présidents A Le Here Ro M. Charcot. Secrétaire général. . M. Dumontpallier. M. Duguet. Secrétaires ordinaires. M°\Gréhant. M. Jolyet. M. Liouville. Trésorier. . ...... M. Raymond. Archiviste. ....... M. Carville. MEMBRES HONORAIRES. MM. Andral. MM. Dumas. Becquerel. Littré. Bernard (Claude). Milne Edwards. Bouillaud. De Quatrefages. Chevreul. Note Coste. N° vi MEMBRES TITULAIRES-HONORAIRES (1871). MM. Balbiani. MM. Houel. Bastien. Jacquart (Henri). Berthelot. Laboulbène. Blot. Le Bret. Bouchut. Leconte. Bouley (Henri). Le Gendre. Broca. Liégeois. Brown-Séquard. Lorain. Charcot. Luys. Chatin. Marey. Davaine. Michon. Depaul. Moreau (Armand). Fournier (Eug.). Regnauld. Giraldès. Sappey. Goubaux. Verneuil. Guillemin. Vidal. Hillairet. Vulpian. MEMBRES TITULAIRES. MM. Ball MM. Laborde. Bergeron. Lancereaux. Bert (Paul). À Legros. Bouchard. Lépine. Carville. Leven. Cornil. Liouville. Cotard. Magitot. Duguet. Magnan. Dumontpallier. Milne Edwards (Alphonse). Gallois. Ollivier. Gréhant. Pouchet. Gubler. Rabuteau. Hardy. Ranvier. Hayem. Raymond. Isambert. Robin (Charles). Jolyet. Trasbot. Krishaber. Vaillant. VII MEMBRES ASSOCIÉS. MM. Agassiz. MM. Liebig (Justus). Baer (de). Owen (Richard). Bennett (Hughes). Paget (James). Ehrenberg. Queteley. Gurlt (Ernst-Friedrich). Schwann. Huss (Magnus). Siebold. Jones (Bence). Sédillot. Lebert (H.). Valentin. MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX. PM Bevlande Rene een à Paris. london PPT NET à Nancy. Bourcenon ete ere à Londres. ChANSSAPEERE EE CERN à Aubusson. Ghanyeau AMENER PUR à Lyon. (DOTE CN PANIER tee à Montpellier. Dareste se es nus à Lille. Deseranges see à Lyon. Dufour (Gustave)......... à Toulouse. Duseés ain 0e ANNEES au Mexique. LEA OT HE ne EMA AE no LS La à Bourg. ÉSÉOP AN An e dns à Montpellier. AVE (Es) ae nn ane à Lyon. Germain de Saint-Pierre.. à Nice. GIMDETENNNENPNAANR LEE à Cannes. Gosselin ue nant à Paris. Guérin (Jules)....:.....:. à Paris. ÉREMANNs AIMER à Strasbourg. ARTE NA LE De DRMANE A APN EURE PAT à Montargis. Lecadre. tetes re au Havre. Leroy de Méricourt....... à Paris. leudet(émile)) ae à Rouen. Martins (Charles)......... à Montpellier. Oer Arena) à Lyon. Pelvetos 00 LES à Dives. Roucet entrer er à Montpellier. Saint Pierres LUE à Montpellier. SUIS ANNE Pre ANA à Nancy. VIII MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS. Grande-Bretagne. MM. Beale...... SA UE Nbre à Londres. Berkeley (M. J.).......... à Kings-Cliff, Boyrman (We) RPAPEREETE à Londres. Carpenter (WEB) PE CEE à Londres. Grant (RAE DEP A Re EURE à Londres. JACOD AS PAT à Dublin. Jones (Wharton).......... à Londres. MaCliSe SOA à Londres. MARCEL AE EE MSN ARS à Londres. Nunneleyes sr PRE à Leeds. Redierne ne SRE à Aberdeen. SRATPEVE ANNE MMA ME RAANE à Londres. SIMON ON) AA MEMENEER à Londres. Thomson (Allen).......... à Glasgow. Hoynbee pi PILRAEAe IE à Londres, Maillamson re PP ARERRR à Londres. Allemagne. MMS YBischof ere ARAIbEnt I à Munich. Brücke) (Ernst) Me metrere à Vienne. Cars NV) SEAL E Ale à Leipzig. Dubois-Reymond......... à Berlin. Ramos no sbbseec ee à Leipzig. Henle etat RAI à Gœættingen. Herins tien RME à Stuttgardt. Hirschfeld (Ludovic)...... à Varsovie. Hoffmeister FÉPPPSE PRES à Leipzig. ONE SDS SU Le à Vienne. KœlliKker LP PE RENE à Würzburg. Leuchkart tee mnnMrnnnAUs à Munich. Lu yyie Ne ADN SEM RALENN à Vienne. LUSChKa: MREMU R EENS à Tubinge. Mayer... aient à Bonn. MeckelN(Albert) tee rmerr à Halle. Rokitanskye -#"ÉtRPenPerr à Vienne. SCRUlLZE SA ANNEES a Bonn. 1X MMS tEANNIUS. EME RER à Rostock. Snap a à Cassel. VTC TO VI ANUS .... à Berlin. Weber (Wilhelm-Eduard).. à Leipzig. Weber (Ernst-Heinrich)... à Leipzig. Belgique. MMA GlUSe ANR ne à Bruxelles. HiernesSe RAA AAA à Bruxelles. Van-Beneden ........,.,.. à Louvain. Danemark. MÉRHADNOVER A ee eee à Copenhague. Suède. Mi Santesson nant enr à Stockholm. Hollande. MMANDoOnders AE MInenenUnRes à Utrecht. HeTTENS pELLe Eat à Utrecht. Man den HGEVENT ACER à Leyde. Suisse. : ANIME DU y ETS ee ne à Genève. ISERE DB CT OU EMSORRS à Zurich. Mieschera anna ut à Bâle. Oier NE Een à Genève. PÉEMOS MR ET AE ANR à Genève. MORE enx à Genève. Italie. MMA TE San a RU TR OAnNE nn à Palerme. MARNE SAR e à Naples. Moleschot eee rrE à Turin. Vellase pains DA VAE ARS à Turin. Portugal. M. De Mello.......,...., .... à Lisbonne. X États-Unis. MM. Bigelow (Henry J.)....... à Boston. DrAPer ER ee RL à New-York. Leidyi (Joseph) -2"27"207 à Philadelphie. Brésil. M TADROIT MMA EEE nl à Bahia. COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1871. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'AVRIL 1851; Par M. DUGUET, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CHARCOT, VICE-PRÉSIDENT. Séance du £5 avril (4). EXEMPLE D'ABAISSEMENT CONSIDÉRABLE DE LA TEMPÉRATURE REC- TALE CHEZ UN HOMME EXPOSÉ AU FROID EXTÉRIEUR; par BOUR- NEVILLE. Bancar…. (Isidore), 45 ans, menuisier, est entré, le:2 janvier 1871, à l'hôpital de la Pitié, salle Athanase, n° 28 (service de M. MARROTTE). Au dire des personnes qui l'ont apporté, il aurait été trouvé couché tout nu, sur le parquet de sa chambre dont la fenêtre était ouverte, Au moment de l'admission (onze heures du soir), nous avons con- staté en premier lieu un re/roidissement considérable, non-seulement des extrémités supérieures et inférieures et du nez, mais encore de (L) Reprise des travaux de la Société, dont le cours régulier avait été suspendu par les événements de la guerre. CRRMOTE { 2 toute la surface du corps. Il y avait, sur les membres et sur le tronc, un grand nombre de petites plaies, d’ailleurs insignifiantes, en ce sens qu’elles étaient superficielles et n'avaient pu donner issue qu’à quel- ques gouttes de sang (égratignures, écorchures). Le pouls était imperceptible aux radiales. À l’auscultation du cœur on ne percevait qu’un seul bruit, sourd, se reproduisant parfois avec lenteur, d’autres fois avec rapidité. — On comptait 24 insprrations à la minute. — La {empérature rectale était à 27°,4. Comme ce chiftre nous paraissait tout à fait extraordinaire, nous avons laissé le therm o- mètre en place et bien enfoncé durant dix minutes sans remarquer le moindre changement. De plus, nous nous sommes assuré qu'il n’était pas défectueux en le comparant avec deux autres thermomètres. Outre les phénomeues precédents, on notait encore une déviation légère de la face et des yeux vers la gauche; une injection de la con- jonctive oculaire suivant le grand axe de l'organe, une contraction des pupilles, enfin une contracture des membres supérieurs, sans qu’il y eût de paralysie appréciable. Des boules remplies d’eau chaude furent placées aux pieds du ma- lade et sous ses aisselles ; des alèzes chaudes furent mises sur la poi- trine et sur le ventre; des sinapismes furent appliqués sur les mollets et sur les cuisses. Enfin on fit boire au malade, avec quelque difficulté, du vin chaud et sucré. Deux heures plus tard (une heure du matin), la température rectale était à 280,2; la respiration à 28. Nous fimes alors renouveler les moyens déjà employés. En dépit des précautions prises, ce malheureux succomba le 3 jan- vier, à huit heures et demie. La {empéralure rectale, cinq minutes après la mort, était à 36°,2. A onze heures, bien que le cadavre fût resté dans le lit, la température était déjà descendue à 34°,5. Autopsie le 4 janvier. — On trouve une assez grande quantité de liquide céhalo-rachidien. Le cerveau et ses membranes, les poumons, le cœur, les reins, etc., n'offrent pas de lésions appréciables à l'œil nu. RÉFLEXIONS. À quoi devrait-on attribuer l’abaissement énorme de la température? Ce n'était pas à des accidents urémiques, ainsi qu’au- rait pu le faire supposer l'aspect symptomatique, puisque les reins étaient sains, qu’il n’y avait pas d'œdème des mains, des pieds, etc.— Etait-ce à l'alcoolisme et au refroidissement, comme M. Duguet en a observé naguère un exemple? L'influence du refroidissement était indubitable si l’on en croyait les détails fournis par les personnes qui avaient amené cet homme à l'hôpital. Pour avoir de plus amples ren- 3 seignements nous sommes allé rue de la Collégiale, n° 13, interroger son concierge et ses voisins. Voici ce qu’ils nous ont appris : Bancar... étaitcélibataire, et à cause de cela onessayait depuis quelque temps de l’incorporer dans les bataillons de marche de la garde natio- nale. De là, chez lui, nous assure-t-on, une grande irritation, un chan- gement de caractère trés-marqué , à tel point qu’on le considérait comme ayant le « cerveau dérangé. » On ne peut invoquer l’action de l'alcoolisme, car, depuis deux ans qu'il habitait la maison, on n'avait jamais remarqué qu’il fit le moindre excès de boisson, et ce jour-là pas plus que les autres, Dans la soirée, on l’entendit remuer sa malle, déplacer les objets, en un mot faire du bruit contrairement à ses habitudes. Ce fut quelque temps plus tard que l’on pénétra dans sa chambre et qu’on le trouva dans la situation que nous avons indiquée plus haut. En résumé, nous pensons que l’abaissement de la température était dû, dans ce cas, à l’action du froid extérieur, très intense, qui exis- tait à cette époque, action favorisée par la dépression antérieure du système nerveux, et que l’alcoolisme, ici, n’a joué aucun rôle. — M. Rasureau donne le résultat de ses recherches sur l’emploi du protochlorure de fer. ; En voyant le protochlorure de cobalt ne pas coaguler l’albumine, il pensa qu’il en était de même pour le protochlorure de fer. En effet, ? grammes et demi de protochlorure de fer pur, dissous dans 40 gram- mes d’eau et injectés dans les veines d’un chien, produisent la mort subite, comme s’il s'agissait de l’injection de 2? grammes d’un sel de potassium. Le sang du chien s’est putréfié sans s’être coagulé. D’un au- tre côté, si l’on arrose un muscle avec le protochlorure de fer, la con- tractilité est détruite comme s’il était arrosé par une solution de carbonate de potasse. Le protochlorure de fer agit donc comme poison cardiaque, puisqu'il arrête les mouvements du cœur immédiatement. Et comme il ne coagule pas l’albumine, on peut donc l’introduire à pe- tites doses dans l’économie. D'ailleurs l’acide chlorhydrique entrant comme élément principal dans le suc gastrique, il est probable que toutes les préparations fer- rugineuses n’agissent qu'à l’état de protochlorure de fer. Mieux vaudrait donc administrer directement le protochlorure de fer, lequel, d’après les recherches personnelles de M. Rabuteau, a les avantages de pou- voir être donné à n'importe quel moment de la journée; de ne fati- guer nullement l’estomac, de n’avoir pas trop de saveur ferrugineuse ; -de constiper faiblement. La préparation à laquelle M. Rabuteau donne la préférence est un 4 sirop aromatisé avec la fleur d’oranger ou mieux de sirop de menthe, et contenant 05,05 de protochlorure anhydre par cuillerée à bouche. — M. Lasorpe communique à la Société un fait clinique auquel il croit devoir attacher une certaine importance. Etant à l'hôpital Beaujon pendant le siége, dans le service de M. Gu- bler, il remarqua que dans certaines maladies aiguës, fébriles, exan- thématiques, le nitrate d’urée se précipite en plus grande abondance que dans certaines maladies. Pour obtenir cette précipitation du nitrate d’urée, il est important de verser l’acide nitrique sur les parois mêmes du verre contenant l'urine, au lieu de le verser à même dans l'urine. Dans la variole, la rougeole, l’érysipèle, M. Laborde a rencontré fré- quemment l’urée. Le froid est une condition qui mérite également d’être signalée, et qui a paru augmenter encore dans ces maladies Le chiffre d’urée obtenu. Parmi ces maladies éruptives, l’une d’elles, la varioloïde, donne beaucoup plus d'urée. Cette production de l’urée est un phénomène fugace, et sur une soixantaine de cas, M. Laborde a pu remarquer que l’urée ne se mon- tre qu’un ou deux jours avant l’éruption et un ou deux jours après. Jamais il ne l’a rencontrée après le quatrième jour de l’éruption. Ce fait a son importance dans les cas où, en l'absence de toute érup- tion, un diagnostic, au début, est difficile à porter. Si l’on obtient un précipité de nitrate d’urée, le doute n’est plus pos- sible : on a affaire à une varioloïde. Dans un cas de délire violent qui pouvait en imposer pour une mé- ningite au début, un malade présenta dans ses urines une notable quantité durée. L’éruption de variole parut le lendemain. Dans un second cas, un malade présente une rougeur comme érysi- pélateuse de la face, et le diagnostic est incertain entre une variole au début et un érysipèle. L’urine donne le précipité de nitrate d’urée en quantité très-notable, et nul doute, c’est une variole, parce que l’éry- sipèle, qui donne aussi un précipité de nitrate d’urée, est loin d’en donner une quantité aussi forte. Dans un troisième cas d’éruption tardive, le diagnostic fut encore établi avant l’éruption, grâce à l’examen des urines. M. Dumonrrauuier : En serait-il de même pour les varioles confluentes, qu'il est souvent difficile, au début, de différencier de l’érysipèle? M. Lasor»e: Dans les varioles graves on trouve de l’albumine ou du sang ; dans les varioles confluentes on trouve beaucoup d’acide urique ou d’albumine, mais point d’urée, La présence de l’urée permet seule- Hi] ment de diagnostiquer une variole discrète, ou d’affirmer qu’elle sera discrète. Dans l’érysipèle, d’ailleurs, on trouve l’urée, mais moins que dans la varioloïde ; mais dans les érysipèles intercurrents ou secondaires, on n'obtient plus la précipitation du nitrate d’urée, dont la présence pa- raît être incompatible avec l’albumine. En un mot, la présence de l’urée est un signe de bon augure en pa- reil cas. M. Carvize : La précipitation du nitrate d'urée est la manifestation chimique de l’urée dans l'urine, laquelle n’est qu’un produit de désas- similation. Or une fièvre quelconque amène une suractivité de l’orga- nisme qui cesse d’assimiler, et l’urée doit se rencontrer dans toutes les maladies fébriles. Il semble physiologiquement impossible de dire que la rougeole donne tant de grammes d’urée, l’érysipèle tant de grammes et la varioloïde tant de grammes. D'ailleurs on observe une sorte de balancement entre les matières albuminoïdes et l’urée contenues dans les urines, où l’une existe d’or- dinaire en l’absence de l’autre, M. Rasureau : Le procédé emplové par M. Laborde n’est pas un pro- cédé de dosage; pour cela, il faudrait connaître le régime alimentaire du malade, la quantité de tisane prise, la quantité d’urine rendue en vingt-quatre heures et la quantité d’urée. M. Laborde indique simple- ment de cette façon qu'il existe une quantité relativement grande d’urée. M. Haroy: Cela est si vrai que certains auteurs ont trouvé dans cer- tains cas, après une grande fatigue par exemple, pendant la fatigue plus d’urée, pendant le repos moins d’urée. Mais en recueillant l’urine des vingt-quatre heures, la quantité totale d’urée était normale. M. Haye : J'ai observé chez des scorbutiques ce dont nous parle en effet M. Rabuteau. Chez quelques-uns qui urinaient 7 à 800 grammes d'urine en vingt-quatre heures, bien qu'ils donnassent moins d’urée que normalement, j'obtenais un précipité de nitrate d’urée. Pendant la convalescence, ce précipité ne s’obtenait plus, bien que l’urine, rendue en plus grande abondance, en contint davantage. Au début des maladies, fébriles ou non, on observe quelquefois que les urines sont très-chargées ; mais cela s'explique toujours par la fai- ble quantité d'eau. Je l’ai observé d’une façon très-remarquable dans un cas d’albuminurie aiguë au début, où le malade ne rendait pas en vingt-quatre heures plus de 200 grammes d’urine. Cela se voit dans la pneumonie, dans le rhumatisme articulaire. 6 Dans ce cas d’albuminurie aiguë à forme grave, le malade rendit au début 200 grammes en vingt-quatre heures d’une urine laiteuse conte- nant des vibrions, mais point de globules rouges ni de cylindres; puis le malade, au bout de trois semaines, urina un litre en vingt-quatre heures, et cette urine contenait pour la première fois du sang et des cylindres. Il a donc existé avant l’hématurie, et correspondant à la pé- riode congestive et exsudative, une anurie très-curieuse à noter. M. Lasorpe: Je ne conteste ici aucune donnée physiologique, mais je maintiens l'utilité clinique du fait en question qu’on observe : 1° Dans les maladies fébriles exanthématiques ; 2° A certaines périodes; 3° Et sous l'influence du froid. M. Cuarcor : Empiriquement, il y a toujours quelque chose de vrai dans ces sortes de données cliniques. On sait l'importance que les an- ciens médecins attachaient au sédiment des urines, correspondant tou- jours avec des urines rares; mais il ne faut pas demander aux faits cliniques plus qu’ils ne peuvent donner. Ainsi chez les goutteux, dans le sang desquels s’accumule l'acide urique, on trouve des urines conte- nant en apparence plus d'acide urique qu’à l’état normal; mais l’ana- lyse méthodique des urines de vingt-quatre heures démontre qu’elles n’en contiennent pas plus qu'à l’état normal; elles en contiendraient plutôt moins. Mais l'urine des goutteux est rare. D'un autre côté, M. Carville croit-il à une sorte d’antagonisme entre l’urée et les matières albuminoïdes? M. Carvie : Il existe en effet une sorte de balancement; si les ma- lades assimilent, leur urine contient beaucoup d’urée; sinon elle ren- ferme une grande quantité de matières albuminoïdes. M. Cuarcor : Je rappellerai à ce propos les recherches que j'ai faites avec M. Bouchard chez les apoplectiques par hémorrhagie ou ramollis- sement du cerveau. Un auteur allemand ayant trouvé que dans le tétanos, où la tempéra- ture est d'ordinaire très-considérable, les urines contiennent moins d’urée, nous nous sommes demandé s’il en serait de même dans ces cas d’apoplexie où, comme nous l'avons démontré, la température s'élève considérablement quelques jours avant la mort. Or les expériences que nous avons faites nous démontrent que l’urée augmente à mesure que la chaleur s’élève, contrairement à ce qui existerait dans le tétanos. Notons d’ailleurs qu’au début, ces apoplectiques, dont la tempéra- ture est basse, donnent une urine contenant un chiffre d’urée parfaite- ment normal. Enfin, il est bon de savoir que, devant faire porter les recherches 7 sur les urines des vingt-quatre heures, rares et difficiles à recueillir, on arrive à n’en point perdre, en faisant sonder avec soin ces malades toutes les heures. Cette mort singulière des apoplectiques a donc lieu par un méca- nisme qui rappelle entièrement la fièvre (augmentation de chaleur et durée). M. Carvize: Puisque les tétaniques n’ont pas ordinairement la fièvre, ce développement exagéré de chaleur ne résulterait-il pas de ceë état musculaire tout particulier, d’une sorte de combustion locale? M. Hayew : Les muscles présentent en effet, dans ce cas, les mêmes altérations que dans les pyrexies. M. Carcor: Il est très-remarquable que dans le tétanos la tempéra- ture monte toujours, et dans le tétanos à température très-élevée, les malades meurent fatalement. Mais la chaleur due aux convulsions mus- culaires n’est pas d'ordinaire si élevée (elle ne dépasse guère 38 à 39 degrés). Dans les apoplexies avec ou sans convulsions épileptiformes, il y a au début augmentation ou diminution de chaleur, selon les cas: aug- mentalion, si l'attaque n’est pas subordonnée à l’existence d’une lésion récente de l’encéphale; diminution, si l'attaque est subordonnée à l'existence d’une lésion récente. Les convulsions ‘épileptiformes seules de l’urémie font exception à cette régle. Quand, dans une hémorrhagie cérébrale, le foyer gagne les méninges ou les ventricules, la température s’abaisse malgré les convulsions qui se manifestent; ce qui tient vraisemblablement à l’action prépondé- rante du foyer qui, en sa qualité de lésion matérielle, cause un abaisse- ment de température considérable. — M. Haven communique à la Société la relation d’une épidémie de _gastro-entérite ulcéreuse grave, qu’il a observée à l’hôpital de la Cha- rité, dans le service de M. Bernutz, au mois de janvier dernier, à l’épo- que même où sévissait le scorbut. Cette affection, rare chez l’adulte, s’observant quelquefois chez les vieillards, a surtout frappé le sexe féminin, contrairement au scorbut, et les malades atteints de scorbut ont été épargnés. L'alimentation insuffisante et le froid humide paraissent les princi- pales causes de ces gastro-entérites. Au début, on observait une anorexie persistante que rien ne pou- vait dissiper, et s’accompagnant d'un état saburral de la langae, qui devenait ensuite lisse, cornée, et plus tard sèche et brune. Ordinaire- 8 ment on observait aussi une diarrhée incessante, colliquative, non dy- sentériforme, et résistant également à tous les traitements. Enfin, après une durée de trois semaines environ, on voyait survenir une cachexie profonde, avec infiltration sans albuminurie et sans com- plication cardiaque. Un scorbut secondaire s’est montré dans quelques cas, avec pété- chies, rarement des ecchymoses et des hémorrhagies dans le tissu sous- cutané, les muscles, le cœur. Tous les malades qui en ont été atteints sont morts, soit de pneu- monies hypostatiques, soit d'adynamie. L’estomac offrait tous les degrés d’un catarrhe “opaens enté souvent sur un Catarrhe chronique. Il n’a été rencontré qu’un seul cas de gas- trite phlegmoneuse. Dans tous ces cas, les glandes de l’estomac ont été trouvées infiltrées de graisse. L'intestin grêle était rouge, ecchymosé, quelquefois atteint de ca- tarrhe, rarement d’ulcérations, sauf vers la fin de l’iléon. Les plaques de Peyer étaient simplement ardoisées. Le gros intestin était le siége d’une entérite ulcéreuse, tantôt follicu- leuse, plus souvent diphthéritique, avec plaques ou disposition serpi- gineuse. Ces ulcérations étaient plus confluentes vers le rectum. Un seul cas de perforation du gros intestin a été observé. Les muscles étaient atrophiés, quelquefois siége d’hémorrhagie. Au microscope, on voyait que la striation avait disparu, les noyaux étaient atrophiés, les fibres, peu vitreuses, contenaient de fines granulations graisseuses, quelques fibres pâles ou pigmentées étaient simplement di- minuées quant à leur diamètre. Par conséquent, l’atrophie qu’on ob- servait en ce cas ressemblait à celle des cachexies, et non pas à celle du scorbut, où l’on rencontre de plus des éléments nouveaux. Donc, en résumé, on a observé en même temps, à cette époque, deux catégories de malades : 1° Ceux qui ont résisté grâce au bon état de leur tube digestif; 2° Ceux qui ont été atteints de gastro-entérites ulcéreuses graves et mortelles. Quelques-uns seulement de ces derniers ont été atteints se- condairement du scorbut. M. Cuarcor : Quelle était exactement la composition de cette diph- thérie intestinale ? M. Hayen : Elle rappelait la diphthérie des muqueuses. La surface était rouge, vasculaire, et recouverte d’un produit fibrino-épithélial, ayant la composition des fausses membranes croupales. Au-dessous se voyait la muqueuse avec ses éléments normaux. M. Cuarcor : On avait, il y a quelques années encore, considéré la 9 dysenterie comme une affection diphthéritique. Or en 1846, dans une véritable épidémie de dysenterie que j'ai pu étudier, voici ce que j'ai constaté : la muqueuse du gros intestin était le siége d’ulcérations serpigineuses ; on trouvait ces ulcérations recouvertes d’une matière glaireuse, avec des membranes et des houppes membraneuses flottan- tes, disposées par îlots, et les détritus membraneux n'étaient rien autre chose que la muqueuse elle-même exfoliée. En même temps, on voyait le tissu sous-muqueux s’indurer et l'intestin se resserrer. Les îlots cor- respondaient aux follicules clos, qui s'énucléent d’une façon toute spé- ciale, telle que MM. Rilliet et Barthez l’avaient observée déjà dans cer- tains cas chez les enfants. M. Carvizce rappelle l’explication donnée par M. Cornil au sujet de ces ulcérations serpigineuses de l’intestin. La muqueuse, tuméfiée par l'infiltration considérable des glandes, se mortifierait par places, céde- rait plutôt que la séreuse, et ces gangrènes moléculaires donneraient lieu à ces ulcérations serpigineuses. Séance du 22 avril. M. Rasureau fait observer à la Société qu’une cause peu remarquée de la calvitie consiste dans l’habitude qu'ont certaines personnes de se faire couper les cheveux ras; ce que ne font point les femmes qui sont, par cela même, bien moins souvent chauves que les hommes. La chevelure, ainsi coupée, ne protége plus la tête contre le froid; la circulation y devient moins active et l'irrigation des bulbes pileux insuffisante. Aussi les parties latérales de la tête, qui sont mieux pourvues en vaisseaux, sont-elles les dernières à se dépouiller de leurs cheveux. ‘ — M. Rasureau a remarqué également que le limage des dents est une cause puissante qui en amène la chute. Toutes celles qu'il a vu limer sont tombées. L’émail détruit, les dents sont en effet rapidement attaquées par les acides. M. Carvizee : Les femmes chauves cachent leur calvitie, ce que ne font pas les hommes. Et il est beaucup d'hommes qui ont longtemps porté une chevelure longue, qu’ils ont perdue à un moment donné, principalement à mesure que la barbe s’est montrée. Il faudrait, avant tout, tenir compte de certaines prédispositions. M.Lasonne: L'hérédité, en effet, joue ici un grand rôle. Et puis n'a-t-on pas, au contraire, attribué la calvitie à l'habitude de porter toujours des cheveux longs et non coupés? — M. Cnarcor communique, en son nom et au nom de M. Pierret, 10 qui travaille sous sa direction, le résultat de quelques recherches rela- tives au mode de propagation des lésions de la substance blanche de la moelle épinière à la substance grise, relatives aussi aux phénomènes cliniques qui sont la conséquence de cette propagation. Chez une femme ataxique, M. Charcot vit survenir, il y a un an, une atrophieemusculaire de l’extrémité supérieure, puis de l'extrémité in- férieure, et enfin de tout le côté droit du corps (tronc et membres). Cette atrophie, à marche assez rapide, portait plus spécialement sur certains groupes de muscles, comme ceux des éminences thénar et hypothénar, par exemple, au membre supérieur. En même temps s’éteignait rapidement l’excitabilité électrique dans tout le côté droit, tandis qu’elle persistait à l’état normal dans tout le côté gauche. | Vraisemblablement, en même temps que s’opéraient ces changements dans les symptômes, il se produisait une modification importante du côté des lésions spinales; et l’analogie permettait de supposer que lin- flammation de la moelle (sclérose postérieure) s'était propagée à la substance grise, aux cornes antérieures. C’est ce que les recherches en question ont permis de vérifier très-exactement. En effet, la malade étant morte, on fit des coupes de la moelle à dif- férentes hauteurs, principalement au niveau du renflement lombaire, où les lésions étaient plus accusées. Ces coupes, faites sur la moelle durcie dans l’acide chromique, traitées par le carmin et enfin rendues transparentes, permettent de voir, dans ce cas, les lésions scléreuses de la moelle disposées, non plus comme d'ordinaire, mais sous forme de deux bandelettes, suivant la direction même de ceux des prolon- gements des racines postérieures qui, sous le nom de faisceaux radi- culaires internes, traversent une partie des cordons postérieurs avant d'atteindre la substance grise. Du côté gauche, ainsi que le montrent les préparations, les cellules de la corne antérieure sont normales; du côté droit, la corne antérieure est réduite dans tous ses diamètres. On n’y rencontre plus qu’un petit nombre de cellules nerveuses, d’ailleurs atrophiées. Les prolongements de cellules ont disparu également. La névroglie est dense, opaque, riche en myélocytes, et se colore fortement par le carmin. Sur ces mêmes préparations il est facile de suivre la propagation de la lésion scléreuse à travers le cordon postérieur jusque dans la corne antérieure ; cette lésion suivant exactement le trajet des faisceaux ra- diculaires internes, depuis leur origine dans les racines postérieures jusqu’au moment où certaines de leurs fibres plongent dans la corne antérieure. Nous voyons donc, d’une part, une atrophie musculaire unilatérale, 11 surajoutée à une ataxie musculaire progressive, et d’autre part les lé- sions de l’atrophie musculaire surajoutées aux lésions de l'ataxie. On sait en effet que certaines atrophies musculaires progressives, que la paralysie infantile spinale, peuvent être rattachées aujourd'hui aux lé- sions des cornes antérieures de la moelle, lésions qui consistent essen- tiellement dans l’atrophie, et au dernier terme, dans la destruction des grandes cellules motrices de la moelle. MM. Charcot et Pierret ont poursuivi leurs recherches dans d’autres affections de la moelle et en particulier dans la sclérose fasciculée descendante, consécutives aux lésions en foyer de l’encéphale. On sait que dans certaines hémiplégies de cause cérébrale on voit quelquefois un amaigrissement plus ou moins rapide des muscles se produire du côté paralysé. L’analogie permettait de penser que cette sorte d’atrophie musculaire, dont le développemont est trop rapide pour qu’elle puisse être rattachée à l’inertie fonctionnelle, résulte éga- lement de la propagation des lésions secondaires des cordons latéraux aux cornes antérieures de la substance grise de la moelle. Les recher- ches de MM. Charcot et Pierret ont encore démontré l’exactitude de cette prévision. De ces recherches il résulte : que certaines lésions spinales fasci- culées, primitives ou secondaires, qui n'intéressent d'ordinaire que les cordons blancs de la moelle, peuvent s'étendre à la substance grise; mais alors aux lésions nouvelles correspondent, à titre de complication, des phénomènes nouveaux. M. Haven : Est-il possible de déterminer, d’après ces recherches, si la propagation s’est faite par la substance nerveuse ou par la sub- stance intermédiaire ? M. Cuancor : Cette question est peut-être encore insoluble. Cepen- dant l’examen des préparations de M. Pierret permet de voir que la lésion n’a pas suivi la voie des tractus fibreux grossiers des cordons médullaires. Les fibres nerveuses elles-mêmes semblent avoir été le premier support de l’acte pathologique qui a suivi leur trajet à travers les cordons postérieurs. De même, dans certains cas, dans la paralysie infantile par exemple, il est permis de croire que la lésion des cellules des cornes antérieures a précédé celle de la névroglie, puisqu'on voit nettement cette lésion plus prononcée au centre des cornes, dans la région qui correspond aux groupes que forment les cellules nerveuses, rayonner en s’affai- blissant au pourtour de la corne malade. M. Haven : Ces données sont précieuses au point de vue physiologi- que, puisque l’on voit l’atrophie des racines postérieures se propager aux racines :ntérieures par l'intermédiaire de la lésion des cornes an- 12 térieures, et cette propagation aurait lieu, non par le tissu interstitiel, mais par les tubes nerveux eux-mêmes des racines postérieures. M. Crarcor : J’ajouterai que les arthropathies de l’ataxie locomotrice paraissent, ainsi que je l’ai fait voir avec M. Joffroy, devoir se rapporter aux lésions des cornes de la moelle, principalement des cornes anté- rieures, de même que les lésions musculaires. D'ailleurs ces arthropathies s’accompagnent ordinairement d’atrophie des muscles des membres du même côté; de telle sorte que les deux complications vont de pair. Un cas remarquable de ce genre se trouve en ce moment dans mes salles, à la Salpétrière. Maintenant existe-t-il parmi les cellules des cornes antérieures des groupes plus spécialement atteints dans les lésions musculaires, d’au- tres groupes dans les lésions des jointures ou des os? La chose est possible, mais nullement démontrée jusqu’à présent. Séance du 29 avril. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. — M. Jorrroy donne l’exposé des recherches qu’il vient de faire dans trois cas de paralysie agilante. Le premier et le second cas sont des exemples les plus nets de cette maladie; le troisième est peut-être un peu moins concluant, en raison des attaques de rhumatisme articulaire et d’un rhumatisme noueux con- sécutif. Le premier avait offert pendant quelques années, au début de la paralysie agitante, une tendance au recul. Ces trois cas ont été observés sur trois femmes âgées. Deux sortes de lésions ont été rencontrées dans ces trois cas, à l'examen du bulbe et de la moelle : des lésions constantes et des lé- sions particulières seulement à deux de ces cas, le premier et le troi- sième. Les lésions constantes sont : 41° L'oblitération du canal central de la moelle. — On sait que ce canal est toujours ouvert chez l’enfant, souvent plein chez l'adulte et toujours chez le vieillard. Or ici les éléments épithéliaux qui tapissent l’épendyme ont proliféré d’une façon très-active et ont oblitéré com- plétement le canal central. 2 La prolifération des noyaux qui entourent l’épendyme. — On remarque en effet que cette prolifération très-active des cellules épi- théliales de l’épendyme s’est propagée au tissu conjonctif qui entoure le canal central. Les noyaux du tissu conjonctif ont même proliféré jusqu’à une certaine distance ; on en trouve dans un cas au voisinage 13 d’une corne grise. Ces noyaux, qui sont visibles chez l’enfant et qui le deviennent moins chez le vieillard, représentent donc ici une lésion importante. 3° La pigmentation des cellules nerveuses. — On sait que chez l’en- fant cette pigmentation manque, en dehors des cas de maladie de la moelle. Chez l’adulte elle commence à se montrer. Dans les cas que nous rapportons, cette pigmentation est véritablement très-prononcée, principalement dans les cellules de la colonne vésiculeuse de Clarke. Enfin ajoutons que les corps amyloïdes nous ont paru dans deux cas se montrer plus abondants; mais évidemment leur rôle ici n’a point d'importance. De plus, dans le premier cas, celui qui s'était accompagné au début de tendance au recul, on trouvait au voisinage du bec du calamus une lésion toute spéciale. Elle consistait en une méningite circonscrite avec production de noyaux de tissu conjonctif et accumulation de leucocytes formant un amas arrondi qui avait distendu et déformé le bec du calamus. Cette altération s’étendait même un peu au tissu nerveux voisin, au milieu duquel on remarquait de nombreux vaisseaux capillaires et quelques petites hémorrhagies. Il est probabie que cette lésion n’était que la continuation et l’exa- gération de ja lésion du canal, s'étendant de l’épendyme de la moelle à celui du quatrième ventricule. Faut-il lui rattacher la tendance au mouvement de recul? C’est ce que je ne suis nullement en mesure d’affirmer. Dans le troisième cas, on voyait, au voisinage de la protubérance, à la face postérieure du bulbe, une plaque de sclérose composée de tissu conjonctif fibrillaire avec vaisseaux nombreux et sinueux. Les noyaux de tissu conjonctif se trouvaient à ce niveau beaucoup plus abondants dans le bulbe. Rappelons que dans ce cas, il n’existait pas de tremblement de la tête. Dans le cas le plus net, le deuxième, on ne constatait aucune lésion du bulbe ni de la protubérance. On se rappelle que Parkinson et Oppolzer faisaient consister la lé- sion de la paralysie agitante dans une altération scléreuse du bulbe. Mais le cas de Parkinson n’a pas été étudié au microscope. Celui d’'Op- polzer, même avec l'examen histologique, est loin d'être concluant. Par conséquent, en me fondant sur l’analyse de trois faits que je rap- porte, il est certain que la lésion de la paralysie agitante ne se trouve pas dans le bulbe. Et si elle existe, il faudrait de préférence la placer dans la moelle. M. Crarcor : Cest la première fois, je crois, que des types francs de 14 paralysie agitante sont véritablement bien étudiés anatomiquement. Il n’y a pas longtemps encore, en effet, à cause de certains phénomènes similaires, on confondait dans une même description la paralysie agi- tante et la sclérose en plaques, et l’on arrivait à cette conclusion que, dans beaucoup de cas, le bulbe était atteint d’une lésion scléreuse. Dans le mémoire que j'ai publié il y a quelques années avec M. Vul- pian, cette confusion existe encore. Mais aujourd’hui on est parvenu à séparer nettement la paralysie agitante de la sclérose en plaques, comme on a distingué et distrait l’ataxie locomotrice, si longtemps confondue dans le groupe des myélites chroniques. Il est aujourd’hui parfaitement démontré que la sclérose en plaques se rattache à une lésion très-nette, à la sclérose multiloculaire de la moelle, du bulbe, de la protubérance et du cerveau. Cette altération n’avait pas échappé à la sagacité de M. Cruveilhier, mais la symptoma- tologie était alors parfaitement inconnue. Les recherches de M. Joffroy, en ce qui concerne la paralysie agi- tante, pour être négatives, n’en sont pas moins fort intéressantes. Les lésions qu'il signale, en effet, ne sont point douteuses, mais elles nous démontrent simplement qu'il existe dans la paralysie agitante des traces de myélite, localisées spécialement dans la substance grise, comme cela a lieu dans beaucoup d’affections, et en particulier dans le tétanos. Les recherches ultérieures sur ce sujet donneront-elles des résultats plus précis? montreront-elles des lésions vers les nerfs ou leurs pla- ques nerveuses terminales dans les muscles? Cela est possible, et ce- pendant peu probable, car la paralysie agitante se rapproche singuliè- rement du tic du chien, faussement appelé chorée. Or les recherches de MM. Chauveau, Carville, Bert, etc., ont démontré, à n’en plus dou- ter, que la cause de ce tremblement réside dans la moelle. En coupant, en effet, la moelle par tronçons, on ne détruit pas le tremblement, mais on l’isole dans certains groupes musculaires qui répondent aux tronçons de la moelle. M. Bert a même essayé de localiser le tremble- ment dans les régions postérieures de la substance grise de la moelle. En résumé, des recherches de M. Joffroy nous devons conclure que les données histologiques sont négatives dans la paralysie agitante, contrairement à ce qu’on observe dans la sclérose en plaques. M. Carvizze : M. Chauveau est le premier qui, en parlant du tic du chien, ait affirmé qu’il s’agissait d’une exagération des mouve- ments réflexes. Mon expérience a consisté dans des sections de la moelle, et les mouvements choréiformes ont persisté. Quant à M. Bert, en opérant sur un chien qui venait de perdre beaucoup de sang, il vit 15 qu’une injection de strychnine exagérait ses mouvements choréiformes, d’où il conclut à l’exagération d’action des cordons postérieurs de la moelle. — M. Cuarcor expose, au nom de M. Michaud, son interne, des re- cherches relatives à quatre cas de tétanos traumatique observés chez des blessés de la bataille de Champigny. Les examens faits autrefois par Rokitansky, dit M. Charcot, tant à l’œil nu qu’au microscope, avaient porté cet auteur à admettre dans le tétanos une lésion de la moelle consistant dans une prolifération de ses éléments conjonctifs. Demme (de Berne) était venu plus tard confirmer ces résultats. Des recherches plus modernes, faites en France, celles toutes récentes de M. Michaud, viennent encore leur donner plus de poids, Ces lésions portent sur la substance blanche et sur la substance grise. 1° Dans la substance blanche, on remarque de petits amas de myé- locytes disséminés çà et là sur les cordons latéraux et postérieurs, beaucoup plus abondants qu’à l’état normal, et enveloppés dans une gangue finement granuleuse. Que les myélocytes aient ou non la même origine que les leucocytes, ils s’en distinguent toujours par leurs carac- - tères. 2° Dans la substance grise du canal central se voient de grandes capsules allongées, renfermant de nombreux éléments, aplatis souvent par pression réciproque. On y voit aussi des sortes de {acs contenant une matière finement grenue et fortement colorée par le carmin : c’est ce que Lockhart Clarke désigne sous le nom de foyers de désinté- gration granuleuse. Quelle est la nature de ces foyers? M. Michaud les rapporte à des exsudalions périvasculaires ; ce qui paraît plus vraisemblable qu’une dégénération granuleuse, même rapide, comme le suppose Lockhart Clarke. Toutes ces lésions : amas de myélocytes pour la substance blanche, prolifération conjonctive autour de l’'épendyme, et surtout foyers d’ex- sudation pour la substance grise, M. Michaud les a constamment obser- vés dans ces quatre cas, sur un nombre très-considérable de coupes qu’il a pratiquées pour chacun d’eux. En outre, dans un cas au moins, M. Michaud a constaté un fait qui n’a pas été signalé jusqu'ici dans l’histoire du tétanos. Les deux nerfs sciatiques d’un blessé présentèrent une quantité de tubes minces, bien supérieurs à ce que l’on trouve a l’état normal. Ce 16 résultat a été vérifié par la dissociation, qui a montré des tubes minces avec des noyaux allongés très-nombreux, et par des coupes qui ont per- mis d'étudier l’ensemble du nerf et de voir des espaces irréguliers for- _més par des faisceaux de tubes amincis, espaces qui se coloraient for- tement par le carmin et qui dépassaient en étendue ceux que l’on rencontre à l’état normal. M. Cornis : Les faits d’ailleurs très-importants que vient d'exposer M. Charcot peuvent être l’objet de quelques critiques. On peut en effet se demander si les foyers de désintégration granu- leuse que Clarke a décrits sont bien des lésions antérieures à la mort. Ne pourrait-on pas les considérer comme le résultat d’un mode vi- cieux de conservation, amenant des dégâts purement artificiels? Il est difficile de rapporter à des lésions véritables ces espaces irréguliers, déchirés, contenant du liquide, sans aucun élément de formation nou- velle; et il ne serait pas impossible que la conservation de la moelle dans l’acide chromique donnât lieu à ce détritus finement grenu et jaunâtre, ainsi qu’on l’observe si souvent avec des pièces délicates et fragiles comme l’est la moelle. D'un autre côté, on peut regarder comme un fait acquis la proliféra- tion conjonctive autour du canal médullaire. Quant à la lésion des tu- bes nerveux périphériques, elle me paraît difficile à interpréter, en raison de l’absence d’altération granulo-graisseuse qui devrait pour-. tant exister dans un cas d’atrophie aussi rapide, l’atrophie simple n’é- tant le fait ordinaire que d’une lésion chronique. Puis on sait que les nerfs possèdent à l’état normal plus ou moins de tubes nerveux min- ces, ce qui rend difficile à juger bien exactement la question de ces foyers de tubes minces décrits par M. Michaud. M. Crarcor : S'il y a des fissures, des failles accidentelles dans la moelie, il y en a aussi de morbides, celles dont Clarke a parlé, et qui seules se remplissent d’une sorte de liquide gélatineux. Dans un cas même, et la description de ce cas se trouve dans un article des Ar- CHIVES DE PHYSIOLOGIE, nous avons vu l’un de ces foyers produire autour de lui une sorte de distension de la moelle, ce qui prouve surabondam- ment que la lésion remontait à une époque antérieure à la mort. De plus, une fois j'ai reconnu nettement un de ces foyers à l’état frais, après un court séjour de la moelle dans Palcool. On y trouve d’ailleurs souvent des noyaux ou de la matière grasse. On comprendrait difficilement d’ailleurs le siége de prédilection de ces failles, et l'illusion dans laquelle Clarke aurait vécu depuis si long- temps, en considérant comme pathologique des foyers accidentels. Un doute seul me semble permis, c’est sur la nature exacte de ces foyers. 17 Je ferai enfin remarquer à M. Cornil que s’il existe des tubes minces dans les nerfs à l’état normal, ces tubes ne sont jamais, comme ici, réunis en faisceaux aussi volumineux, et ils sont loin d'offrir un nombre aussi considérable de noyaux à leur surface. Je ne crois donc pas qu’on puisse douter que toutes ces altérations soient pathologiques. C. R. 1871. 9 RU M du COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE MAI 1871; Par M. DUGUET, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CHARCOT, VICE-PRÉSIDENT. Séance du 6 mai. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. MuRON fait voir à la Société un certain nombre d'os longs, qui sont le siége de lésions diverses produites par des balles. Ces os ont été examinés quelques heures seulement après la blessure, et il est facile d'y remarquer les effets de la commotion produite par les pro- jectiles. Non-seulement le périoste est décollé et le tissu osseux infil- tré de sang, mais encore la moelle des os est le siége d’une infiltration sanguine, et mème de foyers ecchymotiques, quis’étendent quelquefois à une très-grande distance, jusqu’à 15 et 20 centimètres du point où l'os a été frappé. Bien entendu, il faut tenir compte dans la production de ces lésions de la portion d'os compacte ou spongieuse qui a été atteinte, et de la distance à laquelle le projectile a été lancé, 20 M. Muron se propose de continuer ses recherches et de fes consi- gner dans une note qu'il remettra à la Société. —M. JoFFrROY communique à la Société de biologie au nom de M. Sot.- MON et au sien, une observation de plaie de la moelle épinière dans la région dorsale. Leur attention a été particulièrement fixée sur les troubles nutritifs qui se sont produits sous l'influence de la lésion de ce-centre nerveux. PLAIE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE DANS LA RÉGION DORSALE; PARALYSIÉ: DU MOUVEMENT À GAUCHE ; ANESTHÉSIE A DROITE; HYPÉRESTHÉSIE A GAUCHE ; ESCHARE UNILATÉRALE DROITE; ARTHROPATHIE SPINALE DU GENOU GAUCHE; DISPARITION DE LA MOTILITÉ ÉLECTRIQUE DANS LES MUSCLES DU MEMBRE PARALYSÉ ; par MM. JOFFROY et SOLMON. Le nommé Martin, âgé de 43 ans, fut blessé dans la nuit du 15 au 16 février 1871. Un de ses amis en état d'ivresse, chez lequel il se trouvait, voulant l'empêcher de sortir de chez lui, lui donna un coup: de couteau-poignard au niveau de la troisième vertèbre dorsale. Læ pointe pénétrant à 5 centimètres à gauche de la ligne des apohyses épineuses, se dirigea vers le canal vertébral avec une légère inclinai- son de haut en pas. Ée blessé s’affaissa immédiatement, ayant une paralysie complète du membre inférieur gauche. Porté dans la nuit même à l'hôpital Lariboisière, il présentait le lendemain matin les symptômes suivants : Dans le membre inférieur gauche, on observe wne paralysie com- plète du mouvement ; Dans le membre inférieur droit, il n’y a pas trace de paralysie. La sensibilité offre des modifications importantes dans les deux mem- bres. À droite, dans le membre inférieur, là sensibilité au simple contact est abolie. Le chatouillement est à peine perçu. La sensibilité à la douleur a complétement disparu : on peut, avec. une épingle, piquer fortement la peau sans provoquer la moindre sensation douloureuse. Cette anesthésie remonte jusqu’au niveau du mamelon, limitée à la moitié droite du tronc. L'application d’un eorps freid sur la peau de la cuisse ou de la jambe droite produit de légers pieotements. Dans le membre inférieur gauche (paralysé), les phénomènes sont tout différents : le contact, le chatouillement déterminent de la dou- leur. Les excitations douloureuses, telles que piqüres, pincements, produisent des sensations très-pénibles; l’hyperesthésie est considé- rable. L'application d’un corps froid sur la peau du membre ne donne lieu qu’à des sensations normales. Ee malade est complétement gâteux : les sphincters sont relâchés. 21 E:e malade laisse échapper, sans en avoir conscience, son urine et ses matières fécales. Dans la semaine qui suivit son admission, M...vit peu peu l'insen- sibilité de la jambe disparaître, les autres phénomènes restant sensi- blement les mêmes. Voici l’état du malade d’après une note détaillée, prise le 24 février : La motilité est complétement abolie dans le membre inférieur gau- che, elle estentiérement normale dans celui du côté droit. A droite, les mouvements réflexes sont normaux. @Œuand on relève les orteils du pied gauche avec le paume de la main, il ne s’y produit pas de secous- ses tétaniques. Au membre inférieur droit, la sensibilité au simple contact est presque abolie. La sensibilité à la pression est fortement émoussée et il n’y a pas de sensation, si la pression n’est pas un peu violente. . La sensibilité à da douleur est moins grande qu’à l’état normal, mais l’anesthésie est légère; il y a aussi diminution de la sensibilité au chatouillement. Quant à l'application d’un corps froid sur la peau de ce membre, elle détermine une sensation non pervertie, mais plus pé- nible qu’à l’état normak Au membre imférieur gauche, Fa sensibilité au simple contact est ‘émoussée, la sensibilité à la pression est diminuée et présente les mêmes modifications qu'à droite, saufau pied, comme on va le voir. La sensibilité à la douleur est exagérée, d'autant plus qu'on se rap- proche davantage du pied où une pression plus forte est très-pénible. La sensibilité ou chatouillement devient aussi de plus en plus grande à mesure qu’en se rapproche du pied où elle est douloureuse, et donne lieu à une sensation de piqûre. L'application d’un corps froid sur la peau du membre inférieur gauche donne lieu à une sensation per- vertie, douloureuse, et que le malade dit aussi ressembler à des piqû- res. L'impression est d'autant plus pénible que l'application du corps froid est plus voisine du pied. Au tronc, jusqu’au niveau des mamelons, il existe une anesthésie légère à droîte, une hyperesthésie Kégère à gauche d'où résulte une différence très-nettement accusée par le malade «entre les sensations “louloureuses déterminées de la mème manière dans les points symé- triques a droite et à gauche. Il ÿ a une différence marquée et sensible à la main entre la tempé- rature des membres inférieurs droit et gauche, la température étant plus élevée à gauche. Il n’y a pas trace d’eschare ni de rougeur aux fesses ni au sacrum. Comme au début, ily a une paralysie compléte des sphincters du rec- tum et de la vessie, il n’y a aucun trouble de la vue, les pupilles 5° Æ sont égales. Ajoutons que depuis deux ou trois jours, le malade ac- cuse une sensation de constriction au niveau de la base du thorax. Le 5 mars, le malade est dans le même état, sauf des troubles ocu- laires consistant dans une hyperémie du fond de l'œil gauche et une constriction très marquée de la pupille dont le diamètre est moitié moindre que celui de la pupille droite. En outre, il y a trois jours, le malade, qui avait gâté jusqu'alors sans se sentir aller, s'aperçoit de la sortie des matières fécales et de l'urine, mais cependant il n’a pas tout d’abord la force de s’y opposer. Vers le 6 ou le 7 mars, il a la sensation du besoin d’uriner ou d’aller à la garde-robe, et peut de- mander et attendre le bassin; depuis ce moment, le malade cesse complétement de gâter. Les mouvements dans le genou gauche de- viennent douloureux quand on plie le membre. Le 13 mars, les troubles du mouvement et de la sensibilité ne pré- sentent pas de changement notable, mais on observe sur la fesse droite, à 5 ou 6 centimètres environ de la ligne médiane, une plaque rouge, érythémateuse, de 7 centimètres environ de diamètre avec commencement de desquamation épidermique en quelques points. Il n’y a rien de semblable sur la fesse gauche. Le malade est resté jusqu'alors constamment couché sur le dos, mais avec une légère in- clinaison du côté droit, insuffisante pour empêcher la fesse gauche de supporter une forte pression. En outre, depuis trois jours, le malade accuse une douleur assez vive dans le genou gauche, s'exagérant par les mouvements, et s’accompagnant de rougeur et de gonflement des parties molles, avec épanchement assez abondant dans l’articulation. Cette jointure seule est malade. L'état général ne semble pas modifié, la peau est fraîche, le pouls sensiblement normal. Dans les jours suivants l’ulcération a creusé, sans cependant com- prendre toute l'épaisseur du derme, et sans augmenter de largeur. Le 21 elle s’est couverte de bourgeons charnus, la profondeur de l’ulcé- ration a déjà notablement diminué. L’arthrite qui a augmenté d'inten- sité pendant quelques jours, le liquide étant devenu plus abondant, va également mieux : la sérosité épanchée s'est résorbée en grande par- tie. La marche de l’arthrite a été sensiblement parallèle à celle de l’eschare. Le 27, l’eschare est guérie; il y a à sa place une petite croûte sèche superficielle. Le genou renferme encore un peu de liquide. Pour la première fois on examine la motilité électrique: elle est com- plétement abolie dans le membre inférieur gauche. L'examen est fait à l’aide d'une machine Breton assez puissante, etavec le courant maxi- mum, 23 L'électrisation est très-douloureuse à gauche, malgré les précautions prises pour irriter le moins possible les nerfs de la peau. A partir de ce jour, on électrise chaque matin tous les muscles de la cuisse et de la jambe, et, dès le 30 mars, les muscles de la région antérieure de la cuisse commencent à répondre à l'excitation. Depuis quelques jours, les troubles pupillaires ont disparu. Les urines sont abondantes et décolorées, sans dépôt, sans albumine (examen par la chaleur et l’acide azotique). L'état général est aussi bon qu'on puisse le désirer. 2 avril. Les muscles de la jambe et de la cuisse se contractent plus ou moins sous l'influence de l'électrisation ; seuls, les muscles de la région postérieure de la cuisse répondent à peine, et les péroniers, d'autre part, se contractent beaucoup moins que les autres muscles de la jambe. En somme, les progrès sont très-sensibles. Le genou est toujours un peu gonflé et deuloureux. Trois bains sulfureux sont pres- crits par semaine. 7 avril. Le malade peut se lever et marcher à l’aide de deux béquilles, à la condition toutefois d’être soutenu en arrière, pour ne pas tomber à la renverse. Il accuse ce jour, pour la première fois, l'existence de mouvements spontanés s'étant produits à différentes reprises dans: le membre paralysé. De plus si, appliquant la main sur la face plan- taire des orteils du pied gauche, on les relève avec force, on déter- mine immédiatement dans le membre correspondant des secousses énergiques et rapides avec roideur générale du membre (épilepsie spi- nale) persistant aussi longtemps que dure l'excitation qui leur donne lieu. L'électrisatien est suspendue à partir de ce jour; les bains sulfu- reux sont continués. 40 avril. Le malade marche seul, sans béquilles. Quant aux se- cousses tétaniques produites par le redressement des orteils, elles se montrent plus facilement encore et plus violemment que le 7. En ré- vanche, les mouvements involontaires semblent diminuer de fréquence et d'intensité, 20 avril. Le malade n'ayant presque plus de secousses ni de mouvements involontaires, on fait de nouveau chaque jour une séance d'électricité. La marche, du reste, devient de jour en jour plus facile. 28 avril. Voici l’état détaillé du malade à ce jour. 1° Motililé. — Elle est normale au membre inférieüre droit, tan- dis qu’elle présente quelques altérations du côté gauche. D'une fa- çon générale, la force y est moindre. En outre, on remarque que le malade couché lève bien sa jambe et avec assez de force au- dessus de son lit; mais dès qu’il s’agit de la porter latéralement, il 24 manque de précision. Ce symptôme est peu marqué quand le ma- lade porte sa jambe en dedans. Au contraire, lorsqu'on lui comande de la porter en dehors, le mouvement est complétement déréglé; il lance vigoureusement la: jambe: dans la direction indiquée, de sorte qu'il est presque -entraîné lui-même hors de son lit. Etant levé, il peut aller droit devant lui, avec beaucoup de difficultés, mais sans béquilles ni point d'appui. Mais c’est avec la plus grande peine qu’il arrive à tourner sur lui-même, il est même nécessaire qu’il puisse s'appuyer sur quelque chose. On a vu plus haut qu'il existe un certain degré d’incoordination des mouvements dans le membre inférieur gauche; il faut noter qu’en outre il y a perte de la notion de po- sition pour le pied de ce côté. Le malade sait bien encore où pose son pied dans son lit; mais si, prenant sa jambe à pleines mains, on la soulève de sorte que le pied n’ait aucun point de contact avec les corps environnants, le malade est incapable, les yeux fermés, de diriger sa main droite ou gauche vers son talon. Les mouvements involontaires ont complétement disparu depuis quelques jours, et l’on ne détermine plus de secousses tétaniques en relevant les orteils avec la paume de la main. En revanche, les mouvements réflexes qui, à droite, sont normaux, sont exagérés à gauche. 2° Sensibilité. — Au membre inférieur droit, la sensibilité au sim- ple contact, dans toute la longueur du membre, n'existe plus. Le pin- cement de la peau, les piqûres ne produisent pas d’impressions dou- loureuses; le malade accuse seulement une sensation de contact. L’anesthésie au froid est complète : ainsi, prenant un pot en étain dont la température est beaucoup plus basse que celle de la peau, son contact n’est pas perçu ; une pression même violente, exercée avec ce corps sur la jambe, n’est pas non plus perçue. Dans la moitié droite du tronc, la sensibilité a subi, à très-peu de chose près, les mêmes modifications. Au membre inférieur gauche, le contact est parfaite- ment perçu, et la sensibilité à la douleur exagérée. L'hyperesthé- sie se retrouve avec la même intensité dans la moitié gauche du tronc. A la date du 6 mai, les phénomènes sont sensiblement les mêmes; mais l’anesthésie à droite et l'hyperesthésie à. gauche ont toutes deux diminué d'intensité. La motilité est restée telle que nous l’avons décrite il y a huit jours. Le membre est dans la résolution; il ne pré- sente plus ni secousses tétaniques ni mouvements involontaires. La fesse gauche est un peu amaigrie; les fessiers de ce côté paraissent atrophiés. Le malade quitte l’hôpital quelques jours après, à peu près dans le même état. Il n’est pas inutile de noter que plusieurs fois, pendant 25 son séjour à Lariboisière, nous avons cherché à déterminer chez lui des attaques épileptiformes, mais toujours sans succés. Dans l'observation qu'on vient de lire, il s’agit d’une blessure qui intéresse, à notre avis, une partie plus ou moins étendue de la moelle, et, sans vouloir limiter la lésion, on peut admettre que la moitié gauche estplus spécialement atteinte. Quoi qu’il en soit de l'étendue et de la localisation précises de la blessure, on peut résumer l’histoire de ce malade ainsi qu'il suit : lo Section incomplète de la moelle, intéressant plus particulièrement la moitié gauche. 2° Paralysie du mouvement dans le membre inférieur gauche. 8° Troubles de la sensibilité dans les membres inférieurs et la moitié inférieure du tronc, consistant principalement dans l’anesthésie du côté droit, et l'hyperesthésie du côté gauche. 4° Escharre fessière unilatérale droite. 5° Arthopathie du genou gauche, 6° Disparition de l’excitabilité électro-musculaire dans le membre inférieur gauche. 1° Incoordination appréciable du mouvement dans le membre infé- rieur gauche après retour de la motilité. Nous pensons que tous ces phénomènes que nous venons d’énumé- rer se rattachent directement à la lésion de la moelie; nous allons tenter de le démontrer. TI. PARALYSIE DU MOUVEMENT DANS LE MEMBRE INFÉRIEUR GAUCHE. —Comme la paralysie s’est montrée instantanément au moment où la blessure a été produite, qu’elle a été complète dès le début, et que, pendant six semaines environ, elle a persisté avec ce caractère, il n’est pas plausible de chercher uneautre explication. La paralysie, complète d’une part et d’autre part persistante, éloigne l’idée d’une simple com- motion. Du reste, il ne faut pas oublier que la blessure a été faite avec un instrument piquant et tranchant. Une myélite consécutive à la lésion des méninges ou des racines nerveuses ne peut non plus étre invoquée, puisque la paralysie a débuté au moment même dela bles- sure, et que d'emblée elle était complète. Il est donc établi que la moelle est atteinte par l'instrument vulnérant. Or la section n’est pas complète, comme le prouve la conservation de la motilité à droite; et comme la transmission des incitations motrices volontaires se fait par les faisceaux antéro-latéraux, et que pour les régions dorsale et lom- baire la transmission est directe, on est amené à conclure à la lésion des faisceaux antéro-latéraux gauches. Conclusion qui n'élimine nul- lement la lésion de la substance grise ni des faisceaux postérieurs. 26 II. TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ DANS LES MEMBRES INFÉRIEURS ET LA MOITIÉ INFÉRIEURE DU TROXC, CONSISTANT PRINCIPALEMENT DANS L'ANESTHÉSIE DU CÔTÉ DROIT ET L'HYPERESTHÉSIE DU CÔTÉ GAUCHE. — On connaît les faits, soit expérimentaux, soit cliniques dans les- quels, à la suite d’une hémisection de la moelle ou d’une lésion in- téressant une moitié de cet organe, on observe de l’hyperesthésie du côté de la lésion et de l’anesthésie du côté opposé. Tous les physiolo- gistes sont d'accord sur ce résultat expérimental, et les faits cliniques sont indéniables. Quant à l'explication du phénomène, elle est plus dif- ficile à saisir. En tout cas l’anesthésie incomplète du côté droit, l'hy- peresthésie notable du côté gauche, nous donnent le droit de conclure à une lésion de la moitié gauche de la moelle sans nous donner les élé- ments nécessaires pour préciser les parties lésées. IIT, ESCHARE FESSIÈRE UNILATÉRALE DROITE. — M. Brown-Séquard dans le domaine de la physiologie, et M. Charcot dans celui de la cli- nique, ont principalement attiré l'attention sur la production d’eschares consécutives à des lésions nerveuses, et survenant, non par suite de la paralysie, non par suite de la cessation d'action des centres nerveux, mais bien sous l’influence de leur activité morbide. L’eschare qui s’est produite dans ce cas doit, à ce titre, être considérée comme une mani- festation de la lésion de la moelle. On ne manquera pas, à coup sûr, de nous faire l’objection (déjà maintes fois faite, et maintes fois ré- futée) que la section de la moelle n’exerce pas une action directe sur la production de l’eschare, et qu'il s’agit tout simplement d’un phé- nomène résultant du décubitus prolongé. Nous répondons : 4° que le décubitus prolongé et la pression continuelle qui en résulte pour cer- taines parties jouent certainement ici leur rôle, rêle déterminant si l’on veut, mais rôle accessoire, secondaire ; 2° que le rôle primitif principal consiste dans une action morbide exercée par la moelle al- térée. Voici nos preuves : Dans certains cas de lésions traumatiques de la moelle, des eschares se sont développées avec une rapidité qui ne per- met pas d’invoquer sérieusement la pression exercée dans le décubitus dorsal sur les parties qui se mortifient, comme cause principale de la mortification de la peau. Mentionnons seulement ici : 1° le fait de sir B. Brodie, dans lequel le sphacèle se montra aux talons vingt-quatre heures après une lésion du rachis; — 2° Le fait de Jeffrey's(Jeffrey's, LONDON MED, AND SURG, JOURNAL, 1826, juillet) dans lequel l’escharre au sacrum se déclara le quatrième jour après une chute d'un lieu élevé, ayant déterminé le broiement de la quatrième vertèbre dorsale; — 3° Un fait qui sera publié ultérieurement et recueilli cette année dans le service de M, Verneuil, dans lequel des eschares larges et su- 27 perficielles se sont montrées sur les deux fesses le troisième jour, à la suite d’une fracture de la colonne vertébrale avec plaie de la moelle produite par une balle.— 4° Nous avons en plus sous les yeux un au- tre fait, également inédit, plaidant dans le même sens, et recueilli cette année dans le service de M. Woillez. Pour nous, il nous semble im- possible qu’on puisse dans ces cas, pour expliquer la production de l’eschare, se contenter d'invoquer la pression produite par le décu- bitus. Si maintenant on examine la production de l’escharre chez notre blessé, on voit que le malade, perdant ses urines et ses matières fé- cales, resta couché depuis son accident (16 février) jusqu’au 7 avril. Le décubitus n’était pas absolument dorsal, le malade s’appuyant un peu sur ia droite, mais fort peu. Le 7 mars il cessa de gâter. Jusqu'à cette époque, il n’a d’eschare ni au sacrum ni sur les fesses; on ne peut même constater la rougeur qui précède la formation de l’es- chare que le 13 mars; elle datait alors d’un jour ou deux. A partir de ce moment, et avec une grande rapidité, le derme s’entama et l’on eut une ulcération assez profonde de 7 centimètres de diamètre. Le 27 mars, l’eschare était guérie. Admettons un instant que les excitations mécaniques sur la fesse droite soient la cause réelle et unique de la mortification des tissus. Il serait d’abord extraordinaire que ces accidents ne se soient nullement manifestés dans les trois premières semaines, alors que le malade perdait ses urines et ses matières fécales. Et autre remarque bien plus importante, il serait étonnant que l’eschare, ayant pris rapidement de grandes proportions, se soit guérie, alors que les excitations mécani- ques causales, c’est-à-dire la pression produite par le décubitus, au- raient continué leur action irritante, puisque le malade ne s’est levé pour la première fois que le 7 avril, et que l’eschare était guérie le 27 mars. On ne peut, ce nous semble, attribuer à la pression qu’un rôle secondaire, celui de cause déterminante, si l’on veut; mais on est bien obligé de rechercher ailleurs la cause première et dominante. IV. ARTHROPATHIE DU GENOU GAUCHE. — Nous considérons cette manifestation morbide comme un symptôme de même nature que le précédent, c'est-à-dire comme un trouble de nutrition consécutif à l'affection de la moelle; mais il s’agit ici d’un symptôme accidentel, pour ainsi dire, bien différent en cela de l’eschare dont la fréquence en fait un symptôme habituel. Aussi les observations d’arthropathie sont- elles loin d’être communes, et la preuve qu'il s’agit d’un trouble de nutrition est plus difficile à donner. Pour le cas actuel, nous nous contenterons de faire observer que l'arthrupathic s'est développte concurremment avec l’eschare, qu’elle 28 he peut étre rapportée, d’une manière motivée, ni à une action trau- matique, ni à l’action du froid ou de l'humidité, ni à la diathèse rhu- matismale; enfin, que ce fait présente une ressemblance complète avec le fait publié par M. Viguès, en 1855, dans le MONITEUR DES HÔPITAUX. En voici le résumé : PLAIE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE DANS LA RÉGION DORSALE; PARALYSIE DU MOUVE- MENT PLUS PRONONCÉE À GAUCHE; ANESTHÉSIE À DROITE; RYPERESTHÉSIE A GAUCHE ; ESCHARE FESSIÈRE UNILATÉRALE DROITE; ARTHROPATRIE SPINALE DU GENOU GAUCHE ; par M. Viçués. Le 4 février 1850, entrait à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Augue- tin, n° #1, service de M. Nélaton , le nommé A. C..., âgé de 28 ans. Ce malade portait en arrière du thorax, du côté droit, entre la neuvième et la dixième vertèbre dorsale, à 34 centimètres en dehors de la ligne des apophyses épineuses, une blessure produite par un coup d'épée. L’arme avait pénétré de plus de 6 centimètres, en se dirigeant en haut et en dedans vers le canal médullaire. Le blessé n'avait pu se relever. Voici l’état dans lequel il se trouvait à la visite du lendemain : I éprouve dans les membres inférieurs de violentes douleurs. Le mem- bre inférieur gauche présente une paralysie presque complète du mouvement; on remarque seulement quelques mouvements dans les orteils; mais la sensibilité y est exagérée; le moindre contact déter- mine de violentes douleurs. Cette hyperesthésie s'arrête à peu près au niveau de la crête iliaque pour envahir cependant, quelques heures après, l’hypocondre et la partie gauche de l'hypogastre. De ce côté, la sensibilité thermique est également pervertie : un corps chauffé à 30° fait éprouver au malade une sensation de brülure, tandis qu’une compresse imbibée d'eau à la température de la salle, lui cause une sensation de froid très-vif. Le chatouillement est très- douloureux. Dans lemembre abdeminal dreit les phénomènes sont tout différents. Les mouvements qui hier étaient totalement impossibles, sont un peu revenus; la sensibilité, au contact, existe, quoique un peu émoussée : la sensibilité à la douleur a disparu. La sensibilité thermique est éga- lement abolie; le malade a bien la conscience d’un corps qui le touche; mais 4l ne peut juger ni de la température ni du degré d'humidité ou de sécheresse de ce corps. Le chatouillement ne donne qu’une sensa- tion de simple contact. Depuis sa blessure, le malade a une rétention complète d'urine et de matières fécales. À partir du 6 février tous les symptômes allèrent s'améliorant. Les 29 inouvements sont toujours moins prononcés à gauche qu'à droite; l'hy- peresthésie disparaît des régions fessière et lombaire gauche. A droite, le malade perçoit la piqûre sans pouvoir en préciser le siége. I peut bientôt uriner seul. La rétention des matières fécales est remplacée par une incontinence. ; _ Mais, vers le 17 février, on remarque que le membre gauche, tou- jours plus sensible qu’à l’état normal, a augmenté de volume ; la peau en est sèche, rugueuse. Dans l’articulation du genou, il s'est accumulé une quantité de liquide assez considérable pour éloigner la rotule des condyles de plus d’un centimètre. Le 20 février, on aperçoit sur la partie latérale droite du sacrum et Sur la fesse de ce côté, une eschare dont ne s'était jamais plaint le malade et qu’il n'avait pas sentie.Dans un espace de 7 à 8 centimètres, l'épiderme seul est soulevé et laisse voir le derme à nu, qui cependant est ulcéré en quelques endroits. Le 25 février l’eschare ne s'était point étendue; les mouvements, Ja sensibilité reviennent peu à peu : le 20 mars, pour la première fois, tes garde-robes.sont volontaires. Bientôt le malade peut s'asseoir, se lever et marcher avec des béquilles : il sort de l'hôpital le 15 juin, après un séjour de quatre mois et demi. Ea sensibilité dans le membre inférieur droit n'est pas encore revenue à son état normal; l’améliora- ion du côté gauche a persisté. Le malade, revu deux ans après, avait repris Son état sans garder aucune trace de sa blessure. On peut remarquer que dans ce fait comme dans le nôtre il y a sec- tion incomplète de la moelle intéressant plus particulièrement la moi- tié gauche; paralysie du mouvement dans les deux membres inférieurs mais portant plus spécialement sur le gauche; troubles de la sensibilité dans les membres inférieurs consistant principalement dans l’anesthé- sie du côté droit et l’hyperesthésie du côté gauche; enfin développe- ment simultané dans la troisième semaine après le début, d’une eschare unilatérale de la fesse droite et d’une arthropathie du genou gauche. Une telle similitude dans tous les détails de deux observations de ce genre est sans contredit un puissant argument en faveur de l'influence exer- cée par la lésion de la moelle sur le développement de l’eschare et de l’arthropathie du genou. Nous rappellerons en outre que M. Charcot a établi l’existence assez fréquente d’une arthropathie de cette nature dans la sclérose des cordons postérieurs, et que dans l’un de ces cas, où l’épaule gauche était le siége de cette complication, l’examen de:la moelle a-permis de constater une altération dans la corne antérieure de la substance grise correspondante à la région cervicale. (Charcot et Joffroy, ArCuivEs DE PaysioLo@tEe, 1870.) 30 Enfin il existe un certain nombre d’observations démontrant que des affections de la moelle autres que la sclérose des cordons postérieurs peuvent présenter la même complication. Il en est ainsi dans le cas actuel. N. Disparition de l’excilabilité électro-musculaire dans le membre inférieur gauche.— Ce symptôme tient à une dégénérescence muscu- laire qui est un phénomène de même ordre que les deux précédents. Il dépend comme eux, non pas de la cessation de l’action nerveuse, mais d’une activité morbide spéciale de la moelle malade. Nous avons vu que la rapidité du développement de l’eschare fessière ne permet- tait pas dans certains cas d'invoquer la pression sur la fesse comme cause première de la mortification des tissus; on peut également invo- quer ici les faits dans lesquels l’altération du muscle et la disparition de l’excitabilité électro-musculaire sont tellement rapides qu'il n’est pas possible d'admettre qu’elles ne soient pas le résultat d'une acti- vité morbide de la moelle. Ce symptôme a été temporaire. L’orsqu’en effet la plaie de la moelle a été cicatrisée, et que l’irritation qu’elle produisait à distance a diminué, puis disparu, la nutrition musculaire pervertie pendant quelque temps est redevenue normale ; comme les altérations musculaires n'étaient pas très-prononcées, et surtout comme elles ne duraient pas depuis trop longtemps, le muscle a rapi- dement recouvré ses propriétés sous l'influence de l’application locale de l’électricité. VI. Incoordination appréciable du mouvement dans le membre inférieur gauche, après retour de la motilité.— Dans la sclérose symétrique des cordons postérieurs, le symptôme le plus frappant est l'incoordination des mouvements, et des faits pathologiques très-nom- breux montrent que la coordination des mouvements est sous la dépen- dance des cordons postérieurs de la moelle épinière. Cela étant, il en résulte que l’on doit admettre que chez notre malade, il y a actuelle- ment une altération plus ou moins étendue du cordon postérieur gau- che, cette altération étant, soit le résultat dela blessure, soit le résul- tat d’une inflammation secondaire. Telles sont les considérations que nous voulions présenter ; elles rapprochent, comme on le voit, un certain nombre de symptômes com- plétement étrangers l’un à l’autre au premier abord. La paralysie du mouvement, l’anesthésie, l’hyperesthésie, l’eschare fessière, l’arthropathie du genou, la perte de l’excitabilité électro- musculaire et enfin l’incoordination des mouvements, tous ces symptô- mes résultent d’une altération de la moelle épinière. Quant à l’eschare fessière, à l’arthropathie du genou et à l’altération de la fibre mus- cl culaire, ce sont trois symptômes de même ordre tenant aux troublesde nutrition qui résultent d'une activité morbide de la moelle altérée. M. Crarcor : C’est à M. Brown-Séquard qu’on doit d’avoir mis en lu- mière ces cas d’hémiplégie ou d’hémiparaplégie résultant de la lésion d’une moitié unilatérale de la moelle épiniére qui ne sont pas très-ex- ceptionnels. En Angleterre, on a proposé de désigner cet ensemble symptomatique particulier sous le nom de maladie de Brown-Séquard; mais il s’agit là, non pas d’une maladie, mais bien d’un syndrôme, pou- vant se produire sous l'influence de lésions très-diverses. J'ai, pour ma part, rencontré un cas de tumeur comprimant une moitié latérale de la moelle avec paralysie motrice et hyperesthésie d'un côté, tandis qu’il y avait anesthésie de l’autre côté sans paralysie motrice. Brown- Séquard a reproduit nombre de fois cet ensemble symptomatique dans ses expériences physiologiques. Mais ce qui, par-dessus tout, est bien digne d’attirer l’attention, dans l'observation de MM. Joffroy et Solmon, ce sont ces troubles de nutri- tion qui aboutissent à l’eschare et à l’arthrite. Brown-Séquard avait bien noté les eschares, mais les arthrites ont été moins remarquées par lui. Les eschares, chose remarquable, se produisent habituellement du côté anesthésié et les arthrites, au contraire, du côté paralysé. Les arthrites de cause spinale sont de deux espèces : les unes ont une évolution lente, celles de l’ataxie locomotrice sont de ce nombre et paraissent reconnaître pour cause une lésion de la substance grise du côté correspondant; les autres, tout en se rapportant à des lésions médullaires semblables, ont une évolution rapide qui rappelle le rhu- matisme articulaire aigu. Ces arthrites peuvent en imposer pour cette dernière maladie: c’est ainsi que Trousseau relate, dans le cours d’une myélite aigüe avec paraplégie, une arthrite des deux genoux, sur la- quelle il se fonde pour affirmer la nature rhumatismale: de la paraplé- gie de son malade; mais ce malade présentait de plus une eschare sacrée développée en même temps que les deux arthrites et les mus- cles perdaient parrallèlement aussi leur contractilité électrique dans les deux membres. Il s'agissait évidemment dans ce cas d’eschare et d’ar- thrites développées sous l'influence de la maladie spinale. Dans le mal de Pott, on observe aussi les arthropathies de cause spinale: c’est peut-être là qu’elles ont été pour la première fois ren- contrées, vers 1840, par un auteur américain, Mitchell. C’est vraisem- blablement à la myélite du mal de Pott qu’on doit les rapporter. M. Carvizue pense qu'il faut attribuer à l’action des vaso-moteurs les deux particularités signalées dans le fait de M. Joffroy ; d’un côté, l’es- :chare se rapporterait à une diminution dans la circulation des parties 32 anesthésiés; d'un autre coté, l’arthrite a une augmentation dans Ja cir- culation, augmentation accusée par l'élévation même de la tempéra- ture. Séance du 13 mai. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. — M. CHARCOT complète ce qu’il a dit dans la dernière séance, au sujet de la communication de M. Joffroy. Le théorie des nerfs vaso-moteurs nous indique qu’il y a augmen- tation de température s’ils sont paralysés, qu’il y a au contraire abais- sement de température s'ils sont excités. J'ai dit, ajoute M. Charcot, que des troubles de nutrition peuvent se montrer dans les deux cas et que, par conséquent, cette théorie ne saurait expliquer ces troubles d’une façon plausible. Peut-être pourrait-on l'appliquer au cas de M. Joffroy et dire qu’une arthrite s’est montrée du même côté que la paralysie vaso-motrice, où l’on constatait une augmentation de chaleur, tandis qu’une eschare est apparue du même côté que l'excitation vaso-motrice avec ischémie et diminution de la température. Mais cette théorie ne saurait s'adapter aux cas d’hémiplégie, dans lesquels on rencontre à la fois, du même côté que la paralysie vaso- motrice, une eschare.et une arthrite, leschare se montrant ici, con- trairement au cas précédent, du côté où il existe une hyperémie avec augmentation de température. M. CARVILLE : Je viens d'être témoin, cette semaine, d’un fait qui vient à l'appui des paroles de M. Charcot. Une femme atteinte d’une hémiplégie gauche, par hémorrhagie cérébrale, a été prise à la fesse, du côté paralysé, sur lequel elle ne se couche pas, d’un fu- roncle devenu rapidement gangréneux. J’ajouterai qu'elle présente êgalement, sans qu’on puisse en donner une explication suffisante, un œdème entièrement localisé à tout le côté paralysé. Elle n’a pas d’'arthrite. M. CHARCOT : L’arthrite ne se montre pas dans les hémiplégies tout à fait récentes, alors même que l'eschare est déjà produite. L’ar- thrite est en effet, dans ces cas, un phénomène un peu plus tardif que l'eschare. Elle se développe, en effet, à peu près de quinze jours à un mois après l'attaque, tandis que l’eschare, phénomène précoce, se produit le deuxième, le troisième le quatrième et jusqu’au dixième jour. Cette dernière, d’ailleurs, ne se montre pas dans tous les cas, et lors- qu’elle existe, elle est un signe du plus fâcheux augure. Toutes les fois qu’une eschare se manifeste du côté paralysé, la mort s'ensuit. Cette règle ne souffre presque point d'exception. L'arthrite, en même temps qu’elle est un phénomène plus tardif, est aussi moins fréquente et d’un pronostic moins fâcheux. Elle coïn- cide presque toujours avec ces conraclures qui apparaissent dans les membres paralysés vers la cinquième ou la sixième semaine, et qui se rapportent, comme on le sait, à des dégénérescences secondaires de l'encéphale. — M. Murox continue l’exposé de ses recherches sur l’ébranlement des os et de la moelle osseuse, dans le cas de blessures par balles. Il croit devoir rattacher à cette cause : s 1° La nécrose de l’extrémité osseuse dont la nutrition n’est plus as- surée suffisamment par le périoste décollé et la moelle ébranlée et in- filtrée de sang; 2° L'ostéomyélite suppurée et l'infection purulente ; 3° L'ostéomuyélite des blessés, aui survient du deuxième au douzième inois, et prend une marche ascendante et progressive, ce qui expli- querait les nombreux cas de mort observés par Jules Roux dans les amputations faites dans la continuité, et les nombreux cas de guérison observés par le même chirurgien dans les amputations faites dans la contiguité ; 40 Enfin l’ostéomyélite chronique, invétérée, accompagnée de dou- leurs quelquefois très-violentes dans les membres, dans le tissu osseux lui-même, et nécessitant parfois la trépanation. — M. Prcrecr rapporte un cas d'affection de la moelle observé dans le service de M. Charcot. Il s’agit d’une femme qui, après avoir habité pendant quelque temps dans un logement froid et humide, fut prise de céphalalgie occipitale er de douleurs sourdes, exagérées par la pression, de la région cervi- cale, avec retentissements douloureux dans le membre supérieur droit. Ces crises douloureuses se reproduisirent fréquemment pendant un mois, puis elles cessèrent. À ce moment on constatait simplement une légere parésie du membre supérieur droit. Six mois après, retour des mêmes accidents douloureux, puis cessa- tion de nouveau, et l’on constate une parésie plus grande du membre supérieur droit. Plus tard encore arrive une paralysie des deux bras, suivie bientôt d’une paralysie des deux membres inférieurs. La sensibilité n’est pour ainsi dire pas altérée; mais on constate une légère surdité avec bour- _donnements d’oreille et un faible tremblement de la tête. Les deux bras présentent une éruption bulleuse. €. R. 181 (88) 34 Queïque temps aprés, la malade entra dans le service de M. Jaccoud qui la considéra comme atteinte de sclérose en plaques. Mais bientôt reconnue incurable, elle fut renvoyée à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot. Là on vit survenir un peu de confracture au membre inférieur droit, puis au membre supérieur du même côté, contracture suivie bientôt d’une atrophie musculaire assez rapide; les muscles étaient influencés très-faiblement par des courants énergiques. La surdité et le tremble- ment de la tête n'étaient plus pereeptibles. Quelques mois plus tard survint une tuberculisation aiguë qui en- leva la malade. À l’autopsie, on constata l’intégrilé absolue du cerveau, du cervelet et du bulbe. Au collet du bulbe commence à paraître une adhérence très-résistante entre la dure-mère et le périoste vertébral, adhérence qui ne cesse qu’en arrivant à la région dorsale. Une coupe du cordon méduilaire, pratiquée au niveau de ces adhé- rences, dans le point ou la moelle présente un renflement insolite et considérable, permet de constater un épaississement très-marqué de la dure-mère, grâce à la présence d’une néo-membrane résistante. Et en ce point, périoste, dure-mère, néo-membrane, arachnoïde et pie-mère sont comme soudés intimement entre elles et avec la moelle. Cette dernière se trouve aplatie et tellement déformée qu’on distingue dif- ficilement, sur la coupe, le canal central, les cornes et même les faces antérieure et postérieure. Au microscope, on constate une disparition à peu près complète des cellules des cornes antérieure et postérieure. Ces cellules sont rem- placées par des granulations pigmentaires brunes. D'ailleurs la sub- stance grise renferme des noyaux de prolifération conjonctive en grand nombre et même du tissu conjonctif, et la substance blanche se com- pose d’un tissu fibreux très-dense, au milieu duquel on constate de rares tubes nerveux. Les racines nerveuses antérieures et postérieures sont atrophiées, on y trouve également peu de tubes nerveux; leur tissu se compose de fibrilles et de gaînes nerveuses dont les noyaux ont singulièrement proliféré. La ndvrile des racines est donc aussi évidente que la myélite. A la région dorsale, ainsi qu’à la région lombaire, les méninges ont conservé leurs caractères normaux; mais principalement dans la ré- gion dorsale, la moelle présente une dégénérescence descendante dou- ble, qui va en s’affaiblissant dans la région lombaire. Cette dégénéres- gence secondaire de la moelle a dû se faire par un processus aigu, si “r Dre) j’on en juge par l’augmentalion très-notable du nombre des noyaux dans les cornes antérieures et postérieures. Les muscles atrophiés, le deltoïde, ceux des éminences thénar et hy- pothénar, les extenseurs, à droite comme à gauche, offrent des altéra- tions très-avancées ; leurs fibres ont subi la dégénérescence granulo- graisseuse, ou bien elles se sont amincies considérablement, et les noyaux du sarcolème présentent une prolifération très-active. De plus on constate un développement exagéré du tissu conjonctif interstitiel. M. Lagorpe : Quel nom pourrait-on donner à cet ensemble d’altéra- tions ? M. Cuarcor : Ce nom doit être composé, parce que nous avons af- faire à un ordre d’altérations très-complexes, qui me paraissent se ma- nifester assez souvent de la même manière et avec les mêmes carac- teres. Or on trouve une gachyméningite, vraisemblablement initiale, caractérisée par l’épaississement de la dure-mère avec adhérences au périoste, d’une part, et production d’une néo-membrane, d’autre part. A cette pachyméningite se joint bientôt une névrite des racines an- térieures et postérieures, névrite suffisamment caractérisée par l’atro- phie de ces racines. Puis on voit une sclérose de la moelle, sclérose non parenchymateuse, mais interslilielle, frappant à la fois la sub- stance blanche et la substance grise dans leurs trabécules conjonctifs. Et ces altérations sont toujours localisées au voisinage du renflement cervical de la moelle. C’est donc une pachyméningo-névro-myélite chronique cervicale. Je ne nie point qu’on puisse en rencontrer dans les régions dorsale et lombaire; mais jusqu'ici les cas qui me sont connus, au nombre de dix environ, sont frappants par leur siége constant à la région cer- vicale. L'évolution des faits cliniques peut nous indiquer à son tour l’ordre dans lequel ces différentes lésions ont dû se développer. Les malades sont ordinairement des sujets jeunes, qui ont vécu dans des endroits humides et froids. JL existe d’abord chez eux une première période marquée par des douleurs qui siégent à la nuque en arrière de la colonne cervicale, dans les membres supérieurs et plus souvent dans un seul. Ces douleurs, qui arrachent quelquefois des cris aux malades, s’accompagnent d’un sentiment de constriction de la région supérieure du thorax. Elles durent deux à trois mois. Puis survient une seconde période dans laquelle on remarque une paralysie bornée aux membres supérieurs, dont les muscles flasques d'abord deviennent bientôt le siége d'une contracture suivie d'atrophie. 30 Cette paralysie des membres supèrieurs sans que les membres infé- rieurs soient touchés, est fort remarquable. On la rencontie quelque- fois à une certaine période dans le mal de Pott. Et Brown-Séquard, qui l’a également reproduite dans ses expériences, l'explique en disant que les fibres nerveuses qui répondent aux membres supérieurs, ne suivent pas le même trajet, dans la moelle, que les fibres qui se rendent aux membres inférieurs. Quoi qu’il en soit, l’atrophie musculaire arrive presque toujours à la suite de cette paralysée, et s'accompagne de la perte de contractilité électrique, et d’altérations dans la structure des muscles, telles qu’on les rencontre dans l’atrophie musculaire pro- gressive. Enfin survient d'ordinaire une troisième période, celle dans la- quelle, à leur tour, les muscles des membres inférieures se para- lysent en restant flasques d’abord, puis perdent toute contractilité électrique, se contracturent et s’atrophient, comme nous le voyions tout à l'heure pour les membres supérieurs. Et, comme cette affection n’est pas curable, la mort a lieu comme dans tous les cas de sclérose de ia morlle {ataxie, sclérose en plaques), où le séjour au lit devient, à un moment donné, nécessaire, par le dé- veloppement d’une tuberculisation aiguë ou chronique. Tel est cet ensemble clinique qui n’a pas jusqu'ici été assez remar- qué, et qui devra désormais entrer en ligne de compte dans le diag- nostic des affections médullaires. A ces trois périodes, si bien marquées dans l’évolution de la maladie, se rattachent incontestablement les lésions qui ont été signalées, et dans l’ordre suivant : 1° A la période douloureuse initiale correspond la pachyméningite, avec compression; des racines nerveuses qui traversent la dure-mère enflammée et qui deviennent à leur tour le siége d’une névrite. 2° A la période de paralysie des membres supérieurs correspond l’atrophie des racines nerveuses antérieures et postérieures et for- tement amincies. Cette altération nerveuse peut rendre compte, non- seulement de la paralysie musculaire, mais encore des troubles de nu- trition qu’on remarque dans les membres supérieurs paralysés, comme atrophie des muscles, éruptions bulleuses de la peau qui les re- couvre, etc. 3° À la période de paralysie des membres inférieurs, une névrite des racines antérieures et posérieures ne saurait étreinvoquée, car elle n'existe pas; mais la moelle a subi des altérations secondaires dont l'analyse est ici importante. En effet, à la myélite descendante des cordons latéraux, au voisinage des cordons postérieurs, correspond le 37 paralysie flasque, bientôt suivie de contracture des muscles des mem- bres inférieurs. Ce n’est pas tout: non-seulement il y a paralysie et contracture des muscles paraiysés; mais souvent aussi se développe une atrophie mus- culaire bornée à certains groupes de muscles, atrophie qu’on ne sau- rait attribuer au confinement au lit, parce qu'elle serait généralisée à tous les muscles, mais qu'il faut rapporter également à certaines alté- rations des centres médullaires. En effet, cette atrophie de certains groupes de muscles correspond, et l’étude de cas moins complexes nous en donne amplement la certi- tude, à l’envahissement des cornes antérieures de la substance grise par l’inflammation scléreuse de la moelle. La sciérose est-elle bornée à la substance blanche, l’atrophie musculaire est lente et simplement granulo-graisseuse ; s’étend-elle au contraire à la substance grise, on voit la contractilité électrique de certains groupes de muscles dispa- raître, et leur atrophie s’ensuivre rapidement. Or dans le cas de M. Pierret on remarque, en étudiant la substance grise Ge la moelle, une prolifération très-active des novaux de la né- vroglie; ce qui démontre que certaines dégénérescences secondaires de la moelle ne sont pas des phénomènes toujours passifs; ce qui dé- montre encore qu'il faut rapporter certaines atrophies des muscles par- tielles et plus ou moins rapides, à des troubles de nutrition d’origine médullaire. En dehors des quatre ou cinq cas entièrement semblables que je connais, je rappelerai celui que j'ai publié avec M. Joffroy dans les Ar- CHIVES DE PHYSIOLOGIE; quelques malades, actuellement dans messalles, sont certainement atteints de cette affection, et dernièrement Kœæler publiait un cas absolument identique observé sur un jeune homme; J’autopsie signale les lésions grossières que l'œil me permet de consta- ter ; mais | examen histologique n’a pas été pratiqué. — Je relèverai en passant un fait important signalé par Kæler sur une coupe de la moelle, c’est l'existence d’une lacune centrale contenant un liquide séreux et visible à l’œil nu, preuve sans réplique que les foyers de désintégration granuleuse ne sont point le produit d’un accident de préparation. D'ailleurs j’en possède moi-même un semblable exemple, reproduit par la photographie, et parfaitement constatable sans microscope. M. Carvizre : Puisque cette affection paraîi reconnaître pour cause le froid humide, les logements insalubres , on songe tout naturellement au rhumatisme, et l’on se demande si les articulations vertébrales du cou étaient altérées. M. Crarcor : Ces articulations étaient intactes, et j'ajouterai qu’en 38 effet cette étiologie, le froid humide, est assez neltement exprimée dans plusieurs observations. M. Laxcereaux : Ne pourrait-on pas voir dans ces cas quelques ana- logies avec ce qu’on observe dans certains maux de Pott? M. Cuarcor : Sans doute, dans le cas où une névrite des racines cer- vicales se produirait; mais l'existence d’arthrites très-évidentes, sou- vent l’âge des malades, et surtout la déformation de la colonne verté- brale, permettront toujours d'établir une distinction suffisante. Séamee du 2O mai. M. MURON continue l'exposition de ses recherches sur l’ébranlement des os dans le cas de blessures par armes à feu. Cet ébranlement s’é- tend, dit-il, non-seulement à toute la longueur de l'os frappé, mais encore aux os voisins, à travers les articulations et les parties molles. Un fait qu’il présente en est un remarquable exemple. Il s’agit d’un cas de blessure dela jambe par un éclat d'obus qui avait brisé le tibia dans son tiers supérieur. L'articulation du genou est saine, la peau et les muscles de la cuisse paraissent intacts, et ce- pendant on trouve dans le fémur une infiltration sanguine des plus marquées. L’amputation de la cuisse a été faite le lendemain de la blessure. Ce fait démontre péremptoirement que cette infiltration n’a pas lieu de proche en proche à partir du point frappé, qu'elle est, au contraire, le résultat d’un ébranlement. Il ne faut d’ailleurs jamais perdre de vue le point de l'os qui a été primitivement touché. L’os est-il atteint dans sa partie compacte, dans la diaphyse, l’ébranlement est très-étendu, général; l’est-il, au contraire, dans sa portion spongieuse, dans l’épiphyse, l’ébranlement ne se propage guère au delà de quelques centimètres. On conçoit dès lors la gravité plus ou moins grande des suites de ces blessures. M. HOUEL: C’est là, en effet, une étude importante et qui servira peut-être à trancher la question de l'opportunité des resections ou des amputations dans beaucoup de cas. Les faits rapportés par M. Muron viennent combattre l'opinion de M. Nélaton qui préférait la resection à J'amputation dans les lésions osseuses voisines des jointures ; et si ces faits se généralisent, la resection sera de plus en plus rejetée pourétre remplacée par l’amputation. D'ailleurs les fractures par armes à feu s'accompagnent souvent de félures osseuses qui produisent une ostéo-myélite secondaire et conduisent souvent à de nouvelles opérations. C’est ainsi que des am- putations deviennent quelquefois nécessaires à la suite des resections. 39 L'ostéomyélite qui survient à la suite de certaines resections est bien plus à craindre que celle qui atteint les extrémités osseuses chez les amputés. Du reste, instruits par l'expérience, les chirurgiens militaires font aujourd’hui fort peu de resections. Celle de l'épaule est la seule qui donne vraiment une statistique favorable. M. MURON : Dans certains cas les muscles eux-mêmes ont présenté des foyers sanguins vraisemblablement imputables à l’ébranlement dont nous parlons. M. MAGNAN résume en quelques mots les recherches qu'il a entre- prises sur la paralysie générale progressive, et fait ressortir les diffé- rences que présentent ses recherches avec celles de Westphall sur le même sujet. La paralysie générale, dit-il, ne frappe pas seulement le cerveau ; elle frappe aussi la moelle et les nerfs crâniens ; et les lésions qu'on observe consistent, dans tout l'encéphale et les enveloppes, en une ir- ritation chronique et progressive, générale, diffuse, aboutissant à des degrés plus ou moins avancés de sclérose et pouvant se résumer par la dénomination de méningo-encéphalo-myélite interstilielle diffuse. On trouve bien encore, dans la paralysie générale, un certain nom- bre de lésions diverses qui ne se rattachent pas aussi directement à cette maladie ; ce sont : certaines hémorrhagies, certaines scléroses, certaines formes d’encéphalites interstitielles, quelques produits mor- bides singuliers se rattachant à la dégénérescence colloïde, des encé- phalites chroniques de tout un lobe; toutes lésions accessoires, sortes de terminaisons de l’irritation chronique des centres nerveux. La moelle est frappée dans ses cordons antérieurs, postérieurs ou latéraux et dans sa substance grise, d’une façon tout à fait indétermi- née, Il ya là une certaine différence avec la disposition assez régu- lière des lésions dans le cerveau. Cependant il existe dans la moelle des portions plus fortement atteintes, et qui peuvent en imposer au premier abord pour des lésions de sclérose en plaques, mais il n’en est rien; les foyers de sclérose sont loin d’avoir une démarcation aussi nette à la vue etau microscope, et ils atteignent aussi bien la substance grise que la substance blanche. Ce sont bien des foyers de sclérose diffuse. Dans Westphall, les lésions de la moelle sont des altérations secon- daires, non par rapport à une lésion cérébrale, mais par rapport à une lésion primitive de la moelle elle-même ayant ordinairement pour siége le renfiement cervical. Et comme les scléroses ascendantes et descen- dantes à partir de ce point ne seraient pas bien limitées, Westphall a essayé d'infirmer certaines conclusions du mémoire de Turck; mais 30 ses expériences ne sont pas le moins du monde concluantes, et quoi qu'il fasse, ses descriptions se rapportent entièrement à des scléroses diffuses de la moelle; la distribution de foyers de sclérose est complé- tement irrégulière, et ne se rapproche en aucune façon des cas de myé- lites ascendante et descendante. Les lésions sont d’ailleurs en rapport avec la marche des symptômes observés chez les malades. On voit quelquefois, plusieurs années avant la manifestation, des phénomènes cérébraux se montrer des phénomènes médullaires, comme l’ataxie ou la paralysie des membres inférieurs; d’autres fois ce sont des picotements, des engourdissements dans les membres; dans d'au tres cas des troubles de la vue, de l’odorat et finalement la paralysie générale. Cette irritation des centres nerveux peut donc débuter ou par le cer- veau, où par la moelle, ou par les nerfs cräniens ou rachidiens. Et c'est toujours une irritation interstitielle diffuse de ces centres. J'ai déjà réuni plus de cent cinquante observations à l'appui de cette opinion. M. CHARCOT : Il est trés-intéressant de voir certaines paralysies, certaines lésions nerveuses préexister chez les sujets qui plus tard se- ront atteints de paralysie générale. J'ai chservé un jeune homme qui, à l’âge de 7 ans, avait été atteint d’une paralysie infantile et qui, à l’êge de 15 ou 16 ans, présenta tous les symptômes de la paralysie gé- nérale avec délire des grandeurs, tremblement de ja langue, etc.; plus tard survint une parésie avec rigidité des quatre membres. Dans ce cas ne peut-on pas voir une lésion spinale aboutissant à une paralysie générale dans le cours de laquelle les phénomènes médullaires ont été très-intenses ? Dernièrement encore, à l’amphithéâtre de la Salpétrière, je voyais deux cadavres de paralytiques généraux : l’un avait été atteint d’une paralysie infantile, l’autre présentait un pied bot congénital. Ces faits semblent venir confirmer cette vue de M. Magnan d’après laquelle certaines lésions périphériques des nerfs ou de la moelle épi- nière pourraient être le point de départ d'une paralysie générale pro- gressive. Les planches du mémoire de M. Westphall montrent les lésions spi- nales localisées surtout soit dans les cordons postérieurs, soit dans la partie postérieure des cordons latéraux. Je ne crois pas que l’auteur ait décrit, dans sa Paralysie générale, la sclérose diffuse de la moelle, telle que l’'admet M. Magnan. M. MAGNAN : Il y a bien cependant, en dehors de certaines locali- sations dans les cordons médullaires, des sortes de points d'élection 41 primitivement ct plus particulièrement frappés; c'est à la périphérie de la moelle, au niveau des sillons antérieur et postérieur, là où exis- tent précisément un plus grand nombre de vaisseaux et de fibres de tissu conjonctif. C’est une affaire de structure de la moelle. Mais on voit aussi la lésion sauter pour ainsi dire d’un cordon: à l'autre; elle ne frappe donc point spécialement les tubes nerveux ou Je tissu conjonctif. C’est une irritation chronique qui gagne de proche en proche et les tubes nerveux et le tissu conjonctif. Quant à la localisation dont parle Westphall, dans la partie posté- rieure des cordons latéraux, il faut remarquer que la forme de ces foyers est toujours dentelée et par conséquent diffuse, ER LOT 4 COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JUIN 1871: Par M. R. LÉPINE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. PAUL BERT, VICE PRÉSIDENT. Séance du 10 juin (1). Le procès-verpal de la séance est lu et adopté. — M. le docteur BALL communique l'observation suivante : La nommée Hirsch Constance, marchande de lingerie, née à Toul, célibataire, âgée de 47 ans, est entrée à l’Hôtel-Dieu, salle Saint- Antoine, lit n° 30, le 17 mars 1871. Père mort subitement; mère morte avec des accidents cérébraux: frères et sœurs bien portants. Elle dit avoir joui d’une bonne santé pendant l'enfance; réglée à 12 ans, la menstruation a cessé à 44 ans: elle a eu un enfant à 30 ans; l'enfant est mort; vaginite à l’âge de 25 ans; elle ne paraît pas avoir eu d'affection syphilitique. (1) Le 27 mai et le 3 juin il n’y a pas eu séance. J, 44 Phénomènes de dyspepsie à la suite de son accouchement; condi - tions hygiéniques favorables. A toutes les époques de sa vie, la malade avait constaté que sous l'influence du froid, en plongeant les mains dans l’eau, la circulation s’engourdissait aux extrémités des doigts, qui devenaient bleus, froids, insensibles, et ne se réchauffaient que difficilement. En 1853, elle aurait eu les doigts gelés, et, à partir de cette époque, elle a été plus sensible que jamais à l’action du froid. En 1860, elle eût un procès qui lui causa des émotions vives et pénibles. L'hiver suivant (1860.61), l'extrémité du doigt annulaire de la main droite est devenue le siége d’une plaque jaunâtre, dure et in- sensible : il se formait une desquamation épidermique sans cesse répétée sur ce point; en même temps, douleurs rhumatoïdes dans les bras et les jambes. La plaque indurée est entrée en résolution au printemps de l’année suivante; mais, vers le mois de mai (1861), le doigt médius du même côté a été pris des mêmes accidents avec plus d'intensité. Des douleurs extrêmement vives se sont montrées sur les points envahis. Au bout de trois mois, le doigt est revenu à l’état normal. L'hiver suivant, les deux mains ont été prises. Pendant l'été, les doigts se guérissaient ; mais au retour de la saison froide les mêmes accidents reparaissaient, et tous les doigts ont fini par être envahis. Il y a quatre ou cinq ans, des phénomènes analogues se sont mon- trés du côté des membres inférieurs. Le troisième orteil du pied gauche a été frappé le premier. Elle est entrée à cette époque à l’ho- pital Saint-Eloi, à Montpellier, dans le service de M. Bouisson. Elle ne peut fournir aucun renseignement sur le traitement auquel elle a été soumise. Sa santé a été améliorée. L'hiver suivant, retour des mêmes accidents à la main gauche avec intensité plus grande de la maladie; c’est vers cette époque que des déformations permanentes ont commencé à se manifester. Auparavant, les doigts revenaient à leur état normal après la cessation des phénomènes aigus. Au mois de mai 1870, elle est entrée à l’hôpital Israëlite, dans le service de M. Worms; elle y est restée trois. mois, et a été traitée pour un rhumatisme articulaire, Au mois de septembre, elle est entrée à Saint-Louis dans le ser- vice de M. Guibout; les mains ont été moulées et sont restées au musée de Saint-Louis. Vers la fin d'octobre, elle est entrée dans le service de M. Lailler. où elle est restée trois mois : elle a té traitée par les bains sulfu- reux avec une certaine amélioration. 45 Au moment de son entrée à l’Hôtel-Dieu, dans le service de M. Béhier, pour des accidents thoraciques, on avait diagnostiqué des tubercules pulmonaires. Le traitement a été dirigé dans ce sens. Elat actuel, le 12 mai 1871. La malade est une femme de petite taille et d'apparence un peu chétive; elle dit avoir beaucoup maigri dans ces derniers temps; les yeux sont bleus; les cheveux bruns, grisonnants. Il existe une diminution considérable des forces, accusée par la malade elle-même. Elle dit avoir beaucoup souffert pendant le siége, surtout du froid, à l'influence duquel elle a toujours été extrêmement sensible. La poitrine est d’une conformation régulière, les omoplates ne sont pas saillantes. Il n’existe point de toux, ni expectoration en ce moment. Jamais la malade n’a eu d’hémoptysie. À la percussion, légère matité comparative avec résistance aux doigts dans les fosses sus et sous-épineuses droites, ainsi que sous la clavicule du même côté. Respiration faible sous la clavicule droite, mais sans offrir d'autre phénomène anormal ; pas de retentissement de la voix. Res- piration dure avec un peu d’expiration prolongée au sommet droit en arrière; pas de râles; pas de retentissement de la voix. Respiration un peu rude à la base gauche, sans aucun phénomène anormal. Rien à noter du côté du cœur. Le pouls est lent, régulier, isochrone aux battements du cœur, 70 pulsations par minute ; la malade a des battements quand elle monte un escalier. Les artères radiales sont souples et n’offrent point de flexuosités. Il n’y a aucun souffle dans les vaisseaux du cou. Etat actuel des extrémités supérieures. La maladie siége exclusive- ment aux phalanges : la troisième est la plus compromise, la deuxième est à peine touchée. Les extrémités des doigts sont blanches et froides ; leur teinte a été jaunâtre, au dire de la malade. Aujourd’hui, l'extrémité terminale des doigts ressemble à de la cire blanche, tandis qu’à la partie située immédiatement au-dessous et qui corres- pond à la deuxième phalange de chaque doigt, la teinte est jaunâtre et ressemble à de la cire vieillie. Le bout des doigts est crochu, ren- versé dans le sens ‘de la flexion : toutefois cette disposition est plus prononcée à l’index et à l’annulaire de chaque main qu'aux autres doigts. Les pouces ont moins souffert que les autres doigts, et ils conservent la liberté de leurs mouvements d'extension et de flexion. L’extrémité terminale du médius, surtout du côté gauche, est comme atrophiée, et le doigt se termine en pointe conique. Les doigts ont subi, du reste, une atrophie qui porte sur chacun d’entre eux, 46 tant dans le sens de la longueur que dans celui de l’épaisseur; mais cette atrophie est plus prononcée aux extrémités, ce qui leur donne une apparence eflilée, et le médius de chaque main est beaucoup plus atrophié que les autres. Les ongles des quatre doigts sont con- sidérablement déformés, bossués, unciformes; les ongles des pouces ont conservé leur conformation normale. Toutes ces lésions sont parfaitement symétriques : les deux pouces se ressemblent, ainsi que les deux index, les deux médius, etc. Sur divers points, on rencontre les traces de petites ulcérations qui se développent de temps en temps, lorsqu'un des doigts entre dans une période aiguë de souffrance; le doigt alors rougit, se tu- méfie et s’ulcère sur quelques points : à ce moment, on croirait avoir affaire à un panaris; puis, au bout de quelques jours, les phéno- mènes aigus se calment et la maladie reprend sa marche chronique. Ankylose complète aux quatre doigts des deux mains, de la troi- sième phalange sur la deuxième dans la flexion; demi-ankylose de la deuxième sur la première dans l’extension. Les extrémités des doigts sont très-froides ; au niveau des poi- gnets, le membre reprend sa température normale. La peau est dure et raide au contact. La sensibilité est un peu di- minuée aux extrémités digitales; mais elle est bien loin d’être abolie. Les mouvements des articulations métacarpo-phalangiennes sont parfaitement conservés. Les mouvements du poucesont normaux. Pendant les crises aiguës, la malade éprouve de très-vives dou- leurs, qu’elle compare aux douleurs d’une brûlure avec élancement. Quand les phénomènes sont rentrés dans la période chronique, la malade éprouve une sensation de malaise et de gêne avec des four- ‘millements pénibles, mais sans douleur aiguë. D'une manière générale, la malade se plaint d’une sensation de froid, et cela surtout aux extrémités malades; elle est d’ailleurs très- sensible à tous les changements de température. Aux extrémités inférieures les accidents sont infiniment moins prononcés. Il y a six à sept ans, quelques ulcérations se sont mani- festées au pied gauche. 11 y a deux ans, une ulcération plus considé- rable s’est développée au gros orteil du pied droit. Cet orteil est resté un peu rouge et douloureux. Quelques ulcérations de peu d'importance se sont montrées aux talons et aux jambes. Jamais, ce- pendant, les orteils ne sont devenus jaunes et durs comme les doigts des mains. Il n’a jamais existé sur aucun autre point du corps de lésions ana- logues à celles que présente la peau des doigts. La malade crache quelquefois du sang pendant la nuit. 41 La langue est nette. La malade a peu d’appétit, et éprouve une sa- veur désagréable dans la bouche tous les matins. Les déjections sont très-difficiles. Il se développe beaucoup de flatuosités après le repas; elle a du pyrosis. Il n’y a point de vomis- sements, soit alimentaires, soit autres : cependant la malade a eu quelques vomissements dans les quintes de toux l’hiver dernier. Depuis longtemps la malade a des alternatives de constipation et de diarrhée. Le ventre est souple, indolore à la pression, ainsi que le creux épigastrique. La percussion, pratiquée au niveau du foie et de la rate, n'indique rien d’anormal. La malade a depuis longtemps des hémorrhoïdes qui sont quelque- fois fluentes. La malade est assez brune de peau. Elle porte sur le front des taches qui seraient, d’après elle, le masque de la grossesse. Sur la poitrine, qui est assez brune, on constate quelques taches blanchâtres. . La malade, qui a cessé d’être menstruée depuis trois ans, n'a presque plus de flueurs blanches depuis cette époque. Les urines sont claires, d’un jaune ambré,; elles contiennent quel- quefois, au dire de la malade, du sable rouge; leur quantité s’élève à 1,800 grammes dans les vingt-quatre heures. Elles ne présentent aucune trace d’albumine ni de sucre. Migraines autrefois; ont cessé depuis quinze ans; actuellement lourdeur de tête pendant la digestion. La vue est un peu affaiblie depuis quelques années. Point d’autres phénomènes à noter du côté du système nerveux. 17 mai, crise aiguë aux troisième, quatrième et cinquième doigtsde la main droite. L'annulaire est surtout pris : rougeur, tuméfaction, dou: leur avec une petite ulcération siégeant au bord interne de la main, au niveau de la face dorsale de la dernière articulation phalangienne, La douleur a surtout le caractère de brûlure : elle est accompagnée d'une démangeaison douloureuse. Pas de fièvre ni de phénomènes de réaction. Le 29 mai, le gros orteil du pied droit présente, au niveau du bord externe de la dernière articulation phalangienne, une petite ulcéra- tion entourée d’un cercle violacé. Le doigt est chaud et tuméfñé. Il existe quelques rougeurs disséminées le long du gros orteil et au- tour de ce doigt. La douleur est assez vive. Le pouls est légèrement accéléré (90 pulsations). M. CHARCOT : Je n'hésite pas un instant à faire du cas présent un cas de sclérodermie, malgré cette limitation rare de l’affection aux 48 extrémités supérieures et inférieures. J'ai observé déjà un fait abso- lument semblable. Ceux qu'a rassemblés Forget, sous le nom de chorionitis, s'en rapprochent; et, chez cette malade, je ferai remar- quer que les paupières, la bouche, la face, en un mot, présente d’une facon générale un aspect ridé tout particulier, qui indique une tendance à la généralisation de l'affection, plus grande qu’on ne le croirait d’abord en se bornant à l'examen des extrémités. M. DUMONTPALLIER : Ce fait est on ne peut plus curieux clini- quement, mais je ne pense pas qu’il représente aucun type classique soit de la sclérodermie, soit plutôt de l’asphyxie locale, dont il me paraît bien plus se rapprocher. Dans la sclérodermie, on voit l’induration du tissu cellulaire frap- per ordinairement les parties supérieures, la face, la poitrine, le dos. Les mouvements des lèvres, des paupières et du tronc devien- nent impossibles; les malades ressemblent, dans les parties atteintes, à des corps gelés. Or, il n'existe ici aucune de ces particularités. Les avant-bras peuvent se prendre sans doute, il en existe des exemples, mais non les extrémités. Je sais, d’ailleurs, qu’il y a un choix à faire dans les diverses observations réunies tout dernièrement encore sous le nom de sclérodermie. L'un de ces types a été rapporté par M. Vil- lemin, du Val-de-Grâce, dans la Gazette hebdomadaire. C’est un des rares cas de sclérodermie observés sur l’homme. Au contraire, dans les cas d’asphyxie symétrique, on a affaire à une affection tout à fait analogue, sinon identique, à l'observation qui nous est communiquée. Les doigts sont comme morts ; l’affection est toujours sÿymétriquement disposée; pour les malades, les doigts sont comme gelés, et il se produit parfois des déperditions de sub- stance également symétriques, sous forme de gangrène noire, tandis que dans le cas de M. Ball ces pertes de substances, il est vrai, n’ont eu lieu jusqu'ici que par ulcération. J Hote donc fortement, quant à moi, pour l’asphyxie Dariharin dans le fait en question. M. BALL : S'il existe des analogies entre ce fait et les cas de gan- grène symétrique des extrémités, il y a aussi des différences qui consistent dans cette atrophie des doigts et cette rétraction qui leur donne la forme de griffes. D'ailleurs, dans un cas de sclérodermie observé par M. Verneuil sur la mère d’un de nos confrères, on a vu cette atrophie et cette gangrène suivies de séparation des parties. M. CHARCOT : Pour ce qui est de la face chez la malade de M. Ball, je persiste à dire qu’elle présente quelque chose de singulier et qui 49 doit frapper tout le monde, Et, en admettant même que laface ne fût point atteinte, on ne devrait point rejeter du cadre de la scléro- dermie cette affection bornée uniquement aux extrémités. Ce qu’Ali- bert a décrit, en effet, sous le nom de momie rhumatismale, n’est pas autre chose: la peau y est également pâle, comme desséchée et collée sur les os. Ce que Forget a décrit sous le nom de chorionilis n’est encore que la sclérodermie, bornée, si j'ai bonne mémoire, aux extrémités supérieures. On y voit une période aiguë avec rougeur, douleur, etc, suivie d’une période chronique, avec atrophie et dé- formations diverses. En un mot, dans tous les cas, la peau finit par devenir trop courte. La malade de M. Ball n’a rien d’un autre côté qui rentre dans l’asphyxie des extrémités : on ne voit pas cette pâleur locale des doigts morts, cette anémie sans déformation, puis cette cyanose qui aboutit au sphacèle sec et à la chute des parties sphacélées, Et si l’on trouve des déformations de doigts se rattachant à l’asphyxie lo- cale, elles tiennent non à des rétractions, mais à des cicatrisations consécutives à la chute des parties mortifiées. Si nous avons ici des ulcérations, c’est là un fait secondaire, entièrement accessoire : la vraie maladie est toujours dans le derme, tandis que dans l’asphyxie des extrémités elle semble résider dans les artères, si j’en juge par trois ou quatre faits dans lesquels, à ma connaissance, la maladie consistait en une ischémie due à des lésions artérielles, à des arté- rites des extrémités avec ou sans thromboses. Il était inutile d’in- voquer le spasme des capillaires dans ces différents cas. M. DUMONTPALLIER : Sans doute la face de cette malade présente quelque chose d’étrange ; mais cette femme, depuis qu’elle est ma- lade, a beaucoup maigri et son facies en porte l'empreinte. Sans doute, je n’y vois pas un cas type d’asphyxie des extrémités, mais j'y vois encore moins une sclérodermie ou, ce qu’on dénommerait mieux, un cas d’œdème dur des adultes, et, encore une fois, l'aspect de ces doigts, qui sont comme morts ou gelés, me fait toujours in- cliner davantage vers l’asphyxie des extrémités. M. CHALVET : Je suis entièrement de l’avis de M. Charcot, et ce cas rappelle exactement la description donnée par Alibert, de ce qu'il appelle la scrofule momie ou la momie rhumatismale. Je me sou- viens d'avoir observé deux malades semblables. C'était à Bicêtre, en 1859, dans le service de M. Després ; j'y voyais un nommé Petit, entièrement ratatiné; ses doigts et sa verge étaient singulièrement atrophiés; les doigts de ses pieds, à peine apparents, étaient durs comme du bois ; j’en fis l’autopsie et jetrouvai une moelle trés-dure, 50 mince, raide, à l’examen de laquelle M. Luys constata un état de sclérose indubitable. Les muscles avaient disparu ; les os étaient devenus tellement friables qu’ils se coupaient comme un navet, tant était grand le trouble de nutrition qui, bien évidemment, avait pour point de départ la moelle. Deux ans plus tard, étant à l'hôpital Saint-Louis, je retrouvai, par hasard, dans le service de M. Cazenave, un malade véritablement identique ; c'était aussi un nommé Petit; c'était son frère, et M. Caze- nave me dit : Voici un cas remarquable de la scrofule momie d’Ali- bert; j'ignore si l’autopsie en fut faite. Dans les deux cas, la mala- die paraissait pouvoir se rapporter à un véritable surmenage. Ces deux faits sont loin d’avoir la moindre ressemblance avec ceux de M. Raynaud; au contraire, ils ont la plus grande analogie avec celui de M. Ball. Je ne doute pas que, plus tard, on ne puisse con- Stater également cette même altération si profonde des os chez la malade qui fait le sujet de cette discussion. M. LABORDE : Le malade dont parle M. Chalvet, je l’ai vu à Bicêtre, et j'ajouterai un détail qui, ici, ne manque pas d’impor- tance, c’est qu'il a présenté, lui aussi, des ulcérations comme la malade de M. Ball. J’en ai observé un autre dans le service de M. Léger, N'est-ce pas se renfermer dans les limites trop étroites d’un dia- gnostic purement anatomique, que de chercher une désignation suf- fisante à cette maladie dans les divers noms qui viennent d’être mis en avant? Assurément il y a, dans cet état morbide complexe, des phénomènes d’asphyvie locale, de gangrène, d’atrophie, etc., mais ces termes sont plutôt l’expression du {ravail pathogénique qui préside aux altérations dont l’ensemble constitue la maladie totale; aussi, celle-ci demande-t-elle, selon nous, une étude plus complète, plus approfondie, pour recevoir une place définitive et légitime dans le cadre nozologique. M. BALL présente un second malade, atteint d’une atrophie mus- culaire du membre supérieur gauche, avec rétraction des doigts de la main, d’une atrophie moins marquée au membre inférieur droit. De plus, ce malade présente des troubles de la vue et est atteint, depuis plusieurs années, de douleurs fulgurantes dans les mollets; il a offert, en outre, plusieurs fois, des pertes de connaissance sui- vies de paralysie. Il y a là, dit M. Ball, une complexité peu habituelle de phénomènes sur lesquels il désire appeler l’attention. M. CHARCOT : Ce malade me paraît offrir tout d’abord une ataxie lo- comotrice. Ilà étéatteint,en effet, depuis quelques années, de douleurs 51 qu’il appelle, comme tous ces malades, des douleurs rhumatismales siégeant dans les mollets, douleurs fulgurantes, par accès, par crises, durant quelques jours : ce sont ces douleurs qui passent trop sou- vent inapercues, même pendant plusieurs années. Ce même malade a vu un oculiste pour de la diplopie, et, encore aujourd’hui, il a un peu de blépharoptose d’un côté, avec dilatation de la pupille du même côté. De plus, sa démarche est chancelante, et s’il chemineles yeux fermés, vous voyez qu'il tombe; par conséquent, le signe de Rom- berg existe. C’est donc là un cas de sclérose incontestable des cor- dons postérieurs. Ce malade offre encore deux atrophies musculaires, à la main gau- che, au pied droit; cela tient à la propagation de cette sclérose des cordons postérieurs à une partie de la corne antérieure gauche pour la région cervicale, à une partie de la corne antérieure droite pour la région lombaire. Pour affirmer ce fait, je me fonde, non pas seulement sur l’analo- gie, mais encore sur un fait entièrement semblable dont M. Pierret, mon élève, a entretenu dernièrement la Société, et qui consistait dans la réunion chez le même malade d’une ataxie locomotrice et d’une atrophie musculaire unilatérale, à droite. J'avais été porté à penser que nous trouverions, à l’autopsie, une propagation de la sclérose des cordons postérieurs à la corne antérieure droite ; et l’é- tude attentive de la moelle nous démontra, en effet, que les cellules de la corne antérieure droite étaient profondément altérées et pour la plupart détruites. Quant aux attaques apoplectiformes ou épileptiformes dont ce malade aurait été atteint, c’est une circonstance qui n’est point tout à fait rare en pareil cas; mais une hémorrhagie cérébrale ne saurait expliquer d’une façon satisfaisante ce qui s’est produit à la main gau- che et au pied droit. C’est là un cas d’ataxie locomotrice fruste ou larvée; et, je dois le dire, ces cas sont beaucoup plus communs que les autres. Quant aux crises douloureuses, aux accès qui reviennent de temps en temps, et qui durent quelquefois huit jours de suite, nous les voyons atteindre, non-seulement les membres inférieurs, mais aussi les viscères. Aux membres inférieurs, nous les voyons se traduire par des douleurs fulgurantes ; du côté des viscères, les crises dou- loureuses se traduisent par des phénomènes gastriques, des vomis- sements de bile ou même de sang. Ces crises sont également très- intenses et se montrent en même temps que les douleurs fulgu- rantes des membres inférieurs ou alternent avec elles. Or, on voit aussi des malades longtemps gastralsiques finir par de- 92 venir ataxiques; j'en ai sous les yeux en ce moment un remarquable exemple. L’'incoordination n'arrive jamais qu’à la fin de la maladie. M. MaGnan : N'y a-t-il pas ici quelque chose de plus général, une sclérose affectant à la fois le cerveau, la moelle et les nerfst M. CHARCOT : Aussi, je considère comme en faisant partie, les at- taques épileptiformes ou apoplectiformes dont le malade étaitatteint. Pour moi aussi, il y a là un lien général, une sorte de paralysie gé- nérale progressive. Séances des 17 et 24 juin. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. DEMEULE présente devant la Société l'exposé des recherches qu'il a entreprises sur l’origine, la direction et les terminaisons du nerf trijumeau et de ses trois branches dans la tête du canard. Le travail complet de M. Demeule sera publié ultérieurement. — M. BROWN-SÉQUARD annonce à la Société que M. Mac Donald a cherché à établir que les diverses sensations du toucher peuvent cheminer par un même conducteur nerveux et dépendent non de ce conducteur, mais de vibrations spéciales correspondant à chacune de ces sensations. M. Brown-Séquard a réséqué le nerf sciatique sur deux cochons d'Inde, et cette expérience, faite aux Etats-Unis, ne fut pas suivie de la production de l’épilepsie, tandis qu'après 121 expériences sembla- bies faites en Europe l’épilepsie n’a jamais manqué; y a-t-il là une influence de climat! Après une simple section du nerf sciatique, M. Brown-Séquard a vu l'oreille du même côté se gangréner sous l'influence du froid, M. Brown-Séquard cite des observations qu'il fit, aux Etats-Unis, sur deux malades hypochondriaques; chez j’un d’eux, en particu- lier, une attaque d’hypochondrie qui se répétait tous les trois mois était suivie de la division des poils de la barbe en deux, trois ou même en six parties ; il est probable qu'il y a une influence du sys- tème nerveux sur ce phénomène. M. CARVILLE fait remarquer que lorsqu'on porte la barbe long- temps sans la faire couper, les poils se bifurquent. M, BROWN-SÉQUARD dit qu’il n’est pas douteux que cela puisse se produire spontanément, mais dans les faits qu’il a cités, il y avait 53 coincidence entre lattaque d'hypochondrie et cette bifurcation des poils. M. VAILLANT considère cette bifurcation comme une forme natu- relle des poils longs à croissance continue ; la moelle meurt et le poil se bifurque. Une digression s’étant établie, relative aux maladies des cheveux, M. BERT rappelle que les cheveux, quand ils blanchissent naturelle- ment, blanchissent par la pointe, comme on le dit dans les livres classiques. Mais il est des cas, dans les convalescences, par exemple, où certains cheveux blanchissent par le bulbe; dans ce cas, qui est une maladie et non une évolution naturelle, le cheveu tombe et est remplacé par un cheveu qui n’est pas blanc. Ainsi, tout cheveu qui doit blanchir définitivement blanchit par la pointe ; tout cheveu qui blanchit par la base ne'restera pas blanc. M. Bert a remarqué que les cheveux, chez les bruns, sont souvent partiellement roux : il a même vu des cheveux noirs à la base et au bout, roux au milieu, — M. LIOUVILLE, en faisant l’autopsie d’une femme du service de M. Béhier, qui a succombé à une maladie aiguë (choléra sporadique), a trouvé la vésicule biliaire altérée, un calcul de cholestérine engagé dans le canal cystique avait complétement oblitéré ce canal ; les pa- rois de la vésicule étaient épaissies, elles présentaient une ulcération à bords nets et le liquide contenu ne présentait plus l’aspect de la bile. — M. VAiLLANT présente des observations qu’il fit sur des ani- maux qui habitent les régions littorales de l'Océan soumises alterna- tivement au flux et au reflux; ces observations, faites principalement sur les balanes, seront publiées ultérieurement. M. VuzprAN fait remarquer que les balanes paraissent avoir des impressions visuelles; quand on approche le doigt, elles rentrent im- médiatement leur panache. M. VAILLANT croit que la sensation de lumiére et celle de chaleur produisent des effets analogues: on place dans l’obscurité certains animaux inférieurs auxquels on laisse le siphon intact; lorsqu'on ap- proche une lampe, les animaux font rentrer le siphon ; sl l’on coupe l’extrémité du siphon, les animaux ne font plus rentrer la base de cet appareil. — M. OLLVIER présente, au nom de M. RANVIER el au sien, un exempie d’arthopathie scorbutique. (Une note complète sera publiée ultérieurement par les deux présentateurs), 54 — M. GEORGES POUCHET communique le travail suivant : Les différentes couleurs des poissons et des crustacés sont dues pour une grande part à la présence de cellules pigmentées, analo- gues, quañtrà l’apparence, à celles qu'on décrit en anatomie sous les noms de corps fibro-plastiques, corps éloilés, etc... Ces éléments sont contractiles, ils se contractent sous des influences diverses qui n’ont pas toujours pu être appréciées. On peut arriver, dans certains cas, par la tétanisation à amener la contraction en sphère de ces élé- ments, qui dès lors sont réduits à l’état de points noirs et laissent à découvert la masse des tissus profonds qu’ils ne font que retrousser. Ces corps étoilés se contractent sous l’influence de la maladie ou de certains actes physiologiques. On sait que le caméléon, pendant le sommeil, est d’un vert d'eau clair qui indique précisément la con- traction de ces éléments. Il sufit de tourmenter certains poissons, de petits cottus par exemple, pour les voir prendre souvent une teinte plus foncée. Les pêcheurs prétendent que les poissons changent de couleur suivant le fond sur lequel on les met vivre. Ceci est certai- nement vrai des turbots, qu’on peut voir foncés quand le fond de l'aquarium où on les élève est foncé, et grisâtres quand le fond est saupoudré de sable blanc. Des expériences que j'ai faites à la fois sur de petites loches, de petits cotius ne permettent point de douter qu’il en soit ainsi. Les animaux, mis dans des bassins de verre placés sur des étoffes noires ou blanches, prenaient généralement une teinte plus ou moins foncée. L'expérience, quand on emploie des fonds co- lorés rouges ou verts, devient beaucoup plus délicate et donne des résultats moins certains. Comment le fond influence-t-il la couleur de l’animal? Est-ce par une action directe des rayons lumineux réfléchis par le fond (et ceci est au moins invraisemblable pour les pleuronectes), ou est-ce par une sorte d'action réflexe dont le point de départ serait l'impression : sur la rétine! Pour juger la question il fallait aveugler les animaux. Je pratiquai l’extirpation de l’œil, qui me donna sur de petits cottus des résultats assez incertains, mais qui me donna, au contraire, sur un turbot un résultat intéressant. L'animal, qui avait alternative- ment vécu sur fond noir et sur fond gris, brun dans le premier aqua- rium, gris sale dans le second, prit après avoir été aveuglé une teinte intermédiaire. Les crustacés présentent des corps étoilés pigmentés très-analo- gues à ceux des vertébrés. On peut aussi, chez certaines espèces, provoquer par la tétanisation la contraction de ces corps, dont le ré- sultat est, par suite, un changement de coloration. Celui-ci est très- net, en particulier chez les jeunes homards qui ont subi la première 99 mue. Ils sont d‘un bleu clair quand les corps étoilés sont contractés ; ils deviennent écarlates quand ceux-ci, en se dilatant, étalent le pig- ment rouge qu'ils contiennent. On peut alors, par la tétanisation, les faire virer au bleu. Mais ces corps étoilés présentent une différence assez curieuse avec ceux des poissons. Tandis que chez ces derniers l'approche de la mort a généralement pour effet d'amener la contrac- tion de ceux-ci, ce paraît être l'inverse chez les crustacés, où ils ten- dent au contraire à se dilater. En ce qui touche les jeunes homards en particulier, on peut alternativement les faire passer du bleu au rouge et du rouge au bleu. Le procédé le plus simple est de plonger un individu bleu dans 8 ou 4 centimètres cubes d’eau de mer que l’on recouvre d’une couche d'huile ; l’animal devient, au bout d’un certain temps, entièrement rouge. Il redevient bleu si on le plonge alors dans une quantité suffisante d’eau de mer bien oxygénée, et l’on peut indéfiniment recommencer l'expérience. M. BERT a remarqué que si l’on place des poissons, vérons, gou- jons, dans l’oxygène pur saturé d'humidité, en maintenant les ouïes béantes, ces poissons se revêtent des belles couleurs du printemps. L’immersion dans l’eau chaude produit le même phénomène. Chez le calmar, où les couleurs sont très-variable, si l’on crève les yeux, l'animal, qui vit encore une heure environ, ne change plus de couleur. M. POoUCHET ajoute que si, dans ces conditions, on fait contracter la peau avec des courants électriques, les couleurs apparaissent de nouveau. LAS TAN OU COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÈTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JUILLET 1871; Par M. R. LÉPINE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. PAUL BERT, VICE-PRÉSIDENT. Séance du 1° juillet. M. LEVEN cite des observations de méningite cérébro-spinale qu’il fit dans le service de M. Licbermeiïster, à Bâle; sur 20 cas, il y eut un seul cas de guérison. Les lésions étaient uniformes; dans toutes les autopsies, on trouva du pus et des épanchements plastiques à la base du cerveau et dans la moelle, quelquefois aussi sur toute la surface du cerveau ; chez un malade qui mourut au bout de quarante-huit heures, on ne trouva que de la congestien. M. Liebermeister considère la maladie comme infectieuse et la compare à la fièvre typhoïde. Le traitement qui consistait dans l'emploi de l’opium à haute dose, du calomel et des purgatifs, a constamment échoué. M. RANVIER a observé au Val-de-Grâce des cas de méningite cé- rébro-spinale pendant le siége de Paris. Au commencement de dé- cembre, un soldat présente, dès son entrée, tous les symptômes de c. R. 1871 . D SA la maladie, et, en particulier, cette roideur du cou qui est constante. Le traitement a consisté dans l’emploi de la morphine à haute dose, 1 décigramme ie matin et le soir, puis d’injections sous-cutanées de chlorhydrate de morphine. Le délire disparut, ainsi que la roideur du cou, et le malade revint à un état assez normal; il restait cepen- dant des phénomènes du côté de la sensibilité et du mouvement des membres inférieurs, un gonflement œdémateux autour des articula- tions, surtout autour des genoux. Deux jours après le commencement du bombardement, js malade fut repris des symptômes du début et en trois jours il mourut; M. Ranvier voulut faire l’autopsie, mais les obus prussiens tombaient si fréquemment sur le Val-de-Grâce que cette opération fut impos- sible. Dans d’autres autopsies, M. Ranvier a trouvé tous les signes d’une maladie inflammatoire; il y a probablement un germe morbide, mais les lésions sont inflammatoires; on trouve du pus dans l’épais- seur de la pie-mère rachidienne, entre les faisceaux de cette mem- brane, principalement au niveau du renflement lombaire. Quant à la structure de la moelle, examinée sur des préparations durcies par le liquide de Müller et par l'acide chromique, elle a paru normale ; on ne trouve pas de sang dans les vaisseaux, les cellules ner- veuses sont parfaitement conservées. M. DUMONTPALLIER demande à MM. Leven et Ranvier des ren- seignements sur l’étiologie de la maladie. M. RANVIER répond qu'il était difficile d'obtenir des renseigne- ments auprès des malades, mais il y eut au moins 5 cas au Val-dé- Grâce. M. LABORDE a observé pendant le siége des cas de méningite cé- rébro-spinale que lon confondait avec la fièvre typhoïde; du reste, il reconnut qu'il y a aux confins de ces deux maladies des cas qu'il est difficile de définir. M. LABORDE demande à M. Ranvier si les tuméfactions qu'il re- marqua autour des genoux d’un de ses malades n'étaient pas de na- ture rhumatismale. Pour M. RANVIER, ces tuméfactions périarticulaires ne parais- saient pas rhumatismales. M. LEVEN dit qu’il y a quelques cas où la méningite cérébro-spi- nale peut ressembler à la fièvre typhoïde; ce qui est certain, c’est que, dans tous les cas observés à Bâle, la physionomie était spéciale, les muscles du cou étaient rétractés et la tête était renversée en arrière, dès le début de la maladie, ce qui n’arrive pas dâns la fièvre typhoide. 59 M. CHARcOT observe presque tous les ans, à la Salpétrière et au mois de mars, 4 ou 5 cas de méningite cérébro-spinale; la fièvre ty- phoïde est très-rare chez les vieillards Ce typhus méningitique res- semble tout à fait à celui que l’on observe chez les militaires; il est très-meurtrier. M. LIOUvVILLE a vu, en 1861, à Halle, 3 cas de méningite céré- bro-spinale, puis un cas à Leipzig ; ainsi ces épidémies étaient simul- tanées. M. LEVEN a observé aussi des épidémies simultanées à Bâle et à Berne. M. CHARCOT fait remarquer que pendant vingt ans cette maladie n’a été signalée que par les médecins militaires français, tandis que depuis sept ou huit ans, 20 descriptions de la méningite cérébro- spinale ont paru en Allemagne. — M. PAUL BERT expose les résultats de ses recherches relatives à la mort des animaux d’eau douce que l’on immerge dans l’eau de mer. A. Le mécanisme de la mort varie selon les animaux : 10 Poissons. La durée de la vie diffère suivant les espèces : les ablettes survivent quinze ou vingt minutes; les autres cyprins trente ou quarante minütes ; les perches, une heure un quart; les saumons (1 décimètre), six heures, les épinoches (de même espèce et dans des conditions en apparence identiques), de deux heures à deux mois ; les anguilles, d’un jour à deux mois. Ces chiffres ont rapport à une température moyenne de 15 degrés environ : quand elle est plus élevée, la mort survient plus rapidement. La mort a lieu par astriction exercée sur les vaisseaux sanguins des branchies, interruption complète de la circulation, avec hémor- rhagies et congestions branchiales. Les globules sanguins des bran- chies sont empilés et déformés : ceux du cœur et même de l'aorte paraissent sains. Les nerfs, les muscles, la moelle épinière, le cœur conservent leurs fonctions jusqu’au dernier moment; les cristallins deviennent opaques, le poids de l’animal varie à peine. Les poissons meurent avec les mêmes phénomènes dans l’eau de mer additionnée de son volume d’eau distillée : ils vivent fort long- temps dans l’eau au tiers. 20 Grenouilles. Les grenouilles meurent en une heure environ dans les conditions de température où l’asphyxie dans l’eau douce ne survient qu'après dix ou douze heures. Après la mort, les globules du sang ne sont point altérées, la circulation persiste jusqu’à la fin, les nerfs et les muscles sont encore excitables, le sang est noir. Les yeux sont fortement cataractés; le poids de l'animal a diminué de # 60 0,18 à 0,28 pour cent; cette diminutivn est due, pour la plus grande partie, à la perte de l’eau des muscles. Les mêmes phénomènes se produisent lorsqu'on plonge la gre- nouille jusqu'aux aisselles ou même jusqu'aux hanches dans l’eau de mer : seulement, ils évoluent moins rapidement. On les obtient même en mettant une grenouille dans un vase de 12 centimètres de diamètre, au fond duquel se trouvent 10 centimètres cubes d’eau de mer, ou en mouillant avec 4 centimètres cubes d’eau de mer un pa- pier à filtre dont on enveloppe l'animal. Résultats identiques si l’on emploie de l’eau de mer mélangée à son volume d’eau distillée. Si la proportion de l’eau de mer s’abaisse au tiers, les grenouilles dont le corps seul y baigne, vivent indéfiniment, et celles qui y meurent par submersion totale ne changent pas de poids et s’asphyxient dans le même temps que dans l’eau douce. Tout ceci indique que l’eau de mer tue les grenouilles en les des- séchant rapidement. Il n'y a certainement pas d'empoisonnement par absorption, puisqu'on peut injecter impunément dans les vais- seaux d’une grenouille le résidu de 4 centimètres cubes d’eau de mer. 30 Animaux inférieurs. La durée de la vie est très-variable, sui- vant les espèces. Les daphnies meurent en dix minutes, les cyclopes en vingt minutes, les larves de chironomus en une heure, celles d’'éphémères en deux heures, ceiles de corethra plumicornis vivent cinq ou six heures, les écrevisses trente heures environ. La longue résistance des larves nues et transparentes de la coreihra est fort re- marquable. Quel est le mécanisme de la mort! Tout mouvement ayant cessé, le cœur continue à battre et les muscles sont encore excitables. Il y a probablement à la fois dessication, imbibition de proche en pro- che, action sur les branchies. B. Quelie est, dans l’eau de mer, la substance qui cause la mort? L'eau de mer dont je me servais contenait, par litre : Chlore, 188r.,4; acide sulfurique, 2,2; magnésium, 1,26; sodium, 10,9; chaux, 0,24; potasse, silice, matières organiques, traces (analyse de M. Terreil). On peut supposer, pour ces matériaux élémentaires, les deux com- binaisons suivantes, en négligeant la chaux et la potasse : 1o Chlorure de sodium, 27,4; sulfate de magnésie anbydre, 8,3; chlorure de magnésium anhydre, 2,37, ou bien: 20 Chlorure de sodium, 24,24; chlorure de magnésium anbhydre, 4,98; sulfate de soude anhydre, 3,9. Il n’est pas indifiérent de faire telle ou telle hypothèse sur les groupements chimiques. J'ai vu, en effet, qu'une même quantité de magnésium ou de sodium est beaucoup plus dangereuse à l’état de 61 chlorure qu'à l’état de sulfate, et qu’une même quantité de chlore est beaucoup plus dangereuse unie au magnésium qu’au sodium. Ayant fait six dissolutions contenant chacune, dans 1,000 grammes d’eau, une des proportions de sels énumérées ci-dessus, j'ai vu queles sulfates sont inoffensifs, que 27,4 de chloruré de sodium tuent aussi vite que l’eau de mer, que 4,98 de chlorure de magnésium agissent sur les poissons, mais très-lentement. L'action de l’eau de mer est donc tout entière due aux chlorures, et avant tout au chlorure de sodium. C’est donc le sel marin qui, par son action exosmotique et astric- tive, ralentit la circulation branchiale des poissons et, pénétrant en- suite dans le sang des vaisseaux branchiaux, le rend gluant et en déforme les globules. C’est le sel marin qui, chez les grenouilles, at- tire au dehors, par sa puissance exosmotique, l’eau des tissus. Comment se fait-il snaintenant que certains poissons meurent presque instantanément, tandis que d’autres survivent plusieurs heures! Il faut probablement chercher la raison de ces différences dans les qualités physico-chimiques de l’épithélium qui revêt la membrane branchiale et celles de cette membrane elle-même. Séance du S jmilleé. NOTE SUR LA COMPOSITION DE L'AIR QUI SE TROUVE DANS LES POU- MONS EN RAPPORT AVEC LE SANG: par M. GRÉHANT. Pour déterminer la composition de l'air, qui dans les poumons recoit constamment de l'acide carbonique et fournit constamment de l'oxygène au sang, j'ai introduit dans la cloche à robinet, qui me sert à mesurer la capacité pulmonaire, 500 centimèires cubes d’hy- drogène pur. J’inspire ce gaz, puis je fais une expiration prolongée que je recueille en deux fois : la première partie expirée, dont le volume fut trouvé égal à 700 centimètres cubes, est reçue dans la cloche, la seconde partie expirée est reçue dans un ballon de caout- chouc entièrement vidé d'air, muni d’un robinet fixé au robinet de la cloche. L'analyse eudiométrique de cette seconde partie, dont le volume était 647 centimètres cubes, a fourni les résultats suivants : Eydrosene rt NS TE TS UT Acideicartonique EPA 7,5 OX ÉNE PNA MEN NAS ANNE AR AT ZOO RME TE ONE GS 20) Si l’on substitue à l’hydrogène introduit par l'inspiration le même volume d’air pur dont il tient la place dans le mélange, 13 centimè- 62 tres cubes d’air pur renferment 2,72 d'oxygène et 10,4 centimètres cubes d'azote, on a, pour la composition de l’air qui, dans les pou- mons, est en contact médiat avec le sang : Acide carbonique en CNP 7,5 Oxysene sn en EU 10 AZOte en se ele ele CSN M. BERT dit qu'il a eu recours à une autre méthode. Il fait le vide dans un ballon de verre contenant deux à trois litres et fermé par un robinet. L’ajutage du col du ballon s'applique exactement à un tube épais de caoutchouc fixé préalablement dans la trachée d’un gros chien. À un moment donné, après une expiration du chien, on fait brusquement cette adaptation, et un aide ouvre le robinet, im- médiatement après qu’un second aide a comprimé énergiquement le thorax de manière à exagérer l'expiration. L’air contenu dans le poumon est aspiré si énergiquement, que d'ordinaire toutes les côtes se brisent du côté qui n’est pas appuyé sur la table. Or, tandis que M. Gréhant a trouvé 7 pour cent d'acide carbonique, M, Bert a trouvé 8 à 10. Le chiffre de M. Gréhant est un peu trop faible, parce qu'avec sa méthode il ne peut vider complétement les alvéoles. Le chiffre exact doit se trouver entre celui de M. Gréhant et celui, peut-être un peu forcé, de M. Bert. M. Bert ajoute que dans l'inspiration, il n’y a pas seulement {en- dance au vide, mais qu'il y a un réel abaissement de pression, de même dans l'expiration il y a un léger excès de pression; d’où il suit que c’est probablement à ce. moment que l'oxygène pénètre surtout dans le sang. — M. POUCHET fait une communication sur la structure des or- ganes auxquels les sèches et calmars doivent leur coloration. L'aspect irisé est dû, non à des cristaux, mais à certains corps fusiformes qui se trouvent à la surface des muscles et qui sont com- posés d'éléments azotés ayant de l’analogie avec les bâtonnets de la rétine. Quant aux éléments chromatophores, qui produisent par mo- ments la coloration brune, ils sont situés plus superfciellement. Dans l’état de contraction, ils sont sphériques, n’atteignent pas plus de 50 millièmes de millimètre, tandis qu’à l’état de relâchement, ils sont plats, leur grand diamètre ayant alors 1 millimètre. Ces élé- ments sont unis par des filaments aux muscles sous-jacents. M. CARVILLE demande si on a essayé l’action du curare, etc. M. BERT dit qu'il a observé la paralysie des éléments chromato- phores par la section du gros nerf se rendant au ganglion pulléal, ganglion sur la structure duquel M. Chéron a appelé l'attention. Le O5 6 curare empèche le système nerveux d'agir; ses éléments sont para- lysés à moins qu'on n'ait recours à l’électricité ; mais il faut une dose de curare assez forte, tandis que ces animaux sont excessivement sensibles à la strychnine qui détermine chez eux des convulsions. Projetées dans l’eau douce ou dans l’eau chaude, les sèches devien- nent brun-noirâtre. Les éléments chromatophores sont coagulés en même temps que l'animal meurt. SUR UN CAS DE SCLÉRODERMIE; par MM. CHARCOT et DUFOUR. M. CHARCOT rappelle que récemment, lors de la présentation d’une malade par M. Ball, il avait conclu à l'existence d’une sclérodermie, quoique les mains fussent atrophiées et que la face fût indemne. Un nouveau cas, qu’il vient d'observer avec M. le docteur Dufour, appuie sa manière de voir, car, dans ce dernier cas, les mains pré- sentaient une altération identique avec celle de la malade de M. Ball et la face était atteinte. Il s’agit d’une femme de 30 ans environ qui fut prise il y a quel- ques années de douleurs dans les coude-pieds, que l’on crut de na- ture rhumastimale ou goutteuse; puis d’une sorte d'œdème dur occupant le pied, puis ayant remonté aux genoux. Les mains se sont prises plus tard, sans douleurs, puis la face. Actuellement, les parties où l’aitération est le plus avancée, ne présentent plus d'œdème. La peau est rigide, sans plis, lisse et dure comme du parchemin, re- couvrant les parties sous-jacentes comme ferait un gant trop étroit. Le masque de la face est sans expression, le nez ressemble à eeux que l’on voit à la suite de lupus exedens dont la rougeur a disparu. La bouche n’est plus qu’une fente tranversale sans lèvres; la malade a peine à parler; elle ne peut tirer la langue. Les articulations des mains sont comme soudées ; les phalanges paraissent raccourcies ; l’ongle a progressivement disparu presque complétement ; les poils sont tombés. Sur beaucoup de points expo- sés à une pression se voient des cicatrices blanchâtres, suite d’ulcé- rations survenues à la place d’une bulle pemphigoïde; ces cicatrices "pourraient faire croire à des fistules par lesquelles seraient sortis des fragments d'os. Chez notre malade, il est certain qu’il n’en a pas été ainsi. Il n’y a pas eu issue de fragments d'os. Les os sont atro- phiés; on ne sait par quelle cause. M. DUMONTPALLIER croit qu'il ne faut pas mettre au compte de l’ædème dur des agultes le cas mixte que vient de présenter M. Charcot et dans lequel il y a de l’atrophie. Dans l’œdème dur, il y a excès de volume; la guérison est la règle sans traitement au bout de 64 trois à quatre ans; au contraire, quand il y a atrophie, la mort arrive fatalement au bout de quelques années. M. CHARCOT répond que Gillette et Thirial ont vu seulement la première période de la maladie; les sujets ont guéri sans arriver à la période atrophique. Tantôt l’une, tantôt l’autre des deux périodes domine. M. LABORDE dit que dans un cas qu'il a observé avec M. Chalvet, il y avait ramollissement réel de certains os. Il ajoute qu'il faut tenir compte, outre l’ædème dur, de l’œdème mécanique que produit la striction des parties fibreuses à la limite de l’altération. M. ISAMBERT trouve une certaine analogie de forme entre certains œædèmes durs et certains cas d’éléphantiasis des Grecs décrits par Godard. M. CHARCOT fait remarquer qu'il y a une différence importante, l’existence d’une névrite chez les lépreux, caractérisée d’abord par: des douleurs, puis par l’anesthésie. M. LiouviLLe présente les pièces d’un vieillard de 70 ans ayant succombé dans le service de la clinique médicale de l’Hôtel-Dieu (M. le professeur Béhier) à une tuberculose miliaire aiguë généra- lisée. : La séance est levée à cinq heures et demie. Séance du 15 juillet, Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. À propos du procès -verbal, M. CHARCoT dit qu'il a fait, depuis la dernière séance, quelques recherches bibliographiques sur la sclé- rodermie. Il a trouvé des faits qui, sous le rapport des ulcérations et de l’atrophie, se rapprochent de celui dont il a entretenu la So- ciété. M. LABORDE dit que dans le fait de M. Chalvet dont il a été ques- tion dans la précédente séance, il y avait une lésion de la moelle. Ce fait a malheureusement été publié d’une manière très-incomplète dans le BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ANATOMIQUE. M. JoLyET adresse une réclamation relative à la thèse de M. Al- ling intitulée : De l'absorplion par la muqueuse vésico-uréthrale (Paris, 1871). Il fait remarquer que les conclusions dege travail sont abso- lument identiques à celles qu’avait présentées M. le professeur Bert à la Société de Biologie, dans la séance du 9 juillet 1870, comme résultats d’un travail fait en collaboration par MM. Alling et Jolyet. 65 Il revendique sa part de collaboration dans ce travail, surtout pour les expériences de laboratoire faites sur les animaux. M. LEVEN craint que la Société ne s'engage dans une mauvaise voie en accueillant les réclamations de priorité, et en paraissant se faire juge àe dissensions entre collaborateurs. . La communication de M. Jolyet est renvoyée au comité de publi- cation. — M. LABORDE présente un œuf de poule monstrueux caractérisé par la présence d’une queue, à l’une de ses extrémités, ovum cau-. datum. C'est le troisième spécimen de cette sorte de monstruosité que M. Laborde montre à la Société, et dont il a donné déjà une des- cription accompagnée de quelques recherches bibliographiques dans les mémoires de la Société (année 1862). Dans le cas actuel, il s’agit d’une variété dans laquelle la queue, de même que le corps de l'œuf; sont recouverts d’un test à peu près normal, moins épais cependant que d'habitude. La queue offre une longueur qui dépasse la moyenne habituelle : elle est de quatre cen- timètres environ. Il résulte des observations de M. Laborde sur ce sujet, que ces œufs appartiennent ordinairement à des poules vieilles et ayant une altération des ovaires et des viductes, altération de nature presque toujours tuberculeuse. Le fait d'aujourd'hui confirme les observa- tions antécédentes; mais il a permis, en outre, de constater cette particularité nouvelle et intéressante : c'est que la poule éprouve des difficultés extrêmes à pondre ces œufs, difiicultés telles, que celle à laquelle appartient le présent œuf, est restée plus de vingt- quatre heures dans son nid, et qu’elle a failli succomber à des phé- nomènes asphyxiques des plus graves. La séance est levée à cinq heures. Séance du 22 suiliet. M. BERT, à l’occasion du procès-verbal de la dernière séance, dit que le procès-verbal de la séance de juillet dernier, déjà imprimé; est inexact en deux points : 1° par l’omission du nom de M. Jolyet, la communication de M. Bert ayant été expressément faite au nom de MM. Alling et Jolyel; 2° par l’omission du fait que la vessie malade absorbe. M. ALLING adresse à la Société une lettre relative à la discussion qui s’est élevée entre M. Jolyet et lui. 66 M. LIOUVILLE insiste pour que la Société se désintéresse de ce . débat et ne paraisse rien préjuger. M. GouBAUXx, à l’occasion de la rectification faite par M. Bert, veut entretenir la Société d’une question de priorité. Dans un mémoire publié parmi ceux de la Société (année 1869, p. 89), en note, il a éta- bli une loi d'homologie dont l'énoncé se retrouve, sans indication de l’auteur, dans le Traité d'anatomie de M. Chauveau. M. VuLpPrAN conseille à M. Goubaux de faire sa réclamation à l’oc- casion d’une nouvelle communication sur le même sujet. . — M. VULPIAN annonce la mort récente de M. Walter. — M. PAUL BERT fait une communication relative à la composi- tion de l'air confiné dans lequel meurent des animaux, quand cet air est comprimé à plusieurs aimosphères. Les animaux mis en expérience sont des moineaux ; le récipient à air comprimé a 1 litre de capacité. Or, à la pression normale, l’air dans lequel succombe l’oiseau con- tient CO216; OX3,5. À 1 atmosphère et demie : CO215,2; OX?22,6. À 2 atmosphères : C0°13,7; OX5. À 2 atmosphères et demie : C0?211,3; OX8,5. À 3 atmosphères trois quarts : CO?7,2; OX11,1. À 5 atmosphères : CO*5,6; OX13,8. À 7 atmosphères : CO24; OX15,9. À 9 atmosphères : CO?3; OX17,2. L'examen de ces chiffres donne un résultat remarquable. Si l’on multiplie le chiffre qui exprime le nombre des atmosphères par celui qui est relatif à l’acide carbonique, en obtient les nombres suivants : 16; 23,25 ; 27,4; 28,25; 27,28; 28,27; c’est-à dire (en négligeant mo- mentanément les deux premiers) des nombres qui oscillent de 26 à 28. Or, un oiseau confiné jusqu’à la mort dans une atmosphère d’oxy- gène pur, périt lorsque cette atmosphère contient environ 28 p. 100 d'acide carbonique. Dans ces conditions, le sang veineux de l’animal est rouge (comme chez nes animaux morts dans l’air comprimé) et contient évidemment beaucoup d'oxygène ; il périt, comme l’a mon- tré M. CI. Bernard, parce que, sous la pression des 28 centièmes de l'acide carbonique extérieur, celui qui est dans son sang ne peut plus s'échapper. Or, cette pression de 28 à 1 atmosphère correspond (dans les li- mites habituelles des différences expérimentales) aux 13,7 à 2 atmo: sphères, aux 5,6 à 5 atmospheres, etc. 67 Ainsi, un animal périt lorsque l'acide carbonique contenu dans son sang veineux est en quantité telle qu’il fasse, dans les conditions de l'osmose pulmonaire, équilibre à la pression de 28 centièmes de CO? contenu dans l’air extérieur. J'ai autrefois indiqué à la Société le résultat d'expériences analo- gues faites sur l’air dilaté. Or, on peut en tirer, relativement à l’oxy- gène, des conclusions du même ordre. Je rappelle ici quelques chif- fres. À 76c.de pression, l'air confiné où l’animal est mort ne contenait plus, que 3,5 d'oxygène, à 55° de pression, il contenait 4,5; 5,4 à 4e; 1,4 à 370; 8,1 à 80°; 11,2 à 26°, 12,8 à 19:7. Si l’on écrit, par exemple, la proportion 76 : 37 — 7,4: x, & représente la valeur à 76c À 37 X 1,4 k de pression de 7,4 d'oxygène à 37° : or, = DE 0 En fai- sant le même calcul, on arrive à des nombres ayant pour moyenne 3,5. Nous pouvons donc dire qu’un animal périt lorsque l'oxygène de son sang artériel est en si faible proportion qu’il ne peut plus faire équi- libre qu’à la pression de 3,5 d'oxygène contenu dans l’air extérieur. On voit, en définitive, qu’en considérant les diverses pressions in- férieures et supérieures à la pression normale, c’est aux environs de celle-ci, ou pour mieux dire, c’est un peu au-dessus de celle-ci que les animaux sont le plus capables d’épuiser l'oxygène de l'air avant d’y périr. La région barométrique comprise entre 1 et 2 atmosphères mérite donc une étude sérieuse et spéciale. C’est, pour le dire en passant, celle qu'on a pu appliquer avec tant de succès à la théra- peutique. Nous pouvons résumer tous ces résultats dans les formules sui- vantes : un animal maintenu dans un vase clos y périt : L° par priva- tion d'oxygène (asphyxie), quand la pression est de 1 atmosphère et au-desscus, 2° par excès d'acide carbonique (empoisonnement), quand elle est de 2 atmosphères et au-dessus; 3° à la fois par asphyxie et par empoisonnement, pour les pressions intermédiaires à 1 et 2 atmosphères. INFLUENCE DES DIVERS RAYONS COLORÉS SUR LA VÉGÉTATION. M. PAUL BÉRT rappelle qu’il a communiqué, en 1869, à la Société, des expériences montrant que les sensitives, éclairées seulement par de la lumière verte, périssent rapidement. Il a repris ces expériences ‘en grand, plaçant d’autres végétaux (25 espèces appartenant à beau- coup de familles) sous des châssis garnis de verres de cou cu: Il y a ainsi un verre incolore, un verre blanc dépoli, un verre »1 ,e, un jaune, un vert, un bleu. Les châssis sont placés au nord- s , ne re- 68 cevant que pendant peu de temps la lumière directe du soleil. A cette faible lumière diffuse, le verre rouge est à peu près mono- chromatique, le jaune (qui est assez clair) doit laisser passer tous les rayons avec prédominance de la région jaunê, de même pour le vert avec absorption relative beaucoup plus forte des rayons non verts, enfin le bleu, qui est épais et foncé, doit absorber tous les rayons, sauf les bleus, les violets et un peu les rouges. Les expériences ont commencé le 20 juin. Dès le commencement de juillet, les plantes placées dans le vert souffraient évidemment. On vit bientôt après que, dans le rouge, les plantes se portaient mal: elies s’allongeaient beaucoup. Dans le jaune et dans le bleu, leurétat était beaucoup plus satisfaisant; dans le bleu, elles étaient plus vertes, plus fermes, mais semblaient moins s’allonger. Des graines, semées le 24 juin, ont poussé partout, mais elles dépérissent dans le vert et dans le rouge. A la fin de juillet, tout est mort dans le châssis obscur, sauf le sa- pin, une cactée, une capillaire et une sélaginelle, qui sont très- jaunes et malades ; les mêmes plantes seules, avec un céleri, un gé- ranium, une violette et une joubarbe, existent encore, très-mälades, dans le vert; la mortalité est plus forte dans le rouge que dans le jaune et le bleu; mais les apparences äe santé des plantes sont très- différentes. Elles sont évidemment plus mal portantes sous le rouge que sous les deux autres couleurs (jaune et bleu) ; elles paraissent toujours plus vigoureuses, plus vertes sous le bleu que sous le jaune. Les semis sont morts partout, excepté sous le bleu : Quelques-uns vivent encore sous le jaune. Au reste, toutes les plantes sont encore vivantes dans le châssis en verres dépolis, et sont surtout vigou- reuses et grandes dans le châssis à verres clairs. Ainsi, la lumière verte est nuisible aux végétaux, ou plutôt ne leur est point utile : elle est pour eux comme l'obscurité. La lumière rouge leur est également peu profitable. Or, si l’on examine au spectroscope la lumière qui a traversé une feuille, on voit qu’elle est surtout riche enrayons verts et rouges; en augmentant l'épaisseur de la couche foliacée, les dernières couleurs qui disparaissent sont le rouge, puis le vert. Ces raÿons ne sont donc point utilisés par les feuilles des plantes. Les recherches de Cloëz et Gratiolet ont montré que la chloro- phylle décompose l'acide carbonique sous l'influence de la lumière jaune avec le maximum d'énergie. Il n’est donc pas étonnant que mon verre jaune se comporte mieux que le bleu et le rouge, surtout en considérant qu’il laisse certainement passer une notable quantité de lumière blanche, Mais la réduction de l'acide carbonique n’est 69 pas le seul phénomène à considérer ; d’autres processus chimiques semblent être principalement sous l'influence des rayons bleus. Il serait donc extrêmement intéressant d'examiner la composition chimique des plantes élevées sous les verres bleus, jaunes et rouges ; j'appelle sur ce point l'attention des chimistes. J'ai commencé dans cette direction des expériences où je me bor- nerai à déterminer le poids absolu et la quantité proportionnelle d’eau, de matières solides, de cendres fournies par des plantes de même espèce. J'ai planté dans de la terre ordinaire des haricots, qui ont poussé, sous les châssis colorés, jusqu’à avoir une longueur de 50 à 60 cen- timètres. Je les fis alors dessécher à 90 degrés. Sans parler encore des résultats différents fournis par les différentes couleurs, je fus très-étonné du fait suivant : Les haricots poussés dans le châssis obscur pesaient, en moyenne, chacun 47 centigrammes à l’état sec; les haricots dans le châssis à verre ordinaire pesaient secs 71 centigrammes. Or, un haricot semblable à celui qui avait été planté, mis en petits fragments, puis desséché au sable chaud jusqu’à commencement de torréfaction, pesait encore 95 centigram. Je pris alors des haricots poussés à l'air libre, derrière une fenétre, très-verts, ayant de 1 mètre à 1®,10 de haut; desséchés à 96°, ils pesaient chacun 85 centigrammes, Ainsi, pendant longtemps, les haricots, même exposés à la lumière, même plantés dans de bonne terre, vivent aux dépens de leur pro- pre substance et diminuent de poids. Cependant, par leurs parties vertes, ils fixent du carbone, mais cette fixation n’est pas suflisante pour faire face à la déperdition, et, en définitive, il y a diminution de poids. Il reste à savoir à quel moment le poids commence à augmen- ter, c'est ce que des expériences en cours d'exécution me permet- tront de déterminer bientôt. SUR LA VISIBILITÉ DES DIVERSES RÉGIONS DU SPECTRE LUMINEUX PAR LES ANIMAUX INFÉRIEURS; par M. PAUL BERT. Mes recherches concernant la visibilité des diverses régions du spectre par les Daphnies ont été critiquées. On m'a reproché d’avoir choisi des animaux aquatiques, le verre et l’eau interposés sur le trajet de la lumière devant arrêter les rayons ultra-rouges. Sans en- trer dans une discussion théorique, j'ai préféré recourir à d’autres animaux, ce qui n’était point facile, puisqu'il me fallait agir pour mo- tiver mes généralisations sur des êtres fort éloignés de l’homme et qui donnassent des signes évidents de là sensation lumineuse. 10 De jeunes Epeires, nouvellement écloses, m'ont permis de répéter mes expériences, sans interposer même un verre entre elles et la source lumineuse. Or, j'ai constaté que ces petites araignées, comme les Daphnies, voient toute l'étendue du spectre, pour nous lumineux, et ne voient point l’ultra-rouge. Mes généralisations conservent donc leur carac- tère de vraisemblance. ! Mais les Epeires m'ont fait faire, en outre, une constatation cu- rieuse. En effet, elles avaient évidemment peu de prédilection pour le rouge spectral; elles lui préféraient de beaucoup le jaune et sur- tout le vert; cependant, entre le rouge et l’obscurité, elles choisis- saient le rouge. Je les mis alors en expérience en employant des verres colorés. Je commencai par constater que si elles allaient à une douce lumière, elles redoutaient son éclat trop vif. Entre les rayons directs du so- leil et l’abri d’une feuille de papier, elles se mettaient derrière celle-ci. Je constatai aussi que, entre le verre rouge et l’obscurité, elles al- laient au rouge; entre le verre rouge et un verre bleu fort riche de ton, mais très-épais, elles choisissaient sans hésiter le bleu. Une série d'expériences faciles m'a permis de classer ainsi que suit l’or- dre de leurs préférences : bleu, vert, jaune, rouge. Les Daphnies m'ont donné des résultats analogues. Elles préfèrent également une douce lumière à une lumière éclatante, et à la lumière diffuse du jour, elles ont choisi les verres de couleur dans l’ordre suivant : bleu clair, bleu foncé, violet, jaune, vert, orangé, rouge. Pour moi, la clarté de ces verres se classerait ainsi en ordre dé- croissant : jaune, rouge, orangé, bleu clair, vert, violet, bleu foncé. Le rouge donne une lumière éclatante, fatigante même à la lumière diffuse. D'autre part, en visitant les châssis vitrés de verres de couleur sous lesquels j’élève des plantes, j'ai plusieurs fois trouvé des clo- portes et des limaces grises : ces animaux étaient toujours dans le châssis obscur ou dans le châssis vitré en rouge. Tout ceci semble indiquer que les animaux inférieurs sont compa- rables aux hommes atteints de daltonisme. Comme eux, ils voient à peine la région rouge du spectre; comme eux, ils préfèrent aux au- tres la couleur bleue. Il est bon de rappeler, en terminant, que chez tous les hommes les régions latérales de la rétine paraissent se com- porter comme la région de la vision distincte chez les daltoniens. On en est amené à se demander si l’état de notre vision normale n’est pas dû à l'existence de la {ache jaune de la rétine, lieu de la 71 vision distincte, qui, en raison de son pigment, absorbe surtout le bleu. Il serait curieux d'examiner cette tache chez les daltoniens bien francs. On sait, du reste, qu’elle n'existe que chez les hommes et les singes vrais. Il y a évidemment là matière à un grand nombre d'expériences sur les reptiles, les poissons et les animaux inférieurs. Je dirai en outre qu’il faut, ce me semble, renoncer à l'expression si usitée d'animaux lucifuges. Je n’ai pas encore trouvé de vrais lu- cifuges : tous recherchent la lumière, mais avec un certain degré plus ou moins faible d'intensité, et ne la redoutent que quand ce de- gré est dépassé. Aïnsi, des limaces grises à l’aigle, s'établit une série dans laquelle nous prenons place, et dans laquelle l’œil des animaux supporte de plus en plus la lumière. Séamee du 29 juillet. , M. LABORDE communique une observation d'intoxication par la fève de Calabar chez un tétanique. Il insiste sur le rétrécissement extrême des pupilles, sur l'existence de selles répétées dans un court espace temps, phénomènes qui lui ont servi de signes de l’in- toxication. L’exirail lui avait été donné à la dose d’un gramme. Des aiguilles à acupuncture ont été introduites au niveau du diaphragme et ont été mises en contact avec un appareil électrique. M. LEVEN a remarqué, à la lecture de plusieurs observations de tétanos traités par la fève de Calabar, que des phénomènes non dou- teux d'intoxication y sont implicitement signalés. L’éserine ne paraît pas avoir donné une seule guérison dans le tétanos {raumalique. Quant au tétanos spontané, on sait qu’il guérit le plus souvent quel que soit le traitement. — M. JAUBERT fait une communication sur les terminaisons ner- veuses dans la trompe (lèvre inférieure) de plusieurs insectes. DE LA TEMPÉRATURE DANS L'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE ET DANS L’URÉMIE, par M. BOURNEVILLE. $ [. De la tempéraiure dans l’éclampsie puerpérale. Si nous en croyons les recherches bibliographiques que nous avons faites, les auteurs n'auraient pas jusqu'ici noté la marche de la température dans l’éclampsie puerpérale. L’insuflisance, sous ce rapport, des descriptions de l’éclampsie puerpérale, nous a engagé à 79 « communiquer à la Société de biologie les trois faits que nous avons recueillis. Bien qu’ils soient moins complets que nous ne l’eussions souhaité, s’ils ne peuvent fournir une solution définitive, ils servi- ront tout au moins à attirer l'attention sur les modifications de la température. D’un autre côté, la comparaison ££s résultats thermo-" métriques obtenus dans l’éclampsie puer2£:ale, avec ceux que nous avons trouvés dans l’urémie, nous a päru offrir un intérêt sérieux au point de vue du diagnostic. Ceci dit, passons à l'exposé résumé des faits cliniques. GROSSESSE A TERME. ATTAQUES ÉC: _AMPTIQUES. URINES ALBUMINEUSES TEMPÉRATURE. MORT. RÉSULTATS MICROSCOPIQUES. OBs. L. — Bah... Marie, 19 ans, est entrée à l'hôpital Saint-Louis, salle SA Thonon n° 47 (service de M. Blachez), le 16 juin 1869. À l’arrivée de la malade, à midi, on note les phénomènes suivants : Stupeur profonde, yeux hagards; œædème des membres inférieurs ; grossesse à terme : le col, assez haut, laisse entrer avec peine Ja première phalange de l’index. On nous assure que, depuis hier soir, elle a eu plusieurs attaques convulsives. Bientôt en survient une durant laquelle le pouls est à 424, la respiration à 64, la tem- pérature vaginale à 400. Après une minute de répit, en apparaît une autre qui dure environ une minute et demie, et durant laquelle le thermomètre n’a pas bougé. . Soir, 6 heures. Cinq accès depuis midi. Pouls assez petit, à 148; R. 60; T. V, 40°; décubitus dorsal. Nulle trace de paralysie. Tête inclinée tantôt an côté, tantôt de l’autre. Front brûlant, face colo- rée. Pupilles égales, notablement dilatées. La déglutition s’opère sans difficulté. Le toucher vaginal fait constater une dilatation du col _égale aux dimensions d’une pièce d’un franc. Les urines, extraites par la soude, contiennent de l’albumine. La malade meurt, sans avoir accouché, à 11 heures du'soir. Aulopsie le*18 juin. — Tête : les veines de la dure-mère sont gor- gées de sang. La quantité du liquide céphalo-rachidien n’est pas augmentée. Sur la face convexe de l'hémisphère droit, légère injec- jection de la pie-mère qui, des deux côtés, lorsqu'on le détache, entraîne en beaucoup de points la couche superficielle des circonvo- lutions, principalement à droite. De ce côté, la paroi du ventricule latéral est très-ramollie; le corps strié est séparé de la couche op- tique. La partie antérieure de ce ventricule est assez ferme. À gau- che, le corps strié est également séparé de la couche optique. A part les bords qui répondent à cette dissection, la couche optique et le corps strié sont assez résistants. La pie-mère cérébelleuse s’enlève 173 avec peine. La protubérance et le bulbe sont normaux. L’hémisphère gauche pèse 15 grammes de plus que le droit. (Il s’agit là, croyons- nous, d’un ramollissement cadavérique.) Thorax. Congestion intense des deux poumons, dans le lobe infé- rieur, il y a des îlots d’apoplexie. Caiïllots noirs dans l'oreillette gau- che, blancs dans l'oreillette droite, d’où ils se prolongent dans les veines caves. Le tissu du cœur est moins coloré que d’habitude. Abdomen. L’estomac, la rate, le foie, etc., n’offrent aucune lésion. La veine cave inférieure, les veines iliaques et utéro-ovariennes sont distendues par du sang noir en partie fluide, en partie coagulé. La substance corticale des reins et remarquablement pâle, jaunûtre, grenue; les pyramides sont distinctes, rougeûtres. Utérus. La dilatation du col est plus grande qu’à la dernière ex- ploration faite durant la vie. Le fœtus paraît à terme; il est considé- rablement œdématié et présente surle ventre plusieurs phlyctères. L'ensemble symptomatique offert par cette femme était tout à fait comparable à celui qu'on remarque chez les épileptiques et décrit sous le nom d’éfat de mal épileptique. Dans le cours de notre expo- sition, nous nous servirons donc, par analogie, des mots état de mal éclamptique pour désigner à la fois et les convulsions et le coma qui leur succède. Cette explication donnée, revenons à notre malade. Quand elle est arrivée à l'hôpital, les attaques éclamptiques dataient déjà de 16 à 18 heures; il y avait, eu outre, un coma profond et con- tinu. Eh bien! à ce moment, la température vaginale était, pendant un accès, à 40°. Six heures plus tard, dans un instant de calme, elle était au même chiffre. Un premier point ressort de cette obser- vation : « l’état de mal éclamptique a pour effét de produire une élévation de la température (1). » Les cas suivants, tout en confirmant ce premier résultat, vont nous faire découvrir d’autres particula- rités. = GROSSESSE A TERME. ÉCLAMPSIE. TEMPÉRATURE DURANT ET APRÈS ACCÈS. URINES ALBUMINEUSES. ACCOUCHEMENT PAR LE FORCEPS. MARCHE DE LA TEMPÉRATURE. PNEUMONIE. GUÉRISON. Ogs. II.— Bich.. Blanche, 17 ans, est entrée le 17 décembre 1869, (1) Voir sur la température dans l’éclampsie : 1° Revue photogra- phique des hôpitaux, 1869, p. 165; 2° Etudes de thermomélrie clinique dans l'hémorrhagie cérébrale et quelques autres maladies de l’encéphale; thèse de Paris, 1870. MOT 6 74, à l'hôpital. Saint-Louis, salle Ferdinand, n° 13 (service de M. Hardy). D’après les renseignements qui nous sont communiqués par son beau-père, elle avait depuis deux mois de la bouftissure de la face et ses urines étaient devenues plus abondantes, au point que, la nuit, elle était obligée de se lever deux ou trois fois. Hier soir, vers 11 heures, après avoir dîné comme d’habitude, elle a été prise d’at- taques convulsives qui*n’ont pas discontinué. On nous l’a amenée ce matin, couchée sur de la paille, dans une voiture ouverte à tous les vents. À peine était-elle mise au lit qu’elle a eu une nouvelle attaque franchement éclamptique, après laquelle le pouls était à 128 et la température vaginale à 390,2. En moins d’un quart d'heure, nous assistons à deux autres accès, avec convulsions, cyanose, déviation de la face à droite, torsion du cou, etc. La malade est dans un état comateux. Le col de l'utérus est abaissé, effacé et dilaté (un centi- mètre et demi de diamètre). Des inhalations de chloroforme, jusqu'à résolution complète, puis recommencées une fois encore au bout de quelques minutes, ont fait cesser les crises de 11 heures 10 mi- nutes à midi 50 minutes. De midi 50 minutes à 1 heure 10 minutes, moment 6ù nous re- voyons. cette jeune fille, elle a eu quatre attaques. Nous assistons alors à une véritable série. Les convulsions affectent surtout la forme tonique ; la cyanose est très-marquée. A la fin de chaque crise, il s'écoule par les narines des flots de liquide blanchâtre, mousseux, assez épais. La langue présente des écorchures. La malade a uriné sous elle. Le thermomètre, placé dans le vagin depuis trois minutes, était à 40°, quand est survenue une crise durant laquelle la tempé- rature s’est élevée à 400,2. Elle est ensuite descendue à 40°, pour remonter dans une autre attaque, à 400,2. Après celle-ci, la tempé- rature était déjà descendue à 400,1, lorsque de nouvelles convulsions Vont fait revenir à 400,2. — Traitement : saignée de 400 à 450 gram- mes; ventouses sèches. Durant l'application de ces moyens, le pouls était à 156; le col avait une dilatation à peu près égale aux dimen- sions d’une pièce de deux francs. En moins de 40 minutes, nous comptons douze attaques, 1 heure 50 minutes. Le col de l'utérus étant suflisamment dilaté, on applique le forceps au détroit supérieur : Paccouchement s'opère rapidement. L'enfant, dont on entendait les battements du cœur à 11 heures ce matin, est venu mort. Aussitôt après. l'accouchement, le pouls était à 146, la température vaginale à 39,6. Après la déli- vrance (2 heures 20 minutes) : P. 124; T. V. 39,5. La malade a perdu peu de sang. À partir de ce moment, la malade n’a plus eu d'accidents convulsifs. L’examen des urines, extraites par la sonde, 79 a fait voir qu’elles contenaient de l’albumine en quantité, mais n’a pas décelé de traces de sucre. Les phénomènes consécutifs ont été : 10 une stomatite, une inflammation de la langue, dues aux morsures ; 20 Ja fièvre de lait; 3° une pneumonie. B... est sortie guérie à la fin de janvier. N De même que dans le cas précédent, la première exploration a été faite, ici, à une époque déjà assez distante du début des attaques éclamptiques, douze heures environ. La tempéräture vaginale, à ce moment, était à 390,2. Les attaques continuent à des intervalles rap- prochés, nous la voyons monter successivement à 40°, puis à 400,9, chiffre élevé et qui vient à l’appui de celui que nous avons consigné chez la première malade. Mais ce nest pas tout. Cette deuxième observation nous permet encore d'apprécier d'influence de l'attaque elle-même sur la tempé- rature. Que voyons-nous, en effet? Dans un instant de répit, la tem- pérature était à 40°; survient une attaque et la température monte à 400,2. Durant un second repos, la température descend à 40o, et, dans un nouvel accès, elle atteint de nouveau 400,2. Enfin, alors que, pour la troisième fois, la colonne mercurielle baissait et avait déjà gagné 400,1, une troisième crise la fait rapidement regagner 400,2. D'où il nous semble naturel de conclure que l’accès éclamptique produit une ascension de la température. Si l'accouchement s’opère et si les accidents s’éloignent et dispa- raissent, — et c’est le cas de notre seconde malade, — la tempéra- ture diminue ; elle diminue encore après la délivrance. L'état de mal éclamptique doit-il, au contraire, aboutir à une issue fatale, la tem- pérature, loin de baisser, continue de s’élever : c’est au moins ce que nous avons constaté chez notre dernière malade. SROSSESSE DE HUIT MOIS. ALBUMINURIE. ATTAQUES ÉCLAMPTIQUES, MARCHE ASCENDANTE DE LA TEMPÉRATURE (380,8 À 4lo,2). SAIGNÉE. ANESTHÉSIE. ACCOUCHEMENT. PERSISTANCE DES ATTAQUES. MORT. NÉPHRITE. Oss. IIT. — Lem..., Elisa, 26 ans, cartonnière, est entrée le ? jan- vier 1871 à l'hôpital de la Pitié, salle du Rosaire, n° 42 (service de M. Marrotte). Les personnes qui l’ont apportée racontent qu’elle a pâti beaucoup dans ces derniers temps, étant tout à fait dénuée de ressources et privée de l'appui de son amant parti à l’armée. Elle serait enceinte pour la première fois (7 à 8 mois, dit-on). Ce matin, vers 10 heures, elle aurait eu une attaque convulsive avec perte de connaissance, écume et cyanose. Depuis deux heures de l’après- midi jusqu'à six heures, on a compté quatre attaques. 76 Six heures, soir. La malade est dans le coma et présente une cya- nose assez prononcée. La face et les yeux sont dirigés vers la gau- che. La conjonctive oculaire est injectée. Les pupilles sont contrac- tiles, dilatées, égales. La lèvre inférieure est couverte de salive des- séchée. La langue offre plusieurs morsures quisont déterminé un gonflement assez considérable. Le cou est raide. Les membres sont . contracturés, les inférieurs dans l’extension, les supérieurs dans la demi-flexion. Les doigts sont fléchis sur la paume de la main. — OEdème. 7 Au toucher, nous trouvons le col effacé, dilaté de deux centimè- tres à peine (saignée de 300 grammes, lavement purgatif). Pouls à 112, température vaginale à 380,8. Par le cathétérisme vésical, on retire plus d’un demi-litre d'urine, qui renferme une grande quantité d’albumine. Dix heures. Après la saignée, la malade a paru un peu éveillée. De six à dix heures, trois attaques. Même aspect général. Pas de modification notable au toucher. P. à 136, petit; T. V., 390,2. La ma- lade est éthérisée jusqu’à résolution complète. À onze heures, la di- lation du col égale la largeur d’une pièce de 5 francs. Une attaque. 3 janvier, deux heures. P., 140; T. V., 39,6. Lem... a encore eu des attaques; elles n’ont pas été comptées. Le travail a bien marché; la tête est dans l’excavation. L'accouchement s'opère avec assez de rapidité. Vésicatoires aux mollets, sinapismes sur les cuisses. Huit heures. P , 144, T. V., 400. Huit attaques depuis l’accouche- ment. Coma profond, cyanose, etc. Pupilles très-dilatées; mouve- ments convulsifs des paupières, Constipation : huile de ricin, 15 grammes ; huile de croton, ? gouttes. Midi. Deux attaques. P., 140; T, V., 40°,4. Injections de deux grammes de chloral (solution au tiers). Quatre heures. Une nouvelle injection sous-cutanée a été pra- tiquée à deux heures (5 grammes). À ce moment, la température était descendue à 40°. Une selle peu copieuse. Nous notons mainte- nant, P., 120; R., 40; T. V., 400,4. A six heures, râle laryngo-tra- chéal. La mort arrive à huit heures du soir. T. V., 410,2. Autopsie le 5 janvier. — Distension assez marquée des veines de la dure-mère. Injection légère de la pie-mère qui se détache sans peine. Cerveau sain. Le liquide céphalo-rachidien nous a semblé un peu plus abondant que de coutume. Congestion assez intense et générale des poumons sans aucune trace d’hépatisation ni d’apoplexie. Cœur, rien. Foie, congestionné, friable, graisseux. Rate hypérémiée. Vessie normale. Reins, la sub- stance corticale est un peu atrophiée et considérablement anémiée, 77 tout à fait jaunâtre. Les pyramides sont encore assez distinctes. L’utérus est en partie revenu sur lui-même. Cette observation nous renseigne : 10 sur la température peu après le début de l’éclampsie; 2° sur la marche de la température dans le cours de l’état de mal éclamptique ; 3° sur la température à l'instant de la mort. 1° La première exploration ;qui donna 380,8, a été pratiquée huit heures après l'apparition des convulsions, lesquelles, pendant ce laps de temps, ont d’ailleurs été très-rares ; 20 Ici, comme dans les deux autres faits, l’état de mal éclamptique a eu pour conséquence une élévation progressive de la température et cela, malgré une saignée abondante, malgré l'accouchement; 30 Enfin la température qui, deux heures avant la mort, était à 400,4, atteignit aussitôt après fla terminaison fatale le chiffre consi- dérable de 419,2. Des trois cas qui précédent et dans lesquels les urines, assez abondantes, contenaient une quantité notable d’albumine, nous croyons pouvoir tirer, sous toutes réserves du reste, les conclusions suivantes : # I. Dans l’état de mal éclamptique, la température s'élève depuis le début jusqu’à la fin. IT, Dans les intervalles des accès et le coma persistant, la tempé- rature se maintient à un chiffre élevé et, au moment des convulsions, on enregistre une légère ascension de la colonne mercurielle. III. Enfin, si les accès disparaissent et si le coma diminue ou cesse d’une facon définitive, la température s’abaisse progressiment; si, au contraire, l’état de mal éclamptique doit se terminer par-la mort, la température continue d'augmenter et parvient à un chiflre très-élevé. $ IT. De la température dans l'urémie. L'étude de la température dans l’éclampsie puerpérale nous a fourni divers renseignements qui nous paraissent d'autant plus utiles que, souvent, on à établi une analogie presque complète entre elle, et les accidents plus ou moins semblables que l’on observe dans le cours des néphrites parenchymateuses ou encore dans les cas de suppression de l'urine par un obstacle mécanique s’opposant à son libre écoulement : nous voulons parler des accidents urémiques, et, en particulier, de ceux qui revêtent les formes comateuse et convul-- 78 sive. Nous espérons montrer qu'il s’agit, dans ces affections, — éclampsie EME et urémie, — de phénomènes différents et qu la ressemblance qu’on leur a trouvée, loin d’être aussi accusée que le pensent quelques auteurs, n’est qu’apparente. L'examen des faits d’urémie disséminés dans les publications périodiques et de ceux qui nous sont personnels sera suflisant, nous l’espérons, pour édi- fier tous les esprits. A. Faits empruntés aux auteurs. Nous nous bornerons à les résu- mer brièvement, en faisant simplement ressortir les particularités relatives au sujet spécial que nous traitons. URÉMIE. ATTAQUES ÉCLAMPTIQUES. COMA. MORT. ALTÉRATION URÉMIQUE DU SANG. LÉSIONS CÉRÉBRALES, (Observation recueillie par M. Kien, élève de M. Hirtz.) OBs. I. — Héloïse W..., 36 ans. Un an auparavant, ménopause, et, à la même époque, albuminurie avec anasarque considérable qui dis- parut pendant quatre mois, revint et disparut de nouveau dans le cours de la même année. 14 novembre 1864. Lymphite du membre supérieur gauche, pouls à 104, régulier; température normale; ni œdème, ni épanchement, ni vomissements; diarrhée abondante; urines rares (200 grammes en 24 heures), albumineuses. 15 novembre. Outre la diarrhée, il y a des vomissements aqueux et verdâtres qui se répètent le 16 et le 17. Il n’y a presque plus d’u- rines. Le 18 novembre, affaiblissement notable, sécheresse de la bouche, refroidissement des extrémités; diarrhée et vomissements incoercibles; suppression complète des urines. P. 82, régulier, pe- tit; T. 360,4. 19 novembre. A cinq heures, attaque éclamptique, suivie d’un coma profond. Nouvelles attaques à 7 et à 9 heures. L’haleine expirée est chargée d’ammoniaque. Le sang d’une saignée contient, pour 100 grammes, 172 milligrammes d’urée, au lieu de 16 milligrammes dans les conditions normales (Hepp.) Le 20 novembre, même état demi-comateux; déglutition dificile. P. 80, très-petit; R. 16; T. 360,8 La malade meurt dans la matinée du 21. À l’autopsie on note les lésions suivantes : Rein gauche, 145 gram- mes, lobulé à la surface; substance corticale atrophiée et réduite à la moitié de son épaisseur; rein droit, 125 grammes, plus altéré. Dégénérescence graisseuse avancée des canalicules urinifères et de la plupart des glomérules de Malpighi (Morel). (GAZ. MÉD. DE STRAS- BOURG, 1865, p. 12.) 79 Ni M. Kien, ni M. Hirtz qui à fait, à propos de cette observation, une lecon sur lurémie (loc. cil., p, 13), n’ont relevé l’abaissement de la température. Dans un mémoire intéressant de M. W. Roberts (de Manchester) intitulé : The Pathology of suppression of Urine (THE LANGET, 1868, vol. I, p. 653 et 682), nous lisons un passage témoignant que l’au- teur a vu l'importance de la thermométrie en pareille circonstance : « La température du corps, dit M. Roberts, ne paraît pas élevée dans l’empoisonnement urémique.. Dans mon second cas, le soir du septième jour de la suppression de l’urine, alors que la langue était sèche et la soif vive, la température était seulement à 370. » Il rap- porte ensuite, en quelques mots, un fait plus probant. Le voici : Ops. IT. — Dans un cas de maladie de Bright, l’urine devint très- rare, quinze jours avant la mort (260 à 350 grammes en 24 heures); la langue et la bouche étaient toujours sèches; le sommeil était agité; les pupilles étaient contractées ; le malade était indifférent. La température axillaire, notée presque quotidiennement durant cette période, oscilla entre 340,7 et 350,8. Malgré une inflammation éry- thémateuse de la peau des jambes, malgré une péricardite qui se manifesta deux jours avant la mort, le thermomètre n’enregistrait encore que 390,1. Bientôt, M. W. Roberts eut l’occasion de vérifier ses premiers aperçus sur la température dans l’urémie chez un malade dont il a aussi inséré l’histoire dans THE LANGET que vol. I, p. 868). Nous allons en donner un abrégé, OBSTRUCTION PERMANENTE DE L'URETÈRE GAUCHE PAR UN CALCUL (1864). oBs- TRUCTION SOUDAINE DE L'URETÈRE DROIT PAR UN CALCUL (1868), SUPPRESSION D'URINE; MORT EN DIX JOURS. MARCHE DE LA TEMPÉRATURE, O8s. IT. — M. I..,, 59 ans, souffrait en juillet 1864 de coliques néphrétiques à gauche. Deux petites pierres furent évacuées. Du- rant les quatre années qui suivirent, la santé, en général, fut bonne. Le ?9 avril 1868, M. I... urina comme à l’ordinaire en se levant: mais aussitôt après le déjeuner, sans cause appréciable, il ressentit une douleur subite dans la région lombaire droite avec un besoin pressant d'accomplir la miction. Il rendit, après des efforts, deux cuillerées à bouche d’urine sanglante. Malgré ces accidents, il alla à Manchester. Pendant son séjour à la ville, les douleurs lombaires et les envies fréquentes d’uriner persistèrent. Une demi-pinte d’urine 80 sanguinolente fut encore évacuée, et ce fut tout ce jour-là. Estomac irritable. 3e jour. Ni douleurs, ni vomissements, mais des nausées. Pas de miction depuis cinquante heures. 4e jour. 60 grammes d’urine un peu sanglante ont été ren- ‘dus; poids spécifique, 1010. Trace légère d’albumine. Cellules épithéliales ressemblant à celles du bassinet. Depuis ce moment jus- qu’à la mort, M. I... ne rendit plus d’urine, et, à l’autopsie, la vessie fut trouvée vide. Ni nausées, ni vomissements; langue sèche à la pointe. Intelligence nette; P.72; R. 24; température axillaire, 370,77. Diagnostic : suppression de la fonction du rein gauche depuis qua- tre ans, due, selon toute probabilité, à l’oblitération de l’uretère gauche par un calcul; obstruction de l’uretère droit par un calcul depuis le 29 avril, d’où anurie. 5° jour. Quelques nausées, affaiblissement des forces. Légère sen- sibilité de la région lombaire. Pas d’odeur urineuse. P. 72; R. 24; T. ax. 370,61. 6e jour. P. 72; R. 24; T. ax. 370,71, Nuit mauvaise. Céphalalgie légère; somnolence, par instants, durant le jour. La région lombaire droite et le trajet de l’uretère correspondant sont plus sensibles à la pression. Te jour. P. 76; R. 20; T. ax. 370. Pour la première fois, on ob- serve de légers tressaillements des muscles du tronc et des mem- bres. 8e jour, P. 76; R. 22; T. ax. 360,7. Aggravation; faiblesse crois- sante. 9e jour. P. 76; R. 20; T. ax. 360,3. Vomissements. Sentiment d’engourdissement dans les pieds, les mains et les mollets. Spasmes musculaires plus fréquents et plus intenses. 18e jour. Tous les symptômes augmentent. Les vomissements sont abondants. Les spasmes sont incessants et se généralisent. Mort sans coma ni attaques épileptiformes. À l’autopsie, on trouva les uretères oblitérés par des calculs et des lésions considérables des reins, les unes anciennes, les autres ré- centes. ; Nous ferons remarquer avec M. W. Roberts : 10 que le pouls de- meura presque stationnaire, ayant plutôt une légère tendance à aug- menter de fréquence (72, 76, 80); 2° que la respiration diminua pro- gressivement de fréquence (24, 20, 15); 3° que la température s’a- baissa d’une facon constante, en particulier aux approches de la mort, ce qui confirme la proposition formulée par M. W. Roberts au 81 début de son travail, à savoir : « Si la suppression de l'urine per- siste, la température du corps, à la longue, baisse et faiblit peu à peu jusqu’à la mort. » : M, Hutchinson a publié dans The american Journal of the medical Sciences (1870, n° 119, p. 154) un fait que nous résumons. BLENNORRHAGIE, RÉTRÉCISSEMENT DE L'URÈTHRE. SUPPRESSION DE L'URINE. URÉMIE. ABCÈS DE LA PROSTATE. . OBs. IV. — Il s’agit d’un homme de 40 ans qui eut une gonorrhée en 1860. Celle-ci guérit vite, mais laissa un rétrécissement de l’urè- thre qui, à différentes reprises, nécessita l’emploi de la sonde. Le 23 février 1870, cet homme ne put uriner; le cathétérisme pratiqué deux fois ne fit rien sortir. Douze heures après la dernière explora- tion, X... rendit 280 grammes d'urine foncée, contenant de l’albu- mine et dans laquelle le microscope fit découvrir de nombreux glo- bules sanguins rouges. Le lendemain soir, il survint un ictère. 27 févr. Pas de miction depuis la dernière note. Pouls à 82. 28Mévr. Le malade a rendu une petite quantité d’urine albumi- neuse. ler mars. 73 grammes d'urine. Vomissements incoercibles; hoquet. On remarqua plusieurs fois que la température de la surface du corps était basse. Le thermomètre, placé dans l’aisselle, donna 340,4 une fois et 36° une autre fois. Tous les symptômes sus-mentionnés, sauf la diminution de la sécrétion de l’urine, qui redevint libre le 4 mars, persistèrent avec la même intensité ; il s’y joignit même de la diar- rhée. Le malade mourut le 7 mars sans avoir eu ni somnolence, ni tendance à la stupeur. Aulopsie. Nous ne relevons que les lésions de l'appareil urinaire. Les reins sont hypertrophiés, ont une couleur jaune pâle et offrent les altérations d’une néphrite chronique. Rétrécissement de la por- tion membraneuse de l’urèthre. Abcès dans l’un des lobes de la prostate. . B. Faits personnels. Tels sont les faits et les renseignements que nous avons pu rassembler en parcourant les travaux publiés sur ce sujet et les recueils périodiques. Nous allons maintenant exposer les cas que nous avons recueillis et voir s’ils concordent avec ceux des auteurs, 82 ACCIDENTS DYSPNÉIQUES. ÉTAT D'HÉBÉTURE:; COMA, ABAISSEMENT CONSIDÉRABLE DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE. MORT. DÉGÉNÉRESCENCE KYSTIQUE DES REINS, (Observ. recueillie avec mon ami Raymond.) OBs. V. — Ro... Jacques, 43 ans, tonnelier, est entré, le 10 jan- vier 1871, à l'hôpital de la Pitié, salle Athanase, n° 54 (service de M. Marrotte). Les personnes qui ont amené cet homme ont simple- ment raconté qu'il était atteint de dysentérie (?) depuis une quinzaine de jours. Le soir, nous le trouvons dans un état d’hébétude qui ne permet pas d'obtenir de lui le moindre renseignement. Il a une dys- pnée intense que semblent expliquer les râles bronchiques nombreux que l’on entend des deux côtés de la poitrine en arrière. Pas d’affec- tion cardiaque probable. Les jambes ne sont pas œdématiées. 11 janvier. Le malade est dans le coma le plus profond. La dys- pnée, compliquée de cyanose, est plus prononcée que hier soir. A l’auscultation on constate l'existence de râles sous-crépitants dans toute la hauteur des poumons. Les muscles respirateurs se contrac- tent lentement et avec effort. Le pouls est filiforme. Les battements du cœur sont précipités, sans énergie. Toute la nuit, R... a goussé des cris plaintifs qui persistent encore ce matin, mais plus rares et plus étouffés. Les yeux sont immobiles, non déviés. Il n’y a ni con- tracture, ni paralysie. La sensibilité générale est à peu près tout à fait abolie, si ce n’est au ventre, de chaque côté de la ligne médiane, où la pression est encore assez douloureuse pour déterminer, par action réflexe, des mouvements de la tête. La percussion des lombes produit le même phénomène. La température rectale prise avec soin, d’abord par Raymond, puis par moi, et vérifiée avec un autre ther- momètre, était, à neuf heures du matin, de 30v,1. Le malade parait avoir uriné une fois sous lui, mais en très-petite quantité si l’on en juge par le peu d’étendue de lendroit mouillé. R... meurt à midi 45 minutes. La température, prise cinq minutes plus tard, était à 280,4. A deux heures, elle était encore à 280,4; le cadavre était toujours dans le lit. Aulopsie le 12 janvier. Adhérences pleurales des deux côtés. Con- gestion très-forte du lobe inférieur du poumon gauche. Congestion et œdème du poumon droit. Légère hypertrophie du cœur (405 gram- mes); ni lésions valvulaires, ni surcharge graisseuse, — Quelques plaques athéromateuses sur l'aorte. L’estomac présente, à sa face interne, plusieurs petites taches ec- chymotiques. Sur la muqueuse intestinale on voit de nombreuses ar- borisations, en particulier sur la première moitié. Le gros intestin est normal. Foie, sain. Rate (100 grammes). Pancréas très-graisseux. 83 La tunique fibreuse du rein gauche est épaissie, très-adhérente à la surface du rein, qui est grenue et parsemée d’un grand nombre de petits kystes. Il y a une atrophie considérable des deux substances : qui sont confondues, pâles, jaunâtres (75 grammes). Le rein droit offre les mêmes lésions, à un degré encore plus avancé : il ne pèse que 5? grammes. La vessie, normale, ne contient pas d'urine. L’encéphale pèse 1,335 grammes. A l’ouverture de la dure-mère il s'écoule une assez grande quantité de sérosité. Les artères sont gaines, Cervelet, isthme, rien. Selon nous, la terminaison fatale ne peut être mise que sur le compte de l’urémie, due elle-même à la néphrite. Les deux reins étaient profondément désorganisés, et, par conséquent, la dépuration devait rencontrer les plus grandes difficultés. D’un autre côté, sil est vrai que les désordres de l’uropoièse dépendent plus de étendue de la lésion que de son degré, il est incontestable que, chez notre malade, ils devaient être considérables, car les lésions intéressaient toute l'étendue des glandes rénales. L'absence d’altération importante des autres organes vient aussi plaider en faveur de la réalité de l’u- rémie, qui a revêtu, chez notre malade, la forme comateuse et dys- pnéique. Rappelons encore que pendant son séjour à l'hôpital (18 heures), il n’a uriné qu’une seule fois et en petite quantité, et que, à l’au- topsie, la vessie fut trouvée vide. Mais le point le plus important de notre observation, c’est l’abaissement énorme de la température rec- tale. En présence du chiffre qu'il enregistrait, 300,1, M. Raymond nous appela pour en vérifier l'exactitude par nous-même. Le ther- momètre fut enfoncé plus loin et laissé longtemps en place : la co- lonne mercurielle ne bougea pas. Nous obtinmes le même résultat avec un autre thermomètre. Nul doute donc n’était plus permis. Le fait suivant vint bientôt, du reste, confirmer le précédent. BÉBÉTUDE. OEDÈME DES JAMBES. ATTAQUE APOPLECTIFORME; SES CARACTÈRES, ABAISSEMENT DE PLUS EN PLUS MARQUÉ DE LA TEMPÉRATURE RECTALE, COMA, MORT. NÉPHRITE PARENCHYMATEUSE. ANALYSE DE L'URINE. Os. VI — Petit Jules, 67 ans, journalier, est entré le 23 février 1871 à l'hôpital de la Pitié, salle Athanase, n° 28 (service de M. Mar- rotte). Il est venu seul à la consultation et est monté dans la salle à onze heures. Il raconta à la sœur qu’il avait souffert beaucoup de la misère et que s’il est si sale, si noir, c’est parce qu’il s’est chauffé avec du goudron! Il se coucha et ne dit rien jusqu’à l'heure du dîner 84 (quatre heures). Alors, voyant qu’on donnait à manger aux autres malades et que lui n’avait rien, il réclama et se mit à pleurer. A six heures, notre ami G. Peltier, interne du service, trouva cet homme dans un état d’hébétude ne lui permettant pas de répondre aux ques- tions qu’on lui adressait. Cependant, toute compréhension n’était pas abolie, car, lorsqu'on voulut l’ausculter, le malade s’assit avec l’aide de linfirmier. L’examen des poumons et du cœur fut d’ailleurs né- gatif. Les membres inférieurs, non paralysés, sont œdématiés dans une assez grande hauteur. Deux heures plus tard (huit heures), le malade était pris d’une at- taque apoplectiforme offrant les caractères suivants : Coma profond, stertor. La face regarde à droite; le menton est un peu relevé. Quand on écarte les paupières, qui sont fermées, on voit les globes oculaires fortement dirigés vers la droite et en bas; les pupilles sont égales. Les plis du front, effacés à droite, sont assez accusés à gauche. On note la même différence pour les sillons naso- labiaux. Des deux commissures labiales s'écoule une salive mous- seuse, blanche, abondante. Le cou est roide. Les membres supérieurs sont rigides; le droit l’est moins que le gauche, et, au bout de quelques instants, on voit le malade se sou- lever d’une facon automatique. Les membres inférieurs sont dans l'extension et très-rigides, le droit un peu moins que l’autre. Rien d’appréciable au point de vue de la sensibilité. Pas d’évacuations in- volontaires. Pouls, 56: R. 28; T. R. 330,7 après dix minutes et le thermomètre étant bien placé. 9 heures. Le malade meut la tête en divers sens; la face est pâle et froide, au même degré, des deux côtés. Les paupières, entr’ou- vertes, laissent voir les globes oculaires agités de mouvements de latéralité. Les narines sont dilatées. Le malade fume la pipe. Les lèvres sont décolorées, un peu violacées:; il n’y a plus d’écume. De temps en temps, on observe des mouvements de flexion des avant-bras sur les bras. La contracture varie : tantôt elle est très- accusée, tantôt moins; elle prédomine parfois à gauche, d’autres fois à droite, et cela aussi bien pour les membres supérieurs que pour les inférieurs. Aïnsi, à ce moment, le membre inférieur droit est plus rigide que le gauche, surtout au niveau du genou. Une selle. Par le cathétérisme, nous avons obtenu environ un verre à Bordeaux d'urine claire. P. 64; R. 28: T. R. 320,6. 10 heures. Pâleur et refroidissement de la peau sans qu'il y ait de différence entre les deux côtés du corps. La face est moite, froide; les yeux sont dirigés en avant et un peu en haut; les pupilles, non contractiles, sont égales et normales, Les globes oculaires sont in- 85 sensibles au contact de la pulpe du doigt. Le chatouillement du bord palpébral inférieur produit le même effet des deux côtés, à savoir Pabaissement de la paupière supérieure. La bouche est entr'ouverte, plus à gauche qu’à droite, ce qui est l'inverse de ce que nous avions vu au précédent examen. Membre supérieur droit : soulevé, il retombe inerte; les doigts, le poignet, le coude sont flasques ; l’épaule offre une certaine raideur.. Membre supérieur gauche : flaccidité absolue. Vers les membres inférieurs, à part une légère roideur du genou droit, toutes les join- tures sont flasques. Selle diarrhéique. P. 56, avec deux irrégularités ; R. diaphragmatique, 24; T. R. 320,4. _ 11 heures. Flaccidité complète des quatre membres. Refroidisse- ment notable du tégument externe. P. 50, avec six arrêts; R. 22; HR 20,2. Minuit. De nouveau, la face est inclinée sur l’épaule droite, posi- tion qu'elle reprend si on la porte vers la gauche. Les yeux, aussi, sont dirigés à droite. Même refroidissement de la peau; pas de sueurs. Râles trachéaux. P. 52; R. 20; T. R. 310,8 à peine. 24 février, 1 heure. Le malade vient de mourir. À la main, les membres sont un peu moins froids qu'à minuit. Nulle trace de roi- deur. T. R. 310,5. Autopsie le 25 février, à 10 heures. — Le cuir chevelu, les os, la dure-mère ne présentaient rien de particulier. A l’incision de cette dernière membrane, il s'écoule une assez grande quantité de liquide céphalo-rachidien. La pie-mère est pâle; les artères de la base ne sont pas athéromateuses. L’encéphale pèse 1,380 grammes. Les cir- convolutions sont saines et de nombreuses coupes ne font décou- vrir aucune lésion. Le cervelet et l’isthme pèsent 170 grammes. Thorax. Il y a un peu d’œdème du lobe supérieur du poumon gauche, une légère congestion du lobe inférieur du même poumon et des lo- bes supérieur et inférieur du poumon droit. Le péricarde renferme quelques grammes de sérosité. Les quatre cavités du cœur sont dis- tendues par des caillots noirs et blancs. Le tissu cardiaque est résis- tant, il n’y a pas d’altération des valvules. Le cœur pèse 300 gr. Sur la crosse de l'aorte on trouve plusieurs petites plaques |grais- seuses, mais il n’y a rien sur les autres régions de ce vaisseau, Abdomen. Le foie, très-congestionné, noirâtre, pèse 1,510 gr. Rate, saine, 80 grammes. Estomac, rien. Rein gauche, 135 grammes, surface lisse; substance corticale jaunâtre, pâle; pyramides dis- tinctes. Rein droit, 130 grammes ; l’anémie, la couleur jaunâtre sont encore plus prononcées que sur l’autre rein; les pyramides elles: 86 mêmes sont pâles au centre, confuses sur leurs bords. Vessie, saine et vide. Lésions rénales répondant au troisième degré des néphrites pa- renchymateuses, telles sont, en somme, les seules altérations que l’autopsie fit découvrir chez cet homme. Le cerveau était parfaite- ment sain. Or, les lésions, portant sur les deux reins et sur l’en- semble de chacun d’eux, étaient capables, on le sait, de produire l’'urémie. Une deuxième preuve de l’existence de l’intoxication urémique nous est fournie par l’analyse de l'urine. Voici les résultats obtenus par notre ami Carville : au CN RE OO rammess Lire ENT A as MISES Matières extractives. . : . . | OR 1 albuminoides tte PRET — —\Wminerales te 8 — 1000 grammes. Ainsi, pour 1,000 grammes, cette urine ne contenait que 13,68 d’urée. Or, la quantité moyenne d'urine rendue en vingt-quatre heures par l’homme sain étant environ de 1,250 grammes, nous au- rions donc seulement 16 grammes d’urée pour 1,250 grammes d'urine de notre malade. Il y a loin de ce chiffre, 16 grammes, à ce- lui de 30 à 32 grammes d’urée que renferment les 1,250 grammes d'urine de l’homme, à l’état physiologique. Il est même probable que 1,250 grammes d’urine de notre malade n’auraient même pas donné 16 grammes d’urée : a. parce que l'urine ayant été analysée un jour après qu’elle avait été recueillie, avait déjà subi un certain degré de concentration; b. parce qu'il s'agissait d'urine de la nuit, laquelle est plus chargée de matières excrémentielles que celle du jour. La réalité de l’urémie étant bien démontrée, jetons un coup d’œil sur la marche de la température. Quelques minutes après le début de lattaque apoplectiforme, symptomatique de l’urémie, nous con- statons un abaissement remarquable de la température rectale : 3207. Une heure plus tard, la température ayant encore diminué (320,6), nous crümes que le thermomètre dont nous nous servions était dé- fectueux, mais une nouvelle exploration pratiquée avec un autre in- strument donna le même chiffre. Enfin, durant les cinq heures qui s’écoulèrent depuis le commen- cement de l'attaque jusqu’à sa terminaison, la température continua de baisser, à tel point que, à l'instant de la mort, elle était descendue à 310,5. Nous trouvions donc dans ce cas la confirmation des résul- 87 tats thermométriques enregistrés dans les observations précédentes. Des faits que nous venons de citer nous semblent ressortir les enseignements suivants : I. L’urémie s'accompagne d'un abaissement considérable de la température ; II. Cet abaissement s’accuse de plus en plus à mesure que la ma- ladie approche d’une terminaison fatale. SITE Si l’on met en regard les uns des autres les tracés thermométri- ques obtenus dans l’éclampsie puerpérale et dans l’urémie, on décou- vre entre eux un contraste frappant. lo Au début, on note une élévation de la température dans l’é- clampsie puerpérale et un abaissement de la température dans l’uré- mie. 20 Dans le cours de l’état de mal éclamptique, la température monte de plus en plus et avec une assez grande rapidité, tandis qu’elle baisse progressivement dans le cours de l’urémie ; 3° Ces différences s’accentuent encore davantage aux approches et au moment même de la mort : dans l’éclampsie, la température ar- rive à un chiffre très-élevé (410); dans l’urémie, au contraire, elle descend très-bas, bien au-dessous du chiffre normal (280,1). M. LEVEN demande si la température s’abaisse dans la forme con- vulsive de l’urémie. M. CHARCOT répond affirmativement. Les convulsions, dans l’uré- mie, n’ont pas le pouvoir de modifier l’algidité. Dans l’apoplexie, il en est de même si l’apoplexie s'accompagne de convulsions, l’abais- sement initial de la température existe néanmoins. M. Charcot fait ressortir l'intérêt que présente, au point de vue de la détermination de la nature de l’éclampsie puerpérale, la différence de température que présente la femme éclamptique et le malade urémique. Cette dif- férence conduit, avec d’autres raisons, à ne pas considérer l’éclamp- sie comme une urémie pure et simple. M. VüuLPIAN remarque seulement que Îes bone de santé dans lesquelles se trouvent l’épileptique ou la femme qui va être prise d’éclampsie d’une part, et le sujet atteint d’une maladie de Brigth d'autre part ne sont pas les mêmes. Ce dernier se trouve dans des conditions organiques qua ne lui permettent pas de faire de la chaleur. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Par M. R. LÉPINE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD. Séances du mois d'août 1871. REMARQUES SUR L'APPAREIL STYLIFÈRE DE QUELQUES NÉMERTIENS; par M. L. VAILLANT. L'appareil remarquable qu’on rencontre chez les Nemertinea enopla, signalé en premier lieu par Dugès (1830), a, depuis cette époque, fait le sujet de nombreuses études sans qu’on soit encore arrivé à se rendre un compte exact des rapports réciproques des différentes par- ties qui le composent. On sait que dans la très-grande majorité des cas, il comprend outre une portion centrale, composée elle-même d’une pointe et d’un manche, deux poches latérales contenant des pointes plus ou moins complètes. Je laisse de côté, à dessein, les autres parties dont je ne compte point m'occuper ici. En négligeant l'opinion de Dugès, abandonnée aujourd'hui et qui ne trouve son explication que dans les instruments grossissants im- parfaits dont pouvait se servir cet éminent naturaliste, trois manières de voir ont été proposées pour expliquer l’usage @es poches stylifères par rapport au stylet. C. R. 1871 7 90 M. de Quatrefages (1) a pensé que ces lames étaient destinées à venir remplacer celle du stylet central lorsqu'elle était hors d'usage ou tombait dans les mouvements de projection de la trompe. Cette idée est la plus simple et celle qui se présente tout d’abord à l’es- prit. La seule difficulté est de savoir comment peut se faire la sub- stitution des lames; cet auteur, ayant cru voir les poches stylifères complétement closes, sedemande si tout l’orgene ne se transporte pas en masse vers le stylet pour disparaître après avoir fourni une lame. L'observation d'animaux chez lesquels on ne rencontre qu’une poche, viendrait à l’appui de cette hypothèse. Claparède (2), de son côté, ayant découvert un canal qui, de la poche stylifère, se rend, suivant lui, dans le cul-de-sac terminal de Ja portion extroversile de la trompe, y voit le chemin que doit suivre la lame, qu'il y ait substitution des lames latérales à la lame cen- trale, suivant l'hypothèse précédente ou au contraire que ce soit la lame centrale qui tombe dans l’une des poches stylifères, qu’on de- vrait dans ce cas considérer comme un réservoir où s’accumule- raient ces parties une fois hors de service. Quoique cette dernière manière de voir paraisse moins naturelle que la précédente et plus en dehors des principes anatomo=physiologiques tirés de l’étude des autres animaux, c’est cependant vers elle que Claparède croit devoir pencher. Entre ces deux explications, il ne semblait guère possible d’en placer une troisième ; toutefois Keferstein (3), professeur à l’Univer- sité de Gœttingue, a cru pouvoir avancer que la vérité quant au rapport entre les poches stylifères et le stylet était qu'il n’y en avait aucun, ces parties devant être regardées comme absolument indépendantes l’une de l’autre. Cette opinion est uniquement basée sur l'observation d’un jeune individu du Prosorochmus Claparedii, chez lequel les lames des poches et du stylet présentaient, paraît-il, des différences de longueur. C’est là un fait exceptionnel. Au mois de février 1871, j'ai observé très-clairement sur la VNemer- les balmea, de Quatrefages, un canal qui, des poches stylifères, se rend directement vers la partie moyenne du manche du stylet. Ce (1) Mémoire sur la famille des Némertiens. ANN. sc. NAT., 3° série, t. VI, p. 261, 1846. (2) Recherches anatomiques sur les Annélides, Turbellariés, Opalines et Grégarines observées dans les Hébrides, p. 81, pl. V, fig. 6. Ge- nève, 1861. (3) Unlersuchungen über niedere Seethiere. (ZEITS.F. WISSENSCHAFTL. ZooL., t. XII, p. 74. 1862.) 91 canal transparent comme les poches elles-mêmes débouchait dans cet espace de même nature qui entoure le manche et que l’auteur de l'espèce a parfaitement décrit et figuré (1). Cette remarque me porta à penser qu’on pourrait peut-être trouver dans d’autres animaux une disposition semblable; ce ne fut cepen- dant qu'au mois de mai que je pus observer quelque chose d’analo- gue. L'animal qui fit l’objet de cette seconde observation appartenait à une autre espèce, la Polia baculus, de Quatr. Ici le canal de la poche stylifère, au lieu de se diriger en travers, marche oblique- ment en avant et en dedans vers le cul-de-sac terminal de la portion extroversile de la trompe. Au premier abord il me parut déboucher en ce point, suivant la description de M. Claparède. Un fait cepen- dant me frappa, c’est que dans les mouvements de l'organe ce canal ne paraissait pas suivre la paroi du cul-de-sac, ce qui aurait dû ce- pendant avoir lieu s’il y aboutissait. Après un examen plus attentif, et surtout en employant successivement des grossissements de plus en plus forts,qui permettent de mieux distinguer sur ces parties délicates la superposition réelle des organes, j'ai pu reconnaître que les ca- naux, au lieu de déboucher librement dans la partie profonde de la portion extroversile, restant dans la paroi de la trompe, se recour- bent en arrière, se rapprochentse et réunissent en un orifice commun à la partie antérieure de la portion centrale de l'appareil pour se confondre avec les couches transparentes qui entourent celle-ci, lame et manche, Cette disposition se voit surtout nettement lorsque, dans certaines positions, les poches stylifères, leurs canaux el le Stylet étant reportés en arrière, ces différents organes se détachent en plus clair sur les parties musculaires qui les entourent. Dans le cas contraire, la ténuité du canal empêche de bien distinguer son trajet sur les papilles glandulaires pariétaies de la portion extrover- sile, et il paraît déboucher directemenl dans cette dernière. D'après ces observations, on peut regarder comme certain que le trajet est directement établi entre le stylet central et les poches sty- lifères ; l'opinion de Keferstein doit donc étre regardée comme peu probable. Quant à savoir si les stylets latéraux viennent remplacer le stylet central, ou si au contraire ce dernier, hors de service, vient tomber dans les poches stylifères pour y être résorbé, c’est ce qu'il est difficile de décider en l’absence d'observations directes. Cepen- dant, en ayant égard à cette considération qu'on ne connaît pas dans le règne animal d'exemple de ces odontoïdes devenu inutile et étant (1) De Quatrefages, loc, cit., pl. X, fig. 9. 92 réemployé même avec absorption par l'organisme; qu’au contraire les cas dans lesquels des crochets vénénifères, par exemple, arra- chés ou tombant naturellement, sont remplacés par substitution d’autres organes semblables en réserve, on est conduit à regarder l'opinion de M. de Quatrefages comme ayant pour elle les plus grandes probabilités. Toutefois, il faut remarquer que dans les cas auxquels je fais allusion, ces odontoïdes de remplacement ne vien- nent pas se rendre à leur nouvelle place comme une sorte de corps étranger, formé en un point et se rendant à un autre après avoir rompu toute connexion avec l'organisme, ce qui semblerait cepen- dant être le cas pour les Némertes, objection dont la valeur ne per- met d'accepter cette interprétation qu'avec une grande réserve. — M. BERT, complétant la communication qu’il avait faite dans l’avant-dernière séance, établit, par des chiffres, les deux lois sui- vantes : 10 Dans une atmosphère dont la pression est graduellement ac- crue, l'animal succombe quand la quantité d'acide carbonique cor- respond à 27 ou ?8 0/0, ramené à la pression de 760 millimètres. La loi est vraie à partir de deux atmosphères; elle a été vérifiée jusqu’à sept atmosphères. 20 Dans une atmosphère dont la pression est graduellement dimi- nuée, l'animal meurt quand la quantité d'oxygène est inférieure à 21 p. 100. M. LEYEN demande si M. Bert est en mesure d’expliquer l’action de l'acide carbonique sur l’organisme. M. BERT ne s’est pas occupé de ce point; il a fait ses recherches sur la dose du poison et non sur le mécanisme de l’empoisonnement. M. CARVILLE fait observer que les personnes soumises à l’action de l’air comprimé sont particulièrement exposées à des accidents lorsqu'elles ont des affections cardiaques, et que peut-être les acci- dents mortels qui peuvent survenir en pareil cas résultent d’une rupture du cœur. M. BERT ne conteste pas ce fait; les lois qu’il a posées ne sont applicables qu'aux animaux sains. M. BoucHARD dit que chez les ouvriers plongeurs renfermés dans les cloches, il existe une hypérémie des organes abdominaux, la- quelle s’accuse souvent par des douleurs dans la région du foie et de la rate et par une augmentation de volume de la rate, manifeste par la percussion. Cette accumulation de sang dans l’abdomen est due à la tonicité de la paroi abdominale qui, refoulée par la compres- sion de l’air ambiant, agit, èn tendant à perdre sa concavité, à la 93 facon d’une vaste ventouse. Mais, vienne le moment de la décom- pression, le sang est chassé de l’abdomen dans les autres organes et peut produire des ruptures. On a observé des hémiplégies passa- geres et durables et même des morts subites. Toutefois la conges- tion par contre-coup des organes n'est pas, pour M. Bouchard, la principale cause des accidents; il les attribue plutôt au dégagement de l'acide carbonique qui était accumulé dans le sang. — M. LiouviLLE présente à la Société deux fragments de foie at- teint de dégénération amyloïde. Les fragments ont été abandonnés à l’air libre, l’un depuis deux ans, l’autre depuis quatorze mois. Ils Sont maintenant très-durs, mais nullement altérés par la putréfac- tion. M. RANVIER croit que la conservation de ces deux fragments de foie doit être plutôt attribuée à ce qu’ils étaient très-graisseux. Des foies graisseux non amyloïdes se conservent aussi bien, parce que la graisse prend la place de l’eau à mesure que l'organe se dessèche. — M. JOBERT communique une note sur les organes du toucher dans les ailes des chéiroptères. Il a répété les expériences de Spallanzani, qui a vu des chauves- souris auxquelles les globes oculaires avaient été enlevés, se di- ger dans une chambre sans se heurter aux parois. Les résultats n’ont pas été parfaitement nets; toutefois, au bout de deux ou trois essais, les animaux ont paru voler sans se jeter contre les murs, L'auteur se propose de recommencer ses expériences. Les ailes sont formées de deux feuillets dermiques séparés par un tissu conjonctif lâche. L’épiderme est formé de cellules très-pigmen- tées, les terminaisons nerveuses difficiles à voir. Il n’a pas trouvé de corpuscules tactiles, mais une grosse papille de forme annulaire, traversée par un poil et sur laquelle viennent se jeter des tubes à moelle. L'action de l’air ferait mouvoir le poil et la sensation serait percue par les nerfs. M. VüuLpIaN aurait désiré que M. Jobert étudiât de près l'influence de l’ouie sur la faculté que possède l'animal de se diriger sans l’or- gane de la vue. — M. LEVEN fait une communication sur l’aconiline. Il insiste sur ce fait qu’elle paralyse les centres en même temps qu'elle détruit la contractilité musculaire. Si l'animal est intoxiqué simultanément par laconitine et la strychnine, il n’a pas de mouvements convulsifs. M. Leven pense que dans l’empoisonnement par le curare, la moelle n’est pas respectée par le poison. 94 M. LABORDE objecte à M. Leven que les expériences sur lesquelles il s'appuie ont été faites sur des animaux soumis simultanément à Pintoxication de la strychnine et à celle de laconitine. Or, il se peut que l’action de la strychnine ait été prédominante, On ne peut rien conclure légitimement de ce mode de procéder. M. GRÉHANT : Il y a des remarques à faire sur le mode d’action de l’aconitine, suivant qu’elle est donnée à la dose d’un vingtième de milligramme ou d’un milligramme à une grenouille : dans le pre- mier cas, les effets ont la plus grande analogie avec ceux du curare ; si on peut répéter avec l’aconitine les expériences de M. CI. Ber- _nard, on obtient des résultats analogues à ceux que donnerait le cu- rare; tandis qu’à la dose de 1 milligramme, le cœur s'arrête et les nerfs ne perdent pas leur motricité, parce que le sang ne leur arrive plus, la circulation étant interrompue. M. CL. BERNARD dit que les résultats des expériences qu’il a insti- tuées pour analyser les effets du curare sont d’une netteté telle que les conclusions s'imposent à l'esprit. Ils prouvent clairement que le curare agit sur l'extrémité du nerf moteur, — M. JoBERT termine sa cemmunication sur les extrémités ner- veuses dans les ailes des cheiroptères Les corpuscules étoilés que l’on voit dans la papille, perforée par le poil, sont en connexion avec des tubes nerveux à moelle, au moyen de fibres pâles avec renfle- ment. — M. PoucHeT fait la communication suivante : Les larves de diptères qui sont, comme on sait, dépourvues d’yeux, possèdent cependant une sensibilité très-prononcée à l’influence de la lumière. Elles fuient la lumière. Si on les place sur une feuille de papier où elles puissent marquer leur trace, on voit que celles-ci : sont toutes disposées linéairement, précisément dans la direction du rayon lumineux. La clarté de la lune est suflisante pour que la mar- che de ces animaux soit exempte d’hésitations. La suppression des organes antenniformes est sans influence. C’est par les rudiments de l’œil, situés dans la cavité viscérale, par consé- quent séparés du dehors par la peau et le pannicule, que ces ani- maux voient. M. CLAUDE BERNARD conseille à M. Pouchet de chercher à détruire cet œil rudimentaire, afin de mettre son opinion à l'abri de toute contestation. — M. LEVEN renouvelle sa communication, faite dans la dernière séance, sur l’acomtine, il dit que, 1° si on injecte à une grenouille, 95 ayant la partie inférieure de la moelle détruite, 1 demi-milligramme d’aconitine, les propriétés des muscles et des nerfs ne seront pas détruites ; tandis que chez une grenouille saine, si l’on sectionne les nerfs lombaires et qu’on injecte l’aconitine sous la peau de l’un des membres antérieurs, la motricité est détruite seulement dans les membres antérieurs, M. GRÉHANT reprend les faits exposés dans la dernière séance et d’où il résulte que l’aconitine à un quarantième de milligramme pro- duit chez la grenouille les effets du curare. Les nerfs ont perdu leur motricité, les muscles l’ont conservée ; l’empoisonnement des nerfs n’a lieu que par l’extrémité périphérique; les nerfs appartenant à un membre où la circulation est interrompue sont parfaitement préser vés de l’action du poison, etc. —D’après M. RANVIER, le tissu conjonctifréticulé des ganglions lym- phatiques présente la même disposition que le tissu conjonctif gé- néral. Les noyaux que l’on remarque au niveau des nœuds sont à la surface du trabécule, comme dans l’épiploon ; ils ne sont pas contenus dans l'épaisseur. En traitant la coupe par le pinceau, on parvient à chasser complétement les noyaux, lesquels laissent leur empreinte à la surface des fibrilles auxquelles ils sont unis par une couche gra- nuleuse qui se colore en jaune par l’action de l’acide picrique. Dans l’état pathologique, cette couche de protoplasma augmente d'importance ; on peut facilement isoler des cellules renfermant un ou plusieurs noyaux. Forster les a observées et leur a donné le nom de cellules mères. M. CHARCOT n’est pas convaincu que dans le système nerveux il n'existe pas des noyaux dans l’épaisseur de la charpente de la né- vroglie ; il s'appuie notamment sur une planche de Frommann. C’est là une question à étudier. M. LÉPINE, à propos de la communication de M. Ranvier, dit que la plèvre médiastine, chez le cochon d’Inde adulte, est simplement constituée par des trabécules recouverts de cellules plates identiques avec celles du tissu conjonctif normal. En étalant cette membrane sur une lame de verre, on obtient une préparation qui présente la plus grande analogie avec une coupe des follicules des ganglions. —M. BROWN-SÉQUARD présente un cochon d’Inde qui, à la suite d’une section du sciatique, possède une double zone épileptogène ; mais elle est à la vérité moins accusée du côté opposé à la lésion. On ne peut supposer que cette dernière zone soit le résultat de l’hérédité, car chez les animaux atteints d’épilepsie héréditaire (qui ne dépend 96 pas d’une transmission d’irritation du nerf sciatique) il n’y a pas de zone épileptogène. D'après M. Brown-Séquard, beaucoup des phénomènes qui sont consécutifs à une lésion des centres nerveux ne sont pas le résultat de la suppression de la fonction des parties lésées, mais bien de l’ir- ritation produite par la lésion et qui retentit sur d’autres portions des centres nerveux. Telle est la seule manière d'interpréter conve- nablement une foule de faits cliniques et expérimentaux. La piqûre d’un cordon postérieur, la section de quelques racines postérieures d’un côté donnent un ensemble de phénomènes identiques avec ceux qui sont la conséquence de la section totale d’une moitié latérale de la moelle épinière. Ce résultat paradoxal ne peut s'expliquer qu’en tenant compte du fait signalé plus haut. Dans une communication faite l’an dernier à la Société, M. Brown- Séquard a signalé que les lésions de l'hémisphère droit donnent lieu à d’autres phénomènes que celles de l'hémisphère gauche; ainsi la déviation conjuguée des yeux, les convulsions, l’amaurose, la con- gestion pulmonaire, la production de l’œdème et des eschares, se rencontrent de préférence quand c’est l'hémisphère droit qui est lésé. A lésion égale, la paralysie est plus intense, la mortalité plus grande si la lésion siége dans l’hémisphère droit. Les paralysies hys- tériques siégent beaucoup plus souvent dans les membres du côté gauche, l’hématome de l'oreille de même; cela indique une altéra- tion fonctionnelle de l’hémisphère droit. M. Brown-Séquard croit que les deux hémisphères ne diffèrent pas originellement. Mais l'exercice, le fonctionnement a créé une différence ; l'hémisphère droit est devenu plus sensible aux lésions. De ce que l’ablation des capsules surrénales entraîne la mort, il pense qu’il a eu tort de conclure à l’importance de ces capsules pour le maintien de la vie. La mort des animaux est survenue par l'irri- tation de la moelle épinière. Toute l’histoire expérimentale du cervelet est à refaire. L’amau- rose en ce cas ne résulte pas de la suppression d’action de telle ou telle partie du cervelet, mais d’une action irritative. Dans le travail que M. Brown-Séquard a publié sur la protubé- rance, une des conclusions est fausse : des lésions considérables de cet organe n’entraînent pas fatalement la paralysie. M. Brown-Séquard termine en disant que d’après les idées nou- velles qu’il s’est faites, ce n’est pas dans le cerveau que se font les volitions ni que sont perçues les impressions sensitives. M. CLAUDE BERNARD trouve que la communication de M. Brown- 97 Séquard a une grande importance philosophique : elle montre bien que les interprétations peuvent varier, mais les faits subsistent. M. VULPIAN remarque seulement que l’on peut parfaitement ad- mettre que les cellules de la moelle président aux déterminations volontaires et recoivent les impressions sensitives. Ce n’est qu’en prenant ces mots volilion et perception dans le sens des psycholo- gistes que l’on doit établir leur siége dans l’encéphale. — M. À. OLLIVIER, qui a présenté en son nom et au nom de M. Ran- VIER, dans la séance du ?4 juin dernier, l'articulation tibio-tarsienne d’un individu mort d’épuisement à la suite d’un scorbut, fait remar- quer que, pendant la vie, cet individu avait accusé des douleurs très- vives dans les genoux, notamment le droit, ainsi que dans les mus- cles de la jambe et de la cuisse. À l’autopsie, on trouva du sang coagulé dans l’intérieur de larti- culation tibio-tarsienne droite, la seule qui püt étre examinée. Il existait, en outre, des hémorrhagies interstitielles dans les masses musculaires voisines du genou, et des ecchymoses dans la moelle des condyles du fémur et du tibia. Les arthropathies, les douleurs musculaires et ostéocopes, dont se plaignent si souvent les scorbutiques, seraient donc dues à une seule et même cause, un épanchement sanguin. c.r. 1871 $ DORA 1 à . 5 00 RUES COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Par M. R. LÉPINE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD. Séances du mois de septembre 1871. M. BROWN-SÉQUARD dit qu'il a pratiqué en Amérique, au com- mencement de cette année, la section du sciatique chez deux co- chons d'Inde. Or, l’un des animaux a vécu trois mois sans présen- ter le plus léger signe d’épilepsie ; l’autre, au bout de ce temps, a eu les premiers symptômes et il est devenu ultérieurement parfaite- ment épileptique. Mais chez cet animal, non-seulement l'apparition de l’épilepsie a été tardive, mais la zone épileptogène se trouve chez lui plus en arrière que d'habitude. Il est à noter que chez cet animal on n'avait pas pratiqué une simple section, mais bien l’excision d’une portion du nerf. Chez le premier, au contraire, la régénération s’est faite rapidement, ce qui a empêché la production de l’épilepsie. Relativement à la résistance que les cochons d’Inde de l'Amérique paraissent présenter à l’épilepsie, M. Brown-Séquard pense qu’on peut l'expliquer par ce fait que la réunion se ferait chez eux plus rapidement. M. CLAUDE BERNARD approuve la tendance qu’a la science à ne pas se contenter de l'expression vague d'influence de climat et à chercher à expliquer cette influence. 100 M. BERGERON demande s’il y a moins d’épileptiques en Amérique qu’en France. M. BROWN-SÉQUARD, s’il a égard au nombre de malades qui l’ont consulté en Angleterre et en Amérique, est porté à croire qu'il ya incomparablement plus d’épileptiques en Amérique. Une des causes qui expliqueraient ce fait serait l’abus du tabac, peut-être aussi l’abus d’excitants de l’estomac (poivre de Cayenne). Quant à l’absinthe, elle ne peut être incriminée, car cette liqueur y est inconnue, sauf peut- être à New-York. L'extrême sécheresse du climat doit rendre l’excitabilité du sys- tème nerveux plus grande. M. LABORDE fait remarquer, à ce sujet, que la liqueur d’absinthe consommée à Paris ne contient que peu d’absinthe et que, par con- séquent, les effets nuisibles que peut produire la liqueur du com- merce ne doivent pas être imputés à cette plante. — M. CHARCOT fait une communication ayant pour but d'appeler l'attention des physiologistes sur la cause de l’abaissement de la tem- pérature centrale, qui, d’après les observations de M. Charcot (au nombre de plus de 40), survient constamment dans les instants qui suivent une attaque d’apoplexie causée par une hémorrhagie céré- brale ou un choc analogue, par exemple un grand traumatisme inté- ressant le squelette, d’après M. Demarquay. Le pouls ne présente pas de caractères constants; il n’est pas toujours ralenti, de telle sorte qu’on ne neut admettre que l’abaissement de la température résulte d’une diminution de l’action du cœur, d’autant plus que le malade se refroidit en quelques instants de un à un demi-decré, c'est-à-dire plus rapidement que ne ferait un cadavre. Peut-on avec Heidenhain supposer qu’il se produit une transmutation de forces! M. BROWN-SÉQUARD rappelle que Wilson Philipps a déjà parlé d’une influence syncopale des lésions du cerveau, mais qu’assuré- ment il y a des faits qui ne permettent pas d'expliquer le refroidisse- ment par la syncope Ainsi, chez une femme dont il venait de prendre la température de la main survient une syncope; aussitôt, il exa- mine de nouveau la température de la même main et constate qu’elle s'était abaissée d’un demi-degré au-dessous de la température de l'atmosphère. La chute avait été de plusieurs degrés. M. CLAUDE BERNARD dit qu’il n’a jamais eu une idée parfaitement arrêtée sur la manière dont les nerfs agissent pour produire les mo- difications de la température animale. Après Saissy, il a constaté qu'en pinçant la patte d’un petit loir en état d'hibernation et plongé 101 dans un milieu à zéro, on fait, en quelques instants, monter la tem- pérature de 4 à 20 degrés. En lésant en un certain point la moelle épinière, on abaisse la température d’un lapin au point d’en faire un animal à sang froid. Mais il n’a pas d'explication de la manière dont le refroidissement se fait. M. BrowN-SÉQUARD rappelle que les lésions de la moelle, suivant le point lésé, ont deux actions opposées : ou bien, comme l’a dit M. Claude Bernard, il y a réfrigération, ou bien, au contraire, il y a élévation de température. Dans un cas de fracture de la région cer- vicale du rachis, Brodie a constaté, comme on sait, 439,2 à l’aine. M. Brown-Séquard ajoute que l’asphyxie (quand elle n’est pas compliquée d'état syncopal) produit une élévation de température. On peut facilement le constater sur un oiseau à qui on li: le cou. La température monte de 3 à 4 degrés. Elle n’est pas en relation avec les convuisions de l’asphyxie. Un autre moyen de constater nette- ment l'élévation de la température que produit l’asphyxie consiste à abaisser préalablement la température de 5 à 6 degrés en pratiquant la respiration artificielle. M. LABORDE se demande si la mensuration de la température dans le rectum exprime bien le degré de la température centrale. Dans certains cas de réfrigération on a constaté un écart de 4 à 5 degrés entre la température du rectum et celle du thorax. M. CHARCOT répond que la température du rectum chez ses ma- lades, qui ne présentent pas des écarts considérables de tempéra- ture, exprime certainement la température centrale, tandis qu’elle ne serait pas fidélement indiquée par la température de l’aisselle. — M. BROwN-SÉQUARD a étudié chez un jeune homme de 15 ans l'accroissement de la circonférence du bras au niveau de la partie moyenne du biceps produit par l’exercice pratiqué au moyen d’un haltère pesant 2 kilogr. 200. Dans ces derniers jours, le sujet est ar- rivé à exécuter chaque jour 525 mouvements dans l’espace de trois quarts d'heure environ. Or, en treize jours, la circonférence a aug- menté de 2 centimètres un tiers (bras gauche). On a noté de plus un accroissement momentané de la circonférence du bras après chaque séance. — M. BRowN-SÉQUARD présente les poumons d’un grand nombre de cochons d'Inde ayant subi une lésion au niveau de la moelle al- longée. Chez certains animaux il y a eu des hémorrhagies, chez d’au- tres de l'œdème pulmonaire, chez d’autres de l’emphysème, alors même que l’animal n’a pas eu un seul mouvement respiratoire après ns CS Q CEE O 12 >, 20 FD LQ D | ea F l [£] FR FU \Lid | — ee. 3 102 la lésion Ces lésions se produisent par une influence nerveuse trans- mise de la moelle allongée an poumon par ja moelle et le sympathi- que et non par le nerf vague. Que les poumons soient préalablement distendus par l’insufflation ou qu'ils soient au contraire revenus sur eux-mêmes par une aspira- tion préalable, les hémorrhagies surviennent s’il existe la lésion de la moelle allongée qui les tient sous sa dépendance. Ces faits paraissent à M. Brown-Séquard fort importants pour la pathologie. Il n’est pas douteux que les lésions pulmonaires si fré- quentes dans les affections cérébrales ne se développent par un mé- canisme semblable. Dans l'ouvrage de M. Calmeil, l’état des pou- mons est noté dans 198 cas; or, il existe dans un tiers des cas des lésions pulmonaires récentes. La mort est due en partie à ces lé- sions. M. CHARCOT n’a pas négligé dans les autopsies de noter l’état des poumons et des autres organes. Fréquemment chez les apoplecti- ques, il a trouvé des hémorrhagies (ecchymoses) disséminées dans divers organes, à la surface des poumons, sous l’endocarde, dans la muqueuse gastrique et le péricrâne. La pneumonie lobulaire est cer- tainement très-fréquente, mais il ne semble pas que ces lésions vis- cérales soient la cause de la mort. Elles peuvent l’accélérer, mais la raison de la mort réside ailleurs. Chez tous les apoplectiques, la mort est précédée par une éléva- tion considérable de la température. Dans trois cas seulement je l’ai vue manquer. Or, je me suis demandé si cette fièvre apparente était caractérisée aussi par l'augmentation de la quantité d’urée dans l’urine. Des recherches que j'ai faites avec M. Bouchard nous ont montré que l’urée augmente avec la température. La cause de cette fièvre est bien obscure. On ne peut dire qu’elle soit inflammatoire; il n’y a pas d’encéphalite autour des foyers d’hémorrhagie cérébrale. Elle ne résulte pas de l’asphyxie, car elle précède l’état asphyxique. M. BROWN-SÉQUARD croit que chez ses animaux la mort a été favo- risée par l’état de l’organe respiratoire. Les animaux meurent avec de l’écume à la bouche. M.BoucHaARp croit que, avant l'agonie, il peut exister en même temps que l’élévation de la température une multiplication de la névro+ glie, analogue à celle qui a été constatée dans certains cas de téta- nos. Il a, dans un cas, rencontré au voisinage et à distance d’un foyer hémorrhagique des noyaux en nombre plus abondant que l’état normal. M. Bouchard est porté à croire que la mort est amenée par les altérations humorales qui accompagnent cette élévation anormale 103 de la température. L’urée est accrue et, en même temps, la sécrétion urinaire est notablement diminuée. Il y a certainement une réten- tion de matières extractives qui ne saurait être sans influence sur la mort. M. CHARCOT dit qu’il a fait avec M. Lépine des recherches sur la question soulevée par M. Bouchard de savoir s’il se produit chez les apoplectiqqes une augmentation du nombre des noyaux de la névro- glie. Ces recherches ont été faites sur un grand nombre de cerveaux dont quelques parties de la substance blanche étaient durcies dans l'acide chromique. Des coupes fines étaient colorées avec le carmin et il était facile d'apprécier comparativement le nombre des noyaux de la névroglie chez des vieillards ayant succombé à une apoplexie ou à une affection non cérébrale. Ces recherches n’ont conduit à au- cun résultat décisif. M. LÉPINE confirme ce que vient de dire M. Charcot. On peut ren- contrer dans plusieurs cerveaux de vieillards ayant succombé à des maladies non cérébrales des capillaires offrant des noyaux en nom- bre tout à fait insolite. M. LIOUVILLE croit que les ecchymoses et hémorrhagies que l’on trouve chez les apoplectiques résultent, non pas d’une action ner- veuse, mais de la rupture d’anévrysmes miliaires. M. BROwWN-SÉQUARD répond que, parmi les observations de Cal- meil qu’il a spécialement analysées, il y a peu d’hémorrhagies céré- braies, partant peu de cas où on puisse supposer la diathèse anévrys- matique généralisée à laquelle M. Liouville paraît attacher une si grande importance. —AÀ propos du procès-verbal, M. BRowN-SÉQUARD dit que Tscher- chichin s’est trompé sur l’interprétation de ses expériences. Il a cru à tort qu'il avait paralysé l’action d’un centre situé dans le cerveau, elors que la section de la moelle a produit une irritation de cet or- gane. D’ailleurs, c’est fort rarement que la section de la moelle, méme au lieu où il lindique, a pour résultat une élévation de tem- pérature ; la règle, c'est un abaissement produit par la troisième es- pèce de syncope sur laquelle M. Brown-Séquard a antérieurement appelé l'attention de la Société et qui se manifeste par la diminution des actes nutritifs. A la suite des lésions de la moelle, on peut donc observer deux états essentiellement opposés, l’un, éfai d'asphyxie, avec battements du cœur exagérés, sueurs, sérosité du sang (il survient de préférence dans les lésions de la partie inférieure de la moelle cervicale); l’au- tre, état de syncope avec refroidissement, arrêt des mouvements 104 cardiaques, etc., causé par des phénomènes d’arrét s'observe, quand la lésion se rapproche du bulbe. Habituellement, ces deux états n’existent pas à l'exclusion l’un de l’autre. Naunyn et Quinek se sont placés dans leurs expériences dans des conditions un peu ex- ceptionnelles; de plus, ils ont administré le chloroforme à leurs ani- maux; or, le chloroforme fait disparaître les phénomènes d'arrêt; voilà pourquoi ils n’ont pas observè une action syncopaie. M. LABORDE dit que, chez des animaux mis en état de syncope par la submersion, on produit une élévation de température en enfon- çant dans le cœur une aiguille à acupuncture. La température de l’eau étant 24° C, l’animal arrive rapidement à la température de 300 C. À ce moment, le cœur ne bat plus, la température continue à s’abaisser jusqu’à 25° C. Si, à ce moment, on plonge dans le ventri- cule une aiguille à acupuncture, la température s’élève presque im- médiatement à 26° C, et continue à monter si l’animal ne meurt pas. M. LABORDE, dans une deuxième communication, rappelle quel- ques résultats relatifs à l’état de la température dans les hémorrha- gies artérielle et veineuse, Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, la tem- pérature baisse beaucoup plus rapidement si c’est une artère qui est ouverte que si c'était une veine. — M. CHARCOT fait une communication sur l'augmentation de vo- ume des cylindres-axes et des cellules nerveuses dans certains cas de myélile. À part Fromman, qui a mentionné seulement le gonflement des cylindres-axes, cette lésion n’a pas encore été signalée. L’attention de M. Charcot a été déjà attirée sur elle par M. Joffroy dans un cas de prétendue hématomyélie, qui n’était autre qu’une myélite. Au- jourd’hui M. Charcot présente un cas d'augmentation énorme de volume des cylindres-axes et des cellules nerveuses d’une des cornes antérieures dans un cas d’hémorrhagie de la moelle, dont l'observation a été recueillie par M. Bourneville, et qui sera ultérieurement publiée. L'hémorrhagie siége à peu près au centre de la moelle, plutôt à gauche ; les cellules de la corne antérieure droite sont saines ; celles de la corne gauche sont beaucoup plus volumineuses. Dans quel- ques-unes de ces dernières, le noyau est allongé, en forme de haricot; peut-être même dans un äe ces noyaux y a-t-il deux nucléoles. — M. BROWN-SÉQUARD présente un cochon d’Inde qui, à la suite d’une lésion de la partie inférieure de la moelle, a une tendance à tourner du côté opposé, 105 — M. BRowN-SÉQUARD dit que lorsque deux pointes sont placées en des parties parfaitement symétriques de chaque côté du corps, on peut quelquefois n’apercevoir que la sensation d’une pointe; on observe assez facilement ce phénomène au genou, moins bien à la main (une fois sur dix). — M. LIOUVILLE présente un nouveau cas de granulation tuber- culeuse des méninges de la moelle épinière dans un cas de tubercu- lose miliaire généralisée chez un enfant de 10 mois; il existait aussi des granulations dans la choroïde et dans le poumon, où elles étaient entourées d’une zone hémorrhagique. CG. R. 1871 9 die nette COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIETÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'OCTOBRE 1871 ; Par M. R. LÉPINE, SECRÉTAIRE. PRESIDENCE DE M. CL. BERNARD. 4 Séance du 7 octobre. M. Magnax présente un hématome du pavillon de l'oreille. La dis- section montre une rupture du cartilage de la conque au niveau de l'hélix. A l'occasion de cette présentation, M. BROWN-SÉQUARD dit que la fréquence plus grande des hématomes chez les hommes que chez les femmes, et la prédilection qu’ils ont pour l'oreille gauche, le portent à admettre que ces altérations ne sont pas seulement trau- matiques. Dans des maisons où des aliénés sont soignés avec la plus grande sollicitude, on a pu voir l’hématose croitre progressivement, sans qu'il y ait eu un traumatisme appréciable. De plus, il existe des ob- servations prouvant que des individus atteints d’affections cérébrales et non aliénés ont présenté des hématomes. M. Brown-Séquard cite en particulier un fait de ce genre : c'était dans un cas d’abcès du cerveau. M. MAGNAN a connaissance de faits analogues. On en a, il y a 108 quelque temps, cité un certain nombre à la Société anatomique. Ce qu'il peut dire, c’est que, dans toutes ses autopsies, il a pu constater les traces non équivoques d’un traumatisme antérieur. Quant à la fréquence plus grande de la lésion chez les hommes, elle reconnaît pour cause le fait qu'il y a plus d’agités du sexe masculin que du sexe féminin (à cause de l’alcoolisme et de la paralysie générale), et ensuite cet autre fait que les femmes agitées sont souvent dans les asiles maintenues par le chignon. Cette pratique, mauvaise d’ail- leurs, explique pourquoi l'oreille n’est pas, chez elles, le siége d’un traumatisme. M. BROWN-SÉQUARD : L’expérimentation sur les animaux prouve que des hémorrhagies de l’oreille peuvent être le résultat de lésions nerveuses, telles que la section du sciatique, de racines nerveuses, l’hémisection de la moelle ou seulement la piqüre de la moelle, ou du cerveau en avant des tubercules quadrijumeaux. Une gangrène sèche succède à l’hémorrhagie. M. CARVILLE a vu chez une femme hémophilique un hématome double de l’oreille, qui était survenu évidemment en dehors de tout traumatisme. Ce fait est publié sommairement dans la thèse d’agré- gation de M. Bouchard. M. LIOuvILLE signale la possibilité de confondre les hématoses avec les altérations qni peuvent succéder à des oblitérations embo- liques des artères de l’oreille, ainsi qu'il en a vu un exemple dans un cas où existaient concurremment des infarctus viscéraux. — MM. BALL et LIOUVILLE communiquent et présentent les pièces d'un cas d’ictère remontant à dix mois. Le malade a été observé depuis le mois de décembre dernier. Au début, le foie paraissait augmenté de volume, puis cet accroissement fit place à une légère diminution. Les selles n’ont pas été toujours décolorées. Le malade, à plusieurs reprises, eut des hémorrhagies par les gencives. Il voyait les objets colorés en vert et présentait en outre de l’héméralopie. A l’autopsie, on a trouvé que la vésicule biliaire contenait un li- quide ressemblant à du sirop de gomme. Les voies biliaires n'étaient pas le siége d’un calcul; la cornée, les humeurs et la rétine elle- même sont jaunes, le cristallin est verdâtre. MM. CHARCOT et DUMONTPALLIER font remarquer ce que la patho- génie de cet ictère présente d’obscur. M. CARVILLE dit que d’après M. Cusco, la cause de la coloration des objets en jaune que voient les ictériques réside dans les milieux de l’œil. — M. BROWN-SÉQUARD fait une communication relative à la cause 109 de la perte de connaissance dans la syncope. Autrefois il avait dit qu’elle était due à la contraction des vaisseaux, mais cette contrac- tion (qu’il admet toujours, l’ayant constatée de visu) ne suffit pas pour expliquer la brusquerie de l'attaque: car si on se contente d’intercepter le cours du sang dans les artères se rendant à l’encé- phaie, la perte de connaissance ne survient qu'au bout de quelques secondes, quelquefois après 20 secondes. La perte subite de con- naissance ne peut s'expliquer que par une de ces actions d'arrêt qui sont aujourd’hui connues. M. CHaRcor dit qu'il est heureux d’entendre M. Brown-Séquard s'expliquer de la sorte, car il croit aussi que l'influence de la circu- lation sur les phénomènes cérébraux a été exagérée. — M. Durour lit l'observation d'une femme atteinte de scléroder- mie, dont M. Charcot, au nom de M. Dufour, a déjà antérieurement entretenu la Société (1). Séance du 14 octobré. M. CHArRcoT, à l’occasion du procès verbal, fait remarquer que. les affections des cornes antérieures de la substance grise de la moelle se manifestent par des symptômes plus spéciaux que celles de la substance grise qui dépassent les limites des cornes. Ainsi on n'observe pas de troubles de la sensibilité, pas de désordres du côté de la miction et pas d’eschares qui ne manqueraient pas de survenir si la moelle était prise dans toute son épaisseur. DE LA RÉGÉNÉRATION DU CRISTALLIN CHEZ QUELQUES MAMMIFÈRES; par le docteur BENJAMIN MiLLIoT. Lorsqu’en 1867 nous présentâmes à l’Académie des sciences de Paris notre mémoire sur la régénération du cristallin, et lorsqu’en 1868 nous publiâmes en russe un travail sur le même sujet, nous étions loin de penser que des faits étudiés avec patience et impar- tialité, et livrés comme tels à la publicité, pussent élever des doutes chez des confrères à esprit judicieux et à âme bien née. La chose eut lieu cependant, et il fallut que M. Philipeaux (2) vint me donner (1) Voir les Mémoires de la Société, p. 179. (2) J. Philipeaux. Expériences montrant que le cris{allin peut se régénérer chez les mammifères par une formation nouvelle dans la capsule cristallinienne. Soc. de biol., séance du 23 avril 1870, etin GAZETTE MÉDICALE, n° 46, 1870, p. 577. 110 ici gain de cause contre certains ophthalmologistes qui, parfaitement ignorants de la question qui nous préoccupe depuis longlemps, n’en opposèrent pas moins à nos recherches une négation aussi impuis- sante que de mauvais aloi. Il est à remarquer que la régénération du cristallin a été admise, chez les animaux du moins, par tous les savants qui s’en sont occu- pés d’une manière sérieuse et spéciale. Tels sont MM. Cocteau et Leroy-d’Etiolles, qui ont publié leur travail en 1825, Backhausen, Loewenhardt et Davidson, en 1827; H. Day, en 1828; Mayer et Midlemore, en 1832; Textor et Valentin, en 1843; et en dernier lieu nous, en 1867, et Philipeaux en 1870. Fur 12 expériences faites par Cocteau et Leroy-d’Etiolles (sur des lapins, un chat et un chien), ces derniers obtinrent 5 fois le cris- tallin régénéré: Backhausen sur 15 expériences (sur des lapins), l’obtint 1 fois; Loewenhardt et Davidson sur 8 expériences (sur des lapins), l’obtinrent 7 fois; H. Day sur 1 expérience (sur un lapin), l’obtint 1 fois ; Midlemore sur 3 expériences (sur des lapins), l’obtint 2 fois; Mayer sur i4 expériences (sur des lapins), l'obtint 5 fois; Pauli sur 4 expériences {sur un chien et un bœuf), l’obtint 8 fois; K. Textor sur 8 expériences (sur. des lapins), l’obtint 3 fois; Va- lentin sur 2 expériences (sur des lapins), l’obtint 2 fois ; Philipeaux sur 6 expériences (sur des lapins), l’obtint 5 fois; enfin nous, sur 49 expériences (sur des lapins, des chiens, des béliers, des brebis, des chats, des cochons &’Inde et des rats), l’obtinmes 17 fois. Dans nos expériences à résultat positif, les cristailins régénérés avaient la forme : 1° du cristallin normal extrait, c’est-à-dire arrondie dans leur partie équatoriale, mais toujours plus ou moins aplatis de devant en arrière, c’est-à-dire dans la direction de leur axe; 20 d’un anneau formé par la partie équatoriale de la capsule cristallinienne ; ici, les bords de la cristalloïde antérieure, produits par la lésion au moment de l’opération, se recrog'evillaient, s’éloignaient du pôle antérieur et adhéraient à la cristalloïde postérieure au moyen d’une substance amorphe ; la cristalloïde postérieure formait ainsi seule la fossette de l’anneau cristallinien, c’est-à-dire de l’espace qui se trou- vait au milieu de l'anneau constitué, dans les cas à résultat positif, par des éléments du cristallin et, dans les cas à résultat négatif, par du tissu conjonctif de nouvelle formation, du pigment, ete ; 30 d’un fer à cheval formé par l’anneau dont les cristalloïdes étaient adhé- rentes dans un endroit quelconque ; 4° semi-lunaire par suite de ce que le cristallin résénéré formait un bourrelet qui n’occupait qu’une partie quelconque de l'équateur de la capsule cristallinienne, dont les cristalloïdes étaient, partout ailleurs, adhérentes l’une à l’autre; 111 5° enfin la forme irrégulière, à surface bosselée, par suite de pro- duits inflammatoires de l'iris enflammé, occupant la fossette cristal- linienne ou bien sur la surface antérieure de la capsule. L'examen microscopique de la partie de l’appareil cristallinien restée dans l'œil après l'extraction du cristallin normal démontra dans nos expériences : 1° dans les cas où la régénération du cristal- lin avait lieu, et surtout où l’animal était sacrifié plus ou moins long- temps après l’opération, non-seulement l'existence des mêmes élé- ments anatomiques que dans l'appareil cristallinien normal, mais encore une disposition analogue à celle des éléments cristalliniens normaux; ainsi nous avons constaté dans ces cas : l’épithélium, les tubes et fibres cristalliniens avec les espaces interfibriilaires et la zone nucléaire de Meyer, cependant, dans la plupart des cas, ces éléments étaient plus grands qu’à l’état normal; 2° dans les cas où la régénération du cristallin avait lieu, mais où les animaux étaient sacrifiés bientôt après l’opération, de l’épithélium de la capsule cris- tallinienne à l’état normal ou diversement modifié, de tubes cristal- liniens, restés après l'extraction du cristallin, normaux ou modifiés et ayant la forme de massue courbe ou de matras, de cellules de Morgagni, enfin de cellules formatrices éparses dans un liquide bya- lin ou agglomérées et alignées par séries linéaires; ces dernières s’observaient quelquefois dans les cas où la capsule cristallinienne ne contenait ni tubes ni fibres cristalliniens; 3° dans les cas où la régénération du cristallin n'avait pas eu lieu, du tissu conjonctif de nouvelle formation, de vaisseaux capillaires, de cellules, de grains et granulations pigmentaires, de globules de sang et de pus, de cris- taux d’hématoïdine, de cellules du corps vitré rappelant les globules de pus, de l’épithélium de la capsule et de cellules formatrices ordi- nairement éparses et de forme ovalaire ou fusiforme; dans quelques cas, ces cellules formatrices étaient alignées par séries linéaires et supplantaient, pour ainsi dire, les éléments étrangers à la capsule en les atiophiant, grâce à la force d'organisation dont elles sont douées. Ces trois formes distinctes de structure des appareils cris- talliniens, avec cristallin régénéré ou non, ne se présentaient pas toujours, il arrivait bien souvent que les éléments cristalliniens, tous ou en partie, existaient en même temps dans la capsule cristalii- nienne. Il est à regretter que les cataractotomistes ne se soient pas encore occupés d’une manière sérieuse de la section capsulaire. Le cristal- lin remplissant entièrement la capsule cristallinienne, ne peut en sortir facilement que dans le cas où cette dernière est incisée à sa partie équatoriale sur la distance d'au moins la moitié de sa circon- 112 férence, ou bien lorsque les cristalloïdes antérieure ou postérieure sont fendues dans différentes directions. Après l'ouverture de la cap- sule par le procédé ordinaire, c’est-à-dire par une incision verticale, transversale ou cruciale, nous obtenions dans nos expériences des fentes insuffisantes pour l'extraction du cristallin; aussi celui-ci, pendant sa sortie, les agrandissait lui-même soit dans leur direction soit dans une direction nouvelle et quelquefois perpendiculaire à elles. Nous avons essayé, dans quelques-unes de nos expériences, de donner à notre incision capsulaire la forme semi-circulaire et correspondant à l'incision cornéenne; nous n’y avons pas réussi et, malgré tous nos efforts, nous n’avons pu obtenir que des incisions semi-lunaires. Nous reprendrons plus tard cette intéressante ques- tion et passerons aux conclusions de nos recherches. De toutes ces expériences, ainsi que de celles des auteurs cités dans la partie historique de cet ouvrage, il résulte : lo Le fait incontestable de la régénération, chez certains mammi- fères, du cristallin, dont les tubes suivent dans leur réapparition les phases qu’ils offrent pendant leur génération et leur évolution em- bryonnaire. 2° Cette régénération n’a lieu que dans la cavité de la capsule cris- tallinienne; elle est en raison directe de l’épaisseur des couches cor- ticales du cristallin qu’on laisse dans la capsule, surtout dans sa partie équatoriale, pendant l'opération de l'extraction; elle est en raison inverse de l’âge des animaux et des lésions des cristalloïdes de la capsule cristallinienne. 3° La régénération du cristallin a lieu à la surface équatoriale in- terne de la capsule cristallinienne et à celle de la cristalloïde anté- rieure. La cristalloïde postérieure ne semble point prendre part à la régénération du cristallin; il faut en excepter cependant sa partie équatoriale. 4° La régénération du cristallin a lieu, non-seulement lorsqu'on laisse pendant l’extraction du cristallin normal une couche notable de Sa substance corticale, mais encore lorsque le cristallin est ex- trait en totalité. Si la quantité des couches restées n’est pas grande, ou bien si la cavité de la capsule cristallinienne ne se referme pas vite, les tubes cristalliniens qui étaient restés sont résorbés par l’hu- meur aqueuse. Ces tubes disparaissent par désagrégation. 5° La régénération du cristallin, lorsqu'elle a lieu, ne devient ap- préciable à la vue qu’à partir de la fin de la deuxième semaine après l'opération ; elle n’est complète qu'entre le cinquième et le douzième mois, et même plus tard lorsque les animaux sont âgés. La repro- duction du cristallin est par conséquent une question de temps. 113 6° Les cristallins régénérés obtenus jusqu’à présent ont atteint et même dépassé la moitié du volume du cristallin normal, mais ils n’ont jamais atteint le volume du cristallin normal qu’ils ont rem- placé. Cela est dû aux lésions de la cristalloïde antérieure et aux dif- férentes complications de l'opération de l'extraction du cristallin. Certains auteurs cependant (Leroy-d’Etiolles, Midlemore et Phili- peaux) ont ohtenu des cristallins régénérés aussi grands ou presque aussi grands que les cristallins normaux. 7° Le cristallin régénéré a plus ou moins la forme, la densité et la transparence du cristallin normal extrait et peut, par conséquent, dans les cas bien réussis, le remplacer au point de vue physiolo- gique. 8° L'incision cristalloidienne antérieure semi-circulaire, donnant un lambeau correspondant par sa forme à celle de la cornée, a des conséquences capitales non-seulement sous le rapport de la régéné- ration du cristallin, mais encore sous celui de la marche des phéno- mènes consécutifs à l'opération de l'extraction du cristallin. 90 La régénération secondaire du cristallin, c’est-à-dire celle qui a lieu après l’extraction d’un cristallin déjà régénéré une fois, peut avoir lieu, mais elle est limitée. 10° La structure microscopique des éléments du cristallin régé- néré ne diffère pas de ceux du cristallin normal; cependant, il arrive très-souvent que les premiers se modifient et acquièrent un volume plus grand. 1lo L'inflammation peu intense de l'iris et du corps ciliaire, loin de nuire à la régénération du cristallin, la favorise au contraire. L’in- flammation générale de l'œil (panophthalmie) est un obstacle à la ré- génération du cristallin. 12° Le tissu conjonctif de nouvelle formation, trouvé dans quel- ques-unes de nos expériences dans la cavité de la capsule cristal- linienne, et dont la production est attribuée à tort par quelques au- teurs aux éléments cristalliniens, est dû à l’épanchement dans cette dernière, soit du produit inflammatoire de l'iris enflammé, soit de l’humeur vitrée, après l'opération de l'extraction du cristallin. NOTE SUR LE ROLE DES NERFS DANS LES CHANGEMENTS DE COLORA- TION DES POISSONS; par M. GEORGES POUCHET. Pendant un récent séjour aux viviers laboratoires de Concarneau organisés par M. Coste, nous avons pu faire un certain nombre d’ob- servations et d'expériences sur le rôle du système nerveux et, en particulier, des nerfs périphériques dans les changements de colora- c, r. 1871 10 114 tion que présentent les poissons, changement aussi rapides parfois et aussi accentués que ceux du caméléon quoiqu'ils n’aient pas la même variété. Nos observations ont porté sur la petite blennie, sur une espèce du genre gobius et enfin sur le turbot. Tout semble indiquer que l’activité cérébrale — la volonté de l’ani- mal, si l’on veut — gouverne cette faculté, et l'expérience démontre que c’est le plus souvent à la suite d'impression rétiniennes trans- mises par le nerf optique. Nous avons pu observer un turbot qui était exactement de la couleur du sable sur lequel il vivait, et qui, dès qu’on approchait un objet foncé de ses yeux, se couvrait de taches noires comme l'encre de Chine. Il est faeile de s'assurer, d’ailleurs, que la qualité de l’impression rétinienne n’est pas indifférente : sur lPanimal dont nous parlons, un rayon de soleil projeté au moyen d’une glace dans le fond de l'œil ne provoquait point cette apparition de taches noires, tandis que l’ébranlement communiqué à la vasque par un simple choc la faisait naître aussitôt. Le mécanisme physiologique par lequel certains poissons et les turbots, entre autres, prennent la couleur du fond sur lequel ils vi- vent a donc son centre dans le cerveau. Ce n’est pas, à propre- ment parler, la couleur de la peau de l’animal qui change, mais le ton qu’elle prend pour s’harmoniser avec le ton du fond. L’animal pos- sède ce qu’on pourrait appeler plusieurs « jeux chromatiques. » L'un d’eux est toujours noir. Chacun de ces jeux se compose de cellules pigmentaires ou « chromoblastes » animés de mouvements sarcodi- ques, très-différents de ceux des chromatophores de la seiche. Tandis que l’étincelle électrique étale ceux-ci, elle resserre les chromoblastes des poissons. Suivant que les chromoblastes du jeu « noir » ou des jeux «colorés » s’étalent en nappe ou se contractent en sphères étroites, ils produisent une infinie variété de nuances et de tons. L’animal est maître du ton qu’il donne à sa peau et non de la nuance qu’elle a. Deux tur- bots vivant sur fond noir peuvent être également foncés et au même ton, l’un dans la gamme du brun rouge et l’autre dans la gamme du vert. On les transporte dans une vasque sablée. Ils deviennent en quelques heures clairs tous deux, au ton du fond, mais en conservant leur nuance propre, verdätre chez l’un, rosée chez l’autre; ceci en moins d’une heure. Toutefois, ces changements sont soumis, comme la plupart des autres fonctions, à l'empire de l’habitude. Un turbot qui vit depuis longtemps sur fond de sable, transporté sur fond brun, prend quatre jours pour se mettre à l’unisson. Transporté de nou- veau sur le sable où il reprend sa couleur primitive, et rapporté sur fond brun, la dilatation des chromoblastes, au lieu de se faire lente- ment en quatre jours, est complète au bout de deux heures. 115 H suffit d'enlever le globe oculaire pour que aussitôtles animaux perdent là faculté chromatique. Les turbots aveuglés revêtent une nuance intermédiaire, quel que soit le fond sur lequel vit l’animal. Nous devons à l’obligeance de M. A. Guillon l’exacte reproduction, par la peinture à l'huile, de ces contrastes entre les animaux privés ou non de la vue et vivant sur le même fond. Cette nuance inter- médiaire est le signe de la paralysie de tous les chromoblastes du corps. Mais on peut la provoquer expérimentälement par d’autres moyens. Du moment qu'il était acquis que le cerveau, sous l'influence des impressions rétiniennes, est le point de départ des changements de coloration, il semblait naturel d'attribuer à la moelle et aux nerfs le rôle de conducteurs dans la transmission de l’influence cérébrale aux chromoblastes. Voici d’une manière générale comment il fut procédé dans les expériences que {nous allons rapporter. De jeunes turbots reconnus aptes à changer rapidement de ton, étaient nourris dans une vasque à fond de sable, où ils devaient pâlir tout entiers, si la section de la moelle n’avait point d'influence; où ils devaient pâlir seulement de la portion du corps en decà de la section, si la moelle était le véritable conducteur entre le cerveau et les chromoblastes. La section de la moelle ne nous donna aucun résultat. Mais il en fut tout autrement de la section du trijumeau. Elle eut pour consé- quence immédiate la paralysie des chromoblastes de toute la région de la tête desservie par ce nerf. L’animal pris dans uné vasque à fond brun, jeté après l'opération dans une vasque sablée, pâlit de tout le corps en gardant un masque noir, auquel oh donne l'étendue que l’on veut en coupant tout le nerf ou seulement une de ses bran- ches. De même pour la section des nerfs rachidiens. Le résultat constant est la paralysie des chromoblastes de toute la région desservie par le nerf, sous forme de bandes répondant au trajet des nerfs section- nés, qu'on peut faire alterner à volonté avec d’autres bandes non pa- ralysées, de manière à zébrer en quelque sorte le dos de l'animal. Les nerfs rachidiens ne recevant pas de la moelle cette influence qu’ils ont sur l’état de contraction ou de dilatation des chromoblastes, ceux-ci devaient nécessairement la tirer du nerf latéral ou du grand sympathique. La section du nerf latéral ne modifie pas la fonction, tandis que la destruction du grand sympäthique sur un point de son trajet dans le canal vertébral inférieur, amène la paralysie immédiate dé tous les chromoblastes de la peau en arrière de ce point. La té- nuité du netf sympathique, la difficulté d'arriver jusqu’à lui dans le canal osseux, l'extrême friabilité de laorte et de la veine qui l’ac- 116 compagnent, ne permettent point de détruire le grand sympathique à ce niveau sans amener des désordres considérables. L’animal reste mi-partie clair et foncé pendant les deux ou trois jours qu’il survit à l'opération. D’autre part, des expériences comparatives faites sur le nerf et sur l’artère maxillaire inférieurs, l’un et l’autre superficiels et parfaitement isolables, montrent que les cordons nerveux, et non les nerfs qui pourraient accompagner les vaisseaux, sont les vérita- bles régulateurs de la fonction. Nous devons ajouter qu’une tentative faite pour couper le grand sympathique près de son origine, en ar- rière de l'articulation du suspensorium, ne nous a pas donné de ré- sultat, quoique nous ayions lieu de croire l'opération bien faite. Mais ce n’est pas le seul exemple qui montre les propriétés de ce nerf va- riant à différentes hauteurs. Il ne nous a point paru que la plupart des substances toxiques, le curare, la strychnine, la morphine, la vératrine, aient une influence sensible sur la fonction. Cependant il paraît en être autrement de la santonine. La paralysie des chromoblastes après la section des nerfs persiste un temps que nous ne pouvons limiter. Elle était aussi sensible après plusieurs semaines que le premier jour, quand nous avons lancé les animaux en expérience dans les viviers de Concarneau, où ils con- tinuèrent de vivre. A la longue, les régions paralysées prennent le ton intermédiaire des turbots aveugles, se détachant indifférem- ment en clair ou en sombre, suivant que le reste de la peau bru- nit ou se décolore sur les différents fonds où l’animal est placé. Nous ne saurions prétendre avoir épuisé un sujet d’études encore aussi peu exploré et aussi délicat que celui de l'influence des ra- diations sur les phénomènes de la vie. C’est ainsi que le relevé de nos observations quotidiennes nous révèle certaines influences oc- cultes sur la coloration, que nous n’avons pu encore analyser. Cer- tains jours, à certaines heures, particulièrement par les temps cou- verts, chez tous les animaux opérés, les taches dues à la paralysie des chromoblastes étaient à peine distinctes, et quelques heures après, ou le lendemain, tranchaient vigoureusement sur la couleur de la peau sans que celle-ci parüt avoir elle-même changé. Quant au rôle des nerfs dans la fonction, il ne saurait être révoqué en doute. On nous signala un jour, comme pouvant nous intéresser, dans le bassin des gros turbots destinés au commerce, un individu qui avait toute la tête pâle. Le diagnostic d’une lésion du trijumeau était in- diqué. On ne prit point l’animal pour l’examiner, il fut seulement surveillé dans le bassin, où il inourut dix jours après. Il avait, comme on peut le voir sur la tête encore conservée intacte, une 117 plaie contuse déjà un peu ancienne exactement au niveau du point où le trijumeau sort du crâne; la dissection montrera certainement ce nerf lésé. Telles sont; exposées dans leur ensemble, les observations et les expériences que nous avons faites dans des circonstances exception- nellement favorables. M. Guillon, qui est à la tête du vivier de Con- corneau, avait eu la prévenance de faire pêcher à notre intention et pour nous aider dans ces recherches, un véritable troupeau de petits turbots de tout âge, qui nous ont permis des expériences aussi nembreuses qu’on les pouvait faire sur les animaux dont se sert habituellement la physiologie. M. LABORDE, consécutivement à la section des nerfs, a observé la diminution de volume des fibres musculaires (de près de moitié au bout de trois semaines). Les ondes transversales disparaissent pro- gressivement. M. RANVIER fait remarquer la difficulté de l'examen des fibres mus- culaires : les conditions dans lesquelles on le pratique sont difficile- ment les mêmes, ce qui empêche de pouvoir être affirmatif sur les résultats comparatifs qu’on obtient. M. CHARCOT rappelle que Mantegazza et Erb ont observé un véri- table processus inflammatoire dans les nerfs et les muscles consécu- tivement à la section des nerfs. Dans les expériences de M. Vulpian, au contraire, il n’y a pas eu de signes d’inflammation. M. GRÉHANT a placé deux poissors semblables l’un dans un bocal rempli d’eau ordinaire, l’autre dans un bocal contenant un mé- lange de 4 cinquièmes d’eau et 1 cinquième de sang artériel. Or ce dernier a vécu plusieurs heures de plus que le premier. Ce fait prouve que les branchies du poisson peuvent réduire l’hémoglobine. —MM. BALL et LIOUVILLE présentent un cas de phthisie rénale qui a pu être diagnostiqué pendant la vie, le malade ayant rendu avec ses urines, qui étaient albumineuses, de petites masses tubercu- leuses. HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE CHEZ UN FOTUS DE CINQ MOIS ET DEMI ENVIRON, MORT-NÉ ; par M. TROISIER, interne des hôpitaux. Le ventricule latéral droit est rempli par un caillot rougeâtre. L'hémorrhagie qui s’est probablement produite dans le corps strié, dont la portion ventriculaire est dissociée par du sang coagulé, a fusé dans le ventriculaire moyen, dans le quatrième ventricule, et sur les parties latérales du bulbe rachidien. Il existe sur la voûte à 118 trois piliers du côté gauche un petit caillot tout à fait indépendant du précédent. Il y a en outre quelques ecchymoses sous-méningées, et de nombreuses hémorrhagies dans les gaînes péri-vasculaires se montrant sous la forme d’un pointillé rouge. L'examen du système vasculaire de l’encéphale fut fait avec soin, et l’on trouva au niveau des circonvolutions de la face interne de l'hémisphère gauche un petit sac rempli de globules rouges du sang, de Onn,33 de longueur sur 0,18 de largeur. Sa paroi est constituée par ja tissu conjonctif du le relle aux méninges par un pédicule excessivement court. On n’a pas pu constater nettement la commu- nication de cette poche vasculaire avec les vaisseaux du voisinage. Quoi qu'il en Soit, cette dilatation offre la plus grande analogie avec ce que MM. Charcot et Bouchärd ont décrit sous le nom d’ané- vrysmes miliaires, chez les adultes et les vieillards. Il fut impossible de retrouver dans le corps strié le vaisseau qui avait été rompu, de sorte que l’on ignore si l’hémorrhagie cérébrale était due à la rupture d’une dilatation vasculaire analogue siégeant dans l'épaisseur de l’éncéphale. Il est à noter que la Structure des artérioles et des veinules a paru être normale. Il y avait en outre, dans l'épaisseur de l’épiploon gastro-hépa- tique, deux petits grains globuleux rouges, d’un demi-millimètre de diamètre, situés sur le trajet des vaisseaux, et présentant également à l'œil nu la plus grande ressemblance avec les anévrysmes miliaires. Mais l'examen microscopique fit découvrir qu’il s'agissait d’hémor- rhagie dans les follicules lymphatiques. Le placenta ne présentait aucune altération. La mère avait fait une chute à la renverse six jours avant son accouchement. Elle accoucha à la Pitié (service de M. Molland). M. BoucHaRn insiste sur l'intérêt que présente dans ce cas l’étude des altérations du système vasculaire qui ont amené la formation de ces anévrysmes. — M. JoBERT fait une communication relative à la présence de parasites dans les muscles des barbeaux qui sont actuellement ven- dus sur les marchés de Paris. Ces parasites, renfermés dans une double coque, ne sont pas détruits à 70 degrés. Séance du 21 octobre. M. CHARCOT, à l’occasion du procès-verbal, insiste sur ce point qu’il est indispensable de tenir compte des conditions différentes dans lesquelles les expérimentateurs se sont placés, si l’on veut compren- 119 dre les différences essentielles qu'ils signalent dans l’état des muscles Ainsi Erb, qui a vu disparaître en cinq jours la contractilité faradi- que des muscles et qui a observé à lautopsie des lésions inflamma- toires, a pratiqué l’écrasement des nerfs, tandis qu’il y avait eu une section simple des nerfs dans les cas de M. Vulpian, où la contrac- tilité électrique a persisté et où une prolifération nucléaire et la dé- coloration des fibres étaient les seules lésions musculaires. M, Brown-SÉQUARD présente trois cochons d'Inde offrant un type de l’altération de l'oreille qui est causée par une influence nerveuse. L’un de ces animaux a eu une plaie de la moelle dans la région lom- baire, le second une section du sciatique, le troisième a subi l’'ampu- tation d’une des pattes postérieures. Or tous trois ont la même affec- tion de l’oreille, consistant en des points gangréneux ayant débuté par une hémorrhagie et aboutissant à la formation de petites pertes de substance, lesquelles ont parfois la forme d’un pertuis comme taillé à Pemporte-piéce. — M. BRowN-SÉQUARD : M. Westphal a émis récemment l’opinion que l’épilepsie qui survient chez les cochons d’Inde ayant reçu un choc sur la tête est due à l’irritation du cerveau. Cette hypothèse n’est pas exacte, car dans un cas j'ai enlevé préalablement tout l’en- céphale et le bulbe même; la moelle seule a recu l'impression du choc et néanmoins l’attaque a eu lieu. La piqüre de la moelle, entre la première et la deuxième paire cervicale, produit l'attaque épilep- tique. Je ne nie pas d’ailleurs que des lésions de l’encéphale n’aient pas le même résultat; ainsi la lésion des tubercules notés; mais alors la zone épileptogène existe du côté opposé à la lésion, tandis que les lésions non encéphaliques amènent le développement d’une zone du côté correspondant. — M. BRowN-SÉQUARD a reçu une d'Amérique lettre de M. Seguin lui communiquant qu’à la suite de trois résections du sciatique, l’épilepsie n’est survenue que le trentième, soixantième, soixante et unième jour. Son développement est donc, ainsi que l’a déjà annoncé M. Brown- Séquard, plus tardif aux Etats-Unis qu’en France. — M. BRowN-SÉQUARD a observé un malade chez lequel une véri- table impuissance motrice se développait après quelque temps d’exer- cice des muscles. Aïnsi, si son repas se prolonge plus de vingt mi- nutes, il se trouve dans l'impossibilité de mastiquer. L'exercice même de certains muscles abolit la puissance motrice des autres muscles. Chez ce malade l’affection paraît avoir été amenée par des excès de coït. Mais j'ai vu beaucoup d’autres malades affectés d’une manière analogue et sans que cette étiologie puisse être invoquée. 120 M. DUMONTPALLIER rappelle que Trousseau a rapporté l'observation d’une malade qui ne pouvait soutenir la marche au delà de sept mi- nutes. Elle était alors obligée de s'arrêter et de se reposer quelque temps avant de recommencer à marcher. — M. CHARCOT fait une communication relative à l’anatomie patho- logique d’un cas de paralysie pseudo-hypertrophique. Le sujet est le petit malade dont l’histoire clinique a été publiée par M. Bergeron. 10 Muscles. Au premier degré, les fibres sont simplement atro- phiées; la striation persiste; quelques-unes des gaînes sarcolemma- teuses renferment des noyaux nombreux; mais cette altération a peu d'importance. À un degré plus avancé, les fibres deviennent plus rares; les fais- ceaux sont écartés par des trabécules fibreuses pénétrant entre les faisceaux; de plus, il se forme dans ces trabécules des lacunes qui renferment des vésicules graisseuses. Au degré ultime, le tissu fibreux de nouvelle formation est comme étouffé par la graisse qui l’a envahi; de loin en loin on retrouve en- core un faisceau musculaire atrophié. 20 Système nerveux. Des coupes extrêmement multipliées ont été pratiquées sur un segment de la moelle et en ont montré l'intégrité absolue. Quant aux nerfs périphériques, ils étaient également sains. Dans une seule préparation, on a trouvé des cylindres-axes d’un nerf pénétrant dans le muscle notablement hypertrophiés. Mais cette altération, vu sa localisation, ne paraît pas avoir plus d'importance que la prolifération nucléaire que présentent quelques fibres musculaires. Ce résultat confirme celui qu’a obtenu dans ces cas Cohnheim par un examen (à l’état frais seulement). Toutes les amyotrophies n’ont donc pas un point de départ mé- dullaire. De plus, on peut ajouter que toutes les adiposes muscu- laires ne sont pas de même nature. On rencontre quelquefois dans l'atrophie musculaire une adipose localisée (par exemple à un mollet). — M. HAYEM, à propos du fait précédent, entretient la Société d’un cas de lipomatose limité au muscle temporal d’un côté. Il existait du même côté une paralysie faciale causée par une otite. — M. LABORDE dit que les faits de M. Méryon sont les premiers cas de paralysie pseudo-hypertrophique et que M. Duchenne a eu tort de les vouloir mettre sur le compte de la paralysie infantile. — M. RABUTEAU dit que ce sont seulement les sels des métaux al- calins et alcalino-terreux qui passent dans l'urine; que le fer, même 121 en proportion considérable dans le sang, est éliminé presque exclu- sivement avec les fèces. Parmi les préparations ferrugineuses, selon M. Rabuteau, c’est le protochlorure qui s’absorbe le mieux. Ce sel, injecté à 25, 50 centi- grammes dans les veines d’un chien est inoffensif; mais à la dose de 1 gramme, il amène la mort. Séance du 29 octobre. M. CHARCOT, en montrant les pièces du cas de paralysie pseudo-hy- pertrophique dont il a entretenu la Société dans la séance précédente, insiste encore sur ce fait qu’il peut y avoir une adipose musculaire dans d’autres affections que la paralysie pseudo-hypertrophique, no- tamment dans l’atrophie musculaire progressive. — M. VuLPIAN, à propos de la communication faite par M. Damas- chino à la Société de Biologie, dans la séance du 7 octobre 1871, sur l'anatomie pathologique de la paralysie infantile (1), constate que cette communication vient pleinement confirmer les présomptions qu'il avait émises sur ce sujet, dans son cours fait à la Faculté de médecine en 1870. Exposant alors l’histoire des atrophies, il avait été amené à com- parer la paralysie musculaire progressive à la paralysie infantile, sous e double rapport des phénomènes cliniques et des lésions cadavéri- ques. Il avait montré que la dissemblance si frappante, notée par tous les observateurs, entre l’état de la contractilité musculaire dans la paralysie infantile et celui que présente cette propriété dans la paralysie musculaire progressive, ne se trouve pas expliquée par une différence correspondante entre les lésions du système nerveux dans ces deux maladies. On sait, en effet, que, dans la paralysie infantile, les muscles atteints perdent leur contractilité peu de jours après les phénomènes initiaux. (C’est une abolition apparente dont il s’agit ici, comme dans tous les cas de perte de la contractiltté par des lésions nerveuses : on désigne ainsi, par une expression inexacte, l’impossi- bilité souvent complête de mettre en jeu la contractilité musculaire, au travers de la peau, à l’aide des courants intermittents.) Dans la paralysie musculaire progressive, au contraire, la contrac- tilité musculaire persiste longtemps; elle ne diminue qu’au fur et à mesure que les fibres musculaires disparaisseut elles-mêmes; elle n’est entièrement abolie que si les fibres musculaires ont disparu totalement. Or, dans les cas de paralysie infantile publiés jusque-là, (1) Voy.' ÉMOIRES, p. 49, c. R. 1871 1 122 on avait trouvé, en somme, des-lésions du système nerveux, sem- blables ou à peu près semblables à celles de la paralysie musculaire progressive. Cherchant à quelles conditions on pouvait rattacher l’abolition si rapide de la contractilité musculaire dans les cas de paralysie infan- tile, M. Vulpian ne trouvait qu’une supposition qui püût rendre compte de ce fait. Les lésions des nerfs qui amènent l'abolition (apparente) rapide de la contractilité des muscles sont celles qui déterminent la dégénération des fibres nerveuses se rendant à ces muscles. Il fallait donc supposer que, dans la paralysie infantile, il se fait, dans les nerfs destinés aux muscles qui doivent s’atrophier, une dégénération analogue à celle qui résulterait de la section de ces nerfs : les lésions initiales de la paralysie infantile, ayant évidemment leur siége dans la moelle épinière, devaient donc provoquer une sorte de destruction des relations normales entre les cellules nerveuses et les fibres des racines nerveuses qui y prennent origine. Quel!es doivent être ces lésions initiales de la substance grise de la moelle? La fièvre qui précède ou marque si souvent le début de la paralysie infantile pourrait bien, disait M. Vulpian, avoir pour cause un travail phlegmasique naissant dans la substance grise de la moelle et amenant bientôt la perte absolue des fonctions de cette substance dans les parties atteintes. Cette irritation inflammatoire s'éteindrait au bout de peu de temps dans les les régions moins affec- tées, et elle déterminerait, au contraire, des lésions irrémédiables dans les cellules les plus profondément touchées. Dans ces derniers points, les fibres nerveuses naissant des cellules doivent se trouver privées, au bout de peu de jours, de leurs centres trophiques, et elles doivent subir la dégénération granulo-graisseuse; il n’est donc pas étonnant que les muscles animés par ces nerfs perdent rapidement et complé- tement (en apparence) leur contractibilité. Dans la paralysie musculaire progressive, au contraire, il est pro- bable que les lésions de la substance grise se font lentement, peu à peu, et les fibres nerveuses en connexion avec les cellules des ré- gions altérées peuvent, sans doute, conserver plus ou moins com- plétement et plus ou moins longtemps leur structure et leurs pro- priétés normales. La persistance de la contractilité dans les mustles en rapport avec ces fibres nerveuses serait donc facile à comprendre. Les hypothèses relatives à la physiologie pathologique de la para- lysie infantile, semblent, il est vrai, en contradiction avec ce qui avait été constaté relativement à l’état des racines antérieures et des nerfs moteurs dans cette maladie. Mais M. Vulpian faisait observer que, si les racines antérieures et les nerfs moteurs, dans les cas publiés, 123 n’avaient offert que de l’atrophie simple avec conservation d’un nom- bre plus ou moins grand des tubes nerveux devenus plus grêles, il fallait bien se rappeler que, dans tous ces cas, la nécropsie n’avait été pratiquée qu’assez longtemps après le début de la maladie. Or, comme il s'agissait de lésions survenues dans l’enfance, il avait bien pu se faire une régénération autogénique dans les nerfs primitive- ment atteints de dégénération granulo-graisseuse. . Aujourd’hui, grâce aux précieuses observations de M. Damaschino, ce qui n’était qu’une hypothèse fondée sur les données de la clinique et de la physiologie expérimentale, est devenu une réalité, et l’étude scientifique de la paralysie infantile a fait un véritable et important progrès. — MM. CHARCOT et GREHANT communiquent le fait suivant : Une femme hystérique de la Salpétrière, âgée de 43 ans, a été atteinte au mois de mars 1870 de paralysie avec contracture des membres du côté gauche. Le 10 mars 1871, à la suite d’une de ses attaques (hystéro-épilepsie),les membres du coté droit, jusque-là res- pectés, se sont pris à leur tour, et cette malade est devenue inca- pable de se lever de son lit et d'exécuter aucun mouvement avec ses mains. Le 4 avril, elle annonce qu’elle ne peut uriner spontanément. On est obligé de le sonder. A partir du mois de mai, les urines devien- nent de plus en plus rares et la malade se met à vomir. Après l’a- voir tenue en observation pendant six semaines et s'être assuré par un contrôle attentif qu’elle était dans l'impossibilité de tromper, M. Charcot a fait recueillir et mesurer les urines rendues et les ma- tières vomies. Du 8 au 14 juillet, on n’a relevé par la sonde que 46 grammes d'urine, et du 16 au 22, 33 grammes. Le lit n’était ja- mais humide, toute supercherie était impossible. Cet état d’anurie a continué pendant les mois d'août et de septembre, pendant lesquels la quantité d’urine n’a été pour chaque mois que de 80 et quelques grammes. Mais à partir du 10 octobre, jour où elle a été soumise à l’anesthésie par le chloroforme, cet état a progressivement diminué; la quantité d'urine a augmenté et le lit a été mouillé de quelques gouttes d'urine. Pendant toute la période d’anurie, la malade vomis- sait abondamment chaque jour en commencant son repas, qui était très-peu abondant, d’ailleurs. Le liquide des vomissements contenait de l’urée en abondance; le sang de la malade, examiné le 10 octobre, renfermait, pour 100 grammes, 36 milligrammes d’urée ; l'élimination de l’urée par l'estomac était donc suflisante pour empêcher une accumulation de cette substance dans le sang. 124 M. BRowx-SEQUARD dit qu’il a examiné la malade au point de vue de la contracture, et qu'il est certain qu’elle ne pouvait être simulée. M. CHARCOT ajoute que les résultats de la chloroformisation dépo- sent en faveur de cette manière de voir, car les membres contrac- turés en dernier lieu sont entrés les premiers en résolution; le membre supérieur gauche a résisté bien plus longtemps aux efforts qu’on a fait pour triompher de la contracture. — M. BROWN-SEQUARD a trouvé quatre personnes sur treize qu’il a interrogées dont les membres ont une tendance à exécuter les actes que viennent d'accomplir les membres homologues. Ainsi, par exem- ple, si l’un des pieds se pose sur l’intervalle qui sépare deux dalles, il y a tendance de l’autre pied à chercher un interstice semblable. M. Brown-Séquard dit qu'il a constaté, en tuant un mouton par hémorrhagie, que la flexion forcée d’une patte peut faire cesser la rigidité des deux membres atteints de convulsions. Il y a donc quelque chose de semblable entre les conditions de l’épilepsie spi- nale et celles des convulsions anémiques. — M. Dupuy, à la suite d’une lésion de la partie postérieure de la moelle, entre la deuxième et la troisième vertèbre cervicales, chez un cochon d’Inde, a vu survenir, au bout d’une heure et demie, une attaque d’épilepsie. L'animal présentait une zone épileptogène des deux côtés. Jusqu'ici ce phénomène n’avait été signalé par M. Brown- Séquard qu’au bout de quelques jours. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE NOVEMBRE 1371; Par M. H. LIOUVILLE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD. Séance du 4 novembhré. M. BROWN-SÉQUARD fait part d'expériences qu’il vient de faire sur des cobayes, et concernant des influences exercées sur la vision par des lésions de la moelle épinière et des corps restiformes. Ces nouvelles expériences, s’ajoutant à celles qu’il avait déjà faites il y a quelques années sur ce même sujet, l’ont conduit à des résul- tats différents de ceux qui avaient été signalés par quelques autres expérimentateurs. D’après Magendie, par exemple, la section du nerf trijumeau est suivie d’amaurose, de surdité, de perte de l’odorat et du goût, parce que le nerf trijumeau est, en partie au moins, le nerf des sens prin- cipaux. Magendie se trompait : La perte des sens était due à une influence produite par l’irritation du nerf trijumeau. Il y a dans la science un certain nombre de faits démontrant qu'avec une altération partielle ou périphérique du nerf trijumeau les quatre sens principaux et la sensibilité de la face ont été perdus ou diminués. 126 Les faits constatés par M. Brown-Séquard, de lésions de la moelle épinière ou du corps restiforme produisant l’amaurose, sont du même ordre, et il en est ainsi, d’après lui, des lésions du cervelet. Toutes ces lésions dépendent donc d’une influence exercée à dis- tance altérant la nutrition, soit de la rétine, soit d’une autre partie du système nerveux visuel. M. Brown-Séquard a constaté, en outre, sur quelques-uns de ces animaux amaurotiques une propulsion de l’œil (sorte d’exophthalmie). Mais ce symptôme ne persisterait pas toujours. M. Brown-Séquard montre un cobaye où l’exophthalmie se distin- gue encore sur les deux yeux, après environ cinq semaines, à partir du jour de l'expérience. — M. BROWN-SÉQUARD fait une seconde communication concer- nant la gangrène de l'oreille, observée chez des cobayes et qui peut reconnaitre, avec différentes causes, des siéges également différents. Ces gangrènes peuvent être la suite de lésions variées du système nerveux spinal (moelle épinière ou ses nerfs). Elles peuvent être aussi la suite de section du grand sympathique au cou. Toutefois, M. Brown-Séquard n’a constaté encore qu’un cas dû à cette cause, mais son attention, ajoute-t-il, n’était point attirée vers cette constatation spéciale. Or, suivant l'organe lésé expérimentalement, le siége de la gan- grène constatée sur l'oreille varierait et voici ce que, jusqu’à présent, il est possible d'indiquer. Si c’est par lésion du bulbe, la gangrène et l’hémorrhagie ont lieu à la partie supérieure et antérieure de l’oreille. Si c’est par lésion du grand sympathique au cou, la manifestation reconnaît comme siége la partie postérieure de l'oreille. Si c’est par lésion du nerf sciatique ou autres nerfs, ou de la moelle épinière elle-même, c’est à la partie supérieure ou moyenne de l’o- reille que sont les zones altérées. Recherchant les causes probables, M. Brown-Séquard constate un refroidissement au début, puis une contracture dans les vaisseaux, contracture qui va en augmentant, enfin une hémorrhagie. La gan- grène en résulterait. 197 EXPÉRIENCES DÉMONTRANT QUE LES PIÈCES OSSEUSES, DÉVELOPPÉES DANS DES LAMBEAUX DE PÉRIOSTE TRANSPLANTÉS, SE RÉSORBENT SPONTANÉMENT ET DISPARAISSENT AU BOUT D'UN CERTAIN TEMPS; par M. J.-M. PHILIPEAUX. M. Vulpian met sous les yeux de la Société des pièces préparées par M. Philipeaux et relatives à des expériences sur la transplanta- tion du périoste. M. Philipeaux a répété récemment les expériences de M. Ollier sur la greffe du périoste, expériences qu’il avait déjà faites plusieurs fois en obtenant les mêmes résultats que ceux publiés par ce phy- siologiste. Sur cinq lapins âgés de trois mois, il a détaché entièrement, sur la face antérieure du tibia droit, une bande de périoste, longue de 4 centimètres et large de 4 millimètres, en ayant bien soin d’enlever en même temps la couche d'éléments ostéogènes située entre le pé- rioste et l’os. On fait ensuite une petite ouverture à la peau de la paroi inférieure de l'abdomen, et, par cette ouverture, on introduit dans le tissu cellulaire sous-cutané de cette région la bandelette pé- riostique excisée. Trente jours après l'opération, on examine ces cinq lapins, et, par une palpation attentive, on a pu reconnaître facilement que la la- melle périostique transplantée était devenue d’une dureté osseuse, et, par conséquent, qu’elle était devenue réellement osseuse, du moins en partie, comme cela ressortait d'expériences antérieures où M. Philipeaux avait toujours vu cette consistance, dans ces cas, être l'indice d’une formation d’os par le périoste transplanté. D'ailleurs, un lapin de cette série est sacrifié à cette époque (trente jours après l’opération) et l’on a pu constater que la lamelle périostique ossifiée avait 25 millimètres de longueur et 4 millimètres de largeur. (Pièce n° 1.) Cinquante jours après l’expérience, chez un second lapin de cette série, l'os nouveau formé par le périoste transplanté n’avait plus que 15 millimètres de longueur et 4 millimètres environ de largeur. (Pièce n° 2) Soixante jours après l'expérience, chez un troisième lapin, la la- melle osseuse avait 10 millimètres de longueur et 2? millimètres de largeur. (Pièce n° 3.) Quatre-vingt-dix jours après l'expérience, on examine le quatrième lapin : la lamelle osseuse n’a plus que 4 millimètres de longueur et ? millimètres de largeur. (Pièce n° 4.) 128 Enfin, cent vingt jours après l’opération, on ne trouve plus trace de l’os formé par le périoste transplanté. Ainsi donc, les lamelles osseuses provenant de l’ossification du périoste transplanté ne sont pas permanentes; elles tendent, au con- traire, à disparaître par résorption progressive. M. Philipeaux, en signalant ce fait, montre combien il contraste avec les résultats des renversements périostiques. Il s’agit encore ici d'une expérience de M. Ollier. On détache une lamelle du périoste du tibia, en ayant soin qu’elle soit encore en continuité par un pédicule avec le périoste laissé en place ; puis on conduit la partie libre de cette lamelle entre les muscles qui recouvrent l'os, de telle façon qu’elle ne puisse plus s’appliquer de nouveau sur l’os. Or, dans cette situation anormale, la lamelle périostique forme de l'os et donne naissance à une colon- nette osseuse, plus ou moins volumineuse, adhérente ou non par sa base à l’os dont on a renversé le périoste. M. Philipeaux, qui a ré- pété souvent cette expérience, a constaté que les ossifications ainsi obtenues sont permanentes. : Il y a aussi, d’après M. Philipeaux, des différences entre les deux sortes d’os anormaux sous le rapport des phases dé l’ossification. Les lamelles périostiques transplantées ne se gonflent pas considérable- ment ; l’ossification s’y produit sous forme d’une couche très-mince, très-fragile, sans être précédée par un développement bien apparent de cartilage. Les lamelles périostiques renversées se tuméfient d’a- bord beaucoup, puis se cartilaginifient dans une grande partie de leur étendue et donnent lieu enfin à des bandelettes osseuses assez épaissses. M. RANVIER dit avoir fait des expériences sur le même sujet il y a déjà quelque temps, mais n’avoir pu encore les publier. Toutefois, quelques-unes de ses conclusions sont indiquées dans le Manuel d'histologie, publié en collaboration avec M. Cornil. Elles pourraient se résumer ainsi : Toutes les parties transplantées hors leur siége se résorbent,. Un os tout entier se résorbe au bout de quelque temps, ainsi pour le calcanéum, par exemple. Pour le cartilage, il y a résorption par le processus de la chondrite. Pour Pos, il y a agrandissement des canalicules de Havers par ré sorption, transformation médullaire de los, de telle sorte qu’à un moment du processus la substance osseuse a complétement disparu. Il ne reste plus qu’une masse de moelle embryonnaire qui devient du tissu conjonctif sous la peau et finit par disparaitre. Suivant M. Ranvier, il y aurait aussi une question de siége, im- portante à placer à côté d’une question de provenance. 129 M. LEGRos relate que des faits analogues ont été observés dans les expériences de M. Goujon, sur la greffe de la moelle des os. Suivant l’expérimentateur, il se fait un os, mais la résorption en est des plus rapides (ainsi par exemple après un mois). — M. LEGROS présente des échantillons de pain, sur lequel on con- state POidium aurantiacum (le champignon orangé du pain), et remet la note suivante : RECHERCHES SUR LA MALADIE ORANGÉE DU PAIN. Le cryptogame qui donne au pain une belle couleur orangée a recu différents noms; en dernier lieu, on l’a décrit sous le nom d'oïdium aurantiacum. En l'étudiant avec soin au microscope, on constate qu’il diffère des oÿdiums par son mode de division dichoto- mique et par ses sporanges, ce n’est pas un oïdium. MM. Krasinski et Wdowikowski (d’Odessa), très-versés dans les recherches sur les cryptogames, examinant avec moi ce champignon ont reconnu que c'était un fhamnidium, c’est-à-dire un mode spécial de développe- ment du mucor mucedo. J’ai montré à ka Sociéte du pain ordinaire sur lequel j'avais semé des spores de thamnidium, et la végétation orangée était très-vigou- reuse. Sur le pain que nous mangions pendant les derniers temps du siége de Paris, l’ensemencement étant le même, il s’est produit du mucor mucedo au lieu de thamnidium. J'ai examiné avec soin la farine et le levain qui servent à faire les pains spontanément infectés et n’y ai rien trouvé de caractéristique. Sur ces pains on rencontre simultanément d’autres cryptogames pa- rasites, ce qui nous montre bien que nous n'avons pas affaire à une maladie parasitaire et épidémique, mais simplement à une mauvaise qualité du pain, qui, en s’altérant, devient un terrain favorable au développement des mucédinées. Les fragments de pain sur lesquels se montre le thamnidium sont toujours acides; du pain plongé dans une solution faible de carbo- nate de soude ne permet plus le développement du champignon. Au contraire, le sel de cuisine lui est très-favorable et ce n’est pas en salant davantage le pain qu’on le mettra à l’abri de l’altéra- tion. x Des courants électriques continus appliqués sur un morceau de pain bien ensemencé ont amené une croissance extraordinairement rapide du champignon, qui se voyait surtout vers le pôle positif où se rendent les acides. J’ai fait manger à des rats 10 grammes de thamnidium ou mieux C.R, 1871. 12 130 de râclures de la surface du pain infecté chaque jour, pendant quinze jours, sans déterminer d'accident; ces rats étaient habitués à la cap- tivité, ce qui est important pour ce genre d’expérience. A la suite de cette communication de M. Legros, quelques éclair- cissements sont demandés par M. Vulpian. A sa connaissance, il y a des expériences contradictoires; d’où résulterait que ce champignon ne serait pas tout à fait inoffensif. M. Decaisne a fait plusieurs communications sur des faits analo- gues. Il aurait fait manger du pain à des lapins et à des chats. Il y au- rait eu action nocive. ‘ Enfin, il y a eu aussi des expériences plus anciennes, de M. Bes- nou, à Cherbourg. Dans ces cas, il y aurait eu des recherches por- tant sur les substances employées : la levüre de bière, la levüre de pâte. M. Besnou avait ainsi constaté que le développement de ce cham- pignon ne pouvait être attribué ni à la farine avariée, ni à la nature de la levüre employée, mais à un vice dans la panification, dans un but frauduleux. Séance du T1 sovembre. M. BROWN-SÉQUARD, à l’occasion du procès verbal, montre un cobaye sur lequel il a pratiqué la section, d’un seul côté, du grand sympathique au cou. La gangrène de l'oreille est des plus nettes. Elle est située à la partie postérieure du lobule. — M. RANVIER communique à la Société des recherches qu’il a entreprises dans le laboratoire de médecine du Collége de France, et qui lui paraissent importantes par les résultats obtenus. Ces recherches sont relatives à la fine structure des éléments des nerfs périphériques et à la physiologie de ces nerfs. L’innervation ne peut se produire sans échange de matière : c’est ainsi que l’activité des nerfs détermine dans leur tissu une réaction acide (Funke) et amène une élévation de leur température (Schif). Il est fort probable que ces deux phénomènes exigent une con- sommation d'oxygène. Si l’on n’a pas, jusqu’à présent, pour les nerfs comme pour les muscles, la preuve directe de cette consommation d'oxygène, il est du moins facile d'établir expérimentalement que le sang oxygéné restitue aux nerfs leur excitabilité lorsqu'ils l’ont per- due dans la mort physiologique. Cette expérience consiste à séparer chez un animal un membre entier, et lorsque les nerfs de ce membre ont perdu leur excitabilité, 131 les muscles étant encore contractiles par une excitation directe, on fait passer dans les vaisseaux du sang défibriné et chargé d’oxy- gène. Sous l'influence de la circulation artificielle les nerfs repren- nent leur pouvoir excito-moteur. La résurrection du nerf, dans ce cas, est due très-probablement à la pénétration de l’oxygène du sang jusqu'à la partie active du nerf, c’est-à-dire jusqu’au cylindre- axe. Quelle est la voie parcourue par le plasma oxygéné du sang pour arriver au cylindre-axe? telle est la question que l’auteur a essayé de résoudre par l’analyse histologique. La myéline ou moelle ner- veuse des tubes larges des nerfs périphériques cache complétement le cylindre-axe; et si elle formait une couche continue comme l’admettent encore les histologistes, elle apporterait aux échanges de matières un obstacle très-considérable. L’imperméabilité de la myéline est démontrée par ce fait que le carmin en solution ne peut la traverser pour colorer le cylindre-axe, malgré l’affinité de celui-ci pour la matière colorante. Si, comme M. Ranvier, on dissocie des nerfs frais dans du picro- carminate d'ammoniaque neutre, à 1 pour 100 (1), et qu’on les con- serve ainsi préparés dans cette solution, on voit au bout de quelques minutes les cylindres-axes libres colorés dans toute leur étendue, puis les cylindres-axes encore renfermés dans leur gaîne de myéline se colorer dans la longueur de un ou deux dizièmes de millimètre vers les extrémités sectionnées des tubes nerveux. La coloration avance ensuite lentement, et au bout d’une semaine elle peut avoir gagné un cylindre-axe dans toute la longueur des tubes nerveux contenus dans la préparation. Les cylindres-axes colorés dans l’intérieur des tubes nerveux en (1) La préparation de picro-carminate d’ammoniaque neutre qu'a employée M. Ranvier dans ces recherches s’obtient de la facon sui- vante : On ajoute à une solution saturée d’acide picrique une solution ammoniacale de carmin qu’on évapore à l’étuve jusqu’à réduction des neuf dizièmes. On laisse cristalliser. On décante, et cette der- nière solution évaporée donne le picro-carminate solide qui, ajouté à l’eau distillée dans la proportion de À pour 100, fournit une li- queur d’un beau rouge orangé. En été, il convient d’ajouter toujours un peu d'acide phénique pour éviter le développement des mycro- phytes. 132 occupent le centre ou forment dans son intérieur des ondulations qui le rapprochent tantôt d’un bord, tantôt de l’autre. Mais si la myéline est imperméable, les substances de nutrition des nerfs peuvent cependant arriver jusqu’au cylindre-axe par une voie démontrée par les observations suivantes : On trouve chez la souris des filaments nerveux thoraciques d’une extrême minceur et longs de 2 centimètres. Un de ces nerfs soumis sur place à l’action du nitrate d'argent en solution à 1 pour 300, ou bien placé dans la même solution, après avoir été fixé de manière à ce qu’il ne puisse se rétracter, puis lavé avec l’eau distillée et conservé dans la glycérine montre, après l’ac- tion de la lumière, une disposition toute singulière, et qui, d'après M. Ranvier, n’a pas encore attiré l’attention des histologistes. On y aperçoit, à un grossissement de 150 diamètres, d’abord à l’ex- térieur une couche de tissu conjonctif contenant des cellules adi- peuses, puis, au-dessous, un revêtement épithélial formé par des cellules plates, larges et polygonales; enfin, la masse des tubes nerveux. Dans cette masse se montrent, de distance en distance, de petites lignes noires, transversales, d’une admirable netteté, disposées comme les barreaux d’une échelle. Un grand nombre des petites lignes noires transversales sont cou- pées perpendiculairement vers leur milieu par une ligne également noire, et sur beaucoup de ces points la préparation paraît couverte de petites croix latines. Cette première observation étant insuffisante, on doit poursuivre l'analyse avec de plus forts grossissements, et l’on arrive ainsi à se convaincre que les lignes transversales sont placées sur les tubes nerveux, qui à ce niveau ont un diamètre moindre que dans les au- tres parties de leur longueur. L’on reconnaît aussi que les lignes formant la branche longitudinale de la croix correspondent aux cy- lindres d’axe. Pour bien saisir le rapport ‘qui existe entre les étranglements du tube nerveux correspondant à la ligne transversale avec le cylindre- axe coloré en noir, il est nécessaire d’avoir recours à d’autres mé- thodes. Une de ces méthodes employées par M. Ranvier, consiste à disso- cier, dans le picro-carminate d’ammoniaque au centième, avec de grandes précautions de petits troncs nerveux, le sciatique du lapin, par exemple. Lorsque les fibres sont suflisamment séparées on les recouvre d’une lame de verre mince. 133 La préparation étudiée alors avec un grossissement de 300 diamè- tres laisse voir sur les tubes nerveux larges des étranglements an- nulaires au niveau desquels le cylindre-axe apparaît nettement et lé- gèrement coloré en jaune. Si l’on étudie alors l'action du réactif à mesure qu’elle se produit, on voit le cylindre-axe devenir apparent dans une longueur de plus en plus grande de chaque côté de la dépression annulaire. C’est donc au niveau de cette dépression que le réactif pénètre, et c’est à partir de ce point qu'il s’étend par diffusion. Vingt-quatre ou quarante-huit heures après, le cylindre-axe est coloré en rouge dans les points qui ne présentaient d’abord qu’une coloration jaune. À un grossissement de 800 diamètres, l’étranglement annulaire paraît déterminé presque sur tous les points où il existe par un an- neau étroit, convexe, paraissant se confondre avec la membrane de Schwann quand l'objectif est mis au point, brillant quand on éloïgne l’objectif, obscur quand on le rapproche; caractères positifs donnés déjà par Dujardin en 1843, pour les corps réfringents et convexes. Cette observation établirait à elle seule, d’après M. Ranvier, que l’étranglement annulaire n’est pas un produit artificiel de la prépa- ration, si l’étude faite d’abord sur les nerfs thoraciques de la Souris, à l’aide de l’imprégnation d'argent, n’établissait pas déjà d’une ma- nière incontestable la réalité physiologique de cette disposition. Poursuivant sa communication dans l’ordre physiologique comme a été conçu son travail, M. Ranvier revient sur les figpres produites par l’action du nitrate d’argent sur des nerfs grèles entiers et sur des tubes nerveux dissociés dans la solution d'argent (1 pour 300). Il montre que la coloration noire des anneaux des tubes provient de l’imprégnation de leur substance par l’argent tandis que la mem- brane de Schwann est à peine colorée. On voit de plus que limprégnation du cylindre-axe au voisinage de l’anneau vient se placer à côté des phénomènes observés avec le picro-carminate d’'ammoniaque, et démontre encore que c’est au ni- veau de l’anneau que se fait la pénétration du réactif. Frommann, en 1864, a trouvé que les cyliedres-axes de la moelle épinière et des nerfs périphériques soumis à l’action du nitrate d’ar- gent présentent des stries transversales alternativement claires et obscures, mais n’a pas établi quels sont les points d’un tube nerveux entier qui subissent l’imprégnation d'argent. Les observations de Frommann ont été reprises et confirmées par M. Grandry, qui y ajoute des faits intéressants touchant les cellules nerveuses. Les recherches de la communication actuelle ajoutent ce détail 134 que sur un certain nombre de cylindres-axes imprégnés d'argent il existe des renflements ayant la forme de deux cônes tronqués réu- nis par leur base et dont le diamètre est surtout double de celui du cylindre-axe. Donc, toutes ces constatations permettent de penser que l’étrangle- ment annulaire du tube est le lieu de passage des fluides nutritifs et respiratoires du cylindre-axe; ce qui se conçoit, puisque l’anneau constricteur écarte de chaque côté la myéline et ne laisse entre l’es- pace lymphatique ou séreux du nerf et le cylindre-axe qu’une cou- che colloïde. Il convient de légitimer de suite cette expression d’espace lympha- tique ou séreux. Or, on se souvient que M. Ranvier a indiqué que le tissu conjonc- tif qui enveloppe le nerf forme une gaine tapissée à sa face interne par un épithélium analogue à celui des séreuses. Cette enveloppe du nerf constitue le feuillet pariétal. Le feuillet viscéral serait représenté par la membrane de Schwann sur laquelle on distingue des noyaux lenticulaires. L'auteur se réserve de revenir sur ces noyaux, sur le tissu con- jonctif et les vaisseaux des nerfs, et, pour aujourd’hui, conclut que les tubes nerveux sont plongés dans une cavité séreuse où les li- quides nutritifs circulent et peuvent se mettre en rapport avec les cylindres-axes par la voie colloïde des étranglements annulaires. M. BRoWwN-SÉQUARD : Je crois que M. Ranvier a pu se méprendre sur le moment où le nerf perd véritablement son excitabilité. Les nerfs conservent leur excitabilité plus longtemps qu’on ne le croit. Et en tout cas, longtemps après la perte d’excitabilité du mus- cle. Des expériences avec des injections de sang le prouvent manifes- tement. Ce qui disparaît, c’est la possibilité d'action du nerf sur le muscle. Il faut du sang oxygéné pour que cette action ait lieu. On peut injecter du sang dans les muscles, il y a action manifeste ; puis, quel- que temps après, il y a action sur les nerfs, — M. BROWN-SÉQUARD communique le résumé des recherches qu’il a faites à différentes époques sur la production de l’apnée et sur ses causes. À Il rappelle les expériences entreprises sur ce même sujet par M. Rosenthal et qui l’ont amené à conclure que l’apnée a lieu parce que le besoin de la respiration ne se fait plus sentir. 135 Au contraire, les faits de M. Brown-Séquard conduisent à des con- clusions différentes. Celles-ci résultent de plus encore d'expériences nouvelles entre- prises au laboratoire de l'Ecole pratique avec l’aide de MM. Dupuy et Lépine. Elles indiquent que ce n’est pas par suite de la plus grande quan- tité d'oxygène dans le sang qu’il y a apnée. Ce serait par influence nerveuse. En effet, dans l’expérience faite sur un cobaye, on constate que le sang est très-rouge dans les veines sous l’influence de l’insufflation pulmonaire. Ce fait avait déjà été entrevu par Brodie et par Legallois. Si l’on coupe les deux nerfs pneumogastriques et qu’on pratique linsuflation, il n’y a pas le moindre signe d’apnée. On sait aussi, d’après M. Leven, que si l’on irrite la trachée, il y a asphyxie et non syncope. M. Claude Bernard a montré, de son côté, qu’à la suite de la sec tion d’un seul nerf pneumo-gastrique la respiration nasale diminue notablement du côté correspondant. Or, si l’on coupe l’autre nerf sur l'animal ainsi déjà opéré, les deux narines agissent avec violence. On comprend de suite l'intérêt de ces différentes constatations. Une conclusion plus générale qu’il est permis de tirer est donc que l’insufflation détermine l’apnée plutôt par une action mécanique. Il y a moins d’acide carbonique. La température s’abaisse, comme l’ont constaté Brodie et Legal- lois. Il y a syncope respiratoire, syncope cardiaque et cette syncope si importante qui est le résultat de la cessation des échanges des tissus avec l’atmosphère. M. GRÉHANT croit à plusieurs causes différentes d’apnée. C’est, du reste, à cette conclusion qu'est aussi arrivé M. Bert dans ses leçons sur la respiration. Ainsi : 10 Les animaux placés dans l’oxygène pur sont de suite apnéisés. Or, cette apnée est ici produite sans influence nerveuse. 20 M. Cyon a montré à Paris un moyen de produire l’apnée sans l'influence nerveuse. Ce moyen est du reste un procédé de M. Ro- senthal. Dans les expériences qu’il inscituait, en effet, le poumon prenait un volume énorme, le plus grand possible, et il y avait arrêt complet de la circulation pulmonaire. 136 Ces faits étaient facilement constatés au manomètre différentiel de : M. Claude Bernard. Ces réserves faites, M. Gréhant admet toutefois que, comme l’in- dique M. Brown-Séquard, l’apnée se produit dans certaines circon- stances sous l'influence nerveuse. M. BRowN-SÉQUARD, de son côté, n’a jamais contesté qu’il y ait des causes très-variées d’apnée. Il rappelle qu’il a publié un travail où il est noté qu’à chaque effort respiratoire il y a influence d’arrêt sur le cœur. Ces faits étaient observés sur des animaux nouveau-nés. Dans ce cas, il parut bien que c’était par l'intervention dela moelle allongée. Avec les instruments enregistreurs, M. Lombard consignait ces faits d’une facon irréfutable. De plus, M. Brown-Séquard a noté de l’asystolie dans l’agonie. Il y a en effet de notables absences de quelques systoles, et chaque arrêt du cœur a lieu au moment même d’un effort fait pour respirer. Enfin, pour d’autres causes d’apnée, on peut Aus les influences diverses exercées sur le diaphragme. M. JOLYET rappelle une expérience de M. Bert, qui démontre bien influence de l’oxygène pur. M. GRÉHANT, après avoir rappelé les expériences faites dans cette direction avec un courant d'hydrogène, propose de prendre du sang dans la carotide d’en chien au moment de l’apnée et d’un faire l’a- nalyse. M. BRowWN-SÉQUARD, cherchant à démontrer combien à son sens est réelle l'influence du système nerveux, rappelle que dans Pas- phyxie il y a des parties du corps, les postérieures surtout, où il est facile de noter des convulsions plus intenses que celles que Pon constate en avant. Et c’est encore pour lui une raison importante pour faire intervenir dans l'explication de ces phénomènes autre chose que la seule influence des gaz. — M. BROWN-SÉQUARD lit un extrait d’un travail qu’il a consigné en 1849 dans les COMPTES RENDUS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE (page 16), et où est relatée l'existence d’une affection convulsive produite expérimentalement par la section des racines postérieures spinales. Cette section détermine une exagération de la faculté ré- flexe de la moelle dans la partie d’où proviennent les racines coupées. D'où il résulte qu’une excitation de la peau, dans un point quel- conque, détermine, par action réflexe, des contractions tétaniques 137 dans le membre ou les membres dont les nerfs sensitifs ont été coupés. Il y a là quelque chose de semblable à ce qui se passe chez les animaux auxquels on coupe le nerf sciatique, et chez lesquels on produit l’épilepsie. Toutefois, dans les premiers cas, il y a production de spasmes plutôt tétaniques. — M. TrAsBOT relate l'observation d’une chienne affectée de teigne faveuse. Cette maladie, fréquente chez le chat, est peu observée chez le chien, et ne se montre en tous cas le plus souvent que dans les six premiers mois de la vie, à peine dans la première année. Ici, la chienne a 9 ans. Jusqu'à présent on n’a pas réussi à inoculer cette teigne expéri- mentale à des animaux adultes. | : M. Trasbot pense que c’est par le contact de rats et de souris que l'affection a été gagnée, d’abord par les petits chiens de la mère, qui en sont atteints, puis par la mère qui fut prise un mois après. M. Trasbot dit s'être assuré qu'il s’agit bien de la teigne faveuse, ies caractères micrographiques constatés étant analogues à ceux signalés par M. Bazin. — M. POUCHET prend date pour une communication qu'il voulait faire sur le développement de la tête osseuse des poissons. Séance du 18 movembre. À l’occasion du procès verbal de la dernière séance : M. CARVILLE, à propos de la communication de M. Brown-Sé- quard sur l’apnéisme, demande à faire deux remarques : 1° De la première, il résulte que. le 3 juin 1869, M. le professeur Longet avait, dans son laboratoire, puis au cours expérimental de PEcole pratique, démontré qu'après la section des nerfs pneumo- gastriques, l’apnée ne pouvait être produite par insufflation d'oxy- gène dans la trachée ; 20 La seconde remarque est relative à l’explication de l’apnéisme. Ayant été dans la nécessité de se soumettre à un traitement par Vair comprimé pendant trois mois, M. Carville a pu observer sur lui-même ce résultat remarquable : sous l'influence de l'inspiration d'air ordinaire, sans augmentation de la quantité d'oxygène, mais à une pression de 20 à 30 centimètres, le nombre des respirations, qui était de 24 par minute en moyenne, est tombé successivement à 12 au bout d’un mois, puis à 10 et même à 6 pendant la durée du bain d'air. C. K. 1871 13 138 C’est là un exemple incontestable d’apnée thérapeutique, mais dont la théorie paraît complexe; ici, en effet, la quantité d’acide carboni- que dans le poumon n’est point diminuée parce que ce gaz est rem- placé mécaniquement par de l’oxygène; sa production est moindre ; cela seul est admissible : quant à l'influence nerveuse, il faut remar- quer que, même lors de cette apnée, la température du corps reste normale et les pulsations cardiaques presque aussi fréquentes qu’a- vant le traitement. « M. Carville ajoute à sa communication des tableaux où sont repré- sentées des courbes graphiques qui démontrent d’une manière plus saisissante ces résultats. M. BRowN-SÉQUARD : Les faits de M. Carville seraient loin de ne pas confirmer que l’action nerveuse est, dans ces circonstances, évi- dente. A ce propos, il croit devoir rappeler qu'il a fait des expériences analogues chez M. Deville, au laboratoire de l'Ecole normale il y a déjà quelque temps, et que de ces expériences il résulte qu'il y a apnée, par le fait de l'excitation du larynx, lorsque l’animal d’expé- rimentation est soumis à l’influence de lPacide carbonique et de l’hy- drogène. L’acide carbonique est excitant, on le sait depuis longtemps. Mais en ce qui concerne l’hydrogène, cela doit étre noté avec plus d’in- térêt. : On voit donc surgir ainsi des causes différentes de l’apnée : ou sous l'influence de la simple excitation du larynx ou de la trachée, ou sous l'influence de gaz irritants, ou sous l'influence de gaz in- jectés. Une autre expérience montre ce qui arrive, après la section de la moelle épinière, sous l’influence de l’irritation. Dans ce cas, 1l y a deux causes productives d’apnée : l’une pro- vient de l’irritation du nerf vague, l’autre provient de l’irritation du nerf diaphragmatique. Revenant à l’expérimentation de M. Carville sur les bains dair comprimé, M. Brown-Séquard ajoute qu’elle a été depuis quelque temps tentée sur un certain nombre de malades. Il y a chez M. Deville un grand appareil qui permet une compres- sion de 4 ou 5 atmosphères, et danslequel on ne sent pas le besoin de respirer. Suivant M. Brown-Séquard, une telle pression agit sur certains filets si délicats des nerfs de la trachée et des bronches, et amène un résultat qui ressemble à une irritation mécanique de la trachée et des bronches, 139 Revenant sur sa dernière communication, M. Brown-Séquard an- nonce qu’il vient d’avoir connaissance d'un travail où il est dit que Donders a eu la même idée que lui au sujet du rôle du diaphragme dans ces expériences. Hehringer et Brauer ont trouvé aussi en par- tie ce que M. Brown-Séquard a constaté, mais il croit qu'aucun au- teur n’est arrivé à cette idée qu'il y a deux influences d'arrêt s’exer- cant, l’une sur le cœur, l’autre sur la respiration elle-même; l’une descendante vers le cœur, l’autre ascendante. L’effort respiratoire, chez l’homme à l’état de santé, détermine une influence d'arrêt comme lirritation mécanique. Or, après la section du nerf vague, les mouvements du cœur sont plus actifs et les mou- _vements respiratoires très-gênés, mais avec persistance exagérée de l'inspiration devenue longue. La cause de ces deux phénomènes dé- pend de la cessation de ces deux influences après la section du nerf vague. — M. HAYEM présente un malade âgé de 50 ans, habitant la com- mune de Saint Gratien (Seine-et-Oise), tailleur de son état, et qui étant tombé, il y a neuf semaines, d’assez haut, sur du verre cassé, s’est fait une blessure au poignet droit. Il y a eu de suite hémorrha- gle abondante avec jet de sang. Un médecin prussien appelé de suite, a fait une suture de la peau et ordonné lapplication de compresses d’eau froide. La guérison paraissait avoir été obtenue en huit jours, mais le malade, depuis ce moment, a perdu le sentiment et le mouvement dans trois doigts (le pouce, l'index et le médius). Le sentiment est revenu depuis à peu près trois semaines. Le malade a cherché à travailler, à couper avec des ciseaux, mais il a dû abandonner son travail parce que, huit jours avant, il était venu spontanément une phlyctène à l'index. Il est sorti de l’eau rousse, et la plaie s’est creusée. Aujourd’hui, c’est une ulcération assez profonce qui existe. Il y a une quinzaine de jours peut-être, à l’occasion de la reprise de son travail, il a remarqué une phlyctène très-petite qui s’est ou- verte et a donné naissance à une petite ulcération arrondie qui occupe le niveau de la face dorsale de la première articulation. La main est chaude quand elle est bien enveloppée; à l’air, elle se refroidit et devient notablement plus froide que l’autre. L’artère radiale se sent bien au-dessous de la cicatrice. Les trois derniers doigts se contractent assez bien, mais incomplè- tement, et on sent un tiraillement de la cicatrice qui semble prouver que les tendons ont été coupés. L’index se remue à: peine dans son 140 articulation avec le métacarpe; le pouce remuce également un peu, mais n’est opposable qu'avec la première phalange de l’index. Le ma- lade, malgré le froid, a laissé sa main à l'air. Il l’a frictionnée avec de l’eau-de-vie camphrée, mais les phlyc- tènes se sont montrées avant les frictions. La main est gonflée depuis la coupure; mais il n’y a pas d’atro- phie musculaire. Les frictions, le massage ont amené du soulagement et une dimi- nution de l’enflure. M. CHARCOT rappelle un faitanalogue, publié par lui dans le jour- nal de M. Brown-Séquard en 1859. Il s’agissait d’une lésion du nerf médian, mais le nerf était com- pris dans un abcès. I1 y eut sur la peau des bulles, des phlyctènes, des ulcérations, puis des cicatrices indélébiles. Ici, des phénomènes analogues se produiront sans doute, et en présence de ces conséquences, ne pourrait-on pas proposer la sec- tion complète du nerf? M. BRowN-SÉQUARD : Ici, il y a, en effet, une cause évidente d'ir- ritation et il seraït important de la faire disparaître. Sur un malade que j'ai observé, il y a eu atrophie et hyperesthésie. Mais le nerf radial seul était sectionné. Le bout central était irrité ; enfin, il y a eu action ascendante sur la moelle épinière. — M. G. POUCHET, qui avait demandé la parole dans la dernière séance, pour une communication sur la léle osseuse des poissons, croit devoir ajourner ce sujet pour entretenir la Société de faits anato- miques qu'il regarde comme nouveaux, et qui font suite à une com- munication qu’il a faite à la Société sur les changements de colora- tion des poissons et le rôle du système nerveux dans cette fonction. I1 devenait en effet intéressant de rechercher s’il existait des con- nexions entre les nerfs et les cellules pigmentaires, auxquelles M. Pouchet propose de donner le nom de chromoblastes. Il fait re- marquer que la substance colorante, tantôt à l’état de dissolution dans la matière sarcodique et tantôt à l’état de granulations, est jaune, orangée ou rouge passant au brun, et enfin au noir. Ces nuances appartiennent donc à la moitié la moins réfrangible du spectre. M. Pouchet, en recherchant les connexions qui peuvent exister entre les nerfs et les chromoblastes, pour éviter toute dilacération des tissus et observer les différents éléments en place, a choisi la na- geoire pectorale de jeunes turbots longs de 35 à 40 millimètres. 141 Après avoir coupé celle-ci sur lanimal vivant et l'avoir traitée par VPacide acétique faible pour enlever l’épithélium, il traite l’organe par le carmin et l’observe ensuite sous la glycérine. On peut même, avec de puissants objectifs (10 immersion Nachet), observer les éléments anatomiques x situ. Les nerfs sont tout d’abord reconnaissables : ils sont placés le long des capillaires et toujours d’un seul côté. Ce sont des filets formés de fibres päles présentant des noyaux ovoiïdes très- allongés offrant tous les caractères des noyaux des fibres de Remak. On découvre aussi très-facilement des fibres isolées qu'on suit dans une grande longueur et présentent les mêmes noyaux. Il est facile de voir un certain nombre de ces fibres venant plonger dans la substance sarcodique des chromoblastes, où on les perd aisément de vue, à cause des granulations pigmentaires. Mais celles-ci, à leur tour, peuvent aider à établir que la connexion entre là substance sarcodique et l'élément nerveux est intime. Quand la substance sarcodique s’est étalée, entrainant avec elle ses granulations pigmentaires et qu’elle se rétracte, elle laisse le plus souvent, au milieu de tissus, un cer- tain nombre de ces granulations. Ceci se voit très-bien et provoque sous le microscope, par l'électricité, le retrait des chromoblastes. Or on trouve très-souvent sous le trajet des fibres nerveuses qu’on voit arriver dans la substance des chromoblastes rétractés, un certain nombre de ces granulations pigmentaires évidemment abandonnées par la substance sarcodique dans son retrait, et qui restent adhé- rentes à la fibre nerveuse. En sorte qu’il n’est pas douteux que la substance sarcodique de ces éléments, quand elle se dilate et sé con- tracte, soit en contact absolument intime avec l’élément nerveux. La présence des granulations pigmentaires ne permet point de pousser plus loin les recherches. À une remarque de M. Vulpian qui, rappelant la difficulté de ces recherches, et la confusion possible, demande si l'observateur a suivi ces filaments jusqu’à des tubes à double contour. M. Pouchet répond qu'il n’a point vu, à la vérité, les éléments nerveux en contact avec les chromoblastes se continuer eux-mêmes avec des tubes à myéline qui, d’ailleurs, n'existent point dans les lames recirées entre les rayons. Mais il croit que la disposition des fibres nerveuses près des capillaires et la présence des noyaux sur leur trajet, est une preuve suffisante pour établir que ce sont bien en réalité des éléments ner- veux. À une remarque de M. Ranvier, si M. Pouchet regarde les noyaux comme l’analogue des noyaux des fibres de Remak, ou si ce sont des éléments nerveux que l’observateur croit avoir trouvés, M. Pou- chet répond que des noyaux sur le trajet des fibres nerveuses pâles 142 sont une des préparations colorées au carmin de la manière la plus nette. — M. le docteur PRÉVOST (de Genève) donne communication de plusieurs travaux qu’il a faits soit en collaboration avec le regretté savant docteur Waller, soit seul depuis sa mort. Le premier travail concerne la régénéralion des nerfs chez les ani- maux paraplègiques. Dansdes expériences entreprises avec notre regretté collègue le docteur Waller, nous avons constaté, dit-il, que chez les animaux paraplégiques les nerfs sciatiques sectionnés ou simplement compri- més, entre les mors d’une pince, se dégénéraient et se régénéraient de la même facon et dans le même espace de temps chez les animaux paraplégiques que chez les animaux sains. Ces observateurs sont arrivés à ces résultats en faisant, es un certain nombre de rats et de cochons d’Inde, une section transver- sale complète de la moelle épinière, ou une hémi-section du côté où on opérait le sciatique, et cela dans la région dorso-lombaire. Quand les animaux furent guéris de cette opération préalable, ils firent l’attrition d’un des nerfs sciatiques, en opérant simultanément de la même manière des animaux sains de même taille, et ils purent comparer les diverses phases de la dégénération et de la régénéra- tion dans les deux séries d'animaux paraplégiques et sains ; le pro- cessus fut le même. CONTRACTION DES VASO-MOTEURS DU CERVEAU, par le docteur PRÉ- VOST (de Genève) et feu le docteur WALLER. L’excitation électrique du bout céphalique des nerfs sympathiques provoqua chez un lapin l’apparition des convulsions que nous n’ob- tenions pas par une ligature, probablement incomplète des carotides et des vertébrales. Ce fait nous a paru être une preuve évidente de la contraction des vaisseaux cérébraux, la galvanisation du sympathique complétant ainsi par le rétrécissement des vaisseaux une anémie cérébrale in- complète. M. BrowN-SÉQUARD rappelle, à ce propos, les expériences faites par Kussmaul et Tenner. Il ajoute qu’il y a influence exercée daus ces cas sur les vaisseaux cérébraux, et elle est exercée par le grand sympathique. Le grand sympathique, en agissant dans lattaque d’épilepsie, ajoute unc çause, et n’est pas la cause même de l'attaque. 143 Ce n’est pas la seule contraction des vaisseaux qui agit; elle ne suffirait pas. OBSERVATIONS RELATIVES AUX CAUSES DES PREMIÈRES RESPIRATIONS DU FŒTUS, par le docteur PRÉVOST (de Genève), membre corres- pondant. La cause de la première respiration est encore chose contestée. L’excitation du bulbe par du sang désoxygéné ou chargé d'acide car- bonique à la suite de l'arrêt de la circulation placentaire est regardée par plusieurs auteurs comme la cause principale et même unique de la première respiration. Pfluger, ouvrant des femelles de lapin près de mettre bas (PFLU- GERS ARCHIV), a observé que les fœtus respiraient, d’une manière très-vague, dans la cavité de l’amnios, et n’offraient aucun symptôme de dyspnée et d’asphyxie, lors de l’interruption de la circulation placentaire. J’ai répété cette expérience sur un assez grand nombre de fe- melles de rats albinos, la transparence des tissus rendant l’observa- tion plus nette. En ouvrant l’abdomen et sectionnant longitudinale- ment l’utérus sans toucher aux membranes de l’œuf, j’ai pu observer que, après avoir exécuté un certain nombre de mouvements respi- ratoires qui devenaient plus intenses quand l’œuf était détaché de Putérus et la circulation complétement interrompue, le fœtus s’ar- rêtait de respirer et restait immobile, sans jamais présenter des symptômes de dyspnée intense, ni de convulsions comme lanimal adulte qui subit l’asphyxie. ' Si, après une immobilité de cinq ou six minutes et même davan- tage, on sort le fœtus de l'œuf et qu’on le mette à l’air, et surtout si l’on excite la peau, ou qu’on insuffle un peu d’air dans les poumons, très-ordinairement la respiration s'établit de nouveau. Il me semble donc probable que Pexcitation du bulbe, tout en étant une des causes principales des premières aspirations du fœtus, n’est pas la seule qui y concourt, et que l’action de l’air ne doit pas être complétement mise de côté. RÉGÉNÉRATION COMPARATIVE DES NERFS COMPRIMÉS ENTRE LES MORS D'UNE PINCE ET DES NERFS SECTIONNÉS; par le docteur PRÉVOST (de Genève), membre correspondant. M. Schiff a avancé, il y a quelques années (C.-R. ACAD. DES SCIENCES), que les nerfs simplement comprimés entre les mors d’une 144 pince se régénéraïent moins vite que ceux qui avaient subi une sec- tion complète. J'ai répété un assez grand nombre de fois cette expérience sur des rats, et je suis arrivé à des résultats contraires. Chez un certain nombre de rats j’ai sectionné le sciatique; sur un même nombre de rats de la même portée ou du même âge, j'ai com- primé le sciatique dans une ligature que j’enlevais de suite, ou plus simplement j'ai fait l’attrition complète du nerf, en un point, entre les mors d’une pince à dissection. Je constatai alors que le doigt externe était insensible et que l’at- trition ou la section avait été complète. Examinant de temps en temps la sensibilité de ce doigt externe, j'ai constaté que dans mes expériences le rétablissement de la sen- sibilité s’est fait plusieurs semaines plus tôt chez les animaux dont le nerf avait été simplement comprimé que chez les autres. J'ai pu aussi, en examinant au microscope les nerfs, constater anatomiquement une régénération plus prompte pour les nerfs com- primés que pour les nerfs sectionnés. Ce résultat à été constant, et je ne m'explique pàs la cause de divergence qui existe entre mes expériences et celles de M. Schiff. M. Vuzpiax : Ces faits confirment ce qui ressort de la lecture des observations de M. Erb. Au bout de quinze jours, il y avait des fibres régénérées. Mais M. Prévost a-t-il examiné les nerfs au microscope après avoir pincé fortement les nerfs ? M. PRÉVOST : Je constatais l’insensibilité de la patte, mais je n’examinals pas au microscope de suite. M. VULPIAN montre qu'il y a presque toujours des fibres qui échappent à la constrietion; de plus, le nervilème persiste, puis il y a influence des deux in qui ne sont pas placés dans d’assez mauvaises conditions pour ne pas encore réagir l’un sur l’autre. M. BrowN-SÉQUARD : Dans des ligatures aussi, quelque serrées qu’elles soient, il peut échapper des fibres nerveuses. M. ONIMuSs présente un appareil électrique construit pour permet- tre d'obtenir un #aombre d'int-rruntions délerminées par minute. Il rappelle à cette occasion quelques faits consignés dans l’ou- vrage publié dernièrement par lui, en collaboration avec notre col- lègue, le docteur Legros. Il donne des explications sur cet appareil et son fonctionnement, en montrant comment il leur a permis de pousser plus avant leurs recherches. Cette description complète sera publiée en entier. 145 Séamecc du 25 mevembre. M. JoBERT fait part à la Société de recherches sur la queue pre- nante des singes. L Ces observations ont été faites au Muséum et poursuivies sur la queue d’une attelle, conservée dans l’alcool et que M. Broca avait mise à sa disposition. Le présentateur insiste sur la structure des terminaisons nerveuses (corpuscules de Paccini) et sur la ressemblance entre la queue pre- nante du singe et la main, au point de vue de la structure histolo- gique. — M. BROWN-SÉQUARD communique la relation d'expériences exé- cutées sur des pigeons, et à la suite desquelles il se produit des at- taques d’épilepsie. Ces constatations ont été faites sur cinq de ces animaux. La lésion a consisté, dans les 5 cas, en une altération faite sur l’encéphale. On a pu s'assurer que le cervelet n’était pas lésé, ni les lobes op- tiques, ni les pédoncules cérébraux eux-mêmes. Parmi les phénomènes principaux, on distinguait des mouvements convulsifs, des battements de l’aile comme chez les oiseaux décapités rapidement. M. Magnan, présent à ces expériences, avait observé des attaques semblables chez des oiseaux en leur donnant de l’es- sence d’absinthe. M. Brown-Séquard met sous les yeux des membres de la Société deux cerveaux enlevés à des pigeons qui offraient ces phénomènes. M. VULPIAN rappelle que les pigeons sont des animaux qui ont fréquemment et facilement des attaques convulsives, ainsi qu'il a pu le constater, il y a déjà longtemps, avec M. Philipeaux. Ces expérimentateurs, pour pratiquer des hémorrhagies du diploé, irritaient les vaisseaux; et, dans ces cas, cunstataient des phéno- mènes ressemblant beaucoup à ceux décrits actuellement par M. Brown-Séquard. M. BROWN-SÉQUARD : Je n’ai pas de doute sur le fait rappelé, que les pigeons ont des mouvements convulsifs fréquents dépendant des causes les plus diverses Cela est surtout notable pour le cou, à la suite des plus légères lésions. Mais ici, le type de la convulsior a été identique dans les 5 cas, pour une lésion à peu près la même. Cela est important à noter. Et ce type est spécial. Enfin, on a constaté aussi des mouvements convulsifs des parties postérieures. C. R. 1871. 14 146 M. MAGNAN : J'ai injecté de lessence d’absinthe à des oiseaux (pigeons, poules et à un merle). Dix heures après, les animaux avaient des conne convulsifs notables, avec tournoïiement sur eux-mêmes. Toutefois l'allure de l’épilepsie est ici moins nette que chez les cobayes. M. CARVILLE relate avoir fait aussi chez des pigeons des expé- riences dans le but de produire des injections dans le diploë. Il se servait d’icthyocolle colorée. Il a ohservé les mêmes phéno- mènes convulsifs que ceux signalés plus haut. M. BRoWN-SÉQUARD appelle l'attention sur l'existence de troubles divers survenus chez un cobaye, après une lésion considérable de la moelle épinière. On peut constater sur l'animal ce que les Anglais ont dénommé le bescar (c’est l’escharre des Français). Mais ici la lésion de nutrition a eu lieu du côté opposé à celui où la moelle a été le plus lésée. Toutefois, à cette période, ces lésions peuvent encore guérir par- fois. Alors, les animaux perdent la faculté de voir se développer des attaques convulsives. M. BROWN-SÉQUARD montre un autre cobaye d'expérience, devenu épileptique simple, et présentant de plus de l’épilepsie spinale. Ici, quand on provoque l’épilepsie spinale, on arrête l’attaque d’é- pilepsie simple. Par quelle lésion est-elle produite ? Cette attaque d’épilepsie spinale se communique difficilement. Elle peut être longue. L'une des plus longues que signale M. Brown-Séquard a été de vingt-sept minutes. M. VULPIAN : J’ai eu une malade, à la Salpétrière, dont l’observa- tion, prise et continuée par plusieurs de mes internes, figure dans la thèse de M. Hallopeau, et qui avait des attaques d’épilepsie spinale, les plus grandes que j'aie observées et, fait curieux à noter, la malade avait été épileptique simple autrefois. Elle est prise de raideur dans un de ses membres postérieurs, puis : les attaques passaient dans un autre membre. En sortant de ces accès, la malade était exténuée. Je voudrais demander à M. Charcot, qui a dû faire son autopsie, ce qu’elle présentait de remarquable. M. CHARCOT : La moelle de cette malade que j'ai eu, en effet, à he 4 147 examiner noffrait, chose notable, qu'une très-légère sclérose des cordons postérieurs. Il n’y avait rien dans la substance grise, et c’est une de celles que nous ayons examinées avec le plus grand soin. M. Charcot fait remarquer qu'il a vu Pépilepsie spinale chez les ataxiques. C’est ce qu’il a désigné sous le nom de formes allatoire. Ces phénomènes sont très-nets pendant la vie. Mais il n’a pas encore trouvé sur la moelle de différences micro- graphiques avec les lésions des ataxiques simples. M. VuzprAN insiste pour qu'on ne confonde pas tous les phéno- mènes des mouvements convulsifs des membres inférieurs entre eux. Que lon réserve, par exemple, le nom d’épilepsie spinale au groupe de quelques phénomènes spéciaux. . Cé sera le moyen de mieux s'entendre dans l’analyse des obser- _ vations. M. CHARCOT croit que chez ies animaux on constate toutes les formes, et qu'il est difficile de bien dénommer chacune d’elles par des mots tout à fait spéciaux. M. MAGNAN rappelle qu'avec le concours de M. Jolyet il a produit des attaques spinales chez des chiens auxquels, ayant sectionné la moelle au-dessous du bulbe, il a injecté par la veine fémorale de lessence d’absinthe. Tout d’abord, il n’y à rien eu dans la face; mais plus tard, on a constaté de ce côté, des convulsions. Donc il y a eu des attaques successives. M. BRowN-SÉQUARD, revenant à l’objet de sa communication, rap- pelle qu'il y a des formes d’épilepsie générale très-distinctes suivant les causes. Pour l’épilepsie spéciale, c’est un ensemble morbide particulier dépendant d'attaques spontanées ou facilement provocables. Dans les expériences actuelles, il y a lésion de la moelle épinière, état qui met ces animaux dans la possibilité de ressentir des attaques épileptiformes d’une manière toute particulière. Il a donc voulu montrer aujourd’hui qu’une attaque d’épilepsie générale peut survenir chez un animal qui avait aussi de l’épilepsie spéciale par le fait d’une lésion médullaire. Il y a deux maladies co-existantes, donnant des accès spéciaux, et ne paraissant pas influer l’une sur Pautre. — M. L.-J. Louis REVERDIN relate des observations nouvelles faites au laboratoire du Collége de France sur ce qu’il a appelé, en 1869, la greffe épidermique, peut-être à tort, ajoute l’observateur, car 148 le mot épidermique ne convient pas tout à fait; il n’est pas assez général. # Voici du reste la note remise par M. J.-Louis Reverdin : Au mois de décembre 1869 j'ai eu l’idée de greffer sur la surface granuleuse des plaies de petits lambeaux formés de la partie super- ficielle des téguments; ces petits lambeaux étaient adhérents au bout de vingt-quatre heures; vers le troisième ou quatrième jour une zône épidermique d’abord rouge et lisse, se formait autour d’eux ; le lendemain la zône rouge était devenue grise nacrée, et une nouvelle zône rouge s'était développée autour. En même temps on voyait le petit îlot cicatriciel s’enfoncer au-dessous du niveau des bourgeons charnus ; il se passait là les mêmes phénomènes qu’on observe sur le bord des plaies en voie de cicatrisation. Les expériences que jai pratiquées depuis sur un grand nombre de malades, et qui ont été ré- pétées par plusieurs chirurgiens français et étrangers, ont montré que ce procédé peut donner des résultats pratiques importants; mais je laisse ici de côté ce point de vue de la question. J’ai l’intention de vous communiquer les résultats d'expériences faites sur l’homme et sur les animaux, et de recherches histolo- giques pratiquées dans le laboratoire du Collége de France, sous l’habilc direction de M. le docteur Ranvier. Je dirai d'abord que les lambeaux greffés, enlevés avec une lan- cette se composent de l’épiderme entier et d’une couche plus ou moins épaisse de derme; pratiquement il est presque impossible de ne pas enlever un peu de derme. L'expression de greffe épidermique est im- propre en ce sens, mais pour ma part j'ai transplanté ces lam- beaux sur l’homme, sur des lapins et sur un mouton. Sur l’homme, j'ai obtenu des greffes avec des lambeaux pris sur le sujet lui-même, sur un autre sujet, sur des nègres, sur des lapins. Surle lapin, j'ai greffé des lambeaux du lapin, de l’homme et du chat. Sur le mouton, j'ai greffé des lambeaux provenant de l’homme. ; J’ai dit, tout à l'heure, comment se développaient les îlots autour des greffes; j'ai quelques mots à ajouter relativement aux greffes pigmentées. Elles ont été faites avec des lambeaux provenant d’un nègre et d’un chat noir. J’ai vu ces lambeaux se décolorer peu à peu, devenir complétement blancs, et l’ilot formé autour de la greffe nègre ne présentait par la suite aucune différence avec ceux qui provenaient des greffes blanches. Les îlots cicatriciels présentent une forme à peu près régulière- ment circulaire dans le cas où le lambeau a été placé dans un point éloigné des bords de la plaie; mais il n’en est plus de même quand la greffe est placée près des bords, ou quand deux greffes sont voi- 149 sines. Supposons une greffe placée près des bords de la plaie; l’ilot se forme, mais au lieu d’être plus ou moins exactement arrondi, il est allongé, ovalaire, le développement de l’épiderme étant plus ra- pide sur le côté qui regarde la cicatrice marginale; celle-ci présente bientôt aussi un prolongement plus ou moins marqué qui s’avance vers lilot et, à un moment donné, on voit se former un point épider- mique entre les deux points les plus rapprochés des deux cicatrices : ces points sont quelquefois très-longs et très-étroits. Les choses se passent absolument de la même facon quand il s’agit de deux greffes placées au voisinage l’une de l’autre. J’aborde maintenant le processus histologique ; quelques auteurs français et étrangers ont déjà étudié ce sujet, mais je crois être ar- rivé à des résultats plus complets et plus précis sur plusieurs points importants, Je me suis servi de pièces provenant de greffes faites sur l’homme et sur le lapin; j'ai fait des coupes soit fraiches, soit après durcissement dans l’acide chromique à un cinq centième; je les at colorées au carmin et au picro-carminate d’ammoniaque. Sur la coupe d’une greffe datant de quarante-huit heures, le derme ne parait ni modifié ni soudé; il est quelquefois, sur les coupes fines, dé- taché des bourgeons charnus et flottant; cependant la greffe est adhé- rente, et voici comment : à la limite du lambeau, on voit l’épiderme envoyer un prolongement en forme de bourgeon entre le derme d’une part et le tissu embryonnaire de l’autre; il est en connexion intime avec ce dernier. Quand la coupe, au lieu de tomber comme dans le cas précédent en plein lambeau, tombe au contraire sur son bord, alors les deux bourgeons n’en font qu’un et le derme se trouve com- plétement enveloppé d’épiderme ; ce fait démontre, je crois, que tout autour du lambeau l’épiderme bourgeonne par sa face profonde, de facon à enchässer la greffe à la surface de la plaie ; je propose le nom de bourgeons d’enchâssement pour cette première production épider- mique, qui est constante. On observe, en outre, que les cellules épidermiques du lambeau lui-même sont en desquamation; les noyaux présentent la transfor- mation vésiculeuse. Sur une greffe plus ancienne, datant de six jours par exemple, les bourgeons d’enchassement sont plus développés ; ils longent le derme et poussent dans le tissu embryonnaire de la plaie des prolonge- _ments irréguliers. En outre, leur couche d’épiderme doit fournir à la surface des bourgeons charnus; de distance en distance il part de sa face profonde de nouveaux bourgeons épidermiques irréguliers ; tan- tôt ramifiés, tantôt contenant dans leur fond des globes épidermi- ques analogues à ceux du cancroïde. 150, À la limite extrême de l’ilot, cette couche épidermique s'étale en formant sur la coupe une sorte d’éventail à demi-ouvert, qui pénètre les bourgeons charnus ; les cellules épidermiques, au lieu d’être tas- sées en couches stralifiées, sont comme dissociées en traînées dif- fuses; elles se distinguent des portions voisines par leur, coloration rose par le carmin, tandis que les cellules embryonnaires voisines conservent une teinte un peu plus jaunâtre (acide chromique). Ces cel- lules épidermiques sont volumineuses; elles paraissent presque sphériques et renferment un gros noyau rond. Les cellules embryon- naires renferment deux ou trois noyaux beaucoup plus petits; j’en ai vu quelques-unes au voisinage de l’épiderme en voie de développe- ment, qui présentaient deux noyaux. Dans la partie déjà stratifiée de lépiderme nouveau, j'ai vu quel- quefois de grosses cellules épidermiques à noyau rond, mais tou- jours dans les couches profondes. Jamais je n’ai vu ni cellules épidermiques en voie de prolifération, présentant deux noyaux, ou un noyau en voie de division; jamais je n’ai vu des noyaux disséminés dans une substance amorphe, indi- quant une formation dans un blastème. Il y a donc transformation des cellules embryonnaires des bourgeons charnus en cellules épi- dermiques, au voisinage de l’épiderme greffé ou en voie de dé- veloppement; on ne peut admettre qu'une sorte d’action de con- tact. J’ai cherché vainement le réseau particulier indiqué par M. Co- brat (th. de Montpellier, 1871) dans ce qu’il appelle la zone épidermo- diale. J’ai bien vu un réseau, peut-être artificiel, enfermant les cel- lules embryonnaires, mais sur les pièces durcies il existe partout, et je ne lui ai pas vu de caractères particuliers sur les bords de Pilot en voie de développement. Les cellules épidermiques de la zone de développement ont, comme je l'ai dit, un volume considérable, qu’elles doivent perdre rapide- ment pour se transformer en couches stratifiées à cellules plus pe- tites, polyédriques, à noyau ovalaire plus petit; ce phénomène doit entrer en ligne de compte dans l’explication de l’enfoncement des cicatrices, soit marginale, soit par ilot, au-dessous du niveau des bourgeons charnus. Qu’est devenu le derme pendant ce temps? Il est maintenant soudé, et on voit des vaisseaux embryonnaires le parcourir; ils sont en relation directe avec ceux des granulations sous-jacentes; le derme, en outre, est transformé; à part les fibres élastiques, qui persistent intactes, il est à peu près complétement revenu à l’état embryonnaire. L’adhérence des greffes se fait donc primitivement par les bour- 151 geons épidermiques d’enchâssement; le derme ne se soude que plus tard. Le développement de l’ilot se fait de proche en proche au voisi- nage de l’épiderme, par transformation, à son contact des cellules embryonnaires des bourgeons charnus en cellules épidermiques. M. BERT demande si la description s'applique aux lambeaux d’une espèce transplantés sur une autre espèce, et M. Reverdin répond af- firmativement. M. Bert demande encore si les vaisseaux sanguins des bourgeons charnus pénètrent. M. REVERDIN : J’ai vu, au sixième jour, des vaisseaux passer de lun à l’autre et je crois pouvoir affirmer que la greffe adhère : 1° Par bourgeonnement circulaire; 20 Par la pénétration des vaisseaux. M. BERT : Je croyais autrefois qu’il ne fallait pas sortir des limites de l’espèce pour avoir des adhérences complètes, des soudures avec vaisseaux passant pour ainsi dire d’un animal à l’autre. Ainsi, si on cherchait à faire adhérer un chat et un rat, je voyais les deux peaux refuser d’adhérier l’une à l’autre. Avec des procédés d’expérimentation spéciaux, les animaux pou- vaient vivre. Alors, au bout de quelque temps, il y avait adhérence, mais par les bourgeons charnus,. Dans ces conditions, on pouvait empoisonner le rat en donnant au chat des substances qui passaient d'abord par les vaisseaux. Pour M. Bert, il y a quelque chose ici de différent de ce qu’on entendait autrefois par le mot de greffe. M. CARVILLE demande comment iles éléments colorés du nègre ont disparu ? M. REVERDIN : Le lambeau greffé a pâli peu à peu. Il n’a pas dis- paru. Il s’est décoloré dans ses cellules profondes et il a suivi le sort des autres greffes ordinaires. M. RANViER reprend la discussion à l’occasion du mot greffe, con- testé par M. Bert. Dans toutes les greffes, sans exception, il se fait un second travail. Toujours, les parties circonvoisines font un travail très-important au point de vue de l’avenir de ces parties, et cela est la même chose dans tous les cas: M. BERT voudrait savoir ce qu'il adviendrait si l’on transplantait des parties différentes à un tissu quelconque animal? M. REVERDN\ : On a déjà vu réussir des productions pathologiques que l’on essayait de greffer. 15? D’après M. Billroth, on a greffé des portions de tumeurs (du can- cer) et on aurait réussi. — M. E. VALTAT, interne des hôpitaux, présente à la Société un cobaye sur lequel il a constaté les particularités suivantes : Apparition, à droite, d’une zone épileptogène surajoutée à la pre- mière, chez un cochon d'Inde, ayant subi quelques mois auparavant la section du sciatique gauche. Eruption singulière du même côté que la nouvelle zone. Troubles nutritifs dans le membre opéré. Le cochon d'Inde avait été opéré le 20 avril 1871. Une section pure et simple du sciatique gauche a été faite à la partie moyenne de la cuisse; la plaie s’est réunie par première intention. Le 7 mai, apparition à gauche de la zone épileptogène limitée exactement comme l'a décrite M. Brown-Séquard L’irritation de cette zone détermine d’abord des convulsions partielles dans le mem- bre opéré, puis quelques jours après (17 mai) des attaques com- plètes parfaitement caractérisées. Le 17 juin la sensibilité paraît reve- nue en partie. Vers le commencement du mois d'août, le mouvement et la sensibilité existent assurément, mais moins développés que du côté opposé. À cette époque, d’ailleurs, la zone épileptogène est de- venue beaucoup plus irritable, et un léger pincement suffit pour pro- voquer une ou plusieurs attaques très-complètes. Enfin, vers lecom- mencement du mois de septembre, j'ai pu constater plusieurs atta- ques spontanées chez cet animal. Comme on le voit, ce cochon d'Inde n’a offert jusque-là aucune particularité ; 1l a présenté assez régulièrement tous les phénomènes qu'a décrits M. Brown-Séquard à la suite de la section du scia- tique. Le 8 septembre 1871, cinq mois environ après son opération, l’a- nimal présente pour la première fois un phénomène des plus curieux : Sur la partie latérale droite du cou et de la moitié antérieure du thorax, les poils sont tombés en partie, et il existe uue éruption ca- ractérisée par de gros tubercules recouverts de croûtes brunes épaisses ; çà et là se voient quelques gouttelettes de sang (j'ai plu- sieurs fois surpris l’animal qui se mordait dans cette région, en de- hors de ses attaques). En d’autres endroits, les croûtes sont soule- vées par un liquide séro-purulent; les poux abondent dans cette région. J’avouerai que, tout d’abord, je ne fis aucune attention à cette éruption, que je regardais comme accidentelle. Mais bientôt sa persistance, son immobilité, si je puis dire ainsi, me firent penser à une autre cause. Je songeai alors (20 octobre) à explorer la partie 453 droite de l'animal au point de vue des convulsions. Une très-légère irritation de la joue droite amena une attaque des plus caractérisées. Cette expérience, répétée plusieurs fois de suite, donna les mêmes résultats; il en fut de même des jours suivants, et aujourd’hui 25 novembre la zone du côté droit est aussi irritable au moins que celle du côté gauche. Cette dernière, d’ailleurs, n’a rien perdu de son pouvoir. Je m'étais d’abord demandé si cette faculté épileptogène était bien réelle, ou si, au contraire, les attaques n'étaient pas le résultat d’une irritation indirecte de la zone du côté gauche, par le tiraillement de la peau à droite. Il n’en est rien, car en pinçant fortement, en tirail- lant violemment la peau du côté droit, ailleurs que dans la zone, on n'obtient aucun résultat, et certes dans ce cas l’irritation à distance de la zone gauche doit être bien plus probable que lorsque je pince doucement l’animal. D'ailleurs, la forme si différente des attaques dans les deux cas ne peut laisser aucun doute sur la réalité de cette zone nouvelle. En effet, lorsqu'on pince l’animal à gauche, l'attaque, avant d’être complète, est d’abord hémi-latérale gauche; c’est à gauche que Pa- nimal s’incurve, c’est le membre postérieur de ce côté qui ouvre la scène convulsive. Lorsque au contraire l’irritation est pratiquée à droite, les mêmes phénomènes se reproduisent, mais en changeant de côté, en un mot, l'attaque complète est précédée de convulsions dans le segment hémi-latéral droit, avec courburé de l’animal, de ce côté. J’ai répété un grand nombre de fois cette expérience : toujours elle donne les mêmes résultats. D'ailleurs Cest là un fait connu, indiqué par M. Brown-Séquard, que la courbure du corps et l'attaque partielle ont toujours lieu du côté où siége la zone épileptogène. Chez l'animal que j'ai l'honneur de présenter i! est donc évident qu’une nouvelle zone épileptogène s’est montrée à droite, jouissant des mêmes propriétés que celle de gauche. J’ajouterai qu’elle a exac- tement les mêmes limitesque cette dernière. Quant à l’éruption qui s’est manifestée de ce côté, je ne puis, malgré l’opinion contraire de M. Brown-Séquard, m'empêcher de la considérer comme ayant des rapports intimes avec la nouvelle zone épileptogène ; non pas que je croie cette dernière sous la dépendance de l’éruption en tant que maladie cutanée, mais je pense que ces deux phénomènes reconnaissent une même cause. D'ailleurs cette éruption n’a subi aucun changement depuis son apparition; seuls les poils sont repoussés en partie. Mais ses limites sont exactement les mêmes; les tubercules, toujours aussi gros, aussi durs, les croûtes toujours épaisses. Jamais elle n'a dépassé la €. R. 1871 15 154 ligne médiane ni en haut ni en bas; en avant, elle s’arrête à la partie postérieure de la joue qu’elle respecte; en arrière, elle ne dépasse pas la moitié antérieure de la région thoracique. Enfin, lorsque Pani- mal est pris de ses attaques complètes, on peut voir manifestement que la patte droite ne touche pas la peau de la région indiquée, mais qu’elle en reste à une distance appréciable. Je dois signaler, pour être complet, les troubles nutritifs qui sont survenus dans le membre opéré. Ces phénomènes, pour être fré- quents, n’en sont pas moins intéressants. Le 21 novembre 1871, je me suis apercu que l’animal portait au niveau de larticulation tibio-tarsienne gauche une grosse tumeur ovoïde, violacée, fluctuante par places, analogue pour sa forme à une tumeur blanche du coude; elle est recouverte de quelques croûtes grisâtres dont les unes sont soulevées par du pus, les autres par un liquide filant et visqueux; la pression sur cette région paraît peu douloureuse. M. BROWN-SÉQUARD : J'ai montré un animal analogue. Il y a eu zone épileptogène des deux côtés. Cet animal (cobaye aussi) a guéri; quant au côté lésé, il a perdu les poils et la puissance épileptogène ; pendant quelque temps l’autre côté a conservé cette puissance. Aujourd’hui l’animal est tout à fait guéri. Il y avait une très-grande zone épileptogène, plus grande qu'après une simple section du sciatique. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE DÉCEMBRE 1871; Par M. H. LIOUVILLE, SECRÉTAIRE. PRÉSIDENCE DE M. CL. BERNARD. Séance du 2? décembré. A l’occasion du procès-verbal : 1° M. BROWN-SÉQUARD annonce qu’il a repris les expériences sur l’épilepsie produite chez les pigeons. Il y a eu, en effet, hémorrhagie du diploé; mais ce n’est pas elle, qu’elle soit dans l’intérieur ou qu’elle soit à l’extérieur du crâne, qui amène les phénomènes épileptiformes, comme s’en est assuré l’expé- rimentateur. Donc, la lésion du diploé n’a rien à faire avec la produc- tion des attaques dans ces cas. La lésion était en avant du chiasma, à la base de l’encéphale; 20 M. Brown-Séquard revient, en les complétant, sur des présen- tations antérieures relatives à des modifications de nutrition chez des cobayes affectés d’épilepsie après des traumatismes de la moelle épi- nière. Il y a une région presque spéciale qui a la forme d’un triangle formé au cou, allant vers les angles de la mâchoire. Le travail mor- bide produit d’abord chute des poils, puis phlyctènes et croûtes pu- 156 rulentes. Puis les poils repoussent. Quelquefois à ce moment, il y a guérison temporaire. Or, ces lésions ne peuvent être attribuées qu’au système nerveux, et non à des actions de se gratter, par exemple, à des causes de traumatismes quelconques. M. L BORDE: Les phénomènes de nutrition modifiée sont fréquents, on le sait, à la suite de ce genre de traumatisme. Ils tiennent aussi, pour moi, aux lésions du système nerveux. J’ai fait faire un tégu- ment spécial pour couvrir ces animaux, et malgré cette précaution, il y a eu des troubles de nutrition tout à fait particuliers. Or, j’ai ob- servé ces faits, non pas seulement chez les cobayes, mais aussi sur des grenouilles. Après section du nerf sciatique chez une grenouille, mise dans un flacon dans de bonnes conditions, il y a eu mêmes lé- sions à la patte de l'animal opéré. M. BROWN-SÉQUARD : Je n’ai jamais pu produire ces mêmes lé- sions chez des grenouilles. M. LABORDE annonce qu'il les montrera sur ces animaux, qu'il placera sous les yeux des membres de la Société. — M. BROWN-SÉQUARD relate de nouvelles expériences sur l’ap- née. Déjà il les avait tentées au laboratoire de l’Ecole normale avec l'acide carbonique, se servant d’un courant très-fort que voulait bien préparer M Deville. Ici, il a été aidé par M. Dupuy et par M. Lépine L'animal était d’abord empoisonné par la strychnine, puis il rece- vait le courant d’acide carbonique qui n’allait pas dans les poumons. Or, les convulsions ont été très-diminuées. En faisant passer ce courant d’acide carbonique dans la trachée, vers le larynx, les convulsions ont diminué d'intensité et se sont même arrêtées. M. Brown-Séquard croit que les convulsions s’arrè- tent dans ces cas sous l'influence de lirritation de la muqueuse la- ryngienne par l’acide carbonique. L’oxygène, lorsque le courant qui y est dirigé est assez fort, détermine le même phénomène; ce n’est pas grâce à l'entrée d’une plus grande quantité d'oxygène dans le sang que cette modification du nombre et de l'intensité des attaques a lieu. Si l’on fait arriver l’oxygène dans les poumons par la trachée, mais en ne passant pas par le larynx, cette modification n’a pas lieu. M. Brown-Séquard croit que les convulsions s'arrêtent par in- fluence de l’irritation de la muqueuse par l'acide carbonique. Ce n’est donc pas l'entrée d’une grande quantité d'oxygène dans le sang qui amènerait cette heureuse modification, qui, souvent aussi, fait dimi- nuer la durée des attaques. 157 M. CLAUDE BERNARD : L'arrêt de ces convulsions dépend de l’irri- tation des nerfs laryngés. Donc, si on coupait le nerf laryngé supérieur, on ne pourrait plus produire ces effets. M. BRoWN-SÉQUARD : de ne l’ai pas encore fait, mais je vais le faire. C’est bien en injectant dans le larynx de Pacide carbonique, de l’hydrogène et non de l'oxygène dans les poumons. M. CLAUDE BERNARD : On peut mettre un tube dans le larynx. M. BRoWN-SÉQUARD : de dois rappeler aussi que déjà M. Moyse, expérimentant d’après les conseils de M. Claude Bernard, a montré que l’action du chloroforme est beaucoup plus lente quand les nerfs sont coupés. Enfin, en 1849 ou 1850, j'ai montré qu'un animal dont.on tire la tête en l’air a de l’apnée. M. Bert : M. Brown-Séquard a-t-il fait les mêmes expériences sur le nerf nasal ? M. BRowWN-SÉQUARD : Je n’ai pas fait l'expérience avec la strych- nine; mais je l’ai faite chez des animaux épileptiques. Or, il y a des effets notables en pinçant le nez. — M. BROWN-SÉQUARD montre un chien offrant l’exemple d’une rigidité cadavérique très-longue, car il y a, dit-il, quatorze jours que l'animal a succombé. Il est mort par arrét du cœur en inhalant du ehloroforme. Déjà M. Brown-Séquard aurait vu un chien rester ainsi vingt-sept jours. La température était basse. L’animal actuel est resté au laboratoire, qui est assez bien chauffé )le plus souvent 15, 16, 18 degrés centigrades). Or, ce chien est en- core rigide, et il y a quatorze jours qu'il est mort. M. BERT, à propos des expériences de M. Moyse sur la chlorofor- misation des animaux auxquels les deux nerfs pneumogastriques ont été coupés, déclare qu'il a toujours vu que la chloroformisation, dans ce cas, est très-redoutable pour les animaux. Il faut prendre les plus grandes précautions pour ne pas les tuer dès les premières inhala- tions; mais on parvient cependant à les endormir. On a donc eu tort de dire, dans certains articles d’un dictionnaire récemment paru, qu'il est impossible de chloroformiser les animaux ainsi opérés ; on ne les chloroformise que trop aisément. Relativement à la question de la rigidité cadavérique, M. Bert rap- pelle des faits qu'il à signalés sur la mort de canards tués par une très-forte excitation du bout supérieur du nerf pneumogastrique. 158 Chez ces oiseaux, la mort était soudaine, les actions réflexes, l’irrita- bilité musculaire disparaissaient très-rapidement, et la rigidité cada- vérique se manifestait au bout de quelques minutes. M. CHARCOT : Le genre de mort a beaucoup d’influence sur la durée de ces phénomènes. Le foudroiement, qui n’amène pas d’ago- nie, amène une rigidité cadavérique très- pipe et par suite une putréfaction très-rapide. M. BRoWN-SÉQUARD : dJ’ai voulu autrefois reproduire expérimen- talement des phénomènes analogues à ceux de la foudre. Cela n’est pas aussi simple qu’on le penserait, car la foudre amène des trans- formations de toutes les forces de l’animal. Il y a plusieurs années déjà, j'ai fait à la Société royale de Lon- dres une LEÇON CROONIENNE sur les causes de la rigidité musculaire et sur sa durée. Je disais en résumé que les muscles mis en jeu avec une grande énergie offrent des phénomènes particuliers. Dans le tétanos, chez l’homme, on voit après la mort la rigidité cadavérique très-rapide. Les noyés sont rigides très-tard, ils sont tués en pleine santé. M. CHARCOT : Sur les champs de bataille, on décrit des attitudes les plus bizarres, qui seraient survenues très-rapidement. Il y a un travair de Kusmaul où se trouve en partie ce qu’il y a d’intéressant sur ce sujet. M. Broww-SÉQUARD : Il y a des individus foudroyés et qui ne meurent que quelques heures après seulement, et la rigidité cadavé- rique n’est encore que tardive à se produire. Donc, pendant son in- tensité, la foudre agirait comme le galvanisme. Sur le champ de bataille, on a constaté que des soldats morts de- viennent rigides très-promptement. C’est vrai; ainsi des soldats à cheval, tués instantanément, sont trouvés de suite rigides, encore en selle, et tenant quelquefois leurs armes à la main. Par l’expérimentation, j'ai vérifié que la loi qui préside à ces phé- nomènes était aussi complète que possible. M. CARVILLE : J’ai vu faire à M. Lannelongue, à l'Ecole pratique, une expérience qui me paraît intéressante à rappeler ici. Un animal, un lapin, était agité à tour de bras en le faisant tourner rapidement. Or cet animal était rapidement aussi en rigidité cadavé- rique des plus notables. M. LIOUVILLE demande si on ne peut pas comparer ce dernier fait expérimental à ce qui arrive aux lièvres chassés pendant longtemps, que l’on ne tue point, qui meurent ainsi forcés; ceux-ci, en effet, offrent la rigidité la plus absolue. Et, de plus, on remarque une chose 199 curieuse : ces animaux ne sont pas mangeables; il y a une différence absolue avec ceux de la même espèce qui sont tués d’une facon or- dinaire, sans avoir été forcés. M. LABORDE : La rigidité cadavérique est soumise aux causes les plus variables. De plus il y a liaison entre la rigidité et la tempé- rature. M. Laborde a fait des recherches sur ce point et les résume ainsi : « La rigidité cadavérique dure d'autant plus longtemps que les phé- « nomènes de température baissent moins. » M. Laborde communiquera, dit-il, des faits à l'appui de cette der- nière assertion. À la demande de quelques membres de la Société, une expérience est faite publiquement sur une des assertions énoncées plus haut. Un lapin a été secoué à tour de bras par différentes personnes (pen- dant douze à quatorze minutes). [l paraissait mort après ce temps ; il y avait exophthalmie et de suite état de flaccidité générale. Un quart d'heure après, la rigidité commençait. Une demi-heure après la rigidité était très-notable. — M. A. BARÉTY lit la note suivante sur le réveil et la marche de l’'Helianthus sous l’influence des rayons solaires : Je désirerais entretenir la Société de quelques résultats que j'ai pu obtenir en étudiant de près, et par un essai de méthode graphi- que, le réveil et la marche de l’Hélianthus, tournesol ou grand soleil des jardins, sous l'influence des rayons solaires. Cette étude est fort incomplète, je le sais, et vous pourrez vous en apercevoir, mais les résultats auxquels je suis arrivé m’ont paru assez intéressants pour que le désir me vint de les soumettre à votre appréciation. Au mois de juin de l’année dernière, je me trouvais dans les Al- pes-Maritimes. Dans le jardin de mon père, j'avais semé et vu croître quelques plantes de grand soleil. Je m'étais attaché à ces plantes dans l’espoir d’abord vague de faire sur elles quelques ob- servations concernant leurs mouvements; puis, quand ces Hélian- thus furent adultes et pleins de vigueur, je choisis pour mes obser- vations celui qui me parut le mieux exposé et le mieux déve- loppé. Pour cela faire, c’est-à-dire pour étudier les mouvements qu’exé- cute l’Hélianthus sous l'influence des rayons solaires, j'ai dressé de- vant celui que j'avais choisi un appareil grossièrement construit : un pieu vertical surmonté d’une planchette horizontale. A l’extré- mité occidentale de cette planchette, une tige verticale pour noter 160 les différents degrés d’élévation. Dans le milieu de la fleur et perpen- diculairement au plan qu’elle forme, une tige de 15 à 20 centimètres, à l'extrémité libre de laquelle pendait une seconde tige fort légère aussi. Ces deux tiges, formant angle droit entre elles, devaient na- turellement se mouvoir avec la fleur et me donner l’écartement. J’a- joute que, sur le côté occidental de la tige principale que porte la fleur, se trouvait placée horizontalement une troisième tige, qui ser- vait d’aiguille pour la tige verticale fixée sur l’extrémité occidentale de la planchette. (Voy. pl. XIIT, fig. 1) À laide de cet appareil fort primitif, je pus me convaincre tout d’abord, par des observations prises dans le jour, à des heures indif- férentes, que la fleur exécutait des mouvements très-appréciables. J'aurais pu alors établir un appareil qui m’eût permis, non-seule- ment de constater ce mouvement avec plus de précision, mais encore de charger l'Hélianthus d'inscrire lui-même ses propres mouve- ments. Certes, rien ne pouvait être plus attrayant; mais j'étais pressé d’assister au réveil de mon Hélianthus. C'était le 16 du mois de juin 1870. Dès quatre heures du matin, je fus exact au rendez-vous que je m'étais donné. Il importe de dire que le temps était calme et le ciel sans nuage; tout annonçait une belle matinée et une belle journée. Je trouvai mon Hélianthus plongé dans le sommeil, et je me gardai bien de le secouer. Dès la veille, l'appareil était prêt; je n’y touchaiï point et j’attendis : à qua- tre heures et demie, l’'Hélianthus parut sortir du sommeil dans le- quel il était plongé. L’horizon s’éclairait au levant et le soleil se préparait à envahir la demeure de mon Hélianthus. Je ne le perdais point de vue et je vis alors la tige ou aiguille qu’il portait en son front se diriger vers le levant. A six heures et demie, c’est-à-dire une heure après, elle revenait sur elle-même. A sept heures, elle se porta de nouveau vers le levant, puis, à sept heures et un quart, elle revenait sur elle-même et continua sa course vers le midi et le cou- chant. Pendant que la fleur exécutait ce mouvement de latéralité, elle exécutait un mouvement ascensionnel et atteignait son maximum d’élévation à sept heures et un quart. Puis elle s’inclinait jusqu’au point qui correspond à huit heures et trois quarts, et elle me parut en rester là quelque temps; l'observation exacte cesse d’ailleurs à huit heures trois quarts. J'étais debout devant l’Hélianthus depuis près de cinq heures. Le tracé que j'offre ici est artificiel : il est cinq fois plus grand que le tracé primitif, mais il est facile de comprendre que son étendue dépend de l’étendue même des tiges ou aiguilles J’ai construit ce 161 tracé après coup, en reliant les différents points correspondant à des heures diverses. (Voy. pl. XI, fig. 2.) Les lignes horizontales doivent être considérées comme superpo- sées. Ces lignes, en réalité, devraient être courbes; mais j’ai dû né- gliger cette courbure, mon observation n’ayant pas duré assez long- temps. Les lignes ascendantes obliques devraient être de même courbes au lieu d’être droites, mais j’ai fait ici ce que l’on fait généralement dans les tracés thermométriques : j’ai simplement relié les points entre eux. Malgré ses imperfections, je pense que ce tracé peut nous conduire à poser quelques conclusions. Nous avons ici exprimé par ces lignes deux sortes de mouvements : Un mouvement de déplacement latéral et un mouvement d’ascension. Ces deux mouvements coïncident. En d’autres termes, il existe un mouvement de lorsion et un mouvement de rectification. Le mouve- ment de torsion se rapporte au mouvement de déplacement latéral pendant lequel les fibres longitudinales de la tige doivent forcément se tordre; le mouvement de rectification se rapporte au redressement de l'extrémité supérieure de la tige de tournesol qui naturellement se recourbe pour se confondre avec le réceptacle de la fleur. F Mais tandis que le redressement de la tige se fait une seule fois dans un même espace de temps donné, et se trouve suivi d’un mou- vement de descente unique aussi, le mouvement de torsion se fait à deux reprises. À côté des faits observés, il faut une interprétation. Il me paraît évident qu'ici la lumière solaire joue le premier rôle. C’est elle qui, le matin, vient exciter notre rétine à travers nos paupières closes et nous éveille. De même, c’est elle qui, par l'influence qu’elle exerce sur les plantes, et notamment sur les Synanthérées, famille à la- quelle appartient l’Hélianthus, leur fait exécuter divers mouvements, les éveille et les maintient dirigées vers son foyer qui est le soleil. Ce n’est pas tout, car il faudrait savoir quel est ici le mode d’ac- tion de la lumière, par quel mécanisme intime elle arrive à faire exé- cuter divers mouvements à un certain nombre de plantes spéciale- ment. Et dans le cas présent, il importerait de savoir pourquoi le mouvement d'élévation ou d’ascension, suivi de descente, est unique, et pourquoi le mouvement de déviation aller et retour est double. Peut-être pourrait-on admettre de la part de l’Hélianthus une sorte de surprise par cette première clarté qui précède le lever du soleil, surprise qu’exprimerait le premier aller et retour. En comparant le tracé vertical et le tracé horizontal, on reconnai- c. R. 1871 16 162 tra qu’il existe certaines différences intéressantes. Aïnsi, dans le tracé horizontal, si nous comparons les deux paires de lignes qui indi- quent l’aller et le retour, nous voyons que la ligne du premier retour comparée à celle du premier aller indique de la part de la fleur une facilité plus grande à revenir au point de départ qu’à quitter ce point de départ pour se porter vers le soleil levant puisque, dans un même espace de temps donné, la fleur, dans son retour de sa promenade vers le soleil, parcourt une distance plus considérable, Tanilis que la ligne indiquant le second retour comparée à celle qui exprime le se- cond aller indique de la part de la fleur moins de facilité à revenir au second point de départ, puisque, dans un même espace de temps donné, la fleur, en retournrnt (pour la deuxième fois), parcourt une distance moins considérable, ainsi qu’on peut s’en convaincre en examinant le tracé avec attention. D’autre part, il est facile de voir que le mouvement ascensionnel est graduel, continu, et que le mou- vement de descente l’est de même, et que, dans ce mouvement de descente pour un même espace de temps donné, la distance parcou- rue est la même. Ce mouvement de descente ou d’inclinaison de la fleur n’est donc pas l’effet d’une sorte de lassitude que l’on serait porté à admettre au premier abord. Cette lassitude, on pourrait peut- être l’admettre dans ce premier mouvement d’aller et retour que j'ai appelé mouvement de surprise. En effet, la detorsion se fait avec beaucoup plus de facilité dans ce premier retour ou recul que dans le second. Je me réserve d'observer à l'avenir ces phénomènes et de con- struire un appareil plus précis qui me permette de faire inscrire à l'Hélianthus lui-même la courbe exacte de ses mouvements, non- seulement à l’état adulte, muis encore aux différentes périodes de sa croissance. Il sera aussi intéressant d'étudier ces mouvements avec une lu- mière artificielle en variant l’intensité de cette lumière. # M. P. BERT engage vivement M. Baréty à poursuivre ses expé- riences ; il faudra d’abord déterminer dans leurs détails les mouve- ments de l’Hélianthus pendant vingt-quatre heures entières; puis étudier les modifications que pourraient y apporter l'obscurité ou l’é- clairage continus Il rappelle à ce propos le résultat des expériences qu’il a entreprises sur la sensitive et notamment les observations qu'il a faites pendant dix-sept jours et dix-sept nuits consécutives sur l'influence de l'éclairage ou de l’obscurité continus. Dans les mouvements du soleil, il doit y avoir des phénomènes héliotropiques et des phénomènes de sommeil. Il est à présumer que les premiers 163 disparaissent sous l'influence de l'obscurité prolongée, tandis que les derniers persistent. On pourra donc tirer de là un résultat très-utile pour la physiologie végétale. Mais ce qu'il y aura de plus important sera de faire l’étude, aux diverses heures de la journée, de la com- position chimique du pédoncule qui porte le réceptacle floral de l’'Hé- lianthus. La grosseur de cet organe permettra de faire des analyses qui n’ont pu donner de résultats pour le si petit renflement moteur des pétioles de la sensitive. — M. G. DAREMBERG, au nom de M. le docteur PETER et au sien, fait la communication suivante : Dans le cours de quelques maladies et surtout dans les derniers moments qui prècèdent la mort, la quantité d’urine rendue devient presque nulle. Il nous a paru utile de rechercher ce que devenaient alors les produits de la désassimilation qui ne pouvaient plus être re- jetés par le rein. Les faits suivants montrent que ces détritus de la combustion, encombrant le sérum du sang, sont expulsés par les au- tres humeurs normales ou pathologiques de l’économie. lo Analyse de la sueur d’un agonisant. Un vieillard de l'asile Larochefoucauld présentait sur son front une poussière blanche qui se reproduisait dès qu’on la détachait. Ce vieillard avait cessé complétement d’uriner depuis quatre jours. Une compresse empreinte de cette poussière a macéré dans l’eau tiède. Nous avons reconnu la présence dans ce liquide : 1° De carbonates neutres, caractérisés par une vive effervescence avec l’acide nitrique et par un précipité blanc produit à froid par les chlorures de calcium et de barium; 20 De l’acide urique, par la coloration rouge de la murexide donnée à l’aide de l'acide nitrique et de l’ammoniaque; 3° De la chaux, que nous avons reconnue grâce au précipité pro- duit par l’oxalate d’ammoniaque dans la liqueur neutralisée. Les réactions des autres bases faisaient complétement défaut. 20 Analyse de l’ascite d’un agonisant. Un vieillard, atteint de cancer de l'estomac et de péritonite cancé- reuse, avait une ascite qui fut ponctionnée quatre heures avant sa mort; depuis trois jours il n'avait pas uriné une goutte de liquide. On retira 15 litres de sérosité; elle contenait 6 grammes d’urée par litre ; il y avait donc en tout 90 grammes d’urée. 3° Analyse d'urine: et d'ascite dans une albuminurie. Une malade, couchée au ne 16 de la salle Saint-Anne (hôpital de la 164 Charité, service de M. le professeur Sée, suppléé par M. Peter), -avait, à la suite d’un séjour prolongé dans un lieu humide, pendant le mois de mai 1871, contracté une maladie de Bright et présentait, depuis le 10 septembre, les symptômes de l’urémie. Le 21 septembre, nous avons analysé l’urine et le liquide d’ascite de cette malade. 1° Analyse de l’urine. Quantité rendue en vingt-quatre heures : 400 grammes. Réaction acide. Dépôt d’urates et de cylindres granuleux. Poids d’urée : 28r,67. Poids d’albumine sèche : 1 gramme. 2° Analyse de la sérosité ascitique. Quantité totale : 12 litres. Densité : 1,006. Réaction légèrement alcaline. Dépôt de triple phosphate. Quelques flocons fibrineux sont précipités au bout de dix-huit heures. Après avoir coagulé l’albumine d’une quantité déterminée du li- quide, on a évaporé à siccité la liqueur filtrée et on a repris le résidu par l'alcool absolu. La dissolution alcoolique, filtrée à son tour, a été évaporée à consistance sirupeuse; elle présentait une coloration brun- jaune et avait absolument l’odeur de lertrait de viande Liebig. Elle a été alors traitée par une solution concentrée de chlorure de zinc, qui a formé un abondant précipité de chlorure de zinc et de créatinine, et de chlorure de zinc et de créatine. On a de nouveau filtré la li- queur, dont quelques gouttes ont été recueillies sur deux verres de montre, évaporées doucement et reprises par quelques gouttes d’eau distillée. Dans l’une des solutions, on a déposé une goutte d'acide nitrique pur et dans l’autre une goutte d’acide oxalique concentré. Aussitôt sont apparus dans les deux solutions de nombreux cristaux en forme de tables rhomboïdales et hexagonales imbriquées les unes sur les autres; formes caractéristiques du nitrate et de l’oxalate d’urée. Pour doser l’albumine, nous avons opéré sur une portion de li- quide purifié par les manipulations précédemment indiquées (12 li- tres) : Pordsd'urée 0 it MONT en — albumine sèche. . . . 182 4 — matières solides. . . . 284 4 165 Cette malade fut ponctionnée une dizaine de fois et ses jours fu- rent ainsi prolongés pendant quelque temps; car son péritoine fai- sant les fonctions de ses reins, son sang était en partie déchargé des détritus de la combustion. Cette analyse montre que l’urée n’est pas le seul produit de désassimilation absorbé par le sang dans les phé- nomènes d’urémie, puisqu'on trouve de la créatine et de la créati- nine dans les sérosités. Aussi le mot uwrinémie nous semble-t-il de- voir être préféré à celui d’urémie pour rendre compte de cette intoxi- cation (1). M. CHARCOT : Il eût été également intéressant de faire ressortir ce qu’il y a de nouveau dans les faits qui viennent d’être relatés. Des recherches du même genre ont été entreprises, par des tra- vailleurs d’autres pays, sur les sécrétions supplémentaires. M. G. DAREMBERG : Nous insistons surtout sur la présence de la créatine et de la créatinine, parmi les points qui n’ont pas été très- étudiés. Nous signalons aussi la présence d’un grand nombre d’urates chez les agonisants. — M ARM. MorEau : Le liquide intestinal que l’on obtient par la section des nerfs qui se rendent à une anse intestinale est très-pau- vre en albumine, comme j'ai eu occasion de le dire devant la So- ciété. Je me suis proposé d’obtenir un liquide très-riche en matières albumineuses et j'y suis parvenu comme il suit : La cantharidine forme avec la potasse un sel défini, soluble dans l'eau. Ce sel, je l'ai formé à l’aide de cristaux de cantharidine que je dois à la gracieuseté de M. Fumouze. J’en ai fait une solution au 1/400°, et j'ai injecté à l’aide d’un trocart très-fin 5 centimètres cubes de cette solution dans une anse intestinale formée simplement par l'application de deux ligatures à 12 ou 15 centimètres l’une de l’autre. Le liquide que j'ai obtenu coagulait en masse par la chaleur, et se comportait par conséquent comme celui que l’on obtient dans l’am- poule du vésicatoire. Plusieurs questions se posent à l’occasion de ces deux liquides si différents. Je désire seulement aujourd’hui appeler l’attention sur ce point : que l’on peut placer entre ces deux liquides une série de liquides qui offriront des quantités croissantes de matières albumineuses et qui se produiront, soit dans des expériences spéciales dans lesquelles on mettrait la muqueuse de l'intestin en contact avec des solutions pur- (1) Ces analyses ont été faites au laboratoire de M. Wuriz. 166 gatives diverses, soit qui se produisent naturellement dans divers processus morbides constituant les liquides diarrhéiques. L'importance de l’albumine dans les phénomènes de nutrition fait comprendre l'intérêt que le médecin peut trouver à savoir la compo- sition que présentent ces différents liquides au point de vue de lal- bumine. — M. RABUTEAU fait une communication sur les sels d’argent in- jectés à des animaux. C’est le résultat d'expériences faites avec M. Mouriez. MM. Charcot et Ball ont fait déjà des recherches sur l’absorption du nitrate d'argent : il y a eu mort foudroyante. M. Rabuteau pense que c’est par drrêt immédiat du cœur. En effet, à petites doses, le cœur bat moins vite, puis il y a para- lysie du train postérieur, ce qu'ont déjà signalé Ball et Charcot, puis asphyxie. Mais quelle est la cause de cette asphyxie ? M. Rabuteau croit qu’il ne faut pas impliquer le système nerveux ici. Les observateurs s’arrêtent à l’idée d’une intoxication du sang. Ce sang est visqueux comme celui des cholériques (gelée de groseilles). Ils penseraient donc que c’est du chlorure d'argent, formé dans le torrent circulatoire, qui amène cette modification. Parfois il y aurait de petits cristaux, disparaissant sous l’influence de l’ammoniaque, et qu’on constaterait d’une facon très-nette. La séance est levée à six heures. Séance du 9 décembre. À propos du procès verbal, M. CARVILLE demande à M. Brown- Séquard quels étaient ses procédés pour produire expérimentalement des effets ressemblant à ceux de la foudre. | M. BRowN-SÉQUARD : J’ai fait les expériences de la façon sui- vante : Tout d’abord je dois dire que je n’ai jamais employé l'électricité pure et simple (je n’avais pas alors les appareils spéciaux qui m’eus- sent été nécessaires). J’employais des courants électro-magnétiques. Je plaçais un bout dans la bouche, un autre dans l'anus; ou l’un sur une patte de devant, l’autre sur une patte de derrière de l’ani- mal. Et j'’observais les phénomènes que j’ai signalés. De plus, je n’ai jamais employé le mot foudroiement. J’ai même dit que les animaux résistaient, et quelquefois il leur 167 fallait dix, quinze minutes pour mourir. Mais, quand ils étaient tués, je les jetais de côté et j’examinais leur état de rigidité. Or, l’irrita- bilité musculaire ne durait que quelques minutes (quatre minutes dans un cas). Enfin, j'ai essayé d'établir que lorsque les muscles étaient mis en jeu d’une façon très-violente, la rigidité arrivait plus tôt et avait une durée moindre. M. VULPIAN : J'ai vu qu’on peut à volonté, par le fait de placer un pôle dans la bouche et l’autre dans l’anus, diminuer le nombre des respirations, au point de ne plus en avoir que 6, 4 ou 3. On peut aussi avoir une respiration normale par le même procédé. La vie peut être entretenue, quoique la respiration descende à la volonté de l’expérimentateur au minimum. Dans ces expériences, je me servais de l’appareil de Gaiffe, ordi- naire. M. BROWN-SÉQUARD annonce que le chien présenté dans la der- nière séance (2 décembre) dans un état de rigidité cadavérique de- puis quatorze jours, est encore rigide aujourd’hui. Cela fait trois se- maines. Le cou seul est devenu souple. Les autres membres sont encore raides. — VULPIAN, à l’occasion de la présentation de MM. Georges Da- remberg et Peter (1), dépose une note relative à une analyse de la sérosité d’æœdème et d’ascite, dans un cas de maladie de Bright, faite dans son service de la Pitié, le 2 août 1871, par son interne en phar- macie, M. Guyochin. ANALYSE DE SÉROSITÉS D'ŒDÈME ET D’ASCITE DANS UN CAS DE MA- LADIE DE BRIGHT; par M. Guyochin. L'analyse de la sérosité de l’œdème et de celle de l’ascite a déjà été faite souvent et a montré que ces deux sérosités présentent des différences remarquables. M. Vulpian a pensé qu’il serait intéressant de comparer ces deux sortes de sérosités, recueillies sur un même sujet, dans le cours d’une maladie de Bright. Il m'a engagé à faire ce travail de comparaison et à rechercher surtout les proportions d’urée contenue dans ces deux liquides. Voici les résultats que j'ai obtenus dans un cas bien caractérisé de maladie de Bright (il n’y avait pas eu de diminution bien marquée de la quantité d'urine ex- crétée chaque jour : l’urine n’a pas été analysée). Le ? août 1871, la nommée B. A..., atteinte de maladie de Bright, entre à l'hôpital de la Pitié, salle Sainte-Claire, n° 18, service de M. le docteur Vulpian. (1) Voy. la séance du 2 décembre 1871. 168 Le 4 novembre, les membres inférieurs de la malade sont consi- dérablement œdématiés, et le ventre est très-distendu par de la sé- rosité épanchée dans la cavité du péritoine. A l’aide d’une grosse aiguille, on pratique plusieurs piqûres sur la face externe de chaque jambe. Il se fait un écoulement assez considérable de sérosité par- faitement transparente. En quelques heures on obtient un demi-litre de cette sérosité dont voici l’analyse. Le liquide est incolore, transparent, d’une odeur faible qui rappelle celle de la sueur. Sa réaction est alcaline; sa densité est 1,008. La chaleur et l'acide nitrique y décèlent l’albuminé en quantité peu con- sidérable. 500 grammes de ce liquide étaient composés de : Eau PRE ro On Albumine. + + . 2 35 rée ir aunNEuNur » » Sels divers. . . 7 50 500, 00 Par conséquent, 1,000 grammes sont formés de : AU ANNEE PAM SES 0 Albumine. . . 4 70 Urée NUE AE En » » Sels divers... . . 15 » 1,000, 00 Si j'indique ici labsence d’urée, c’est parce que je n’ai pu en con- stater même des traces, bien que ce fût le but spécial de l'analyse. Le 9 novembre, l'abdomen de la malade est très-distendu. On pra- tique la paracentèse, qui donne 13 litres et demi de liquide transpa- rent, de couleur ambrée, moussant abondamment quand on le trans- vase. L’odeur est particulière, fade. La densité 1,012 et la réaction légèrement alcaline. Abandonné au repos, le liquide a laissé déposer quelques flocons de fibrine, mais ne s’est point coagulé. Traitée par l'acide nitrique, la matière colorante ambrée ne verdit point. Par la chaleur et l'acide nitrique, le liquide se prend en masse. 1,000 grammes de cette sérosité renfermaient : Faute NAN OGGEr 0 Fabrine MMM Albumine | 25 50 Urée LA nue » 60 Matière colorante. Sels divers, . . Du 1,000 00 169 — M. BROWN-SÉQUARD offre, au nom de M. Jackson (de Boston), un catalogue du musée du Collége médical de Boston, musée très- riche en pièces anatomiques ; ce catalogue contient des descriptions très-bien faites. M. Brown-Séquard ajoute que c’est dans ce catalogue que se trouve relaté le fait, déjà cité par lui, de lindividu qui fut blessé par la pé- nétration dans le lobe frontal gauche d’une barre de fer. Or, il n’y avait pas d'aphasie. Le malade a vécu huit à dix ans. Il offrait des attaques épileptiques, et semble être mort probablement par inflam- mation consécutive du cerveau. — M. BROWN-SÉQUARD montre un cobaye qui offre les particula- rités suivantes : L'animal a eu une lésion au voisinage du bulbe rachidien. La zône épileptogène s’étendait jusqu’à la troisième vertèbre lombaire, et, de plus, il y avait commencement d'attaques par une excitation de la peau au voisinage du cou. Mais, ce qui est surtout à noter, c’est que, ici, la zône épileptogène a paru très-variable. De plus, l’animal se grattait beaucoup, comme avec fureur. Enfin il a offert, trois jours après l'opération, un trou à l'oreille qui semble le résultat d’une gangrène. En effet, il y a eu hémorrha- gie rapide en ce point, puis gangrène de cette partie. Les attaques complètes étaient survenues trois jours après la lésion, — M. JOFFROY a communiqué au mois de septembre dernier, à la Société Anatomique, une observation de fibro-sarcôme généralisé. L'observation complète se trouve dans les Bulletins de cette Société. M. Joffroy désire faire connaître à la Société de Biologie certaines particularités importantes de ce fait. La tumeur primitive semble s’être développée sur les côtés des corps des vertèbres lombaires. Elle envahit les deuxième et troi- sième vertèbres lombaires et pénétra ainsi dans le canal vertébral et atteignit la dure-mère qui, s’épaississant, remplit bientôt compléte- ment le canal vertébral en formant à la moelle lombaire et à la queue de cheval un véritable manchon cancéreux. La moelle lombaire et la queue de cheval se trouvèrent ainsi fortement comprimées. Il s’en- suivit une paraplégie complète, sans contracture, un affaiblissement très-marqué de la sensibilité sous tous ses modes; l’abolition com- plète des mouvements réflexes, des soubresauts, des douleurs spon- tanées (élancements et engourdissement) de la rétention, puis de l’incontinence d’urine, de l’incontinence des matières fécales, et la c. R. 1871 17 170 formation d’une escharre sacrée, assez étendue. La paraplégie com- plète dura plus de quatre mois. A l’autopsie on trouva la moelle lombaire et la queue de cheval fortement comprimées par la dure-mère. La compression était uni- forme. Il n’y a pas d’adhérences entre la pie-mère et la dure-mère. L'examen à l’œil nu, l’examen microscopique, tant sur les pièces fraiches que sur les pièces durcies, n’a révélé aucune altération, ni de la moelle, ni des nerfs de la queue de cheval, ni des nerfs scia- tiques au niveau de l’échancrure. Les muscles n'étaient non plus ni atrophiés ni graisseux. Ainsi donc, il y avait compression de la moelle, et cependant celle-ci nétai. le siége d'aucune altération inflammatoire. C’est là un fait des plus importants et dont je ne connais pas d'exemple. La plu- part des auteurs croient en effet que la compression persistante de la moelle entraîne forcément à sa suite l’inflammation du point com- primé. L’intégrité de la moelle chez notre sujet montre que cette idée est trop absolue et que l’inflammation de la moelle n’est pas une conséquence forcée de sa compression. — M. BROWN-SÉQUARD présente les deux pattes d’une poule, à laquelle on a fait la section du nerf sciatique, il y a trois mois et demi. Ici, les doigts n’ont subi aucune altération de nutrition. La poule marchait sur larticulation tarso-métatarsienne. Il y avait là une croûte dure et résistante. Du côté de la section du nerf sciatique, le nerf a perdu au moins le tiers de son volume. A ce propos, M. Brown-Séquard rappelle que M. Vulpian et lui ont constaté, dans ces sortes d'expériences l’atrophie du bout central du nerf, contrairement à la théorie de Waller. M. VuLpiaAN : J’ai en effet constaté un grand nombre de fois l’atro- phie du bout supérieur du nerf sciatique coupé. Il y a, dans ces cas, une atrophie simple des fibres nerveuses de ce bout du sciatique; ces fibres ont un diamètre moindre que celles du nerf de l’autre mem- bre, au même niveau. C’est uniquement à l'extrémité terminale du bout central que l’on trouve des altérations granuleuses des tubes nerveux. À cette occasion, j’ajouterai que dans un cas de suppuration des oreilles, chez un lapin, j'ai constaté que les nerfs auditifs, sans qu’il y eût toutefois trace de pus dans le crâne, étaient altérés entre le bulbe rachidien et le rocher; il y avait une altération granuleuse des tubes très-marquée. 171 Il y avait donc quelque chose d’analogue à ce que Waller avait vu dans ses expériences sur les nerfs optiques. Enfin, chez des cobayes, dans deux cas de section des grands nerfs sciatiques, au milieu de la cuisse, il y avait non-seulement l’a- trophie consécutive du bout périphérique; mais de plus, le petit nerf sciatique, non touché, était atrophié. Ce dernier nerf avait subi une atrophie simple, c’est-à-dire par simple diminution du diamètre des flbres. Il y avait, entre le petit nerf sciatique du côté de la section, et celui du côté où le grand sciatique était intact, une différence de 8 à 11 ou 12 (donc de 1 cinquième au moins). Pour M. Vulpian, ce fait semblerait montrer qu’il peut se produire par l'intermédiaire de la moelle épinière une altération récurrente des branches nerveuses qui se détachent d’un tronc nerveux coupé, au-dessus de la section en dehors de l’altération ascendante. Une question intéressante à se poser est de savoir s’il y a eu, dans les cas dont je viens de parler, un affaiblissement du mouvement des muscles animés par le petit nerf sciatique ou même une atrophie de ces muscles. Mon attention malheureusement ne s’est point portée sur ce point de l'observation, lorsque j'ai eu ces faits sous les yeux. M. BROWN-SÉQUARD : J'ai constaté, ce qui répond en partie à la question posée par M. Vulpian, que les muscles des membres où on a fait la section du sciatique, même ceux animés par d’autres nerfs, sont atrophiés. Parmi les causes probables, il faut aussi tenir compte d’une altération du tissu cellulaire se propageant par conti- guité (car il y a altération du tissu cellulaire). M. VULPIAN : Je signalerai un autre fait qui me paraît avoir un certain intérêt : après la section de l’hypoglosse, j’ai vu le nerf lin- gual du côté lésé augmenté de volume. M. BROWN-SÉQUARD fait remarquer de plus que la poule qu’il a présentée offre une atrophie du nerf optique gauche avec teinte grise du tubercule optique du côté opposé, sans-altérations des deux ban- delettes optiques. L'opération avait consisté dans une perforation de l'œil avec extraction du cristallin et des liquides. M. BERT rappelle, à ce propos, d'anciennes expériences dans les- quelles il arrachaït les yeux à des rats nouveau-nés, et cela pendant plusieurs générations successives, afin de voir si quelques modifica- tions héreditaires seraient la suite de ces graves opérations. Or, lorsque les animaux ainsi aveuglés étaient devenus adultes, on voyait facilement que les nerfs optiques étaient atrophiés; les tubercules et lobes optiques semblaient aussi avoir un volume moindre qu’à l’or- 172 dinaire. Malheureusement l'examen microscopique n’a pas été fait. M. Bert indique ces faits comme pouvant être l’objet d’études inté- ressantes. M. BRoWN-SÉQUARD se propose de revenir plus tard sur ces faits dans une communication relative aux lésions consécutives aux nerfs optiques altérés. | — M. CHARCOT communique le résumé d’une observation d’endo- cardite ulcéreuse, avec aspect typhoïde, recueillie cette année sur un soldat des ambulances, qui présenta également une hémiplégie avec flaccidité. Mais, de plus, on constata une éruption de zôna, existant sur le trajet du nerf musculo-cutané. À l’autopsie, les lésions de l’endocardite ulcéreuse furent nette- ment établies. Il y avait, de plus, embolie de la sylvienne. Mais le nerf était intact. La moelle, conservée et étudiée aussi avec soin, ne fournit aucun renseignement dans les différentes coupes qui en furent faites. Cependant, en examinant sa face externe, on fut frappé de consta- ter du côté gauche (côté du zona), sur une racine de la région pos- térieure, une artériole volumineuse était bouchée par un caillot. Cette artériole, on la suivait depuis la moelle épinière jusqu’au point où la racine avait été coupée. Cette trombose se suivait donc d’une façon ascendante. M. Charcot insiste, dans ce cas, sur cette relation intéressante, et propose comme hypothèse d'admettre que l'artère dilatée par les thrombose a pu dans le canal osseux comprimer une des branches d’origine du plexus sacré, puisque le zona ne paraissait ici avoir qu’un rapport indirect avec l’hémiplégie. M. LioUvVILLE, à cette occasion, dit au nom de M. Ball et au sien, qu’il leur a été donné d'observer tout récemment (novembre 1871), dans le service de clinique de l'Hôtel-Dieu, un exemple très-mani- feste de zona, qu’ils ont vu naître et se développer complétement sur l’avant-bras gauche d’un ataxique, qui offrait en ce moment là même, les manifestations d’une arthropathie de l’épaule gauche des plus accusées, avec lésions consécutives retentissant dans tout le membre supérieur, et, entre autres, de l’æœdème et des ecchymoses. Il y avait, outre les douleurs spéciales de l’ataxie, une hypéresthé- sie cutanée très-accusée sur la peau de l’avant-bras qui était le siége de cette éruption, aujourd’hui éteinte, après quinze jours environ, mais dont les cicatrices apparaissant également par petits groupes disséminés, sont encore très-manifestes. 173 L'œdème a disparu. Les ecchymoses se sont effacées et il n’y a plus d’hypéresthésie. Des douleurs profondes, quelquefois très-vives, persistent seules dans ce membre. Le secrétaire, H. LIOUVILLE. - Séance du 16 décembre. M. VULPIAN, à propos du procès-verbal, donne quelques nouveaux détails relativement aux effets de l’électrisation généralisée sur les mouvements respiratoires (1). Si l’on fait l'expérience sur un cobaye, et si l’on place un des électrodes d’un appareil à courants interrom pus dans la cavité buccale de l'animal, et l’autre dans l’anus ou sur une petite plaie faite soit sur une cuisse, soit vers la partie posté- rieure du tronc, on voit que le passage d’un courant d’une intensité moyenne modifie le nombre des mouvements respiratoires. Il est avantageux, pour ces sortes d'expériences, de se servir de l’appareil à glissière de Siemens et Halske, à cause de la facilité avec laquelle, à l’aide de cet appareil, on peut augmenter ou diminuer progressive- ment l’intensité du courant. Lorsque l’on fait passer le courant, les électrodes étant placés comme il vient d’être dit, l’animal pousse un cri et renverse convul- sivement, avec plus ou moins de force, la tête en arrière. En même temps se montre un tremblement spasmodique, une sorte de trépidation de tous les muscles du corps. Les yeux restent ouverts, sans mouvements convulsifs des globes oculaires. Si le courant est relativement faible, le nombre des mouvements respiratoires peut ne pas être sensiblement modifié : il n’en est pas de même lorsqu'on augmente la force du courant. Ainsi, sur un cobaye, qui présentait avant le début de l’électrisation 140 à 150 mouvements respiratoires par minute, on pourra ne pas observer de diminution de ce nombre, si la bobine extérieure (au fil induit) est écartée de son point de dé- part, de plus de douze centimètres. Lorsqu'on rapproche un peu cette bobine jusqu’à une distance de neuf centimètres, la respiration se ralentit; on ne compte plus que 92 mouvements respiratoires par minute; avec huit centimètres d’écartement, ce nombre de mouve- ments s’abaisse au chiffre de 68. On voit, dans quelques cas, le nom- bre des mouvements respiratoires diminuer jusqu’à ne plus dépasser le chiffre de quarante par minute. Lorsque la diminution de fréquence (4) Voir MÉM. 0E LA Soc. DE BIOLOGIE. 1858, p. 137 et suiv. : Note sur les effets de la faradisation générale pratiquée sur les animauz. ( 174 de la respiration! n’est pas très-grande, les expirations peuvent être toutes plaintives. Mais, dès que le ralentissement est considérable, la respiration devient tout à fait aphone. Les mouvements respiratoires ainsi ralentis sont toujours affaiblis en même temps; ils sont de la plus grande régularité comme rhythme. | Lorsque l'expérience est faite avec précaution, on peut maintenir animal sous l'influence de l’électrisation pendant plusieurs minutes, et, pendant ce temps, il dépend de la volonté de l’expérimentateur, d'augmenter, puis de diminuer, progressivement, le nombre des mouvements respiratoires, tout en leur laissant une grande régula- rité rhythmique. Il suffit pour cela de faire glisser peu à peu la bobine extérieure sur la coulisse qui la supporte, pour l’éloigner du point où elle était au moment où l’on avait obtenu un grand ralentisse- ment de la respiration; puis, après quelques instants, de la rappro- cher peu à peu de ce point. Si l’on emploie un courant par trop intense, en quelques instants on détermine un arrêt complet des mouvements respiratoires. Les battements du cœur diminuent aussi de force et de nombre, lorsque le courant interrompu est de l’intensité nécessaire pour ra- lentir les mouvements respiratoires. On a essayé l’action des courants continus, obtenus à l’aide d’un appareil de Gaïffe à piles au chlorure d’argent, un des électrodes étant dans la cavité buccale et l’autre dans l’anus. En employant 20 couples, il y a un commencement de trépidation des muscles de la tête. Ces tremblements spasmodiques des muscles deviennent plus forts, plus faciles à sentir, à mesure qu’on augmente le nombre de couples ; ils sont très-forts lorsqu'on emploie 4? couples (c’est-à-dire le courant maximum de cet appareil) : mais, même alors, il n’y a pas d'influence bien manifeste sur la respiration. Or détermine un sou- bresaut violent, avec cri de douleur, lorsqu'on presse sur le bouton qui sert à produire des interruptions et une secousse plus violente encore lorsqu'on laisse le bouton revenir à sa première position, par conséquent, lorsqu'on ferme de nouveau le courant. L'action des courants interrompus, lorsqu'elle est assez intense pour faire baisser le chiffre des mouvements respiratoires jusqu’à 45 ou 40 par minute, ne tarde pas à produire un arrêt de ces mouve- ments. Si l’on examine par la palpation l’état des battements du cœur, au moment où la respiration vient de cesser, on constate que ces battements sont faibles et lents : ils s'arrêtent d’ailleurs aussi, quelques instants après la cessation des mouvements respiratoires. Lorsque le courant interrompu a fait diminuer le nombre des mou- vements respiratoires jusqu’à 60 environ par minute, il suffit souvent 175 de transporter dans une des narines l’électrode qui était dans la ca- vité buccale pour produire un arrêt presque immédiat de la respira- tion. Si l’on interrompt l’électrisation, dès que la respiration est arré- tée, on peut souvent réveiller les mouvements respiratoires, en pla- çant les deux électrodes sur une plaie faite à l’un des membres. Ces mouvements sont d’abord lents, puis plus rapides et bientôt ils re- prennent leur rhythme normal : les mouvements du cœur recouvrent rapidement aussi leurs caractères normaux. Quand lélectrisation généralisée a duré plusieurs minutes avec une intensitè suffisante pour diminuer, de moitié environ, le nombre des mouvements respiratoires, l’animal, au moment où l’on cesse l’électrisation, est dans un état de résolution musculaire de toutes les parties du corps. Peu à peu quelques légers mouvements repa- raissent dans la tête et le cou. Il y a un faible mouvement de ces parties lorsqu'on presse les extrémités digitales ou les oreilles de Panimal; mais il faut une forte pression pour provoquer ces mouve- ments réactionnels. Puis des mouvements réflexes se montrent dans les membres, et enfin, en dernier lieu, reparaissent les mouvements volontaires. Sur un cobaye qui avait eu le nerf sciatique du côté droit coupé cinq mois auparavant, on a constaté que l'extrémité du membre antérieur gauche est restée pâle et insensible pendant plus de deux minutes après que l'extrémité du membre antérieur droit et les deux oreilles avaient repris leur sensibilité et leur teinte normale. Dans des expériences déjà anciennes (1858), M. Vulpian avait pra- tiqué l’électrisation généralisée sur des lapins, immédiatement après avoir fait la section des deux nerfs pneumogastriques au cou. On avait observé dans ces cas, après comme avant cette opération, que l’électrisation à l’aide de courants interrompus, un des électrodes étant dans l’anus et l’autre étant soit dans la cavité buccale, soit sur une plaie très-superficielle (peau à peine entamée) de la partie posté- rieure de la région dorsale, faisait cesser presque aussitôt les mou- vements respiratoires. Chez les cobayes, la section des pneumogastriques détermine or- dinairement un grand embarras de la respiration, et il a été difficile d'obtenir des résultats bien nets, à la suite de cette opération. Dans un cas, on a vu les mouvements respiratoires dont le nombre s'était abaissé jusqu’à 26 par minute, par le fait seul de la section des nerfs, remonter à 48 et même à 60, sous l’influence de l’électrisation généralisée. Dans un autre cas, la respiration, sous cette même in- fluence, est devenue plus faible et s’est arrêtée FORME au bout de peu d’instants. 176 M. Vulpian insiste surtout, après avoir indiqué ces quelques parti- cularités, sur le fait principal qu’il a observé, à savoir qu’il est pos- sible, en soumettant un animal à une électrisation plus ou moins gé- néralisée, au moyen de courants interrompus, de régler, pour ainsi dire, le nombre des mouvements respiratoires de cet animal, le rhythme de ces mouvements restant d’ailleurs régulier. Il y a là une remarquable action produite, sans doute, sur le centre nerveux res- piratoire : le mécanisme de cette action reste obscur et exige de nou- velles études. a — M. BROWN-SÉQUARD montre à nouveau le chien rigide, pré- senté il y a 15 jours, et dont la rigidité remonte à un mois actuelle- ment. Le chien est encore rigide, mais toutefois la différence est grande. La rigidité a commencé à disparaître il y a huit jours (par les muscles du cou). Actuellement, le ventre est ballonné. Il doit être en putréfaction commencçante. Je ne crois pas que les muscles soient encore en putréfaction. On sait l'opinion de M. Rouget, qui ne croit pas qu'il y ait relation entre la rigidité et la putréfaction. M. Brown-Séquard n’est point de cet avis, et se propose de reve- nir plus tard sur ce sujet. L’autopsie a démontré que les muscles ne sont pas putréfiés. — M. BROWN-SÉQUARD revient sur ce qu'il a dit concernant un pigeon qui offrait des attaques spontanées d’épilepsie à la suite d’une lésion faite sur la ligne médiane du cerveau Les animaux survivent à cette lésion. Même ce pigeon avait en- graissé au début. Il mourut seize jours après. À son autopsie, on constata qu’il y avait un espace entre le crâne et le cerveau, provenant d’une véritable atrophie du cerveau. La lésion avait été faite le 26 novembre. L'animal a été autopsié le 12 décembre (donc seize jours après), M. Brown-Séquard pense qu'il y a eu l un peu d’inflammation. — M. BARÉTY lit deux observations qu’il a recueillies récemment et qui sont reproduites ci-après. 1o CAS D'HYDROPNEUMOTHORAX SIÉGEANT A DROITE, AVEC ÉRECTION DES BULBES PILEUX LIMITÉE À LA MOITIÉ DROITE DE LA PARTIE ANTÉRIÉURE DU THORAX. Le nommé Sueur, soldat, entré à l’hôpital militaire Saint-Martin le 6 janvier 1871, dans le service de M. le docteur Guibout, alors médecin requis: 177 On diagnostique une bronchite fébrile et on donne au malade les soins que réclamait son état. Le 10 janvier, c’est-à-dire 4 jours après son entrée, ce malade est pris tout d’un coup d’une gêne énorme de la respiration avec douleur subite, oppressive, dans tout le côté droit de la poitrine. Il s’était fait une perforation pulmonaire de ce côté. Bientôt nous pûmes constater tous les signes d’un by- dropneumothorax. Le 13, trois jours après cette perforation pulmonaire spontanée, voulant examiner le malade à la visite du soir, je découvris sa poi- trine. Aussitôt je fus frappé par la différence d’aspect que présen- tait le tégument cutané à droite et à gauche. Tandis que sur la par- tie antérieure de la moitié gauche de la poitrine la peau était lisse comme presque partout ailleurs, sur la moitié droite correspondante depuis le cou jusqu’à trois travers de doigt au-dessous du mamelon, et depuis l’axe vertical du sternum au côté droit, la peau offrait un aspect chagriné; on voyait les bulbes pileux faire saillie comme dans le phénomène connu sous le nom de chair de poule. Cét aspect de chair de poule existait aussi sur le cou, à sa basé, à droite et à gauche. Tout à fait sur les côtés et en arrière du thorax, rien de semblable n’existe. La peau n’est moite que sur la face et le cou, sèche ailleurs. Au bout de quelques minutes, les saillies des bulbes pileux se sont entièrement effacées. Le malade mourut le 16 février, à neuf heures du soir. L’autopsie ne put être faite. Cet état chagriné de la peau ainsi limité ne se montra qu’une fois. Le lendemain du jour où je constatai ce phénomène pour la pre- mière fois, je découvris rapidement la poitrine, mais je ne vis rien d’anormal se produire sur la peau. Il en fut de même les jours sui- vants. 20 CAS DE VARIOLOIDE DISCRÈTE SUIVIE D’'UNE MÉNINGITE DÉ NATURE PROBABLEMENT TUBERCULEUSE. PENDANT LA MÉNINGITE, SUEUR LIMITÉE À LA MOITIÉ DE LA FACE DU COTÉ DROIT AVEC DILATA- TION DE LA PUPILLE DE CE MÊME COTÉ. Le nommé Masson (Justin), infirmier d’ambulance, âgé de 21 ans, entre le 16 octobre 1870 à l'hôpital Saint-Louis, salle Caneaieu dans le service provisoire des varioleux. Ce jeune homme, malade depuis trois jours à son entrée, est at- teint d’une varioloïde des plus discrètes qui suit une marche très- heureuse, et dont il ne reste plus trace au bout de dix jours. Pen- dant ce temps, une seule particularité avait attiré l’attention, c’était C.Rr. 1871 18 178 | vers le quatrième jour après son entrée, l'apparition de bulles pem- phygoïdes au niveau et à la place de 3 ou 4 pustules de variole si- tuées sur les joues et les ailes du nez. Il se trouvait dans un état de santé des plus satisfaisants, il mangeait et se promenait dans la salle, quand, le 23 octobre au matin, nous fûmes surpris de le trou- ver dans un grand état de somnolence dans le décubitus dorsal, im- mobile et les yeux ouverts et fixes. Pressé de questions à plusieurs reprises, dans le but de savoir s’il souffrait et où il souffrait, il a fini par porter, non sans peine, son bras gauche jusqu’à la tête. Le pouls donne 84 pulsations régulières, la peau est modérément chaude, la langue blanche, un peu humide, le ventre ni ballonné ni aplati, présentant à la pression un peu de gargouillement facilement perceptible dans la fosse iliaque droite; moins dans la gauche. Nous prenons des informations auprès de la religieuse du service, et elle nous apprend que la veille, vers trois heures de l’après-midi, ce jeune homme s'était levé, mais qu’il s'était recouché au bout de dix minutes environ, disant qu’il n'avait pas de force, qu’il ne pou- vait se tenir levé. De plus, dans cette journée de la veille, il avait eu quatre selles liquides. La nuit, il n’avait pu dormir par suite d’un violent mal de tête. Ce même jour, 23 octobre, vers quatre heures de l’après-midi, le malade se trouve encore dans le décubitus dorsal et dans un état de somnolence dont on ne peut le tirer. Le pouls donne soixante-seize pulsations régulières. La respiration est à vingt-deux. Pas de râles. La peau est chaude. En examinant de près sa figure et ses yeux, je fus frappé d’un phénomène qui me parut fort curieux. — Je remarquai des goutte- lettes de sueur sur la moilié droile seulement de la face (front, tempe, joue, lèvre, menton). La moitié gauche correspondante était sèche et paraissait au simple toucher ni plus ni moins chaude que la droite. Les paupières étaient baissées ; en les relevant, je vis distinctement que la pupille droite était un peu plus dilatée que la gauche. — Les joues et le menton étaient rosés. J’examinai le cou et le thorax et je vis que la moitié droite du cou et de la partie supérieure de la poitrine, en avant, était plus moite et plus chaude que la gauche. Je restai auprès du malade environ une heure, et pendant ce temps-là, ce phénomène persista. Je ne me bornai pas cependant à ces seules remarques, et voici ce que je pus constater encore. Quand on soulève les bras du malade, et qu’on les abandonne, ils retombent inertes, sans résistance. Si on met sa main dans les mains du malade, il la serre avec ses doigts instinctivement, un peu plus 179 fortement avec la main gauche qu'avec la droite. Quand on soulève les membres inférieurs et qu’on les abandonne, ils retombent, mais avec résistance. On lui fait des frictions avec du vinaigre sur le corps, le malade pâlit un peu et remue tantôt le bras gauche seule- ment, tantôt les bras et les jambes. Sont prescrits : un vésicatoire à la nuque et un lavement au sel. Restant auprès du malade, on pouvait s’apercevoir qu'il remuait spontanément son bras gauche dans une petite étendue le long du plan du lit. De temps en temps, on constatait de légères secousses dans les bras, surtout dans le gauche, et aussi dans le muscle pec- toral gauche, on pouvait saisir aussi une contraction brusque et: légère de l’élévateur de la lèvre supérieure du côté droit. Quelque- fois il éprouve une sorte de hoquet, de l’éternuement, des soupirs. En pressant sur le menton, pour lui ouvrir la bouche, sa langue se place entre les arcades dentaires, et le malade l’y laisse. L’exploration de la cage thoracique ne fait rien découvrir dans les poumons ni aux sommets, ni dans les autres points. Le cœur, au niveau du troisième espace intercostal gauche, près du bord du sternum, donne sous le doigt une impulsion frémissante circonscrite, impulsion perceptible, d’ailleurs, par la vue. Vers la pointe du cœur, au niveau du cinquième espace intercostal, l’im- pulsion est très-prononcée sous le doigt, et perceptible à la vue. À l’auscultation, vers le milieu du cœur, nous entendons au deuxième temps un bruit sourd prolongé suivi, au troisième temps, d’un roule- ment auquel succède aussitôt un bruit éclatant net et correct. Nous pensons qu’il devait y avoir une lésion de la valvule mitrale. Le lendemain matin, 24 octobre, le malade se trouve dans le même état de somnolence. La respiration est bruyante, on entend des râles à l’expiration à distance. Les pupilles sont égales. De temps en temps des soupirs. - Le pouls donne 120 à 130 pulsations à une heure de l'après-midi. La peau est chaude. On prescrit lavement purgatif. Calomel à doses fractionnées. Il y a incontinence d'urine; l’urine contient un peu de sang pur, rutilant, qui se prend en caillot. Vers deux heures, le lit est mouillé par l’urine. Le malade rougit et pâlit alternativement. Vers quatre heures, la pupille droite qui le matin était de mêmes dimensions que la gauche, est un peu plus dilatée. Moiteur à peine sensible sur toute la face. 480 Le malade meurt le 25 octobre, à cinq heures du matin. L'autopsie n’a pu être faite, les parents s’y étant opposés. J’ap- prends d'eux que le malade était d’une constitution faible, qu'il toussait quelquefois et que six mois auparavant, il avait craché un peu de sang. RÉSUMÉ. — En résumé, il m'a été donné d'observer sur deux malades différents, et à des époques diverses, deux phénomènes que Von peut rapprocher sans pourtant les confondre dans une même explication. L'un de ces malades atteint d'hydropneumothorax à droite, pré- sente de ce même côté, sur la moitié antérieure du thorax, cet état particulier de la peau connu sous le nom de chair de poule. Ce phé- nomène, singulier par sa localisation, a pour cause occasionnelle probable l'exposition subite de la poitrine à l’air ambiant froid. I a, de plus, pour cause prédisposante, un certain degré de suscepti- bilité de cette portion du tégument externe en rapport avec le côté malade, et cette susceptibilité plus grande de la peau me paraît liée à la lésion même, l'hydropneumothorax, puisque la partie correspon- dante du côté sain, rien de semblable ne s’est produit. Le second malade présente un phénomène tout aussi singulier, c’est une sueur limitée à la moitié droite de la face coïncidant avec la dilatation de la pupille de ce même côté, chez un sujet atteint de méningite probablement tuberculeuse. J'aurais pu tenter une expli- cation de ce phénomène, mais outre que je n’ai pas les données que m'aurait peut-être fournies l’autopsie, je n’oserais entreprendre une discussion sur le mécanisme de la production de la sueur et des variations des dimensions de la pupille, soit que l’on considère ces deux phénomènes séparément, soit qu’on établisse entre eux un rapprochement ainsi qu’on serait peut-être autorisé à le faire. NOTE SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES ET L'ÉLIMINATION DE L'URÉE INTRODUITE DANS L'ORGANISME. — DE LA PRÉSENCE NOR- MALE DE L’URÉE DANS LA SALIVE,; par le docteur RABUTEAU. J’ai commencé, dans ces derniers temps, quelques recherches sur les substances dites diurétiques et sur un certain nombre d’agents qui diminuent l’excrétion rénale. Ces derniers forment un groupe, non encore signalé, auquel je donnerai la dénomination de groupe des anuréliques ou anourétiques. La nature de mes recherches me conduisait à expérimenter sur l’urée, principe classé parmi les diurétiques. Je n’ai fait jusqu'ici qu’une seule expérience que je publie par anticipation, parce qu’elle 181 m'a conduit à établir la preuve de l’existence normale de l’urée dans la salive. | Le 30 avril et le 1er mai 1870, jai bu, à huit heures du matin, 200 grammes d’eau et pris une bouchée de pain; puis, le 2 et le 3 mai, 200 grammes d’eau contenant chaque fois 5 grammes d’urée et j'ai pris de même une bouchée de pain (1). J’ai alterné de la même manière, pendant les six jours suivants, l’ingestion de l’eau pure et de l’eau contenant 5 grammes d’urée. Par cette méthode, il m'était facile de faire la part de l’eau et de l'urée sur les.effets physiologi- ques que je pourrais observer, et spécialement sur les effets diuréti- ques. Afin de rendre les résultats comparables, j’ai suivi pendant tout ce temps un régime identique, que j'avais adopté déjà plusieurs jours auparavant. Les urines éliminées chaque jour ont été divisées en deux parties inégales. J’ai recueilli séparément celles qui avaient été sécrétées de huit heures du matin à onze heures, puis celles qui avaient été sé- crétées de onze heures au lendemain à huit heures du matin. J’ai pu ainsi mieux étudier, d’une part, l’influence immédiate de l’urée sur l’excrétion urinaire et, d'autre part, l’élimination de ce principe. Les résultats numériques fournis par cette expérience sont consi- gnés dans le tableau suivant, où j'ai marqué d’un astérisque les jours où javais pris l’urée : Urine Urée Dates. Urine. Urée. des 24h. des 24h. Du 30 avr. au {er mai. gr. gr. De 8 heures à 11 heures. . 154 2 31 M en eme 0 1004) 140 2000 0124726 Du 4er au 2? mai. De 8 heures à 11 heures. . 74 1.36 Su Den au lendem, 8h 08iL: 28.60 bai *Du 2? au 3 mai. De 8 heures à 11 heures. . 153 3.46 De M uendeneieun | 007000 20 000 ADN) 20-26 *Du 3 au 4 mai. De 8 heures à 11 heures. . 181 3.170 ne LU De iende mue LA 04020) 028000) 0 LE) MOTO ————————_———_——————— (1) L’eau prise le matin à jeun sans aliments produit souvent des effets purgatifs. 0 182 Urine Urée Dates. Urine. Urée. des 24h. des 24h. Du 4 au 5 mai. De 8 heures à 11 heures. . 160 2.78 De {1 h. au lendem. 8h. . 1044 92.56 1204 25.34 Du 5 au 6 mai. De 8 heures à 11 heures. . 173 2251 De {1 h. au lendem. 8h. 14240 92.24 143 24.75 *Du 6 au 7 mai. De 8 heures à 11 heures. . 144 3.15 De 41 h. au lendem. 8 h.. 1194 27.92 1398 30.37 “Du 7 au 8 mai. De 8 heures à 11 heures. . 197 3.19 De ban iendemde ne ON) 24048 DDR AAU IN MESSE Du 8 au 9 mai. De 8 heures à 11 heures. . 123 1522 Del heu lendem 8h | |LAOGO etait 46810 2650e Du 9 au 10 mai. De 8 heures à 11 heures. . 140 DATI De 11 h. au lendem, 8h. 1152 23.30 1290 23.08 On voit que : 1° L’urée, prise à la dose de 5 grammes, n’a pas produit d'effets diurétiques évidents, si ce n’est pendant les premières heures qui en ont suivi l’inges.ion. 90 L’élimination de l’urée introduite dans l’organisme ne se fait pas d’une manière aussi rapide qu’on aurait pu le supposer d’abord. En effet, en jetant les yeux sur les chiffres qui représentent les quantités d’urée éliminée de huit heures à onze heures du matin, on remarque seulement un excès de À à 2? grammes sur la quantité rendue norma- lement. Les 4 à 5 grammes restant se sont éliminés chaque fois dans les vingt-quatre heures. Du ? au 3 mai, les urines n’ont contenu que 26er,36 d’urée au lieu de 29 à 30 grammes; mais j'ai eu, sous l’in- fluence de la première dose d’urée, deux selles fluides et il est ra- tionel d'admettre qu'une certaine quantité de ce principe aurait été retrouvée dans les fèces si on l’avait recherchée. L’ingestion de l’urée a produit chaque fois chez moi, au bout d’une heure environ, une certaine augmentation de la sécrétion salivaire et j'ai senti, au même moment, une légère saveur fade qui a augmenté pendant deux ou trois heures et a disparu ensuite peu à peu. Ce fait m'a suggéré la pensée que l’urée pouvait s’éliminer par la salive, comme un grand nombre d’autres substances dont j'avais étudié an- térieurement l’action physiologique. Mes prévisions se sont trouvées 183 réalisées par des analyses que j'ai faites de ma salive, recueillie après avoir pris le matin à huit heures 5 grammes d’urée. En effet, 35 grammes de salive recueillis de huit heures à neuf heures du matin, après m'être bien rincé la bouche, ont fourni à l’analyse 0sr,0235 d’urée, soit 0,67 pour 1,000. 35 grammes de ce liquide recueillis de neuf heures à onze heures ont donné 0,323 centigrammes d’urée, soit 0,923 pour 1,000. Enfin 20 grammes de salive recueillis de dix heures à onze heures ont donné 0:r,0235 d’urée, soit 1,176 pour 1,000. Ces chiffres prouvaient d’une manière évidente que l’urée intro- duite dans l’organisme pouvait se retrouver en partie dans la salive et que l’élimination de ce principe allait en s’accroissant pendant quel- que temps, pendEnt trois à quatre heures par exemple, puis l’urée diminue peu à peu dans la salive au fur et à mesure qu’elle s’élimine par les reins. Mais une autre question se présentait. L’urée ne pouvait-elle pas exister normalement dans la salive? Afin de m’assurer du fait, j’ai recueilli de la salive provenant de diverses personnes et de moi- même, alors que je ne prenais plus d’urée, et les diverses analyses que j'ai faites m'ont prouvé que l’urée était un principe immédiat existant dans la salive mixte. Mes recherches ne sont pas encore assez nombreuses pour que je puisse poser des conclusions rigou- reuses sur la quantité qui s’y trouve en général. Je dirai seulement qu'en m'entourant des précautions nécessaires, j’ai pu retirer, de 250 grammes de salive mixte, 25 centigrammes d’urée cristallisée presque pure, d’où il résulte que la salive contient environ 20 fois moins d’urée que l’urine. Je ne suis pas le premier qui ait signalé 1 présence de l’urée dans la salive. Wright a trouvé ce principe dans la salive d’un sujet at- teint de la maladie de Bright; et il en aurait trouvé également dans la salive d’un chien empoisonné par le sublimé corrosif. Mais il s’agit ici de cas pathologiques. Picard a signalé avant moi l'existence de l’urée dans la salive à l’état normal. Mes recherches ont prouvé de nouveau l’existence normale de ce principe dans la salive mixte ; de plus, elles ont démontré que l’urée, de même qu’un grand nombre d’autres principes (iodures, bromures, chlorates, bromates, iodates, azotites, etc.) peuvent être sécrétés par les glandes salivaires après leur introduction dans l'organisme. Le résultat sur lequel je voudrais appeler l’attention, c’est l’ab- sence de ces effets diurétiques remarquables auxquels j'aurais pu m'attendre, d’après les propriétés dont on gratifie l’urée. Suivant Mauthner (de Vienne), ce principe serait un puissant diurétique, ce 184 que je ne puis admettre. D’ailleurs, si l’urée était une substance très- diurétique, on pourrait facilement produire à volonté la diurèse en se soumettant à un régime très-azoté. Quand on suit un régime her- bacé, on rend très-peu d’urée par jour, moins de 10 grammes par- fois; quand, au contraire, on suit un régime exclusivement animal, on peut rendre jusqu’à 40, 50 et même 60 grammes d’urée par jour. L’urine se prend alors en sorbet, comme celle d’un chien bien nourri, lorsqu’on la traite par l’acide azotique, par suite de la formation d’a- zotate d’urée beaucoup moins soluble que lurée elle-même. Or, on n’a pas remarqué de différences essentielles entre les quantités d’u- rine éliminées par deux personnes, ou par la même personne, sou- mises à des régimes peu ou très-azotés. D'ailleurs, les chiens, qui éliminent chaque jour beaucoup d’urée, rendent proportionnellement moins d'urine que les lapins, qui en donnent en moyenne au moins 300 grammes par jour. Il est vrai que les urines de ces derniers sont alcalines; mais j'ai démontré ailleurs que les effets diurétiques: des alcalins ont été eux-mêmes exagérés. LYMPHADÉNOME CUTANÉ. MYCOSIS FONGOIDE. M. LANDOUZY présente une tumeur de la peau, sessile, arrondie, saillante de 4 centimètres, large de 15 centimètres, violacée, de con- sistance élastique. Cette tumeur, exactement limitée à. la peau, ne gagnant pas le tissu cellulaire, présente, à la coupe, une coloration blanche et un suc analogue à celui que donnerait un carcinome ou un ganglion lymphatique. Cette pièce provient d’un garçon de 7 mois qui était, en octobre, amené à la consultation de l’Enfant-Jésus pour six petites tumeurs en tout semblables à celle qui fait le sujet de la présentation. L’enfant, gros et fort, d'apparence lymphatique, venait bien, s’éle- vait facilement et n'avait jamais présenté (pas plus, du reste, que ses parents ou ses frères et sœurs) d’autres accidents cutanés que ces tubercules apparus dès la naissance. L'enfant fut envoyé à Saint-Louis et vu par M. Bazin, qui porta, avec le diagnostic mycosis fongoïde, un pronostic défavorable. Dans les premiers jours de décembre, l'enfant était pris de convul- sions et succombait le 13. A l’autopsie, faite avec M. Ranvier, on trouvait : Au niveau des scissures de Sylvius, surtout du côté gauche, un exsudat gris-jaunâtre avec quelques granulations excessivement fines et d’un blanc mat. Les lésions de la broncho-pneumonie dans les lobes inférieurs droits. 185 Au sommet du poumon droit, un noyau blanchâtre, de consistance dure, noyau entouré de granulations très-fines. Les ganglions bronchiques gros, blancs et durs. Le cœur gauche un peu volumineux. Les cavités cardiaques pleines de caillots noirs. Les plaques de Peyer saillantes, les follicules clos de liléon et du gros intestin très-volumineux. Les ganglions mésentériques tuméfiés. Le foie, de volume normal, très-ferme. L’estomac, la rate, les reins sains. Les tumeurs cutanées et les viscères seront, après durcissement dans l’acide picrique, examinés au laboratoire du Collége de France, sous la direction de M. Ranvier, afin de savoir si réellement on s’est trouvé en présence d’un de ces cas aussi rares que curieux de lym- phadénie avec manifestations cutanées. —- M. LABORDE montre un cobaye sur lequel il a pratiqué une section du sciatique gauche sur une seule branche (il y a huit jours). 40 L’orteil tributaire du nerf non coupé présente une hypéresthésie très-notable. 20 Si l'on cherche à provoquer des convulsions par le pincement, il n’y a pas encore d’épilepsie, mais une susceptibilité nerveuse très- grande. Il y a mouvement des deux pattes avec petits cris. M Laborde croit que l’épilepsie viendra ici très-vite. Cela a lieu, dit-il, ainsi dans ces conditions. M. Brow\N-SÉQUARD : La sensibilité demeure rarement à l’état normal dans ces cas. Mais c’est plus souvent de l’anesthésie que de Phypéresthésie qu’on observe, cinq ou six fois sur dix au moins. Quelquefois il y a l’un des états faisant suite à l’autre C’est l’hypé- resthésie qui suit l’anesthésie. Il y a, en un mot, les alternatives les plus fréquentes. Mais je suis sûr que le plus souvent il y a anes- thésie. J’ajouterai que la simple piqûre avec une aiguille, comme je Pai démontré, détermine dans ces cas, avant l’épilepsie, des mouvements très-nets dans les deux membres postérieurs. M. VULPIAN fait remarquer que dans ces conditions l’épilepsie n’est pas une suite nécessaire de lopération incomplète alors (puisque le nerf grand sciatique est seul coupé.) — M. L. RANVIER communique les deux notes suivantes : À. SUR LA DISTRIBUTION DES ÉTRANGLEMENTS ANNULAIRES DES TUBES NERVEUX. Un nerf pris sur un animal qui vient d’être sacrifié et placé dans c. R. 1871 19 186 une solution d'acide osmique à À centième, s’y colore en noir, et au bout de vingt-quatre heures de macération, le réactif a produit son effet dans toute l'épaisseur du nerf. Si l’on pratique alors la disso- ciation de ce nerf avec beaucoup de ménagements, on obtient des préparations sur lesquelles les étranglemenuts annulaires, que j'ai décrits dans une précédente séance se montrent d’une facon nou- velle. La myéline est colorée en gris plus ou moins foncé, suivant que l’action de l’acide osmique a été plus ou moins forte. Au niveau de chaque étranglement, elle est interrompue et laisse une ligne transversale c'aire d’une grande netteté. Au-dessus et au-dessous de létranglement, le tube nerveux est légèrement renflé. Sur ces préparations, les étranglements annulaires se montrent d’une manière si évidente qu'il est très-facile de les compter. Sur un même tube nerveux, les étranglements annulaires sont à peu près à égale distance les uns des autres. Mais cette distance n’est pas la même sur les différents tubes d’un nerf, elle varie aussi suivant les espèces animales. Je ne donncrai aujourd’hui que quelques-unes de mes mensura- tions. Chez le chien : Nerf sciatique, — proplité interne, — gros tube ayart un diamètre de Omm,01 ; distance des anneaux, Omm,9 à 1 mil- limètre; — tube du diamètre de 0,006; distance des anneaux, Omm,7 à Omm,8. _ Chez la grenouille verte : Nerf sciatique; — gros tubes; distance des anneaux, 1mn,5 à 2 millimètres. B. L'ATROPH'E D'UN MUSCLE DÉTERMINÉE PAR L'AMA'GR'SSEMENT EST EN RAPPORT AVEC L'ATROPHIE DES FA:SCEAUX PRIMITIFS. J'ai comparé le muscle couturier d’un sujet vigoureux, ayant suc- combé à une affection aiguë, au muscle couturier d’un sujet primi- tivement vigoureux, et dont la mort a été la suite d'une dysentérie chronique. Ces muscles ne contenaient pas de tissu adipeux interfasciculaire. Ils furent d’abord placés dans une solution de bichromate de j0- tasse à 2? centièmes, jusqu’à ce qu’ils aient perdu leur élasticité. Grâce à cette méthode, la mensuration des muscles et de leurs fais- ceaux a pu être faite d’une manière plus exacte que si l'observation avait été faite sur les pièces fraiches. À. Les dimensions du muscle nonnal sont les suivantes : Largeur : 3 centimètres 2 milimètres. Epaisseur : À centimètre, 187 Le diamètre moyen des faisceaux primitifs est de Omm,055, B. Le muscle atrophié a : Largeur : 1 centimètre 6 millimètres. Epaisseur : 7 millimètres. Le diamètre moyen de ses faisceaux est de Omm,030,. Le rapport des deux muscles peut être exprimé par la proportion 42/23 = 1,8. Le rapport des faisceaux des deux muscles est de 55/30 = 1,5. Les nombres 1,8 et 1,5 ne présentent pas une très-grande différence, et l’on peut en tirer cette conclusion que l'atrophie d’un muscle par amaigrissement est à peu près en rapport avec l’atrophie des fais- ccaux primitifs. Je crois qu'il est inutile et qu’il serait même dangereux de tirer de ces chiffres d'autres conclusions, parce qu'il y a dans la mensu- ration des muscles des causes d'erreurs qu'il est impossible d'éviter. Ainsi, les nombres que j'ai obtenus, bien que peu différents, indi- queraient que l’atrophie du muscle est plus considérable que l’atro- phie des faisceaux primitifs. Or, l'observation directe montre, au contraire, que le tissu conjonctif situé entre les faisceaux muscu- laires persiste sans subir d’atrophie notable. II résulte même de cette conservation du tissu conjonctif au milieu des faisceaux atrophiés, que ce tissu y parait plus abondant qu'à l’état normal. M. VozpraN : Ces intéressantes observations confirment ce que l’on savait déjà par l'expérience de Budge (sur les. grenouilles après un long jeünc). M. RANVIER : Il y a eu des doutes, exprimés par les auteurs, parce qu’il se servaient de grenouilles, animaux chez lesquels chaque muscle présente des variétés dans le rapport du diamètre de ses fais- ceaux primitifs. M. VULPIAN : J’ajouterai que j'avais bien pensé que le tissu con- pectif devait jouer un certain rôle dans ces faits. Il faut faire toute- fois la part de ce qu’il y a d’apparenl. Dans mes expériences, je n’ai pas observé une hypertrophie aussi grande, mais elle était cependant très-notable. M Vulpian fait remarquer encore que l’augmentation apparente du tissu connectif dont parle M. Ranvier existe aussi dans les cas d’a- trophie de muscles déterminée par la section de leurs nerfs. Il y a bien hyperplasie réelle de ce tissu, mais 1l a aussi une augmentation apparente résultant de la diminution de volume des faisceaux mus- culaires. — M. BERT rappelle la structure singulière du renflement moteur 188 _ des feuilles de la sensitive; on a attaché beaucoup d'importance à cette structure, relativement à la cause de la sensibilité et du mouve- ment. Or, les cotylédons de la jeune sensitive présentent les mêmes pro- priétés que les feuilles ordinaires. M. Bert s’est assuré que, cepen- dant, le lieu du mouvement dans les cotylédons a la structure ordi- naire des pétioles et non celle toute spéciale des autres feuilles. Celle-ci n’a donc pas l’importance que Pon avait cru pouvoir lui at- tribuer. Séance du 23 décembre. M. BROWN-SÉQUARD revient sur ses dernières communications re- lativés au chien rigide, qui a été mis sous les yeux de la Société il y a un mois Aujourd’hui, il offre encore quelques parties raides. La putréfaction n’est pas encore absolue partout. Ainsi dans les mem- bres. La peau n’est pas encore altérée dans cette portion du corps. M. Brown-Séquard ajoute que dans le cas de rigidité cadavérique persistante, il a constaté que même les intestins se pourrissent avec lenteur ; et insiste sur l’existence de ce fait intéressant. M. Brown Séquard ajoute qu’il observe actuellement un lapin qui est dans la condition inverse du chien; la putréfaction ést arrivée très-vite après sa mort. Or, la rigidité avait disparu deux heures après la mort de l’animal. En effet, ce lapin avait succombé avec des convulsions violentes. M. Brown-Séquard croit que les convulsions violentes des derniers moments font apparaitre la rigidité vite, et la putréfaction très-rapi- dement. : — M. BrowN-SÉQUARD appelle l'attention de la Société sur un genre d’altération des capsules surrénales observées chez les lapins à Paris. En 1856, j'ai montré que les lapins meurent fréquemment à Paris d’une affection analogue à celle qu’offrent les animaux privés de cap- sules surrénales. Leurs capsules, en effet, sont malades; elles sont rouges, violacées, noirâtres. Cette affection paraît arriver épidémi- quement à Paris. M. Brown Séquard ne l’a pas observée en Amé- rique. Il y a quelques mouvements convulsifs très-violents ressémblant à du tétanos. Quelquefois, il y a affection plus grande d’une des c2p- sules que de l’autre. Alors, il y a certains phénomènes de roulement pärfaitément nets. Or, ces phénomènes ont été signalés dans les ex- 189 périences physiologiques qui amènent, chez ces animaux, le même résultat. — M. BROWN-SÉQUARD a déjà entretenu, à diverses reprises, la Société de nombreux faits concernant de petits cobayes qui héritaient de diverses affections qu’avaient présentées leurs parents. Il y revient actuellement en relatant un nouveau fait observé par lui et par M. Dupuy, son élève, au laboratoire de l'Ecole pratique. Îl y a occlusion des paupières chez tous les petits nés de deux fe- melles et d’un mâle ayant cette particularité après avoir eu le grand sympathique coupé au cou. M. BERT : D'après ces faits, le cobaye paraît un animal spécia- lement propre à offrir ces particularités, car des expériences analo- gues répétées soit sur l'homme, soit sur des animaux, n’ont pas donné de semblables résultats. Avant tout, je rappe!lerai que la cir- concision, pratiquée chez les Juifs, n’a pas, depuis le temps où elle se fait, permis de faire ces observations. Pour les animaux, on sait que les chiens de la vallée du Danube, auxquels on coupe la queue pour leur permettre de lutter avec les loups, mettent bas des petits qui n’offrent pas de traces de l’opéra- tion qu’ils ont subie. M. BRoWN-SÉQUARD : On a constaté cette hérédité chez l'homme assez fréquemment. Dans le livre de Darwin, il y a des cas dont il faut tenir co :pte. Personnellement, M. Brown-Séquard en connaît au moins quatre cas des plus nets. M. Brown-Séquard revient à quelques faits concernant les co- bayes. Hérédité de l’état morbide du nerf sciatique. M. GIRALDÈS voudrait qu’on miît quelques points de doute dans l'explication sur les modifications du changement des espèces dans les déformations. La transmission des vices de conformation et des accidents ne doit pas être acceptée comme un fait des plus simples et tout à fait ex- plicable par l’hérédité. On sait très-bien qu’un grand nombre de ces cas sont dûs à des lésions pathologiques produites dans le sein de la mère. Si le fait de la transmission des mutilations était accepté, les po- pulations des campagnes et des villes seraient remplies d’infirmes qui transmettraient à leur tour ces déformations. Or, ce n’est pas heureusement ce que l'on voit. Je crois, dit M. Giraldès, à des coïncidences, et non à des lois de transmission. Le fait de la circoncision, non héréditaire, cité tout à 190 l'heure par M. Bert, est un grand argument, auquel on n’a pas en- core répondu. M. Broww-SÉQUARD : Je conviens que ces accidents de transmis- sion héréditaires sont rares. Mais je connais tant de faits nets, qu'il existe quelquefois, suivant moi. une véritable cause d’hérédité. Je di- rai aujourd’hui que les deux séries de faits que j’ai pu observer chez l’homme ne peuvent pas laisser de doute. Pour ce qui concerne l’épilepsie, j'ai eu un bon nombre de fois de petits cobayes ayant eu l’épilepsie sans avoir eu de lésions spéciales et nés seulement de parents que j'avais rendus épileptiques. Chez un grand nombre, il y a eu de l’épilepsie analogue à celle qu'on obser- vait chez les parents. La zone épileptigéne existait. La marche de laf- fection a été la même, du reste, dans presque toute son évolution. M. GiIRALDÈS : Les mutilations congénitales ont été très-bien dé- montrées par des lésions dans l'utérus C'est un fait qui a une grande importance. Mais, pour une transmission d’une mutilation chirurgi- cale, cela n’est pas une loi, j'insiste fort là-dessus, c’est une coïnci- dence. On ne peut pas accepter pour une telle démonstration les faits de Darwin et de Prosper Lucas. — M. BARÉTY communique l'observation suivante de convulsions partielles : Dans le Trailé de chirurgie de Holmes, M Brown-Séquard dit que, dans un grand nombre de cas, l’épilepsie s’est montrée sur des per- sonnes chez lesquelles il n’y avait d'autre cause de sa production qu’une blessure, une brülure, une tumeur, une inflammation ou une névralgie. : Le cas que j'ai l'honneur de soumettre à la Société m’a paru ren- trer dans cet ordre de faits intéressants. Il s’agit d’un homme qui présenta un certain nombre de convul- sions partielles, d'attaques épileptiformes, et qui offrait pour toute lé- sion coexistante, apparente, des abcès superficiels à la région du cou. Voici le fait : CONVULSIONS PARTIELLES. — ABCÈS PETITS ET MULTIPLES DU COU. Le premier janvier 1871, le nommé Menu P..., sergent-major au 42e régiment d'infanterie, âgé d'environ 35 ans, entre à l'hôpital mi- litaire Saint-Martin, dans le service de M. le docteur Guibout, méde- cin auxiliaire. Le lendemain, ? janvier, à la visite du matin, le sergent Menu n’accuse, pour toute maladie, que quelques petits abcès au cou, et on lui ordonne seulement des cataplasmes de farine de graine de lin. 191 Ces abcès petits et superficiels, au nombre de 12 à 13, sont dissé- minés dans la barbe coupée court, et occupent la région sus-hyoiï- dienne et une portion de la partie supérieure de la région sous- hyoïdienne. Ces abcès existent aussi bien à droite qu’à gauche de la ligne médiane. Interrogé sur le début de ces petits abcès, le malade nous répond qu’ils ont commencé à se montrer sur le cou et du côté droit vers le 15 décembre 1870, et sur le côté gauche vers le 24 du même mois, sans cause à lui connue. Le 26, il cesse de faire son service; le mé- decin du régiment consulté, lui ordonne des cataplasmes de farine de graine de lin et des frictions avec de l’onguent mercuriel sur les parties malades, le cou. Ces applications sont faites jusqu’au 30 dé- cembre 1870. Le 31 du même mois, il est envoyé à l’ambulance de Romainville où il arrive dans la matinée, après avoir beaucoup souf- fert du froid pendant le trajet, qu’il a fait dans une voiture de l’ambu- lance de la Presse. Puis il entre à l'hôpital Saint-Martin le {er janvier 1871. Le 2 et le 3 janvier, on presciit pour tout traitement des cata- plasmes de farine de graine lin. Le 4 janvier, ve:s dix heures du soir, il sent sa langue se tourner du côté gauche et s’épaissir. Cet état dure à peu près quatre ou cinq secondes, dit-il. Le jour suivant, 5 janvier, après la visite, pendant qu'il causait dans son lit avec son voisin de droite, à qui il racontait son accès de la veille, lui disant qu’il avait failli avaler sa langue, il fut pris subi- tement d’un second accès, et il eut à peine le temps de se mettre sur le dos : ‘a langue, comme la veille, se tourna du côté gauche, il la mordit même et la fit saigner. Tout le côté gauche me parut, de loin, être le siége de mouvements convulsifs. J’accourus aussitôt, mais l'accès venait de finir. Le malade me dit qu’il n'avait nullement perdu connaissance et que, pendant cet accès, il ne sentait plus le côté gauche depuis le cou jusqu’à la ceinture, que son bras gauche lui semblait comme mort, et qu’il ne sentait que sa main qui se tenait fermée. Je demandai quelques renseignements au caporal infirmier de service qui avait assisté à l'accès. Il me dit qu'il avait vu la lan- gue se porter à gauche, que le bord gauche de la langue était dépri- mé en gouttière, et qu’enfin toute sa moitié gauche était plus volu- mineuse, plus épaisse que la moitié droite. Je vis les traces de sang et une morsure légère à la langue. Je questionnai de nouveau le malade, car je commencçai à me dou- ter qu’il pouvait exister une certaine relation entre ces accès épilep- tiformes, ou si l’on veut, ces accès de convulsions partielles, et les 192 petits abcès du cou. Il me dit que jamais, avant son entrée à l’hôpi- tal, il n’avait eu d’attaques semblables, et qu’il ne connaissait per- sonne dans sa famille qui en eût présenté. Les abcès, ajoutait-il, n’avaient jamais été bien douloureux ni avant, ni pendant, ni aprés les accès de convulsions. À son avis, il y avait même beaucoup d'amélioration le jour des convulsions. De plus, je ne constatai sur lui aucune trace de syphilis ou de scrofule. Il n'avait jamais contracté la syphilis. Il n’était pas buveur. Ï1 n’avait, d'autre part, fait qu’une chute légère à Romainville, le 31 décembre. Cette chute était toute accidentelle, son sabre avait passé entre ses jambes et il était tombé. Ce même jour, c’est à-dire le 5 janvier, vers une heure de l’après- midi, étant assis et en train d'écrire, il ressentit de la douleur et de la raideur dans la langue à gauche. Craignant une attaque convul- sive nouvelle, il se leva et se coucha sur son lit situé à 3 ou 4 pas de la table sur laquelle il écrivait. A peine était-il couché que la crise avait cessé, Depuis ce jour, 5 janvier, jusqu’au 11 janvier, il n’éprouva abso- lument rien de semblable. L'état du cou s’améliorait. ._ Le 11 janvier, je constate, à la visite du matin, du tremblement dans la paupière supérieure de l’œil gauche et dans l’index de la main gauche. Tout se borna là. Le 13 janvier, il sortit à peu près guéri de ses abcès et rentra dans son corps Depuis je l’ai perdu de vue. Je dois ajouter que durant son séjour à l’hôpital Saint-Martin, il n’avait cessé de manger régulièrement avec appétit, et que le traite- ment des abcès resta le même que les premiers jours. Cette observation est, à mon avis, un exemple nouveau à ajouter à ceux déjà connus de convulsions dont le point de départ est une lésion extérieure apparente et coexistante. On m'objectera que je n’ai pas essayé de déterminer les accès de convulsions en irritant le point malade, le cou, point de départ pré- sumé des convulsions. Je n’ai point fait cet essai, mais on doit, dans tous les cas, je crois, tenir grand compte et du défaut d’antécédents capables d'expliquer ces accès, de leur apparition dans le cours d’une maladie en apparence bénigne, et enfin, et surtout, de la modification imprimée à ces abcès superficiels da cou par les accès de convul- sion. Cette influence des accès de convulsion sur les abcès du cou est tout au moins assez remarquable pour que le désir me vint de soumettre cette observation à la Société. — M. RABUTEAU présente du bromoforme qu’il a préparé récem- ment (celui-ci est pur). Il en à déjà présenté l’année dernière. 193 Lé bromal à pour formule : C?H Br O2. A ET Rs Avec la potasse on a du b'omoforme | Ë À & î M. Rabuteau donne des explications sur son procédé, qu’il doit communiquer dans une note spéciale. — M. RABUTEAU fait énsuite la Communication Suivante : DES EFFETS DE L'EAU DE MER ET DU PAIN PRÉPARÉ AVEC CETTE EAU MINÉRALE. Avant de continuer l’étude que j'ai entreprise sur les chlorures pendant le semestre dernier, qu’il me soit permis de révenir Sur mes pas, pour compléter ce qui a été fait. J’aî traité des chlorurés de $0- dium, de potassium, d’ammônium et de magnésium, et j'ai insisté Spécialement sur l’action que Ces composés éxéréent sur là nutrition, Or, parmi ces chlorures, il en est trois que l’eau de mer rénférme, savoir : le chlorure de sodium (en moyenne 25 à 30 p. 1000),le chlo- rure de magnésium (3 p. 1000), le chlorure de potassium (0,6p. 1000). Elle contient, en outre, d’autres sels dont je ferai mention plus loin. L'étude de lPéau de mer, cette eau minérale qui serait la plus pré- cieuse de toutes si elle était rare, devait être la suite naturelle de nes recherches, ét me permettre d'en faire pour ainsi dire une syn- thèse. Avant d'entrer en matière, je dirai d’abord que j'ai employé, pour mes expériences, l’eau de mer naturelle de M. Edouard Liger. On sait que l’eau de mer se putréfie rapidement, que le transport en dévénait naguère infructueux ; or, M. Liger à servi la science en trou- vant lé moyen de conserver cette eau dans son état de fraîcheur na- turelle. J'ai fait préparer, avec Peau de Liger, du pain sur léquel j'ai fait et je continue des recherches qui me permettront, à mon tour, je l'espère, de rendre service, non-seulement à la science pure, mais à la science appliquée à la thérapeutique. Je traiterai des effets physiologiques et thérapeutiques de l’eau de mer administrée : 40 à haute dose ; 2° à faible dose. 10 À haute dose, l’eau de mer produit des effets purgatifs. Il suffit de deux ou trois verres au plus, chez un adulte, pour que la purga- tion ait lieu, Cette action est la résultante des propriétés reconnues aux sels Contenus dans l’eau de mer. Tout le monde sait que le chlo- rure de sodium purge à haute dose, et j'ai démontré, d'autre part, que le chlorure de magnésium était un excellent purgatif. L’eau de mer contenant de petites quantités de chlorure de potassium, et 2 à 3 p. 1000 de sulfate de magnésie, les actions dé ces composés, qui C. R. 1871 20 194 seraient sans efficacité si elles étaient seules, deviennent efficaces en s’ajoutant à celles des précédents. J’ai démontré que les purgatifs salins ne purgent pas lorsqu'ils ont été injectés dans le sang, mais qu’ils produisent au contraire de la constipation. Aïnsi le chlorure, le sulfate de magnésium consti- pent lorsqu'on les a portés dans le torrent circulatoire. L’eau de mer devait-elle se comporter de la même manière ? Pour résoudre cette question, j’ai injecté 80 grammes de cette eau dans les veines d’un chien. Cet animal n’a pas été constipé ; il a eu même, le lendemain de l’injection, une selle plus facile que d’ordinaire. Ainsi, l’eau de mer injectée dans les veines ne constipe pas, bien que les principes minéraux qu’elle renferme soient, en majeure partie, des sels purga- tifs. Ce résultat tient à la composition complexe de l’eau de mer, qui renferme une petite quantité de sulfate de chaux. J’ai reconnu d’ail- leurs qu’une solution de sulfate de chaux, portée dans le torrent circulatoire, produisait plutôt de la diarrhée que de la constipa- tion (1). L'action purgative de l’eau de mer a été remarquée depuis un temps immémorial, mais ce n’est qu'à dater de 1750 que la littéra- ture médicale, s'étant emparée de la question, a signalé ces mêmes effets purgatifs et d’autres effets plus importants encore sur lesquels j'appellerai surtout l'attention. Je citerai ici la dissertation de Rus- sel (2), les publications de Cartheuser (3), de Robert White (4), de Kentish (5), d'Anderson (6), de Buchan (7), les thèses de Lefran- (1) Le sulfate de chaux se comporte alors comme le sulfate de li- thine, d’après les expériences que j'ai faites sur ce sel. (GAZ MÉDb. DE Paris, 1868, p. 617, et MÉMOIRES de la Société de biologie, pour la même année. (2) De tabe glandulari, sive de usu aquæ marinæ in morbis glandulaë rum, Oxford, 1750. Parmi les accidents morbides que l’eau de mer fait disparaître, suivant cet auteur, on remarque surtout les accidents scrofuleux. (3) De viribus aquæe marinæ medicis, 1763. (4) The use and abuse of sea-water, 1775. (») An essay on sea-bathing and the internal use of sea-water, 1785. (6) A practical essay on the gocd and bad effect of sea-water and sea-bathing, 1795. (7) Traité sur les bains de mer, Londres, 1801. Buchan a signalé les propriétés vermifuges de l’eau de mer, qu'il faisait prendre aux enfants, coupée avec du lait. 195 çois (1), de Lalesque (2), les mémoires de Greenhow (3), de Nardo (4), le rapport fait par Rayer, en 1843, au nom de la Commission des eaux minérales sur le travail de Pasquier, les articles de Le Cœur (5) sur l'usage interne de l’eau de mer, enfin, le mémoire du docteur Wiart (6). 2° Administrée à l’intérieur à petite dose, l’eau de mer ne purge pas; elle est absorbée et agit alors sur la nutrition. Je n’ai pas en- core fait des recherches directes sur l'élimination de l’urée sous l’in- fluence de cette eau minérale, mais on peut considérer comme infi- niment probable l'augmentation de ce principe. En effet, l’eau de mer est essentiellement minéralisée par les chlorures, et nous savons que ces derniers augmentent l’urée. On peut d’ailleurs considérer cette présomption comme une certitude. L’eau de mer, prise à l’in- térieur, élève la température et active la circulation. Ces effets, qui sont les mêmes que ceux des chlorures, avaient été déjà signalés par Greenhow, et, avant iui, par Richard Russel qui, après avoir exposé les indications du traitement par l’eau de mer, avait signalé au pre- mier rang, parmi les contre-indications, la fièvre qui accompagne parfois les accidents scrotuleux. On peut donc affirmer que l’eau de mer est un excilateur puissont de la nutrition, qu’elle active les combustions, puisqu'elle élève le pouls et la température. Nous avons vu que les chlorures augmentaient la production et Pacidité du suc gastrique; il en est de même de l’eau de mer. On sait que l’augmentation de l’appétit est l’un des premiers effets que l’on observe, non-seulement après l’usage interne de l’eau de mer, mais après les bains, car si la peau n’absorbe pas, pour ainsi dire, on respire néanmoins une atmosphère salée. L'eau marine est peu agréable à prendre; mais il n’en est pas de (1) Coup d'œil médical sur l’emploi exlerne el interne de l’eau de mer, Paris, 1812. ; (2) Essui sur les effets de l’eau de mer dans les maladies chroniques, Paris, 1829. L'auteur note les bons effets de l’eau de mer administrée à dose purgative dans l’hydropisie. (3) The London medical and surgical Journal, 1835. (4) Voyez un article publié en 1841 dans le Memoriale della medi- cina conlemporanea. (b) Traité des bains de mer, 1846. (6) De l’usage interne de l’eau de mer. Mémoire couronné par le Congrès scientifique du Havre, 1868. 195 même du pain à l’eau de mer, comme j'ai pu m'en assurer moi- même. Du pain que j ”ai fait préparer : avec cette eau à présenté, entre autres caractères, les deux suivants : Il a le degré de salure voulue et est très-agréable; Il se conserve frais beaucoup plns longtemps que le pain ordi- naire. Des pains de 125 grammes sont restés frais pendant plus de huit jours. J’ai présenté des échantillons de ce pain à la Société de biologie. Plusieurs membres de cette Société et plusieurs autres personnes, parmi lesquelles se trouvent des sommités scientifiques et médicales, en ont goûté également et l’ont trouvé excellent. Pour ma part, j’en fais un usage exclusif depuis quelque temps, et je trouve qu'il aug- mente l’appétit et favorise la digestion, ce qui est conforme aux ob- servations de Greenhow, qui a reconnu les bons effets de l’eau de mer dans la dyspepsie. Il ne constipe en aucune façon; il peut même parfois rendre les exonérations plus faciles. Le pain à l’eau de mer est donc un aliment hygiénique agréable qui présente les avantages de l’eau de mer à petite dose. C’est plus qu’un aliment, c’est un médicament. Pour démontrer l'utilité hygiénique de ce pain, je choisirai l’obser- vation suivante, parmi celles que je pourrais rapporter : Pendant une traversée de cinq mois effectuée du Havre à San- Francisco, en Californie, par un navire voilier ayant à bord 160 pas- sagers et 25 hommes d'équipage, le Louisiana, commandé par le capitaine Liger, on fil un usage exclusif du pain à l’eau de mer. Or, pendant cette longue traversée, il n’y eut pas un seul cas de maladie. Ce résultat est d’autant plus remarquable que les maladies sont fré- quentes dans les voyages maritimes. in J’ai appris, d’un autre côté, que les marins faisaient souvent usage du pain à l’eau de mer, non pas toujours dans le but d'épargner leur eau douce, mais parce qu'ils trouvaient ce pain agréable. Enfin, M. Moison envoyait naguère à l’Institut une note dans laquelle il annonçait que, dans les environs de Cancale, on employait de l’eau de mer pour la fabrication du pain, et il appelait l’attention de l'Aca- démie sur les bons effets hygiéniques qu’il attribuait à l’usage du pain ainsi préparé. Il me reste à citer les états morbides dans lesquels je considère l'usage du pain à Peau de mer comme pouvant rendre non-seule- ment de grands services, mais amener la guérison. J’insisterai parmi ces nombreuses affections sur quatre principales. % 1° La dyspepsie. — J'ai déjà cité cette affection, dans laquelle Greenhow regardait l'eflicacité de l’eau de mer comme incontestable. 197 Je rappellerai, d’après ce que j’ai observé sur moi-même, et d’après ce que j’observe chez les dyspeptiques, que le pain à l’eau de mer régularise les fonctions digestives. 20 La phthisis. — On sait que le sel marin est utile dans cette ma- ladie, Je signalerai, à ce sujet, la méthode de traitement instituée par M. Amédée Latour, méthode dont j'ai parlé lorsque j'ai étudié les effets physiologiques et thérapeutiques du chlorure de sodium. On se rappelle aussi que Laënnec, considérant la respiration de lat- mosphère maritime comme capable d’amener la guérison de la phthi- sie, avait fait mettre des algues dans les salles des hôpitaux. Or, prescrire l’usage du pain à l’eau de mer, c’est réaliser d’une manière efficace la pensée de notre grand ec On vante souvent l’emploi des sels de chaux dans la phthisie; l’eau de mer contient une petite quantité de ces sels. Enfin, cette eau renferme des iodures et des bromures ; or, pour certains théra- peutistes, l’iode serait le principe actif de l’huile de foie de morue, et j’annoncerai ici que cette huile renferme également du brome (1). 3° La scrofule. — Tous les auteurs que j'ai cités précédemment, depuis Richard Russel jusqu’à Pasquier, Rayer et Le Cœur, ont reconnu l'utilité de l’usage externe et interne de l’eau de mer dans cet état morbide. 4o Le goîlre. — L'usage du pain préparé avec l’eau de mer me semble devoir être particulièrement utile contre cette affection. Dans les pays montagneux, où le goître domine, tandis qu’il est très-rare dans les plaines et qu’on ne. le rencontre pas dans les régions voi- sines de la mer, on manque de ce qu’on a en quantité suffisante dans ces dernières stations. Le pays est lavé par les eaux de pluie et de neige, qui entraînent vers les mers les sels, les iodures, les br omu- res, etc ; et il n’est pas nécessaire de rappeler ici la théorie d’ après laquelle le goître serait dû à l'absence de liode. Telles sont les principales applications de l’eau de mer et du pain fabriqué avec cette eau. J’ajouterai, d’après mon expérience person- nelle, qu’il faudrait en cesser l’usage dans le cas où la fièvre vien- drait compliquer les états morbides, qu'on voudrait traiter avec le pain de mer, car j'ai remarqué, comme Greenhow l'avait déjà observé avant moi en parlant de l’eau de mer, que le pain préparé avec cette (1), Pour reconnaître la présence, du brome dans l’huile de foie de. morue, jé suis le même procédé que celui qui m’a permis de démon- trer la présence du brome normal dans lorganisme. (GAZ. HEBDOM., septembre 1868, et COMPTES, RENDUS de l’Académies, des sciences, 14 juillet 1869,) 198 eau produit une augmentation de la calorification. Enfin si, par ha- sard, les selles devenaient trop faciles, il faudrait en cesser pendant quelque temps l'emploi. — M. P. DEroïs, interne des hôpitaux, présente la noto suivante : APPAREIL A INJECTIONS HISTOLOGIQUES. Les micrographes s'accordent à reconnaître que les injections his- tologiques sont difficiles ; qu’elles exigent de l’opérateur autant d’habi- tude, autant d’'habileté que de patience. Depuis longtemps nous avions reconnu aux instruments habituelle- ment employés des inconvénients qui font que le succès des injections n’est pas toujours assuré. Nous avons cherché un appareil qui rendit: l'opération plus facile et plus sûre. Les résultats vraiment remar- quables que nous avons obtenus nous ont engagé à Les porter à la connaissance de la Société de biologie. Après avoir demontré les principes sur lesquels repose l’instru- ment, nous le publions aujourd’hui dans tous ses détails. Nous avons cherché à nous rapprocher autant que possible de l’or- gane qui fait cheminer avec tant de facilité le sang dans tout le sys- tème circulatoire. Nous avons imité la tension et l’intermittence arté- rielles. Ces conditions permettront encore d'utiliser instrument en physiologie pour l’étude de certaines fonctions. DESCRIPTION DE L'APPAREIL. L'appareil se compose de trois parties principalee : Un récipient À, Un compresseur B, Un manomètre C (fig. 1). Récipicnt (A, fig. 1). Il est destiné à recevoir, et la matière à injection et l'air qui doit la comprimer. C’est un cylindre en verre, fermé à ses extrémités par deux armatures métalliques. Le verre doit être soigneusement recuit pour éviter qu’il ne se brise sous l'influence des variations de tem- pérature. L’armature inférieure (1, fig. 1) est fixe et munie d’un robinet (9, fig. 1); un tnbe en caoutchouc (2, fig. 1) y est adapté et sert à con- duire la matière d injection. L’armature supérieure (8, fig. 1) s’enlève à volonté, de façon à per- mettre l'introduction des liquides injectables. Elle doit fermer hermé- tiquement, et pour cela, elle se visse sur une bague fixée au manchon. 199 Deux robinets (3, 4, fig. 1) sont placés sur les parties latérales du couvercle ; nous verrons plus loin leur usage. Compresseur (B, fig. 1). Ce n’est autre chose qu’une poire en caoutchouc, munie de deux soupapes (6, 7, fig. 1), s’ouvrant dans le même sens ; une à chaque extrémité. Un tube en caoutchouc, à droite et à gauche, la met en communication, par les robinets, avec le récipient, Manomètre (C, fig. 1). _ Il repose sur le centre du couvercle, et peut être mis en communi- cation avec le récipient, à l’aide d’un orifice que présente l’armature. Un robinet (5, fig. 1) permet d'établir ou d'interrompre cette commu- nication. La figure ? représente, en grandeur naturelle, le détail de ce mano- mètre. Il se compose d’une cuvette en verre, à moitié remplie de mercure (2, fig, 2) : c’est la cuvette manométrique. Sur les parties latérales de celle-ci, on voit une petite ouverture circulaire (1, fig. 2) qui per- met à l’air du récipient de communiquer avec celle de la cuvette. Un tube d’un petit diamètre (3, fig. 2) vient plonger dans le mer- cure, en traversant un bouchon qui ferme la partie supérieure de la cuvette. On a dès lors un manomètre. Pour le fixer hermétiquement sur le couvercle du récipient, on a adapté à la cuvette un renflement métallique (4, fig. 2) qui s’ajuste parfaitement sur une cavité correspondante que présente l’appendice du couvercle (C, fig. 1). Une virole à bague, en se vissant, maintient alors le manomètre parfaitement appliqué. Nous avons ainsi un tube manométrique à air libre qui donne très- exactement la mesure des plus faibles pressions. Îl a environ 20 cen- timètres de hauteur, et ces dimensions sont plus que suflisantes pour les injections histologiques. Mais prévoyant le cas où, en anatomie macroscopique, on voudrait avoir recours à de plus fortes pressions pour hydrotomiser des cadavres, œdématier des parties qu’on vou- drait durcir en cet état, par un artifice des plus simples, nous avons fait qu'on püt transformer à volonté le manomètre à air libre en ma- nomètre à air comprimé. Pour cela, il suflit d'adapter à la partie supé- rieure du tube manométrique un système représenté fig. 3. On voit que la pièce B (fig. 3) en forme de bouton, munie d’un pas de vis et présentant un petit tampon de liége à sa partie inférieure (1, B, fig. 3), peut s’introduire dans la pièce A (fig. 3) qui est tarau- dée extérieurement. Il en résulte qu’on peut, en la vissant, fermer com- plétement l’orifice supérieur du tube. Le manomètre est alors à air 200 comprimé. Une petite ouverture latérale sur la pièce À (2, fig. 3) fait que le manomètre devient à air libre lorsqu'on dévisse le bouchon d’un tour sans être obligé de l’enléver complétement. Il est clair que deux graduations doivent $’appliquér au tube, l’üne en centimètres, ‘etc., l'autre suivant la loi dé Mariotte. Maintenant que les diverses parties de l’appareïl nous sont con- nues, comment allons-nous en comprendre le fonctionnement ? Com- ment allons-nous obtenir tension et intermittence ? En voyant le compresseur communiquer par ses deux extrémités avec les parties latérales du récipient, on se demande où l’on prendra l'air qu’on doit y introduire pour établir la pression sur les liquides à injecter. La direction des soupapes (6, 7, fig. À) fait voir qu’en com- primant la poire on pousse l’air suivant la direction ab, et qu’en la relâchant on aspire suivant la direction cd, et qu’ainsi il est impos- sible d’obtenir une certaine pression. 11 nous faut donc une prise d’air à l’extérieur. Il est vrai qu’on pourrait l'avoir en séparant le tube en caoutchouc du robinet (4, fig. 1). Une légère modification de ce der- nier ne rend pas cétte manœuvre nécessaire. En effet, une échancrure a été pratiquée (1, fig. 4), dans le bouchon du robinet, et la figure montre clairement la possibilité d’une prise d’air à l’extérieur suivant la direction des flèches, On peut donc, sans déplacer le tube en caoutchouc, comprimer de l'air dans le récipient; nous avons, dès lors, la tension; comment allons-nous avoir l’intermittence ? Il suffit, pour eela, d'amener le robinet dans la position que repré- sente la figure 5. On établit ainsi la communication entre le compresseur et le récipient. Rappelons-nous qu’il y a déjà dans l’appareil une cer- taine pression. Si maintenant nous venons à comprimer et relâcher alternativement la poire ; nous aurons des variations de pression et, par suite, intermittence. Le récipient décrit pourrait paraître de petite capacité quand on veut injecter des animaux d’un certain volume ; mais on peut l’ali- menter facilement et y faire passer d'énormes quantités de solutions : il faut fermer le robinet inférieur (la tension du liquide existe encore dans le tube en caoutchouc, ? fig, 1), enlever le manomètre et à l’aide d’un entonnoir remplir de nouveau l’appareil ; puis le manomètre étant remis en place, la pression étant rétablie, le robinet est alors ouvert, et l'opération continue sans avoir pour ainsi dire subi d'interruption. S'agit-il d'opérer sur des organes isolément ou sur de très-petits animaux ? La forme et la dimension du récipient permettent d’utiliser des quantités minimes de solution. Telle est la construction et la manœuvre de l’appareil. | Jusqu'ici nous avons été conduit par la théorie ; mais si rationnelle 1 | | LR ; ne | ab, cd. FRches idigant M F0. 2. — Furet. manométrique en Hé RL . Ouverture pratiquée dans la cuvette. — 2. Mercure. — 3. Tube manométrique, — 4.Renflement métallique, bourrelet circulaire. Fig. 3. — Le Bouton, avec pas de vis. Est un petit tampon en liége. À. Nirole creuse et taraudée extérieurement fixée à la partie supérieure du tube manométrique. 2. Petite ouverture dansla virole. F6. 4. — Robinet à. double effet en grandeur naturelle, montrant la possibilité d’une prise d'air suivant la direction des flèches. 4. Échancrure dans le bouchon du robinet. Fio. 5, — Le, même robinet, dont la clef atété tournée d’un quart de tour, et montrant, sui- vant la direction des flèches, la possibilité d'entrée ét de sortie de V'air. C. R. 1871 21 202 qu’elle parût, nous avions besoin que les faits vinssent la confirmer. Convaincu que le succès des injections serait assuré si nous par- venions à vaincre certaines difficultés capitales, nous avons fait nos expériences dans les conditions les plus défavorables. Ainsi nous n’avons jamais employé que les injections, dites à chaud, faites avec la colle; omettant à dessein des injections qu’on sait être beaucoup plus pénétrantes, et dites solutions à froid. La rigidité cadavérique, la coagulation du sang dans les vaisseaux sont considérés comme des inconvénients s’opposant souvent à toute réussite. Nous avons choisi, chez le chat, l'intestin à l’état cadavérique, et comme il est extrêmement musculeux, on le trouve contracté, dur, cordiforme ; or l'injection a rempli toutes les villosités. Nous avons obtenu des résultats non moins complets sur'des intestins d'enfant, sur des reins volumineux et très-congestionnés : et pour ces cas il n’a pas été nécessaire, comme on le conseille, de faire passer préala- blement une colonne d’eau dans les vaisseaux. Tous les essais n’étaient pas terminés que déjà l’on pouvait voir avec quelle puissance de pénétration l'appareil poussait les liquides dans les plus fins capillaires. Après de nombreuses expériences, nous nous sommes enfin placés dans les conditions recommandécs par les his- tologistes. On prend un animal, on le tue par hémorrhagie, et pendant qu’il est encore chaud, on pousse l’injection qui pénètre alors beaucoup plus facilement. C’est ainsi que nous avons procédé sur des chiens et des lapins, toutetois en conservant encore la colle. La canule fut placée soit dans la carotide, soit dans une artère de membre; et bientôt après tout le système vasculaire fut pénétré ; l'intestin, le foie, la rate, les reins, le cerveau, la moelle épinière étaient complétement injectés. Les pré- parations que nous avons présentées à la Société de biologie en sont le résultat. Dans les cas où l’on voudrait conserver ou durcir des pièces ana- tomiques, des animaux entiers ou des cadavres, on obtiendra tel effet qu’on désire en variant suivant les indications les liquides à injecter. Une boîte métallique sert à contenir l’appareil, elle peut servir en même temps, pour les solutions à la colle, à contenir l’eau chaude dans laquelle on fait baigner l'instrument et les pièces anatomiques; elle s'ouvre à charnière et sur le côté; le couvercle et le fond étant d’égale hauteur, de! telle sorte qu’en l’ouvrant on ait deux boîtes égales, etse touchant par une de leur parois. 203 . Deux ouvertures, une dans chaque paroi, permettent d'établir une. communication entre ces deux compartiments. que Une vis creuse passe dans les ouvertures, elle est munie d’une tête portant un bourrelet en cuir ou en liége. La tête vient s’appliquer au pourtour de l'ouverture et ferme la boîte de ce côté. De l’autre même système de fermeture : une bague avec tête et bourrelet souple vient, en se vissant sur la première pièce, boucher l’autre orifice. On a donc ainsi deux compartiments qui peuvent servir, l’un à contenir l'appareil, l’autre la pièce à injecter, et la vis creuse permet le passage du tube et des canules. M. RANVIER : Les idées de M. Defois sur l'utilité de faire varier la pression pendant l’injection me paraissent très-bonnes. J’ai fait con- struire, depuis plusieurs années, un appareil à deux boules de verre communiquant l’une avec l’autre, comme dans l'appareil de Hering ; l’une d’elles, celle qui détermine la pression est soumise à des oscil- lations qui produisent des variations de la pression comme limpul- sion cardiaque; mais, à l’exception des injections des conduits glan- dulaires, pour lesquelles il faut une pression faible et continue, ces appareils n’ont qu’une faible valeur. Il importe avant tout d’avoir de bonnes masses colorées. M. GIRALDËS : L'appareil est bon, mais un peu compliqué. J’em- ployais un appareil de Strauss, à air comprimé, à pression continue; pour l’étude des vaisseaux séminifères de l’homme, par exemple, il m'a rendu grand service. M. Derois : L'appareil que je vous soumets est portatif, ce qui est une qualité, il est contenu dans une boîte bien adaptée, qui peut servir à contenir l’animal. Le fond peut se mettre sur le feu. On peut produire l’intermittence en comprimant la poire. — M. VuzpiaAn dit quelques mots sur une expérience qu’il vient de répéter, relativement aux effets de l’électrisation générale. Elle a été faite sur un cobaye jeune, et elle a montré que, malgré la sec- tion des nerfs pneumo-gastriques, cette sorte d’électrisation déter- mine encore l'arrêt de la respiration et l’affaiblissement des mouve- ments du cœur, qui s'arrêtent quelques secondes après ceux dela respiration. M. BROWN-SÉQUARD : J'ai déjà fait autrefois des expériences ana- logues. J’ai électrisé des animaux qui avaient les nerfs vagues cou- pés. J’ai vu une augmentation de vitesse des mouvements respira- toires. J'ai vu l’arrêt du cœur moins rapide qu’en galvanisant le nerf vague directement; mais cet arrêt est incomplet. Il y a une différence, suivant que les courants passent de Vanus à 204 14 bouche, ou suivant que les excitateurs sont mis en râppôrt avec des parties différentes. î M. VULPIAN insiste sur ce fait, qu'il a observé, au contraire, un arrêt des mouvements respiratoires, et il rappelle ce qu’il a dit dans la précédente séance, à savoir que cet arrêt s’observe plus sûrement et plus rapidement lorsque, l’un des électrodes étant dans l'anus, l'autre est placé dans une narine au lieu d’être mis dans la cavité buccale. — M. VULPIAN fait, en outre, une communication relative à l’in- fluence des lésions nerveuses sur les nerfs lésés eux-mêmes et sur les muscles innervés par ces nerfs. On a déjà agité cette question à la Société plusieurs fois. On s’est demandé quelles différences offraient les résultats suivant que les nérfs étaient coupés ou irrités. M. Vulpian a fait un grand nombre d’expériences sur ce sujet, consistant, les unes en section de nerfs, les autres en écrasement de nerfs, d’autres enfin en transpercement de nerfs au moyen d’aiguilles chargées d’acide acétique ou d'essence de cantharide. Ces expériences ont été faites sur le sciatique, l’hypoglosse, le pneumo-sastrique, les récurrents et le facial. Pour tous ces nerfs, il y a eu les mêmes résultats. L’altération des nerfs est la même, quelque soit le procédé d’expérimentation em- ployé. Dans quelques cas rares, la partie périphérique des nerfs transpercés avec une aiguille chargée d’acide acétique, s’est altérée à partir du point où a eu lieu l'opération et jusqu’à ses dernières extrémités, comme si on avait coupé ces nerfs. La seule diflérence observée consiste en ceci, que la régénération a lieu plus rapide- ment lorsque la continuité du nerf n’a pas été totalement inter- rompue. Pour les muscles, les résultats sont les mêmes aussi, en ce qui concerne soit les altérations anatomiques, soit l’état de la contracti- lité musculaire. Jâräis l'irritabilité musculaire ne se perd. Elle diminue parfois à ün tel degré qu'on ne peut plus la méttre en jeu au travers dé la peau, rasée et mouillée. Mais, dans ce cas, en mettant les muscles à nü, on obtient encore des contractions qui sont plus faibles, mais qui existent nettement. Ce résultat n’est qu’én contradiction apparente avec les faits cli- ñiques, puisque dans ces faits la contractilité n’est explorée qu’à travers la peau. De plus, M. Vulpian ajoute qu’il a observé la production d’épi- 205 lepsié consécutive aux cautérisations des nerfs par l'acide acétique. M. Vulpian fait encoré remarquer que, contrairement aux prévi- sions qué l’on aurait pu faire, le contact de l’acide acétique déter- mine présque immédiatement une paralysie et non une irritation des nerfs traversés par une aiguille chargée de cet acide. Par exemple, pour le nerf vague, chez un chien, cet effét se constate aisément, car, aussitôt après que le contact de l'acide a eu lieu, on observe, dans l'oreille ét l’œil du même côté, tous les phénomènes dus à la paralysie du cordon cervical du grand sympathique, lequel est uni chez le chien, Comme on le sait, au nerf pieumogastrique. M. BROWN-SÉQUARD : J'ai vu quelques exceptions. Jai vu, chez certains animaux, se produire une atrophie musculaire plus pronon- cée dans les cas où les nerfs avaient été étreints à l’aide d’une liga- ‘ ture, que dans ceux où ces nerfs avaient été simplement coupés. J'ai vu aussi, comme fait général, que l’irritabilité musculaire est conservée à la suite des lésions nerveuses dont il est question. Il n’en était pas ainsi pourtant dans un cas dés plus intéressants (ex- périence faite sur un cobaye : les muscles étaient profondément al- térés, l’irritabilité musculaire fut trouvée complétement abolie. Enfin j'ai vu que des altérations diverses déterminent lépilepsie, aussi bien que la section des nerfs chez les cobayes. Maïs je n'avais pas fait de recherches sur les résultats de la cautérisation des nerfs à l’aide de l’acide acétique. M. RANVIER : J’ai fait une expérience analogue en employant du nitrate d'argent, dans le but de déterminer une névrite. Or, j'ai vu des symptômes paralytiques analogues à ceux décrits par M. Vul- pian, qui employait l’acide acétique. . J’interprète le fait par l'existence des anneaux circulaires qui per- mettent au nitrate d’arriver facilement jusqu’au cylindre d’axe des tubes nerveux. . M. CHARCOT a cherché s’il n’y avait pas une conciliation possible entre les faits expérimentaux et les faits pathologiques: On sait que, chez l’homme, à la suite de certaines lésions trauma- tiques, par exemple, la contractilité faradique est diminuée au point de ne pouvoir plus être mise en jeu. Cela paraissait en contradiction avec les résultats des physiologis- tes, d’après lesquels la contractilité musculaire se conserverait très- longtemps à la suite des sections nerveuses. Or, en étudiant les faits rapportés par Erb et Ziemssen, M. Char- cot aurait constaté que, dans les cas où ils ont observé la diminution ou la perte de la contractilité, il s’agissait de lésions qu’on pouvait regarder comme irritatives, telles que la ligature ou l’écrasement. 206 II lui avait donc paru vraisemblable que, chez l’homme, la dimi- nution de la contractilité dépendait probablement de lésions qui avaient eu une influence irritative sur les cordons nerveux, et il pensait qu’il devait en être autremeut des résultats des sections ner- veuses. Les recherches de M. Vulpian semblent lever tous les doutes, en ce sens que des lésions très-diverses (écrasement, ligature, section), paraissent avoir produit le même effet sur la contractilité musculaire. Mais M. Vulpian a-t-il comparé jour par jour les résultats pro- duits dans les deux cas : ou écrasement ou section? A-t-il confirmé ce qu'ont dit les auteurs précités, relativement à l'augmentation de la contractilité galvano-musculaire pendant que la contractilité farado- musculaire diminue? M. VULPIAN : J’ai vu chez un cobaye, ayant un nerf sciatique sec- tionné et l’autre nerf sciatique écrasé, la contractilité diminuer très- rapidement et aussi promptement dans les muscles de l’un des mem- bres que dans ceux de l’autre. Je faisais ces expériences de cette façon, sur le même animal, pour avoir une comparaison décisive. Quant à la différence entre les deux sortes de courants, M. Vul- pian pense qu’elle s’explique peut être, en partie du moins, parce que les courants galvaniques traverseraient plus facilement la peau, surtout dans les jours qui suivent l'expérience. M. BRowN-SÉQUARD : Je c1ois qu’il y a diminution de l’irritabilité au bout de quelques jours, mais non au bout de quelques heures, ou même d’un jour. Séance du 30 décembre. M. VULPIAN, à propos du procès-verbal, revient sur quelques points concernant l’influence des lésions survenues sur les nerfs lésés eux-mêmes et sur les muscles innervés par ces nerfs. Il annonce qu'il a refait les expériences avec la ligature (sur le nerf sciatique). Les résultats sont déjà assez concluants. Il a vu, après quatre jours, nne diminution notable de la contractilité. 40 M. Vulpian, de plus, a fait l'expérience avec l’ammoniaque. Les résultats sont identiques à ceux qu’il avait obtenus à l’aide de l’acide acétique. ; 2° Enfin, il a pincé, avec une force modérée, le nerf, comme Ziemssen, du reste, l'avait fait. Dans ce cas, il y a diminution qui ne va pas jusqu’à la perte apparente de la contractilité. 207 Donc, ce qui ressort, d’après M. Vulpian, c’est la conservation dans tous les cas de la contractilité musculaire. Parfois, au travers de la peau, cette contractilite peut à peine être mise en jeu, mais si on met les muscles à nu, on peut toujours les faire contracter par les excitants expérimentaux. M. Vulpian ajoute que ces résultats ont lieu bien probablement, non pas par irritation du nerf (même dans les cas de cautérisation), mais bien par suite de la perte ou de la diminution des fonctions de ce nerf plus ou moins dégénéré. Les altérations sur l'extrémité de la patte paraissent se produire plus rapidement et plus complétement à la suite des sections simples qu’à la suite d’écrasement ou de ligatures. M. BROWN-SÉQUARD dit qu il a fait, en 1852, des expériences sur la contractilité musculaire à la suite des lésions des nerfs, et rappelle les publications de Marschall-Hall sur des faits de cette nature. M. Brown-Séquard revient sur les suppositions émises lors de la communication de M. Vulpian, sur la constatation du fait que le pe- tit sciatique était atrophié comme le grand sciatique. J’ai retrouvé, dit-il, un fait curieux dans mes notes, les ganglions spinaux, du côté où le sciatique est coupé, sont beaucoup plus pe- tits, et quelquefois plus petits du côté où a eu lieu l'opération. Il y a une véritable atrophie. Donc, il semble simple que le petit sciatique soit atrophié comme le grand sciatique. M. LABORDE : J’ai montré, l’année dernière, pourquoi la contrac- tilité n’était pas tout à fait atteinte, car il y a quelques fibres saines encore. (Voir GAZETTE MÉDICALE, 1870.) Je voudrais insister sur un fait. J’ai vu trois périodes : 40 Immédiament après la section du nerf, augmentation de la tem- pérature dans le membre où le sciatique est coupé; augmentation relative de la contractilité. 20 Dans la phase intermédiaire qui précède la régénération vei- neuse, diminution de la température et de la contractilité ; 3° À la période de régénération, retour à la température et à la contractilité musculaire normales. Avec le curare, chez la grenouille, on observe que du côté du nerf coupé, il y a augmentation, de suite, de toutes les propriétés vitales, la contractilité musculaire surtout. M. Laborde se servait de l’appareil de M. Trouvé, qui li a semblé très-utile dans ces cas. M. CHARCOT revient sur quelques pots des travaux de MM. Erb et Ziemssen. 208 Dans ce travail, il y a différence bien établie entre la faradisation et la galvanisation. Le fait intéressant, c’est que ces deux modes de recherches amenaient des résultats différents. De quelle sorte d'appareil se servait M. Laborde ? M. LABORDE : Je me servais de courants interrompus. M. CHARCOT : Ces résultats me surprennent alors. : M. IABORDE : Les auteurs n’observaient que sur les museles. Jai employé le chlorure de sodium qui est un très-bon excitant, alors même que les courants électriques ne donnent plus de résultat ap- préciable. J'ai vu une augmentation relative de la contractilité mus- culaire. Je mettais de côté l'action nerveuse, pour ne pas ajouter l'influence motrice. M. CHARCOT : Mais après le quatrième jour, le nerf est dégénéré chez les lapins et chez les chiens. M. LABORDE : Je me servais de grenouilles et de cobayes. M. CHARCOT : J’appelle l'attention sur ce fait. M. Vulpian a-t-il trouvé une névrite? et une myosite dans les cas de lésions des nerfs? M. VULPIAN : J'ai vu très-nettement la multiplication des noyaux dans les gaînes de Schwann et dans les gaînes de périnèvre. Mais il faut tenir compte de l'existence des gaînes vides qui pourraientétre ‘ prises pour des fascicules de tissu connectif nouveau. M. Brown-SÉQUARD : Dans les paralysies faciales, il y a des diffé- rences avec ce qui a lieu dans les paralysies des autres nerfs. De plus, il y a différence suivant qu’il y a paralysie faciale rhumatis- male ou d’une autre cause. M. Duchenne a bien indiqué ces faits. Or, pour le facial, il y a toute raison pour qu'il y ait perte d'irrita- tion très-facilement. M. VuzpiaN : Pour le nerf facial, j’ai vu le même résultat, lorsque je coupais le nerf facial au niveau du plancher du quatrième ventri- cule. Il y avait atrophie rapide des muscles, chez le chien. Or là le nerf facial est simple, ou du moins il n’est pas prouxé qu’il contienne déjà dans ce point des fibres sympathiques, vaso-motrices ou tro- phiques. J'ajoute que MM. Erb et Ziemssen ont montré des différences sui- vant que le pôle positif est placé sur un des points paralysés des muscles ou suivant qu’on y place le pôle négatif. Les contractions seraient les plus fortes lorsque le pôle positif est en contact avec les muscles paralysés. Or, cela est en contradiction avec mes expériences, où j'ai tou- jours vu le pôle négatif agir d’une façon plus énergique sur les musa cles paralysés que le pôle positif. 209 — M. DUMONTPALLIER relate l’observation d’un homme ayant eu, il y a trois ans, un kyste hydatique du foie et rendant actuellement des débris de {ænia solium par l'anus. Il demande à la Société sil y a quelques rapports à établir entre ces deux manifestations patholo- giques. M. VAILLANT ne croit pas qu'il y ait de relation à établir ici entre ces deux affections. Il pense que le tœnia qu’on présente est bien réellement le éænia solium. Il lui paraît y avoir coïncidence seulement. — M. LABOULBÈNE fait la communication suivante : FAUSSE MEMBRANE PÉRITONÉALE ET KYSTIQUE, ADHÉRANT PAR UN PÉDICULE A LA FACE INFÉRIEURE DU DIAPHRAGME. La pièce anatomique que je présente à la Société a été observée dans l’abdomen d’un homme mort d’une tuberculisation aiguë. J'ai trouvé, dans la cavité abdominale, les lésions suivantes : le péritoine était parsemé de granulations noduleuses, grosses comme des grains de millet, au moins, ou comme des grains de chenevis. Les viscères abdominaux étaient agglutinés par de nombreuses adhérences conjonctives, transparentes et parsemées elles-mêmes de granulations miliaires. Enfin, dans le flanc droit, on remarquait une production néopla- sique, allongée et kystique, détachée de la paroi séreuse, simplement accolée contre elle, suspendue au diaphragme par un pédicule qui s’insérait sous la face inférieure de ce muscle, à droite de l’insertion du ligament falciforme. En avant, ce corps pyriforme ne tenait que par des tractus lâches et filamenteux et se trouvait placé près des insertions costales antérieures. La séreuse était soulevée, en se plis- sant, sur un cordon cylindrique ayant à peu près le volume d’un tuyau de plume, de consistance molle. Ce cordon était long d’en- viron sept centimètres et demi; il restait d’abord cylindrique, puis il s’élargissait et se terminait par un renflement en massue arrondie à l'extrémité, et grosse comme un petit œuf de poule. La surface de ce renflement était toute parsemée, jusqu’à en être couverte com plétement en certains endroits, de granulations ayant le volume d’un grain de chenevis au moins, et dans l'intervalle de ces granula- tions la surface du petit corps était assez lisse. Cette surface était remplie par des arborisations vasculaires très-marquées ; elle offrait sur d’autres points une pigmentation noirâtre et même d’un noir de suie, dûe à du pigment provenant de la matière colorante du sang. Toute cette surface’ était en outre le point de départ de nombreuses €. R. 1871 22 210 néo-membranes, conjonctives, transparentes, parsemées également de granulations. Cette petite masse pyriforme, renflée au sommet, donnait une fluc- tuation très-évidente. L’ayant ouverte avec soin, elle a présenté : Une cavité limitée par une paroi mince, ayant 1 demi-millimè- tre en moyenne, sur la plus grande partie de son étendue, mais plus épaisse près du point où le renflement s’eflilait pour se continuer avec le cordon cylindrique. Cette paroi était toute infiltrée de granulations miliaires. La surface interne, granuleuse elle-même, était recouverte par des filaments blanchâtres ou rosés, très déliés, très-longs, formant un chevelu villeux. Enfin elle contenait un liquide d’un blanc opalin filant et épais, à la manière du pus traité par l’ammoniaque. L'examen microscopique ma montré dans ce liquide des leuco- cytes; beaucoup d’entre eux étaient volumineux et granuleux; il y avait aussi une grande quantité de granulations libres, irrégulières, et enfin des globules de nature grasse, libres, réfractant fortement la lumière, Quant aux filaments implantés sur la paroi, ils étaient formés, comme la paroi elle-même, par des faisceaux de tissu conjonctif en- core jeune et constitué par éléments fusiformes allongés et par de nombreuses fibrilles ondulées, pâlissant par l’acide acétique. L'examen attentif du diaphragme et de la paroi abdominale démon- trait nettement que le corps qui fait le sujet de cette note était une néo-membrane revêtue, dès son point de départ diaphragmatique, d’une surface séreuse. Cette néo-membrane, qui s’est peu à peu dé- tachée et pédiculisée, se sera plus tard laissé dédoubler ou creuser à l’intérieur, sous une action irritative, par des éléments cellulaires et la cavité se sera remplie de leucocytes, pendant que les parois de- venaient granuleuses sous l’influence de la tuberculose générale et miliaire à laquelle le malade a succombé. Les granulations miliaires, dures et en majeure partie transpa- rentes, surtout à l’état d'isolement, étaient constituées par des élé- ments cellulaires et nucléaires, pressés les uns contre les autres et atrophiés au centre de la granulation. Cette pièce anatomique est très-remarquable et les exemples doi- vent en être rares. Elle n’a que des rapports éloignés avec celle que j'ai déjà fait connaître dans mes Recherches sur les affections pseudo- membraneuses, elc., p. 245, 1861, et qui était libre dans la cavité péritonéale. Actuellement on se rendait compte, en examinant le pé- dicule de la tumeur, de la manière dont cette pièce s'était formée, et 211 si le pédicule de consistance molle se fût rompu, la néo-membrane se serait trouvée libre dans la cavité péritonéale. — M. RABUTEAU, au nom de M. MassuL et au sien communique la note suivante : RECHERCHES SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUES ET LES MÉTA- MORPHOSES DES CYANATES DANS L'ORGANISME. On sait, d’après les recherches de l’un de nous (1) que les chlo- rates ne subissent aucune réduction dans l'organisme, que les bro- mates s’y réduisent difficilement, que les iodates s’y réduisent tous avec la plus grande facililité, de sorte qu’on retrouve des iodures dans les urines des personnes qui ont pris ces derniers composés, ainsi que dans celles des animaux auxquels on les a administrés, ou dans le sang desquels on les a injectés. Il était intéressant de savoir ce que deviendraient les cyanates dans l’organisme. On pouvait se demander d’abord si ces composés seraient toxiques, puis s'ils se réduiraient dans l’économie en se transformant en cyanures, si enfin ils subiraient la décomposition qu'ils éprouvent spontanément au contact de l’eau. Nos expériences, qui ont porté sur les cyanates de potasse et de soude, prouvent : 1° que ces sels ne sont pas toxiques comme on aurait pu le présumer, 2° qu’ils donnent naissance, dans l’organisme, à des carbonates alcalins. ‘ Quand on porte dans l’estomac des chiens des doses assez fortes de cyanate de potasse, 3 grammes par exemple, on constate que la santé de ces animaux continue d’être parfaite comme auparavant ; de plus, leurs urines présentent bientôt une réaction fortement alca- line, elles font même effervescence avec les acides. L’injection de 25 centigrammes de ce sel, dans les veines d’un chien de petite taille, a rendu les urines de cet animal légèrement alcalines. Quinze heures après l'injection elles étaient encore presque neutres. Le cyanate de potasse, injecté dans le sang, chez les chiens, à la dose de À gramme, produit la mort. Mais ce sel ne tue pas alors parce que c’est un composé cyanique ; il agit comme sel de potas- sium, de la même manière que le sulfate, le chlorure, l’acétate, le bicarbonate de potassium qui, injectés dans le torrent circulatoire, à la dose de 1 gramme, produisent une mort foudroyante en arré- tant le cœur. Le cyanate de soude peut être injecté impunément chez les chiens (1) MÉMOIRES ET COMPTES RENDUS de la Société de biologie 1868 et 1869. 212 à la dose de 1 gramme, parce que les sels de sodium sont, pour ainsi dire, inoffensifs comparativement aux sels de potassium. Les urines deviennent alors franchement alcalines. Les cyanates de potasse et de soude donnent par conséquent naïs- sance dans l’organisme à des carbonates de potasse et de soude. Nous n'avons pu retrouver dans les urines du carbonate d’ammo- niaque qui doit se produire également dans la décomposition des cyanates. Ce résultat négatif est conforme aux recherches de l’un de nous qui a reconnu que le sesquicarbonate d’ammoniaque pris même à la dose de ? grammes en une fois, et de 5 grammes en trois fois, dans un jour, ne rend pas les urines alcalines, car il se transforme partiellement en chlorure d’ammonium dans l’estomac, au contact de l'acide chlorhydrique du suc gastrique, et la portion qui a été absorbée s’éliminerait à l’état d’azotate (Bence Jones) mais plutôt à l’état de phosphate (Rabuteau). Il résulte, de ces recherches, qu’administrer des cyanates c’est administrer des carbonates alcalins, comme lorsqu'on donne des acétates, des lactates, des tartrates, des citrates, etc., de potasse et de soude. Ll’urée ingérée dans l’estomac ou injectée dans le sang, se re- trouve en nature dans l’urine. D’après les données précédentes, il est probable que le cyanate d'’ammoniaque, qui est isomère avec l’urée, ne se transformerait pas en ce principe, mais en carbonate d’ammoniaque dans l’organisme. Nos expériences ont été faites dans le laboratoire de M. Robin, à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine. FIN DES COMPTES RENDUS DES SÉANCES. MÉMOIRES À LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1871. 1 à AU het ï li ie à \fr fl sn 1h NOTE SUR L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU SCORBUT Communiquée à la Société de Biologie, le 18 mars 1871, Par M. G. HAYEM. Le siége de Paris, amenant avec lui le froid et la faim, n’a pas tardé à modifier profondément et de la façon la plus triste la con- stitution médicale réznante. Parmi les maladies de misère ainsi en- sendrées, les hémorrhagies tiennent certainement un rang impor- tant. Elles ont atteint surtout les détenus et les soldats mal logés, exténués de fatigue et presque toujours insuffisamment nourris ; mais elles ont fait aussi des victimes dans la population civile qui fréquente habituellement les hôpitaux. Ainsi, dans le service de M. Bernutz à la Charité, j'ai pu étudier depuis le mois de janvier jusqu’à aujourd’hui un certain nombre de malades qui ont tantôt les signes d’une sorte de purpura secondaire ou cachectique, tantôt un ensemble de signes se rapprochant beaucoup de la des- cription du vérilable scorbut, telle que Lind l’a tracée d’une ma- nière si remarquable. Ces états morbides, si rares en temps ordi- paire, nous dévoilaient donc dans l’atmosphère de Paris l'existence d'une sorte de constitution scorbutique analogue à celles dont Les 4 anciens ont observé de fréquents exemples. Aussi ai-je recueilli les observations de tous les malades offrant des phénomènes hé- morrhagiques, dans le but de préparer quelques matériaux pour l'histoire générale de l'épidémie actuelle. Je me propose de donner plus tard une analyse clinique complète des cas, d’ailleurs peu nom- breux, qui ont été soumis à l’observation de M. Bernutz et à la mienne. Mais, dès à présent, je puis faire connaître succinctement à la So- ciété les résultats de mes recherches cadavériques. Les malades qui ont succombé peuvent être séparés en deux caté- gcries. Dans la première on trouve une prédominance des accidents hé- morrhagiques et les principaux symptômes du scorbut classique. La seconde comprend les cas dans lesquels les malades atteints d’affec- tions diverses assez graves pour entraîner la mort, n’ont offert que des lésions hémorrhagiques légères. Gette distinction n’a qu’une im- portance secondaire au point de vue de la nature des lésions, et nous verrons plus tard ce que l’on peut en conclure relativement à la physiologie pathologique des hémorrhagies. Mes autopsies sont au nombre de huit; elles comprennent quatre cas de chacune de ces catégories. Voici en résumé les altérations que nous avons notées dans les faits qui se rattachent de plus près au scorbut : Le sang n’est pas notablement altéré après la mort. On trouve dans le cœur et dans les gros vaisseaux des caillots analogues à ceux qui existent chez les autres sujets. Dans les veines le sang était toujours liquide, malgré la présence d’un œdème quelquefois considérable de l’un ou des deux membres inférieurs. Chez un malade qui offrait une altération bien caractéristique des gencives, de l’œdème de l’un des membres inférieurs et de grandes infiltrations sanguines, j'ai fait l’examen du sang pendant la vie, sans y rencontrer d’altération bien appréciable. Le nombre des glo- bules blancs était normal, les globules rouges s’empilaient comme d'ordinaire et offraient leur teinte habituelle; cependant ils deve- naient très-rapidement irréguliers et müriformes au contact de l'air ou par l'agitation. De plus, il existait à côté des globules adultes un nombre peut-être plus considérable qu’à l’état normal de globules petits (globulins) arrondis ou müriformes. 6] Ces caractères microscopiques ne peuvent pas constituer une alté- ration morphologique précise; c’est à la chimie qu'il faudra surtout s'adresser pour connaître ce qui se passe dans le sang. Les vaisseaux examinés soit à l’état frais, soit après le durcisse- ment des parties dans l'alcool ou acide chromique et l’alcool, sont parfaitement sains, même au niveau des hémorrhagies les plus abon- dantes. C'est à peine si l’on voit quelques petites granulations grais- seuses dans la paroi des veinules et des capillaires. Cependant un grand nombre de ces derniers vaisseaux contiennent des globules rouges assez fortement pressés et quelques veines sont oblitérées en partie par des globules rouges englobés dans de la fibrine; mais c’est là le résultat de l'emploi des liquides conservateurs. Le sang ne n’a pas paru s'être coagulé pendant la vie. Toutefois il existait certai- nement dans deux cas une gêne plus ou moins grande dars la cir- culation capillaire et veineuse. Dans toutes mes préparations les artères étaient saines et vides. La peau est dans tous les cas le siége d’hémorrhagies qui se mon- trent particulièrement au niveau des membres inférieurs, soit sur les jambes, les pieds et les cuisses; mais on en observe également sur les avant-bras, sur le dos de la main, et dans un cas j'en ai noté sur la peau du ventre et quelques-unes sur le cuir chevelu. Ces hémorrhagies forment des pétéchies ou des ecchymoses. Les pétéchies présentent deux variétés principales. Dans le pre- mier cas l’hémorrhagie à lieu soit au niveau des bulbes pileux, soit autour d'eux sous l'aspect d’une petite auréole purpurine. Presque toujours alors les bulbes forment de légères saillies foncées qui ont fait comparer cette lésion, par MM. Laségue et Legroux, à une sorte d’acué. Dans la plupart des cas, cette disposition rappelle plutôt l'as- pect du lichen pilaris. La seconde variété de pétéchies est constituée par des taches hémorrhagiques plus étendues, irrégulières, bien dé- limitées et sans induration du tissu malade. Elles siégent indistinc- tement dans les diverses parties du derme, mais ne reposent pas sur une base indurée; à leur niveau, le tissu cellulo-adipeux sous-cu- tané, est parfaitement libre. Les ecchymoses ont des bords livides, jaunâtres, comme les ecchy- moses ordinaires, et sont dues à une infiltration sanguine qui siége principalement dans le tissu cellulo-adipeux sous-cutané et qui a envahi en quelques points seulement les mailles du derme. Aussi re- 6 ; posent-elles sur une base en général dure, qui rappelle quelquefois la consistance du sclérème. Cest dans le tissu cellulo-adipeux que siégent les sanératids sanguines les plus considérables et surtout dans celui qui double la peau au niveau des larges ecchymoses indurées: mais souvent on trouve une induration considérable du tissu cellulaire en dehors des points ecchymosés. Le membre offre alors une dureté quelque- fois ligneuse; la peau est tendue, luisante, et la dépression obtenue par le doigt qui la comprime s’efface rapidement. Bientôt on ne tarde pas à voir la peau prendre une couleur jaune bleuâtre, ecchymotique, particulière qui vient révéler la nature hémorrhagique de cet œdème. Il peut même se faire, qu’il y ait ou non des ecchymoses cutanées, que les infiltrations sanguines du tissu cellulaire profond du membre soient la cause de troubles dans la circulation de la peau. On observe alors des sortes de plaques cyanosées disséminées le plus souvent au niveau des pieds, des sortes de vergetures constituées par de pe- tites dilatations des capillaires et des veinules de la peau. Ces parties bleuâtres, œdémateuses, diffèrent essentiellement des ecchymoses véritables, puisque la teinte livide disparait compléte - ment par la pression, sauf dans les points où il existe, en outre, des infiltrations sanguines du derme. Enfin j’observe, en ce moment, chez un malade dont l’un des membres inférieurs est le siége d’un œdème dur très-prononcé avec coloration jaune ecchymotique généralisée, , une vascularisation anomale de la peau avec chaleur et endoloris- sement, et qui paraît due à une sorte de circulation collatérale sur- activée. Les hémorrhagies du tissu cellulo-adipeux sous-cutané forme nt des nappes diffuses plus ou moins épaisses. Les moins abondantes paraissent se former d’abord autour des veinules; puis le tissu envahi dans toute son épaisseur forme une masse dure, compacte, d’une coloration de plus en plus foncée, noirâtre. Dans les parties qui ne sont pas envahies par le sang, on remarque toujours, dans ces cas, un œdème plüs ou moins prononcé, plus mou qu'au niveau des parties infiltrées. Sur des coupes microscopiques faites au niveau des ecchymoses de la peau, voici les particularités principales que l’on observe : Le corps muqueux de Malpighi est d’une teinte rouge brune; il en est de même de la paroi des glandes sudoripares et de toutes . les glandes annexes du derme. Dans quelques points on trouve des globules rouges qui arrivent jusqu’au corps muqueux, et quel- ques cellules épithéliales renferment quelquefois un globule facile à reconnaitre; le plus habituellement, elles ne contiennent que du pigment. Entre les mailles du réseau dermique existent des épanchements sanguins plus ou moins abondants formés de globules pressés les uns contre les autres. Dans les parties dépourvues de globules rouges, on voit entre les trousseaux fibreux dermiques des cor- puscules de dimensions et de formes très-variées contenant pres- que tous un, deux ou trois noyaux autour desquels il s’est accumulé des grains pigmentaires et graisseux. Ges éléments sont tantôt ar- rondis, tantôt anguleux, aplatis, polyédriques ; quelques-uns m'ont paru contenir un globule rouge ou un fragment de globule rouge. Ils résultent sans doute de modifications plus ou moins profondes survenues dans les cellules qui existent normalement entre les trous - seaux fibreux ; quelques-uns ne sont que des globules blancs altérés. Le tissu cellulaire sous-cutané est littéralement bourré de glo- bules rouges qui occupent, pressés les uns contre les autres, tous les interstices laissés entre les éléments. Dans les points indurés l’hémorrhagie paraît se faire sous une pression assez forte pour amener la compression de toutes les parties par le sang extravasé. Au sein des nappes sanguines formées par les globules rouges on ne compte qu un nombre très-peu considérable de globules blanes , mais on voit, çà et là, particulièrement autour des vaisseaux, des corpusecules granuleux analogues à ceux qui occupent les espace s du réseau dermique. Le tissu cellulaire profond des membres malades est œdémateux et contient, cà et là, des infiltrations sanguines; mais on n’y trouve pas les mêmes indurations que dans celui qui double la peau. Ces nappes sanguines pénètrent dans le tissu cellulaire intermus- culaire et entourent les muscles ou s’introduisent entre leurs fibres d’une façon très-irrégulière. Dans les cas que j'ai observés, les muqueuses étaient peu altérées. Deux fois seulement les gencives étaient livides, un peu fongueuses, et il existait à la face interne des lèvres quelques taches ecchymo- tiques; mais je n’ai pas fait l'examen microscopique de ces parties. Les muscles sont le siége d’altérations très-importantes. Ceux des 8 membres œdématiés sont mous, fortement œdémateux; leurs fibres sont écartées par des infiltrations sanguines diffuses qui siégent surtout dans le tissu cellulaire sous-aponévrotique et pénètrent plus ou moins profondément entre les faisceaux grêles et décolorés. Je n’en ai pas trouvé de rompus. Dans les muscles, on trouve au microscope les fibres écartées par des globules rouges et des grains pigmentaires arrondis qui sont accumulés sur tout le long des vaisseaux. Le plus grand nombre des fibres sont atroyhiées et contiennent des granulations graisseuses fines qui masquent souvent complétement la striation et leur donnent un aspect plus ou moins opaque. Il existe aussi dans les fibres quel- ques granulations pigmentaires. Presque toujours en même temps le tissu cellulo-adipeux intermusculaire est plus abondant qu’à l’état normal. Mais on constate, en outre, des altérations très-importantes dans les muscles du tronc et même des membres supérieurs. Déjà pendant la vie, à mesure que la cachexie scorbutique fait des progrès, les muscles offrent une émaciation de plus en plus appré- ciable. Après la mort leurs faisceaux sont pâles, décolorés, d’une fragilité plus grande qu'à l’état normal, et des lignes jaunâtres, sé- parant les faisceaux secondaires, indiquent une augmentation du tissu cellulo-adipeux interstitiel. Dans quelques points, qui ne cor- respondent à aucune hémorrhagie de la peau ou du tissu cellulo-adi- peux superficiel, on trouve des infiltrations sanguines plus ou moins étendues, et cela particulièrement dans les muscles de la paroi ab- dominale (grands droits, obliques) ou dans les digitations du grand pectoral. Dans tous les muscles examinés, les fibres sont presque toutes atrophiées, et les plus saines offrent des altérations plus ou moins notables de la striation. D’autres fibres sont remplies de granulations fines, presque toutes graisseuses, qui les rendent en partie opaques; enfin, un plus petit nombre d’entre elles offrent cà et là des blocs yvitreux morcelés. Ces fibres atrophiées et dégénérées possèdent pres- que toutes un plus grand nombre de cellules musculaires qu’à l’état normal, et la quantité de ces cellules est d'autant plus abondante que l’atrophie des fibres est plus prononcée. Dans les points où les gaînes musculaires contiennent à peine quelques vestiges de substance granuleuse fine, les cellules pres- 9 sées les unes contre les autres deviennent d’une abondance tout à fait remarquable. Au niveau des infiltrations sanguines, les altérations sont plus marquées que partout ailleurs, et c’est là surtout que l’on voit une production excessive d'éléments nouveaux. Ceux-ci se montrent dans l’intérieur des gaines et dans le tissu interstitiel, particulière- ment autour des vaisseaux. Dans ces cas, le muscle offre en quelques points des indurations analogues à celles que nous avons notées dans le tissu cellulo-adipeux sous-cutané. Parmi les élémeuts nouveaux, un grand nombre sont formés par le tissu interstitiel lui-même. Ils sont arrondis, fusiformes ou étoilés et possèdent un ou deux noyaux munis chacun d’un nucléole; en certains points ils sont extrêmement nombreux, pressés les uns contre les autres, et quelques-uns sont remplis de granulations graisseuses où pigmentaires. D’autres éléments plus volumineux et plus allongés présentent tous les caractères des fibres fœtales en voie de développement et siégent dans les préparations faites par dilacération, soit dans les gaines musculaires elles-mêmes, soit en dehors des fibres, et alors il est diflicile de les distinguer des éléments du tissu interstitiel. Les plus volumineux ont l’apparence de bandes allongées, finement striées ou granuleuses, et contiennent des séries ou chapelets de noyaux en voie de multiplication. Nous verrons plus tard quelle peut être la signification de ces al- térations importantes. Les fibres musculaires du cœur n’échappent pas aux lésions qui frappent d’une manière générale tout le système musculaire. Les parois cardiaques sont en général d’une épaisseur normale, quel- quefois moindre; elles sont molles, d’une coloration grisâtre, feuille morte ou brunâtre. | Au microscope, un assez grand nombre de fibres sont plus étroites qu'à l’état normal et elles contiennent de fines granulations grais- seuses plus ou moins abondantes et des granulations pigmentaires plus nombreuses que normalement, disposées surtout autour des noyaux. Il ny a pas de multiplication appréciable des cellules mus- culaires. Les séreuses offrent presque toujours quelques lésions hémorrha- 10 giques. Ainsi dans deux cas il existait une sorte d’éruption pété- chiale dans la séreuse péritonéale et une fois une petite ecchymose du péricarde viscéral. Dans un cas j'ai noté une pachyméningite hémorrhagique; mais son existence était peut-être antérieure aux accidents scorbutiques. Toutefois, à côté d’épanchements sanguins déjà anciens, les fausses membranes étaient le siége d'infiltrations tout à fait récentes. Chez un autre sujet, la plèvre était couverte de fausses membranes contenant des ecchymoses et des caïllots dans leur épaisseur, comme dans la pachyméningite hémorrhagique, et la cavité pleurale était remplie de sérosité et de caillots récents. Sur tous les sujets dont j'ai fait l’autopsie, les viscères étaient at teints de lésions plus ou moins profondes. Je citerai l'état en général profondément anémique et plus ou moins graisseux du foie et des reins: dans deux cas des ecchy- moses de la substance corticale de ces derniers organes, et une fois, de petits foyers hémorrhagiques de la rate. Les lésious les plus remarquables siégeaient dans le tube digestif. Voici le résumé des quatre observations, relativement à ce point. Preurer cas. — Perte de l’appétit; diarrhée d’abord intermittente, puis colliquative. À l’autopsie: petites taches de purpura sur Pestomac et le gros intestin le long des attaches péritonéales et dans le tissu sous-séreux. Mêmes hémorrhagies dans les replis du mésentere, le long des vaisseaux mésentériques ou autour des ganglions mésenté- riques qui sont tous très-rouges et tuméfiés. Les vaisseaux mésenté- riques sont sains; il n’y a pas d'hémorrhagie dans la muqueuse intes- tinale. La muqueuse de l'estomac est recouverte partout d’une couche épaisse de mucus; toute la région pylorique est extrêmement rouge, finement vascularisée; dans cette portion, la muqueuse est gonflée et plus granuleuse qu’à l’état normal. Le petit intestin, rempli de matières semi-liquides très-vertes, est peu altéré, sauf dans la région duodénale, où les caractères sont ana- logues à ceux de la partie pylorique de l'estomac. Le gros intestin est malade dans toute son étendue. La muqueuse est épaissie, rouge, très- vascularisée; immédiatement en arrière de la valvule iléo-cœæcale on trouve une ulcération profonde à bord net, de la grandeur d’une pièce de ! franc environ, ulcération dont le fond est formé par la muscu- leuse altérée. Cette ulcération siége sur le bord d’une plaque de Peyer, laquelle est un peu épaissie et vascularisée, mais sans gonflement no- table des follicules. 11 Deuxième cas. — Appétit d’abord diminué, puis perdu presque com- plétement; pas de diarrhée. A l’autopsie, l'estomac paraît à peu près sain. La muqueuse est pâle presque partout, mais recouverte d’un mucus assez tenace; çà et là, au niveau des replis, on voit quelques arborisations vasculaires et de petites taches purpurines. L’intestin est ratatiné, revenu sur lui-même comme chez les indi- vidus restés longtemps à jeun. La muqueuse est rosée et arborisée par places disséminées comme celle de l'estomac. Troisième cas.— Signes d’embarras gastrique au début ; perte de plus en plus complète de l'appétit; alternatives de constipation et de diarrhée. À l’autopsie : estomac petit, revenu sur lui-même; la muqueuse est couverte d’un mucus abondant ; par places traînées rouges et pelites pétéchies. L’intestin grêle offre les mêmes caractères que l’estomac; le gros intestin est rempli de fèces endurcies (scyballes) et la muqueuse est gonflée et fortement vasculaire; gonflement léger des ganglions mésentériques. ‘ Quarrième cas. —Perte de l’appétit; diarrhée d’abord peu abondante, puis tout à fait liquide et très-fétide, colliquative. À l’autopsie : muqueuse stomacale recouverte de mucus, fortement congestionnée dans la plus grande partie de son étendue, épaissie, mamelonnée, particulièrement le long de la grande courbure et dans la région pylorique. L'intestin est peu altéré, sauf dans les derniers mètres où la mu- queuse est vivement vascularisée ; les plaques de Peyer sont déprimées au-dessous de la muqueuse épaissie et offrent l'aspect dit de barbe ré- cemment faite. Le gros intestin offre une teinte légèrement ardoisée et contient (maloré la diarrhée tres-liquide observée pendant la vie) des matières presque normales. Dans trois de ces cas (1°, 3°, 4°), l'examen microscopique a fait con- stater dans l'estomac les lésions de la gastrite catarrhale subaiguë récente où entée sur une gastrite chronique déjà ancienne. Voici comme exemple les notes relatives au quatrième cas : Coupes perpendiculaires à la muqueuse : la surface libre est re- couverte d’un mucus adhérent qui contient des cellules épithéliales altérées et des globules blancs. La muqueuse un peu épaissie est remplie de petits éléments très-abondants analogues à des globules de pus. Dans la couche superficielle de la muqueuse d’autres élé- 12 ments pressés les uns contre les autres paraissent étre de jeunes cellules épithéliales. Les globules blancs ou de pus sont abondants partout; maïs en certains points ils forment sous les glandes en tu- bes des amas plus ou moins importants analogues à de petites nappes de pus. Les glandes ne sont pas atrophiées; mais plusieurs culs-de-sac sont semi-opaques. L’épithélium fortement granuleux ne s’éclaircit que peu par l’action de l'acide acétique. Le tissu musculaire de la muqueuse présente une altération très-avancée des fibres lisses. Celles-ci sont rempliesde granulations pigmentaires petites et serrées qui masquent complétement le noyau, et à un faible grossissement ces fibres pigmentées apparaissent comme des sortes de lignes bru- nes diversement combinées. Cette dégénérescence des fibres lisses de la muqueuse se retrouve dans toutes les préparations; mais les fibres de la couche musculair ne sont pas altérées. Les fibres dégénérées.sont normales comme forme et dimension ou bien atrophiées; quelques-unes sont transformées en corpuscules irréguliers, granuleux. Dans le tissu interstitiel voisin qui double la muqueuse stomacale, on trouve des cellules assez régulièrement ar- rondies remplies de pigment et quelques globules de pus. Dans les vaisseaux existe une stase plus ou moins étendue ayant -pour siége les capillaires et les veinules. Les altérations microscopiques étaient les mèmes pour les autres cas, sauf la dégénérescence pigmentaire des fibres lisses. Cette lésion étendue à tous les éléments musculaires de la muqueuse et que je n'ai trouvée indiquée jusqu’à présent dans aucun auteur, était très- marquée encore sur un estomac de scorbutique que mon collègue M. Hallopeau a bien voulu me communiquer. Il est probable que cette altération n’est pas spéciale au scorbut, qu'eile dépend de troubles plus ou moins anciens de la circulation stomacale; mais il est intéressant de noter que je ne l'ai encore re- trouvée que dans deux autres cas, et que ceux-ci font partie des faits dont il me reste encore à dire un mot. La description précédente s'applique plus particulièrement, en effet, aux cas dans lesquels, ainsi que nous l'avons dit, les hémor- rhagies sont importantes et constituent les phénomènes primitifs et prédominants. 13 Dans la seconde catégorie les hémorrhagies se sont montrées comme de simples complications, des phénomènes ultimes. Elles étaient caractérisées, le plus souvent, par de petites pétéchies se faisant au niveau des bulbes pileux, plus rarement par des pé- téchies plus larges, une fois seulement par de véritables ecchy- moses. Mais ici encore les vaisseaux ont été trouvés parfaitement sains. Le tissu cellulaire était le siége d’un œdème cachectique, mou, sans induration, souvent généralisé, n'ayant pas du tout les mêmes caractères que ces plaques dures, douloureuses, qui sont dues à des infiltrations sanguines du tissu cellulaire. Ges malades, morts dans un état cachectique très-avancé, offrent tous des altérations musculaires analogues à celles que nous avons trouvées dans la première catécorie, mais avec une différence ce- pendant, c’est que l’atrophie des fibres est encore plus avancée et qu’en aucun point, même au niveau des petites infiltrations hé- morrhagiques qui existaient dans deux cas, il ne se forme d’élé- ments analogues à des fibres musculaires fœætales. Beaucoup de gaines vides ou ne renfermant plus que des vestiges du tissu strié sont remplies de noyaux musculaires très-abondants; mais ceux-ci, loin de se développer, se flétrissent, s’atrophient et se remplissent de sranulations graisseuses. Sur les quatre autopsies des faits de cette série on compte deux tuberculoses à marche assez rapide, une gangrène de la vulve suite de couches avec phlegmatia alba dolens , et une gastro-entérite ul- céreuse. Chez la malade atteinte de phlegmatia alba dolens, malgré la pré- sence d’un caillot qui remontait jusque dans la veine cave, il n’y avait pas plus de pétéchies sur le membre œdématié que sur le mem- bre du côté opposé. Dans tous ces cas, et ce point me parait assez important, il existait des altérations graves du tube digestif: les. malades étaient incapables de digérer convenablement. Ainsi, dans uu des faits de tuberculose, il existait une perforation stomacale qui s'était ouverte dans l’arrière-cavité des épiploons, et au microscope les fibres lisses de la muqueuse avaient subi Patro- phie brune dont j'ai parlé. Dans les autres cas, on trouvait égale- ment de la gastro-entérite. Si maintenant on cherche à résumer toutes les altérations précé- 14 demment décrites, on voit que tous les individus qui succombent après avoir présenté des accidents scorbutiques, soit primitifs, soit secondaires, offrent tous à peu près le même ensemble de lésions. Il n’y à pas, eu un mot, d’altération particulière au scorbut vrai; l’état morbide, constitué par le purpura secondaire, ainsi que la maladie appelée scorbut, nés tous deux sous les mêmes influences extérieures, ne représentent que des degrés divers de la même alté- ration générale de l'organisme. La cause première de celle-ci (en laissant de côté les causes adju- vantes et occasionnelles) nous paraît se rattacher évidemment à une alimentation insuffisante, et je n’en veux pour preuve que l’explo- sion subite des accidents au moment où la population a dû suppor- ter les souffrances d’une véritable famine. On peut donc admettre que, chez tous les malades, il y a eu une assimilation insuflisante; mais un premier fait nous frappe, c’est que les hémorrhagies sont d'autant plus prédominantes que les in- dividus sont moins affaiblis ou cachectiques au moment où survien- nent les accidents. En tenant compte de toutes nos observations, il nous semble que seuls les individus encore vigoureux ou non épui- sés par une maladie antérieure grave, sont capables de présenter les phénomènes du scorbut complet. Les malades atteints, au contraire, d’une affection diathésique avancée, n’offrent que des pétéchies, une sorte de purpura cachectique. Aussi avons-nous trouvé des lésions graves de l'estomac et de l'intestin dans les cas mortels. La perte de l'appétit, la diarrhée ob- servée pendant la vie sont des phénomènes d’un pronostic tout à fait fàcheux. Au contraire, les malades qui n’ont pas de troubles diges- tifs profonds peuvent avoir des hémorrhagies très-étendues et une altération marquée des gencives sans que leur vie soit en danger. C'est ce que l’on peut observer chez les malades actuellement en voie de guérison dans le service de M. Bernutz. Les altératioris du tube digestif ne paraissent donc pas devoir être considérées comme le point de départ des accidents scorbutiques. Ge sont des complications importantes qui jouent un rôle dans la terminaison fatale et qui d’ailleurs ne se montrent souvent que vers la fin de la maladie. Toutefois, elles paraissent faciliter chez les ma- lades atteints d'une maladie quelconque lapparition d'accidents hémorrhagiques secondaires. 15 Quoi qu’il en soit, dans tous ces cas, par le fait d’une alimentation insuffisante avec ou sans lésions du tube digestif, il se fait une exa- gération de la désassimilation et par suite une altération de tous les tissus. C’est à cet ordre de faits que se rattachent les altérations des muscles et du cœur. Ces dernières ont frappé plus vivement notre attention que celles des autres viscères, parce que, par son impor- tance considérable, le système musculaire est très-propre à nous in- diquer toutes les souffrances de la nutrition générale. Ainsi, nous savons que les lésions des muscles sont loin d’être particulières au scorbut. Toutes les maladies daus lesquelles la nu- trition est atteinte retentissent à leur manière sur le tissu charnu, dont les mouvements de nutrition et de désassimilation peuvent se suivre, pour ainsi dire pas à pas, au microscope (1). Si nous laissons de côté Les muscles des membres infiltrés de sang, parce qu'ils sont profondément modifiés par l’ædème et l’exhalation sanguine, nous trouvons que les lésions musculaires du scorbut se rapprochent par certains côtés de celles des fièvres, par d’autres au contraire de celles des cachexies. Dans les cas de la première caté- gorie, en eflet, nous avons trouvé à côté des atrophies et dégénéres- cences des points où 1l s’est fait, comme au dernier période de la fièvre typhoïde, par exemple, des foyers de néoplasie dans lesquels il existait des éléments musculaires fœtaux. Toutefois ces lésions se montrent surtout au niveau des infiltrations hémorrhagiques, et l’on pourrait se demander si elles ne sont pas consécutives à l'épancke- ment sanguin. Je ne le pense pas, parce que chez des sujets tout à fait cachectiques, j'ai trouvé des hémorrhagies plus anciennes et plus abondantes sans production de nouveaux éléments. Dans les cas de purpura cachectique, d’ailleurs, les altérations musculaires n’ont plus rien de particulier. Tandis que nous observions, en effet, surtout chez les hommes, de véritables cas de scorbut, il existait dans le service des femmes une sorte d’épidémie de gastro-entérite ulcé- reuse, et les malades qui succombaient avec de la diarrhée colliqua- tique et de l’anasarque sans albuminurie, avaient des altérations musculaires tout à fait analogues à celles que nous avons trouvées dans le purpura cachectique. À Néanmoins ces lésions qui se passent du côté des muscles sont (1) Des myosites symplomaltiques. (Ârcu. DE raysioL., 1870.) 16 très-intéressantes au point de vue de la physiologie pathologique des hémorrhagies ; et sans vouloir émettre à ce sujet une théorie, elles peuvent nous servir dès maintenant à indiquer la manière dont nous pensons que les accidents scorbutiques se produisent. En effet, comme dans les fièvres ou dans les cachexies, elles indi- quent l'existence d’une altération complexe du sang. Cette dyscrasie, encore inconnue dans sa nature, produite primitivement par le dé- faut d'alimentation et entretenue ensuite par les souffrances organi- ques et particulièrement celles du tube digestif, doit prendre sa source, d’après ce que nous venons d'exposer, dans les deux phé- nomènes suivants : 1° Diminution des principes fournis par l'alimentation; ?° Passage dans le torrent circulatoire des principes de désassi- milation. Évidemment, ces faits se retrouvent dans un grand nombre d’au- tres maladies ou d'états morbides, et leur constatation ici ne peut servir qu'à faire ranger le scorbut parmi les affections dyscrasiques. La chimie seule pourra nous dire, grâce aux analyses du sang et de l'urine, quels sont les principes particuliers qui font défaut, et, d'autre part, ceux qui passent en excès dans le torrent circulatoire par l’exagération du mouvement dénutritif. D'après la remarque que nous avons faite antérieurement, il semble que la dyscrasie scorbu- tique soit d'autant plus prononcée que les individus exposés aux causes du scorbut sont mieux portants ou plus vigoureux. Il est probable que chez ceux-ci la désassimilation est plus active et donne lieu à une quantité plus grande de principes capables d’altérer le saug. Attendous sur ce point les résultats des analyses chimiques. Mais ce que je crois pouvoir avancer, c’est que l’hémorrhagie semble essentiellement due à la dyscrasie sanguine. Nous avons toujours trouvé les vaisseaux sains, et il n'existait aucune cause capable d'augmenter la tension vasculaire au point de les rompre. L’extravasation du sang doit donc se faire par le procédé de la diapédèse. J'ajoute seulement, pour terminer, que les hémorrhagies sont fa- vorisées par l’action de la pesanteur, l’affaiblissement du cœur et probablement aussi des parois vasculaires. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DE L'ÉBRANLEMENT DES TISSUS PAR LES PROJECTILES DE GUERRE Mémoire communiqué à la Société de Biologie Par M. A. MURON, Interne des hôpitaux. ê I. Ce qu’on appelle commotion des tissus, ou encore stupeur locale d’un membre, n’est en réalité qu’une contusion, s'étendant souvent à une grande distance, et se traduisant par une infiltration sanguine dans l'épaisseur même de ces tissus. À la vérité, on a beaucoup écrit sur les plaies par armes à feu, on a insisté sur les lésions diverses qui se produisent, et revenir au- jourd’hui sur cet ébranlement des tissus semble superflu. Que de fois n'avons-nous pas entendu répéter cette formule stéréotypée qu'avec les armes nouvelles tout était possible! Oui, tout est pos- sible avec les nouveaux projectiles; les désordres les plus invrai- semblables peuvent exister, et si nous reprenons cette étude des lésions anatomo-pathologiques, ce n’est pas pour nous complaire dans leur énumération, mais bien pour en préciser le mécanisme, en exposer les conditions, et tirer de leur étude comparée quelques indications en faveur de la conservation ou de l’amputation. Deux séries de systèmes serontseulement envisagés : le système osseux et le système musculaire; car nous ne voulons considérer ici que les conséquences de l’ébranlement produit à la suite d’un choc. Pour que la transmission de ce choc puisse se faire d’un bout à l’autre d’un tissu, il faut assurément qu'il offre de la dureté, de MÉM. 1871. 2 18 la résistance; dès lors il se fait une transmission moléculaire de ce choc, qui va s’affaiblissant à partir du point de départ. Pour la réa- lisation de cette condition première, nous ne trouvons que les tissus musculaire et osseux, et encore de ces deux tissus faut-il que le premier se trouve dans un état spécial, la contraction. Mais n’anti- cipons point, et envisageons séparément chacun d'eux au double point de vue des conditions nécessaires pour son ébranlement, et des résultats de cet ébranlement. 1° SYSTÈME OSSEUX. — Une balle animée d’une certaine vitesse et d’une certaine force vient frapper un os dans sa diaphyse. Elle le fracture, elle le brise en plusieurs morceaux, et pour combler le vide survient un épanchement sanguin plus ou moins considérable. Souvent il arrive que le périoste se trouve décollé, que des félures remontent assez avant. Voilà les désordres immédiatement apprécia- bles. Si maintenant on vient à scier l'os dans toute son étendue, aussi bien le fragment supérieur que le fragment inférieur, jusques et y compris les extrémités articulaires, on trouve les lésions suivantes. La moelle osseuse est complétement infiltrée par le sang; elle est noirâtre par points. par places, ce sont des ecchymoses ou de petits épanchements; elle est rougeâtre dans d’autres endroits : e’est du . sang infiltré et mélangé intimement avec les éléments médullaires. Le tissu spongieux des épiphyses est lui-même infiltré de sang, et cette infiltration se reconnaît d'autant mieux qu'elle ne porte que sur certains points et se traduit par des lignes ou des bandelettes rougeôtres. Ainsi, contusion du tissu médullaire arrivant jusqu'au deuxième degré, et cela dans toute l'étendue de l'os, voilà l'effet de l’ébran- lement. On pourrait peut-être objecter qu'il s’agit là d’une infiltration de sang partant du point fracturé, et se propageant à travers le tissu médullaire. Gette objection ne peut être soutenue sérieusement. S'il s'agissait d’une simple infiltration par propagation, la moelle tout eutière se trouverait colorée uniformément, la coloration dimi- nuant d'intensité au fur et à mesure qu’on s’éloigneraït du point fracturé. Très-intense dans ce point, elle le serait un peu mois à quelques centimètres, et finalement se trouverait tout à fait saine 19 un peu plus haut. Il y aurait une série de teintes graduelles, passant par le noir, le rouge foncé et le rose carminé. Cela ne se voit pas. Jamais les teintes ne sont ainsi graduelle- ment décroissantes. Près du point frappé, la moelle se trouve rosée par exemple; un peu plus haut se voient des points ecchymotiques; un peu plus haut encore elle’ peut être saine, et ainsi de suite. La contusion porte d’une facon tout à faitinégale. C’est ce qu’il est facile de voir sur le dessin que nous reproduisons, et que nous devons à l'amitié de notre collègue Marcé. C’estce quenous avons toujours vu 1C1. BALLE AYANT FRACTURÉ L'HUMÉRUS À SON TIERS INFÉRIEUR; DÉSARTICULATION DE L'ÉPAULE TRENTE-SIX HEURES APRÈS. Os. L. — Cet homme, âgé de 46 ans, fort, vigoureux, a reçu à la face postérieure du bras gauche une balle qui lui à fracturé l’humérus au tiers inférieur. Entré à l'hôpital Necker, M. Desormeaux lui fait la désarticu- lation de l'épaule, en raison de la tuméfaction énorme que présentait son bras. L'os est scié depuis la tête humé- rale jusqu’au lieu de la fracture. Les lésions qu’on trouve y sont extrême- ment remarquables par leur éten- due. Pas de fêlures osseuses. On voit une infiltration sanguine siégeant dans toute l'étendue de la moelle et lui donnant une teinte rose, rouge, pour tous les cas que nous citons - 1, umérus fracturé. 2, Infiltration sanguine! et épanchements sanguins, 3, Portions intermédiaires de moelle sairie. 20 noirâtre, suivant la quantité de sang. Sur plusieurs points, la moelle offre un aspect blanchâtre; ce sont des parties saines intermédiaires. Dans la tête humérale, en plein tissu spongieux, se voient également deux traînées ecchymotiques, distantes l’une de l’autre. Le reste de la tête est parsemé de petits points ecchymotiques. Les muscles et le tissu cellulaire étaient très-fortement infiltrés de sang. Pas la moindre trace d’inflammation. BALLE AYANT FRACTURÉ L'HUMÉRUS A SON CINQUIÈME INFÉRIEUR; AMPUTATION DU BRAS DROIT QUINZE HEURES APRÈS. Oss. II. — Homme de 36 ans; a reçu une balle qui a pénétré à la face postérieure de l’avant-bras et est venue sortir à la face postérieure du - bras, à son cinquième inférieur, en fracturant l’humérus. M. Désor- meaux fait l’amputation du bras un peu au-dessus de la partie moyenne, à 6 centimètres environ du lieu de la fracture. L’os étant scié, on trouve toute la moelle infiltrée de sang. Dans quelques rares points seulement la substance médulaire offre son as- pect normal. Le sang lui donne presque partout une teinte variant du rose au noir, en passant par les diverses teintes intermédiaires. On le voit, l’amputation a été faite en plein tissu médullaire malade. Mort au quatrième jour de délire alcoolique. Le bout de l'os est saillant, dénudé complétement de son périoste dans une étendue de 2°,05. Un bourgeon fait saillie à travers le canal médullaire. Ce malade a été enlevé très-rapidement; de sorte que nous n’avons pu enlever son humérus. Néanmoins on peut établir ce double fait, qu'il y avait une ostéomyélite et une nécrose partielle de l’extrémité osseuse. ÉCLAT D'OBUS ÉTANT VENU FRAPPER LE BRAS AU TIERS SUPÉRIEUR; DÉSARTICU- LATION DE L'ÉPAULE CINQUANTE-QUATRE HEURES APRÈS. Oss. IT. — Homme de 30 ans. Les muscles triceps et deltoïde sont extrêmement contus. L’extrémité supérieure de l’humérus ayant été sciée, on trouve une infiltration sanguine complète dans sa partie la plus inférieure. Puis cette infiltration se limite du côté postérieur principalement, de sorte que la moelle, dans toute sa partie postérieure, est complétement in- filtrée par une masse noire, tandis qu’à sa partie antérieure elle l’est à peine. Cette zone d'infiltration se poursuit du même côté jusque dans la tête humérale. Mais à la réunion de la tête avec la diaphyse, il existe une zone où l’infiltration, tout en existant, est cependant beaucoup moins intense. Cette infiltration reparaît ensuite dans la tête humérale, et là, dans 21 toute la portion correspondante aux saillies humérales, elle se montre très-intense. Dans la portion correspondante au cartilage, il n’y a rien ou presque rien. Le périoste, au niveau des insertions du vaste interne du triceps, est soulevé par un petit foyer sanguin de la grosseur d’un pois environ. Ces observations et celles qu’on trouvera plus loin démontrent suffisamment ce point que los se trouve ébranlé par le fait du choc. Les fibres de cet os étant toutes solidaires les unes des autres, les moindres chocs sont transportés dans toute son étendue; les vibra- tions se propagent du lieu frappé jusqu'aux extrémités articulaires, et même au delà, et ces vibrations, arrivant à étre trop intenses pour des tissus doués d’un faible degré de cohésion, il en résulte des rup- tures vasculaires. Ge n’est que par l’ébranlement, ce n’est que par la propagation de cet ébranlement à travers les fibres osseuses que l’on peut expliquer ces lésions diverses que nous venons de constater dans le tissu médullaire. Personne à coup sûr ne songerait à nier la contusion cérébrale, l’épanchement sanguin qui transforme en bouillie une certaine por- tion de la substance cérébrale. Eh bien! de même qu’il se produit des lésions cérébrales à la suite de l’ébranlement des parois du crâne, de même il se produit des lésions dans le tissu médullaire à la suite du choc des parois osseuses. Épanchement sanguin de part et d'autre, qui infiltre la substance cérébrale ou la substance médullaire, tel est le point de rapproche- ment à faire. Toute la différence existe dans le mode de l’ébranle- ment. Tandis que pour le cerveau, c'est en général vers le point im- médiatement sous-jacent au choc, ou vers le point diamétralement opposé que se produit la contusion, pour l'os, au contraire, c’est dans toute sa longueur. L’os se trouve pour ainsi dire secoué dans toute son étendue ; les vibrations se propagent à travers son épaisseur et déterminent dans les parties les plus faibles des déchirures, des ruptures, déchirures et ruptures se traduisant par des points ecchy- motiques ou une infiltration sanguine. Si los, par suite de la per- cussion du projectile, vient à être ébranlé plus spécialement dans un de ses points, le choc se transmettra, suivant certaines lois impossi- bles à déterminer, plus spécialement dans quelques-uns de ses points; delà les infiltrations sanguines à distance et dans l’inter médiaire des portions de tissu médullaire intactes. 22 Au reste, si quelques doutes existaient encore, la preuve suivante les dissiperait entièrement. D'un os à l’autre l’ébranlement se mani- feste. Le tibia est lésé par un projectile, et le fémur qui n’a que des connexions ligamenteuses avec cet os présente cependant des épan- chements sanguins dans son épiphyse. (Voir l’obs. X.) Le périoste est, dit-on, souvent décollé à une assez longue dis- tance, ou tout au moins ses adhérences à l’os sont devenues infini- ment moindres. Cela est possible, probable même; mais d’après nos recherches nous avons vu ces décollements beaucoup plus rarement qu'on ne semble le dire. Ce qui nous paraît plus certain, c’est la di- minution de ses connexions avec le tissu osseux ; la rugine le sépare plus facilement. Il arrive même quelquefois que des petits épanche- ments sanguins peuvent se produire, ainsi que nous en avons rap- porté un exemple dans l'observation IT. Leur pathogénie nous a sem- blé être la suivante. En même temps que l’ébranlement se produit dans le tissu osseux, la contraction des fibres musculaires profondes qui s’'insèrent au périoste peut être assez forte pour le détacher, ou seulement le tirailler. Ge mécanisme peut paraitre surprenant au premier abord, mais il n’a rien quede naturel, ce qui sera plus évi- dent tout à l'heure, quand nous arriverons à parler de l’ébranlement du tissu musculaire. Cette infiltration sanguine dans le tissu médullaire est plus ou moins considérable; elle s'étend à quelques centimètres au-dessus et au-dessous, ou bien elle peut exister dans l’os tout entier. Cela résulte de certaines conditions qui nous restent à examiner et qui doivent porter sur la force et la vitesse du projectile, sur la densité et la résistance du tissu osseux. Il ya os et.os, des os jeunes, des os adultes, des os mous, des os durs; les uns, souples, élastiques, peu friables, se laissant déprimer dans une certaine limite, moins résistants en apparence, mais en réalité plus solides. Les autres représentent des corps compactes par excellence; ils transmettent admirablement les chocs, et si à la suite de ces chocs une lésion se manifeste, cette lésion se transmet avec fidélité. Ils résistent, ils luttent jusqu'à la dernière limite, jus- qu’au moment où une force opposée leur devient absolument supé- rieure. Ils se brisent, ils éclatent alors, et ces désordres se propagent et s'étendent dans une grande étendue. Qu'un projectile vienne frapper un os spongieux, s’il est encore 25 animé d’une force sufisante, il produira une perforation simple du tissu osseux ; tout au plus déterminera-t-il la formation de quelques esquilles, de quelques fragments osseux, librés où légèrement adhé- rents. Ne trouvant pas de résistance suffisante, il fait une perfora- tion à peu près semblable à celle d’un emporte-pièce. Tout ee qui se trouve devant Le projectile ést émporté par la force même du cou- rant, les lamelles osseuses se brisent, se rompent, donnent libre pas- sage à cette force immense représentée par la balle. Ce n’est pas un éclatement avec des fêlures radiées, c’est une rupture brusque, in- stantanée, de toutes les lamelles osseuses constituant l'os spon- gieux. Bien différentes sont les lésions lorsque la balle vient épuiser sa force contre un os compacte. La fracture est des plus irrégulières, les extrémités des fragments sont saillants, tellément saillants que le doigt introduit dans la plaie sans précaution peut être gravement atteint. Des félures, partant du point même de la fracture, remontent souvent fort loin sur les fragments et viénnént ageraver considéra- blement le pronostic. Mais ce qu'il y à surtout de particulier, c’est lébranlement de l’os, ayant pour conséquence la contusion de tout le tissu médullaire. L’infiltration sanguine se fait en général du haut en bas de l’os, dans toute l'étendue des fragments. Nous avons cité des exemples aussi nets que possible dans les observations EH, II et HIT. Voilà maintenent quatre nouvelles observations qui démontrent que l’ébranlement se produit également pour les cas où la balle a traversé les épiphyses, et que là aussi se produisent dés ecchymoses médullaires dans une certaine étendue tout au moins. L’observa- tion IV est surtout remarquable par ce fait que la balle a traversé sur le même sujet deux épiphyses : Fépiphyse du tibia à gauche! et l'épiphyse du fémur à droite. Tirée presque à bout pourtant, elle était animée d’une très-grande force lorsqu’elle à atteint le tibia ; aussi a-t-elle produit un trou à l’égal d’un éemporte-pièce; et lors- qu'elle est arrivée sur les condyles du fémur, sa force se trouvait notablement diminuée, de sorte que là il y a eu un éclatement de toute l’épiphyse fémorale. Pour lexplication de. ce phénomène, je choisirais volontiers l'exemple de la vitre frappée par un projectile. Tout le.monde sait que si une balle arrive. sur une vitre avec uue très-crande vitesse, elle produit un trou simple sans aucune: félure 24 d'irradiation. Se trouve-t-elle au contraire à la fin de sa course, elle frappe le verre, et du point frappé part une série de félures. BALLE AYANT TRAVERSÉ L'ÉPIPHYSE DU TIBIA A GAUCHE ET L'ÉPIPHYSE FÉMORALE A DROITE; AMPUTATION DE LA CUISSE QUINZE HEURES APRÈS. Oss. IV. — Bonnin, âgé de 15 ans et demi, fort et admirablement musclé, ayant l'apparence d’un homme de 20 ans, bien solide, a reçu une balle presque à bout portant qui lui a traversé d’abord le tibia gau- che à la limite de l’épiphyse et de la diaphyse, puis a pénétré dans les condyles du fémur droit, et est venue se loger à la partie externe du condyle externe tout près du cartilage articulaire. Le malade anesthésié, on explore sa plaie du tibia, et on reconnaît un trou, simple, sans aucune fêlure appréciable. Le petit doigt intro- duit ne découvre aucun fragment, aucune mobilité anormale dans au- cun des points de cette épiphyse. (Du reste, quinze jours après, aucune arthrite du genou n’était encore survenue.) On pratique l’amputation de la cuisse à droite, à 15 centimètres en- viron de l’extrémité inférieure des condyles. Au niveau de la section du fémur, la moelle est blanche comme du blanc de baleine, et n’a aucune apparence de contusion. Mais en sec- tionnant plus bas, on trouve que la moelle est rougeâtre, noirâtre, tran- chant très-nettement avec la couleur blanche. Cette contusion de la moelle existe dans une étendue de 4 à 5 centimètres à partir de la diaphyse. L’orifice de la balle, ainsi que son trajet, est nettement arrondi, mais de ce trajet partent diverses fêlures qui ont fait éclater le fémur dans toute son épiphyse jusqu’au cartilage de conjugaison. ÉCLAT D'OBUS AYANT PÉNÉTRÉ EN PLEIN DANS L'ARTICLE DU GENOU, ET AYANT BRISÉ L'ÉPIPHYSE FÉMORALE; AMPUTATION DE CUISSE AU BOUT DE QUARANTE- HUIT HEURES. Oss. V. — Jeune homme de 17 ans. A la suite de cette blessure il a perdu tellement de sang, qu’il est pour ainsi dire exsangue. On attend quarante-huit heures avant de lui faire l’amputation. À ce moment c’est à peine si on sentait le pouls. Les vomissements persistaient toujours. L’articulation du genou, largement ouverte, n'était le siége d'aucune espèce d’inflammation ; le sang lui-même en caillots n’était nullement décomposé. L’amputation est faite au tiers inférieur de la cuisse. L’os étant scié, on trouve une infiltration sanguine dans toute l’étendue de la moelle diaphysaire enlevée. Un certain nombre de points intermédiaires pa- raissent sains. 25 BALLE AYANT TRAVERSÉ L'ARTICULATION DU COUDE EN LÉSANT LA PETITE TÊTE DE L'HUMÉRUS ET LE PAQUET VASCULO-NERVEUX ANTÉRIEUR; AMPUTATION DU BRAS QUINZE HEURES APRÈS. Oss. VI. — Jeune homme de 23 ans. En examinant l’humérus, on voit que la petite tête humérale seule a été fracturée et détachée presque complétement du reste de l’épiphyse. L'amputation faite, on voit que la moelle est rougeûtre, infiltrée de sang au lieu même de l’amputation. En sciant l’os huméral, on trouve tout le tissu épiphysaire infiltré de sang. La diaphyse présente à 3 cen- timètres au-dessus un point ecchymotique; la moelle paraît saine en- suite dans une étendue de ? centim. environ, puis elle est de nouveau rougeâtre, infiltrée de sang dans une étendue de # centim., jusqu’au lieu de l’amputation. Bien que la balle n'ait touché que le tissu épiphysaire, et encore dans un tout petit point, cependant l’ébranlement de l’os avait eu lieu, et des lésions de contusion médullaire s'étaient manifestées dans une étendue d’au moins 10 centimètres. BALLE AYANT BROYÉ L'ÉPIPHYSE INFÉRIEURE DE LHUMÉRUS; RESECTION DE L'EXTRÉMITÉ INFÉRIEURE DE L'HUMÉRUS DANS UNE ÉTENDUE DE Ÿ CENTI- MÈTRES. Oss. VIL — L..., commandant, âgé de 36 ans, doué d’une excel- lente constitution, vigoureux, n’a pas fait d’excès antérieurs. La resection de 5 centimètres de diaphsse est pratiquée, indépen- damment de l’ablation de toutes les esquilles épiphysaires. La moelle diaphysaire est saine dans les trois derniers centimètres, et faiblement rougeâtre dans les deux premiers. Donc, pour les cas où le projectile aura frappé en plein un os dans son tissu compacte, la contusion médullaire existe dans toute sa longueur. Pour les cas, au contraire, où l’épiphyse seule a été atteinte, on peut espérer que l’infiltration sanguine ne remontera pas au delà de quelques centimètres. 2° SYSTÈME MUSCULAIRE. -— Les muscles des membres sont, les uns superficiels, les autres profonds. Geux-ci, attachés à l’os même du membre, vont directement à l’os inférieur; leurs insertions mul- tiples et étendues sur le périoste sont telles que leurs fibres pré- sentent très-peu de longueur, et ne peuvent par conséquent ni s’allonger ni se raccourcir beaucoup. Le muscle dans sa totalité peut 26 offrir une certaine longueur, tandis qu’en réalité un petit nombre de fibres seulement la représentent: ce sont les supérieures. Les muscles superficiels sont bien plus importants à considérer; eux seuls possèdent une véritable longueur. Fixés à un os supérieur, ils passent sur celui qui vient immédiatement après sans s’v attacher, et se terminent à un os plus inférieur. Si Pébranlement se produit à travers les masses musculaires, on conçoit. dès à présent que le danger sera infiniment plus grand pour les muscles qui ont les plus grandes dimensions. Une balle vient traverser un membre. Le premier éffet du choc doit être de faire contracter tous les muscles, lesquels deviennent corps durs. Leurs molécules se rapprochent les unes des autres, et le choc peut être transporté avec facilité jusqu’à leurs attaches extrêmes. Un ébran- lement se produit d'autant plus intense que la contraction atteindra le maximum, c’est-à-dire que la dureté sera plus considérable. Et à ce propos nous devons dire que les variations les plus grandes doivent exister, et par conséquent aussi les lésions pathologiques. Tel individu fera contracter son biceps, par exemple, et malgré cette contraction, le muscle offrira encore une certaine sensation de mollesse ; tel autre individu présentera une force de contraction cent fois plus grande, et arrivera à produire une dureté ligneuse. Les effets du choc seront absolument dissemblables chez l’un et chez l’autre; l'ébranlement ne sera porté qu'à une très-faible dis- tance chez le premier; chez le second il atteindra tout le muscle. Ge phénomène de la transmission des chocs, basé sur la force de contraction des muscles, est absolument vrai, et personne, je croïs, ne songera sérieusement à me contredire. Ainsi contraction des muscles au moment du choc, ébranlement des fibres musculaires transmis plus ou moins loin, suivant l'intensité de la contraction et la longueur des fibres, voilà ce qu'indique la théorie. Quels sont maintenant les résultats de cet ébranlement? Lorsque, après une amputation, on vient à disséquer le membre qui a été atteint, et que partant du point primordial on remonte le long du muscle, on est frappé de voir la série de petits foyers sanguins qui se trouvent dans son épaisseur. D'abord un foyer sanguin, une masse de sang sur le passage de la balle, puis une série de petits points noirâtres, allongés, courant dans le même:sens des fibres, les enveloppant, leur formant en apparence une seconde gaine, et sem- A blant faire corps avec la fibre elle-même. Ces petits épanchements sanguins se voient dans toute l'étendue du muscle jusqu’à ses li- mites extrêmes, alors même que le projectile est venu l’atteindre dans ses parties inférieures. Plus nombreux au voisinage du point frappé, ils n’en existent pas moins à une grande distance; c’est là un fait que nous avons constaté bien des fois, et auquel nous atta- chons une grande importance. Disséminés, isolés les uns des autres, ils ne forment pas une suite continue, et par conséquent ne peuvent pas être considérés comme le résultat de l'infiltration du sang, qui se serait faite à partir de la lésion principale, en suivant les inters- tices musculaires. Non, ce sont des foyers indépendants qui se for- ment par un mécanisme tout différent, que nous croyons étre lébranlement. Mais, dira-t-on, les fibres en se contractant brusquement ne peu- vent-elles pas se rompre? Et au lieu d’attribuer ces points hémorrha- giques à un ébranlement, ne serait-il pas plus rationnel de l’attribuer à une rupture de ces fibres elles-mêmes ? Cette explication, nous ne pouvons l’accepter, et voici pourquoi. C'est qu’en examinant avec le plus grand soin les fibres musculaires comprises dans l'épaisseur mème des foyers, il ne nous a jamais été possible de constater la moindre solution de continuité. La fibre musculaire nous a toujours paru saine à ce point de vue; non pas que nous contestions qu’elle ne puisse se déchirer, mais ne l’ayant pas vu, nous ne l’admettons pas pour le cas présent. Mais laissons là toutes les exagérations théoriques, et ne considé- rons que le fait pratique : à la suite du traumatisme par les armes à feu, il se produit une série de petits foyers sanguins dans l’épais- seur des muscles. Ceux qui sont atteints offrent à coup sûr les lésions les plus multiples; mais sans avoir été touchés, ils peuvent égale- ment subir les effets généraux du choc qui retentit sur tout le membre, et présente ces mêmes épanchements. L'observation VIII en est un exemple. Nous pourrions multiplier à l'infini les observations ; nous en cite- rons trois seulement, qui ont été prises récemment. ÉCLAT D'OBUS AU TIERS INFÉRIEUR DU TIBIA; DÉSARTICULATION DU GENOU DOUZE HEURES APRÈS Oss. VIII, — Homme de 42 ans, très-vigoureux. L'éclat d’obus est arrivé aa tiers inférieur du tibia droit, a divisé les parties molles, brisé 28 le tibia et l’a fait éclater. Plusieurs esquilles existent, et une d’entre elles a 7 à 8 centimètres de largeur. A la partie externe du tibia, il ya encore une lamelle d’os existante, de sorte que les muscles antérieurs ont été protégés au niveau même de la contusion. Les muscles posté- rieurs ont été atteints à ce niveau. La désarticulation opérée, on trouve les muscles jumeaux infiltrés de sang jusqu’à leur extrémité supérieure. De nombreuses hémorrha- gies isolées existent dans leur intérieur. De même pour les muscles profonds. Les muscles antérieurs présentaient ceci de remarquable que n'ayant pas été atteints au niveau de la contusion, il existait cependant près de leurs attaches supérieures de petits foyers hémorrhagiques dans leur épaisseur. Le tibia fendu longitudinalement de l’article jusqu'à la fracture, of- frait de petits foyers isolés dans le centre de la moelle, ou à sa péri- phérie. Ces petits foyers sanguins étaient tout petits et au nombre de Cinq Ou SIX. La contusion des parties molles était ici plus forte que celle des os. ÉCLAT D'OBUS DANS L'ARTICULATION TIBIO-TARSIENNE; AMPUTATION DE LA JAMBE AU LIEU D ÉLECTION HUIT HEURES APRÈS. Oss. IX. — Homme de 35 ans. À reçu en arrière un éclat d’obus qui a traversé toute l'articulation tibio-tarsienne du côté gauche, et lésé l'artère tibiale postérieure, ainsi que le nerf tibial. Après l’amputation de la jambe faite au lieu d'élection, on voit que l'éclat d’obus est venu broyer en mille morceaux l’astragale et les mal- léoles, de sorte qu'il existe des milliers de fragments osseux. De plus il existe une fêlure qui remonte sur le tibia de 4 à 5 centimètres en haut. En sciant le tibia, on trouve que l’infiltration sanguine remontait à 20 centimètres au-dessus de l’article, et que la moelle n’était saine que dans les 4 à 5 centimètres qui précédaient le lieu de l’amputation. Là elle avait un aspect jaunâtre, graisseux, et aucune rougeur n’était appréciable. Le tendon d’Achille se trouvait sectionné, ainsi que les tendons des autres muscles profonds:postérieurs. Tous les muscles de la partie pos- térieure se trouvaient infiltrés de sang jusqu’au niveau même de l’am- putation, et même sur le lambeau se trouvaient encore de nombreux points ecchymotiques. 29 ÉCLAT D'OBUS AU TIERS SUPÉRIEUR DE LA JAMBE, AMPUTATION DE LA CUISSE AU QUART INFÉRIEUR QUINZE HEURES APRÈS. Oss. X. — Femme de 35 ans. À reçu un éclat d’obus qui est venu l’atteindre au tiers supérieur de la jambe. Le tibia se trouve broyé et les muscles postérieurs se trouvent contus à la partie intense. Après l’amputation de la cuisse on dissèque le membre et on trouve les muscles antérieurs sains. Tous les muscles postérieurs sont horri- blement contus. Dans toute l’étendue des muscles profonds et du so- léaire se voient des foyers sanguins. On dirait presque une éponge vasculaire dans certains points. Les muscles jumeaux n'ont de ces foyers que vers leurs attaches aux condyles fémoraux. Les vaisseaux et les nerfs principaux du membre étaient intacts. Pas de varices appréciables. Le tibia scié offrait de l’infiltration sanguine dans toute son étendue. Au niveau du fémur il n’existait aucune trace de contusion pour les tissus cutanés, sous-cutanés et musculaires. Le fémur lui-même se trouve intact en apparence. Une fois scié, on trouve dans son épiphyse une infiltration sanguine de la grandeur d’une pièce de ? francs. Jusqu'ici nous n’avons considéré ces lésions musculaires que dans l'épaisseur même de leurs fibres. Il nous reste à dire un mot des décollements aponévrotiques et des foyers sanguins qui peuvent en résulter. Souvent, en effet, ces décollements se produisent, et pour les expliquer on n’a pas besoin d’un grand effort d'imagination. Tissus fibreux résistants, ne se prétant à aucune variation brusque soit pour l’allongement, soit pour le raccourcissement, ils voient tout à coup leurs connexions immédiates déchirées par le fait du retrait immense du muscle, d’où décollement plus ou moins étendu. Plus les aponévroses sont fortes, tendues, plus elles sont fibreuses et dépourvues de tissu cellulo-adipeux sous-jacent, plus le décolle- ment sera facile, et plus aussi il atteindra des dimensions considé- rables. Le fait clinique que nous citons est remarquable non-seule- ment par l'étendue du décollement aponévrotique, mais encore par les diverses autres lésions musculaires et osseuses. CONTUSION DU FÉMUR ET DES MUSCLES DE LA PARTIE ANTÉRIEURE DE LA CUISSE PAR BALLE, SEPTICÉMIE AIGUE; MORT AU CINQUIÈME JOUR, Oss. XI. — Camus (Auguste), âgé de 18 ans, reçoit dans la soirée une balle à la partie antéro-supérieure de la cuisse gauche. Arrivé à minuit, on remet au lendemain l’extraction de la balle. 30 Jeune homme fort, vigoureux, très-bien musclé, Le lendemain, 15 avril, on constate un gonflement assez notable se dirigeant jusqu’au niveau du grand trochanter. La douleur s’arrêtait dans ce point. Contre-ouverture à ce niveau. La balle est extraite. Elle était située à la base du col du fémur, accolée contre l’os et l’a- ponévrose d'insertion du grand fessier. Elle s’était aplatie contre les muscles contracturés et contre l’os. Par lexploration avec le doigt, on ne reconnaît aucune félure ni au- cuné dénudation osseuse. Agrandissement des deux ouvertures. In- cision des aponévroses qui bridaïent fortement les muscles, et passage d’un tube à drainage. Le 16 avril le tube est serré, et ce n’est qu'avec la plus grande peine qu'on parvient à le faire mouvoir dans la plaie. Ecoulement d’un li- quide roussâtre, chaud, brûlant, à odeur fétide. Lavages détersifs matin et soir. Le 18, on reconnaît un abcès de la partie antérieure de la cuisse. Après son incision, on voit que l’abcès est sous -aponévrotique, situé entre le muscle triceps et son aponévrose, et s'étendant dans la moitié supérieure de la cuisse jusqu’au ligament de Fallope. Le 18 au soir, ce malade. offre un. refroidissement général; son vi- sage.est pâle, décoloré, marbré. Le pouls ne se sent plus. Il meurt dans la nuit. L’autopsie, pratiquée quelques heures après, montre que le muscle triceps est parsemé d’une foule de points hémorrhagiques, et dans le voisinage du trajet de la balle, ils sont purulents. Dans la moitié supé- rieure du fémur, la moelle est rouge, semblable à de la lie de vin, dans une étendue de 10 centimètres environ. Les désordres musculaires que nous venons de décrire existent certainement, mais pas à un degré aussi considérable dans tous les cas. De nombreuses variétés existent à ce sujet, et dépendent non- seulement du volume du projectile, mais encore de sa force de pé- nétration et du point où il atteint le muscle. On conçoit, en effet, que le choc doit être bien plus grand à la suite d’un éclat d’obus. On conçoit encore avec la même facilité que si une balle est arrivée à la fin de sa course, l’ébranlement sera à peine perceptible. Ces vérités n’ont pas: besoin, il me-semble, dedémonstration. Quant à la partie du musele que le projectile vient atteindre, il doit en résulter des conséquences très-variables, Supposons, par exemple, que le bord seul du muscle soit lésé, l'ébranlement sera infiniment moindre que s’il se trouve traversé dans son milieu. 31 L'observation IX nous a offert un exemple des plus remarquables. Un éclat d’obus atteint l'articulation tibio-tarsienne et le tendon d'Achille. Les fibres musculaires du triceps, sans étre atteintes elles-mêmes, n’en ont pas moins été le siége de nombreux petits foyers hémorrhagiques, remontant jusqu’à l'insertion des jumeaux. Telle a été la violence du choc, que l’ébranlement s’est propagé dans toute la longueur d’un muscle aussi étendu, alors cependant que le choc avait eu lieu vers sa partie inférieure. Ces désordres considérables n’ont lieu que pour les muscles su- perficiels, et cela se comprend aisément. Libre dans toute leur por- tion moyenne, ils sont susceptibles du moindre choc, et la com- motion les atteint dans leur entier. Si le projectile vient frapper les muscles profonds, alors qu'ils sont réunis en un faisceau unique, la même série de lésions peut aussi se rencontrer dans toute leur lon- sueur, mais en tous cas, l’étendue sera moindre, puisqu'ils ne vont que d’un os à l’autre. 8 II. — QUELS SONT LES MOYENS DE RECONNAÎTRE JUSQU OU S’ÉTEND LA CONTUSION ? Le traumatisme produit par les projectiles de guerre n’est jamais localisé. Oui, la contusion remonte toujours plus loin qu'on ne peut le prévoir, principe fondamental qui doit faire rechercher avec soin les limites de la contusion. Pour l'os d’abord on ne peut le démontrer; cela est de toute im- possibilité. L’anatomie pathologique nous a montré des lésions médullaires, et uous autorise par cela même à les supposer lors- qu’un os aura été frappé dans sa diaphyse. Il nous suflit de savoir que la chose est possible pour l’accepter dans tous les cas où une violente contusion apparente aura été produite. Comment, en effet, distinguer une lésion toute intérieure, alors que souvent il n’est même pas permis de démontrer les félures des os qui remontent plus ou moins avant. Reconnaître la contusion des muscles est peut-être plus facile. Pendant les premières heures, pendant la période de stupeur locale, il n’y faut pas songer; mais après quelques heures, lorsque linfil- tration séro-sanguinolente commencera à se produire, on verra un sonflement léger dans le sens de la longueur du muscle. Si à ce moment, le membre étant bien au repos, on promène ses doigts 32 avec précaution en pressant tout doucement, une douleur sera pro- duite dans les points où existent les foyers, et en continuant ainsi cette pression du haut en bas du muscle, on arrivera à trouver les limites de la contusion. L’exploration la plus minutieuse, la plus patiente, doit être faite; souvent même il sera bon d'attendre quel- ques instants pour laisser reposer le malade et faire cesser lirri- tabilité de ses muscles. C’est là le seul moyen que nous avons à notre disposition pour arriver à la connaissance exacte de tous les désordres compris dans l'épaisseur des muscles. Il est loin d’être infaillible, et souvent, les jours suivants, on verra survenir un phlegmon de ces masses musculaires, alors que l’examen antérieur le plus consciencieux n'avait rien démontré. ? IL. — CONSÉQUENCES PATHOLOGIQUES ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. Contusion énorme et désorganisation complète des tissus sur tout le trajet du projectile, transmission du choc dans les os et les mus- cles, ayant pour résultat des épanchements sanguins, tel est le premier effet. Que va devenir ce sang épanché au loin dans les tissus? Tout se résume dans cette simple question. De la résorption ou de la décom- position putride de ce sang vont s’ensuivre des conséquences tout à fait inverses. Certes, le mal ne serait pas grand si, par un moyen quelconque, on pouvait empêcher sa décomposition, si à l’aide d’un pansement quel qu’il soit on pouvait déterminer sa résorption. Durant un certain temps le repos serait nécessaire, les tissus res- teraient indurés, après quoi tout rentrerait dans l’ordre. L’évolu- tion pathologique de toutes ces lésions serait celle des fractures sous-cutanées. Sauf la durée plus longue en raison même de ces contusions multiples, la ressemblance serait absolue. Mais les plaies par armes à feu ne se comportent pas ainsi. Toujours, on peut le dire, car les exceptions sont trop rares, elles s’accompagnent de suppuration et de mortification des tissus. Là où la balle a fait son trajet, des lambeaux de tissus sont frappés de mort; en d’autres termes il y a gangrène parcellaire, partant décomposition putride. Le sang qui se trouve lui-même à ce con- tact subit cette décomposition, et les premiers jours il s’écoule uu liquide roussâtre à odeur fétide. Ce liquide est chaud, âcre au L 4] Ju) toucher ; il semble que si l’on avait une piqûre au doigt, on ressen- tirait immédiatement les phénomènes graves de cette inoculation. Et de fait cela est vrai. Le malade absorbe en quantité plus ou moins grande les produits de cette putréfaction, d’où la septicémie à tous les degrés. S'il s’agit d’un simple séton à travers les tissus cutanés et sous-cutanés, le liquide septique absorbé se trouve en trop minime quantité pour produire des accidents. Si au contraire le trajet est étendu, anfractueux au milieu des masses muscu- laires, si les débridements n’ont pas été suffisants pour enlever tous ces produits par des lavages plusieurs fois par jour réitérés, * dans ces conditions les malades meurent au bout de huit jours. Ils sont d’abord atteints d’une fièvre légère, qui va croissant, peau chaude, visage coloré, pouls petit et accéléré. Puis tout à coup, presque subitement, ils deviennent froids, leur visage devient marbré, leur pouls est à peine perceptible, et après un temps va- riable de cinq à dix heures, ils meurent. Je n’insiste pas sur tous ces phénomènes; la septicémie aiguë est aujourd'hui une des af- fections les mieux connues, et contre laquelle une fois arrivée à cette période extrême tous les moyens thérapeutiques ont jusqu’à ce jour échoué. Donc il y à à prévenir cet accident primitif dans le cas où l’on tente la conservation. En premier lieu, dès le premier jour, dès le premier instant qu'on voit le blessé, le chirurgien doit faire des in- cisions, c’est-à-dire débrider largement les orifices faits par le projectile, en suivant autant que possible les interstices muscu- laires. Ges ouvertures et contre-ouvertures servent à faire les injec- tions détersives qui vont être si nécessaires pour empêcher la for- mation des produits septiques, ou pour les annihiler sitôt qu'ils seraient produits. Trois, quatre, cinq lavages par jour, allant dans l'intérieur de la plaie, pénétrant dans toutes ses anfractuosités, sont indispensables pendant tout le temps que va mettre la plaie à se débarrasser de ces produits septiques. C'est à cette période que l’on voit se manifester deux accidents locaux très-importants, le phlegmon diffus et l’ostéomyélite. Les tis- sus gangrenés, mélangés au sang, forment des produits putrides, et si, par un lavage continu, ces produits ne sont pas absolument éli- minés, ils déterminent de proche en proche une décomposition qui s’accroît à chaque nouveau foyer sanguin qu'ils rencontrent. Du MEM. 1871. 3 34 côté des muscles, c'est le phlegmon diffus; du côté des os, c’est l’os- téomyélite. A la suite des resections, il est de règle de voir se produire cette sorte de phlegmon, et même on peut dire d'avance la marche qu'il suivra; il suffit simplement de connaître les muscles contus. Un projectile a-t-il traversé l’épiphyse humérale en lésant les muscles qui s’insérent à l’épicondyle, c’est vers les muscles superficiels de l’avant-bras qu'on le verra apparaître. Ge phlegmon peut être extré- mement simple, ne pas aboutir à suppuration. D’autres fois il pren- dra une forme très-graye, la forme gangréneuse. L'observation sui- vante nous en offre un bel exemple. FRACTURE DE L'HUMÉRUS À SON TIERS INFÉRIEUR PAR BALLE: ABLATION DES ESQUILLES ET RESECTION PARTIELLE; PHLEGMON DIFFUS; MORT. Oss. XII. — Debesse (Lucien), âgé de 30 ans, entre le 3 avril à l’hô- pital Necker. Ce malade, fort, vigoureux, admirablement musclé, a reçu une balle à la partie postérieure du bras gauche, près de son extrémité inférieure. L'humérus est brisé, et de nombreuses esquilles existent. La balle existe encore à la partie interne du bras, à côté des vaisseaux qui n’ont pas été déchirés. Contusion énorme du bras, car il existe un gonflement notable, non- seulement au niveau de la plaie, mais encore sur toute la partie supé- rieure, Le lendemain 4 avril, on le chloroformise ; les fragments sont enle- vés, et l’humérus est resequé dans une étendue de 5 centimètres. Le bras est placé dans une gouttière. — Pansement à l'alcool. 5 avril. Le gonflement du bras s’accentue encore dans la journée, et le lendemain on le trouve volumineux. La peau est chaude, le visage coloré, le pouls à 96. Une sanie roussâtre, à odeur fétide, s'écoule de la plaie. On déterge la plaie avec de l’alcool. 6 avril. La fièvre persiste. Le gonflement du bras augmente. Les tis- sus sont empâtés. Rougeur des téguments. 7 avril. Abcès dans la bourse séreuse olécrânienne, qu’on ouvre. Le gonflement du bras est à peu près le même qu'hier. 8 avril. La peau offre des taches gangréneuses. On fait une série d’incisions.allant jusqu'aux aponévroses. Les muscles sont gonflés, in- filtrés ; le tissu intermusculaire s’en va par lambeaux. 9 avril. Le malade est froid. Sueur:froide surtout le corps. Le pouls est imperceptible. 35 Il meurt dans la nuit du 10. Son autopsie ne peut être faite. L’ostéomyélite est également la règle, et se présente sous deux formes : l’ostéomyélite localisée et l’ostéomyélite diffuse. Bornée à quelques centimètres, elle va être la cause productive de la saillie secondaire des os. Qu'on examine toutes les amputations dans la continuité, et l’on verra dans tous les cas l’extrémité de l’os se né- croser, en même temps qu'un bourgeon médullaire vient faire sailie à l'extérieur. Le sang contenu dans Île canal médullaire se décom- pose, s'écoule au dehors, et lorsque la moelle a été ainsi éliminée, il ne reste plus de tissus pour la nutrition de l’os dans le point corres- pondant. Ce vide du canal médullaire était tout à fait évident dans le cas suivant. ÉCLAT D'OBUS AYANT BROYÉ LE CALCANÉUM ET FRACTURÉ LA MALLÉOLE INTERNE ; AMPUTATION DE LA JAMBE AU TIERS INFÉRIEUR. Oss. XIII. — Adolphe-Louis, 45 ans. On lui fait l’amputation de la jambe au tiers inférieur par le procédé de Lenoir, Quelques jours avant sa mort il survient une gangrène de la peau et des tissus sous-jacents dans une étendue de 6 à 7 centimètres. Son os est saillant, nécrosé dans une longueur de 3 à 4 centimètres. Il meurt d'infection purulente. à A l’autopsie, on voit un bourgeon médullaire faisant saillie à l’extré- mité inférieure du tibia. On fait la section du tibia à 12 centimètres au- dessus, et on le scie. Dans toute la partie supérieure de los sectionné, on trouve la moelle rouge, hyperémiée, renfermant encore quelques points ecchymotiques, et çà et là se voyaient de véritables petits cal- lots. Mais à 4 centimètres du lieu de l’amputation, on trouve le canal médullaire vidé complétement, comme si on avait raélé les parois in- ternes du canal. Les muscles jumeaux étaient le siége de nombreux points ecchymo- tiques, ainsi que les muscles profonds postérieurs. Le périoste était décollé à sa face antéro-interne. Mais l’ostéomyélite peut ne pas rester localisée; elle peut s’éten- dre, arriver à suppuration, et contribuer alors pour une large part à l'infection purulente. Nous nous contentons d’en citer une très- belle observation. FRACTURE DE L'HUMÉRUS PAR BALLE; RESECTION DE LA DIAPHYSE: MORT. Oss. XIV. — Femme ägée de 35 ans. A reçu une balle à la partie 36 moyenne du bras droit. Les esquilles y sont très-nombreuses. Tout le tiers moyen de l’humérus est enlevé. Elle meurt d'infection purulente au quinzième jour. À l’autopsie, faite dix heures après, on trouve les muscles triceps et deltoïde offrant une série d’abcès dans leur épaisseur. Le périoste est décollé à la partie postérieure et interne, et il existe un abcès sous- périostique. De plus, à l'extrémité de l’os se voit un bourgeon médullaire saillant. Tout le fragment supérieur de l’humérus, représentant le tiers environ de l’os, ayant été scié, on voit immédiatement au-dessus du bourgeon médullaire une suppuration de toute la moelle. Il y a là comme un ca- nal purulent creusé dans l’épaisseur de la moelle. Cette suppuration existe jusque près de l’épiphyse. Dans l’épaisseur de la tête on voit une foule de points noirâtres ou rougeâtres représentant des points ecchymotiques. L’infection purulente, j'ai prononcé le mot, fait mourir plus de la moitié des malades qui ont résisté à la septicémie, au moins dans les hôpitaux de Paris. Déjà affaiblis par des fatigues de toute espèce, éprouvant ensuite une commotion violente à l’occasion de leur blessure, leur organisme s’altère encore bien davantage par le fait de leur séjour à l'hôpital, où ils respirent les odeurs les plus infec- tes, où ils absorbent soit par leurs poumons, soit par leur plaie, toute une série de miasmes et de produits septiques. Ils n’en sont pas moins arrivés à cette seconde période qui va leur devenir fatale. C’est qu’à ce moment les caillots qui avaient oblitéré tous les petits vaisseaux, artérioles et veinules, n’out pas une force capable d’al- ler jusqu’à l’organisation; ils se décomposent et se désagrégent. Ghassés au dehors par le courant sanguin, ils sont la cause indirecte des hémorrhagies secondaires. Circulant dans les veines sous forme d’embolies, ils arrivent au poumon, et ces corps emboliques, plus ou moins chargés de matières septiques, vont déterminer dans un orga- nisme déjà considérablement épuisé les abcès métastatiques. L'infection purulente représentée par ces abcès métastatiques n’est donc qu'un épiphénomène; ce n’est que la continuation de la septicémie, c'en est une complication. Qu'on suppose que par un moyen quelconque des caillots se détachent et arrivent dans les pou- mons d’un individu ayant conservé encore une grande résistance, ces embolies produiront des infarctus sans arriver à suppuration. Ce qu’il y à à faire dans cette période, qui dure du huitième au 37 vingt-cinquième Jour, consiste dans l’immobilité absolue du mem- bre, dans la continuation des lavages détersifs, dans une alimenta- tion progressive. En un mot continuer les moyens hygiéniques, re- lever les forces du malade, voilà tout le secret. J'arrive maintenant à la troisième série d’accidents, lesquels ne font pas mourir rapidement le malade, mais qui, en altérant l’orga- nisme de l’individu, en épuisant ses forces par des douleurs conti- nues, le conduisent à la cachexie, puis à la mort, dans un temps plus ou moins éloigné, je veux parler des ostéomyélites des blessés que M. J. Roux a admirablement étudiées dans un mémoire lu à l’Aca- démie de médecine (1). M. J. Roux a constaté que la mort arrivait presque fatalement au bout d’un temps plus ou moins long chez les individus qui étaient affectés de ces ostéomyélites. Cette affection étant progressive ne tarde pas à envahir tout l’os du membre, en sorte qu’on arrive à la nécessité d’une opération: insuccès nombreux si on fait la resection ou l’amputation dans la continuité; succès absolu si on pratique la désarticulation, telle est la formule théra- peutique de ce chirurgien. Aiusi, on a conservé le membre d’un individu à l’aide de soins immenses ; on l’a sauvé de la septicémie aiguë, on l’a sauvé de l’in- fecüon purulente, et voilà qu'au bout de six mois ou un an on ar- rive à lui faire une désarticulation du membre. On lui fait subir une troisième chance de mort par cette opération sérieuse. Mieux eût valu mille fois lui faire cette opération dès le début, et deux mois après il aurait pu reprendre ses occupations. Qu'on w’aille pas toutefois au delà de ma pensée; nul plus que noi ue tient à la conservation des membres. Je dis simplement ceci: À la suite des plaies par armes à feu, le traumatisme n’est pas borné a la plaie simple ou à son voisinage; le plus souvent il s'étend du côté des os jusqu’à leurs extrémités, souvent aussi il s'étend du côté des muscles jusqu’à leurs insertions : dans ces cas-là je crois qu'il faut faire la désarticulation d'emblée, sans aucune hésitation, et conserver le membre serait faire passer iuutilement le malade par toute une série d'accidents pour arriver en fin de compte au même résultat. (1) Mén. pe L’Acan. ne mév. 1860, De l'ostéomyélite et des ampu- Lalions secondaires à la suite des coups de feu. 38 L’anatomie pathologique nous a révélé ces effets désastreux du traumatisme qui s'étendent au loin. La physiologie pathologique nous a montré les conséquences de la réparation de tous ces désor- dres ; c’est au médecin à juger sainement ce qui doit arriver ulté- rieurement, c’est au médecin qu’incombe le devoir de reconnaître exactement les lésions, en un mot de tenir compte de ces trois termes, si nettement développés par M. Verneuil, la blessure, le blessé, le milieu, et faire la part de chacun d’eux (1). Je ne me dissimule pas la valeur de l’objection suivante. À quoi bon faire la désarticulation d'emblée ? Pourquoi ne pas s’en tenir à Pamputation faite à plusieurs centimètres au-dessus? Objection plutôt spécieuse que réelle, car, je le répète, je ne prescris absolu- ment rien, ni les resections, ni les amputations. J’appelle simple- ment l'attention sur ces contusions des tissus qui se produisent à une grande distance, pour les os jusque dans leurs extrémités arti- culaires, pour les muscles jusqu’à leurs insertions, et je dis : Lorsque, par une étude attentive de la blessure, on aura reconnu ces lésions, ou bien lorsqu'on aura des raisons sérieuses pour croire qu'elles existent, dans ces cas-là il ne faudra pas hésiter, la désarticulation est indispensable. Maintenant une balle sera venue frapper un os dans son épiphyse; le trou de sortie sera égal au trou d’entrée, ce qui indiquera süre- ment une grande vitesse et une grande force de la part du projec- tile; les muscles auront été à peine atteints. Faites la resection, une resection étendue, et vous sauverez le plus souvent le membre du malade. Autre exemple : La diaphyse a été atteinte; il n y a pas ou presque pas de fragmients. Suivant que les muscles ont été à peine contus ou fortement contus, on se décidera pour une resection ou pour la conservation absolue du membre. On le voit, je ne récrimine absolument rien. Je désire simplement éviter des souffrances ultérieures aux blessés, et par une opération radicale primitivement faite, leur donner une guérison absolue le plus promptement possible. Dans cette étude des lésions trauma- tiques des tissus, J'ai laissé de côté les vaisseaux et les nerfs. FPai 1) Mémoires du Congrès international de Paris, 1867. 39 soulevé un point seulement de la question, et j'ai essayé de la pré- _ciser.pour la désarticulation primitive. Une autre objection bien plus sérieuse est la suivante. Le fémur est broyé, les muscles de la cuisse sont largement contus, la désar- ticulation primitive de la hanche doit-elle être tentée? L’embarras est grand, je l’avoue, d'autant plus que M. Legouest dans son mé- moire sur la désarticulation coxo-fémorale, et M. le baron Larrey dans son rapport, sont unanimes pour la repousser (1). Jusqu'à ce jour, en effet, toutes ces désarticulations primitives ont été mortelles. Je devrais rechercher peut-être quelles ont été les causes réelles de la mort, si elle ne peut être imputée autant au traumatisme lui- même qu'au fait de l'opération. Mais le résultat brut n’en est pas moins imposant, et jusqu'à nouvel ordre je crois qu'il faut faire des réserves à ce sujet, attendre les événements, et désarticuler se- condairement. M. J. Roux a ainsi obtenu trois guérisons. Je sais bien d’autres objections qu'on me fera. La désarticulation fémoro-tibiale ne donne pas des résultats bien brillants; de même pour la désarticulation du coude. C’est vrai, extrêmement vrai, mais, qu'on le remarque, ma pensée est unique, et se résume en celle-ci : Dépasser autant que possible les limites du mal. Qu'on fasse donc des amputations dans l'épaisseur des condyles du fémur, comme je l’ai vu faire; qu’on fasse même les amputations du fémur au cinquième inférieur, l'important est d’obtenir la guérison absolue de ses blessés. Ces réticences faites, je crois pouvoir me résumer dans les pro- positions suivantes : 1° Lorsqu'un projectile, animé d’une grande vitesse, vient frap- per un os dans sa diaphyse, et broyer en même temps les muscles, en raison des contusions à distance qui se produisent dans ces deux ordres de tissus, le plus souvent il faudra faire la désarticu- lation. La faire primitivement, c’est enlever au malade toute une série d'accidents qui peuvent le faire mourir : septicémie aigüe, infection purulente, ostéomyélite des blessés; c’est de plus le guérir radicale- ment en quelques semaines, au lieu de perpétuer ses souffrances D (1) Mémoires DE LA SOCIÉTÉ DE CHIRURGIE, t. V. 40 un temps iudéfini, pour arriver finalement à la désarticulation. 9° La resection n’est réellement indiquée que dans les cas de l£- sion des épiphyses. La balle traversant le tissu spongieux ne fait en somme que peu de désordres, et la resection de toute l’épiphyse et d’une partie de la diaphyse dépassera certainement les limites du mal. ACTION PROLONGÉE DE L'ALCOOL CHEZ LES CHIENS Note communiquée à la Société de Biologie Le 30 septembre Par M MAGNAN Médecin à Sainte-Anne. Dans la séance du 14 novembre 1868, j'ai eu l'honneur de pré- senter à la Société de biologie les organes d’un chien, mort à la suite d’une intoxication alcoolique prolongée pendant deux mois environ (1). Le foie et les reins avaient déja subi la dégénérescence grais- seuse; l’estomac était le siége d’une gastrite intense avec ulcéra- tions de la muqueuse, épaississement des tuniques et hémorrhagies superficielles et interstitielles. Les méninges œdémateuses offraient, par places, des infiltrations séro-sanguinolentes. La partie interne des cordons postérieurs de la moelle avait une teinte grisâtre plus marquée vers le tiers inférieur de l’organe. Les poumons présen- taient des suffusions sanguines sous-pleurales. Enfin l’analyse chi- mique avait décelé la présence de l’alcool dans les organes. Les phénomènes principaux, en dehors des symptômes d'ivresse, (1) Magnan, Épilepsie alcoolique; action spéciale de l’absinthe ; épilepsie absinthique ; dans la Gazette MÉDICALE, 30 janvier 1869. MÉM. 1871. 4 42 qui accompagnaient chaque nouvelle administration de poison, con- sistaient en un tremblement qui, d'abord limité aux membres pos- térieurs, avait gagné, au bout d’un mois, les pattes antérieures, les muscles du tronc et du cou. L’estomac, d'autre part, était devenu le siége d’une sécrétion très- abondante de mucosités visqueuses, filantes , analogues à Ja pituite des ivrognes. Comme phénomène intellectuel, on avait remarqué un certain degré d’hébétude dans l'intervalle des accidents aigus. L'animal mourut après un refroidissement considérable auquel il fut exposé pendant l'ivresse. Depuis cette époque, j'ai poursuivi ces recherches sur un grand aombre d'animaux, mais des accidents multipliés sont venus, à plu- sieurs reprises, interrompre les expériences; toutefois, les résultats obtenus méritent d’être signalés. Pendant longtemps la sonde œsophagienne ou la fistule gastrique a'ont servi à l'introduction de l'agent toxique dans l’estomac; mais ces procédés qui, d’ailleurs, ne sont pas exempts de danger, pla- çaient les sujets en expérience dans des conditions un peu diffé- rentes de celles où se trouve l’homme; aussi, changeant le mode d’expérimentation, j'ai donné aux animaux l'alcool avec les aliments. Je n’insisterai pas sur les difficultés que l’on rencontre à faire avaler spontanément et pendant un certain temps des aliments imprégnés, d'alcool ; j'y suis parvenu, toutefois, en réunissant dans une même salle cinq jeunes chiens, dont trois d’une même portée, âgés, de 2 mois et demi et deux âgés de 3 mois. Un seul bassin reçoit. la pitance commune, et le repas à pere servi, les cinq convives, pous- sés par leur voracité naturelle, s’élancent à l’envi les uns desautres pour puiser dans le plat la part la plus large. Bientôt après tous. titubent, et les: plus gloutons, saturés d'alcool, ne tardent pas à tom- ber dans un sommeil comateux.Les doses quotidiennes pour chaque animal sont progressivement portées de 20 à 60. grammes d'alcool. à 86 degrés. Une fois par semaine, à titre de repos, la nourriture est très-peu alcoolisée. Des vases, remplis d’eau sont placés, en perma- nence, dansla salle. Ainsi réglé, Le régime alcoolique produit chaque jour une ivresse dont la durée et l'intensité croissent progressive- ment pendant deux mois environ. À partir du troisième mois, l’ap- pétit diminue, et malgré l’addition de débris de poissons, dont les 43 chiens se montrent friands, on ne parvient plus à faire prendre des quantités d'aliments suffisantes pour provoquer une ivresse suivie de résolution complète de tout le corps. Mais, à ce moment déjà, il s’est développé des phénomènes d'un intérêt particulier, surajoutés aux accidents quotidiens produits par Paction immédiate du poison. Dès le quinzième jour, en effet, depuis le début de l'expérience, voici ce que l’on observe: Chez l’un des chiens, l’action prolongée de l'alcool se fait peu sentir, l'animal s'enivre tous les Jours, mais une fois l'ivresse passée, il reprend ses allures habituelles ; chez les quatre autres, au contraire, elle se tra- duit par une susceptibilité nerveuse très-remarquable. Ils sont in- quiets, ils prêtent l'oreille ; le moindre bruit les fait tressaillir. Dès que la porie s'ouvre, laissant sur leur passage une traînée d’urine où même des matières fécales, ils s'empressent de se blottir vers le point le plus obscur de la salle; ils n’écoutent plus les caresses ; quand on approche, ils mordent; si l’on menace de les frapper, ils poussent des cris déchirants. Un peu plus tard, surviennent des hallucinations chez deux d’entre eux. Comme poursuivis par un ennemi, ils fuient en détournant la tête en-arrière, ils aboient avec force, courent effarés dans tous les sens et mordent dans le vide. Dès que l’on entre, ils se pressent contre le mur, gémissant, criant, tremblant de tous lés membres. - Au milieu de la nuit, ils se mettent parfois à gémir, à pousser des cris plaintifs, à hurler avec force, et cesserit seulement lorsqu'on intervient avec la lumière. Ces accès de délire sont passagers, ils arrivent habituellement vers la fin de l'ivresse. L'un des deux chiens hallucinés devient gai sous Vinfluence immédiate de l'alcool; il se moutre caressant dès qu’il commence à tituber, plus tard, au contraire, il se fait remarquer par son indifférence où bien il grogne et il mord. Ces hallucinations, fréquentes pendant le deuxième mois de l’ex- périence, deviennent plus rares ensuite, probablement à cause de l'ingestion moindre d'alcool. La sensibihté ne présente pas ici de modification notable, sauf, toutefois, pendant l'ivresse où, comme toujours, plus oùumoins obtus dans les parties antérieures du corps, elle est presque nulle dans train postérieur, dont les nerfs peuvent quelquefois même étre im - punément déchirés. 4h Le système musculaire présente des phénomènes passagers de paralysie après chaque nouvelle dose d'alcool, et, de plus un trem- blement propre à l’intoxication prolongée. On aperçoit, en effet, dès le deuxième mois, sur l'animal gisant à terre, pendant l’ivresse, un tremblement des membres plus marqué dans les pattes postérieures, intermittent, s’arrêtant six à sept minutes pour reprendre de nou- veau pendant un quart d'heure ou plus longtemps. En appliquant les mains sur le dos, on sent des frémissements et des contractions isolées de différents faisceaux ; peu à peu les muscles du tronc et du cou se contractent plus fortement, et ces derniers impriment à la tête des oscillations plus ou moins rhythmiques. Ce tremblement est très-singulier quand l’animal, assis sur le train postérieur, se tient dressé sur les pattes de devant. La température prise au rectum, une heure après le repas, donne un abaissement qui varie entre 1 et3 degrés, d'après la quantité d'alcool ingérée. Les troubles digestifs diffèrent suivant le mode d'administration du poison. Chez les chiens nourris avec des aliments alcoolisés, il survient parfois des vomissements après le repas, de la constipation alternant avec de la diarrhée ; exceptionnellement on aperçoit un peu de sang dans les selles. Les aninaux, dont l’estomac recoit directement l'alcool par la sonde œsophagienne ou la fistule gastrique, paraissent éprouver des coliques quelques minutes après l'injection toxique, ils se traînent à terre, poussent des gémissements, frottent le ventre sur le sol. Les matières vomies sont entourées de mucosités épaisses, gluantes, quelquefois striées de sang; les selles, noirâtres dans quelques cas, présentent aussi quelquefois des taches sanglantes. Il s’écoule par la canule, surtout le matin, une notable quantité de pituite qui fait refluer l'alcool quand l'injection est poussée trop rapidement. Chez les animaux comme chez l'homme, les boissons alcooliques ont donc, sur le tube digestif, une action d'autant plus nuisible qu’elles trouvent l'estomac dans un état plus parfait de vacuité; ce qui explique les déplorables effets de la fameuse goutte du matin, prise à jeun, par un grand nombre d'individus. L'expérience sur l’action continue de l'alcool, qui, pour donner des résultats complets, aurait dû être poursuivie dix-huit mois ou deux ans, a été forcément interrompue au bout de six mois. Elle a 45 été entravée par des morts accidentelles, dont l’histoire rappelle, de tous points, la pathologie humaine. Le chien dont il a été tout d’abord question à dû la mort, nous l'avons vu, à un refroidissement considérable. Étendu, en effet, sur le carreau, devant une fenêtre ouverte, par un froid de 10 degrés en- viron, immobile, déjà refroidi par l'alcool, il s’est trouvé sans dé- fense contre la rigueur de l'atmosphère. C'est ainsi, on le sait, que finissent certains ivrognes. Un des chiens appartenant au groupe des cinq en expérience, au bout du quatrième mois, est resté toute une nuit allongé sur un sol froid et humide; il avait quitté, en titubant, la couche où on les pla- çait pendant l'ivresse, et s'était endormi à la place même où il s’était laissé tomber. Le lendemain il avait de la fièvre, de l’oppression, de la rudesse respiratoire, du râle sous-crépitant des deux côtés de la poitrine ; deux jours après il mourait de broncho-pneumonie. Est-il nécessaire de rappeler la gravité de la pneumonie alcoolique chez l’homme ? L'un des deux chiens hallucinés s'échappe un jour par la porte entr'ouverte, fuit en aboyant et s’élance du palier du deuxième étage sur les dalles du rez-de-chaussée, C’est bien là un des actes de l’alcoolique. Un quatrième chien est mort asphyxié par l'arrêt au fond du gosier de matières alimentaires, que l’animal, en état d'ivresse, avait vomies, mais qu'il n'avait pas eu la force d’expulser hors de la bouche. Un autre, énfin, sous l'influence de la diète alcoolique, perd l’ap- pétit, maigrit, et arrive au bout de trois mois à un état avancé de marasme, bientôt suivi de mort. La simple énumération de ces accidents suflit pour montrer de nouvelles analogies entre l’alcoolisme de homme et du chien. L’autopsie dans tous ces cas montre du côté du tube digestif des lésions beaucoup moins avancées que dans l’observation précédem- ment signalée. Les tuniques de l’estomac ne sont pas sensiblement épaissies; la muqueuse, d’un rose pâle, est plus colorée et injectée au niveau de la grande courbure; dans un seul cas, chez le chien ca- chectique, mort dans le marasme, on trouve quelques ulcérations superficielles au voisinage du pylore. Les reins offrent chez la plupart une teinte jaunâtre de la couche 46 corticale; le foie jaunâtre a une tendance marquée à la dégénéres: cence graisseuse. Sur presque tous, le feuillet viscéral du péri- carde offre une teinte laiteuse, opaline, vers le tiers supérieur dans le voisinage des gros vaisseaux et le long des artères coro- naires. Sur deux seulement, les parois du cœur ont, par places, une teinte jaunûtre. L’arachnoïde et la pie-mère sont infiltrées et un peu épaissies ; le cerveau et la moelle ne présentent rien de notable. Dans aucun de ces cas nous ne voyons de fausses membranes à la surface de la dure-mère. Nous l'avons examinée cependant, avec d'autant plus de soin que certains expérimentateurs, MM. Kré- miansky, Neuman, ont ‘signalé l’existence de pachyméningite chez des chiens soumis pendant six semaines à deux mois à l’action con- nue de l'alcool (1). Comment expliquer ces résultats en apparence contradictoires? D'autre part, comment expliquer encore les résul- tats négatifs à ce point de vue que j'ai obtenus moi-même, et l’ab- sence aussi de pachyméningite chez les chiens à qui le docteur Paul Ruge avait fait prendre de l'alcool pendant une durée d’un à trois mois (2). Pour mon compte, j'attribuerai volontiers cette différence à la pro- duction de petites hémorrhagies qui, irritant les parties voisines, provoqueraient dans ces cas la formation des néo-membranes. On trouve en effet quelquefois, chez lesanimaux morts pendant l’ivresse, de petites hémorrhagies récentes, étalées en nappe à la surface de lV’arachnoïde. Or, les expériences de M. Laborde qui, par des piqûres ou des incisions, déterminait des hémorrhagies dans la cavité arach- noïdienne; quelques faits aussi chez l'homme d’hémorrhagies des méninges, primitives ou traumatiques, ont démontré la naissance assez rapide des fausses membranes autour des foyers sanguins. Cette pachyméningite secondaire des chiens serait donc, en quelque (1) Krémiansky, De la pachyméningite hémorrhagique interne chez l'homme et chez Le chien (Vircaow’s Arcniv, XLIT, p. 129), analysé par le docteur Chatelain dans les Ann. méD. Psycn., mai 1870. Neuman, Über die pachimeningitis bei dem chronischen Alcoho- hismus. —Koœænisberg. (2) Paul Ruge, Wirkung des Alkohols auf den thierischen Orga- nismus. — Vircnow's Arc, XLIX, p. 287 (janvier 1870). 47 sorte, accidentelle et différerait, par conséquent, de la pachyménin- gite qui survient, au bout de plusieurs années seulement, chez les alcooliques chroniques. La pachyméningite nous paraît se lier, dans l’alcoolisme chronique, aux modifications profondes qui, pour cette maladie comme pour la paralysie générale, la démence sénile, se produisent dans les centres nerveux d’une manière lente et pro- gressive. RECHERCHES ANATOMO-PATHOLOGIQUES SUR LA PARALYSIE SPINALE DE L'ENFANCE (PARALYSIE INFANTILE) (1) Par MM. HENRI ROGER er DAMASCHINO. (Voy. les planches I, IE, III et IV.) Il est une maladie de la première enfance qui commence à être bien connue depuis plusieurs années (et nous croyons y avoir quel- que peu contribué), maladie dont voici le {ype le plus ordinaire : Un enfant à la mamelle est, sans cause appréciable, en pleine santé, une nuit, pris de fièvre, et l’on s'aperçoit le lendemain, à son réveil, qu'il a une paralysie d’un bras (surtout du deltoïde) ou plus souvent d’une jambe ou des deux inégalement ; paralysie de la mo- tilité seulement, qui tout de suite à son maximum d'intensité et d’étendue, diminue vite et se circonscrit à des groupes de muscles, à un seul même, mais pour s’y perpétuer des mois, des années, à tout jamais, avec atrophie musculaire très-rapide et incurable que suivent plus tard des difformités des membres pareillement irremé- diables. Cette maladie, c’est la paralysie infantile, dite paralysie essen- tielle, à l'époque où les anatomo-pathologistes se bornaient à recher- (1) Communiquées par M. Damaschino à la Société de Biologie (séance du 7 octobre 1871). 00 cher les lésions matérielles macroscopiques (trois autopsies négatives sont consignées dans l’ouvrage de MM. Rillietet Barthez) (1). En 1840, Heine l’appelait paralysie spinale, fondant cette déno- mipation sur les données de l'induction plutôt que sur la descrip- tion des altérations anatomiques. Quinze ans plus tard, M. Duchenne {de Boulogne) rapprochait éga- lement la paralysie infantile des paralysies spinales, sans avoir le contrôle des nécropsies, mais par analogie clinique, et en raison de la ressemblance « des désordres musculaires » qu’il avait rencontrés dans celles-ci et qu’il retrouvait dans celle-là. « En raisonnant par analogie, dit-il, j'ai été conduit à penser que le point de départ de ces paralysies graves pouvait résider dans le système nerveux spinal. En effet, dans presque toutes les lésions traumatiques de la moelle ou de ses enveloppes qu’il m'a été donné d'observer chez l'adulte, les désordres musculaires symptomatiques de la lésion médullaire sont exactement les mêmes que ceux qu'on observe dans les paralysies atrophiques graisseuses de l'enfance (?).» M. Duchenne décrivait toutefois cette affection sous le nom de para- lysie atrophique graisseuse de l'enfance, frappé surtout de deux ca- ractères, l'un qui est de toute évidence et constant, l’atrophie (1) MM. Rilliet et Barthez, qui les premiers en France, en 1843, ont attiré l'attention des médecins sur la paralysie essentielle, ont appuyé sur trois faits leur description, ainsi que leur opinion relativement à la nature de la maladie. L’une des observations avec autopsie appartient au docteur Flies, qui n'aurait constaté dans ce cas de paralysie infan- tile qu’une «simple congestion des méninges de la moelle au niveau du plexus brachial, la pulpe médullaire elle-même, le cerveau et les nerfs étant parfaitement sains. » Dans les deux autres faits recueillis par MM. Rilliet et Barthez eux-mêmes, et où il s’agit d’enfants atteints, le premier de paralysie du bras, et le second de paraplégie, « l'exa- men le plus attentif du cerveau, de la moelle et des nerfs ne révéla aucune lésion appréciable aux sens, dans l’état actuel de la science » (1re édit., t. Il, p. 336, et 2° édit, p. 548), et les savants cliniciens anatomo-pathologistes y voient des exemples « incontestables » de pa- ralysie essentielle. (2) Duchenne (de Boulogne), De l’électrisation localisée, 1° édit., 1855, et 2° édit., 1861, p. 288. 51 musculaire, et l’autre, qu’il croyait constant, la dégénérescence graisseuse. M. Bouchut critique avec raison le nom de paralysie essentielle ; mais il ne nous paraît plus être dans le vrai alors qu’il place exclu- sivemeut le siége de la lésion anatomique dans la substance des muscles dont le tissu élémentaire serait altéré et qu'il appelle con- séquemment myogéniques ces paralysies. De ce que ni lui niM. le professeur Robin (malgré sa haute compétence) n'auraient trouvé, dans un cas unique, aucune altération microscopique de la sub- stance médullaire (1), ilen conclut que ces « paralysies musculaires partielles, incomplètes, sont indépendantes de toute lésion appré- ciable du système nerveux ; leur manifestation partielle ou circon- scrite sur un ou plusieurs des membres (ajoute-t-il) indique suffi- samment la nature locale de l’affection. » Les {rois observations que nous publierons tout à l'heure, et que nous donnons pour incontes- tables, sont en contradiction complète avec le fait de M. Bouchut et avec les conclusions qu'il en tire. Depuis nombre d’années que des faits de paralysieinfantile passent SOUS nos yeux, nous avions adopté la dénomination de Heine, et nous placions dans la moelle la lésion primitive; de plus, favorisés dans notre observation et ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir dans leur commencement et même dans leur naissance ces paralysies, très- rares d’ailleurs, qu'habituellement on ne voit que dans leur période d'état, nous avions été frappés du début soudain et de la marche rapide des accidents paralytiques, de la fièvre initiale, de la généra- lisation de la paralysie aux quatre membres dans certains cas, et aussi du prompt développement de l’atrophie musculaire consécutive, symptômes qui nous semblaient ne pouvoir être produits que par une affection de la moelle et devoir être rapportés à un processus morbide de nature congestive et irritative, de sorte que Le vieux mot de myélite, sous lequelnos prédécesseurs avaient le tort de confondre des maladies différentes, se trouvait convenir à la paralysie in- fantile. Mais le contrôle de l’anatomie pathologique manquait à ces induc- (1) Bouchut, De la nature et du traitement des paralysies essen- tielles de l'enfance (Union ménicae, 1867, t, IV, p 18). 52 tions, la paralysie infantile n'étant point une affection qui, à elle seule, compromette la vie, et les petits paralytiques succombant, dans presque tous les cas, à une maladie intercurrente. Ge n’est qu’en 1863 qu'il nous fut donné d'observer complétement, dans notre service d'hôpital, une petite fille (la nommée Lepage, âgée de 2 ans) qui, à 8 mois, après une courte fièvre, avait été soudaine- ment atteinte d’une paralysie des quatre membres, vite circonscrite aux deux membres inférieurs. On constata à lautopsie une lésion évidente de la moelle, de la région cervicale à la région lombaire, lésion bornée aux cordons autérieurs et latéraux {coloration gris rosé, légère transparence, densité moindre du tissu nerveux). L'examen microscopique fut fait par M. Cornil et par M. Laborde (qui publia dans sa thèse inaugurale l’observation entière). De ce double examen résulta la constatation d’une lésion médullaire, consistant en une sclérose : « La production nouvelle du tissu con- jouctif s'était faite à peu près exclusivement dans les tubes longi- tudinaux des cordons antéro-latéraux, tandis que les cordons posté- rieurs et les cornes de la substance grise avaient conservé leur par- faite intégrité (1). » Quelques mois auparavant, en 1863, M. Cornil présentait à la So- ciété de Bivlogie le résultat de ses recherches microscopiques faites sur une femme de 49 ans atteinte de paralysie avec atrophie des membres depuis l’âge de ? ans. Il avait constaté « que la masse des faisceaux antéro-latéraux de la moelle avait subi une atrophie très-appréciable. » En employant un grossissement suflisant, on observait « dans toute l'étendue de la moelle, depuis les premières paires cervicales jusqu’à sa terminaison, une altération anatomique caractérisée par la présence en quantité considérable de corpuscules amyloïdes. Ges corpuscules étaient surtout abondants dans les cornes antérieures de substance grise, principalement au niveau des vais- seaux, et dans les cordons antérieurs. M. Cornil a figuré « une cellule nerveuse qui est, du reste, la seule que montrait cette préparation ; mais sur des coupes plus épaisses, il a vu que les cellules nerveuses étaient intactes et avaient conservé leurs rapports normaux (2). » LL nel (1) Laborde, De la paralysie (dite essentielle) de l'enfance. 1864, p. 107. (2) Cornil, Comptes RENDUS DE LA Sociéré DE BIOLOGIE, 1863, p. 191. 53 M. Laborde a publié une deuxième observation recueillie à l’hô- pital des Enfants (service de M. Bouvier) : il s’agit dans ce second fait d’un petit garçon âgé de ? ans (Ernest Rochereau), qui avait été atteint un an auparavant, à la suite d’une fièvre avec convulsions, de paralysie générale excessivement prononcée, avec atrophie, et secondairement, de déformations considérables des membres. À la nécropsie, M. Laborde trouvait les altérations suivantes : tandis que « tous les éléments de la structure intime de la moelle, notamment les tubes et les cellules petites et grandes de la substance blanche et des prolongements de la substance grise conservaient leur état nor- mal sans production de tissu nouveau dans les cordons postérieurs et dans la substance centrale fondamentale, » dans les cordons an- térieurs, « les tubes longitudinaux semblaient être en nombre relati- vement moindre qu’à l’état normal; ils manquaient même par places, et ceux qui persistaient étaient renflés, comme variqueux et frag- mentés. » Ces lésions, plus marquées dans les portions périphéri- ques de ces cordons, coïncidaient avec la dissociation, la fragmen- tation des éléments de la névroglie et l'infiltration d'éléments granuleux ; en même temps, les vaisseaux capillaires de la pie-mère, comme aussi ceux de la substance blanche sous-jacente,« présentaient une multiplication de leurs noyaux, et leurs parois étaient semées d’un grand nombre de corpuscules d’exsudation. » On le voit, dans ces deux autopsies, l'attention a été surtout portée sur les cordons antéro-latéraux, dont les lésions décrites par M. Laborde présen- taient les plus grands rapports avec celles des cordons postérieurs dans l’ataxie locomotrice. L'année suivante (1865), M. Prévost publia dans les COMPTES REN- DUS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE l'observation d'une femme de 78 ans, morte dans le service de M. Vulpian, et que, malgré l'absence de tout renseignement anamnestique un peu précis, le savant profes- seur avait considérée comme atteinte de paralysie infantile. La dé- formation du membre inférieur gauche (pied talus), l’atrophie des muscles avec dégénération graisseuse, la lésion microscopique of- ferte par les fibres musculaires confirmaient ce diagnostic. A l’au- topsie, M. Prévost coustata pour la première fois une atrophie de la corne antérieure grise et des faisceaux blancs correspondants. « La substance grise, à ce niveau, avait été remplacée par un tissu cellu- laire à noyaux, qui se colorait en rouge par le carmin et qui conte- o4 nait quelques corps amyloïdes (1). » Les cellules de la substance grise étaient déformées et diminuées de volume. Tel était l’état de la science, lorsque M. Ollivier eut à, traiter, dans sa thèse d’agrégation (1869), la question des atrophies muscu- laires. Malgré l’existence de lésions spinales dans les quatre faits que nous venons de résumer, les résultats des examens histologi- ques n'étaient guère concordants, et M. Ollivier pouvait dire avec raison : « Dans quelques cas bien observés, des lésions de la moelle ou des enveloppes ont été constatées en même temps que des atro- phies musculaires se rapportant à la paralysie infantile; mais ces lésions, comme on vient de le voir, sont loin d’être, dans tous les cas, identiques; ce qui commande encore une grande réserve au point de vue de leur nature, et par conséquent au point de vue de leur re- lation avec l’atrophie musculaire concomitante. Cette question de- mande donc de nouvelles recherches (2). » En 1870, MM. Charcot et Joffroy ont inséré dans les ARCHIVES DE PHYSIOLOGIE une très-intéressante observation recueillie encore à la Salpétrière, mais qui, en tenant compte des détails circonstanciés re- cueillis auprès de la malade, est certainement un exemple de paralysie infantile. Or, chez cette femme dont l’atrophie des membres durait depuis 37 ans, il existait des lésions spinales incontestables, portant essentiellement sur la substance grise centrale et notamment sur les cornes antérieures. L’altération s’accusait à l’œil nu par une évi- dente atrophie des cornes antérieures, et au microscope par la dimi- nution considérable de volume et même par la disparition complète des cellules motrices. Il existait en outre un épaississement remar- quable des grandes trabécules de la névroglie au niveau des fais- ceaux blancs antéro-latéraux, en même temps qu'une atrophie des racines spinales antérieures correspondantes. MM. Charcot et Joffroy, cherchant à se rendre compte de la nature de ces lésions, reconnais- sent qu’elles « ne sont, bien évidemment, que les derniers vestiges d’un travail pathologique dont l’activité s’est depuis longtemps éteinte. » Quant au processus morbide qui a pu en être le point de départ, « on pourrait, disent-ils, être porté à admettre l'existence (1) Prevost, Compres reNDuS DE LA Socréré pe Brozocie, 1865, p. 217. (2) A. Ollivier, Des atrophies musculaires, 1869, p. 175. 55 antérieure d’une hémorrhagie intramédullaire ou d’un ramollisse- ment central de la moelle : nous croyons, toutefois, qu'il est permis d'affirmer que rien de semblable ne s’est produit (1). » MM. Charcot et Joffroy, essayant alors de reconstituer l’histoire anatomo-patho- logique de la lésion, pensent que le processus envahit tout à coup les cellules nerveuses motrices qui seraient le siége primitif de la maladie. MM. Parrot et Joffroy ont publié une observation de paralysie infantile dont les lésions anatomiques également détaillées offrent un grand intérêt, parce qu’elles ont trait à une affection de date re- lativement récente (l’enfant avait 3 ans, et sa maladie, dont le début n’est pas connu, ne semble pas, si l’on tient compte des altérations musculaires, devoir être très-ancienne). Ce fait confirme les don- nées déjà fournies par les deux dernières autopsies faites à la Sal- pétrière : on y remarque la description minutieuse de l’atrophie des cellules motrices; et, pour la première fois, on voit intervenir des _ altérations du tissu de la névroglie et des vaisseaux. Il est regretta- ble que l'étude de la moelle ait été faite « à l’aide de coupes minces, colorées par le carmin.et éclaircies par l'essence de térébenthine (2);» cegenre de préparations, en faisant disparaître les corps granuleux, a l'inconvénient de rendre moins distinctesles lésions vasculaires, et surtout les particularités des foyers de ramollissement. Quoi qu’il en soit, MM. Parrot et Joffroy ont fort bien vu l’atrophie des celluies de la substance grise et leur disparition localisée à certaines régions de ia moelle correspondant à l’atrophie des muscles. Par malheur, les antécédents symptomatiques font à peu près défaut, et, à ce point de vue, l’histoire de la maladie laisserait à désirer. Avant la publication de ces deux derniers faits, nous avions déjà recueilli deux observations avec autopsie en 1868 et 1869, et nous avions annoncé publiquement à l'hôpital les résultats anatomo-pa- thologiques de l'examen macroscopique et microscopique. Nous en recherchions encore, afin d'établir positivement par un nombre suf- fisant d'observations bien complètes au double point de vue clinique et anatomo-pathologique, l'existence de lésions médullaires propres (1) Charcot et Joffroy, Arcmives ne Paysi0LoGie, 1870, t. III, p. 149. (2) Parrot et Joffroy, Arcmves DE PaystoLoGie, 1870, t. IL, p. 310. bñ à la paralysie infantile et de fixer désormais d’une manière irréfra- gable la véritable nature de cette affection. Une troisième observation s’est présentée à nous au mois d'août dernier, où l’examen nécroscopique a pu encore être plus complet; nous allons donner la série entière de ces faits intéressants qui nous paraissent décisifs. OBs. I. — PARALYSIE DU MEMBRE SUPÉRIEUR GAUCHE; ATROPHIE EXTRÊME DU DELTOÏDE ; PARAPLÉGIE (SURTOUT A DROITE); RUBÉOLO=SCARLATINE HÉMORRHA- GIQUE ; AUTOPSIE DEUX MOIS APRÈS LE DÉBUT DE LA PARALYSIE. ALTÉRATIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DES MUSCLES. Ledien (Louis), âgé de près de 2 ans, entre dans notre salle Saint- Louis, n° 5, le 10 septembre 1868, pour une paralysie du bras gauche. Cet enfant, qui n’est arrivé de nourrice que depuis quelques jours, et qui est pâle et maigre, aurait eu au commencement d'août la dy- senterie, pour laquelle on l’aurait alité (à cette époque il marchait très-bien) ; à La suite, il aurait été paralysé de tout le côté gauche : c'est du moins ce qu'a raconté la nourrice, qui n'a pas donné à la mère des détails plus précis sur le début de la maladie; elle a rap- porté aussi que les mouvements seraient promptement revenus dans la jambe, tandis que le bras serait resté absolument immobile et impo- tent. — On n’aurait pas observé de convulsions. Nous constatons en effet, à la première vue une paralysie du del- toïde à gauche. L'enfant ne peut faire aucun mouvement du bras, qui pend le long du corps, dans l’immobilité et la résolution complètes, avec légère rotation en dedans. La région deltoïdienne, du côté gauche, est visiblement amaigrie, et l'épaule gauche n’a ni le volume ni l'aspect arrondi et ferme de la droite. On sent les saillies osseuses plus rapprochées du tégument, et la couche de tissu cellulaire sous-cutané, un peu épaissie, semble re- poser sur l'os même, la couche musculeuse intermédiaire étant très- atrophiée et à peine appréciable au palper. Quand le bras, non sou- tenu, est abandonné à lui-même, on aperçoit, par suite de l’écartement des surfaces articulaires scapulo-humérales, une dépression sous- acromiale où il est possible de glisser le doigt entre la voûte acromio- coracoïdienne et la tête de l'humérus. La contractilité électrique est perdue dans tous les faisceaux du deltoïde, ainsi que dans les muscles du bras; elle est très-affaiblie dans les muscles de l’avant-bras, et les mains seules se contractent un peu sous l'influence de l’excitation électrique. D'ailleurs la sensibilité du membre n’est aucunement diminuée, non plus que celle du reste du = 51 corps; les attouchements, les pincements, l’électrisation, sont doulou- reux ; le petit malade crie, mais sans pouvoir soustraire à la souffrance, par le mouvement, les parties parelysées. Il y a un peu de faiblesse dans les jambes, mais sans claudication évidente. Il n'existe pas d’autres troubles fonctionnels. Le 17 septembre, c'est-à-dire sept jours après l'entrée, des prodro- mes de rougeole se manifestent, avec complication de bronchiopneu- monie (forte fièvre, de 120 à 172 pulsations, toux, râles sous-crépitants des deux côtés, puis soufile bronchique), et en même temps des pro- dromes de scarlatine (vomissements répétés, angine) ; c’est seulement le 28 septembre, après un septénaire, que se montre un exanthème qui a les caractères de l’éruption scarlatineuse (pointillé rouge très-fin, confluent, reposant sur un fond rose) ; la gorge est rouge et les amyg- dales sont tuméfiées. Dix jours plus tard, l'enfant étant presque en convalescence, il se fait une abondante hémorrhagie par le rectum, et les jours suivants un léger écoulement de matière sanieuse sanguinolente. Les vomissements se répètent, la poitrine s’emplit de mucosités, la fièvre est continue, à 140, 160 pulsations, et la mort survient le 13 oc- tobre après quelques heures de petites convulsions. Nous devons ajouter que le 25 septembre nous procédions à un se- cond examen de la motilité générale (l'examen du bras avait été répété plusieurs fois), et notre surprise fut grande de constater une para- plégie du mouvement, surtout de la jambe droite : l'enfant ne pouvait soutenir au-dessus du lit cette jambe droite (et la nourrice avait parlé d’une impotence de la jambe gauche), et il la traînait sur le drap quand on lui disait de la lever. Le membre n'était, du reste, pas douloureux. AUTOPSIE. — On retrouve sur le cadavre les lésions propres aux fié- vres éruptives à forme hémorrhagique : cette forme de la rubéolo- scarlatine à laquelle l'enfant succombait, était accusée par des con- gestions et des apoplexies multiples : piqueté pétéchial confluent sous les deux plèvres, aux faces postérieure et interne du poumon, nom- breux Zobules pulmonaires non aérés, gorgés et infiltrés de sang ; cœur rempli de sang noir liquide, avec peu de caillots; foie et rate très-congestionnés, celle-ci augmentée de volume, d’un rouge bleuâtre, et indurée. Ni l'estomac ni l’intestin grêle ne paraissent altérés extérieurement ; pas de gonflement ni d'ulcération des plaques de Peyer. Le colon contient encore une assez grande quantité de sang noirà- tre, mais l’abondante hémorrhagie intestinale qui a eu lieu pendant la viea dû être le fait d’une exsudation sanguine dépendante de l’exan- thème hémorrhagique plutôt que d’une récidive de la dysenterie, car MÉM. 1871. 5) D8 la membrane muqueuse n’est n ramollie ni ulcérée. Seulement le tissu cellulaire sous-muqueux, ecchymosé en quelques points, est par- tout fort épaissi, ainsi que les autres tuniques du colon, l'épaisseur totale des parois étant, comme dans la dysenterie chronique, de 2 à 4 millimètres. Les muscles de l'épaule et du bras gauche sont atrophiés et pâles ; nous conservons un très-beau dessin colorié du deitoïde, et à la place des faisceaux rouges et fermes de ce muscle, on ne voit que quelques groupes effilés de fibres blanchâtres, montrant dans leurs intervalles la face antérieure de la capsule articulaire. — Il n’y avait d’ailleurs pas de transformation visible du muscle en tissu graisseux, ni accumula- tion de graisse dans la couche sous-cutance, A part une congestion notable des veines encéphaliques et quelques points de suffusion sanguine entre l’arachnoïde et la pie-mère, ainsi qu'une légère augmentation du liquide ventriculaire normal, on ne constate aucune altération appréciable de la substance cérébrale. Point de lésion non plus ni dans le canal vertébral ni dans les mé- ninges rachidiennes, si ce n’est que du liquide céphalo-rachidien est accumulé en assez grande quantité à la partie inférieure, au niveau de la queue de cheval. La moelle épinière, à l'œil nu, et avant toute section transversale, ne paraît pas malade, et ni la couleur ni la consistance de la substance nerveuse ne sont visiblement altérées; mais, au niveau du renflement cervical gauche, les racines antérieures des nerfs rachidiens sont un peu congestionnées et elles sont positivement afrophiées, ayant perdu un tiers environ de leur volume normal (par comparaison avec le côté opposé). Examen microscopique des muscles. — Les faisceaux atrophiés sont loin d’offrir dans leurs altérations et dans leur aspect méme des carac- tères partout identiques. Le deltoïde, par exemple, présente trois appa- rences bien distinctes : 1° Un petit nombre de fibres musculaires accolées les unes aux au- tres forment des fascicules d'apparence à peu près normale : la stria- tion transversale et les stries longitudinales se présentent comme dans les muscles sains: on ne constate entre ces fibres aucune accumulation de noyaux ou de cellules adipeuses. 2° D’autres fibres ressemblent à peu près aux précédentes, si ce n’est qu’elles sont beaucoup moins volumineuses; mais les stries longitudi- uales et surtout la striation transversale sont parfaitement conservées. Sur les pièces durcies dans l'acide chromique, examinées à l’aide de cou- pes longitudinales et transversales, ces fibres ne présentent point d’al- tération autre qu’une atrophie très-inégale portant sur les dimensions 99 transversales, lesquelles varient de 0"",040 à 0%%,009. Mais, à l’état frais, on constatait de la façon la plus nette la présence de granula- tions très-fines parsemées dans l'épaisseur même du contenu du sar- colemme, granulations offrant tous les caractères de la graisse. Il faut noter en outre qu'il existe un très-grand nombre de noyaux, quelques- uns arrondis, la plupart ovoïdes, à grand diamètre dirigé dans le sens des fibres musculaires : ces noyaux, qui mesurent 0,008 à 0,01 de long sur 0,005 à 0,007 de large, sont évidemment accolés au myolemme lui-même et ne sont pas développés dans la gaîne conjonctive qui réu- nit les diverses fibres musculaires : c’est ce que démontre péremptoire- ment l'étude des coupes transversales, Ces dernières permettent en outre de se rendre un compte très-exact de l’inégale atrophie des diffé- rentes fibres musculaires d’un même faisceau. 3° Enfin, dans un très-grand nombre de points, et surtout à côté des fibres les plus atrophiées, on trouve un nombre considérable de fibrilles réunies en faisceaux et qui offrent, au premier abord, l’aspect des fi- bres ondulées du tissu conjonctif; mais, après les avoir traitées par les divers réaotifs et en avoir fait des coupes transversales et longitudi- nales, on acquiert la certitude que la plupart d’entre elles ne sont au- tres que des gaînes vides du sarcolemme. On observe d'ailleurs toutes les transitions possibles entre les fibres normales et les fibres réduites au myolemme : il est même possible, sur des coupes longitudinales assez étendues, d'observer sur une même fibre la disparition graduelle de la substance musculaire et l’atrophie la plus complète, Nous devons ajouter que çà et là, et surtout au niveau des points les plus malades, il existe un développement anomal du tissu adipeux, lequeliest constitué par des cellules graisseuses accolées les unes aux autres et qui séparent les divers faisceaux musculaires : ces cellules, dont le noyau.est très-dificile à constater, même après imbibition par le carmin, renferment, pour la plupart, des cristaux étoilés de marga- rine. Les altérations nerveuses, de beaucoup les plus intéressantes, occu- pent la moelle et les nerfs périphériques. La moelle a été étudiée d'abord, au moyen de préparations fraîches, puis sur des coupes colorées et non colorées, éclaircies les unes par la glycérine, les autres par l'essence de térébenthine ou par l'emploi suc- cessif du chloroforme et du baume du Canada, Les altérations portent surtout sur la substance grise et offrent deux siéges principaux : la ré- gion cervicale et la région lombaire; dans ces deux points, et surtout dans le premier, elles sont essentiellement unilatérales, et cette loca- lisation est,en rapport, avec la paralysie également localisée à un côté 60 du corps, ou du moins pour ce qui concerne les membres inférieurs très-prédominante d’un seul côté du corps. Sur des préparations fraîches, de la partie malade, on distingue sur- tout trois sortes d'éléments : des corps granuleux, des noyaux et des vaisseaux. Les corps granuleux sont abondants, paraissent les uns libres et les autres accolés aux vaisseaux qu’ils entourent en certains endroits, en donnant aux artérioles une apparence toute spéciale. Les éléments nucléaires sont très-nombreux, surtout à la périphérie des vaisseaux, ne contiennent pas de nucléoles volumineux et se colorent très-vite et très-bien par le carmin. Les vaisseaux renferment des glo- bules rouges parfaitement normaux et qui remplissent presque partout le calibre vasculaire. Les cellules nerveuses, peu abondantes, se voient mal sans l’aide du carmin. Sur des coupes faites après durcissement, les lésions médullaires apparaissent sous la forme de foyers bien définis occupant la majeure partie de la substance grise antérieure, à la région cervicale gauche et à la région lombaire (surtout à droite). (Voyez pl. I.) La moelle cervicale est la plus altérée : une coupe, faite au niveau du renflement cervical, montre à la partie postérieure externe de la corne antérieure grise une surface plus pâle, comme demi-transpa- rente, mesurant environ 0",002 dans sa plus grande étendue, et où, même à l’œil nu, le tissu nerveux semble comme raréfié. À un faible grossissement, cette apparente raréfaction est encore plus évidente et donne au tissu altéré une transparence toute spéciale : les tissus avoisinants n'offrent pas une condensation notable. Le réseau vascu- laire est très-développé dans toute l’étendue de la moelle, aussi bien que dans l'épaisseur du foyer : les vaisseaux capillaires semblent même de dimensions un peu accrues. Avec un fort grossissement on voit au centre même de la partie malade un véritable semis de corps granu- leux qui, plus abondants aux environs des vaisseaux, sont irréguliè- rement disséminés dans tous les points altérés. Sur des coupes colo- rées on aperçoit en outre un grand nombre de noyaux de la névroglie dont les dimensions semblent légèrement accrues. Quant aux vaisseaux qui se trouvent sectionnés soit en long, soit en travers, ils offrent une accumulation de corps granuleux dans leur gaîne lymphatique à tel point que, sur une coupe transversale, ces derniers se touchent et constituent une sorte d’anneau entourant complétement le vaisseau. (PL. I, fig. 5.) Les parois vasculaires sont augmentées d'épaisseur et des noyaux de même dimension que les précédents se voient accolés en grand nombre sur la tunique externe des artérioles. Mais ce qui frappe le plus, à part ces accumulations de corps granu- eux et de noyaux et ces lésions vasculaires, c’est l’atrophie très-avancée 61 des éléments nerveux compris dans la lésion morbide et même dans son voisinage. Les cellules sont ratatinées, plus opaques, comme granuleuses, sans qu’on puisse bien distinguer les granulations, même sur des points où la coupe laisse voir seulement une portion de cellule. Quant aux noyaux, ils sont presque partout à peine appréciables, à cause d’une diminution très-marquée de volume et aussi à cause de l’état granu- leux du corps de la cellule : enfin les prolongements cellulaires sont impossibles à voir sans un très-fort grossissement. De même, les tubes nerveux provenant des racines antérieures qui traversent le foyer de ramollissement ont perdu leur enveloppe de myéline et son difficiles à retrouver si l’on n’y prête une grande attention. Ces altérations se rencontrent identiquement les mêmes au niveau du ramollissement lombaire : les dimensions du foyer (lequel est moins volumineux) constituent la seule différence. D'ailleurs les détails qui vont suivre font mieux voir la lésion spinale dans les diverses régions de l’axe rachidien. Les faisceaux blancs sont également le siége de lésions intéres- santes que l’on retrouve avec un développement à peu près semblable des deux côtés de la moelle. Sur des coupes fines, colorées par le car- min, on constate deux altérations connexes : l’épaississement des cloi- sons conjonctives et l’atrophie des éléments nerveux, laquelle se mani- feste surtout par l’extrême diminution de volume des cylindres d’axe, (PI. I, fig.) Cette altération est principalement prononcée pour la por- tion des cordons antéro-latéraux qui se trouve comprise entre la pie mère et la substance grise : elle est moins nette dans les faisceaux situés de chaque côté du sillon médian antérieur. Voici maintenant les détails des coupes faites à diverses hauteurs : 1° Région cervicale. Coupe faite au-dessus du renflement. (Fig. 1.) À l’œil nu, du côté gauche, ramollissement de 2 millimètres de diamètre, situé à la partie postéro-externe de la corne grise antérieure; au micro= scope, amas de corps grañuleux dans la gaîne lymphatique des vais- seaux et dans toute l'étendue du ramollissement. Accumulation dans le tissu altéré, et surtout le long des vaisseaux, de noyaux conjonctifs arrondis, rarement ovalaires, mesurant 0"*,005 à 0®",006. Extrême ri- chesse du réseau vasculaire : les capillaires paraissent manifestement accrus de volume. Atrophie extrême des cellules nerveuses de ce côté, que l’on retrouve avec peine : leurs prolongements sont très-difficiles à voir ainsi que les tubes nerveux qui traversent le foyer. Quelques cellules du groupe antéro-externe sont normales. Du côté droit, conservation à peu près complète de ces dernières cellules ; atrophie très-notable des deux autres groupes cellulaires qui 6? offrent un état granuleux manifeste; lésions vascülaires beaucoup moins accentuées; pas de corps granuleux libres, quelques noyaux en plus grand nombre. Sclérose très-nette des faisceaux antéro-la- téraux : atrophie des cylindres d’axe éxaminés comparativement avec ceux d’une moëlle saïne. Coupe faite un centimètre au-dessous de la précédente. Mêmes lé- sions, mais le foyer ést plus petit et se rapproche davantage de la corne grise postérieure. Coupe faite à l'extrémité de la moelle cervicale. A l'œil nu, aucune lésion appréciable : au microscope, très-petit foyer de ramollissement siégeant à la partie antéro-externe de la substance grise antérieure : l’atrophie des cellules est la même que dans les coupes précédentes; Mmêrnes lésions aussi, dän$ la substance blanche des cordons antéro- latéraux. 2° Moelle dorsale. Paraît tout à fait saine à l'œil nu. A l'examen microscopique, l’atrophie cellulaire est moins accentuée : on retrouve, sur toutes les coupes, un assez grand nombre de cellules de dimensions à peu près normales, avec leurs prolongements bien développés; per- Sistance des lésions des faisceaux antéro-latéraux. 3° Moëlle lombaire. Coupe faite à la partie supérieure du renfle- ment lombaire. À l’œil nu, aspect normal; au microscope, lésions à peu près semblables à celles de la région dorsale; mais en outre, corps granuleux assez nombreux, surtout à droite. On rencontre encore quelques grosses cellules dans la substance grise antérieure, mais elles sont un peu granuleuses, et les noyaux, moins nets, ne se voient pas aussi bien que sur les moelies saines; on rencontre d’ailleurs quelques cellules diminuées dé volume et avec des prolongements moins faciles à voir. L’altération Sclérosique des faisceaux antéro-laté- “aux est toujours très-marquée, Surtout dans la partie qui avoisine la substance grise. Au niveau du renflement lombaire (lequel est moins volumineux qu'à l’état normal), on constate, du côté droit, à l'examen macroscopi- que, l'existence d’un foyer occupant le centre de la substance grise antérieure et mesurant 1°”,5 en travers sur 1 millimètre dans le sens antéro-postérieur : à gauche, pas de lésion appréciable. Maïs l’examen microscopique fait apercevoir une altération bilatérale. Indépendam- ment du foyer situé à droite et présentant les mêmes particularités Bistologiques déjà décrites pour la région cervicale, on rencontre à Sauche des corps granuleux infiltrés dans la corne grise antérieure, et occupant surtout la gaîne lymphatique des vaisseaux : ceux-ci sont sclérosés, et sur leurs parois existent de nombreux noyaux conjonctifs. Les cellules motrices sont atrophiées des deux côtés, mais surtout à 63 droite, où l'on rencontre à peine çà et là une cellule normale quant à ses dimensions et à ses prolongements. Quant à la substance blanche des cordons antéro-latéraux, elle présente une sclérose évidente (épais- sissement des cloisons conjonctives, atrophie des tubes et des cylin- dres d’axe), sauf peut-être dans la portion avoisinant le cordon médian antérieur. (PI. [, fig. 2.) ; Les racines antérieures sont atrophiées dans toute la hauteur de la moelle, mais cette altération est plus accentuée dans la région quicor- respond au plexus cervical du côté gauche. Le microscope fait voir les tubes nerveux à peu près vides de leur contenu; les cylindres d’axe sont beaucoup moins visibles que sur des racines saines. La même al- tération se rencontre sur un grand nombre de fibres des troncs du plexus brachial. Cette observation est celle où 1l nous a été donné d'observer la lé- sion la plus récente, puisque deux mois seulement s'étaient écoulés depuis le début des accidents. Elle est intéressante à plusieurs points de vue : d’abord par la netteté des altérations de la moelle, puis par la dissémination de ces altérations en rapport avec la grande éten- due de la paralysie et l’atrophie des muscles; ensuite par le de- gré plus avancé des altérations spinales dans les régions de la moelle qui correspondent aux membres les plus affectés; elle démontre la nécessité d’un examen microscopique sérieux dans le cas de lésions médullaires , puisque la substance grise paraissait normale à la ré- gion lombaire gauche, même sur des coupes fines examinées à l’œil nu, tandis que le microscope a permis de reconnaître l'existence d’une altération très-accentuée. Enfin, comme on le verra par les deux faits qui vont suivre, cette observation est la seule où il y ait absence complète d'induration autour des foyers ramollis, et cette particularité, en rapport évident avec la date relativement récente de l'affection spinale, nous permet d’aflirmer le caractère secondaire de l’induration qui, dans les deux faits qui vont suivre, existe au- tour des foyers de ramollissement. OBS. LT. — PARALYSIE INFANTILE A FORME PARAPLÉGIQUE : ATROPHIE ET DÉ- FORMATION DU MEMBRE INFÉRIEUR GAUCHE ; SYMPTÔMES MOINS MARQUÉS A DROITE ; ROUGEOLE; MORT. AUTOPSIE FAITE SIX MOIS APRÈS LE DÉBUT DE LA PARA- LYSIE : LÉSIONS SPINALES ET MUSCULAIRES. Couturat (Adolphe), âgé de 2 ans et demi, entre à l'hôpital le 20 jan- vier 1869, dans la salle Saint-Louis. / 64 Cet enfant, un peu rachitique, aurait eu, il y a six mois, une variole qui a dû étre discrète, puisqu'il n’en reste pas de trace; lorsque, dans la convalescence, on voulut le lever (auparavant il marchait bien), on s'aperçut qu’il ne pouvait se soutenir sur ses jambes. Sa mère entra avec lui à Necker, où il séjourna pendant plusieurs mois et où il fut soumis nombre de fois à l’électrisation ; la paralysie s’améliora nota- blement, surtout du côté droit, Quand nous examinâmes ce petit malade pour la première fois, il nous fut facile de constater la persistance de la paraplégie, la jambe gauche étant plus inerte et d'un moindre volume que la droite. La paralysie affecte spécialement les muscles de la région antérieure de la jambe, et aussi les muscles péroniers. Au niveau des muscles paraiysés, on constate une certaine mollesse des tissus qui sont flasques, mais sans œdème. La contractilité électrique est perdue dans les groupes de muscles susindiqués. D'ailleurs la sensibilité paraît y être intacte. Il n’y a au- cune douleur, ni spontanée, ni provoquée par le mouvement ou par une pression légère. L'enfant est pris de rougeole le 23 janvier, et comme nous lui avions trouvé, dès le premier jour, de la toux, du larmoiement, avec des râles sibilants dans la poitrine, il est évident que cette rougeole n'avait pas été contractée à l'hôpital, et que, au contraire, elle avait été la cause de l'entrée dans l'établissement. Trois jours après, l’éruption pâlissait, et en même temps les signes stéthoscopiques indiquaient une aggravation du catarrhe morbilleux et la transformation en bronchiopneumonie (râles humides à bulles fines et souffle bronchique). Le 29, c'est-à-dire moins d'une semaine après l'apparition de l'exan- thème, le petit malade succombait à cette double pneumonie morbil- leuse. On retrouve à la nécropsie, faite le 31 janvier, les lésions de cette bronchiopneumonie (lobules congestionnés, légèrement indurés, prin- cipalement à la partie postérieure des poumons; pointillé ecchymoti- que à la surface; quelques grains purulents ; emphysème des bords antérieurs). Les ganglions bronchiques sont peu volumineux; deux seulement sont un peu gros et remplis de matière caséeuse ramollie. Point d’altérations appréciables dans le cœur ni dans les gros vais- seaux, sauf une rougeur assez vive des valvules sigmoïdes de l'aorte, qui sont légèrement œdémateuses et comme tomenteuses. Kien à noter non plus dans les viscères de l’abdomen. Les muscles du bras (le biceps en particulier) paraissent sains de couieur et de volume, Il n’en est plus de même pour les muscles des ; 65 membres inférieurs, et notamment de la jambe gauche. La couche adipeuse sous-cutanée est très-développée (l'enfant avait, du reste, un embonpoint général). Les muscles de la région antérieure sont pâles, minces, séparés par des traînées graisseuses qui sont également visi- bles sous les aponévroses. Cette transformation n’atteint pas les mus- cles de la région postérieure. Mêmes altérations, moins prononcées, à droite. Dans le cerveau, congestion, dilatation des veines de la face convexe, injection vive de la pie-mère et, près des glandes de Pacchioni, en avant, une plaque jaunâtre (reste d’épanchement sanguin). Pas de traces de méningite à la base, et la substance cérébrale paraît d’une bonne con- sistance. Le système musculaire a été l'objet d'une étude attentive qui a porté, non-seulement sur les faisceaux atrophiés, mais encore sur les muscles sains. Ces derniers, étudiés au niveau du bras, ont offert des caractères tout à fait nouveaux au point de vue, soit de la dimension des fibres, soit de la striation transversale et longitudinale. Les muscles malades, et notamment le jambier antérieur et les pé- roniers du côté gauche, ont présenté, à l’état frais, les altérations sui- vantes : tout d’abord, l’aspect strié normal a disparu sur le plus grand nombre des fibres musculaires; mais cette disparition est très-variable suivant les divers points d’une même fibre qui présente ici des restes de stries transversales et ailleurs des traces de striation longitudinale. Les éléments musculaires, ainsi altérés, ont perdu ieur coloration nor- male et sont très-pâles; de plus, avec un grossissement un peu fort (400 diamètres), on aperçoit distinctement une apparence granuleuse tout à fait identique avec celle des fibres dégénérées dans le cours d’une fièvre grave; mais en outre, et dans l’intérieur même d’un bon nom- bre de faisceaux primitifs, il existe une accumulation de molécules plus volumineuses, très-réfringentes, évidemment graisseuses, et oc- cupant plutôt l’axe même de la fibre que sa périphérie. Il est néces- saire d'ajouter que la plupart de ces fibres ont un volume beaucoup moindre qu’à l’état normal. | Le tissu conjonctif qui réunit les divers faisceaux musculaires est, presque partout, le siége d’un dépôt de graisse qui donne l'aspect de bandes fasciculées interposées aux faisceaux malades. Après durcissement dans l’acide chromique, les altérations mus- culaires n’offrent pas tout à fait le même aspect. La dégénération gra- nuleuse est devenue très-difficile à constater, mais en revanche on peut pratiquer des coupes longitudinales et transversales, ce qui per- met de se rendre un compte exact de l’atrophie inégale qui affecte les 66 diverses fibres musculaires; tandis que la plupart mesurent à peine 0" ,009 et même 0"*,004, on en trouve un certain nombre qui at- teignent 0°*,040 (dimension d’ailleurs inférieure à celle des mus- cles, lesquels chez un sujet de même âge nous ont présenté un diamètre plus considérable). Les stries transversales sont devenues beaucoup plus nettes qu'avant le durcissement et ne ‘ont défaut que sur un petit nombre de fibres; elles offrent seulement cette particu- larité qu’elles sont très-fines et très-rapprochées les unes des autres, comme si l’atrophie avait porté non-seulement sur la dimension trans- versale, mais aussi sur la longueur des fibres musculaires. Il résulte des faits précédents qu'il semble exister une disposition tout à fait différente suivant que l’examen des muscles est fait à l’état frais (fibres granuleuses avec disparition des stries) ou après durcis- sement (fibres moins granuleuses avec stries visibles, mais très-rap- prochées). Sur ces muscles, on remarque d’ailleurs les mêmes degrés d’atrophie que nous avons signalés dans ceux de l’observation pré- cédente; de même aussi, il existe une accumulation très- grande d'éléments nucléaires et, dans les interstices des divers faisceaux, on retrouve les cellules adipeuses que nous avons déjà signalées dans l'examen à l’œil nu. La moelle épinière, examinée à l’état frais par des coupes succes- sives, laisse voir à la région lombaire un foyer de ramollissement blan- châtre occupant la partie antérieure de la substance grise à gauche. En ce point, le tissu est très-mou , presque diffluent, et tend à s’écouler par la surface de section : il est très-facile d’en détacher des parcelles pour les soumettre à l'examen microscopique. On y rencontre alors les éléments habituels des tissus nerveux ramollis et notamment un grand nombre de corps granuleux : les uns, et en plus grand nombre, sont libres ; les autres sont continus dans les gaînes lymphatiques pé- rivasculaires ; mais, en outre, on y découvre un frès-grand nombre d'éléments nucléaires arrondis et ovoïdes, finement ponctués, mais nullement granuleux et ne contenant pas de grands nucléoles. Cette accumulativn de noyaux est très-marquée dans les portions de tissu nerveux qui entourent le foyer de ramollissement. Le réseau vascu- laire est partout visible : les artérioles sont même très-faciles à re- connaître à cause des nombreux corps granuleux qui distendent leur gaîne lymphatique. Quant aux éléments nerveux [tubes et cellules), ils sont très-altérés : les cellules, notamment, sont atrophiées à un tel point qu'il devient difficile de les reconnaître sans avoir recours à l’im- bibition par le carmin. Des coupes pratiquées, après durcissement, à diverses hauteurs de 67 l'axe cérébro-rachidien font voir les particularités suivantes qui mon- trent les degrés de la lésion médullaire et son extension à une grande étendue de la moelle. (PI. I.) 1° Région lombaire. Une première coupe transversale, faite à 1 centimètre au-dessus du filum terminale, ne laisse voir à l'œil nu au- cune altération appréciable, si ce n’est une diminution très-notable de volume dans la moitié gauche de la moelle (dans sa portion antéro-la- térale seulement). Au microscope on trouve, infiltrés dans la substance grise des cornes motrices, quelques rares corps granuleux (surtout à gauche) ; les noyaux de la névroglie sont partout plus abondants qu'à l’état normal; enfin, les tubes nerveux sont tous atrophiés, offrent l'aspect de minces filaments et sont, surtout du côté le plus atteint, à peu près dépouillés de leur enveloppe de myéline. On ne rencontre aucune cellulenerveuse. Coupe faite 1 centimètre et demi au-dessus de la première. A l’œil nu, l’atrophie du côté gauche n’est point appréciable : on ne voit au- cun foyer de ramollissement. Au microscope, dans la corne anté- rieure gauche, corps granuleux abondants, les uns libres dans le tissu altéré, les autres placés à l’intérieur des gaînes lymphatiques (artérioles venant de la commissure antérieure et artérioles nées des vaisseaux de la pie-mère, le long des cordons latéraux). Noyaux accu- mulés le long des vaisseaux; hyperplasie des noyaux de la névroglie. Atrophie des tubes nerveux et des cellules nerveuses latérales et pos- térieures de la corne antérieure; on retrouve cependant çà ef là quel- ques cellules normales; celles du groupe antéro-interne sont moins lésées. A droite, faibles lésions vasculaires, atrophie moindre des élé- ments nerveux ; les cellules postéro-latérales sont à peu pres normales quant au nombre et quant à leur volume : elles sont un peu granu- leuses. La cavité du canal épendymaire est conservée; de nombreux noyaux de la névroglie sont accumulés autour des cellules épithéliales. Des coupes faites à la partie inférieure du renflement lombaire (en- viron 2 centimètres au-dessus de la précédente) font voir, à l’œil nu, une lésion bilatérale, mais plus accentuée du côté gauche, où l’on ren- contre, à la partie postéro-externe de la corne grise antérieure, un foyer. allongé, obliquement dirigé d'avant en arrière et de dedans en ‘dehors, et mesurant, dans son plus grand diamètre, près de 2 milli mètres, sa largeur n’atteignant pas 1 millimètre. A droite, le foyer est atrondi, situé vers le centre de la corne antérieure, et n'a pas tout à fait l millimètre de large. (PL IT, fig. 2.) Dans ces deux points, le tissu est constitué par un fin réticulum de fibrilles ténues, au milieu desquelles on trouve emprisonnés des noyaux conjonctifs et des corps granuleux; les vaisseaux très-nombreux, à mailles étroites, offrent les lésions déjà dé- 68 crites plus baut. L’accumulation des corps granuleux est telle que la paroi de la gaîne lymphatique est en certains points distante de 0",095 de la paroi vasculaire. L’atrophie des cellules est extrême à gauche; à peine en retrouve-t-on quelques-unes {et diminuées d’un tiers environ de leur volume) dans la partie antérieure de la corne grise; les cellules postérieures ont à peu près disparu, et cependant, sur une des prépa- rations, on en retrouve encore une (très-atrophiée toutefois), au centre même du ramollissement. A droite, atrophie très-irrégulièrement dis- tribuée ; on rencontre çà et là quelques cellules normales, surtout dans les groupes antérieur et externe. — Dans la substance blanche, lésions non moins caractéristiques ; atrophie non-seulement des tubes longitu- naux des cordons antéro-latéraux dans toute leur étendue (quoique ce- pendant un peu moins nette sur les parties de ces cordons qui sont si- tuées le long du sillon médian antérieur), mais encore des tubes nerveux qui, des racines antérieures, traversent la substance blanche pour pé- nétrer dans les cornes antérieures; dans les uns comme dans les au- tres, la lésion porte sur les cylindres d’axe, qui sont devenus tout à fait filiformes et atteignent la dimension de fibrilles conjonctives, et aussi sur l'enveloppe de myéline. En même temps il existe une sclé- rose évidente du tissu conjonctif de cette substance, sclérose marquée surtout par l’épaississement de la névroglie, plutôt que par l’hyper- plasie des noyaux conjonctifs. (PI. IT, fig. 3.) Coupes faites au milieu du renflement lombaire : à l’œil nu, le côté droit paraît sain, mais le côté gauche offre, au milieu de la corne anté- rieure, un gros foyer arrondi, mesurant près de 2 millimètres en tous sens. (PI. IT, fig. 1.) On y retrouve au microscope les éléments décrits plus haut (réticulum fin, noyaux conjonctifs, corps granuleux). Les vais- seaux sontaltérés au plus haut point, aussi bien ceux qui proviennent de la pie-mère en traversant les cordons antérieurs que ceux qui naissent de la profondeur. Sur les coupes colorées, la lésion est encore plus visi- ble en raison d’un fort épaississement des tissus qui environnent le foyer et où le microscope fait voir un grand nombre de noyaux con- jonctifs et un réticulum très-dense à fibres très-rapprochées. En obser- vant le foyer à un faible grossissement qui permet d'étudier une plus grande étendue de tissu, cette condensation est encore plus marquée : il semble alors que le point ramolli est entouré d’une véritable paroi kystique. De ce côté, absence complète des cellules nerveuses qui at- teignent le plus haut degré d’atrophie qu’on puisse rencontrer. Du côté droit, pas de lésions à l'œil nu ; au microscope, et surtout vers le mi- lieu de la corne, corps granuleux, noyaux conjonctifs, altérations vasculaires ; l’atrophie cellulaire est très-prononcée pour le groupe postérieur, tandis que les cellules antérieures internes et antérieures 69 externes sont beaucoup moins atteintes et qu’un grand nombre sont à peu près normales (sauf un certain état granuleux). Mêmes lésions de l'épendyme et faisceaux blancs que sur la coupe précédente. Coupe faite un centimètre et demi au-dessus de la précédente. On trouve à ce niveau la fin du ramollissement de la corne gauche : le foyer ne mesure pas un millimètre et il occupe le centre même de la substance grise. Mêmes éléments constitutifs. On commence à voir quelques cellules nerveuses à peu près normales du groupe antéro- interne. La lésion est plus marquée à droite : corps granuleux libres et dans les gaînes lymphatiques, etc.; aussi l’atrophie des cellules est- elle à peu près complète : on en trouve à peine une ou deux sur: cha- que coupe (groupe postéro-externe). Mêmes lésions de la substance blanche. Coupe faite au commencement du renflement lombaire : lésions plus marquées à droite qu’à gauche, sans foyer proprement dit; mais corps granuleux infiltrés et accumulés le long des vaisseaux, noyaux con- jonctifs, etc. L'atrophie cellulaire est plus forte à droite qu’à gauche, et cependant on trouve de ce côté et sur chaque coupe trois ou quatre cellules de dimensions normales appartenantaux trois groupes et avec prolongements très-visibles. A gauche, la moitié des cellules environ est atteinte d’atrophie plus ou moins marquée. 2° Région dorsale. A la partie inférieure de cette région, on trouve des lésions vasculaires encore assez marquées : il existe en outre quel- ques corps granuleux infiltrés et une hyperplasie nucléaire très-accen- tuée. La lésion est toujours plus prononcée à droite : aussi l’atrophie qui porte à peu près également sur toutes les cellules offre-t-elle de notables différences d’un côté à l’autre. A la partie moyenne de la région dorsale, l’altération est encore moins accentuée : les cellules normales se retrouvent en plus grand nom- bre, surtout du côté gauche : l’atrophie des tubes nerveux des fais- seaux antéro-latéraux est moins marquée et l’on voit un plus grand nombre de cylindres d’axes normaux. Les coupes faites à la partie supérieure de la région dorsale font voir du côté gauche un retour à peu près complet à l’état normal : cellules et tubes se retrouvent avec leurs dimensions et leur aspect à peu près ordinaires. A droite, il existe encore un très-léger degré d’atrophie portant surtout sur les cellules antérieures, tandis que les groupes postéro-externes n’offrent guère d’altération notable. 3° Région cervicale. À mesure qu'on étudie les coupes faites dans des portions plus élevées du renflement cervical, on remarque une structure de plus en plus rapprochée de l’état normal. Cependant, jusque vers le milieu du renflement, on constate que les cellules ner- 10 veuses sont un peu moins nombreuses à droite qu'à gauche. A la partie supérieure, cette différence est devenue à peine sensible, Or les lésions vasculaires vont aussi en diminuant à mesure que l’on se rapproche du tiers supérieur de la région et ne consistent plus guère que dans un épaississement notable des tuniques : çà et là on ren: contre de rares corps granuleux dans les gaînes lymphatiques. Les tubes nerveux qui traversent les cornes antérieures de substance: grise et qui proviennent manifestement des racines antérieures dont) ils sont un prolongement, sont tout à fait normaux et leur enveloppe de myéline est facile à voir sur des coupes imbibées par le carmin, puis éclaircies par la glycérine. Les tubes nerveux des faisceaux, antéro-latéraux sont encore atrophiés en partie, cependant on trouve un plus grand nombre de cylindres d’axe normaux à mesure qu’on se rapproche davantage du bulbe. Les vaisseaux du bulbe sont normaux ainsi que les cellules des olives; mais sur les pyramides antérieures on peut encore constater: par places un certain degré d’atrophie des tubes; en effet, nombre de cylindres d’axe sont très-diminués de volume, et cette atrophie est, pour certain d’entre eux, aussi prononcée que dans le reste de la moelle. Les cellules nerveuses et les vaisseaux de la protubérance annulaire ne présentent aucune altération appréciable. L'observation qu'on vient de lire nous montre une phase plus avancée de la lésion spinale. Dans le premier fait, le petit malade avait succombé deux mois après le début de la paralysie; dans le second, la paraplégie existait depuis six mois déjà lorsqu'on fit Pautopsie. Or, en raison même de l'ancienneté de l'affection, les lésions médullaires offrent une différence notable en ce qui con- cerne les tissus environnant les foyers de ramollissement : ces der- niers, en effet, sont entourés d’une zone dans laquelle on constate une sorte de condensation, tout à fait comparable à celle que lon observe dans la formation des parois kystiques et qui se traduit, à l’exameu microscopique, par une accumulation d'éléments nu- cléaires. Un autre enseignement à tirer de cette observation résulte du caractère tout à fait circonscrit de la lésion daris la moitié droite ae la moelle : le ramollissement, de ce côté, mesure à peine, la hauteur d’un centimètre, et ses dimensions transversales sont très- exiguës. On conçoit donc avec quelle circonspection il faut se pro- noncer sur l'existence ou la non-existence d’une altération de la 71 moelle dans des faits analogues, et combien il est nécessaire de procéder attentivement, nous dirons presque minutieusement à l'étude de l’axe nerveux rachidien. Ges considérations s'appliquent surtout aux cas où les lésions des membres ne sont pas très-con- sidérables, puisque du côté gauche (où l’atrophie était extrême) le ramollissement s’étendait à toute la hauteur du renflement lombaire. Il faut noter enfin cette intéressante particularité consistant dans l'extension de l'affection médullaire à une région où l’on ne devait pas s'attendre à rencontrer des lésions; la région dorsale, en effet, présente une atrophie partielle des cellules motrices et les faisceaux antéro-latéraux offrent un certain degré de sclérose jus- que dans la moelle cervicale dont quelques vaisseaux sont encore altérés. Par contre, les cellules nerveuses du bulbe et son réseau vasculaire sont parfaitement normaux. La troisième observation est celle d’un enfant de 3 ans, qui mou- rut de bronchiopneumonie treize mois après le début de la para- lysie infantile. Les lésions spinales présentent, dans ce fait, des ca- ractères qui sont en rapport avec la date relativement ancienne de la maladie : l’induration des tissus environnant les foyers de ramol- lissement est encore plus forte que dans l'observation précédente et donne un aspect spécial à la substance grise. De plus, l'ancienneté même des lésions a pour conséquence de produire une extrême pà- leur de cette même substance grise, pâleur bien distincte de la colo- ration rosée que l’on rencontre quand la congestion inflammatoire est encore très-prononcée. — On peut voir d’ailleurs que chez ce malade, plus que chez les deux autres, la moelle est atteinte, quoi- qu’à des degrés divers, jusque vers sa partie supérieure. Dans la région cervicale gauche, en effet, les cellules offrent encore cà et là des traces d’atrophie, en même temps que la gaine des vaisseaux est, par places, remplie de corps granuleux. Enfin, le muscle temporal de ce même côté présente l’atrophie la plus marquée, ce qui est. en rapport avec l’atrophie corrélative de la branche motrice du triju- meau. Or, la dissémination des altérations à une assez grande étendue de la moelle, et même de l’axe gris (car le noyau gris du trijumeau devait très-probablement étre atteint dans l'épaisseur de la protubé- nd rance), cette dissémination commande, de la part du médecin, un examen clinique très-attentif du système musculaire dans les cas de paralysie infantile, non-seulement pour les muscles qui sont évidem- ment compromis, Mais aussi pour ceux qui semblent étre restés in- demnes; nous n'hésitons pas à croire que les troubles moteurs sont souvent plus accentués et moins localisés qu'ils ne paraissent l'être, et fréquemment l'atrophie, qui semble au premier abord affecter un seul membre, est beaucoup moins partielie qu’on ne pense après un examen superficiel. Nous avons récemment vérifié ce fait sur un jeune garcon de 10 ans, atteint sept ans auparavant d'une paralysie subite de la jambe droite avec pied-bot consécutif : en étudiant avec soin les muscles du membre inférieur gauche, il nous fut facile de constater un certain degré d’atrophie de plusieurs muscles, et no- tamment du jambier antérieur. Cette atrophie n'avait pas attiré l'at- tention du jeune malade ni de ses parents, et ne se traduisait point par des phénomènes bien manifestes. Ce n’est, nous le répétons, que par une-étude minutieuse qu'on pourra bien connaître, et dans son ensemble et dans ses particularités, l'histoire de l'affection qui nous occupe. OBS. III.— PARAPLÉGIE ET PARALYSIE DES MUSCLES LONGS DU DOS A GAUCHE; ACCIDENTS CHOLERIFORMES; COQUELUCHE ET BRONCHIOPNEUMONIE; A L'AU- TOPSIE, APRÈS TREIZE MOIS DE MALADIE, ALTÉRATIONS DES MUSCLES ET LÉ- SIONS OCCUPANT UNE GRANDE PARTIE DE LA MOELLE. Émile Citoleux, entré à l'hôpital des Enfants, au n° 13 de notre salle Saint-Louis, le 15 juillet 1871, est un gros enfant de 3 ans, qui a les apparences de la plus belle santé. Et en effet, nous ne constatons chez lui, après avoir examiné toutes les fonctions, d’autres phénomé- nes morbides qu'une paralysie infantile. On nous rapporte que l'enfant était en nourrice (où il est resté jus- qu'à ces derniers jours); il prospérait, avait presque toutes ses dents; il marchait très-bien et n'avait jamais paru malade, quand, il y a un an, sans cause appréciable (pas de refroidissement, pas de diarrhée an- técédente, etc.), il fut pris, un soir, d’un accès de fièvre, et le lendemain, au réveil, on s’apercevait qu'il était paralysé des deux jambes, et quand on le soulevait et que l’on essayait de le faire marcher, ces mouve- ments des jambes semblaient douloureux; il n’avait pas eu de convul- sions au début. Voici ce que nous constatons au premier examen : 73 L'enfant, assis sur son lit et soutenu en arrière par un oreiller, est incliné en avant et comme plié en deux; de plus il penche légèrement à gauche, et la colonne vertébrale présente en effet, dans sa région dor- sale, une courbure marquée à convexité droite. On redresse facilement cette courbure et l’on peut maintenir sans effort le tronc dans la recti- tude; mais dès qu’on cesse le support, les courbures reparaissent, et il y à saillie postérieure évidente au niveau des dernières vertèbres dor- sales et premières lombaires. La pression sur les anophyses épineuses n'occasionne aucune douleur, non plus que les mouvements du tronc. Couché, le petit malade ne peut se relever sans aide. IL semble que le côté gauche du thorax soit paralysé. La contraction des muscles de la gouttière dorso-lombaire ainsi que celle des mus- cles intercostaux étant moindre, ce côté paraît moins se mouvoir par la respiration, et il reste plus dilaté. Aux membres inférieurs, la paralysie est complète : la station est tout à fait impossible, et à plus forte raison la marche; quand on sou- lève l'enfant au-dessus du sol, les jambes, complétement inertes, flot- tent dans l'air ou sont entraïnées avec lé poids du corps; il ne peut faire aucun mouvement volontaire, et le chatouillement de la plante des pieds, quoique bien ressenti, ne détermine pas non plus de mouve- ments réflexes; à peine y a-t-il, par suite de la volonté ou de l’action réflexe, une légère flexion des orteils. L'atrophie des muscles, aux jambes et aux cuisses, est considérable, surtout à gauche; ces parties atrophiées sont, à la main, beaucoup plus fraîches que les parties saines; on ne sent point d’ailleurs qu’une couche graisseuse plus épaisse se soit substituée au tissu musculaire, La sensibilité des membres paralysés semble normale, et le malade n'y ressent pas de douleur spontanée. Les évacuations ne sont pas involontaires: pas de rétention d'urine; un peu de constipation. On constate par l'exploration électrique que les muscles paralysés répondent à peine à l'excitation : ils restent immobiles au lieu de £e contracter sous l'influence du courant, et,au thorax surtout, cette ab- sence de contractilité est visible du côté gauche. A part ces altérations de la motilité, il n’y a aucun désordre fonction- nel : Ja circulation, la respiration, la digestion s’exécutent normale- ment; en un mot, l'enfant est plutôt infirme que malade : c’est un cul-de-jatte, exposé, par un séjour forcé au litet dans’'un établissement hospitalier, à tous les inconvénients qui résultent, pour un très-jeune sujet, d'une immobilité constante et aux dangers des affections conta- gieuses. De courtes séances d’électrisation, des frictions avec le baume nerva MÉM. 1871. 6 14 sur les lombes et les membres, des badigeonnages avec de la teinture d'iode sur la colonne vertébrale, etc., restèrent complétement sans effet sur la paralysie. — Une seconde exploration au moyen de la machine électrique, trois semaines plus tard, montra la même absence de con- tractilité dans les différents groupes de muscles de la jambe; aucuns, ne se meuvent ni ensemble ni séparément, touchés par lesrhéophores; et, malgré la douleur que détermine l’électrisation, le membre reste: complétement immobile, et l'enfant est incapable de le retirer pour échapper à la souffrance. Même perte de la contractilité électrique dans les muscles de la cuisse, tandis que, au contraire, les bras se contractent parfaitement sous l'influence des mêmes courants. Le 29 juillet, l'enfant est pris d'accidents cholériformes de la sai- son. Le 3 août, c'est-à-dire dix-neuf jours après son entrée à l'hôpital, une forte fièvre se déclare (160 pulsations), et dès le lendemain on con- state l’existence d'une toux quinteuse qui ressemble déjà à la coque- luche. La poitrine est pleine de râles, et le petit malade, dont les mus- cles respiratoires sont paralysés d'un côté, agrand’peine à se débarrasser des mucosités bronchiques qui obstruent les bronches; dans les quintes, il bleuit et manque d’étouffer. La bronchite, qui a marqué si vivement le début de la coqueluche, s’amende deux jours seulement, pour se transformer six jours plus tard en bronchiopneumonie (souffle bron- chique, rhonchus humides fins dans toute la poitrine, surtout à gau- che). Après quelques alternatives d'amélioration légère et d’empirement { les signes stéthoscopiques persistant ainsi que les quintes, courtes, étouffées, avec asphyxie toujours imminente et mouvements moindres du côté du thorax), la mort survint le 25 août, hâtée encore par le re- tour d'accidents cholériformes. AUTOPSIE le 27 août 1871. Nous nous bornerons à indiquer les lésions autres que celles deila moelle épinière, nous réservant de décrire avec détail les lésions spi- nales. Thorax. — Il n’y a point d'adhérences des feuillets des plèvres, ni de liquide dans leur cavité. Les ganglions bronchiques sont un peu gros et rouges, mais ils ne contiennent pas de tubercules. Dans les deux poumons, surtout dans le gauche, on constate les: lésions de la bronchiopneumonie : presque tout le lobe inférieur gau- che est congestionné, d’un rouge un peu vineux, plus dense, principa- lement à sa partie postérieure et inférieure marginale; à sa surface se dessinent des saillies en forme de lozanges (pneumonie lobulaire) et 79 des grains jaunâtres, semblables à du chènevis; même aspect à l’inté- rieur du poumon, et l’on s'assure, à la coupe, à la pression et par le la- vage, qu'il s’agit de granulations purulentes qui, vidées, laissent voir les extrémités des bronches béantes et dilatées. Quelques portions du lobe supérieur gauche et des lobes du poumon droit, surtout les lan- guettes des bords inférieurs, sont le siége d’altérations semblables. Il y a, par contre, un emphysème marqué des lobes supérieurs. Aucune lésion n’est à noter ni dans le péricarde et le cœur, ni dans les reins ou les autres viscères de l'abdomen. Les altérations musculaires sont absolument les mêmes que dans les deux observations précédentes (pl. IV, fig. 1 et 2) : on rencontre encore le même mélange d’atrophie simple, de dégénération granu- leuse et d’altération granulo-graisseuse proprement dite. Ces lésions sont surtout marquées dans les muscles des membres inférieurs, quoi- qu'à des degrés divers. Les jumeaux et le soléaire sont de beaucoup les plus altérés : ce sont les seuls qui présentent, indépendamment de l’atrophie la plus complète, un développement véritablement excessif de tissu adipeux interposé aux fibres musculaires: il en résulte un aspect graisseux très-prononcé qui, au premier abord, ne permettrait pas de reconnaître la nature musculaire du tissu. Cette atrophie avec état graisseux n'existe nulle part à un aussi haut degré que dans le muscle temporal du côté gauche qui est réduit à une simple couche jaunâtre, d'apparence purement graisseuse et contrastant avec l'aspect normal du temporal droit. A l'examen microscopique, on remarque l'extrême atrophie des fais- ceaux musculaires, presque partout réduits au sarcolemme : çà et là, mais en très-petit nombre, on rencontre quelques rarés fibres encore Striées ; la plupart de celles qu’il est possible de reconnaître ont perdu toute striation, sont finement granuleuses et même renferment de petites granulations graisseuses. Quant aux cellules adipeuses elles-mêmes, elles sont interposées en très-grand nombre aux fibres musculaires et paraissent développées dans le tissu conjonctif interfibrillaire. Les muscles sacro-lombaire et long dorsal du côté gauche offrent surtout une pâleur marquée et une légère atrophie. Au microscope, on remarque très-peu de fibres granuleuses : çà et là, là striation fait défaut ou se voit moins bien; mais ce qui Semble dominer, c’est une réelle diminution des dimensions transversales des fibres : il n’y a point de surcharge graisseuse du tissu conjonctif qui réunit entre eux les faisceaux musculaires. Le système nerveux a été étudié avec le plus grand soin. Le cervec* est parfaitement normal : son volume, son apparence extérieure, 76 couleur et sa texture ne présentent aucune apparence morbide, ses enveloppes sont tout à fait saines; il en est de même du cervelet. La moelle épinière est remarquablepar la pâleur des méninges dans toute sa moitié inférieure; les vaisseaux sont peu volumineux à ce niveau. En même temps il existe une extrême atrophie du renfle- ment lombaire, atrophie qui contraste avec le volume très-bien con- servé du renflement cervical ; sur des coupes transversales faites à diverses hauteurs, la moelle offre une pâleur prononcée que l’on con- state surtout dans la moitié inférieure, depuis le commencement du renflement lombaire. Elle est encore plus marquée dans les cornes antérieures de la substance grise qui présentent une teinte tellement faible qu'on les distingue difficilement des faisceaux blancs antéro- latéraux. Sur ces diverses coupes, on rencontre des deux côtés, mais plus volumineux à gauche, un foyer de ramollissement occupant la partie antérieure de la substance grise. Ce foyer est allongé transver- salement, de très-petites dimensions, et nese voit bien qu’à l’aide d’une loupe; le tissu de la moelle est, en ce point, assez mou pour que la pression rende la coupe saillante à ce niveau; mais, par contre, les par- ties qui avoisinent le tissu ramolli sont d’une consistance exagérée, de telle façon qu’il semble exister une sorte d’enveloppe indurée au- tour du point ramolli. L'examen microscopique fait voir des corps gra- nuleux libres, et des noyaux conjonctifs au milieu d’un réticulum à mailles très-fines ; les gaînes lymphatiques sont distendues par des corps granuleux. Quant aux éléments nerveux, ils sont très-atrophiés et les cellules se retrouvent difficilement. L’imbibition par le carmin, faite surdes préparations fraîches, montre plus nettement l’accumula- tion nucléaire, laquelle est extrême et fait reconnaître aisément les vestiges des cellules et des tubes nerveux. L'examen, à l’état frais, des racines antérieures montre, dans les paires lombaires, une atrophie notable portant sur les dimensions des tubes ayant perdu une grande partie de leur myéline et sur les cy- lindres d’axe dont l’imprégnation par le carmin fait à peine retrouver des traces. Le durcissemeut dans l’alcool et l’acide chromique permet de faire des coupes fines de la moelle et d’en étudier les particularités morbides dans ses diverses régions. Nous allons donner les résultats obtenus par cette étude. (PI. III.) 1° Région lombaire. -- Une première coupe faite à la partie infé- rieure de la moelle, en un point où ses dimensions transversales attei- gnent à peine 8 ou 9 millimètres, ne présente aucune lésion appréciable à l'œil nu, A l’examen microscopique, on voit çà et là quelques rares tt corps granuleux disséminés dans la substance grise; des deux côtés on rencontre des cellules nerveuses à la partie antéro-interne de la corne antérieure, surtout à droite; ces cellules sont moins volumineuses qu’à l'état normal et un peu granuleuses. Coupe faite à la partie inférieure du renflement lombaire : lésions à peine perceptibles à l’œil nu. Au microscope, et à l’aide d’un faible grossissement, on observe dans la corne antérieure droite, au niveau de sa partie postéro-externe, un foyer de ramollissement où le tissu spinal se colore difficilement par la solution carminée ; cette coloration incomplète est d'autant plus frappante que la couche ambiante prend une teinte plus forte que les tissus sains. Au microscope, on rencon- tre un grand nombre de corps granuleux et de noyaux au milieu d’un réticulum à fibrilles ténues ; le réseau vasculaire est très-visible, et la gaîne lymphatique est distendue par d’abondants corps granuleux; des éléments nucléaires, tout à fait identiques avec ceux que l’on ren- contre dans le foyer de ramollissement, sont accolés à la tunique adventice des artérioles. Les cellules nerveuses du groupe postéro- externe sont presque toutes atrophiées; beaucoup ne sont visibles qu’à l’aide d’un fort grossissement et surtout après coloration par le car- min ; les cellules des autres groupes sont beaucoup moins atteintes et la plupart sont normales. A gauche, pas d’altération appréciable avec un faible grossissement; mais à 400 diamètres, on voit quelques corps granuleux disséminés au centre de la corne antérieure; de même aussi un certain nombre de vaisseaux présentent des lésions analogues (quoiqu'à un moindre degré) à celles qui existent du côté opposé. Les cellules nerveuses offrent à peu près les dimensions normales; la plupart, toutefois, sont granuleuses, et leurs noyaux se voient avec difficulté, La substance blanche des faisceaux antéro-latéraux est le siége d’une sclérose très-manifeste ; il y a tout à la fois développement ano- mal du tissu conjonctif et atrophie des tubes nerveux. L'épaississe- ment des cloisons conjonctives porte tout aussi bien sur la gaîne des tubes que sur les prolongements qui pénètrent de la pie-mère dans la substance blanche ; quant aux éléments nerveux, ils sont très-atro- phiés, et c'est à peine si l’on rencontre çà et là un tube normal. Les cylindres d’axe, ainsi que l'enveloppe de myéline, sont très-diminués de volume. (PI. III, fig. 3.) La cavité du canal épendymaire est conservée ; les cellules épithé- liales sont normales ; mais il existe autour d’elles une forte hyperpla- sie des éléments nucléaires. Coupe faite à la partie moyenne du renflement lombaire : atrophie re- 78 marquable de la moelle comparée à une moelle saine; on constate, même à l'œil nu, l'existence d’une lésion double. (Fig. 1.) À gauche, foyer allongé, situé à la partie antéro-externe de la corne de substance grise, offrant sur la coupe une forme ovalaire et obliquement dirigé d’avant en arrière et de dedans en dehors ; il mesure près de 2 millimétres de longueur sur 0°%,5 à 0,6 de largeur. Ce foyer est comme étranglé à sa partie moyenne et même sur certaines coupes il est séparé en deux à sa partie moyenne, de telle sorte qu’il existe alors deux foyers. Au microscope, éléments semblables à ceux que nous avons signalés dans la coupe précédente. Autour du foyer, accumulation de nombreux noyaux conjonctifs et corps granuleux très-abondants, surtout à la partie antéro-externe où ils forment presque un se- cond foyer. La lésion des cellules est extrême ; à peine en rencontre- t-on, sur chaque coupe, une ou deux que l’on puisse reconnaître sans l'emploi d’un fort grossissement; encore sont-elles granuleuses et leurs noyaux s’aperçoivent-ils avec peine. Du côté droit, la lésion occupe à peu près le centre de la corne grise antérieure, sous forme d’un petit foyer arrondi, mesurant à peine 1 millimètre de diamètre. La condensation des tissus autour du point ramolli est toujours très-accusée; quant aux cellules nerveuses, elles offrent des lésions à peu près semblables à celles du côté opposé, quoi- que moins accentuées; on en rencontre en effet un certain nombre (la moitié environ) que l’on reconnaît aisément, malgré leur diminution de volume, jointe à un état granuleux prononcé. Mêmes lésions des fais- ceaux antéro-latéraux. — Les fibres blanches qui constituent l’origine réelle des racines antérieures, et qui traversent successivement les faisceaux antérieurs, puis les cornes grises elles-mêmes, sont égale- ment le siége d’une réelle atrophie portant sur les cylindres d’axe et aussi sur l'enveloppe de myéline; ces fibres, comme celles des racines elles-mêmes, offrent l'apparence des faisceaux bouclés du tissu conjonc- tif, et il faut une grande attention pour en reconnaître la nature ner- veuse, même à un fort grossissement. Le canal épendymaire semble, à un faible grossissement, totalement oblitéré. Les cellules épithéliales ne sont pas visibles tout d’abord; les éléments cellulaires qui les environnent se sont multipliés au point de remplir tout à fait la place du canal et de former à ce niveau une masse de près de 0*",3 de diamètre; mais sur des coupes très-fines cette apparence disparaît, et l’on finit par retrouver le canalépendymaire, très-atrophié, à la partie antérieure de la masse cellulaire. (Fig. 2.) Coupe faite à la partie supérieure du renflement lombaire. — Les alté- rations vont en diminuant d'importance à mesure qu’on se rapproche 79 de la région dorsale; elles sont, toutefois, encore très-appréciables, surtout à droite, où l’on remarque, au centre de la corne antérieure, un tout petit foyer punctiforme, caractérisé par la même lésion anato- mique et entouré de tissus tout aussi indurés que dans le reste de la moelle lombaire. Les cellules nerveuses sont toujours très-atrophiées ; cependant on en trouve sur chaque coupe deux ou trois qui sont nor- males et appartiennent surtout au groupe antéro-interne. Quant au côté gauche, il semble au premier abord parfaitement nor- mal; mais à un suflisant grossissement (3 à 400 diamètres), on y re- trouve, surtout au centre de la corne grise, des corps granuleux libres et des noyaux conjonctifs en assez grand nombre; mêmes lésions vas- culaires que dans le reste de la moelle. De ce côté, l'examen des cel- lulés nerveuses fait constater qu'il existe une atrophie un peu moins considérable que celle qui existe du côté droit. Atrophie et sclérose tou- jours très-prononcées des cordons antéro-latéraux. Le canal épendymaire a repris à peu près ses dimensions normales : l’hyperplasie nucléaire n'existe plus que sur ses extrémités latérales. 2° Région dorsale. —Coupe faite à l'extrémité inférieure de cette ré- sion. L'examen à l’œil nu ne fait constater aucune lésion; mais, au mi-. croscope, on rencontre encore dans la corne antérieure droite, vers son milieu, un amas de corps granuleux rassemblés autour d’une artériole dont la gaîne est elle-même remplie de ces mêmes corps. Dans le reste de cette corne, les vaisseaux un peu volumineux sont le siége des alté- rations déjà décrites. La corne antérieure gauche ne présente que des altérations vasculaires. A peine, çà et là, quelques corps granuleux libres ; des deux côtés, hyperplasie des éléments nucléaires. Quant aux cellules nerveuses, elles sont tout à fait atrophiées à droite, où l’on en trouve à peine, sur chaque coupe, une ou deux dont les dimensions soient à peu près normales ; à gauche, atrophie moindre, surtout pour le groupe antéro-interne. —Mêmes lésions des faisceaux blancs antéro- latéraux. Le canal épendymaire a repris ses dimensions normales, et l'hyperplasie des éléments nucléaires ne s’observe plus dans ce segment de la moelle. Coupe faite au tiers inférieur de la région dorsale. —Persistance, dans la corne antérieure droite, de lésions vasculaires très-prononcées ; même hyperplasie des noyaux conjonctifs ; rares corps granuleux li- bres. À gauche, mêmes lésions, mais moins accusées. L’atrophie des cellules nerveuses est moindre que sur les coupes précédentes. A droite, on retrouve quelques cellules normales appartenant au groupe postéro-interne et d'autres (mais en plus petit nombre) faisant partie du groupe antéro-externe. À gauche, cellules normales en grand néni- 80 bre et distribuées dans les mêmes régions. La sclérose des cordons blancs antéro-latéraux se montre avec les mêmes caractères. Le canal de l’'épendyme est à peu près normal; mais l'hyperplasie nucléaire est toujours très-notable à sa périphérie. Coupe faite à la partie moyenne de la région dorsale.—Lésions à peu près identiques avec celles de la coupe précédente; l’atrophie cellulaire est cependant un peu moins prononcée, en ce sens que l’on rencontre un plus grand nombre de cellules nerveuses dont les dimensions ont été peu modifiées. Persistance de la sclérose des faisceaux blancs. On retrouve une hyperplasie nucléaire encore notable autour de l’épithé- lium du canal de l’épendyme. Coupe faite à la partie supérieure de la région dorsale. — Différences peu notables entre les détails présentés par cetie coupe et ceux de la précédente : on trouve cependant un plus grand nombre de cellules presque normales quant à leurs dimensions, mais toujours un peu gra- nuleuses. La sclérose des cordons antéro-latéraux est moins prononcée qu’à la partie inférieure de la moelle dorsale. Persistance de l’accumu- lation nucléaire autour du canal de l’épendyme. 3° Moelle cervicale. — Coupe à la partie inférieure de la moelle cervi- cale : le côté droit est encore plus atteint que le gauche; l’atrophie cellulaire, qui existe encore par places, affecte plus de cellules dans la moitié droite de la moelle, et les vaisseaux sont plus malades aussi de ce côté. Même sclérose antéro-latérale que sur la coupe précédente: mais le canal épendymaire ne présente plus aucune altération. Coupe à la partie inférieure du renflement cervical. — La lésion est encore moins accentuée à ce niveau; mais elle a maintenant son maxi- mum de développement à gauche. Les parois des vaissesux sont épaissies ; corps granuleux en grand nombre dans les gaînes ]ÿmpha- tiques. Atrophie marquée des cellules nerveuses, surtout des antéro- externes. Altérations moins avancées à droite. Persistance de la sclérose des faisceaux antéro-latéraux; canal épendymaire normal. Coupe au niveau du renflement cervical à sa partie moyenne. — Lé- sions à peu près les mêmes que sur la coupe précédente. L'atrophie des cellules porte surtout sur les groupes externes, tandis que Île groupe antéro-interne est normal; ces modifications sont plus nota- bles du côté gauche, ainsi que les altérations vasculaires. La sclérose est encore moins marquée. Coupe à la partie supérieure du renflement cervical.—Toujours atro- phie cellulaire, mais de moins en moins forte; cependant toutes les 81 cellules offrent un aspect comme vitreux et les noyaux ne se voient pas très-bien. Les altérations vasculaires diminuent ainsi que la sclérose antéro-latérale. Bulbe rachidien.— À mesure qu’on serapproche du bulbe, les lésions sont moins notables, et cependant on retrouve encore çà et là, à la hauteur même de l’entre-croisement des pyramides, quelques cellules de la substance grise qui sont diminuées de volume ; de même, des corps granuleux existent, mais en très-petit nombre, dans la gaine lymphatique de quelques vaisseaux. Ces lésions existent encore, dans plusieurs points, au niveau de la protubérance annulaire et plus spécialement dans le plancher du qua- trième ventricule : elles consistent surtout dans un certain épaississe- ment des parois vasculaires et dans la présence de quelques rares corps granuleux : il n’a pas été possible de retrouver la lésion qui devait très- probablement exister au niveau du noyau gris d’origine du trijumeau gauche (branche motrice), en raison de l’atrophie du muscle temporal correspondant. Les racines nerveuses sont, à l'œil nu, très-pâles et atrophiées ; à l'examen microscopique fait à l’état frais, les fibres offrent l’apparence onduleuse et comme bouclée des faisceaux de tissu conjonctif: il est très-difficile d’apercevoir les cylindres d’axe, même après l’action de la solution carminée. Après durcissement dans l’acide chromique et colo- ration avec le carmin, les parois des fibres se colorent et apparaissent sous forme de tubes aplatis de 0"",0024 de largeur et vides de myé- line. Les cylindres d'axe sont très-difficilement perceptibles, même à un fort grossissement : avecl’objectif 9 à immersion (Hartnack), ils appa- raissent sous forme defilaments ténus, ne mesurant guère que 0®?,0004. Il existe en outre, au milieu des fibres nerveuses atrophiées, des élé- ments nucléaires assez nombreux, de forme allongée, de 0®*,0081 en largeur sur 0"",0115 en longueur ; un petit nombre,exceptionnellement volumineux, atteignent en longueur 0"%,0115. (PI. IV, fig. 3 et 4.) Ça et là, on rencontre quelques fibres à peu près normales, contenant encore des traces de myéline et des cylindres d’axe presque normaux. Ces modifications se remarquent dans toute l'étendue des racines antérieures lombaires : elles existent aussi sur un assez grand nombre des fibres qui constituent la racine motrice du nerf trijumeau gauche; par contre, celles du côté opposé sont parfaitement conservées. Des altérations analogues peuvent être constatées, mais partielle- ment, dans les éroncs nerveux mixtes des membres, dans les sciatiques par exemple : une partie seulement des tubes nerveux est atrophiée, tandis que les autres {très-probablement les fibres sensitives) présen- 82 tent une structure normale. On ne constate pas une sclérose très-nette de ces nerfs mixtes. Les ganglions du grand sympathique n'ont présenté aucune modification notable dans leur structure, ni pour leurs éléments cellu- laires ni pour les fibres nerveuses. Les trois observations que nous venons de rapporter sont évidem- ment, au point de vue clinique, des cas bien nets de paralysie in- fantile : le début de l'affection, ainsi que sa marche, l’atrophie des muscles constatée sur le vivant, les déformations consécutives des membres, ne permettent aucun doute à ce sujet; et à l’autopsie, les lésions musculaires sont exactement celles qu’on a rencontrées dans cette maladie. Nous avons constaté, en effet, dans ces trois cas, à l'œil nu, la diminution de volume, la pàleur et l’aspect tout à fait spécial des faisceaux musculaires; et au microscope nous avons pu nette- ment observer (et ces lésions coexistaient dans un même muscle) Vatrophie des fibres, leur état granuleux et granulo-graisseux, puis l’état fibroïde avec développemient anomal d'éléments nucléaires : enfin, dans les muscles les plus altérés, se voyaient de nombreuses cellules adipeuses interfibrillaires qui, à l’œil nu, donnaient au tissu charnu l’apparence graisseuse. Or, dans ces trois observations, identiques au point de vuedes symptômes, comme aussi des altérations musculaires (1), dans ces trois faits qui appartiennent incontestablement à cette affection connue généralement sous le nom de paralysie infantile, nous constatons de la manière la plus positive une lésion de lu moelle épinière, toujours la même, toujours identique, malgré des variétés qui tiennent au siége et au degré d'évolution du processus morbide, lésion médul- laire dont nous allons résumer les principaux caractères anatomi- ques. (1) Depuis la rédaction de ce mémoire, M. Grancher, chef du labo- ratoire d’histologie des hôpitaux, nous a communiqué le résumé des lésions constatées à l’autopsie chez une petite fille de 10 ans, morte à l’hôpital des Enfants, dans le service de M. Bouchut, et atteinte de pa- ralysie infantile (membre inférieur droit). « Le renftement lombaire offrait, du côté correspondant, c'est-à-dire à droite, un foyer de désin- tégration granuleuse, siégeant dans la corne antérieure de la substance grise. » 83 La lésion de la moelle siége dans la substance grise et dans les cor- dons antéro-latéraux. L’aitération de la substance grise est la plus importante : on la rencontre localisée dans les cornes antérieures et son siêge est par- faitement en rapport avec celui de la paralysie et de l’atrophie des membres. Dans le cas où sont affectés surtout le membre supérieur gauche et le membre inférieur droit, nous rencontrons deux foyers, l'un dans le renflement cervical gauche, l'autre dans le renflement lombaire droit (obs. D.—TL’atrophie est-elle plus spécialement locali- sée au membre inférieur gauche, la lésion a pour siége principal le renflement lombaire du côté gauche (obs. 11). — Enfin, chez l'enfant où l'affection musculaire est à peu près également développée aux deux membres inférieurs, les foyers spinaux sobservent dans le renflement lombaire avec des caractères identiques dans les deux moiliés de la moelle, (PI. I, IT et III.) Ces foyers, où le tissu spinal offre ‘un s'amollissement notable, se rencontrent avec des dimensions presque les mêmes en hauteur, puisqu'ils occupent à peu près toute l'étendue verticale des renfle- ments spinaux correspondants; mais ils n’ont pas toujours la même étendue dans le sens de la largeur; celle-ci mesure depuis 0,00? (obs. Il) jusqu’à 0",0015 (obs. I et III) et même moins de 0®,001 (foyer lombaire droit de lobs. II. Ges dimensions, d’ailleurs, ne sont pas toujours les mêmes, suivant qu’on examine le foyer à ses extrémités supérieure et inférieure ou à sa partie moyenne : cette dernière est toujours plus volumineuse. La couleur de la partie ramollie est variable, sans doute en raison du temps pareïllement variable qui s’est écoulé depuis le début des accidents. Chez le sujet de l’obs. T, dont la maladie avait une durée de deux mois seulement, le tissu était rosé, et cette coloration esten rapport avec le grand développement des vaisseaux remplis de sang, au contraire, dans la III° obs., celle où la paralysie datait de treize mois, la substance grise était remarquable par sa pâleur, De même aussi, la diminulion de consistance était plus prononcée dans les obs. I et II que dans L’obs. III, ce qui tient, ainsi que nous avons vu, à un degré marqué de sclérose qui, dans ce dernier fait, existait autour des foyers de ramollissement. Les lésions microscopiques consistent dans des altérations vascu- 84 laires, dans la présence de corps granuleux et de noyaux, enfin dans l’atrophie des éléments nerveux (tubes et cellules). L’altération des vaisseaux est caractérisée par un excès de déve- loppement du réseau capillaire (obs. I) et de plus, par un épaississe- ment notable de la paroi vasculaire (obs. I, IT et III) avec accumula- tion de noyaux conjonctifs le long des artérioles (obs. I et Il). En ou- tre, autour des vaisseaux, même de petit calibre, on rencontre des amas de corps granuleux qui donnent un aspect tout particulier aux ramifications vasculaires et qui, en beaucoup de points, sont assez abondants pour être accolés les uns aux autres et constituer une couche continue en forme de manchon ; si bien que, sur une coupe transversale, ils forment un véritable anneau entourant compléte- ment la tunique externe des artérioles. L'étude faite sur des prépa- rations fraiches, comme aussi sur des sections minces après durcis- sement, montre que les corps granuleux siégent exclusivement dans l’intérieur de la gaine lymphatique, laquelle est distendue par eux. Lorsque l’on a fait disparaître ces corps granuleux à l’aide du chlo- roforme, on voit très-nettement la paroi de la gaine, et cette paroi se trouve séparée du vaisseau par un espace vide atteignant en plu- sieurs points une dimension presque égale au calibre du vaisseau lui-même. (PL I, fig. 5 et 6.) Les corps granuleux se rencontrent également dans toute l’étendue des foyers ramollis; mais, indépendemment de ce siége, on en trouve aussi dans des points du tissu spinal où l’altération n’est pas visible à l'œil nu, même sur des coupes fines. C’est ainsi que dans la [°° obs. la lésion lombaire du côté gauche n’est constituée que par l’infiltra- tion de quelques corps granuleux au centre même de la corne anté- rieure sans foyer de ramollissement visible à l'examen macroscopi- que. Il est bon de signaler que, tout en existant dans l'étendue totale des parties malades, ces corps sont toujours en plus grand nombre autour des vaisseaux; et, dans les points où ils sont peu abondants, cn ne les retrouve guère que dans le voisinage des ramifications vasculaires. L’hyperplasie des noyaux conjonctifs dans les cornes grises an- térieures est un des caractères principaux de l’altération spinale. Nous l'avons observée dans toute l'étendue des foyers de ramol- lissement, alors même que le tissu de la moelle était devenu tout à fait diffluent (foyer lombaire gauche, dans l'obs. Il). Ces noyaux 85 conjonctifs, les uns à peu près arrondis, les autres de forme ovoïde, sont remarquables par leur apparence homogène; ils renferment deux ou trois nucléoles punctiformes et ne nous ont offert en aucun point la tendance à la dégénération graisseuse. De même que les corps granuleux, on les trouve en plus grande abondance autour des vaisseaux altérés : ils se montrent aussi en nombre considérable le long des vaisseaux et, en ce point, sont accolés à leur tunique ad- ventice qu'ils recouvrent en plusieurs points, de façon à rendre moins nette la structure de la paroi vasculaire (obs. T). L'atrophie des éléments nerveux est très-prononcée dans les trois observations. Elle porte sur les cellules nerveuses, sur leurs prolon- gements et sur les tubes nerveux émanés des racines antérieures qui traversent les cornes de la substance grise. Les cellules nerveuses sont inégalement atteintes par l’atrophie. Tantôt, sur une coupe même un peu épaisse, il n’est pas possible d’en rencontrer une seule qui soit restée à peu près normale (obs. IT et INT). La lésion porte sur certains groupes cellulaires qui sont at- teints à un degré plus prononcé que les autres. L’altération est, en définitive, d'autant plus accentuée que le tissu médullaire est plus affecté dans sa structure; nulle part elle n’est aussi considérable que lorsque les foyers occupent presque toute l'étendue de la corne an- térieure!(foyer lombaire gauche dans l’obs. IT). Quand, au contraire, la lésion du tissu consiste seulement dans la présence de quelques corps granuleux infiltrés dans la substance grise et accumulés dans la gaine lymphatique, les cellules nerveuses sont moins atteintes et quelques-unes seulement sont dans un état d’atrophie complète : on concoit d’ailleurs qu'il soit facile de rencontrer toutes ces variétés dans une même moelle, suivant la région que l’on observeet suivant la dimension du foyer morbide. Les différentes modifications subies par les cellules nerveuses con- sistent d’abord dans un état comme granuleux : la substance du corps cellulaire est comme fragmentée; moins transparente, elle ca- che le noyau dont les bords ne se détachent plus aussi nettement, et le nucléole lui-même est moins visible. À un degré plus avancé, les altérations sont plus sensibles : la cellule commence à diminuer de volume, et l’atrophie porte simultanément sur le corps cellulaire et sur son contenu. On voit les dimensions se réduire progressivement 86 à mesure que le noyau s'aperçoit de moins en moins. — Plus tard, l’atrophie, en se prononçant, transforme l'élément nerveux en un corps irrégulièrement arrondi, opaque, sans noyau appréciable et dont la coloration par la solution carminée est possible. Les prolon- gements ramifiés subissent une diminution simultanée de volume et se retrouvent avec la plus grande difficulté alors que la cellule est encore reconnaissable. Au dernier degré de l’atrophie, il faut un fort grossissement pour reconnaitre le corps cellulaire tout à fait réduit dans ses dimensions transversales et longitudinales comme dans son épaisseur. (Fig. 4 des pl. I. ILet III.) L’atrophie des prolongements cellulaires est également très-mar- quée, et, alors même qu’on étudie des préparations colorées, la di- minutiou est telle qu’on aperçoit à grand’peine ces éléments. On peut affirmer que leur atrophie est plus frappante que celle des cel- lules, ce qui donne un aspect tout spécial à la substance grise. Les tubes nerveux qui traversent les cornes antérieures, puis les faisceaux blancs correspondants, pour aller constituer les racines motrices des nerfs spinaux, sont également le siége d’une atrophie très-réelle et facile à constater. Sur des pièces colorées et rendues transparentes par l'essence de térébenthine et le baume du Canada, on constate seulement la diminution de volume des cylindres d’axe, tandis que sur des coupes éclaircies par la glycérine, on peut s’assu- rer que l’atrophie porte également sur l’enveloppe de myéline, la- quelle devient très-difficile à retrouver. Les cordons blancs antéro-latéraux sont pareillement le siége d’une altération presque identique, bien qu'avec des nuances, dans les trois observations. (Fig. 3 des pl. I, IT et IIL.) Il existe, en effet, une véri- table atrophie des tubes nerveux qui constituent en grande partie ces cordons : les cylindres d’axe sont très-positivement diminués de volume, comme il est aisé de s’en convaincre par l'étude comparative d'une moelle saine, ou même par l'examen successif des faisceaux antérieurs et postérieurs. Cette atrophie des cylindres d’axe n’est pas répartie uniformément sur toute la surface de section : elle est moins accusée dans la portion des cordons antérieurs qui est située de chaque côté du sil- lon médian antérieur. Au contraire, elle est à son maximum au ni- veau des cordons latéraux : en certains points il n’est pas possible, 87 même à un fort grossissement, d'y découvrir des vestiges de cylin- dres d’axe. Enfin on observe, concurremment avec la lésion des tubes ner- veux, un épaississement considérable des cloisons conjonctives, sur- tout au voisinage de la substance grise : cette sclérose se retrouve d’ailleurs sur tous les points où l’on constate l’atropkie des tubes nerveux. Notons cependant qu’elle ne se montre pas au même degré dans les trois faits que nous avons rapportés ; elle est au contraire d'autant plus prononcée que la maladie était plus ancienne, tandis que l’atrophie des cylindres d’axe est à peu près aussi marquée dans l’obs. I que dans les autres; c’est pourquoi nous n’hésitons pas à considérer cette sclérose comme une lésion secondaire; et elle est probablement consécutive à l’altération de la substance grise. En résumé, dans les points de la moelle les plus altérés, dans ceux qui correspondent aux muscles les plus malades, les plus atrophiés, on constate une lésion toujours la même, qui consiste essentielle- ment en un foyer de ramollissement, lequel siége dans les cornes antérieures de la substance grise et coexiste avec l’atrophie des cellules de cette substance; cette atrophie corrélative a son summum de développement au niveau des parties ramollies, mais on en retrouve également des traces dans le reste de la moelle épinière; il existe aussi dans les faisceaux antéro-latéraux une atrophie des tubes ner- veux avec sclérose notable. Au point de vue de la nature de la paralysie infantile, quelle est la valeur de ces lésions médullaires? C’est ce qu’il nous faut mainte- nant discuter. Etd’abord, peut-onavecM.Bouchutadmettrequelaparalysieinfantile ne soitqu'une maladie des muscles? Doit-on attribuer à celle-cile premier rôle et l’altération de la moelle ne serait-elle qu’une lésion secondaire, consécutive à l’atrophie musculaire? Gette hypothèse, füt- elle en concordance avec les symptômes et la marche de l'affection, tombe devant les expériences et les observations de M. Vulpian (1) qui, dans des cas d’amputations anciennes et dans la resection de (1) Vulpian, Arch. phys., t. I, p. 443, et t, II, p. 675. 88 troncs nerveux, a constaté l’atrophie simple de la moelle et non pas la production de foyers ramollis. Et d’ailleurs, comment faire un phénomène primordial et constitutf de cette atrophie des muscles qui n’est au contraire qu’un phénomène de second ordre, tardif, et qui survient seulement à une période avancée ? Nous avons observé dans ces trois faits une atrophie des racines antérieures (pl. IV, fig. 3 et 4) et des cordons nerveux eux-mêmes, atrophie déjà notée par la plupart des observateurs récents. La pa- ralysie infantile serait-elle la conséquence de cette lésion nerveuse? Cette supposition, émise pour expliquer le développement de l’atro- phie musculaire progressive chez l'adulte, a été abandonnée par sor auteur lui-même, et M. Cruveilhier, avec une intuition remarquable des travaux postérieurs, a parfaitement reconnu combien cette ma- nière de voir est peu satisfaisante. Nous sommes donc conduits forcément à faire jouer un rôle es- sentiel, primordial, à la lésion de la moelle épinière et à justifier par les faits anatomiques la dénomination que nous avons adoptée, de paralysie spinale de l'enfance. Dans ces dernières années, les recher- ches nécroscopiques ont été dirigées dans cette voie; mais les obser- vateurs ont été surtout guidés par le désir de faire concorder les lé- sions avec les notions physiologiques du moment. Aussi, à l’époque où l'étude des faisceaux blancs était considérée comme primant toutes les autres, on a principalement insisté sur leur altération : c’est ce qu'il est facile de coustater dans les observations de M. Laborde; et M. Cornil, après avoir signalé l'absence presque complète des cellules nerveuses antérieures dans une de ses préparations, finit par laisser à peu près de côté cette atrophieet il ne s'occupe plus de la substance grise, absorbé qu'il est par l’examen des cordons antéro-latéraux de la substance blanche. Les études plus récemment faites sur les altérations de la substance grise n’ont pas tardé à éclairer la question. Nous avons déjà mentionné les recherches de M. Prevost, puis de MM. Charcot et Joffroy et ultérieu- rement celles de MM. Parrot et Joffroy : nous ne voulons pas y reve- nir avec détails; ilnous faut seulement discuter l'importance de l’atro- phie cellulaire et par suite la nature de l’altération médullaire. Dans les trois cas dont nous avons donné l'observation complète, 89 nous avons vu et démontré que la moelle est le siége, uon pas seule- ment d’une atrophie des cellules, mais encore de lésions profondes, complexes, amenant en certains points la destruction presque entière de la majeure partie de la corne grise antérieure sur une hauteur de plusieurs centimètres; et les cellules ne sont pas seules altérées : les tubes nerveux qui traversent la substance grise sont eux-mêmes malades, atrophiés. Nous ne saurions conséquemment admettre qu'il y ait altération primitive, atrophique, des cellules nerveuses, parce que cette atrophie, nous ne l'avons jamais observée isolément, parce que là où elle existait, même peu prononcée, nous constations con- curremment une lésion de la substance grise et des vaisseaux, et que nulle part l’atrophie cellulaire n’était plus accusée, plus com- plète que dans les points où cette lésion atteignait son plus grand développement et où il existait en définitive un ramollissenient de la substance grise. En conséquence, sans refuser à l’altération des cellules spinales antérieures une grande importance pathogénique au point de vue de l’atrophie musculaire, nous ne pouvons voir dans la lésion de la moelie une affection primitive de ces cellules comme l’'admettait M. Charcot, après avoir observé sur des vieilles femmes atteintes de paralysie dans leur enfance, Reste à savoir maintenant quelle est la nature de l'affection spi- nale. Si l'on tient compte tout à la fois et des lésions et des symptômes observés chez les malades, trois hypothèses peuvent être faites : il ne saurait être question que d’une hémorrhagie, d'un ramollissement par lésion vasculaire ou d'une myélite. S'agit-il d’une hémorrhagie de la moelle? On expliquerait trés-bien alors l'apparition subite des symptômes paralytiques; mais de nom- breuses objections peuvent être faites. Indépendamment de la rareté même de l’hémato-myélie, rareté si grande que l'existence de cette affection a été mise en doute par M. Charcot, au moins à titre d’affec- tion primitive, cette supposition ne concorde ni avec les lésions de la moelle ni avec le tableau nosologique. S'il existait en effet, au dé- but du inal, un foyer hémorrhàgique, nous devrions en constater des traces appréciables à l’autopsie pratiquée après deux mois, six mois, un an de maladie. Or, dans aucun de nos faits, il n’est question de l'apparence ocreuse du tissu morbide, et l'examen microscopique MÉM. 1871. ” 90 n’a montré nulle part ni traces de fibrine épanchée ou de globules sanguins altérés, ni cristaux hématiques, ni même l’hématoïdine amorphe qui indiqueraient une hémorrhagie de la moelle. Les symp- tômes, d’ailleurs, ne sont pas ceux qui s’observeraient dans ce cas: il ne devrait pas y avoir de fièvre initiale, l'amendement des phéno- mènes paralytiques ne serait pas aussi rapide qu’on lobserve par- fois, la marche serait plus graduelle, et surtout la guérison définitive serait fréquemment observée. En tout cas, et en supposant même que la grande abondance de l’épanchement ne permit pas la résorp- tion totale du sang, on ne rencontrerait pas à l’autopsie des foyers offrant les apparences et les particularités que nous avons signalées. Leslésionsanatomiquesdontnousavonsdonnéladescription seraient plus semblables à celles du ramollissement non inflammatoire, né- crobiotique, c’est-à-dire consécutif à une lésion vasculaire ; mais les résultats de l'examen microscopique présentent des différences assez sensibles. Si, à la nécropsie, nous avons constaté la présence de nombreux corps granuleux dans la gaine lymphatique des vais- seaux, nous avons noté en même temps un épaissisement marqué de cette gaine et, dans un cas surtout (obs. I), un état scléreux des parois vasculaires qu’on ne rencontre pas dans le ramollissement ischémique. De plus, pour qu’il y eût ischémie, il faudrait que la circulation sanguine fût interrompue par suite d’une oblitération vasculaire. Or, une telle oblitération (et nous avons eu soin d’insister sur ce. fait) n'existe nulle part. Partout les vaisseaux sont perméa- bles, et, sur les coupes, on les trouve remplis de globules sanguins parfaitement normaux; partout, même au niveau des points les plus ramollis, le réseau capillaire est non-seulement conservé, mais en- core remarquable par sa richesse. En outre, les altérations pré- sentées par le tissu ramolli lui-mème ne se rapportent aucunement aux lésions parenchymateuses de l’ischémie, car les noyaux du tissu. conjonctif y sont en grand nombre et, en certains points, leur hy- perplasie est extrême. L'étude des symptômes vient aussi fournir des arguments contre l’idée d’un ramollissement, ischémique. S'il s'agissait de cette der- nière affection de la moelle, l'amélioration, passé les deux premiers jours, serait en quelque sorte impossible, puisque après cette pé- riode, les tissus seraient frappés de mort et incapables de reprendre 91 leurs fonctions. D'ailleurs, pour que la myélomalacie füt le résultat d’une suspension du courant sanguin, il faudrait qu'il pût se pro duire une embolie artérielle (il ne saurait étre question d’un autre processus ischémique, puisque les phénomènes initiaux sont remar- quables par la brusquerie du début et de la perte subite du mouve- ment). Or, indépendamment de ce fait que, nulle part, nous n’avons coustaté l’oblitération des artères, il serait nécessaire, pour que cette oblitération fût possible, qu’il y eût en un point du système vascu- laire une lésion quelconque capabie de donner naissance à l’embolie. Est-il besoin de rappeler que jamais nous n’avons observé de mala- dies de l'appareil circulatoire? Et, de plus, quelle singulière locali- sation de l’embolie, alors que nulle autre part on n'en aurait con- staté! Par voie d'exclusion, nous arrivons donc nécessairement à l’idée d’une myélite, surtout de la substance grise antérieure. C'est en effet cette maladie qui, seule, nous rend un compte exact des lésions ana- tomiques et est en rapport parfait avec le tableau symptomatologique Que nous montre, en définitive, l'examen histologique de la moelle ? Au niveau des foyers de ramollissement, aussi bien qu’à leur périphérie, aussi bien que dans des points qui paraissent sains à l'examen ma- croscopique, les noyanx de la névroglie sont remarquablement dé- veloppés, les vaisseaux capillaires sont perméables et offrent un ré- seau très-riche; les petites artérioles présentent les altérations que l’on rencontre d'ordinaire dans les phlegmasies des centres nerveux (épaississement des tuniques, accumulation de noyaux conjonctifs à la surface des artérioles, présence de nombreux corps granuleux dans leur gaine lymphatique). Enfin, et comme conséquence de cette myé- lite, les cellules nerveuses et les tubes sont le siége d’une atrophie très-avancée, laquelle nous rend compte des altérations de nutrition des racines antérieures, des nerfs rachidiens, ainsi que des lésions observées dans les muscles. Ce n’est pas, en effet, au grand sympa- thique qu'il faut avoir recours pour expliquer les lésions musculaires, puisque nous avons vu qu'il n'offre pas d’altération appréciable dans ses éléments (obs. IT). Nous confirmons, sur ce point, les idées généralement adoptées relativement au rôle trophique des cellules spinales de la substance grise antérieure. Étant admise la nature phlegmasique de la lésion médullaire, rien EP n’est plus simple que la physiologie pathologique de la paralysie spi- nale de l’enfance. Que voyons-nous, en effet? Au début de l'affection, phénomènes subits et souvent presque généralisés de paralysie. Comment méconnaître ici cette première phase de l’inflammation, rapide, instantanée : nousivoulons parler de la période congestive. À ce moment, presque toute la moelle est atteinte par le processus morbide ; et la preuve de cette dissémination initiale de la phlegma- sie, nous la trouvons dans les lésions vasculaires, dans les atrophies de cellules, également disséminées, quoiqu’à des degrés divers, dans une grande étendue de la moelle. Nous le répétons, l’axe rachidien est beaucoup plus altéré qu’on ne serait porté à le croire, et une recherche minutieuse aussi bien des lésions du système nerveux que des troubles fonctionnels des muscles (comme aussi des altéra- tions matérielles de ces derniers) sera nécessaire avant que Ja pa- ralysie spinale de l'enfance ne soit bien connue dans tous ses détails symptomatiques et anatomiques. Cette période initiale, congestive, ne va pas durer longtemps : la paralysie, occupant d’abord une grande partie du système musculaire, s'amende rapidement. C’est qu’en effet cette première phase ne doit pas se prolonger : on voit survenir, et très-vite, une localisation du travail morbide, lequel donne naissance, en des points limités, à des lésions irremédiables, à de véritables destructions partielles de l'axe gris : et ces destructions de la substance nerveuse nous font com- prendre pourquoi la maladie, parvenue à une certaine phase de son évolution rie peut plus rétrograder : la perte du mouvement est de- venue irremédiable parce qu’elle est la traduction de deux lésions corrélatives, l’altération médullaire et l’atrophie musculaire, et que l’art est impuissant pour porter remède à l’arrêt de développement des cellules nerveuses. Que si maintenant, après le long exposé de nos observations et de nos recherches d'anatomie morbide, macroscopique et microscopique (observations et recherches qu’il nous a été donné de faire et plus nombreuses et plus complètes); si, après la discussion des diffé- rentes opinions des auteurs qui se sont occupés spécialement de la paralysie de l'enfance, on demande aux faits positifs de préciser la véritable nature de cette maladie, la réponse à cette question d’ana- tomie pathologique et de nosographie se trouve, nous l’espérons, 93 dans notre travail, et nous croyons être en droit d’en tirer les cou- clusions suivantes : 1° L’altération caractéristique de la paralysie infantile est une lé- sion de la moelle épinière dont l’atrophie des nerfs et des muscles est la conséquence. 2° Cette lésion siége plus particulièrement dans la portion anté- rieure de la substance grise spinale, où elle se montre sous forme de foyers ramollis. 3° Ce ramollissement est de nature inflammatoire et la maladie est une myélite. 4° La paralysie infantile doit donc être appelée paralysie spinale de l’enfance, et désormais sa place nosologique est certainement dans les affections de la moelle et dans les myélites. RE d'A UNE ÉPIDÉMIE DE SCORBUT *OBSERVÉE A L'HOPITAL MILITAIRE D'IVRY PENDANT LE SIÉGE DE PARIS 1871 Mémoire communiqué à la Société de Biologie Par M. le docteur LEVEN (Voy. les planches VI, VII et VIII.) PRÉFACE. Durant le siége de Paris, l'administration des hôpitaux militaires nous a chargés de la direction d’un service médical à l'hôpital mili- taire d'Ivry. Dans ce service étaient réunis les prisonniers de la Santé, les ma- rins des forts voisins, des militaires, tous affectés de scorbut. Un certain nombre de marins avaient déjà eu cette maladie dans la guerre de Crimée et dans la guerre de Chine, et surent la recon- naître lorsqu'elle récidiva durant le siêge, grâce aux symptômes identiques à ceux qu’ils avaient éprouvés la première fois. À la même époque nous eûmes l’occasion d’observer, dans les au- tres services du même hôpital, des scorbutiques en assez grand nombre, et nous pouvons évaluer au chiffre de 100 à 150 celui des scorbutiques qui ont passé sous nos yeux. Les circonstances étaient on ne peut plus favorables pour étudier cette affection, encore si mal définie, à tous les points de vue. Dans les premiers jours du mois de janvier, lorsque nous primes le service, les malades, mal chauffés et mal nourris, succombèrent re 96 en assez grand nombre, et nous pûmes étudier l'anatomie patholo- gique microscopique. 6 Notre aide-major, M. Trembley, élève très-distingué des hôpitaux de Paris, a bien voulu dessiner diverses pièces pathologiques tvpe, et nous avons inséré ces dessins dans notre mémoire. Il était important aussi, pour comprendre la pathogénie, d’avoir des analyses exactes du sang chez le même malade à la période d'état et à celle de la convalescence de la maladie. C’est à notre ami le docteur Ghalvet que nous devons les analyses chimiques du sang et des urines. Ces analyses nous montrent ce qui est en rapport parfait avec la symptomatologie que les hémorrhagies dans le scorbut ne sont pas dues à une altération générale du sang, comme dans l’hémophylie par exemple, que le terme d'état scorbutique pour indiquer des hé- morrhagies généralisées est tout à fait impropre. ; Dans le scorbut il n’y a pas d’hémorrhagies généralisées, le sang ne s'épanche pas de tous les côtés, mais seulement là où se font de grands mouvements musculaires, au niveau du mollet, vers le jarret, à la partie interne du coude, et ces hémorrhagies sont consécutives à des ruptures vasculaires. Nous avons également consigné dans ce travail des analyses d’uri- nes du même malade à la période d'état et de convalescence. Connaissant les modifications du sang et des urines dans le cours de l'affection, nous avions déjà les éléments les plus utiles. Nous avons complété notre étude par l'emploi du sphygmo- graphe et du thermomètre; et nous avons pu observer jusqu'à la guérison des variations du pouls qui ont une grande impor- tance dans le cas présent, du thermomètre qui nous ont montré une élévation de température coïncidant avec un abaissement no- table du chiffre de l’urée, et l’abaissement de température quand le malade guérit avec une augmentation de Purée jusqu’au chiffre normal. Nous avons pu observer les effets comparatifs de diverses médica- tions, et il nous semble avoir pu nettement juger qu'aucune médi- cation n’est indispensable pour guérir un scorbutique, ni aucune nourriture spéciale. C'est en faisant usage de la viande crue finement hachée qu'ils nous paraissent s'être rétablis le plus promptement; ils ont guéri = 97 à une époque, en février et en mars, où nous n'avions pas d’ali- ments végétaux à leur donner, et c’est le régime animalisé qui nous a rendu les plus grands services dans le traitement des scor- butiques. ÉTIOLOGIE DU SCORBUT. CAUSES. La température moyenne du corps humain à l’état de santé est de 37°. Gette température peut varier sous l'influence du froid de l’hi- ver, des chaleurs de l’été. Les physiologistes ont observé que le passage dans les contrées froides fait abaisser d’un à deux degrés la température du corps. Dans les milieux surchauffés, dans une atmosphère de 60 degrés de chaleur, l’homme peut résister parce que la transpiration entretient la température du corps presque au même degré; la chaleur du corps ne peut ni s'élever ni s’abaisser sensiblement sans qu'immédiate- ment la vie ne soit en danger. Ce qui est remarquable, c’est que la température peut encore va- rier sous l'influence des causes morales; ainsi elle peut s’abaisser par une forte dépression morale, par la frayeur. Martin a observé qu’une frayeur violente avait fait tomber le thermomètre chez un individu à 33°,75 et qu'il était remonté, dans un accès de colère, à 37 Pour entretenir sa température, l’homme a diverses ressources qui le mettent à l'abri des accidents graves que pourraient entrainer ces variations. La première de toutes est l'alimentation, qui doit varier selon le climat. Les grands froids lui imposent une nourriture abon- dante : les Esquimaux qui vivent continuellement au milieu des gla- ces se nourrissent de 6 à 8 kilogrammes de viande par jour, mangent de la chair crue, de l'huile. C’est ainsi qu’ils se mettent à l’abri des maladies. On ne connaît parmi eux ui la phthisie ni le scorbut. Dans les pays chauds, la nourriture doit, au contraire, être légère; une alimentation riche développerait la maladie. La seconde ressource est dans les vêtements; ceux-ci doivent faci- liter ou empêcher le rayonnement du corps ; ils sont légers dans les pays chauds, épais dans Les climats froids. L'habitation de l’homme 98 doit être modifiée également selon le milieu où il vit. Enfin la der- nière ressource dont l’homme dispose pour maintenir invariable le foyer de chaleur qu’il possède en lui est l’exercice du corps. Le travail, ainsi que l’ont encore démontré les physiologistes, active la respiration, augmente l’absorption de l’oxygène de l'air, accroît les combustions organiques et élève la température. L’inactivité, le som- meil détermine une diminution de chaleur. La température de 37°, comme Lavoisier l’a démontré le premier, est le résultat des combinaisons chimiques de l’oxygène de l’air, des éléments carbone, hydrogène et azote qui entrent dans la compo- sition des aliments. Les transformations chimiques des principes azotés et hydrocar- bonés, leur évolution ascendante et descendante servent à entretenir les fonctions de la cellule ou de la fibre. Une fibre musculaire n’est contractile qu’à la condition que les actions chimiques qui lui sont propres s’y produisent toujours uni- formément : on en pourrait dire autant d’une fibre nerveuse ou d’une cellule quelconque, mais il ne résulte pas de ce que la propriété vi- tale de la fibre musculaire est de se contracter pour être confondue avec le fait chimique dont elle est le siége. Dans chaque élément anatomique on peut observer des phénomènes chimiques ou physiques qui sont indispensables à la manifestation de leur fonction vitale; ce serait faire une étrange confusion que d’assimiler la vie avec la chimie ou la physique (1). La vie est la cause première des compositions et des décompositions chimiques qu’elle produit pour l'entretien des tissus ; elle possède la faculté calorifique, elle les domine et elle en reste indépendante comme l'esprit reste indépendant de la matière. L'organisme ne vit que par les aliments et l'oxygène respiré, il s’use continuellement par le jeu de ses propres fonctions, par le travail. Le travail, le froid lui imposent, ainsi que nous l'avons déjà dit, une nourriture plus riche, plus abondante. Lorsque la réparation ne suf- fit pas, les forces se perdent, l'individu maigrit, il tombe malade, il devient tuberculeux ou albuminurique, etc. Lorsqu'il est soumis à une véritable inanition, la graisse disparaît, (1) Vulpian, Traité de physiologie. a9 le poids du corps diminue peu à peu, la substance charnue disparaît elle-même dans la proportion de 66 p. 100; les globules baissent, l’albumine de 50 p. 100; la quantité d’urée sécrétée diminue aussi. Dans le scorbut qui est dû à des causes multiples, au froid, à l’hu- midité, à une alimentation insuffisante, à un travail non en propor- tion avec l’alimentation, rien de pareil ne se produit; la graisse ne disparaît pas, à moins qu'il ne s’y ajoute une complication telle qu'une diarrhée incoercible; le chiffre de l’albumine du sang aug- mente, et l’hydropisie estun fait tout à fait exceptionnel. C’est sous l'influence de ces différentes causes réunies que les tissus muscu- laires qui sont, comme on le sait, avec le tissu nerveux, le théâtre des actions chimiques les plus complètes, s’altèrent si rapidement. Leur altération est proportionnée à leur travail et à leur besoin de réparation; c’est là ce qui nous explique que le cœur est frappé le premier, puis les muscles du dos, des mollets, etc., etc. Tout ce qui tendà produire une diminution de température, le froid, d'humidité, et qui exigerait par conséquent une nourriture plus ri- che, peut être considéré, “aus les mauvaises conditions où sont pla- cés les gens qui deviennent scorbutiques, comme une cause de scorbut. C'est ainsi que l’on comprend que le travail physique qui use les tissus peut être classé au nombre de ces causes. La plupart des médecins qui se sont occupés de la question du scorbut, constatant que cette maladie ne se développe que chez les marins ou dans les siéges des villes chez les individus astreints à une alimentation uniforme, viandes salées, farineux et totalement dénués de l'alimentation avec des végétaux frais, ont conclu que la seule cause du scorbut est dans la privation des végétaux frais, et ils se fondent sur ce fait que les scorbutiques guérissent dès qu'on peut les alimenter avec des végétaux frais. \Garrod est:allé même jusqu’à dire que la lésion du scorbut con- siste dans la diminution des sels de potasse dans le sang. Les sels de potasse étant très-abondants dans les végétaux frais et cet élé- ment manquant complétement dans l'alimentation, il conseille de mourrir les scorbutiques avec des pommes de terre qui contiennent beaucoup de sels de potasse. D’autres ont ajouté que des sels de soude font aussi défaut, hypothèse gratuite infirmée par l'expérience. D'abord dans les pays septentrionaux, dans les pays froids et pau- 100 vres de la Russie, les populations qui ne se nourrissent que de lé- gumes et de pommes de terre deviennent souvent scorbutiques. Lind rapporte que dans un voyage de trois mois qu’il fit dans les mers du Nord les marins ne furent nourris qu'avec du bœuf et du porc salé, qu’ils w’eurent pas une seule fois des végétaux frais et que cependant pas un matelot ne devint scorbutique. Dans un auire passage de son livre il raconte que 4,000 marins furent sur le navire le Salisbury; que ce navire avait des provisions de végétaux en abondance et que, après six semaines, 400 devinrent scorbutiques. Cependant l’auteur, dans son livre, déclare que la santé et la vie ne peuvent se conserver sans l’usage de végétaux récents et que l'absence d'aliments végétaux dans l’alimentation est la cause occa- sionnelle du scorbut. Reynolds définit le scorbut uu vice de nutrition spéciale dans la- quelle les végétaux font défaut. La cause du mal est, selon lui, tout eutière dans la privation de légumes, de végétaux frais, tout autre genre d'alimentation lui paraissant insuffisant, et il se fonde sur les nombreuses observations faites dans la guerre de Crimée par diffé- rents médecins, parmi les soldats français etanglais, de 1854 à 1856, et sur celles faites dans les hôpitaux anglais. Comme conclusion, il admet l'efficacité absolue, pour la guérison des malades, du jus de citron, laquelle serait due aux acides organiques qu'il contient à l’état libre ou aux sels acides. La guérison, dit-il, n’est possible qu’à la condition de donner aux malades des végétaux ou des fruits, des citrons, des oranges, des choux, de la laitue, des pommes de terre, des oignons, du cresson, du pissenlit, de l’oseille. M. le docteur Delpech a adopté également les conclusions des mé- decins militaires au sujet de l'efficacité des végétaux frais. Nous ne prétendons pas que la privation absolue des végétaux ne doive pas entrer en ligne de compte parmi les causes du scorbut, mais les faits rapportés par Lind lui-même montrent qu’il peut naître malgré une alimentation composée de végétaux frais. Des épidémies qui se développent en Russie naissent au milieu d'individus qui se nour- rissent de légumes. La privation de végétaux est-elle la cause vraie du scorbut? L'hypothèse de l’abseuce des sels de potasse est com- plétement gratuite. Il est démontré que la viande fraîche en contient une plus grande 101 quantité que le Jus de citron (Liebig) et que des individus dans le régime desquels entrait de la viande fraiche devenaient scorbu- tiques. Les viandes durcies et salées qui composent habituellement le ré- gime des marins ou des armées assiégées fatiguent rapidement les fonctions digestives, dégoûtent les individus; ajoutons à cela que le peu de variété des aliments qui sont à leur disposition contribue à augmenter leur répulsion, et qu'au bout d’un certain temps leur ré- gime devient insuffisant : n'est-ce pas là une des causes fondamen- tales de cette inanition spéciale qu'on appelle le scorbut? Reynolds, comme la plupart des médecins qui se sont occupés de cette ques- tion, ont dénaturé les faits en assurant que la guérison n’est possible qu’à la condition de donner aux malades des végétaux ou des fruits. Nous avons vu en février eten mars, où les végétaux frais font en- core défaut, qu'en nourrissant les malades avec de la viande crue, les scorbutiques guérissaient avec la plus grande rapidité; que ceux qui étaient traités avant notre arrivée à l'hôpital avec du sirop de cochléaria, du citron, ou des médicaments du même ordre ne béné- ficiaient pas de cette thérapeutique hypothétique, et que, du reste, vouloir dans ce cas, comme dans tous les autres analogues, déduire l’espèce morbide de la nature des agents qui peuvent servir à la cu- ration (curalio ostenditnaturam morbi), c’est s’ex poser à des erreurs. Nous avons reconnu que des scorbutiques placés dans de bonnes conditions hygiéniques, suffisamment chauffés, convenablement nourris, tendaient tous à guérir, quel que soit le genre de nourri- ture, pourvu qu'elle soit substantielle. Ce qui empéche et retarde la guérison des scorbutiques, c’est l’état de leurs gencives, de leurs dents. Si on leur donne une alimentation saine et suffisante pourvu qu’elle n’exige pas de mastication, ils se relèvent promptement et reprennent leurs forces. | Les malades que uous avons observés n'étaient pas tous scorbuti- ques d'emblée; ainsi l’un d’entre eux est nourri durant le siége avec du pain, du riz, de la viande de cheval, du café, du rhum etun verre de vin au repas deux fois par jour; c’est là un régime suffisamment varié; mais il se refroidit, contracte une broncho-pneumonie qui le retient au lit durant trois semaines, et à la fin de cette maladie, lorsqu'il est encore alité, apparaissent les premiers symptômes du scorbut, ainsi le régime alimentaire n’a pas suffi pour développer 108 cette maladie; mais lorsqu’à une nourriture insuffisante est venue s'ajouter une autre cause de dénutrition, telle qu'une broncho-pneu- monie, la dégénérescence scorbutique a pu se manifester; nous la- vous guérieavec des soupesetdelaviande en quantité suffisante sans médicaments, sans végétaux. Un autre n’a eu le scorbut qu'après une bronchite aiguë qui a duré un mois. Une alimentation ordinaire a encore sufli pour amener la guérison. Chez un troisième malade le scorbut a succédé à une bronchite et à une diarrhée qui ont duré cinq semaines. Le régime d’un autre, et nous pourrions en citer un très-grand nombre, a consisté en pommes de terre, oignons, lard; il est de- venu scorbutique; il n’a eu à l'hôpital comme nourriture que des soupes, des œufs, des viandes crues, et il s’est rétabli prompte- ment. | Les vieillards de Bicêtre qu’on a envoyés dans notre service lors- qu'ils furent frappés par le scorbut, se plaignaïent tous également de n'avoir pas été chauffés durant les plus grands froids de l'hiver, d'avoir souffert de la faim. Leur régime se composait de 300 grammes de pain par jour, d’une soupe maigre le matin, d'une tasse de bouil- lon avec une cuillerée de riz à midi; de riz le soir avec 7 centilitres de vin. Ils se rétablirent tous avec un régime ordinaire. Que de gens, durant toute la période du siége de Paris, n’ont pas eu de légumes frais ni de végétaux et ne sont pas devenus scorbu- tiques, parce qu’en dehors des végétaux ils ont pu se composer un régime réparateur. En résumé, sans nier l'utilité des végétaux dans l'alimentation habituelle,nous n’admettons pas qu’ils soient indispensables, comme les médecins militaires, comme Reynolds et Delpech, ni qu'ils soient indispensables pour guérir les scorbutiques. Les éléments nutritifs qu'ils contiennent peuvent se retrouver à dose égale dans d’autres aliments; maïs si les aliments sont peu va- riés et se représentent avec une grande uniformité, comme cela ar- rive d'ordinaire aux soldats dans les villes assiégées, aux marins sur les navires, ils inspirent bientôt du dégoût, et les hommes qui travaillent, qui sont exposés au froid, à l'humidité et auraient be- soin d’une nourriture plus riche, w’ont plus la ration suffisante; c'est dans ces conditions de mauvaise alimentation que naît le scorbut. 103 ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Le cadavre des individus morts du scorbut conserve les traces du purpura, des ecchymoses ; si l’on incise la peau là où existent le purpura et les ecchymoses, on trouve le sang épanché dans les bulbes pileux et dans le tissu cellulaire sous-dermique. Vers les bulbes ce n’est qu'un léger pointillé, une petite ecchymose. Dans le tissu cellulaire le sang est en nappe et répandu à la surface des aponévroses. Ces hémorrhagies paraïssent extérieurement avant que la peau ne soit incisée. À mesure que l’on porte le bistouri plus loin, on trouve au milieu de certains groupes de muscles, principalement au niveau des mus- cles du mollet, du sang figé, avec les apparences de la gelée de gro- seille. Il se compose du mélange des hématies avec les autres éléments du sang. Cette gelée de groseille occupe souvent un très-srand es- pace; on la rencontre à la partie interne des muscles de la cuisse, vers la partie interne du coude. Ges épanchements dans le scorbut ne se font pas au hasard et ne sont pas le résultat d’une altération générale du sang qui se déverserait indifféremment dans une partie quelconque du système musculaire. Ils se font là où se produisent les grands mouvements musculaires dans la partie du corps où les muscles sont les plus actifs. C’est ce que Czerja avait observé au pénitentiaire de Prague chez les cardeurs de laine et les ouvriers forgerons ; il avait vu que c’est au bras que ces épanchements se font de préférence. Si l’on examine les muscles baignés par le sang, on s'aperçoit facilement à l’œil nu que la substance musculaire est plus friable, plus cassante, et qu'elle n’a plus sa coloration rosée propre à la fibre saine. La coloration rose fait place à une coloration jaunâtre. Lorsque avant la mort l'individu avait eu de l'hydropysie géné- ralisée, la section de la peau laissait écouler une abondante sé- rosité jaunâtre transparente. La sérosité du péritoine était égale- ment jaunâtre et non rosée. S'il n’y a pas eu hydropisie, il ne s'écoule pas une goutte de séro- sité que l’on sectionne la peau ou les muscles. 104 IL n’y a pas chez les scorbutiques d’œdème proprement dit. Bien que le cœur subisse toujours la dégénérescence graisseuse, celle-ci n’entraine jamais d’asystolie. Ce qu’il faut noter encore, et cela nous paraît fort important, on retrouve sur le cadavre la couche du tissu adipeux sous-cutané que le scorbut ne semble pas diminuer sensiblement. La graisse sous- cutanée ne disparaît pas dans le scorbut à moins qu’une cause de dépérissement spécial ne vienne compliquer la maladie, comme une diarrhée prolongée; alors la graisse disparait entièrement, la peau se ride ; mais dans les cas ordinaires de scorbut, la graisse reste par- tout où on la rencontre d'ordinaire; elle ne se résorbe pas. Si le scorbut est une forme d’inanition, c’est une inanition de nature spéciale qui n’atteint pas, comme dans linanition physio- logique le tissu graisseux tout d’abord. Quelquefois dans le cours de la maladie il se fait des épanche- ments articulaires, principalement dans le genou; on trouve la synoviale recouverte d’une synovie épaissie, sanguinolente ; cette synovie sanguinolente peut exister en l'absence de tout épanchement durant la vie. Les cartilages articulaires restent intacts; nousne les avons trouvés daus aucun cas ni ulcérés ni ramollis. Dans la substance osseuse, du sang est souvent épanché à la péri- phérie de la moelle... Chez un de nos jeunes malades âgé de 18 ans, la clavicule qui s'é- tait fracturée vers l’âge de 3 mois, s’est fracturée de nouveau spontanément quand il était couché; il avait un scorbut de forme grave avec hydropisie généralisée. C’est à ces lésions du système osseux, aux épanchements intra- osseux qu'il faut rapporter ces douleurs osseuses dont se plaignent les malades. Nous n’avons rencontré aucun exemple de carie ou de nécrose. Système musculaire. — Le système musculaire présente desilésions qui ne manquent jamais, et parmi les muscles nous citerons en pre- mière ligne le cœur qui fonctionne sans relàche jour et nuit, offre les lésions les plus graves. Celui-ci tient, avec le concours du sys- tème nerveux, sous sa dépendance la circulation tout entière, puis- que le sang ne circule dans les capillaires qu’en vertu de la force du cœur changée en tension artérielle et influencée indirectement par 105 les nerfs vasculaires. Lorsque cette force diminue dans les cas de dégénérescence graisseuse, le sang n’a plus qu’une circulation ra- lentie dans les capillaires, et de là les dilatations des capillaires, les échanges rendus plus difficiles avec les tissus, et c’est là aussi pro- bablement une des causes de la dégénérescence graisseuse des viscères. La cavité du péricarde peut contenir une plus ou moins grande quantité de sérosité; nous n’y avons pas trouvé de sérosité sanguine ; la séreuse viscérale peut être épaissie et le tissu cellulaire sous- cutané contenir une quantité variable de sérosité. Dans des cas d'hy- dropisie. il y a un véritable œdème des parois cardiaques. Ce qui frappe immédiatement l'attention dans l'examen du cœur, c’est sa mollesse, sa flaccidité, la minceur des parois contrastant avec une dilatation des cavités ventriculaires; il a une hypertrophie ap- parente, souvent il est réellement atrophié et dans les parois et dans son volume total. La substance du cœur est cassante, a perdu son élasticité ; elle se laisse déchirer facilement; mais nous n’avons pas observé de rup- ture spontanée. Les colonnes charnues sont atrophiées comme la substance des parois. Lorsque l’on fait la coupe des parois on remarque immédiatement un contraste entre la coloration de la substance du tiers interne de la paroi et celle du reste de la paroi. La substance cardiaque n’a plus sa coloration rougeâtre normale, mais la coloration jaune est surtout marquée dans les deux tiers ex- ternes bien plus que dans la portion interne. Les colonnes charnues sont également jaunâtres. Les valvules du cœur ne présentent ni ulcérations ni indura- tions ; elles conservent leur poli, leur brillant et leur coloration blan- châtre. Assez souvent les valvules aortiques sont comme chiffonnées : elles présentent des plis; elles n’ont plus d’élasticité, ne peuvent plus se tendre, ni servir à obstruer l’orifice aortique ; c’est ce que l’on constate directement. Lorsque l’on essaye de verser de l’eau par l'aorte, cette eau s'écoule à travers l’orifice avec la plus grande facilité. L'altération des qualités physiques des valvules aortiques ne se rencontre de la même manière dans aucune autre maladie et semble MÉM. 18/1. 8 106 se rattacher à la dégénérescence graisseuse du cœur. Elle avait été déjà en partie signalée par Stokes ; cette altération n’est que passagère, et le bruit de souffle de deuxième temps à la base disparaît vers la fin de la maladie. Stokes avait indiqué un bruit de souffle au premier temps à la pointe comme la plus habituelle dans les dégénérescences graisseuses. Nous n'avons trouvé ce bruit que très-exceptionnel- lement. Cette forme d'insuffisance aortique ne ressemble en rien par sa symptomatologie à l'insuffisance aortique ordinaire, ellene s’accom- pagne ni de symptômes cérébraux ni de palpitations ; elle ne se com- plique jamais d’asystolie ainsi que nousl’avons déjà dit; du reste, pour se rendre compte de ces faits, il suffit d'ajouter que les parois car- diaques sont atrophiées et non hypertrophiées. La membrane externe de l’aorte est blanche et n’est pas couverte d’incrustations ni d’ul- cérations. Les oreillettes contiennent des caillots mous qui s'étendent jus- qu'aux ventricules, ou bien les ventricules et principalement le gauche peuvent renfermer des caillots blanchâtres, épais, élastiques, imbriqués dans les colonnes charnues du cœur; ces caillots sont fortement adhérents à la surface interne du cœur, et on ne les dé- tache pas sans les déchirer. Ces caillots, quand ils existent, sont plus ou moins anciens, recou- verts de caillots rougetres, mollasses plus récents. Les caillots blancs sont formés de fibrilles entrelacées; ils se ré- pandent à la surface des valvules auriculo-ventriculaires, et peuvent être une des causes de mort dans le scorbut. Ges caillots, qui avaient déjà été observés par Louis, par Rouppe (De morbis navigationi), par Andral, par Fauvel (ARCH. DE MÉD., 184.), par Becquerel et Rodier, contredisent l’idée que se font la plupart des médecins du scorbut. Nous trouvons, en effet, dans les auteurs classiques, le scorbut placé à côté de la maladie de Werlhoff, de l’hémophylie, et l’on considère les principaux symptômes de la maladie comme dus à la fluidité du sang, à la diminution de l’albumine, à la diminution de fibrine et à une véritable dissolution des globules. Ces caillots jurent avec l’hypérinose généralement admise; nous verrons plus tard que l'hypothèse de l’hypérinose était fondée sur des expériences inexactes. La formation des caillots est d’origine purement mécanique; dans 107 le scorbut le caillot est dû au ralentissement des battements du cœur; pour les mêmes raisons on trouve dans les vaisseaux des caillots. Les vaisseaux nous ont toujours paru intacts. Si on examine la fibre musculaire du cœur au microscope, on trouve des lésions de la fibre à divers degrés. Les éléments granulo-graisseux se déposent tantôt au centre de la fibre, tantôt à la périphérie sur les bords du sarco- lemme par groupes plus ou moins étendus. Ce sont tantôt des gra- nulations noirâtres opaques, tantôt des globules graisseux de dia- mètre variable. Les stries musculaires disparaissent là où sont accu- mulés ces éléments de nouvelle formation, ou bien il reste comme vestiges des stries, des lignes noirâtres, d’une certaine largeur, as- sez distancées et qui n’ont plus d'autre analogie avec les stries que leur direction transversale. Les globules graisseux augmentent de volume, le sarcolemme dis- paraît, et ils passent dans la fibre voisine dont l’une des parois est également résorbée. Dans certains points des fibres tout entières disparaissent et sont remplacées par des granulations graisseuses. Après le cœur, l’un des premiers groupes musculaires atteints de la dégénérescence graisseuse est le groupe des muscles sacro-lom- baires. La plupartdes malades, dès le début, se plaignent de douleurs poignantes dans les masses sacro-lombaires, ou bien sans ressentir de douleur sont incapables de s'asseoir dans leur lit. Chez l’un de nos malades mort de scorbut, nous avons pu examiner les muscles sacro-lombaires; les fibres avaient complétement perdu leurs stries, le sarcolemme dans un grand nombre avait même disparu; il ne res- tait que des lignes longitudinales très-espacées, remplies dans leur intervalle de granulations et de globules graisseux. C’est dans les muscles du mollet que l’on trouve ensuite la dégé- nérescence la plus avancée. C'est là aussi que se rencontrent le plus souvent les épanchements sanguins lorsque le scorbut survient chez des soldats ou des marins qui se tiennent debout la plus grande par- tie de la journée. Les épanchements sanguins se produisent par rupture des capil- laires dilatés dans les muscles qui sont le siége de contractions répétées. Après les muscles du mollet, il faut placer ceux de la cuisse moins dégradés. Nous avons constaté des éléments granulo-grais- seux dans les muscles intercostaux également. 108 Les muscles droits de l’abdomen ne présentent aucune lésion. La dégradation du muscle est proportionnée à son activité; la lésion paraît augmenter à mesure que la maladie se développe; le cœur est atteint dès le commencement, et l’on peut observer des cas où les mouvements des membres inférieurs sont complétement impos- sibles. Si on ne portait une attention suffisante on pouvait croire qu’il s'agissait d’un paraplégique par lésion de la moelle; ce n’était là qu’une paraplégie musculaire. Cavité thoracique. — Nous n'avons trouvé de sérosité épanchée dans la cavité thoracique que dans le cas d’hydropisie généralisée. La sérosité était jaunâtre, claire, transparente et accumulée en assez grande quantité. Dans un autre cas nous avons rencontré une pleurésie sèche avec des fausses membranes épaisses superposées, rougeâtres, impré- gnées de sang. Ges fausses membranes adhéraient à la fois au pou- mon et aux côtes. En les détachant on retrouvait le poumon parfai- tement sain et les parois thoraciques intactes. Les poumons étaient généralement sains, mais imprégnés à leur surface et dans leur pro- fondeur de taches pigmentaires. La congestion à la base n’était pas rare; mais nous n'avons pas observé de tubercules dans les pou- mons des scorbutiques, et c’est là un fait intéressant sur lequel nous insistons. Dans la période du siége un grand nombre d’indivi- dus mal nourris et exposés aux intempéries de la saison sont deve- nus tuberculeux : ceux qui deviennent scorbutiques ne sont pas tuberculeux. Nous ne parlons que d’après notre expérience per- sonnelle. La fatigue, la mauvaise nourriture déterminent tantôt la fièvre ty- phoïde, tantôt la phthisie pulmonaire, tantôt le scorbut ou bien en- core la maladie de Bright, etc. Organes digestifs et glandes annexes. — Ge sont les gencives qui sont surtout affectées dans le scorbut; quelquefois elles sont at- teintes dès le commencement, mais le plus ordinairement l’altéra- tion des gencives n’est que postérieure à celle du cœur et des mem- bres inférieures. La lésion gingivale n’est qu’une dégénérescence graisseuse ; au microscope on coustate une multiplication de l’élé- ment épithélial avec une production énorme de globules jaunâtres purement graisseux. À l’œil nu on constate que les gencives se bour- souflent, se ramollissent, s’ulcèrent; consécutivement il se déve- 109 loppe vers le collet de la dent des fongosités plus ou moins volumi- neuses. Nous décrirons les altérations des gencives dans le chapitre de la symptomatologie, auquel nous renvoyons le lecteur. La muqueuse de l'estomac est souvent rouge par suite de la dila- tation des capillaires pleins de sang. Les autres membranes, cou- vertes de petites ecchymoses, ne nous ont présenté rien d’anormal. Les glandes stomachales sont saines, La muqueuse de l'intestin grêle du gros intestin est également rouge. Les capillaires y sont dilatés. Nous avons constaté cette dila- tation dans un cas de mort par diarrhée incoercible; nous avons trouvé également chez le même individu quelques ulcérations très- superficielles dans le gros intestin; ces ulcérations sont irrégu- lières et se distinguent facilement des ulcérations tuberculeuses. Dans un cas de mort par coagulation sanguine dans le cœur, la muqueuse de l’estomac et de l'intestin était blanchâtre et décolorée. Les autres membranes de l'intestin n'étaient pas modifiées. On rencontre aussi, dans les cas de rubéfaction de la muqueuse in- testinale, de petites ecchymoses à la surface de la muqueuse; les glandes de l'intestin, celles de Brunner, les plaques de Peyer, exa- minées à l’œil nu et au microscope, ne présentaient aucune altéra- tion. Les glandes mésentériques ont leur volume normal. Ce qui est le plus fréquent, c’est la décoloration des muqueuses de l’estomac et de l'intestin. Le tube digestif échappe à toute lésion denature grave. Aussi, chez les scorbutiques, l'appétit est conservé, les digestions sont faciles, et le symptôme le plus ordinaire est la constipation. Le foie est toujours gras ; il arrive à des degrés de dégénérescence variables ; nous l’avons trouvé complétement jaune dans un cas, comme dans la phthisie pulmonaire la plus avancée. La capsule est épaissie, présente des lignes blanchâtres, opaques, qui divisent la surface en plusieurs grands îlots. La substance du foie est ordinai- rement ramollie, et l’on ne peut détacher la capsule sans enlever la substance hépatique. L'organe est en général hypertrophié dans le sens du diamètre antéro-postérieur. Il peut l'être selon le diamètre longitudinal. Si l’on fait une section du foie, on voit alterner des ilots de sub- 410 stance jaune avec la substance rouge. La substance jaune prédomine : par la pression du foie ou ne fait sortir que très-peu de sang. L'examen microscopique montre que les cellules arrondies sont remplies de globules graisseux. L'état graisseux entraîne la gêne de la circulation de la veine porte et de la sécrétion biliaire. De là les hyperémies de la mu- queuse gastro-intestinale et la diarrhée qui arrive à la fin de la maladie. L'état graisseux du foie qui se rencontre dans les maladies con- somptives, dans l’alcoolisme, dans la tuberculose, ne s'accompagne pas d'ordinaire d’une hypertrophie de la rate. Dans le scorbut, au contraire, la rate est presque toujours doublée ou triplée; une seule fois elle pesait 10 grammes; elle avait subi une atrophie considérable, elle adhérait au diaphragme. La capsule est épaissie habituellement, parsemée de lignes blanchôtres, et la substance est complétement diffluente. Le rein est dégénéré à des degrés variables comme le foie. Dans une de nos autopsies il était tout à fait jaune comme de la cire fraiche. Son volume s’éloigne peu de la normale. La capsule se détache facilement; à la surface du rein, séparé de sa capsule, se dessinent des arborisations multiples qui englobent des portions complétement jaunes. L’écorce du rein est jaune et envoie entre les pyramides de Malpi- ghi des prolongements jaunâtres. Les pyramides de Malpighi se des- sinent par des lignes rougeâtres correspondant aux vaisseaux di- latés. Les tubes rénaux ont conservé leur volume, sont parsemés d’épi- théliums graisseux remplis de granulations graisseuses. Les glomé- rules ont également un épithélium graisseux. De distance en distance on observe dans la substance du rein de petits foyers hémorrhagiques. Dans aucun cas nous n’avons observé de lésions du système ner- veux central. | ANALYSE DU SANG. C’est à notre savant ami le docteur Ghalvet que nous devons les analyses du sang ; c’est à lui que nous devons la plupart des détails contenus dans ce chapitre relatifs aux faits chimiques. ai Les opinions des auteurs sur les altérations du sang dans le scor- but se divisent en deux groupes bien distincts. Rochoux considère les désordres du scorbut comme le fait d’une altération profonde dans la composition chimique du sang. Le sang, dit-il, est fluide et se prend difficilement en caillot, et la formation du caillot ferme et de la couenne dans quelques cas ex- ceptionnels n’est due qu'à la coïncidence de prétendues complica- tions inflammatoires. Pour Broussais, le sang est à la fois épaissi et dissous par un prin- cipe àcre et alcalin, modifiant surtout la fibrine et la gélatine. Ce sont là des déductions purement théoriques, qui ne doivent être rappelées que comme documents historiques. Dans les analyses faites il y a également des contradictions. An- dral (1) a affirmé que la diminution de fibrine est la lésion caracté- ristique du scorbut et la cause des hémorrhagies. Voici les chiffres donnés par Andral : EDITOR NN RNEAUE AA Us NE aie 1,6 Glopules ete ten e D A EE 119,0 Matières solides du sérum. . . .,. , . . . . 86,0 LU SRG RENE EN Sn ie STORE Becquerel et Rodier (1845), dans leur relation analytique du scor- but de la Salpétrière, trouvent une augmentation sensible de la fibrine et une élévation notable du chiffre des globules qui a pu at- teindre 176,21. Après ces résultats contradictoires, Andral et Gavarret ont repri la question et ont donné le tableau suivant, qui nous paraît plu conforme à la vérité: Globules er Peu elle ele 44,400 Matières solides du sérum. . ... . . .. 76,554 AUS NN SN ANUAAN 2 AMIE IE OL PAPA AURAS 874,826 Niemeyer s'exprime ainsi (2): On a prétendu que dans le scorbut la fibrine est diminuée ou qu'elle a perdu sa plasticité; d’autres ont prétendu que les sels de (1) Essais d’hématologie pathologique. (2) Pathol. interne, t. II, p. 842. 1 112 soude ont subi une augmentation et les sels de potasse une diminu- tion, mais aucune de ces hypothèses n’est confirmée par l'analyse chimique. La pathogénie de la maladie se ressent de ces opinions si diverses. Pour les uns, elle est tout entière sous la dépendance de la fluidité du sang -par diminution de la fibrine. Pour Niemeyer et ceux qui n’attribuent pas aux lésions du sang une importance réelle, la plupart des symptômes, et surtout les hé- morrhagies, sont dus à un état pathologique des parois des capil- laires. En présence de ces contradictions, il a fallu reprendre la question au point de vue histo-chimique. Le microscope ne nous a rien appris de particulier. Nous n’avons pas constaté, comme Laboulbène, une augmentation insolite de globules blancs (1). Nos observations physiques concordent avec celles de Hayem, qui n’a trouvé aucune altération microscopique appréciable du sang pendant la vie (2). L'analyse chimique donne au contraire des résultats d’un grand intérêt, Quand on fait une saignée de 30 à 40 grammes de sang divisés en deux échantillons pour les besoins de l’étude, on constate que le saug coule facilement en nappes, qu’il est séreux. Gette fluidité, au moment de la phlébotomie, est surtout manifeste quand on fait cou- ler le sang en bavant sur la peau de l’avant-bras, lieu d'élection pour les soustractions de sang destinées à l'analyse. Cette fluidité ne favorise nullement l’hémorrhagie. Il ne coule plus dès qu’on cesse la compression, et jamais la saignée ne repart comme dans certains cas de variole hémorrhagique et de l’ictère grave. Nous avons à plusieurs reprises fait appliquer des ventouses, et le sang s’est arrêté comme dans les cas ordinaires. La fluidité ne peut rien faire préjuger sur le chiffre de la fibrine et la rétractilité du caillot. En effet, quelques minutes après la sai- gnée, le sang s’est pris en caillot très-serré. (1) Académie des sciences, 1871. (2) Société de biologie, 1871. 113 Ce phénomène est si accentué qu'avec peu de sang on retire beaucoup de sérum, plus de la moitié du poids total de la saignée. Ce sérum est parfaitement limpide, tandis que le caillot, petit et rétracté, forme une sorte de sphère noyée au fond de la sérosité. Cette première constatation de visu, dureté et petitesse du caillot, devait indiquer déjà la diminution du chiffre des globules et la per- sistance dans le plasma d’une quantité notable de plasmine concres- cible ou fibrine. Comme dans ce genre d'étude, les faits seuls ont toute autorité, indiquons d’abord le résumé d’une première analyse du sang du malade de l'observation VI. Le malade était à la période la plus grave du scorbut,; il ne pouvait ni s'asseoir dans son lit ni remuer les jambes, et sa physionomie exprimait l’état cachectique. Nous placerons en regard les chiffres du sang d’une femme ro- buste, enceinte de sept mois; ces chiffres représentent à peu près l’état normal. Première saignée Femme enceinte scorbutique. de sept mois. SANTE CMENEMONRRENE RE PR ANN ÉNTR ES D SAS TO 225 Matiernes salides he CS AE DOS 020047 Galobisec 1... . ne PNR ONTO ESS TON 00 Abuminenie eneleUe e ie 00 MONT RRO DE ENT NTE SACTAIO CD DUIES MARINS EME EE GO DAS PES MP FIGE QAR ER RTS ARS ONE 2,162 Matières extractives. . . . . . . .. TRS TAPER 9,313 Matières entraînées successivement LMPU 8,013 par l’alcool absolu. . . . . . . .. 10,312 | TEA NOTEN EN NAN EAN ARENA CE IRER DPI RE TA E 1,300 Gendres du calloté} 424404 00 D DOON AA QUE 5,691 Peroxyde de fer des globules. . . . 1000 AE 2,259 Potassium des globules. . . . . . .. EU EN AU 0,625 La fibrine chez la femme enceinte est ici au-dessous de la moyenne sénéralement représentée par 2,50. Le fait est exceptionnel, sur- tout à cause de l’état de gestation, condition favorable à l’hyper- inose. Le docteur Chalvet a plusieurs fois constaté cette infraction à la règle générale et croit pouvoir rattacher cette particularité à l’excès des principes minéraux qui existent dans le sérum. En étudiant les chiffres de ce tableau on observe une augmenta- A4 tion absolue de la fibrine, une diminution absolue des globules rou- ges et une augmentation relative de l’albumine, dernier fait extré- mement remarquable qui ne permet pas de confondre cette dyscrasie avec les anémies ordinaires où tous les principes organiques du sang sont plus ou moins proportionnellement diminués. L'augmentation de la fibrine n’est pas contestable, elle est démon- trée par le dosage direct qui ne laisse pas de place à l'erreur. Du reste l'hyperinose a été affirmée par tous les auteurs compétents. Lind déclare avoir fait beaucoup de saignées chez les malades at- teints de scorbut et avoir trouvé, même à la dernière période, le cail- lot ferme et compacte, souvent couvert de ce tissu blanchâtre qu’on appelle la couenne du sang. Cette question incidemment traitée dans le System of medicin de Reynolds est résolue dans le sens de l’hyperinose. « Les épanche- ments qui occupent une place si importante dans la terminaison fa- tale du scorbut sont essentiellement constitués par de la fibrine plus ou moins colorée, par des globules de sang. On a donné à ces sortes de dépôts le nom de formations scorbutiques. » M. Andral lui-même est revenu de sa première affirmation et a reconnu comme Bosk, Stœber, Prus, Becquerel et Rodier (1847), Fauvel, Ghalin et Bouvier (1848), que l'augmentation du chiffre de la fibrine coïncide avec un caillot très-ferme, nageant dans un sérum limpide. D’après ces témoignages conformes aux analyses de Ghalvet, il pa- raît actuellement acquis à la science que la fibrine, loin d’être dimi- nuée, est augmentée dans la période d'état du scorbut. Le dosage des globules présente des difiicultés telles que les au- teurs n’ont donné jusqu'ici que des chiffres approximatifs, soit qu’on ait dosé ces éléments à l’état sec, soit qu’on les ait pesés à l’état hu- mide. Chalvet a commencé par déterminer le poids des globules secs, suivant la méthode ordinaire qui consiste à porter à leur avoir les matériaux coagulables après défalcation de la fibrine et de l’albu- mine. Le grave reproche que mérite ce procédé est d'attribuer au sérum toute l’eau du caillot, ce qui n’est pas exact. Cependant, comme les autres méthodes d'analyse sont encore plus infidèles, il a eu recours à celle-ci; mais il a eu soin de lui donner 115 une valeur scientifique incontestable, en prenant directement le per- oxyde de fer et indirectement le potassium qui font partie consti- tuante des globules rouges. Un coup d’æil jeté sur la fin du tableau ne permet pas de mettre en doute le fait de l’hypoglobulie, attendu que l’on y voit les prin- cipes minéraux des hématies représentés par des chiffres qui ont subi des diminutions proportionnelles. Le même examen du tableau indique une élévation relative du chiffre de l’albumine. On verra dans le tableau de l'analyse comparée du sérum qu’un même poids du plasma scorbutique contient un peu moins d’albu- mine que le sérum normal analysé parallèlement. Cette différence est due au fait presque caractéristique du sang des scorbutiques, que pour un poids déterminé du sang des malades, il y à beaucoup de sérum et peu de globules. On comprend pourquoi 1,000 grammes de sang scorbutique ren- ferment plus d’albumine que 1,000 grammes de sang normal, bien que 1,000 grammes de sérum scorbutique soient un peu moins ri- ches en albumine que 1,000 grammes de sang physiologique. On est tenté de chercher des rapports entre l’absence habituelle de l’albuminurie chez les scorbutiques, la rareté des infiltrations ‘hydropiques et la conservation du chiffre élevé de l’albumine du sang. Chalvet a analysé également la sérosité extraite des membres in- férieurs par de simples ponctions dans un cas d’hydropisie généra- lisée, en ayant soin de ne prendre qu’un liquide limpide et transpa- rent, sans mélange de globules sanguins. La sérosité prend quelquefois, sous l'influence prolongée de la lu- mière, une coloration rouge sombre, particularité qu’on rencontre dans la sérosité du scorbutique et non dans celle de la maladie de Bright, et des affections du cœur. Chalvet se demande si la présence dans cette sérosité de la globu- line et de la plasmine sous diverses formes ne pourrait expliquer le changement de couleur. De nouvelles recherches sont nécessaires pour la solution de ce dernier problème. Après l’analyse du sang complet, il a étudié parallèlement le sé- rum scorbutique et le sérum normal. 116 Sérum scorbutique, Sérum de la femme enceinte. Faure Era 906 RENTE ME S80 Matières solides. . « . . . 94 | tete LATE O AAA Albumine et plasmine. . . 10 70 PANNE 19,25 Matières albuminoïdes non coagulables. . . . . .. SN MOULE HOUSE Le 2,50 Matières dites extractives. 6,00 PATES NT 11225 Matières minérales. . . . . ON dE lee be 18,00 À première vue, ce tableau semble en contradiction avec les ré- sultats consignés dans de premier. On peut se demander comment des matières extractives en excès pour le sang normal du premier tableau (11,314, 9,313) sont repré- sentées dans l'analyse du sérum par un chiffre inférieur (6,00, 11,25). Rien ne nous semble plus facile à expliquer. Nous avons vu que la fibrine du sang scorbutique retenait dans ses mailles une grande quantité de granulations amorphes. Ces granulations ont été dissou- tes par l’alcool dans l'analyse du sang complet; le sérum au contraire se trouvant dépouillé de ces granulations, doit fournir moins d’ex- trait alcoolique ou matières extractives. Quant au sang de la femme enceinte qui a servi d’étalon pour les analyses, on comprend que le chiffre s'élève de 9,315 à 11,25, attendu que dans la seconde analyse on opérait sur une plus grande quan- tité de sérum et que le sérum tenait en dissolution les matières so- lubles dans l’alcool et l’éther. La particularité la plus remarquable du dernier tableau est re- lative à la diminution des matières minérales représentées par 7,50. Il est vrai que le chiffre correspondant du sang normal repré- senté par 18 est bien au-dessus du maximum physiologique, à cause de l’état de gestation du sujet qui a fourni le sérum. Il n’en reste pas moins établi que ses principes sont en baisse, car le chiffre normal varie entre 11 et 12 grammes par 1,000. Chalvet fait remarquer comme corollaire de cette dernière con- statation que les principes minéraux sont en baisse aussi dans les muscles. Deux analyses soigneusement conduites ‘lui permettent d'affirmer que les muscles des scorbutiques sont considérablement déminéralisés, pauvres en principes extractifs, déchets du travail musculaire, et que la musculine n’a pas sensiblement changé de proportions. 117 Plaçons maintenant en regard de l'analyse du sang l'analyse de l’urine faite par le même chimiste. Ce sont les urines du même malade qui ont servi pour l'analyse, et elles ont été prises le même jour que le sang. Urines à la période d’état du malade (obs. VI). Eau L2 e e e e © [2 ee e e e e QMete Le l'ette. le e e e e L2 C2 e e. L2 . e 950,50 UE EEL (ETO)0 (6 (ESSAI LENS LE CON SUR EE LL BAR CE QE E BAS DS RUN BE NL CES EU 49,50 Matières solubles dans l’alcool absolu Tan RATE j ie Matières albuminoïdes ou colloïdes. . . . . . De US HONDA RE 0 Matières minérales. . . . . D ES ER PL A AN NN an An AUS (0) Do, Ce tableau nous fait voir que les urines sont peu riches en urée, qu'elles contiennent beaucoup de matières albuminoïdes et de prin- cipes minéraux. On peut conclure que dans le scorbut la machine organique se dé- minéralise, qu’elle se désagréce particulièrement bien plus qu’elle ne brûle : de là l'absence de fièvre proprement dite dans le scorbut. Les altérations caractéristiques du sang des scorbutiques sont l’hyperinose, l’'hypoglobulie et la déminéralisation, mais elles ne sont que passagères quand elles n’ont pas dépassé une certaine limite- Pour le démontrer il suffit d'indiquer l'analyse du sang du même scorbutique faite trois semaines après la première, au moment où, par l'effet d’une bonne alimentation, il arrivait à la convalescence. Période de convalescence. Deuxième saignée, Première saignée, 30 mars 171 période d'état de convalescence . IDE 01 0 oaeN 4 ES CID ETS CN EG ÉRr Ge AN ne RENUO Matiéresisolides. 100.000 7208606300 M5 17508 CHA NSEC EN Ce ARMMOMMIGO ES) AMEN 140,194 AIDUTMnE Ne Ne INC GR D ADR NPA re 72,304 GObulES ME ES RCE EU 63,548 ARINEs EN A USE Paie ete oi IH 2 4,342 Matières extractives. . . . + . T0 OS RATS TA Matières entraînées par l’al: CO0NADSOlUE EE 000 PARMI SON MORE 10,312 Matières entraînées par l’é- (ER ANNEES se Hoite Peu ATOME Een 1,002 Cendres du caillot. . . « . . « (EE) NN AE 0 3,000 Peroxyde de fer des globules. OBS EUPUNRS 1,060 Potassium des globules. .. . DÉS Dia Die 0,329 118 L'inspection de ce tableau permet de constater la régénération rapide des globules rouges dans le scorbut. On doit remarquer les chiffres des cendres du caillot, du peroxyde de fer et du potassium des globules. Si l’on compare ces chiffres avec les chiffres correspondants de l'état normal, on voit que les globules rouges sont loin d’avoir la même minéralisation pour un même poids de ces corpuscules. Le potassium ou plutôt le phosphate de potasse et le chlorure de potassium sont en excès, et de beaucoup, sur le fer dans la com- position des ne de cette seconde analyse du malade conva- lescent. Le sérum a peu changé; il suffira d'indiquer les résultats de l'analyse pour pouvoir commenter les chiffres. Sérum. Convalescent. Période d’état. Deuxième saignée. Première saignée. Eau. e ®e ee ee + + ee e L] . e e 902 e e L L2 e e 906 Matières solides. .. . . .. 98 VE 94 Albumine et plasmine. . . 8,16 ...... 76,75 Matières albuminoïdes non COASMIADIES PANNE se RP NE QUE : 3,1 Matières extractives. . . . 6,2 RE AE 2e 6,00 Matières minérales. . . . . SON CAN An 7,50 Enfin, pour compléter le travail, prenons encore les chiffres de l’analyse des urines chez le même malade faite à l’époque de la se- conde saignée. Urines. Convalescent. Période d'état l DU AE | PT SANENR HARMEOSR0N0097 OU SN 950 Matières solides. . . . . .. LCQNNIOS AG AE 49,50 Matières solubles dans l'alcool . , . 42 URÉCR LS ONE EE NES NOR LO COMPARE 9,60 Matières extractives. . . . . . . . . 2H A0NE ES Eee 12,90 Matières albuminoïdes ou calloïdes. 11 : Matières minérales. , . « « o « « + » 10 RE 19,50 119 SYMPTOMATOLOGIE. Ce n’est, en général, qu'après deux mois en moyenne d’une ali- mentation insuffisante et de mauvaises conditions hygiéniques que la maladie s’est développée chez la plupart de ceux que nous avons observés. On peut distinguer deux périodes dans l’évolution des symptômes : La première se rapporte à la dégénérescence des tissus et la deuxième à leur régénération. Les premiers signes de l'invasion sont la fièvre, la faiblesse et la douleur dans les reins, dans les membres inférieurs, dans les di- verses articulations dans les os. La fièvre paraît, dès le début, pendant quatre ou cinq jours ou quelquefois une quinzaine, ce qui est exceptionnel. Elle n’a jamais eu, dans aucune de nos observa- tions, de caractère grave. C’est toujours sous la forme intermittente qu’elle se présente. Elle commence le soir, dure la nuit, se compose de trois stades de la fièvre intermittente et disparaît au matin. Très- souvent, si elle n’a pas paru comme symptôme du début, elle se montre dans le cours de l'affection ou vers la fin. Nous l’avons tou- jours vue céder facilement à une petite dose de sulfate de quinine. Symptômes. — Un des symptômes habituels du début, ce sont les douleurs et la faiblesse des reins. Les malades se plaignent de dou- leurs vives dans les muscles sacro-lombaires, à la partie inférieure; elles sont limitées à cette région, et nous n’avons vu que dans un seul cas leur irradiation en ceinture; les douleurs semblent siéger dans les muscles eux-mêmes. Ce n’est pas toujours de douleurs que se plaignent les malades; celles-ci peuvent complétement faire dé- faut. Ils accusent de la faiblesse dans les reins, et cette faiblesse peut être telle que nou-seulement ils ne peuvent pas se tenir debout, mais même s’asseoir dans leur lit. Cette impuissance se manifeste d'ordinaire dans un moment plus avancé de l'affection, et ne man- que jamais dans les formes graves. La douleur et la faiblesse des reins n’existent pas dans tous les cas; mais le symptôme qui se présente toujours au début, c'est la faiblesse dans les genoux, dans les jambes. Le patient se plaint de ne plus pouvoir se tenir debout, empêché soit par la faiblesse 120 musculaire, soit par les douleurs qu’il ressent dans les muscles ou dans les articulations des membres inférieurs. Les douleurs articulaires peuvent se généraliser et étre ressenties aussi bien dans les articulations des membres supérieurs, à l'épaule, au coude, au poignet, dans les articulations des phalanges que dans celles du genou ou des pieds. Ces douleurs, au début, peuvent en imposer pour des douleurs rhumatismales ; elles ne s’accompagnent ni de rougeur ni de gon- flement des articulations. Dans le cours de l'affection, on trouve quelquefois des épanchements articulaires du genou. Elles peuvent être si violentes qu’elles arrachent des cris au ma- lade; c’est ce que nous avons observé dans un cas. Ces douleurs ne restent pas bornées aux articulations; elles se propagent dans la continuité des os, et surtout dans le système mus- culaire. Les masses musculaires des membres inférieurs le plus souvent, des membres supérieurs plus rarement, sont douloureuses au palper et à la pression; ces douleurs s’exagèrent dans tout effort de con- traction musculaire. Lorsqu'il reste au repos absolu dans la position horizontale, le scorbutique ne souffre pas. La seule espèce d’hémorrhagie du début chez nos malades a été l’hémorrhagie nasale. Gette hémorrhagie se produisait deux ou trois fois par jour durant quatre ou ciuq jours. puis elle disparaissait ; le plus ordinairement il n’y a pas eu d’épistaxis, et dans la grandeépi- démie que nous avons pu suivre, nous n'avons jamais rencontré d’hémorrhagie d’une autre espèce, ayant un caractère de gravité, et je pourrais dire, me fondant sur mon expérience personnelle, que les hémorrhagies primitives n’existent pas dans le scorbut. Lorsque la maladie est arrivée à son plein développement, elle se caractérise par une trilogie symptomatologique : 1° Les taches hémorrhagiques ; 2 Les phénomènes cardiaques; 3° Le ramollissement des gencives. 1° Taches hémorrhagiques. — Les taches hémorrhagiques sont de deux espèces, ou bien du purpura, ou bien des ecchymoses. Le purpura occupe toujours les follicules pileux. Le purpura a une coloration qui varie depuis son apparition jusqu’à sa disparition. 121 D'abord rouge, son éclat va eu diminuant, et vers la période de guérison, la coloration rouge est souvent remplacée par une colora- tion noirâtre, qui disparaît complétement vers la fin de la maladie. Ce purpura, le plus ordinairement, n’occupe que les membres in- férieurs et ce n’est qu'exceptionnellement qu’il y est confluent. La quantité en est très-variable ; tantôt très-peu de taches limitées aux jambes ; tantôt on les rencontre à la fois sur la peau de la cuisse et la peau de la jambe; aux bras il est beaucoup plus rare, et, quand il s'y trouve, c’est généralement à l’avant-bras. Nous n’en avons trouvé aucune trace ni sur l'abdomen, ni sur le thorax, ni sur la peau du visage. Le purpura peut être le seu: symptôme hémorrhagique du scorbut, mais bien souvent il s'accompagne d'infiltration sanguiue, de larges ecchymoses. Ces ecchymoses peuvent être étendues à une partie de la cuisse et de la jambe; on peut les rencontrer au niveau du bras : d’une colo- ration foncée, blanchôtre, noirâtre, elle passe par les diverses teintes des épanchements sanguins qui tendent à la résorption. Le purpura et les ecchymoses sont les deux formes d'hémorrha- gies sous-cutanées perceptibles à l'œil; mais les épanchements ne se font pas seulement dans la peau, daus le tissu cellulaire sous-cutané, il s’en fait également dans les muscles qui ne peuvent être perçus que par le palper. Ces épanchements sanguins dans le muscle aug- mentent le volume du membre, durcissent les parties molles, ten- dent la peau, et au toucher on constate une dureté générale qui est toujours accompagnée de douleurs. Gette induration peut se ren- contrer dans la cuisse, dans le mollet, dans le bras; elle empêche toute espèce de mouvement, et c’est un des symptômes qui tourmen- tent le plus le scorbutique. À mesure qu’il marche vers la guérison, cette induration diminue, la souplesse revient dans les parties mol- les ; très-souvent il reste une contraciüure de la jambe de la cuisse; le malade ne peut l’étendre, et ce n’est qu'à l’aide de frictions et d'exercices musculaires que la jambe récupère la liberté des mouve- ments. Les ecchymoses ne se produisent pas dans une partie quelconque du membre, mais toujours au niveau de la flexion, c’est-à-dire dans le creux popiité, à la partie interne des cuisses, à la partie interne du coude. On trouve également des hémorrhagies musculaires dans les MEN. 1871. g 122 parties correspondantes. Il ne se fait d’ecchymoses ni sur la peau de l'abdomen ni sur la peau du thorax, mais il s’en forme d'ordinaire dans les bubons ulcérés, dans les cicatrices anciennes, partout où la peau est amincie. 2° Les phénomènes cardiaques. — Les phénomènes cardiaques pa- raissent dès le début. Le malade se plaint de douleurs au niveau de la région du cœur. Ces douleurs s’irradient quelquefois autour du thorax ; d’autres fois, ce sont les cas exceptionnels, il se plaint de palpitations. Le plus ordinairement il accuse une faiblesse qui l’em- pêche de se tenir debout; l’impossibilité de la station n’est pas due toujours à la faiblesse des jambes, mais aux menaces de syncopes auxquelles il peut être en butte. La difficulté respiratoire sur laquelle Lind et les auteurs anciens ont tellement insisté est l’un des symptômes caractéristiques de l’af- fection. Elle n’est due à aucune altération pulmonaire ; elle a sa rai- con tout entière dans la dégénérescence cardiaque. Lorsqu'on applique la main sur la région cardiaque, il est impos- sible de sentir l'impulsion du cœur. Lorsqu'on applique le sthétoscope, on constate une faiblesse exces- sive des bruits cardiaques; souvent il est difficile de distinguer les deux bruits, et l’obscurité est aussi grande à la base qu'à la pointe. Le nombre des battements est toujours exagéré; c’est exception- nellement qu'il est de 60 par minute; la moyenne des battements est de 90. On trouve de 110 jusqu'à 120 pulsations. Dans un assez grand nombre de cas ce sont les seuls phénomènes que présente l’auscultation du cœur; mais bien souvent on perçoit un bruit de souffle au deuxième temps à la base (l’insuflisance aor- tique). Ge bruit de souffle ne paraît que quand la maladie est en pleine évolution et disparaît quand le malade marche vers la gué- risOn. Du reste, les tracés sphygmographiques montrent bien les varia- tions cardiaques au fur et à mesure de la guérison. Ce bruit de souf- fle au deuxième temps est dû, ainsi que nous l'ont montré les au- topsies, à ce que les valvules, ayant perdu leur élasticité, ne peuvent plus obstruer l’orifice aortique. Le bruit de souffle est quelquefois double et se présente au pre- mier et au deuxième temps. On entend au premier et au deuxième temps un bruit de souffle. Le pouls est régulier, fréquent, diacrote, 123 et ses battements correspondent exactement aux battements du cœur. Il est souvent d’une faiblesse telle qu’on a peine à le perceveïr avec la main. La moyenne des pulsations par minute est de 90, 25 février, — Premier type du pouls du scorbutique. 24 février. — Deuxième type du pouls du scorbutique. On peut trouver dans les carotides un bruit de souffle doux, con- tinu ; mais les bruits carotidiens font défaut dans la plupart des cas. 25 février. — Forme du pouls dans la période d'état. Bruit de souffle au deuxième temps à la base. 94 mars, — Forme du pouls dans la convalescence, Le bruit du souffle ne s’entend plus 124 Dans la période d'amélioration on commence à percevoir avec la main l'impulsion cardiaque ; les bruits du cœur deviennent de plus en plus forts, de plus en plus clairs, et le nombre des battements va progressivement en diminuant. De même que le bruit de souffle du second temps disparaît pro- gressivement, on peut observer la décroissance progressive du nombre des battements cardiaques qui tombent de 90 à 80, 70 e. 60. Quelquefois tout symptôme de scorbut peut avoir. disparu, le malade se sent guéri, et le bruit de souffle au deuxième temps reste le seul symptôme survivant à la maladie. 3° Ramollissement des gencives. — Le ramollissement des gencives peut manquer dans les cas même les plus graves du scorbut; ce- pendant c'est un de ses phénomènes habituels. Il peut paraître dès le début de l’affection, mais il ne paraît le plus souvent qu'après les taches hémorrhagiques, après la dégénérescence cardiaque; c’est également un phénomène de dégénérescence graisseuse des gen- cives. Au niveau du collet de la dent, la gencive se gonfle, se bour- soufle, se ramollit, s’ulcère, devient facilement saignante ou bien, avant de s’ulcérer, est le siége d’un travail d'hypergénèse. Il se pro- duit au niveau de la dent des végétations énormes, des bourgeon- nements épithéliaux qui peuvent arriver à un volume tel que la mastication est impossible, que les malades ont de la peine à avaler et à parler. Chez un de nos malades gravement atteint, ces végétations ne se sont pas bornées aux gencives, elles se sont étalées à la surface de la voûte palatine, l'occupant depuis la partie antérieure de la niâ- choire supérieure jusqu’au bord antérieur du voile. Gette dégénérescence des gencives ébranle les dents; lorsqu'elle est poussée à un haut degré, on peut extraire les dents sans aucun effort. Quand la maladie marche vers la réparation, les végétations fou- gueuses se détruisent d’elles-mêmes et à la fin on peut observer une véritable cicatrisation des gencives. C'est cet état des gencives qui empêche les malades de s’alimenter convenablement et qui retarde le plus la guérison. Le scorbutique n’a pas toujours, comme on le croit communément, le teint blafard ; on en observe qui conservent la fraîcheur du teint. 125 Ce n’est pas le fait cependant du scorbut grave qui imprime à la face et à la peau une coloration spéciale. La peau alors à un teint gris, terreux ; les muqueuses sont décolorées, et il est bien difficile d'exprimer par le langage les différences qui séparent ce teint de la cachexie scorbutique de la cachexie cancéreuse. Dans d’autres cas, la décoloration des anémiques est le seul trait expressif de leur physionomie. Lorsqu'ils sont atteints d’hydropisie généralisée, la figure est bouffie et œdématiée comme le reste du corps, et leur physionomie ressemble à celle des individus affectés de la maladie de Bright. L'hydropisie généralisée n’a été constatée que chez deux de nos malades : elle paraît être le fait le plus rare. On ne trouve pas chez les scorbutiques au repos d’œdème ni des membres supérieurs ni des membres inférieurs; ce n’est que quand ils commencent à marcher que l'œdème se montre le soir au pourtour du pied, mais il dispa- raît la uit par le repos. C’est un œædème qui ressemble tout à fait à l'œdème produit par les varices; il est dû également à la gêne de la circulation dans les membres inférieurs qui ont été gonflés du- rant la maladie par leshémorrhagies musculaires. ORGANES DIGESTIFS. — Le scorbutique a toujours soif; la soif per- siste durant la période d'état de la maladie; elle ne décroit que vers la fin. Il est bien rare qu’il perde l'appétit; il a de l’appéterce pour les acides et il se nourrit volontiers si la mastication est possible. Il accepte les aliments liquides. La digestion est en général fa- cile: il n’a ni dyspepsie ni vomissements et il n’a aucun dégoût pour les aliments. La plupart des malades sont constipés; l’un d'eux est resté quatorze jours sans garde-robe et l’huile de croton seule à pu déterminer une débâcle; un certain nombre ont de la diarrhée à di- verses périodes de la maladie, soit au milieu, soit à la fin; ils onteu jusqu’à douze selles liquides en vingt-quatre heures; ils rendent, pour employer leur expression, de la graisse. Gette diarrhée, qui n’est jamais accompaguée de coliques, semble être purement Catar- rhale; elle n'empêche pas l'alimentation. Le foie est gros et dépasse quelquefois le rebord des fausses côtes de 3 ou 4 centimètres. Indolore au toucher et à la percussion dans quelques cas, on ne peut chercher à toucher la surface convexe sans déterminer des sensations douloureuses. Jamais nous n’avons observé d’ictère. 126 La rate est presque toujours augmentée de volume, doublée ou triplée, dans un seul cas nous l’avons trouvé atrophiée; elle adhé- rait au diaphragme. La percussion de la rate peut être aussi douloureuse. SYSTÈME NERVEUX. — Le scorbutique n’a aucun des accidents ha- bituels à l’anémie proprement dite, la céphalalsie, le vertige, le bour- donnement d'oreille. Il n’a pas de douleurs de tête; il n’a pas de ver- tige; s’il lui arrive de ne pas pouvoir s’asseoir dans son lit, ce n’est pas qu’il en soit empêché par le vertige, mais c’est qu’il est exposé aux syncopes ou bien que les muscles lombaires sont réduits à l’impuis- sance; sa vue ne faiblit pas, il n’a aucun trouble visuel, il n’a pas non plus de trouble de l’ouïe; il ne peut dormir; rien ne lui explique son insomnie; il est dans un état de veille continue qui ne diminue et ne cesse que quand il commence à guérir. Aucun de nos malades ne nous a présenté de désordre mental; l'intelligence conserve sa vigueur jusqu'au moment de la mort; il peut penser, réfléchir et faire même un travail intellectuel sans se fatiguer. Il n’a pas de douleurs nerveuses; sa faiblesse musculaire ne tient pas à une altération du système nerveux, mais à une lésion du muscle. Nous n’avons observé aucun trouble de la sensibilité. SYSTÈME MUSCULAIRE. — Les troubles dela motilité sont multiples; au plus fort de la maladie, le malade est incapable de s’asseoir dans son lit, même quand il n’en est pas empéché par la douleur. Les muscles sacro-lombaires, complétement dégénérés, ne sont plus susceptibles de contraction ; le malade ne peut même remuer les jambes à la facon d’un paraplégique, ainsi que nous l'avons déjà noté. Les bras conservent le mieux leur force, et la dégéné- rescence graisseuse frappe les muscles selon leur activité fonc- tionnelle. Le cœur, qui ne s'arrête jamais durant les vingt-quatre heures, est toujours le premier atteint; puis ce sont les muscles du mollet, du dos, de la cuisse, du bras. La dégénérescence graisseuse frappe même les muscles intercostaux; ce qui, ajouté à la dégéné- rescence cardiaque, rend la respiration difficile et détermine les cas de mort si fréquents, quand les marins scorbutiques font à pied le trajet du navire à l'hôpital. Dans les muscles abdominaux, nous n’avons trouvé aucune lésion. SÉCRÉTION. — Les urines ne présentent aucune anomalie appa- rente de coloration ; jaupâtres, transparentes, leur quantité semble 127 osciller dans les vingt-quatre heures entre 12 et 1,700 gram- mes. Traitées par le feu et l’acide nitrique, elles n’ont jamais présenté d’albumine même lorsque l’hydropisie était généralisée; nous n'avons pas noté un seul cas d’hématurie. Du reste, les hémorrhagies viscérales, sur lesquelles différents auteurs ont insisté, les pneumor- rhagies, les hématémèses, les hématuries, nous n’en avons pas vu d'exemple. De légères hémorrhagies intestinales accompagnaient quelquefois les selles, et étaient dues à la constipation. Ge qui ne doit pas surprendre, puisque les hémorrhagies dans le scorbut sous- cutanées, musculaires, nasales, gingivales, n’ont pas la valeur d’un symptôme primaire ; elles sont consécutives aux lésions des tissus, du muscle, de la muqueuse nasale, du tissu gingival, de la peau. Quand elles se font dans les bubons ulcérés, les capillaires, n'étant plus soutenus par leur support naturel, se rompent dans le tissu. C’est là l’origine de ces hémorrhagies qui n’ont jamais un caractère grave. On les combat facilement avec des astringents. L’exagération de la sécrétion salivaire dont a parlé Lind est excep- tionnelle, et ne paraît provenir que de l’administration des prépara- tions hydragyriques, dont ses contemporains faisaient usage. À un de nos malades, nous avons fait prendre du protoïodure de mercure, quand il était guéri du scorbut, pour combattre les accidents syphi- litiques secondaires, etnous n’avons pas observé la moindre tendance au ptyalisme. Mais ce qui est un fait fréquent, c’est l'augmentation de la sécrétion sudorale, souvent même en dehors des fièvres intermit- tentes fugaces, fréquentes chez les scorbutiques. Il se produit la nuit des transpirations abondantes qui durent quelques jours et dis- paraissent spontanément. L TEMPÉRATURE. — La température varie entre 37 et 39 degrés; au plus fort de la maladie, elle atteint quelquefois 40 degrés, puis elle décroit avec elle, et elle diminue jusqu’à 37 degrés et 36°,5. La di- minution de la température marche parallèlement avec celle du pouls, qui baisse de 120, 90, jusqu'à 70 ou 60. Nous ferons remarquer que le pouls subit généralement de l’accé- lération; que la température est élevée comme chez le fébricitant; que le scorbutique a soif et qu’il présente ce qu’on appelle les signes de la fièvre, sans qu’on puisse dire que le scorbut s’accompagne de fièvre. Et en effet, le malade lui-même déclare qu’il n’a jamais de 128 Gévre et sait bien reconnaitre les accès fébriles intermittents fugaces habituels chez quelques scorbutiques. Et si l’on veut ajouter un argument à ceux que donnent les sensa- tions propres des malades, il suffit de dire que, dans un de nos cas, lorsque la température était élevée et le pouls accéléré, le malade rendait 95,060 d’urée en vingt-quatre heures. Aïnsi il n'y a au- cuu rapport entre le fait chimique et le fait clinique; la proportion ordinaire est complétement renversée. Le scorbutique n’a que les apparences de la fièvre, mais il n’a pas la fièvre proprement dite. Du reste, il se plaint toujours d’avoir froid malgré l'élévation thermométrique et celle du pouls. Les couvertures ordinaires ne lui suffisent pas; il se garnit les jambes et les cuisses d’ouate, quand il en à à sa disposition, L'éléva- tion de la température est due sans doute à des conditions spéciales, dans l'intimité des tissus, qui ne se traduisent pas sous la forme d’urée. On est habitué à dire que le scorbut est une maladie cachectique et les livres classiques appliquent cette épithète à n’importe quel cas de scorbut. Ceux qui ont observé un nombre suflisant de malades auront né- cessairement reconnu que cette expression est empreinte d’exagéra- tion. Il ya en effet deux types bien distincts s'appliquant à la forme bénigne et à la forme grave de la maladie. La forme bénigne, comprend les scorbutiques qui ont conservé leur embonpoint, la coloration normale du visage, présentent des apparences de la meilleure santé et ont cependant des ecchy- moses sur les membres inférieurs, les bruits du cœur fréquents, obscurs, et souvent un bruit de souffle au deuxième temps ; dans la forme grave, doivent étre rangés ceux qui ont la face blafarde, le teint grisâtre, les muqueuses décolorées, qui sont incapables de quitter leur lit ou de s'y asseoir, ont les gencives garnies de fon- gosités saignantes, les dents déchaussées, etc. Dans cette deuxième catégorie il faut encore classer ceux qui ont une hydropisie généra- lisée, sans albumine dans les urines, la face bouflie et grise, les membres œdématiés, de l’ascite, des ecchymoses sur les membres, et les lésions cardiaques et gingivales que nous avons déjà signalées. MARCHE, DURÉE, TERMINAISON. — Il n’y a pas de maladie qui ait 129 une marche moins déterminée que le scorbut; il n’y en a pas sur la- quelle Phygiène ait une action plus eflicace. Lorsque nous avous été appelé à faire le service médical à l'hôpi- tal d Ivry, nous avons trouvé les malades, à cause de l'impossibilité du ravitaillement, mal nourris, mal chauffés, et l’état général des scorbutiques était très-mauvais. Un assez grand nombre sont morts en quelques jours. Mais dès que la nourriture est devenue plus abondante, sans même que nous ayons pu leur faire donner, en jan- vier et février, de légumes frais, dès que les salles ont été chauffées, les cas de décés ont diminué et les malades se sont rétablis progres- sivement. Nous avons pu apprécier, malgré nous, et comparative- ment, l'influence de l'hygiène sur la gaérison du scorbut. Notre ser- vice hospitalier était divisé en deux sections. Dans la première étaient réunis les marins et les soldats qui étaient devenus scorbuti- ques dans les forts et les tranchées; dans la deuxième se trouvaient groupés les condamués de la prison de la Santé. Lorsque les vivres et le chauffage sont devenus plus abondants, ce sont les marins et les soldats qui ont profité les premiers des nou- velles ressources qui avaient été mises à notre disposition ; le scor- but diminua rapidement dans cette section et tendait à s’aggraver parmi les condamnés qui ne purent être ravitaillés que plus tard, ou au moins ne se modifiait pas. Les condamnés guérirent également dès qu’ils purent être nourris et chauftés. Nous distinguons, ainsi que nous l’avons déjà dit, deux périodes dans la maladie : la première correspondant à la dégénérescence graisseuse du système musculaire des viscères, la deuxième cor- respondant à la réparation des tissus. Le scorbutique guérit toutes les fois qu’on peut l’alimenter con- venablement et que la maladie n'est pas trop avancée ; la maladie tend naturellement vers la guérison, et au bout de quelques jours déjà l’on peut constater l’amélioration, lorsque le malace est placé dans de bonnes conditions. Les symptèmes de la première période sont par ordre de succes- sion : un mouvement fébrile, intermittent, des douleurs dans les reins, dans les :nembres inférieurs, des ecchymoses et du purpura sur les membres inférieurs, l'obscurité et la fréquence des batte- ments du cœur, des bruits cardiaques qui souvent s’accompagnent d’un bruit de souffle au deuxième temps à la base, le plus souvent, 130 plus rarement d’un bruit à la pointe au premier ou au deuxième temps, puis le ramollissement des gencives; ces divers symptômes s’aggravent jusqu'à déterminer l’état cachectique caractérisé par le facies blafard, l'impossibilité de s'asseoir dans le lit; le pouls porté à 100 ou à 120 pulsations, filiforme ou dicrote, les gencives fon- gueuses et saignantes, la température à 39 ou à 40 degrés, l’hypertro- phie de la rate et du foie, ou bien encore l'hydropisie généralisée avec des épanchements dans les grandes cavités. Arrivés même à ce degré de la maladie, la plupart des scorbuti- ques peuvent être encore guéris par une bonne nourriture. Mais c’est aussi à ce degré de la maladie que la mort peut survenir. La mort par syncope est très-rare quand les malades restent cou- chés, et nous n’en avons pas vu un seul cas. Ceux qui ont été observés par nous sont morts, les uns par affai- blissement progressif sans aucune complication, les autres par une diarrhée incoercible qui amène une émaciation excessive, ou bien encore dans une crise de dyspnée durant vingt-quatre heures et déterminée par un caillot cardiaque. Lorsque le malade guérit, les symptômes disparaissent dans l’ordre suivant. Les épanchements sous-cutanés et intramusculaires dimi- nuent, les douleurs des membres diminuent également. Les mouve- ments du dos et des membres deviennent de plus en plus faciles. Le nombre des battements du cœur décroit, ainsi que la tempéra- ture; le bruit de souffle du deuxième temps à la base, quand il existe, perd de son intensité et disparaît. Les fongosités gingivales tombent, le sommeil revient, la constipation cède, et généralement après un mois le malade arrive à la convalescence. Le scorbut ne peut durer qu’un mois si l’on n’a pas laissé le mal arriver à son entier développement; il dure trois ou quatre mois s’il est livré à lui-même et n’est pas combattu par un régime appro- prié. Il est impossible de dire que l'affection ait une marche déterminée et régulière. On peut l’enrayer aussitôt qu'elle est traitée. DIAGNOSTIC. Le diagnostic ne présente de difficultés que tout à fait au début, 131 lorsque le malade se plaint de fièvre, de douleurs dorsales, de dou- leurs articulaires. On peut attribuer au rhumatisme ce qui est l'effet du scorbut, et bientôt le doute sera levé lorsque le purpura et les ecchymoses au- ront paru. Le diagnostic est fondé sur trois symptômes : les hémorrhagies sous-cutanées et musculaires, les symptômes cardiaques et le ramol- lissement des gencives. L'un ou l’autre de ces symptômes peut manquer; les hémorrha- gies peuvent même ne pas se manifester à la peau et être seulement intramusculaires, et alorselles ne se constatent que par le gonflement du mollet ou de la cuisse. Le scorbutique peut n’avoir que les gencives ramollies et un bruit de souffle cardiaque au deuxième temps et à la base sans purpura et ecchymoses aux membres inférieurs, ou bien du ramollissement des gencives avec purpura et ecchymoses des membres inférieurs sans autre symptôme. D’autres fois le ramollissement gingival fait défaut, les bruits du cœur sont fréquents, obscurs, mêlés ou non d’un bruit de souffle au deuxième temps à la base, et la peau des jambes est couverte de purpura. La maladie qui a les plus grandes ressemblances avec le scorbut est le purpura. Pour Grisolle ces deux maladies sont même identiques; le pur- pura serait la forme aiguë et le scorbut la forme chronique d’une seule et même maladie. Le scorbut, ainsi que nous croyons l’avoir démontré, n’est nulle- ment une maladie chronique et ne peut durer qu’un mois. Ce qui est certain, c’est que nous ne connaissons que très-vague- ment le purpura, et faire comme Grisolle une assimilation entre ces deux affections, c’est juger une question dont l’un des termes nous est encore inconnu. Dans la période du siége de Paris, nous avons, comme la plupart des médecins, observé des cas d’hydropisie généralisée avec des ec- chymoses sur les membres inférieurs. Il s’agissait d'individus af- faiblis. Cette hydropisie commençait par les membres inférieurs, lesquels 132 se couvraient d’ecchymoses, se généralisait ensuite,et les malades mouraient souvent phthisiques. Ces cas pourraient en imposer pour le scorbut. Mais ce qui les en sépare, c’est la présence de l’albumine dans les urines que l’on ne rencontre jamais chez le scorbutique, la diminu- tion de l'albumine et de la fibrine dans le sang, tandis que dans le sang du scorbutique ces principes se trouvent en plus grande quan- tité, et enfin le tubercule n’a pas été observé par nous chez le scor- butique. CoMpLicATIONS. — Ni l’âge du malade, ni sa constitution, n1 les affections diathésiques ne paraissent modifier le scorbut. Les manifestations sont les mêmes chez le jeune homme et chez le vieillard. Elles ne sont pas plus graves. On a dit que la constitution scrofuleuse imprimait à la maladie un cachet de gravité. Nous avons eu dans notre service plusieurs types de scrofuleux. L'un était aveugle depuis l’âge de 19 ans par suite d’ophthalmie scrofuleuse et avait à la partie moyenne du cou des cicatrices d’abcès froids ainsi qu'à la partie antérieure du sternum. Le scorbut a suivi la marche ordivaire et a été guéri facilement. Un autre malade, jeune homme de 10 aus dont la mère était morte phthisique, affecté de tumeur ganglionnaire volumineuse du cou, de blépharite chronique avec chute des cils, de taies sur l'œil droit, etc., guérit également sans complications. Nous pourrions citer encore plusieurs exemples. Il nous semble que les craintes exprimées par les auteurs classi- ques à propos des scorbutiques entachés de scrofules ont été surtout inspirées par une idée préconçue. Nous pourrions répéter à propos de la syphilis ce que nous avons dit des scrofules. Mais ce que nous avons remarqué, c’est que tant que dure le scor- but, tant qu’il n’est pas arrivé à la période de réparation, il ya comme un temps d'arrêt dans les manifestations syphilitiques. Chez un de nos malades syphilitiques, c’est à la fin du scorbut que la peau des maius et la plante des pieds se sont couvertes de psoriasis, qu'ont paru les plaques muqueuses à l'anus, les plaques muqueuses sèches sur la peau en très-grande abondance. 133 La syphilis ne paraît pas aggraver le scorbut plus que la diathèse scrofuleuse. TRAITEMENT. Nous avons administré à nos malades comparativement du sirop de cochléaria, du sirop citrique, du jus de citron pur, du perchlorure de fer, du vin de quinquina. Aucune de ces médications ne paraît avoir hâté la guérison. Ceux que nous nourrissions avec de la viande crue à la dose de 4 à 500 grammes par jour sans médication guéris- saient aussi promptement. Les scorbutiques scrofuleux à qui nous donnions une cuiilerée d'huile de foie de morue par Jour se réta- blissaient comme les autres. Ce qui importe dans le scorbut, c'est de modifier rapidement l’état des gencives pour leur permettre de s’alimenter. En les touchant chaque matin avec une solution de perchlorure de fer, nous com- battions les hémorrhagies gingivales et les gencives se raffermis- saient; ce qui importe encore, c’est de diminuer les douleurs mus- culaires des jambes et des bras qui les empêchent de dormir. Elles se calment facilement par des frictions répétées deux fois par jour avec uu mélange de laudanum et de teinture de jusquiame. Les ac- cès fibriles intermittents assez fréquents dans le scorbut disparais- saient avec une dose de 50 centigr. de sulfate de quinine par jour. Enfin la diarrhée qui alterne avec la constipation habituelle était combattue par des préparations opiacées; mais lorsque cette diarrhée survient à la fin de la maladie, à une période grave, etc., due tout à la fois à la gêne de la circulation de la muqueuse intestinale, à la dégénérescence graisseuse du foie, elle a un caractère beaucoup plus grave, les préparations opiacées, les purgatifs, le jus de citron que l'on a vanté, les médications les plus variées n’ont plus d'effet, et le malade succombe par l'épuisement qu’elle provoque. 134 SECONDE PARTIE. — OBSERVATIONS. Oss. I. — Hughes, âgé de 25 ans, entre le 23 septembre à la Santé. Il est installé dans une cellule froide et humide. La nourriture se compose presque exclusivement, comme pour les autres condamnés, de pois, haricots, riz. Deux mois de ce régime suffisent pour développer les premiers symp- . tômes du scorbut. Courbature généralisée, douleurs dans les masses musculaires des lombes, difficulté de marcher et fièvre qui se reproduit durant quinze jours sous la forme intermittente, le soir seulement, et ne dure que la nuit. Au bout d’un mois seulement les gencives se ramollissent ; l'appétit s'était conservé, la digestion était restée facile, point de diarrhée et point d'hémorrhagie. Le vin antiscorbutique et le vin de quinquina avaient été adminis- trés au malade durant plusieurs semaines sans bénéfice pour sa santé. Il avait été alimenté à l'hôpital d’Ivry durant le siége d’une manière insuffisante, et quand nous prîmes la direction du service des scorbu- tiques le 10 janvier, à l'hôpitel d’Ivry, la maladie était arrivée à son entier développement. Le malade avait la figure pâle, décolorée, le teint des anémiques; il ne pouvait mouvoir les jambes infiltrées de sang dans les muscles du mollet, gonflées, tendues et douloureuses dès qu’il faisait le moindre mouvement. La peau des mollets était couverte de taches ecchymo- tiques. Le bras gauche au niveau du coude vers la partie interne pré- sentait aussi des ecchymoses et les mouvements du bras étaient dou- loureux. Il ne peut s’asseoir dans son lit sans être menacé de syncope. Il a eu des palpitations. Actuellement on ne peut sentir avec la main appliquée sur la région cardiaque l'impulsion du cœur. L’auscultation fait entendre un bruit de souffle doux à la base au second temps. Les battements du cœur sont réguliers. Le pouls est dicrote, 66 pulsations par minute. Le ma- lade ne dort pas. Il n’a ni céphalalgie, ni trouble de la vue, ni trouble de l’ouïe. Les gencives sont fongueuses et les dents fortement ébran- lées. La mastication est devenue impossible ; le malade est incapable de se nourrir d'aliments solides. Son régime se compose de soupes seulement, et cependant il a de l'appétit, la digestion est bonne. Il est constipé. Le foie ne paraît pas 135 déborder les fausses côtes. La rate est notablement hypertrophiée. Les urines sont limpides, jaunâtres, acides. Elles ne présentent pas de trace de précipité, qu’on les fasse bouillir ou qu'on les essaye par l'acide nitrique. Le traitement que nous avons prescrit consistait en un badigeonnage des gencives tous les deux jours avec l’acide chlorhydrique, l’adminis- tration de { gramme de perchlorure de fer par jour, des frictions des membres avec du baume Opodeldoch et de la teinture de jusquiame. Le 4 mars l’état est sensiblement amélioré, le teint a repris de la couleur, les ecchymoses des membres ont disparu; le malade peut mouvoir les jambes, mais il ne peut encore se lever; menacé de syn- cope. Le bruit de souffle au deuxième temps persiste encore. Les énor- mes fongosités des gencives qui allaient jusqu’à la voûte palatine sont tombées ; les gencives sont redevenues fermes. Il à durant plusieurs jours de la fièvre à forme intermittente le soir, et celle-ci cède après trois ou quatre jours à une dose de 40 centigr. de sulfate de quinine par jour. La température prise dans l’aisselle était de 37°,3 et le pouls mar- quait 66 pulsations par minute. Le 28 mars les gencives sont raffermies, la constipation fait place à des selles quotidiennes. Le genou droit est encore le siége de quelque douleur, mais le ma- lade se promène. Le bruit de souffle au second temps et à la base persiste. Le pouls n’est plus que de 60 pulsations et la température ON. Oss, II. —Schumacher, âgé de 18 ans, entre à la Santé le 1‘ octobre; il est installé dans les mêmes cellules que le précédent et soumis au même régime alimentaire. Après deux mois il est pris, durant quelques jours, de fièvre avec transpiration, douleurs violentes qui se développent dans les masses lombaires ainsi que dans les diverses articulations. Il est incapable de rester levé et même assis dans son lit. Les symptômes se succèdent avec une grande rapidité, les gencives sont ramollies huit jours après le début et l’hydropisie envahit la face et les membres. Malgré la gravité de son état, l'appétit était resté intact, la digestion bonne, et il eut de la constipation; il n'avait pas d’épistaxis, pas d’ecchymose, pas de purpura sur les membres. Lorsque nous vimes le malade pour la première fois en janvier, il avait le teint blafard, la fi- sure bouffie, la peau des membres supérieurs et inférieurs œdématiée, et le doigt appliqué sur la peau y laissait une trace profonde ; point d’as- 136 cite : il ne toussait pas, la clavicule fracturée dans une chute à l’âge de 3 mois s'était fracturée de nouveau spontanément dans le lit. Les gencives saignaient continuellement et nous avons eu recours plusieurs fois au perchlorure de fer pour combattre ces hémorrhagies qui durèrent quelques jours : le malade était dans un profond état d’affaissement ; il ne pouvait ni s'asseoir dans son lit ni mouvoir les jambes. L’appétit était bon, mais les gencives ne lui permettaient de se nourrir que de soupes. Le pouls marquait 66 pulsations par minute; on sent difficilement avec la main les battements du cœur; à la base on perçoit un bruit de souffle au deuxième temps. Pas de trace d’albumine dans les urines; point de céphalalgie ni trouble de la vue, ni trouble de l’ouïe. Il fut mis au même régime que le ne À le 22 février. La face est encore bouffie, blafarde; les douleurs des reins et des membres ont cédé, l'hydropisie a diminué et une ecchymose paraît au pli du coude gauche. Le 8 mars les mouvements des jambes sont devenus plus faciles, le bruit cardiaque est devenu plus doux ; 86 pulsations. La température est de 38°,5. Le 28 mars, le teint devient rosé, l’hydropisie a entièrement cédé, les gencives se sont raffermies, les muqueuses sont encore pâles et il y a uneecchymose au niveau du coude gauche. Le bruit de souffle cardiaque s’entend alors à la pointe et au premier temps. 66 pulsations par minute. Température 37°,3. Le malade peut se lever et faire quelques pas. Il se nourrit mainte- nant de légumes, choux, oseille, trois soupes par jour; de viande deux fois par jour. D'ici quelques jours il entrera en convalescence. Os. III. — Carion, âgé de 26 ans. Quand il a été interné à la prison de la Santé, il avait la diarrhée depuis six semaines. Son alimentation consistait en bouillon, pain, pois et haricots. Un mois après son incarcération, il est pris de soif vive et de fièvre qui dure quinze jours et paraît le soir. Il éprouve des douleurs violentes dans les masses lombaires et dans les articulations. La marche est de- venue impossible. Le ramollissement des gencives paraît dès le début avec un purpura confluent sur les membres inférieurs. En janvier le purpura existait encore comme au début; les mouve- ments sont plus faciles. Les battements du cœur sont réguliers. On n’entend pas de bruit de 137 souffle au cœur, mais bruit doux et continu dans les carotides; 72 pul- sations par minute. Il est mis au même régime thérapeutique que les précédents. Le 22 février les gencives sont plus fermes, le purpura a disparu; il n’a plus de douleurs dans les reins, mais il ne peut se tenir debout ni marcher; les muscles du mollet sont encore durs et tendus par des épanchements sanguins non résorbés qui ne se laissent pas apercevoir à la peau. Le 7 mars, ce malade paraît guéri; 72 pulsations. Température 37°,7. Les mollets sont toujours tendus et gonflés. Le 28 mars, le mollet du côté droit est encore durci. Il ne peut éten- dre la jambe sur la cuisse; il se fait une rétraction musculaire à la pé- riode de réparation chez un grand nombre de malades. Les muqueuses ont repris leur coloration. Les joues sont rosées, les battements du cœur redevenus forts. Les bruits cardiaques s’enten- dent facilement; 78 pulsations par minute. La constipation a fait vlace à des selles régulières. Le malade entre en pleine convalescence. Oss. IV. — Giral, âgé de 33 ans, entré à la prison de la Santé le 26 septembre. Dans les mêmes conditions de séjour et d'alimentation, il est pris, le 14 décembre d’une légère fièvre qui dure trois ou quatre jours, de douleurs dans les muscles sacro-lombaires qui l’empêchent de marcher. Les gencives se ramollissent et il perd le sommeil comme la plupart des scorbutiques. En janvier il présentait un teint terreux, blafard. Les muqueuses dé- colorées: il ressent dans les reins des douleurs qui l’empêchent de s'asseoir dans son lit. Il a des ecchymoses énormes qui s'étendent de- puis la partie inférieure des cuisses jusqu’à la partie moyenne des jambes. Partout où le sang est épanché, une pression même légère est dou- loureuse ; il a également des ecchymoses au niveau des coudes vers la partie interne. Le pouls est petit, presque insensible. A la base du cœur on perçoit un double bruit de souffle qui se prolonge vers la pointe. Ii n'éprouve ni céphalalgie ni trouble de la vue, ni trouble de l’ouie, Le même régime lui est prescrit qu'au précédent : Perchlorure de fer à la dose de 1 gramme en vingt-quatre heures, cautérisation des gencives, alimentation avec des soupes herbacées et des viandes. Le 24 février, le teint est toujours blafard ; le ramollissement gingi- MÉM. 1871. 10 138 val diminue; les ecchymoses de la cuisse diminuent; elle est moins gonflée ; l’ecchymose des bras persiste. Le malade ne peut encore s’asseoir dans son lit. Le bruit de souffle se perçoit à la base, râpeux au premier temps; celui du deuxième temps a tendance à s’effacer. Le dicrotisme du pouls se perçoit à la main. Le 8 mars les gencives se consolident. Les ecchymoses des membres inférieurs ont disparu, celles du bras droit persistent encore. Le som- meil paraît revenir; 84 pulsations par minute. Température 37°,9. IL a, durant trois ou quatre jours, le soir, un mouvement fébrile intermit- tent qui disparaît avec une dose de 50 centigrammes. Le 28 mars le malade peut se lever, se tenir debout. Il ne peut éten- dre la jambe gauche sur la cuisse. Il porte des cicatrices de brûlures non ulcérées par le scorbut. Les muqueuses se colorent. Le pouls baisse; 66 pulsations. On entend le bruit de souffle à la base du cœur. Température 37°,6. Le sommeil est bon, les selles régulières et le malade marche vers la guérison. Oss. V. — Dreset, âgé de 32 ans, clerc de notaire, entré à la Santé le ? novembre. Ce malade, qui est affecté du scorbut depuis le 8 décembre, est d’une vigoureuse constitution. Il a eu durant toute la maladie la face colorée, a pu marcher et n’a jamais présenté de ramollissement des gencives. Il a eu au début, durant quelques jours, des douleurs presque limitées à la région des deux dernières vertèbres lombaires, et il a eu conti- nuellement la sensation de faim et de froid. En janvier la peau des membres inférieurs était recouverte de taches purpuriques. Les battements du cœur sont réguliers; à la base on perçoit au deuxième temps un bruit de souffle doux qui se transmet jusqu’à la pointe. Le pouis marque 60 pulsations. Pouls radial. Point de céphalalgie ni trouble de la vue ni de l’ouie. Point d’albu- mine dans les urines. 139 Même régime alimentaire et thérapeutique que les précédents. Le 24 février le purpura n’a point disparu, le bruit du souffle s’en- tend encore au cœur. Le 24 mars le purpura a entièrement disparu; il fait le service de l’infirmerie et l’on entend toujours le bruit de souffle au deuxième temps. C’est le seul phénomène du scorbut qui persiste avec le gonfle- ment de l'articulation tibio-tartienne qui paraît le soir quand il a tra- vaillé toute la journée. Oss. VI. — Ferogne, serrurier, âgé de 38 ans, entre à la Santé le 12 octobre : sa maladie commence le 15 novembre par des douleurs dans les masses lombaires et dans les muscles des mollets. Le purpura et les ecchymoses se manifestent sur la peau des mollets, les gencives se ramollissent. En janvier le teint est grisâtre, les muqueuses sont décolorées, l’inap- pétence est absolue, le pouls est très-faible, 96 pulsations par minute, les bruits du cœur très-obscurs ; au deuxième temps on entend un bruit de souffle à la base. Le malade ne peut nis’asseoir dans son lit, ni mouvoir ses jambes. On lui prescrit de l’acide citrique, des cautérisations des gencives par l'acide chlorhydrique ; ce malade, qui ne peut s’alimenter qu'avec des soupes à cause des fongosités des gencives et du dégoût des aliments, est dans un état de prostration très-grave. En février il est incapable de mouvoir les membres inférieurs, de les lever au-dessus de son lit; il est comme frappé de paralysie ; il ne peut s'asseoir dans son lit. Pouls 84 pulsations. Température 37°,9. Vers le commencement de mars nous prescrivons une dose de viande crue finement hachée, 500 grammes par jour; immédiatement l’ap- pétit se réveille, les forces reviennent; après quelques jours le malade peut remuer les jambes. Sa figure reprend de la coloration, les ec- chymoses s’effacent, le sommeil revient, la constipation diminue. Le 28 mars, après vingt jours de cette alimentation, le pouls s’est abaissé à 66 pulsations, la température est 37°,1; les muqueuses se colorent ; les selles sont devenues régulières, et c’est à peine si l’on entend encore le bruit de souffle au deuxième temps. Le malade commence à se lever sur une chaise. Nora. — L'analyse du sang rapportée dans la première partie de ce travail a été faite avec le sang de ce malade recueilli à la période d'état et à celle de convalescence. Les saignées ont été faites en février et mars. Nous avons également inséré les analyses des urines aux deux périodes. 140 Oss. VII — Deglaigne, coiffeur. Ce malade est entré à la Santé le 23 septembre, et le 28 octobre il passe à l’infirmerie pour une bron- chite aiguë. À cette bronchite succèdent les premiers symptômes du scorbut, de la fièvre durant huit jours, paraissent le soir seulement avec fris- son et transpiration; des douleurs dans les masses lombaires, qui ne cèdent qu'après un mois, du purpura des membres inférieurs et deux ou trois fois une légère épistaxis. HU La figure avait conservé sa coloration normale; les muqueuses étaient décolorées, et quand nous l’observâmes pour la première fois, nous avons retrouvé ces divers phénomènes. Il avait des palpitations; ce qui est exceptionnel, un bruit de souffle à la base du cœur. Du reste, aucun trouble des voies digestives; bon appétit ; digestions faciles; les fonctions intestinales intactes. Il n’y avait ni céphalalgie, ni trouble de la vue, ni trouble de l’ouïe. Ce malade avait eu un chanere induré en 1869, des plaques muqueu- ses, et en janvier 1870, il avait une syphilide papuleuse. Le 24 février, les gencives sont encore ramollies, mais le purpure à sensiblement diminué; le bruit de souffle cardiaque a disparu ; 90 pul- sations par minute. Les douleurs à la région cardiaque, les palpitations qu’il ressentait n'existent plus. Le À mars, nouvelles ecchymoses dans les jambes, et il ne peut marcher sans douleur; la fièvre intermittente revient le soir durant quelques jours. 84 pulsations. Cette observation est incomplète, parce que le malade s’est sauvé de l’hôpital. Oss. VIII. — Guérin, âgé de 22 ans, de constitution scrofuleuse, blé- pharite scrofuleuse, taie sur l’œil droit, cils presque entièrement tom- bés. La mère est morte phthisique. Entre à la Santé en novembre. En décembre, gencives fongueuses et purpura sur les membres infé- rieurs; il ne peut marcher sans être menacé de perdre connaissance. En janvier, les gencives sont hypertrophiées, ramollies; le purpura existe aux membres inférieurs. On ne peut sentir avec la main l'impulsion cardiaque; les bruits du cœur sont très-sourds; bruit du souffle au deuxième temps à la base. 90 pulsations par minute. Vers la fin de février, le purpura a tendance à s’effacer ; le malade peut se lever et marcher; on entend encore le bruit de souffle au deuxième temps. Le 5 mars, le bruit cardiaque a disparu ; le malade marche et fait le 141 service d'infirmier. Les gencives étaient raffermies. À partir de jan- vier, nous lui avons administré ? grammes d’acide citrique par jour, et il a été convenablement alimenté. Il sort guéri le 15 mars. Oss. IX. — Naurer, âgé de 30 ans, entré à la Santé le 19 octobre. Le 15 décembre, la maladie débute par des douleurs de reins qui du- rent un mois. Les gencives se ramollissent, le purpura paraît sur les jambes avec des ecchymoses, ainsi qu’à l’avant-bras. En janvier, à notre première visite, nous trouvämes un homme au teint blafard, incapable de se mouvoir dans son lit, non qu’il ressentit des douleurs, mais ne pouvant s'asseoir dans son lit, par suite de la faiblesse des reins , déplacer ses jambes comme s’il était paralysé. Son langage était presque incompréhensible, parce que des fongosités énormes dissimulaient presque ses dents, et que ces fongosités s’étaient étendues à travers la voûte palatine, jusqu’au voile du palais resté indemne. Les bruits du cœur sont imperceptibles ; il nous semble entendre un souffle au deuxième temps à la base. 90 pulsations par minute. Il ne pouvait s’alimenter qu'avec des soupes, bien que l’appétit fût con- servé, À la fin de février, la physionomie était la même, blafarde; le ma- lade est toujours faible ; les gencives sont recouvertes de fongosités ; les dents sont déchaussées. T1 ne dort pas; tousse le soir. Le cœur ba avec la même faiblesse; 90 pulsations par minute. Le 24 mars, il commence à pouvoir s'asseoir dans son lit; les batte- ments du cœur sont plus énergiques, moins fréquents; ils ne sont plus que de 78 par minute. Le 28 mars, ii peut se tenir debout, mais ne peut encore marcher; le purpura à disparu; le bruit de souffle cardiaque ne s’entend plus; 78 pulsations par minute. Les battements du cœur sont facilement sen- tis par la main; ses muqueuses sont encore décolorées; mais il n’a plus le teint blafard; la figure se colore; il ne tousse plus ; il reste dans les gencives quelques fongosités, et ce pont charnu qui s’est établi sur la voûte palatine se détache et tombe par morceaux. L’appétit est ex- cellent; le malade s’alimente avec des soupes et de la viande, et se re- fait rapidement. Oss. X. — Schnabel, 35 ans. Trois semaines après son entrée à la Santé, il est pris de fièvre intermittente, de douleurs dans les jambes. Les gencives se ramollissent, les mollets se couvrent d’ecchymoses. En janvier, il avait le teint gris, et nous avons observé les symptô- mes précédents. Il ne peut s’asseoir dans son lit. Le cœur bat 90 fois 142 par minute, et l’on entend un bruit de souffle au deuxième temps à la base, qui se transmet dans les carotides. Le pouls est très-faible et dé- pressible,. Comme dans la plupart des cas, l'appétit est conservé; il digère bien et est constipé. Vers la fin de février, il a quelques épistaxis; les gencives se raffer- missent; les ecchymoses sur la peau du mollet sont encore visibles, mais moins accusées. Les mollets sont durcis et douloureux à la pres- sion. Le bruit de souffle au deuxième temps se perçoit facilement, pouls petit, 96 pulsations par minute; il a la sensation du froid, et de- puis huit jours la fièvre paraît le soir et se termine par la transpira- tion ; elle disparaît après cette époque. Le 24 mars, les gencives sont guéries ; les ecchymoses ont disparu; il ne reste plus que des douleurs dans l'articulation tibio-tarsienne qui l'empêchent de marcher. Les bruits du cœur sont faibles et obscurs, mais le souffle a disparu; 90 pulsations par minute. Le 28 mars, il a encore quelques douleurs dans l'articulation tibio- tarsienne ; la jambe est rétractée sur la cuisse et ne peut s'étendre, 66 pulsations par minute. La soif est éteinte; il n’a plus d’épistaxis et il entre en convalescence. Oss. XI. — Thecle, âgé de 26 ans, entre à la Santé le 17 septembre, après être resté trois mois à la prison militaire. Il est pris de scorbut huit jours après son entrée; frisson se repro- duisant chaque soir durant quinze jours; douleurs sourdes dans les masses musculaires des lombes. Le ramollissement des gencives ne se produit qu’en décembre et il ne peut se tenir debout. Il a quelques épistaxis et une insomnie continuelle depuis Je début. Lors de notre examen, en janvier, nous avons constaté des ecchy- moses au pli du coude gauche, des douleurs musculaires, du purpura sur la peau des membres inférieurs, des ecchymoses au niveau de l'articulation tibio-tarsienne, à la face postérieure du doigt annulaire de la main. Il est incapable de rester assis, même dans son lit. Le facies est empreint d’une pâleur excessive; les muqueuses sont entièrement décolorées ; il a de nouveau un mouvement fébrile le soir qui se reproduit durant trois jours avec transpiration. Il a, comme la plupart des scorbutiques, une constipation qui se termine de temps en temps par des selles diarrhéiques , mêlées de sang. 143 On ne sent pas avec la main les battements du cœur ; ils sont sourds et on enteud au deuxième temps un bruit de souffle ; le pouls est faible et marque 90 pulsations par minute. Le 25 février il est repris de fièvre; le soir le purpura et les ecchy- moses s’effacent: les bruits cardiaques sont encore très-faibles ; mais on n'entend plus le bruit de souffle; 108 pulsations. Le malade à un profond dégoût pour les aliments; il ne se nourrit que de soupes; il est d’une faiblesse extrême et ne peut s'asseoir dans son lit. Les muscles des bras, des jambes sont très-douloureux. 5 mars. Fièvre la nuit; gencives plus raffermies. La jambe gauche est demi-fléchie sur la cuisse et ne peut être al- longée ; douleurs vives au-dessous du jarret; 90 pulsations; tem- pérature, 370,9. 24 mars. Il peut s'asseoir dans son lit; la pàleur et la maigreur portées au plus haut degré caractérisent son état général. 28 mars. Les gencives sont raffermies ; ptyalisme. Les bruits du cœur sont sourds, ralentis; 54 pulsations par minute; température, 36°,9; le malade peut mouvoir les bras et les jambes; il reste maigre et pâle. Oss. XII. — Friedreich, tailleur, 50 ans; entré à la préfecture de police vers le 15 octobre et à la Santé en novembre. Dès le début de la maladie il a des douleurs articulaires dans les genoux et les pieds; les gencives sont ramollies. En janvier il a le teint blafard, les muqueuses décolorées, le pouls petit, faible; 90 pulsations par minute; les bruits du cœur sont sourds et l’on entend un souffle au deuxième temps à la base ; les membres in- férieurs sont tachés de purpura et d’ecchymoses ; il est d’une grande faiblesse et ne peut s'asseoir dans son lit. Le 25 février le ramollissement gingival, quoique diminué, est encore marqué ; les dents oscillent dans les gencives; les bruits du cœur sont très-obscurs, mais on n'entend plus de souffle. Le 5 mars, énormes ecchymoses sous la cuisse droite; il ne peut se tenir debout; le teint est toujours blafard; 96 pulsations par minute; température, 37°,6. Le 28 mars, le teint se colore ; les ecchymoses sont presque effacées, les jambes sont rétractées sur la cuisse; on entend de nouveau le bruit du souffle au deuxième temps, à la base; 66 pulsations par minute; température, 36°,5; il ne reste plus du scorbut de trace autre que le bruit de souffle cardiaque et la rétraction des jambes. 1] commence à se lever. 144 Oss. XIII. — Brochon, marchand d’habits, 32 ans. Il est resté quatre semaines à Mazas, a été envoyé à la Santé le 3 sep- tembre et, huit jours après son entrée, il est pris de fièvre le soir seu- lement avec frisson et transpiration toute la nuit. La fièvre dure deux mois ; en même temps douleurs de reins, douleurs vives dans les arti- culations des membres inférieurs et supérieurs. Les gencives se ramol- lissent ; il a de fréquents saignements de nez. Les douleurs articulaires et la difficulté de respiration qui a débuté en novembre l’empêchent de marcher. Le pouls est dicrote ; 70 pulsa- tions par minute. Bruit de soufile cardiaque au deuxième temps et à la base. Ce malade n’a pris aucune médication depuis le début; il est d’une constitution scrofuleuse caractérisée par une blépharite chronique et une carie de l’os temporal; il a toujours conservé le teint rose. 25 février. Il n’a plus d’épistaxis; les gencives sont notablement raffermies ; il a des douleurs toujours violentes dans les articulations des membres inférieurs et supérieurs qui lempêchent de se mouvoir. Pouls dicrote; 60 pulsations par minute ; en entend encore le bruit du souffle cardiaque. 5 mars. Les gencives sont guéries ; il a soif, de la fièvre le soir durant quelques jours; les douleurs articulaires sont diminuées. 18 mars. Il est toujours court d’haleine ; les douleurs thoraciques qu’il ressentait à droite et à gauche ont disparu; 78 pulsations par mi- nute ; il fait le service d’infirmier à l'hôpital. 28 mars. Il ne reste plus que le bruit de souffle au deuxième temps, dernier vestige du scorbut. Il travaille du matin au soir et peut même frotter les dortoirs des ma- lades sans se fatiguer. Oss. XIV. — Brisard, couvreur, 42 ans, Il reste deux mois à Mazas et entre à la Santé le 23 septembre. Au bout de huit jours il est reçu à l’infirmerie, parce qu'il se plai- gnait de douleurs dans les reins, dans les articulations, du ramol- lissement des gencives. Les membres inférieurs sont couverts d’ec- chymoses, à la partie postérieure des cuisses, vers la région des mollets. En janvier il avait de l’orthopnée, des douleurs dans la région pré- cordiale. Bruit de souffle cardiaque au deuxième temps à la base; 72 pulsations par minute. Le malade a conservé la fraîcheur du visage. Le 25 février les gencives sont un peu raffermies;, les douleurs 145 cardiaques persistent; les bruits du cœur sont sourds, le souffle est devenu presque imperceptible ; 66 pulsations par minute; les dou- leurs de la région des reins, articulaires, sont diminuées, mais en- core ressenties. En mars les ecchymoses ont disparu et le malade a récupéré assez de force pour se sauver de l’hôpital qui était sa prison provisoire. Oss. XV.— Mangès, papetier, 20 ans. Entré à la Santé le 13 octobre; en décembre il ressent des douleurs dans les jambes, de la gêne res- piratoire. La peau des jambes se couvre de taches purpuriques. Il est d'une constitution scrofuleuse accusée par une blépharite chronique, une tumeur gañglionnaire du cou qui s’est développée et a persisté depuis l’âge de 5 ans, des croûtes impétigineuses des fosses nasales. En janvier il présentait les symptômes que nous venons d'indiquer, et nous avons entendu un bruit de souffle à la base du cœur au deuxième temps. (Voir les tracés du pouls dans la 1° partie, p. 123.) Il a essayé de se lever et de marcher; de vastes ecchymoses avec douleurs musculaires se reproduisent, et il est obligé de nouveau de garder le lit. Le 30 février, ecchymoses vertes et noires sur la cuisse gauche à la partie interne; les gencives se sont raffermies; 96 pulsations par minute ; on entend encore le bruit de souffle cardiaque. Le 25 mars les gencives sont guéries; les taches ont disparu ; 84 pul- sations ; le bruit de souffle cardiaque ne s'entend plus; le malade se trouve guéri et demande à quitter l’hôpital. Depuis le début nousne lui ayons prescrit, comme médication, qu’une cuillerée d'huile de foie de morue, du citron et du baume tranquille pour frictionner les gencives. Oss. XVI. — Sevreuil, employé de commerce, 30 ans. Entré à la Santé le 23 septembre et malade depuis le 8 décembre, Les premiers symptômes du scorbut ont été la fièvre qui dura trois Jours, des douleurs dans les articulations des membres supérieurs et inférieurs, des ecchymoses dans les muscles du mollet, du ramollisse- ment des gencives. À notre premier examen, en janvier, aucun de ces symptômes n'avait disparu ; les bruits du cœur étaient très-sourds; on entendait un bruit de souffle à la base au deuxième temps. Vers la fin de février, le malade se sent plus fort; :1l commence à marcher; le purpura, les ecchymoses tendent à s’effacer; les gencives se raffermissent, un mouvement de fièvre a reparu le soir à trois re- prises. 146 Le bruit de souffle au deuxième temps à la base ne s’entend plus, mais on perçoit un bruit rude au premier temps à la pointe. Vers la fin de mars, les gencives sont guéries ; les taches sanguines ont disparu. On perçoit de nouveau un bruit de souffle à la base au deuxième temps, et celui de la pointe n'existe plus; 66 pulsations par minute. Depuis huit jours les selles sont redevenues régulières. Sueurs profuses la nuit. Température 37°,8. Il a pris durant trois semaines de l'acide citrique et du perchlorure de fer. Oss. XVII, — Mersh, tailleur, âgé de 26 ans. Il a le teint terreux; il est d’une faiblesse excessive, ne peut mouvoir ni les bras ni les jam- bes; de plus la respiration est pénible. 5 janvier. Les membres inférieurs sont couverts de taches sanguines qui siégent dans l’intérieur des bulbes pileux. Il ressent des douleurs vives dans les reins, dans les masses musculaires des membres; il ne peut s’asseoir dans son lit. Les gencives sont couvertes de végétations fongueuses, et il lui est impossible de prendre d’aliment autre que la soupe. Il a eu de la diar- rhée huit jours seulement, laquelle a succédé à une constipation très- rebelle; il est resté quatorze jours de suite sans garde-robe, et le cours des selles n’a pu être rétabli qu’avec l’huile de croton. Le foie et la rate sont volumineux, douloureux à la percussion. Bruit de souffle au deuxième temps à la base du cœur; pouls régu- lier; 90 pulsations par minute. 25 février. Les gencives sont presque guéries ; le purpura des jambes diminue. Depuis plusieurs jours il a ressenti des douleurs intolérables dans les muscles des membres supérieurs, depuis lomoplate jusqu’à la partie moyenne du bras, qui n’ont été guéries que par des applications de vésicatoires. Le bruit de souffle cardiaque persiste; 90 pulsations ; pouls faible et dicrote. 28 mars. Il peut se tenir debout ; il commence à marcher; sa phy- sionomie a repris de la coloration. L’appétit est revenu; les taches ont disparu ; il n’a plus de douleurs musculaires. On n'entend plus que très-difficilement le bruit de souffle au deuxième temps; 78 pulsations par minute. Le malade entre en convalescence. Oss. XVIII. — Tenièse, fabricant de pendules, âgé de 32 ans. Il entre à la Santé le 30 octobre ; le 1* décembre il est pris de fièvre qui dure huit jours, de douleurs dans les masses lombaires, dans les muscles de la cuisse, des jambes. La cuisse droite se recouvre d’ecchymoses ainsi que la partie interne du bras. 147 En janvier il est d’une pâleur excessive, ne peut s’asseoir dans son lit; le pouls petit, la matité du cœur augmentée; bruit de souffle à la base du cœur au deuxième temps; 90 pulsations par minute. Dès qu’il essaye de se lever il est pris de syncope. LS Pouls radial. 25 février. Il a encore des ecchymoses sur les membres. Les mus- cles sont douloureux à la pression ; il a un accès de fièvre violent; 120 pulsations à la minute ; on n’entend plus le bruit'de souffle cardiaque. 21 février. Il est pris d’un accès de dyspnée des plus intenses. (Voy. pl. VIL, fig. 1, c.) Il est assis dans son lit pour respirer; d’une pâleur extrême, les yeux largement ouverts, le pouls presque insensible. L’aus- cultation révèle des ràles sous-crépitans à la base des deux poumons, mais peu abondants. La dyspnée va en croissant jusqu'à la mort. La crise a duré vingt-quatre heures. Auropsie. — La peau ne présente plus que quelques taches purpuri- ques au niveau du mollet et une teinte ecchymotique qui tend à s’ef- facer. Les gencives n'avaient pas subi de ramollissement; elles sont extré- mement pâles. Les muscles des membres inférieurs sont imprégnés de sang et ont une coloration jaunâtre. Les muscles au niveau du coude sont également remplis de sang. Le cerveau est légèrement congestionné. Dans la cavité thoracique pas d’épanchement; à la base des deux poumons simple congestion. Le cœur est augmenté de volume: de larges plaques blanchâtres épaississent le péricarde viscéral; la cavité péricardique contient une petite quantité de sérosité jaunâtre, transparente. Les parois du cœur et principalement du ventricule gauche sont visiblement atrophiées; la substance du cœur est jaune, mollasse et se rompt facilement. Les valvules aortiques ont perdu toute leur élasticité ; elles sont chiffonnées et n’obturent plus l’orifice ; elles laissent écouler l’eau que l’on verse par l’aorte. L’oreillette droite contient des caillots mous, noirâtres qui se pro- longent dans le ventricule droit. Le cœur gauche renferme un caillot blanc, élastique (pl. VIL, fig. 1, c), se déchirant difficilement et adhérant 148 aux colonnes charnues du cœur, et envoyant des traînées jusque dans les cordages de la valvule auriculo-ventriculaire. Ce caillot est recou- vert d’un caillot plus récent, noirâtre. Au microscope on constate que les fibres du cœur ont en grande partie perdu leurs stries; dans certaines parties il ne reste plus que le sarco- lemme de la fibre; dans d’autres le sarcolemme est même détruit et ilya communication d’une fibre avec la voisine, (PL. VIL fig. ?, a, b, c.) Dans ces points de communication de gros blocs graisseux occupent la fibre musculaire et sa voisine dépouillée du sarcolemme. Dans d’autres par- ties on ne trouve plus que des agglomérations de globules graisseux sans traces de fibres. Les stries sont encore remplacées par des granu- lations noirâtres qui rendent la fibre obscure. La muqueuse de l’es- tomac est injectée et contient des arborisations vasculaires énormes. Il en est de même pour la muqueuse de lintestin. Le foie est hypertro=- phié dans son diamètre antéro-postérieur; il pèse 1,770 grammes. Sa capsule est épaissie et a, de distance en distance, des lignes blan- châtres qui traversent sa face supérieure. Le foie est ramolli, en enle- yant la capsule on emporte un morceau du foie; il se laisse facilement pénétrer par le doigt. Si l’on en fait une coupe, on constate des espaces jaunâtres, limités par des îlots rouges et de distance en distance les îlots rouges ont presque disparu ; on constate à l’œil nu que le foie est graisseux. Les cellules du foie renferment une énorme quantité de globules graisseux, des granulations opaques; les lobules sont opaques dans la plus grande étendue de leur diamètre. La rate est atrophiée, ce qui est exceptionnel; elle pèse 35 gram- mes ; sa substance est diffluente. La capsule du rein se détache facilement; sa surface convexe pré- sente des espaces complétement jaunes, des taches blanchâires; ces espaces sont coupés de distance en distance par des plaques roires correspondant à des hémorrhagies partielles. Ce qui prédomine, c’est l’aspect jaunâtre de la surface. Si l’on fait une coupe du rein, on constate à ? ou 3 millimètres de la surface une coloration rouge uniforme, puis la substance devient jaune cire; la substance corticale qui se distribue entre les pyramides de Malpighi a la même coloration. À la base des pyramides on observe, comme dans le foie, des espaces jaunâtres considérables parsemés d’îilots rouges. Au microscope on ob- serve que les tubes ont conservé leurs dimensions normales; ils ont une apparence jaunâtre, leur épithélium est rempli de globules grais- seux ; les capillaires sont dilatés et il s’est fait un certain nombre de petits foyers hémorrhagiques par suite de leur rupture. Muscles. — Les fibres musculaires de la cuisse sont jaunâtres; la 149 striation a en grande partie disparu; elle est remplacée dans certains points par de larges lignes noirâtres, paralleles, opaques, qui sont les vestiges des stries. Au-dessus de ces lignes sont des globules graisseux de volume variable et des granulations noires. Un certain nombre de fibrilles ont perdu une de leurs parois et les globules graisseux s’éten- dent jusque dans la fibrille la plus proche. Les fibres du biceps (pl. VE, fig. 2, &, b, c) sont moins altérées; elles n’ont subi la dégénérescence graisseuse qu'à un degré bien moins élevé. Oss. XIX.— Arnaud, marin, 26 ans, a fait le service des tranchées durant trois mois, exposé au froid, à l'humidité. Son alimentation a été continuellement insuffisante; il à été nourri exclusivement de pain, riz, viande de cheval, café, rhum et vin aux repas, un seul verre. Il a d’abord été affecté de broncho-pneumonie, qui l’a tenu couché durant trois semaines, et dans la période de convalescence, le scorbut s’est développé. Les symptômes ont été : fatigue dans les jambes, purpura et ecchymoses sous les membres inférieurs, ramollissement partiel des gencives. 102 pulsations par minute, bruit de souffle au deuxième temps à la base; hypertrophie de la rate et du foie. Température, 37°,1. Au bout d’un mois de traitement, qui n’a consisté qu’en une alimen- tation suffisante avec de la viande, des soupes, etc., et sans médica- ment, les ecchymoses, le purpura ont disparu, les gencives se sont raf- fermies; il a pu marcher et a demandé à quitter l'hôpital. Oss. XX. — Hedel, soldat de ligne, 25 ans, n’est malade que depuis douze jours du scorbut, Il a le teint rose, n’a pas maigri. Durant quatre mois, sa nourriture se composait, le matin, d’une soupe, lard, salaison ; le soir, le repas était le même, et il y ajoutait un légume, fèves ou pois. 10 mars. Les symptômes du début ont été douleurs et ecchymoses dans le creux poplité du côté gauche; la cuisse gauche est dure, ten- due, gonflée, imprégnée de sang, douloureuse à la pression; rien du côté droit ; les gencives sont peu ramollies. 66 pulsations. Les bruits du cœur sont normaux; souffle continu dans les carotides. Tempéra- ture, 37°,1. 16 mars. L’ecchymose de la cuisse a diminué ; celle-ci est moins gon- flée, et le gonflement subsiste encore à la partie inférieure de la cuisse; les gencives sont moins douloureuses, plus raffermies. Les bruits du cœur s'entendent mieux ; l'impulsion est plus énergique. 29 mars. Les gencives sont guéries; le purpura, les eechymoses ont disparu; la jambe reste fléchie sur la cuisse. Il s’est fait, comme dans la plupart des cas, vers la période de la convalescence, une véritable rétraction musculaire. 150 H n’a eu pour toute médication que du vin de quinquina. Oss. XXI. — Revet, soldat de ligne, âgé de 23 ans, est d’une päleur excessive, très-amaigri, ne peut s'asseoir dans son lit ni mouvoir ses jambes. Le scorbut a déterminé une faiblesse musculaire portée au plus haut degré. Il avait, au moment de son entrée dans le service, un bubon hémorrhagique qui n'avait aucune tendance à la cicatrisation, et restait dans le même état depuis plusieurs semaines, malgré les ap- plications de teinture diode, de perchlorure de fer, etc. Il a les apparences d’un individu scrofuleux : blépharite chronique, chute des cils, le corps peu développé. 25 février. Les symptômes du scorbut étaient : purpura sur les mem- bres inférieurs, roideur articulaire, ramollissement des gencives; les dents oscillent dans les gencives, et mastication impossible. 108 pulsations par minute; pas de bruit de souffle cardiaque; les bruits sont mal frappés. En raison de la constitution scrofuleuse, nous prescrivons une bonne alimentation et une cuillerée d’huile de foie de morue. Après dix jours de traitement, la pâleur de la face diminue ; la phy- sionomie est meilleure; les taches des jambes diminuent. Les forces musculaires reviennent ; peu à peu le malade commence à s'asseoir dans son lit et à se mouvoir. 29 mars. Les taches des jambes ont disparu; il commence à se lever et à marcher. Le teint est rose. Les gencives se raffermissent et le scorbut tend à disparaître. ’ Vers la convalescence, les lèvres se couvrent de plaques muqueuses; un psoriasis confluent apparaît à la plante des pieds et dans la paume des mains. La peau du corps, celle de la verge se couvre de plaques muqueuses sèches; 1l s’en produit également à l’anus. Le malade a non-seulement le scorbut, mais la syphilis qui se manifeste sur tout le corps, bien qu'il prétende n’avoir jamais eu de chancre. Nous prescri- vons une pilule de proto-iodure hydragyrique, 5 centigr. par jour, et au bout d’une quinzaine de jours, les symptômes de la syphilis dimi- nuent de plus en plus. Le mercure, à cette dose, n’a pas déterminé de salivation. Ogs. XXIL. — 10 mars. Girard, artilleur, 25 ans, depuis trois semai- nes ressent des douleurs dans les genoux et de la faiblesse; il a eu des taches de purpura sur les cuisses qui sont effacées aujourd’hui; ra- mollissement des gencives. Le pouls est faible et lent ; 60 pulsations par minute; bruit de souflle au deuxième temps à la base. 151 Ressent encore des douleurs à la poitrine, mais moins fortes qu’au début; respiration facile. 16 mars. Il a des douleurs dans la cuisse; les gencives sont raffer- mies ; le bruit de souffle s’entend, mais faiblement. 29 mars. Les symptômes du scorbut ont disparu; il ne reste plus qu’un faible bruit de souffle à la base. Il n’a eu pour tout traitement qu'une bonne alimentation et du vin de quinquina. Oss. XXIIT. — Razet, marin, âgé de 23 ans, a eu d’abord une bron- chite aiguë, qui a duré un mois ; puis sont survenues les douleurs dans les jambes, les mollets, les articulations du genou. Les gencives se sont ramollies, puis le purpura s’est développé sur les membres inférieurs. Le malade a le teint blafard ; les bruits du cœur sont réguliers, sourds, normaux. 108 pulsations par minute ; le pouls est dicrote ; pas de bruit caroti- dien ; la soif vive, comme chez la plupart des malades; il a eu de la diarrhée pendant quatre à cinq jours. Au bout d’un mois d’une bonne alimentation, les gencives étaient raffermies, les taches avaient disparu ; le pouls était tombé à 96 pulsations, le teint était redevenu rose; le malade peut marcher, mais se fatigue vite, Oss. XXIV. — Clerc, marin, 36 ans, fait depuis quatre mois le ser- vice des tranchées ; sa nourriture se composait exclusivement de hari- cots, pois, soupe, salaisons, viande de cheval. Au commencement de janvier, il eut des douleurs dans toutes les articulations. Vers le 15 février, purpura, ecchymoses sur les membres inférieurs, gencives et muqueuses de la voûte palatine partiellement ramollies ; il ne peut plus se tenir que difficilement debout. L’appétit est conservé; point de diarrhée. Rate volumineuse et douloureuse à la pression. Pouls petit, régulier; 66 pulsations par minute; pouls dicrote; les battements du cœur sont sourds; bruit de souffle au deuxième temps à la base. Le 25 février, il a essayé de se lever ec de marcher. Le lendemain, il a été repris de douleurs dans les jambes; de nouvelles ecchymoses ont reparu. 48 pulsations régulières; léger bruit de souffle encore au deuxième temps à la base. 17 mars. Le teint, qui était blafard, a pris une coloration rose; les gencives sont guéries; les taches des membres ont disparu; il peut marcher facilement. On entend cependant le bruit au deuxième temps ; 152 mais le malade se trouvant guéri demande à quitter l'hôpital pour retourner à Brest. Pouls radial à la période d'état. Tracé du pouls radial dans la période d’amélioration. Oss. XXV. — Leguebel, marin, 26 ans, a déjà eu le scorbut en Cri- mée durant un mois. Au commencement de janvier, il à de la fièvre pendant quelques Jours, se reproduisant le soir; il éprouve des douleurs dans les join- tures ; les ecchymoses se montrent sur les cuisses et les jambes; les gencives se ramollissent. Dès le début la diarrhée se produit, cinq ou six selles par jour, et elle dure, avec quelques rares intermittences, pendant deux mois, . Bruits du cœur faibles, normaux ; 84 pulsations par minute. 27 février. L’ecchymose de la cuisse à disparu; il ne reste plus de taches sur la peau; les douleurs musculaires ont cédé; il ne peut mar- cher sans que la jambe enfle ; les gencives se raffermissent de plus en plus ; 84 pulsations; point de bruit de souffle cardiaque. Température — 37°,6. 31 mars. Les gencives sont guéries; les taches ont disparu. 78 pulsations ; le malade peut marcher; la diarrhée a complétement cessé; guérison complète. Ors. XXVI. — 10 janvier. Leroy, marin, 27 ans. Depuis un mois et demi a des douleurs articulaires; depuis le début les membres infé- rieurs sont tachés de purpura et d’ecchymoses. Il ne peut se lever. Le ramollissement des gencives s’est produit trois semaines après les premiers symptômes. L’appétit est conservé ; la digestion est bonne; constipation. 153 Pouls régulier, 90 pulsations; bruit de souffle au deuxième temps et à la pointe. 25 février. Le purpura et les ecchymoses ont presque disparu; il n’a plus de douleurs articulaires. Il peut se lever et marcher. 72 pulsations par minute. Température — 37°,8. 25 mars. Les gencives sont raffermies ; il marche facilement, 66 pul- sations, et il n’a plus ni taches ni purpura; on entend encore le bruit de souffle de la pointe. 31 mars. Les bruits du cœur sont redevenus vibrants; l'impulsion cardiaque est redevenue forte; il se lève, marche facilement et de- mande à quitter l'hôpital. Il n’a eu pour tout traitement que du perchlorure de fer à la dose de 1 gramme en solution, durant un mois et demi, et des frictions des jam- bes avec l’alcool camphré. 4 Oss. XX VII. theut, marin, 25 ans, a eu au début, il y a deux mois, durant quelques jours, un mouvement fébrile intermittent et du purpura sur les membres inférieurs. Actuellement, le 15 janvier, il a le facies blafard , les muqueuses pà- les et décolorées, les gencives très-ramollies ; il est incapable de s’as- seoir dans son lit; il est d’une faiblesse excessive. Les articulations des membres inférieurs sont douloureuses. 96 pul- sations par minute. Les bruits du cœur sont faibles; bruit de souffle à la base et au deuxième temps. 27 février. Le purpura des jambes diminue sensiblement. Il est très- pâle ; hémorrhagie par les gencives considérable; fongosités gingivales énormes, et les dents sont tombées en grand nombre. 102 pulsations par minute; bruit de souffle au premier temps, ané- mique ; bruits carotidiens. Température — 39,7; soif vive. 16 mars. Le teint est blême; les gencives saignent continuellement; le purpura est effacé; il peut s’asseoir dans son lit, mais ne peut se lever; 96 pulsations; le bruit de souffle cardiaque a disparu; les dents sont presque complétement tombées. 30 mars. Le teint reprend de la couleur: le purpura tend à dispa- raître; 90 pulsations; les bruits du cœur sont plus nets et mieux frap- pés; on n'entend plus de bruit de souffle cardiaque; depuis vingt jours il a de la diarrhée; six selles en vingt-quatre heures; la diarrhée pa- raît s'arrêter. Les forces reviennent peu à peu. I se nourrit de soupes, légumes; ne peut que difficilement manger de la viande, à cause de l’état de ses gencives. MÉM. 1871. 11 154 Ozs. XXVIIL. — Quenia, marin, 38 ans. A eu le scorbut dans la guerre de Crimée; il s’en est guéri après un mois de séjour à Constantinople. Les symptômes du début du scorbut ont été douleurs articulaires dans les membres inférieurs et purpura ; purpura sur la peau des bras; ramollissement des gencives. Diarrhée, deux à trois selles par jour. 84 pulsations; bruits de cœur normaux. Traitement consistant en une solution de perchlorure de fer, { gr., du vin de quinquina, des frictions des jambes. Il quitte l'hôpital le 20 février, guéri. Oss. XXIX. —Prouvenchère, marin, 24 ans. Le scorbut a débuté, il y a quatre mois, par de la fièvre qui a duré trois semaines environ; des douleurs dans les jambes et du purpura. Le 10 janvier, le teint est pâle, les muqueuses sont décolorées; le purpura subsiste sur la peau des jambes. L’appétit est perdu; aucun ramollissement des gencives, mais päleur gingivale excessive. Le ma- lade a de la diarrhée depuis quinze jours, et environ six selles liquides en vingt-quatre heures. La rate est douloureuse à la percussion et hypertrophiée; le foie est hypertrophié. Le pouls est petit, régulier, 84 pulsations par minute; bruits du cœur très-faibles ; pas de bruit de souffle cardiaque. 97 février. Purpura sur les membres inférieurs ; ecchymoses sur la partie externe du coude. Les douleurs dans la région lombaire l’empé- chent de rester assis dans son lit. Soif vive. Les gencives ne sont pas, ramollies. La diarrhée persiste avec la même intensité. 96 pulsations; bruits du cœur très-faibles; pas de bruit de souffle car- diaque; bruit de souffle continu dans les carotides. Le malade maigrit de plus en plus; il tombe dans un véritable ma- rasme. Il tousse ; matité énorme au sommet du poumon gauche en arrière et dans le tiers de la hauteur; frottement du côté droit en arrière et quelques craquements. La diarrhée est incurable. Les potions, avec laudanum de Sydenham, 1 gramme, et sous-nitrate bismuth, 10 grammes; les lavements astrin- gents au nitrate d'argent n’ont aucun effet. Auropsie. — Le tissu graisseux a disparu sous la peau; on n’en trouve plus de trace dans le tissu cellulaire sous-cutané. A la plante des pieds, la peau fait des plis, est ridée, et est comme trop large pour le pied qu'elle recouvre. 155 Il y a encore quelques taches purpurines sur la peau, qui tendent à s’effacer ; mais il n’y a plus de trace d’ecchymoses. Au niveau du mollet, les muscles sont imprégnés également de sang ; les muscles du bras ont l’apparence normale. La cavité articulaire des genoux contient de la synovie sanguino- lente. A la partie inférieure du fémur, la partie interne de la circonfé- rence de l’os est imprégnée de sang. Le poumon gauche est recouvert dans toute son étendue par des fausses membranes imprégnées de sang; aucun épanchement séreux dans la cavité thoracique; les fausses membranes recouvrent la sé- reuse pariétale, et l’on peut détacher les fausses membranes du pou- mon sans léser son tissu; les fausses membranes sont de production récente et s'étendent à presque tout le poumon gauche. Le tissu pulmonaire est sain, crépitant, et présente une pigmentation considérable dans toute son étendue. Du côté du poumon droit, on trouve également à la surface quelques fausses membranes. La cavité du péricarde ne contient pas de sérosité; le cœur est mou, flasque, notablement atrophié; les parois du ventricule droit sont très- amincies ; les parois du ventricule gauche le sont également. Le cœur, détaché des gros vaisseaux, pèse 211 grammes, Dans le plus grand nombre des fibres, on ne trouve plus de stries ; mais les stries sont remplacées par des lignes opaques, larges (pl. V), qui semblent être les vestiges des stries; en d’autres points, les fibrilles sont fragmentées, remplacées par des granulations opaques et des cor- puscules graisseux. Les muscles du biceps sont moins altérés que ceux de la cuisse. I n’y a plus de stries dans les muscles du mollet, (PI. VI, fig. 2.) Des corpuscules graisseux se déposent sur les parois du sarcolème, puis se répandent à la partie médiane pour envahir le champ de la fibre: ou bien ces corpuscules graisseux, se développant, détruisent le sarco- lème de la fibre musculaire pour se répandre dans la fibre voisine. Dans le biceps certaines fibres ont perdu quelques stries, sont im- prégnées partiellement de granulations graisseuses, mais la plupart sont intactes. Le foie a la coloration du foie dit muscade; il pèse 1,190 grammes. Examinées au microscope, les cellules paraissent imprégnées d’une quantité énorme de globules graisseux qui ont envahi tout le champ de là cellule; de distance en distance on observe quelques foyers hé- morrhagiques résultant de la rupture des capillaires. L’estomac a une coloration rouge ainsi que toute la portion supé- rieure de l'intestin grêle. Vascularisation énorme de la muqueuse de 156 l’estomac et de la muqueuse de l'intestin grêle; en quelques points des infractus hémorrhagiques, les glandes de Brunner paraissent saines ainsi que celles de Peyer. Le gros intestin est également injecté. La muqueuse présente trois ou quatre ulcérations superficielles qui n’atteignent pas les membranes sous-jacentes ; ces ulcérations ont la largeur d’une pièce de 1/2 franc et présentent un fond blanchâtre ; elles ne sont pas taillées à pic et elles sont difficiles à reconnaître. Au microscope on constate la dilatation des capillaires, leur vari- cosité. Leur rupture en différents points cause des ecchymoses mul- tiples. Le rein pèse 130 grammes; son écorce est jaune, et à la surface de l'écorce on observe des arborisations nombreuses. L’écorce envoie des prolongements jaunâtres entre les pyramides de Malpighi; ces pyramides sont traversées par des vaisseaux dilatés qui s'étendent jusqu’à la surface du rein. Au microscope les tubes rénaux sont parsemés de cellules grais- seuses et imprégnés de granulations graisseuses ; on trouve des foyers hémorrhagiques disséminés. Le rein a subi une véritable dégénérescence graisseuse. Os. XXX, — Krentz, marin, 23 ans. Le scorbut débute par une fièvre lésère intermittente qui dure quelques jours, par une fatigue ex- cessive, puis paraissent le purpura et les ecchymoses sur les membres inférieurs et supérieurs. Deux épistaxis peu abondantes au début; le ramollissement des gencives ne se produit qu'après deux mois de ma- ladie. L’appétit est toujours conservé; point de diarrhée; rate hyper- trophiée et douloureuse à la percussion; le foie est hypertrophié et dé- passe les côtes de 4 centimètres, la palpation du foie est douloureuse ; battements du cœur faibles, mais normaux, pas de bruit de souffle au cœur et dans les carotides; 90 pulsations. Ce sont là les principaux symptômes que nous avons constatés au commencement de janvier. 27 février. Les ecchymoses, le purpura des bras ont disparu ; ceux des membres inférieurs tendent à disparaître. Le teint du malade, qui était blafard, redevient rose. Il peut commencer à se lever et à mar- cher ; 96 pulsations. Température 38°,2. Le malade mange trois soupes par jour, deux fois de la viande, du pain, une demi-bouteille de vin, et son régime médicamenteux se com- pose de vin de quinquina et de perchlorure de fer à la dose de 1 gr. par jour. 16 mars. Les taches sanguines sont presque effacées, les gencives 157 sont guéries, il ne reste plus que des douleurs de reins et de mollets ; 78 pulsations. Le 31 mars la guérison est complète, les taches n’existent plus, les forces musculaires sont entièrement revenues. Oss. XXXI.— Nicolas, marin, âgé de 27 ans.—Le 10 janvier. Depuis un mois la cuisse droite est gonflée et douloureuse, ainsi que le mollet, purpura et ecchymoses sur les membres inférieurs, ecchymoses au pli du coude à la partie interne. Les gencives sont pâles, mais non ramollies; le teint est décoloré; appétit bon, constipation, rate hypertrophiée; battements du cœur sourds et réguliers ;, pas de bruit de souffle; 84 pulsations, bruit de souffle continu dans la carotide droite; le malade ne peut se lever ni marcher. 27 février. Les ecchymoses et les douleurs des membres disparais- sent ; les gencives sont moins pâles, le sommeil revient; 60 pulsations. Bruit de souffle au deuxième temps à la base du cœur. Température, 31°,6. 16 mars. Les taches ont disparu ; il peut fléchir la jambe sur la cuisse ; les bruits du cœur sont extrêmement faibles ; on n’entend plus le bruit de souffle ; 66 pulsations. Le pouls est presque insensible. Il n’a eu des épistaxis que durant deux ou trois jours. 31 mars. Le malade est guéri. Son traitement n’a consisté qu’en une bonne alimentation et du perchlorure de fer à la dose de 1 gramme et des frictions des jambes. Oss. XXXII. — Radicois, marin, âgé de 24 ans. — 10 janvier. Il est malade depuis un mois. Le scorbut a été précédé d’une récidive de dy- senterie contractée aux colonies et qui ne dura ici que huit jours. Le malade est pâle, les gencives sont ramollies; purpura des membres in- férieurs ; le pouls est très-faible ; 78 pulsations. Bruits du cœur nor- maux, mais remarquables par leur obscurité; appétit conservé, diar- rhée légère. ?7 février. Les taches ont disparu en partie, ainsi que les douleurs ; les gencives se raffermissent ; point de sommeil, soif vive; cinq ou six selles liquides par jour; 72 pulsations. 16 mars. Les symptômes du scorbut ont disparu. Il ne reste plus que de la diarrhée qui dure depuis trois mois et qu’il est difficile d'arrêter. Ni le bismuth, ni l’opium, ni son régime, qui se compose surtout d'œufs et de soupes, ne semble la modifier. Nous lui fimes prendre alors du jus de citron qui ne paraît pas non plus avoir un effet thérapeutique marqué. {58 Oss. XXXIIT. —- Richard, 35 ans, soldat de ligne. Il a fait, durant plusieurs semaines, le service des tranchées; il est resté quinze jours de suite sur un sol imprégné d’eau. Sa nourriture se composait exclu- sivement, à dose insuffisante, de pommes de terre, lard, oignons. Le scorbut a débuté il y a deux mois par des douleurs dans les ge- noux, du purpura et des ecchymoses sur les membres inférieurs. Le ramollissement des gencives n’a paru qu'au bout d’un mois. Le malade est d’une faiblesse extrême ; il ne peut s’asseoir sur son lit ; le teint pâle, les muqueuses décolorées; toutefois l'appétit est conservé; constipa- tion. Pouls régulier, 78 pulsations; bruit de souffle à la base du cœurau deuxième temps, rien dans les carotides. 27 février. Les gencives sont raffermies, le purpura des membres in- férieurs existe encore, les mollets sont gonflés et douloureux; bruit du cœur sourd, le deuxième temps est encore prolongé; 96 pulsations, six selles diarrhéiques par jour. ‘ 31 mars. Le malade se nourrit d'œufs, de soupe, de viande crue deux fois par jour. Les symptômes du scorbut ont disparu; il ne reste plus qu’un très- léger bruit de souffle au deuxième temps. Il se lève et marche facile- ment. Le teint et les muqueuses se sont colorées ; 72 pulsations. Il n’a pris pour tout traitement que du quinquina. Oss. XXXIV. — Vese, employé de commerce, 36 ans. Entre à la prison de la Santé le 28 septembre, et huit jours après son entrée est pris de diarrhée (six selles par jour) qui dure jusqu’au 20 février, le jour de sa mort. Ïl a le teint blafard, les muqueuses décolorées, hydropisie généralisée aux membres supérieurs et inférieurs; de l’ascite, pas de trace d’albu- mine dans les urines, on ne trouve qu’une ecchymose légère du mollet et de rares taches purpurines, qui existent sur le mollet droit depuis le mois de décembre. Les gencives sont décolorées, mais non ramollies. Le malade est incapable de s’asseoir dans son lit et de mouvoir les membres. Le pouls est faible, régulier, 90 pulsations, pas de bruit de souffle au cœur. Il y a une légère toux; on constate à la base des deux poumons des râles sous-crépitants. Le 20 février, le malade est pris d’une dyspnée violente qui dure vingt-quatre heures, et il s’éteint après avoir conservé toute son intel- ligence. Aurorsie. — Si l’on excise la peau, il s'écoule une sérosité sangui- 159 nolente très-abondante. Les aponévroses sont imprégnées de la même sérosité. Aux membres inférieurs les muscles sont pleins de sang, les fibres musculaires sont partiellement désagrégées; rien aux membres su- périeurs. La cavité abdominale est remplie de liquide ascitique jau- nâtre transparent, les poumons ne sont que congestionnés aux deux bases; pas d’épanchement dans la cavité thoracique. On trouve sous Ja plèvre des petits foyers hémorrhagiques. Les poumons sont crépi- tants; le tissu cellulaire sous-péricardique est fortement œædématié ; Ja cavité péricardique renferme une assez grande quantité de sérosité. Le muscle du cœur est jaune dans son tiers externe, un peu plus rouge dans sa partie interne, mollasse; les parois sont notablement atro- phiées. Examinées au microscope, les fibres de la partie gauche du cœur ont perdu toute'striation, les stries sont remplacées par des granula- tions graisseuses et des globules graisseux plus ou moins volumineux. Vers la partie interne du cœur, les fibres sont également altérées, mais à un degré moindre; les granulations graisseuses sont réunies par pe- tites masses dans les parties centrales ou latérales de la fibre, et les stries subsistent. Le volume du foie est à peu près normal, il a les caractères physi- ques du foie dit muscade ; la capsule se détache facilement, la substance jaune est très-développée aux dépens de la substance rouge. Les cel- lules du foie sont pleines de granulations graisseuses, de globules grais- seux et pigmentaires. La vésicule est pleine de bile. La rate adhère fortement au dia- phragme, on ne peut la séparer qu’en la déchirant. La capsule est très- épaisse, la substance de la rate est complétement diffluente. Le rein a son volume normal ; l’écorce est tout à fait jaune, pénétrée de stries rouges qui correspondent à la dilatation des vaisseaux. Le tube réral a son volume normal, il est garni de cellules grais- seuses ainsi que le glomérule. Les capillaires du rein sont dilatés et déchirés en certains points; on observe des petits foyers hémorrhagiques multiples dans la sub- stance du rein. On trouve dans la muqueuse de l’estomac et de l’in- testin une dilatation vasculaire considérable avec des sugillations et des _ foyers hémorrhagiques nombreux. Os. XXXV.—Rousselet, 57 ans. Il a le teint blafard ; purpura ; inca- pable de s’asseoir dans sonlit; ecchymoses sur les membres inférieurs, rien aux membres supérieurs. Les gencives sont ramollies, le pouls 160 petit, presque insensible. 66 pulsations, rien dans les carotides. Il s’af- faiblit de plus en plus et-meurt avec toute son intelligence. AUTOPSIE. — Le cœur notablement dilaté, et les parois sont amin- cies. Quelques caillots noirs dans le ventricule droit; le ventricule gau- che est rempli de caillots anciens, blanchâtres, incrustés dans les co- lonnes charnues, fortement adhérents; ils garnissent une partie de la valvule auriculo-ventriculaire, on ne peut pas les détacher sans les déchirer. Au microscope, on constate que ces caïllots sont formés de fibres cellulaires. La substance du cœur est semi-jaunâtre ; les stries des fibres sont marquées sur une assez grande étendue ; elles ont dis- paru en certains points, remplacées par des amas de globules grais- seux qui s'accumulent tantôt au centre, tantôt sur la paroi des fibres ; le rein est complétement jaune; sa coloration ressemble à celle de la cire fraîche; cette coloration jaunâtre est générale et uniforme dans la substance corticale et tubuleuse; la capsule se détache facilement; toute trace de vaisseau semble avoir disparu du rein; les tubes vus au microscope semblent dilatés et recouverts dans leur centre et à la sur- face de cellules transparentes ou remplies de globules graisseux et de granulations. Les cylindres et les glomérules en sont également recouverts. Les vaisseaux sont vides et diminués de volume; ils se traduisent encore par la présence des globules sanguins. Le foie est hypertrophié dans son diamètre antéro-postérieur; il est tout à fait jaune et est le type du foie gras. Si on le presse, on n’en fait sortir que très-peu de sang. Le lobule est constitué par des cellules déformées, opaques, jaunâtres, pleines jusqu’au centreide globules graisseux. La rate est hypertro- phiée, sa capsule est épaisse, sa substance est diffluente. Les fibres musculaires de la cuisse ont une apparence jaunâtre; les stries sont masquées et remplacées par des globules graisseux; il en est de même des muscles du mollet. Dans le biceps la dégénérescence est bien moins avancée. Oss. XXXVI. — Pran, 28 ans. À eu d’abord une bronchite qui dura quinze jours, puis une diarrhée durant trois semaines. 7 mars. Depuis six semaines le scorbut a débuté. Depuis huit jours, douleurs de reins. Il ne peut se tenir assis dans son lit, Taches ecchy- motiques sur les membres inférieurs. Pouls faible, 90 pulsations. Bruit de souffle au deuxième temps et à la base. 17 mars. Le malade, qui a déjà eu le scorbut en Chine, qui a été nourri durant le siége avec du biscuit, du riz, une quantité insuffisante de viande et de vin, est nourri à l’hôpital avec des soupes, de la viande et quelques légumes, de la viande deux fois par jour, trois soupes. Aucun 161 médicament ne lui est administré. Les gencives se sont raffermies ; il peut se tenir debout et marcher; 78 pulsations. Bruit de souffle en- core au deuxième temps. Ce malade commence à entrer en convales- cence. Oss. XXX VII. — Mouron, artilleur, 26 ans. — 8 mars. Depuis trois semaines il a un accès de fièvre intermittente qu’il a déjà eue dans son pays. Depuis un mois le scorbut a paru. Durant les quinze premiers jours, deux épistaxis par jour; douleurs vives dans les genoux, lassitude ex- trême. Actuellement, purpura des membres inférieurs et des bras; 96 pulsations, pouls faible. Bruit de souffle au deuxième temps à la pointe. Hémorrhagie dans la muqueuse de l’œil droit. Température 37°,7, Chez les vieillards, le scorbut se manifeste avec les mêmes symptô- mes que chez les adultes, et il semble guérir aussi rapidement sous l'influence d’une bonne alimentation et de bonnes conditions hygiéni- ques. C’est ce que nous a montré l’observation des vieillards envoyés de l’hospice de Bicêtre à l'hôpital d'Ivry. Oss. XXXVIIT. — Mallard, âgé de 69 ans, Depuis sept ans hémiplé- gie gauche avec tremblement du membre supérieur et inférieur. Il a eu au début des épistaxis et rendu durant une huitaine de jours quelques caillots de sang. Depuis six semaines il a du purpura et des ecchymoses sur les mem- bres inférieurs qui sont douloureux au toucher, des douleurs articulai- res dans les membres supérieurs, sans aucune tache. Les gencives sont ramollies. C’est à peine si l’on peut percevoir les battements du cœur tant ils sont faibles. Pas de bruit de souffle, 78 pulsations. La nourriture se composait durant le siége de 300 grammes de pain, le matin une soupe maigre, à midi une tasse de bouillon et une cuil- lerée de riz, sept centilitres de vin aux repas et du riz le soir. Le 3 avril ce malade a pu quitter l'hôpital à peu près guéri. Il a été seulement alimenté. Os. XXXIX. — Garnier, 57 ans, aveugle depuis ? ans; strabisme de l'œil gauche, la cécité a été précédée d’une paralysie généralisée qui a cessé presque complétement depuis quinze jours. Les symptômes du scorbut sont faiblesse dans les genoux et les chevilles, douleurs dans les reins, purpura, ecchymoses sur les jambes et les pieds. Gencives ramollies, surtout celles de la mâchoire infé- rieure. L’appétit est bon, constipation, pouls intermittent dicrote, pas de bruit de souffle au cœur. 162 Il a eu au début durant quelques jours quelques épistaxis; bronchite et emphysème. Température 36°,5. Après quinze jours les gencives sont guéries ; les taches ont presque disparu; les selles sont régulières; il ne reste plus que la faiblesse des reins et des jambes. Oss. XL. — Melira, 44 ans, aveugle depuis 8 ans, malade depuis un mois, a eu de la fièvre au début du scorbut. Diarrhée durant trois semaines, faiblesse des jambes, purpura sur les membres infé- rieurs, gencives légèrement ramollies; 78 pulsations ; bruits du cœur très-faibles et intermittents. Température 36°,8. Le 3 avril le purpura a disparu, les gencives sont guéries ; 66 pulsa- tions. Les bruits du cœur qui étaient très-faibles sont très-bien frappés. Oss. XLI. — Boucher, 42 ans. Amaurotique depuis 5 ans. Depuis huit jours faiblesse dans les jambes et les mollets; purpura et ecchymoses sur les membres inférieurs. D’anciennes cicatrices de furoncles sont imprégnées de sang; gencives ramollies; appétit con- servé ; constipation; bruits du cœur très-sourds ; souffle au deuxième temps à la base. Température 37°,5. Le 3 avril les taches ont presque disparu; les gencives sont raffer- mies, les forces reviennent ; plus de bruit de souffle au cœur ; 90 pul- sations. Selles régulières. Oss. XLII. — Tourneur, 57 ans. Paralysie incomplète du côté droit depuis 20 ans. Le scorbut a débuté il y a quinze jours. Au début fièvre le soir, douleurs dans les reins; faiblesse dans les jambes. Purpura et ecchy- moses aux cuisses et aux jambes; appétit conservé. Depuis quinze jours cinq à six selles diarrhéiques par jour. Bruits du cœur sourds, pas de bruit de souffle. ré Après un mois de maladie, amélioration notable. Les taches ont di- minué, les douleurs ont disparu; 78 pulsations. La convalescence commerce. Oss. XLIII. — Savart, âgée de 64 ans. Paralysie du côté gauche et contracture; depuis trois semaines scorbut. Au début faiblesse des reins sans douleurs; impossibilité de s’asseoir dans son lit; douleurs dans les genoux; purpura confluent sur les cuisses et jambes; ecchy- moses noirâtres ; gencives ramollies. Bruits du cœur obscurs, pas de bruit de souffle. 163 Après trois semaines le purpura s'éteint, mais il laisse des taches verdâtres ; les gencives sont encore ramollies ; le malade peut s’asseoir dans son lit. Oss. XLIV. — Lacrosse. 44 ans. Constitution scrofuleuse, Aveu- gle depuis l’âge de 15 ans par suite d’ophthalmie scrofuleuse, porte des cicatrices d’abcès froids à la partie antérieure du sternum et au cou. Il est scorbutique depuis six semaines; depuis le début gencives ramollies, douleurs dans le mollet droit gonflé et tendu. Ecchymoses et taches purpuriques sur les jambes; bruits du cœur très-faibles; souffle au deuxième temps à la base. Pouls faible, 90 pulsations ; appétit con- servé, constipation. Le 3 avril le purpura tend à s’effacer ; il peut commencer à marcher; 108 pulsations. On ne sent pas l’impulsion cardiaque à la main. Le bruit de souffle diminue. Pouls radial. REMARQUES SUR LES ZONES LITTORALES Mémoire communiqué à la Société de Biologie PAR M. ce Docreur LÉON VAILLANT. {Voy. planche V.) Les questions relatives à la répartition des espèces animales ont depuis longtemps fixé l'attention des naturalistes et donnent encore lieu à de nombreuses recherches ; le sujet est vaste et les conditions auxquelles on doit avoir égard dans la solution des différents pro- blèmes très-variées ; aussi ne peut-on espérer arriver que peu à peu à la connaissance de ces faits. En ce qui concerne les animaux marins, on sait aujourd'hui combien sont relativement nettes les limites entre lesquelles s'étendent les différentes réunions d'espèces tant dans le sens horizontal pour les régions géographiques que dans le sens vertical, ce qu’on pourrait appeler les régions bathymétriques. Il est dans ces dernières un point spécial sur lequel des remarques si exactes ont été faites qu'on n’a guère ajouté à ce qui a été écrit à ce sujet, je veux parler des zones littorales, et en venant aujour- d’hui insister sur cette question, je désire surtout montrer à quel point de précision arrive la concordance entre l’étude mathématique des marées et celle des stations de certains animaux, et aussi in- diquer les conditions très-anormales, au moins en apparence, dans lesquelles se trouvent quelques-uns de ces derniers. 166 MM. Audouin et Milne-Edwards (1), les premiers, ont commencé l’'ètude de ces faits intéressants et l’on peut dire que depuis leurs re- cherches les observateurs n’ont fait qu’ajouter des détails de moin- dre importance sans changer au fond rien à ce qu’avaient établi ces savants Zoologistes. La division qu’ils ont établie des zones littorales, tout en s'appuyant sur l'examen direct des animaux, repose en même temps sur les données théoriques fournies par l'étude des varia- tions dans les marées. La mer en s’élevant tous les jours au-dessus de son niveau moyen eten s’abaissant d’une quantité correspondante au-dessous de ce même niveau couvre et découvre une certaine por- tion de la côte. Ce mouvement n’étant pas uniforme, éprouvantdes oscillations périodiques, cette portion n’est pas toujours la même et varie suivant les époques : aux marées dites de mortes eaux cette quantité est plus faible, aux marées de vives eaux elle est plus forte, et comme ces phéromènes se succèdent tous les huit jours à peu près, il en résulte que quelle que soit la marée une certaine zonede la côte est couverte et découverte, tandis que tous les quinze jours seulement une zone supérieure est couverte et découverte, une zone inférieure est découverte et couverte; ce sont là les seconde, pre- mière et troisième zones de MM. Audouin et Milne-Edwards. Mais de plus, deux fois par an, vers le moment des équinoxes, une marée encore plus forte se produit qui au-dessus de la première zone cou- vre une portion de la côte, au-dessous de la troisième découvre une partie correspondante; cette dernière constitue pour les'auteurs pré- cités la quatrième zone au-delà de laquelle se trouvent les régions ne découvrant jamais. On comprend que ces: variations doivent in- fluer puissamment sur les animaux qui y sont soumis et que, suivant ses besoins physiologiques, chacun d’eux doit élire domicile dans une zone OÙ son organisation anatomique puisse satisfaire à ces besoins. A l’appui de ce principe, dans le travail dont je donne ici l’analyse se trouvent énumérés les êtres, qui, suivant la nature des terrains, ro- ches, sables, vases, se rencontrent dans chacune des zones et dont le tableau ci-joint peut donner l’idée : (1) Rapport sur trois mémoires de MM. Audouin et Milne-Edvards relatifs aux animaux sans vertèbres des côtes de la France, par M. le baron Cuvier. ANN. sC. NAT., l'° série, t: XXI, p: 326, 1830. 167 MM. AUDOUIN ET MILNE-EDWARDS (1830). ROCHERS. l'° zone. Balanes. Turbo. Patella. Purpura. Nassa. Actinia equina. 2*zone(Varecs). Mytilus. Patelles. battus Anthea cereus. Ascidies composées. es Rochers Rochers abrit Étrilles. Porcellanes. Doris. Pleurobranches. Haliotides. Ascidies simples. composées. Polynnoés. Serpules. Planaires. 3° zone {(Corallines). Pierres libres, EÉponges. Thethies, Lobulaires. Ascidies. Interstices. Acmæa pellucida. Astéries. Actinies. 4° zone (Laminaires). REPARER TE RER P EE Huîtres. Calyptrées. Peignes. Aphrodites. Portunes. Majas. Grandes astéries. 9° zone. SABLES. VASES. Talitres. Arénicoles. Orchestries. | Nephthys. Térébelles. | Siponcles. Arénicoles. Bucardes. Cérithes, Vénus. Rissoa. Solen. Térébelles, Callianasses. Axies. Thies. 168 En 1835, Sars, dans un de ses premiers ouvrages, publié à Ber- gen (1), indiqua des résultats tout à fait concordants avec les précé- dents, fait digne de remarque, la distance en latitude (11° 31’) qui sépare les localités étant assez considérable et les faunes suffisam- ment distinctes pour qu’elles soient en général regardées comme appartenant à deux provinces séparées. La division adoptée par cet auteur correspond d’ailleurs exactement à celle proposée précé- demment. Il admet, lui aussi, quatre régions désignées d’après les êtres qui en sont en quelque sorte caractéristiques sous les noms de regio Balanorum, regio Patellarum, regio Corallinarum, regio Laminariarum. Plus tard, Œrsted (2) recherchant la disposition de la faune et de la flore marine dans le détroit de l’Oeresund, partagea un peu diffé- remment les zones, comme l'indique le tableau ci-joint, où les ni- veaux admis par cet auteur, tant pour les plantes que pour les ani- maux, sont indiqués en correspondance exacte : Regio Algarum viridium......... Jo do ae Regio Trochoideorum. Sub. reg. Oscillatorinearum. — Ulvacearum. Regio Algarum olivacearum. Sub. reg. Fucoïdarum et Zozteræ marinæ. 1 NLaminarieanuns AN Regio Gymnobranchiorum. Regio Algarum purpurearum. Regio Buccinoïdeorum. Dans ce travail du savant professeur de Copenhague, on ne re- trouve pas une division absolument comparable à celle établie par les auteurs précédents, ce qui résulte des conditions très-différentes d'observation. Il faut se rappeler, en effet, que dans les détroits qui font communiquer la mer Baltique et la mer du Nord, les marées sont très-faibles, et même ne se font sentir que dans la partie sep- tentrionale; de plus, la salure des eaux est beaucoup moindre. En ayant égard à ces conditions, on peut reconnaître, par la comparai- son des listes détaillées données par M. (ŒÆErsted dans l'ouvrage cité, (1) Beskrivelser og Jagttagelser over nogle meærkelige eller nyei Havet ved den Bergenske Kyst levende Dyr. Bergen, 1835. (2) De regionibus marinis. Elementa topographie historico-natu- ralis Freti Ocresund. Copenhague, 1844. 169 qu’il y a grande analogie avec ce qu'ont observé les auteurs précé- dents ; seulement les trois premières zones seraient réunies dans la région dite des Troques ; les régions des Nudibranches et des Buc- cins correspondraient à peu près aux zones quatre et cinq, cette dernière étant toutefois peu développée, ce qu’il faut attribuer sans doute au peu de profondeur de l’Oeresund. Ce travail, où les consi- dérations géologiques et botaniques sont jointes à l’étude des inver- tébrés marins, est sans contredit le plus complet qui ait été publié sur cette matière. Plus récemment, Forbes et M. Godwin-Austern, dans leur ouvrage général sur la distribution géographique et bathymétrique des êtres dans les mers d'Europe (1), résumant les travaux publiés sur cette matière et les résultats obtenus par différents naturalistes, relative- ment aux côtes d'Angleterre, arrivent à une division qui s’écarte peu de celle de MM. Audouin et Milne-Edwards. La région littorale proprement dite comprend quatre sous-régions caractérisées chacune par les espèces végétales et animales suivantes : {°° sous-région. — Fucus caniculatus, Littorina rudis et L. neri- toides. 2° sous-région. — Lichina, Patella vulgata (?), Mytilus edulis, Balanus. 3e sous-région. —- Fucus articulatus, F. nodosus, Purpura lapil- lus, Littorina littorea, Trochus umbilicatus, T. crassus (3), Actinia equina. 4° sous-région. — Fucus serralus, Littorina oblusata (4), Trochus cinerarius. (1) The natural history of the European Seas, p. 93. Londres, 1859. (2) Sur les côtes de Bretagne, la disposition des deux plantes citées dans les première et seconde sous-régions n’est pas conforme à ce qui est énoncé dans le travail de Forbes, les Lichina, au moins le Li- china afinis, sont supérieurs au Fucus canaliculatus, lequel est sans aucun doute dans la région des Balanes. {3) T. crassus, Pult, T. lineatus costa. (4) Le texte porte Littorina neritoïdes, c'est une faute d'impression, sur laquelle d’ailleurs les mots qui suivent ne laissent aucun doute : exhibiting every colour in its obtuse and thickened shell. MÉM. 1871. 12 170 La région suivante devrait être séparée, et quoique peu étendue en hauteur, pourrait être subdivisée en cinq zones distinguées cha- cune par une plante spéciale : 1° Laurencia pinnatifida ; 2° Conferva rupestris; 3° Chondrus crispus: 4° Himanthalia lorea; enfin 5° La- minaria et Zosterea, ces deux espèces se substituant l’une à l’autre suivant la nature du terrain rocailleux ou sablonneux. Cet ensemble pourrait être désigné sous la dénomination de région sublittorale. Au delà commence la région marine proprement dite renfermant avec un grand nombre de plantes marines les Nullipores et les Lima. Cette division ainsi exposée résume les idées de Forbes; dans le livre même, par suite même du mode familier d'exposition adopté, elle n’est pas présentée d’une manière didactique aussi absolue, ce qui n’est pas sans nuire à sa clarté. J'ai cru utile de la développer, d’abord parce qu’elle s'applique le mieux aux côtes de Bretagne que j'ai particulièrement étudiées, ensuite pour faire ressortir ce qu’elle présente de conformité avec les divisions de MM. Audoin et Milne- Edwards. Si l’on néglige, en effet, la division en régions pour ne s'attacher qu'aux sous-régions, on voit que les deuxième, troisième et qua- trième sous-régions littorales avec la région sublittorale et la région marine correspondent très-exactement aux cinq zones des au- teurs Français. Le grouppement en régions peut avoir sa valeur, car les régions littorales plus fréquemment soumises au flux et au reflux ont, par cela même, une sorte de facies commun spécial, tandis que la région sublittorale participant déjà d’une manière no- table aux caractères de la région marine se rapproche davantage de cette dernière. Mais la première sous-région littorale, en supprimant toutefois le Fucus canaliculatus qui, sur les côtes de Bretagne au moins, ne remonte pas aussi haut que l'indique Forbes, mériterait au même degré d’être distingué. Dans les points où la terre et la mer se rencontreut sans l'intermédiaire de l’eau douce ou saumâtrequi mé- nage la transition, cette zone est très-remarquable. La végétation y est complétement nulle, ou à peine représentée par quelques Lichina encroûtant les rochers. au-dessus descendent les Lichens, en dessous remontent les algues, ces plantes étant séparées par cet espace égale- ment impropre à la vie des unes et des autres. On serait assez em- barrassé pour savoir si l’on doit rapporter cette zone aux régions 171 terrestres ou aux régions marines sans la présence des Littorines, qui sont habituelles en ce point et le caractérisent suflisamment. C’est cette zone que, dans une note présentée à la Société philomati- que (1), j'ai désignée sous la dénomination de zone zéro à ajouter aux cinq zones de MM. Audoin et Milne-Edwards, dénomination assez en rapport avec ses caractères négatifs, le nom de région subterrestre conviendrait peut-être aussi bien pour indiquer sa concordance -avec la région sublittorale. En effet, il est important de remarquer que si cette dernière em- prunte des caractères particuliers à la circonstance au premier abord peu importante d’être découverte seulement deux ou quatre fois dans l’année, c’est au phénomène concordant d’être immergé aux mêmes époques que la région subterrestre doit sa physionomie spé- viale, en sorte que le principe à priori sur lequel on s'était d’abord appuyé pour établir les zones de répartition des êtres marins en se basant sur les phénomènes physiques des marées, trouve dans ce fait, négligé cependant par ses auteurs, une véritable confirmation. En résumé, en tenant compte des élévations variables de la mer sans avoir égard à la gradation insensible qui les joint les uns aux autres et fait que la marée de vives eaux ne succédant pas brusquement à la marée de mortes-eaux les régions (pas plus que rien dans la na- ture) ne sont tellement tranchées qu'il y ait en réalité hiatus. Voici comment, à partir des régions terrestres, les zones animées pour- raient être distribuées : Régions terrestres. d'équinoxe Zone 0 Région subterrestre. Pleines mers | de vives eaux Zone 1'° de mortes-eaux | Niveau moyen Zone 2° Région littorale. de mortes-eaux. Zone 3° ] Basses mers de vives eaux. Zone 4e Région sublittorale. d’équinoxe Zone 5° Régions marines. (1) Observations faites à Saint-Malo sur les zones littorales supé- rieures (BULL. DE LA SOC. PHIL. DE PARIS, nouvelle série, t, VII, p. 144, 1870.) 172 Les mots de subterrestre, de sublittorale indiquent assez par eux- mêmes qu'iln’y apoint làde limite absolue; cependant, telles qu’elles sont, ces distinctions peuvent être d’un grand secours et sont suff- samment nettes dans leur ensemble pour qu'on les reconnaisse au premier coup d'œil dansles points jusqu'ici étudiés. Ils seraient même susceptibles d’être précisés davantage si l’on voulait s’en rapporter à observation de certains êtres convenablement choisis. Un fait très-singulier, et qui paraît en désaccord avec l’organisa- tion et les besoins probables des animaux dont il s’agit, c’est la présence dans la partie la plus élevée de la région littorale, dans la zone première, d’une espèce de Balane, le Balanus balanoïdes. Cet être s’y rencontre en extrême abondance, tout en devenant plusrare, au fur et à mesure que l’on s'élève davantage; il y existe presque seul et c'est, comme on l’a vu, sous le om de regio Balano- rum que cette zone est désignée dans les travaux de Sars. Ce- pendant, en réfléchissant aux conditions d'existence de ces êtres, on peut s'étonner de les voir daris des points souvent découverts. On sait que ces crustacés, fixés à l’âge adulte, restent enfermés dans leur test lorsqu'ils sont hors de l’eau, en rapprochant très-exacte- ment les pièces valvaires qui en ferment l'ouverture; lorsqu’au con- traire ils sont sous l’eau, on les voit faire sortir d’une manière en quelque sorte continue les cirrhes articulés placés sur les côtés de leur face ventrale. Le double mouvement de sortie et d’entrée de ces filaments a pour but de mettre ceux-ci et le fluide cavitaire ou sang qu'ils renferment en rapport avec l’eau oxygénée, et aussi de rame- ner dans l’intérieur de cette sorte de coquille les particules alimen- taires ; en un mot de servir à deux des actes vitaux les plus impor- tants, la respiration et la digestion. En somme, hors de l’eau, ces fonctions ne peuvent s’exécuter, surtout la dernière ; comment peut- il se faire que des êtres ainsi constitués soient souvent émergés, et combien de temps peut durer cette émersion? Profitant des circon- stances favorables dans lesquelles je me suis trouvé, c’est cette se- coude partie du problème que j'ai cherché à résoudre par une série d'observations faites pendant les années 1869 et 1870. La localité dans laquelle j'étais établi à Saint-Malo, outre la hau- teur des marées, présente des conditions très-favorables pour cette recherche particulière. Tout le long de la chaussée dite du Sillou, qui réunit aujourd’hui la ville à la terre, en face du parapet placé 173 vers le large, ont été plantés une double rangée de pieux for- mant une sorte de brise-lame, pieux qui sont des troncs de chêne simplement ébranchés et coupés à longueur. Ils sont couverts de Ba- lanes, et en remarquant sur l’un d’eux le point extrême auquel ces crustacés s'élèvent, il est possible, même lors des plus hautes ma: rées, d'examiner du quai le point où parvient la mer, et de savoir ainsi fort exactement quand ces animaux sont émergés ou immergés. Au mois d'octobre 1869, j'avais ainsi recueilli une série d’obser- vations journalières présentées à la Société philomatique. Je n’avais apporté à cette étude que peu de précision dans le travail cité plus haut, me contentant de noter chaque fois la distance du point-repère qui indiquait la position des Balanes, par rapport au niveau de l’eau à l'heure du plein, en évaluant à la vue cette distance en décimètres. Pour apprécier le résultat après avoir établi la courbe graphique des marées d'aprés l'annuaire de M. Gaussin, j'avais reporté les distances observées sur ce tracé. Diverses causes d'erreurs devaient influencer le résultat : d’abord l’évaluation de la hauteur était prise d’une ma- nière trop peu exacte; en second lieu, la hauteur du tracé des ma- rées, d’après le calcul, ne pouvait être regardée comme répondant exactement au niveau observé réellement par suite de l'influence du vent, soit comme aidant ou contrariant l'élévation des eaux, soit surtout par l'agitation variable qu’il produit à la surface. Aussi dans le tracé ainsi obtenu, les points indiquant la position du re- père, au lieu de se trouver sur une même ligne, étaient tantôt plus baut, tantôt plus bas, la différence pouvant être de 4 décimètres en plus ou en moins. Toutefois admettant que les erreurs, dans une série de vingt-cinq observations, s'étaient jusqu'à un certain point contre-balancées, je crus pouvoir avancer que le niveau extrême au- quel parvenaient les Balanes devait être fixé à environ 115 décimè- tres au-dessus de zéro, adopté dans les cartes marines françaises, niveau qui me parut fort remarquable, en ce qu’il correspondait presque exactement au niveau des plus basses mers de vives eaux. Au mois d'août dernier, ces observations furent reprises en es- sayant d'éliminer autant que possible les causes d’erreurs indiquées plus haut, ce que je cherchai à obtenir en relevant avec plus de soin la situation exacte des Balanes et le niveau de l’eau. Pour cela, je notai sur l’un des pieux le point exact auquel remontaient ces animaux, et un repère bien visible et solide (une rondelle de fer- 174 blanc fixée par un clou), fut mis du côté du quai. Il faut remarquer que les Balanes remontent en général plus haut du côté de la pleine - mer, sans doute parce que la vague, y frappant avec plus de vio- lence, s'élève davantage. Quant à la manière de relever Le niveau de l’eau, je dessinai, aussi exactement que possible, la silhouette du piquet choisi avec son irrégularité, les loupes, les accidents nom- breux de sa surface donnaient autant de facilités pour apprécier la hauteur atteinte par l’eau. Il m'a paru essentiel, pour ce dernier point, de distinguer ce qui est absolument immergé au moment de la pleine mer et ce qui est simplement mouillé par éclaboussement de la vague. Dans chacune des observations j'ai relevé cette difré- rence aussi soigneusement que possible; la teinte des pieux, blan- che lorsqu'ils sont secs, brune lorsqu'ils sont mouillés, rend du reste l'appréciation assez facile. Enfin, au point de vue des condi- tions d'existence de ces crustacés inférieurs, j'ai cherché à appré- cier un troisième cas intermédiaire à l'immersion et à l’éclabousse- ment, c’est celui où la vague étant ce qu’on appelle ronde, se compose d’une succession d'ondes égales, alternativement convexes et concaves, de telle sorte que les Balanes, lorsque ce phénomène se présente à leur niveau, sont tantôt couvertes, tautôt découvertes, mais d’une manière régulière. Ou comprend, étant connues les ha- bitudes de ces êtres, qu'ils se trouvent dans ce dernier cas dans des conditions, sinon favorables, au moins possibles d'existence, tandis que s’ils sont simplement aspergés par l’eau, ces conditions ne sont que très-incomplétement remplies. Dans le tableau ci-joint (1) j'ai cherché à figurer le résultat de ces observations. Chacune des colonnes représentant un des jours du mois porte, au-dessous du chiffre indiquant le quantième, l’heure des pleines mers et la hauteur indiquéé par chacune d'elles dans J'ANNUAIRE DES MARÉES; sur le tronc d'arbre, figuré d’après Le dessin que j'en avais relevé à la chambre claire, est marqué par une croix le niveau auquel atteignent les Balanes les plus élevées, niveau ex- trême dont je me suis exclusivement occupé. Au-dessous est indi- quée l'heure à laquelle ont été relevées les observations. Enfin j'ai cru qu'il ne serait pas inutile d'ajouter les remarques que j'avais pu faire sur le temps, l'agitation de la mer, etc., pour que le lecteur (ME ANE EE GAAE 179 connaisse aussi complétement que possible la manière dont a été dirigée cette étude. Sur le piquet, dans chacune des colonnes, sont marquées par des notations distinctes la portion complétement immergée au moment de l’observation, la portion mouillée, enfin la portion émergée. Pour faire comprendre les différences qui peuvent résulter, pour la por- tion, intermédiaire, de la vague ronde ou brisée, une ligne indique ce qu'on pourrait appeler le niveau moyen d'immersion. Si la vague est ronde, l’onde convexe et l'onde concave se succédant, comme je l'ai dit plus haut, régulièrement, cette ligne se trouve à une distance du niveau d'immersion complète telle qu’elle laisse au-dessous d’elle la partie découverte lors du passage de l’onde concave, au-dessus on doit supposer à une distance égale la portion couverte lors du passage de l’onde convexe. Ceci peut être très-régulier si le mouvement de l’eau est calme, par exemple pour le ? et le 11 du mois; mais d’autres fois, ainsi le 26, il y a en même temps une agitation telle qu'il y a de l’eau projetée qui mouille beau- coup plus haut que le point ou s'élève l'onde convexe. Ces ob- servations étant, je crois, les premières faites dans cette direc- tion , il n’est peut-être pas inutile de les rapporter avec tous leurs détails pour que les naturalistes qui voudraient en faire d’analo- gues puissent les modifier comme il le jugeront convenable. D'après le tableau, on voit que le 1° du mois les Balanes notées : ont pu être mouillées, mais non immergées; depuis le 2? jusqu’au 9 elles ont été hors de l’eau; mouillées de nouveau du 10 au 14, toute- fois par simple aspersion, excepté Le 11 où la vague les immergeait la moitié du temps au moins. Du 15 au 25 ces animaux ont été à sec, puis mouillés du jour suivant à la fin du mois, et cette fois compléte- ment sous l’eau, sauf le 26 où la vague seule les couvrait. Ainsi, pen- dant un mois ou la marée était assez forte,sur trente et un jours ces Balanes n’ont été complétement sous l’eau , d’après les observations, que cinq fois, mouillés par la vague ronde deux fois, par aspersion cinq fois. Pour plus d’exactitude il faudrait doubler ces nombres, puisqu'il y a deux marées à peu près par vingt-quatre heures ; ce- pendant c’est encore bien peu de temps à ce qu’il semble, pour les besoins de ces animaux. Il faut encore se souvenir que non-seulement ils ne sont immergés que quelques jours par mois, mais encore que cette immersion dure 176 - peu de temps chaque jour puisqu'elle n’a guère lieu que pendant l'étal du plein. J'ai cherché à voir quelle pouvait être la durée de cette immersion par le calcul en supposant que le niveau auquel celle-ci avait lieu était ce niveau de 115 décimètres déduit de mes premières observations, chiffre qui, comme tend à le contirmer le tableau dé- taillé ci-dessus, exprime assez exactement le point auquel, en effet, parviennent les Balanes. Si l’on calcule les hauteurs successives de la mer pendant une marée en cherchant à préciser surtout le moment où elle atteint et quitte ce niveau de 115 décimètres, la différence des heures donnera approximativement la durée d'immersion. C’est ce que j'ai tenté de faire en choisissant la plus forte marée du mois d’août 1870 dans la nuit du 29 au 30; la courbe qui la représente fera encore mieux comprendre le résultat. On y voit (1) que la mer basse à deux heures vingt-neuf minutes du soir n’atteint le niveau admis qu’à six heures cinquante-cinq minutes, continue à s’élever jusqu’à sept heures cinquante-sept minutes et retombe à 115 déci- mètres à neuf heures pour revenir au plus bas à deux heuresqua- rante-huit minutes. Ainsi, sur une période d’un peu plus de douze heures, ces animaux n’auraient guère été sous l’eau que pendant deux heures cinq minutes; environ le sixième du temps. Il y a dans le mois dix-neuf marées égales ou supérieures au niveau de 115 dé- cimètres ; en prenant le chiffre de deux heures, sans doute trop fort en moyenne, pour le temps d'immersion, les Balanes pourraient res- pirer librement et se nourrir pendant trente-huit heures par mois, en chiffre rond très-peu plus du vingtième du temps. Et encore le mois choisi n’est pas des plus défavorables, car en examinant le tracé qui représente la hauteur des pleines mers pour l’année 1870 (2), on verra qu'en août les marées étaient moyennes et que le niveau de 115 degrés a été dépassé aux deux marées de vives eaux, tandis que parfois, comme en juin, juillet, décembre, l’une des marées ne l’atteint pas, les niveaux étant de 112 à 114 décimètres. Il est inutile de pousser plus loin ces calculs qu’on ne peut pré- senter d’ailleurs qu'avec réserve; ils sont toutefois suflisants, je crois, pour démontrer les conditions inattendues dans lesquelles se trou- vent ces crustacés. (DVPLANS Fig ie (2) PI. V, fig. 3. 177 Une idée qui découle naturellement des observations précé- dentes était de chercher par la voie expérimentale le temps pendant lequel le Balanus balanoïdes peut rester vivant hors de l’eau. Dans un ouvrage consacré à l'étude des Cirrhipèdes, M. Darwin (1) rap- porte un fait qui lui avait été fourni par un M. Thomson. Celui-ci . ayant par hasard conservé quelques exemplaires de ces Balanes dans une boîte mise dans une chambre chauffée, les avait retrouvées vi- vantes sept jours plus tard. La méthode d’expérimentation est par conséquent fort simple. J'ai pris sur un des pieux un fragment d’écorce sur lequel se trouvaient des Balanes ; en le plaçant sous l’eau dans un petit cristallisoir, j'exa- minai les individus qui étaient vivants, c’est-à-dire qui faisaient sortir leurs cirrhes, les autres furent supprimés; il en restait vingt- quatre dont je rotai avec soin la position. Cette observation prépa- ratoire fut faite le 20 août. Dix jours après, le 30, tous les individus étaient encore vivants, c’est-à-dire faisaient sortir leurs cirrhes; ce caractère m'a paru ie seul certain. Dans l’espèce observée, pour faire sorbr ses appendices articulés, l'animal entr'ouvre d’abord les valves qui ferment en haut sa coquille, l'orifice paraît alors bordé en dedans d'une bande d’un blanc d'argent. Ilest grandement probabledans ce cas que l’individu est vivant;sion le touche eneffetavec précaution on voit les valves se refermer et la bordure disparaître. Il faut toute- fois ne pas enfoncer trop avant l'instrument , sans cela la pression sur les parties profondes peut produire mécaniquement la fermeture des valves. C’est pourquoi, malgré cette présomption, je n’ai regardé comme vivant en réalité que les individus dont les cirrhes étaient actifs, laissant dans le doute ceux dont les valves s’entr'ouvraient seulement. Le 13 septembre, quatorze jours plus tard, l'expérience répétée fit voir qu'il y avait encore dix-neuf individus actifs et cinq morts ; ils furent laissés sous l’eau une heure et demie. Abandonnés jusqu'au 27 octobre, quarante-quatre jours après la précédente expé- rience, treize Balanes étaient encore vivantes ; une s’est simplement entr'ouverte ; les dix autres n’ont pas donné signe d'activité. Dans l'intervalle des immersions le fragment de bois était placé sous une cloche entourée d’eau pour mettre les animaux à l'abri de la dessic- (1) A Monograp of the Sub.-class Girrhipedia wi figures of alt the species, London. 1854, p. 272, MEM. 1871, 12 bis, 178 cation; le liquide ne pouvait les atteindre, et leur aurait été d’ail- leurs plus nuisible qu'utile puisque c'était de l’eau douce. En résumé, ces observations conduisent aux conclusions suivantes : 1° Le Balanus balanoïdes, malgré son genre de vie qui semble réclamer un séjour prolongé sous l’eau, reste à sec dans certains cas un temps considérable que j'évaluerais à dix-huit ou dix-neuf vingtièmes. 2° Ce chiffre est obtenu en admettant qu’à Saint-Malo ces animaux s'élèvent à la hauteur de 115 décimètres au-dessus du zérodes carte- marines. Cette limite est plutôt trop forte, mais ne peut guère être moindre que de 11? décimètres; c’est dans ces hauteurs qu'arrivent les plus basses mers de vives eaux. On pourrait en déduire, si l’obser- vation se généralisait, que le point supérieur de la zone littorale première (regio Balanorum, Sars) doit, dans un point donné, être fixé au niveau des plus basses mers de vives eaux, et réciproque- ment que ce niveau peut, sur les côtes rocheuses, étreétabli par Le point extrême où parviennent les Balanes. 3° L'expérience prouve que ces animaux peuvent rester au moins quarante-quatre jours hors de l’eau, s'ils sont à l'abri de la dessicca- tion. Une question fort intéressante, que je n’ai pu malheureusement étu- dier jusqu'ici, serait de savoir les dispositions anatomiques qui per- mettent à cette espèce de Balanes de s'élever aussi haut, quoiqu'on la rencontre également très-bas; toutes les autres espèces, dans ce même genre, recherchent des zones plus profondes, la plupart même les régions marines proprement dites. Il est probable que certaines modifications organiques rendraient compte de cette différence. Avant de terminer et en rapport avec la seconde conclusion posée dans ce résumé, je ferai remarquer que les animaux absolument sé- dentaires, c’est-à-dire qui passent la plus grande partie de leur vie fixés sur un point, sont les êtres qui fourniront peut-être les repères les plus avantageux pour fixer les zones littorales ou marines. Cette condition fait d’abord que là où on les rencontre, là on sait qu'ils viventd’habitude, ce qui est parfois douteux pourles autresanimaux. Les plantes, il est vrai, présentent le même avantage; mais précisé- ment parce que chez elles cette immobilité est la règle, elles four- nissent des exemples moins frappants. SCLÉRODERMIE AVEC ATROPHIE DES MAINS, BULLES PEMPHYGOIDES SUR LES MAINS ET LES PIEDS suivies D’'ULCÉRATIONS D'UN CARACTÈRE PARTICULIER Note lue à la Société de Biologie, le 6 octobre 1871, PAR MI. le D' A. DUFOUR. (Voy. planche IX.) La malade dont je rapporte ici l’histoire est âgée de 39 ans. Son père est mort hémiplégique, la mère à 68 ans d’un érysipèle. Elle n’a eu, en fait de maladie bien déterminée, que des crampes d'estomac; de 8 à 15 ans elle était délicate, mais de bonne santé néanmoins. Réglée à l'âge de 12 ans et demi, la menstruation s'établit avec abondance et régularité sans amener de douleurs aux époques menstruelles ni au- cune atteinte de chlorose. En 1853, à 19 ans et demi, la malade eut son premier enfant; à 21 ans, un deuxième enfant. Ces deux couches furent excellentes. En 1856 la malade commença à souffrir de fièvres avec accès quoti- diens ; son médecin, en vue de remonter l’organisme, l’envoya à Arca- chon, où elle prit seulement dix bains de mer. De la diarrhée étant survenue pendant la cure, une grande faiblesse s’ensuivit et la malade revint en août plus malade qu'avant de partir, mais sans avoir eu con- science d'un refroidissement quelconque. Ce point mérite d’être noté. 180 Les règles, depuis le retour d'Arcachon, se montrent réguliérement. En octobre 1856,la malade est prise de douleurs dans les chevilles seulement en marchant. Dans l'hiver suivant, 1856-1857, les orteils deviennent violets et restent demi-fléchis, ils ne peuvent étre re- dressés que difficilement. La malade accuse en même temps une sensation de grand froid aux mains. À partir de ce moment, hiver 1856-1857, les doigts commencent à se recourber peu à peu, ils deviennent souvent violacés; de petites bulles se montrent sur une surface rouge au niveau des articulations, au niveau de la matrice des ongles. Ces petites bulles crèvent au bout de peu de temps et restent à l’état d’ulcérations trés-peu pro- fondes n'intéressant qu'une partie du derme. Ces ulcérations finis- sent par se cicatriser, mais à leur place pousse aux points exposés à des frottements un épaississement de l’épiderme, un véritable duril- lon. Dans les autres endroits aucun épaississement de l’épiderme ne se montre. Jamais ces ulcérations ne donneni lieu à une suppuration abondante. Jamais d’esquilles ne sortent. Jamais de poussières os- seuses ; rien de tout cela. Les mains arrivent graduellement au point où elles sont maintenant en dix ans. Elles sont stationnaires depuis. Les ulcérations depuis cing ans s’éloignent de plus en plus. Ce sont les mains qui ont commencé à se prendre d’abord. Ensuite, dans les six mois suivants, des phénomènes de sclérodermie se sont mon- trés d’abord sur le corps, et ce n’est que vers la fin de 1863 que les phénomènes sclérodermiqnes ont apparu au visage, deux ans et demi environ avant l’époque de la maladie. Depuis cinq ans environ, la figure et les mains sont stationnaires ; seulement, dans cette période de 1856 à 1866, de grandes variations ont existé dans la quantité des surfaces aiteintes par l’endurcissement des léguments. Telle partie sclérodermisée le devenait moins quelque temps après, et peu à peu la malade est arrivée à voir diminuer le nombre des parties sclérodermisées. La malade, au moment où le visage s’est pris, a vu ses cheveux devenir secs et cassants; et c’est justement dans les cinq dernières années qui correspondent à un état stationnaire de la maladie, que la chute des cheveux s’est produite avec le plus de force. Depuis le commencement de la maladie, 1856 jusqu’en 1866, la menstruation s'était accomplie régulièrement. Dans cette période de dix ans, après le deuxième enfant, venu avant l'invasion de la mala- die, la malade eut trois fausses couches et deux couches à terme, la dernière il y a sept ans. Le tout dans la période ascendante de la 181 maladie. Dans la dernière grossesse, la peau du veritre était scléro- dermisée ainsi que les cuisses; la malade pouvait difficilement les plier sur l’abdomen. C’est dans les deux années qui ont suivi la naissance du dernier enfant que la maladie est arrivée à son apogée et que les règles se sont supprimées définitivement. Avant de terminer ce qui a trait à l’évolution de la maladie avant l'époque actuelle, j’insisterai sur les variations bien netiement con- statées dans le nombre des parties sclérodermisées. Telles sont le ventre, qui est revenu à son état normal, et les cuisses dont l'indu- ration, quoique persistante, a diminué cependant. Enfin je ferai re- marquer que les trois enfants qui vivent ont joui jusqu'alors d’une bonne santé. J'arrive à l’état actuel. EXAMEN fait le 30 août 1871. Madame N..., âgé de 39 ans, à la peau de la figure sans aucune ride dans n'importe quel moment, soit qu’elle parle ou auw’eile ouvre la bouche. La peau du front ne se plisse jamais, et la peau, sur le reste de la figure, paraît exactement collée sur les parties sous- jacentes: La figure de cette malade est le siége de faches rougealres piquetées disparaissant sous la pression du doigt. La peau de la racine du nez est tendue de telle sorte que de la partie la plus proéminente de la racine du nez jusqu'à l'angle interne, il existe un plan incliné continu. La peau au niveau des os propres du nez est très-tendue et lisse, tandis que la peau qui recouvre l'extrémité et les ailes du nez est complétement saine. L'altération de la peau, qui sur le nez cesse brusquement, lui donne un aspect très-bizarre, à cause surtout de la mobilité parfaite . du bout et des ailes nasales. Le bout du nez est très-pointu et paraît atrophié ou rétracté, tan- dis qu'il a, au contraire; conservé sa forme primitive. Les paupières sont épaissies.et paraissent œdématisées. Leur ou- verture est notablement diminuée. Lorsque la malade regarde natu- rellement, et si elle cherche à ouvrir les paupières largement, elle ne peut y arriver. De même elle ne peut arriver à les fermer com- plétement, et ses larmes tombent souvent sur les joues. La bouche ne peut s'ouvrir que de 2 centimètres 1/2, et encore avec beaucoup de difficulté. Lorsque l’ouverture buccale est arrivée à son maximum, les lèvres paraissent amincies et extrêmement tendues. (l 182 La langue, quoique sans induration, ne peut sortir que d’un centi- mètre. La peau des joues ne peut être plissée. La peau du menton, sans étre très-dure, est lisse au toucher, et celle qui recouvre les branches horizontales du maxillaire inférieur est tendue et peut-être un peu moins atrophice que sur les autres parties du visage. Ce n’est qu'aux arcades sourcillières et seulement en ce point qu’on arrive à faire un peu glisser la peau sur les parties sous- jacentes. Partout les téguments de la face paraissent atrophiés en épaisseur. Les cheveux sont rares, secs et cassés en grande partie. L'ensemble de la figure rappelle à s'y méprendre la figure d’une personne brûlée avec rétraction de tous les técuments à la suite. Il existe un contraste frappant entre la peau du cou, qui est saine, se plisse, suit les mouvements des muscles et de la peau de la partie inférieure de la face et supérieure de la poitrine. La peau de la poitrine est tendue, ainsi que celle des seins; mais on peut faire glisser légèrement la peau sur les parties sous-jacentes à la partie inférieure de la poitrine. Les épaules présentent la même induration des téguments. Le bras gauche présente de l’induration, surtout à la partie supé- rieure, dans la région deltoïdienne. Le bras droit présente de l’induration, comme le bras gauche, dans la région deltoïdienne, mais en plus, la partie externe de ce bras est fortement tendue jusqu’au coude. À gauche, l'olécrane offre à sa partie la plus proéminente une croûte sèche reposant sur un véritable durillon. Cette croûte et cette induration sont la terminaison d’une petite bulle pemphygoïde qui a suppuré quelque temps fort légèrement, et s’est terminée par l’indu- ration précitée. Il en est de même au coude droit. La peau de l’avant-bras, des deux côtés, n’est pas indurée. Le pouls est impossible à compter aux deux avant-bras. Toute la peau du poignet gauche, en avant et en arrière, est tendue. Les mains ont été moulées dans la position normale des mains de la malade. L’angie formé par la main fléchie et l’avant-bras est de 135 degrés. (V. planche IX.) Sur le dos de la main, la peau est très-tendue et paraît comme col- lée aux os. Si l’on cherche à la plisser, on ne peut y parvenir; on obtient seulement quelques rides qu’on ne pourrait comparer qu’à de fines gerçures de l’épiderme, Sur la face dorsale de cette main 183 existent de petites taches rouges, s’effaçant par la pression du doigt. Lorsqu'on examine la main par sa face dorsale, on pourrait croire que la malade ferme ses doigts. Il est impossible à la malade de relever la main sur le bras. La peau des doigts (face dorsale) est extrêmement tendue, lui- sante. La peau et les os ne paraissent faire qu'une seule et même masse. Quant aux doigts, ils ont subi des altérations de dimension extrêmement considérables. La première phalange du pouce gauche a conservé sa longueur, mais la seconde phalange a tellement perdu de sa longueur qu'elle paraît à peine le double de la longueur de l’ongle, qui n’est long que de 5 millimètres. Cependant, et j'insiste particulièrement sur ce point, à est possible d'imprimer un léger mouvement de flexion à cette phalange. L'arti- culalion ne paraît pas détruite. L'ongle, comme nous l’avons dit précédemment, est atrophié; 1l est réduit à 1 demi centimètre de longueur. Au niveau de l'articulation de la seconde phalange avec la première, on aperçoit une petite cicatrice. Cette petite cicatrice est couverte par un épiderme rugueux et un peu dur. Cette seconde phalange du pouce gauche est légérement fléchie sur la première. L’articulation métacarpo-phalangienne du pouce est complétement sans mouvement, mais l'articulation carpo-métacarpienne du pouce est légèrement mobile. Le pouce, depuis l'articulation de sa première phalange avec le mé- tacarpien, a 4 centimètres de longueur. L’index de la main gauche a la deuxième phalange et la troisième recourbées à angle droit sur la première. La phalange unguéale est réduite à la grosseur d’une lentille, et malgré cette petite dimension elle joue sur la phalange moyenne. L'ongle est recourbé et n’a que 2 millimètres de hauteur. À l'endroit où la deuxième phalange s'articule avec la première de l'index, il se trouve une petite production cornée, C’est un point qui dans beau- coup de mouvements subit du frottement. Un peu en arrière de cette partie saillante et cornée se trouve une dépression qui a été le siége d'une petite ulcération. Cette petite ulcération à duré deux mois et a fait suite à une petite bulle survenue en ce point. On peut faire exé- cuter des mouvements à la seconde phalange sur la première. Les trois autres doigts sont complétement recourbés et presque accolés sur la paume de la main, le médius et l’annulaire surtout. La dernière phalange de l’auriculaire est très-atrophiée en lon- 184 gueur et en épaisseur; elle a une longueur double de l’ongle qui n’a lui-même qu'un demi centimètre de longueur. Âu niveau de l'articulation de la première phalange de l’auricu- laire avec la seconde, on remarque encore en cet endroit un petit durillon très-circonscrit. À aucun doigt de la main il n’y a ankylose des phalanges entre elles. Les articulations métacarpo-phalangiennes de cette main sont le siége de quelques mouvements. La peau de la paume de la main est souvent moite; elle présente. des plis comme cela est indiqué sur le moule. L'angle formé par la main droite fléchie et l’avant-bras est de 135 degrés. (V. planche IX.) La peau à la face dorsale et palmaire est exactement la même qu'au côté gauche. L’annulaire est recourbé. Les secondes et troisièmes phalanges de tous les doigts, excepté l’annulaire, semblent s'être atrophiées en lon- gueur et en épaisseur. Les ongles de tous les doigts sont atrophiés en longueur. Toutes les articulations de toutes les phalanges, ainsi que les articulations métacarpo-phalangiennes, sont le siége de cer- tains mouvements. Il n’y a nulle part ankylose. À cette main, les cicatrices, dont nous avons parlé en décrivant la main gauche, sont un peu plus profondes et recouvertes au niveau de la seconde phalange du médius avec la première par un véritable durillon. C’est un épaississement épidermique développé par le frot- tement qui se produit souvent en ce point saillant. En terminant ce qui a trait à la description des mains, je ferai re- marquer que les cicatrices qui existent sur les deux mains sont très- peu profondes et qu’elles n’intéressent qu'une partie de l'épaisseur du derme. La partie supérieure de la poitrine au-dessus des seins est tendue et sclérodermisée. Sous les seins la peau est normale. La peau des seins est légèrement tendue. Les téguments à l’état normal. La peau des cuisses est tendue, il est impossible de pincer cette peau, qui forme avec le tissu cellulaire sous-jacent une adhérence intime. Au niveau du bord externe de la rotule, à droite, sont survenues des bulles; la peau sur laquelle elles se sont développées est rou- geâtre et à la partie la plus saillante il existe un durillon analogue à ceux qui ont été décrits aux mains. C’est encore un point qui sup- porte des frottements. La partie postérieure des jambes est indurée. Les pieds à la face 185 dorsale ont les tésuments tendus, mais cette tension est moins con- sidérable qu'aux autres parties du corps; il semble que ce soit à un degré moins avancé de la maladie. Au niveau de l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil est survenue une bulle et à la suite un épaississement de l’épiderme. Cette disposition se montre aux deux pieds. Les autres doigts sont sains, excepté le médius dont la dernière phalange semble vouloir s'incurver de plus en plus en bas et a commencé à se recourber déjà notablement. Un durillon petit, mais extrêmement dur, existe sous le talon gauche ; ii en est de même sous l'articulation métatarso-pha- langienne du gros orteil gauche. La malade dont je viens de rapporter l’histoire avait été soumise à un grand nombre de médications avant l’époque où je lai vue pour la première fois. L’iode, l’arsenie. le fer, l'huile de morue, le mercure, l’iodure de potassium, Kreusnack, et encore d’autres mé- dications, successivement employées, avaient été infructueusement ad ministrées. Désirant m'éclairer sur cette curieuse et rare affection, le docteur Bazin voulut bien venir donner son avis à la malade, et après l'avoir examinée, la regarda comme atteinte d’arthrilide ulcéreuse avec selé- rodermie. Il engagea la malade à se rendre à Vichy. M. le docteur Charcot étant appelé ensuite par moi, n’hésita pas à reconnaître dans cette maladie une forme de sclérodermie avec atrophie des mains, et voulut bien accepter ma proposition de tenter l’effet des eaux de Luchon. La malade partit dans les premiers jours d’août et revint vers le 10 septembre dans l’état suivant : En ce moment, 10 septembre 1871, la bouche s’ouvre de 1 centi- mètre de plus, 3 centimètres et demi au lieu de ? et demi. Les par- ties qui recouvrent les branches horizontales de la mâchoire sont beaucoup moins tendues. La peau du menton se plisse lorsque la malade parle; les yeux s'ouvrent un peu plus, et toute la figure, qui semblait impassible, semble refléter davantage ce que la malade exprime par la parole. La peau, sur toute la partie antérieure de la poitrine, est plus mo- bile. Les seins ne sont plus indurés, et au-dessous des seins et sur le ventre, on peut arriver à pincer les téguments. Les épaules ont presque repris leur apparence normale, mais on ne peut encore pincer la peau de ces régions; la tension n’a fait que 186 diminuer. La peau du bras droit est moins tendue. Les indurations signalées sur le bras gauche ont un peu diminué. Les durillons des coudes sont moins épais. Un des poignets se redresse presque ho- rizontalement sur l’avant-bras, et l’autre a une flexion possible plus grande. Au pouce gauche, il est survenu une pelite ulcération, suite de bulle, au niveau de la matrice de l’ongle. Cette ulcération dure depuis un mois. Mais, comme ensemble général dans l’état de la main, il y a une amélioration surtout lorsqu'on veut redresser les doigts recourbés dans le creux de la main. La main droite n’a pas changé. La peau des cuisses est un peu moins tendue, et les poussées de bulles pemphygoïdes, depuis Luchon, sont plus fréquentes. Certes, ces améliorations sont peu de chose d’une manière abso- lue; mais dans une aussi cruelle maladie, contre laquelle tout a échoué, ces amélioratioris signalées ont une certaine importance. L'avenir apprendra si les bains de Luchon, continués pendant plus sieurs années, amèêneront encore une diminution dans la scléroder- mie, seul symptôme qui puisse s’amender, les mains étant arrivées à un degré d’altération irrémédiable. Messieurs, J'ai l'honneur de vous présenter le moulage des mains d’une per- sonne dont l’histoire offre un grand intérêt, surtout après la pré- sentation de M. Ball. La malade de M. Ball, après un examen approfondi des membres de la Société de biologie et de la Société des hôpitaux, a été regar- dée comme présentant des phénomènes bien difficiles à faire entrer dans les cadres nosologiques. M. Charcot,ayant vu une malade ana- logue, regarda la personne présentée par M. Ball comme atteinte de sclérodermie avec atrophie des doigts. Quelque temps après, je lui présentai une dame atteinte d’atrophie des mains avec de la scléro- dermie sur les autres parties du corps. Il vous en a déjà un peu en- tretenus à une des dernières séances. Chez la malade de M. Ball, la maladie remonte à huit ans. Ghez la mienne, la maladie a débuté il y a quinze ans par les mains, et ce n’est que six ou huit mois après que les mains furent prises que la sclérodermie apparut aux épaules, aux bras, à la poitrine, à l'abdomen, aux membres infé- rieurs et enfin à la figure, huit ans après le début de la maladie. Ces deux fails prouvent évidemment qu’il y a des cas ou la scléroder- mie esl un phénomène conséculif à l'atrophie des doigts. À 187 ‘Mais avant d’aller plus loin, il est essentiel de faire voir que ces deux malades présentent les mêmes symptômes. Il est impossible d’abord, en voyant les mains de ces malades, de ne pas étre frappé par la grande ressemblance qui existe entre elles. C’est ce qui ar- riva à M. Charcot en voyant ma malade après celle de M. Ball. La personne dont je parle a des altérations aux mains en tout COmpa- rables à celle de M. Ball, mais à un degré plus avancé. Cependant, certains doigts sont à peu près semblables chez ces malades. Toutes deux ont sur les doigts les mêmes poussées de bulles pemphygoïdes qui s’ulcèrent, suppurent peu et finissent après deux ou trois mois par se cicatriser, mais sans que jamais les ulcérations dépassent au plus l'épaisseur entière du derme. La malade de M. Ball, sans présenter la moindre trace de scléro- dermie, a eu des bulles pemphygoïdes aux doigts et sous l’articula- tion métatarso-phalangienne du gros orteil comme ma malade, ainsi qu’il résulte des renseignements qu'il a donnés ici et à la Société des hôpitaux. De plus, les cicatrices qu'on remarque au niveau des ar- ticulations digitales chez ces deux personnes témoignent que les ul- cérations ont été toujours superficielles. Chez ma malade pas une des articulations digitales n’est ankylosée ; on ne peut produire dans ces articulations que de légers mouve- ments, mais il n’en saurait étre autrement, certaines phalanges étant réduites à l’état de lentilles. Ghez le malade de M. Ball les arti- culations sont le siége de mouvements moindres, mais il n'y à que les articulations de la dernière phalange du médius et de l’annu- laire à gauche dans lesquelles toute mobilité a entièrement disparu, ainsi que j'ai pu le constater, M. Ball m’ayant fort obligeamment fourni l’occasion de voir sa malade. Ces remarques méritent l'atten- tion, parce que l’un de nos plus éminents dermatologistes ayant vu ces deux malades, n'a pas hésité à regarder ces deux affections comme des arthritides ulcéreuses, admettant chez ma malade que des tophi avaient été éliminés par des ouvertures faites au niveau des articulations. Or, les articulations péri-articulaires que j'ai si- gnalées chez ma malade se sont montrées surtout aux points de ces articulations soumises à des frottements comme sur tout le reste du corps, et il est difficile d'admettre que ces ulcérations aient suivi une marche différente aux doigts que sur tout le reste du corps. De plus, la dame dont je parle et son mari aflirment que ces ulcérations 188 péri-articulaires n’ont jamais donné issue à la moindre poussière ou parcelle d'os. Faut-il, dans ces cas, admettre l'existence d’une as- phyxie locale, hypothèse admise par plusieurs médecins distingués au sujet de la malade de M. Ball? Je ne le crois pas, car il est bien difficile d'admettre que chez ces deux malades, qui ont les mains d’une ressemblance si grande, Paffection remontant à dix ans pour l’une et à quinze ans pour l’autre, il ne se soit jamais montré aucuneplaque gangréneuse, quelque minime qu’on puisse l’ima- giner. Les différences d’appréciatipn au sujet de la malade de M. Ball prouvent que la maladie qui nous occupe n’est pas encore suffisam- ment connue. Les diverses observations publiées jusqu’à ce jour, quoique présentant des symptômes connus, offrent néanmoins toutes des caractères spéciaux à chacune d'elles. Arning, par exemple, qui avait affirmé que la sclérodermie n'oc- cupait que les régions supérieures du corps, vit tomber ses asser- tions par les faits publiés par Forster et Vernieke, cas dans lesquels l'affection était bornée à la jambe. De même nous voyons encore Arning repousser, comme n'étant pas de la sclérodermie, le malade de Feedler, parce que la peau des pieds, extrêmement amincie et collée aux parties sous-jacentes, est ulcérée en certains points, ne serait-ce pas plutôt un cas de scléro- dermie arrivée à sa période atrophique avec ulcérations qui ont été notées dans sept cas observés par Forster, Binz, Vernieke, Mosler, Gamberini et Plu: et n’y a-t-il pas lieu de se demander si la maladie qui nous occupe ne peut pas arriver d'emblée à sa troisième pé- riode, comme nous le faisait remarquer M. Charcot? Alibert, qui rapporte un fait de sclérodermie avec altération des mains sous le nom de scrofule momie, ne voit aucune corrélation entre ce qu'il décrit et ce qu'il appelle cancer éburné de la peau qui n’est que le sclérème des adultes, et il rapporte, comme ayant trait à cette dernière affection, un cas de Sauvages où la maladie dé- bute par la période d'infiltration au pouce. Des symptômes rares dans les autres observations se rencontrent aussi chez notre malade. Par exemple, l'impossibilité de tâter le pouls aux radiales comme dans le fait de Robert Mac Donnel. Les taches rosées sur le visage s’effacant sous la pression du doigt, commie dans le fait rapporté par Nordt, et les cheveux devenus 189 cassants, secs, tombant en assez grande quantité comme chez notre malade et celle de Vernieke. La sclérose, regardée par Lasèoue (REV. cRITIQ., ARCHIVES 1861) comme essentiellement stationnaire est, au contraire, dans le fait de Forster, susceptible de diminuer, l’induration des parties latérales du thorax devient moins considérable, et chez notre malade des parties entièrement sclérodermisées sont revenues à l’état normal, sans aucun traitement. Enfin le docteur Ramsussen (ARCHIVES 1865) fait remarquer que le symptôme de sclérose n'a pas d’autre valeur que d’être la troisième période de la maladie et n’a pas une si grande importance qu’on lui a accordé jusqu’à ce jour. En finissant, messieurs, je ferai remarquer que la malade dont je parle, après un séjour d’un mois à Luchon, a obtenu une certaine amélioration : la figure, dont la peau était tendue et collée aux par- ties sous-jacentes, a repris une certaine mobilité; le menton pré- sente maintenant, lorsque la malade parle, des plis manifestes; la bouche s'ouvre de 3 centim. 1/2 au lieu de 2 1/2; les joues sont plus souples et la figure de la malade, qui était impassible, est maintenant plus animée et reflète davantage ce que la malade exprime par la parole. C’est une amélioration, il est vrai, encore modérée, mais dans une maladie où tout a échoué, j'ai cru qu'il serait bon de vous sionaler ce fait. mm a PRUAEE ÉS ! NE Qui TC TNT l }) A out OBSERVATIONS SUR LES ALTÉRATIONS PRODUITES SUR LES ORANGES D'ALGÉRIE PAR UN INSECTE DIPTÈRE Note communiquée à la Société de Biologie PAR M. LE pocTEUR A. LABOULBÈNE, Membre honoraire de la Société de Biologie, professeur agrégé à la Faculté , médecin de l'hôpital Necker. Ayant pu examiner récemment des oranges envoyées d'Algérie, où elles étaient presque toutes piquées par un insecte, ce qui les empêéchait de mürir, je vais communiquer à la Société les obser- vations que j'ai faites à sujet. | J'ai reçu en même temps les insectes auteurs du dégât, et je me suis assuré de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Examen des oranges gâtées. — Les oranges piquées offraient des petites nodosités sur l'écorce ou la peau, formant des élevures dues à la présence d’une induration dont le centre est creux et qui est en réalité une galle produite à la suite de la piqûre d’un insecte. Une larve se trouve dans l’intérieur de la galle ; cette larve est blan- châtre. 197 _ L'intérieur de l’orange, au-dessous de la peau, n’est pas attaqué par les larves, au moins sur les fruits que J'ai ouverts. Je ne sais s’il en est toujours ainsi, mais, sur les fruits gâtés et ramollis, l’in- térieur ne renfermait pas de galles ou de larves. Les dommages causés aux oranges proviennent des larves d’in- sectes diptères qui m'ont été envoyés. Ce sont des muscides de l’an- cien genre Trypeta et dont plusieurs auteurs, parmi lesquels il faut citer Mac Leay, Wiedemann, Catoire, de Brême, Goureau, Guérin- Méneville, etc., ont fait mention. Ges muscides forment aujourd’hui Je genre Céralitis. Si je compare ce j'ai observé avec ce qui a déjà été dit sur les dommages causés aux oranges par les Ceralitis, je trouve des asser- tions contraires et qui demandent des observations nouvelles faites sur les lieux mêmes. Catoire avait écrit à Mac-Leay qu’une Ceratitis de l'ile Maurice dépose sa larve dans l'ovaire de la fleur d'oranger et en détruit le fruit. Cette croyance est erronée. De Brême fait d’ailleurs remar- quer que la mouche, conformément aux renseignemens fournis à Latreille, introduit ses œufs dans les fruits au moyen de sa tarière. (Annales de la Société entomologique de France, 1822, p. 186.) D'après de Brême, les oranges piquées présentent des indices de corruption, le tissu est peu consistant, une teinte jaune, opaque et olivâtre, remplace l'éclat ordinaire de la couleur jaune ou orangée. La dimension de l'endroit malade dépend de l'étendue du dégât et varie de 2 à 3 centimètres, ayant au centre un orifice blanc qui est la piqûre de la mouche mère, et qui probablement sert à la larve au moment de la métamorphose. En ouvrant un fruit, on trouve toute la partie qui environne la larve dans un état de décomposition. Le jus a disparu et les fibres sont décomposées, couvertes de moisissure. Quant au reste du fruit, il est desséché, quoique sain. Les oranges attaquées provenaient de Majaga et au littoral méditerranéen espa- guol. Je n’ai point observé les mêmes faits. Sur les oranges que j'ai vues, j'ai trouvé les petites galles dans la peau même de l'orange; certains fruits étaient secs, d’autres au contraire très-juteux et pourris, avec dés moisissures blanchâtres. Je ne puis décider pourquoi les oranges tombent quand les Cera- tilis les ont piquées. Il est probable que la nutrition du fruit est gra- 193 vement compromise par les productions galliformes dont l'écorce est parsemée. L’orange se gâte-t-elle sur l'arbre? Je croirais plutôt qu’elle n’achève pas de müûrir et que, détachée de la branche, elle tombe sur le sol; cette orange ne peut alors être de bonne qualité et elle est perdue pour le commerce. Examen des insecles auteurs du dégät. — Les Muscides du genre Ce- ratitis qui m'ont été données provenaient de l'Algérie ; elles étaient accompagnées des renseignements suivants : « L’insecte femelle pique les oranges à moitié mûres, pour y dé- poser quelques œufs, et les fait tomber rapidement. C’est au point qu'à Blidah et dans toute l'Algérie, la récolte est perdue sans excep- tion. Jamais en ce pays on n’avait vu un semblable fléau. « Cette Muscide est très-vive, mais on la prend sans peine sur les oranges lorsqu'elle a enfoncé son oviducte dans la peau épaisse du fruit. » Tous les insectes que j'ai réunis et observés étaient des femelles, très-facilement reconnaissables à leur oviducte. Ils appartiennent à la même espèce et se rapportent à la Cerafilis hispanica, décrite par le marquis de Brême dans les Annales de la Sociélé entomologique de France, 1842, p. 183 et suivantes, et figurée planche 7e, n. {. La disposition des nervures alaires, les taches des ailes, celles du corps concordent avec exactitude, sauf quelques variations de peu d’im- portance dont je parlerai plus tard. J'ai recu un très-précieux renseignement pour la détermination exacte de l'espèce de Ceraltilis qui a été si nuisible aux oranges d’Al- gérie; il m'est fourni par Jacques Bigot, dont le savoir en diptéro- logie est bien connu et qui a décrit sur le vivant un mâle de Ceratilis, qu'il a capturé à Alger, dans une pièce où se trouvaient une quin- Zaine d’oranges à demi-müûres, mais toutes maculées de piqüres d'insectes. Cette description, que je rapporte textuellement, me pa- raît convenir à la Ceratitis hispanica; elle est très-détaillée, et il serait à désirer que celle de l’insecte femelle fût aussi bien faite. Ceratitis hispamien DE BRÊME. — Long. 7 mill. 1/2. Insecte mâle. — Téle assez volumineuse, plus large que le thorax, hémisphé- rique ; front large, légèrement rétréci vers la face, très-peu bombé, comme cette dernière ; épistome non saillant, face droite, Ouverture buccale assez large. MÉM. 1871 13 194 Palpes élargis, aplatis, légèrement villeux. Antennes n’atteignant pas l’épistome ; premier et deuxième articles courts, troisième un peu allongé, ovaloïde, comprimé. Chète allongé, de deux articles visibles, le premier très-court, très-brièvement villeux ; insertion basilaire et dorsale. Yeux composés, grands, bombés, n’atteignant pas le bas de la face ; trois ocelles au vertex ; occiput muni de plusieurs soies rigides, : d’inégale longueur ; face pourvue de quatre soies rigides, situées au bord des yeux et portant, en outre, de chaque côté, au bord de l’or- bite, à la naissance du front, deux longues soies rigides, assez épaisses, terminées par une large expansion cornée, en forme de palelle losangée. Thorax bombé; éeusson notablement bombé. Abdomen ovalaire, de cinq segments, à peu près égaux, pourvu, en outre, d'un petit seg- ment terminal ou anal, peu distinct. Quelques soies rigides sur le thorax ainsi qu’à l’extrémité de l’ab- domen et sur l’écusson. Cuisses assez épaisses, ongles petits; deux pelottes médiocres. Ailes larges, dépassant l’abdomen; cellule marginale très-obtuse; anale étroite, courte, terminée en angle aigu, avec la nervure termi- nale longue, joignant presque le bord postérieur. Cellules basilaires d’égale longueur. Cuillerons atrophiés. Balanciers allongés. . Occiputtestacé pâle, avecune large tache ocellifère noirâtre. Derrière de la tête blanc, sauf deux larges macules noirâtres. Front gris, à reflets noirâtres. Face blanche, ainsi que les joues. $Soies occipitales et frontales courtes, blanches ; les {ongues de couleur noire, celles de la face également noires. Soies à palettes blanches, paleltes d'un noir brillant. Antennes, les deux premiers articles d’un châtain foncé, troisième d’un testacé blanchâtre. Chète noir. Trompe et palpes d’un testacé pâle. Yeux composés d’un vert très-brillant au bord postérieur, en avant, à reflets intenses, d’un bleu d’outre-mer et d’un beau violet avec reflets nacrés; ornés de larges bandes et macules irrégulières, d’un pourpre brunâtre. Thorax blanc grisâtre, très-brièvement villeux, avec plusieurs ta- ches et lignes saillantes, d’un noir brillant, plus larges en arrière et sur les côtés. Flancs testacés à reflets blancs. Ecusson noir brillant, avec une ligne transversale blanche, ondulée à sa base. Métathorax blanc, Soies noires. 195 Abdomen testacé, trois larges bandes transversales blanchâtres, _très-brièvement veloutées. Balanciers testacés. Pieds testacés ; cuisses antérieures assez ve- lues ; poils et duveis testacés. Ongles noirs. Pelottes testacées. Ailes presque hyalines, un peu blanchâtres; nervures noires ; quelques points et quelques petites lignes noires à la base et vers le bord extérieur. Deux demi-bandes larges, testacées : l’une située vers la base, l’autre au milieu de l'aile, irrégulièrement bordées de noirâtre. Vers l'extrémité, une troisième demi-bande oblique de même nuance ; un gros point noirâtre vers l'extrémité de l'aile, précédé d’un petit point noir; une demi-bande oblique noirâtre, suivant la nervure transversale postérieure et joignant ledit bord. Nota. — La femelle, abondamment rencontrée par MM. Rivière et Raifray aux environs d'Alger, ne semble pas différer de son mâle, sauf la présence d’un assez court oviducte et l'absence des soies fron- tales avec palettes. J'ai déjà dit que les insectes femelles qui m'ont été communiqués étaient variables pour la coloration du thorax ; les taches d’un blanc jaunâtre sont plus ou moins larges et bien marquées, ainsi que les taches des ailes. Ch. Coquerel, de regrettable mémoire, avait rapporté de l’île Bour- bon une Ceratitis mâle, que j'ai examinée autrefois, et je me souviens que les palettes frontales étaient blanchâtres. Il est sûr que cette es- pèce n’est pas identique avec celle des bords de la Méditerranée et des Acores. Je base mon opinion sur les observations de Guérin-Méneville, qui a publié une petite monographie des Ceratilis (1). L'espèce de ce genre se trouvant à Bourbon et dans l’île voisine est la Ceratitis Ca- teiri GUÉRIN-MÉN. (loc. cit., p. 197), confondue par Mac-Leay, qui ne connaissait que la femelle, avec sa C. citriperda. La Tephrilis capilata décrite par WIEDEMANN cinq ans avant que Mac-Leay publiât sa Ceratilis citriperda, est la même que la Petalo- (1) F.-E. Gucérin-Méneville, Monographie d'un genre de Muscides nommé Ceratitis (REVUE ZOOLOGIQUE PAR LA SOCIÉTÉ CUVIÉRIENNE, an- née 1843, p. 194-201).8 196 phera capitata de MacouART. Cette espèce est propre aux iles Açores, à Saint-Michel, à Madère, etc. On voit par ce qui précède que le nom de Trypela capilata, sous lequel Loew, dans sa Monographie des Trypélides (123, 1), a compris l'espèce de Ceratitis qui nous occupe en la confondant avec celle de Wiedemann, ne doit pas être adopté. L'espèce algérienne, je le répète; ne paraît pas distincte de la Ceralilis hispanica, décrite pour la pre- mière fois par de Brême. DIAGNOSTIC DES PARALYSIES MOTRICES DES MUSCLES DU LARYNX Mémoire lu à la Société de Biologie PAR M. LE DocTEUR ÉMILE NICOLAS-DURANTY Médecin adjoint des hôpitaux de Marseille, membre de la Société de médecine, vice-secrétaire de l’Association médicale ! des Bouches-du-Rhône, elc., etc. (Noy, planche X.) I. — PROLÉGOMÈNES, Dans la sphère de la motilité, la paralysie est l'abolition du mou- vement résultant d’une perturbation dans l’innervation motrice. On désigne la paralysie complète sous le nom d’akinésie; on l'appelle pa- résie lorsqu'elle est incomplète. Lorsque la paralysie des muscles de la glotte ne se rattache pas à une cause centrale, et qu’elle n’est pas amenée par la compression des nerfs laryngés, la respiration se fait librement, mais les vibra- tions sonores des cordes vocales sont impossibles. Il y a dans le larynx deux ordres de mouvements : les uns prési- dent à la phonation et sont sous la dépendance des spinaux; les au- tres sont relatifs à la respiration, ils sont sous la dépendance des pneumogastriques. Le pneumogastrique a d’ailleurs une puissance motrice indépendante du spinal, c’est ce qui lui permet de faire 198 fonctionner le larynx comme organe respiratoire involontaire. Mais si physiologiquement on prouve que les mouvements vocaux du la- ryox sont animés par des filets des spinaux et les mouvements res- piratoires par des filets moteurs distincts des premiers et venant des pneumogastriques, anatomiquement on ne peut isoler ces deux or- dres de filets nerveux. Il n°y a pas dans l'appareil moteur laryngien deux ordres de mus- cles correspondant aux deux ordres de nerfs. Les muscles du larynx sont indivisibles dans leur action (à l’état physiologique), cependant ils peuventréaliser deux fonctions distinctes. Le spinal apporte aux muscles du larynx une faculté motrice distincte de celle que le pneu- mosastrique leur donne. Donc, dans le larynx le nerf spinal est un nerf moteur vocal et le pneumogastrique un nerf moteur respira- toire. Il est permis de croire que ces données physiologiques qui décou- lent des expériences de M. Claude Bernard seront corroborées et complétées par la pathologie, lorsque les paralysies d’origine cen- trale auront été mieux étudiées. On pourra établir alors quels sont les muscles qui sont soumis directement aux filets du spinal ou du preumogastrique. Comme corollaire de ces principes de physiologie et pour faciliter l'étude des paralysies des muscles du larynx, je crois devoir rappe- ler l’action des différents muscles de cet organe. Les muscles intrinsèques du larynx sont au nombre de neuf, Sa- voir : Quatre pairs et un impair. Les muscles pairs sont : 1° le crico-thyroïdien ; 2° le crico-aryténoïdien postérieur ; 3° le crico- aryténoïdien latéral; 4° le thyro-aryténoïdien. Le muscle impair est le muscle ary-aryténoïdien. 1° Crico-thyroïdien. — En prenant son point fixe sur le cartilage : cricoïde, il rapproche en avant le thyroïde du cricoïde et l’écarte en arrière en produisant un mouvement de bascule. Les crico-thyroi- diens sont {enseurs des cordes vocales. 20 Crico-arylénoïdien postérieur. — En se contractant, il fait exé- cuter à l’aryténoïde un mouvement de rotation sur son axe vertical qui porte l’apophyse antérieure interne {apophyse vocale) en dehors. Les muscles crico-aryténoïdiens postérieurs sont donc dilatuleurs de la glotte et tenseurs des cordes vocales. 3° Crico-aryténoïaien latéral. — Lorsque ces muscles se contrac- 199 tent, les apophyses antérieures et internes des aryténoïdes se rap- prochent de la ligne médiane. Ges muscles sont constricleurs de la glotte, 49 Thyro-aryténoïdien. — C’est le muscle le plus compliqué du la- ryux, il est formé de plusieurs faisceaux et son action est complexe. En se contractant, il porte le cartilage aryténoïde en avant et lui communique un mouvement de bascule, par lequel l’apophyse vo- cale est portée en dedans. Les muscles thyro-aryténoïdiens ont une action des plus importantes pour la qualité de la phonation, Non- seulement ils contribuent au rapprochement des cordes vocales in- férieures, mais encore leur contraction produit le gonflement, l’aug- mentation d'épaisseur des cordes vocales. Le changement qui est ainsi apporté dans l’état physique des parties vibrantes, modifie la hauteur du son et le timbre. La tension, le raccourcissement et le gonflement successif ou simultané des cordes vocales, font de l’an- che vivante un instrument très-parfait et, par suite, très-délicat. 5° Ary-arylénoïdien. — Le muscle ary-aryténoïdien en se contrac- tant entraine en dedans les deux cartilages aryténoïdes, de sorte que leurs faces internes se rapprochent. L'action de ce muscle est de rapprocher les extrémités postérieures des cordes vocales. (Voy. planche X.) Les anciens ont décrit l’aphonie. Ils lui donnaient des causes di- verses et entre autres la paralysie. Les modernes se sont occupés de l’'aphonie nerveuse et ont bien admis la forme produite par la para- lysie des muscles du larynx, mais l'étude de l’akinésie laryngée ne pouvait être fructueuse qu'après l'invention du laryngoscope. Mal- gré les travaux de Turck (1), Gerhardt (2), Morell-Mackenzie (3), Gibb (4), nos connaissances sont encore bien limitées sur les akiné- sies laryngées. Morell-Makenzie qui a réuni un grand nombre d’ob- servations, a donné des notions très-nettes sur les paralysies des divers muscles du larynx et il a appliqué avec le plus grand succès le galvanisme sur les cordes vocales. Je me propose dans cet essai d'étudier le diagnostic des akinésies du larynx vues au laryngos- (1) Recherches cliniques sur diverses maladies du larynx. Paris, 1862, (2) WircHow ARCH., vol. XXI. “ (3) Hoarseness, loss of voice and stridulous breathing, London, 1868. (4) The diseases of the throat. ?e éd. London, 1864. 200 cope. Je m’efforcerai de dissocier les différents muscles du larynx et de montrer les signes objectifs et rationnels de la paralysie de chacun d’eux. Tous les résultats que j’avance, je les ai vus et montrés bien sou- vent à des confrères. Je m’appuie sur des observations faites pen- dant ces dix dernières années. Mes malades étaient atteints soit de tumeurs du cou, soit d’anévrysmes de l'aorte. D’autres fois, l’aphonie était d’origine nerveuse ou bien produite par des catarrhes anciens. Quelques-uns étaient anémiques, d’autres tuberculeux. L'étude des causes est un élément très-important du diagnostic ; aussi je ne crois pas sortir de mon sujet en les énumérant rapide- ment. CAUSES (1). — Les causes des akinésies des muscles du larynx peuvent se grouper dans les trois catégories suivantes : 1° Akinésies fonctionnelles ; 2° akinésies dyscrasiques; 3° akinésies organiques. 19 Akinésies fonclionnelles. — Ce n’est qu'après un examen appro- fondi du malade que l’on peut admettre l’akinésie fonctionnelle; sur- tout lorsque la maladie dure depuis quelque temps. Cependant, il existe un certain nombre de causes, dont l’action est très-positive. Nous admettrons dans cette classe les akinésies produites : 1° par les efforts de la voix; 2° par un usage irrationnel et immodéré de la voix; 3° par le froid ; 4° par les émotions morales; 5° par l’hystérie: 6° par un état catarrhal prolongé. Dans ces cas, l’akinésie est amenée par une excitation anormale, plus ou moins prolongée, des nerfs laryngés ; ou par une action généralement de courte durée sur le système cérébro-spinal ; ou bien encore elle est produite par action réflexe. 2° Akinésie dyscrasique. — Les modifications dans la quantité et les altérations dans la qualité des principes constitutifs du sang donnent (1) Mandi. Des névroses chroniques du larynx. (GAZ. DES HÔP., n° 4, 10 janvier 1861.) Potain. Anévrysme de la crosse de V’aorte reconnu au moyen du la- ryngoscope. (GAZ. DES Hôp., n° 106, 9 septembre 1865.) Mandl, Laryngoscopie; tuberculisation au premier degré. (GAZ. DES HôP., no 74, 13 juin 1860.) Krishaber. (GAZ. HERD., 1868.) Morell-Mackensie, loc. cit, 201 naissance à des paralysies des muscles du larynx. Les akinésies la- ryngées se rencontrent dans l’anémie et la chlorose. L’intoxication par le plomb et l’arsenic les produisent quelquefois. La diphthérie et la fièvre typhoïde sont souvent suivies de l’akinésie des muscles Yocaux. 30 Akinésie organique. — Les faits qui entrent dans cette catégorie sont fort nombreux et dissemblables. Gependant ils présentent un caractère commun : c'est une lésion matérielle des nerfs qui se ren- dent aux muscles du larynx. Cette lésion est primitive ou secon- daire. Les paralysies de cette classe sont produites par une affection des centres nerveux où par un amas de tubercules au sommet du poumon droit, des exsudats pleurétiques coiffant le sommet du pou- mon, des dépôts tuberculeux autour de la trachée, le goître exoph- thalmique, les tumeurs autour de l’œsopbage, l’anévrysme de l'aorte. Le rhumiatisme est encore une cause puissante. IL. — DrAGNosTic. Les paralysies des muscles du larynx ne permettent pas le rap- prochement des cordes vocales ou leur tension dans les phénomènes de la phonation. Aussi, la paralysie d’un de ces muscles ou de plu- sieurs d’entre eux est-elle accompagnée par l’aphonie, l’enroue- ment ou la dysphonie. Cependant, l’action des muscles est conservée dans une certaine mesure pour les mouvements de la respiration, pour l'effort, mais l’accommodation nécessaire à la phonation ne se fait pas. On a pu noter le timbre particulier de la voix, correspon- dant à la paralysie de tel muscle, ou de tel groupe des muscles; cette étude des modifications de la voix forme, pour notre sujet, les si- gnes subjectifs. I, — SIGNES SUBSECTIFS. Les signes subjectifs ont une valeur secondaire, ils servent prin- cipalement à diriger l'examen. Cependant avec de l’exercice on peut reconnaitre quelquefois, au timbre de la voix, s’il existe une ulcéra- tion, une tumeur ou une paralysie. Dans les akinésies laryngées, on distingue des nuances dans le timbre de la voix, je vais essayer de les formuier. La paralysie des crico-thyroïdiens altère légèrement la voix de la conversation ordinaire, elle devient sombrée, rauque. La fatigue se montre très-rapidement. Le chant est impossible. MÉM. 1871 14 202 La paralysie bi-latérale des crico-aryténoïdiens postérieurs pré- sente des signes très-remarquables. Lorsque le malade est au repos, il est peu suffoqné et sa voix est seulement enrouée ; mais s’il fait le moindre mouvement, il est pris d’une dyspnée intense. La toux est éteinte, L'état général est toujours grave. Dans la paralysie unilaté- rale, la voix est aiguë et discordante et les mouvements font naître de la dyspnée, Dans l’akinésie des deux muscles crico-aryténoïdiens latéraux, l’aphonie est complète. Le bruit de la toux est éteint. Lorsqu'un seul des muscles est atteint, la voix est enrouée, discordante,; le timbre de la toux est modifié. La paralysie des thyro-aryténoïdiens donne à la voix un timbre tantôt aigu, tantôt rauque et dur. L’aphonie n’est jamais complète. Si la paralysie ne siége que d’un côté, les modifications de la voix ne deviennent apparentes que chez les chanteurs, les orateurs, etc. Lorsque l’ary-aryténoïdien est paralysé, la voix a un caractère étouffé, rauque. II. — SIGNES OBJECTIFS, Les signes objectifs sont fournis par l’examen laryngoscopique. Pour arriver, en observant la glotte, à diagnostiquer le muscle paralysé, il est nécessaire, suivant l'intensité de la paralysie et l’é- tat des différentes parties du larynx, de se livrer à un examen ana- lytique complexe. Je diviserai cette étude en trois sections. Dans Ja première, j'étudierai la glotie à l’état normal dans les conditions multiples de la respiration et de la phonation; dans la seconde, je passerai en revue les diverses causes d'erreur; enfin, dans la troi- sième, j'examinerai la paralysie de chacun des muscles du laryax, pris isolément, et j'analyserai l’image laryngoscopique. 8 1er. Glolle pendant la respiration et la phonation. — Lorsque le su- jet en observation ne présente aucune lésion de tissus dans l’organc de la phonation, on peut, en plaçant le miroir laryngien au moment où le larynx devient visible à l'observateur, reconnaître d’une ma- nière générale s’il existe une paralysie. En effet, le sujet en obser- vation a ordinairement une légère appréhènsion qui le pousse à re- tenir la respiration. Les muscles du larynx tendent à se contracter comme dans l'effort, et les cordes vocales se rapprochent plus ou moins. Dans ce mouvement rapide, l’observateur peut saisir un 203 mouvement anormal qui le mettra sur la voie pour chercher s’il existe une paralysie. Il devra alors faire un examen analytique, pour savoir quel est le muscle ou le groupe de muscles qui est atteint. Il importe au plus haut degré d'étudier la forme de la glotte à l’état normal dans les différents modes fonctionnels du larynx, car c’est d’après la forme de la glotte, à un moment donné et exactement dé- terminé, que l’on arrive au diagnostic complet. Je vais, par conséquent, rappeler les différents aspects de la glotte vue au laryngoscope, dans les états physiologiques suivants : 1° Res- piration tranquille; 2° respiration forcée, 3° phonation ; 4° chant {a), voix de poitrine (b), voix de fausset. Je ne donnerai pas la descrip- tion de toutes les parties que montre le miroir laryngien et les dé- tails techniques sur l’image laryngienne. Pour cette étude, on aura recours aux différents traités de laryngoscopie et, entre autres, à ma traduction française de l’ouvrage de Morell Mackensie. Je ne dois décrire ici que les vues laryngoscopiques qui sont nécessaires au diagnostic qui nous occupe. lo Respiration tranquille. — La glotteest modérément ouverte, elle présente une forme triangulaire à sommet antérieur au point de jonction des cordes vocales vraies. La base est en arrière et elle est formée par la muqueuse et le muscle ary-aryténoïdien, qui réunit les deux cartilages aryténoïdes. Le plan des cordes vocales n’est pas parfaitement parallèle à l’horizon. Le plan de chaque corde vocale est un peu oblique de haut en bas et de dedans en dehors. (V. pl. X, fig. 6.) 2° Respiration forcée. — Quand on force la respiration, la glotte prend une forme lozangique produite par la projection en dehors des apophyses vocales. Les cordes vocales paraissent déprimées dans leur diamètre transversal, vers la partie moyenne. Elles sont moins éloignées vers leur extrémité aryténoïdienne que dans la respiration tranquille: enfin, elles tendent à se séparer vers leur insertion an- térieure ; l’épiglotte est soulevée. (V. pl. X, fig. 7.) En continuant à forcer la respiration, la glotte prend une forme hexagonale; l’épiglotte fortement redressée laisse voir sa projection, sous forme d’une ligne ; de chaque côté de l'extrémité de cette ligne se détachent les cordes vocales, qui se portent obliquement en de- hors jusqu’à la pointe de l’apophyse vocale, puis en dedans jusqu’à 204 leur attache à la base du cartilage aryténoïde; enfin, le dernier côté de l'hexagone est formée par la muqueuse qui recouvre le muscle ary-aryténoïdien.. (V. pl. X, fig. 8.) 30 Phonation. — Pour examiner les mouvements de la glotte par- ticuliers à la phonation pour le sujet spécial qui nous occupe, on doit agir de la manière suivante : Faire respirer le malade d’une manière celme et régulière; lorsque le mouvement respiratoire est bien régularisé, engager le malade à prononcer très-légèrement la voyelle a. On observe alors les modifications qui se produisent dans la forme de la glotte. Ces changements de forme doivent être parfai- tement symétriques dans Le côté droit et dans le côté gauche du la- rynx,et les mouvements qui les produisent doivent être rhythmiques de chaque côté de la ligne médiane. La glotte qui avait une forme triangulaire devient linéaire; les cartilages aryténoïdes se rappro- chent, les bords libres des cordes vocales s'affrontent et elles se dé- couvrent dans toute leur étendue en largeur; leurs extrémités anté- rieures sont couvertes par le bourrelet épiglottique et leurs extrémités postérieures par la muqueuse aryténoïdienne. Enfin, au moment de l'émission de la voyelle a, la partie moyenne des cordes vocales et la partie correspondante de leur bord libre entrent en vi- bration. La quantité de corde vocale soit en largeur, soit en lon- gueur, qui entre en vibration, varie suivant l'intensité de l'émission phonétique. Pour voir les cordes vocales dans toute leur longueur au moment de la phonation, 1l faut faire exécuter au malade une inspiration profonde, suivie d’une expiration profonde également, que l’on interrompt en faisant prononcer la voyelle a. (V. fig. 9.) 40 Chant. — Pour diagnostiquer les paralysies peu marquées, il est nécessaire de faire parcourir à la voix l'échelle diatonique des sons, dans ses deux mauifestations désignées sous les noms dere- gistre de poitrine et registre de fausset. Si l'oreille saisit les disso- nances, l'œil voit les mouvements asynergiques des cordes vocales et en détermine l'importance. M. Battaille (1) a, dans un mémoire très-remarquable, étudié la physiologie du chant. Il ne m'a pas été donné de vérifier toutes ses expériences, d'abord parce que je mai aucune connaissance de l’art du chant, ensuite parce que les artistes que j'ai examinés étaient loin d’avoir un organe vocal aussi perfec- ne) (1) Nouvelles recherches sar la phonation. Paris, 1861. 205 tionné que celui du célèbre professeur du Conservatoire. Quoi qu'il en soit, j'ai pu constater les variations de la forme de la glotte dans le registre de poitrine et dans le registre de fausset. (a) Registre de poitrine : 1° Les cordes vocales vibrent dans toute leur étendue. 2° Plus le son devient aigu, plus les vibrations sont rapides et di- minuent d'amplitude. 3° Pour aller du grave à l’aigu, les cordes vocales se tendent, sur- tout suivant leur longueur, et la glotte se rétrécitd’arrière en avant. M. Battaille (1) donne les limites suivantes à ce rétrécissement d’ar- rière en avant : du si? au ré?, chez les basses-tailles, du mi au sol”, chez les ténors; du fa? au l&«, chez les femmes. 40 L’affrontement des aryténoïdes diminue en arrière l'ouverture | glottique et donne au son l'éclat qui le distingue. 5° La glotte est rectiligne. (V. fig. 11.) (b) Registre de fausset : 1° Les cordes vocales vibrent seulement dans leurs bords libres. 20 Plus le son devient aigu, plus les vibrations sont rapides et diminuent d'amplitude. 3° Pour aller du grave à l’aigu, la glotte se rétrécit d’arrière en avant. M. Battaille limite ce rétrécissement de la manière suivante : du fa? au laÿ, chez les basses-tailles; du s0P au si, chez les ténors ; du ré? au fa’, chez les femmes. 4° La glotte prend une forme elliptique très-remarquable. (V. fig. 10.) (c) Pour reconnaitre certaines paralysies peu marquées, il est né- cessaire de faire filer un son et battre un trille. Quand on fait filer un son, le laryngoscope montre que les cordes vocales s'affrontent légèrement, ensuite on voit que les vibrations deviennent de plus en plus amples, et la glotte, qui était fermée en arrière au début, s'ouvre légèrement. | Les chanteurs appellent battre un trille « répéter alternativement et avec rapidité deux sons à intervalle de seconde à l’aide d’un cou- rant d'air non interrompu. » (Battaille.) à 2. Des causes d'erreur. — Des lésions fort diverses peuvent, soit Cacher une paralysie, soit simuler une paralysie, en masquant ou même en empêchant les mouvements des cordes vocales. Chez les (1) Loc. cit., p. 33. 206 malades faibles, débilités, il faut faire respirer tantôt fortement, tantôt doucement, parce que dans la faiblesse générale, les mouve- ments de la glotte, pendant la respiration, sont moins marqués. Des cicatrices, des tumeurs, de l’œdème limité, des lésions dans les ar- ticulations des cartilages, peuvent produire de la difficulté dans les mouvements des cordes vocales. Le gonflement d’une corde vocale supérieure, en cachant la corde vocale vraie qui se trouve au-des- sous, peut iuduire en erreur. Le spasme des adducteurs peut simuler la paralysie des crico-aryténoïdiens postérieurs. 8 3. Recherche du muscle paralysé. — A. Muscle crico-thyroïdien. La paralysie des crico-thyroïdiens est généralement bi-latérale. Sa détermination est souvent difficile. Pendant la respiration, la partie moyenne des cordes vocales présente alternativement une dépres- sion et un mouvement d’élévation. Le bord interue des cordes vo- cales n’est pas net, tranché, il paraît légèrement ondulé. Dans les efforts pour prononcer la voyelle a, le rapprochement des cordes vo- cales se fait avec difficulté. Cette paralysie est généralement ac- compagnée de l’hypérémie des cordes vocales. (V. fig. 12 et 13.) B. Muscle crico-aryténoïdien postérieur. — La paralysie des crico- aryténoïdiens postérieurs est bi-latérale ou uni-latérale. (a) Paralysie bi-latérale. — Pendant l'inspiration, les cordes vo- cales restent rapprochées au lieu de s'éloigner l’une de l’autre de la ligne médiane. Quand l'inspiration est forcée, elles se rapprochent davantage l’une de l’autre et arrivent même au contact. Dans les ex- pirations forcées, les cordes vocales se séparent légèrement. (V. fig. 14 et 15.) Les cordes vocales ont généralement leur couleur normale. (b) Paralysie uni-latérale. — Pendant l'inspiration, la corde vo- cale qui correspond au côté paralysé ne s’écarte pas de la ligne médiane ; elle présente un état congestif prononcé. C. Muscle crico-aryténoïdien latéral. — La paralysie des crico-ary- ténoïdiens latéraux est bi-latérale ou uni-[atérale. (a) Paralysie bi-latérale. — La glotte est largement ouverte, et lorsque l’on engage le malade à prononcer la voyelle @, les cordes vocales restent immobiles sur les côtés du larynx. On con- state un mouvement dans le muscle aryténoïde, mais son action n’est pas suffisante pour rapprocher les apophyses vocales. (b) Paralysie uni-latérale, — La corde vocale qui correspond au 207 côté paralysé reste immobile, tandis que celle du côté sain s’avance vers la ligne médiane, lorsque l’on engage le malade à produire ua son phonétique. (V. fig. 16.) D. Muscle thyro-aryténoïdien. (a) Paralysie bi-latérale. — Les cordes vocales paraissent allon- gées. Si on engage le malade à prononcer la voyelle a, les cordes vo- cales, en se rapprochant l’une de l’autre vers la ligne médiane, pré- sentent entre elles une ouverture elliptique, et elles offrent une dé- pression sur leur partie moyenne. (V. fig. 17.) (b) Paralysie uni-latérale. — Cette paralysie est très-difficile à con- stater. Ce n’est que par une comparaison attentive des deux cordes vocales que l’on arrive à la déterminer. Il faut placer le miroir avec beaucoup de soin, de manière que sa projection soit bien parallèle au plan vertical du corps, afin de ne pas étre trompé par une illusion d'optique. E. Muscle ary-aryténoïdien. — Lorsque le muscle ary-aryténoïdien est paralysé, la glotte prend la disposition suivante pendant les ef- forts phonateurs. Les cordes vocales sont rapprochées dans leurs deux tiers antérieurs et dans leur tiers postérieur, elles sont por- tées en dehors et forment les deux côtés d’un triangle à base très- longue et constituée par l’espace inter-ary-aryténoïdien. Gette description un peu abstraile, peut-être, sera rendue plus claire par la lecture des faits qui m'ont servi de base pour ce tra- vail. Je pourrais citer un grand nombre d'observations, mais je n’en rapporterai que quelques-unes, choisies parmi celles qui ont une importance capitale, par la netteté du diagnostic et des résultats obtenus pendant la vie, ou bien par la confirmation du diagnostic donnée par l’autopsie. Parmi ces observations, les unes ont été re- cueillies par moi, les autres sont empruntées à Morell Mackenzie, IT. — OBSERVATIONS. PARALYSIE DES CRICO-THYROÏDIENS. (E, Nicolas-Duranty.) Ogs. I. — Pendant le mois de novembre 1869, M. M..., âgé de 33 ans, vint me consulter. M. M..., employé dans une maison de commerce, est un chanteur fort distingué. Depuis deux ou trois mois, il a perdu complétement sa voix. Le timbre de la voix parlée est sombré, et, dès qu'il veut chanter, il produit des dissonances 208 qui l’obligent à s'arrêter. L'état général est d’ailleurs excellent, Exa- men laryngoscopique : les cordes vocales sont rouges, elles parais- sent ondulées sur leurs bords. En faisant prononcer les voyelles 4 et e, elles se rapprochent avec difficulté et présentent vers leur partie moyenne un mouvement de soulèvement et d’abaissement tout particulier. Quelques cautérisations locales, avec une solution de nitrate d’ar- gent, firent disparaître l’hyperémie. Dix faradisations des muscles crico-thyroïdiens rendirent à la voix de M. M... toute son étendue. DYSPHONIE DURANT DEPUIS CINQ MOIS, PRODUITE PAR UNE PARALYSIE DU TENSEUR DE LA CORDE VOCALE DROITE, GUÉRIX PAR LA FARADISATION DU MUSCLE AFFECTÉ. (Morell-Makenzie., loc, cit., p. 50.) Ogs. IT. — M. E. M.., âgé de 44 ans, commissaire-priseur, me consulta au mois de février 1868, pour une faiblesse de la voix, qui a commencé à se manifester il y a cinq mois. Il a essayé plusieurs modes de traitement, et, en dernier lieu, il faisait des inhalations d’une solution ferrugineuse pulvérisée. Il établit qu’il a eu des alter- natives de mieux et de plus mal; mais qu’en somme, depuis le mois de novembre, il se trouve dans le même état, son état général est mauvais. En faisant l'examen laryngoscopique, on voit que la corde vocale droite est relâchée. En appliquant un courant galvanique à travers le tenseur du côté droit, le miroir laryngien étant en position, on constate l'effet produit sur la corde vocale correspondante. Le malade continue lui-même son traitement (avec un petit appareil américain), en appliquant le courant deux ou trois fois par jour, pendant un mois. Ce temps suffit pour le guérir complétement. PARALYSIE DU CRICO-ARYFÉNOÏDIEN POSTÉRIEUR GAUCHE. (E. Nicolas-Du- ranty.) Ogs. IL. — Pendant le mois de septembre 1868, nous fûmes réu- nis en consultation, M. le docteur P. de Saint-Martin et moi, par M. le docteur Villard, auprès de M. G..., atteint d’un anévrysme de la crosse de Paorte. Je ne parlerai pas des différents symptômes très-importants et du plus grand intérêt que présenta ce malade. Je ne m'arrêterai qu'aux signes fournis par le larynx. M. G... avait la voie rauque, enrouée, déchirée, dans l’état de calme. Il devenait complétement aphone pendant les accès de suffocation qui le saisis- saient de temps en temps. L'examen laryngoscopique montra nette- ment la paralysie du crico-aryténoïdien postérieur gauche. Pendant l'inspiration, la corde vocale droite s’éloignait de la ligne médiane, pour gagner la partie latérale droite du larynx, tandis que la gauche 209 demeurait immobile. Lorsque l’on engageait le malade à prononcer la voyelle 4, la corde vocale droite s’avançait vivement vers la ligne médiane du larynx, tandis que la corde vocale gauche restait immo- bile, dans la situation qu’elle occupait, sa limite interne étant presque sur la ligne médiane. Ces faits ont été parfaitement vus et appréciés par MM. les médecins consultants. L'examen laryngoscopique fut pratiqué d’autres fois, et je ne con- statai l’hyperémie des organes que pendant les crises de dyspnée. PARALYSIE DES ABDUCTEURS DES CORDES VOCALES, DATANT DE PLUSIEURS ANNÉES ET RÉDUISANT LA GLOTTE À UNE SIMPLE FENTE D'UN SBIZIÈME DE POUCE. (Morell-Makenzie, loc. cit., p. 34.) Ogs. IV. — Judge S..., âgé de 61 ans, vint d'Amérique, d’après l'avis du docteur Marion Sims, et me consulta en septembre 1866. Il se plaignait de dyspnée et d’enrouement. Dans sa jeunesse, on re- doutait qu’il ne devint tuberculeux; on lui fit abandonner sa profes- sion pour aller vivre à la campagne. Sa santé s’étant améliorée, il revint à la ville pour continuer l'exercice de sa profession. Il ra- conte que, depuis trente ans environ, sa voix est faible, et qu’il y a une quinzaine d'années, après avoir parlé pendant plusieurs heures, il fut pris subitement d’un spasme violent de la gorge, qui dura plusieurs heures. Depuis lors, il a eu plusieurs accès semblables, mais moins forts. Depuis sept ou huit ans, sa voix est devenue faible, et maintenant le moindre exercice et surtout la conversation et l’acte de monter un escalier, apportent les plus grands troubles à sa res- piration. En dormant, sa respiration est très-bruyante. En mangeant, il avale, comme on dit vulgairement, de travers, et il est pris de violents accès de toux. Tous les symptômes qu’il éprouve ont aug- menté depuis cinq ou six mois, et depuis huit ou neuf semaines, il est fatigué par une toux croupale très-fréquente, accompagnée d'une légère expectoration, principalement le matin. Il a perdu un oncle et un cousin de tubercules pulmonaires, mais aucun autre de ses parents n'a succombé à cette maladie. Le malade a l'apparence faible, mais comme il est doué d’une puissante énergie, il supporte assez bien la fatigue. Il est pâle et a le teint jaune-paille des cancé- reux. Il n’a aucun point douloureux, ni à la tête, ni à la poitrine, et ne présente aucun symptôme de paralysie, si ce n’est ceux observés du côté du larynx. En pratiquant l'examen laryngoscopique, je trou- vai que pendant l’inspiration les cordes vocales s’écartaient à peine de la ligne médiane et que l’espace qui les séparait était tout au plus d'un seizième de pouce. Dans l'expiration’ forcée l'ouverture avait un huitième de pouce. 210 La poitrine ne présentait aucune lésion. Le cas me paraissant fort grave, j'appelai le docteur Greenhow en consultation qui ne trouva après une recherche très-prolongée qu’une légère matité correspon- dant au médiastin postérieur. Le docteur Greenhow et le docteur Peatt, laryngoscopiste très-habile, vérifièrent mon examen du larynx. Désirant avoir une confirmation de mon diagnostic, j’envoyai le ma- lade au docteur Georges Johnson et pour ne pas l’influencer je ne lui fis pas connaître le résultat de mon observation. Le docteur Johnson donna son opinion par écrit; il constatait l’étroitesse de la glotte, qu’il attribuait à une cause un peu différente que moi. Il trouva les poumons parfaitement sains. Je conseillai la trachéotomie à mon malade. II demanda à voir un malade portant une canule, et, après en avoir vu un dans cet état, il: ne voulut pas subir l'opération, en disant « qu’il préférait les incon- vénients et les douleurs de son état présent à l’incommodité de por- ter une canule. » Il se fit cependant indiquer les instruments néces- saires pour la trachéotomie et il devait les porter constamment sur lui, pour se faire opérer, dès qu’il se sentirait dans un danger immé- diat de suffocation. Pendant son séjour à Londres, il fit usage d’in- halations stimulantes, de préparations ferrugineuses et d’huile de foie de morue. Au bout de quelque temps, il se sentit mieux, bien que je n’aperçcusse aucune amélioration dans l’état du larynx. Nous lui recommandâmes de passer l'hiver dans le sud de l'Europe. De Londres, il se rendit à Paris où il consulta Trousseau. Ce médecin célèbre émit une opinion qui, à l’exception de ce qui avait trait au larynx, différait profondément de la manière de voir du docteur Greenhow et de la mienne. Le traitement qu’il recommanda est ca- ractéristique de l'Ecole française. Voici un extrait de la consultation du docteur Trousseau : « Le laryngoscope montre la membrane mu- queuse et les cordes vocales rouges et gonflées sans ulcérations (1); on aperçoit également que les cordes vocales sont paralysées, c’est- à-dire qu’elles ne se meuvent qu'avec difficulté. En auscultant la poi- trine, je trouve que la respiration est faible au sommet du poumon gauche, et je suppose qu'il existe des tubercules au premier degré (1) Le docteur Pratt, qui assista à l’examen laryngoscopique à Pa- ris et à Londres, m'écrivit que « lorsqu'il inspecta le larynx avec Trousseau, les cordes vocales étaient légèrement tuméfées, et que la droite, principalement était rouge. » Cet état était probablement accidentel, et tenait à un état catarrhal temporaire. Plus bas, il ajou- tait : « Trousseau trouva les deux poumons malades et considéra l'affection laryngienne comme tuberculeuse. » 244 dans le lobe supérieur. Je pense que la paralysie incomplète des cordes vocales est due à l’extension de l’inflammation de la mem- brane muqueuse et du tissu cellulaire avec fibres musculaires des cordes vocales. Je conseille : 10 De passer l'hiver à Cannes; 2° Tous les deux mois, prendre, pendant quinze jours, un verre d'Eaux-Bonnes avant les repas; 30 La quinzaine suivante, prendre, le matin et le soir, une cuille- rée à soupe d'huile de foie de morue; 40 Tenir dans la chambre à coucher un appareil pour l’évaporation du goudron; 5° Chaque jour, inhaler lentement dans la trachée huit à dix bouf- fées d’une cigarette de papier arsenical. » Gomme le grand médecin, dont l’opinion différait si profondément de la nôtre, n’est plus, la critique doit s'arrêter. Mon opinion, tou- tefois, est que la paralysie des adducteurs était due simplement à une atrophie des muscles, causée par une affection périphérique des nerfs récurrents, ou bien par une lésion très-limitée, à l’origine des preumogastriques ou des spinaux. P. S. — Depuis que cette observation était écrite, j'ai été appelé (octobre 1867) à Paris pour voir ce gentleman. Il avait passé l'hiver précédent en Italie et il retournait à Londres pour se faire pratiquer la trachéotomie, lorsqu'il prit froid en passant les Alpes et fut obligé de se faire opérer à Genève. Je trouvai l’état général considérable- ment amélioré et les cordes vocales me parurent se séparer davan- tage pendant l'inspiration. Il portait une canule fixée à la trachée. PARALYSIE BI-LATÉRALE DES CRICO-ARYTÉNOÏDIENS POSTÉRIEURS (E.-Nicolas-Duranty) OBs. V. — Le ?2 septembre 1869, M. l'abbé X.…., vint me con- sulter envoyé par mon collègue, M. le docteur Villard, avec lequel j'eus d’ailleurs l'avantage de le voir plusieurs fois en consultation. Il était aphone depuis plusieurs mois. Sa voix avait diminué d’inten- sité peu à peu et, depuis cinq ou six mois, elle était réduite à un simple chuchotement. M. X.….. est âgé de 27 ans, de haute taille, maigre, très-pâle. Il se sent doué d’une force musculaire relativement considrable, et cependant la marche lui donne de la dyspnée; mais c’est surtout quand il monte un escalier que la suffocation devient très-vive. Il ne peut se livrer à aucun travail intellectuel, ses nuits sont sans sommeil et il est fatigué par des pollutions nocturnes très- réquentes. L’appétit est capricieux. Enfin, il ne tousse pas et l’exa- 212 men de la poitrine montre que les poumons et le cœur fonctionnent parfaitement. Il à successivement employé le fer, le quinquina, la strychnine, les frictions sèches sur tout le corps, l’hydrothérapie; il a fait une saison très-complète à Cauterets, sous la direction du doc- teur Guinier, professeur à Montpellier, tout cela sans voir améliorer sa situation. Examen laryngoscopique : Le larynx est légèrement congestionné, les cordes vocales sont rosées, mais, ce qui est re- marquable, c’est leur immobilité pendant les mouvements respira- toires. Elles sont séparées l’une de l’autre par un espace de deux millimètres environ, et les mouvements respiratoires les plus variés ne modifient que très-légèrement leur position. Cette immobilité ne peut tenir à l’état des diverses pièces du larynx, car cet organe ne présente aucune lésion de tissus, si ce n’est une légère hyperémie. Ce malade était donc atteint d’une paralysie bi-latérale des crico-ary- ténoïdiens postérieurs. Pour combattre la congestion, je fis quelques applications locales d’une légère solution de nitrate d’argent, et bien- tôt le larynx, dans toutes ces parties, présenta sa coloration normale. J’employai alors l'électricité directement sur les muscles paralysés et sur les cordes vocales. En même temps, je fis reprendre l’hydrothé- raple. Ce traitement, continué pendant un mois, ne produisitaucune amé- lioration. Je conseillai alors à M. X... d’aller à la campagne, d'éviter toute occupation intellectuelle, quelque légère qu’elle fût, de faire de l’exercice et de le graduer selon ses forces; enfin, de supprimer toute médication. Au bout de deux mois, mon malade vint me re- voir, l’état général était meilleur, il était moins maigre, moins suffo- qué, mais l’état des muscles du larynx ne s’était presque pas modi- fié; cependant les cordes vocales me parurent s’écarter davantage pendant l'inspiration. (V. fig. 14 et 15.) Depuis lors, je n’ai point revu ce malade. Cette observation peut, je crois, se rapprocher de celle publiée par Morell-Mackenzie. La marche de la maladie, les symptômes généraux, sont presque identiques. Seulement le malade de Morell-Mackenzie était à une période plus avancée de la maladie. La physiologie per- met de rattacher cet état pathologique à une lésion très-limitée de l’origine des pneumogastriques et des spinaux. PARALYSIE ET ATROPHIE DE L'ABDUCTEUR DE LA CORDE VOCALE GAUCHE, PRODUITE PAR LA COMPRESSION D'UNE TUMEUR MALIGNE DE LA GLANDE THYROÏDE SUR LE NERF RÉOURRENT GAUCHE. (Morell-Mackenzie, loc. cit., p. 39.) Ogs. VI. — Samuel K..., âgé de 50 ans, me fut adressé par M. Ri- chardson, de Commercial road, à l'hôpital des maladies de la gorge, le 10 mai 1864. Sa respiration était embarrassée et légèrement stri- duleuse, il avait une toux croupale et la voix enroute. Sa physiono- mie était anxieuse, le visage et les extrémités étaient par moments cyanosés. Il était maigre et faible. Le début de sa maladie remonte à six ans, mais sa situation s’est graduellement aggravée depuis quelques mois. Il à été atteint de la syphilis constitutionnelle. Le plus léger exercice donne lieu à un accès de suffocation, et par mo- ments il éprouve de la difficulté à avaler. Il a vomi du sang à deux reprises : une première fois, une demi-pinte, une seconde presque une pinte. Il a quelques râles bronchiques au sommet des poumons. Les bruits du cœur sont normaux et l’on ne constate aucun soufile dans les différents points de la circulation artérielle. L'examen laryngoscopique montra que la corde vocale gauche était immobile au centre de la glotte, c’est-à dire que, pendant Pin- spiration, la corde vocale gauche n’était pas portée en dehors et que son bord libre interne restait sur la ligne médiane On en conclut qu'il existait une paralysie du crico-aryténoidien postérieur gauche, l’abducteur de la corde vocale de ce côté, et que la paralysie était produite par la compression du nerf récurrent. Pour confirmer cette dernière opinion, quelques semaines plus tard on constata la présence d’une petite tumeur arrondie sur la li- gne médiane du cou faisant saillie dans la fossette sternale. Les symptômes devinrent graduellement plus graves, et j’envoyai le ma- lade au docteur Davies (avec une description de la paralysie du erico- aryténoïdien postérieur gauche), pour qu’il voulût bien faire un exa- men stéthoscopique. Le docteur Davies admit le malade à London hospital, mais l’'auscultation la plus attentive ne donna que des signes négatifs. [Il quitta l'hôpital quelques semaines plus tard, fut admis de nouveau quelque temps après, et enfin succomba le ? novem- bre 1866. Pendant les dix-huit mois que le malade a été observé, tous les symptômes ont graduellement augmenté d'intensité, et la dyspnée était devenue telle qu'il ne pouvait dormir que dans un fauteuil. La tumeur du cou devint plus large et fort dure. Elle paraissait due, au moins en partie, à lossification des anneaux de la trachée. Dans les derniers moments, la trachéotomie fut faite par le chirur- gien interne, Le malade succomba, à peine l’opération était-elle ter- minée. Elle fut rendue très-laboricuse par des causes diverses : une hémorrhagie veineuse, le peu d’espace qui existait entre la tumeur et le cartilage cricoïde, la dureté de la trachée et la difficulté d’intro- duire la canule. 214 L’autopsie montra qu’il existait une tumeur cancéreuse fort dure, large de deux pouces, s'étendant de la crosse de l'aorte au cartilage cricoïde. Dans son développement vers la partie postérieure, elle poussa au devant d’elle les anneaux de la trachée et rapprocha la paroi antérieure de la paroi postérieure au point de n’être plus sépa- rées que par un quart de pouce. Au niveau du second anneau de la trachée le calibre du canal aérien était réduit à un huitième de pouce. En repoussant les anneaux de la trachée, la tumeur avait pénétré dans l’œsophage. Le récurrent gauche était entièrement compris dans la tumeur au point où il contourne la crosse de l'aorte. Le crico- aryténoïidien postérieur gauche était atrophié; il n’en restait que quelques fibres formant sa partie interne et inférieure. Celui du côté opposé, au contraire, était large et composé de toutes ses fibres. L'analyse microscopique de la tumeur fut faite par le docteur An- drew Clark. Il constata la transformation cancéreuse de la glande thyroïde; il trouva également des dépôts cancéreux dans le foie et les poumons. PARALYSIE BI-LATÉRALE DRS CRICO-ARYTÉNOÏDIENS LATÉRAUX. (Œ. Nicolas-Duranty.) O8s. VII. — Mademoiselle C..., âgée de 15 ans, me fut amenée par sa mère, le 17 mars 1865. Depuis trois mois, elle souffre de la gorge et elle est aphone depuis trois semaines. Elle tousse un peu. La déglutition est très-diflicile. L'examen de la poitrine ne révèle aucune lésion de ce côté. Le pharynx est obstrué par les amygdales hypertrophiées, la luette est œdématiée. J’eus beaucoup de peine à placer un petit miroir laryngien, cependant je constatai que les cordes vocales étaient rosées et immobiles sur les côtés du larynx. Lorsque la malade faisait des efforts phonateurs, la glotte restait lar- gement ouverte. Je proposais immédiatement l’excision des amygdales, qui fut ac- ceptée, et le 21 du même mois, je les enlevai. Cette opération et ses suites ne présentèrent rien de particulier à signaler. Le 26, je pratiquai l’examen laryngoscopique, les cordes vocales me parurent moins rosées, mais elles étaient toujours immobiles sur les côtés du larynx. Je les touchai avec une petite éponge imbibée d’une solution de nitrate d'argent (2/30), et je prescrivis un garga- risme fortement astringent. Le 14 mai, le pharynx présentait l'aspect normal, les cordes vo cales étaient devenues blanches, nacrées, mais elles ne s’avançaient guère plus que précédemment vers la ligne médiane pendant les ef- forts de phonation. Je ne connaissais pas, à cette époque, les méthodes d'applications locales du galvanisme, et j'y suppléai en électrisant les parties an- térieures et latérales du larynx, au niveau des muscles crico-thyroï- diens et crico-aryténoïdiens latéraux. Je continuai l’emploi de garga- rismes astringents et je prescrivis un régime tonique et réparateur, Ce traitement fut suivi très-régulièrement pendant un mois, et, à ce moment, la guérison était complète. Depuis, cette demoiselle n’a plus eu la moindre fatigue du côté du larynx. PARALYSIE DU CRICO-ARYTÉNOÏDIEN LATÉRAL DROIT. (E. Nicolas-Duranty. OBs. VIII. — M. X..., d'Aix, âgé de 35 ans, vint me consulter au mois de novembre 1869. Il éprouvait un sentiment de gêne, de la fa- tigue dans le larynx; en parlant, sa voix était rauque; enfin, le temps humide ou sec avait sur le timbre de sa voix une action très-nota- ble. D'ailleurs, il se portait parfaitement bien. L’examen laryngosco- pique me montra la corde vocale droite moins tendue que la corde vocale gauche, elle était fixée sur le côté du larynx, et les mouve- ments plus ou moins rapides de la respiration, ainsi que les efforts de la phonation, la laissaient toujours dans la même situation. La corde vocale gauche, au contraire, était très-mobile et, en engageant le malade à prononcer la voyelle a, on la voyait s'approcher vive- ment de la ligne médiane. (V. fig. 16.) Quelques chocs électriques et des pulvérisations, faites avec une solution de tannin, le guérirent rapidement. PARALYSIE DE L'ARY-ARYTÉNOÏDIEN. (E. Nicolas-Duranty.) Ops.IX. — Le 6 février 1870, M. le docteur Villard eut la bonté de me conduire au couvent des Dames du Nom de Jésus, dont il est le médecin, et de me montrer une religieuse qui était aphone. La sœur X..., âgée de 23 ans, toussait depuis trois mois environ, la respiration était obscure aux sommets des poumons, la sonorité était diminuée sous les clavicules et il y avait lieu de penser à l’existence de tubercules. D’un autre côté, la voix était réduite à un simple chu- chottement. L'examen laryngoscopique nous montra que la glotte, largement ouverte, était hyperémiée. En engageant la malade à pro- honcer, tantôt la voyelle a, tantôt la voyelle e, on constatait quelques légers mouvements dans les cordes vocales, qui tendaient à se rap procher de la ligne médiane. Malgré tous les efforts de la malade pour prononcer ces voyelles sur un ton élevé, les cordes vocales qui se mouvaient restaient toujours éloignées, surtout vers leurs inser- 216 tions ary-aryténoïdiennes. Le muscle ary-aryténoïdien était donc pa- ralysé. Sous l'influence de quelques cautérisations l’hyperémie dis- parut, mais la paralysie demeura intacte. J’allais employer l’applica- tion directe de l'électricité, lorsque cette jeune fille fut rappelée par sa famille. APHONIE DURANT DEPUIS SIX MOIS, PRODUITE PAR UNE PARALYSIE DES AD- DUCTEURS, GUÉRIE PAR L'APPLICATION DIRECTE DE L'ÉLECTRICITÉ. (Mo- rell-Makenzie, loc. cit., p. 13.) OBs. X. — Madame S..., de Warwick, âgée de 50 ans, me fut adressée, le 29 juin 1867, par M. Ruttledge, pour une aphonie datant de six mois. L’examen laryngoscopique montra que l’aphonie était due à une paralysie des adducteurs des cordes vocales, car dans les efforts pour la phonation elles demeuraient largement séparées. On pouvait noter cependant une légère différence dans le mode d’action des deux cordes, la droite s’avançait davantage vers la ligne mé- diane que la gauche. La troisième ou la quatrième application de l’é- lectricité ramena la voix, mais cette dame s’étant exposée à l’action du froid elle rechuta; cependant, trois semaines après, elle put re- tourner chez elle parfaitement guérie. DYSPHONIE DURANT DEPUIS QUATORZE MOIS, PRODUITE PAR LA PARALYSIE DES ADDUCTEURS DE LA CORDE VOCALE GAUCHE, SUITR D'UNE ATTEINTE DE DIPHTHÉRIE ET GUÉRIE PAR L'ÉLECTRISATION DES CORDES VOCALES. (Mo- rell-Makenzie, loc. cit., p. 23.) OBs. XI.— Patrick O..., âgé de 19 ans, me fut envoyé en avril 1863, mais ce traitement ne fut commencé qu’au milieu de mai. Le malade raconte qu'en mars 1861 il a eu une attaque de diphthérie, et que, depuis, il a la plus grande difficulté pour parler à haute voix et que, s’il y parvient, sa voix est criarde. En examinant sa gorge, on re- marque que les piliers du voile du palais sont atrophiés et que la pa- roi postérieure du pharynx est taplssée par du mucus épaissi. Sous le laryngoscope, lorsque l’on engage le malade à dire eh, on constate que la corde vocale droite se rapproche vers le centre du larynx, tandis que la gauche ne vibre que très-difficilement et ne s’avance pas vers la droite. Le son produit est dans le registre de fausset et les plus grands efforts ne peuvent produire une note de poitrine. Avant d'être atteint par la diphthérie, la voix de ce malade était forte et puissante. L’électricité fut appliquée localement, et au bout de quinze jours, la guérison était complète. 4 DYSPHONIE DURANT DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, PRODUITE PAR LA PARALYSIE DES ADDUCTEURS DE LA CORDE VOCALE GAUCHE. (Morell-Makenzie, loc. cit., p. 27.) O8s. XII. — Sarah F..., âgée de 41 ans, est la femme d’un méca- nicien, elle est actuellement sous mes soins à London hospital, et elle est en traitement depuis le 2 avril 1867. Dès son enfance, elle avait la voix rauque. Elle eut la rougeole, qui n’eut aucune influence sur son organe vocal. Depuis trois mois, de la dysphonie s’est produite. La dysphonie était évidemment causée par la paralysie des adduc- teurs de la corde vocale gauche, le larynx était sain d’ailleurs, Le re- pli ary-épiglottique gauche et les cartilages qu’il contient sont à un niveau plus élevé que le repli droit, ce qui rompt la symétrie du vestibule du larynx. Dans les mouvements de la phonation, la corde vocale droite dépasse la ligne médiane, de manière à compenser l’ac- tion insuffisante de la corde vocale gauche etle cartilage de Santorini passe derrière et au delà de son homologue. PARALYSIE BI-LATÉRALE DES THYRO-ARYTÉKOÏDIENS. (E. Nicolas-Duranty.) OBs. XIII. — Le I? octobre 1868, mon confrère, M. le docteur Louis Rampal, me pria d'examiner une de ses clientes, mademoiselle de C..., âgée de 1? ans. Cette jeune fille, pas encore menstruée, à la suite d’un refroidissement, eut une bronchite assez intense, accompagnée d’en- rouement très-prononcé. Un traitement parfaitement dirigé la débar- rassa assez rapidement de la bronchite, mais l’enrouement persista et durait depuis deux mois lorsqu'elle me fut amenée. Examen laryngoscopique : la coloration de la muqueuse laryngée est normale. Les cordes vocales bien blanches, bien nacrées se meu- vent facilement, mais lorsque j’engage la jeune malade à prononcer la voyelle a, les cordes vocales se rapprochent à leurs deux extré- mités seulement et laissent entre elles, vers leur partie moyenne, un espace elliptique très-caractérisé. Ensuite leurs vibrations sont peu apparentes. (V. fig. 17.) Le fer, le quinquina, un régime ren ont rapidement amené la guérison. | DYSPHONIE DURANT DEPUIS UN‘:AN, PRODUITE PAR LA PARALYSIE DU THYRO- ARYTÉNOÏDIEN, GUÉRIE PAR L'ÉLECTRICITÉ. (Morell-Makenzie, Loc, cit., p. 34.) Ors. XIV. — Madame C..., âgée de 34 ans, exerçant la profession de chanteuse, me consulta pendant le mois de mai 1865, pour une difiiculté qu’elle éprouvait depuis un an dans la formation des notes MÉM. 1871 15 218 inférieures de sa voix. L’échelle diatonique de sa voix s’étendait du d (1) au-dessus de la portée à a en bas. Depuis un an elle éprouvait une certaine difficulté à former le a d’en bas, et depuis le mois de janvier elle ne pouvait plus même chanter dans un salon. Elle attri- buait la perte de sa voix à un effort, et elle faisait remonter le début de sa maladie à la gêne qu’elle ressentit un jour, après avoir chanté une très-longue cantate qu’on lui fit répéter. Elle éprouvait depuis lors une sensation de piqûre s'étendant du côté droit de la gorge à loreille. Elle a été toujours en traitement depuis le moment où sa voix a commencé à être affectée. La seule chose qui la soulageàt était une application d’une solution caustique sur le larynx au moyen d’une éponge fixée à l'extrémité d’une tige recourbée. Mais ce trai- tement ne lui donnait qu’une amélioration temporaire. L’examen la- ryngoscopique montra que le parallélisme entre les cordes vocales était perdu et que la corde vocale présentait une dépression centrale vers la ligne médiane. Le traitement (électrisation directe de la corde vocale droite) fut long et pénible. Au bout de six semaines, la malade ne présentait pas la moindre amélioration, et, découragée, elle voulait suspendre le traitement. J’insistai, et j'eus le plaisir de voir la quinzaine sui- vante la malade constater une amélioration notable. Pour essayer sa voix, je lui permis un léger exercice vocal chaque semaine. Enfin, au bout de trois mois, la voix était complétement revenue, et l’au- tomne suivant cette dame put accepter un engagement pour Madrid. (1) d indique le sixième degré de la gamme diatonique et naturelle; a indique le La de la seconde octave. DES RUPTURES PRÉTENDUES SPONTANEES DU CŒUR Note communiquée à la Société de Biologie PAR M. LE DocTEUR A. LABOULBÈNE, Médecin de l’hôpital Necker, agrégé libre de la Faculté, de médecine, etc,, ET M. E. LABARRAQUE, Interne des hôpitaux. (Voy: planche XI.) Les ruptures du cœur, sous l’effortde la pression sanguine, étaient considérées, il y a quelques années, comme possibles, sans altération préalable du myocarde. Cette opinion, que les faits ont renversée de plus en plus (4), ne peut plus être soutenue aujourd’hui, mais il faut (1) Peacock, MoNTLHLY JOURNAL OF MEDIC. SCIENCE, 1855.— Berthe- rand, MONITEUR DES HÔPITAUX, 1856. — Elleaume, Thèses de Paris, 1857. — Malmsten, HyGciÆaA et DUBLIN MED. PRESSE, mai 1861. — Bœttger, ARCH. DER HEILKUNDE, 1863. — O. Larcher, UNION MÉDi- CALE, 1864. — Dunlop, EDIMB. MED. JOURNAL, 1866. — Tachard, Gaz. DES HÔPITAUX, 1867. — Liouville (H.), G4z. MÉD. DE Paris, 1868. — Little, DUBLIN QUAT. JourNAL, 1868.— Barth, ARCH. GÉN. DE MÉD., 1871. 990 s'attacher à bien préciser les points par lesquels se fait la rupture, ainsi que le mécanisme de sa production. La considération exacte des altérations des fibres musculaires, et surtout des vaisseaux car- diaques, est de la plus haute importance. L'observation avec figures que nous publions actuellement, et sur laquelle Pun de nous a le projet de revenir, ayant pour but un tra- vail d'ensemble, présente un grand intérêt. Nous avons pu constater avec certitude la dégénérescence graisseuse des fibres musculaires et l’altération anatomique des parois des vaisseaux nourriciers du myocarde. On sait combien il importe de signaler ces dernières lé- sions qui ont dù être passées sous silence dans un grand nombre d’autopsies. De là les ruptures prétendues sans altération et dites spontanées du cœur. FEMME DE 71 ANS, ATTENDANT SON ENTRÉE A LA SALPÊTRIÈRE; MORT SUBITE ; RUPTURE COMPLÈTE DU CŒUR VERS LA POINTE DU VENTRICULE GAUCHE; NOM- BREUSES ECCHYMOSES DU MYOCARDE, L'UNE D'ELLES AYANT AU CENTRE UN CAILLOT ANCIEN AYANT COMMUNIQUÉ AVEC L'INTÉRIEUR DU COEUR ; ALTÉRATION DES ARTÈRES CORONAIRES DES PETITS VAISSEAUX ET DES FIBRES MUSCULAIRES DU CŒUR GAUCHE. OBs. — A l’hôpital Necker, service de M. Laboulbène, salle Sainte-Thérèse, n° 8, a succombé, tout d’un coup, sans aucun effort pour se remuer dans son lit, une femme de 71 ans, dont le séjour dans la salle remontait déjà à plusieurs mois : elle avait même été désignée pour la Salpétrière, sous la dénomination de cachexie sénile. Un mois avant sa mort, cette femme avait eu une pneumonie du côté gauche du thorax, guérie par le tartre stibié et l'alcool, et elle était convalescente depuis huit jours d’un érysipèle de la face, lors- qu’elle est morte tout à coup, subitement, et comme sidérée. Elle avait une bonne santé habituelle, et aucun fâcheux antécédent, alcoolique ou autre, n'avait été noté. Elle n'avait pas eu de scorbut. L’autopsie, pratiquée vingt-sept heures après la mort, a fourni les résultats suivants : ASPECT GÉNÉRAL DU CŒUR. Péricarde. — À l'ouverture du tho- rax, le péricarde apparaît bleuâtre, fortement distendu, faisant sail- lie en avant, et rejetant les poumons des deux côtés. Le péricarde, incisé, laisse voir un énorme caillot, occupant sur- tout la face antérieure du cœur, mais pénétrant néanmoins dans ol tous les replis du sac péricardique, et, par conséquent, enveloppant de tous côtés le cœur. La quantité de sang, ainsi épanché, a pu être rapportée avec cer- titude à 400 grammes; ce sang était en gros caillots, et n’avait pas laissé déposer de liquide citrin en quantité notable. Le péricarde, bien lavé, n’a point offert d’altération appréciable, Cœur. — Le cœur a été examiné attentivement, après avoir été débarrassé du caillot qui l’environnait ; il était enveloppé de graisse dans la majeure partie de son étendue. La surface extérieure du cœur offrait plusieurs ecchymoses, d’étendue assez considérable, égalant environ le diamètre d’une pièce d’un franc en argent, situées, deux à la face antérieure et au bas du ventricule gauche, et plusieurs autres, dont une plus grande à la partie supérieure et latérale gauche du même ventricule. Ces ecchymoses correspondaient à des épanchements sanguins diffus, situés dans l’épaisseur du muscle cardiaque. À un centimètre environ de la pointe du cœur, sur la face anté- rieure du ventricule gauche, et au centre d’une des ecchymoses, large comme une pièce d’un franc (v. pl. XI, fig. 1), on aperçoit un orifice presque transversal, mais cependant un peu oblique de haut en bas et de droite à gauche, long d’un demi-centimètre, à peu près rectiligne (v. fig. 2) par lequel un petit caillot faisait issue : c’est l’orifice externe de la rupture. L’orifice interne se trouve au milieu des colonnes charnues du troisième ordre qui garnissent le ventricule gauche, et cet orifice correspond assez exactement à la rupture externe, au moyen d’un trajet presque rectiligne, dirigé en haut et à droite, mais ce trajet est anfractueux et rempli par un caillot sanguin, pulpeux, placé au milieu des fibres cardiaques; il est très-vraisemblable qu’en ce point, la rupture n’a pas dû se faire en une seule fois. La seconde ecchymose antérieure est placée à deux centimètres environ de lecchymose, siége de la rupture, au-dessus et à droite. Elle est presque aussi large que la précédente, et elle présente, à la coupe, les particularités suivantes : Un noyau blanchâtre, de la grosseur d’un pois, occupe presque toute l’épaisseur de la paroi ventriculaire et vient faire, dans l’étendue d’une lentille, une tache blanche sur l’endocarde. La présence de cette partie d'apparence cicatricielle, à côté de la lésion principale, nous a paru devoir être attribuée à une rupture ancienne, et qui se serait guérie. Du reste, l'examen ultérieur prouvera que c’est là une lésion antérieure à la rupture actuelle, déjà signalée. Sur divers points, et spécialement sur la face antérieure et la 222 face latérale gauche du ventricule, sont disséminées des ecchymoses, plus ou moins étendues ; la coupe du tissu musculaire à montré sur ces points des épanchements sanguins diffus dans l'épaisseur du muscle cardiaque. L’épaisseur la plus grande des parois du ventricule gauche est de 14 millimètres. L’épaisseur la plus grande des parois du ventricule droit est de 8 millimètres. Les parois du ventricule gauche, coupées pour l'examen des par- ties où s’est effectuée la rupture et sur les points indiquant les ecchy- moses, nous a montré une teinte feuille morte différente de la teinte ordinaire du muscle cardiaque sain. L’orifice auriculo-ventriculaire gauche présente plusieurs noyaux athéromateux. L’endocarde du ventricule parait sain. à part quelques taches laiteuses peu épaisses; mais, au point déjà indiqué, correspon- dant à la tache blanchâtre lenticulaire, vient aboutir un noyau blanc, décoloré, composé de fragments grumeleux. Ces fragments sont formés, ainsi que le démontre l’examen au microscope, de fibrilles bien reconnaissables de fibrine, quoique plusieurs fussent granu- leuses et résultent évidemment d’un épanchement sanguin qui a communiqué avec l’intérieur du cœur par l’endocarde, et qui n’ar- rivait pas jusqu’à l'extérieur du cœur, dont il était séparé par des faisceaux de fibres musculaires. L’orifice interne du trajet de la rupture ne s’apercoit pas tout d’a- bord; il est situé au milieu des colonnes charnues du troisième ordre, et en outre oblitéré par des caillots; mais il est facilement mis en évidence par le passage d’une soie engagée par l’orifice externe. Le ventricule droit et les oreillettes nous ont paru dans leur état normal; ces organes ne renfermaient qu’une faible quantité de sang liquide; leur endocarde ne présentait rien de particulier. L’aorte montrait, par places, au-dessous de sa crosse, de larges dépôts athéromateux et calcifiés; mais les valvules sigmoïdes aortiques étaient saines. L'origine des arières cardiaques est à l’état normal; la perméabilité des gros vaisseaux nourriciers du cœur n’est pas douteuse : une in- jection très-pénétrante, à la glycérine colorée, poussée dans leur in- térieur a été retrouvée jusque dans les parties voisines de la pointe. Mais l'élat athéromateux des deux artères coronaires est des plus évidents; elles ont été disséquées dans la majeure partie de leur étendue, et elles présentaient des plaques athéromateuses, calcifiés et plus ou moins épaisses dans un grand nombre d’endroits de leur trajet, t2 229 Nous avons déjà signalé la surcharge graisseuse du cœur. EXAMEN HISTOLOGIQUE. — L’épanchement sanguin, grumeleux, qui occupe le trajet de la rupture, nous a offert nettement : des globules rouges sanguins altérés, quelques leucocytes ou globules blancs, des fibrilles de fibrine, des granulations graisseuses, des cristaux d’hé- matoidine ; et à l’entour des fibres cardiaques granuleuses. Le caillot, limité par la cicatrice blanchâtre de l’intérieur du ventri- cule gauche est formé de quelques filaments reconnaissables de fibrine et de granulations provenant de cette subslance ; on trouvait aussi quelques rares globules sanguins altérés. La partie d'apparence cica- tricielle renfermait des fibrilles de fibrine, tassés et de nombreux noyaux. Quant au muscle cardiaque Jui-même, il nous a présenté en un très-grand nombre d’endroits, sur les points ayant une teinte moins rouge, une dégénérescence graisseuse avancée. Les fibrilles muscu- laires avaient perdu presque toute trace de leur striation, elles étaient granuleuses, et de plus séparées les unes des autres par de fines gouttelettes de graisse. L'état des vaisseaux nourriciers du cœur a été déjà indiqué pour les deux artères coronaires:; elles sont le siége d’une artérite défor- mante, et sur plusieurs points des parois (v. fig. 1) on trouve des plaques faisant saillie et perceptibles au doigt, formées par des gra- nulations graisseuses et des dépôts de sels calcaires. Les petits vaisseaux et les capillaires eux-mêmes nous ont paru sur un certain nombre de préparations avoir des parois plus épaisses et, en outre, altérées par des granulations graisseuses, mais cette der- nière lésion était difficile à mettre en évidence: il a fallu la recher- cher avec soin. Nous n'avons pu constater aucun anévrysme, ni aucune rupture sur les vaisseaux de petit volume. Dans le fait remarquable de rupture du cœur que nous venons de rapporter, nous tenons à mettre en évidence les lésions du myo- carde qui consistent en une dégénérescence graisseuse des fibres élémentaires du muscle cardiaque. La perte de la striation, les gra nulations graisseuses situées dans les fibres mêmes et entre les fais- ceaux ne peuvent laisser aucun doute sur cette altération anatomi- que. Nulle part nous n’avons trouvé de dégénérescence cireuse pro- prement dite. Fallait il rapporter les ecchymoses cardiaques à une affection scorbutique ? Nous avons vu qu’il n’en existait point. D'autre part, la dégénérescence graisseuse du cœur, coexistant avec la surcharge 224 eraisseuse, ne nous parait point liée à une myocardite succédant à la pueumonie dont cette femme avait été atteinte un mois avant la mort. Nous ne trouvons rien pour l'admettre. À notre avis, l’altéra- tion graisceuse du musele cardiaque préexistait, elle durait depuis longtemps et elle avait pour cause l’état des vaisseaux nourriciers du cœur. Les ecchymoses proveriaient des vaisseaux rompus au mi- lieu d’un tissu musculaire déjà malade. En effet, les artères coronaires étaient altérées, ainsi que les ca- pillaires; il est extrêmement probable, nous pouvons même üire, sûr, que les fibres cardiaques sont devenues malades parce que les vaisseaux les nourrissaient incomplétement. Les ecchymoses surve- nues à la suite de la rupture des parois vasculaires étaient myocar- diques à leur début. Pour apprécier la manière dont la rupture s’est faite, nous dirons qu'il ne nous paraît point qu'elle ait été soudaine, malgré la mort in- stantanée de la malade, constatée par les personnes qui l’ont vue. Il ne s’est pas produit uniquement un écartement des fibres cardiaques graisseuses et une brusque pénétration du sang dans le péricarde; il s'était formé antérieurement une ecchymose musculaire qui avait préparé la rupture, et puis, pendaut une systole, ainsi que cela a été constaté plusieurs fois, la dernière barrière opposée au sang s’est rompue, et la mort a eu lieu soudainement, comme si la malade eût été frappée de la foudre. Le siêége de la rupture rentre dans la règle ordinaire des cas oh- servés. Le ventricule gauche, surtout à la pointe, était déjà noté par Laennec comme le lieu d'élection des ruptures spontanées du cœur. L'étendue d’un demi-centimèêtre, avec des abords déchiquetés et un trajet inégal et assez anfractueux ne sont point exceptionnels. Nous devons faire remarquer surtout les caillots et les épanche- ments sanguins, ecchymotiques, et plus spécialement la seconde ec- chymose, située ur peu plus en haut et à droite sur le ventricule. (V. fig. 1 et 3.) Il y avait là une rupture ancienne et incomplète, ayant communiqué avec l’endocarde, guérie à la manière d’un ané- vrysme, par condensation des éléments plastiques du sang. La cavité était séparée de l'extérieur du cœur par du tissu musculaire; ce fait anatomique nous montre la manière dont, précédemment à la rupture définitive et mortelle, une rupture incomplète et réparée s'était pro- duite, permettant encore le jeu du cœur et la conservation de la vie, 295 Donc, la déchirure ultime avait été précédée par un processus anatomo-pathologique antérieur; elle a été le dernier terme d’une altération lentement préparée, et comme elle a été soudaine, la mort de la malade a été subite. L’anémie cardiaque (les artères coronaires étant déjà altérées), la réplétion du péricarde gênant les mouvements du cœur et surtout l’anémie cérébrale concomitante suflisent pour expliquer les causes de la rapidité de la mort. Disons, en terminant, que le fait que nousavons rapporté est, à la fois, un exemple de rupture complète et de rupture antérieure in- complète du myocarde, dont on peutsuivre pas à pas le mécanisme. Les altérations des fibres musculaires et des vaisseaux montre de la manière la plus nette ce qu’il faut penser des ruplures prélendues spontanées du cœur. t£m. 1871 5 QUELQUES RÉFLEXIONS SUR LA PATHOGÉNIE DE L'ANGINE HERPÉTIQUE A PROPOS D'UN CAS DE ZONA DE LA FACE Communiquées à la Société de Biologie, au mois d'août 1871, PAR M. LE D° AuGustTE OLLIVIER. (Voy. planche XII.) I Le zona ophthalmique n’a été bien décrit que dans ces derniers temps. En 1861 Bærensprung (1), dans les Annales de l'hôpital de la Charité à Berlin, rapporte plusieurs cas de zona ophthalmique; mais la description qu'il donne de cette affection laisse à désirer. Ge n’est qu’à partir de 1866 qu'Hutchinson (2?) rassembla, dans une série de (1) Bærensprung. Die Gürlelkrankheit, in ANNALEN DES CHARITÉ- KRANKENHAUSES. 1861. Neunter Band, ? Heft, s. 40. , (2) Hutchinson (Jonathan). À clinical report of herpes Zosler frontalis seu ophthalmious. SHINGLES AFFECTING THE FOREHEAD AND NOSE, in OPHTHALMIG HOSPITAL REPORTS. Vol. V, 1866, part. 4, 1866, p. 191 et 331. — À second Report on herpes Zosler frontalis, ibid. vol. VI, 1866. Part. 3, p. 181. — Third series of cases of herpes frontalis. Ibid., part. 4, p. 263. 228 mémoires, toutes Les observations, publiées avant lui, de cette va- riété de zona, et qu’avec ses observations personnelles il décrivit d’une manière précise Le zona ophthalmique et attira l’attention des observateurs sur les lésions oculaires coexistant avec cette affection. Pour lui, ces lésions oculaires, — conjonctivite, kératite, iritie, — existent toutes les fois que la branche nasale est recouverte de vé- sicules d’herpès ; la cause de cette affection est due à l’irritation de la branche ophthalmique pour le £ona du front et à l’irritation des branches ciliaires pour les lésions oculaires. Cette irritation peut porter soit sur le ganglion de Gasser, soit sur le mésocéphale, soit aussi sur les rameaux nerveux après leur division, suivant que l’éruption est généralisée ou localisée à certaines branches. Après lui, Bowmann (1) fait paraître dans le même journal un ar- ticle où, par des observations nouvelles, il prouve qu'avec l’éruption herpétique de la branche oculo-nasale, ne correspondent pas tou- jours des lésions oculaires. L’éruption herpétique pour lui n’est qu’une manifestation de l'irritation des extrémités nerveuses et le traitement efficace qu'on doit employer pour les douleurs intoléra- bles qui survivent quelquefois à cette éruption est la section sous- cutanée des nerfs sus et sous-orbitaires. Après les mémoires de ces auteurs distingués, nous trouvons quel- ques observations publiées par M. Mougeot (2), Bowater $. Vernon (3), Jeffries (4), Rudolf Jacksch (5) et Steffan (6). Ce dernier auteur insiste sur le diagnostic du zona ophthalmique et de l’érysipèle de la face. Il aborde ensuite la question de patho- (1) Bowman (Wm.). Cases of Zoster, or unilateral confluent Her- pes of the ophthalmie region, in OPHTHALMICG HosPiTAL REPorts. Vol. VI, part. 1, 1867, p. 1. (2) Mougeot. Recherches sur quelques troubles de nutrition consécu- tifs aux affections des nerfs. Th. de doc. Paris, 1867. (3) Bowater S. Vernon. Cases of herpes ophthalmicus in SAINT BAr- THOLO MEW'S HospirAL REporrs. 1868, vol. IV, p. 121. (4) Jeffries. À case of herpes zoster ophthalmicus in BOSTON MED. AND SURG. JOURNAL. May, 27., and June 3. (5) Rudolf Jacksch. Zur kasuistik des Herpes Zosler frontatis sen ophthalmicus. Inaug. Diss. Breslau, 1869. (6) Stefan. Klinische Erfahrungen und Studien über Herpes Zoster ophlhalmicus und seine Beziehung zum Auge. Erlangen, 1869. S.25-47. 290 génie; d'après lui, les lésions de la cornée dans le zona ophthalmi- que seraient dues à l'irritation de nerfs spéciaux, nerfs trophiques, qui accompagnent le trijumeau. Depuis cette époque aucun nouveau travail, que je sache, n’a été publié sur cette intéressante question; aussi ai-je cru devoir vous soumettre l’observation suivante, qui est non-seulement un Cas d'herpès du nerf ophthalmique, mais encore du nerf maxillaire su- périeur, et la faire suivre des réflexions qu’elle m'a suggérées. OBs. — Le 14 mai 1871 entre à la Charité-annexe, rue de Sèvres, le nommé Picard (Jean-Charles), apprêteur en cuivre, âgé de 54 ans. Son père est mort d’une phthisie pulmonaire, sa mère mourut de vieillesse. De ses deux sœurs, l’une est en bonne santé, l’autre est d’une faible constitution. Etant enfant, ce malade eut des croûtes dans les cheveux, des maux d’yeux fréquents, mais jamais d’abcès froids. Jamais de mani- festation rhumatismale, ni de douleurs névralgiques. A l’âge de 28 ans il eut la syphilis, dont il fut soigné à lhôpital du Midi par M. Ricord. Depuis cette époque, aucun accident consécutif. Depuis un an il perd ses forces, s’enrhume facilement, et à des sueurs nocturnes; mais jamais il n’a craché de sang. Le ? mai 1871, en travaillant dans un atelier humide et froid, ce malade contracta un coryza avec mal de gorge. Le coryza s’accom- pagna d’une céphalalgie frontale modérée, et le mal de gorge occa- sionna une difficulté assez grande pour la déglutition. Notons aussi qu’en se mouchant, cet homme rendit à plusieurs reprises des stries sanguines mélées au mucus. Le 9 mai, après avoir été exposé pendant un certain temps à un courant d'air, il vit sa céphalalgie augmenter d'intensité et de légers frissons, ainsi qu’une courbature générale, s'emparer de lui. Le len- demain matin, en se réveillant, il ressentit sur le côté gauche de la face une cuisson insupportable, et en même temps il s’apercut qu’il existait sur la tempe gauche de petits boutons blanchâtres, agglo- mérés, très-douloureux à la pression. Dans la journée, léruption augmenta, de petites vésicules transparentes apparurent sur d’autres points du front à gauche. Les jours suivants il s’en montra encore de nouvelles sur la moitié gauche de la lèvre supérieure et autour de l’œil du même côté, mais bientôt à la sensation de cuisson qui ac- compagnait léruption vinrent s’ajouter des douleurs lancinantes et même ce furent ces douleurs excessivement vives qui déterminent le malade à entrer à l’hôpital. MEM. 1871. 16. 230 Voici dans quel état nous le trouvons le 15 mai : Nous sommes d’abord frappés de l'aspect différent des deux moi- tiés du visage. À droite, la face ne présente rien de particulier; à gauche, au contraire, rougeur inflammatoire parsemée de vésicules isolées ou agglomérées. Au front, à gauche de la ligne médiane, se trouvent deux traînées de vésicules herpétiques, s'étendant parallè- ment de la racine du nez et du sourcil à la naissance des cheveux et suivant exactement le trajet des nerfs frontal interne et externe. (Voy. pl. XIE, fig. 11, a, b.) Quelques vésicules suivent la distribution de ces nerfs dans le cuir chevelu. Un peu plus en dedans, sur le trajet d’une des branches ascendantes du nasal externe, deux ou trois vé- sicules superposées. Dans le sourcil gauche on trouve aussi quelques vésicules et quelques croûtes desséchées. Sur la moitié antérieure de la région temporale gauche, au niveau de la branche nerveuse qui sert d’anastomose entre le nerf frontal et le nerf facial, on constate une plaque rougeûtre au centre de la- quelle la peau, paraissant ulcérée en plusieurs points, est recouverte de croûtes noirâtres qui ne sont autre chose que de la sérosité des- séchée provenant de vésicules d’herpès. (Voy. pl. XIT, fig. 11, d.) Plus près de l'oreille, en avant, on voit aussi plusieurs petits amas de vési- cules intactes entourées d’une auréole rouge. Enfin les paupières de l'œil gauche sont un peu tuméfiées et rouges, et aux deux angles interne et externe de cet œil existent des vésicules intactes. La conjonctive aussi de ce côté est plus rouge que celle de l’autre côté, et nous constatons à cet œil un larmoiement assez intense. Au niveau du trou sous-orbitaire, ainsi que sur la moitié gauche de la lèvre gauche, dans la moustache, — territoire animé par les branches du maxillaire supérieur, — on voit également plusieurs groupes de vésicules les unes intactes, les autres desséchées et rem- placées par des croûtes (Voy. pl. XIE, fig. 11, f.) Notons que dans toutes les parties du visage où siége l’éruption herpétique et surtout au crâne, le malade ressent des douleurs con- tinuelles extrêmement vives qu’il compare à une sensation de cuisson ou de brülure. À cette douleur continuelle viennent s’ajouter par instants des douleurs lancinantes passagères et dont l'apparition est rendue manifeste par le geste du malade qui immédiatement porte sa main à la tète. Sur le côte droit de la face, la peau est parfaitement intacte; il n’y existe aucune trace d’éruption et le malade n’y ressent aucune deu- leur. En examinant la gorge, on constate, du côté gauche, une rougeur assez intense de la face postérieure du pharynx, des piliers du voile 99 222) du palais, de l’amygdale et de la face interne de la joue. Sur la mu- queuse du pharynx, sur le pilier antérieur du voile du palais, ainsi que sur la muqueuse de la joue correspondante, on remarque des petits points blanchâtres, transparents, parfaitement arrondis, qui ne sont autre chose que les restes de vésicules d’herpès. La déglutition est pénible pour le malade, mais beaucoup moindre que quelques jours avant l’éruption de la face. Dans la narine gauche, à l’extrémité postérieure du cornet moyen et sur la muqueuse du cornet supérieur, on découvre des points blancs qui semblent être la trace de vésicules d’herpès desséchées. Tout autour de ces points blancs la muqueuse nasale est sèche. A la partie inférieure de la cloison des narines et à la partie antérieure, près de la lèvre, on voit une croûte adhérente certainement consti- tuée par de la sérosité desséchée d’une ou plusieurs vésicules her- pétiques. (Pour cette exploration de l’intérieur du nez, on a eu soin de faire moucher le malade à plusieurs reprises successives.) La sur- face de la narine droite est humide et recouverte de mucus; l’écou- lement nasal est assez abondant, et, en se mouchant, le malade rend des stries sanguines mélées au mucus. L'examen des divers appareils nous fournit les résultats suivants : Légère diminution de l'appétit, pas de nausées, ni de vomissements ; selles régulières. Rien dans les urines, ni sucre, ni albumine. Les battements du cœur sont réguliers; on n'entend aucun souffle anor- mal ni à la base, ni à la pointe de l’organe. Apyrexie complète. Pouls à 76. Pas de chaleur de la peau. Du côté des poumons, on constate au sommet du poumon gauche, en arrière, une expiration un peu prolongée, un léger retentissement de la voix et de la toux. En avant, on entend, sous la clavicule gau- che, une expiration un peu prolongée, mais la toux et la voix ne ré- sonnent pas comme en arrière du même côté. Ce retentissement est, au contraire, fort appréciable sous la clavicule droite. A part ces quelques signes particuliers, la respiration est normale dans le reste des deux poumons. A la percussion, on ne constate pas de différence entre les deux côtés. Le malade dort peu, vu l'intensité des douleurs dont les exacerbations sont assez rapprochées. Traitement. — Poudre d’amidon sur les vésicules et bandage con- tentif. Le lendemain, 16 mai, l’état du malade est sensiblement le même que celui de la veille. Le 17, l’éruption vésiculeuse de la moitié gauche de la face ne semble pas avoir augmenté; la rougeur inflammatoire a même nota- blement diminué, Les douleurs lancinantes viennent moins fréquemment s'ajouter à la sensation de brülure que le malade ressent continuellement au ni- veau des plaques herpétiques. La rougeur de la face interne des paupières à considérablement diminué et le larmoiement de l’œil gauche n’est plus aussi abondant que les jours précédents, mais on remarque, implantée sur la mu- queuse palpébrale, à l’angle externe de cet œil, une vésicule d’une couleur brunâtre qui n’avait pas encore été constatée. Le mal de gorge a diminué, la gêne de la déglutition est de moins en moins prononcée. Du reste, bon appétit, digestions faciles et apyrexie complète. Le 18, la rougeur entourant les vésicules herpétiques disparaît; le malade dort inieux. Les douleurs sont moins vives, les élancements moins rapprochés. Le mal de gorge à disparu. Au front et aux Iè- vres, les vésicules se dessèchent et sont, pour la plupart, remplacées par des croûtes, Le 19, la sensation de brülure, continuellement ressentie par le malade, a disparu : les douleurs lancinantes, passagères, existent seules maintenant. L’éruption pâlit. Le malade a pu dormir plusicurs heures, cette nuit, sans être ré- veillé par la douleur. Le 20, les croûtes qui existaient sur la moitié gauche de la lèvre supérieure sont tombées, ainsi que toutes celles qui avaient fait place aux vésicuies développées sur différents points de la moitié gauche du visage, autres que le front et la tempe. L’épaisse couche de pou- dre d’amidon qui recouvre l’éruption du front empêche de se rendre compte de Pétat de cette éruption, mais le malade ne ressent plus aucune espèce de douleur sur le trajet des nerfs frontaux interne et externe. Îl n’accuse plus que des douleurs lancinantes au niveau des larges croûtes dont nous avons déjà signalé l'existence sur la tempe sauche. Ces douleurs sont, sans aucun doute, déterminées par le ti- raillement que ces croûtes exercent sur les parties voisines, car elles n’ont pas du tout le caractère névralgique. Le malade dort mieux. Htat général toujours excellent. Le ??, la poudre d’amidon étant enlevée par le lavage, on voit que la plupart des vésicules qui existaient au front ont disparu, ainsi que la rougeur qui les entourait. Les croûtes de la tempe persistent ct le malade accuse toujours des douleurs lancinantes à ce niveau. Pas de névralgie sur le trajet des nerfs frontaux. Le 24, les croûtes de la tempe ne sont pas encore tombées, mais il n'existe plus autour d’elles ni vésicule, ni rougeur. L’inflammation de la conjonctive de l’œil gauche a disparu ainsi que le larmoiement, L’examien de la cavité buccale ne fournit plus que des résultats né- gatifs. La muqueuse des joues est également colorée à droite et à gauche; le pharynx ne présente plus de rougeur anormale; aucune gêne maintenant dans la déglutition. Le coryza n'existe plus, et l’inspection des fosses nasales ne laisse plus découvrir dans la narine gauche ces points blancs que nous avons signalés au moment de l’entrée du malade dans le service, et qui, selon toute probabilité, étaient des croûtes ayant succédé à des vésicules herpétiques. Les deux narines sont aussi humides l’une que l’autre et le malade ne mouche plus de stries de sang. Le 29, état de plus en plus satisfaisant. Aucune douleur névralgique au niveau des points où siégeaient les séries de vésicules d’herpès. Encore quelques tiraillements au niveau de la tempe où les croûtes ne sont pas encore tombées. Le ? juin, le malade ayant arraché lui-même une des croûtes qui existaient à la tempe, tout près de l'oreille, a souffert un peu en ce point, mais la douleur n’a pas été assez vive pour l'empêcher de dormir. Le 5, toutes les croûtes sont tombées et laissent après elles des ulcérations peu profondes. Au niveau de ces surfaces ulcérées, il y a quelques petits élancements, mais non des douleurs névralgiques s’irradiant en divers sens. (Pansement avec le cérat opiacé.) Le 10, le malade sort complétement guéri de son zona. La tempe gauche porte quelques petites cicatrices indélébiles, mais le malade ne ressent plus à ce niveau ni élancement, ni tiraillement, La pres- sion sur les divers points du front et du reste de la face, où exis- taient les vésicules d’herpès, ne provoque aucune douleur. IL Que nous montre l'observation précédente? Nous Voyons, premié- rement, un zona ophthalmique se développer sous l'influence du froid, cause invoquée par tous les auteurs. À huit jours d'intervalle, notre malade est soumis à un courant d'air. La première fois, il est pris d’une angine avec coryza; la deuxième fois, à cette angine et à ce coryza vient s'ajouter le zona. Sont-ce deux maladies distinctes nées sous une même influence, le froid? C’est possible, mais il se peut qu'avec le mal de gorge coïncidait une éruption herpétique au 234 fond de la gorge, et alors nous aurions eu deux manifestations de la même maladie. Aucun médecin n'ayant, avant nous, examiné le malade, nous ne pouvons que faire des conjectures à ce sujet. Maïs, le jour de l'entrée, en explorant la gorge, nous découvrimes de pe- tits points blanchâtres, arrondis, caractéristiques de l’éruption her- pétique, sur une des amygdales, le pilier correspondant etla mu- queuse de la joue du même côté. À ce moment, aucun doute pour nous. Avec l'éruption de la face coexistait une éruption semblable sur les muqueuses du nez, de la bouche et de l’arrière-bouche, laquelle af- fectait une disposition toute particulière. Elle existait d’un seul côté, du côté correspondant à l’éruption de la face et suivait certainement les ramifications de la branche moyenne du trijumeau. À la face, ‘ comme correspondant à des branches du maxillaire supérieur, nous avions aussi des vésicules au niveau du tronc sous-orbitaire et sur la lèvre supérieure. Donc, chez notre malade, il y avait à la fois, zona de l’ophthalmique et du maxillaire supérieur. Le zona simultané des branches supérieure et inférieure du triju- meau est rare, — c’est là, d’ailleurs, l'opinion de Hutchinson, — et si nous parcourons toutes les observations publiées jusqu'à ce jour, nous trouvons à peine une douzaine de cas où le territoire de ces deux branches nerveuses soit envahi en même temps D'un autre côté, je ne sache pas que des exemples de zona cir- conscrit à la branche moyenne du trijumeau aient été rapportés par les auteurs. Est-ce à dire que cette variété de zona n'existe pas? Non, car indépendamment d’un fait que j'ai observé, en 1864, dans le ser- vice de mon regretté maître Natalis Guillot, je pense que bon nombre d'angines herpétiques pourraient bien n'êlre qu’un zona de cetie branche moyenne du trijumeau.. En effet, que voyons-nous dans les descrip- tions d’angine herpétique donutes par les auteurs ? Dans presque toutes, on signale l'existence d’un groupe de vésicules siégeant sur une des amygdales, un des piliers du voile du palais, la luette, la joue, les gencives et les lèvres d’un seul côté. M. Gubler, à qui re- vient l’honneur d’avoir fait connaître l’herpès guttural, nous ditdans son mémoire, à propos d’une observation : « Chose remarquable, la lésion de l’orifice buccal existait du même côté que la principale lé- sion de l’orifice guttural et du pharynx (1). » À Particle angine her- (1) A. Gubler, Mémoire sur l’herpès gutlural (angine couenneuse pélique, du DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE, nous trouvons aussi cette phrase : « L’herpès labial accompagne souvent l’herpès de la gorge; il peut être lui-même confluent et s'arrêter à la face. Si l’herpès guttural jouit d’une tendance extensive analogue, l’inflammation peut se propager au larynx, mais le fait est rare, et l’on voit plus souvent cet herpès envahir les fosses nasales et la trompe d’Eusta- che (1). » Enfin, M. Lasècue, dans son Traité des angines (2), fait éga- lement remarquer que l’herpès peut bien ne siéger que sur une seule des deux moitiés de la gorge et de la muqueuse buccale et qu’il est fréquemment accompagné d’une éruption semblable sur la peau des lèvres. En lisant ces descriptions, ne sommes-nous pas frappés par ce fait que les vésicules d’herpès siégent sur le territoire animé par le maxillaire supérieur? Cutre le groupement de ces vésicules, nous avons encore l’étiologie, l’évolution, la marche et la terminaison de cette affection qui pourraient nous montrer plus d’un point d’iden- tité entre l’angine herpétique et le zona de la branche moyenne du trijumeau. Mais je nue m’étendrai pas plus longtemps sur ce sujet, Je voulais seulement, en publiant cette observation, attirer l'attention des pathologistes sur un point qui n'avait pas encore été soulevé jusqu’à ce moment, et provoquer ainsi de nouvelles recher- ches. commue) et sur l’'ophthalmie due à l’herpès de la conjonctive In BuL- LETIN DE LA SOCIÊTÉ MÉDICALE DES HOPITAUX DE Paris, 1857, t. IT, et UNION MÉDICALE, 1858, t. XIE, p. 11. (4; Michel Peter. DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE, 1866, t. IV, DAS: (2) Ch. Lasègue. Traité des angines, Paris, 1868, p. 98 et 69. FIN DES MÉMOIRES EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. PARALYSIE SPINALE DE L'ENFANCE. (Mémoires, page 49.) (Représente les lésions spinales de l’obs. I.) F16. 1. — Coupe transversale de la moelle à la région cervicale. (Grossissement de 10 dia- mètres.) a. Foyer de ramollissement myélitique siégeant dans la corne antérieure gauche. b. Vaisseau traversant le foyer. c. Fibres des racines antérieures (notablement atrophiées). F16. 2. — Coupe de la moelle à la région lombaire. (Grossissement de 10 diamètres.) a. Foyer de ramollissement dans la corne antérieure droite. Fi6. 3. — Coupe transversale des faisceaux antéro-latéraux sclérosés. (Grossissement : 350 diamètres.) a. Tubes nerveux à peu près normaux. b. b. Tubes nerveux à divers degrés d’atrophie. c. Tissu conjonctif sclérose. Fi. 4. — Cellules des cornes antérieures à la région cervicale (grossissement : 350 dia- mètres). A. côté sain; B. côté malade. a. Cellules à peu près normales. b. Cellules d'aspect granuleux. c. Cellule atrophiée ayant conservé quelques prolongements. d. Cellules très-atrophiées. Fic. 5. — Coupe transversale d’une artériole dont la gaîne lymphatique est distendue par des corps granuleux et des granulations graisseuses. (Grossissement : 50 dia- mètres.) a. Gaine lymphatique. b. Paroi artérielle. ce. Corps granuleux. d. Granulations graisseuses. Fc. 6. — Vaisseaux dont les corps granuleux ont été dissous par le chloroforme : la gaîne lymphatique est vide. (Grossissement : 50 diamètres). a. Gaine lymphatique. b. Paroi vasculaire. c. Noyaux des vaisseaux. > Imp. Becquet LM RMAHINE ‘ PAPE ARS ALI (NAN \ ANNE EN FAT tn Ada TE ne MO CAL ARE E à Ü MESA eu Ÿ HETEUT ETS TATE RO TERQMTUN A NA M TRE METEO ET MR TRANS OUAIE DRE ON ASTON SUN FRE NOIR EEE, TROIE Y it ni qe HPRN AE PLANCHE II. PARALYSIE SPINALE DE L'ENFANCE. (Mémoires, page 49.) (Lésions constatées dans la moelle de l’obs. II.) Fi6, 1. — Coupe transversale de la moelle au milieu du renflement lombaire. (Grossisse- ment : 10 diamètres.) 1. Foyer de ramollissement inflammatoire occupant la corne antérieure gauche. b. Vaisseaux se rendant au foyer. Fi6. 2, — Coupe transversale de la moelle à la partie inférieure du renflement lombaire. (Grossissement : 10 diamètres.) a. a. Foyers de ramollissement siégeant dans les cornes antérieures. b, b. Vaisseaux se distribuant aux foyers. c. Gros vaisseaux pénétrant dans la moelle par le sillon médian antérieur. Fi. 3 — Coupe transversale des faisceaux antéro-latéraux sclérosés. (Grossissement : 350 diamètres.) a. Tissu conjonctif sclérosé. b. c. d. Tubes nerveux à divers degrés d’atrophie, Fig. 4, — Cellules nerveuses des corps antérieurs. (Dessinées sur la coupe de la fig. 1, ob- servée à un grossissement de 350 diamètres.) A. Cellules de la corne droite; B. Cellules de la corne gauche. a. Cellule granuleuse à noyau ratatiné. b. D. Cellules dont les prolongements ne sont plus visibles : le noyau, diminué de vo- lume, est encore distinct. €. c. Atrophie plus accentuée encore : le noyau s’apercoit à peine. d. Cellule ratatinée dont le noyau est figuré par un amas de granulations. Te LE LT A AAA MAN ARTE ONE is ÿ } Le 2 2, No fi LE TS EUTE ACL dE HT if eu AUREET He À I w} # Apr AT PLANCHE III. PARALYSIE SPINALE DE L'ENFANCE. (Mémoires, page 49.) (Fait voir les lésions de la moelle dans l’obs. III.) Fic. {. — Coupe transversale de la moelle à la région lombaire. (Grossissement : 10 dia- Fi. Fi1G. Fi. mètres.) a. a. Foyers de ramollissement inflammatoire dans les cornes antérieures. b. b. Vaisseaux de ces foyers. 2 a. b. c. . — Coupe transversale du canal épendymaire montrant le premier degré de la myé- lite péri-épendymaire. (Grossissement : 250 diamètres.) Cellules épithéliales du canal. Accumulation de noyaux dont quelques-uns font irruption dans le canal. Coupe transversale des tubes nerveux normaux des faisceaux postérieurs. — Coupe transversale des faisceaux nerveux antéro-latéraux sclérosés. (Grossisse- a. b. d. ment : 450 diamètres.) Tissu conjonctif hyperplasié Tubes nerveux à peu près normaux. Tubes nerveux à divers degrés d’atrophie. — Cellules nerveuses des cornes antérieures provenant de la moelle dorsale immé- . C. diatemeut au-dessus du foyer de ramollissement. (Grossissement : 350 dia- mètres.) . Cellules nerveuses un peu granuleuses munies de prolongements ramifiés. . Cellules granuleuses : le noyau est moins visible, les prolongements sont moins nombreux et plus courts. Cellules à divers degrés d’atrophie. PreAU nero reremmrmne TImp Az ecquet ONE V4 LÉ LOD EI M FE JP ES SE És G et * EPL UMAE SAUMCUR LAINE RAS BUT MTAESS PE LR RAR US RASE ACTE ÿ ’ RONA PLANCHE IV. PARALYSIE SPINALE DE L'ENFANCE. (Mémoires, page 49.) Fic. 1. — Coupe longitudinale du muscle jumeau (obs. IIT) après durcissement dans l’a- cide chromique : l’état granuleux des fibres a disparu. (Grossissement : 250 diamètres.) a. Fibres musculairés de dimensions à peu près normales : les stries transversales sont très-rapprochées les unes des autres. b. b. Fibres musculaires atrophiées : leurs stries transversales sont encore visibles. c. Fibres musculaires très-atrophiées, à peu près réduites au sarcolemme. d. Eléments nucléaires. e. Cellules adipeuses. Fig. 2. — Coupe transversale du muscle jumeau (obs. III). Ou voit, dans un même faisceau, des fibres musculaires à des degrés très-divers d’atrophie. (Grossissement : 250 diamètres.) a. a. Fibres musculaires de dimensions presque normales. b c. Fibres à divers degrés d’atrophie. d. Noyaux. e. Artériole, Fig. 3. — Racines antérieures de la moelle à la région lombaire (obs. III), (Un grossisse - ment de 100 diamètres.) a. Tubes nerveux atrophiés, en grande partie vides de myéline. b. b. Noyaux. Fic. 4. — Les mêmes racines dessinées à un grossissement de 600 diamètres. a. Tubes nerveux à peu près vides. b. b. Restes de myéline. c. Cylindre d’axe très-atrophié. d. d. Noyaux allongés interposés aux fibres nerveuses. Fic, 5. — Vaisseaux d’un foyer de ramollissement colorés par le carmin et dessinés à un grossissement de 40 diamètres. (Foyer cervical de l’obs. I.) a. Artériole. b. b. Réseau capillaire. Fic, 6. — Coupe d’un foyer de ramollissement (foyer cervical de l’obs. [). (Grossissement de 300 diamètres.) a. Vaïsseau dont la gaïne lymphatique est remplie de corps granuleux. b. Corps granuleux. c. Noyaux colorés par la solution ammoniacale de carmin. PLAIN Lackerbauer ad nat. del. Tinp. Becquet PLANCHE V LES ZONES LITTORALES. (Mémoires, page 165 ) Fi16. 1. — Tracé des observations journalières faites à Saint-Malo au mois d'août 1870 indi- quant la hauteur de l'eau au moment du plein, et le niveau des Balanes les plus élevées. La croix placée sur le pieu indique le point extrême auquel atteignent les Ba- lanes. La portion du pieu marquée de hachures horizontales est complétement im- mergée ; celle marquée de hachures verticales est ou mouillée simplement, lorsque la mer éclabonsse, ou alternativement couverte et découverte, lorsque la vague est ronde. La ligne noire indique le nivean qu’on peut regarder comme niveau d'immersion complet ou moyen. Dans chaque colonne sont placées, à la partie supérieure, les heures du plein, matin et soir, avec les hauteurs en décimètres, d’après L'ANNUAIRE DES MARÉES de M. Gaussin; en bas se trouvent l’heure de l'observation et quelques remarques sur l’état de la mer. F16. 2. — Hauteurs de la mer à toutes les heures (excepté pour le niveau de 115 décimètres) pendant la plus forte marée du mois d'août 1870 à Saint-Malo, calculées d’après les tables de l'ANNUAIRE de M. Gaussin. Le niveau de 115 décimètres, qu’on peut regarder comme le point extrème au- quel parviennent les Balanes, est indiqué par une ligne transversale pour faire apprécier le temps d'immersion. . A droite sont marquées les hauteurs en décimètres. F16. 3. — Tracé des hauteurs des pleines mers à Saint-Malo pendant l’année 1870, d’après V'ANNUAIRE de M. Gaussin. Le niveau de 115 décimètres est indiqué comme dans la figure précédente. nés | net ns4 Janvier 08% Jon | Jost at À Our, no À 58 "97m » Février ANT ge AT tre nb AA bg bis 2 2 ve an pin ingen shan SA Dpt 074) Not \nod El 16 dj jo Mars Fig. 3 Avpil 1004 Ham D'URES L — Rd ar le Là 9 10 Il 12 15 [hi 15 16 17 18 19 20 4 26 Sa don Min 5e she she Ga 64 gheum hace =hsse pu alsam aim ph ghEm Rte ha oem Poe) PR PNR nn sh Am hs Saxe 2084 | Jos ot | not mat lost uzt| on nat | mztloust oust on ont | ao oz | at | 64 ot | oo) gate az sed | sos prit | pro Mai un Juillet Aout Septembre AT Es il Aout 1870 auteurs des Pleines Mers à S'Malo pendant l'année 1870. Octobre Lip Teoquer Hart Novembre Decembre ” au )0 Aout S) 17704 CLULS ul PLPCRET CEE vod 124 { \ 0 FLEUR OA | PRIOR UC rod H HET Patirti . (42) Ù l . . n [4 ‘ou 01 LOT ri SHEUS br ch PLANCHE VI. ÉPIDÉMIE DE SCORBUT. (Mémoires, page 95.) Fi6. I. — Museles sacro-lombaires (1). a. Fibres complétement dégénérées. Elles ont mème perdu leur sarcolemme 6. Il reste des stries incomplètes. e. Granulations qui ont pris la place des stries. Fic. II. — Muscle grand droit de l'abdomen (2). Fic. III. — Biceps. a, Granulations graïisseuses. b. Stries intactes, c. Capillaires rompus. Fiç. 1V.— Muscles intercostaux. Dégénérescence partielle (3). a. Corpuscules graisseux. b. Stries entremèlées de globules graisseux. (4) Voir texte, p. 107. (2) id. p. 108. (6) Aid A UpEMOTE : Ë Times À phrase er ASE RES Te A Prat nr eve Lackerbauer hth. . ANRT VERAMRUITE hs Gal INDIE) AUS jù VE x Hat DRE ERA Se | ( IA L n DM EU BUT HSE EAU softs # OUT NAS POUR EURE UE br sr : Ni nr Rene ER ONT droere dl Tan nef a PLANCHE VII. ÉPIDÉMIE DE SCORBUT. (Mémoires, page 95.) FiG. Ï. — Coupe du ventricule gauche (1). a. Aorte. b. Valvules aortiques plissées permettant au sang de refluer dans le ventricule. c. Valvule auriculo-ventriculaire. è d. Caïllot blanchâtre envoyant des tractus dans la valvule auriculo-ventriculaire. e. Parois ventriculaires amincies et graisseuses. FiG. IT, — Dégénérescence graisseuse du cœur chez un scorbutique (2). Fibres musculaires des parois du ventricule gauche. (Grossissement, 700 dia- mètres.) l a. Stries intactes. b. Granulations graisseuses occupant toute la fibre. ec. Espace rempli de granulations graisseuses. (4) Voir obs. XVIII, p. 146. €2) id. id, PA AU El + dette JL Rs Lib. ROMA PARLES LEE APR EP RTE M LATTES MAP RM AEAdES PLANCHE VIII. ÉPIDÉMIE DE SCORBUT. (Mémoires, page 95.) Fië. I. — Fibres musculaires du cœur. Parois du ventricule gauche (1). a. Fibres degénérées, granuleuses. b. Fibres ayant conservé leurs stries. Fic. II. — a. Fibres musculaires graisseuses de la cuisse (muscle vaste interne) dans les- quelles il reste encore quelques stries (2). b. Fibres granulo-graisseuses sans stries. Fiç. II. — 0. Fibres musculaires du soléaire granulo-graisseuses (3). b. Quelques vestiges de stries. (1j Voir obs. XXIX, p. 154. (2) id. id. (8) id. id. PP MEL . QT qi A KG SE = === =)! Lackerbauer lith. PACA mi n (Mémoires, Dabe De 1° Les mains ont été moulées dans leur position habituelle. 2° Longueur du pouce depuis l’articulatien de la première pb tarcapien égale à 4 centimètres. 3° L’angle formé par les mains et les s avant-brs est de ie. sr4 NOM 184 te. ps A CHAN NAME RAN COL PAT 7 ta Là TA LA NA 2 NN A AN DRM RTE PLANCHE X. PARALYSIES MOTRICES DES MUSCLES DU LARYNX. (Mémoires, page 197.) Fiqures schématiques 1, 2, 3, 4, 5 montrant l’action des muscles du larynx. Les lignes pleines représentent les différentes parties au repos idéal. Les lignes. ponctuées font voir la position que prennent les parties lorsque les musctes entrent en fonction. F16. 1. — 1. Cartilage aryténoïde. . Cartilage thyroïde. . Muscle thyro-aryténoïdien. . Muscle crico-aryténoidien postérieur. T & tw c. Muscle crico-aryténoïdien latéral. d. Muscle ary-aryténoïdien. Fi. 2. — Action des crico-aryténoïdiens postérieurs. F1G. 3. — Action des crico-aryténoïdiens latéraux. Fig. 4. — Action des thyro-aryténoïdiens. Fig. 5. — Action de l’ary-aryténoïdien. Les figures 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de cette planche montrent l’aspect de la glotte pendant la respiration, ‘la phonation et le chant. Fig. 6. — Respiration tranquille. F16. 7. — Respiration forcée. Fic. 8. — Respiration très-forcée. Fi. 9. — État de la glotte au moment qui précède immédiatement la phonation. Fiç. 10 et 11. — Forme de la glotte pendant le chant. La fig. 10 représente l’aspect de ouverture glottique pendant l'émission du son #i }3 de fausset, et la fig. 11 pen- dant l’émission du son #4 3 de poitrine. (Ces deux figures sont empruntées à l’ou- ‘ vrage de M. Battaille : Nouvelles recherches sur la phonation.) Les figures 12, 13, 14, 15, 16 et 17 montrent les différents aspects que pré- sente la glotte dans les paralysies des divers muscles du larynx. JÉURe | — Paralysie des crico-thyroïdiens FiG. 13. F16. 14. — Paralysie bilatérale des crico-aryténoïdiens postérieurs. — Glotte pen- dant l'inspiration. Fig. 15. — Paralysie bilatérale des crico-aryténoïidiens. — Glotte pendant une ex- piration profonde. Fi6. 16. — Paralysie du muscle crico-aryténoïdien latéral droit. F6. 17. — Paralysie bilatérale des thyro-aryténoïdiens. Vlan Zth Man où mette # nes y p Ex 1 pren te OLA TI PLIS AREA) USE RN Ct #50 PLANCHE XI. DES RUPTURES PRÉTENDUES SPONTANÉES DU CŒUR. (Mémoires, page 219.) FrG. I. Ventricule gauche du cœur, présentant sur la face antérieure, près de la pointe et au centre d’une ecchymose, une Tuplure, un peu oblique, de haut en bas et de droite à gauche, par où le sang s’est épanché dans le péricarde. D’autres ecchymoses d’étendue variable existent sur cette face antérieure. L’une d’elles est grande, placée près de la précédente et un peu au-dessus, vers la droite. Une autre, plus étendue, est située à deux extrémités environ de l’ecchymose, entou- rant la rupture, elle est plus éloignée de la pointe et vers la gauche. Fi. II. Coupe de la paroi du ventricule gauche montrant le trajet de la rupture. FiG. III. coupe de la même paroi, au niveau de la grande ecchymose placée à gauche sur la face antérieure du ventricule. On voit un noyau blanchätre, situé dans cette paroi et rattaché à une portion blanchâtre de la grandeur d’une lentille occupant l’en- docarde. Ce noyau fibrineux, de date plus ancienne que la rupture, est séparé par du tissu musculaire de l’extérieur du cœur. PL. A0 fe EX F4 à Pre Ha ii à USE dot AE NT Has ete PLANCHE XII. PATHOGÉNIE DE L'ANGINE HERPÉTIQUE. ZONA DE LA FACE. (Memoires, page 227.) FIGURE I. BRANCHES TERMINALES DES NERFS OPHTHALMIQUE ET MAXILLAIRE SUPÉRIEUR A L'ÉTAT NORMAL. A Frontal interne. B Frontal externe. G Filets palpébraux supérieurs. D Branche anastowotique du facial et du trijumeau. E Filets palpébraux inférieurs. F Filets sous-orbitaires. FIGURE II. DISTRIBUTION DES VÉSICULES HERPÉTIQUES SUR LE TRAJET DE CES NERFS. a Nésicules herpétiques correspondant au frontal interne. b c d œ — au frontal externe. aux filets palpébraux supérieurs. à la hanche anastomotique du facial et du tri jumeau. æux filets palpébraux inférieurs. au trou sous-orbitaire. PAPPAAIICE Leveille del. DIU TAN PAENON on DIU [O Ne CAtART ME ep An Ha BHO dura à » AALAAUR COLA “Hu 4: RUE e (AE LA {9 (Née CO eng bar betuoD) PLANCHE XIII. RÉVEIL ET MARCHE DE L'HÉLIANTHUS SOUS L'INFLUENCE DES RAYONS SOLAIRES. (Comptes rendus, page 159.) Fig. 4. Appareil disposé devant la tige d’un Hélianthus. Get appareil se compose d’une tige verticale fixée en terre supportant une plan- chette horizontale, munie à gauche d’une tige verticale destinée à noter le mou- vement ascensionnel de la fleur du Tournesol. La planchette horizontale est des- tinée à noter le mouvement de latéralité. Ces deux mouvements sont rendus appréciables à l’aide d’une tige fixée dans le centre de la fleur. Cette tige est elle-même munie de deux petites aiguilles, placées en un même point de sa continuité. L’une de ces aiguilles est verti- cale (destinée à noter le mouvement de latéralité de la fleur), l’autre est ho- rizontale (destinée à noter le mouvement d’ascension). Fig. 2. Tracé représentant les mouvements d’ascension et de latéralité de la fleur. Les li- gnes obliques et montantes représentent à la fois le mouvement d’ascension et le mouvement de latéralité ; ces deux mouvements coïncident. Pour rendre plus clair le mouvement de latéralité, on l’a en quelque sorte dissocié au bas de la figure. On y voit tracées quatre lignes horizontales et parallèles correspondant au double mouvement d’aller et de retour de la fleur du Tournesol par rapport au soleil. PL XII Occident Rusoil (IA Vian Lt. TABLE DES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1. Note sur l'anatomie pathologique du scorbut; par M. Georges Hayem. . Physiologie pathologique de l’ébranlement des tissus par les pro- jectiles de guerre; par M. A. Muron. c . Action prolongée de l’alcool chez les chiens; par M. on, . Recherches anatomo-pathologiques sur la paralysie spinale de l’en- fance (paralysie infantile); par MM. Henri Roger et Damaschino. (Voy. les planches I, IT, III, IV.). Ne à 5. Une épidémie de scorbut observée à l'hôpital boue er one dant le siége de Paris, 1871 ; par M. Leven. (Voy. les planches VI, MARMITE) 6. Remarques sur les zones note par M. Léon Vaillant. de planche V.). 7. Sclérodermie avec atrophie ice mains ; Dalles Un DhRoide sur ee mains et les pieds, suivies d’ulcérations d’un caractère particu- lier; par M. A. Dufour. (Voy. planche IX.). 8. Observations sur les altérations produites sur les oranges d'Algérie par un insecte diptère; par M. A. Laboulbène. FANS 9. Diagnostic des paralysies motrices des muscles du larynx; par M. Emile Nicolas-Duranty. (Voy. planche X.). Be 10. Des ruptures prétendues spontanées du cœur; par M. A. M Mere et E. Labarraque. (Voy. planche IX.). 11. Quelques réflexions sur la pathogénie de l’angine Poe he pro- pos d’un cas de zona de la face; par M. Aug. Ollivier. se ni CHOEXT) NS PSM Re DEN E à : b® © FIN DE LA TABLE DES MÉMOIRES. Pages 3 17 41 49 95 165 179 191 497 219 227 NRA RU TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS S COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE POUR L'ANNÉE 1871 (1). A C.R. Aconitine et strychnine (action antagoniste), par Leven 93 Air confiné et comprimé a de l’), gens us meurent les animaux, par Bert. Aa ME OC Air (composition de l’) pulnonaire en Pt avec Del sang, par Gréhant . ; : : 61 Alcool (action prolongée de V)& sur 1e Doit de Ne bal p Analyse des sérosités d'œdèmes et d’ascite dans un cas de aie de Bright, par Guyochin. L 167 Analyse de la sueur, du liquide de Tascie 5 de Done “he 1e Dr sants, par Daremberg et Peter . 163 Angine herpétique et zona de la face Canet), En Olivier » Anurie hystérique (vomissements spontanés contenant de l’urée), par Charcot et Gréhant 123 Apnéisme (remarques sur l”), par Canale b è 13% Apnée (causes et modes de ie de 2 par HRonne Séquard. — Discussion . . © .. .. . 134—156 Appareil à injections nette, avec Fa : Dr nue 198 Arthropathie scorbutique, par Ollivier et Ranvier . 97 Argent (sels d’). Effets de l’injection des —, par ReRulson 166 Ataxie locomotrice fruste (observation d’), par Ball. 50 M. (4) Les pages indiquées à la marge sont celles des Comptes rendus (G. R.) ct des Mé- moires (M.). C 8 ‘+ D 4 266 B G.R. Balanes (observation sur les), par Vaillant. . . . ,. . . 53-165 Bulbes pileux (érection des) du côté droit dans un cas dHydroprene mothorax du même côté, par Baréty . . . . . . . . . 176 C Calvitie (de la), par Rabuteau . . . . . CRAN EE NE 9 Capsules surrénales (lésions des), par oo Same SU NAT ATSS Cerveau. — Parallèle des phénomènes différents observés dans les lésions des hémisphères droit et gauche du cerveau, par Brown- Séquard . . . . CT NN SO RL O6 Cheiroptères (organes du LbnbHeN nee les), Le J bar . + + 93— 94 Chloroformisation (dangers de la) chez les animaux après section des pneumogastriques, par Bert . . . . . 157 Cœur (des ruptures prétendues a an) na Maboulrene et Labarraque. . . » Coloration des poissons Cohen es sur Ie connexions ds serbe avec les chromoblastes), par Pouchet. . . . 140 Coloration des poissons (rôle des nerfs dans le Deere 2 2 Pouchet. . . . 113 Coloration (Chonsementl de) des fon et 2e Dan dens des conditions déterminées, par Pouchet . . . DE Coloration des sèches et des calmars (organes de la), D Pouchet .. 62 Convulsions partielles dans un cas d’abcès superficiels du cou, par Baréty . . | . 190 Cristallin (de la HHniaS moe fa ÊLe nes mrmnenne RER B. Milliot . . . 109 Cyanates (recherches sur ee RHUE alertes et le. Aer phoses des) dans l’organisme, par Rabuteau et Massul . . . . 211 Cylindres-axes et cellules nerveuses (augmentation de volumes des) dans certains cas de myélite, par Charcot. . . . . . . , 104 E Eau de mer (des effets de l’) et du pain préparé avec cette eau miné- rale, par Rabuteau. . . 193 Ebranlement des tissus Chrome patologiqne de l, Pa 1 ue jectiles de guerre, par Muron . . ALT Epilepsie expérimentale chez les icons os one Se ne rl — Discussion. … . 07e . . . 145—155 Epilepsie nr He nl bel dune a supérieure de la moelle épinière, par Dupuy . . . . 124 Epilepsie simple et spinale chez un CEE HR Bron Sera — Discnssion 40 GUN 95 Epileptogène (double ze) ë la ne de la Éoel a ou ice Brown Square. 1000 ASUS NP ET MARNE EE 267 \ GR, Epilepsio expérimentale (remarques sur jo aux A par Brown-Séquard.. .' .: . 52 Electricité (effets de l’), lou tes Hé ceux Le la Ford Ge ét Séquard.: . . . . « . 158—166 Electrisation bete (effets de ù sur les Amon respira- toires, par Vulpian. . . ; . . … . 173—203 Endocardite ulcéreuse Genenanes sur un Cas &) avec zona, par GRAEGO LE EMA SA REA SEE NOR LR Aer 20 PANORAMA F Fausse membrane péritonéale et kystique, adhérant à la face infé- rieure du diaphragme, par Laboulbène . . . bises 200 Fibro-sarcome (observation du) généralisé, par Jofroy EE T60 G Gangrène de l’oreille par lésion de la moelle, du grand sympathique ou du nerf sciatique, par Brown-Séquard. . . . . . . 126—130 Gastro-entérite ulcéreuse, par Hayem . . . . . . . . . 7 Greffe épidermique, par Reverdin. — Discussion . . . . . . 147 H Hélianthus (réveil et marche de l’) sous l’influence des rayons so- laires, par Baréty. .. . .. Rte ed re DORE EDS Hématome du pavillon de l'oreille) pan Mapaanl, ARMOR AP EME Hémorrhagie cérébrale chez un fœtus, par Troisier. . . 117 Héréditaires (lésions) chez les cobayes, par Brown-Séquard.— Discties BLOD UNS NUE UIATRE 24 AMPIRARENNNIVE ATANRL AE DARILES Ra LEUGUNRL EE GORE HU AMIS SG l Ictère chronique mortel, par Ball et Liouville . . . . . . . 108 Impuissance motrice intermittente, par Brown-Séquard . . . . ‘119 Intuxication par la fève de Calabar chez un tétantique, par Laborde. 71 K Kyste hydatique du foie et tœnia solium observés chez le même ma- Jade, par Dumontpallier . . . . . .". . . . . ..., 209 L Larynx (diagnostic des paralysies motrices des muscles ce par Nico- las-Duranty. . . OL EE NO) Lymphadénome cutané. rene cle cn Tnbre. SLAM I8E M Maladie orangée du pain, par Legros. . . . . . . . . . 129 268 Méningite cérébro-spinale, par M. Leven. — Disoussion : Ranvier, Liouville, Charcot. . . . . . Re NL) Le Modifications de nutrition des nerfs nue et des nerfs optiques, à la suite de lésions de de ces nerfs, par Brown-Séquard. — Discussion. . . aka Moelle épinière et des d aan (Mdtense Den lésions de la) sur la vision, par Brown-Séquard. . . . HAL NID o I Ile Moelle épinière (Du mode de propagation des Von ia la substance blanche à la substance grise de la), par Charcot et Pierret. . . Moelle épinière (Troubles nutritifs par lésion de la), par Joffroy et Solmon. . . o Moelle épinière (Troubles de la ones ge la none 2 É nutrition dans un cas de plaie de la), par Viguès. — Discussion. Mort des animaux d’eau douce immergés dans l’eau de mer, par Berthe mené o 0 Bio Momie rhumatismale d'Alibert (Obseulion o). par Chalvet. so Muscle (L’atrophie d’un) déterminée par l’amaigrissement est en rap- port avec l’atrophie des faisceaux primitifs, par Ranvier. .: . Muscles (Développement des) par l'exercice, par Brown-Séquard. . N Nerfs périphériques (Structure et physiologie des), par Ranvier. Nerfs (Régénération des) chez les animaux paraplégiques, par Pré- vostiet Waller. . . . Ne : Nerfs comprimés et one (Haranerten raie ce), DE RENE NON EM ONIANMNE SERA Nerfs coupés ou irrités (Influence des Fr sur les) et sur bn mus- GR. 57 171 186 104 430 142 143 cles innervés par ces mêmes nerfs, par Vulpian. — Discussion. 204—206 Nitrate d’urée dans certaines maladies, par Laborde. . . …. , Nutrition (Troubies de) par lésions du système nerveux, par Char- COL AN re le DA Dole tele Qi led Re Tete TRUE ee Nutrition (Troubles de) consécutifs à une lésion nerveuse périphéri- QUE NAS NMNM ORNE PE EE EI PAR D D RSA TT SO ER A [e) Oranges d’Algérie (Altérations produites sur if par un insecte dip- tère, par Laboulbène. . . . D AO tee rte Os longs (Lésions diverses des) mA par des balles, par Mu- ron. dose . Sroitono HO SEE Ovum en (Observation a) GE Dpordel ST EN A p Pachy-méningite de la moelle cervicale, par Pierret. — Discussion. . Paralysie agitante (Recherches anatomo-pathologique de la), par Jof- 10 D NO EN PE AUS a AN TA 4 32 139 42 M. 192 269 Paralysie spinale de l’enfance ou paralysie infantile (Recherches ana- tomo-pathologiques sur la), par Roger et Damaschino. Paralysie infantile (Anatomie patholologique de la), par Vulpian. Paralysie RE EMPIRE (Anatomie Re de la), par Charcot . o Paralysie générale Ca CRÈTE edroene sur re ar Magna Phthisie rénale, par Ball et Liouville. Poils (Modification de la nutrition des) dans PE cler des ven Brown-Séquard. — Discussion. Poumons (Lésions des) chez les animaux ee Pen d ne AT allongée, par Brown-Séquard. — Discussion. Protochlorure de fer (Recherches sur l’emploi du), par Retiane Q Queue prenante des singes (Recherches anatomiques sur la), par Jo- bert. È Résorption spontanée des greffes osseuses . dans le pé- rioste transplanté, par Philipeaux. Respirations (Observations relatives aux causes de. nn) ï fœtus, par Prévost. ee cadavérique (De la se 16 la), SR OUR Rd 187, 176, S Sclérodermie (Observation de), par Ball. — Discussion. Sclérodermie (Observation de), par Charcot et Dufour. Sclérodermie, par Dufour. . . CRETE Scorbut (Anatomie pathologique th a. Haye. Scorbut (Epidémie de), par Leven. Sécrétion intestinale (Modifications de la), par ere Sensibilité à la lumière des larves de diptères, par Pouchet. Stylifère (Appareil) de quelques némertiens, par Vaillant. Sueur localisée et dilatation pupillaire à Se dans un cas de va- rioloïde discrète, par Baréty. Syncope (De la perte de connaissance dans He sn BON Squad T Teigne faveuse chez une chienne de neuf ans, par Trasbot. Température rectale in de la) par froid extérieur, par Bourneville. Température (Abaissement de la) a au début den ee Do lentes — Discussion. Température dans Melapue Deal et bre ne Ce tions) pan Bournevile PER RE ON CUS 101 145 127 143 2170 Tompéretare dans le tétanos, par Charcot. . . . : Tétanos traumatique (Recherches ne En dans 1) par Charcot et Michaud. — Discussion. Tissu conjonctif des ce lymphatiques (Dieposttion 4) Le Ranvier. Tubes nerveux . (Distribution de Éanplonunte Anne de) ie BANVIET. Ne SP NE ANS A Se arte Pe Se SA Ne U Urée (Propriétés physiologiques et élimination de l”). — Urée (Pré- sence normale de l’) dans la salive, par Rabuteau. SA Ie V Vaso-moteurs du cerveau (Contraction des), par Prévost et Waller. Végétation (Influence des divers rayons colorés sur la), par Bert. Visibilité des divers rayons du spectre lumineux par les animaux InférieUTs DALNIBEL CE ANNE EN PTE CR Z Zone épileptogène, par Brown-Séquard. Zone épileptogène secondaire, par Valtat. . . . . . . Zones littorales (Remarques sur les), par Vaillant. . . . . . FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE. 185 180 182 67 69 169 152 165 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS BALL. , , . . . . Ataxie fruste (Observation d’). . . . — Sclérodermie (Observation de). . — et LIoUvILLE. Ictère chronique mortel. — Phthisie rénale. BARÉTY . . . . . Bulbes pileux recto des) de oôté Br dre un cas d’hydropneumothorax du même côté. — Convulsions partielles dans un cas d’abcès super- ficiels du cou. o : — Hélianthus (Réveil et oran 2 r) sous ire fluence des rayons solaires. . . . . . — Sueur localisée et dilatation pupillaire à droite dans un cas de varioloïde discrète. . Bgntr. . . . . . Air confiné (Composition de l’) dans lequel meu- rent les animaux, quand cet air est comprimé à plusieurs atmosphères. . . . 66, — Chloroformisation (Dangers de la) Cher les ani- maux après section des pneumogastriques. — Influence des divers rayons colorés sur la végé- tation 0100 ee — Mort des animaux Venu dhnre rene ne l’eau de mer. — Sur la visibilité des Hors nee te Here le mineux par les animaux inférieurs. BouRNEVILLE. . . Abaissement de la température rectale par re- froidissement extérieur . — Température dans l’éclampsie ele e inc l’urémie (observation). BROwWN-SÉQUARD . Apnée (Causes et modes de pee de D. 134 — Capsules surrénales (Lésions des). . . . 108 417 176 190 159 177 92 157 67 59 69 27 Brown-SÉQuARD . Electricité (Effets de 1”) analogues à ceux de la CARVILLE . . . CHALVET CHARCOT. foudre EME AO RU IETER — Epilepsie simple et ral — Discussion. — Epilepsie expérimentale chez les pigeons. — Dis- cussion . . M CRIE — Epileptogène (Double 23e) après la section de Pisciatique! |A . — Héréditaires (Lésions) Sen ka ndrayes — Die CHSSION CNRS o Ve — Gangrène de Versailles ge eo de Aranve parties du système nerveux. . . . 126, — Impuissance motrice intermittente. — Modifications de nutrition des nerfs some ct optique, à la suite de lésions traumatiques de ces nerfs. — Discussion. o — Muscles (Développement des) par oo — Phénomènes (parallèle des) différents observés dans les lésions des AO) dm droit et gau- che du cerveau. . — Poumons (Lésions des) Chen de animaux blessure de la moelle allongée. — Rigidité cadavérique (De la durée de la). 157, 176, — Sensation du toucher. — Epilepsie expérimentale aux Etats-Unis. . . NC 002,109 — Nutrition des poils Qtoieation de “aie dans hy pochondrie . — Syncope (De la perte de connaissance dns 12). — Vision (Influence des lésions de la moelle sur la). — Zone épileptogène. C + Apnéisme (Remarques sur l’). — Discussion. . .« Momie rhumatismale ou scrofulo-momie d'Ali- Der ATOM ; Augmentation de He den Ces -axes et des cellules nerveuses dans certains cas de myélite . . .. SAR OU NES — Endocardite Dee avec ZOn2. — Paralysie pseudo-hypertrophique (anatomie de thologique de la). ù — Température (Abaissement de Ia) au Nbr fe attaques d’apoplexie . = Température dans le tétanos. — Troubles de nutrition des tissus mous et “6 ar- ticulations par lésions du système nerveux. 95 189 130 119 171 101 96 101 188 119 52 108 125 169 137 49 104 172 213 CHarcor et Durour. Sclérodermie (Observation de). . — et GRÉHANT. . Anurie hystérique et vomissements contenant de l’urée. : — et MicHAUD. . Tétanos nue (Recherches op thologiques dans le). NE — et PERRET. . Moelle épinière (Extension des Taso ns de da ne stance blanche à la substance grise de la). D Deroïsi. : ..... Appareil à injections histologiques, avec fig. DAREMBERG et PETER. Analyse de la sueur, de l’ascite, de l'urine chez les agonisants. ; DAMASCHINO et ROGER. Paralysie infantile (antoane D olonique COLE RARES AU LEA NES ENS RES PA NE Bt Durour . . . . . Sclérodermie. . . . . DumontPALLIER . Kyste hydatique du foie et ne cire are vés chez le même malade. Dueuxt. . 2. Epilepsie (expérimentale) par lésion de L Rene supérieure de la moelle épinière. G GRÉHANT. . . . . Air (Composition de l’) Re en rapport avec le sang. GUXOCHIN . . . . Analyses de sérosités HRdèniel et Hicne ne un cas de maladie de Bright. H HAYEM. . . . . . Gastro-entérite ulcéreuse. 5 — Nutrition (Troubles de) consécutifs à: une Eros nerveuse périphérique. . . ne — Scorbut (Anatomie pathologique du). J JOBERT. . . . .. Cheiïroptères (Organes du toucher chez les). 93, — Queue prenante des singes (Recherches anato- miques sur la). de JOFFROY. . . . . Fibro-sarcome généralisé node te anse tantes(di) Ne 0 — et SOLMON. . . Moelle épinière (Troubles Re déterminés par lésion de la). . — Paralysie: Li (RétHerdles meet logiques). PEN NE Lo L LABORDE. . . . . Intoxication par la fève de Calabar chez un té- CHEQUE Ne Me NT Me NE NNe De lire le 124 61 167 139 145 169 20 : 12 71 479 274 LaBorpe. . . . . Nitrate d’urée dans certaines maladies. — Dis- cussion . L — Ovum caudatum (OPeneren &). ; LABOULBÈNE. . . Fausse membrane péritonéale et kystique, Sel rant à la face inférieure du diaphragme. — Oranges d'Algérie (Altérations produites sur D par un insecte diptère. : LABOULBÈNE et LABARRAQUE. Cœur (Des ruptures tendues Ko tanées du). . . Ê Lanpouzy . . . . Lymphadénome PHARE, Mycosis AE LEGRoS.. . . . . Maladie orangée du pain (Recherches sur la). . LEVEN. . , . .. Aconitine et strychnine; action antagoniste. — Méningite cérébro-spinale (Observation de). . — Scorbut (Epidémie de). MAGNAN . : . . . Alcool (Action prolongée de l’) sur les chiens. — Hématome du pavillon de l’oreiïlle. — Paralysie générale (De la méningo- nes myélite interstitielle diffuse dans la). MorEAU (ARmM.). . Modifications de la sécrétion intestinale. Mirion- 222010 Cristallin (Régénération du). éme : MuURON. . : . . : Ebranlement des tissus PhÉLee robe de l’) par les projectiles de guerre. : — Os longs (Eésions diverses des) par des ile OAI NME UNE Lo EES UIRUEEE N NicoLas-Duranry. Larynx (Diagnostic des paralysies des muscles du) aa eee MEN eee O OLLIVIER. . . .« . Angine herpétique ét zona de la face (patho- génie). ; ON ONTE — et RANVIER. . Arthropathie re Es P PRÉVOST. . . . . . Nerfs comprimés et sectionnés (Régénération comparative des) ML NS — Respirations (Observations relatives aux causes des premières) du fœtus. ; : — et WALLER. . . Nerfs (Régénération des) chez les animaux sa plériques- A0 Milan Mn eee IN — Vaso-moteurs du cerveau (Contraction des). . 497 275 PHILIPEAUX . . . . Résorption spontanée des greffes osseuses déve- loppées dans le périoste transplanté. — Coloration des poissons (Rôle des nerfs dans les changements de) . : — Sensibilité à la lumière des ea de Fe PIERRET . . ... . . Pachy-méningite de la moelle épinière cervicale. POUCHET. . : . . . Changement de coloration (Recherches sur les conditions de) des poissons et des crustacés. — Coloration des poissons. Recherches sur les con- nexions des nerfs avec les chromoblastes, — Coloration des sèches et des calmars (Organes de la) + R RABUTEAU. . . .. Calvitie (De la). . — Eau de mer (Des ec de 1) et du so Pare avec cette eau minérale. . . Ie — Recherches sur le protochlorure de Fa — Urée (Propriétés physiologiques et aan de 1”). — Urée (Présence normale de l’) dans la salive + Peu — Effets de l’injection des ie dense à Et ani- maux . RABUTEAU et MAgsuz. Cyanates eee sur lea ad ie siologiques et les métamorphoses des) dans l'organisme . . . 0 0 RANVIER. . . . .. Disposition du tissu coast de gglins lymphatiques. ; — Muscle (L’atrophie d’un) détoninée a Va eu grissement est en rapport avec l’atrophie des faisceaux primitifs. — Structure et physiologie des Dot en Red nl — Tubes nerveux (Distribution des étranglements annulaires des), AUNAEUE REVERDIN. .. .. Greffe épidermique. — Discussion. Roger et DAMASCHINO. Paralysie spinale de l’enfance ou ne infantile ( Recherches anatomo-pathologiques SUPAIA) Ne RC AE CESR ER ON ES T TRASBOT. . . . .. Teigne faveuse chez une chienne de 9 ans. . TROISIER. . . . .. Hémorrhagie cérébrale chez un fœtus. V VAILLANT. .... Remarques sur l'appareil stylifère de quelques némertienss eee Ua IMMIREmNEer PAPATE 140 166 211 95 186 130 185 147 44 137 117 89 276 VAILLANT. . . . . Balanes (Observation sur les). — Zones littorales (Remarques sur les). . VALTAT. .. . Zone épileptogène secondaire. Viauës.. . ... . Troubles de la sensibilité, de la motilité et de la nutrition dans un cas de plaie de la moelle épinière. . . : VULPIAN, . . ... Electrisation Donc (Effets de le sur le mouvements respiratoires . . . . . 173, — Nerfs coupés ou irrités (Influence des lésions sur les) et sur les musclés innervés par ces mé- mes nerfs. — Discussion. . . ,. . . 204, — Paralysie infantile (Anatomie pathologique de LR) ee ENT RENAN A RASE PAR Le FIN DES TABLES. 28 203 206 121 LISTE DES OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Comptes rendus de l’Académie des sciences. Bulletins de la Société botanique. — de la Société d'anthropologie de Paris. — de l'Académie de médecine de Bruxelles. Mémoires couronnés par l’Académie royale de Belgique. Bulletins de la Société médicale des hôpitaux de Paris. — de la Société médicale de Lyon. — de la Société des sciences physiques et naturelles de Bor- deaux. — de la Société médico-chirurgicale de Bordeaux. — de la Société des naturalistes de Moscou. Proceedings of the american Academy of arts and sciences, v. VIII. Journal of the Académy of natural sciences of Philadelphia, v. VIT. Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphie, 1869. Annual report of the board of regents of the Smithsonian institution showing the operations, expedition and condition of the institution for the year, 1868. ! Mouthly reports of the department of agriculture for the year, 1864. Report of the commissioner of agriculture for the year, 1868. — onthe invertebratie of Massachusetts by Aug. Gould, Boston. Smithsonian contributions to knowledge. 4. The glidden mummy-ease by Piekaring. B. The Indians of cape flattary by Swaer. C. The gray substance of the medulla oblongata and trape- zium by J. Deaw. Address delivered on the centesimal anniversary of the birth of Von Humboldt by L. Agassiz. Illustrated catalogue of the Museum of comparative zoology of Har- vard College. Bulletin of the Museum of comparative zoology. MÉM. 1871. 20 278 Annual report of the trustes of the Museum of comparative zoology, 1869-1870. Harvard University. À descriptive catalogue of the waren anatomical Museum. Report of the brachiopode by W. Dall. CLAUDE BERNARD. . Ses œuvres. BERT 0 ANNE RER Recherches sur les mouvements de la sensi- tive. Mémoire sur la physiologie de la sèche. Sur les phénomènes et les causes de la mort des animaux d’eau douce que l’on plonge dans l’eau de mer. Deux notes sur l'influence que les change- ments dans la pression barométrique exer- cent sur les phénomènes de la vie. BROWN - SÉQUARD. . Mémoires : Sur les propriétés et les usages du sang rouge et du sang noir. Sur les lois de l’irritabilité musculaire, de la rigidité cadavérique et de la putréfaction. / C CHACEAND ENS Absinthisme et alcoolisme. D ROBERT MDONNELL. Opération de la transfusion du sang. | DUBENT ENCRES" De la transfusion du sang. Du laryngoscope; par Morell Mackenzie. (Tra- duction par Duranty.) H HARDY: O6 ISO. Chimie biologique. L LABORDÉ: 7e Les hommes et les actes de l’insurrection de Paris. Moyen pratique de reconnaître la mort réelle. LEGROS ET ONIMUs. Traité d'électricité médicale. M MAGNAN. Ce en Lésions du cerveau et de la moelle dans la pa- ralysie générale. Etude sur l'alcoolisme. 219 V NAILLANT. . . . . . Des entozoaires. NANDAIE SNL ONE Note sur un cas d’herpès tonsurant. Recherches anatomiques sur l’éléphantiasis des Arabes. W WEHENKEL . . |. Du typhus contagieux. FIN. ne AU | But EAP ENN 4 AU ANNEXE. Séance du 18 mars. PROPOSITION DE Ms PAUL BERT RELATIVE AUX RAPPORTS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE AVEC LES SAVANTS ALLEMANDS. La valeur et le caractère spécial de la résolution que j'ai soumise à la Société résident tout entiers dans les considérants qui la précè- dent. Renvoyer les savants allemands de nos Académies par la rai- son que l’armée allemande a vaincu l’armée française serait une pué- rilité ridicule; les chasser parce que les soldats et les officiers alle- mands ont commis des actes odieux de fourberie et de cruauté serait une injustice, bien que, pour la première fois, la guerre ait été faite dans des conditions telles que la nation entière soit responsable des crimes de l’armée, puisque celle-ci n’était que la nation armée. Je m'appuie sur des motifs plus directs et plus spéciaux. Et, ici, je de- mande à développer succinctement les considérants de ma propo- sition. PREMIER CONSIDÉRANT : « Considérant que les savants et les pro- fesseurs allemands, par leurs excitations à la haine et à la jalousie de leurs compatriotes et de leurs éièves contre les Français, ont, sciemment, contribué à préparer la guerre actuelle, et à lui donner un caractère inusité d’acharnement féroce et scientifiquement sys- « tématique. » L’exactitude des assertions contenues dans le premier considérant est de notoriété universelle. Je n’y fais point allusion aux harangues et aux publications par lesquelles Fichte, Arndt et tant d’autres pa- triotes allemands prêchaient, de 1807 à 1815, la guerre véritablement sainte contre les envahisseurs français. Je parle de la haïne entrete- nue pendant plus de cinquante ans — et ceci est un caractère tout germanique, — même après la victoire. Je parle de ces professeurs qui, DES RIOREE A A 2 comme Dubois-Reymond, mentaient à la science, comme Mommsen mentaient à l’histoire, tout en mendiant les honneurs, les prix, l'ar- gent que leur distribuaient les Académies françaises. Ce n'était un mystère pour personne que ces excitations à la haine de l'ennemi hé réditaire, comme ils nous appellent, excitations qui, descendant des chaires professorales, avaient ce caractère odieux qu’elles émanaient d'hommes de science dont le rôle eût été de chercher à les apaiser ou tout au moins d’y rester étrangers. Qu'on ne me dise pas que nous ne saurions imputer à crime aux savants allemands ce que nous considérons comme de notre devoir de faire désormais, nous, les savants français. Car on était alors en pleine paix, car la France oublieuse de toute haine s’était endormie bercée par la chimère de la fraternité des peuples, tandis qu’aujour- d’hui, tous ceux d’entre nous chez qui la poursuite de la vérité abso- lue, indépendante des temps et des peuples, n’a pas oblitéré le sentiment national doivent, comme les poètes et les savants alle- mands de 1807, se dévouer avant toutes choses à la régénération et à la revanche de la patrie. Ils sont donc coupables d’avoir faussé l'esprit de leurs élèves, flatté et nourri des passions injustes, excité à l’attaque à la fois bru- tale et perfide, et, instruits comme ils l’étaient des choses de la France, menti sciemment, eux, les gardiens de la vérité. Cela se pas- sait-il seulement dans quelques Universités isolées? Cela se passait partout, par une complicité avouée ou tacite, qui entraine la respon- sabilité solidaire. DEUXIÈME CONSIDÉRANT : « Considérant que, dans cette guerre, » des actes nombreux de déprédation et de cruauté, qui supposent « chez leurs auteurs la qualité d'hommes de science, ou tout au « moins des préoccupations et des moyens d’action scientifiques, ont « été commis et connus de l’Allemagne, sans qu'aucune protestation, « venue desdits savants, les ait flétris et en ait repoussé la respon- « sabilité. » Mais n'insistons pas davantage sur la part de responsabilité qui revient aux savants allemands pour cette création du milieu intel- lectuel et moral dans lequel se sont développées les idées de guerre à outrance contre les Français. Voyons si, du moins, la guerre dé- clarée, ceux d’entre eux qui ont dû y prendre une part active ont compris que leur qualité spéciale leur imposait des devoirs spéciaux de respect et de protection envers les hommes et les choses de la science française. Notez que, dans l’armée allemande, les hommes de science étaient partout : tant d'officiers méritaient ce titre! Aussi le bombardement de Paris s’est fait au moment psychologique. 3 Or, écoutez ceci : la ville d'Auxerre, ville ouverte, où ne se trou- vait pas un soldat, a eu les honneurs d’un bombardement ; bombar- dement à 1,200 mètres de distance, et dirigé, suivant l'usage alle- mand, sur l'asile des aliénés, l'hôpital et nos célèbres églises de Saint-Germain et de Saint-Etienne. Or, cet exploit accompli, j'appris d’un des vainqueurs qu’il faisait partie d’une Société fondée à Berlin pour la protection des monuments français pendant la guerre. Admi- rable trait d’une fourberie toute allemande! A la face de l’Europe, ils montreront les statuts de leur Société protectrice, et notre vieille cathédrale peut montrer les trous de leurs dix obus. Mais enfin, ils avaient compris, quitte à ne pas exécuter. Ce bombardement des hôpitaux, tout le monde l’a remarqué, a été l’une des innovations dues au génie de nos ennemis : à Péronne, c’est sur l’hôpital que sont dirigés d’abord les obus; l'incendie y éclate; aussitôt le tir de l'ennemi redouble d'activité : les projectiles pleuvent pour écarter les secours. Or, ces généraux, ces Werder, ces Kamecki, couverts de gloire aux yeux de l’Allemagne, de honte aux yeux de l'histoire, avaient appris la haine implacable aux cours des Universités, et Werder, pour récompense de la Bibliothèque de Strasbourg détruite, a reçu de l’Université de Bonn (ou de Fribourg en Brisgau), le bonnet de docteur en philosophie. Mais, plus directement, n’a-t-on pas vu, jusque sur les champs de bataille, des médecins allemands détrousser, le mot est précis, dé- pouiller de leurs trousses des chirurgiens français! N’en a-t-on pas vu d’autres, non moins nombreux, faire de l’espionnage un service médical couvert par la croix de Genève! N'’a-t-on pas vu un profes- seur allemand, accueilli dans une Faculté française, où une chaire lui fut accordée, envoyer dès le commencement de la guerre des rapports militaires à l’ennemi : homme de science, soldé par la France, se faire espion? N’a-t-on pas vu des géologues allemands, accourir à Montmorency, emballer soigneusement la riche collection paléontologique de M. Desnoyers; d’autres, au Mans, exiger la re- mise de la grande carte manuscrite de M. Triger ! D’autres, près de Peris, emporter précieusement de la maison d’un membre de la So- ciété d'anthropologie, toutes ses collections scientifiques et ses ins- truments! A Choisy, un médecin vole toute une série de notes manuscrites et de mémoires spéciaux au médecin français chez lequel il était logé. A Fontenay, c'est une collection d’autographes que vole, à main armée, un autre connaisseur, médecin lui aussi. N’a-t-on pas vu les professeurs d’une Université allemande s’abattre sur Strasbourg, et, parmi les ruines fumantes, y piller des collections publiques et privées? Enfin, faut-il clouer au pilori ces chirurgiens 4 allemands qui, se faisant tortionnaires, ont, par deux fois succes- sives, sans le chloroforme, coupé la cuisse d’un pense tireur que, pendant ce supplice, l'auditeur interrogeait ! Partout où passe le médecin ou le savant allemand, on constate la disparition ou le pillage des collections, des bibliothèques, des instruments mêmes servant à la profession médicale. En un mot, dans tous les lieux, dans toutes les circonstances où le savant alle- mand à manifesté son caractère spécial, c’a été pour ajouter à l’o- dieux des actes généraux de la guerre, l’odieux du sacerdoce scien- tifique déshonoré. Mais, du moins, les crimes qui ont renversé le vieux droit militaire européen ont-ils, dans le sentiment des hommes de science demeu- rés en Allemagne, soulevé une réprobation qu’ait traduite quelque acte public? Une seule voix s’est-elle jointe à celle de Jacobi, bientôt étouffée derrière les murs d’une prison? N’a-t-on pas entendu, au contraire, toute l Allemagne savarñte sonner la fanfare guerrière ; ne l'a-t-on pas vue exciter au combat sans merci, rappeler au peuple les guerres anciennes jusqu’à Tolbiac, créer de l’Alsace une histoire mensongère, et, après la victoire, railler, insulter les vaincus, —con- duite bien digne d’un peuple dans la langue duquel le mot généro- sité n'existe même pas! Rappelez-vous Dubois-Reymond, et ces discours envenimés par cette haine du rénégat, moitié haine, moitié peur. Rappelez-vous la réponse insolente de l’Université de Bonn à la lettre si digne de notre illustre Pasteur. Rappelez-vous Werder, fait docteur en philosophie pour avoir, le premier dans l’histoire, bombardé une ville sans sommation et refusé de laisser s'éloigner les femmes et les enfants. Et maintenant, après la victoire, écoutez Stark, déclarant tous les Français atteints d’aliénation mentale, Ecker les proclamant en voie de métamorphoseintellectuelle régres- sive, Virchow lui-même, le chef du prétendu parti libéral allemand, Virchow, dont la France a vanté le nom plus encore que l’Allemagne, se donner les apparences favorables d’un appel à la conciliation, dans un langage qui n’est qu’une série d’outrages contre la France. Rap- pelez-vous ces violences, ces insultes, ces applaudissements aux projets d’annihilation de la France ouvertement annoncés, et de- mandez-vous alors si ces savants n’ont pas, comme je le dis dans mon troisième considérant, « perdu, collectivement, les droits aux « égards et aux respects que se témoignent, pendant l’état de guerre, « les hommes voués à la culture des choses de l'esprit. » Je n’en dirai pas davantage. Je prie seulement, en terminant, qu’on ne me confonde pas avec les insensés ou les habiles qui veu- lent rompre tout commerce scientifique avec l’Allemagne, et insi- 6) nuent à l’occasion qu’il faut proscrire, pour en revenir à la scolas- tique banale dont ils se glorifient, les méthodes vraiment scientifiques, sous prétexte qu’elles ont pris en Allemagne un vaste développe- ment. Autant vaudrait renoncer au chassepot parce qu’il est une imitation du fusil à aiguille. Ma proposition, sur laquelle la Société va se prononcer mainte- nant, ne s'adresse point aux doctrines, mais aux personnes prises collectivement ; elle n’est point, quoi qu’on en ait dit, une immixtion de la politique dans le domaine de la science; elle est l’expression d’un sentiment plus profond que la haine vulgaire; elle est comme un stigmate imprimé au front de ces savants solidaires d’un peuple que la dernière guerre nous a montré véritablement barbare, car la civilisation n’est point l’organisation, la logique, la science : elle est la générosité. RAPPORT LU A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE SUR LA PROPOSITION DE M. PAUL BERT RELATIVE AUX RAPPORTS DE LA SOCIÉTÉ AVEC LES SAVANTS ALLEMANDS. M. BOUCHARD rapporteur. Messieurs, Dans la séance du 18 mars, M. P. Bert a saisi la Société de Bio- logie d’une proposition dont je vous demande la permission de re- produire les conclusions : «1° Les savants originaires ou habitants des pays allemands qui viennent d’être en guerre avec la France, qui sont, à un titre quel- conque, membres de la Société de Biologie, cessent de faire partie de ladite Société: « 2° Aucun savant ayant lesdites origine ou résidence ne pourra être dorénavant nommé membre de la Société; « 30 La Société ne recevra en communication et n’admettra au con- cours, pour les prix qu’elle décerne, aucun mémoire émanant d’un savant appartenant auxdites catégories; « 40 [entrée de la salle des séances leur sera interdite. » La Société a renvoyé cette proposition à l’examen d’une commis- sion composée de MM. Ch. Robin, Giraldès, Ollivier, Ranvier et Bou- chard. Je viens au nom de cette commission vous soumettre les raisons 6 qui l’ont déterminée à ne pas s’associer aux conclusions de M. Bert. M. Bert s’est proposé et s’est uniquement proposé de marquer d’une flétrissure collective les savants allemands qui ont, pour une part, préparé la dernière guerre ou qui n’ont pas dégagé leur res- ponsabilité des actes barbares accomplis pendant cette guerre par des hommes qui, à certains égards, peuvent être considérés comme des hommes de science. Or, des quatre résolutions de M. Bert, il en est trois qui ne sont nullement visées par ces considérants et en faveur desquelles nous n'avons pu découvrir aucune raison convaincante. Le paragraphe ? est ainsi conçu : « Aucun savant ayant lesdites origine ou résidence ne pourra être dorénavant nommé membre de la Société. » Une telle résolution engagerait témérairement l’avenir, elle enchaïinerait la liberté de nos successeurs et frapperait précisé- ment des hommes qui ne sont nullement coupables des méfaits re- prochés par M. Bert. Ceux qui s’instruisent actuellement, ceux qui naissent aujourd’hui et qui plus tard seront des savants ne sont pas nécessairement solidaires de leurs devanciers. Les savants ne for- ment pas une caste à part. Vouloir mettre en interdit ceux qui pour- ront surgir dans les pays qui nous ont fait la guerre, ce serait frap- per leur nationalité et non punir le crime de quelques-uns de leurs prédécesseurs. M. Bert n’a pas dit que ce füt là ce qu'il désirait, et, sans doute, un tel sentiment était loin de sa pensée. Le paragraphe 3 dispose que « la Société ne recevra en communi- cation et n’admettra au concours, pour les prix qu’elle décerne, au- cun mémoire émanant d’un savant appartenant auxdites catégories. » Cette proposition est plus inacceptable encore. Quelle raison pour- rait-on opposer à cette vérité banale que la science n’a pas de patrie, que la vérité n’est d'aucun pays? Dira-t-on qu’il est déplaisant d’être obligé d'entendre un homme peu sympathique? Mais les sociétés sa- vantes ne sont pas faites pour l’agrément de leurs membres; leur rôle est de solliciter, d'accueillir et de propager la vérité? Nous man- querions à notre mission si nous refusions l'hospitalité à une décou- verte. D'ailleurs pourquoi nous priver du plaisir et de l'avantage d'apprendre les premiers un fait nouveau, d'assister à une expé- rience intéressante? Si parfois l’amour-propre national s’en émeut, nous chercherons à faire mieux; ce sera une plus noble revanche. Quant aux prix dont la valeur morale est rehaussée par des avan- tages matériels, ils ne sont qu’un des moyens d'action par lesquels les sociétés savantes sollicitent la production des œuves intellec- tuelles. Quiconque travaille doit pouvoir y prétendre. ci encore il ne saurait être question de nationalité. D'ailleurs, aurions-nous le 7 droit de prendre une telle détermination? Il ne faut pas nous faire d’illusion : ces récompenses que nous décernons ne nous appartien- nent pas; et l’exclusion qu'on vous propose outre-passerait les in- tentions des donateurs. Nous ne devons nous dire ni nous croire les protecteurs de la science ni les bienfaiteurs des savants; nous ne sommes que les dépositaires d'hommes qui nous ont cru dignes d’être les ministres de leur bienveillante sollicitude pour les progrès de la science. Si les savants de toute nationalité peuvent participer à nos tra- vaux, à plus forte raison devons-nous leur permettre d’assister à nos discussions. Nous ne pouvons donc pas nous rallier à la quatrième proposition de M. Bert qui leur interdit l'entrée de la salle des séan- ces. Pourquoi élever autour de nos travaux cette muraille de la Chine? Si nos séances sont instructives, il est bon que cela soit connu, même de nos ennemis; si elles sont dépourvues d'intérêt, il ne sera pas besoin de réglements pour expulser les auditeurs : le vide se fera spontanément autour de nous. Les trois dernières propositions de M. Bert ne nous paraissent donc nullement motivées; elles ont de plus un vice commun : elles n’atteignent pas ceux dont les actes méritent la réprobation univer- selle; elles s’attaquent à la nation tout entière dans le présent et: dans l’avenir et cherchent à frapper surtout les hommes éminents qu’elle pourra produire. C’est là une tendance que nous repoussons de toute notre énergie. Après les défaites militaires, cette impuis- sante rancune serait pour nous un échec moral; car ce serait l’aban- don volontaire de ces libérales traditions qui sont le fonds et l’hon- neur de ce que le monde appelle encore l'esprit français. Si l’on peut comprendre, approuver même, ce sentiment personnel qui fait que chacun de nous évite le contact de l'étranger, une assemblée fran- caise, une compagnie savante surtout ne peut pas s’enchainer dans les mêmes scrupules et mettre toute une nation en interdit. Laissons à d’autres ces procédés d’un autre âge; rappelons-nous que déclarer un peuple indigne à perpétuité, c’est outrager la science, car c’est nier la perfectibilité morale de l'humanité. Qui nous dit que le peu- ple allemand n’atteindra pas aux degrés supérieurs de la civilisation dont il a rapidement franchi les premiers échelons? Depuis un demi- siècle il est entré résolüment dans cette voie par la porte de la science, largement, peut-être prématurément ouverte. Si les Alle- mands ont aujourd’hui plus d'instruction que d'éducation, c’est sans doute que le temps leur a manqué. La douceur des mœurs, la déli- catesse des sentiments sont des qualités que les peuples acquièrent lentement; l’hérédité y joue un grand rôle; chaque homme ajoute 8 peu au patrimoine commun, elles sont comme l’empreinte que laisse la civilisation lorsqu'elle a pu façonner les caractères à travers de nombreuses générations. Rappelons-nous que nous aussi nous avons dans notre histoire une période de barbarie. Ce souvenir nous ren- dra plus modestes si nous voulons juger un peuple qui est certaine- ment moins éloigné que nous de cette phase initiale. Nous ne pouvons donc pas approuver une attitude dont la ten- dance, sinon l'effet, serait de créer un obstacle, si minime soit-il, au rayonnement des idées. Les sociétés savantes surtout doivent éviter d'apporter une entrave aux relations des peuples. Je sais bien que, par la force des choses, ces relations sont com- promises. Mais si nous recherchons moins qu’autrefois l’hospitalité de ceux auxquels nous ne la refusons pas; si l'Allemagne cesse d’être pour nous la terre des studieux pèlerinages, nous aurons tort. C’est par la science surtout que nous avons été vaincus, et il ne se- rait peut-être pas habile de fuir ceux qui, après avoir beaucoup reçu de nous, pourraient à leur tour nous livrer le secret de leur force. Abordons maintenant la discussion de la première résolution qui seule est en concordance avec les prémisses développées par l’au- teur de la proposition. M. Bert demande la radiation collective de tous les membres as- sociés ou correspondants de la Société de Biologie qui sont origi- naires ou habitants des pays allemands qui viennent d’être en guerre avec la France. Avant même de discuter la légitimité ou l'opportunité de cette mesure, je puis dire qu’elle est excessive. Il est tel de nos collègues qui est Allemand d’origine et qui honore l’enseignement scientifique en Italie; cette mesure l’atteindrait injustement. Il y a quelques jours vous rendiez un juste tribut de regrets à un autre de nos col- lègues d’origine anglaise et qui a pendant quelque temps travaillé en Allemagne. Si A. Waller ne s'était pas aperçu à temps que la pro- priété scientifique n’y était pas en sûreté; si son désenchantement avait été plus tardif, la proposition de M. Bert nous faisait perdre, à notre détriment , toute relation avec lui. Supposez que les accidents de la politique ou des relations de famille obligent l’un de nous à ha- biter l'Allemagne, cela nous paraîtrait choquant ; mais nous ne vou- drions pas de force pénétrer dans sa conscience et nous faire juges de la moralité de ses intentions Ainsi, avant de discuter cette première proposition, quant au fond, on peut dire qu’elle est injuste parce qu’elle est générale, parce que la mesure est collective. Elle ne serait guère plus légitime même si on la réduisait à des 9 proportions plus restreintes. Examinons d’ailleurs les arguments qui ont été produits en sa faveur. Le premier grief de M. Bert est celui-ci : les savants et les pro- fesseurs de l'Allemagne ont depuis longtemps excité contre nous la haine et la jalousie de leurs concitoyens et de leurs élèves. Ils ont ainsi préparé la dernière guerre et contribué à lui donner ce carac- tère d’acharnement féroce et rapace. Les savants allemands ont dès longtemps préparé la dernière guerre. C’est vrai. [ls ont entretenu le souvenir de l’outrage que nous avions fait subir à leur nation et dont nos désastres de 1813 ne paraissaient pas une suffisante com- pensation. Ils ont cherché à exalter le sentiment patriotique en vue d’une revanche plus complète; nous le reconnaissons. Il ne nous appartient pas de les louer; mais s'ils n'avaient parfois faussé la vérité historique, pourrions-nous les condamner ? L'histoire a souvent enregistré de semblables exemples et n’a pas flétri les hommes qui, en faisant vibrer la fibre nationale, ont exercé une puissante influence sur les destinées de leur peuple. C’est un grand enseignement qui veut être médité silencieusement. Mais cette guerre qui a été déplorable dans ses résultats a été odieuse dans ses moyens d’action et l’on veut y voir l’effet éloigné des prédications haineuses des savants de l'Allemagne. Les Alle- mands ont déjà plaidé les circonstances atténuantes Ils ont dit que ces horreurs sont inséparables de la guerre et n’ont pas manqué de rappeler qu’ils avaient appris par expérience à juger la mansuétude du soldat français ; ils ont fait le tableau coloré de sa fureur de meur- tre et de destruction; au contraire, ils représenteraient volontiers la violence réfléchie et la cupidité des armées allemandes comme un reflet d’une qualité propre aux peuples germaniques : l’esprit d’ordre et d'économie. N'insistons pas, ne discutons pas sur les mérites comparés de ces abominations qu’il faut déplorer et mépriser de quelque côté qu’on les rencontre. Sans doute tous ceux qui concourent à rendre une guerre nécessaire ont leur part de responsabilité dans les atrocités qui en sont le cortége; mais n’accusons pas plus spécialement les savants. C’est à eux, c’est à la diffusion de l'instruction que nous devrons peut-être un jour de voir la guerre revêtir un caractère moins odieux. Le second grief de M. Bert, c’est que, pendant cette guerre, des chirurgiens qui, à ce titre, peuvent passer pour des hommes de science, ont commis sciemment et volontairement des actes de cruauté ; c’est que des savants se sont livrés au pillage systématique de nos richesses scientifiques, ont dévalisé des collections privées 10 que leur nature devait couvrir du pavillon de la neutralité, même pour des hommes qui pratiquaient en grand le vol à main armée de la propriété privée. Ce grief est sérieux, décisif; mais à qui peut-il être appliqué? Sil est parmi nos collègues un homme qui se soit rendu coupable de pareils actes, il doit être flétri, expulsé. Or aucun n’a pu étre cité parmi les vingt et un membres associés ou correspondants que la première proposition de M. Bert voudrait atteindre. Pour motiver une radiation collective, on nous dit qu’ils ont connu ces faits, qu’ils n’ont pas protesté et qu’ils ont ainsi en- gagé leur responsabilité. Nous devons a priori considérer comme d’honnêtes gens les collè- gues que nous avons choisis; or un honnête homme n’a jamais besoin de protester contre les crimes commis par autrui. Messieurs, notre tâche est remplie. Si les considérations que j'ai développées devant vous sont conformes à votre sentiment, la So- ciété de Biologie aura évité un faux pas qu’elle aurait lieu de regret- ter plus tard. Elle se maintiendra, sans bienveillance, mais sans injustice, sur ce terrain neutre de la science où toutes les activités peuvent se rencontrer sans se heurter, et où chaque conquête profite à l'humanité tout entière. Elle restera ainsi fidèle à ses traditions. C’est donc avec confiance que nous soumettons à votre apprécia- tion la résolution que je vais avoir l'honneur de vous lire : La Société de Biologie, Considérant que si des actes de cruauté et de déprédation ont été accomplis pendant la dernière guerre par certains sujets allemands auxquels il paraît impossible de refuser la qualité d'hommes de science, de tels actes engageraient seulement la responsabilité per- sonnelle de leurs auteurs et nullement la responsabilité collective des savants originaires des pays qui ont été récemment en guerre avec la France ; Considérant qu'aucun de ces actes n’a pu être reproché à aucun membre associé ou correspondant de la Société, Partageant d’ailleurs les sentiments d’indignation que ces actes ont inspirés à M. Bert, Passe à l’ordre du jour. 1 1 ] À NE HR af ANNE rs à AA He 4 4 EE K Ke et Feet pis re pen Frans (fi ji st on ee QU Ib: Ni vi LH 14 4 F a … ARE dd A OUn pig 4! 1rpoianet 4 540 ke A Upon LRPRRNNE ne pl tire f En } Mon nf Mau ji HA 7 1 pie] ent HHOOUO = HU Hipteibiti A atr sue nt ete rh ! ses ee DE Monet * plis TL E QUPPTEES DORE LUTTE] une LCA LOL } HA hope bte st RARE CHIEN ù DENT A LIL CS 44 7 14 sun daar PUATER pins ( AUTA 1 PRATUUE AU Lrlpuo Or CRETE Î 1 ns 10 j: vint ste aie 4 H ITIEE Deisye quete (11 PE HD CDN RTE CPTTIRENNA AQU fout, lents * tels foie GONE MADETOQUEN ar ile, drrere EN vs Latetti CRC mére pute UN VAN rés “hi , GR ni COUR *eluiote LU ARC IEUE PT 1444 sue see Fais es ape C2 QUOOPTEE ’ RUN spa g DUR TT EU SOIT daim lot es bhu.v ETUI