!!i!!i!!iliP^ii!:!iii:'PfH:.^:;n'^«':^^ Lpl-M 7a U.B.C. LIBRARY THE LIBRARY THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of British Columbia Library http://www.archive.org/details/congresforestierOOinte CONGRES FORESTIER INTERNATIONAL Tenu à Paris du 16 au 20 Juin 1913 SOTJS LA PRESIDENCE de M. Henry DEFERT Vice-Président du Touiing-Club de France Président de la Commission des Pelouses et Forêts TO[:Rl\fl-OLI'C J»E FRANCE INTERNATIONAL TENU A PARIS \)V Mi AT '?0 JUIN 1913 sous LA PI!ÉS1I)E.\(;E I)i: M. HENRY DEFËHT VlCE-PlUiSlDEN 1 1)1 TOUKINI.-Cn B DE FltANCE Président ue i,a Commission des Pelouses et Forêts PAUIS n'r>, AVLM 1. i)i; LA (;i;A.M)i;-Ar, mi:l, «n COMITE D'HONNEUR PRÉSIDENTS D'HONNEUR MM. CLÉMENTEL, ministre de rAgriculture. KLOTZ, ministre de l'Intérieur et des Cultes. LÉON BÉRARD, sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts. MEMBRES MM. Emile LOUBET, président d'honneur de la Société Nationale d'Encoura- gement à l'Agriculture. AUDEBRAND, président de V Association Dauphinoise pour V Aménagement des montagnes. H. BARBIER, président de la 'Fédération des Syndicats du Commerce des bois et des industries qui s'y rattachent. Léon BARBIER, vice-président de la Chambre Syndicale des Bois à œuvrer. BEAUQUIER, président de la Société pour la protection des Paysages de France. BERARD, président de la Ligue du reboisement de l'Algérie. M. BOUVET, président de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, membre de la Société Nationale d' Agriculture. BRALLY, directeur de la Compagnie des Chargeurs réunis, membre du Comité de Tourisme colonial du Touring-Club. CALVET, membre du Conseil de la Société Nationule d'Encouragement à l'Agriculture, président de la Société forestière française des Amis des Arbres, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. CLAVEILLE, directeur des Chemins de fer de l'État. D'' CRUVEILHIER, président du Groupe d'Etudes limousines. Dal PIAZ, directeur de la Compagnie générale Transatlantique, membre du Comité de Tourisme colonial du Touring-Club. P. DESCOMBES, président de l'Association centrale pour l'Aménagement d"s montagnes, raQïwhvQ de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring- Club. Ch. GARIEL, inspecteur général des Ponts et Chaussées, président de l'Aca- démie de Médecine, membre du Conseil d'administration du Touring-Club. CONGRES FORESTIER C. GIRERD, ancien sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Agriculture et du Commerce, vice-président de la Société Nationale d'Encouragement à V Agriculture. GOMOT, ancien ministre de l'Agriculture, président de la Société Nationale d Encouragement à V Agriculture. F. GUILLAIN, ancien ministre des Colonies, membre du Conseil d'admi- nistration du Touring-Club. Ch. GUYOT, ancien directeur de l'École nationale des Eaux et Forêts. HÉBRARD DE VILLENEUVE, président de Section au Conseil d'État, président du Conseil d'administration de VOffîce national du Tourisme. LEDDET, conservateur des Eaux et Forêts en retraite. Le GENDRE, président de la Société Botanique et (VEtudes scientifiques du Limousin. Léopold MABILLEAU, directeur du Musée social. P. MASSOT, président de la Société forestière provençale le « Chêne ». MAURIS, directeur de la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, membre du Comité des Sites et Monuments pitto- resques du Touring-Club. MONGENOT, administrateur-vérificateur général des Eaux et Forêts en retraite, membre de la Société Nationale d' Agriculture et de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. MOUGEOT, ancien ministre de l'Agriculture, membre du Conseil supérieur de l'Agriculture. G. PINCHOT, ancien directeur général des Eaux et Forêts des Etats-Unis. Emile PLUCHET, ancien président de la Société Nationale d'Agriculture, président de la Société des Agriculteurs de France. D. RECOPÉ, administrateur-vérificateur général honoraire des Eaux et Forêts, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. De ROQUEMAUREL, directeur de la Compagnie de Chemins de fer dépar- tementaux. SARTIAUX, ingénieur en chef du service de l'Exploitation de la Compagnie du Chemin de fer du Nord, membre du Comité des Sites et Monuments pittoresques du Touring-Club. SAUVAGE, président du Club-Alpin Français. TATIN, président de la Société des Amis des Arbres et du reboisement des Alpes-Maritimes. TISSERAND, membre de l'Académie des sciences, directeur honoraire de l'Agriculture, président de la Société Dendrologique de France. VIGER, ancien mini'stre de l'Agriculture, membre du Conseil supérieur de l'Agriculture. WEISS, directeur de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est, membre du Comité des Sites et Monuments pittoresques du Touring-Club. INTERNATIONAL 1913 COMITÉ D'ORGANISATION PRÉSIDENT D'HONNEUR M. L. DABAT, conseiller d'État, directeur général des Eaux et Forêts, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. PRESIDENT M. Henry DEFERT, vice-président du Touring-Club, président de la Com- mission des Pelouses et Forêts. SECRÉTAIRE GÉNÉRAL M. CHAPLAIN, inspecteur des Eaux et Forêts, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. TRÉSORIER M. J. BERTHELOT, trésorier du Touring-Club. MEMBRES MM. ALGAN, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, secrétaire générnl de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort. ANTONI, sous-directeur des Eaux et Forêts. L. AUSCHER, membre du Conseil d'administration du Touring-Club, pré- sident du Comité de Tourisme en montagne. BÉNARDEAU, inspecteur général des Eaux et Forêts. BRIOT, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture. F. CAQUET, propriétaire forestier, membre du Conseil supérieur de l'Agri- culture et du Conseil de la Société nationale d'Encouragement à l'Agriculture. E. CARDOT, conservateur des Eaux et Forêts, chef du service des Amé- liorations pastorales, secrétaire général de la Société forestière française des Amis des Arbres, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. CARRIER, inspecteur général des Améliorations agricoles. — 5 — CONGRES FORESTIER Ed. GHAIX, président de la Commission de Tourisme de V Automobile-Club, membre du Conseil d'administration du Touring-Club, vice-président du Comité des Sites et Monument? pittoresques. L. CHANCEREL, inspecteur des Eaux et Forêts. A. CHANGEUR, secrétaire général de la Société pour la protection des Paysages de France. André CHARGUERAUD, conseiller d'État, directeur des Routes, de la Navigation et des Mines au ministère des Travaux publics, membre du Comité des Sites et Monuments pittoresques du Touring-Club. R. CLAUDE, président de la Section Lorraine des Amis des Arbres. A. COLLIN, président de la Chambre syndicale du sciage et du travail méca- nique des bois. G. FAMECHON, inspecteur général de la Météorologie agricole, membre du Conseil d'administration du Touring-Club et de la Commission d'aména- gement des Bois et Forêts des environs de Paris. Ch. FLAHAULT, directeur de l'Institut de botanique de l'Université de Mont- pellier. GARRIGOU-LAGRANGE, secrétaire général du Congrès permanent de V Arbre et de VEau, secrétaire général du Comité des Sites et Monuments pittoresques de la Haute-Vienne. HICKEL, inspecteur des Eaux et Forêts, membre de la Société Nationale d^ Agriculture, secrétaire général de la Société Dendrologique. J. HOLLANDE, président de la Chambre syndicale des bois des Iles et d'ébé- nisterie, membre du Comité de Tourisme en montagne du Touring-Club. HUFFEL, sous -directeur et professeur d'Economie forestière à l'École Natio- nale des Eaux et Forêts, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture. JOLY DE SAILLY, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club, délégué de VAsso- dation centrale pour V Aménagement des Montagnes. A. KEIM, docteur es lettres. KUSS, conservateur des Eaux et Forêts, directeur des Forêts de l'Algérie. LAFOSSE, inspecteur général des Eaux et Forêts. DE LAGORSSE, secrétaire général de la Société Nationale d'encouragement à V Agriculture, membre du Conseil supérieur de l'Agriculture. LAPORTE, conservateur des Eaux et Forêts. Vicomte de LARNAGE, président du Syndicat forestier de Sologne. h. LAVEUR, directeur de la Revue des Eaux et Forêts. LECOQ, président de la Section d' Auvergne et du Plateau central des Amis des Arbres. LINYER, président de la Loire navigable. LORIEUX, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur de VOffice National du Tourisme, membre du Comité de Tourisme en montagne du Touring-Club. MAIRE, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite. MARINGER, conseiller d'État, directeur de l'administration départementale et communale au ministère de l'Intérieur, membre du Comité de Tourisme en montagne du Touring-Club. A. MATHEY, conservateur des Eaux et Forêts, correspondant de la Société Nationale d'Agriculture. INTERNATIONAL 1913 A. MATHIEU, syndic-président de la Communauté des marchands de bois à œuvrer, charpente, sciage et charronnage réunis. R. MATHIS DE GRANDSEILLE, vice-président de la Section de Sylviculture de la Société des Agriculteurs de France. Germain MAYER, directeur des Manufactures de l'État. Comte J. de NICOLAY, président du Syndicat des Propriétaires forestier»^ de la Sarthe. DE NUSSAG, secrétaire général du Groupe d'Études limousines. PARDÉ, inspecteur des Eaux et Forêts. PÉLISSIER, inspecteur général des Améliorations agricoles. Placide PELTEREAU, président du Syndicat général des cuirs et peaux dfr France. P. PINGAULT, syndic-président de la Chambre syndicale des bois à brûler. P. POUPINEL, président de la Chambre syndicale des bois de sciage et d'in^ dustrie. Marquis de PRAGOMTAL, propriétaire forestier. Onésime reclus, membre du Comité des Sites et Monuments pittoresque» du Touring-Club. R. ROULLEAU, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, secrétaire général du Comité des Forêts. Henry SAGNIER, membre de la Société Nationale d^ Agriculture, TédACteur en chef du Journal d^ Agriculture pratique. THIBAULT, sous-directeur de l'Hydraulique agricole. L. VIELLARD, correspondant de la Société Nationale d^ Agriculture, vice- président de Société Forestière de Franche-Comté et Belfort. VILLAME, secrétaire de la Fédération des Syndicats du Commerce des bois et des industries qui s^y rattachent. M. de VILMORIN, membre de la Société Nationale d' Agriculture et de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. VIVIER, conservateur des Eaux et Forêts, Directeur de l'Ecole Nationale- des Eaux et Forêts. WATIER, conservateur des Eaux et Forêts. SECRÉTAIRE ADMINISTRATIF M. A. UMBDENSTOCK, secrétaire de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. — / CONGRES FORESTIER COMITÉ EXÉCUTIF M. Henry DEFERT ; M. ANTONI ; M. CHAPLAIN; M. BERTHELOT ; MM. AUSGHER, CARDOT, GHAIX, FAMEGHON ; M. A. UMBDENSTOCK. PRÉSIDENT VICE-PRÉSIDENT SECRÉTAIRE GÉNÉRAL TRÉSORIER MEMBRES SECRÉTAIRE — 8 — INTERNATIONAL 1913 DÉLÉGUÉS DES PUISSANCES RËPUBUQUE ARGENTINE MM. Miguel F. GASARES, sous-secrétaire d'État au Ministère de l'Agriculture. Julio LLANOS, directeur général de l'Agriculture et de l'Élevage. AUTRICHE-HONGRIE Autriche : M. LE Baron de HENNET, délégué permanent du Ministère I. R. autrichien de l'Agriculture. Hongrie : MM. Eugène VADAS, conseiller ministériel, directeur des stations de recherches forestières. Jules ROTH, inspecteur des Forêts, adjoint à la Station centrale des expé- riences forestières. GERARD DE POTTERE, inspecteur au Service des Forêts domaniales et royales hongroises. BELGIQUE MM. De SÉBILLE, membre du Conseil supérieur des Forêts du Royaume. DIERGKX, membre du Conseil supérieur des Forêts du Royaume. BLONDEAU, sous-inspecteur des Eaux et Forêts. DUBOIS, sous-inspecteur des Eaux et Forêts. BRESIL MM. Lucien Le COINTE, ingénieur agricole, directeur du Poste Zootechnique Fédéral, à Ribeirao Preto. État de Parana : MM. FERREIRA CARDOSO. D' José Maria PINHINO LIMA. J. EuGENio MARQUES, colonel. CHIU M. RAMON ELZO BAQUEDANO, ingénieur agronome. _ 9 — CONGRÈS FORESTIER COLOMBIE M. Don José PABLO URIBE, conseiller commercial de la Légation Colom- bienne, à Paris. DANEMARK M. KRARUP, inspecteur des Forêts, chef de Bureau de la Direction de» forêts d'État. ESPAGNE M. Miguel del CAMPO, professeur de sylviculture à l'Ecole forestier» espagnole. EQUATEUR MM. E. DORN Y DE ALZÛA, chargé d'affaires, à Paris. Pedro VALDEZ, consul général, à Paris. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE M. WOLSEY, conservateur-adjoint des Forêts. GRANDE-BRETAGNE ET COLONIES Irlande et Union Sud-Ajricaine : MM. Arthur C. FORBES, inspecteur en chef des Forêts. Augustin HENRY, professeur de sylviculture au Collège royal des sciences. Ecosse : M. J. D. SUTHERLAND, administrateur attaché à la Direction de l'Agri- culture. Gouvernement du Conimonivealth Australien : M. P. GROOM, professeur au Collège impérial de Science et Technologie de Londres. Gouvernement de Victoria. — Nouvelle-Galles du Sud. — Queensland. — Tasmanie : Honorable Peter Mc BRIDE, agent général du Gouvernement de Victoria, à Londres. Gouvernement de V Australie du Sud : M. BEAUMONT-ARNOLD moulden. Gouvernement de V Australie Occidentale : Honorable Sir Newton MOORE, agent général de ce Gouvernement à Londres. Gouvernement des Indes : MM. R. S. TROUP, Indian Forest Service, A. CAGCIA. GRÈCE M. ROMANOS, ministre plénipotentiaire à Paris. — 10 — INTERNATIONAL 1913 HAÏTI M. le D-- NEMOURS AUGUSTE, ministre plénipotentiaire à Paris. HONDURAS M. DÉSIRÉ PEGTOR, consul général, à Paris. JAPON M. S. MIMURA, ingénieur forestier. LUXEMBOURG M. BADU, directeur de? Eaux et Forêts du Grand-Duché de Luxembourg. MONACO Comte Justinien CLARY, président du Saint-Hubert-Club de France. NORVÈGE M. SAXLUND, directeur général des Eaux et Forêts. PAYS-BAS M. Van DISSEL, inspecteur des Forêts de l'État. PORTUGAL MM. Antonio MENDE3 d'ALMEIDA, ingénieur sylviculteur, chef de l'hitendance forestière. JoAQuiM FERREIRA BORGES, chef du Bureau des Forêts au Ministère des Travaux publics. ROUMANIE M. TANASSESGO, inspecteur général des Forêts, chef du Service des Amé- nagements des Forêts au Ministère de l'Agriculture. RUSSIE M. KERN, conseiller d'État, vice-inspecteur du Corps forestier. Membre du Conseil de l'Administration générale de l'Agriculture. SALVADOR M. GUERRERO, ministre plénipotentiaire à Paris. SUÈDE MM. WAHLGREN, inspecteur des Forêts, chef intérimaire de l'Académie fores- tière du Royaume, à Stockholm. De SCHULZENHEIM, chef de Section à l'Administration des Eaux et Forêts, secrétaire général par intérim. URUGUAY M. R. L. LOMBA, consul géûéral, à Paris. — 11 — CONGRES FORESTIER DELEGUES DES MINISTÈRES Ministère de V Agriculture. — M. JEANNIN, chef-adjoint du Cabinet de M. le Ministre de l'Agriculture. Ministère des Finances. — M. FÉRET du LONGBOIS, directeur du Contrôle des Administrations financières et de l'Ordonnancement. M. TACHÉ, administrateur à la Direction générale de l'Enregistrement, des Domaines et du Timbre. Ministère des Travaux publics. — M. LORIEUX, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur de l'Office National du Tourisme. Ministère de l'Instruction publique : M. GAL, inspecteur général de l'Ins- truction publique. Ministère des Colonies : M. CAPUS, délégué du Gouvernement général de l'Indo-Chine à l'Office Colonial. Sous- Secrétariat d'Etat des Beaux- Arts. — M. BERR de TURIQUE, inspec- teur général des Monuments historiques. — 12 — INTERNATIONAL I MEMBRES MM. ALAN, iaspecteur des Eaux et Forêts, Sens. ALLOTTE (Alfred), iaspecteur des Eaux et Forêts, Bayeux. ALTMANN (Mme), 36, avenue du Chemin-de-Fer, Rueil (Seine-et-Oise). ALVEAR (Carlos de), 42, Gours-la-Reine, Paris. ANCELET (Gabriel-Paul), docteur en médecine, 104, rue de Rennes, Paris. AXGIBOUT (Eugène), directeur de la Société du Charbon de Paris, 56, rue de Londres, Paris. ANISSON DU PERRON (Jacques-Henri-Joseph), propriétaire, château de Saint-Fargeau (Yonne). ANTONESCO (Pierre), directeur de l'École supérieure de Sylviculture de Branesti (Roumanie). ARAMON (Comte Guillaume d'), agriculteur, 34, rue de Chaillot, Paris. ARANJO COSTA (D' Arthur L. de), membre de la Société nationale d'Agri- culture de Rio de Janeiro, 790, Avenida Atlaiitica, Rio-de-Jaueiro (Brésil). ARBOUIN (Maurice), attaché de baaque, 15, rae de Naples, Paris. ARXOULD, inspecteur des Eaux et Forêts, 7, rue d'Assas, Paris. ARTUS (Gustave), syndic de la Chambre syndicale des Bois de sciage et d'indus- trie, 26, rae Saiat-Ber.iard. Paris. ASSOCIATION AMICALE DES INGÉNIEURS DU SERVICE DES AMÉ- LIORATIONS AGRICOLES, 210, rue du Faubourg-Saint-iMartin, Paris, représentée par son président : M. ROLLEY, ingénieur des Améliorations agricoles. ASSOCIATION' «JEDNOTA CESKYCH LESNIKU ZEMI KORUNY CÈSKÉ )), représentée par : M. HOLUB (Antonin), ingénieur forestier, géomètre civil, à Plzèn (Pilsen), Bohême, président, M. SIMAN (Karel), professeur de l'École forestière à Jemnice (Moravie). ASSOCIATION DU CULTE DE L'ARBRE, de Lisbonne, représentée par M. MENDES D'ALMEIDA (Antonio), ingénieur sylviculteur, chef de riiteadaice Forestier.-'. ASSOCIATION RURALE DE L'URUGUAY, renrésentée par M. RAMON LOPEZ LOMBA, Consul général de la République de ''Uruguay, C), rue Villebois-Mareuil. AST (GeoRGEs), entrepreneur de travaux publics, 13, rue Carpeaux, Paris. — 13 — CONGRES FORESTIER ASTIER DE LA VIGERIE (Baron Raoul d'), 11, rue de Courcelles, Paris. AUBER DE PEYRELONGUE (d'), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, 80, rue de Varennes, Paris. AUBERT (Charles), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Alençon. AUSGHER (Mme), Neuilly-sur-Seine (?nembre associé). AUTIER (Alfred), Sainte-Menehould (Marne). BACH (Paul), sylviculteur paysagiste, la Chapelle-en-Serval (Oise). BACON DE LA VERONE. Voir Société d'' Agriculture du département de la Gironde. BAILLE, chef d'escadron au 1^ chasseurs, Rouen. BAILLY (Alphonse-Louis), membre de la Chambre syndicale des Agents et commissionnaires en bois d'industrie, 2, rue Charles-Nodier, Paris. BAILLY (Me) [membre associé). BAKER (Hugue), Dean New- York State Collège Of Forestry at Syracuse University, Syracuse, New- York (U. S. A.). BAKER (J. Fred), chargé de cours de sylviculture, au collège de Michigan U. S. A. BANCHEREAU (Jules), sylviculteur, 6, quai Barentin, Orléans. BARBEY (Auguste), expert forestier, Montcherand-sur-Orbe (Vaud), Suisse. BARBEY (Mme) [membre associé). BARBIER (Etienne), 22, rue Carnot, Avallon [membre associé). BARBIER (René), membre de la Communauté des Marchands de bois à œuvrer, 14, rue Gimarosa, Paris. BARBUAT (Comte Pierre de), à Pommard (Côte-d'Or). BARBIER DE LA SERRE (Louis-Gaston-Ernest), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Amiens (Somme). BAREEL (Lucien), avocat, bourgmestre de Calmpthout (province d'Anvers), 14, rue de la Vallée, Bruxelles. BARREY. Voir Comice agricole et viticole d^Auxerre. BARRION (Georges), ingénieur agronome, Tunis. BARTHÉLÉMY (Hcnri), garde général des Eaux et Forêts, Saint-Laurent- du-Pont (Isère). BAUBIET (Henri), propriétaire sylviculteur, la Romagère par Saint-Gaul- tier (Indre). BAUCHERY, sylviculteur, Crouy (Loir-et-Cher). BAUCHET(Louis-Noel), négociant en bois d'industrie, 41, rue Crozatier,Paris. BAUDOUX (Augustin), industriel, 10, rue Saint-Pierre, Noyon (Oise). BAZELAIRE de LESSEUX (Charles de), inspecteur des Eaux et Forêts, Bar-sur-Aube. BEAU (Eugène), avoué honoraire, 9, rue des Saints-Pères, Paris. BEAUCORPS (Henri de), propriétaire, Gy (Loir-et-Cher). BECQUEY (Xavier-Laurent-Michel), garde général des Eaux et Forêts, Souk-Ahras (département de Constantine). BÉLINAY (Baron Maurice de), propriétaire, château de Marèges par Liginiac (Corrèze). BELLET (Henri), ingénieur civil, 35, quai Saint- Vincent, Lyon. BELLIARD (Robert-Henri-Fernand), inspecteur des Eaux et Forêts, 49, rue Jeanne-d'Arc, Rouen. — 14 — INTERNATIONAL 1913 BELLIN (Louis), rentier, 28, boulevard Péreire, Paris. BELOUIN, capitaine au 2^ étranger, Oued-Ben-Kiffa, par Fez (Maroc), BÉNARD (Jules), Régent de la Banque de France, 81, rue de Maubeuge, Paris. BENEX (Albert), négociant en bois, 27, quai d'Ivry, Ivry. BÉRAL (Paul-Joseph-Maurice), inspecteur des Eaux et Forêts, Bagnères- de-Luchon (Haute-Garonne). BERGER (Pierre), procureur de la République, ancien député, Beauvais. BERNARD (Glaudius), inspecteur des Eaux et Forêts, professeur de mathé- matiques appliquées à l'École nationale des Eaux et Forêts, Nancy. BERNARD (Charles), négociant en bois, Gray (H au te -Saône). BERNHEIM (Emile), propriétaire, 23, rue de l'Arcade, Paris. BERNIER (Léon), marchand de bois, secrétaire delà Chambre syndicale des Bois à brûler, 1, rue Lejemptel, Vincennes. BERTHELIER, directeur des Services agricoles du département de la Haute- Savoie, membre du Comité d'administration de la Société d'Agriculture, Annecy. BERTHON (Etienne), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Albertville. BERTIN (André-Joseph), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Royan. BERTIN (Mme) [membre associé). BERTRAND (Paul), conservateur des Eaux et Forêts, Rouen. BÉTHERY DE LA BROSSE, conservateur des Eaux et Forêts, Tours. BEYRAND (Alferd), docteur, 59, Grande-Rue, Enghien-les-Bains (Seine-et- Oise). BÉZIER (Emile), inspecteur des Eaux et Forêts, Poitiers. BILLEY, avoué, 25, rue de la République, Besançon. BIZOT de FONTENY (Pierre), conservateur des Eaux et Forêts, Nîmes. BLANC (Gaston-Léon), 20, boulevard Magenta, Paris. BLANCHET (Marius), commerce de bois et exploitations forestières, juge au Tribunal de commerce, 6, place Victor-Hugo, Grenoble. BLEIN (Antonin-Joseph), Inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Cons- tantine). BLET fils (Edmes), marchand de bois, ancien vice-président de la Chambre syndicale des Bois à oeuvrer, 38, rue de Seine, Ivry-Port (Seine). BLONDEL (Edouard), notaire honoraire, 32, rue Chabot-Charny, Dijon. BLONDEL. Voir Comité du Commerce et de V Industrie de V Indo-Chine. BLOT (Jacques), propriétaire agriculteur, 9, rue Émile-Zola, Tours. BOCQUET (Edouard), syndic de la Chambre syndicale du Sciage et du Travail mécanique des bois, 215, rue Ghampionnet, Paris. BOCQUET (Mme Edouard) (membre associé). BOITEUX (Augustin), 19, rue des Roses, Dijon. BOIXO (Pierre de), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Toulouse. BOMMER (Charles), professeur à l'Université, membre du Conseil supérieur des Forêts, conservateur au Jardin Botanique de l'État, Bruxelles. BOMMER (Mme) (membre associé). BONNEFOY (Lucien), professeur au lycée Bernard-Palissy, 51, boulevard Scaliger, Agen. BONNEVAL (Comte Armand de), propriétaire, 30, rue Las-Cases, Paris. — 15 — CONGRES FORESTIER BONXICHON (Louis). Voir Chambre syndicale des Fabricants de parquet chêne. BOPPE (Jules), inspecteur des Eaux et Forêts, Toul. BORDET (Louis), industriel, à Froidvent, par Voulaines (Côte-d'Or). BORY (Paul), ingénieur, la Tuilière, Saint-Chamond. BOUCHER DE LA BRUÈRE, surintendant de l'Instruction publique, palais législatif, Québec. BOUCHERON (Albert), marchand de bois, vice-président de la Chambre syndicale des Bois de Sciage et d'Industrie, 11, quai d'Ivry, Ivry-sur-Seine. BOUlX (D'' Paul), professeur à |la Faculté de Médecine, 19, rue Israël-Syl- vestre, Nancy. BOUISSET (Ferdinand), président honoraire du Syndicat d'Initiative de l'Aude, 39, boulevard de Strasbourg, Toulouse. BOULANGER, inspecteur des Eaux et Forêts, Montbéliard. BOULLENOIS (Marie-Robert de), propriétaire, Senuc (Ardenn?s;. BOULOGNE (Eugène), négociant en bois, 13, rue de l'Église, au Vésinet (Seine-et-Oise). BOURCY (Henri-Joseph), négociant en Bois, 5, rue Marbeau, Paris. BOURCY (Mme) [metnbre associé). BOURGOING (Vicomte de), 24, quai de Béthune, Paris. BOURGOUGNON (J.), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 120, cours Lieutaud, Marseille. BOUSQUET (André-Henri), directeur de la Société forestière d'Isolaccio et Serra, Pietrapola-les-Bains (Corse). BOUVET (Georges), docteur en droit, 20, rue d^ Beauvau, Versailles. BRETON (Louis), inspecteurdes Eaux et Forêts, 3, rue Félix-Poulat, Grenoble. BRETON BONNARD (Lucien), pubUciste, villa Bonr.e-Espérance, Renan- court-lès-Amiei.s (Somme). BRION (Emmanuel), maire, secrétaire de la Chambre syndicale des Marchands de bois de la Seine-Inférieure et de l'Eure, Sai;it-Saë;:S (Seine-Inférieure). BRIOT (Augustin), professeur, 60 bis, avenue de Breteuil, Paris. BROUSSAIS (Ivan), avocat à la Cour, 3, place de Rivoli, Paris. BROUSSAIS (Mme) (membre associé). BROUSSB (Emmanuel). Voir Club touriste du Canigou. BRUAND (Léon-Louis-Joseph-Victor), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 11 bis, rue de la Planche, Paris. BUFFAULT (Pierre), inspecteur des Eaux et Forêts, Périgueux. BUISSON (François-Émile-Victor), conservateur des Eaux et Forêts, Pau. BUNODIÈRE d'ESMALLEVILLE (Marquis de la), inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, Lyons-la-Forêt (Eure). BURIN des ROZIERS, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Moulins. BUXAREO ORIBE (Félix), secrétaire honoraire de la Légation de l'Uruguay, 17, rue d'Astorg, Paris. CABLAN, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Bourmont (Haute-Marne). CACCIA (Mme), Oxford (Angleterre) [inembre associé). CAMUS (Paul), propriétaire, 13, boulevard Péreire, Paris. CAMUS (Paul), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Montargis. — 16 ~ INTERNATIONAL 1913 CANNON (David), propriétaire aux Vaux, membre de la Société nationale d'Agriculture, la Ferté-Imbault (Loir-et-Cher). CARBONNIER (Henrick). Voir Société forestière suédoise. CARDE (Paul), ingénieur, 33, quai de Queyries, Bordeaux. GAREZ (Léon), 18, rue Hamelin, Paris. GARRAZ (Benjamin), château Miqui, près Saint-Claude. CARRÉ (Etienne), négociant en bois, 128, rue de Paris, Clamart. CAUBERT (Jules), propriétaire, 49, avenue Victor-Hugo, Paris. CERISE (Baron Guillaume), président du Comité des Intérêts généraux de V Assurance Incendie; directeur de la Compagnie d'assurances U Union- Incendie, 9, place Vendôme, Paris. CERQUEIRA MACHADO (Jean Maria), ingénieur forestier. Ponte da Barca (Portugal). CHABRAND (Armand), ancien bâtonnier de l'Ordre des Avocats, président du Syndicat d'Initiative de Grenoble et du Dauphiné, 5, rue de la Liberté, Grenoble. GHAMBEAU (Henri), inspecteur des Eaux et Forêts, Oloron. CHAMBON (Gustave-Êtienne-Désiré), avoué honoraire, 2, rue Villaret- de-Joyeuse, Paris. CHAMBRE DE COMMERCE DE CARCASSONNE, représentée par M. NICO- LEAU (Paulin), Carcassonne. CHAMBRE DE COMMERCE DE CHAMBÉRY. CHAMBRE DE COMMERCE DE LYON, représentée par son président M. COIGXET. CHAMBRE DE COMMERCE DE MELUN. CHAMBRE DE COMMERCE DE NEVERS, représentée par M. VAGNE. CHAMBRE DE COMMERCE D'ORLÉANS, représentée par M. LETURQUE, CHAMBRE DE COMMERCE DE PARIS. CHAMBRE DE COIVIMERCE DE ROUEN. CHAMBRE SYNDICALE DES FABRICANTS DE PARQUET CHÊNE, 163, rue Saint-Honoré, Paris, représentée par M. BONNICHON (Louis), son vice-président. CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE DES BOIS DE LYON ET DE LA RÉGION, 72, rue Pierre-Corneille, Lyon. GHANTREAU (Francis), secrétaire de la Chambre syndicale des Bois de sciage et d'industrie, négociant en bois, 24, rue Beccaria, Paris. CHARPENAY (Georges), banquier, 26, rue du Lycée, Grenoble. CHxATELAIN (Louis), inspecteur des Eaux et Forêts, Laon. CHATELET (Jules), vice-président de la Communauté des Bois à œuvrer, 72, quai de la Râpée, Paris. CHATELET (André), 72, quai de la Râpée, Paris {membre associé). GHAUDEY, inspecteur des Eaux et Forêts, Lons-le-Saunier. CHAUMONNOT (Henri), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Senlis. CHEVALIER (Pol). Voir Syndicat d'initiative de Tourisme de Bar-le-Duc. CHEVALLIER (Raymond). Voir Société d'Agriculture de Compiègne. CLAUDE (Joseph-François-René), ingénieur des Arts et Manufactures, 49, avenue de la Garenne, Nancy. CLAUDOT, inspecteur des Eaux et Forêts, Mirecourt. — 17 — CONGRES FORESTIER CLERMONT (Raoul de), avocat àla Cour d'appel, 10,ruederUniversité, Paris. CLOAREC (Paul-Jean-Armand-Marie), membre du Comité de Tourisme Nautique du T. C. F., 28, rue de Ponthieu, Paris. CLUB TOURISTE DU CANIGOU, rue de la Poste, Perpignan, représenté par M. BROUSSE (Emmanuel), député. COCHON (Jules-François), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 5, avenue du Comté-Vert, Chambéry. GODORNIU (Ricardo), inspecteur général de Montes, Madrid. COGNAT (François), carboaisateur de bois, Saiut-Rambert-d'Albon (Drôme). COGNAT (Alexis), (membre associé). COIGNET. Voir Chambre de Commerce de Lyon. COINCY (Henri de), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, 7, rue d'Astorg, Toulouse. COLIN (Ernest), agent de change, 6, rue Danton, Paris. COLIN (Henry), Bulgnéville (Vosges). COLMET d'AAGE. Voir Société des Agriculteurs de France. COMBELÉRAN (Gaston), secrétaire général du Syndicat d'Initiative de Carcassonne et de VAude, 15, rue de la Gare, Carcassonne. COMICE AGRICOLE ET VITICOLE D'AUXERRE, représenté par son président, M. BARREY, avocat. COMICE AGRICOLE DE PHILIPPEVILLE. COMITÉ CENTRAL AGRICOLE DE LA SOLOGNE, Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), représenté par M. DENIZET, secrétaire-général. COMITÉ DÉPARTEMENTAL DES SITES ET MONUMENTS PITTO- RESQUES DU PUY-DE-DOxME, (T. C. F.), Clermont-Ferrand. COMITÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE DE L'INDO-CHINE, 7, rue des Italiens, Paris, représenté par M. BLONDEL. COMITÉ D'INITIATIVE DE DUNKERQUE ET MALO-LES-BAINS, 42 bis, rue de l'Église, Dunkerque. COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES SITES ET MONUMENTS NATURELS DE CARACTÈRE ARTISTIQUE des Basses-Pyrénées représentée par M. HOERTER, conseiller de Préfecture, Pau. COMTE (Ernest), industriel, Bar-sur-Aube. COMTE (Jules-Félix), inspecteur des Eaux et Forêts, Rennes. CONSTANT (Docteur), villa Marie-Louise, Vittel (Vosges). CORMIER, directeur de la Société française de Tranchage des Bois, 16, pas- sage Charles-Dallery, Paris. CORNEFERT, inspecteur des Eaux et Forêts, Saint-Dié. CORNET (Charles-François), bois en gros, Sellières (Jura). COSTA (D^^ Arthur), membre de la Société Nationale d* Agriculture de Rio de Janeiro, 50, rue des Mathurins, Paris. COSTAZ, ingénieur agricole, membre du Comité d'Administration du Syndicat agricole de la Haute-Savoie, place aux Bois, Annecy. GOSTE (Gustave), président du Syndicat Forestier du Midi, 7, rue des Frères- Mineurs, Nîmes. COULET (Paul), avocat à la Cour d'appel, 5, rue Grefîulhe, Paris. COULON (Jean-Pierre-Maurice), garde général des Eaux et Forêts, Ver- sailles. — 18 — INTERNATIONAL 1913 • GREUZÉ DE LESSER (Edouard), propriétaire, 12, rue Volney, Paris. CUIF (Emile), inspecteur des Eaux et Forêts, attaché à la Station de recher- ches et expériences de l'École nationale des Eaux et Forêts, 49, rue Sigis- bert-Adam, Nancy. GUSSAG (Joseph de), conservateur des Eaux et Forêts, Amiens. DAMONGEOT (Alfred), géomètre forestier, 5, rue Millotet, Dijon. DANLOUX-DUMESNILS (Marie-Paul-Roger), ingénieur civil, 15, rue d'Astorg, Paris. DANNIN. Voir Société Nationale d^ acclimatation de France. Da RIOS, sous-inspecteur forestier, Salerno (Italie). DEGAUVILLE (Paul), ingénieur, ancien sénateur, à Port-Toutevoye-Gou- vieux (Oise). DEGENCIÈVE FERRANDIÈRE (Jean-Félix), 7, rue du Pré-aux-Clercs, Paris. DECROGK. Voir Société forestière provençale de chêne. DEBET (Gaston), directeur des Minesde fer, à Wassy (Haute-Marne). DELAHAYE, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, docteur eu droit, Les Sables-d'Olonne. DELASSASSEIGNE (Léon), ancien inspecteur des Eaux et Forêts, 9, rue du Réservoir, Bordeaux. DELASSASSEIGNE (Mme) [membre associé). DELAVAIVRE (Henri), conservateur des Eaux et Forêts, directeur de l'École des Barres, Nogent-sur-Vernisson (Loiret). Del GAMPO (Francisco), ingénieur, 182, quai d'Auteuil, Paris. DELICOURT (Emile), négociant en bois, président du Syndicat des Mar- chands de bois de V arrondissement de Compiègne, Compiègue. DELPEGH (Gharles-Raymond), président du Gonseil d'Administration du Syndicat Forestier de France, 4, rue de Lille, Paris. DELPEGH (Jean), administrateur-délégué de VEst Asiatique Français^ 3, rue Vignon, Paris. DELVILLE. Voir Touring-Club de Belgique. DEMORLx\INE, inspecteur des Eaux et Forêts, professeur à l'Institut natio- nal agronomique, Gompiègiie. DENIZET. Voir Comité central agricole de la Sologne. DEROYE, conservateur des Eaux et Forêts, docteur eu droit, Nancy. DERQUE, agent forestier des Manufactures des glaces et produits chimicpies de Saint-Gobain, Girey-sur-Vezouze (Aisne). DESLANDRES, ministre plénipotentiaire, 28, cpiai du Louvre, Paris. \ DESPATYS (Baron), 4, rue Sainte-Sophie, Versailles. DESWERT (Joseph), commerce de bois, 37 bis, rue de Montreuil, Paris. DETHAN (Georges), trésorier de la Société Nationale d'Encouragement à V Agriculture, 16, rue Stanislas, Paris. DÉTRIGHÉ (Gharles), horticulteur, 123, route des Ponts-de-Gé, Angers. DEVARENNES (E.), inspecteur des Eaux et Forêts, 26, rue Gharles-Nodier, Besançon. DOÉ, inspecteur des Eaux et Forêts, Épernay. DOLE, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, secrétaire de la Section d'Annecy de la Société Forestière française des Amis des frères, avenue de Ghambéry, Annecy. — 10 — CONGRES FORESTIER DOMENGET (Louis), président du Club des Sports d'Hiver, 3 place Carnot, Aix-les-Bains. DORIZON (Louis), vice-président de la Société Générale, 48, rue Ampère, Paris. DOUET DE GRAVILLE (Comte du), membre du Comité de Tourisme Hippi- que du T. G. F., 85, avenue Victor-Hugo, Paris. DUBOURG (Henri), 28, rue Charles-Nodier, Besançon. DUCAMP (Gaston-Roger), conservateur des Eaux et Forêts, chef du service forestier de l'Indo-Chine en congé, Lascours (Gard). DUCHEMIN (René), ingénieur chimiste, secrétaire de V Union syndicale des Usines de Carbonisation des Bois de France, 6, rue Chanoinesse, Paris. DUCHIRON, secrétaire de la Chambre syndicale des Bois des Iles et d'Ebé- nisterie, 14, passage Gatbois, Paris. DUFAURE (Charles), propriétaire, 9, rue Jean-Goujon, Paris. DUFAY (Jules), notaire, trésorier de la Société Forestière de Franche-Comté et Belfort, Baume-les-Dames (Doubs), DUMESNIL, notaire honoraire, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du T. C. F., 47, avenue de l'Aima, Paris. DUPARC (Emile), géomètre, vice-président de la Section d'Annecy de la Société Forestière française des Amis des Arbres, 10, rue Royale, Annecy. DUPLAQUET (Charles), conservateur des Eaux et Forêts, administrateur du domaine de Chantilly (Oise). DUPONT (Charles), 182, faubourg Saint-Honoré, Paris. DUPONT (Paulin), régisseur, Bourg-Fidèle (Ardennes). DUPRÉ LA TOUR (Laurent), inspecteur des Eaux et Forêts, 2, rue Duplâa, Pau. DUPUICH (Paul), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel, membre du Comité de Contentieux du Touring-Club, 20, rue Chauchat, Paris. DUPUY (Charles). Voir Société Centrale des Architectes. DURAND (Eugène), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 6, rue du Cheval-Blanc, Montpellier. DURAND (Alexandre), Voir Syndicat d'initiative de Rambouillet. DURAS-CHASTELLUX (Marquis de), 10, boulevard du Montparnasse, Paris. DUVERGIER de HAURANNE (Edouard-Prosper-Emmanuel), président de la Société d' Agriculture du Cher, château d'Herry (Cher). ECKLEY LECHMERE, docteur de l'Université de Paris, attaché au Labo- ratoire botanique du Collège Royal de sciences, South Kensington, Londres. EGROT (Alfred), administrateur de la Société Anonyme des Établissements Egrot, membre du Conseil supérieur de l'Agriculture, 23, rue Mathis, Paris. ELLIE (Joseph), garde général des Eaux et Forêts, Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes). EMERY, inspecteur des Eaux et Forêts, chef de Section à la Direction géné- rale, 80, rue de Varennes, Paris. ENCAUSSE de LABATUT (Baron d'), 4, allée Saint-Étienne, Toulouse. ESPEUILLES (Comte d'), 5 bis, rue de Berri, Paris. EVE (Alphonse). Voir Union syndicale des marchands de bois de Seine-et-Oise. EYMIEU (Michel), Villa « la Terrasse », rue de la Butte, Blois. FABRE (L.), inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, Dijon. — 20 — INTERNATIONAL 1913 FELTZ (Paul), ancien notaire, Luxeuil (Haute-Saône). FERNOW (B. E.), Dean Faculty of Forestry University oj Toronto, member Commission of Conservation, Université de Toronto, Canada. FERNOW (Mme B.-E.) [membre associé). FERRAND (Charles), ingénieur en chef de la Marine en retraite, 48, rue de Grenelle, Paris. FERRE AU D (Mme Ci.) [membre associé). FERRASSE (Pal'I-Émile), négociant en bois, Courtenay (Loiret). FERTRE (Georges), négociant en bois, 103, rue de Charenton, Paris. FLOURY, éditeur, 83, rue de la Victoire, Paris. FOCQUET (Pierre), docteur en droit, notaire, sénateur, membre du Conseil supérieur des Forêts de Belgique, Romedenne-Surice (Belgique). FORDOXEL, Loaguyon (Meurthe-et-Moselle). FORGET, conservateur des Eaux et Forêts, Bar-le-Duc. FORTIER (Emmanuel-Louis-Honoré), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 46, rue de Verneuil, Paris. FORTUNET (Jean-Marcel), inspecteur des Eaux et Forêts, Nevers. FOURTIER-MARGUET, fabricant de placages, 21, rue des Charbonniers, Paris. FOUSSÉ (Paul), propriétaire, 4, square du Roule, Paris. FRÉDÉRIC-MOREAU (Luciex-Paul), ingénieur des Arts et Manufactures, 83, avenue MalakolT, Paris. FREDET (Henri), industriel, 1 bis, boulevard des Italiens, Paris. FRQN (Louis-Albert), inspecteur des Eaux et Forêts, Besançon. FRON (G.), maître des Conférences à l'Institut national Agronomique, 16, rue Claude-Bernard, Paris. FRUCHARD (Gaston-Henri), ingénieur des Arts et Manufactures, 2, ave- nue Alphaiid, Paris. GABIAT (Camille), ancien député, conseiller général de la Haute-Vienne, maire de Saint-Sulpice-les-Feuilles (Haute-Vienne). GABIAT (Mme) [membre associé). GAIL (de), ancien conservateur des Eaux et Forêts, 127, rue de Toul, à Nancy. GAILLARD (Achille), industriel forestier, président de la Chambre de commerce, Béziers. GALL (Henry), administrateur-délégué de la Société d^ Electro-Chimie, 2, rue Blanche, Paris. GAGNEUR (Désiré), avoué, Dôle. GAGNEUR (Mme) [membre associé). GALLICE (Georges), ingé.iieur, 1, rue Basse-de-la-Terrasse, Bellevue (Seine- et-Oise). GANTOIS, [Société des Etablissements Joseph), Saint-Dié (Vosges). GARDE SAINT-ANGEL (Marquis Thibaut de la), président du Syndicat Forestier de Varrondissonent de Nontron, Saint-Angel par Nontron ( Dordogne). GARDIER, trésorier de la Section d'Annecy de la Société Forestière française des Amis des Arbres, Annecy. GASSELIN, colonel, 13, rue de Paris, le Mans. GAVOTY (Raymond), président de VUnion des Syndicats Agricoles des Alpes et de Provence, 30, rue de Lubeck, Paris. — 21 — CONGRES FORESTIER GAY (Albert), maire du Vigan, membre du Conseil général du Gard. GAZEAU (Ernest), président du Syndicat Forestier de Touraine et départe- ments limitrophes, 12, avenue Grammont, Tours. GAZIN (Auguste), ancien inspecteur des Eaux et Forêts, administrateur des Forêts de la Maison d'Orléans, Arc-en-Barrois (Haute-Marne). GEISSER (Alberto), 33 Via dell' Arsenale, Turin (Italie). GELIN (Maurice-Alfred), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Abbeville. GÉNEAU, conservateur des Eaux et Forêts, 6, rue Coëtlogon, Paris. GÉRARD (Victor), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 33, quai Voltaire, Paris. GERMAIN (Léon), président du Tribunal civil, Yssingeaux (Haute-Loire). GIBER.T, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, 9, rue Bassano, Paris. GILLES DEPERRIÈRE (Emile), conseiller d'arrondissement, président du Comité départemental des Sites et Monuments pittoresques du T. C. F., 4, rue Talot, Angers. GILLET (Charles), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 5, avenue de la Pajaudière, Nantes. GIRARD (J. M.), directeur des travaux de V Association centrale pour V Amé- nagement des Montagnes, 142, rue de Pessac, Bordeaux. GIRAUD (André), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, 80, rue de Varenne, Paris. GIROD-GENET, inspecteur des Eaux et Forêts, Ajaccio. GODRiON (Alexandre-Henri), ingénieur des Ponts et Chaussées, 73, rue Crevier, Rouen. GORODIGHE (Léon), docteur, 11, avenue d'Iéna, Paris. GOUGET (Gaston), notaire honoraire, propriétaire, membre de la Commis- sion des Pelouses et Forêts du Touring-Club, 74, rue Madame, Paris. GOUILLY (Paul), garde général des Eaux et Forêts, Rouen. GOURBAU (Gustave), rentier, 3, avenue Desambrois, Nice. GOUREAU (Mme) {membre associé). GRAFFIN (Roger-Louis-Marie), propriétaire forestier, château de Bel- val par Nouart (Ardennes). GRAFFIN (Xavier), 6, rue Albert-Maignan, le Mans. GRANCEY (Comte Charles de), propriétaire, 17, rue Vernet, Paris. GRiVND. Voir Société à' Agriculture du département de la Gironde. GRAND D'ESNON (Gaston), domaine de Vaudepart, Payns (Aube). GRANDJEAN (Charles), inspecteur des Eaux et Forêts, 232, boulevard de Gaudéran, Bordeaux. GRANGER (André-Francis-Henri), inspecteur des Eaux et Forêts, Ram- bouillet. GRANCtIÉ (Pierre-Paul-Eugène), secrétaire général du Syndicat d'Ini- tiative de Cahors et du Quercy, Cahors. GRÉA (Pierre), propriétaire, Rotalier, par Vincelles (Jura). GRIMAL, inspecteur des Eaux et Forêts, Chambéiy. GRISON (Théodore), ingénieur des Arts et Manufactures, 15 bis, rue de Sébastopol, Tours. GRIVART de KERSTRAT, conservateur des Eaux et Forêts, Moulins. GUENYVEAU (Comte de), officier de cavalerie, 103, rue La Boëtie, Paris. — 22 — INTERNATIONAL 1913 GUÉRARD (Charles), professeur, Seattle (Wash.). GUILLEMIN (Auguste), inspecteur d'assurances, 34, rue Ernest-Renan, Besançon. GUILLOT (Maurice), ingénieur agriculteur, PanissotSaint-Caprais (Gironde). GUILLOU (Henri), négociant en bois de sciage, 72, boulevard Barbes, Paris. GUINIER, inspecteur des Eaux et Forêts, professeur de botanique à l'École nationale des Eaux et Forêts, Nancy. GUYOT (Joseph), ingénieur en chef di's Ponts et Chaussés, Besançon. GUYOT (Raoul), marchand de bois, 180, rue Lafayette, Paris. HATT, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Épinal. HENRIQUET, inspecteur des Eaux et Forêts, Sedan. HENRY (Jules), architecte, 89, boulevard Exelmans, Paris. HERRGOTT (Paul-Marie), sous-préfet, Toul. HERMANS (Edmond). Voir Ponts et Chaussées et Pépinière de VEtat Belge. HIRSCH (Paul), inspecteur des Eaux et Forêts, 18, rue de Labordère, Neuilly- sur-Seine. HIRSCHAUER (Louis), garde général des Eaux et Forêts, Saulieu (Côte- d'Or). HIVERT (Alfred), propriétaire, 8, rue Blanche, Paris. HŒRTER. Voir Commission départementale des Sites et Monuments naturels de caractère artistique des Basses- Pyrénées. HOLUB. Voir Association Jednota Ceokych Lesniku zoni Koruny Cèské. HOREAU (Rémy), directeur de la Société anonyme des Produits chimiques, Chimay (Belgique). HUBAULT (Etienne), garde général des Eaux et F'orêts, Chambéry (Savoie). HUDAULT (André-Marie-Joseph), garde général des Eaux et Forêts, Raon -l'Étape (Vosges). HUET (Auguste), 5, rue Bara, Paris. HUGUET (André), docteur en droit, 21, rue Gay-Lussac, Paris. HULIN, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Grenoble. HUMBERT et ROSSIGNOL, marchands de bois, 62, rue de Gléry, Paris. HURAULT de VIBRAYE (Marquis), propriétaire, 32, cours la Reine, Paris. HURAULT DE VIBRAYE -(Vicomte), général de brigade du cadre de réserve, 42, avenue de la Bourdonnais, Paris. HUSBERG (Karl-Sigfrid), gouverneur de la province d'Afîsborg, président de V Association pour la protection des Forêts de VOuest de la Suède, Wenersborg (Suède). HUTCHINS (David-Ernest), « chief Gonservator of forests» en retraite, Medo House, Cobham, Kent (Angleterre). HUYARD (René-Alcide), marchand de bois, président du Syndicat des Marchands de bois de VAube, Brienne-le-Chàteau. IMBART DE la tour (Comte). Voir Société des Agriculteurs de France. IMBERT (Iwan), membre du Comité de Tourisme en Montagne du Touring- Club, Ramonchamp (Vosges). IRISH FORESTRY SOCIETY, représentée par M. le marquis Mac SWINEY DE MASHANAGLASS, 8, rue Edouard-Fournier, Paris, et par M. le capi- taine R. F. LOMBARD, 9 Corrig Avenue, Kingstown, C« Dublin. JAGERSCHMIDT, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Rambouillet. — 23 — ' CONGRES FORESTIER JANNIARD (Victor), gérant d'immeubles, 153, boulevard Malesherbes, Paris. JANZÉ (Vicomte Edouard de), 9, place des Ternes, Paris. JAUFFRET, inspecteur des Eaux et Forêts, Bar-sur-Seine. JOBEZ (Henri), ingénieur civil des Mines, Pont-de-Poitte (Jura). JOLAIN (Joseph), avocat, 3, rue des Saintes-Mariés, Blois. JOLLY, inspecteur des Eaux et Forêts, Troyes. JOLY (Henri), conservateur des Eaux et Forêts, Grenoble. JOLYET, inspecteur des Eaux et Forêts, détaché à la Station de recherches et d'expériences de l'École nationale des Eaux et Forêts, Nancy. JOUBERT (Léon), garde général des Eaux et Forêts, Pont-Saint-Esprit (Gard). JOUSSET, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, rédacteur à la direction générale, 80, rue de Varenne, Paris. KALKER (André), 8, avenue des Ternes, Paris. KIRWAN (Gharles-Jean-Joseph de), inspecteur des Forêts en retraite, chalet Dalmassière, par Voiron (Isère). KORN (Henry), garde général des Eaux et Forêts, Pithiviers. KREITMANN (Louis-Jules), garde général des Eaux et Forêts en disponi- bilité, 6, rue de l'Athénée, Genève. LABORDERIE (Jean), maire, Marnes (Seine-et-Oise). LACOURTE (Jules-Alfred), conseiller du Commerce extérieur de la France, 8, rue Euler, Paris. LADAM (Ovide), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, la Feuillie (S.-Inf.). LAFARGUE (Sylvain-Elie-René), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 68 his. Route Basse de Paris, Blois. LAFOND (André), inspecteur des Eaux et Forêts, Limoges. LAHAUSSOIS (Charles-Émile-Théodore), avocat, président des « Natu- ralistes Parisiens », 2, rue de la Planche, Paris. LALLEMAND (Eugène). Voir Syndicat des propriétaires de Forêts de chênes- liège d\4lgérie. LANDANWERS COOPERATIVE FORESTRY SOCIETY OF SCOTLAND, 33, queen Street, Edimbourg, représentée par M. SCOTT-ELLIOT, son vice-président. LAPORTE BISQUIT (Edouard), maire de Jarnac (Charente). LARNAUDE (Ferdinand), professeur à la Faculté de droit de Paris, 92, boulevard Maillot, Neuilly-sur-Seine. LARROQUETTE (Albert-Jacques), professeur agrégé d'histoire au Lycée de Mont-de-Marsan. LARTILLEY (Henri), négociant en bois, Estravaux près Fresnes-Saint- Mamès (Haute-Saône). LARUE (Pierre), ingénieur-agronome, 2, place du Chapitre, Saint-Dié. LASCOUX (Antoine), ingénieur-agronome 15, rue de Grenelle, Paris. LAVAL (André), exploitant de bois de pin, scieries mécaniques, 71, avenue d'Antin, Paris. LAVAL (Jean), propriétaire, Nohanent par Durtol, (Puy-de-Dôme). LAYRE (Baron de), propriétaire, 8, rue de la Baume, Paris. Le BEC (D'' Edouard), chirurgien de l'hôpital Saint-Joseph, 26, rue de Grenelle, Paris. — 24 — INTERNATIONAL 1913 Le BREGQ (René), propriétaire, Praslins, par Nogent-sur-Vernisson (Loiret). LECOQ (Jules). Voir Touring-Club de Belgique. LEGOQ (Mme), Bruxelles (niembre associé). LEDDET, conservateur des Eaux et Forêts, chef de bureau à la Direction générale, 80, rue de Varenne, Paris. LEFÉBURE (Amédée-Albert), marchand de bois, 9, boulevard du Calvaire, Neufchâtel-en-Bray (Seine-Inférieure). LEGRAND (Ad.), 12, place Nationale, Gournay-en-Bray (Seine- Inférieure). LEGUY (René), expert en immeubles, 18, rue d'Hauteville, le Mans. LEGUY (Mme) (membre associé). LEJOUR (Henri-Louis-Marie-Joseph), instituteur, Nogent -sur- Marne (Seine). LEMAITRE (Lucien), administrateur délégué de la Société anonyme des Usines de Champion et de la Société Corse pour le traitement des bois, Bastia. Le MIRE (Paul), château de Mirevent, par Pont-de-Poitte (Jura). Le MIRE, 39, avenue de Breteuil, Paris [membre associé). Le PÈRE (Jacques), inspecteur des Eaux et Forêts, Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). LEROY-MOULIN (Jules), négociant, Ferrières, près Goiirnay-en-Bray (Seine-Inférieure). LESGOUZÈRES (Gaston), industriel. Roquefort (Landes). LESCOUZÈRES (Mme) [membre associé). LESGURE (Jean), propriétaire, Selongey (Gôte d'Or). LESSEUX (Comte de), 95, boulevard Malesherbes, Paris. LESTRANGE (Baron Hubert de), 92, avenue des Champs-Elysées, Paris. Le TELLIER, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 33, rue Alphonse- de-Neuville, Paris. LETURQUE (Paul). Voir Chambre de Commerce d'Orléans. LIÈVRE (Adrien), trésorier de la Chambre syndicale des Bois dj sciage et d'industrie, 56, quai de la Râpée, Paris. LIÈVRE (Hector), marchand de bois, 65, quai de la Gare, Paris. LIÈVRE (Pierre), membre de la Chambre syndicale des bois de sciage et d'industrie, 56, quai de la Râpée, Paris. LIGNOT (André), docteur en droit, maire de Nettancourt (Meuse). LIGUE DU REBOISEMENT DE L'ALGÉRIE, 25, rue d'Isly, Alger. LIGUE FRANÇAISE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, 33, rue de Buffon, Paris, représentée par M. MICHAUD, garde général des Eaux et Forêts. LILLO SANZ (José), ingénieur de Montes, 8, Almagro, Madrid. LINNEAN SOCIETY, représentée par Sir William SCHLIGH, 29, Banbury Road, Oxford (Angleterre). LIPPENS (Raymond), membre du Conseil supérieur des Forêts de Belgique, 23, rue de Flandre, Gand. LIRMAN. Voir Ville de Paris. LOMBARD. (Capitaine). Voir Irish Forestry Society. LONGUEVILLE (Edouard de), inspecteur des Eaux et Forêts, 14, rue de Tournon, Paris. 25 CONGRES FORESTIER LORIN DE REURE (Jean), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, la Tronche (Isère). LOTH (André), négociant et importateur de bois, 60, avenue Daumesail,^ Paris. LOUVEL (M. -F. -G.), garde général des Eaux et Forêts, Tananarive. LOUVET (Jean-Eugène), marchand de bois, 25, quai d'Austerlitz,. Paris. LOYEZ (Gabriel), avocat, Vesoul. LUZARCHE d'AZAY (Alfred), propriétaire forestier, 3, Square de Messine, Paris. Mac SWINEY (Marquis). Voir Irish Forestry Society. MADARIAGA Y CASADO (Juan-Angel), ingénieur forestier, chef de la Division hydrologique forestière du Tajo, San Mateo, 11, Madrid. MADELIN, inspecteur des Eaux et Forêts, docteur en droit, chef de section à la Direction générale, 80, rue de Varenne, Paris. MAIGE (Henry), propriétaire, Montagnole-sur-Chambéry (Savoie^. MAIGE (Mme) {membre associé). MAITRE, ingénieur des Mines, Morvillars, Territoire de Belfort. MALEISSYE-MELUN (Comte de), capitaine de cavalerie, 134, rue de Gre- nelle, Paris. MALET (Marquis de), colonel d'artillerie en retraite, propriétaire, 59, rue de Varenne, Paris. MALET (Robert), négociant et propriétaire, 14, rue Jean-Jacques-Rousseau, Bordeaux. MANDEE (Philippe), marchand de bois, 34, quai d'Ivry, Ivry-Port. MANGIN, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Chantilly (Oise). MARCEL (Jules), conseiller du Commerce extérieur, négociant en bois de France et des colonies, 161, avenue Malakofî, Paris. MARCHAL (Charles-Francis), ancien député d'Alger, 34, rue Jouffroy, Paris. MARCIGUEY, docteur en médecine, 92, avenue Victor-Hugo, Paris. MARCILLAC (Paul), retraité, villa Pervenche, MontéHmar. MARCILLAG (Mme) [membre associé). MARGAINE, inspecteur des Eaux et Forêts, vice-président de V Union des Syndicats agticoles, horticoles et çiticoles de la Marne, Sainte-Menehould. MARTIN (André), agriculteur, la Tricherie (Vienne). MARTIN (Edouard), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, 10, rue Dau- bigny, Paris. MARTIN (Jean), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 80, rue de Varenne, Paris. MARTIN (Paul), secrétaire général de la Section Lorraine de la Société Forestière française des Amis des Arbres, place de la République, Toul. MASSE (Pierre), avocat à la Cour, 97, avenue Victor-Hugo, Paris. MASSOT. Voir Société forestière provençale « Le Chêne ». MASUREL-BARATTE (Edmond), président de la Société Industrielle, 63 bis, rue Nationale, Tourcoing. MASUREL (Mme) (membre associé). MATUSSIÈRE (Louis), fabricant de papier, Fourneaux-Modane (Savoie). MAZET (Albert), propriétaire, Saint-Sulpice-le-Donzeil (Creuse). — 26 — INTERNATIONAL 1913 MENDES, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 31, rue Croix-Nivert, Paris. MENDES d'ALMEIDA (Mme), Lisbonne {membre associé). MENGET (Paul-Victor), propriétaire forestier et foncier, 16, rue Beizunce, Paris. MENTQUE (Robert de), chef de division à la Compagnie le Soleil Incendie, 44, rue de Châteaudun, Paris. MERMET, docteur, 5, rue du Puits-Salé, Lons-le -Saunier. MERODE (Comte Hermann de), propriétaire, 28, rue Saint-Dominique, Paris. MESSEY (Comte Guillaume de), propriétaire, 1, rue Barbet-de-Jouy, Paris. MICHAUD. Voir Ligue Française pour la protection des oiseaux. MICHELEZ (Paul), notaire, 50, avenue de Wagram, Paris. MIGUET (Charles), secrétaire de la Chambre syndicale des Bois des Iles, 50, avenue Daumesnil, Paris. MILCENT (Louis), Vaux, par Poligny (Jura). MILLE (Charles), ingénieur des Arts et Manufactures, 36, rue Jiiiiette- Lamber, Paris. MILLISCHER (Jules), inspecteur des Eaux et Forêts, Vesoul. MONCHY (de), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 5, square La Tour- Maubourg, Paris. MONCHY (Fernand), négociant en bois, Albert (Somme). MONNIN (Marcel-Louis), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Dijon. MONTAGU (Comte de), château de Couches-les-Mines (Saône-et-Loire). MONTAGU (Mlle de), 21, rue Pierre-Sauvage, Abbeville. MONTGOLFIER (Charles-Antoine de), industriel, Mauvent (Ardèche). MONTMORENCY-MORRÈS (Hervey de). Voir Syndicat des propriétaires de Forêts de chênes-liège d'Algérie. MOREL (Julien-Marc), ingénieur forestier, 10, avenue de la Raonde, Lau- sanne (Suisse). MOREL-HERCULE. Voir Société nationale d'' acclimatation de France. MORINERIE (Armand-Arthur de la), président honoraire de la Chambre de commerce, 43, rue .Libergier, Reims. MORINERIE (Mme de La) [membre associé). MOTARD (Eugène), villa « Mon Désir», Cancade-Nice (Alpes-Maritimes). MOTARD (Adolphe), Clion-sur-Indre (Indre) [membre associé). MOTTE-SAINT-PIERRE (Bernard de la), propriétaire, château de Mont- poupon (Indre-et-Loire), MOUGIN, conservateur des Eaux et Forêts, Valence (Drôme). MOUGIN (Marcel), 102, rue Erlanger, Paris. MOYAT (Lucien), propriétaire, Château-Thierry (A'sne). MURET (Louis), propriétaire sylviculteur, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club, 4, place du Théâtre-Français, Paris, MUTBAU (Henri), sous-directeur honoraire , au Ministère de la Guerre, 166, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris. NAZELLE (Marquis Erhard-Henri de), ancien officier, château de Gui- gnicourt (Aisne). NAVARRO DE ANDRADE (EDMUNDo),chef du Service Forestier du Brésil Caixa 1322, Sao Paulo (Brésil). — 27 — CONGRES FORESTIER NEDERLANDSCHE HEIDEMAATSCHAPPIJ, Nieuwegracht, 94, Utrecht (Hollande), représenté par M. Van LONKHUYZEN, directeur. NÈGRE (Max), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Montpellier. NIGODÈME (Abel), commissaire de la Marine, 20, rue Lafayette, Versailles ( membre associé ] . NIGOLEAU (Paulin). Voir Chambre de Commerce de Carcassonne. NIGOLEAU (Louis), secrétaire général du Centre de tourisme de l'Aude et du Canigou, Quillan (Aude) [membre associé). NOAILLES, pépiniériste, Laignes (Côte d'or). NOËL (Paul-Hubert), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Longuyon ( Meurthe-et-Moselle ) . NORERO (Henri), secrétaire général de la Société d'Horticulture, proprié- taire, 1, rue des Granges, Montmorency (Seine-et-Oise). NOTTIN (Ernest), notaire, 23, rue Danjou, Paris. NOUGUIER (Gharles), propriétaire agriculteur, la Vallée, par Château- Renard (Loiret). OFFICE NATIONAL DU TOURISME, 1, avenue d'Iéna, Paris, représenté par M. LORIEUX (Edmond), ingéaieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur. ORLYE (Marie-Philibert d'), maire de Menthon, président de la Section d'Annecy de la Société Forestière française des Amis des Arbres, 10, rue Royale, Annecy. ORMESSON (Comte Olivier d'), ambassadeur de France, ancien préfet, 7, rue Lamennais, Paris. OTIN (Pierre). Voir Société de Crédit Foncier Rural de Roumanie. OUVRÉ (André), président d'honneur de la Chambre syndicale des Bois à brûler, ancien député, Chancepoix (Seine-et-Marne). PAGEOT (Gaston), propriétaire forestier, 205, faubourg Saint-Honoré, Paris. PALLIER (Léon-Ernest-André), membre du Conseil supérieur de l'Agri- culture, propriétaire forestier, viticulteur, 12, rue Gourt-de-Gébehn, Nîmes. PALLOT (Paul), notaire, 17, rue Guibal, Béziers. PALLOT (Mlle Thérèse) [membre associé). PARADIS (Henri), administrateur de la Société d'Exploitations forestières et d'imprégnation des bois, 26, rue du Rocher, Paris. PARENT (Henri), rentier, 14, avenue de la Grande-Armée, Paris. PARENT (Paul), négociant en bois, 37, quai de la Gare, Paris. PASCAL (Paul). Voir Union syndicale des Marchands de Bois de Seine-et-Oise. PAYRET, Perpignan. PEIFFER. Voir Syndicat d'initiative de Compiègne. PELET-HERMET, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, en disponibilité, Genolhac (Gard). PELLETIER de MARTRES (Auguste-Marie-Martial), 6, boulevard de Clichy, Paris. PERRIN (Henri), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 37, avenue Du- quesne, Paris. PERROCHE (Paul), maire d'Outines (Marne). PETITCOLLOT (Marie-Émile-André), garde général des Eaux et Forêts, Senones (Vosges). — 28 — INTERNATIONAL 1913 PETIT-JEAN, directeur du journal Bois et Charbons, 70, boulevard Beau- marchais, Paris. PETITON SAINT-MARD (Comte), inspecteur général des Eaux et Forêts en retraite, 1, rue François V'^, Paris. PHILIPPE (Alice), 101, boulevard Garl Vogt, Genève. PIERRAIN (Charles), négociant en bois, 36, rue Picpus, Paris. PIERRONNE (Modeste), ingénieur, 17, avenue de Madrid, Neuilly-sur- Seine. PIGOT (A.), ancien notaire, 15, rue Vavin, Paris. PINGUET-GUINDON, horticulteur, 21, avenue du Mans, la Tranchée-Tours, PINTIAU (Ernest), inspecteur des Eaux et Forêts, Lyons-la-Forêt (Eure). PIOT (Roger), expert-forestier, 52, boulevard Malesherbes, Paris. PLUMENAIL (Armand), président fondateur delà Société scolaire Forestière, Daglan (Dordogne). PLUNKETT (Comte Georges), directeur du Musée National d'Irlande, avocat, 26, Upper Fitzwilliam Street, Dublin. POISSON (Albert), maire de Rion, ancien conseiller général, château de Bellegarde, Rion-des-Landes. POISSON (Eugène), secrétaire de la Chambre syndicale des Bois de sciage et d'industrie, 63, rue d'Allemagne, Paris. POLAKO (Isaag), fabricant de tapis d'Orient, 125, rue du Ranelagh, Paris. POLAKO (Mme) (membre associé). PONTS ET CHAUSSÉES ET PÉPINIÈRES DE L'ÉTAT BELGE (Admi- nistration des), représentée par M. HERMANS (Edmond), conducteur des Ponts et Chaussées, Brée (Belgique). POUPARD (Ernest), inspecteur des Eaux et Forêts, Angoulème. POUPINEL (Gaston), propriétaire cultivateur, Mesnil-Saint-Arnoult (Seine- et-Oise). POUPINEL (Paul-Henri), négociant en bois, 37, quai de la Gare, Paris. POUSSARD (Léon), inspecteur des Eaux et Forêts, 15, avenue de Compiègne, Senlis. POUSSARD (Mme) [membre associé). PRAL (Régis), commerce de bois. Valence. PRÉ de SAINT-MAÛR (René du), ancien président du Syndical Forestier du Morvan, 53, avenue de Ségur, Paris. PRETREL. Voir Société internationale des Amis des Arbres de Tunisie. PROUTEAU (Raymond-Marie-Ferdinand), ingénieur des Arts et Manu- factures, 153, rue de Rennes, Paris. PRUD'HOMME (André), 32 bis, boulevard Haussmann, Paris. PL'TEAUX (Auguste), vice-président de la Chambre syndicale du sciage et du travail mécanique des bois, 42, rue Dunois, Paris. PUYO (Henri), notaire, 1, rue de Grassi, Bordeaux. RABOUILLE, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Valenciennes (Nord). RACHET (Georges), syndic de la Chambre syndicale des Bois de sciage et d'industrie, 32, avenue Philippe-Auguste, Paris. RAISIN (Victor), directeur de la Compagnie Industrielle des Alcools de l'Ardèche, 48, boulevard Haussmann, Paris. — 29 — CONGRES FORESTIER RAVENEAU (Louis), secrétaire de la rédaction des Annales de Géographie, 76, rue d'Assas, Paris. RAVERDEAU (Henri), propriétaire pépiniériste, domaine de Faverolles par Romilly-sur-Seine (Aube). REAULX (Marquis de), 81, rue de Grenelle, Paris. REGAL (José), ingénieur en chef du District forestier de Teruel (Espagne). RENARD (Paul), lieutenant-colonel du Génie, en retraite, ancien directeur du Parc aérostatique de Chalais-Meudon, président de la Société météoro- logique de France, 41, rue Madame, Paris. REXAULD (Léon). Voir Syndicat d"* initiative du Viverais. REVIERS (Vicomte Richard de), ancien officier, propriétaire, 50, rue Satory, Versailles. REY, inspecteur du Service de la Météorologie agricole, 27, rue Vaneau, Paris. REYXARD. Voir Société forestière des Amis des Arbres (section d'Auvergne). RICARD (Eugène), négociant, propriétaire de forêts, Nebias par Quillan (Aude). RIGHOUX (Eugène), président d'honneur de la Chambre syndicale du Com- merce des Bois de Lyon, 299, avenue de Saxe, Lyon. RIDER (William), directeur du Journal 'du Commerce des Bois, 24, cité Trévise, Paris. RIGOIGNE (Marcel-Auguste), inspecteur des Eaux et Forêts, Vouziers (Ardennes). RISAGHER (Marie-Stanislas), inspecteur des Eaux et Forêts, Chalon- sur-Saône. RIVÉ (André), garde général des Eaux et Forêts, Charolles (Saône-et-Loire). RIZIER (Edouard), membre du Bureau de la Chambre syndicale des Bois à brûler, 42, avenue de Breteuil, Paris. ROCHE, garde général des Eaux et Forêts, Lapierre, par Brosses (Yonne). ROCHE AYMOX^ (Comte Raoul de La), château de Saint- Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). ROCHEQUAIRIE (Marquis Daniel de), château de Purnon par Verrue (Vienne). ROÈSER (Pierre), ingénieur, Crécy-en-Brie (Seine-et-Marne). ROLLEY. Voir Association amicale des ingénieurs du Service des Améliorations agricoles. ROMILLAT (Maurice), attaché titulaire à la Chancellerie, 37, rue du Châ- teau, Asnières. RONSERAY (Comte Arnold de), directeur de la Compagnie VAigle- Incendie, 44, rue de Châteaudun, Paris. ROQUETTE-BUISSON (Comte de), 9, rue du Quatre-Septembre, Tarbes. ROTIVAL (Georges), membre de la Communauté des Bois à œuvrer, 40, ave- nue Ledru-Rolliii. Paris. ROUCY (Louis de), ancien conservateur des Eaux et Forêts, 6, rue des Huguenots, Épernay. ROULARD (Henry), président honoraire du Syndicat des Bois de la Meuse Aulnois, par Essommes-sur-Marne (Aisne). ROUSSEAU (Frédéric), 75, boulevard de Strasbourg, Paris. ROUSSELET (Louis), assureur conseil, 49, rue Berger, Paris, — 30 — mTERNATIONAL 1913 ROUSSELLE (Antoine), publiciste, 49, avenue MalakofT, Paris. ROUSSELOT (Edouard), inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, Noiron, par Pothières (Côte-d'Or). ROUSSET (Antonin), inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, rue Libre- Pensée, risle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). ROUVRAY (Georges de), inspecteur des Eaux et For.êts, Clermont-Ferrand. ROUX, garde général des Eaux et Forêts, Ville rs-Cotte rets (Aisne). ROUX (Félix-Simon), garde général des Eaux et Forêts, Orgelet (Jura). ROUX (Marie). Voir Syndicat d'' initiatjve de Rambouillet. ROUZÉ (de). Voir Syndicat forestier de V arrondissement de Château-Thierry. ROY (Alexandre), ancien inspecteur des Eaux et Forêts, Précy, par Livry (Nièvre). ROY (Edouard), président du Syndicat des Fabricants d'Extraits tanniques et- tinctoriaux de France, 28, rue de Châteaudun, Paris. ROYAL SCOTTISH ARBORIGULTURAL SOCIETY, 19, Castle Street, Edinburgh (Ecosse). ROZAN (Léonce), ingénieur civil des Mines, 34, rue de l'Arsenal, Marseille. RUDAULT (Louis), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Compiègne. SALABERRY (Comtesse de), {membre associé). SAINTE-CLAIRE DEVILLE (Georges), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 92, rue Le Merchier, Amiens. SAINTE-CLAIRE-DEVILLE. Voir Société entomologique de France. SAINT-SEINE (Marquis de), 4, me de Berri, Paris. SALVAT (Ferdinand), président du Centre de Tourisme de V Aude et du Canigou, Quillan (Aude). SALVAT, inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, 11, rue de la Sous-Inten- dance, Samt-Germain-en-Laye. SARTIAUX (Eugène-Henri), ingénieur, maire de Saint-Gobain, 48, rue de Dunkerque, Paris. SCHLIGH (William). Voir Linneam Society. SCHLICH (Mme), Oxford (Angleterre), [membre associé). SCHLŒSING (Henry-Edouard), 38, avenue Niel, Paris. SCH.EFFER, conservateur des Eaux et Forêts, Vesoul. SCHOTSMANS (Auguste), 9, boulevard Vauban, Lille. SCOTT-ELIOT. Voir Landawners Coopérative Forestry Society. SEBASTIEN (Paul-Louis), membre de la Chambre syndicale des Bois de sciage et dHndustrie, 7, rue Rataud, Paris. SEGONZAG (Baron de). Voir Société des Agriculteurs de France. SEGUIN (Adrien), négociant, rue aux Cordiers, Autun. SEIGNETTE (Adrien), inspecteur général honoraire de l'Instruction publique, directeur du Journal des Instituteurs, 1, rue Dante, Paris. SENARD, inspecteur des Eaux et Forêts, en retraite, Dôle (Jura). SENART (Henri), avoué honoraire, 16, rue d'Abbeville, Paris. SERRET (Antoine), professeur d'agriculture, Largentière. SERVICE GÉOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA CAROLINE DU NORD, DÉPARTEMENT DES FORÊTS, Chapel HiU N. C, représenté par M. SPRUNT HILL (John). SEURRE, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, Bourg. — 31 — CONGRES FORESTIER SIMAN. Voir Association Jednota Ceskych Lesniku zertii Koruny Cèské. SIMON, ingénieur des Manufactures de l'État, chargé de la Direction de la Manufacture d'allumettes de Saintines (Oise). SIMON (Mme Renée), 133, avenue Malakofl, Paris. SIMON GROSDIDIER, Mauvages. SIXTUREL, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Fontainebleau. SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, INDUSTRIE, SCIENCES, ARTS ET BELLES LETTRES DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE, 27, rue Saint- Jean, Saint-Etienne. SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE DE GOMPIÈGNE, représentée par son pré- sident, M. CHEVALLIER (Raymond). SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE DU DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE, 7, cours de l'Intendance, à Bordeaux, représentée par M. GRAND, prési- dent de la Section de Sylviculture, et M. Bacon de La VERGNE. SOCIÉTÉ DES AGRICULTEURS DE FRANGE, 8, rue d'Athènes, repré- sentée par MM. COLMET D'AAGE, propriétaire; IMBART de La TOUR (Comte), docteur en droit); SEGONZAG (Baron de), propriétaire; VILLE- NEUVE-ESCLAPON (Comte de), propriétaire; VILLIERS-TERRAGE (Baron de), secrétaire d'ambassade. SOCIÉTÉ DES BUCHERONS DU GOUVERNEMENT D'AMOUR, Vla- divostock (Russie). SOCIÉTÉ CENTRALE D'AGRICULTURE DE L'AUDE, 6, rue Courte- jaire, Carcassonne. SOCIÉTÉ CENTRALE DES ARCHITECTES, 8, rue Danton, Paris, repré- sentée par son vice-président, M. DUPUY (Charles), architecte du gouvernement. SOCIÉTÉ CENTRALE FORESTIÈRE DE BELGIQUE, 3, rue de Louvain, Bruxelles, représentée par M. SÉBILLE (Albert-Louis de), membre du Conseil supérieur des Forêts du Royaume de Belgique, vice-président de la Société. SOCIÉTÉ DE CRÉDIT FONCIER RURAL DE ROUMANIE, à Bucarest, représentée par M. PETRE OTIN, ingénieur forestier. SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE, 28, rue Serpente, Paris, représentée par son président, M. SAINTE-CLAIRE-DEVILLE (J.), capi- taine d'artillerie, SOCIÉTÉ FORESTIÈRE ARGENTINE, 883, Victoria, Buenos -Aires,, représentée par MM. THAYS (Ch.), directeur général des Promenades publiques et du Jardin botanique de Buenos-Aires; TOBAL (Miguel- Angel), ingénieur agronome. SOCIÉTÉ FORESTIÈRE FRANÇAISE DES AMIS DES ARBRES (Section d'Auvergne et du Plateau Central), représentée par son secrétaire général M. REYNARD (J.), conservateur des Eaux et Forêts, en retraite, 9, rue Savaron, Clermont-Ferrand. SOCIÉTÉ FORESTIÈRE FRANÇAISE DES AMIS DES ARBRES (Section Lorraine à Nancy), représentée par son secrétaire général, M. MARTIN (Paul). SOCIÉTÉ FORESTIÈRE PROVENÇALE «LE CHÊNE », 3^^ boulevard Dugonnier, Marseille, représentée par M. MASSOT (Pierre), président; M. DECROCK (Élie), professeur de botanique à la Faculté des Sciences; M. BAUCHERY (A.), pépiniériste sylviculteur. — 32 — Ijnter?;ational 1913 SOCIÉTÉ FORESTIÈRE SUÉDOISE, à Stockholm, représentée par MM. WAHLGREN (Anders-Nils-Henrick), chef de l'Académie Forestière de Suède ; CARBONNIER (Henrick), inspecteur des forêts. SOCIÉTÉ FORESTIÈRE SUÉDOISE, représentée par MM. WAHLGREN (Anders-Nils-Henrik), chef de l'Académie Forestière de Suède ; CARBON- NIER (Henrick), inspecteur des forêts. SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LISBONNE, rueEugénio-Santos, Lisbonne. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DES AMIS DES ARBRES DE TUNISIE, hôtel des Sociétés françaises, Tunis, représentée par M. PRETREL (Ch.), secrétaire général. SOCIÉTÉ NATIONALE D'ACCLIMATATION DE FRANCE, 33, rue de Buffon, Paris ; représentée par M. DANNIN, ingénieur cynégétique, M. MOREL HERCULE, propriétaire, 36, rue de Laborde, Paris. SOCIÉTÉ DES TOURISTES DU DAUPHINÉ, hôtel delà Caisse d'Épargne, boulevard Edouard-Rey, Grenoble. SOCIÉTÉ POUR LA PROTECTION DES FORÊTS DE LA NOUVELLE HAMPSHIRE, 6, Hancoch Avenue, Boston (Mass.), représentée par M. WELSH (Herbert), artiste peintre. SPRUNT HILL (John). Voir Service géographique et économique de la Caroline du Nord. STACY (Ralph.), banquier, président de The Pacific National Bank, Tacoma, Wash, U. S. A. STEINER (Louis), inspecteur desEauxet Forêts, 31, rue Gambetta, Épinal. SUREAU, ingénieur agricole, 51, rue des Eaux-Minérales, Forges les-Eaux, SYNDICAT D'INITIATIVE D'ARCACHON, 193, boulevard de la Plage, Arcachon, représenté par M. VALLEAU (Daniel), président. SYNDICAT D'INITIATIVE DE COMPI ÈGNE, représenté par M. PEIFFER, conservateur des Eaux et Forêts. SYNDICAT D'INITIATIVE DE RAMBOUILLET, représenté par MM. ROUX (Marie), président, maire de Rambouillet, DURAND (Alexandre), propriétaire. SYNDICAT D'INITIATIVE DE TOURISME DE BAR-LE-DUC, représenté par son président, M. CHEVALIER (Pol), avocat. SYNDICAT D'INITIATIVE DE TOURISME DE VERSAILLES ET ENVI- RONS, 39, rue Duplessis, Versailles. SYNDICAT D'INITIATIVE DU VIVARAIS, Vals-les-Bains (Ardèche), représenté par M. RENAL'LD (Léon). SYNDICAT FORESTIER DE L'ARRONDISSEMENT DE CHATEAU- THIERRY, représenté par MM. DE ROUZÉ et MOYAT. SYNDICAT DES PROPRIÉTAIRES DE FORÊTS DE CHÊNES-LIÈGE D'ALGÉRIE, 60, rue du Rocher, Paris, représenté par son président M. LALLEMAND (Eugène), et M. DE MONTMORENCY-MORRÈS. TALANSIER (Jules), maire de Montrodat, par Marvejols (Lozère). TALANSIER (Mme) [membre associé). TESSIER (Louis-Ferdinand), propriétaire forestier, Saint-Martin-de-la- Place (Maine-et-Loire). TESSIER, conservateur des Eaux et Forêts, 13, rue Peyras, Toulouse. THAYS. Voir Société forcNtière argentine. -- 33 — CONGRES FORESTIER THÉLIN (René de), inspecteur général des Ponts et Chaussées et de l'Hydrau- lique agricole, 11, rue Michel-Ange, Paris. THÉRON (Albert), inspecteur des Eaux et Forêts, 57, rue de l'Université, Paris. THÉVIN (Fernand), éditeur, Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). THIÉBAULT (Jules), ancien receveur des Domaines, 65, rue de Metz, Nancy. THIL (André), inspecteur des Eaux et Forêts, en retraite, 27, rue de Fleurus Paris. THIOLLIER {Joseph), inspecteur des Eaux et Forêts, 6, rue Louis-David, Paris. THIOLLIER (Mme) [membre associé). THIVEL (Georges), 24, rue Madeleine, Tarare (Rhône). THOMAS (Emile), marchand de bois, Les Islettes (Meuse). TISSOT (Ernest), négociant en bois, Brazey-en-Plaine (Côte-d'Or). TOBAL. Voir Société forestière argentine. TORITGH. Voir Société des Bûcherons du gouvernement d'Amour. TORTEL (Pierre), propriétaire forestier, château de Chapeau, par Mont- beugny (Allier). TOUCHALEAUME (René), château de Grandpré, par Lormes (Nièvre). TOURING-CLUB ARGENTIN, à Buenos-Aires, représenté par M. TOBAL (Miguel-Angel), ingénieur agronome. TOURING-CLUB DE BELGIQUE, 2, passage de la Bibliothèque, Bruxelles, représenté par MM. DELVILLE, inspecteur des Eaux et Forêts : LECOQ (Jules), avocat près la Cour d'appel. TOURING-CLUB ITALIEN, 14, via Monte-Napoleone, Milan, représenté par M. A. GEISSER, TOURING-CLUB DES PAYS-BAS, 64, Laan Copeo v. Cattenburch. Gra- venhague, représenté par M. Van DE POLL, gentilhomme des Chasses de S. M. la Reine des Pays-Bas. TOURRIOL (Henry), courtier en bois, 16, rue Taine, Paris. TOURTEL (Jules), conservateur des Eaux et Forêts, à Nice. TOYTOT (Albert de), ancien conseiller général du Jura, Rainans (Jura). TOYTOT (Auguste de), inspecteur de la Compagnie P.-L.-M., en retraite, Amange, par Rochei'ort (Jura). TRIBOT-LASPIÈRE, ingénieur civil, 7, me de Madrid, Paris. TRIPIER (Félix), 19, rue Marbeuf, Paris. TRIPONEY (Eugène), maire de Glainans, par Clerval (Doubs). TRUTAT (Henri-Jacques-Marie), inspecteur adjoint des Eaux et Forêts, Belley (Ain). UNION SYNDICALE DES MARCHANDS DE BOIS DE SEINE-ET-OISE, à Versailles, représentée par M. PASCAL (Paul), vice-président ; M. EVE (Alphonse), trésorier. URVOY de PORTZAMPARG (Edmond-François), chef de bataillon en retraite, 7, rue de la Motte, Saint-Servan (Ille-et- Vilaine). URVOY DE PORTZEMPARC (Mme) [membre associé). VAGNE (Louis). Voir Chambre de Commerce de Nevers. VAILLANT (Jules), directeur de la revue Le Cuir, 54, rue de Bondy, Paris. VALENTIN (Augustin), négociant, président du Syndicat des Exploitants de forêts du Var, Vidauban (Var). — 34 — INTERNATIONAL 1913 VALLEAU (Daniel). Voir Syndicat d^ initiative d^Arcachon. VALLET (Léon-Adolphe), osiériste, 52, quai de Seine, La Frette (Seine- et-Oise). VALLOT (Henri), ingénieur des Arts et Manufactures, 62 bis, rue Duplessis, Versailles. Van de POLL. Voir Touring-Club des Pays-Bas. Van der VORST (Paul), sous-inspecteur des Eaux et Forêts, 14, rue J. -Plateau, Gand. Van LONKHUUZEX. Voir Nederlandsche Heidemaatschappij . VANTROYES (Henri), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, Laon. VERLUISE (Henri), négociant en bois, maire de Vincennes. VERNET, inspecteur des Eaux et Forêts, Grenoble. VERPILLIÈRE (Marquis Charles de la), propriétaire, Lagnieu (Ain). VESSIOT (Paul), inspecteur des Eaux et Forêts, Langres. VEYSSIÈRE (de), inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, 80, me de Varenne, Paris. VEZIN (Alexandre), directeur des Services agricoles de Loir-et-Cher, Blois. VIBRAYE (Comte Paul de), 5, rue Saint-Dominique, Paris. VIBRA YE (Louis de), propriétaire, 42, avenue du Trocadéro, Paris. VIGENTE (Valdivia), ingénieur agronome, 1, rue Racine, Paris. VIDAL (Dr Léon-Émile), secrétaire général de la Société Forestière des Maures, Hyères. VIELHOMME (Emile), administrateur délégué de la Société Electro- Métallur- gique française, Froges (Isère). VIELHOMME (Henry), usine de la Saussaz, Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie) [membre associé). VIELMOMME (Charles), usine de Largentière (Hautes-Alpes) [membre associé). VIELLARD (Charles-Henri), ingénieur des Arts et Manufactures, Forges de Morvillars (Territoire de Belfort). VIGNON, Capitaine à l'École de cavalerie de Saumur. VIGNON (Alfred), secrétaire d'ambassade, 8, rue Freycinet, Paris. VrGNON (Jules), La Chassagne, par Pont-de-Pany (Côte-d'Or). VILLATTE DES PRUGNES (Robert), ingénieur agronome, 37, avenue d'Antin, Paris. VILLE BAUGE (Marquis de la), 52, avenue Bosquet, Paris. VILLEFRANCHE (Comte de), 19, rue Auguste-Vacquerie, Paris. VILLEFRANCHE (Comte Henri de), ingénieur agronome, propriétaire, château de Villarceaux, par Bray-et-Lù (Seine -et-Oise). VILLE DE LUXEMBOURG, représentée par M. WENGER (Tony), conseiller communal, délégué du T. C. F. VILLE DE PARIS, usine municipale de Fabrication de Pavés de bois, repré- sentée par M. LIRMAN, directeur. VILLEMEREUIL (de), 52 bis, boulevard Saint-Jacques, Pars. VILLENEUVE (Vicomte Charles de), Bussy-le-Grand (Côte-d'Or). VILLENEUVE-ESCLAPON (Comte de). Voir Société des Agriculteurs de France. VILLEPLÉ (Emile), négociant en bois, Sainl-Ouen-rAumône (Seine-et-Oise). — 35 — CONGRES FORESTIER VILLIERS-TERRAGE (Baron de). Voir Société des Agriculteurs de France. VILMORIN (Philippe de), membre de la Société Nationale d'Agriculture, 66, rue Boissière, Paris. VIOLETTE, inspecteur des Eaux et Forêts, Brignoles (Var). VOELCKEL (Eugène), négociant en bois, vice-président de la Chambre syndicale dès bois de sciage et d'industrie, 48, avenue Henri-Martin, Paris. VOGELI (Félix), inspecteur des Eaux et Forêts, Ghambéry. VOLMERANGE (Raymond), garde général des Eaux et Forêts, à Coulom- miers . VUILLAUME (Henry), 8, rue Notre-Dame, Arbois (Jura). WEILL RAYNAL (Horace), ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 66, rue de la Chaussée-d'Antin, Paris. WELSH (Herbert), Voir Société pour la protection des Forêts de la Nouvelle Hatnpshire. WENGER (Tony). Voir Ville de Luxembourg. WINKENWERDER, doyen du Collège of Forestry, à l'Université de Washington. ZEILLER (Charles Paul), ancien garde général des Eaux et Forêts, 47, rue Charles-Laffitte, Neuilly-sur-Seine. ZURLINDEN (Alfred), conservateur des Eaux et Forêts en retraite, 90, boule- vard Raspail, Paris. ZURLINDEN (Mme) [membre associé). 36 — INTERNATIONAL 1913 RÈGLEMENT Article premier. ■ — ■ Un Congrès forestier international se tiendra en 1913 à Paris, du 16 au 20 juin. Art, 2. — Ce Congrès a pour but : De réunir tous ceux qu'intéresse la forêt ; D'étudier les questions économiques et techniques qui s'y rattachent, y compris celles que soulève le tourisme, étroitement lié à la richesse des régions pittoresques ; D'étudier les réformes législatives ou administratives de nature à assurer la conservation et l'amélioration des forêts, la restauration des moTitagnes dégradées et la mise en valeur des terres incultes ; De rechercher les améliorations à apporter par les particuliers dans la gestion de leurs bois et dans l'utilisation des produits des forêts. Art. 3. — Le Congrès se compose de membres français et étrangers. Toute personne qui désire faire partie du Congrès doit en adresser la demande au Président du Comité d'organisation, au siège du Touring- Club de France (65, avenue de la Grande-Armée, Paris), en indiquant la section dont elle désire suivre plus particulièrement les travaux, La demande doit être accompagnée d'un mandat-poste de 20 francs, montant de la cotisation. Les Sociétés, Syndicats et généralement toute association, peuvent faire partie du Congrès et y envoyer des délégués. La cotisation est due pour chaque délégué. Peuvent également participer au Congrès, à titre de membres asso- ciés, les personnes de la famille d'un membre du Congrès, moyennant le versement d'une cotisation dont le montant est fixé à 10 francs. — 37 -- CONGRES FORESTIER Art. 4, — Les membres inscrits au Congrès reçoivent une carte per- sonnelle ; ils ont droit : 10 A l'accès aux salles de conférences et de réunion ; 20 A l'envoi gratuit du compte rendu et des autres publications éma- nant du Congrès ; 30 Aux autres avantages qui seront ultérieurement indiqués : récep- tions, excursions, facilités de transport, etc. Les membres associés reçoivent également une carte qui leur permet d'assister aux séances du Congrès, de prendre part au?; réceptions et excursions, et de bénéficier des facilités de transport. Les frais des excursions ne sont pas compris dans la cotisation, chaque membre ou associé ne paie que les frais des excursions auquelles il prend part. Art. 5. — Les travaux du Congrès sont dirigés par le Comité exé- cutif. Art. 6. — Le Congrès se partage en cinq sections, conformément au programme. Art. 7. — Les travaux de chaque section sont réglés par leur bureau d'après le programme. Les membres du bureau sont désignés par le Comité exécutif ; il pourra leur être adjoint des membres étrangers. Art. 8. — Les sujets d'étude inscrits au programme de chaque section feront l'objet de rapports qui seront discutés en séances de section. Le Comité exécutif a tous pouvoirs pour accueillir ou rejeter toutes les demandes de communications qui lui seront adressées, sans qu'il soit tenu de faire connaître les motifs de son refus. Les rapports devront être déposés au siège du Touring-Club de France avant le 15 avril 1913. Art. 9. — La publication des rapports sera faite en fremçais.La langue française sera seule employée pour les communications verbales. Toutefois, les délégués étrangers qui seraient dans l'impossibilité de s'exprimer en français, seront autorisés à employer leur langue natio- nale. Dans ce dernier cas, les orateurs dcA^ront remettre au bureau de la section, dans les vingt-quatre heures, le résumé en français des paroles qu'ils auront prononcées. Art. 10. — Les rapports, qui devront ne constituer qu'un résumé sommaire des questions mises à l'étude, seront imprimés et distribués d'avance aux membres du Congrès. — 38 — INTERNATIONAL 1913 A l'égard des questions qui n'auraient pas été l'objet de rapports préalablement imprimés, le Secrétaire général du Congrès en préparera un résumé succinct qui sera lu avant la discussion. Art. 11. — Le Comité exécutif fixera, d'accord avec les bureaux de section, l'ordre du jour de chaque séance. Art. 12. — Les membres du Congrès ont seuls le droit de présenter des travaux et de prendre part aux discussions. Les délégués des Gouvernements étrangers et des Administrations publiques jouissent des mêmes avantages. Les associés n'ont pas ce droit et ne reçoivent pas les publications du Congrès. Les membres du Congrès qui désirent prendre part à la discussion ne pourront le faire qu'en section, ils devront en faire la demande et donner leur nom par écrit au Président de section. Ils ne pourront intervenir plus de deux fois sur le même sujet et cha- cune de ces interventions ne pourra pas durer plus de 10 minutes. Art. 13. — Les vœux adoptés dans les diverses sections seront soumis à l'approbation du Congrès. Art. 14. — Deux séances plénières se tiendront, l'une le jour de l'ou- verture, l'autre le jour de la clôture. Art. 15. — Pendant la tenue du Congrès, il ne pourra être introduit de modifications dans l'ordre des travaux que sur la proposition des présidents de section. Art. 16. — La direction des discussions appartiendra, dans chaque section, au Président et la police générale du Congrès appartiendra exclusivement à son Président. Art. 17. — Un compte rendu in extenso des travaux du Congrès sera publié par les soins du Touring-Club de France. Le Comité exécutif pourra demander, et au besoin imposer aux auteurs des rapports et communications, des réductions ou suppressions ; il pourra, s'il y a lieu, les opérer d'office afin de limiter l'étendue du rapport général. Art. 18. — Tous les documents relatifs au Congrès doivent être adres- sés à M. le Secrétaire général du Congrès, au siège social du Touring- Club de France, 65, avenue de la Grande-Armée, Paris. — 39 — CONGRKS FORESTIER PROCxRAMME DES TRAVAUX PREMIÈRE SECTION TECHNIQUE FORESTIÈRE tH SYLVICULTURE Enseignement sylvicole et Sylvo-Pastoral. — Encouragements et récompenses à la sylviculture. — Propagande en faveur de l'arbre et de l'eau. — Sociétés scolaires forestières. — Fêtes de l'arbre. Répartition des végétaux ligneux on France. Les Forêts coloniales. Allongement des révolutions des taillis et taillis sous-futaie. — Diminu- tion de la proportion des bois de petite dimension. — Conversion des taillis et taillis sous-futaie en futaie. Amélioration des taillis à faible rendement situés en plaine ou en mon- tagne, par rintroduction de résineux. Les taillis d'acacia. Le noyer. — Sa disparition. — Moyens d'y remédier. — Nécessité de donner une nouvelle extension ù sa culture. Le châtaignier. — Sa disparition. — Moyens d'y remédier. —Nécessité de donner une nouvelle extension à sa culture. Les engrais chimiques en Sylviculture. Essences exotiques et naturalisées. La capitalisation forestière. La collaboration des forestiers au service de la météorologie agricole. DE UXIÊ ME SEC TION ÉCONO.MIE ET LÉGISLATION FORESTIÈRES Assurances contre l'incendie. Législation forestière comparée. — L(> rôle forestier de l'Etat. —Compa- raison entre les différents pays. Rtablissement de forêts de protection. — 40 — INTERNATIONAL 1913 Intervention de l'Etat dans la gestion des bois particuliers. — Législa- tions diverses réglant cette intervention. L'impôt forestier. Ligues. — Syndicats. — Caisses dv. crédit forestier. Utilité de l'acquisition par l'État, les communes ou autres collectivités publiques, les établissements ou associations d'utilité publique, de forêts ou terrains à reboiser. — Mesures législatives, administratives et financières à prendre pour faciliter cette acquisition. Utilité pour les syndicats de propriétaires de créer un Office forestier inlernational (Stations de recherches, d'expériences et de renseigne- ments). Production forestière dans les divers pays du globe. Droits de douane. Transport des bois. TROISIÈME SECTION TECHNOLOGIE FORESTIÈRE. — COMMERCE ET INDUSTRIE DU BOIS. Exploitation des bois. Outillage. Utilisation des bois. — Bois bruts, Chauffage, Charbon. — Etais de mines. Utilisation des menus bois par les nouveaux procédés chimiques et mécaniques. Plantations des routes. Poteaux télégraphiques. Bois équarris. — Poutres, charpentes, traverses. Subventions industrielles. Conservation des bois. — Procédés naturels, procédés artificiels (enduits, injections, immersion, ignifugation). Bois utilisés dans l'industrie des allumettes pour débitage ou la confec- tion des boites. Kmplois divers. — Fabrication du papier, laine de bois, sabotage, cei". clage, bois courbé, bois plaqué, bois coloré artificiellement. Bois de sciage. — Outillage, débit, menuiserie, pavé. Produits accessoires. — Déchets du bois. — Utilisation des sciures. Bois de fente. — Bardeau, Merrain. Ecorces. — Tanin. — Extraits tanniques. — Liège. L'industrie des résines. — La carbonisation des bois en vases clos. QUA TKIÈ.ME SECTION GRANDS TRAVAUX FORESTIERS Aniiilioralions pastorales. -- Création, restauration, entretien des pâtu- rages. — Aménagement et réglementation des pâturages appartenant — 41 — CONGRES FORESTIER à des communes ou collectivités. — Affouage pastoral. — Troupeaux transhumants. — La chèvre. — Le mouton. Grands travaux. — Barrages. — Dérivations, canalisations. — Tunnels. — Restauration des montagnes. — Lutte contre les torrents et les avalanches. Petits travaux. — Fascinage. Glayonnage. Façonnage de lits. Enroche- ment. Drainage. Enherbement. Reboisement (semis et plantations. Essences). — Eessences à employer. — Graines. — Pépinières. Tourbières. Marécages. — Leur assèchement et leur mise en valeur par leur reboisement. — Essences à employer. — Mode de plantation. Les dunes. — Leur fixation. Leur reboisement. Défense contre la mer. — Moyens d'action donnés par la législation actuelle. Mesures législa- tives à prendre. Alliance de l'arbre et de l'eau. — Lutte contre les inondations. CINQ UIÈ ME SEC TION DE LA FORÊT DANS LE DÉVELOPPEMENT DU TOURISME ET l'ÉDL CATION ESTHÉTIQUE DES PEUPLES L'éducation forestière du public. Beauté du pays par la forêt. Beauté des routes. Plantations le long des routes. Leurs avantages. Choix des essences. Jardins alpins. Arboretums. Beauté des paysages. — Mesures prises dans les différents pays pour leur protection. Nouvelles mesures à prendre. Beauté des cours d'eau (L'arbre sur la montagne, c'est l'eau dans la rivière). Aménagements de forêts en vue du tourisme. — Création, améUoration des routes et chemins. Sentiers forestiers. Plaques. Poteaux. Signes indicateurs. — Abris. Bancs. Points de vue. Tables d'orientation, etc. — Livrets-guide ou plans des forêts à l'usage des touristes. Catalogue des arbres remarquables. Parcs nationaux. — Réserves et séries artistiques. INTERNATIOîSAL 1913 ORDRE DES TRAVAUX Lundi 16 Juin. A 10 heures. — Séance d'ouverture du Congrès, sous la présidence- de M. Clé ME NT EL, ministre de l'Agriculture. de II h. à midi. ) e- i c t- , .-, , , ^ j { Séances des Sections. de A II. a b h. ) Mardi 17, Mercredi 18, Jeudi 19 Juin de 9 h. à midi. ) o- i c ,.■ j .^ y , ,. , Séances des Sections. de Z II. ah h. ) Vendredi 20 Juin à 2 h. \U. — Séance de. clôture sous la présidence de M. Dabatt Directeur général des Eaux et Forêts. à 5 lieiires. — Réception à l'Hôtel de \\\\e de Paris. Samedi 21 Juin Excursion dans la forêt domaniale de Lyons. Dimanche 22 Juin à midi. — Banquet de clôture du Congrès. à 7 A. 30 du soir. — Départ pour Grenoble et les Alpes-Dauphi- noises. 43 - CONGRES FOHESTIKR SÉANCES DU CONGRÈS Les séances du Congrès se sont tenues à l'Hôtel des Sociétés Savante 28, rue Serpente et 8, rue Danton. Le Secrétariat du Congrès y a été installé pendant sa durée. INTERNATIONAL 1913 EXCURSIONS Les congressistes ont pris part à deux excursions : l'une, le 21 juin, à Rouen et la forêt de Lyons, l'autre, du 23 au 28 juin, à Grenoble et les Alpes Dauphinoises. COKGRES FORESTIER COMPTES RENDUS DES SÉANCES SÉANCE GÉNÉRALE D'OUVERTURE DU CONGRES Le lundi, 16 juin 1913, les membres du Congrès Forestier International organisé par le Touring-Club de France se sont réunis à l'Hôtel des Socié- tés Savantes sous la présidence de M. Clémentel, Ministre de TAgricul- ture. La séance est ouverte à 10 h. 15 minutes. M. LE Président. — La séance est ouverte. La parole est à M. Ballif, Président du Touring-Club de France. M. Ballif. — Messieurs, aux termes de notre règlement, le Comité exécutif est chargé d'assurer les travaux du Congrès. Le bureau de ce Comité est ainsi composé : Président : M. Defert, Vice-Président du Touring-Club de France, Président de la Commission des Pelouses et Forêts. Vice-Président : M. Antoni, Sous-Directeur de l'Administration générale des Eaux et Forêts. Secrétaire général : M. Chaplain, Inspecteur des Eaux et Forêts. Trésorier : M. Berthelot, Trésorier du Touring-Club de France. Nous vous demandons de compléter ce bureau par l'adjonction, en qualité de Vice-Présidents, des représentant officiels des Etats prenant part à ce Congrès. Nous pensons, Messieurs, que vous serez heureux de donner ce témoi- gnage de gratitude aux personnalités distinguées qui viennent de si loin nous apporter leur précieux concours {Assentiment). — 46 — INTERNATIONAL 1913 Le bureau se trouve donc composé ainsi que je viens de le dire, et il comprend, comme vice-présidents, les représentants officiels, par ordre alphabétique, de : La République Argentine. L'Empire d' Autriche-Hongrie. Le Royaume de Belgique. Les Etats-Unis du Brésil. La République du Chili. La République de Colombie. Le Royaume de Danemark. La République de I'Équateur. Le Royaume d' Espagne. Les Etats-Unis d'Amérique. La Grande Bretagne et les Coloniks Le Royaume de Grèce. La République de Haïti. La République de Honduras. L'Empire du Japon. Le Grand Duché de Luxembourg. Le Royaume de la Norvège. Le Royaume des Pays-Bas. La République du Portugal. Le Royaume de Roumanie. L'Empire de Russie. ■ La République du Salvador. Le Royaume de la Suède. La République Orientale de I'Uruguay. La Principauté do Monaco. Messieurs, tout à l'heure. Monsieur le Ministre, avec sa haute autorité, avec cette élégance de parole dont il a le secret, vous parlera de cette passionnante question des forêts qui nous réunit aujourd'hui. Le Prési- dent du Touring-Club de France se gardera bien de s'aventurer dans cette voie. 11 se bornera, prudemment, au rôle infiniment plus modeste et plus aisé d'un maître de maison qui souhaite la bienvenue à ses hôtes; et c'est de grand cœur. Messieurs, que je vous adresse ces souhaits (Applaudis- sements). Soyez donc tous les bienvenus, en particulier vous, Messieurs les Etran- gers, en notre doux pays de France, sur ce vieux sol gaulois qu'on ne saurait frapper du pied sans y éveiller l'écho de quelque haut fait, si plein de souvenirs historiques et artistiques, si pittoresque, si fertile enfin, qu'on a pu le dire « aimé des Dieux ! » Vous y trouverez. Messieurs, cet accueil aimable et cordial que de tout temps la France a réservé aux étrangers. Pour notre part, nous ferons en sorte que tous ici. Français et Etran- gers, vous emportiez de votre séjour parmi nous un agréable et durable souvenir. i7 — CONGRES FORESTIER Messieurs, au nom du Touring Club de France, j'ai à vous remercier de vous être rendus en si grand nombre à notre appel, et, pour plusieurs, de si loin. Nous devons des remerciements particuliers aux divers États qui nous iont l'honneur de prendre part à ce Congrès, et nous prions leurs très dis- tingués délégués de vouloir bien être auprès de leurs gouvernements respectifs les interprètes de nos sentiments de gratitude. Ce Congrès réunit 700 membres. Le Congrès de l'Exposition Univer- selle de 1900 en avait réuni 225. De tels chiffres sont éloquents et montrent le haut intérêt que soulèvent actuellement dans le monde entier les ques- tions forestières. Votre savoir, votre expérience, A'otre amour du bien public sauront être à la hauteur de la tâche qui vous incombe, et jamais, on peut le dire, la cause de la forêt n'aura été remise en des mains plus dignes, ni plus expertes {Applaudissements). Le tourisme profitera l'un des premiers de vos efforts. Ne puise-t-iî pas sa raison d'être, en effet, dans la beauté de nos pays, et nos mon- tagnes, nos vallées, nos rivières ne sont -elles pas d'autant plus belles que nos forêts sont plus prospères ! Je forme donc, en son nom, les vœux les plus ardents pour le succès de vos efforts. Non seulement ils serviront la cause du tourisme, mais aussi les intérêts économiques les plus importants pour l'avenir de nos pays ; en se plaçant à un point de vue plus élevé encore, on peut dire qu'ils sont appelés à servir la cause même de l'humanité. {Applaudis- sements.) Soyez-en fiers. Messieurs, et que l'espoir d'atteindre un tel but vous soutienne et vous inspire. Par avance tous les esprits éclairés, tous les cccurs généreux applaudissent à vos travaux {Applaudissements). M. Clémezstel, Ministre de V Agriculture. Messieurs, J'ai tenu à venir présider la séance d'ouverture de votre Congrès pour exprimer moi-même les remerciements du Gouvernement aux orga- nisateurs de cette grande manifestation internationale. Le metteur en scène de cette fête de l'arbre, la plus imposante qui se soit tenue jusqu'à ce jour, est le Touring-Club. Je salue en lui, en ses dirigeants et spécialement en ses dévoués Prési- dent et Vice-Président, MM. Ballif et Defert, en tous ceux qu'ils ont su grouper autour d'eux pour la préparation de ce Congi'ès, de précieux collaborateurs du ministère dont j'ai la charge. Avec leur sens profond des nécessités économiques et sociales, avec leur souci constant de l'embellissement de notre pays, ils exercent, depuis la fondation de leur puissante association, leur action bienfaisante en faveur de l'épanouissement de notre richesse pastorale et forestière. Les sacrifices qu'ils consentent, leurs nobles efforts de propagande ont déjà porté des fruits abondants. liNTERiNATIONAL UJJ.'l En tenant ces assises, ils ont voulu couronner une première étape du leur œuvre, et prendre, dans la constatation des résultats obtenus, dans l'enseignement qui va se dégager de la grande semaine forestière qui commence, des forces nouvelles, une nouvelle ardeur pour l'œuvre de demain [Applaudisseinents) . Je vous félicite, Messieurs, d'avoir si nombreux, répondu à leur appel, d'être venus nous prêter le précieux concours de votre sympathie et de votre compétence. Je salue tout spécialement les quarante-deux délégués accourus des quatre coins de l'Europe, d'Amérique, d'Asie, d'Océanie, au nom du Gouvernement de la République, au nom de la vieille France qu'ils vont, en travaillant dans la ruche qu'est cette Assemblée, en parcourant les paysages émouvants de nos Alpes dauphinoises, apprendre à mieux connaître, c'est-à-dire à mieux aimer {Applaudissements). Vous nous avez apporté, MM. les délégués étrangers, les dons de votre savoir et de votre expérience, vous emporterez dans vos pays respectifs la moisson de nos propres travaux et l'exemple de nos efforts.' \ ous emporterez surtout cette conviction que la France hospitalière, malgré les ardeurs des compétitions économiques, en dépit des passions et des conflits de la politique, reste fidèle à l'idéal de solidarité universelle qui s'exerce à la fois par la communauté des plus nobles idées, des plus purs sentiments de l'humanité et par les échanges nécessaires à la vie et à la prospérité des nations {Applaudissements). Cette solidarité internationale trouve l'un de ses champs d'action les plus vastes dans le culte de la forêt. Le bois est une richesse mondiale. Or, la production ligneuse de l'univers deviendra un jour, si l'on n'y prend garde, insuflisante aux besoins sans cesse accrus de la consom- mation. Le péril grandit chaque jour. Macbeth, à l'heure do sa mort, voyait une forêt hérissée et formidable qui marchait et s'avançait vers lui. Nous la voyons, nous, qui recule, qui recule sans cesse {Applaudissements). Pendant des siècles, on a inconsidérément dévasté les domaines fores- tiers, on a poussé les exploitations sylvestres très au-delà du rendement régulier. Beaucoup de pays d'Europe semblent menacés dès maintenant d'une disette prochaine de bois d'œuvre. Si les nations privilégiées de l'Europe septentrionale et orientale et de l'Amérique du Nord, qui détiennent encore de grandes réserves fores- tières, ne s'attachaient pas à la défense de leurs trésors par l'application des règles de l'exploitation rationnelle, si les pays déjà appauvris ne consacraient pas tous leurs efforts à reconstituer ceux que l'imprévoyance ou l'ignorance a dilapidés, nous pourrions redouter pour les générations prochaines une crise mondiale d'autant plus grave qu'elle serait sans remède, et qu'elle retentirait sur l'avenir et la vie même de la planète. " La France périra fauU; de bois ». A travers les siècles, ce cri d'alarme de Colberl retentit douloureusement. Après les inondations do 1910, il était devenu dans notre pays comme un cri de détresse et de deuil. — 49 — ' CONGRES FORESTIER Si nous assistions impassibles à l'œuvre de destruction, si nous ne nous efforcions pas à rétablir et à maintenir l'équilibre des forces de la nature, si nous laissions la terré se dénuder lentement, mais sûrement, si nous donnions raison à l'aftirmation de Chateaubriand que « les forêts pré- cèdent les peuples et que les déserts les suivent », nous pounûons sans crainte de démenti élargir la triste prophétie de Colbert et affirmer « que non seulement la France, mais le monde .civilisé périra faute de bois ». (Applaudissements.) Votre initiative, Messieurs, nous est une raison d'espérer que les cala- mités, que les causes de décadence et de ruine provenant de la disette de bois seront épargnés à l'humanité. Aidés par vos gouvernements, vous arrêterez l'œuvre de vandalisme qui devient un péril mondial et vous lui substituerez l'application des règles tutélaires qui sortiront plus précises et plus impérieuses des tra- vaux de votre Congrès. Le Gouvernement que je représente ici donne l'assurance de sa colla- boration active à l'œuvre qu'ont entreprise au Parlement les groupes de défense forestière, sur tous les points du territoire : le Touring-Club, les Sociétés d'Amis des arbres et leurs émules. {Applaudissements). Nous savons que la France est parmi les nations qui ont le plus souffert du dépeuplement forestier. Voilà plus de quatre siècles que le grand poète de la Pléiade, dans son Élégie aux bûcherons de la forêt de Gastine, s'écriait : « Écoute bûcheron, arrête un peu le bras, '< Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas, <( Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force, « Des Nymphes qui vivaient dessous la rude écorce ? » Depuis lors, l'agonie de nos forêts, ces grandes victimes d'une civili- sation mal comprise, a continué et c'est non le sang des Nymphes de . Ronsard, mais le sang même de la France qui a coulé à chaque coup de hache ; {Applaudissements.) La plainte du peuple contre ces déprédations s'est affirmée avec véhémence lors de notre grande Révolution- Les cahiers retentissent des doléances de la France rurale sur les malheurs qui résultent de la dévas- tation des forêts. Avec le siècle dernier, l'œuvre réparatrice a commence- Elle fut lente d'abord, incertaine, puis elle s'affirma avec la promul- gation du code forestier, avec la création de l'Administration des eaux et forêts - Elle se continua lentement encore, consacrant un nouvel et louable effort par notre programme de restauration des terrains en montagne et son commencement d'exécution. Depuis que vous avez, Messieurs, entrepris votre croisade, les pouvoii's publics se sont orientés vers des solutions efficaces. Je suis heureux de déposer sur le bureau de votre Congrès un acte — 50 — INTERNATIONAL 1913 législatif qui est d'hier, que nous devons saluer aVec joie, car il doit ouvrir une ère nouvelle. C'est la loi Audiiïred, qui vient d'être votée par les deux Chambres. Elle permettra d'étendre à nombre de forêts les règles de la sylvicul- ture trop souvent méconnues par leurs propriétaires, soit parce qu'ils n'en apercevaient pas le haut intérêt, soit parce que les conseils techniques leur faisaient défaut. Vos suggestions et vos conseils me seront précieux pour l'élaboration du règlement d'administration publique qui va en organiser l'application. {A pplaiidissements. ) Mais cette loi en appelle impérieusement une autre. C'est celle qui réali- sera enfin la réforme de l'impôt qui pèse d'une manière inique sur le propriétaire forestier. (Applaudissements.) Basé sur une classification cadastrale depuis longtemps vermoulue, il absorbe fréquemment la plus grande partie des revenus des bois, quand il ne les dépasse "pas. {Applaudissements.) L'œuvre d'équité fiscale que réclame la sylviculture est à réaliser sans délai. Je m'appliquerai pour ma part avec une volonté obstinée à obtenir cette réalisation .{Applaudissements.) Tout en aidant les collectivités et les particuliers à sauver ou à étendre leur domaine forestier, l'Etat, personne morale douée d'une existence sécu- laire, se doit d'élargir sans cesse son vaste patrimoine de bois et de forêts. Nous sommes résolument entrés dans cette voie. J'espère obtenir bien- tôt du Parlement le vote du projet de loi que nous avons déposé pour sauver du feu et du fer le magnifique massif de la forêt d'Eu. Je demande, d'autre part, à M. le Ministre des Finances, grand ami de la forêt, et qui j'espère m'entendra, de bien vouloir inscrire au budget de 1914 un million destiné à l'achat par l'Etat, chaque année, des forêts particulières déboisées. Ces forêts sont presque sans valeur pour la vente en raison du refus systématique que nous opposons aux demandes de défrichement. Acquises à peu de frais, livrées à l'intelligente initiative d'une administration qui ne mérite que des éloges, elles représenteront pour nos petits-neveux un accroissement considérable de la richeses forestière de la France. -Vinsi, les fautes du passé nous servant d'enseignement, nous réparerons les erreurs commises par ceux de nos devanciers qui aliénèrent une partie du domaine national qui eût dû leur demeurer sacrée. La forêt, vous le savez. Messieurs, n'est pas seulement une usine à bois. Aider à la conservation des forêts, à leur extérieur, à la défense des moindres arbres, non seulement dans nos campagnes, mais autour de nos villes et de nos villages, ce n'est pas uniquement enrichir la France, c'est aussi l'assainir et c'est l'embellir. C'est l'assainir par l'action qu'exerce la forêt sur le climat, sur la tem- pérature, sur le régime des pluies. L'arbre est le grand purificateur de l'atmosphère. Il arrête et détruit — 51 — CONGRES FORESTIER les germes morbides. 11 revivilie l'air par son incessante production d'oxygène et d'ozone. 11 transforme la lande marécageuse en une plaine productive, en disci- plinant ses forces latentes. Il sei*t de fdtre naturel aux eaux d'écoulement, il retient leurs impuretés, abritant dans le silence des vallées la naissance mystérieuse des sources. Il régularise le débit du ruisseau, de la rivière, du fleuve, il prévient le redoutable fléau de l'inondation, écarte son cortège de détresse et de m isères . ( A ppla ndissefn eut s.) Enfin, c'est embellir et parer notre pays que de lui conserver jalouse- ment, là où il existe encore, le manteau vert de ses forêts, de l'étendre à nouveau là où il fut déchiré par des mains impies. C'est dans le temple de la forêt que poètes et peintres sont allés, dès les temps les plus reculés, puiser l'inspiration la plus pure. N'avons-nous pas nous-même laissé fleurir nos rêves à l'abri des sous- bois mélancoliques, au détour des sentiers perdus dans le taillis, n'avons- nous pas senti descendre en nous la paix infinie et sereine de la nature sous le dôme silencieux des futaies séculaires ? Aussi, depuis quelques années, le Ministre de l'Agriculture, secondé par l'initiative d'hommes comme notre ami Beauquier, aidé par vos associa- tions, a-t-il entrepris de sauver en les classant les sites les plus pitto- resques de nos forêts. Une quarantaine de séries artistiques ont été créées dans nos forêts domaniales et j'ai été heureux de donner très récemment ma signature au classement en série artistique d'une partie du massif de la Grande- Chartreuse . (.4 pplaudissements. ) Nous avons, d'autre part, prescrit de réserver dans toutes nos forêts les arbres remarquables, soit par la majesté de leur port, leurs dimensions exceptionnelles, soit par les souvenirs historiques ou légendaires qu'ils évoquent. N'est-ce pas un crime que d'abattre les beaux vieux arbres, que nous aimons comme de très vieux parents pour les lointains souvenirs qu'ils portent dans leurs bras alourdis ? Toutefois, la série artistique est et sera toujours un luxe. Elle constitue une réserve de beauté, mais elle diminuera d'autant le revenu de la forêt. Il est donc nécessaire, puisque l'Etat est un propriétaireq ui ne peut négliger aucune de ses ressources, d'établir les séries artistiques avec circonspection, en ménageant les susceptibilités du Trésor, en même temps que les intérêts de la main-d'œuvre, les besoins du commerce et de l'industrie. C'est pour qu'elle juge, documents en mains et suivant les ciconstances, de l'utilité de la création ou de l'extension des séries artistiques, que j'ai institué une Commission composée de membres du Touring-Club, de forestiers, de savants et d'artistes. J'ai eflleuré, Messieurs, chemin faisant, quelques-unes des questions qui vont faire l'objet de nos travaux. J'aurais aimé à descendre avec vous dans le détail de votre vaste pro- gramme dont le résumé semble la table des matières d'une véritable ency- clopédie de l'art pastoral et forestier. _ TV). — INTERNATIONAL 1913 Je retarderais, en cédant à mon désir, l'heure attendue de vos études et de vos décisions. Je m'arrête donc et vous dis en terminant : Mettez-vous à l'œuvre avec confiance, avec cette ardeur réfléchie qui inspirent tous ceux qui collaborent comme vous avec la nature mater- nelle. Si vous ne parvenez pas à résoudre tous les problèmes, vous proposerez du moins des solutions utiles, non seulement à notre pays, mais à tout le monde civilisé, pour qui, je le répète, la question de la forêt est une question vitale. Votre compétence, votre dévouement à l'intérêt général vous permet- tront de travailler avec sérénité ; votre foi en la nature, votre amour de la beauté vous donneront la ferveur qui fait battre les jeunes cœurs et monter les jeunes sèves ; et quand votre tâche sera achevée, vous ■pourrez vous séparer, avec la certitude joyeuse d'avoir bien servi, non seulement notre beau pays de France, mais le genre humain tout entier. (.4 pplaudissements. ) Je déclare ouvert le Congrès forestier international de 1913. Je cède la présidence à M. Ballif. M. Ballif. — Je donne la parole à M. Henry Defert, Président du Congrès. M. Henry Defert. — Messieurs, on l'a dit bien souvent : il y a des paroles qui sont des actes, et c'est le cas du magnifique et encourageant discours ministériel que vous venez d'entendre. Je ne sache pas qu'il y ait pour vous de meilleur stimulant pour vos travaux. Mais avant de vous rendre dans les différentes sections du Congrès, permettez-moi d'aborder très rapidement quelques questions d'ordre intérieur. Commençons par le plaisir, je veux dire par les excursions. Pour l'excursion de Lyons-la-Forêt, le nombre des inscrits doit, par suite des nécessités de transport, être limité à 140 excursionnistes. In bureau est installé à la porte de cette salle pour recevoir les ins- i-i-iptions. Quant à l'excursion de Grenoble, le nombre des excursionnistes doit être limité à 60, à raison des difficultés de logement et de transport. Le même bureau recevra les inscriptions des amateurs. Enfin, à l'issue de ce Congrès, après la séance de clôture de vendredi prochain, à 5 heures du soir, la Ville de Paris, le Conseil municipal et le Préfet de la Seine font au Congrès les honneurs d'une réception. J'invite tous les membres ici présents à vouloir bien, à l'issue de la séance, donner leur nom de façon à nous permettre d'indiquer au Conseil muni- cipal quelle sera l'importance de la réception dont il veut bien nous honorer. En ce qui concerne le travail des sections, je prie MM. les l*résidents de sections de vouloir bien veiller à ce qu'on s'écarte le moins possible de l'horaire dont vous avez tous reçu un exemplaire, de façon à per- — 53 — CONGRES FORESTIER mettre à ceux des congressistes qui ne pourraient pas assister à toutes les séances de pouvoir choisir à coup sûr les jours et heures où seront examinées et discutées les questions qui les intéressent plus particuliè- rement, et j'ajoute, dans cet ordre d'idées, que l'ensemble des sections va avoir à examiner à peu prés 200 vœux. MM. les Présidents de sections voudront bien tenir Ici main à ce que ce nombre ne soit pas dépassé; quant aux amendements, les sections ont toute latitude et toute liberté, mais il importe que le nombre déjà considérable de vœux reste renfermé dans les limites d'ailleurs très larges de nos propositions. C'est ainsi que nous arriverons à la séance de clôture, et dans cette séance le Comité exécutif se réserve de vous faire deux propositions : la première, qui n'a rien d'original et qu'on retrouve dans tous les Congrès sera de faire un choix dans l'ensemble des va^ux émis par les sections en donnant la préférence à ceux qui présentent un caractère capital, un intérêt de premier ordre. Il importe au plus haut point, en effet, que- ces vœux qui doivent servir de guide et de direction aux Pouvoirs publics, d'encouragement à tous ceux que la question forestière intéresse, soient en quelque sorte hiérarchisés, et proposés pour les réalisations futures dans l'ordre qui leur revient naturellement d'après leur degré d'intérêt ou d'importance. Le bureau de votre Comité exécutif fera ce travail qu'il proposera aux délibérations du Congrès à la séance de clôture, laquelle sera pré- sidée par M. Dabat, Directeur général des Eaux et Forêts. Et en même temps que vous ratifierez ainsi l'ensemble des vœux des sections, vous les classerez dans leur ordre de préférence- Lautre proposition que le Comité se réserve de faire à votre séance plénière demande quelque réflexion, et si je vous en parle par avance, c'est que je crois utile de livrer la question à vos méditations. Nous ertimons que ce Congrès, qui se présente comme une manifes- tation forestière des plus grandioses, ne doit pas être seulement l'œuvre d'un jour, une manifestation éphémère, qu'il doit avoir un lendemain et même des surlendemains, et dans ce but nous envisageons la créa- tion d'une Ccommission permanente du Congrès, qui le prolongerait dans le temps et dans l'action {Applaudissements)^ de façon à maintenir d'abord un contact entre toutes les personnalités qui ont pris part à ses travaux, et surtout un lien entre les différents intéressés au point de vue des initiatives à prendre, des efforts à tenter, des campagnes à en- gager pour arriver à la réalisation des vœux que vous aurez exprimés, et faire faire ainsi un pas considérable à la question forestière. {Applau- dissements.) Les applaudissements dont vous voulez bien honorer la proposition, me rassurent sur le sort que vous lui réservez; je vois qu'elle est appelée à recueillir une complète approbation. Et maintenant, passons aux actes, c'est-à-dire dans les sections. M. Ballif. — La séance générale est close. La séance est levée à 10 h. 55. r-.A INTERNATIONAL 1913 PREMIÈRE SECTION TECHNIQUE FORESTIERE OU SYLVILIULTURE BUREAU Président ; M. Cyprien Girerd, ancien sous-secrétaire d'Etat au Ministère de l'Agriculture et du Com- merce, vice-président de la Société Natio- nale (T Encouragement à V Agriculture. Vice-présidents .- MM. Emery, inspecteur des Eaux et Forêts, chef de section à la Direction générale. Caquet, membre du Conseil supérieur de r Agriculture, membre correspondant de la Société nationale d,'' agriculture de France, président de section au Comité national des Conseillers du commerce extérieur de la France, ancien élève de l'École nationale Forestière. Secrétaires: MM. Jousset, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts, rédacteur à la Direction générale. De Veyssière, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. Roux, garde-général des Eaux et Forêts. RAPPORTEURS : MM. A. Umbdenstock, secrétaire de la Commis- sion des Pelouses et Forêts du Touring-Club. , Ph. Guinier, inspecteur des Eaux et Forêts, professeur de botanique à VEcole nationale des Eaux et Forêts. COGRES FORESTIEK MJM. HicKEL, inspecteur des Eaux et Forêts, maître des conférences de sylviculture à V Ecole nationale de Grignon. Schiffer, conservateur des Eaux et Forêts. Demorlaine, inspecteur des Eaux et Forêts, professeur d'économie forestière à V Insti- tut national agronomique. JoLYET, inspecteur des Eaux et Forêts, détaché à la station de recherches et d'expériences de VEcole nationale des Eaux et Forêts. Mangin, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. François Caquet, membre du Conseil supé- rieur de V Agriculture. R. Ghaplain, inspecteur des Eaux et Forêts^ Ancien chargé de mission en Indo-Chine et aux Indes. P. Rey, inspecteur du service de la météo- rologie agricole. — 56 — I^TERNATIO^■AL 1913 SÉANCE DU 16 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. Cyprien GIBERD, président de Section La séance est ouverte à 11 heures. M. LE Président. — Le premier rapport sur lequel vou^ ayez à statuer est celui de M. Limbdenstock, relatif à FEnseignement sylvicole ET SYLVO-PASTORAL, à LA PROPAGA?^DE EN FAVEUR DE l'aRHRE ET DE l'eau, aux Sociétés scolaires forestières, aux Fètes de l'arbre, aux Encourageme?jts et récompenses a la sylvicul- ture. La parole est à M. Umbdenstoek pour la lecture de son rapport. M. Umbdenstock. — « Uarhre est Ja joie de la terre », a dit André Theuriet. Facteur de richesse et de protection, facteur de beauté et d'harmonie, l'arbre constitue une parure incomparable, un des éléments essentiels d'un paysage. Il offre à la gent ailée, protectrice de nos cultures contre les insectes malfaisants, sa joie du printemps, son palais de verdure. La forêt qui couronne les sommets, fait jaillir la source du rocher, pro- tège le sol, tempère et revivifie l'atmosphère, constitue, par la diversité de ses aspects, par la majesté de ses grands arbres, la plus belle et la plus précieuse parure du sol. Les forêts se placent donc au premier rang des éléments de beauté d'un pays; elles présentent de merveilleux spectacles qui font éclore les hautes pensées et les idées profondes. Tous ceux qui ont le culte du beau trouvent dans les harmonies de la forêt les plus grands enseignements. Les peintres, les poètes, les littérateurs, vont chercher des inspirations sous l'ample éventail des feuilles chuchoteuses. Dans le silence mystérieux dos futaies profondes, ils ont conçu, souvent, leurs œuvres les plus hautes et puisé la poésie comme à sa source naturelle. Dès que reviennent les beaux jours, chacun de nous, obéissant à un sentiment profond d'admiration des beautés de la nature, ne va-t-il pas, lorsque l'occasion lui permet de s'échapper de la ville tumultueuse, vers la forêt, parce qu'il aime le -Mystère des forêts ténébreuses et douces, Où le silence dort sur le velours des mousses. CONGRÈS FORESTIER Mais la forêt n'offre pas seulement l'agrément de son ombrage, elle ne doit pas être appréciée uniquement comme la parure de la terre, comme une simple charmeuse : elle a des rapports plus étroits avec la société humaine. Elle est, des produits du sol, celui qui rend à l'homme les services les plus divers. Agent essentiel de la vie à la surface de notre planète, la forêt doit être considérée comme une mère nourricière, et sa conservation, suivant le mot de Martignac, « est Vun des premiers éléments des sociétés ». On ne saurait donc trop proclamer le très grand intérêt qui s'attache à la conservation de la forêt, bienfaisante à la terre et intimement Uée à l'existence de l'homme, à ses besoins matériels comme à. ses aspirations idéales. Et cependant, sur notre sol, l'arbre est partout en danger. Les réserves de notre globe s'épuisent, de vieilles futaies sont livrées à la destruction, des coupes inconsidérées ont transformé des forêts en broussailles sans avenir, l'industrie pastorale est exercée sans ménagement et surtout avec inintelligence. Pour un maigre profit immédiat, le particuUer, comme le village, comme la ville, vendent leur richesse présente, leur richesse future, la vie même de leur descendance, en vendant la forêt que l'on abat et sur l'emplacement de laquelle s'étalera désormais la stérile horreur des espaces désertiques. Les initiatives les plus généreuses se heurtent encore à des préjugés sans fondement. Nous citerons à ce sujet l'étrange aberration de deux communes à esprit véritablement rétrograde : La première, Ghalmazelles (Loire), a refusé un cadeau de 5.000 francs, offert moitié par l'Administration des Eaux et Forêts et par le Touring- Club, pour transformer en pelouses 500 hectares de landes où de maigres troupeaux trouvent à peine de quoi ne pas mourir de faim. La deuxième, Gijounet (Tarn), a préféré maintenir sa montagne dénu- dée plutôt que d'accepter un don de 1.000 francs de la Compagnie des chemins de fer départementaux du Tarn pour entreprendre le reboise- ment de ses vacants. La ruine de certaines forêts privées provient surtout de ce que les propriétaires les exploitent sans méthode ; les coupes sont faites au petit bonheur, parce que ces propriétaires ignorent les principes de la sylvi- culture et méconnaissent leur intérêt propre. Cependant, ces bois, soumis à un aménagement rationnel, verraient leur production augmen- ter dans une large mesure. Nous ne devons pas rester impassibles devant cette situation. Il faut apprendre aux enfants à aimer les arbres et à respecter le bien de la collectivité. Il faut éclairer le peuple sur ses intérêts véritables plutôt que de le contraindre par des lois qu'il est si difficile de faire respecter. Il faut, enfin, répandre parmi les populations rurales les notions les plus élémentaires de la sylviculture qui leur permettront d'élever, d'ex- ploiter rationnellement des peuplements bien créés ou de transformer en pâturages productifs des friches stériles qui déshonorent un pays. Cette œuvre contribuera puissamment à conjurer le péril national de la dépopulation des campagnes, en luttant contre l'exode des paysans vers la ville, question dont la gravité n'échappe à personne et dont se — 58 — inter:>*ational 1913 préoccupent les pouvoirs publics. « Quand les petits villageois auront planté des arbres, ils resteront fidèles à la terre des ancêtres », parce que l'arbre est un ami auquel on s'attache d'autant plus qu'on l'entoure chaque jour de soins assidus, on grandit côte à côte et les fleurs ou les fruits qu'il donne symbolisent les fruits de nos labeurs. De toutes parts, on signale la mévente du bois de feu et une disette prochaine du bois d'œuvre. On conçoit que l'État ne puisse, à lui seul, suffire à la production et, comme les besoins se sont accrus et ne cessent de s'accroître, il est de toute nécessité d'éclairer les propriétaires fores- tiers et de les orienter vers une modification du traitement de leurs bois, en leur démontrant que la privation momentanée de revenu qui peut résulter au début de la conversion de leurs maigres taillis en taillis sous futaie constituera pour eux « la plus belle des caisses cVépargne ». La diffusion de la science sylvicole mettrait, en outre, un frein aux défrichements intempestifs, comme aux exploitations inopportunes. Or, l'enseignement forestier et sylvo-pastoral tient une place très restreinte dans les institutions françaises ; il n'est pas exagéré de dire qu'il est presque exclusivement réservé aux forestiers de l'Etat. En première ligne se place l'Institut national agronomique, véritable École polytechnique de l'Agriculture, dont l'École des Eaux et Forêts de Nancy est le complément indispensable : l'École d'application. Il convient de citer également l'École d'enseignement technique et professionnel, l'École secondaire d'enseignement forestier professionnel, toutes deux installées au domaine des Barres -Vilmorin, et réservées aux employés de l'État. L'École nationale de Nancy admet à ses cours des auditeurs libres, français et étrangers, dont nombre de ces derniers tirent profit ; les Français y sont rares (1). Nos compatriotes ignorent-ils cette institu- tion? Ils trouveraient là un moyen de compléter leur éducation fores- tière et de devenir des propriétaires ou des intendants éclairés. En 1906, au moment de la création de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club, nous appelions l'attention de nos collaborateurs sur l'émulation que ne manquerait pas de créer le titre à'' ingénieur fores- tier donné aux élèves libres de l'École de Nancy qui, admis après con- cours à suivre les cours de cet établissement, en subiraient avec succès les examens de fin d'études. Nous nous sommes rencontré sur ce point en communion d'idées avec M. Delahaye, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts (2). Cette idée vaut d'être reprise, elle fera l'objet d'un vœu que nous soumettrons à l'approbation du Congrès. Dans plusieurs de ses Assemblées générales, en 1908, en 1909, et notam- ment dans celle du 10 février 1910, le Société Nationale d'Encouragement à V Agriculture formulait à ce sujet des vœux que nous ne saurions man- quer de nous approprier en les renouvelant. L'enseignement forestier, en honneur dans la plupart des Universités étrangères, n'a pas encore trouvé place dans les programmes des Univer- L'enseiguemcul forestier cl vylvu pastoral eu Irauce. (i) De 1830 à 1912, 423 élèves libres ont été admis à suivre les cours de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts ; dans ce nombre, on compte 55 français seulement, soit 13 0/0. (2) Ch. Delahaye. Le Déboisement et le Régime des bois des particuliers (thèse). Niort, imprimerie Mercier, 1909. 59 — CONGRES FORESTIER sites françaises. Toutefois, l'Université de Bordeaux, cédant aux ins- tances de M. Descombes, président de l'Association centrale pour l'amé- nagement des montagnes, vient de créer un cours libre de sylvonomie (Economie et politique forestières). L'auteur de ce néologisme fonde les meilleures espérances sur les résul- tats que donnera l'initiative prise par l'Université de Bordeaux. Cependant, comme le disait Arago en 1836 : « Ce n'est pas avec de belles paroles qu'on fait du sucre de betterave, ce n'est pas avec des alexandrins qu'on extrait la soude du sel marin ». Nous pouvons ajouter : « Ce n'est pas avec une instruction purement classique que le sylviculteur pourra rendre sa forêt plus productive. Le meilleur moyen de faire aimer à un ouvrier son ouvrage, c'est de lui en faire comprendre les opérations principales et le profit. » L'enseignement pratique s'impose donc comme une nécessité ; un cours de sylviculture complété par des démonstrations donnerait des résultats plus satisfaisants, et c'est dans ce sens qu'il faudrait orienter les adjonctions à faire au programme des études. Cette observation peut s'appliquer également aux Ecoles nationales cT Agriculture de Grignon, Montpellier et Rennes. Nous sommes convaincu que le Congrès reconnaîtra l'utilité d'intro- duire dans ces établissements, ouverts aux jeunes gens qui se destinent à l'enseig-nement et à la gestion des domaines ruraux, une part de pratique effective à la sylviculture. L'enseignement de la sylviculture, comme l'enseignement agricole, doit s'appliquer sur une expérimentation : c'est en mettant les phénomènes à observer sous les yeux des élèves qu'on fixe dans leur esprit les idées fondamentales sur lesquelles repose une science. Dans les Ecoles pratiques d^ Agriculture, lesquelles tiennent le milieu entre les écoles nationales d'agriculture et les fermes-écoles, l'enseigne- ment de la sylviculture est l'exception. Sans surcharger le programme de ces écoles, il nous parait que la sylviculture, avec démonstration, pourrait être le complément naturel du cours de sciences naturelles ou du cours d'arboriculture. L'école primaire, considérée par les apologistes comme le point de départ d'une rénovation nationale, doit constituer un moyen puissant de généraliser l'enseignement sylvicola et sylvo-pastoral, en initiant les enfants de nos campagnes à ces connaissances, dans une mesure compa- tible avec la nature d'un enseignement du premier degré. Un arrêté ministériel en date du 31 janvier 1897, relatif à l'examen du certificat d'études primaires, prévoit comme sanction de l'enseigne- ment agricole une ou plusieurs questions choisies dans le programme du cours moyen. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour la sylviculture? La note forestière s'ajouterait à celle d'écriture, de calcul, de rédaction, en prenant la même valeur que chacune d'elles. C'est une mentalité nouvelle à créer chez les maîtres d'écoles ; mais, en s'imposant ce nouveau devoir, les instituteurs se créeront de nouveaux titres à la reconnaissance publique. D'ailleurs, la circulaire du Ministre de l'Instruction publique, en date du 2 février 1906, dispose qu'il sera tenu compte, aux instituteurs et institutrices publics qui, tous les quatre ans, prennent part au concours institué pour récompenser ceux d'entre eux qui ont donné avec plus de zèle et de succès — d'une manière théorique et pratique — l'enseigne- — 60 — IXTERTSATIONAL 191.'! ment agricole et horticole, des notions de sylviculture et d'améliorations pastorales qu'ils auront données à leurs élèves. Malheureusement, les instituteurs ne sont pas préparés à cet enseigne- ment. C'est donc à l'École Normale, chargée de la formation de ces maîtres, que l'Etat doit demander de remplir le rôle d'éducateur. Il ne s'agit pas de vouloir ériger les écoles normales en succursales de l'Ecole Fores- tière, mais il nous paraît indispensable de donner une plus grande exten- sion aux programmes de ces écoles, en élaguant les sujets qui ne répon- dent pas à une réelle utihté. Un cours devrait être consacré exclusive- ment à l'enseignement sylvicole ou sylvo-pastoral, selon les régions, dans la partie théorique comme dans les applications. Le personnel enseignant existe. Grâce à l'École de Nancy, les professeurs ne sont pas à former : ce . sont les agents de l'Administration forestière, personnel d'élite et dévoué. Les élèves-maîtres qui auraient fait preuve de sérieuses connaissances sylvicoles théoriques et pratiques pourraient recevoir un certificat de fin d'études normales portant la mention de sylviculture. Dans quatorze écoles normales, la sylviculture est effleurée acces- soirement par le professeur de sciences et pendant les promenades. Dans douze autres écoles, les directeurs sont favorables à l'idée et se proposent d'organiser prochainement un cours. Dans deux écoles seulement, l'ensei- gnement forestier est donné par un agent de l'Administration forestière, savoir : à Albertville, depuis 1878, et à Mirecpurt, depuis 1881. Les pro- grammes des cours de sylviculture de ces deux établissements pour- raient servir de base pour l'enseignement général. La première tentative faite en France pour créer un enseignement sylvicole et sylvo-pastoral semble remonter au Congrès de sylviculture de 1900. Mais le mouvement d'opinion s'est réellement manifesté en 1906, après la diffusion, par le Touring-CIub de France, des Manuels de l'arbre et de l'eau dont cent mille exemplaires ont été distribués généreusement par lui dans les écoles. Un programme d'enseignement élaboré par sa Commission des Pelouses et Forêts a reçu un accueil chaleureux de M. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique, et M. Ruau, ministre de l'Agriculture. Deux circulaires, en dates des 2 février 1906 {Instruction publique) et 9 février 1906 [Agriculture)^ invitent les insti- tuteurs à répandre l'enseignement sylvicole et sylvo-pastoral et les agents des Eaux et Forêts à provoquer la création de sociétés scolaires forestières. IJ' Association centrale pour V aménagement des montagnes a aussi con- tribué à cette propagande. Des sociétés scolaires forestières se sont rapidement créées — on en KiiM-itiiicnH m compte aujourd'hui près de quatre cents, - — dont le Touring-Club s'est po-i-^diini. fait le principal pourvoyeur. Les instituteurs se sont dépensés largement et les jeunes écoliers se sont mis avec ardeur à l'ouvrage. Des fêtes de l'arbre ont été organisées ; au début, simples manifestations pastorales et poétiques destinées à célébrer la verdure et la campagne, elles sont devenues par la suite la consécration des travaux forestiers de l'année. Ces tentatives ont-elles donné les résultats espérés par les promoteurs? Nous ne saurions nous prononcer ici. Nous devons toutefois constater que cent cinquante sociétés scolaires forestières seulement poursuivent leurs travaux ; cela tient à ce que les sociétés scolaires manquent d'unité — 61 — CONGRES FORESTIER d'action, de direction générale ; leur existence officielle administrative n'est pas reconnue. Souvent le départ de l'instituteur entraîne la faillite de l'œuvre et, d'autre part, l'intervention des forestiers et des instituteurs est restée absolument personnelle et volontaire. Pour que l'enseignement prit corps et fût méthodique, il eût fallu guider les maîtres et mettre à leur disposition un traité résumant les connaissances indispensables. C'est ce que, depuis deux ans, le Journal des Instituteurs s'efforce de faire en donnant chaque samedi, à ses trente mille lecteurs, une leçon de sylviculture. Leçon théorique, il est vrai, mais suffisante pour permettre à ceux qui veulent se rendre utiles de mettre en pratique les principes généraux du boisement décrits dans ce cours. Nous sommes heureux de cette circonstance qui nous permet de rendre ici hommage au directeur du Journal des Instituteurs, M., Seignette, inspecteur général honoraire de l'Enseignement. Nous associons à cet hommage le distingué secrétaire général de la Section d'Auvergne des Amis des arbres, M. le conservateur Reynard. Les instituteurs, qui diri- gent les petites scolaires de la région, hsent avec fruit les conseils pra- tiques publiés chaque semaine par M. Reynard dans le Moniteur du Puy- de-Dôme. K.i.s (!.■ raiiiie. Enfin, les fêtes de l'arbre ne sont plus que des manifestations isolées, souvent symboliques, célébrées à grand renfort de discours et de chants plus ou moins sylvestres. Dans cet ordre d'idées, il convient de signaler les initiatives prises dans divers pays et les résultats obtenus. Depuis 1902, un décret royal institue, en Italie, la fête des arbres dans toutes les communes. Les enfants des écoles ont procédé à des plantations fort importantes en présence du roi et de la reine. L'Autriche, la Hongrie, la Russie ont témoigné de leur intérêt pour ces manifestations. En Espagne, V Association des Amis de la fête de V Arbre, fondée en 1898, a fait une propagande des plus actives ; elle n'a pas été étrangère à la publication du décret royal du 11 mars 1904, lequel institue la fête de l'Arbre dans tout le royaume. En 1913, 409 fêtes ont été célébrées avec le concours des gouverneui*s de provinces. Au Japon, la fête des Cerisiers est une fête nationale. Aux Etats-Unis, sous le nom à'arhor-day, il s'est fondé, en 1872, une Association en vue de la reconstitution des forêts. Chaque année, Varbor- day est célébré avec solennité : c'est une fête nationale statutairement établie par acte du Gouvernement. Cette mesure a eu pour conséquence d'augmenter de plusieurs millions d'hectares le domaine forestier de l'État. Pourquoi, en France, n'aurions-nous pas notre fête de VArbre? Ce serait le prétexte d'une journée de joie saine, d'un contact réconfortant avec la nature. Planter des arbres, cela vaut certainement mieux que d'ériger des statues ! « Quel plus beau monument, pour célébrer la gloire « d'im grand citoyen, qu'un arbre planté en son honneur par les mains « des enfants, heureux dans une fête patriotique » (Lesing). 1 iicoiiia..iim«n(s II cst incontestable qu'au cours des cinquante dernières années, l'agri- .1 lii syiviciii- culture a fait de sérieux progrès. Les Écoles d'agriculture, les Stations de recherches, les Sociétés d'agriculture, (Coopératives, Comices, Syndi- — 62 — INTERNATIOXAL 19Jv) cats, les Concours régionaux et nationaux, se sont multipliés répandant autour d'eux cette science lumineuse qui chasse devant elle l'obscure routine ; l'outillage s'est chaque jour perfectionné. Seule, la sylviculture privée est restée stationnaire. Notre production ligneuse ne répond pas aux besoins de la consommation et la plupart des producteurs de bois ne font aucun effort pour satisfaire aux besoins nouveaux que réclame l'industrie ; ils se confinent dans leurs méthodes antiques, vivant encore sous l'influence de ce vieux préjugé que « les arbres poussent tout seuls », et, selon l'expression de M. Cyprien Girerd : « donnent des produits que l'on n'a qu'à cueillir quand on les croit mûrs, au risque souvent aussi de les cueillir quand ils sont encore verts ». Pour remédier à cette incurie qui nuit aux intérêts privés autant qu'à l'intérêt général, il faut — nous venons de le voir, — par la vulgarisation de l'enseignement sylvicole, faire pénétrer dans l'esprit des producteurs qu'ils ont intérêt à modifier leurs aménagements en les rendant plus rationnels ; s'interdisant de mettre la cognée dans des arbres trop jeunes, sans, pour cela, attendre que la vieillesse les ait rendus impropres à toute exploitation; réglant l'heure des coupes suivant la maturité des arbres; réservant pour l'avenir un nombre d'ancêtres qui corresponde à la possi- bilité productive du sol ; introduisant des essences nouvelles dans d'anciens massifs, comme dans des plantations récentes, d'après la nature du sol, le cHmat, l'altitude. C'est en vulgarisant les données de la science appliquée à l'agriculture et les méthodes nouvelles que les concours départementaux, régionaux et nationaux, par les rapports et la distribution de récompenses, ont puissamment contribué au mer- veilleux développement de l'agriculture française et à l'accroissement de sa productivité. Il en sera de même pour la sylviculture si on lui fait dans les écoles, dans les expositions, les comices, la place qui lui revient. Dans le budget de l'Agriculture, plusieurs millions figurent pour des encouragements divers (environ 10 millions). On chercherait en vain des primes à la sylviculture. Nous citons pour mémoire le chapitre relatif à la restauration et à la conservation des terrains en montagne, lequel com- porte un paragraphe pour subventions aux particuliers ; celui des amého- rations pastorales et forestières, insuffisamment doté : 145 000 francs. Il importe aux besoins de la sylviculture de demander aux Pouvoirs publics d'accorder des primes, des subventions, aux améliorations appor- tées à la culture forestière, aux meilleurs procédés d'exploitation, au personnel qui aura coopéré avec zèle à ces travaux, ainsi qu'à l'exécu- tion de reboisements et d'aménagements sylvo-pastoraux. En résumé, il est de toute nécessité d'encourager la sylviculture, comme on encourage la grande et la petite culture, la sériciculture, la pis- ciculture, la culture du lin, du chanvre et la culture de l'olivier. Il doit y avoir, en effet, parité d'encouragement quand il s'agit de stimuler une œuvre qui a un objectif aussi impérieux que celui qui se rattache à la prospérité d'une nation. En conséquence, nous avons l'honneur de formuler les projets de vœux suivants : Que le diplôme ^'Ingénieur forestier soit décerne aux élèves libres de V Ecole nationale des Eaux et Forets de Nancy qui en seront jugés dignes ; — 63 — CONGRKS FORESTIER Que la mention Sylviculture soit portée sur le diplôme cî'Ingénieur AGRICOLE délivré aux élèves des Ecoles nationales d^ Agriculture qui se seront particulièrement distingués dans cette branche ; Que des notions les plus indispensables de sylviculture et d^ aménagements sylvo-pastoraux soient données dans les Ecoles pratiques d' Agriculture et dans les fer mes- écoles ; Que l'enseignement théorique et pratique de la sylviculture soit donné dans les écoles normales d'instituteurs, par un agent des Eaux et Forêts ; Que les éléments de cet enseignement soient inscrits dans les programmes des écoles primaires ; Que la mention Sylviculture soit portée sur le certificat de fin d'études normales des maîtres qui en seront jugés dignes ; Qu'en général, l'enseignement à tous les degrés comprenne Vétude som- maire et méthodique des notions les plus indispensables d^ économie fores- tière et sylvo-pastorale ; Que les agents de V Administration des Eaux et Forêts, les professeurs d'agriculture soient délégués, suivant un programme fixé annuellement, pour faire des conférences forestières et sylvo- pastorales de vulgarisation dans les écoles et partout ou cette propagande pourrait être utile ; Qu'une entente s^établisse entre le ministère de l Agriculture et celui de V Instruction publique, afin que les Inspecteurs d'' Académie et les Agents de V Administration des Eaux et Forêts soient invités à aider, de toutes manières, la constitution de sociétés scolaires forestières, à en favoriser le plus possible le développement, à en assurer le bon fonctionnement et la pérennité, et propagent la Fête de l'Arbre ; Que les Pouvoirs publics instituent la Fête de l'Arbre ; Que les Associations touristiques, les Automobiles-Clubs, les Syndicats d^ initiative, les Sociétés d'' Agriculture, encouragent l enseignement forestier et sylvo-pastoral, et concourent à V organisation de Fêtes de V Arbre ; Que, dans les concours nationaux ou généraux, le Ministre de VAgricul- ture fasse à la sylviculture une place correspondant à son importance : Par V attribution de primes dhonneur aux meilleurs aménagements, à ceux qui auront le mieux tenu compte du climat, du sol, des essences, des besoins locaux ; Par la distribution de subventions, de récompenses, de prix aux meilleurs procédés d exploitation des bois, à V utilisation de leurs produits et sous-produits et à l introduction d^ essences nouvelles; en. même temps qu'aux plantations dans les landes et autres terres incultes ; Par l'organisation de concours destinés à stimuler toutes les initia- tives entre savants, industriels et producteurs pour la recherche de nou- veaux produits et la construction des appareils propres à les extraire ; Par Vattribution de récompenses au personnel à gages qui se sera signalé dans les travaux forestiers ci-dessus et aura coopéré avec zèle à des travaux de reboisement ou d'améliorations pastorales. — (Vi — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Avant d'ouvrir la discussion sur les divers vœux, permettez-moi une observation d'ordre général. Ces vœux sont mul- tiples ; mais ils procèdent tous d'une même idée sur laquelle il importe, je crois, que notre section se prononce. Cette idée est la suivante : il convient que la sylviculture soit traitée comme l'a été jusqu^'à pré- sent l'agriculture, c'est-à-dire qu'elle soit enseignée, soutenue, pro- tégée comme l'agriculture n'a cessé de l'être depuis un siècle, ce qui a permis le grand développement que la production agricole a pris dans notre pays. Je pose donc la question suivante : Y a-t-il lieu d'appliquer à la syl- viculture les règles qui ont été appliquées à l'agriculture en ce qui concerne l'enseignement, les récompenses et les encouragements de toutes sortes? C'est sur cette vue d'ensemble que j'appelle d'abord la section à se prononcer, avant d'entrer dans le détail des vœux. M. DE Larnage. — Je suis heureux, et je suis convaincu que nous le sommes tous, de voir que l'on songe à traiter la sylviculture comme l'agriculture au point de vue de l'enseignement et des encouragements. Mais permettez-moi de dire que nous souhaiterions, nous, forestiers, que la sylviculture fût mieux traitée que ne l'a été jusqu'ici l'agri- culture, en particulier pour l'enseignement dans les écoles primaires. Ce que nous devons demander, je crois, c'est un traitement plus favorable que celui dont bénéficie l'agriculture dans les écoles rurales. Mais tout de suite une distinction s'impose. Dans les régions comme celle de la Beauce, qui sont malheureusement dépourvues de bois, il n'y a pas lieu d'enseigner la sylviculture. Au contraire, dans les régions comme la mienne, où j'ai l'honneur d'être président d'un syndicat forestier qui groupe plusieurs départements voisins, il faut aux écoles rurales un programme d'enseignement sylvicole approprié à chaque région et assez détaillé. M. Umbdenstock. — Nous sommes entièrement d'accord, puisque vous demandez plus que nous. Qui veut plus veut moins. M. DE Segonzac. — Nous formulons donc deux desiderata : 1° Que l'on organise l'enseignement sylvicole dans les régions où il offre un intérêt ; 2° Que l'on veuille bien traiter la sylviculture mieux que l'agriculture, laquelle, dans beaucoup de campagnes, n'a jamais été enseignée. M. le Président. — Sur l'idée générale des vœux formulés par M. le rapporteur, telle que je l'ai dégagée, personne ne demande plus la parole?... Cette idée générale est approuvée par la section. Je mets en délibération le premier vœu proposé par M. le rapporteur, ainsi conçu : — 65 — CONGRES FORESTIER « Que e diplôme (P ingénieur forestier soit décerné aux élèves libres de Vécole nationale des Eaux et Forêts de Nancy qui en seront jugés dignes ». M. GiTYOT. — En ma qualité d'ancien directeur de l'école nationale de ■ Nancy, je désire appuyer très chaudement ce premier vœu. Le titre d'ingénieur forestier n'est pas décerné actuellement aux élèves libres ; mais l'enseignement leur est libéralement offert ; le plus grand désir de ceux qui sont à la tête de cette école, — le mien quand j'avais l'honneur de la diriger, — c'est précisément d'étendre le plus possible l'enseignement forestier donné en faveur des élèves libres. Malheureusement, ce sont les candidats qui font défaut. Nous nous sommes évertués à faire connaître dans toute la France les avantages que les fds de propriétaires et tous ceux cjui se destinent à la carriçre de régisseur forestier pourraient retirer de l'enseignement que donne l'école de Nancy. Ils y acquerraient les notions les plus élevées de la science forestière. Mais je dois constater que nos efforts n'ont pas abouti. Sans doute il y a des exceptions : j'ai eu tout à l'heure le plaisir de voir quelques-uns de mes anciens élèves qui, ayant suivi jusqu'au bout les cours de l'école nationale, ont bien voulu me dire qu'ils en gar- daient un très bon souvenir. Mais je crois que leur cas est trop rare. Peut-être le titre que l'on propose d'accorder aux élèves remédierait- il dans une certaine mesure à l'état de choses que je signale. Mais ce qu'il faudrait avant tout, c'est de la publicité. Cette publicité, c'est à vous tous. Messieurs, qu'il appartient de la faire, chacun dans sa sphère. Vous pouvez dire autour de vous qu'à Nancy, l'enseignement sylvicole est distribué d'une manière aussi large que possible à tous ceux qui veulent bien venir le recevoir. L'école de Nancy ne demande qu'à rendre le plus de services possible. Je vois près de moi des membres du corps enseignant qui ne me démentiront certainement pas. Sans doute il en résulte pour eux un surcroit de charges et de peines, mais je suis persuadé qu'ils l'accepteront volontiers, et qu'ils continueront à se dévouer comme ils l'ont toujours fait à cette œuvre si belle. {Applau- dissements.) J'ajoute qu'à Nancy — vous me direz peut-être que je prêche pour mon saint ; c'est vrai, mais puis- je donc faire autre chose et n'est-il pas permis à un ancien directeur de notre école Nationale de dire ce qu'il en pense? — à Nancy, l'enseignement sylvicole est nécessairement meilleur que partout ailleurs. Sans doute, on pourrait créer un enseignement similaire dans les universités; mais il y manquerait toujours quelque chose. Ce qui manquera, c'est l'application pratique. ^ ous trouverez, pour faire des cours dans les universités, des professeurs capables de parler avec beaucoup de compétence des choses forestières. Mais ce qui fait la valeur particulière de l'enseignement de l'école de Nancy, c'est la proximité des forêts si diverses où l'application peut se faire et se fait journellement. — m — i:^TEI\NATIONAL 1913 C'est pourqui je crois qu'il est de l'intérêt des propriétaires et des futurs régisseurs de profiter de l'enseignement donné à l'école de Nancy. Il n'est peut-être pas sans intérêt de signaler que cet enseignement est absolument gratuit. Imaginez-vous que l'on nous en a fait un reproche ? {Rires.) C'est en effet une idée assez répandue que tout ce que l'on donne gratuitement ne vaut rien. {Nouveaux rires.) Et à l'étranger surtout, on nous a dit : Faites donc payer vos cours, ne donnez votre ensei- gnement que contre un bon prix ; vous verrez que l'on y viendra. Je donne cette indication à titre documentaire ; mais je ne suis nulle- ment partisan du système nouveau qu'on nous suggère ; je crois que nous pouvons continuer à nous montrer grands et généreux. Je rappelle le fait pour vous montrer avec quelle libéralité l'Administration fores- tière agit à Nancy. Je vous demande à tous de vouloir bien faire con- naître les avantages que l'on peut retirer de cette organisation, unique en France, unique au monde, peut-être. {Applaudissements.) M. Désiré Pector. — On a parlé de la publicité à faire en faveur de l'école de Nancy, cette publicité pourrait être faite aussi à l'étranger. En ce qui me concerne, je me chargerais de faire connaître cette école par des prospectus en langue espagnole, dans tous les pays qui nous environnent. Il y en a certainement où l'on sera heureux de oonnaître l'école de Nancy et de profiter de son enseignement. {Approbation.) M. Watier. — Pourquoi ne pas donner le même diplôme à tous les élèves de l'école de Nancy, sans distinction d'élèves libres ou non libres? M. Umbdenstock. — Je reconnais le bien fondé de cette observation. Cette mesure permettrait en effet aux élèves libres de l'école de Nancy et aux « Agents des Eaux et Forêts « qui quittent l'Administration, de faire état de leur titre d'ingénieur forestier. En conséquence, je propose de supprimer le mot < libres » dans le texte du voeu. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu ainsi modifié. Le^vœu, ainsi modifié, est adopté. M. LE Président. — Le deuxième vœu est le suivant : |< Que la mention sylviculture .soit portée sur le diplôme d'' ingénieur agricole délivré aux élèves des écoles nationales d'agriculture qui se seront particulièrement distingués dans cette branche », INI. Hickel. — L'enseignement sylvicole étant exactement le même à l'institut national agronomique que dans les écoles nationales d'agri- culture, il conviendrait peut-être de demander que la mention sylvi- culture pût être ajoutée de même sur le diplôme de l'institut agrono- mique. M. Umbdenstock. — Parfaitement. Le vœu serait donc ainsi rédigé : CONGRES FORESTIER « Que la mention syhiculture soit portée sur les diplômes d'' ingénieur agronome et d'ingénieur agricole, délivrés aux élèves de V Institut national agronomique et des Écoles nationales d' agriculture qui se seront particulièrement distingués dans cette branche )>. Le vœu, ainsi modifié, est adopté. M. LE Rapporteur. — Troisième vœu : « Que des notions les plus indispensables de sylviculture et d^imé- nagements sylvo- pastoraux soient données dans les écoles pratiques d' agj'iculture et dans les fermes-écoles ». Adopté. Quatrième vœu : « Que renseignement théorique et, pratique de la sylviculture soit donné dans les écoles normcdes d'' instituteurs, par un agent des Eaux et Forêts ». M. Watier. — Dans son rapport, M. le rapporteur s'est basé sur l'ensei- gnement qui est donné à Albertville. Albertville appartient à ma circonscription, l'agent forestier qui y fait le cours touche des émolu- ments. Il me semble qu'il serait bon d'ajouter au vœu que nous deman- dons au Parlement de vouloir bien voter les crédits nécessaires. M. Umrdenstock. — J'estime que nous n'avons pas à nous occuper de la question budgétaire que soulève notre vœu. M. DE Larnage. — Je propose de modifier comme suit la rédaction du vœu : «... par un agent des Eaux et Forêts on pour tout ingénieur agronome ou agricole ayant sur son diplôme la mention sylviculture ». Le vœu, ainsi modifié, est adopté. M. le Rapporteur. — Cinquième vœu : « Que les éléments de cet enseignement soient inscrits dans les programmes des écoles primaires ». M. DE Larnage. — Je demande que la formule du vœu soit précisée. On pourrait le rédiger dans les termes suivants : « Que les éléments de cet enseignement, spécialisé selon les besoins de la région où il est donné, soient inscrits dans les programmes des écoles primaires ». Le vœu, ainsi modifié, est adopté. M. LE Rapporteur. — Sixième vœu : « Que la mention sylviculture soit portée sur le certificat de fin d'' études normales des maîtres qui en seront jugés dignes ». Adopté. — 68 — INTERNATIONAL 1913 Septième vœu : « QiCen général V enseignement à tous les degrés comprenne Vétude sommaire et méthodique des notions les plus indispensables d'économie forestière et sylvo-pastorale ». Adopté. Huitième vœu : « Que les agents de V administration des Eaux et Forêts^ les pro- fesseurs d'agriculture soient délégués, suivant un programme fixé annuellement pour faire des conférences forestières et sylvo-pastorales de vulgarisation dans les écoles et partout où cette propagande pourrait être utile ». M. DE Larnage. — Je m'excuse de prendre à nouveau la parole. M. le rapporteur propose d'émettre le vœu que les agents de l'Administra- tion des Eaux et Forêts, dont on nous a dit qu'ils étaient surchargés par leurs propres fonctions, soient appelés encore à donner un ensei- gnement complémentaire. Je demande que le vœu soit rédigé de telle sorte que l'on puisse faire appel aux membres des Sociétés sylvicoles de la région, et que la for- mule soit telle qu'elle ne semble pas exclure telle ou telle Société qui ne porterait pas le nom de syndicat. {Approbation.) M. DE NicoLAY.— Je tiens à dire qu'il me paraît très intéressant de faire appel à l'initiative privée pour l'enseignement sylvicole. Je crois que les organisations privées disposent de ressources susceptibles de donner à notre enseignement une grande force. M. DE Bazelaire de Lesseux. — L'initiative privée est en effet une force appréciable ; mais elle ne peut généralement plus rien quand on la soumet au contrôle administratif. Que les éléments privés restent indépendants ! Ils travaillent, c'est parfait. Mais ne les mêlons pas à l'administration. D'ailleurs quelle garantie ofYriraient-ils? La sylviculture est une science trop spéciale. M. DE NicoLAY. — La question posée par M. de Larnage découle d'une proposition antérieure, à savoir la spécialisation des enseignements sylvicoles. Les éléments privés peuvent intervenir d'une façon heureuse quand il s'agit d'une culture spécialisée, comme le gemmage, ou quand il s'agit d'une culture locale, pineraies ou châtaigneraies, par exemple. Il est certain que jamais un propriétaire ne pourra s'introduire dans des conseils d'études sylvicoles ayant une portée générale. M. Lecoq. — Je ne suis pas un adversaire de l'initiative privée. Je suis le présid*mt d'un syndicat qui a fait des efforts couronnés de succès pour introduire l'enseignement sylvicole dans les écoles primaires. — m — CONGRES FORESTIER Je craindrais cependant que l'emploi de membres de syndicats comme professeurs n'entraînât certaines difficultés. M. LE Président. — M. de Larnage demande qu'après les mots « les professeurs cV agriculture », soient ajoutés les mots « et en général les membres des syndicats forestiers ». M. DE Larnage. — Certaines Sociétés ne portent pas le nom de Syndicat ; pour qu'elles ne soient pas exclues, on pourrait dire « et en général les membres des Sociétés sylvicoles ». (Assentiment.) Le vœu, ainsi modifié, est adopté. M. LE Rapporteur. — Neuvième vœu : « Quhme entente s^établisse entre le Ministère de V Agriculture et celui de l'Instruction publique., afin que les inspecteurs d''académie et les agents de V administration des Eaux et Forêts soient invités à aider de toutes manières la constitution de Sociétés forestières., à en favoriser le plus possible le développement et la pérennité, et propagent la fête de V Arbre ». . Adopté. M. Umbdenstock étant appelé dans une autre Section, un Secrétaire continue la lecture des vœux. Dixième vœu : « Que les Pouvoirs publics instituent la fête de V Arbre ». Plusieurs Congressistes. — Le vœu parait inutile, puisque la fête existe déjà. {Assentiment.) Le dixième vœu n'est pas adopté. M. le Président. — Onzième vœu : « Que les associations touristiques, les automobile-clubs, les syndicats d'initiative, les sociétés d'agriculture, encouragent l'enseignement forestier et sylvo-pastorcd et concourent à l organisation de fêtes de V Arbre ». M. DE Segonzac. — Il faut supprimer le dernier membre de phrase, puisque le vœu précédent n'a pas été adopté. M. LE Président. — Il n'y a nullement contradiction entre le rejet du vœu précédent et l'adoption de celui-ci, dans les termes où il est pré- senté. La formule adoptée n'engage à rien. M. de Segonzac. — Il ne faut pas que l'on fasse aux associations une obligation d'organiser ces fêtes. — 70 — liNTERMATIO-NAL 1913 M. Roux. — On ne voit pas quelle autorité pourrait imposer une obli- gation de cette sorte aux associations touristiques. Le onzième vœu est adopté. Douzième vœu : « Qiie^ dans les concours nationaux ou généraux, le Ministre de V Agriculture fasse à la sylviculture une place correspondant à son importance ; « Par V attribution de primes d^honneur aux meilleurs aména- gements, à ceux qui auront le mieux tenu compte du climat, du sol, des essences, des besoins locaux ; « Par la distribution de subventions, de récompensés, de prix, aux meilleurs procédés d^ exploitation des bois, à V utilisation de leurs produits et sous-produits et à V introduction d'' essences nouvelles, en même tetnps qu^iux plantations dans les landes et autres terres incultes ; « Par V organisation de concours destinés à stimuler toutes les initiatives entre savants, industriels et producteurs pour la recherche de nouveaux produits et la construction des appareils propres à les extraire ; (t Par V attribution de récompenses au personnel à gages qui se sera signalé dans les travaux forestiers ci-dessus et aura coopéré avec zèle à des travaux de reboisement ou d'' améliorations pastorales ». Le douzième vœu est adopté sans discussion. La séance est levée à midi. 71 CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 16 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. Cyprien GIRERD, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 15. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle une communication de M. Ricardo Codorniu sur la Fête de l'Arbre en Espagne. La parole est à M. le Secrétaire pour donner connaissance de cette communi- cation. M. LE Secrétaire, lisant : LA FÊTE DE L'ARBRE EN ESPAGNE Précédents et renseignements relatifs à sa célébration. — Fêtes en 1912. La Fête de l'Arbre a d'honorables précédents en Espagne : en effet, en 1805, à Villanueva de la Sierra, localité de la province de Caceres, un prêtre décida de faire une plantation de peupliers, et, convaincu de la nécessité qu'il y avait à donner à ces entreprises le caractère d'une fête, non seulement pour éveiller les initiatives, mais encore pour faire naître l'idée du mérite et de l'utilité, il réunit la jeunesse, organise un banquet et un bal qui suivirent la plantation projetée. En 1817, à Léon, on célébra une grande fête à l'occasion de la création du jardin de Saint-Fraaçois ; les dames elles-mêmes plantèrent des arbres en présence de toute la population, il y eut concert et feu d'artifice, distribution de pain aux pauvres, procession civique et bal de société. Le Senianario Industrial mentionna, en 1840, une autre fête, mais malheu- reusement il oublia de citer le nom de la localité où elle eut lieu. Il disait que dans le but de mettre un terme à l'hostilité des habitants envers 1" Arbre, on se rendit en procession à un endroit où le prêtre harangua la population et se mit à creuser de sa propre main des fossés, il fut secondé par tous les habitants. Huit jours plus tard on procéda à la plantation. « L'amour-propre et la vanité « des familles les incita à confier aux jeunes gens et aux enfants la garde d'un <( certain nombre d'arbres », dit le journal, et il ajoute : « Les fils et les petits- « fils de ceux qui assistèrent à cette inoubliable cérémonie, contemplent encore « la plantation avec estime et vénération. » On ne parla plus de ces fêtes pendant plusieurs années, jusqu'au moment où le grand patriote Raphaël Puigy Valls, le très distingué ingénieur des Forêts, attristé par les malheurs qui ont frappé notre pays au cours des dernières années du siècle écoulé, pensa qu'il fallait Je régénérer en faisant aimer l'arbre et en mettant la propagation de ce sentiment à la hauteur des exigences du climat et de l'orographie de la péninsule ibérique ; il considéra que le meilleur moyen d'y parvenir, était d'instaurer la Fête de l'Arbre. A cet effet, il — 72 — INTERNATK»NAL 1913 commença par fonder à Barcelone, en 1898, la Société des Amis de la Fête de l'Arbre, qui, depuis 1900, publie de belles chroniques annuelles sur les Fêtes célébrées dans toute l'Espagne. Le 11 mars 1904, parut un décret royal conférant à la Fête un caractère ofTiciel disposant que la direction supérieure de ce service ressortirait à l'Ins- pection des repeuplements forestiers et piscicoles, que l'on fournirait des semences, que l'on créerait des pépinières à l'effet de procurer gratuitement des plants à ceux qui voudraient célébrer ces fêtes, qu'on accorderait des prix pour les fêtes qui auraient le mieux réussi, et que l'on récompenserait les maires, les médecins, les pharmaciens et les professeurs qui se seraient dis- tingués le plus. A cette fin, on a créé neuf pépinières, qui ont produit, en 1912, 487.185 plants, avec un budget de 30.000 pesetas. Chacun de ces plants a coûté en moyenne six centime. De plus, les pépinières forestières de l'Escurial et de Logrofio ont donné respectivement 65.300 et 21.146 plants, de sorte que le total des plants que l'État a mis à la disposition des organisateurs de la Fête de l'Arbre, a été, pour 1912, de 573.631, Persuadé que cette Fête, grâce à la distribution gratuite aux particuliers de plants et de semences, constitue le moyen le plus pratique de propagande forestière, on s'efforce de lui donner un caractère éducatif, et, pour faciliter la réalisation de ce but, on publie, dans les bulletins ofTiciels des différentes pro- vinces, des circulaires au moyen desquelles l'Inspection de RepopulatioLS préconise la célébration de la Fête et fait connaître le nombre et l'espèce des plants qui existent dans les pépinières pour qu'on puisse en faire la demande. Oa distribue des brochures contenant la législation en vigueur, des conseils, des poésies, des maximes destinés à être lus au cours de la Fête ou pouvant servir d'aide-mémoire à ceux qui doivent y prononcer des discours, on y fait figurer également les paroles et la musique de l'hymne à l'arbre. Les Chroniques de la Fête et la propagande en tous sens, font que l'idée prend corps et se généralise, que chaque année on en célèbre un nombre plus considérable, à tel point que ce nombre, qui, jusqu'en 1911, n'avait pas dépassé 80 fêtes, a atteint, en 1913, le chiffre de 409; de plus, il résulte de renseigne- ments récents que ce nombre, qui s'accroît constamment, dépassera selon toute probabilité 450. Ces fêtes de l'Arbre contribuent à diminuer, sinon à faire disparaître com- plètement, les dommages causés aux arbres par les enfants et même par les hommes, à encourager beaucoup de propriétaires, qui, jusqu'alors n'y avaient pas songé, à faire des plantations. Grâce à elles, diverses localités ont été dotées de nouvelles promenades et de parcs, des rues et des places ont été plantées d'arbres, et il en est résulté un goût marqué pour la culture des espèces les plus recherchées ou les plus belles. De notables exemples de sympathie pour la fête, ont été fournis par les gou- verneurs actuels des provinces de Léon et de Grenade, MM. Bonito del Campo et José Corral y Latorre, qui ont été remarquablement secondés, respective- ment, par les Ingénieurs des Forêts, MM. Eugenio Cuallart et José Almagro, l'ingénieur des Forêts à Cuenca, M. Enrique de las Cuevas, le secrétaire de la Commission d'Instruction publique de Léon, M. Miguel Bravo, le professeur d'Agriculture de l'Institut de La Corogne, M. José-Maria Hernandez et bien d'autres. Il est juste aussi de reconnaître les efforts qui ont été faits pour propager la Fête, en premier lieu par la Société espagnole des Amis de l'Arbre, au moyen d'une très active propagande dans son Bulletin, de la distribution gratuite de brochures et de cartes-postales, de la publication d'annonces, etc., et enfin de la célébration de la Fête à Getafe ; grâce à cette cérémonie, on a commencé la repopulation du « Cerro de los Angeles », point situé au centre de l'Espagne. L'Association des Amis de la Fête de l'Arbre à Barcelone a publié au cours de cette année la Chronique de la Fête de V Arbre, en Espagne en 1910, beau volume de 132 pages, comprenant de nombreuses photogravures. Nous devons — 73 — CONGRES FORESTIER •signaler également la brochure intitulée : « La Fête de V Arbre », publié à Léon ; cet ensemble de renseignements, de précédents et de pratiques en vue de sa célébration, est dû à la plume d'un enthousiaste de l'Arbre. Mentionnons aussi le Souvenir de la Fête de V Arbre, célébrée au Séminaire concilaire de Madrid le 17 mai. La revue de l'enseignement primaire El Profesorado, organe de l'Association des Professeurs de la province de Grenade, a publié un numéro spécial, où se trouvent décrites les quatre-vingt-douze fêtes célébrées en 1912 dans cette province, et le numéro spécial du Magisterio Conquense, consacré à la Fête célébrée à Cuenca. Nous ne devons pas passer sous silence les deux vœux que j'ai eu l'honneur de formuler et qui ont été approuvés à l'unanimité par le cinquième Congrès International de Tourisme, célébré à Madrid au cours de ladite année : 1» Recommander aux administrations communales de défendre et de pro- pager les arbres des routes, rues et promenades, en les considérant comme un ornement important ; d'empêcher les tailles blâmables qu'on leur fait subir, et aussi de demander aux Gouvernements provinciaux, aux Municipalités et aux particuliers de propager les arbres forestiers et fruitiers, tant dans les cam- pagnes ciue sur les versants des montagnes, ainsi que ceux qui se trouvent placés par groupes ou isolément dans les pâturages ; de proposer que J'on coupe les vallées au moyen de «rideaux d'arbres, » dans le but de modérer pendant le jour les rapides courants d'air qui s'y produisent, et, de plus, que l'on géné- ralise en rendant obligatoire pour toutes les administrations communales, la célébration de la Fête de l'Arbre, en lui donnant un caractère éducatif. 2° Recommander également qu'aux abords de toute localité ou agglomé- ration, où ne se trouve pas de montagne, on réserve une certaine extension de terrain pour la culture forestière, ceci à l'effet d'éveiller chez les habitants l'amour des arbres et de les doter d'un endroit susceptible d'élargir leur esprit ainsi que des moyens nécessaires à l'étude des sciences naturelles. C'est tout ce que je crois devoir soumettre au Congrès pour qu'il se rende compte et du développement que la Fête de l'Arbre a acquis en Espagne et des résultats qui en découlent. Je prie le Congrès de daigner adopter un vœu tendant à recommander aux Gouvernements et aux forestiers de tous les paj^s de faire célébrer la Fête de l'Arbre dans toutes les localités et agglomérations, c'est un excellent moyen éducatif pour faite pénétrer dans les masses l'amour de l'arbre et de la mon- tagne, qui assainissent, embellissent et enrichissent le pays. M. LE Président. — La section donne acte à M. Ricardo Codorniu de la communication qu'il a faite. L'ordre du jour appelle le rapport de M. Guinier sur la Répartition des végétaux ligneux en France. M. Guinier a la parole pour donner lecture de son rapport. M. Ph. Guinier. — La sylviculture repose sur la connaissance de Vécologie des essences forestières, c'est-à-dire sur l'étude de leurs rap- ports avec le milieu dans lequel elles vivent. Ce n'est qu'à la condition de bien connaître les exigences, le tempérament des arbres que le fores- tier pourra agir sur la forêt, intervenir dans la lutte engagée entre les végétaux qui la constituent et modifier de la manière économiquement la plus profitable l'équilibre qui s'établit à chaque instant. Cette condi- tion est non moins essentielle pour la pratique des boisements artificiels qui ne réussiront que si les essences plantées se trouvent dans le milieu qui leur convient. La méthode tout naturellement employée pour déterminer les parti- cularités écologiques d'une essence consiste à étudier les stations où — 74 — INTERNATIONAL 1913 l'espèce croît spontanément, à définir le plus strictement possible les conditions qui y régnent et à dégager en quelque sorte les facteurs com- muns à toutes ces stations. Le point de départ de l'étude est donc la connaissance de la répartition géographique de l'essence. Mais, en outre, cette connaissance procure directement des indications précieuses et souvent plus sûres. Il faut remarquer que nos moyens d'investigation concernant les conditions de climat et de sol sont bien imparfaits pour apprécier les variations souvent très faibles qui agissent grandement sur les végétaux; les plantes, et en particulier les arbres, sont vis-à-vis du milieu des enregistreurs d'une extraordinaire sensibilité ; au contraire, nos stations météorologiques sont trop peu nombreuses, nos méthodes d'analyse des sols insuffisamment perfectionnées : plus d'un facteur important peut nous échapper. C'est d'ailleurs une habitude ancienne que d'inverser le problème et de définir le milieu par l'existence d'une plante au lieu d'expliquer la présence de la plante en précisant les conditions du milieu ; on dit couramment le climat de V olivier^ une terre à blé. La connaissance de la répartition géographique d'une essence, la constatation de la vigueur plus ou moins grande de son développe- ment sur les divers points de son aire peuvent servir de guide pour le traitement des massifs existants ou la création de peuplements nouveaux. On est amené ainsi à délimiter la région où l'arbre trouve les conditions les plus favorables, son optimum ; celles au contraire où il se trouve en état d'infériorité dans la lutte pour la vie. Cette notion de l'optimum, déve- loppée notamment par Mayr a une importance capitale en sylviculture : elle intervient pour expliquer des différences dans la rapidité de crois- sance, la facilité de régénération, la qualité du bois, et justifie de pra- tiques différentes dans la conduite des peuplements suivant les régions. Dans le cas de boisements artificiels, la connaissance de l'aire d'une essence suffira pour déterminer la possibilité de son introduction et ses chances de réussite dans un endroit donné. L'étude de la répartition géographique est nécessaire pour nos prin- cipales essences ; elle est souvent tout aussi utile pour des essences secondaires, même pour des arbustes ou des arbrisseaux. Il ne faut pas oublier que les divers végétaux qui constituent une forêt sont solidaires; ils se réunissent en associations parce qu'ils ont des besoins communs ; leurs aires géographiques présentent des parties communes sans que d'ailleurs leurs optima coïncident. Les végétaux ligneux d'importance secondaire servent de réactifs des conditions de milieu et leur présence renseigne sur la valeur de la station pour les grandes essences qui leur sont habituellement associées. L'existence dans une forêt du Sorbier des oiseleurs (Sorbus aiiciiparia L.)etde la Myrtille {Vacciniiim Myrtillus L.), associés au sapin {Abies alba Miïl) dans toute son aire, mais ayant une répartition plus large que lui, indique que ce résineux trouverait là des conditions suffisamment favorables. La présence de l'Aune vert {Alnus viridis DC) sur une montagne déboisée donne au forestier la certitude qu'il pourra y créer un peuplement de Mélèze [Larix decidua Mill.) ou d'Epicéa {Picea excelsa Lk). La connaissance de la répartition géographique des végétaux hgneux en général apparaît donc comme une nécessité, comme une condition des progrès de la sylviculture et de l'art du reboisement. Il faut reconnaître que, actuellement, les données que nous possédons — 75 — CONGRES FORESTIER sur ce sujet sont bien loin d'être suffisantes. Il est singulier de constater même que, pour de grandes essences, il est parfois impossible de préciser leur répartition, et que des erreurs manifestes se trouvent constamment répétées. En France, au moyen des documents actuellement publiés, on ne peut décrire avec la précision désirable la répartition du Chêne Yeuse {Querciis Ilex L.) dans l'Ouest ni indiquer ses stations sur une carte. Dans les travaux publiés, on néglige bien souvent de distinguer le Chêne Rouvre {Qiierciis sessiliflora S m.) et le Chêne Pédoncule {Q. pediin- culataEhrh.), ces deux essences si différentes par leurs exigences. Dans les ouvrages les plus sérieux publiés à l'étranger jusque dans ces dernières années, on englobe dans l'aire naturelle de l'Epicéa {Picea excelsa Lk.) le Massif central et les Pyrénées où cet arbre n'a jamais été spontané. A plus forte raison, l'incertitude la plus complète règne en ce qui concerne les essences moins répandues. L'Orme diffus {Ulmiis effiisa Willd) qui occupe quelques stations, surtout dans l'Est, passe inaperçu ; dans les Pyrénées-Orientales, le Pin Laricio de Salzmann (Pinus Laricio Poir. var. Salzmanni Dun.) est resté inconnu jusqu'à une époque récente ; la découverte du Pin à crochets [Pinus montana Mill. ssp. nncinata Ram.) dans le Massif central est un fait presque d'actualité. Quelles sont les raisons de cet état de choses? L'étude des arbres est à la fois du domaine de la botanique et de la sylviculture et il sem- blerait que de deux côtés on devrait s'y intéresser. En fait, il n'en est rien. Les botanistes considèrent volontiers que l'étude des arbres constitue une branche spéciale, la detidrologie, qu'ils négligent. Les arbres offrent, il est vrai, plus d'une particularité qui en rend l'étude un peu compliquée, au moins matériellement ; leurs rameaux sont souvent peu accessibles et il est difficile de s'en procurer des échantillons complets, aVec fleurs et fruits, d'autant plus que la floraison a lieu chez beaucoup d'espèces, à une époque très précoce, avant le développement des feuilles, ce qui exige la récolte de rameaux à plusieurs moments de l'année sur le même arbre. Les botanistes collectionneurs, qui sont en majorité, reprochent aux végétaux ligneux d'être encombrants et de mal se prêter au classe- ment en herbier. Si on consulte des herbiers même très complets, on est frappé de voir combien la flore ligneuse y est mal représentée. Dans les flores, les catalogues régionaux de plantes, on relève couramment des inexactitudes et des lacunes en ce qui concerne la répartition des arbres et arbustes. Dans des récits d'herborisations, il est courant de ne trouver aucune mention des arbres rencontrés et on peut citer des comptes rendus d'excursions botaniques en forêt où on ne dit pas de quelles essences se composent les forêts visitées. Des botanistes expérimentés, qui rougi- raient de confondre deux espèces herbacées très voisines, avouent sans fausse honte qu'ils ne connaissent pas des arbres très répandus. Il y a des botanistes spécialistes, des dendrologues^ mais le nombre en est restreint et de plus leur attention attirée par les innombrables espèces de végétaux ligneux exotiques cultivés dans les parcs se concentre rare- ment sur les essences indigènes. Le concours des botanistes se trouvant ainsi faire défaut en vertu d'un état d'esprit fâcheux, mais indéniable, il semble que l'on puisse compter sur les forestiers. Diverses raisons font que l'on ne trouve pas non plus de ce côté toutes les ressources que l'on pourrait attendre. Il y a bien des manières d'envisager la forêt. Le naturaliste la conçoit comme une INTERNATIONAL 1913 / réunion de végétaux dont il étudie les caractères et le mode de vie, le sylviculteur concentre son attention sur les quelques essences principales et en détermine les conditions de croissance et de régénération ; Faména- giste, se plaçant au point de vue économique, cherche à se rendre compte de l'accroissement, du volume et de la valeur des peuplements. On peut encore considérer la forêt au point de vue administratif, comme un domaine dont la gestion soulève une quantité de questions, construction te entretien de routes, questions de délimitation, de surveillance. Les forestiers, régisseurs du domaine boisé, se préoccupent avant tout de l'administrer et de le faire produire ; l'administration, l'aménagement, la sylviculture purement pratique les absorbent et les empêchent de s'intéresser à d'autres questions, dont peut-être, jusqu'à présent, on n'a pas fait ressortir assez l'importance et les applications directes à la sylviculture. Assez nombreuses sont les études surtout historiques et économiques publiées par des forestiers sur les forêts qu'ils ont eu à gérer, infiniment plus rares sont les études où on se préoccupe aussi de la des- cription même de la forêt, de l'étude des essences qui la composent, des conditions de leur développement. D'ailleurs on peut exprimer d'une manière générale le regret que les forestiers qui ont fait un long séjour dans une région, qui ont appris à la connaître et y ont réuni de nom- breuses observations de tous ordres, ne publient pas plus souvent sous forme de notes ou de mémoires les résultats de leur expérience. Il se constituerait ainsi une collection de monographies des diverses régions forestières, qui serait une mine inépuisable de renseignements utiles, à tous égards, pour les progrès de l'art forestier. Il y a aussi une raison pour laquelle, malgré tout, les forestiers ne peuvent apporter qu'une contribution partielle à la connaissance de la répartition des végétaux ligneux : c'est qu'étant seulement chargés de la gestion des forêts sou- mises au régime forestier, ils sont très inégalement répartis en France. Ceux dont la circonscription restreinte comprend des forêts bien groupées ont l'occasion de parcourir presque tout le pays et peuvent le connaître parfaitement. On ne peut demander les mêmes renseignements à ceux dont l'activité est appelée à s'exercer dans des forêts réparties sur un ou plusieurs départements. On peut s'expliquer ainsi que jusqu'à présent l'étude de la flore fores- tière, en France en particulier, et en Europe en général, ait été négligée, en ce qui concerne notamment la répartition des espèces. En France, les documents que nous possédons sur la répartition et d'une façon plus générale, sur l'écologie des végétaux ligneux sont peu nombreux. Ce sont des indications générales ou locales, parfois vagues ou incomplètes, éparses dans des ouvrages forestiers et dans diverses flores et catalogues de plantes. Le seul ouvrage où ces indications sont réunies et condensées est la Flore forestière de Mathieu ; cet auteur a essayé de caractériser chaque espèce au point de vue écologique et de définir sa répartition géographique. Ce sont les données rassemblées par Mathieu qui ont été reproduites avec des modifications de détail par les autres auteurs qui ont été amenés à traiter depuis la question en vue de ses applications à la sylviculture ou au reboisement. Mais ce ne sont là que des indications générales. Dans la Statistique forestière publiée par l'Administration des Forêts en 1878, il existe cependant un document plus complet et plus détaillé. — 77 — CONGRES FORESTIER Mathieu, qui dirigeait le travail, a rassemblé les renseignements fournis par les agents forestiers sur la répartition en France de 36 espèces et a tracé pour 12 d'entre elles des cartes de distribution. Ce travail, très consciencieux, est pourtant complètement insuffisant. Son défaut fon- damental vient de la conception purement administrative qui y a présidé : on a pris comme base la circonscription administrative, le dépar- tement ou, plus fréquemment, le cantonnement forestier, et l'on n'a considéré que les forêts soumises au régime forestier. D'une façon géné- rale, c'est une méthode inacceptable que de s'appuyer pour l'étude de faits naturels, sur des divisions administratives purement arbitraires. En particulier, le cantonnement est d'étendue très variable et ne peut être considéré comme homogène ; or, on donne pour la fréquence d'une essence dans un cantonnement un résultat moyen, en généralisant à toute la circonscription les faits consignés pour une ou deux localités. On ne tient aucun compte de la localisation des essences en fonction de l'altitude, du sol, des circonstances topographiquos. Le procédé apparaît particu- lièrement choquant sur les cartes de distribution par cantonnement du Chêne Yeuse [Quercus llex L.), de l'Epicéa {Picea excelsa Lk.), du Chêne- liège [Querciis Siiher L.). La grande inégalité de surface des cantonne- ments augmente encore l'imprécision de la documentation : la généralisa- tion d'un fait dans les conditions précédentes a plus d'inconvénients pour un département que pour un seul canton. La considération exclusive des forêts soumises au régime forestier est une autre cause d'inexacti- tude ; dans certains cas on a admis, pour établir la statistique, que les forêts particulières d'une région sont analogues aux forêts soumises au régime forestier, composées des mêmes essences, associées dans les mêmes proportions ; cette hypothèse, admissible dans les pays où les forêts particulières sont peu étendues et englobées dans les forêts doma- niales ou communales, conduit à de fortes erreurs dans les pays ou les circonstances sont différentes. Enfin il est inévitable que dans un travail de la nature du précédent, dû à la collaboration d'un grand nombre de personnes, se glissent des J3rreurs provenant de malentendus ou d'oublis. On en a une preuve manifeste dans certaines lacunes figurant sur la carte de distribution des Chênes Rouvre et Pédoncule [Quercus sessiliflora Sm. et Q. pedunculata Ehrh.), lacunes correspondant à des régions où l'une au moins de ces essences est abondante. On doit donc conclure que ni les données consignées par Mathieu et les auteurs qui l'ont suivi, ni les indications plus détaillées de la Statis- tique forestière, ne suffisent à nos besoins actuels. Elles constituent une première approximation, mais sont incomplètes, même pour nos grandes essences. La nécessité de l'étude de la répartition des végétaux ligneux a été nettement énoncée, en 1894, par M. Flahault. Il a exposé à cette époque un projet de Carte botanique^ forestière et agricole de la France : il proposait d'emplacer sur une carte les groupements de végétaux, les associations végétales, occupant les diverses stations d'une région. Le but poursuivi est un peu différent de celui que l'on se propose en étudiant simplement la répartition des végétaux ligneux; on considère des ensembles et non plus des espèces isolées ; la carte est synthétique et non analytique. Mais, en fait, les essences forestières principales sont toujours les caractéris- tiques, les dominantes, de la plupart des associations végétales ; l'étude de ces associations amène à l'étude de la distribution de ces essences. — 78 INTERNATIONAL 1913 La méthode proposée, l'indication sur une carte des résultats constatés, est d'ailleurs le procédé le plus commode et le plus précis pour se rendre compte de la localisation des espèces et de ses causes. Au point de vue des applications à la sylviculture et à l'art du reboisement, l'auteur a montré comment une telle carte rendrait les services que nous demandons à une connaissance plus rigoureuse de l'écologie et de la répartition des arbres. M, Flahault a établi lui-même un certain nombre de feuilles de la carte de France projetée ; il a en outre, dans diverses publications, contribué à préciser les conditions de vie et la distribution de certaines de nos espèces ligneuses. Malheureusement les cartes établies ne concernent que la région méditerranéenne et quelques territoires attenants, et une seule a été publiée. Jusqu'à présent les efforts tentés dans d'autres régions par divers auteurs sont peu consi- dérables. A l'étranger, la situation est sensiblement la même qu'en France et le manque de renseignements certains sur la répartition des essences forestières a frappé tous les auteurs. Ce sont des forestiers qui ont pris l'initiative d'un mouvement en faveur d'une étude sérieuse de la question. En 1894, le premier Congrès des Stations de recherches forestières, réuni à Vienne, émettait, sur la proposition de M. Schuberg, un vœu dans ce sens. Les années suivantes, une commission, composée de forestiers alle- mands, autrichiens et suisses, déterminait la marche à suivre et élaborait un programme de recherches. La question fut de nouveau discutée au Congrès des Stations de recherches forestières à Zurich en 1900 ; on y décida de concentrer d'abord les efforts sur quelques essences, les plus importantes, de réunir pour celles-ci des documents complets sur leur répartition naturelle et de reporter les résultats acquis sur des cartes. Le travail a été commencé et quelques résultats sont publiés. En Allemagne, la Station de recherches prussienne a publié des données complètes sur la distribution géographique du Pin Sylvestre {Pinus Sylvestris L.), de l'Epicéa {Picea excelsa Lk.), du Sapin {Albies alba Mill.), dans l'Allemagne septentrionale et moyenne. En Suisse, une en- quête a été organisée en 1902, dans chaque canton, par les soins de l'Inspection fédérale des forêts et de M. Schrôter. Quelques résultats ont déjà été publiés. Le moment est venu de se mettre à l'œuvre. Pour les progrès de la sylviculture, pour la réussite complète de l'œuvre du reboisement, il est nécessaire de remplacer les documents imparfaits que nous possédons sur la répartition de nos végétaux ligneux par des documents plus précis répondant mieux aux exigences modernes. Le travail à entreprendre est de longue haleine. C'est par une collaboration aussi large que possible : des botanistes, des forestiers, de tous ceux de plus en plus nombreux qui s'intéressent à là forêt, que l'on pourra atteindre le but. L'attention étant tournée de ce côté, on rassemblera des données, on provoquera dans certains cas des enquêtes locales. Ces résultats épars pourront être ensuite réunis en un travail d'ensemble, d'abord pour les essences les plus importantes, ensuite pour les essences secondaires, les arbustes et arbrisseaux. Ce travail de synthèse est du ressort d'une Station de recherches forestières ; il est désirable de voir la Station de recherches annexée à l'Ecole des Eaux et Forêts, en prendre l'initiative. — 79 — CONGRES FORESTIER Nous avons l'honneur de formuler le projet de vœu suivant : Qiie Vattention des botanistes et des forestiers soit attirée sur Vétude des végétaux ligneux de la flore française en particulier, au point de vue de leur répartition géographique et de leurs relations avec les conditions de milieu. Que les faits observés dans chaque région^ quelle que soit leur importance, soient publiés sous forme de notes ou de mémoires ; qu'il soit dressé le plus possible de cartes régionales indiquant la répartition des essences ou de préférence la répartition des associations qu'' elles caractérisent, en s"* ins- pirant des principes posés par M. Flahault. Que des études d'ensemble soient organisées par la Station de recherches de V Ecole des Eaux et Forêts avec le concours de tous les agents des Eaux et Forêts. {^Applaudissements). M. HicKEL. — Il y a vraiment peu de chose à ajouter au rapport si bien défini que vient de nous présenter M. Guinier. Vous me permettez toutefois de souligner la portée pratique de l'ex- posé que vient de faire M. Guinier. Il ne s'agit pas évidemment d'es- sences rares, tellement clairsemées sur notre territoire que la plupart d'entre nous les ignorent, comme par exemple le quercus ilex réduit à une fraction des départements méridionaux, et qui cependant aurait une utilisation pratique, puisque c'est une essence à laquelle on a eu déjà recours pour les reboisements. Mais à côté de cela, il se produit des confusions même pour des espèces courantes. M. Guinier a fait allusion au chêne rouge et au chêne pédoncule, et a dit que nous ignorions leur répartition, ce qui est exact*. Mais il . y a mieux. Les forestiers ont un arbre qu'on appelle le chêne bâtard dans la Gironde, le chêne blanc dans certaines régions, le chêne noir dans d'autres régions : nous ignorons absolument toute la répartition de ce chêne, et cependant ce serait important à connaître, car c'est une espèce qui a des propriétés tout à fait particulières, qui s'adapte parfaitement aux terrains secs, calcaires, très ensoleillés : c'est donc une essence susceptible d'utilisations particulières , très intéressantes dans certains cas déterminés. En outre, elle n'atteint pas les dimensions et n'a pas les qualités technologiques du chêne rouge ni du chêne pédoncule. Lorsque nous achetons des chênes pour nos reboisements, les plus précis d'entre nous commandent du chêne rouge ou du chêne pédoncule. Mais on leur facture toujours du chêne commun, de façon à éviter le recours ulté- rieur, car les maisons de graines reçoivent toujours tardivement leurs approvisionnements, et lorsqu'elles les reçoivent, les caractères fugaces qui permettent de reconnaître les glands des différentes espèces de chênes ont disparu. De même il est très difficile de reconnaître les glands du chêne tauzin. — 80 INTERNATIONAL li'13 Dans certaines régions du centre de la France, les agents ont reçu sous le nom de chêne commun du chêne tauzin, de sorte qu'à côté de chênes devant atteindre 30 à 35 mètres, ils pouvaient mettre des arbres qui ne dépassent presque jamais 15 mètres. Je voulais simplement, par cet exemple concret, vous montrer l'importance tout à fait particulière que la connaissance exacte de la location des essences présente en pratique. (Applaudissements.) M. LE Président. — Nous remercions M. Hickel des renseignements extrêmement intéressants par lesquels il vient de confirmer les don- nées de M. Guinier, dont nous ne pouvons qu'approuver le rapport. Je vais mettre aux voix ses conclusions. Je ne crois pas qu'on puisse faire d'opposition au vœu de M. Guinier, que j'ai l'honneur de mettre aux voix. Adopté. L'ordre du jour appelle la communication de M. Durand : Con- sidération SUR LE DÉROISEMENT. La parole est à M. le Secrétaire pour en donner connaissance. M. LE Secrétaire. — M. Durand expose que le rendement des coupes de taillis sous futaie diminue chaque année dans les forêts des environs de Paris pour les causes suivantes : 1° Dégâts causés par les lapins dans les jeunes taillis. 2° Aménagement trentenaire des coupes qui empêche le rejet du taillis dans de bonnes conditions. 3° Trop grand nombre de réserves et spécialement de baliveaux, — ce qui est la ruine du taillis. {Murmures, protestations.) 4° Défaut de curage des fosses d'assainissement qui s'oppose à la croissance du taillis dans les bas fonds et les parties humides. M. LE Président. — Je mets aux voix la proposition de donner à M. Du- rand acte de sa communication. Adopté. Nous avons maintenant à l'ordre du jour le rapport de M. Hickel sur les Essences exotiques et naturalisées. La parole est à M. Hickel, pour la lecture de son rapport. «M. Hickel. — Il semblerait, à première vue, que l'introduction d'es- sences forestières exotiques n'eût pas besoin d'être justifiée. Et cepen- dant, chose assez singulière, alors qu'il ne viendrait certainement pas à l'idée de l'arboriculteur, de l'architecte paysagiste, de proscrire une espèce du jardin fruitier, du parc paysager ou du jardin d'agrément, par ce seul motif qu'elle est étrangère, un certain nombre de forestiers éminents, en France du moins, traitent, dans leurs écrits, des exotiques avec un souverain mépris, accompagné parfois, faut-il le dire, d'une documentation par trop insuffisante. Et pourtant, tel d'entre eux qui — 81 — CONGRES FORESTIER lance l'anathème sur l'emploi des exotiques en France est le premier à préconiser l'emploi, en Espagne, en Algérie, àes Eucalyptus^ des Casua- rina, des Acacia. Le principal argument de ces ennemis des exotiques peut se résumer en cette phrase de Boppe (1) : « Si certains arbres exotiques semblent « naturalisés dans les parcs, c'est grâce aux soins constants dont ils sont « entourés et on les verrait bientôt disparaître des forêts où ces soins « leur feraient nécessairement défaut. On ne parviendrait à les y main- « tenir qu'au moyen de sacrifices hors de proportion avec le but à « atteindre, et même, si quelques individus résistent, leur descendance M ne s'établira pas naturellement ». Emanant d'un maître comme Boppe, une semblable assertion mérite au moins une courte réfutation... D'abord, la lutte pour l'existence n'existe-t-elle donc pas entre nos différentes essences indigènes? Dans nos futaies feuillues mélangées, ne devons-nous pas , par exemple , intervenir à toutes les époques de l'existence des peuplements pour éviter que le hêtre ne supplante le chêne? Quant à la descendance des arbres exotiques, il est facile de constater que, pour un très grand nombre d'entre eux, elle s'établit au contraire naturellement. Il suffit de citer, entre bien d'autres, le chêne rouge, qui glande presque tous les ans dans des régions où les glandées des chênes rouvres et pédoncules sont régulièrement espacées de cinq, six, et même huit ans ! Il est superflu, je pense, d'insister sur ce point. Sans doute, il ne s'agit pas de remplacer de parti pris par des peuple- ments d'exotiques nos magnifiques futaies de chênes du Centre et de l'Ouest, nos futaies de hêtres, nos sapinières ou nos pessières des \^osges et du Jura, ou nos pineraies à résine des landes de Gascogne. Mais, à côté de ces joyaux de notre couronne forestière, combien de boisements ne sont composés que d'essences inférieures, combien de cas spéciaux ne rencontre-t-on pas où, du fait du sol, de la station, de cent autres circonstances, les essences indigènes ne donnent que des produits médiocres ou de réalisation trop lointaine? Il y a donc des raisons sérieuses qui militent en faveur de l'introduc- tion des exotiques dans nos boisements, il y a des cas spéciaux où leur emploi mérite, à tout le moins, d'être pris en considération. Cette introduction présente surtout de l'intérêt dans les régions où la flore forestière spontanée est pauvre en espèces, en espèces de grande taille tout au moins. Je n'entends naturellement ici point parler des régions où cette pauvreté résulte, soit de circonstances climatériques défavorables, soit de la nature du sol, qui leur impriment un caractère plus ou moins désertique et dont il serait, la plupart du temps, chimérique de poursuivre le boisement. Il ne s'agit que des régions où des vicissitudes de divers ordres ont, au cours des siècles, réduit la flore et l'ont amenée à son degré de pauvreté actuel... La répartition des espèces à la surface du globe, ne l'oublions pas, ne dépend pas uniquement du climat actuel... C'est en particulier le cas pour l'Europe, dont la pauvreté en espèces et même en genres est frappante, si on la compare, par exemple, aux régions à climat analogue de l'Asie orientale ou de l'Amérique du Nord. (1) L. Boppe, Sylviculture . p. 81. — 82 — INTERNATIONAL 1913 Ici, en introduisant des essences exotiques, nous ne faisons que rentrer dans notre bien, que réintroduire des espèces anciennement disparues de notre continent, que restaurer notre flore dans l'état où elle était, par exemple, avant que les périodes de glaciation successives en aient éliminé de nombreux éléments, et nous pouvons alors trouver, dans des pays à flore plus riche que le nôtre, des essences parfaitement susceptibles de s'acclimater chez nous. Naturellement, abstraction faite du point de vue esthétique, notre choix ne devra porter que sur des essences dont les avantages sur les nôtres soient bien établis, au point de vue, par exemple : de la qualité du bois, de la production en volume, de la rectitude du fût, de la rapidité de croissance, de la frugalité, d'une endurance spéciale vis-à-vis de certains dangers (sécheresse, humidité excessive, gelées, dégâts des insectes, du gibier, des cryptogames, etc.). Pour chacun de ces objets, on peut citer déjà des espèces qui répondent au but poursuivi ; par exemple, le sapin de Douglas, pour la rapidité de sa croissance, sa production élevée à l'hectare, sa rectitude, la qualité* de son bois, — le pin de Banks pour sa frugalité, etc., etc. D'autres raisons d'ailleurs peuvent encore militer en faveur des intro- ductions d'exotiques, par exemple le bon marché de leur graine, si important lorsqu'il s'agit de la création de boisements importants : c'est ainsi que le pin maritime a littéralement conquis le monde. D'autres essences doivent leur faveur mondiale à des produits spéciaux ; c'est ainsi qu'on a cherché à acclimater le chêne-liège dans des régions parfois très lointaines, la Nouvelle-Zélande par exemple. Mais la variété des climats est grande, même en Europe. L'expérience acquise sur un point est sans valeur sur un autre, et c'est pourquoi la lumière ne peut jaillir que de la comparaison minutieuse des résultats obtenus ici et là, delà collaboration intime des forestiers de tous les pays. Il n'en est guère qui ne puisse fournir quelque donnée intéressante, mais il faut bien le reconnaître, encore que les principaux résultats aient été portés à la connaissance de tout le monde forestier, leur groupe- ment rationnel, par régions naturelles, reste en grande partie à faire... Si nous cherchons à esquisser, à très grands traits, les caractéristiques des grandes régions naturelles de l'Europe, en examinant ce que, dans chacune d'elle, on peut attendre des exotiques, nous arrivons aux conclu- sions suivantes : Dans V Europe septentrionale, dans la péniiîsule Scandinave, dans le Nord de la Russie, la flore est simple, les espèces peu nombreuses, comme d'ailleurs dans les régions similaires d'Asie ou de l'Amérique du Nord, et c'est ici qu'elle présente le moins de diversité d'un continent à l'autre. L'intérêt de l'introduction d'exotiques y est donc en général moindre. Tout au plus peut-on signaler, comme source probable d'emprunts inté- ressants, l'Asie orientale, qui présente sans doute le maximum de richesse en espèces dans cette zone. \J Europe centrale, c'est-à-dire la zone des feuillus, avec le pin sylvestre comme seul grand conifère spontané, offre déjà un champ beaucoup plus vaste aux essais : nombre d'essences nord-américaines, surtout celles de l'Ouest dont la flore est si riche en espèces de grande valeur, peuvent trouver ici leur emploi ; la Chine, pauvre en forêts, mais riche en espèces, dont beaucoup sont encore inconnues de nos cultures, nous a déjà fourni une importante contribution ; le Japon, dont la flore forestière est aussi CONGRES FORESTIER d'une diversité infinie, nous a également doté de nombreuses et précieuses acquisitions ; les merveilleuses forêts de Formose commencent à nous livrer leurs trésors ; enfin, il n'est pas jusqu'aux régions tempérées de l'hémisphère boréal, comme le Chili, la Nouvelle-Zélande, qui ne puissent nous fournir un utile appoint. Mais dans cette vaste zone, les conditions se modifient notablement au fur et à mesure que l'on s'avance soit à l'Ouest, soit à l'Est... Vers l'Ouest, l'influence du Gulf-Stream apporte au climat de la Normandie, de la Bretagne, de l'Angleterre, et surtout de l'Irlande, des modifications qui font de ces régions, à flore spontanée très simple, le véritable paradis des exotiques. Vers l'Est, au contraire, le climat, continental, se fait de plus en plus rude, plus extrême. Le choix, ici, est notablement plus restreint, et aussi l'expérience acquise en matière d'exotiques, beaucoup moins profonde.. Par d'insensibles transitions, cette zone de l'Europe centrale se relie à la zone méditerranéenne. Ici tout change, nous sommes dans un autre monde végétal, le nombre des sources où puiser des acquisitions nou- velles s'accroît encore ; aux espèces chinoises, himalayennes, japonaises, nord-américaines, viennent s'ajouter les innombrables espèces austra- liennes ou sud-américaines, les eucalyptus^ les acacia^ les casuarina, les araucaria, etc.. Et la diversité, déjà grande, des espèces qu'on peut y cultiver, augmente encore si l'on considère la portion de cette zone que borde l'Atlantique, portion dont le climat présente des différences notables avec celui de la zone méditerranéenne proprement dite. Enfin, les régions montagneuses de l'Europe centrale nécessitent une mention spéciale. Ici encore le champ est vaste, les sources auxquelles on peut puiser sont nombreuses, mais il faut avouer que, sur ce point, les données précises sont encore rares, trop rares. Ceci dit, qu'a-t-on fait? Gomment résumer l'état général actuel de nos connaissances en matière d'introduction d'exotiques? Durant l'antiquité, pendant le moyen âge surtout, on ne s'est guère occupé que d'introduire des arbres fruitiers, et il faut arriver au xvi^ siècle pour rencontrer, au sein de cette pléiade de botanistes éminents que furent les Dodoens, les Clusius, les de l'Obel, les Bauhin, un homme qui fut le véritable précurseur en acclimatation, le véritable père de la dendrologie. C'est lui, en effet, c'est Pierre Belon, qui, le premier, dans ses Remonstrances, parle des espèces à apprivoiser dans les forêts de France. C'est lui encore qui, de retour de ses voyages à travers toute l'Europe et l'Orient, créait à Touvoie, près du Mans, le premier arboretum. C'est encore au xvi^ siècle que nous constatons les premières introduc- tions d'espèces de provenances lointaines. Le premier sujet importé de Thuya du Canada {Th. occidentalis) fut, dit-on, offert à François l^^. Puis ce fut le marronnier d'Inde, et peut-être le févier... Le XVII® siècle ne se signale que par un nombre assez restreint d'intro- ductions nouvelles, mais quelques-unes sont de grande importance, comme le robinier, le cyprès chauve, le noyer noir, le ginkgo, le genévrier de Virginie, le liquidambar. Au xviii® siècle, le nombre des introductions est déjà plus grand et quelques espèces importées à cette époque ne tardent pas à se répandre largement, telles le pin Weymouth, le tsuga du Canada, le biota, l'ailante, le chêne rouge. Mais c'est surtout la période qui englobe à la fois les dernières années — 84 — ÏNTERNATIONAL 1913 du xviii^ siècle et le commencement du xix^ qui est riche en acquisitions nouvelles. C'est qu'en effet, sans parler de Duhamel du Monceau et de Lemonnier, la seconde moitié du xyiii^ siècle voit naître d'éminents explorateurs qui, reprenant la tradition interrompue de Pierre Belon, contribuent puissamment à enrichir notre flore forestière. C'est simulta- nément : André Michaux (1746-1802) pour la France, Wangenheim (1747-1800) pour l'Allemagne. Le premier explore la Perse, l'Amérique du Nord, dans le but exprès d'y rechercher les essences forestières susceptibles de s'acclimater en Europe, et meurt au cours d'un dernier voyage, à Madagascar. Grâce à ses relations avec tous les savants de son époque, avec Duhamel du Mon- ceau et Lemonnier en particulier, il répand largement le fruit de ses récoltes. Le second explore l'Amérique du Nord et, dans un magistral ouvrage, décrit les espèces propres, selon lui, à enrichir les forêts allemandes. En France, la tradition d'André Michaux est continuée par son fils, François André qui, par ses explorations, ses introductions et ses écrits demeurés célèbres, se montre le digne successeur de son père. En France, en Allemagne, en Autriche, presque partout en Europe, on retrouve des plantations, des arbres, témoins encore vivants de cette grande époque. Nombreux, en effet, étaient les disciples des Michaux et de Wangenheim ; en France, ce furent les Vilmorin, les Ivoy, les Catros, les Delamare, les Adanson, dont l'oeuvre subsiste encore aux Barres, à Geneste, à Catros, à Harcourt, à Balsine, tandis que l'œuvre personnelle de Michaux fils compte encore à Trianon de nombreux témoins. Puis l'essor se ralentit, et bien que nos plantations d'agrément conti- nuent às'enrichir de nouvelles introductions de l'Himalaya, bien que dans la seconde moitié du xixe siècle l'Ouest de l'Amérique du Nord nous livre peu à peu ses incomparables trésors, grâce à des chercheurs comme David Douglas, Menzies, Lobb et tant d'autres, bien que le Japon à son tour s'ouvre à nos investigations, le silence se fait, presque complet, sur la question de l'introduction des exotiques en forêt. Seuls, le robinier et, à un moindre degré, le pin Weymouth ont pris une large place dans nos boisements. Et c'est au point que telle essence d'introduction très ancienne, qui s'est affirmée comme apte à être cultivée avec succès dans presque toute l'Europe, et dont nous importons le bois en quantités considérables, n'est pour ainsi dire pas sortie des parcs pour entrer dans la pratique forestière. C'est le cas, par exemple, du noyer noir, du tulipier et de bien d'autres. 11 appartenait aux hommes de la fin du xix^ siècle de reprendre la tradition des Belon, des Duhamel du Monceau, des Lemonnier, des Michaux, des Wangenheim, et cela avec d'autant plus de chances de succès qu'à la fin du siècle dernier le nombre des espèces exotiques culti- vées en Europe s'était extraordinairement accru. Ce nombre même a d'ailleurs été parfois un obstacle : on a souvent, en effet, au cours de ces dernières années, publié d'interminables listes-, des catalogues d'arbo- retums où sont réunies pêle-mêle des espèces vouées à ne jouer qu'un rôle purement ornemental à côté d'autres dignes d'entrer dans la com- position de nos peuplements forestiers, ou bien, ce qui est aussi grave, des espèces spécialement adaptées à la montagne, à côté d'autres à confiner dans la plaine. De là, bien des incertitudes, bien des déceptions aussi. CONGRES FORESTIER L'expérience acquise dans les parcs, les arboretums, nous avait, pour la plupart des espèces, renseignés suffisamment sur la rusticité, et en partie sur les mérites des différentes espèces introduites. Il fallait franchir une nouvelle étape, et aborder résolument la culture, en forêt, des meil- leures d'entre elles. C'est à la Prusse que revient l'honneur de s'être engagée la première dans la voie des recherches méthodiques et d'avoir commencé, dès 1881, l'exécution d'un plan de culture, dont les résultats ont été publiés en détail à la fin de chaque décennie. Un peu plus tard, l'Autriche entrait à son tour dans cette voie et, par ses essais poursuivis à des altitudes relativement élevées, complétait heureusement l'expérience acquise en Prusse. La Bavière, sous l'ardente impulsion du regretté Professeur Mayr procédait aussi à d'intéressants essais. La Belgique, avec ses belles créations de Gronendael et de Tervueren, aux portes de Bruxelles, sous la direction d'hommes éminents comme MM. Bommer, Crahay et de Bocarmé, a fourni un important contingent d'observations précieuses. En Suisse, plusieurs forestiers se sont adonnés à l'étude pratique de la question. En Angleterre, dans ce pays par excellence des beaux parcs et des amateurs passionnés de beaux arbres, les essais ont été nombreux, et couronnés de succès avec un grand nombre d'espèces. Nul peut-être n'y a plus contribué, par la plume aussi bien que dans la pratique, que MM. Elwes et Henry. Il est plus difficile de se rendre compte des résultats obtenus dans la région méditerranéenne, au moins en Europe, car les essais n'y ont pas toujours été poursuivis avec toute la méthode désirable. Des résultats très importants ont été cependant obtenus déjà en Italie, en Espagne, en Portugal et surtout en Algérie, qui montrent bien tout le parti qu'on y peut tirer des exotiques. Les circonstances, aussi bien celles résultant du climat que celles qui ont trait à la mentalité des populations peu ménagères des forêts, sont ici tellement spéciales que j'ai cru devoir préconiser, au Congrès international de Madrid (1911), une entente entre les diverses puissances méditerranéennes, aux fins d'étudier en commun les questions forestières propres à cette zone... En France, aucun essai officiel n'a encore été tenté, en dehors de la création de l'arboretum des Barres et, plus récemment, de celui des envi- rons de Nancy. Mais, en revanche, de nombreux propriétaires de bois, de vaillants reboiseurs, ont fait aux exotiques une part souvent très large... Le sapin de Douglas, le mélèze du Japon, VAbies grandis et le Pinus insignis dans l'Ouest, divers chênes américains, pour ne citer que les plus marquants, sont largement entrés dans la pratique. La question de l'introduction des essences exotiques est, on le voit par l'exposé qui précède, pleinement entrée dans la phase des réalisations, et, comme le disait excellemment un distingué forestier suisse, M. Barbey: « Il n'eet plus permis au sylviculteur de se désintéresser de ce problème « qui s'impose actuellement à lui aussi bien que celui de la protection des « forêts, de la sélection des graines, ou que celui de ^utilisation des « engrais artificiels dans les pépinières ». Mais les données acquises sont encore incomplètes, souvent sans lien entre elles ; elles sont surtout éparses en une foule d'écrits, de recueils — 86 — INTERNATIONAL 1913 périodiques où il n'est pas toujours aisé pour les non initiés de les retrouver. Devrait-on poursuivre, pour coordonner les efforts, pour rassembler les documents sur cette question, la création d'un organe international spécial ? Je ne le pense pas. Il existe, en effet, au 'moins en Allemagne, en Autriche et en France, des sociétés mieux à même que toutes autres de renseigner leurs membres à cet égard, et dont le Bulletin est tout indiqué pour porteries résultats obtenus à la connaissance du public. Ce sont les sociétés dendrologiques, qui s'occupent des arbres et des arbustes au triple point de vue bota- nique, esthétique et forestier... Les trois sociétés, allemande, austro- hongroise et française, sont d'ailleurs en relations étroites les unes avec les autres, chacune analysant et portant à la connaissance de ses membres les travaux des autres. Enfin, elles comptent dans tous les pays du globe des correspondants zélés qui leur servent de collecteurs... En fait, il existe entre elles une véritable fédération, et c'est à elles, croyons-nous, ,que doivent aller ceux qu'intéresse la question qui fait l'objet de ce rapport. En conséquence, nous avons l'honneur de formuler les projets de vœux suivants : I. Que V introduction ^'essences exotiques dans les plantations et les reboisements forestiers soit encouragée : Par des subventions en nature et en argent ; Par des récompenses et des primes distribuées dans les concours régionaux. IL Que les parcs forestiers^ dans lesquels auront été faites des plantations de végétaux exotiques pouvant servir cUétude à Vemploi de ces essences dans les grands reboisements forestiers soient exonérés, pendant dix ou vingt ans, de tout impôt foncier, à la condition qu^ils seront ouverts aux professeurs d'' agriculture, aux agents forestiers ou autres personnes officiellement accré- ditées en vue d'études dendrologiques, botaniques et forestières. III. Que VEtat entre dans la voie de la culture des essences exotiques. Peut-être à ce mot « de la culture » pourrait-on substituer « des essais ». Plusieurs Congressistes. — Oui ! oui ! parfaitement ! M. LE Président. — Mettons « des essais ». M. DE Lesseux. — Je demanderais à ajouter que les résultats des essais soient contrôlés avec ceux de l'Ecole Forestière, si on introduit des essences forestières. M. Guinier. — Non seulement je n'y vois pas d'inconvénient, mais il existe à l'Ecole Forestière un champ d'études assez étendu pour l'emploi des essences exotiques. Je ne parle pas seulement de l'arboretum, qui est plutôt une collection, mais des surfaces consacrées à la culture d'un certain nombre d'essences choisies et de la création de petits — 87 — CONGRES FORESTIER massifs de ces essences qu'on pourra suivre et dont on pourra con- naître la loi d'accroissement. Donc j'approuve cette adjonction. M. LE Président. — Personne n'a d'autres observations à présenter? M. Parce. — Je propose d'exonérer d'impôts les propriétaires de parcs qui cultivent des essences exotiques, sous la condition que ces parcs pourront être ouverts à ceux que la question intéresse. M. Glillot. — Il ne faudrait pas néanmoins que la nouvelle législation augmentât les impôts sur les parcs qui avoisinent les habitations. On va les classer en première catégorie, cela découragera les proprié- taires de faire des plantations autour des habitations. Or ces planta- tions sont un exemple merveilleux au point de vue du reboisement ; dans le Limousin notamment, on a fait des plantations, parce qu'on a eu sous les yeux des exemples de parcs plantés autour des habitations. {Applaudissements.) M. Tessier. — Je ne suis pas absolument de l'avis qu'on vient d'émettre ; je crois que les expériences d'introduction d'exotiques dans les parcs n'ont pas le grand intérêt forestier qu'on croit. Les parcs sont géné- ralement des terrains de bonne qualité ; or, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'expériences d'exotiques dans des terrains de qualité remarquable, nous avons besoin d'expériences faites dans le milieu naturel de la forêt elle-même. Nous avons besoin aussi d'écarter avec grand soin les résultats extraordinaires de ces parcs, qui, la plupart du temps, au lieu de nous guider, nous conduiraient à des erreurs par la généralisation des résultats obtenus sur un point local dans un terrain particulièrement favorable. {Signes d^ approbation.) M. HicKEL. — Il n'en est peut-être pas toujours ainsi. Dans quelques cas, évidemment, comme l'a fort bien dit M. le Conservateur Tessier, ce» parcs sont installés dans des conditions tout à fait favorables, mais souvent on les fait dans l'endroit qu'on habite, et l'ancienne maison familiale ne se trouve pas toujours dans un terrain extrêmement favorable. Prenez l'arboretum des Barres, il est loin d'être sur une zone fertile ; la région où il est se compose de sable, d'argile silicieux et de terrain calcaire de la plus mauvaise qualité. Quand il s'agit d'essences cultivées depuis longtemps ; on n'a pas besoin de recourir aux parcs, mais quand il s'agit d'essences d'intro- duction plus récente, il semble qu'on pourrait commencer par là, et qu'on gagnerait du temps à constater les résultats que ces essences ont donnés d'abord dans les parcs. Evidemment, il ne faudrait pas trop étendre les conclusions, mais cela nous donnerait des indications premières, cela nous permettrait de constater que telle essence ne souiïre pas trop de la gelée dans telle région, que tel sol développe sa croissance, et, chose importante, per- INTERNATIONAL 1913 mettrait de voir si les graines transportées sur d'autres territoires peuvent germer. En somme, comme on l'a dit pour le plan de culture en Allemagne, qui offre déjà 30 années d'expérience, on a commencé par ouvrir une vaste enquête sur les essences comprises dans le plan de culture ; cette étude a porté surtout sur la tenue forestière des arbres situés dans des parcs ou des plantations d'agrément. Il y a deux phases à envisager : la phase des essais en parc, qui est le meilleur moyen de se rendre compte des conditions de l'arbre, puis les essais en forêt. Pour certaines espèces, nous avons dépassé la phase des essais en parcs, mais pour d'autres,Vest la seule à prendre actuellement. M. GuiLLOT. — Il y a exotiques et exotiques. Le sapin pectine cultivé dans un parc n'est pas une plantation exotique ; cependant on taxera au maximum un parc où il y aura quelques pectines. Il faut aussi considérer l'influence de l'arbre sur le sol, quand vous aurez introduit des exotiques, ces arbres eux-mêmes aménageront le sol en vue de leur croissance. Broillard a dit : c'est l'arbre qui fait le sol, c'est le sol qui fait la forêt. M. LE Président. — Messieurs, vous avez entendu les observations pré- sentées; je vais mettre aux voix successivement les vœux de M. Hickel : « 1° Que V introduction d'' essences exotiques dans les plantations et les reboisements forestiers soit encouragée : « Par des subventions en nature et en argent ; « Par des récompensés et des primes distribuées dans les concours régionaux ». Adopté. «( 2° Que les parcs forestiers, dans lesquels auront été faites des plantations de végétaux exotiques pouvant servir cVétude à Vemploi de ces essences dans les grands reboisements forestiers soient exonérés, pendant 10 ou 20 ans, de tout impôt foncier, à la condition qu'ils seront ouverts aux professeurs cV agriculture, aux agents forestiers ou autres personnes officiellement accréditées en vue d''études dendrologiques, botaniques et forestières ».■ M. DE Lesseux. — Je voudrais qu'ils soient reconnus dans ce but, autrement tout le monde en fera. M. le Président. — Quelle modification proposez-vous M. de Lesseux. — Je demande qu'ils soient reconnus par une Com- mission. M. LE Secrétaire. — Rédigez un vœu, apportez-nous un texte. — 89 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — C'est l'Administration des Contributions directes qui examinera cela et verra si les parcs peuvent servir d'étude ou non ; elle acceptera ou rejettera la demande en dégrèvement. Voilà la solution. {Signes cV approbation.) Que ceux qui sont d'avis d'adopter ce vœu lèvent la main. Adopté. « 3° Que VEtat entre dans la voie des essais de culture des essences exotiques ». Adopté. M. LE Dr Alberto Glisser. — Auriez-vous la bonté de m'accorder quel- ques minutes? M. le Président. — Bien volontiers. M. LE D"" Alberto. Geisser. — Messieurs, c'est de la part du Touring-Cluq Italien que j'ai l'honneur de me présenter à vous. Le Touring-Club d'Italie, dont je suis délégué, a été constitué en 1895, six ans après le vôtre ; il compte actuellement près de 110.000 associés. Le Touring- Club Italien a tenu à honneur de suivre le Touring-Club de France dans les diverses manifestations de son activité, que votre Ministre de l'Agriculture a si bien résumées ce matin : d'abord mieux faire connaître pour mieux faire aimer. Notre Ministre de l'Instruction publique avait déjà, depuis 1902, introduit la Fête de l'Arbre dans les Ecoles Primaires. On est en train de faire dans notre pays ditTérentes lois nouvelles à l'avantage de la sylviculture, mais la con- viction s'est faite chez nous et a gagné les meilleurs esprits que tout cela aboutirait à peu si on ne gagnait pas l'opinion, — ce que l'on a appelé la conscience forestière des nations, — et le Touring-Club Italien, suivant le Tou- ring-Club Français, s'est proposé de contribuer, dans la mesure de ses forces, à créer cette conscience qui manquait chez nous, car il semblerait que plus les peuples ont une civiUsation ancienne, plus ils ont volé haut, moins ils s'in- quiètent des bois et des montagnes qui sont cependant un élément essentiel de la civilisation. [Applaudissements.) Le Touring-Club Italien a donc constitué une Commission de propagande précisément pour les pâturages et la forêt, car nous qui avons une si vaste étendue d'arbres dans les Apennins, nous avons dû constater qu'il faut surtout surmonter les conflits qui existent entre les bergers et les forestiers. Le Touring-Club a réussi à réunir dans ce but 200.000 francs. Avec cette somme, on a résolu de créer des publications de propagande pour faciliter la formation de cette conscience nationale sur le problème forestier. Il ne fallait pas qu'elles soient trop techniques, mais bien illustrées et répandues à profusion, à bas prix, sur une vaste échelle. Le premier volume a paru il y a deux ans, il a pour titre : « La Montagne, le Bois et le Pâturage », il a été tiré à 100.000 exemplaires. Le deuxième volume a pour titre : « Le Bois contre le Torrent ». Le troisième, qui paraîtra cette année, est intitulé : « Les Richesses de la Montagne ». C'est pour démontrer aux habitants des montagnes qu'en exploitant de façon excessive les ressources des forêts et des pâturages, on arrive à les détruire. Car notre pays est de ceux qui souffrent le plus, dans certaines régions, du déboi- sement et de l'exploitation excessive. [Applaudissements.) Le 4^ volume, qui paraîtra l'année prochaine, aura pour titre : « La Houille blanche ». Vous n'êtes pas sans savoir quel rôle important l'eau joue pour les . - 90 - INTERNATIONAL 1913 irrigations dans la Haute Italie et surtout pour le développement de l'industrie électro-technique. Je vous remercie, Messieurs, de votre bienveillant accueil et de l'attention que vous avez accordée à ma modeste communication, mais ce qui m'a appelé à Paris, c'-était précisément le désir de rendre hommage au Tou ring-Club Français, qui a eu cette excellente idée de faire appel à toutes les nations ; je fais des vœux ardents pour que la France, cette fois encore, voie sortir de son initiative un mouvement qui réellement répond à un besoin de la civili- sation. {Applaudissements.) M. LE Président. — Au nom de la Section, je crois être l'interprète du sentiment unanime de l'assistance en remerciant M. le Délégué du Touring-Glub Italien de la communication qu'il vient de nous faire. Personne ici n'est étonné de voir sortir de la bouche d'un Italien des appréciations aussi justes, aussi saines, aussi élevées des sentiments de son pays pour le nôtre. Entre] a France et l'Italie, quoiqu'il advienne, il existe des liens de fraternité qui unissent les deux peuples et les uni- ront à jamais. La séance est levée à 3 h. 15. — 91 — CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 17 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. CAQUET, vice-président de Section La séance est ouverte à 9 h. 1/2. M. LE Président. — Y a-t-il des délégués étrangers? S'il y en avait, nous serions très heureux de les voir venir prendre place au bureau. Nous allons prendre immédiatement le rapport de M. Schaeffer sur I'Amélioration des taillis a faible rendement situés en plaine or en montagne, par l'introduction de résineux. M. ScH.EFFER. — ■ Lorsque l'on compare les rendements en argent des forêts feuillues et des forêts résineuses, on est frappé de la grande supé- riorité qui se manifeste en faveur des secondes. Quelqu'élevé que soit le revenu d'une futaie de chênes on trouvera toujours une sapinière dont le rendement sera double. Si une chênaie plantureuse arrive exception- nellement à rapporter 100 francs par hectare, il existe, d'autre part, des sapinières qui en produisent 200. Cette supériorité du rendement des résineux a paru dans certains pays tellement évidente que l'on n'a pas hésité à susbtituer l'épicéa au chêne, même dans des régions où ce dernier était susceptible d'atteindre, comme réserve de taillis, les plus belles dimensions (Lorraine annexée, divers cantons suisses). Nous estimons qu'il y a là une exagération, car, en somme, rien ne prouve que le renchérissement du chêne, dont les réserves mondiales ne sont pas inépuisables, ne compensera pas un jour l'infé- riorité de son rendement. Mais si la transformation en futaies résineuses des forêts en bon sol est une opération contestable, toute hésitation disparait lorsqu'il s'agit de taillis médiocres. L'écart de rendement devient alors énorme, et il n'est pas rare de voir côte à côte des taillis rapportant péniblement 4 ou 5 francs par hectare et des sapinières qui en produisent 80 ou 100. En montagne notamment, le taillis est un véritable non-sens écono- mique : il n'a d'ailleurs, le plus souvent, qu'une origine récente. Lorsqu'on parcourt les revues forestières de la fin du xviii^ siècle et du commencement du xix^, on constate que la grande préoccupation de l'époque était la crainte de manquer de charbon de bois pour l'industrie. C'est ce besoin de charbon qui a amené la destruction de nombreuses sapinières auxquelles succédèrent des broussailles que l'on baptisa taillis (1). (I) Les archives de la Savoie le prouvent surabondamment. — 92 — INTERNATIONAL 1913 En y réinstallant les résineux, on ne fait donc que ramener les essences primitives et se conformer aux vues de la nature. Dans notre xx^ siècle, que l'on a appelé l'âge du papier, la pâte de bois fait prime, et c'est peut- être pour n'avoir pas compris assez tôt l'importance économique des résineux que la France est restée tributaire de l'étranger pour une matière de première nécessité. Il ne faut pas se dissimuler, en effet, qu'au xixe siècle les tendances n'étaient pas favorables à l'extension des rési- neux, en dehors surtout de leur zone naturelle, et ce fut presque une révélation lorsqu'en 1864, MM. Lanier et Mélard, au retour d'une mission en Belgique, attirèrent l'attention sur la mise en valeur des taillis de l'Ardenne par des plantations d'épicéa. Depuis cette époque, il est vrai, la littérature forestière s'est enrichie de nombreuses publications faisant ressortir l'amélioration résultant de l'introduction des résineux dans les taillis. Au Congrès international de 1900 la question fut longuement discutée et elle aboutit à l'adoption du vœu ci-après : « Que l'introduction des résineux dans les taillis médiocres du premier plateau du Jura et stations analogues soit favorisée ». On peut reprocher à ce vœu de manquer de généralité car, en dehors du premier plateau du Jura et des stations similaires, il ne manque pas de taillis médiocres situés en haute montagne, en coteau, voire même en plaine, que seule l'introduction des résineux peut transformer avanta- geusement au point de vue économique. Tel qu'il a été émis, ce vœu n'a cependant pas été stérile et nous esti- mons qu'il serait opportun de le reproduire en lui donnant plus d'exten- sion. Si, en effet, le desideratum de 1900 a eu l'heureux sort d'une graine tombant sur un sol bien préparé, si, grâce à l'impulsion énergique de la Société Forestière de Franche-Comté et de son distingué président, l'idée a germé et produit des fruits au centuple, il y a tout lieu d'espérer qu'une réédition amplifiée de ce vœu sera également féconde et aura la plus salutaire influence sur le rendement des forêts d'autres régions. N'oublions pas cependant que les problèmes forestiers ne comportent pas de solution absolue et que l'introduction des résineux dans certains taillis a soulevé des objections que nous allons énumérer sommairement. La première est relative au refroidissement du climat local ; elle n'est peut-être pas sans valeur. Linné déjà l'avait dit : « Abies frigoris cornes et causa ». Il est fort possible qu'au printemps la présence d'un massif de sapins, retardant la fonte des neiges, abaisse la température de quelques dixièmes de degré, ce qui, dans certains cas, peut présenter des inconvé- nients. On y regardera donc à deux fois avant d'introduire des épicéas ou des sapins dans le voisinage immédiat des vignobles. Il est vrai que, d'autre part, les cimes aiguës des résineux constituent des paragrêles plus perfectionnés que les dômes arrondis des feuillus (1). C'est encore une considération. On sait, par contre, que les angiospermes résistent mieux que les gymnospermes à l'intoxication par les émanations des usines. Autour de certaines villes industrielles de Saxe, on a dû revenir aux feuillus parce que les aiguilles persistantes de l'épicéa avaient trop à souffrir des dégâts de la fumée. En Maurienne, à proximité des usines d'aluminium, les peu- (1) On admet généralement sur les bords du lac du Bourget que l'extension des résineux sur le massif de la Dent du Chat a réduit le nombre et l'importance de — 93 — CONGRES FORESTIER plements résineux sont détruits par les gaz délétères, tandis que les arbres dont les organes foliacés se renouvellent annuellement offrent plus de résistance. M. Mathey, enfin, affirme que dans certains cas l'intro- duction des résineux dans le taillis n'a pas plus d'effet pour l'améliora- tion du rendement qu'un cautère sur une jambe de bois. Il est vrai que certaines stations sont tellement ingrates que les pins même y restent à l'état buissonnant, mais en définitive les circonstances qui entraînent la faillite des résineux sont très exceptionnelles et sur l'ensemble on peut dire qu'ils ont cause gagnée. Pour s'en convaincre, il suffît de parcourir les pays voisins du nôtre, et de voir les merveilleux résultats obtenus en Allemagne et en Suisse par la transformation en futaie résineuse des taillis de faible valeur. On peut aussi tout simplement lire les comptes rendus des Congrès forestiers qui se sont succédé dans l'Est de la France et l'on suivra ainsi la marche triomphale de l'idée. Communes et particuliers rivalisent de zèle pour infuser en quelque sorte à leurs forêts un sang nouveau en remplaçant les broussailles par de véritables arbres. Pourquoi faut-il qu'à côté de ces populations prévoyantes et éclairées il s'en trouve d'autres qui, dédaigneuses des intérêts de l'avenir, non seulement ne cherchent pas à favoriser l'installation des résineux dans les taillis, mais réclament systématiquement l'extraction de ceux que la nature y a prodigués spontanément? 11 n'y a pas de jour où l'Adminis- tration forestière ne soit obligée de lutter pour essayer de résister à ces dévastations presque sacrilèges. Et ne croyez pas que l'opposition mani- festée par certaines communes à la transformation naturelle de leurs taillis en futaie résineuse soit basée sur une hostilité plus ou moins fondée à l'égard des épicéas et des sapins. C'est, au contraire, le plus souvent un excès d'amour qui les guide, c'est le désir de réaliser les résineux existants et d'en jouir immédiatement, sans seulement leur laisser le temps d'essai- mer autour d'eux. Rien ne le démontre mieux que la réponse presque cynique qui me fut faite dans un conseil municipal, un jour que je m'effor- çais de convaincre l'assemblée de l'intérêt que présentait pour les géné- rations futures la conservation des résineux. Comme, à bout d'arguments, j'essayais de faire vibrer la fibre de l'amour paternel : « J'aime bien mes enfants, me fut-il répondu, mais j'aime encore mieux moi. » Tous les raisonnements échouent devant une pareille mentalité, car les plaidoyers sont vains devant le tribunal de l'égoïsme. Il ne reste donc d'autre ressource que l'intervention de la loi. Les commissaires-députés en 1724 pour la réformation des bois et forêts de la province du Dauphiné l'avaient bien compris lorsqu'ils insérèrent dans leur règlement l'article suivant applicable aux bois taillis des communautés séculières : « ...Au cas que dans la coupe des dits taillis il se rencontre des sapins, suiffes (pin de montagne), sérantes (épicéa), mélèzes ou pins, ils sont laissés pour baliveaux par préférence à tous les autres bois. Faisons défense aux particuliers qui feront la coupe d'abattre aucuns sapins, suiffes, sérantes ou pins qui aient atteint la hauteur de douze pieds, quand même le nombre de baliveaux de seize par arpent serait rempli à peine de vingt livres d'amende pour chacun pied d'arbre abattu en contravention au présent article ». Notre Code forestier actuel, bien que complété par l'ordonnance réglementaire, est muet sur la question des résineux dans les taillis et, en présence du silence de la loi, l'Administration est à peu près désarmée. — 94 — INTERNATIOISAL 1913 En se basant sur ce que les résineux ne rejettent pas de souche on a pu prétendre, avec apparence de raison, que leur présence est incompatible avec le régime du taillis et, il faut bien le dire, certaines autorités admi- nistratives n'ont pas craint de donner leur appui à cette thèse. C'est donc au législateur qu'il faut s'adresser pour obtenir l'insertion dans le Code forestier d'un article analogue à celui des commissaires réformateurs du Dauphiné. La rédaction pourrait en être libellée comme suit : « Dans les coupes de taillis, les résineux sont réservés en principe; « seront seuls exploités les sujets surannés, dépérissants ou surabondants, « martelés en délivrance par les agents forestiers ». La présence dans le Code de ces quelques lignes suffirait pour faire passer dans la classe des forêts productives des milliers d'hectares dont le revenu est dérisoire, et ce serait un titre d'honneur pour le Congrès que d'avoir provoqué une pareille amélioration. Qu'on me permette, en terminant, d'effleurer le côté esthétique qui se trouve ici en parfaite harmonie avec l'intérêt économique. Le Comité constitué par le Touring-Club de France pour la conserva- tion des sites et monuments pittoresques de la Savoie a, dans sa séance du 6 avril 1906, émis sur ma proposition le vœu suivant : « Attendu que la coupe rase est antiesthêtique et que le maintien des résineux dans les taillis produit, au contraire, des effets très pittoresques, il est à désirer que les exploitations ne mettent jamais le sol complète- ment à nu et que spécialement les épicéas et les sapins soient scrupuleu- sement conservés ». Ce vœu fut également adopté par le syndicat d'initiative de la Savoie et M. le Préfet voulut bien l'insérer dans le Bulletin des actes adminis- tratifs. Peut-être le Congrès jugera-t-il opportun de lui donner encore plus de notoriété. En conséquence, j'ai l'honneur de formuler le projet de vœu suivant : Que les résineux soient introduits dans la plus large mesure dans les taillis médiocres pour élever leur rendement, et que l'introduction en soit favorisée sur tous les points où les feuillus ne sont pas susceptibles de fournir en quantité importante du bois d'œuvre de bonne qualité. M. LE Président. — La parole est à M. Cuif. M. Cuif. — Je désirerais que le Congrès adopte en premier lieu le vœu tel qu'il est formulé par M. Schaeffer et en second lieu celui de : « Favoriser par tous les moyens V élaboration d''études ayant pour 'but de faire connaître aux propriétaires., en citant des exemples judi- cieusement choisis, les espèces les mieux appropriées aux facteurs de la production et aux conditions économiques locales ». M. LE Président. — J'adopte parfaitement votre vœu, et cela d'autant plus que mon expérience personnelle me permet de faire la réflexion — 95 — CONGRES FORESTIER suivante : J'ai fait d'importantes plantations d'epiceas dans le centre de la France ; or ces plantations ont complètement disparu il y a deux ans par suite de la grande séchesse de l'été de 1911. Cela montre qu'il faut donner des indications très précises aux planteurs des différentes régions de France, afin de leur éviter des aventures aussi pénibles que celle-là. Nous allons commencer par le premier vœu qui se divise en deux : .l'un se trouve dans le rapport de M. Schaefîer, l'autre a été lu par M. Cuif. Je mets ce premier vœu aux voix. Le vœu est adopté. M. LE Président. — M. Schœfîer a demandé qu'on adopte un troisième vœu. Je dois vous dire qu'au Comité du Congrès, ce va^u a été examiné et nous avons compris que M. Schœfîer voulait appliquer une règle fixe coercitive à l'égard de la propriété forestière privée, ce qui fait qu'il a été éliminé. S'il n'en est pas ainsi, je ne vois, je l'avoue, que des avantages à ce qu'il soit adopté. M. Schiffer. — L'abus que je combats emporte des conséquences extrêmement graves ; j'ai vu en Savoie des forêts dans lesquelles des résineux avaient été réservés depuis 50 ans ; or, sous prétexte que ces forêts devaient être traitées en taillis, le préfet a obtenu la destruction de ces résineux ! M. LE Président. — En tous cas, le procès-verbal tiendra compte de votre déclaration et mentionnera que votre vœu ne s'applique qu'aux bois soumis au régime forestier. M. ScHiEFFER. — Voici la rédaction que je propose : « Dans les coupes de taillis, les résineux sont réservés en principe ; seront seules exploités les sujets surannés, dépérissants ou surabondants, martelés en délivrance par les agents forestiers ». M. LE Président. — 11 suffit d'ajouter à cette rédaction, après « Dans les coupes de taillis », les mots : « soumis au régime forestier ». S'il n'y a pas d'autre observation, je mets aux voix le troisième vœu .de M. Sehaefîer modifié ainsi que je l'ai indiqué. Le vœu est adopté. M. Cyprien Girerd prend la place de président de la réunion en rem- placement de M. Caquet. M. LE Président. — Je donne la parole à M. Mangin pour la lecture du rapport de M. Demorlaine. M. Mangin. — M. Demorlaine m'a chargé de le représenter pour la lecture de son rapport sur I'allongement des révolutions des — 96 — IM'EU.NATIO.\AL 1913 TAILLIS ET TAILLIS SOUS FUTAIE. — DlMIMUTIO^' DE LA PROPORTION DES BOIS DE PETITE DIMENTION. — CONVERSION DES TAILLIS ET TAILLIS SOUS FUTAIE EN FUTAIE. Rapport de M. DemorlaIxNe. — Une des causes principales de la disparition des massifs boisés par le défrichement, leur destruction plus lente par des coupes abusives ou des exploitations généralisées, est cer- tainement la mévente des bois, notamment des bois de petites dimen- sions (bois de feu ou bois à écorcer), qui depuis dix ans augmente de jour en jour davantage. Les bois particuliers constituent dans tous les pays la plus grande partie de la superficie générale boisée ; il est donc d'une nécessité capitale, pour enrayer, dans l'intérêt général, les progrès de la déforestation, de trouver et d'indiquer aux propriétaires les moyens d'améliorer leur capital boisé, pour leur permettre d'en tirer un revenu suffisamment rémunéra- teur, les engageant à le conserver. Ce serait, en effet, peine inutile, de prêcher la conservation des bois, si l'on ne pouvait répondre victorieusement à cette observation, trop jus- tifiée, que les bois disparaissent faute d'emplois avantageux pour le producteur. Le problème à résoudre est identique à celui de la dépopula- tion : la natalité diminue par suite du coût de la vie, croissant de jour en jour, et du progrès du bien-être. Cette question sociale de la plus haute gravité, la dépopulation, sera résolue le jour où l'on aura pu trouver la possibilité de diminuer les charges et d'améliorer les ressources familiales. De même pour la dé jrestation : si l'on veut inciter les propriétaires particuliers à conserver leurs bois, il faut leur donner les moyens, aussi rapides que possible, d'améliorer le rendement de leurs massifs et leur permettre d'en écouler plus facilement les produits. Est-ce là un problème insoluble ? Nous ne le pensons pas. Les proprié- taires forestiers doivent ne pas oubher qu'ils sont de véritables fabricants de bois, que toute industrie doit suivre attentivement les lois de varia- tion de l'offre et de la demande, modifier en conséquence ses procédés de fabrication, sous peine de voir un jour cette industrie péricliter et même se réduire à néant. C'est ce phénomène qui s'est produit pour nos bois. Les progrès de la civilisation n'ont peut-être pas eu de répercussion {)lus grande que sur la propriété boisée : la culture forestière semble être 'antagoniste de la civilisation. C'est une vérité historique irréfutable. L'âge d'exploitation des taillis n'a guère varié depuis bientôt trois siècles, et cependant les menus bois n'ont plus qu'une utilisation très réduite, qui diminue de jour en jour, par suite de la diffusion presque générale, avec l'accroissement existant du réseau des voies ferrées, de la houille, du coke ou du pétrole pour les besoins du chauffage journalier. Si l'on considère que la plus grande partie des forêts, dans tous les pays, est détenue par les particuliers, et qu'en France surtout, sur les 9.000.000 d'hectares qui constituent la superficie boisée, 6.000.000 environ sont propriété privée, dont près de 4.,500.000 hectares traités en taillis simple- ou taillis sous futaie, il n'est pas étonnant que la mévente des produits, fournis par ce genre d'exploitation, ait entraîné la destruction même des forêts particulières françaises. C'est, en effet, en France principalement que, depuis une vingtaine d'années, l'on a constaté les funestes progrès de la déforestation, tandis qu'en Allemagne, où les forêts feuillues placées dans les mêmes conditions R CONGRES FORESTIE n'occupent que 32 % de la surface boisée, dont 7 % traitées eri taillis simple et 5 % en taillis sous futaie, les déboisements sont pour la plupart insignifiants. Il en est de même en Suisse, où les taillis occupent une pro- portion infime, à peine 10 % de la superficie générale boisée. On peut dire d'une façon certaine, d'après les données de l'histoire et de la répartition en Europe de la propriété forestière, que la déforestation tient certainement en grande partie à l'application aux forêts d'un régime qui, s'il n'est pas modifié dans ses conditions essentielles, ne permet plus aux propriétaires de tirer de leurs bois le parti qu'ils sont en droit d'en attendre. Pour remédier à cette situation désastreuse, il est surtout indispensable de faire donner aux forêts des produits répondant aux besoins économiques de notre époque. La conclusion des différents auteurs qui se sont occupés de la question est : 1° Que l'aménagement des taillis à longs termes est infiniment plus avantageux à l'approvisionnement en bois de toutes catégories que des aménagements fixés à des âges réduits ; 20 Que les particuliers, ne pouvant ou ne voulant pas, en général, différer leurs coupes jusqu'à 25, 30 ou 40 ans, leurs bois sont moins utiles à la consommation générale que les bois de l'État et ceux des communes, dont les coupes sont plus tardives. Si donc tout le sol forestier passait dans le domaine des particuliers, on verrait inévitablement les produits en matière diminuer jusqu'au point de ne plus suffire à la consommation. « Ces vérités, proclamées au début du xix^ siècle, démontrées par « l'expérience et le raisonnement, pourquoi, dit Baudrillard, sont-elles « aujourd'hui si peu appréciées ? Sully, Golbert, Buffon, Duhamel, « n'oserait-on plus vous citer? Et cette postérité, que vous embrassiez « dans votre sage prévoyance, ne profitera-t-elle point de vos sages « avertissements ? » Combien ce cri d'alarme, poussé il y a plus de 150 ans, aurait dû depuis longtemps être entendu ! Car actuellement, ce n'est plus seulement l'amélioration, l'accroissement du revenu de nos forêts, qui doit entrer en jeu, quand on parle de l'allongement des révolutions de taillis, c'est la question d'existence des forêts elles-mêmes. Le propriétaire n'a plus qu'à choisir entre deux partis, ou laisser disparaître un bois, qui ne lui rapporte plus qu'un revenu insignifiant, ou transformer son aménagement de façon à lui permettre de fournir des produits rémunérateurs. On comprend l'intérêt vital du problème que les gouvernements, les associations forestières ont le devoir d'essayer de résoudre pour enrayer la destruction Forestière. La question n'est d'ailleurs pas nouvelle; mais c'est seulement depuis une vingtaine d'années que, dans les divers pays où le régime du tailUs est appliqué (France, Belgique, Allemagne et Suisse), l'on a cherché à augmenter la révolution des taillis ou à procéder à leur conversion. Seules les forêts publiques ont le plus souvent subi ces heureuses transformations. Les propriétaires particuliers sont, pour la plupart, restés rebelles, à l'allongement de la révolution de leurs taillis, soit par crainte d'interruption dans leurs revenus annuels, soit par ignorance de leurs véritables intérêts, soit encore et, surtout peut-être, par incurie. Et cependant le résultat est certain. Le prix de vente du taillis à Thec- — 98 — INTERNATIONAL 1913 tare augmente rigoureusement avec l'âge. Il suffit à cet égard de jeter les yeux sur les constatations faites dans une petite forêt du Doubs par M. E. Maire, inspecteur des Eaux et Forêts. NTMÉRO delà coupe CONTENANCE ANNÉE delà vente PRIX delà vente AGE de la coupe PRIX DE VENTE à l'h^c^are 460fr. 37 placés à 7 °o (intérêts composés) donneraient 1 3 4 5 II 3,28 2,96 2,74 3,01 2,90 1883 1885 1888 1891 1894 11- 1510 1790 1990 2390 2750 ans 21 23 26 29 32 11- 460,37 604,73 726,28 794,02 948,28 fr 460,37 527,08 645.69 791,00 969,10 1 De ce tableau il ressort clairement que l'accroissement de la valeur des bois, exploités à un âge supérieur à 20 ans, variant entre 20 et 30 ans, s'est fait au taux de 7 %, et ces résultats ont été atteints malgré la baisse annuelle, de plus en plus forte, de la valeur des bois de chauffage. Convaincu de ces résultats, un préfet de la Haute-Marne, M. Boudier, dont le nom ne doit pas être oublié, réussissait en 1895 à persuader à un grand nombre de Conseils municipaux, ressortissant de son administra- tion, d'allonger la révolution des taillis de leurs communes respectives et de la porter de 25 ans à 30 ans au moins et au dessus. Soixante-quinze communes répondirent à son appel, et l'aménagement de 45.000 hectares de taillis fut modifié dans le sens indiqué. Excellent exemple, dont la contagion aurait dû gagner les bois parti- culiers ! Si de la Haute-Marne nous passons dans le département de la Meurthe- et-Moselle, aux environs de Nancy, mêmes résultats. En 1876, époque à laquelle les prix des bois étaient arrivés au maximum, on constatait les résultats suivants sur des sols semblables à ceux de la Haute-Marne. A 20 ans les coupes de taillis se vendaient en moyenne 200 francs l'hectare et à 40 ans, 1.500 francs. Frappé de ces exemples, en 1896, le Bulletin de la Société Forestière de Belgique^ traitant la question de l'allongement de la révolution des taillis, calculait au taux de 3 % la rente annuelle correspondant au revenu périodique de 55 francs d'un taillis exploité à 20 ans ; elle était de 2 fr. 50. Calculant de même la rente annuelle équivalant au revenu périodique de 400 francs en 40 ans, il obtenait 5 fr. 25. La rente était donc doublée par l'exploitation à 40 ans. Le calcul est exact. Mais les revenus de 60 et 400 francs sont des produits bruts. Si l'on envisage le produit net, c'est-à- dire si l'on défalque les impôts annuels, les frais de gestion de toute nature, l'on voit que, dans le premier cas d'une révolution de 20 ans, alors que les dépenses accessoires ne s'élèveraient qu'à 2 fr. 50 par hectare, ce qui est un minimum, le revenu net est nul, et dans le second, de 2 fr. 75. Ce n'est pas seulement la pau^Teté, c'est l'anéantissement de toute rente, qui, en de telles conditions, résulte de l'exploitation à 20 ans. Ces quelques exemples, résultats d'expériences depuis longtemps contrôlées, peuvent se traduire sous forme des deux lois suivantes : 1° La valeur d'un taillis s^accroit comme le carré de Vase. — 99 — CONGRES FORESTIER Cette loi que nul forestier n'ignore au pays qu'arrose la Saône et que le distingué forestier, M. Algan, a baptisée pour cette raison du nom de : « Loi Vesulienne » est peut-être beaucoup plus ancienne et aurait été for- mulée pour la première fois en 1834 par un forestier particulier de Dijon, M. Noirot. C'est dire que, depuis près d'un siècle, elle a eu le temps d'être abondamment vérifiée. M. Kornprobst, ancien inspecteur des Eaux et Forêts à Gray, a proposé de la compléter par un corollaire tout naturel : 2° La valeur de la coupe annuelle d'un taillis est proportionnelle à la révolution de la forêt traitée. Or, la vérification de la loi, suivant la fertilité des sols, sous sa forme « vesulienne » ou « grayloise », a montré que dans les cas, bien rares actuellement, où les bourrées et la charbonnette ont une valeur encore relativement élevée, la loi est : Un peu supérieure ou égale à la réalité dans les bons sols ; Egale à la réalité dans les sols moyens ; Inférieure à la réalité dans les sols médiocres ou mauvais. Lorsque les menus bois sont sans valeur, et c'est la condition presque générale à notre époque, la loi est toujours inférieur ; à la réalité surtout si le sol est de mauvaise qualité. On peut donc poser en principe que le rendement d'une coupe de taillis est plus que proportionnel à la révolution, surtout dans les mauvais terrains. C'est donc là une démonstration intéressante de l'avantage des longues révolutions de taillis. Telle est la conclusion très intéressante à laquelle arrive M. le Garde général des Eaux et Forêts Perrin, de Vesou), dans une récente étude publiée par le Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort. Aussi, non seulement en France, comme nous l'avons vu plus haut pour les forêts communales soumises au régime forestier, mais dans les pays voisins, où le régime du taillis sous futaie présente, en raison du climat, une réelle importance, en Belgique^ en Allemagne et en Suisse, les propriétaires forestiers, et surtout l'Etat, se sont préoccupés depuis 20 ans de l'allongement indispensable des révolutions de taillis. Chez nos voisins les Belges., d'après les renseignements fournis par la Société Centrale Forestière de Belgique, la contenance des taillis sous futaie, qui ont vu leur révolution s'allonger, s'est élevée, pendant la période de 20 ans s'écoulant de 1885 à 1904, au chiffre de 33.375 hectares, celle des taillis simples ayant subi la même transformation serait de 25.000 hectares. A cette contenance de 58.000 hectares il est bon d'ajouter 3.000 hectares de taillis sous futaie convertis en futaie pleine. 2.000 hec- tares de taillis simples en taillis sous futaie ou même futaie pleine. En Allemagne, le taillis sous futaie a surtout une importance relative dans la partie ouest de l'Allemagne du Sud (Bavière, Grand-Duché de Bade, Palatinat, Wurtemberg, Alsace-Lorraine), où il occupe 15 "é environ de la surface boisée. Or, sauf la Bavière, où la superficie occupée par les massifs de taillis et de taillis sous futaie a légèrement augmenté en 20 ans, de 1883 à 1900, partout ailleurs le taillis sous futaie a été aban- donné pour la conversion des forêts en futaies résineuses : pour l'ensemble de l'empire allemand si l'on constate, pour la période s'écoulant de 1883 à 1900, une légère augmentation de 36.000 hectares de taillis simples, la superficie occupée par le taillis sous futaie a diminué de près de 200.000 • hectares au profit des futaies résineuses, passées de 177.000 hectares à — 100 — IXTERXATIONAL 1913 345.000 hectares pendant la même période. En 1900, pour une superficie totale boisée de 14 millions d'hectares, le taillis simple occupait en Alle- magne une superficie de 950.000 hectares environ, soit 7 %, le taillis sous futaie 700-000 hectares, soit 5%, et la futaie 11.000.000 d'hectares, dont 2.500.000 hectares pour les feuillus et 8.400.000 hectares pour les rési- neux, soit respectivement 18 % et 24 % de la superficie générale boisée. C'est donc dire également qu'en Allemagne, toutes réserves faites des conditions climatériques et locales, la tendance est également à la substi- tution des régimes à longues révolutions à ceux du taillis et du taillis sous futaie. En Suisse,la. situation est la même : si l'on remonte en arrière de 30 à 50 ans, on constate la disparition graduelle du régime du taillis. Le canton de Zurich, qui comportait, en 1880, 37 % de la surface des forêts traitée de cette façon, n'en a plus que 26^% en 1910. Dans le canton de Thurgovie, le taillis dans les forêts de l'État est passé de 15 % en 1880 à 6 % en 1910, celui des communes de 60 % à 34 %. Même constatation pour le canton d'Argone. Les causes de cette diminution résultent avant tout, dit M. Decoppet, professeur à l'Ecole Polytechnique de Zurich, de faits économiques et culturaux, de l'abandon de la pratique du furetage au pied du Jura et des Alpes dans les forêts, où le hêtre domine, et de la conversion des taillis simples par suite de l'abaissement du cours des bois de feu, des changements apportés aux installations de chauffage. Mais peut-être est-on allé trop loin dans cette voie, et, ajoute M. Decop- pet, si le mode de traitement a donné lieu à des mécomptes, ce n'est pas tant au traitement lui-même qu'il faut s'en prendre qu'à sa mauvaise application. Une amélioration des taillis est souvent possible, soit par un allongement des révolutions, soit par la réintroduction des bonnes essences et de soins culturaux appropriés. .\insi donc, que l'on envisage la question au point de vue historique ou géographique, partout l'on aboutit à la même conclusion que l'allon- gement des révolutions de taillis et de taillis sous futaie s'impose, parce que c'est une nécessité absolue au point de vue économique. Il est nécessaire, néanmoins, de prouver que si les propriétaires se con- damnent à l'allongement de la révolution de leurs taillis, qui ne peut se faire sans certains sacrifices pécuniaires importants, ils sont du moins certains de tirer de leurs forêts un revenu appréciable et rémunérateur. Quels sont, en effet, les produits qu'un taillis de 30 ans, par exemple, car c'est là l'âge minimum auquel on doit tendi-e, pourra fournir : 1° Des bois de mine (étançons-rallonges) ; 2° Des bois de fente ; 3° Des bois propres à la distillation ; 4° Des bois de feu de grosses dimensions. Nous laisserons de côté à dessein certains taillis d'essences particulières (châtaigneraies) qui, dans des conditions spéciales, peuvent donner, même exploités à un âge réduit, des produits appréciables. Ce n'est là qu'une exception très rare aujourd'hui. Or, sans entrer dans le détail, il suffit d'interroger le commerce des bois pour savoir qu'actuellement seuls les bois de mine de fortes dimensions (étançons-rallonges) n'ont subi aucune dépréciation. Au contraire, par suite de l'abondance des exploitations, les poteaux de petite dimension ne trouvent plus preneurs qu'à des prix relativement dérisoires. Les carreaux des mines en regorgent à peu près partout. Il est donc certain — 101 — CONGRES FORESTIER que seuls les taillis, exploités à un âge avancé, qui peuvent fournir des bois de mines de grandes dimensions, trouveront toujours une vente rému- nératrice. La production houillère a une tendance à augmenter. La con- sommation en France^ qui était, en 1902, de 45.000.000 da tonnes, s'est élevée, en 1901, à 60.000.000 de tonnes, tandis que la production passait, dans le même laps de temps, de 30 millions à 39 millions de tonnes. En Angleterre., la situation est la même. En Belgique., les besoins industriels sont tels que ce pays, hier encore exportateur, est aujourd'hui dans l'obligation de recourir à l'étranger. L'Allemagne ne peut exporter son charbon que lorsqu'elle a suffi aux demandes de plus en plus nombreuses de ses usines, et cette exportation tend actuellement à diminuer, ce qui prouve que la consommation intérieure augmente. De ce côté donc, aucun danger pour que la demande de bois, sous forme d'étais de mine, diminue de longtemps, car il est pour ainsi dire impossible, par suite de l'humidité et de la température des galeries, du prix de revient et d'une foule de raisons techniques (élasticité, facilité de coupe et de trans- port du bois) de remplacer dans les mines le bois par le fer. C'est donc un placement assuré pour de longues années. Alors même que pour cer- tains pays (France, Belgique) la production dépasserait la consommation, un débouché certain leur est également assuré en Angleterre et même en Allemagne. Sous forme de bois de fente (bois à lattes ou piquets), les perches de taillis de fortes dimensions sont assurées de trouver également une utili- sation certaine. En raison du développement toujours croissant de l'in- dustrie du bâtiment, les bois à lattes sont, en général, fortement demandés, il en est de même des piquets. Sans doute la découverte du béton armé fait depuis quelques années une concurrence redoutable aux piquets de bois fendus, mais d'expériences récentes, faites en Allemagne, il résulte que, malgré sa durée plus longue, le pieu en béton revient, en dernière analyse, dans les travaux civils, 2 fois plus cher que le pieu en bois. D'ailleurs la stérilisation, le bétonnage des pieux dans leur partie souter- raine, permet d'augmenter sensiblement leur durée. C'est donc là encore un débouché certainement possible. Quant aux bois propres a la distillation ou à la pâte à papier, on est évidemment certain de les trouver en plus grande quantité, et surtout avec un rendement plus rémunérateur, dans les taillis âgés que dans les taillis exploités à une révolution réduite, car, sous un volume donné, la matière travaillée renferme une quantité plus grande de produits utiles (cellulose, alcool). Enfin, ce sont surtout aujourd'hui les bois de feu de faible dimension, qui sont presque inutilisés. Par contre, le bois de chauffage de fortes dimen- sions trouve encore relativement preneur, et il n'est pas téméraire de songer que la hausse croissante du charbon, due à de nombreuses causes économiques et sociales, forcera bientôt, dans les campagnes et même dans les villes, à recourir de nouveau au bois pour le chauffage domestique. A cet effet, des appareils nouveaux devront être inventés, et ce seront alors surtout les bois de feu de fortes dimensions qui profiteront de ce retour au chauffage de nos pères. A ces raisons, basées sur les conditions de la vie moderne actuelle, il faut en ajouter une autre, celle de la facilité de la main-d'œuvre dan» les taillis de fortes dimensions. On sait combien aujourd'hui le recrutement do la main-d'œuvre — 102 — INTERNATIONAL 1913 bûcheronne est un problème diftîcile. C'est en fin de compte le proprié- taire, qui paie le supplément de salaire dû à l'accroissement du prix de revient de la main-d'œuvre par suite de sa raréfaction croissante. Si donc le coût de la main-d'œuvre, qui a augmenté depuis 10 ans d'un tiers environ, tend à s'accroître encore, et c'est là une hypothèse qui n'a rien de chimérique, les différences entre le prix de vente des diverses catégories de bois augmenteront encore davantage. Enfin, au point de vue même de l'exploitation, il n'est pas douteux que le jour où des procédés mécaniques seront inventés pour la coupe des bois, ces procédés seront rendus d'autant plus faciles que les peuplements seront plus clairs, facilitant le passage des machines, et par suite les vieux taillis seront d'autant plus recherchés par les exploitants. Si maintenant, après avoir examiné la question au point de vue histo- rique et économique, nous passons au côté cultural, nous ne voyons que des avantages à l'allongement de la révolution des taillis et surtout des taillis sous futaie. On sait combien au début de leur croissance, et principalement sur les sols fertiles, les jeunes taillis sont composés d'essences diverses, dont un nombre relativement faible de bois de valeur. Ce n'est qu'au bout d'un certain nombre d'années que les essences les plus longévives, en général les plus précieuses, arrivent à faire disparaître celles de moindre^ valeur, les morts bois, et prendre le dessus. Il est donc tout indiqué de laisser à la nature le temps de produire, dans nos climats, cette sélection naturelle, dont profite l'enricliissement du taillis en essences précieuses. Il ne faut pas oublier, comme on l'a dit souvent, que le régime du taillis est un régime contre nature, rendu nécessaire par la nécessité pour l'homme d'une jouissance rapide ; il faut donc laisser la nature reprendre une partie de ses droits. Sans doute, il sera souvent nécessaire que la main de l'homme inter- vienne, à des intervalles plus ou moins répétés, pour faciliter cette sélec- tion naturelle, aider la nature dans cette « lutte pour la vie » des essences précieuses. Ce sera l'œuvre des dégagefnents de semis se répétant tous les 5 ou 6 ans en général, pour favoriser la croissance des essences de lumière (chêne, frêne), menacés par d'autres essences de moindre valeur, tels que le charme, les bois blancs (tremble, bouleau, etc.). Ce sera évidemment un surcroît de dépenses; mais les frais de cette opération, indispensable pour l'accroissement de la richesse des taillis en essences précieuses, ne dépassent guère encore aujourd'hui 3 francs par hectare. Dans les forêts de peu d'étendue, ils peuvent même être exécutés sans frais par le garde local. Alors l'enrichissement du tailUs s'en suivra forcément et le propriétaire pourra répondre victorieusement à cette hérésie légendaire, que le chêne disparaît, en allongeant les révolutions, parce que la terre n'en veut plus, ou qu'en laissant vieillir le taillis les bois s'éclaircissent et se dénudent sans profit aucun pour le vendeur. Aux dégagements de semis succédera Véclaircie portant sur les bois blancs ou les plus mauvais rejets, et le taillis s'élèvera en hauteur. Cet allongement des perches aura une influence culturale des plus heureuses : elle forcera les réserves à se développer également en hauteur; la longueur des fûts augmentera par suite d'un élagage naturel plus complet, d'où une plus grande proportion de bois d'œuvre à en espérer. De plus, moins fréquemment isolées, les réserves subiront plus rarement ces périodes de crises, dues au découvert complet du sol et de la cime, et les perturbations — 103 — CONGRES FORESTIER de végétation, qui en résultent et leur sont parfois funestes, seront d'a»- tant moins répétées. Enfin pourquoi ne pas l'avouer, le propriétaire sera moins souvent tenté de faire tomber un arbre vigoureux, en pleine crois- sance, capable de vivre plusieurs lustres encore, s'il revient moins sou- vent sur le même point ! Les baliveaux eux-mêmes, fréquemment isolés par les dégagements et les éclaircies, seront plus vigoureux, plus solides, avec des cimes mieux équilibrées, et si le propriétaire a pris le soin de les préparer aux empla- cements voulus, ils faciliteront le balivage de l'avenir, sans être à jamais f)erdus, couchés par le vent lors de la coupe du taillis, et permettront 'enlèvement d'un plus grand nombre de réserves surâgées. Tout concourt donc, au point de vue cultural, si la révolution est allongée, à l'améliora- tion de la réserve, qui, dans le régime mixte du taillis sous futaie, est fonction naturelle et obligatoire du régime appliqué au taillis. C'est lui qui dans ce mode de traitement de nos forêts est, comme l'a dit si justement M. le Professeur Boppe, ancien directeur de l'École de Nancy, l'agent de perpétuation de la forêt. On ne saurait l'oublier : améliorer l'une c'est améliorer l'autre et l'allongement dos révolutions du taillis ne peut que profiter à la réserve elle-même. Une nouvelle conclusion s'impose donc encore : l'allongement des révolutions du taillis, indispensable pour des raisons économiques^ est avantageux au point de vue cultural. Est-il maintenant facilement réalisable ? Tout dépendra surtout de la fertilité du sol et de l'essence principale cultivée. On ne saurait prolonger la révolution au delà de l'âge où l'essence principale du taillis ne peut plus rejeter qu'imparfaitement. Si donc, à cet âge, les perches de taillis sont incapables de donner des produits de valeur, suivant les exigences économiques du moment ou de la région, c'est que le régime du taillis doit être abandonné et faire place à une con- version de la forêt en futaie ; une substitution d'essences peut être envi- sagée également. De là l'idée de V enrésinement des taillis dégradés en plaine et surtout en montagne lorsque les conditions orographiques ou climatériques doivent faire abandonner la culture des forêts en taillis. En général, une étude attentive des conditions naturelles locales doit toujours précéder l'allongement de la révolution des taillis. Mais empres- sons-nous d'ajouter qu'à l'heure actuelle dans la plupart des forêts de plaine, traitées en taillis, la fertilité du sol est toujours suffisante pour per- mettre un allongement certain et avantageux de la révolution existante. Gomment déterminer la durée nouvelle de la révolution à fixer ? Quel doit être l'âge choisi ? Il dépendra, bien entendu, de la faculté des essences cultivées à rejeter. Il faut, en général, une grande expérience pour fixer d'une manière sûre la révolution convenable. D'après M. le Conservateur des Eaux et Forêts Mathey, dans sa belle étude sur les taillis sous futaie de la Haute-Saône, l'âge optimum serait celui où le tailHs est arrivé à donner en bloc 200 stères à l'hectare, production variable bien entendu avec l'âge, suivant la fertilité du sol et permettant de fixer la révolution du taillis, selon les régions, entre 25 et 40 ans. Peut-être ce critérium est-il par trop absolu ? Il est bon en tout cas de le signaler et de le connaître. Mais que les propriétaires n'oublient jamais qu'ils auront souvent intérêt à dépasser l'âge qu'ils seraient tentés d'adopter, parce qu'instinctivement ils seront souvent portés de le fixer — 104 — I?iTliU.NATIO>'AL 1913 M. Mangin. — Professeur au Muséum, je puis entretenir mes col- lègues de ce vœu et d'une situation à laquelle il sera, je crois, facile de remédier. Nous avons demain une réunion, je me ferai un plaisir d'en parler. M. LE Président. — Au nom de l'Assemblée, nous vous remercions de prendre cette initiative, qui donnera satisfaction à M. Vadas et à nous tous. M. Jolyet n'étant pas encore arrivé, je vous propose de lire son rapport sur les Taillis d'acacias. Rapport de M. Jolyet. — Le Robinier, faux-acacia, Robinia pseudo- acacia^ Lin. est aujourd'hui cultivé dans toute la France et connu de tout le monde sous le nom d'acacia. Peut-être, par égards pour J. Robin, qui l'introduisit dans notre pays en 1601, eût-il été convenable de lui réserver le nom de Robinier ; mais aujourd'hui la dénomination d'acacia paraît avoir, comme l'arbre lui-même, conquis chez nous droit de cité. L'acacia est originaire de régions des Etats-Unis dont les étés sont très chauds ; les taillis d'acacia, très intéressants pour la France, et spéciale- ment pour les bassins de la Garonne et du Rhône, pour la Hongrie, les puissances Balkaniques, le sud de la Russie, etc., le sont donc peut- être moins pour des États situés plus près du pôle. Cependant ils paraissent être encore assez productifs en Allemagne. En Belgique, l'acacia donne de bons résultats sauf clans les stations élevées de VArdenne ; les climats de montagne dont les étés ne sont pas assez chauds semblent bien lui être défavorables. Et de fait, l'acacia s'est très vite naturalisé en France, où la rareté de ses semis naturels est plutôt imputable à une compacité excessive du sol qu'à des conditions climatériques défectueuses ; dans le sable meuble des dunes de Gascogne on voit des semis d'acacia. Toutefois, cette essence parait avoir été dans notre pays largement utilisée à la consolidation de talus de routes ou de voies ferrées, mais moins souvent envisagée comme essence forestière productive. Je signalerai cependant que P. Fliclie n'a pas méconnu la valeur forestière de l'acacia ; que le maître Ch. Broilliard lui a fait une large place dans son étude des taillis considérés comme producteurs de bois d'œuvre ; qu'aujourd'hui les auteurs forestiers n'omettent pas de parler des taillis d'acacia ; qu'enfin l'Association centrale pour l'aménagement des montagnes utilise l'acacia dans ses remarquables et si utiles travaux de restauration de nos grandes montagnes françaises. L'acacia, d'ailleurs, est une des essences feuillues qui, dans les sables mouvants des dunes de Gascogne, sont parfois adjointes au pin maritime. A l'étranger, je signalerai tout spécialement une étude de M. Vadas, qui montre le rôle utile de l'acacia en Hongrie et, si je ne me trompe, il existe aussi de très grands reboisements en acacia dans la plaine du Danube en Roumanie. L'acacia CD I''raiice et à l'étranger. L'acacia nous offre les garanties les plus sérieuses quant à sa rusticité. BusticUcaeraca- L'hiver 1879-1880 l'a respecté même dans nos départements du '^'*' Nord-Est. — 121 — CONGRES FORESTIER Très exceptionnellement, dans certaines stations en sol mouilleux, quelques acacias ont pu être tués, mais des drageons ont toujours évolué et remplacé bien vite les sujets détruits. Les gelées tardives n'endommagent pas ses jeunes pousses — ■ très sen- sibles, niais dont l'évolution est très tardive, — aussi souvent que celles de plusieurs essences indigènes, comme le frêne et même le chêne. Dans nos stations françaises de basse altitude, les pousses de Tannée sont presque toujours suffisamment aoûtées' ^owv n'avoir rien à craindre des gelées précoces; mais, sous les climats de fnontagney il peut en être autrement bien entendu; cela me confirme dans l'opinion qu'en France, sous 470L. A'^, le taillis d'acacia n'est plus à sa place au-dessus de 500 mètres d'altitude. L'expérience de Vété 1911 a montré que V acacia est une des essences gui ont le moins à redouter les étés très chauds et très secs. Enfin l'acacia compte peu d'ennemis très redoutables parmi les para- sites animaux ou végétaux et, à tout le moins, en cas d'accident, les parties aériennes du végétal sont seules détruites et des drageons les remplacent spontanément. A côté de cette grande rusticité, d'autres considérations me paraissent militer en faveur d'une plus large extension du robinier dans nos peuple- ments forestiers. Ce sont : l'abondance de ses drageons ; sa valeur comme bois d'œuvre. Âbondaure des drageons de l'acacia et ses conséquences. Les nombreux drageons de l'acacia assurent dans d'excellentes condi- tions la régénération naturelle des taillis de cette essence et aussi le reboisement spontané des vides qui peuvent exister dans le peuplement. C'est à ces drageons également que l'on doit, à mon avis, de pouvoir cultiver avec avantage Vacacia sur les terrains superficiels des sols ooli- thigues pour peu que la roche du sous-sol soit fissurée : les drageons qui évoluent au-dessus des crevasses remplies de terre végétale y trouvent la profondeur qui leur est indispensable pour acquérir en peu de temps de belles dimensions. Valeurde l'acacia comme h o 1 s d'œnvre. La résistance du bois de l'acacia à la rupture, à la compression et à la pourriture est considérable. Mais l'intérêt tout spécial de cette essence tient à ce fait qu'en raison de la minceur extrême de l'aubier, des perches de taillis de fort petit calibre peuvent être utilisées comme bois d'œuvre. J'ajouterai que ce bois d'œuvre est surtout utile aux vignerons et aux cultivateurs (échalas, bois de pâture, piquets, rais pour les roues de voiture, etc.). Dans ces conditions, il est permis d'admettre : 1° Qu'un reboisement en acacia donnera à très brève échéance des produits qui seront utihsables comme bois d'œuvre et, par suite, d'une vente très facile et très rémunératrice. A mon avis, ces reboisements en acacia plus faciles, moins dispendieux et moins exposés aux dégâts de la sécheresse, aux bris de neige et aux dommages des insectes ou des champignons que les reboisements en pin, seront aussi rémunérateurs que les reboisements en pin sylvestre et plus que ceux en pin noir, vu la difficulté avec laquelle on parvient à vendre le bois de ce dernier. Ils auront, en outre, sur les reboisements en pin V avantage quhme régénération naturelle succédera toujours à l'exploitation. 122 liSTERNATIONAL 191o 2° Que les reboisements en acacia une fois obtenus devront être traités en taillis simples réguliers. Le taillis d'acacia présente un intérêt considérable dans les pays où la propriété est très morcelée : on peut créer un taillis d'acacia et l'exploiter d'une façon méthodique et très rémunératrice sur toute pièce de terre, si petite qu'elle soit. En effet, à l'encontre de la plupart des essences forestières, l'acacia prospère tout aussi bien, sinon mieux, en bouquets de quelques ares d'étendue qu'en massifs de plusieurs hectares. D'autre part, le bois d'œuvre qu'il fournit, approprié aux besoins locaux des cultivateurs et des vignerons, trouve acheteur quand il est offert en petite quantité dans d'aussi bonnes conditions que s'il formait un stock important. Dans la Haute-Saône existent beaucoup de ces « buissons » qui jouent un rôle économique non négligeable, les uns, taillis spontanés de charme et d'érable champêtre, fournissant du bois de chauffage, les autres, taillis artificiels d'acacia, produisant du bois d'œuvre. Le taillis d'acacia, d'autre part, n'est point très nuisible aux pro- priétés riveraines, en raison du couvert très léger de l'essence. Sans doute il présente l'inconvénient de ses drageons qui évoluent au milieu des terres cultivées du voisinage ; mais je ne crois pas qu'il faille s'exagérer cet inconvénient, car, si la charrue retourne chaque année les terres en question, les drageons ne pourront se développer pendant plus d'une saison de végétation et le voisinage d'un drageon de cinq ou six mois d'âge ne peut porter aux cultures un préjudice bien sérieux. La pro- priété qu'ont les racines de l'acacia, comme celles des autres légumineuses, de fixer dans le sol l'azote atmosphérique doit enfin, en enrichissant les terres agricoles, être une large compensation aux légers ennuis dus à la révolution des drageons. l'Ulité (le l'acacia pour le boise- meiitdcspièccs de terre dont rétendue est très minime. On paraît craindre que l'acacia, exigeant la lumière d'une façon très Traitement des impérieuse, ne puisse constituer des peuplements de taillis complets. taiiiisd acacia. La vérité me paraît être ceci : L'acacia peut former d'excellents taillis, mais à la condition que des éclaircies fréquentes assurent à la cime des perches un {'clairement suffisant. Il serait à souhaiter que l'on se décidât à considérer l'acacia comme une essence forestière et à étudier les peuplements qu'il constitue au point' de vue du nombre des tiges et de la surface terrière. Je n'ai pu trouver que fort peu de renseignements à ce sujet. Un taillis d'acacia en terrain oolithique (à sous-sol fissuré) devrait être créé et traité de la façon suivante : Plantation à l'espacement de 1 m. 50 en tous sens, soit 4.444 plants à l'hectare, A cinq ans, recépage à blanc étoc provoquant l'évolution de drageons dont un nombre suffisant apparaîtraient au-dessus des crevasses de la roche calcaire. Adoption d'une révolution de 35 ans. Eclaircies (certainement très rémunératrices) dans les peuplements de 15 ans et 25 ans. L'exploitation des perches de 35 ans serait accompagnée de celle de — 123 — COXGRES FORESTIER Futaie claire d'a- cacia. Emploi dn robi- nier pour la créatiou de forêts résineu- ses. L'acacia de De- caisne. tous les drageons nés à la suite des éclaircies, car ils pourraient avoir souffert d'un éclairement insuffisant. On reproche aux taillis d'acacia qu'ils sont envahis peu à peu par des essences feuillues indigènes. Sans doute, mais l'acacia aura cependant permis un boisement très économique du terrain et il restera pendant longtemps (surtout si l'on a soin d'opérer quelques dégagements en sa faveur) représenté par un nombre d'individus suffisant pour constituer une sorte de futaie très claire dominant un tailUs de feuillus indigènes et fournissant un bois d'oeuvre très apprécié. Je possède, dans la Haute-Saône, des acacias que j'ai réservés comme baliveaux au-dessus d'un taillis d'autres essences et je n'ai pas remarqué qu'ils soient dégradés par des bris de branches au point qu'on puisse avoir des inquiétudes sur leur valeur dans l'avenir. On peut du reste prévenir cette modification du taillis d'acacia en préparant, comme je l'explique ci-après, sa conversion en futaie résineuse . Pour la mise en valeur des terres incultes dans les régions de plaines et de coteaux du Nord-Est, il est difficile de trouver un résineux qui, acceptant les sols superficiels peu favorables au pin sylvestre et plus rémunérateur que le pin noir, résiste tout à la fois à des étés très chauds et très secs, et à des hivers exceptionnels comme celui de 1879-1880. Le seul qui me paraisse vraiment adapté à notre climat continental est le Douglas à feuillage glauque {Pseudotsuga Douglasii, car. glauca). Malheureusement le Douglas à feuillage glauque est d'une installation coûteuse et sa croissance n'est pas tiès rapide. Les frais de boisement sont, au contraire, acceptables si l'on se contente de planter à l'hectare 280 Douglas en constituant un remplissage d'acacia, Les produits fournis par ce dernier permettent d'attendre que les Douglas soient devenus exploitables et en même temps assez âgés pour ensemencer naturellement le terrain, qui sera dès lors occupé par un peuplement résineux. Les lacunes de ce peuplement résineux seront, du reste, remplies provisoirement par des drageons d'acacia. MM. le comte Visart et Gh. Bommer appellent l'attention sur un hybride de R. Pseudacacia et de R. Viscosa, connu sous les noms de R. Dubia Foucault, var. decaisneana et de R. decaisneana. hort. qui pos- séderait une croissance très vigoureuse et formerait « naturellement un tronc droit, élancé, non divisé, à cime réguhère ». Peut-être sa culture serait-elle avantageuse? En conséquence des considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de formuler le projet de vœu suivant : QuHl soit constitué des taillis d'acacia comme mode économique de boisement, particulièrement sur les terrains de faible étendue. M. DE Segonzac. — Je crois qu'il faudrait ajouter « et des futaies ». Je ne mettrais pas non plus « sur les terrains de faible étendue », mais de « faible qualité ». \'ous pouvez aussi bien en planter sur un terrain étendu que sur un terrain de petites dimensions. — 124 INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Croyez-vous utile d'insister sur ce mot? Le plus souvent on fait des boisements sur des terrains de faible qualité, et d'autre part, l'acacia n'est pas si facile qu'on veut bien le dire pour le choix du terrain. On vient de parler de Robin, et je ne voudrais pas trop me vieillir, mais je m'occupe depuis longtemps de la question et j'ai même publié en 1883 un opuscule sur l'acacia. J'ai fait pas mal d'expé- riences et me suis rendu compte que c'est un arbre plus difficile qu'on le dit et qu'on l'écrit. J'ai vu des taillis d'acacia donner des résultats merveilleux, mais dans des terrains qui n'étaient pas mauvais, et où la culture agricole aurait donné des résultats non excellents, mais appréciables. 11 faut donc qu'on se détrompe à cet égard, ce n'est pas une essence qui s'accommode de tous les sols. Si vous en mettez sur des terrains imperméables, sur des glaises compactes, vous n'aurez rien ; sur des terrains mouillés, il pourrit; il est beaucoup plus exclusif, sinon au point de vue chimique, tout au moins au point de vue physique, qu'on ne le dit. Si donc vous voulez réfléchir à ce que je vous dis, je vous pro- poserai de ne pas insister sur ce mot. M. HicKEL. — Je. confirme pleinement les observations que vient de faire notre président. Evidemment, l'acacia est susceptible de croître dans des terrains pauvres, mais à condition qu'ils aient une certaine profondeur. M. Vadas. — Comme je disais, un « soZ lâche >). M. HicKEL. — Lorsqu'il croit sur un terrain pauvre et superficiel, c'est alors que les inconvénients se présentent au maximum. Lors- qu'il a un certain âge, les drageons se trouvent cassés, tandis qu'au contraire quand il est sur des terrains pauvres, mais en roches, comijie toutes les esgences, il drageonne au maximum. Sur un terrain superficiel, vous avez simultanément une foule de drageons de 2, 3, 4, 5 ans qui causent des épines, et cela devient extrêmement désagréable. ]\L Delahaye. — A l'appui des indications qui viennent d'être fournies, je puis signaler que dans les dunes des côtes de la Vendée, où ne vient que le pin maritime, l'acacia donne d'excellents résultats. Mais il lui faut un terrain extrêmement meuble. Les plantations doivent être faites en potets de un mètre cube. J'ai vu des planta- tions faites en potets de 50 centimètres de profondeur sur un mètre carré de surface, les arbres sont tous morts. Ce sol, de sable, a besoin lui-même d'être ameubli pour que la plantation réussisse. Mais alors l'acacia pousse admirablement. r3ans les endroits mouilleux, on n'a aucun résultat. J'ai fait faire quelques plantations dans l'emplace- ment d'une ancienne carrière de sable : on y reconnaît les parties mouilleuses à la mort des sujets. — 125 — CONGRES FORESTIER M. LE Président.— C'est très intéressant. M. Lauue. — Je demanderai au contraire que le mot soit maintenu dans le vœu. Hier, dans une autre section, j'ai parlé des difficultés du reboisement quand on n'a pas à sa disposition des terrains .vastes ; or, l'acacia est l'essence qui convient le mieux pour les pays très morcelés. Dans la Bourgogne, son emploi est classique sous forme de pieux. Dans le sable vert, il pousse très bien ; à côté du sol argileux qui appartient à l'étage inférieur au sable vert, dans l'aptien, il se couronne à 4 ou 5 mètres de hauteur. Donc, il ne peut pas servir à faire des rais de voiture, tandis que dans des sables voisins où on le coupe à l'âge de 16 ans, on estime que son rendement est plus intéressant que le chêne, à condition que la culture de la vigne marche bien dans le pays. En ce qui concerne la Hongrie, les sols des steppes sont différents des sols de climat humide. J'ai étudié la question à propos du drei farming. Dans les sols des steppes, le climat étant sec,- la terre lîne n'est pas entraînée par les eaux. Vous avez du diluvium dans le centre de la Hongrie, en Roumanie, en Russie, dans des sols très profonds. Donc la réussite de l'acacia dans ces régions n'est pas comparable à ce qu'elle peut être chez nous. Le climat et le sol ne sont pas les mêmes, les termes de comparaison n'existent pas. En ce qui concerne la clôture de l'acacia en mélange dans un taillis, souvent un particulier plante de l'acacia en bordure et, au bout d'une trentaine d'années il arrive ceci : L'acacia étant très exigeant comme sol, — j'insiste sur ce fait, — épuise le sol au point de vue minéral, tout en l'enrichissant au point de vue azote. Ses drageons vont peupler à l'intérieur du bois; on trouve l'acacia dans le milieu du bois, et le vide se fait sur les bords. Les botanistes disent : grâce à l'azote apporté par l'acacia, le sol est resté bon, mais la forêt n'est plus défendue, on a un vide pendant un certain temps ; et si on est sur le bord d'une route, exposé aux passants et aux animaux, ce vide se remplit difficile- ment. L'acacia serait peut-être bon au milieu du bois, mais en bordure, c'est un inconvénient. On arrive à avoir de distance en distance un petit massif d'acacias, la coupe n'est plus régulière. M. LE Délégué du Portugal. — Dans le Portugal, Pacacia vient bien, mais nous n'avons pas de forêts d'acacias pour les raisons exposées par M. le Président et M. Hickel : ses exigences souter- raines sont très difficiles. On peut dire que l'acacia vient sous tous les climats, mais je crois que c'est dans le Midi qu'il peut donner les meilleurs résultats. Dans le Midi, on obtient un arbre très riche, qui donne 30 à 40 °o, et c'est un acacia à grand rendement, qui vient très bien dans tous les sols. — 126 — INTERNATIOiSAL 1913 M. HicKEL. — Ce sont des cas très différents suivant qu'il est sur des territoires cultivables et dans les régions provençales. Dans toute la région du Sud-Ouest, il est possible de le faire remonter sur une zone dont je ne pourrais donner la largeur, mais qui va au moins jusqu'à Nantes. Évidemment, il peut réussir en quelques autres endroits du territoire, tels que l'extrémité de la presqu'île de la Manche, les côtes de Bretagne, mais je ne crois pas qu'il soit sucep- tible, en dehors de la Provence et de la Gironde, d'un emploi forestier. M. GuiLLOT. — A l'appui de ce que vient de dire M. Larue, je signale que dans les landes de la Gironde, il y a des peuplements d'acacia, mais que bientôt ils se trouent au centre. Pour nous, l'acacia est une essence nomade, qui se déplace; d'ailleurs elle est gourmande, puisque c'est une essence rivicole. Au vœu de M. Jolyet, je proposerais d'ajouter « à basse altitude » ou « à altitude modérée, dans un sol un peu frais et un peu suhstentiel «. Ce sont les trois conditions nécessaires. M. DE Segonzac. — Nous ne sommes pas tout à fait d'accord ; il y a de mon côté, dans l'Oise, des terrains très argileux où l'acacia vient d'une façon extraordinaire, il a une pousse dont on n'a aucune idée. C'est un arbre qui, à mon avis, ne vit pas très longtemps ; il vit indéfiniment si on veut, mais il est à peu près mort et n'est pas même bon pour l'industrie. Il ne doit pas dépasser 40 ans pour être bon. Comme je disais tout à l'heure, je ne suis pas d'accord avec l'hono- rable rapporteur qui demande de le cultiver en taillis. 11 est impossible de passer sans accidents dans les acacias quand ils sont jeunes, quand ils sont vieux, ce sont des futaies. Il faut 15 ans pour avoir un arbre, c'est extrêmement difficile de les élever en taillis, il faut beaucoup de précautions pour éviter les accidents. Il y a eu une époque où l'acacia était d'un bon rapport, c'était quand il fallait des pieux pour les vignes, mais on en demande moins. L'acacia était le premier des bois, pour les pieux, avec le châtaignier. M. Bauchery. — On a oublié que l'acacia est une essence de bordure plutôt que de taillis. Les plus beaux résultats obtenus avec l'acacia sont surtout dans les bordures ; en dehors des pays Basques et des sables de la Loire, ou obtient difficilement des massifs. Au contraire, dans les allu- vions de l'Adour et même de la Loire, ces Messieurs ont pu remar- quer combien l'acacia vient bien ; je ne crois pas qu'une autre essence forestière donne un revenu semblable, mais il faut un sol profond et perméable. Personnellement, je ne crois pas qu'en dehors de ces conditions, l'acacia soit une essence do taillis plein. — 127 — CONGRÈS FORESTIER M. DE PoTTERÉ. — Je voudrais confirmer les observations de M. le délégué du Portugal. Nous avons en Hongrie des qualités de sol très différentes, non seulement dans la steppe, mais partout. Dans la plaine, l'eau de la terre est à une profondeur de un demi mètre environ. M. MoNNiN. — Je crois que tout le monde est d'accord pour faire ressortir que la perméabilité du sol est la première condition pour que l'acacia ait une bonne croissance. On peut admettre que les bactéries de l'acacia ont besoin d'air pour vivre, en sorte que, dans ces taillis d'acacia qui disparaissent, si on arrivait à donner de l'air au sol, on donnerait de la vigueur aux acacias. Du reste, la discussion s'est engagée sur la question de savoir s'il fallait boiser de grandes ou de petites étendues. Il est bon pour de grandes étendues, quand elles présentent les conditions d'aération qui lui sont indispensables, comme les sables de l'Adour, les sables d'Olonne ; en Hongrie, il réussit sur de grandes étendues probable - parce que le sol reste perméable. De même dans la Côte d'Or, les vignerons plantent de l'acacia, qui pousse bien, dans des terrains autrefois cultivés en vignes. J'ai remarqué qu'en particulier dans jes terrains qui ont été fouillés pour l'extraction du minerai de fer, l'acacia pousse d'une façon remarquable, M. Broillard parlait, dans ces conditions, d'un revenu de 4.000 francs à l'hectare ; c'était erroné, car il s'agissait de deux hectares et demi, mais cela faisait encore 1.700 francs à l'hec- tare ; c'était déjà beau. Donc, lorsque l'on a des terrains de grande étendue présentant cette perméabilité, on peut faire de grands massifs, mais la plupart du temps, ces conditions ne se présentent que pour des terrains peu étendus, des talus de routes, etc.. H n'y a pas lieu de fixer la grandeur de la plantation, elle dépend de la nature du sol. M. HicKEL. — Je demanderai à résumer ce qui a été dit par une donnée générale que je m'excuse de ne pas avoir présentée au début. L'acacia est une essence continentale : c'est plutôt dans la partie centrale de l'Amérique que se rencontre l'acacia, et ceci explique peut-être les résultats heureux obtenus en Hongrie. D'autre part, ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler une essence sociable ; dans son pays d'origine, on ne rencontre pas de massifs d'acacias. C'est aussi, comme on l'a dit, sur les riches alluvions de ces fleuves irréguliers d'Amérique que se rencontrent les plus beaux acacias. C'est donc une essence disséminée, et vous savez comme moi que ces essences disséminées sont le plus souvent des essences exigeantes. En même temps, c'est une essence essentiellement déconcertante. Comme elle exige des conditions de sol, de climat et de mélange ■ — 128 — INTERNATIONAL 1913 très particulières, elle donne de bons résultats ici. et de mauvais résultats là où manque un des facteurs. Pour l'acacia, la hauteur reflète de façon étroite l'état du sol. M. LE l^KÉsiDENT. — Pour terminer ce débat très intéressant, vous me permettrez d'ajouter quelques considérations qui ne me pa- paraissent pas avoir été envisagées par les personnes qui ont parlé de l'acacia. Je tiendrais à vous signaler deux points principaux : D'abord, une question qui a été largement envisagée, mais sur laquelle nous ne sommes par d'accord, c'est l'état plein. Il y a des plantations d'acacias d'importance assez considérable, comme on a pu le constater dans différents concours institués par de grandes sociétés agricoles, dont la Société des Agriculteurs de France. Je connais notamment dans la Nièvre, près de Decize, une plantation de 30 hectares dans un état de prospérité splendide, au bord de la Loire, dans des sables, mais dans des conditions re- marquables. Mais j'en connais d'autres ailleurs, en fort bonn(» posture. Voilà pour ce qui est de l'état plein ou isolé de l'arbre. En ce qui concerne le côté physique, il a été envisagé, mais per- sonne n'a parlé du côté chimique. Personnellement, j'ai fait des expériences qui datent de plus de 30 ans sur des plantations faites sur des places àfournaux, àlasuite d'exploitations de taillis où on cuisait la cliarbonnette pour en faire du charbon. Sur ces places à fourneaux, très imprégnées de potasse, j'ai planté des acacias, en même temps que j'en plantais aux alen- tours. Les plantations faites sur les places à fourneaux ont donné des résultats merveilleux au point de vue de la rapidité de la crois- sance, qui dépasse de beaucoup le taillis-chêne qui les entoure ; mais sur les places à côté, dans le même terrain, le résultat était tout différent. Je n'ai pas fait analyser le sol des places à fourneaux, mais il n'est pas douteux qu'il contenait une quantité considérable de potasse que ne contenait pas le sol voisin. De là, selon moi, l'augmen- tation de croissance constatée. Ceci prouve qu'il serait sans doute intéressant d'essayei' les engrais potassiques sur la plantation de l'acacia, étant donné celle prospérité que j'ai obtenue. Un point qui me parait extrêmement important et qu'on a laissé de côté, c'est le côté économique. M. Jolyet nous dit : plantez de l'acacia. Je m'en suis trop occupé pour ne pas abonder dans son sens, mais dans l'intérêt des planteurs, je dois vous mettre en garde contre un événement économique de grande importance : il s'agit des débouchés. Les débouchés pour les bois de petite taille diminuent par le fait que la vi-gne n'en consoiTime plus guère, on la tend sur les tils de fer. — 129 — CONGRES FORESTIER M. Mangin. — Dans beaucoup de régions, on abandonne les fils de fer et on revient aux échalas; presque partout on renonce à ce système, quelque coûteux que soit le changement. M. DE Lesseux. — Ce fait se produit dans l'Aube : les vignerons constatent 20 % de différence dans le rendement. M. LE Président. — Cependant à la suite de l'enquête dont je parlais tout à l'heure, comme suite au concours organisé 'par la Société des Agriculteurs de France, on s'est rendu compte que les débouchés étaient devenus difficiles pour des quantités importantes. Plusieurs de nos collègues s'en plaignaient amèrement et cherchaient comment vendre leurs acacias. Ils n'y sont pas parvenus, malgré les conseils et les indications qu'on leur a fournies. Donc les débouchés semblent assez restreints. Ils sont peut-être suffisants, étant données les étendues que nous avons, mais si on les augmentait notablement, peut-être arriverait-on à une difficulté d'écoulement. M. DE Segonzac — Je propose d'ajouter « des taillis et des futaies, particulièrement sur les terrains propices ». Je supprime : « sur les terrains de faible étendue ». M. le Président. — Il n'y a qu'un moyen, c'est de nous compter. Que ceux qui sont d'avis d'accepter l'amendement de M- de Sr- gonzac lèvent la main. Adopté. Comme il a la priorité sur le vœu lui-même, le vœu se trouve sup- primé. L'amendement est ainsi rédigé : < Qu'il soit constitué des taillis et des futaies d'acacia comme mode économique de boisement, particulièrement sur les terrains propices. » Je donne la parole à M. Mangin pour la lecture de son rapport. M. Mangin. — Le châtaignier, Castanea vulgaris, Lam, [Castanea vesca, Gaertn.) appartient à la famille des Cupulifères, à laquelle d'ailleurs se rattachent plusieurs autres essences précieuses de nos forêts, le chêne, le hêtre, etc. Tl est originaire de l'Europe méridionale où on le rencontre du Caucase au Portugal. L'Amérique du Nord en possède plusieurs espèces voisines, parmi lesquelles le Castanea pumila [Chincapin), arbre de moyenne grandeur à fruits très estimés, le Castanea dentata {Castanea çesca, car. Americana) à fruits excellents et à bois de valeur. Le Japon renferme le Castanea vesca var. Japonica, dont on a distingué plusieurs variétés. Enfin en Chine on trouve le Castanea Sinensis, Spreng. Le châtaignier est un arbre de première grandeur, à végétation rapide. Il fructifie plus tôt (10 ou 15 ans) à l'état isolé que lorsqu'il croît en massif ; c'est un arbre essentiellement silicicole : il exige pour végéter que la teneur du sol en chaux ne dépasse pas 4 %. Il préfère les sols profonds, — 1.30 — INTERNATIONAL 1913 frais, fertiles et dans de telles stations il forme des massifs de toute beauté, mais, et c'est ce qui le rend si précieux, il s'accommode de situations moins favorables, sait se montrer, quand il le faut, aussi rustique que peu exigeant et, dans de telles conditions, constitue encore de beaux massifs, même sur des versants rocailleux et secs, à peine couverts d'une mince couche de terre végétale. Le châtaignier repousse très bien de souche et fournit des cépées vigoureuses, à rejets droits dont beaucoup à 25 ans peuvent atteindre 0 m. 20 de diamètre. Cultivé à l'état isolé, il est plus trapu que lorsqu'il est élevé en massif, il se ramifie beaucoup, étale sa cime et fructifie abon- damment. Son bois a peu d'aubier et est analogue à celui du chêne ; c'est un excellent bois de fente : on en fait un merrain estimé, des échalas, des cercles de tonneaux, etc. Quand il provient d'arbres âgés de 50 à 70 ans, il est particulièrement riche en tannin et sert à la fabrication des extraits tanniques. Le fruit du châtaignier a été longtemps la base de l'alimentation des populations pauvres du centre de la France et de la Corse ; la châtaigne améliorée par la culture (sélection et greffage) est devenue le marron plus gros et plus fin qu'elle et dont les nombreuses variétés sont l'objet d'un commerce important. Le châtaignier est donc, par l'importance et le nombre des produits qu'il nous donne, une essence précieuse par excellence ; là ne se borne pas son rôle : par son aptitude à garnir les pentes rocheuses à peine recou- vertes d'une mince couche de terre, il y consolide le sol, le protège contre l'érosion des eaux et concourt à régulariser le débit des cours d'eau. Dans certaines vallées du Plateau Central où la disparition des anciennes châtai- gneraies a provoqué la dégradation des versants que rien ne protégeait plus, l'exode des habitants, dont les conditions d'existence devenaient de jour en jour plus diflîciles, s'est accru dans des proportions inquiétantes; la densité de la population a diminué de 60 à 70 %. Au moment où l'on parle tant de la dépopulation, qui donc viendra nier l'intérêt général qui s'attache à la conservation et à la propagation d'un tel arbre que l'on a si justement nommé « l'arbre à pain des Cévennes ». Cultivé pour son bois, le châtaignier constitue des taillis exploités généralement d'assez bonne heure (vers 12 à 15 ans). Cultivés pour leurs fruits, les châtaigniers greffés sont plantés à une distance de 10 à 20 mètres les uns des autres, soit en massifs (ils consti- tuent alors ce que l'on appelle les châtaigneraies), soit en bordure des champs. Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de passer en revue les différentes et nombreuses variétés de châtaignes sélectionnées et de marrons obtenues par la greffe et adaptées à chaque station spéciale, il suffit de savoir que la production fruitière des châtaigneraies a atteint en 1910 une valeur de 20 millions environ. On cultive le châtaignier en France, surtout dans les Pyrénées, les Cévennes, le Plateau Central, le Limousin et le Périgord ; mais on le ren- contre un peu partout et même dans les Vosges. Il est abondant en Corse et en Algérie. La culture du châtaignier couvrait en 1882, 356.000 hectares; elle subit, surtout depuis une vingtaine d'années, une crise qui restreint de jour en jour la superficie qu'elle occupe. En effet, les progrès considérables réalisés depuis un demi-siècle dans sadi-iiaruiôu. — 131 — CONGRES FORESTIER Findustrie et l'agriculture, les transformations économiques incessantes ont modifié les conditions générales d'existence des populations rurales, les moyens de transport se sont multipliés et améliorés, les procédés de culture se sont perfectionnés, la main-d'œuvre s'est faite plus chère et plus rare, les soins donnés aux châtaigneraies sont devenus plus coûteux et ont diminué, en même temps que l'on prenait l'habitude fâcheuse de ramasser les feuilles mortes pour en faire de la litière fit de couper les jeunes branches garnies de feuilles pour nourrir les bestiaux. Les vieilles châtaigneraies délaissées, dépouillées, mutilées, ont périclité, donnant des récoltes de plus en plus faibles et ne valant parfois même plus le ramas- sage; elles ont peu à peu disparu pour faire place à des cultures plus rémunératrices. Malheureusement, deux causes sont venues accélérer et aggraver cette disparition : 10 Le développement considérable qu'a pris depuis une vingtaine d'années la fabrication des extraits tanniques ; cette industrie très floris- sante, pour laquelle la France tient encore le premier rang en Europe, a entraîné le déboisement de 60.000 hectares de châtaigneraies et en pro- voque encore annuellement l'exploitation de L400 hectares. 20 La maladie du châtaignier (maladie de l'encre ou du pied noir). Cette maladie est contagieuse, elle se propage comme une tache d'huile autour des foyers d'infection, dans les sols riches comme dans les sols pauvres, dans les châtaigneraies dépouillées ou non de leur couverture de feuilles mortes, elle attaque également les arbres jeunes ou vieux. Il importe de ne pas la confondre avec la maladie de l'étisie qui, elle, ne frappe que des arbres âgés et que l'on peut enrayer à l'aide de soins appro- priés. La maladie de l'encre n'a entraîné la disparition des châtaigneraies que sur une superficie de 4 à 5.000 hectares. Dans les châtaigneraies saines, les propriétaires imprévoyants, éblouis par un gain immédiat, ont perdu de vue l'avenir et méconnu leurs intérêts ; ils ont exploité à blanc étoc leurs belles châtaigneraies, les ont transfor- mées en friches improductives pour alimenter les usines d'extraits ; dans les châtaigneraies atteintes par la maladie de l'encre, les propriétaires, en présence d'un tel fléau, au lieu de songer à purger et locaHser les foyers d'infection, n'ont songé qu'à abattre les arbres encore sains, redoutant de les voir contaminés et dépréciés par la maladie, pour les vendre aux usines d'extraits. Quoi qu'il en soit, la superficie cultivée en châtaignier a diminué de 60 à 70.000 hectares ; cette diminution intéresse surtout une trentaine de départements. Dans vingt départements la disparition des châtai- gneraies a eu un bon résultat et a provoqué une plus-value sensible de la valeur des terres, car il y a eu substitution d'une culture nouvelle, plus rémunératrice, à celle du châtaignier (par exemple : dans l'Ille-et-Vilaine, les deux Sèvres, la Haute-Vienne, la Dordogne). Dans ces départements il n'y a pas de crise du châtaignier. Par contre, dans une dizaine de départements, la disparition du châtaignier a été désastreuse ; ce sont : l'Ardèche, la Corrèze, la Corse, le Gard, le Gers, le Lot, la Lozère, le Morbihan, les Hautes et Basses- Pyrénées. Les châtaigniers ont disparu de régions où le sol était impropre à toute autre culture plus rémunératrice, où les défrichements ont porté sur de si grandes étendues qu'il a été matériellement impossible de mettre — 132 — INTEHXATIONAI. lOio en valeur toutes les terres rendues libres, où enfin les versants à pente rapide et à sol instable ont été ravinés par les eaux. C'est dans ces départements que se localise ce que l'on appelle « La crise du châtaignier ». On a beaucoup parlé et beaucoup écrit sur la crise du châtaignier : pratiquement, on n'a pour ainsi dire rien fait. Avant d'examiner les moyens de remédier à cette situation, souvenons- Moyens ,\ nous que la culture du châtaignier est actuellement subordonnée aux ""'''ei-. facteurs suivants : a) Diminution sensible de la consommation locale des châtaignes communes ; b) Insuffisance de production, en quantité et en qualité, des marrons, (à Paris le commerce de la confiserie n'emploie plus que des marrons d'Italie) ; c) Nécessité de favoriser le développement de l'industrie des extraits tanniques, industrie essentiellement française dont les produits font prime sur les marchés étrangers; cl) Nécessité de la conservation et même de l'extension des châtai- gneraies en vue de la consolidation des terrains en montagne, de la régu- larisation des cours d'eau et de la mise en valeur de terrains absolument improductifs. Les mesures proposées pour enrayer la crise différeront suivant qu'il s'agit de régions non atteintes par la maladie de l'encre (soit environ 50.000 hectares) ou de régions contaminées (soit de 5 à 10.000 hectares). , En conséquence, nous avons l'honneur de formuler les projets de vreux suivants : Pour les régions saines. I. Que tous les terrains improductifs, inaptes à toute autre culture, soient remis en valeur par reconstitution de nouvelles châtaigneraies. II. Que les châtaigneraies soient exploitées et entretenues par un jardi- nage judicieux et des repeuplements en sujets greffés et soigneusement sélectionnés. III. Qu'' il soit créé des pépinières destinées à fournir des plants greffés dont la délivrance pourrait se faire ou gratuitement, ou à prix d'argent. IV. Qu''il soit établi des primes à la replantation et, plus tard, aux châ- . taigneraies donnant les produits les meilleurs. V. Que la loi dégrevant de tout impôt foncier, pendant 30 ans, les terrains remis en nature de bois soit étendue aux châtaigneraies nouvelles. VI. Que la loi sur le défrichement des bois particuliers soit étendue aux châtaigneraies, partout où les châtaigniers occupent des versants suscep- tibles de se dégrader, ou des régions dans lesquelles ils contribuent à régu- lariser le régime des eaux. Pour les régions contaminées. Le Congrès ne peut que conseiller aux propriétaires, en attendant le résultat des recherches entreprises, de remettre leurs terrains en nature — 13.3 — CONGRES FORESTIER de bois, pour préparer le sol en vue des futures reconstitutions de châtaigneraies. Je vous propose pour les régions saines, comme septième partie du vœu : Vil. Mesures législatives analogues à celles des pays voisins, Italie, Suisse. Possibilité d'introduire dans la législation française, certaines dispositions par exemple de la loi italienne- M. LE Présiden't. — Je vous prie de m'excuser, car je suis obligé de partir pour une autre réunion. Je cède la présidence à mon collègue et ami ^I. Émery, en attendant que notre Président, M. Girerd puisse venir. La séance continue sous la présidence de M. Emery. M. LE Président. — Avant de commencer la discussion sur les vœux de M. Mangin, on pourrait entendre les communications sur le même sujet. La première est celle de M. Pelle quer, sur « Le Châtaignier en Lozère ». M. le Secrétaire va vous en donner lecture. M. LE SECRÉTAIRE. — Le châtaignier est intéressant à un double titre : Pour son bois, Pour ses fruits. Autrefois le châtaignier était utihsé presque exclusivement pour ses fruits; aujourd'hui, avec l'industrie des extraits tanniques, son bois est de plus en plus demandé. La coupe des arbres est de plus en plus accélérée : Par la diminution, depuis quelques années, de la récolte des fruits ; Par l'augmentation du prix de la main-d'œuvre ; Par l'émigration vers les villes des paysans lozériens ; Par la maladie de l'encre. Remèdes. — Réglementer les coupes dans les forêts de châtaigniers ; exiger par exemple que les arbres exploités soient remplacés par de jeunes plants ; Reboisement en châtaigniers, par l'administration forestière, des terrains favorables ; Allocation de primes ou dégrèvement d'impôts pour encourager les proprié- taires qui créent ou conservent des forêts de châtaigniers ; Classement des plus beaux sites ; Encouragement à la substitntion du châtaignier du Japon au châtaignier' ordinaire. — L'État devrait étabhr des pépinières de jeunes plants et dis- tribuer ces plants gratuitement ou à un faible prix. Propager les notions de la taille du châtaignier ; Développer, en en montrant l'utihté, la pratique de la fumure des châtai- gneraies. M. le Président. — Nous allons entendre maintenant la commu- nication de M. Marcillac, dont M. le Secrétaire va vous donner l'analyse. M. LE SECRÉTAIRE. — M. MarciUac expose en quelques lignes que le châtaignier est en voie de disparition. Tous les châtaigniers sont achetés par — 134 — INTERNATIONAL 1913 les industriels fabricants d'extraits tanniques. Il y a là un danger au point de vue national et au point de vue économique. En conséquence, M. Marcillac propose d'émettre le vœu suivant : « Le Congrès émet le vœu : Qu'il soit fondé un prix d'un million à verser par l'Etat à l'inventeur, de quelque nationalité qu'il soit, du procédé fournis- sant autrement que par l'abatage et la distillation du châtaignier, les extraits recherchés pour le tannage. » M. LE Président. — Nous avons encore une troisième communication de M. Camus. M. Camus. — Messieurs, j'habite dans une région contaminée, l'Ardèche, où il y a une crise grave du châtagnier, pour les deux raisons qu'a données M. Mangin : la maladie de l'encre, qui sévit particulièrement dans l'arrondisse- ment de Largentière, et la fabrication des extraits tanniques. En ce qui concerne la maladie, la thèse que je développe dans ma communi- cation est bien connue et admise par tous les forestiers : le dernier mot de la science est de laisser le mélange des essences s'opérer au gré de la nature. Il semble que du moment qu'on a oublié ce principe en créant de grandes étendues de châtaigràers, il est naturel que la maladie se développe. J'ai remarqué que dans l'Ardèche, les régions contaminées sont d'une part des régions relativement chaudes, et d'autre part des régions où les châtai- giieraies ont la plus grande étendue. Dans l'arrondissement de Tournon, il n'y a presque pas de maladies, parce que le climat est plus froid, les châtaigniers sont plus séparés et entourés d'autres essences, de sorte que, à mon avis, il y a une influence due à ce voi- sinage'. En effet, quand on arrive à la limite d'un massif de châtaigniers, on remarque que la maladie de l'encre ne se produit pas, à cause du cnmat,et du voisinage d'autres espèces. Aussi dans les pays contaminés, on doit cher- cher le remède en plantant du pin, en mélangeant des essences résineuses avec les châtaigniers dans les vides déjà existants. Dans la deuxième partie de ma communication sur le châtaignier, je me place au point de vue de la consohdation des terrains en montagne. Dans les pays qui nous intéressent, le châtaignier est utile pour son fruit, pour sa beauté, mais surtout pour la défense du sol. Or, les extraits tanniques sont en train de développer nos châtaigneraies. Presque tous les propriétaires vendent leurs châtaigniers ; dans quelque temps, il n'y aura plus de châtaigneraies. Sommes-nous armés contre ces usines ? Les forestiers disent : Par la loi de 1859, concernant les terrains en montagne au delà de 10 hectares, on peut empêcher le déboisement. — Mais le châtai- g.iier n'est pas protégé, parce qn'û est considéré comme arbre à fruit et non comme arbre de forêt. Pour nous, la question capitale, avant de songer à reboiser, c'est de cher- cher à sauver ce qui reste : c'est la chose essentielle, et la plus facile. Pour arriver à conserver ce qui reste, il faudrait que la loi de 1859 puisse s'appliquer aux châtaigneraies, que le châtaignier soit considéré comme arbre de forêt et que la loi de protection dont on parlait avant-hier à la deuxième Section soit applicable au châtaignier. La loi proposée par M. David s'arrêtait à l'altitude de 800 mètres, je ne vois pas pourquoi, car il y a des terrains intéressants au-dessous de cette altitude. Le projet déposé par M. Chalamel à la Chambre il y a quelque temps, est plus large; il embrasse tous les terrains en pente et peut protéger les châtaigniers. En résumé, au sujet des vœux qui ont été émis, je demande au Congrès s'il veut bien Ips sérier par importance, mettre en tête les principaux et autant que possible, supprimer ceux qui seront considérés comme platoniques. Nous avons intérêt à émettre le moins de vœux possible. — 135 — CONGRES FORESTIER II semble que le plus importa-it est celui qui chercherait à conserver les châtaig.ieraies existantes. C'est celui qui porte le numéro VI, demandant que la loi sur le défrichement des bois particuliers soit étendue aux châtaigneraies. Je demande que le châtaigiier soit considéré comme un arbre de forêt et que les lois futures sur les forêts de protection soient applicables aux châtaigneraies. E.isuite je donnerais la préférence au cinquième vœu : I' Que la loi dégrevant de tout impôt. Jonricr, pendant 30 ans. les terrains remis en nature de bois, soit étendue aux châtaigneraies nouvelles. » A ce sujet on a voté hier à la deuxième section, un vœu au sujet des impôts. Ce vœu est le suivant : « QuHl soit accordé des dégrèvements temporaires pour les bois ruinés par l'incendie, les maladies. » Il y a intérêt à ce que les chàtaigiiiers soient englobés dans cp vœu. Je demande donc que le cinquième vœu soit ainsi conçu : « Que les dégrèvements et autres avantages accordés aux terrains remis en nature de bois soient applicables aux châtaigneraies nouvelles. > Pour la question des pépinières, je ne dirai qu'un simple mot. Je n'ai pas compris pourquoi l'Administration forestière t'ait payer une faible redevance aux particuliers pour les plants destinés aux terrains contaminés. Autrefois l'Administration forestière les accordait gratuitement, l'inspecteur des Forêts prenait sur lui cette autorisation, suivant l'esprit de la loi de 1882 qui est d'accorder des primes à ceux ciui reboisent. Pour ma part, j'ai fait des demandes de châtaigniers il y a un an et demi, on m'a appliqué un petit tarif. C'est peu de chose, mais cela complique beaucoup les demandes, surtout pour des paysans illettrés, d'autant plus qu'il faut envoyer les fonds à la caisse du département. Il me semble que pour le reboisement des terrains contaminés, les pépinières doivent distribuer gratuitement les plants. M. Mangin. — Pour les terrains contaminés, il n'y a pas à s'occuper des pépinières, puisqu'on ne peut pas replanter. M. Camus. — Dans l'Ardèche tout n'est pas contaminé ; ainsi, dans l'arrondissement de Tournon, on peut replanter. M. Mangin. — Dans certaines régions, on a constaté que la distribu- tion gratuite donnait lieu à des abus, et on a imposé une redevance très faible pour éviter ces abus. M. Camus. — L'Administration forestière est juge de savoir si elle doit ou non accueillir les demandes, mais j'estime qu'en tous cas, elle doit donner gratuitement les plants. C'est une économie pour elle quand les propriétaires plantent, car on sait ce que coûte un reboi- sement. La crise du châtaignier a été très grave en Italie ; en Italie on a distribué jusqu'à 300.000 plants gratuits par an. Je ne vois pas pour- — I3r, — INTERNATIONAL 1913 quoi on complique les choses pour une redevance aussi minime. Je demande . « Qu'il soit créé des pépinières destinées à fournir des plants greffés et d'autres essences à mélanger au châtaignier, dont la délivrance devrait se faire gratuitement, en supprimant les formalités en vigueur. » M. LE Président. — En somme, c'est une question de détails admi- nistratifs. M. Camus. — Enlin, je demande que l'Administration forestière délivre, dans les pépinières, des mélanges aussi intéressants que pos- sible pour répondre à l'idée que j'exprimais. Quant au vœu N° 1, je le trouve platonique. M. HiCKEL. — Les châtaigniers-bois peuvent bénéficier de la loi. Quant aux châtaigTiiers-vergers, ce sont dés arbres épars sur un terrain débarrassé de la végétation parasite, arbres suffisamment éloi- gnés les uns des autres, et je ne crois pas qu'on puisse considérer que les châtaigniers-vergers jouent un rôle au point de vue de la conser- vation du sol et au point de vue du régime des eaux. M. Roy. — Messieurs, parmi les facteurs importants qui militent en faveur de la replantation du châtaignier, M. le rapporteur Mangin affirme la nécessité de favoriser le développement de l'industrie des extraits tanniques, industrie essentiellement française et dont les produits font prime sur les marchés étrangers. Je dois dire que la menace de la raréfaction du châtaignier a déjà incité les intéressés à porter leurs efforts vers la même mesure. Le Syndicat des Fabricants d'extraits tannants et tinctoriaux de France qui, depuis cinq ans, groupe les quarante fabriques françaises d'extraits de châtaignier, s'honore de donner son concours aux pou- voirs publics et aux œuvres particulières pour le reboisement du pays en châtaigniers, conformément au programme qu'il s'est imposé en tête de ses statuts. Il est donc juste que ce syndicat apporte ici sa modeste adhésion aux vœux qui sont proposés par M. Mangin, en même temps que sa gratitude au rapporteur pour l'hommage qu'il rend à l'industrie française des extraits tanniques. {Applaudissements.) M. J)E Segonzac — Nous ne nous occupons que des châtaigneraies. Là, il y a deux choses à éviter. La première, c'est la maladie : il faut d'abord, avant de planter, être certain que la maladie ne viendra pas. La deuxième, c'est qu'il est impossible de mettre des châtaigneraies dans tous les terrains improductifs. Laissez les propriétaires libres. La Société des Agriculteurs de France m'a chargé de proposer le vd'ii suivant : — 137 — CONGRES FORESTIER ( Que tous les terrains improductifs^ dont le sol, le lieu et le climat sont propices au châtaignier, soient remis en valeur par la constitu- tion de nouvelles châtaigneraies. » Cela respecte la liberté de chacun, et invite les personnes dont le sol est convenable. M. LE Président. — Ce n'est qu'une nuance, le va:u de M. Mangin porte « inaptes à toute autre culture ». M. DE Segoî>{zac. — C'est le mot « tous les terrains » qui nous a semblé exagéré. M. HiRSCH. — Je suis prêt à m'associer pleinement aux vœux de l'honorable rapporteur M. Mangin, sauf sur un point cependant : l'un des remèdes qu'il a indiqués, titre c, est la nécessité de favoriser le développement de l'industrie des extraits tanniques. Il me semble qu'il y a une certaine contradiction entre ce que dit M. Mangin et le remède qu'il propose. En effet, l'une des causes principales pour lesquelles le châtaignier a disparu, c'est l'industrie des extraits tanniques. Si on la développe encore davantage, on fera disparaître encore un peu plus de châ- taigniers. Il convient donc de ne pas favoriser le développement de cette industrie, et justement en Italie, la législation est intervenue pour empêcher ce développement. J'ajouterai même que le développement des industries tanniques est profondément préjudiciable à la forêt de chênes. L'écorce de chênes est de vente difTicile en ce moment ; d'ailleurs demain nous discuterons cette question à la troisième Section, où j'ai l'honneur d'être rappor- teur, et je demanderai au Congrès de ne pas s'associer à une phrase qui serait tout à fait en contradiction avec le vœu que je présenterai à la troisième Section. M. Mangin. — Il semble en efîet qu'il y ait une certaine contradiction entre la prospérité des châtaigneraies et l'industrie des extraits tan- niques. Cela tient à ce que la question est mal posée et mal résolue. En réalité, le châtaignier n'est bon pour l'extraction des extraits tanniques qu'à partir de 50 à 60 ans ; plus jeune, il ne donne rien, j'en prends à témoin M. Roy, président du Syndicat des Extraits tanniques. Ce que nous demandons, c'est donc de constituer des châtaigneraies. Or, une châtaigneraie produit à partir de 15 ans, elle peut produire plus de 5 %, c'est donc un bon placement. Les arbres sont plantés en espacements de 10 à 12 mètres, au fur et à mesure que la châtai- gneraie vieillit, vous enlevez les arbres de 50 à HO ans, dont le bois est déjà bon pour l'industrie des extraits, ceux qui restent développent leur cime et augmentent leur production. De sorte qu'un propriétaire, à partir de 15 ans, tire parti du fruit, et à partir de 60 ans, vend son — 138 — INTERNATIONAL 1913 bois aux usines. Je crois que du même coup, nous allons reconstituer une excellente production forestière et donner satisfaction à l'indus- trie des extraits tanniques. D'autant plus que le bois est vendu à un prix tellement élevé qu'il reste un bénéfice énorme une fois la plan- tation faite à nouveau. Il y a donc accord intime entre ces intérêts qui paraissent inconci- liables. La prospérité des extraits tanniques a un grave défaut, c'est de déprécier la vente des écorces de chêne, mais nous n'y pouvons rien. M. HiRSCH. — Ah si !... I\I. Mangin. — Laissez-moi terminer. L'industrie du tannage s'e.st modifiée d'une façon extraordinaire. Le vieux tannin a été aban- donné; depuis vingt ans on tanne par des procédés extrêmement variés, et ce qu'on cherche surtout, c'est à tanner rapidement. Si nos industriels n'employaient pas ces procédés de tannage rapide, dans lesquels l'écorce de chêne n'entre que pour une faible proportion, ils seraient distancés par les Américains, qui nous inondent de cuir à tellement bon marché qu'il y a une crise sur le cuir. Si l'industrie du cuir veut vivre en Europe, il faut qu'elle suive la concurrence et tanne vite. Or, les seuls procédés de tannage rapide sont les extraits qui pénètrent peu à peu dans le cuir dans un temps relativement court, donnant un tannage suffisant, quoique mauvais relativement aux anciens procédés, pour permettre de faire concurrence aux cuirs américains. Telle est la situation. En Hongrie, on fait beaucoup d'extraits tan- niques ; en Amérique, on s'adresse au québraco, qui arrive en quantité au Havre ; il y a une concurrence énorme pour tous ces extraits. Or s'il y avait ici des tanneurs, ils vous diraient que, parmi tous ces extraits, il en est un qu'on ne peut pas supprimer : c'est l'extrait de châtaignier. L'extrait de châtaignier pallie les inconvénients de ces produits, il donne un mélange meilleur et il est employé dans la proportion de 1/5 à 1/3. S'il se produisait une modification des procédés de tan- nage, la vente de l'écorce de chêne pourrait reprendre, mais elle ne fournit pas assez de tannin pour les demandes de l'industrie du cuir. Si vous supprimiez en France les usines d'extraits, ce seraient les usines d'Italie qui feraient ces extraits, vous n'auriez pas pour cela reconstitué les châtaigneraies. M. LE Président. — Je crois que nous sortons un peu de notre question en nous occupant des extraits tanniques. M. Garrigou-Lagraxge. — Mis en cause par M. Mangin, je tiens aie remercier ainsi que M. Roy de l'intérêt qu'ils nous ont témoigné. ' C'est M. Gaillard qui a provoqué la reconstitution des châtaigne- raies dans le Limousin ; nous avons déjà 500 à 600 hectares de recons- titués. 139 CONGRES FOUKSTIKK Ce que je voudrais faire remarquer, ("t^st que M. Mangin a dit qu'il y avait accord entre les intérêts des propriétaires de châtaigne- raies et les fabricants d'extraits tanniques. Il aurait mieux fait de dire que peut-être cet accord existera un jour. Nous venons d'ouvrir de nouvelles lignes de tramways; aussitôt, j'ai vu ces messieurs qui circulent pour la dévastation des bois, car c'est um' v(''ritable dévastatation, c'est épouvantable. M. i.E Président. — Nous sortons de notre question, ce sera discuté (h^ main à la troisième section. M. Mangin. — 11 faut signaler que ce qui a provoqué ce désaccord entre les propriétaires de châtaigneraies et les fabricants d'extraits, c'est que ces derniers se divisent en deux catégories. Il y a les industriels sérieux, qui demandent à voir le marché se stabiliser et la production se faire normalement. Puis vous avez ou des spécu- lateurs, qui se sont abattus sur une région et ont fait des usines volantes ; ils ont ravagé tout un territoire, puis sont partis dans une autre région. M. GuiLLOT. — On coupe les châtaigniers parce qu'ils ont rendu tout ce qu'ils pouvaient rendre. Je suis propriétaire : à 40 ans un châtaignier ne vaut plus rien. {Exclamations). Un Congressiste. — 11 y en a de MOU ans, voyons ! M. CosTE. — Comme Président de la Société Centrale d'Agriculture du Gard, je vois des exemples lamentables dans le nord de notre département. Vous ne pouvez pas vous rendre compte de l'impression pénible qu'on ressent en visitant ce pays : on croirait c^ue l'ennemi est passé par là. Tout est désert, les paysans sont partis dans les villes, les maisons s'effondrent et tombent en ruines. Nous avons émis, à la Société Centrale d'Agriculture du Gard, le même vœu que la Société des Agriculteurs de France, vœu tendant à favoriser l'industrie de l'écorce de chêne, simplement en autorisant les tanneurs qui veulent tanner au chêne, à avoir une marque spé- ciale. Nous avons soumis ce vœu à la Société d'Agriculture de la Lozère qui, par lettre du 11 juin, m'écrit : (c Monsieur le Président, « Dans sa dernière séance, notre Société a décidé de s'associer au vcuu de la Société Centrale d'Agriculture du Gard relalif à la mévente des écorees çl à la falsification des cuirs. 'i Nous sommes heureux en même tein|).s d'avoir pu répondre, favorablement à votre désir, aux diverses communications que vous ave/ bien voulu nous adresser et de nous être joints à votre initiative qui intéresse notre région, dévastée depuis quelques années par les acheteurs de châtaigniers. « Signé : Panl (luKii amkh, juge au Tribunal civil ->. — 140 — INTERNATIONAL 191.'i Voilà un témoignage des plus formols sur cette dévastation. Il ne me parait pas possible que le Congrès Forestier déclare qu'il y a lieu de favoriser le développement de Tindustrie tannique. M. Mangin. — Je voudrais que la question fût posée nettement, .l'ai essayé de démontrer que l'entretien de bonnes châtaigneraies n'est pas incompatible avec l'existence des usines ; ce qui est inadmis- sible, c'est que le propriétaire d'une châtaigneraie la ruine sans rien mettre à la place. Vous vous plaignez que vos campagnes soient désertées, c'est la faute de ceux qui ont fait cela. Vous avez le droit, en présence de ce manque de souci du fonds commun qu'on laisse en friche, d'intervenir... Un Congressiste. — Non ! M. Mangin. — ... et, par une loi, de dire aux propriétaires : \ uns ne défricherez qu'après autorisation, et comme le code forestier l'indique, et non à blanc étoc. Puis, quand vous voudrez défricher, vous serez obligé de replanter. Vous avez parlé des régions dévastées ; en Corse, où il y a cinq usines, j'ai visité la plus ancienne, qui fonctionne depuis 30 ans et ■ a drainé tous les châtaigniers des environs. J'ai été surpris de voir que tout le sol avoisinant cette usine, était couvert de châtaigniers de 25 à 30 ans. On a bien abattu les châtaigneraies, mais on les a replantées. Donc, ce ne sont pas les usines qu'il faut fermer, mais ie procédé d'exploitation qui est détestable et qu'il faut modifier par une loi. Si, actuellement, vous trouvez que, dans certains endroits on ravage, c'est que généralement l'usine draine les châtaigniers des alentours, puis s'arrêtff, à cause du prix de transport, quand il faut aller trop loin. Mais s'il s'ouvre une ligne de tramways, les usiniers en prolitent. D'ailleurs, j'ajoute que l'industrie des extraits tanniques est arrivée à son maximum ; un certain nombre de petites usines joignent à peine les deux bouts, il y en a qui disparaissent. Or, pour celles-ci, que va-b-il arriver? Elles sont achetées par des spéculateurs qui, n'ayant pas à amortir le fonds de l'usine, auront toute liberté. Ce sont ceux-là qui vont produire ces dévastations. Donc la question est urgente : il faut intervenir pour empêcher la destruction abusive des châtaigneraies par le propriétaire lui- même et par les usiniers, qui ne devront s'établir qu'après une autorisation ministérielle. M. HiRscH. — Je m'associe aux vœux du rapporteur, notamment au septième vœu, demandant que la loi italienne soit appliquée en France, c'est-à-dire qu'on limite le nombre des usines d'extraits tanniques. — 1 \ I, — CONGRES FORESTIER Je voterai des deux mains un vœu de ce genre, mais ne demandez pas qu'on favorise le développement de l'industrie des extraits tanniques. M. LE Président. — Je ferai remarquer que la phrase de M. Mangin sur la nécessité de favoriser cette industrie, ne figure pas dans ses vo^ux; nous pouvons donc laisser cette question de côté. M. GriLLOT. — Je voudrais signaler un fait très important. \'ous n'avez pas besoin de défricher les châtaigneraies, il suffit de les recéper. Si on envisage ce procédé, c'est une grande partie de la solution. Elles se trouvent reboisées en châtaigniers, et vous pouvez reboiser en n'importe quelle autre essence, notamment en sapins pectines. C'est pourquoi je m'associe à la suppression du mot « tous » à l'article 1. M. LE Président. — Je mets aux voix la rédaction de M. de Segonzac : 1° « Que les terrains improductifs dont le sol, la région et le climat sont propres au châtaignier, soient remis en valeur par la recons- titution de nouvelles châtaigneraies. » Al. Mangin. — Dans les régions où il n'y a pas beaucoup de châ- taigniers, pourquoi les coupez-vous? On a dit : c'est parce que cela ne rapporte rien. Il y a des gens qui préfèrent couper leurs châtaigniers pour faire d'autres cultures forestières, notamment le pin maritime, et quel- quefois, dans la région des hautes montagnes, il y a intérêt à suppri- mer le châtaignier et à établir la culture pastorale. Je vous ai dit qu'il y a des départements où la culture du châ- taignier a été remplacée par une autre culture; j'ai dit : là, il n'y a pas de crise, mais au contraire, plus-value des terrains. Nous ne nous occupons donc que de quelques départements. .M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu que je viens de lire. Adopté. M. le Président : Nous passons au deuxième vœu : « 2° Que les châtaigneraies soient exploitées et entretenues par un jardinage judicieux et des repeuplements en sujets greffés et soigneusement sélectionnés ». M. Gi:iLLOT. — Je demande que ce vœu soit rectifié comme suit, parce qu'il y a des populations qui abusent : « Que les châtaigneraies soient exploitées sans enlèvement des feuilles, gui constituent la couverture morte, et entretenues par un jardinage judicieux, etc.. » — 142 — IjNTERNAT102>'AL iUio M. LE Président. — Je mets aux voix le deuxième vœu. Adopté. Le troisième vœu dit : 3*^ "■ Qii'il soit créé des pépinières destinées à fournir des plants greffés dont la délivrance pourrait se faire ou gratuitement ou à prix d'argent. » M. Camus. — J'ai demandé tout à l'heure que, le vœu soit modifié comme suit : « Qu'il soit créé des pépinières destinées à fournir des plants greffés et d'autres essences à mélanger au châtaignier, dont la déli- vrance devrait se faire gratuitement, en supprimant les formalités en vigueur. » M. Mangi>'. — Je suis tellement imbu de cette idée que, lorsque je suis allé en Corse, où les châtaigniers sont délivrés gratuitement, on m'a dit que les reprises étaient de 90 °o. En Corse, l'accord est complet entre les propriétaires de châtaigneraies et les usiniers. Avant on les recevait à coups de fourche ; maintenant on est heureux de les voir parce que, l'an dernier, il a été distribué, tout près de Bastia, 12.000 plants de châtaigniers. On en a replanté plusieurs et j'ai vu des régions où il n'y en avait pas et où on en plante mainte- nant parce qu'on sent la nécessité de le faire. Doit-on délivrer des châtaigniers gratuitement ou contre une faible redevance? Il s'agit là d'une question de doigté. M. Garrigou-Lagrange. — J'ai été mis en cause ; mais je dois dire que chez nous la question ne se pose pas : nous n'avons pas fourni de plants de châtaigniers. Voici comment on procède : 99 fois sur 100, le paysan plante un sauvageon et, au bout de deux ans, le greffe sur place. Ce qu'il faudrait, ce sont des porte-greffes pour pouvoir distribuer des gTefîes. Il serait bon, je crois, d'introduire cette modification dans le vœu. Nous sommes en train d'organiser un terrain à Limoges ; mais ce qui manque le plus chez nous, ce sont les bonnes espèces de châtaignes. M. LE Président. — On pourrait ajouter : « ...ou des porte-greffes ». M. Camus. —On ferait mieux de donner les plants gratuitement plutôt que de distribuer des primes. M. G.vrrigou-Lagrange. — On peut laisser le vu;u tel qu'il est. M. LE Président. — Nous laissons le vœu tel qu'il est en ajoutant : « Qu'il soit créé des pépinières ou des porte-greffes, etc. » — 143 — CONGRES FORESTIER Je mets aux voix le vœu ainsi modifié. Adopté. Nous arrivons maintenant à l'artic-le 4. qui est ainsi conçu : « 4° Qu'il soit établi des primes à la replantation et, plus tard, aux châtaigneraies donnant les produits les meilleurs. « M. Garrigou-Lagraîs'Ge. — C'est la grosse affaire. Les petites satis- factions données ne suffisent pas pour encourager ; il faut donner une prime à la replantation. M. LE Président. — Je mets cet article aux voix. Adopté. « 5° Que la loi dégrevant de tout impôt foncier pendant 30 ans. les terrains remis en nature de bois, soit étendue aux châtaigneraies nouvelles. » M. Garrigou-Lagrange. — H y a une difficulté : c'est que pendant J.T ans nous cultivons la châtaigneraie replantée. M. Mangik. — Nous avons parlé ici des châtaigneraies au point de vue de la consolidation des terrains en montagne. Il y a certaine- ment des versants dans le Plateau Central qui sont couverts de châtaigneraies, qu'on traite, moitié pour le fruit, moitié pour le bois. Par conséquent, il y a un mode de traitement qu'il faut favoriser. M. LE Président. — On pourrait ajouter : « .. lorsque ces châtaigne- raies seraient nécessaires pour Its peuplements de production. » .\1. Camus. — Je propose le vœu suivant qui me paraît plus général : « Que les dégrèçements et autres avantages accordés aux terrains remis en nature de bois soient étendus aux châtaigneraies nouvelles. » Nous ne parlez que de la remise de l'impôt pendant 30 ans. Jf demande que les autres avantages votés soient aussi applicables aux châtaigneraies. M. LE Président. — Je ne crois pas qu'il y ait un inconvénient à demander cela. M. Mangin lils. — D'une manière générale, les châtaigneraies sont soumises à la loi forestière ; mais il y a des cas où l'administration n'admet pas notre interprétation. M. Gl'illot. — Pour bien lixer la rhos»'. il faudrait mettre : « Châtai- gneraies-vergers ». — 144 — INTERNATIONAI. lUl.'l M. LE Président. — Voici le vœu rectifié suivant les idées qui ouL été émises : '( 5° Que la loi dégrevant de tout impôt foncier pendant oO ans les terrains remis en nature de bois, soit étendue aux châtaigneraies nouvelles, lorsqu'elles sont nécessaires cm maintien des terrains instables. » Adopté. La séance est levée à 11 h. 35. 145 CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 18 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. Gyprien GIRERD, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 20. M. LE Président. — L'odre du jour appelle la discussion du rapport de M. Mangin sur le Noyer, sa disparition, les moyens d'y remédier, la nécessité de donner une nouvelle extension A SA culture. La parole est à M. Mangin pour la lecture de son rapport. M. Mangin. — - Le noyer, Juglans regia, Lin. appartient à la famille des Jiiglandées. Originaire de l'Asie tempérée, son importation est déjà ancienne ; on peut le considérer aujourd'hui comme tout à fait naturalisé. ^ C'est un arbre de grande taille, assez rustique ; la difficulté de son maintien au milieu de la végétation forestière en fait plutôt un arbre de culture qu'un arbre forestier proprement dit. Indifférent quant à la nature géologique du sol, il préfère néanmoins les terrains profonds, frais et substantiels : les versants pierreux des collines constituent sa station de prédilection. Son enracinement puissant rend sa transplan- tation difiicile. Il commence à fructifier vers l'âge de quinze ans, mais les variétés greffées et sélectionnées produisent déjà des fruits dès la sixième année ; la floraison précoce du noyer commun le rend sensible aux gelées tardives, ce qui a l'inconvénient grave de rendre irrégulière et aléatoire sa production fruitière ; heureusement la sélection et le greffage ont diminué cet inconvénient. Le bois du noyer est un des plus estimés, il sert à une foule d'usages, mais principalement en ébéniste rie, en carrosserie et enfin en armurerie, car il est incomparable pour la fabrication des crosses de fusils (l'Alle- magne même vient s'approvisionner en France pour son matériel de guerre). Indépendamment de son bois, le noyer commun et surtout les variétés greffées et sélectionnées nous fournissent un fruit délicieux, la noix : noix sèches lorsqu'elles sont récoltées à maturité, cerneaux quand elles sont cueillies vertes encore, mais dès formation complète de l'amande. Les noix font l'objet d'un commerce d'exportation important, surtout avec l'Angleterre, les Etats-Unis, l'Allemagne, la Belgique, l'Algérie. La production moyenne annuelle a atteint de 1899 à 1908, 637.725 quin- taux valant 20 millions. Le noyer nous donne en outre quelques produits accessoires : — 146 — INTERNATIONAL 1913 Des noix on tire une huiie comestible, fruitée, délicieuse quand elle est fraîche et extraite à froid, en tous cas, toujours propre à l'éclairage. L'écorce renferme de l'acide tannique, elle est employée en teinture, enfin l'enveloppe charnue du fruit, le brou, sert à faire une liqueur et principalement une teinture très employée en ébénisterie sous le nom de brou de noix. Planté en vue de sa production ligneuse, le noyer accepte des stations élevées ; mais, cultivé pour son fruit, il ne dépasse pas 600 à 700 mètres d'altitude : on plante alors les arbres à dix ou quinze mètres les uns des autres, soit en bordure des routes ou des champs, soit en massifs, ils cons- tituent dans ce dernier cas les noyeraies si nombreuses et si belles dans quelques départements, en particulier dans l'Isère. On rencontre le noyer presque partout en France, mais l'aire dans laquelle il est le plus prospère et donne les meilleurs fruits est com- prise entre le 44*' et le 47? de latitude Nord. Malheureusement, à part quatre ou cinq départements, tels que l'Isère, la Gorrèze, le Lot, la Dor- dogne, où la culture du noyer progresse, à part une douzaine de dépar- tements, tels que l'Aveyron, la Vienne et la Haute-Vienne, la Charente, les Deux-Sèvres, l'Indre-et-Loire, le Maine-et-Loire, la Nièvre, la Loire, le Puy-de-Dôme, l'Ardèche, la Drôme où elle se maintient juste, partout ailleurs elle diminue et l'on s'achemine plus ou moins rapidement, mais sûrement, vers la disparition du noyer de la plupart de nos départements français. C'est pourtant, par son tempérament, la valeur et le nombre des produits qu'il nous donne, un arbre de toute première importance, comme le châtaignier, l'olivier. Il faut en protéger et propager la culture, et porter un prompt remède à ce que l'on peut appeler comme pour le châtaignier : la crise du noyer. Les causes de cette crise sont : La crisr Le mauvais choix des variétés cultivées ; ''" n^yer. L'abandon trop fréquent de la pratique constante de la sélection ; La diminution des soins culturaux, (chèreté de la main-d'œuvre) ; La suppression presque complète de la restitution au sol des éléments nutritifs enlevés par les récoltes. Dans de telles conditions, la production des noyers a constamment diminué en quantité comme en qualité : elle a cessé d'être rémunéra- trice. Aussi les cultivateurs, en présence de la hausse qui, depuis une vingtaine d'années, ne cesse de se faire sentir sur la valeur du bois de cet arbre (le renouvellement, l'augmentation, l'entretien des armements en Europe est un puissant facteur de cette hausse qui a plus que doublé le prix du mètre cube de bois de noyer), se sont-ils laissés entraîner par l'appât d'un gain immédiat. Méconnaissant leurs intérêts, ils ont sacrifié l'avenir et ont abattu leurs noyers pour les vendre, sans jamais les remplacer. Pour justifier ces exploitations abusives et profondément regrettables, les cultivateurs ont prétexté : la lenteur de la mise à fruit du noyer, l'irrégularité de sa production fruitière, la fréquence de la carie de son bois (gaulage brutal et plaies non recouvertes d'un enduit protecteur), enfin ils l'ont accusé de nuire considérablement par son feuillage épais aux cultures intercalaires. Certes, dans nombre de départements, ces critiques sont justifiées, ce n'est pas la culture du noyer en elle-même qu'il faut incriminer, — 147 — CONGRES FORESTIER mais bien l'ignorance, la négligence, l'imprévoyance des cultivateurs. Rien ne leur serait plus facile que d'éviter les inconvénients qu'ils reprochent au noyer : simplement par la pratique de méthodes culturales / appropriées et judicieuses. Mo.yeus «py ir- Par le choix de variétés greffées et soigneusement sélectionnées, à iiu-dier. mise à fruit précoce, à floraison tardive, il leur serait possible d'attendre moins longtemps l'entrée en rapport de leurs noyers et de régulariser la production en diminuant le danger des gelées de printemps. Par un apport régulier d'engrais et quelques façons culturales, ils amélioreraient le sol, lui restitueraient la quantité d'éléments nutritifs qui lui sont enlevés annuellement par la récolte et en augmenteraient sa richesse en principes fertilisants. La production des noix y gagnerait en quantité et en qualité. Par une taille raisonnée et des élagages bien compris, ils diminueraient l'épaisseur de la cime, l'amèneraient à prendre la forme en gobelet, si favorable à la libre circulation de l'air et de la lumière. Les cultures inter- calaires auraient moins à souffrir du couvert des noyers dont, d'autre part, la production fruitière serait sensiblement améliorée. Enfin ils obtiendraient des noyers à fût plus élevé et diminueraient la fréquence de la carie du bois par une pratique plus prudente du gaulage et l'habi- tude de recouvrir d'un enduit protecteur les plaies accidentelles ou culturales de l'arbre : la production ligneuse y gagnerait sensiblement. Ainsi comprise, la culture du noyer devient une source de richesse pour les populations rurales de nombreux départements et aucune des critiques qui ont été formulées contre elle ne subsiste. Les mesures propres à enrayer la crise du noyer peuvent être formulées sous la forme de vœux que nous soumettons au Congrès. ^ Que des conférences destinées à instruire nos cultivateurs, soient organisées. Que des pépinières destinées à fournir gratuitement ou moyennant une redevance très faible, des plants de noyers greffés et soigneusement sélec- tionnés, à tous ceux qui veulent effectuer des replantations, soient créées sous la direction des professeurs d'' agriculture. Qu'il soit établi des primes à la replantation des noyers. Que la loi dégrevant de tout impôt foncier, pendant trente ans, les ter- rains remis en nature de bois, soit étendue aux noyeraies, c'est-à-dire aux noyers plantés en massifs. M. LE Président. — Il n'existe pas de noyeraies en France. M. Mangin. — Il y en a dans quelques départements et notamment dans l'Isère, mais presque toujours elles sont accompagnées d'une culture intercalaire, ce qui pourrait arrêter le législateur dans sa ten- dance de dégrèvement d'impôt foncier. Il ne pourrait peut-être y avoir là qu'un dégrèvement partiel qui rentrerait dans la conception des primes, notamment pour la plantation du Juglans nigra, ou noyer noir d'Amérique. Cet arbre fournit un bois d'excellente qualité qui, . dans certaines conditions, peut lutter avec le bois du noyer commun et présenter même sur lui quelques avantages. — 148 — INTERNATIONAL 1913 M. DE Segonzac — La question du noyer est très délicate : c'est plutôt un arbre isolé qu'un arbre de grande futaie ; je signalerai en passant une particularité intéressante qui fait que cet arbre doit être considéré comme d'un excellent rapport au point de vue de la chasse : c'est en effet le seul ou un des seuls que le gibier ne touche point, que ce gibier soit le chevreuil, le lapin ou le lièvre; sur ce point, je puis être tout à fait affirmatif : j'ai planté chez moi des quantités de noyers, jamais le gibier ne les touche, même par temps de neige, c'est- à-dire alors qu'il meurt de faim ! Pourquoi les noyers ont-ils en grande partie disparu chez nous? J.a première raison, à mon sens, il faut la trouver dans la gelée de 1879. La seconde raison, je la trouve en ceci que, comme le châtaignier, c'est un arbre qui, pour une élévation de quatre mètres, présente au tronc un volume considérable qui le fait beaucoup rechercher, si bien qu'on le paye 250 francs le mètre cube. En outre, le noyer est Tarbre le plus diflicile du monde pour le gref- fage. Par conséquent, la plupart du temps on n'y procède pas, car il y a là un aléa que je signale d'une façon tout à fait positive. Il faut décider le paysan à planter le noyer auprès de lui, aux alen- tours de sa maison. Que surtout on n'aille pas lui faire faire des plan- tations au loin, dans la campagne où les corbeaux lui enlèveraient tout espoir de tirer profit de son travail. Dans le Midi, la question se présente sous un aspect un peu différent parce qu'il y a la question de l'huile à tirer du fruit, ce qui peut être une source de revenus nouveaux. Il ne faut pas croire pourtant qu'il convient de remplir la France tout entière de noyers : je demande que l'on procède comme pour les châtaigniers : qu'on fasse des plan- tations dans les pays où cette culture peut convenir et qu'on fasse surtout des plantations de noyers isolés. M. Caqiet. — Je n'ai que deux mots à dire pour protester à l'égard d'une expression qui revient plusieurs fois, soit dans le rapport de M. Mangin, soit dans l'exposé qu'il nous a fait tout à l'heure : pour- quoi parle-t-il toujours d' « exploitations abusives »? Laissez donc un peu de liberté aux propriétaires ! ils savent ce qu'ils ont à faire. .te proteste au nom de la liberté de la propriété dont je tiens à affirmer hautement le principe. M. Mangin. — - Et moi, je mélève contre elle, d'une façon non moins absolue. M. HicKEL. — Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit M. de Segonzac sur les causes de la disparition du noyer ; j'estime que l'une des princi pales est celle qu'il a signalée, touchant la valeur élevée du bois de noyer ; il n'est pas du tout étonnant que les cultivateurs n'hésiteni pas devant les hauts prix qui leur sont offerts ; parmi les emplois très nombreux du noyer, il convient de signaler surtout l'usage (jui — 149 ~ CONGRES FORESTIER en est fait dans rébénisterie ; et, actuellement par suite de cette dispa- rition du noyer commun, du noyer français, les fabricants de meubles ont de plus en plus recours au noyer noir d'Amérique : la plupart des mobiliers du faubourg Saint-Antoine vendus pour du noyer frisé sont en noyer noir : c'est une preuve que ce bois a une valeur à peu près égale à celle du noyer indigène. Mais il est un autre emploi du noyer au sujet duquel je tiens à vous entretenir, parce que c'est un emploi qui se présente à intervalles périodiques et qui exige alors des quantités colossales de noyers : je veux parler de la fabrication des crosses de fusils : toutes les fois que l'on procède dans un pays, — en France ou ailleurs, — à la réfection de l'armement, on emploie des quantités énormes de noyers à l'exclusion de tous autres arbres. Je ne suis pas chasseur, mais j'ai manié le fusil de guerre comme vous tous. Messieurs, eh bien ! je n'ai jamais trouvé une crosse de fusil qui ne fût pas en noyer. Et notez que cette fabrication, de par la forme même qui est donnée à la crosse, nécessite un déchet de 50 %. Lorsque l'Allemagne procède à la réfection de son armement, c'est en grande partie en France qu'elle vient s'approvisionner. Il convien- drait d'apporter un remède à cette situation. On a parlé tout à l'heure du noyer noir et vous avez pu voir sur une table ici même un morceau de ce noyer, verni sur toutes ses faces, qu'on est venu vous présenter. Eh bien ! il me semble que si l'on poussait à la culture en France du noyer noir, il pourrait suppléer utilement le noyer indigène pour l'industrie. Ce serait autant de gagné pour l'agriculture, car la noix du noyer noir n'est pas comes- tible, en raison de l'épaisseur de son écorce et de la petitesse de son amande. D'un autre côté, le noyer noir présente des avantages sur le noyer indigène : il atteint des dimensions plus grandes, il croit aussi vite et donne un fût dénudé sur une grande longueur ; infmiment plus rustique, il résisterait aux rigueurs du climat du Nord ou de l'Est de la France. Mais en attendant que nous ayions constitué un stock de noyers noirs qui nous permettra de faire face à une réfection possible de notre armement — supposez, en effet, que demain, on substitue au fusil actuel à magasin, un fusil avec chargeur, voilà la porte ouverte à des destructions de noyers considérables — en attendant, dis-je, cette éventualité qui n'est peut-être pas lointaine, je' propose qu'aux vœux qui sont présentés par M. Mangin on en [ajoute un autre qui serait libellé ainsi : « Le Congrès émet le vœu, que le Ministre de la Guerre fasse pro- céder dès à présent à des essais à \Vaide des différentes espèces indi- gènes et exotiques^ de façon à trouver un succédané du noyer réalisant les mêmes conditions. » On sauverait ainsi une grande partie de nos noyers. Je ne crois pas que cela soit impossible. Évidemment, la plupart des bois des régions tropicales sont très denses, mais je crois qu'on pourrait trouver dans- — 150 — iin;ternatio>'al i9J3 nos possessions, notamment dans l'Afrique occidentale, dos bois légers susceptibles de remplacer le noyer. M. Caquet. — Je m'associe pleinement aux paroles de M. Hickel : il y a là un remède qui tranche heureusement avec beaucoup d'autres vœux qui n'ont pour but que d'appeler la répression à la rescousse ; il nous offre un moyen ingénieux et pratique d'obvier à un inconvé- nient sérieux : j'applaudis, des deux mains, à sa proposition. Je voudrais savoir, maintenant si on peut remédier aux inconvé- nients du couve l't du noyer. M. Mangin. — Le rapport répond exactement à cette question. M. LE PRÉsiDE>iT. — Je mcts aux voix les conclusions du rapport. Ces conclusions sont adoptées. M. LE Président. — \'oici maintenant le vœu de M. Hickel : <( Que le Ministre de la Guerre fasse procéder^ dès à présent, à des expériences de façon à trouver un succédané du noyer pour la fabrication des crosses de fusil. » Adopté. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Caquet sur les Engrais chimiques en sylviculture. M. François Caquet. — Nous savons tous que, depuis trente ans environ, les engrais chimiques sont d'une application courante en agri- culture. En sylviculture, il n'en est pas ainsi et nous en sommes encore à la période des essais, des tâtonnements et des incertitudes. Toutefois, cette question de l'application des engrais chimiques aux cultures fores- tières a préoccupé depuis longtemps déjà et à juste titre les hommes de progrès qui sont des fervents de la sylviculture intensive. Depuis près de trente ans, nous nous sommes personnellement occupé de cette importante question, tant au point de vue pratique qu'au point de vue théorique. Dans la Presse quotidienne et périodique, nous avons consacré de nombreux articles à la vulgarisation de cette question. Dès 1883, la (c France Forestière », que nous avons fondée, s'est préoccupée de l'application des engrais chimiques à la sylviculture. Au Congrès international d'agriculture de Rome, en 1903, nous avons soulevé une discussion sur « l'emploi des engrais chimiques en sylvi- culture et cette intéressante question y a été l'objet d'un échange de vues consigné aux procès-verbaux des séances de la section de sylvi- culture. Au sein de différentes sociétés d'agriculture et particulièrement de la Société des agriculteurs de France, nous avons eu l'honneur de provoquer la mise à l'étude de ce sujet que nous croyons important pour l'avenir de la sylviculture mondiale ; car, pourquoi la plus-value obtenue par l'emploi des engrais en agriculture ne serait-elle pas égale- ment obtenue par des applications judicieuses à la production forestière ? -- 151 — CO^"GRES FORESTIER Pour notre part et, en ce qui concerne au moins l'application des engrais aux jeunes plants, dans les pépinières, notre siège est fait et nous avons pu nous rendre compte, en particulier, de l'avantage réel qu'il y a à employer les engrais potassiques et phosphatés sur les terres destinées aux jeunes plants forestiers feuillus et résineux. A l'égard de l'application des engrais chimiques dans les bois en crois- sance, aux taillis notamment, nos expériences personnelles ne reposent que sur le fait suivant. Nous avons fait des plantations d'acacias de quelque importance sur les places à fourneaux de nos taillis en 1887 et 1888. Chaque place à four- neau présente une superficie maximum de 50 mètres carrés. L'engrais potassique qui se trouve dans les résidus de la fabrication du charbon a donné une vigueur exceptionnelle à la pousse de ces jeunes plants qui, très serrés et au nombre de quinze à vingt par place à fourneau, ont fourni un rendement net de 15 francs par place à fourneau au bout de 15 ans, chaque perche d'acacia ayant été vendue 0 fr. 80. Les plantations d'aca- cias faites à la même époque dans les vides des taillis sont loin d'avoir une semblable croissance. Ils n'ont pas plus de dimension en hauteur et en diamètre, au même âge que les tiges de chênes les plus voisines. Hâtons-nous de dire que les terrains sur lesquels nous avons opéré sont des argiles imperméables sur lesquels l'acacia prospère mal. Les acacias récépés, donnent une pousse plus vigoureuse que les brins plantés. Une suralimentation qu'il serait très probablement fort utile de donner à nos bois en général et à nos taillis tout spécialement, consisterait dans l'addition d'engrais phosphatés aux sols qui en manquent le plus ordi- nairement et desquels on les exporte à chaque coupe par la vente et l'enlèvement des produits ligneux : écorces et bois. En général, les sols forestiers sont pauvres et tout particulièrement en acide phosphorique. Un hectare de bois absorbe annuellement en principes minéraux divers les quantités suivantes : 185 kilos s'il s'agit du hêtre, 135 kilos s'il s'agit de l'epicea et 46 kilos seulement pour une futaie de pins sylvestres. Les quantités de substances minérales qu'exigent les résineux sont donc sensiblement moins grandes que celles réclamées par les feuillus. Si nous négligeons de tenir compte de la teneur d'acide phosphorique contenue dans les feuilles et les fruits qui ne sont pas exportés ordinai- rement et pourrissent sur le sol de la forêt, nous arrivons à calculer que, pour un hectare de bois planté en chênes, par exemple, il faut annuellement, pour le développement du bois et de l'écorce 1 kg 500 d'acide phosphorique, 7 kilos de potasse et 27 kilos de chaux. Dans un taillis d'une révolution de 18 ans, il conviendrait d'enrichir le sol végétal par l'importation d'un engrais composé contenant 18 fois au minimum ces richesses, utilisées annuellement pour la production du bois et de l'écorce qui doivent être exportés lors de la coupe. Mais 18 ans pour récupérer cette dépense qu'on peut chiffrer par 30 francs à l'hectare environ, c'est bien long; les besoins de la vie actuelle sont pressants et l'avenir n'est à personne ! D'autre part, le crédit forestier n'existe pas ; il n'est pas institué à l'instar du crédit agricole. Dès lors, à qui s'adresser pour obtenir la somme relativement importante que néces- siterait cette amélioration dont le résultat ne sera réalisé qu'à dix-huit ans de distance et en présence de la mévente des produits de nos taillis et des frais sans cesse croissants de la main-d'œuvre ? C'est là une — 152 — I N T E R X AI" I () N A L 1 9 l o difficulté à l'emploi des engrais chimiques en forêt ; mais cette difficulté est loin d'être insurmontable et pourra être levée quand il sera péremptoi- rement démontré par l'expérience que les engrais sont nécessaires à la prospérité des bois. Aussi, donnerons-nous pour conclusions à ce court exposé, les vœux suivants que nous prions le Congrès forestier international de vouloir bien voter. i^ Que les Bulletins officiels et de renseignements agricoles des diverses nations sollicitent des expériences pratiques de la part des sylviculteurs ; qu'ils recueillent et publient les observations communiquées et les résultats obtenus^ afin que la Presse générale et spéciale puisse s'en inspirer pour la vulgarisation des procédés employés. 2° Que les stations de l'echerches de France et de V Etranger, les Admi- nistrations forestières, les Sociétés d' agriculture régionales et locales se livrent à des expériences pratiques d'engrais appliqués aux bois et forêts, qu'elles en recueillent avec soin les résultats et les publient dans les bulletins dont elles disposent. M. DE Lesseux. — Comme propriétaire forestier, j'ai appliqué la kaï- nite à des reboisements d'epieeas. L'epicea abonde dans les terrains pauvres, presque stériles : pour 70 °o des sujets, j'ai obtenu 35 et 40 centimètres d'accroissement : or, le terrain dont je vous parle est situé dans les Hautes Vosges et les arbres ont, en général, presque tous 4 m. 50 de hauteur. Nous avons gagné douze ans par l'apport de 250 kilos de kaïnite qui est un engrais potassique. L'expérience date de 1899. M. Caqcet. — C'est précisément pour ^ recoler », — pour me servir d'un terme forestier, — des renseignements aussi intéressants que le vôtre, que j'ai jeté sur le papier ces deux pages de mon rapport, pro- voquant ainsi une discussion sur une question qui paraît tout à fait neuve, tout en étant vieille de trente ans pour un certain nombre de forestiers d'avant-garde. M. Ghancerel. — J'ai déposé sur le bureau une communication sur le rôle du calcium dans la végétation forestière et son action sur les jeunes plants ligneux. Cette communication est dans l'esprit du rapport que nous discutons en ce moment. M. LE Président. — Il va en être donné lecture. L'un des secrétaires du bureau donne lecture de la communication suivante : Le ROLE DU CALCIUM DAXS LA VÉGÉTATION" FORESTIÈRE, SON ACTION SUR LES JEUNES PLANTS LIGNEUX, par M. L. Chaiicerel, inspecteur des Eaux et Forêts, docteur en droit, en médecine, ès-science. ( Si l'on dose les divers principes minéraux entrant dans la ('ompositioii d'un végétal ligneux, on constate que le calcium est l'élément prédominant. — 153 — CONGRES FORESTIER <^ Ou peut donc en déduire a priori que ce corps est le plus important pour les végétaux forestiers. « Cette conclusion a été confirmée par l'expérience. « M. Cliancerel a cultivé des végétaux ligneux variés : 1" Ea eau distillée contenant les solutions diverses des substances d'essai : 2" En sol artificiel ; 3° En terrain naturel. i< Ces divers milieux ont été arrosés de solutions minérales diverses. Dans tous les cas, il a été constaté que les composés du calcium ont une action des plus puissantes sur la végétation des jeunes plants ligneux, l'évolution des rejets et la production des racines des boutures. (c Les autres composés (de potassium, de sodium, d'amonnium, etc.) sont indifférents ou même parfois nuisibles si on les emploie à haute dose. « D'autre part, au point de vue anatomique, les composés calciques pro- duisent des vaisseaux plus larges, des cellules de parenchyme plus abondantes et plus épaisses ; ils augmentent notablement le développement du cylindre central par rapport à l'école et donnent aux éléments de la tige, de la racine, de la feuille, une lignification plus intense. <■ Au point de vue physiologique, ces composés favorisent l'assimilation chlorophylienne, la transpiration et la respiration des végétaux ligneux. < En résumé, les composés calciques, spécialement les phosphates et les sulfates sont les engrais forestiers par excellence, les stimulants de la végéta- tion ligneuse, des éléments de vitalité pour les jeunes plants. « M. Chancerel. — Messieurs, les résultats qui viennent de vous être révélés par la communication qui vous a été lue, ont été contrôlés par la Faculté des sciences et ont fait l'objet d'une thèse de doctorat soutenue en 1909. Cette thèse vient à l'appui de ce que je disais : il y a urgence à continuer l'expérience. Je l'ai faite : une première fois en eau distillée, une seconde fois en sol artificiel et enfin sur le terrain même. J'ai obtenu presque constamment les mêmes résultats : excellence du calcium dans tous les cas, notamment du superphos- phate de chaux. Je me propose de suivre de nouvelles expériences sur le plus grand nombre d'essences possibles. M. LE Président. — Nous remercions vivement M. Chancerel et de son intéressante communication et des explications complémentaires qu'il a bien voulu nous donner. Avant de voter sur les vœux du rapport de M. Caquet, nous allons vous donner encore connaissance d'une communication de M. Cuif sur riNFLUEKCE DES ENGRAIS EN PÉPINIÈRE. L'un des secrétaires donne lecture de la communication suivante : ' M. Cuif, dans une communication des plus intéressantes, donne les résul- tats d'expériences poursuivies depuis 1905 sur l'influence des engrais en pépi- nière forestière. « Ces expériences ont porté sur l'épicéa, le pin sylvestre, le sapin pectine, le pin noir d'Autriche, le frêne, le chêne rouvre et le chêne pédoncule. '( M. Cuif a étudié, non seulement l'influence des engrais sur les plants en pépinière, mais a en outre suivi, pendant quelques années, après leur trans- plantation en forêt, la façon dont se comportaient ces plants. '( M. Cuif termine le résumé particulièrement instructif de ses expériences par cette conclusion ; — 154 — INTERNATIONAL 1913 « Malgré quelques insuccès rencontrés dans la pépinière de l'Étang-de-Briu, les premiers essais dont nous venons de rendre compte nous paraissent aussi encourageants que modestes. « En les faisant connaître à nos camarades forestiers, nous espérons leur communiquer un peu de notre foi dans l'efficacité des engrais chimiques en pépinière et les engager à aider la Station d'expériences de Nancy dans la poursuite de ses recherches sur une plus vaste échelle et dans des conditions aussi variées que possible. » M. LE Président. — Voilà un nouvel appui pour la proposition de M. Caquet. M. Chancerel. — Des expériences ont été entreprises par l'Adminis- tration forestière dans la forêt de Cliinon : il serait intéressant que l'Administration communiquât les résultats qu'elle a obtenus et les méthodes qu'elle a suivies. M. LE Président. — Tout ce qui vient d'être dit ne fait que confirmer l'utilité des vœux que nous avons à voter. Il convient donc, Messieurs, car nous ne sommes pas des théori- ciens et nous nous intéressons aux choses pratiques, de manifester précisément maintenant notre sentiment en votant les vœux. Sur le premier, je crois que nous sommes tous d'accord. Je le mets aux voix. Le vœu n° 1 est adopté sans modification. M. LE Président. — Pour le vœu n° 2, vous avez manifesté, les uns et les autres, le désir d'y apporter des modifications; mais vous n'êtes pas d'accord sur une rédaction. M. GuiLLOT. — J'admets, avec M. Caquet, qu'il faut substituer le mot « centraliser » au mot « publier », mais je demande que cette centralisation se fasse à la station de recherches de Nancy, et non à l'Institut International de Rome. M. Chancerel. — Il faudrait que la station de Nancy publiât son bulletin et fît ainsi connaître les résultats obtenus, car si ces résultats ne sont pas portés à la connaissance du public, nous émettons un vœu platonique. M. le Président. — Du moment que la station de recherches de Nancy est invitée à publier ses renseignements, la direction de l'Ecole lui en fournira les moyens. M. Caquet. — En somme, il y a un double vœu : le premier demande qu'on fasse des expériences, — il a été voté, — le deuxième, que l'on constate et que l'on publie : Eh bien ! la station de Nancy, qui est une station de recherches fait des recherches ; de plus, elle constate les résultats obtenus par d'autres ; enfin elle les publiera. — 155 — CO.NGKES FORESTIER M. LE Président. — .Alors, Messieurs, si nous sommes bien d'accord, je mets aux voix le vœu, dans les termes suivants, que vous venez de dégager : « Que la station des recherches de Nancy concentre les résultats pratiques obtenus, soit à V étranger, soit parmi les administrations forestières, les sociétés d^ agriculture régionales et loccdes, par l'emploi d'engrais appliqués aux bois et forêts, et en fasse Vobfet d'une publi- cation. » Le vœu mis aux voix est adopté. M. LE Président. — La parole est à M. Caquet. M. Caquet. — Messieurs, hier, nous avons eu une discussion assez longue au sujet d'un procédé nouveau et très différent de l'ancien à appliquer aux taillis comme remède à la situation critiqua dans • laquelle ils se trouvent. A la suite de cette discussion, plusieurs vœux ont été adoptés. Aujourd'hui, M. de Lesseux nous en apporte un nouveau qui pourrait servir de conclusion aux débats d'hier. J'espère que vous ne verrez pas d'inconvénient à ce qu'on revienne ainsi en arrière. Voici ce dont il s'agit : « Le Congrès émet le vœu que V Administration centrale fasse im?né- diatement application, à titre d'essai, dans les forêts domaniales traitées en taillis sous futaie de la méthode préconisée par V Ecole forestière de Nancy sous le nom de futaie pleine par bouquets ; ces essais seraient tentés dans des forêts propices et des régions diverses et les résultats du traitement seraient produits an prochain Congrès. >- M. Châncerel. — C'est là quelque chose d'excellent. M. Caquet. — Cela donne satisfaction à tout le monde. A la suite d*- la discussion d'hier entre M. Mangin et M. Cuif, chacun a sans dont»- conservé son opinion. L'un pense toujours que la longue révolution doit être appliquée aux taillis ; et l'autre, au contraire, qu'il vau- drait mieux se lancer dans une voie différente. Si tous les auditeurs d'hier étaient présents, je suis certain qu'ils accepteraient le vœu dr ^L de Lesseux qui est la conclusion de l'exposé fait par ^L Cuif. M. Chancerel. — Les expériences de Nancy se réduisent à la Lorraine. M. DE Lesseux. — Je voudrais qu'on les étende un peu partout. Actuel- lement, il n'y a qu'un essai qui ait été fait ; aussi il est difficile de dire aux propriétaires de forêts de faire de la futaie claire. Nous ne pouvons pas assurer à ces propriétaires qu'ils pourront gagner 60 francs par hectare et par an. Je crois que la futaie claire donne les meilleurs résultats, c'est ma conviction personnelle, mais c'est une conviction : je n'en suis pas absolument sûr. Je voudrais donc que l'Etat, dans — 156 — INTERNATIONAL 1913 ses énormes forêts domaniales, commence à constituer de petites séries dont nous pourrions donner les résultats au prochain Congrès. M. Caquet. — Il est bien évident que c'est à l'Etat qu'il appartient de faire ces expériences et non pas aux particuliers. M. LE Président. — Je vais mettre aux voix le vœu de M. de Lesseux tel qu'il vient de vous être lu. Le vœu est adopté. La séance est levée à 3 h. 25. 1.57 — CO^GRES FORESTIER SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (matin) Présidence de M, ÉMERY, vice-président de Section La séance est ouverte à 9 t- 15- M. LE Président. — Messieurs, l'ordre du jour appelle le rapport de MM. Chaplain et A. Umbdenstock sur les Forêts coloniales. La parole est à M. Chaplain pour la lecture du rapport. M. Chaplain. — Le bois manque ! Tel est le cri d'alarme poussé même à la tribune du Parlement. La consommation ligneuse dépasse, en effet, la capacité des forêts, ce qui explique la hausse constante de ce produit de première nécessité. Les pays producteurs de bois ont pris des mesures pour protéger, améliorer les forêts existantes et procéder à des travaux de reboisement, mais en attendant la reconstitution des forêts, l'accroissement de la consommation rendra fort difficile le rétablissement de l'équilibre rompu. La France importe annuellement pour plus de 200 millions de francs de bois divers ; on conçoit l'incomparable champ d'action que les colo- nies françaises peuvent offrir au commerce des bois. Les colonies françaises possèdent, en effet, des forêts en situation d'approvisionner la Métropole en produits ligneux variés et précieux : bois de construction, d'ébénisterie, de pavage, ainsi que des essences propres à la fabrication de la pâte à papier. Celles qui sont surtout à considérer à raison des intérêts forestiers sont : La Guyane^ Madagascar^ U Afrique-Occidentale^ U Indo-Chine. D'autre part, l'Afrique du Nord fournit une quantité considérable de liège. En Algérie, l'organisation du service forestier est le même qu'en France. En Tunisie, les circonscriptions forestières ont à leur tête des agents métropolitains mis à la disposition du Gouvernement de la Régence. Lorsque l'aménagement des forêts du Maghreb aura produit son effet, la production ira certainement croissant. — 158 — INTERNATIONAL 1913 Rien de ce qui touche à notre important domaine forestier colonial ne saurait nous laisser indifférents. Cependant, ces ressources d'avenir sont, dans certaines de leurs parties, vouées à la destruction, dans d'autres, livrées aux déprédations des indigènes à la recherche de nouveaux pâturages. La forêt recule de plus en plus, faisant place à une brousse où ne naissent que des essencces sans valeur. En Guyane^ la déforestation n'a pas encore accompli son œuvre néfaste. Le pays est couvert d'immenses futaies plusieurs fois séculaires renfermant plus de deux cents essences réunissant au premier degré les qualités recherchées dans les diverses industries du bois : menuiserie, ébénisterie, charronnage, constructions, etc. et offrant des produits secondaires variés et d'une importance primordiale : produits oléagineux, aromatiques, tinctoriaux et tannants, textiles et médicinaux. Ces forêts sont d'un luxe prodigieux de végétation dont il est difficile de se faire une idée sans avoir vu- Le commerce d'exportation pourrait être fort important en Guyane. Malheureusement notre colonie est loin d'avoir atteint l'activité com- merciale de la Guyane anglaise et de la Guyane hollandaise. Si l'industrie forestière n'y est pas florissante, cela tient, dit M. Voelckel, en grande partie à ce qu'il n'y a presque jamais, à la tête de l'entreprise, un homme compétent. Les exploitations sont engagées sans méthode et avec des capitaux insuffisants. Les difficultés d'exploitation exigent en effet un apport relativement considérable de capitaux, lesquels ne peuvent être fournis que par une société constituée sur des bases solides. Par contre, à Madagascar^ les forêts sont loin d'avoir la même impor- tance : la déforestation a fait ici des progrès considérables. La surface boisée de Madagascar varie entre 10 et 12 millions d'hec- tares ; elle représente le cinquième de la superficie de l'île. 4 millions d'hectares de forêts sont à peu près complètement ruinés par suite d'abus 'dans les exploitations et de défrichements ininter- rompus. 4 autres millions d'hectares ne possèdent qu'un matériel très réduit de bois exploitables. L'autre tiers de l'étendue forestière est constitué par des peuplements riches en essences les plus remarquables des régions intertropicales. On rencontre à Madagascar d'immenses étendues dénudées et arides, notamment sur les hauts plateaux. Parmi les causes de la dévastation des forêts, nous signalerons les incendies périodiques allumés par les populations pastorales. Le pâtre met le feu aux arbustes qui gênent l'extension de son pâturage ; le feu gagne la forêt voisine peuplée d'arbres de valeur. Lambeau par lambeau, la forêt est détruite. Le Gouvernement général a édicté des peines pour enrayer la destruc- tion de la forêt malgache. Le Décret du 10 février 1900, lequel comprend cent six articles, applique le régime forestier à la colonie ; il réglemente l'exploitation, la répression des délits forestiers. Mais ce n'est pas tout que d'édicter des règlements, il faut être en mesure de les faire respecter. Or ces textes sont restés lettre morte ; les exploitations se font sans con- — 159 — CONGRES FORESTIER trôle ; pour détruire un hectare de forêt, il suffît d'acquitter une redevance annuelle de 10 centimes ! On conçoit que, dans de telles conditions, la dévastation ait fait des progrès considérables. D'autre part, il n'existe pas de service forestier à Madagascar ; la section première du titre II du Décret ci-dessus n'a pas reçu d'exécution. La ges- tion du domaine forestier est entre les mains de fonctionnaires coloniaux ; le service technique comprend un garde général qui a sous ses ordres des agents de police, des contremaîtres de culture, des commis des ser- vices civils, des gardes de milice. La Commission chargée de l'organisation du régime forestier est com- posée de fonctionnaires du Gouvernement général, lesquels s'entendent peu aux choses forestières. D'autre part, trop absorbés par leurs occupa- tions professionnelles ils risquent de traiter ces questions à l'envers de l'intérêt général. L'Afrique Occidentale n'échappe pas au mouvement de régression syl- vestre. A défaut d'agents forestiers, la surveillance et la constatation des délits est assurée par des agents coloniaux du cadre administratif. Les collectivités indigènes jouissent de droits d'usage dont ils abusent. Pour satisfaire divers appétits, des étendues considérables ont été déboisées et le régime hydrologique s'en est ressenti : la navigation du ileuve Sénégal est devenue plus difficile ; les terres de culture sont moins productives et les défrichements ont transformé certaines régions en véritables déserts d'où disparaissent peu à peu les cultures, les troupeaux et l'homme. Cependant, il existe en Afrique Occidentale française de vastes étendues de forêts, encore vierges, et dont il sera possible de tirer parti. C'est ainsi que la Côte cV Ivoire est recouverte, sur les deux tiers de sa superficie, par une imposante forêt qu'on évalue à 12 millions d'hectares et dont l'étude botanique a été faite par M. Chevalier (1). On la cite comme une des plus puissantes qui soient au monde ; elle est constituée par une futaie d'arbres géants et renferme des essences utilisables dans toutes les branches de l'industrie (industrie de luxe, chemins de fer, constructions navales, etc.). En Indo-Chine^ les forêts couvrent une notable partie du territoire, environ 25 millions d'hectares. Mais ici également l'arbre a des ennemis. D'après M. le conservateur Roger Ducamp, chef du service forestier de notre possession asiatique, le déboisement en Indo-Chine a pris des pro- portions inquiétantes contre lesquelles il est temps de réagir énergi- quement. L'anéantissement des forêts des vallées du Fleuve Rouge et du Mékong a rendu plus brutales les crues de ces cours d'eau et c'est à la même cause que l'on doit l'ensablement des vallées et des deltas. C'est également au déboisement du haut Tonkin et du Yunnan qu'il faut attribuer les inondations qui se produisent au Tonkin ainsi que la formation, dans le lit des cours d'eau de cette province de V Union, de bancs de sable, lesquels constituent un sérieux obstacle à la navigation. (1) Les végétaux de V Afrique Occidentale française. — A. Ghallamel, éditeur. — 160 — INTERNATIONAL 1913 Dans certaines régions, il y a lieu de procéder à des reboisements. Dans d'autres, il suffirait d'aménager et de conserver les massifs existants. Le relief montagneux de la péninsule et la pente accentuée de ses val- lées, exigent que l' Indo-Chine conserve son patrimoine forestier! Nous n'avons pas la prétention de vouloir maintenir à l'état de boise- ment permanent, soumis aux règles de la sylviculture moderne, les mil- lions d'hectares occupés par les forêts coloniales. Dans les régions agricoles, il n'y a aucun inconvénient à ce que des emprises soient faites sur le domaine forestier. Mais il est nécessaire d'apporter au mal que nous venons de signaler les remèdes qui donneront de bons résultats en n'imposant aux pasteurs que le minimum de contrainte dans leurs coutumes. Il convient donc de cadastrer les forêts coloniales, et de maintenir certaines parties en état de production. Malgré leur immense étendue, ces forêts ne sont pas inépuisables et il se pourrait que des coupes sombres les anéantissent pour des siècles. La question forestière coloniale est, on le voit, fort complexe, mais il nous paraît possible de la résoudre en partie. Dès à présent il y a lieu, par des instructions écrites, de s'attacher à convaincre le personnel administratif colonial de l'intérêt que présente la conservation des forêts. Par ce personnel ainsi convaincu, s'efforcer de faire comprendre aux populations, aux tribus, qu'elles seraient les premières victimes de la ruine du pays par suite de la disparition des massifs boisés, comme elles seraient les premières à profiter de l'exploitation rationnelle desdits massifs. Les forêts, on le sait, assurent aux pays qui savent les conserver, un régime climatérique convenable. Aux colonies plus que partout ailleurs, la conservation des forêts est l'élément principal de l'habitabilité : c'est donc, au premier chef, une question de salut public. Au point de vue économique, les forêts ne jouent pas seulement un rôle important par suite de l'utilisation des produits qu'elles donnent. Comme toutes les beautés de la Nature, elles attirent les touristes ; elles sont, par suite, une source de revenus pour les pays dont elles sont la parure appréciée des voyageurs. Protéger la forêt., c'est donc protéger la fortune d'un pays. II est nécessaire d'agir sans plus de délai : la peur du danger est le commencement de la sagesse. Il y va de l'avenir de nos possessions, et la France a le devoir de ne pas laisser détruire les forêts coloniales, mine vivante d'une valeur inestimable. En conséquence des considérations qui précèdent, nous proposons au Congrès d'émettre les vœux suivants : I. QuHl soit créé au Ministère des Colonies un bureau spécial charge : a) Du contrôle supérieur du domaine forestier colonial ; b) De V élaboration d''un programme d'action uniforme pour toutes les colonies., en ce qui concerne V aménagement progressif des forêts dans chaque colonie., et la constitution de réserves forestières. c) De centraliser les questions générales d intérêt forestier concernant toutes les colonies. 161 — CONGRES FORESTIER II. Que le recrutement des Agents forestiers à destination des pays de protectorat et des colonies ait lieii^ partiellement au moins^ dans le cadre des agents de la métropole^ et soit réglementé par décret pris ctaccord entre les ministres intéressés [Agriculture, Affaires Étrangères, Colonies). M. Chaplain. — Au moment où notre pays commence à déplorer la légèreté avec laquelle on a procédé au déboisement sur bien des points, et s'ingénie à trouver un remède au terrible mal, il a paru ;v nécessaire de jeter le cri d'alarme, en ce qui concerne les colonies françaises. La plus coupable incurie, pour ne pas dire plus, a jusqu'ici, présidé à la gestion de l'immense domaine forestier dont l'étendue exacte reste presque partout inconnue. L'accès difficile de la forêt, d'où la difficulté de tirer un parti immé- diat et avantageux de ses produits, l'impossibilité pour les gouver- neurs de trouver auprès d'eux les gens compétents pouvant organiser ces services très spéciaux, sont autant d'excuses à l'état actuel. Ne perdons point de temps à chercher les fautes commises et les coupables ! Il est temps de réagir. C'est de la métropole que doit partir la direc- tion générale à imprimer à notre organisation forestière coloniale. Sans enlever à chacune de nos colonies l'autonomie qui lui est indis- pensable,' nous estimons que le rôle des forêts, tant au point de vue climatérique qu'économique, est assez important pour justifier un contrôle supérieur. (Approbation.) M. Umbdenstock. — En conclusion et pour résumer les pensées qui ont inspiré notre communication, il s'agit d'élaborer un programme d'action forestière dans l'ensemble de nos colonies. Certes, nous apprécions la difficulté de la tâche, mais ce vaste programme n'est pas impossible à réaliser : il y a pour l'Etat une œuvre sociale à remplir. ■ Les diverses parties du plan d'ensemble susceptible d'en faciliter l'exécution doivent avoir pour objectifs principaux : La constitution d'un état civil des forêts coloniales, la délimitation et l'immatriculation de grandes réserves forestières, poursuivies paral- lèlement à la détermination des droits d'usage et de leur mode d'exer- cice, afin de prévenir les empiétements et les abus ; La mise en valeur, par une exploitation rationnelle, du domaine ainsi constitué ; La réglementation et la surveillance des concessions ; La reconnaissance des terrains qui peuvent être défrichés sans nuire à rintérêt général ; S'il y a lieu, l'établissement de périmètres de reboisement. Nos colonies ne paraissent pas toutes armées pour assurer l'exé- cution des prescriptions que nous venons d'énumérer ; celles-ci impli- quent logiquement la création, dans chaque colonie, d'un service — 162 — INTERNATIONAL 1913 technique que, seuls, des forestiers sont en mesure de mettre en œuvre. Pour l'aider dans sa tâche, ce service devra s'attacher à l'édu- - cation d'un corps de préposés indigènes et surtout à intéresser aux choses de la forêt, par des haesures que nous n'avons pas à examiner ici, les chefs de village, lesquels pourraient être rendus responsables des atteintes portées au domaine forestier. J'ajoute que, dans l'intérêt même de la forêt, il est indispensable d'intéresser les indigènes à la conservation des massifs dont ils sont voisins. Dans les exploitations, il y aura donc lieu de faire une large place à la main-d'œuvre indigène locale. Les mesures protectrices que nous réclamons correspondent à l'établissement d'un Code forestier approprié aux usages de chaque colonie. Exprimons le vœu que ceux auxquels incombera ce soin tiennent compte des besoins et des coutumes de chaque pays et se bornent à une réglementation courte et précise : les mesures les plus simples sont toujours les meilleures. {Applaudissements.) M. Roger Ducamp. — Je puis paraître tout désigné pour parler des questions forestières coloniales, puisque j'ai eu l'honneur d'être envoyé en Indo-Chine en 1900 pour y jeter les bases de l'organisation forestière. J'évalue, en ce qui concerne l'Indo-Chine seulement, à un mini- mum de 25 millions d'hectares la surface boisée qu'il est possible de choisir parmi les meilleurs peuplements pour en faire la base d'un domaine forestier. M. Chevalier, du Muséum, qui a été en Afrique Equatoriale, avec lequel j'en ai parlé et qui a écrit de nombreuses études sur les forêts de ce pays, estime à des dizaines de millions les forêts qui existent et qui sont indispensables à ces pays. Au point de vue international, il n'est pas sans intérêt de rappeler ce que tout le monde sait ici, à savoir l'influence des grands massifs boisés qui agissent par grandes vagues mondiales, et règlent les cli- mats européens ou asiatiques : nous sommes, en Europe, sous la dépen- dance, non seulement de l'Océan Atlantique, mais des terres d'au delà. M. Dumas l'a établi dans un ouvrage qui mérite d'être signalé, et que je vous engage à lire. Aux Indes anglaises, les Anglais ont fait à peu près tout ce qu'il est possible de faire. Là, j'ai été fortement impressionné. Il ne faut pas croire que l'Inde Anglaise, que nous voyons mal sur les cartes, soit un pays de forêts ; l'Inde Anglaise, après Bombay et Ceylan, m'est apparue comme un grand désert, mais les 30 millions d'hec- tares sur lesquels les Anglais ont mis la main sont aujourd'hui cadas- trés, levés derrière des plaques ou des bornes, avec des chemins de ronde. En Indo-Chine, nous avons réussi, en douze ans, à mettre derrière des plaques et des bornes 600.000 hectares de forêts dont 54.000 hectares aujourd'hui sont aménagés et exploités. Quel genre d'exploitation, faisons-nous là dedans? Une exploita- — 163 — CONGRES FORESTIER tien très simple, parce qu'il faut la faire avec un personnel qui, comme disait mon camarade Chaplain, est venu de n'importe où, dans lequel on voit un encadreur, un ancien gabier de la marine... Il n'est pas possible aux colonies, pas plus qu'à Java ou au Japon, ou dans les Indes Anglaises, de faire garder la forêt par des Européens. Le climat s'y oppose. Il faut qu'elle soit gardée par des indigènes, et somme toute, c'est une chose heureuse, parce que cela permet de faire place à une partie de la population indigène et peut-être de lutter contre ce mauvais vouloir qu'ont les populations indigènes à supporter l'influence européenne. Eh bien, j'estime que la France, qui possède un enseignement supérieur des forêts dont je ne parlerai pas — les membres étrangers y sont venus puiser des idées forestières, — qui s'est créé un empire colonial énorme, envié, qui renferme un domaine forestier remar- quable, alors qu'elle achète pour près de 150 à 200 millions à l'étranger, se créant ainsi, comme dit M. Mélard, une dette vis-à-vis de l'étranger, doit être frappée de folie d'abandonner l'exploitation de ce domaine entre les mains de pâtissiers ou d'encadreurs de tableaux. Nous avons là, en exigeant qu'on fasse aux agents forestiers la situation qu'ils méritent, des débouchés remarquables. Voilà ce que je puis dire à ce sujet. Il me serait peut-être difficile do dire pourquoi à Madagascar, à La Réunion, en Galédonie, rien encore n'a été fait. M. Gannon. — Et au Congo encore? M. Roger Ducamp. — Il arrive ce qui arrive aux Anglais dans les Indes Anglaises, ce qui arrive partout. C'est que les fonctionnaires de l'ordre administratif étant vice-rois dans leurs provinces, le jour où des techniciens de la Forêt, des techniciens des Ponts et Chaussées, des techniciens de l'Armée viennent pour faire œuvre utile dans leur province, les fonctionnaires d'ordre administratif, pour employer un mot vulgaire, ne veulent rien savoir. {Rires.) Permettez-moi de vous raconter à ce sujet une petite anecdote. Étant sous la tente aux Indes Anglaises avec le lils du colonel Pierson et M. Guidot, tous deux anciens élèves de l'École Forestière, ces messieurs m'avaient demandé de m'expliquer en anglais, langue que je parle fort mal. Je leur racontais mes ennuis en Indo-Chine pour organiser le service forestier, et, comme je les voyais sourire, à un moment je leur dis • « Ce n'est pas charitable de votre part de sourire de ma façon de parler anglais, puisque c'est vous qui m'avez demandé de m'exprimer en cette langue. « — Mais, cher Monsieur, me dirent-ils, nous sourions, non pas parce que vous parlez mal l'anglais, mais parce que les difficultés dont vous parlez sont les mêmes pour nous ; qu'il s'agisse de Madras, de Bombay ou du Centre, nous avons les mêmes difficultés avec ces Messieurs de l'Administration, qui ne peuvent sentir qu'on vienne — 1G4 — INTERNATIONAL 1913 leur montrer la façon de faire des choses qui n'ont pas encore été faites. ') Ainsi on nous a reproché en Indo-Chine de mettre tout en réserves. Eh bien, déduction faite des supertîcies en culture en Indo-Chine, il reste 42 millions d'hectares, qui pourraient faire vivre 40 millions d'habitants agricoles : vous voye^ que le reproche était dénué de tout fondement. D'autant plus que les 25 millions d'hectares qu'il faut que nous prenions, nous ne les avons pas pris. Nous avohs pris, en Cochinchine, au Cambodge, au Tonkin en Annam, 10.000 à 12.000 hectares. Cha- cune de ces divisions a un chef-lieu; à la tête sont des chefs de divi- sion, qui sont des agents européens. Si vous prenez les cartes du Service géographique de l'Armée en Indo-Chine, vous verrez que j'ai réussi à y faire porter les réserves forestières. Vous verrez que chacune est désignée par un numéro, ce qui donne le détail de ces divisions. Nous en avons actuellement près de 600.000 hectares. Pour chacune de ces réserves, j'ai un plan d'aménagement, comme en France. J 'estime que vraiment il appartient à l'Administration des Eaux et Forêts de France de trouver un moyen d'inviter ou même de forcer le Ministère des Colonies, qui parait se désintéresser de la question, à aller de l'avant. Nous avions réussi, en Indo-Chine, à être dix agents de France ; aujourd'hui nous ne sommes plus que quatre; on désire que je parte et ne pas me remplacer, alors que vous voyez combien il y aurait de places et de travail pour des conservateurs. Je n'ai rien à ajouter. {Applaudissements.) Et vous voyez les sommes formidables que représentent ces forêts. Nous n'avons jamais coûté un centime; au contraire, après douze ans de direction, j'ai fait entrer à peu près 15 millions dans les caisses. M. LE Président. — Personne n'a plus d'observations à présenter sur les vceux du rapport? Je mets ces vœux aux voix. Adoptés. M. Capus, délégué du Ministre des Colonies- — Monsieur le Président, je vous demande à prendre la parole. M. le Président. — La parole est à M. Capus. M. Capis. — J'ai l'honneur d'être près de vous le délégué du Ministre des Colonies; je voudrais me faire d'une façon particulière et approfondie l'écho de vos délibérations et lui apporter le résultat de vos votes. Nous devons également adresser à MM. Chaplain et Umbdenstock nos remerciements d'avoir porté cette question devant vous et de l'avoir soumise à vos délibérations. — 165 - CONGRES FORESTIER Je voudrais appuyer près du Ministre des Colonies la réalisation prompte et brève de ce vœu. Vous avez entendu M. Roger Ducamp, mon collaborateur, dont je ne puis trop vanter la collaboration et le dévouement dans le Service de r Indo-Chine, et c'est avec étonnement que j'ai trouvé récemment dans la bouche d'un parlementaire la qualification d'embryonnaire appliquée à son œuvre. Non, ce n'est plus un embryon, M. Roger Ducamp a pu vous le dire. Dans les autres colonies, il n'existe rien, tout est à faire, et il est inutile de dire devant vous que ce ne sont pas les corps administratifs qui peuvent remplacer le technicien, le forestier, qui a reçu son ins- truction à l'École des Barres ou à Nancy. Le forestier local ne peut remplacer l'officier forestier qui a puisé ses connaissances dans la métropole; par conséquent vous avez eu parfaitement raison d'adopter les vœux qui vous ont été soumis. Encore une fois, je vous demande pardon de mon intervention ; elle n'a d'autre but que d'appuyer d'un souhait très vif la réalisation des vœux que vous avez votés, que je présenterai à M. le ministre des Colonies, non pas dans un avenir lointain, mais immédiatement, comme étant d'une réalisation urgente. Car les vœux que vous émettez dans les Congrès sont souvent des clous sur lesquels il est nécessaire de frapper longtemps pour les enfoncer; nous formons des souhaits pour qu'il n'en soit pas de même de celui-ci, et qu'il aboutisse dans un avenir prochain. M. LE Président. — Je vous remercie de votre aimable intervention, et suis heureux que vous vouliez bien être notre interprète auprès de M. le Ministre des Colonies pour lui faire part de nos désirs. La parole est à M. Rey, pour son rapport sur la Collaboration DES forestiers AU SERVICE DE LA MÉTÉOROLOGIE AGRICOLE. M. Rey. — Le Service de la Météorologie agricole récemment créé au Ministère de l'Agriculture, près la Direction générale des Eaux et Forêts, a pour objet essentiel de faire profiter l'agriculture des données de la météorologie. Dans ce but, il se propose : a) D'assurer, dans la mesure du possible, un service de prévision du temps et d'avertissements agricoles ; h) De contribuer à l'amélioration de la production agricole et d'étudier la protection rationnelle des cultures contre les intempéries. c) D'étudier l'influence des phénomènes atmosphériques sur la végé- tation et l'action inverse de la végétation sur le climat. C'est la dernière partie de ce programme, relative à l'étude de l'action du climat sur la végétation et de l'action réciproque de la végétation sur le climat, qui semble devoir intéresser plus directement les forestiers. En effet, depuis longtemps déjà de nombreux forestiers accumulent des observations météorologiques et notent les principaux phénomènes de la végétation ; mais, il faut bien le reconnaître, cette documentation — 166 — INTERNATIONAL 1913 est tout à fait insuffisante pour permettre d'entreprendre les travaux d'ensemble qu'il serait désirable d'effectuer. Il convient donc de coordonner et de compléter le réseau des observa- tions, afin de pouvoir fournir aux spécialistes intéressés les éléments indispensables pour des études scientifiques générales, qui, sans aucun doute, seront susceptibles d'applications, tant au point de vue technique qu'au point de vue pratique, en permettant de définir et de spécialiser les terres de vocation agricole, forestière ou pastorale. D'autre part, le Service de la météorologie agricole a pour mission de procéder à l'étude méthodique des intempéries, en vue de l'organisation rationnelle des travaux de défense contre les fléaux atmosphériques. Il doit également, en vue de la prévision rationnelle du temps, effectuer l'étude détaillée des types de temps locaux et régionaux en fonction des situations générales de l'atmosphère. Pour remplir cette lourde tâche, le nouveau Service devra disposer d'observations météorologiques effectuées avec la plus grande rigueur en un certain nombre de points judicieusement choisis sur l'ensemble du territoire. Le corps des forestiers constitue une pépinière inépuisable d'observateurs de premier ordre qui permettraient d'assurer, dans les meilleures conditions, l'ensemble des études dont il vient d'être question. Il convient d'ajouter que si la collaboration des forestiers au Service de la météorologie agricole semble tout à fait compatible avec les attri- butions de ces agents, elle promet en outre d'être des plus fécondes en résultats. Dans ces conditions, il conviendrait que le Congrès forestier émit le vœu : Que, dans le plus bref délai possible, soit déterminé dans quelle mesure le service forestier et le service de la météorologie agricole doivent colla- borer en vue de l'intérêt général. Vous savez. Messieurs, que le Ministre de l'Agriculture constitue un service de météorologie agricole, qui a pour objet de faire bénéficier les agriculteurs des données de la météorologie. Pour arriver à ce but, le Ministre doit constituer un certain nombre de stations, divisées en quatre catégories : lo Les stations- de recherches ; 2° Les stations régionales ; 3° Les stations d'avertissement agricoles ; 4° Les postes météorologiques agricoles. Les stations de recherches doivent, comme leur nom l'indique, effectuer des recherches en vue de travaux d'ordre technique et d'appli- cation pratique. Les stations régionales de météorologie agricole devront étudier dans chacune des régions agricoles la prévision du temps avec des applications locales. Ces stations seront documentées sur l'état général de l'atmosphère par des télégrammes envoyés d'un bureau central à Paris, et elles auront à dresser les cartes du temps par région pour fournir aux intéressés des avis. Elles auront à étudier ce qu'on peut appeler les types de végétation — 167 — CONGRES FORESTIER en fonction des types du temps. Elles auront à déterminer les moments favorables pour telle opération, par exemple pour l'application d'un traitement anti-cryptogamique, dire pour une année donnée, à quelle date l'application du traitement contre le mildiou a été le plus efficace. Les postes météorologiques, qui constituent le quatrième échelon, seront confiés à des agents de nature variée, ils devront recueillir les renseignements qui serviront au contrôle technique des stations de recherches, des stations régionales ou des stations d'avertissement. Eh bien, cette organisation est à l'état embryonnaire, il s'agit de la développer. La météorologie forestière est une partie de la météorologie agricole, €t vous savez que ces études ont été heureusement poursuivies à l'Ecole de Nancy avec des moyens que j'oserai qualifier de rudimentaires, puisque les ressources mises à la disposition des chefs de service étaient si modestes qu'ils n'ont jamais pu leur donner d'envergure. Il s'agit de savoir si la météorologie forestière est une question complètement vidée ; ou bien s'il y a lieu de l'organiser pour lui faire rendre les résultats qu'on est en droit d'en attendre. Je vois là une collaboration utile du service météorologique agricole avec le service forestier. Lorsque les stations régionales de météorologie agricole auront formulé des avis et les auront établis, ce travail préparatoire qui consiste à étudier le type du temps d'une région étant fait, il faudra contrôler ces avis. Eh bien, les stations régionales auront besoin d'avoir à leur disposition un certain nombre de postes dans lesquels se trouveront des agents modestes, instituteurs, cantonniers, qui auront pour mis- sion d'envoyer aux stations régionales des relevés météorologique's permettant à la station le contrôle. De sorte que l'ensemble du problème se présente de la façon sui- vante : Le service de météorologie agricole peut rendre des services aux forestiers et, d'autre part, le service de météorologie agricole a besoin des forestiers, parce que ces agents constituent une pépinière inépui- sable de bons observateurs. On peut trouver là des gens tout à fait dévoués, d'autant plus intéressés à fournir de bonnes observations qu'elles seront contrôlées d'abord par les stations de recherches, puis par les stations régionales et même par le bureau central de Paris. J'estime même que s'il y a lieu de leur demander un travail supplé- mentaire, il y aura lieu de leur donner une petite rémunération. Il ne s'agit pas non plus d'avoir la collaboration de tous les agents, mais de déterminer dans chaque région les points sur lesquels il faut des documents. Je ne m'étends pas davantage sur ces données, je suis prêt à fournir toutes les explications complémentaires qui paraîtraient utiles, et s'il n'y a pas d'objection de votre part, je vous proposerai de voter le vœu que j'ai eu l'honneur de vous présenter. M. Caquet. — Les observations faites par M. Rey sont certainement — 168 — INTERNATIONAL 1913 intéressantes et judicieuses, mais sans m'opposer personnellement au vœu, je crains que nous ne dépassions nos droits, et aussi que cette sorte d'intrusion de notre part dans les affaires du Ministre, ne soit vue d'un mauvais œil. M. LE Président. — Je comprends les scrupules de M. Caquet, mais je ne crois pas que le Ministre de l'Agriculture puisse voir d'un mauvais œil les renseignements qu'on lui donnera, au contraire. M. Lecoq. — J'applaudis d'autant plus à ce vœu que j'ai l'honneur de faire partie de la Société Météorologique de France et que, dans quelques régions déjà, les agents forestiers nous rendent de grands services. A titre d'indication, je serais heureux que la question de la grêle fût signalée à l'attention des observateurs forestiers, pour savoir si, dans les régions boisées, les chutes de grêle sont modifiées et moins dévastatrices que dans d'autres régions. M. Rey. — Je me rallie à votre proposition qui est implicitement contenue dans mon vœu et que j'ai laissée dans le vague pour permettre aux spécialistes d'indiquer leurs desiderata. M. Lecoq. — La forêt est un véritable paragrêle. M. GuiF. — Messieurs, je suis chargé du service de la météorologie fores- l tière à l'école de Nancy et les forestiers sont en grande majorité mes collaborateurs pour les observations météorologiques que je poursuis aux environs de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, dans les Vosges, dans la Meuse, et depuis peu dans le Doubs et le Jura. Je fais aussi partie de la Commission météorologique de Meurthe- et-Moselle et, de ce côté, là, les résultats obtenus sont des plus douteux. Pourquoi? Parce qu'elle ne rémunère pas ces agents, elle leur donne une médaille au bout de dix ans (Rires). M. Rey. — Nous sommes d'accord avec M. Cuif. M. le lieutenant-colonel Renard. — Messieurs, je m'excuse de prendre la parole au milieu de vous et de faire partie de votre Congrès fores- tier. Mais je m'intéresse très vivement aux questions météorologiques; j'en ai le droit et le devoir, comme président de la Société Météo- rologique de France. D'autre part, j'appartiens par profession à une catégorie de gens qui s'intéressent de façon particulière à la météorologie et à la prévision du temps. Sous ce rapport, la météorologie a actuellement une bien mauvaise presse, on dit souvent qu'elle prédit le temps de la veille, Il n'en est pas de même dans tous les pays du monde. Aux Etats- Unis, le journal qui correspond à notre Bulletin du Bureau Central — 169 — CONGRES FORESTIER Météorologique, que personne ne lit en France, porte un autre nom ; il s'appelle le Journal des Fermiers. Tous les fermiers le reçoivent et aucun n'entreprendrait une opération sans le consulter; dans ce pays on croit aux prévisions. Est-ce à dire que les Américains sont plus forts que nous? Non, les méthodes sont les mêmes ; tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a une prévision générale, création, développement ou rétrécis- sement de dépressions, et leur marche de l'Est à l'Ouest, ou en sens inverse, et une prévision régionale qui consiste à tirer de ces indica- tions des renseignements pour tel ou tel pays. Mais les Américains, ou au moins ceux de la partie la plus civilisée, sont dans une situation éminemment favorable, parce qu'ils sont à l'extrémité Est du continent, et comme les phénomènes météorolo- logiques se propagent généralement de l'Ouest à l'Est, ils sont avisés de la Californie et des Montagnes Rocheuses de ce qui va se passer. C'est pourquoi le Journal des Fermiers donne des prévisions si justes et qu'il a pour lui l'opinion publique, tandis que nous ne l'avons pas. Évidemment nous serons toujours à l'ouest du continent ancien^ nos observations seront toujours plus utiles pour l'Allemagne et la Russie que ne peuvent l'être pour nous celles de ces pays. Néanmoins il y a moyen de tirer meilleur parti de notre situation. La télégraphie sans fil peut nous être d'un grand secours. On nous annonce par les câbles qu'une dépression quitte l'Amérique et vient à nous. Que devient-elle pendant qu'elle traverse l'Océan? Nous ne le savons pas ; elle peut disparaître ou s'aggraver ; elle peut arriver en Afrique ou en Espagne — c'est le temps sec pour nous — ou dans les îles Britanniques — c'est le brouillard et la pluie. Donc il serait important de savoir ce que deviennnent ces dépres- sions, de savoir si elles nous arrivent par le nord ou par le sud. Il y a quelques années, on a dit : Comme nous n'avons pas d'Iles au milieu de l'Atlantique, nous allons mettre des postes en Islande et aux Açores. Quand le baromètre baissait en Islande, on attendait la dépression par le Nord, c'est-à-dire le vent d'ouest ; si c'était aux Açores que la baisse se prononçait, on attendait la dépression par le Sud. Ces renseignements étaient vagues, mais ils étaient précieux. Pendant quinze ans ce service télégraphique a fonctionné dans tous les pays civilisés, sauf pour la France. Pourquoi? Parce que la France, assez riche pour payer sa gloire, n'était pas assez riche pour payer les 5.000 francs par an nécessaires pour recevoir les dépêches d'Islande et des Açores. Maintenant nous les recevons ; le Parlement s'est convaincu enfin de leur utilité. Aujourd'hui, avec la télégraphie sans fil, on pourrait nous envoyer tous les jours une dépêche météorologique, on pourrait suivre les dépressions de l'Amérique jusqu'en France, ce qui donnerait des prévisions locales plus sérieuses. Depuis quelques années il y a une race nouvelle d'hommes qui s'intéressent aux prévisions du temps. — 170 — INTERNATIONAL 1913 De tous temps il y a eu les agriculteurs et les marins ; maintenant il y a les aéronautes et les aviateurs, qui risquent, non seulement de retarder leurs voyages, mais qui risquent leur vie. Si on avait pu, il y a quelques années, être averti de la marche des dépressions, on aurait pu probablement éviter quelques catas- trophes, et payer 15.000 francs quelques vies humaines, c'eût été un bon placement. Pourquoi l'aviation, après avoir marché d'une façon si remarquable, semble-t-elle tombée dans le marasme? Parce qu'elle est trop dange- reuse. Les militaires continuent, mais les civils ne s'y lanceront que le jour où la sécurité sera assurée. Cela arrivera dans quelques années; les prévisions météorologiques seront suffisantes. Mais dès maintenant, il y a tout un peuple d'aéronautes et d'aviateurs qui désirent avoir les prévisions météorologiques à leur disposition, et déjà 24 heures d'avance, nous savons actuellement comment les choses vont se passer. On n'est arrêté que par des diftîcultés administratives qui n'ont pas l'air très importantes : la question de savoir si un service doit être rattaché à tel ou tel Ministère... L'un appartient au Ministère de l'Instruction publique, on lui dit : Tâchez donc d'améliorer la prévision du temps. On nous répond : C'est un problème qui n'a pas d'intérêt pour nous, nous nous occupons de la physique du globe. La physique du globe, savez-vous ce que c'est? Gela consiste à réunir les indications des stations météorologiques, à les donner dans des tableaux qui arrivent quelques années plus tard et qui sont envoyés aux établissements publics ; ceux-ci les mettent dans leurs biblio- thèques, où personne ne les consulte. J'aimerais mieux savoir s'il pleuvra demain. Mais, peu à peu, la force des choses est intervenue ; les aviateurs avaient un tel intérêt à savoir qu'ils ont forcé les portes du Bureau Central Météorologique, et actuellement, tous les aéronautes et les aviateurs consultent les prévisions du temps. Quand Brindejonc a entrepris son merveilleux voyage de Paris à Varsovie, il ne l'a fait qu'après avoir pris des renseignements au Bureau Météorologique. Donc les aéronautes et les aviateurs ont le plus grand intérêt aux renseignements météorologiques, et comme ils jouissent de la faveur populaire, ils pourraient nous rendre le service de donner une bonne presse à la météorologie, et peut-être obtenir l'argent qui lui manque. Pourraient-ils même peut-être fournir les 15.000 francs nécessaires pour avoir la télégraphie sans fil. Il nous a donc semblé qu'il serait utile de réunir les efPorts des uns et des autres pour une entente. Et cette entente a pris jour dans cette même salle, où avait lieu une réunion de la Société Météorologique de France. On a constitué une commission mixte dans laquelle sont représentés les principales sociétés aéronautiques, le Ministre de la Guerre, ainsi que le Bureau central Météorologique. Or, depuis la constitution de cette société, j'ai appris que le Ministre — 171 — CONGRES FORESTIER de l'Agriculture était en train de constituer un service météorologique. J'ai demandé sa collaboration par la désignation de délégués dans cette Commission, afin de coordonner tous les efforts. Si je me suis permis de prendre la parole aujourd'hui devant vous, c'est que j'ai pensé qu'il était bon que vous sachiez qu'en dehors des agriculteurs et des forestiers, il y a d'autres personnes qui s'intéressent à la météorologie et, en appuyant les vœux de M. Rey, je puis vous assurer de l'appui moral et de la collaboration de tous les météorolo- gistes et des aviateurs. (Applaudissements.) M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu de M. Rey. Adopté. M. le Secrétaire donne lecture d'une communication très intéressante de M. Rousset, sur un Projet de dispositions légales et de POLICE POUR LA CONSERVATION DES BOIS CONTRE LES INCENDIES. M. LE Président. — Je crois que nous n'avons qu'à donner acte à M. Rousset de sa communication. Nous passons à la communication de M. Cuif sur la météorologie COMPARÉE, AGRICOLE ET FORESTIÈRE. M. Cuif. — Si nous connaissions, pour chacune de nos grandes essences, les conditions climatiques dans lesquelles elle vit, connaissant d'un autre côté les conditions climatiques d'un pays, nous pourrions savoir à quelle essence il faut s'adresser de préférence pour aboutir à un succès. 11 y a eu des erreurs sans nombre commises dans l'introduction des essences ; la plupart de ces erreurs tiennent à ce fait qu'on n'a pas tenu compte qu'on changeait l'essence de climat. 11 est donc essentiel de connaître les conditions climatiques de nos grandes essences. C'est pourquoi je vous propose ce vœu : v-Que la météorologie forestière prenne un nouvel essor et s'' attache notam- ment à déterminer les conditions climatiques de la zone naturelle des prin- cipales essences ». , Vous voyez que ce vœu est international. Je propose que ces études soient poursuivies d'une taçon tout à fait générale. Car s'il y a des essences améri- caines qui peuvent être intéressantes pour nous, il faut savoir dans quelles .conditions climatiques elles se trouve dans leur pays pour les introduire dans le nôtre avec plus de chances de succès. Il y a donc là un intérêt pratique très grand. M. LE Président. — Nous remercions M. Cuif de sa communication. Je mets aux voix le vœu de M. Cuif. Adopté. La parole est à M. Monnin, pour sa communication : La connais- sance des bois sur pied. — Un dendromètre nouveau. M. MoNNiN. — Le sujet est un peu spécial. Le propriétaire forestier est souvent embarrassé quand il s'agit pour lui d'acheter ou de réaliser des plantations, de vendre une coupe. S'il lui est rela- tivement facile d'établir les prix d'unités des diverses catégories de marchan- — 172 _ INTERNATIONAL 1913 dises que fournit un peuplement, il éprouve des difficultés à connaître le volume des tiges sur pied, et doit se fier au marchand de bois, au régisseur, ou bien adopter un tarif-omnibus duquel il ignore la base de calcul ou l'opportunité de son application. Dans les peuplements en croissance, il ignore l'accroissement des tiges, les modifications de leur forme, de leur manière d'être en concurrence avec les voisines. Cette incertitude dans le cubage des arbres n'est-elle pas un obstacle à l'accès de la propriété forestière pour ceux qui aiment l'ordre, ou simplement ont une légitime curiosité? C'est à ce point de vue que se place l'auteur de cette note pour vulgariser, en marge de la dendrométrie classique, des notions en partie nouvelles sur le ciibage des arbres sur jjied et des peuplements ; aussi pour faire connaître un dendromètre nouveau, donnant très simplement les hauteurs, les diamètres à tous niveaux, enfin les volumes pour tout niveau supposé médian. Observations générales. ■ — Rappelons d'abord que : 1° On n'a pas à cuber la tige entière d'un arbre jusqu'au bo'jrgeon terminal, mais seulement la partie utilisable du tronc, de longueur h, variable avec la grosseur de la découpe au fin bout, laquelle est en moyenne de 0 m. 80 de tour pour le bois d'œuvre, 0 m. 50 pour la charpente résineuse, 0 m. 35 pour le poteau télégraphique, 0 m. 25 pour le bois de mine, 0 m. 21 pour le -bois de chauffage, 0 m. 06 pour la charbonnette. Théoriquement un arbre pourrait donner une série de hauteurs utiles, donc de volumes différents. 2° Commercialement, le volume grume d'un tronc, est égal au produit de sa hauteur par la surface de sa section à mi-hauteur, celle-ci étant calculée à l'aide de la circonférence C-/4Tr, ou du diamètre -;:D-/4. Avec un arbre debout, la dimension médiane est inaccessible ; on la déduit de la dimension à hauteur d'homme, D ou C, par une réduction de celle-ci. C'est donc cette réduction ou décroissance qui est à la base de toute estimation de bois sur pied. L'étude des lois de la décroissance n'a pas été faite; on se contente de quelques résultats expérimentaux, sans liaison les uns avec les autres. Nous en résumerons ci-après les données essentielles, que nous justifierons ailleurs, mais qui pourront être vérifiées par le lecteur, avec cette réserve toutefois que les lois mathématiques ne peuvent être que des moyennes, des indications forestières approchées. 3° Les volumes au 1/4 sans déduction, au 1/6, au 1/5 déduits, correspondent à des bois équarris, dans lesquels le côté d'équarissage q est égal au quart, soit de la circonférence médiane entière, soit de celle-ci préalablement diminuée de 1/6, 1/5. Le volume q2Y{ est respectivement les 0,7854, 0,5454, 0,5027 du volume grume. On pourra toujours passer de l'un à l'autre, et nous ne mentionnons ces cubages (spéciaux à la France) que pour mettre en garde contre les confu- sions intéressées du commerce des bois. La décroissance. — La décroissance médiane des arbres peut s'exprimer: 10 Par un certain nombre de centimètres, qui devront être déduits de D ou de C pour obtenir rf ou c à la hauteur envisagée ; ce sera la décroissance par mètre de hauteur ; son étude ne se prête à aucune généralisation 2° Par une proportion selon laquelle devra être réduit D ou C pour obtenir d ou c à mi-hauteur. Cette proportion s'exprime souvent pour 100 unités, de D ou de C, et s'énonce alors : decr. pour cent ( %), ou taux de la décroissance. Cette dernière expression offre seule de l'intérêt : le taux d de décroissance, pour toute hauteur utile, ne descendant pas au-dessous de la moitié de la hau- teur totale H de la tige, peut s'exprimer par la formule générale : d = K{h — Z), K étant une constante, pour le même arbre, dite caractéristique, variable avec : 1° la forme de l'arbre, notée par une certaine cote de défilement F de la partie inférieure (dénudée de branches et par suite accessible aux regards ou aux mesures dendrométriques) dite jût\ 2° la hauteur totale H de l'arbre; et tel» que : K = F/H— 3. L' Arbre en cas général. — La forme des arbres a été rapprochée de celles des paraboloïdes de révolution, dont on a tiré la notion de coefficient de forme. ■— 173 — CONGRES FORESTIER Cette notion ne correspond à rien pour l'estimateur placé au pied de l'arbre. L'appréciation de la forme entière se fait par l'examen du fût, et s'exprime par les locutions : arbre très bien filé, assez bien filé, mal filé ou en carotte. On dit aussi qu'un arbre est plus ou moins « plein de bois ». Nous remplacerons ces expressions, fort arbitraires, par un chiffre, une cote F, telle que : 50 représente une forme conique. 30 (exactement 29,3) un paraboloïde ordinaire. 20 (exactement 20,6) un paraboloïde cubique. Ces chiffres n'ont rien d'arbitraire ; ils représentent les taux de décroissance médiane des 3 types dendrométriques cités ; ceux des types intermédiaires seront exprimés par des chiffres interpolés, de sorte que tout fût pourra com- porter une cote prise entre 20 et 50, 35 étant une moyenne pour beaucoup d'arbres. Nous avons établi les concordances suivantes : Coefficient de forme. 0.60 0.58 0.56 0.54 0.52 0.50 0.48 0.46 0.42 Cote F... 20.6 22.5 24.5 26 27.5 29.3 31 33 38 Coefficient 0.40 0.38 0.36 0.33 Cote .... 41 44 47 50 A) Supposons que l'arbre puisse être noté par sa cote F, soit qu'on connaisse son coefficient de forme, soit qu'on ait supputé directement, par une expé- rience acquise, son défilement. On calculera facilement la caractéristique K par la relation K=F/H — 3. B) Si l'arbre ne peut être coté, ou si sa hauteur est incertaine, l'instrunrMit de mesure doit intervenir ; nous donnons ci-après la description d'un dendro- mètre spécial. A l'aide de celui-ci, on calculera directement le taux de décroissance : d= -yr — pour un diamètre médian d situé à une hauteur h comprise entre 1/2 et 1/4 de celle de la tige entière (celle du tronc correspondant est alors entre H et H/2, cas dans lequel nous nous sommes placés au début). De la formule d=K{h—3), on tirera K= • La caractéristique K ne sera prise qu'avec une décimale afin d'éviter une apparence de précision qu'elle ne comporte pas. En elle réside tout le secret de la décroissance des arbres, selon la hauteur utile envisagée — et aussi des peuplements — mais sous réserve que cette hauteur soit au moins égale à la demi-hauteur de l'arbre ; pour les formes coniques, cette réserve disparaît. Exemple : si un arbre de 20 mètres de haut est comparable à un paraboloïde cubique, sa cote de défilement est 20,6, sa caractéristique 1,2, la décroissance médiane du tronc découpé à 10 mètres est 1,2 (10 — 3) — 8,4 ou 8% ; à 15 mètres': 1,2 (15 -3) = 14,4, ou 14 % ; à 18 mètres : 1,2 (18 -3) = 18 %. Pour un cône, les chiffres seraient respectivement : K = 50/17 = 2,9 ; d = 20%, 35 %, 52 %. On remarquera que : 1° la décroissance est, dans un même arbre, fonction de la hauteur h diminuée de 3 mètres; dans des arbres de même forme, elle est, pour une même hauteur de tronc, inversement proportionnelle à la hauteur totale des arbres ; 2° elle est indépendante de la dimension de base, et son chiffre s'applique indifféremment à la circonférence ou au diamètre. L'arbre avec empattement. — Il est des arbres qui ne sont filés qu'à partir d'un certain niveau, au-dessous duquel ils présentent un empattement. Cette circonstance se traduit, dans l'expression de la décroissance, par une correction, dite taux d'empattement p telle que d = K [h — 3) + p. L'arbrk de futaie sur taillis, découpé en bois d'œuvre. Pour les réserves de taillis, et en particulier pour le chêne, il est difficile d'évaluer la — 174 — INTERNATIONAL 1913 hauteur totale de la tige, — de supputer le défilement d'un fût souvent très court, — de comparer à an paraboloïde la tige en partie noueuse ou irrégulière. Mais ici existe, pour une longueur de tronc correspondant à la découpe de 75 à 80 centimètres de tour, une relation entre d et h, telle que d/h = 1 à 1 1/2, en moyenne 1,1. La i'ormule précédente devient, quelle que soit la forme et la hauteur totale de l'arbre : d — 1,1 h. On dira que 1,1 est la caractéristique spéciale à la découpe en bois d'œuvre des futaies sur taillis ; elle varie d'ail- leurs légèrement avec les régions et les essences. On pourra vérifier que le tronc de 5 mètres a 5 % de décroissance ; celui de 10 mètres 11 % ; celui de 14 mètres 15 %. Le peuplement. — La réunion des arbres forme le peuplement, où les hauteurs, comme les formes, sont diverses. Néanmoins il se fait généralement une compensation sur le chiffre de la caractéristique, qui reste assez constante pour les divers arbres de peuplement ; si elle n'est pas constante, elle est assez peu variable pour qu'on puisse admettre i;ne moyenne, à augmenter ou à diminuer pour les grosseurs ou hauteurs extrêmes des arbres. Une telle carac- téristique est beaucoup plus exacte que le coefficient moj^en de forme, géné- ralement admis pour le cubage des peuplements. Exemple : Dans un peuple- ment en croissance, les tiges dominantes ont une forme voisine du cône, ou tendent vers la paraboloïde ordinaire ; mais les tiges dominées s'efforcent vers la lumière, en portant tout leur accroissement vers le haut de la tige, et tendent vers le paraboloïde cubique. Les coefficients de formes varient dans des limites considérables ; la moyenne est trop incertaine. Au contraire, avec les caractéristiques, le chiffre 4 correspondra aux arbres cotés 20 pour 8 mètres de hauteur totale, 28 pour 10 mètres ; 36 pour 12 mètres ; 38 pour 14 mètres. Les décroissances en découleront de suite pour toutes hauteurs. Il est injuste, comme on le fait dans certaines estimations de peuplement, en particulier de résineux, d'attribuer à toutes les tiges une décroissance uniforme, d'ailleurs arbitraire ou tirée d'expériences faites sans discernement des facteurs qui interviennent. Si l'uniformité existe, c'est généralement dans la caractéristique. Celle-ci peut s'estimer directement dans un peuplement qui renferme des arbres, non exceptionnels, de 1 mètre de tour à hauteur d'homme : on cher- chera à évaluer, sur cet arbre de 1 mètre, l'angle entre les deux profils du fût, • — angle qui est aussi une expression du « filé » de l'arbre ; à chaque loiO' correspond 1 unité de la caractéristique. Ainsi 4"40' correspond à 4. NOUVEAU DENDROMÈTRE A cette occasion, pour ces cubages d'arbres, j'avais l'intention de présenter au Congrès un dendromètre nouveau. L'Administration a bien voulu l'exposer à l'Exposition de Gand, et il ne m'en reste qu'un exemplaire assez rudimen- taire. Ce dendromètre donne les hauteurs, les diamètres à tous les niveaux et permet de lire directement les cubes avec une précision assez grande, il m'a donné toujours de bons résultats. J'ai profité de l'occasion pour vous le faire connaître, m'excusant de vous dire : « Prenez mon ours ». J'aurais plaisir à ce qu'il intéressât certains membres du Congrès, et, si plusieurs d'entre vous voulaient le faire construire, 11 serait intéressant qu'on puisse le construire en série. M. LE Président. — La parole est à M. Massot, pour une communi- cation tendant à diminuer les risques d'incendie des bois, présentée par la Société Forestière provençale « Le Chêne ». M. Massot. — Je suis persuadé que, dans ce Congrès, toutes les mesures ont été envisagées pour mettre les arbres, les forêts et les bois, à l'abri de l'incendie ou pour le combattre. — 175 — CONGRES FORESTIER Je viens, au nom de la Société forestière Provençale « Le Chêne », vous proposer un vœu qui a pour but d'augmenter les chances de protection. On ne voit pas bien la Provence saas pins et sans soleil ! Mais si nous ne pouvons rien sur la nature, il est de notre devoir de nous employer à diminuer les inconvénients qu'elle nous procure, par une meil- leure "adaptation des règles d'existence des populations provençales. Notre action est encore trop récente pour que nous puissions faire appel à la statistique pour en mesurer les résultats. Un fait est certain : c'est l'atten- tion publique éveillée sur la question, qui a motivé, de la part des Pouvoirs publics, le rappel des prescriptions léga,les dont le but est de réduire le nombre des incendies et, de la part des institutions privées, (sociétés excursionnistes et sportives, notamment), l'ouverture d'une campagne contre les incendies dus à l'imprudence, au moyen de conférences spéciales à leurs membres associés. C'est une véritable éducation nouvelle qui commence, vigoureuse et promet- teuse d'une splendide moisson. A côté des mesures de prudence sus-visées, se place la question de l'aména- gement des bois. Celle-ci, stagnante aux environs de Marseille, où il reste beaucoup à faire, a fait de grands progrès parmi les propriétaires des vastes forêts des Maures et de l'Estérel, où il n'est pas rare de rencontrer, disposés méthodiquement, les tranchées-parafeu et les sentiers protecteurs qui vien- dront, si c'est nécessaire, opposer leur nudité à l'envahissement du fléau dévastateur et réussiront à le localiser, réduisant ainsi ses effets désastreux. Les sous-bois sont aussi, dans cette région, mieux aménagés et convenable- ment nettoyés. La généralisation de cette méthode salutaire se fera par la persuasion et par l'exemple. Mais il existe des errements condamnables qui devraient disparaître de notre civilisation. Nous visons, ici, la partie des réjouissances publiques ou privées qui con- siste à lancer dans les airs, au gré du vent ou de la brise, des fusées lumineuses ou des ballons en papier, ou de toute aiitre composition, gonflés à l'air chaud et maintenus à la pression convenable au moyen d'une éponge imbibée d'alcool et enflammée au moment du lancement. Si, au point de vue privé, le préjudice résultant de ces pratiques abominables peut être réparé en invoquant les articles 1382 et suivants de notre Code civil, il n'en subsiste pas moins que la preuve de la responsabilité est fort difTi- cile à établir et que celui qui est lésé hésite presque toujours à la démontrer pour n'avoir pas, au préalable, à vaincre de trop nombreuses difTicultés. Que faire devant cette situation lamentable, car là, la persuasion et l'exemple sont inefficaces? Après y avoir mûrement réfléchi, il nous paraît que, seule, l'intervention de l'État, sous forme de prohibitions desdits amusements, peut apporter le remède approprié au mal que nous déplorons. C'est pourquoi nous soumettons au Congrès Forestier International le projet de vœu dont la teneur sait : « Le Congrès Forestier International, organisé par le Touring-Cluh de France, et réuni à Paris du 16 au 20 juin 1913, justement ému des dangers que jont courir aux bois certaines réjouissances publiques ou privées, telles que le lancement de fusées ou de ballons porteurs d'essence enflam- mée, émet le vœu que ce genre d'' amusements soit prohibé par la loi et constitue un délit punissable comme tel. M, Lecoq. — Certainement il y a du vrai dans ce qae dit l'orateur; cependant une cause plus fréquente des incendies en forêt, ce sont les fumeurs et surtout les allumettes-tisons; le feu ayant commencé, couve et éclate une demi-heure après. Une chose aussi qui n'est pas assez sévèrement réprimée, c'est — 176 — INTERNATIONAL 1913 l'habitude qu'ont les bergers, les bergères et les gamins de faire du feu près des peuplements. M. MiCHAUD. — Je voudrais vous signaler le fait suivant : Après les malheurs qui ont frappé la forêt de Fontainebleau, j'ai fait l'expérience qui consiste à faire brûler du papier avec du verre blanc. Je l'ai faite à Moulins, et le papier a fort bien brûlé, il a mis deux minutes à prendre, puis il a complètement brûlé. Je crois qu'on peut apporter un remède en surveillant les promeneurs. M. Marcillac — En qualité d'ancien aérostier amateur, je viens appuyer le vœu de M. Massot, car j'ai constaté les mêmes inconvé- nients que lui. 11 serait à souhaiter que les maires un peu mieux instruits com- prennent qu'ils ne doivent pas autoriser le lancement de mont- golfières. D'ailleurs les mesures qu'on demande existent : il y a des règle- ments de police, il n'y a qu'à appliquer la loi. Quant à ce que vient de dire M. Michaud, j'ai fait la même expé- rience. Les culots de bouteille en verre blanc forment lentille, et j'ai vu des incendies produits par cette cause. Mais nous pouvons nous borner à demander l'application des règle- ments existants. Ainsi, contrairement aux règlements forestiers, j'ai vu des feux de charbonniers à 20 ou 25 mètres de la forêt, alors qu'ils doivent être à 200 mètres au moins. Cela, c'est visible. Eh bien, personne n'intervenait. Il y avait à quelques hectomètres des gardes- forestiers ayant toute qualité pour les interdire. M. LE Président. — Alors nous rédigeons le vœu dans ce sens : '( Le Congrès appelle V attention des pouvoirs publics sur la néces- sité d^ interdire l'emploi des montgolfières dans les fêtes publiques à cause des dangers qu^elles présentent pour les incendies de forêts. « Adopté. Nous passons à la communication de M. Girard : les Incendies EN FORÊTS. M. Descombes. — M. Girard n'a pas pu venir ; je vais, si vous le voulez bien, résumer sa communication. Jusqu'à ces dernières années, aucune étude spéciale n'avait été faite sur les incendies de forêts dont il n'existait aucune technique. On se bornait à une prévention incomplète, et, lorsque le feu venait à éclater, on le combattait par des méthodes différentes suivant les régions, mais toutes empiriques et plus souvent très dangereuses. La découverte de l'action réelle de l'eau, même en petite quantité, sur ces sortes de feux par M. Denigès, et la création de corps spéciaux de sapeurs-pompiers, nous ont conduits à la recherche d'une technique des incendies de forêts uniquement basée sur l'expé- rience des nombreuses extinctions auxquelles nous avons assisté. Le raisonne- — 177 — CONGRES FORESTIER ment et la pratique nous ont permis d'établir cette technique, exposée daas notre ouvrage : Les Incendies de Forêts, et que nous allons condenser en quelques lignes. La défense contre l'incendie peut se résumer à trois choses : prévoir le feu, le prévenir et s'assurer de moyens pour le combattre. Il importe d'attacher une très grande importance à la prévention. Elle est à l'incendie ce que l'hygiène est à la maladie. La prévention consiste à sectionner la forêt en blocs séparés, au moyen d'allées très larges (de 15 à 50 mètres) formant pare-feu, et chaque bloc en îlots à l'aide de passages de 3 mètres. Dans les régions montagneuses, la forêt peut être coupée par des pâturages et le boisement en damier doit être conseillé. L'eau devant constituer l'unique agent d'extinction, il importe de préparer, à l'avance, l'utilisation des points d'eau naturels, d'en créer d'artificiels (puits, citernes, dépôts d'eau), et même de prévoir des transports d'eau. Il faut nécessairement surveiller la forêt aux époques critiques, en la faisant parcourir par des rondes, ou mieux encore, en plaçant des vigies au sommet de belvédères dominant les bois, pylônes qui doivent être des sémaphores- avertisseurs, permettant de donner l'alarme dès l'apparition de la moindre fumée. Le service de secours, organisé autant que possible par une permanence, comprend un coq^s de sapeurs-pompiers dont le personnel, entraîné et exercé, doit être en majorité recruté parmi les ouvriers travaillant habituellement er forêt'. L'absolue nécessité de corps de sapeurs, pompiers communaux a été reconnue. Le matériel comprend des arrosoirs, des seaux, des pompes à main, des tonnes-pompes attelées, des outils de déblai et de destruction. On peut y adjoindre, en plaine, des tracteurs-automobiles de réquisition et des moto- pompes alin)entaires. Le matériel est appelé à varier selon les régions : en plaine, le matériel attelé ou automobile convient parfaitement ; en montagne, les pompes à main (modèles N^^ 1 et 2) sont appelées à le remplacer, tandis qu'en terrain plat, et transportées par les sapeurs-cyclistes, elles concourent à l'attaque avec lui. En principe, les appareils de secours les plus simples sont les plus pratiques et ils doivent être limités exclusivement à ceux que nous venons de citer. Nous ferons remarquer toutefois que la pompe à main, en usage du reste dans la plupart des corps de sapeurs-pompiers et notamment au régiment de Paris, rend des services inappréciables. Elle est à conseiller partout, car c'est unique- ment sur elle qu'il faudra bien souvent compter dans les endroits difTiciles. Comment doit-on attaquer un feu en forêt? Si l'incendie ne présente qu'un foyer relativement peu étendu ei si le feu n'a pas encore pris une direction de marche, la tactique consiste à l'entourer et à le serrer de plus en pbis près en avançant constamment, tout en ne perdant jamais de vue les points suscep- tibles d'être directement menacés. Dans le cas d'un grand feu, d'un feu venant de loin, c'est sur les flancs que doivent se porter les efforts, de façon toujours à resserrer progressivement l'incendie et à parvenir à attefndre la tète du feu. L'attaque du front n'est possible que lorsque les flancs sont déjà tenus. Une attaque de feu en forêt demande des chefs énergiques, capables de se faire obéir de leurs sapeurs qu'ils doivent pousser en avant malgré la chaleur et la fumée, car il importe d'aller très vite en abattant les flammes afin d'éviter les retours que pourrait provoquer une saute subite de vent. Les lances sont munies d'ajutages à jet unique droit et d'ajutages à jets multiples. Le jour où toutes les communes forestières seront organisées, il n'y aura plus à redouter les grands incendies tels qu'on en a trop souvent vus, car les secours arriveront toujours avant que le feu n'ait pris un développement considérable. C'est dans cette voie d'organisation qu'il serait du devoir des Pouvoirs publics, pensons-nous, de diriger les communes, et nous estimons que toutes les forêts peuvent être défendues, du moins en France, par les — 178 — inter:vational 1913 moyens que nous indiquons, lesquels n'ont cessé de donner à Illac les meil- leurs résultats et que nous nous efforçons tous les jours de perfectionner encore. On ne saurait consacrer trop d'efforts à la protection des forêts contre l'incen- die : les dépenses nécessitées par la prévention et le service de secours sont bien peu importantes, comparées aux pertes énormes que peuvent subir les propriétaires en quelques heures et les conséquences du feu sont encore plus graves, car l'incendie entraîne une diminution de la richesse nationale et est une cause de dépopulation des communes sinistrées. *M. LE Président. — Nous donnons acte à M. Girard de la communi- cation qui vient de nous être faite. La séance est levée à 11 heures. — 179 — CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. ÉMERY, vice-président de Section La séance est ouverte à 2 li. 10. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Caquet sur la Capitalisation forestière. La parole est à M. Caquet pour la lecture de son rapport. M. Caquet. — La crise des menus bois est générale et connue de tous. Elle sévit, en France plus que partout ailleurs, pour de nombreuses raisons que vous connaissez aussi bien que nous-mêmes et au dévelop- pement desquelles nous ne nous attarderons pas. Le grand et l'unique remède qui a été offert aux propriétaires de taillis, sous forme de conseil désintéressé, consiste dans ces mots : Laissez vieillir vos taillis et vos surtaillis. « Les conseilleurs ne sont pas les payeurs », dit un vieux proverbe, et les propriétaires de taillis actuellement dénués de tous revenus nets et dont les bois occupent en France les deux tiers de la surface forestière totale, en savent malheureusement quelque chose. En suivant ce facile conseil de laisser vieilhr le taillis, on n'arrive qu'à titre très exceptionnel, à trouver dans l'exploitation de ces bois à 25 ans (âge qu'on doit considérer comme un maximum pour assurer la bonne régénération des souches), des rejets susceptibles de fournir des étais de mines, c'est-à-dire des bois d'industrie de la plus petite dimension. Sans développer plus longuement les nombreuses raisons techniques qui s'opposent à l'allongement des révolutions de taillis et que vous connaissez tous, nous arriverons aussitôt à l'exposé des raisons dirimantes qui empêchent le propriétaire de taillis sous futaie, de conduire ses arbres réservés au delà d'un certain âge : de quatre- vingts ans environ, dans les meilleurs taillis. Et pour établir cette démonstration qui a besoin d'être faite ici et renouvelée en présence des conseils cités plus haut et reproduits, sans discernement dans la presse à des milliers d'exemplaires, il nous suffira d'établir la comparaison entre le produit en argent de l'arbre aux diffé- rents âges de sa croissance, avec celui qu'on aurait obtenu en plaçant à intérêts, l'argent provenant de sa vente lors de la première coupe, sup- posée rase. Nous adopterons pour ce calcul le taux normal de 4 °o. Et, comme les brins réservés de l'âge du taillis sont des sujets de choix, sélectionnés dans — 180 — INTERNATIONAL 1913 l'ensemble de toutes les perches, nous les estimerons 0 fr. 75 pièce, comme cela est d'usage dans le centre de la France, au moins, région de taillis de chênes. Nous prendrons pour type le chêne, dont l'augmentation de valeur en vieillissant s'accroît progressivement et plus vite que celle de toute autre essence. Ce qui sera vrai pour le chêne sera donc et à plus forte raison vrai pour les autres essences, résineuses et feuillues. Nous supposerons l'aménagement du taillis établie 16 et à 20 ans. C'est en effet, entre ces deux âges extrêmes qu'a lieu la base de l'aménagement habituel en France, au moins pour les bois particuliers. Nous suppo- serons qu'il s'agit d'un taillis de chênes, placé dans des conditions moyennes de qualité de sol, d'altitude et de climat et nous appliquerons la moyenne des très nombreuses mensurations que nous avons faites en vue de cette étude, les comparant à celles de nos exploitations person- nelles depuis l'année 1880 et à celles qui nous ont été aimablement fournies par plusieurs sylviculteurs distingués auxquels nous adressons ici, un remerciement public. Ces mensurations prises à 1 mètre du sol, nous ont donné les résultats suivants dans les taillis de 20 ans : Pour le baliveau de l'âge, 0 m. 284 de tour sur écorce, soit 0 m. 09 de diamètre sur écorce et à peine 0 m. 08 sous écorce. Nous avons fixé son prix, d'après l'usage du centre de la France, à 0 fr. 75. Les balivettes, soit les arbres de 40 ans ou âgés de deux révolutions, mesurent en moyenne 0 m. 58 de tour, soit 0 m. 18 de diamètre sur écorce ou 0 m. 165 sous écorce. Cette balivette a 5 m. 50 utilisables en étais de 0 m, 14 à 0 m. 09 au petit bout. Or, ces étais, du prix de 0 fr. 25 ou 0 fr. 35 le mètre courant, rendus en gare ou sur canal et reçus par les Agents de la mine ou leurs préposés, subissent en frais de façon, de trans- port moyen au lieu de livraison, d'intérêts d'avances aux ouvriers et autres menus frais, 0 fr. 075 par mètre, défalcation faite du très minime bénéfice résultant de l'écorçage de ces perches et du menu bois fourni par la cîme. C'est donc un prix net de 0 fr. 175 par mètre pour les étais de 0 m. 09 et de 0 fr, 275 pour les étais de 0 m. 14. Les types de 0 m. 09 et de 0 m. 14 de diamètre formant les deux types principaux d'étais de longueurs variées, auxquels peuvent se ramener tous les autres. Cette balivette type, peut fournir 2 m. 50 d'étais à 0 m. 14 au petit bout et 3 mètres d'étais à 0 m. 09 ; c'est donc un rendement net de 1 fr. 11 pour le propriétaire exploitant. Il faut défalquer de ce prix l'intérêt composé à 4 % de 0 fr. 75, prix du baliveau conservé. Cet intérêt étant de 1 franc, ce serait donc un gain définitif de 0 fr. 11, si l'on ne tient pas compte de la valeur de la cépée de remplacement. Pour la cadette ou arbre de trois âges, nous avons une circonférence moyenne de 0 m.869 ou un diamètre moyen de 0 m. 25 sous écorce. Ce chêne fournira une traverse de chemin de fer dans la bille du pied (de 2 m. 80) et 2 traverses vicinales dans le restant de la longueur, estimée en moyenne à 6 m. 50 au total. Défalcation faite du prix de façon qui est de 1 franc par traverse ordinaire et 0 fr. 50 par traverse vicinale, des frais de transport du parterre de la coupe au lieu de réception, gare de fer ou de canal, des avances faites à l'ouvrier, du refus lors de la réception des dites traverses, refus dont le montant n'est pas inférieur à 5%, etc., nous arrivons au rendement net qui suit pour le produit de la cadette : — 181 — CONGRES FORESTIER Façon de la traverse de joint Fr . 1 . » Transport au lieu de réception 0 . 60 Perte par refus de l'administration à la réception de la mar- chandise 0.15 (Etant mentionné ici que la traverse rebutée est prise pour moitié de son prix normal.) Intérêts des avances du façonnage de la traverse, à l'époque du paiement ; garniture et escompte 0 .05 Total 1.80 La traverse ordinaire étant vendue 4 fr. 10, c'est donc 2 fr. 30 de bénéfice net qu'elle nous laissera, La traverse vicinale étant vendue 1 fr. 30 et les frais étant de moitié que ci-dessus, soit de 0 fr. 90 ; c'est donc un bénéfice de 0 fr. 40 qu'elle nous laissera. La valeur encaissée pour la cadette sera donc de : 2 fr. 30 -f 2 fr. -f 0 fr. 90 + un demi-stère de chauffage produit par le cimier qui, a 7 francs la corde de 2 st 33 donnera, défalcation faite de la façon, un boni de 0 fr. 75. Soit au total : 5 fr. 95 = 2 fr. 30 + 2 fr. -f 0 fr. 90-1-0 fr. 75. Mais si, de cette somme, on défalque : 1» l'intérêt perdu pendant 20 ans sur 1 fr. 11, prix net de la balivette ; 2o le déficit en sous-bois, par suite de la cépée absente, la balance ne laisse que quelques centimes en faveur de la végétation de la cadette. Conservons donc encore sur pied cet arbre de trois âges, pendant la nouvelle révolution de 20 ans. Le chêne de 4 âges du taillis aménagé à 20 ans, appelé moderne dans l'usage du centre, ou ancien dans le langage purement administratif, a 1 m. 362 de tour ou 0 m. 43 de diamètre et 7 mètres de long, utilisable en bois d'œuvre. Au milieu de sa longueur, ce chêne a 0 m. 38 de dia- mètre et mesure, au 1/5 déduit, O'"'' 323 qui, à 50 francs le mètre cube, font 16 fr. 17 auxquels il y a lieu d'ajouter un stère de bois de chauf- fage produit par le cimier ; dans les conditions ci-dessus, c'est donc 1 fr. 50 net à ajouter au total. 17 fr. 67 représentent le profit net de cet arbre. Toutefois, il y a lieu de défalquer, comme ci-dessus, l'intérêt à 4 % de 4 fr. 85, pendant 20 ans, que nous aurions perçu si nous avions réalisé la cadette^ augmenté du déficit ou sous-bois. Et le calcul nous force à conclure que nous avons intérêt à ne pas pousser plus loin l'expé- rience ; car si nous maintenons cette moderne sur pied jusqu'à 100 ans, nous sommes en perte et sans faire plus complet calcul, nous nous en remettons à celui qu'a établi notre regretté maître, Cli. BroiUiard, ancien professeur de sylviculture à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts, qui ne fut pas seulement un écrivain forestier distingué, mais encore un bon praticien. Dans son livre sur le « Traitement des Bois en France », Ch. Broilliard nous dit (page 171 et suivantes et particuhèrement par le tableau figu- rant à la page 173) «qu'il n'y a pas intérêt à conserver l'arbre de 100 ans, car la balance de la plus-value qu'il a acquise sur l'arbre de 80 ans, par rapport à l'intérêt de l'argent réahsé par le placement de la valeur de l'arbre de 60 ans, n'est pas en faveur de la végétation forestière. )^ La capi- talisation forestière cesse donc en moyenne à cet âge d'être avantageuse — 182 — INTERNATIONAL 1913 pour le chêne et à plus forte raison ne le serait-elle plus pour toute autre essence dont l'accroissement du revenu net annuel n'est pas aussi rapide. Nous avons présenté les calculs ci-dessus quelque peu différents de ceux offerts au public par certains auteurs qui ont eu surtout en vue de riches taillis de l'Etat ou des Communes qu'ils administrent. Nos calculs diffèrent aussi quelque peu de ceux de notre maître Ch. Broilliard qui adoptait dans son ouvrage de 1894, le taux de 3 % alors qu'aujourd'hui, c'est-à-dire 25 ans après, le loyer de l'argent a augmenté et qu'on doit le porter à 4 % pour être véridique. Pour ces diverses raisons, et aussi parce qu'en maintes contrées de France, nos chênes ont subi de rudes atteintes du chef des corsebus hifaciatiis^ de l'oïdium et de l'excessive gelée de 1879-80 ainsi que des sécheresses anormales de 1893 et de 1911 et la rapidité de leur croissance s'en est gravement ressentie. La plupart des ouvrages forestiers qui traitent la question de capi- talisation forestière n'ont pu tenir compte de ces données. Nous avons dû en faire état et c'est pourquoi nous sommes arrivés à fixer à 80 ans et non à 100 ans, à 4 révolutions de 20 ans et non à 5, l'âge de l'exploitabilité des chênes réservés de nos taillis. Ce que nous venons de dire du taillis aménagé à 20 ans est vrai à fortiori pour le taillis aménagé à 16 ans, comme cela a lieu dans une notable partie des bois français ; car au lieu de 4 âgés, le chêne de 80 ans aura cinq âges du taillis, il aura été réservé une fois de plus et son allongement ainsi que sa croissance, loin d'avoir été favorisés par cette méthode, auront été singulièrement gênés par cette augmentation de coupes successives. Toutes choses égales d'ailleurs, dans un même taillis aménagé à 16 ans, la valeur des arbres réservés de 80 ans sera moins grande que dans le taillis aménagé à 20 ans. Notre démonstration appliquée au chêne de 80 ans dans les taiUis aménagés à 20 ans est donc d'autant plus vraie dans les tailhs aménagés à 16 ans. Comme on ne saurait demander au propriétaire de bois de faire abandon de son intérêt particulier, c'est à 80 ans au plus tard qu'il devra couper ses réserves chênes. Et malgré que le prix du mètre cube de chêne aug- mente avec une prodigieuse rapidité suivant l'âge du sujet, la capitali- sation-forestière est vite obhgée de céder le pas à l'accroissement beau- coup plus prodigieux encore de la capitalisation-argent. Dans cette lutte, la victoire quelque peu indécise dans les premières décades entre la végétation forestière et les intérêts accumulés, ne tarde pas à se dessiner nettement en faveur de ces derniers et si, par exemple, nous supposons un chêne de 2 siècles et d'un volume de 2'"-' 500 au cinquième déduit (ou 5^ en grume), valant 100 francs le mètre ou 250 francs, il ne pourra plus soutenir la comparaison avec la capitalisa- tion de 0 fr. 75 du baliveau qui, au bout de 200 ans, aura dépassé le prix de 1.000 francs, sans compter la perte des recrûs qui ne peuvent être d'ailleurs évalués que par l'expérience et l'appréciation des rendements des taillis couverts, comparés aux taillis découverts, « Très faible sous un tremble, dit Ch. Broïllard, cette perte est notable sous un baliveau-chêne qui anéantit une cépée », et nous ajouterons que sous un chêne de 200 ans, cette perte équivaut au déboisement de trois ares environ de taillis. Nous dirons encore que, cette victoire de la capitalisation-argent sur la capitahsation- forestière est d'autant plus éclatante sur les bois de chêne que ceux-ci augmentent progressivement de valeur avec l'âge, à telle enseigne que : — 183 — CONGRES FORESTIER 1^ Dans le taillis de 20 ans, le mètre cube plein de brins de chêne au cinquième déduit, vaut au plus 1 franc, alors qu'à 40 ans, il vaut 10 à 12 francs ; à 60 ans, 25 francs ; à 80 ou 100 ans, 50 francs et à 200 ans, il vaut 100 francs et plus, parfois 200. On a vu vendre 200 francs et même 300 francs, le mètre cube au cinquième, des chênes exceptionnels en longueur et diamètre, en accrois- sements réguliers et en bois sans nœuds et sans aucune tare, de nos belles forêts de France, de Tronçay et Moladier, dans le département de l'Allier, de Belléme et Bercé, etc. Même à ces prix très exceptionnels, si l'on faisait la comparaison, étant donné leur grand âge, entre la capitalisation forestière et la capitalisation des intérêts, celle-ci l'emporterait de cent coudées et d'autant plus que l'on devrait tenir compte de ce que ces arbres sont des exceptions notoires, à côté de tant d'autres sujets du même âge qui, blessés par le passage de charriots, dans leur jeunesse, atteints de quelque carie ou noueux, gelés, lunés ou roulés, dans le cours de leur végétation, n'ont été vendus qu'à des prix très inférieurs, quand ils n'ont pas dû être simplement débités en bois de chauffage. Malgré les études faites par divers auteurs sur la croissance des arbres et quoique nous ayons personnellement étudié très consciencieusement ce sujet et fait de très nombreuses mensurations sur les arbres feuillus et les chênes notamment, nous croyons que la question de l'accroissement de nos différentes essences d'arbres forestiers peut et doit encore faire l'objet d'expériences complémentaires pour être mise définitivement au point. Pour qu'il ne subsiste aucun doute sur cette supériorité que, jusqu'à preuve du contraire, nous considérons comme écrasante^ de la capitalisation-argent sur la capitalisation-forestière, au bout de quelques décades à peine, nous proposons au Congrès forestier international d'émettre le vœu suivant : Que les administrations forestières de France et de V étranger soient invitées à provoquer tous les renseignements des sylviculteurs mondiaux sur la croissance des arbres forestiers; Que les Bulletins officiels et de renseignements agricoles des diverses nations soient invités à les centraliser et à les publier^ afin d'éclairer défi- nitivement l'opinion publique égarée par les écrits d'auteurs qui, au lieu de prendre pour bases des données scientifiques ou expérimentales, se sont laissés guider par des tendances personnelles ou une imagination trop facile, M. Descombes. — Je me rallie entièrement aux vo^ux de M. Caquet qui est un ancien forestier, travailleur infatigable. Les vœux qu'il propose sont rationnels et judicieux et ils devraient avoir reçu satisfaction depuis cinquante ans et plus. Lorsque les travailleurs ont des recherches à effectuer, ils n'ont à leur disposition aucune publication officielle et ne trouvent que des renseignements épars, car la bibliothèque forestière n'est pas consi- dérable. ^e capital qu'on met en reboisement est décuplé en moins de cinquante ans, ce qui fait un revenu remarquable de près de 6 %, car il faut tenir compte des intérêts composés. Ce résultat, qu'on m'a quelquefois reproché, je le maintiens, mais à une condition : — 184 — INTERNATIONAL 1913 c'est du revenu brut que je parle, du revenu du bois lui-même ; si r.impôt vient prendre la moitié, les deux tiers ou les trois quarts de ce revenu, ou même ce revenu tout entier, ou une fois et demie ou une fois trois quarts, ce revenu, comme M. Gouget l'a montré ces jours derniers à la troisième section et comme il l'avait montré aux Agriculteurs de France et dans diverses publications, le revenu net diffère alors considérablement. Il est désirable, il est indispensable que les administrations fores- tières mettent à la disposition du public des renseignements 'circons- tanciés, précis, sur la croissance des arbres, sur l'avenir qu'on peut en espérer. M. LE Président. — S'il n'y a pas d'autre observation, je vais mettre aux voix les vœux tels qu'ils opt été rédigés par M. Caquet. Adopté. M. le Président. — Nous passons à une communication de M. Mar- chai sur la Sauvegarde des forets contre l'incendie par des plantations ignifuges. M. Marchal. — Il n'y a pas de question d'un intérêt plus universel, je pourrai dire plus mondial, que celle des incendies de forêts. On croit trop facile- ment que ce sont des questions locales, méridionales. Ceux qui ont vu un incen- die dais les Maures ou l'Estérel — qu'on appelle les pays du feu, et qui sont malheureusement bien dé.iommés — croient que c'est un fléau local, régional. D'autres so.it disposés aie croire régional aussi dans les Landes et dans quelques régions où les résineux dominent. C'est à cette occasion que je renouvelle la constatation que le président M. Descombes a faite tout à l'heure, sur l'insuffi- sance des renseignements : il n'y a pas de livres, il n'y a pas de détails. Per- mettez-moi, à mon grand âge, de l'affirmer, j'en ai la preuve ici, j'ai fait le relevé de toutes les publications qui ont été faites dans la Revue des Eaux et Forêts actuelle et dans la revue qui l'a précédée — et elle est encore plus ancienne que moi, puisqu'elle date de 1842 — au sujet des incendies de forêts. C'est une admirable collection, rien n'est plus intéressant, rien n'est plus vivant; j'y ai trouvé la description la plus complète et la plus parlaite qui puisse être faite. Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent les études sont faites par des professionnels des Maures, de l'Estérel, des Landes, quelquefois, rarement, de l'Algérie et de quelques autres régions; j'y ai trouvé le relevé, fait par un vé.iérable fonctionnaire, délégué du ministère de l'Intérieur, sur la période des incendies qui ont désolé l'Amérique et voilà tout. Jamais je n'ai vu nulle part un aperçu collectif qui puisse nous donner une idée d'ensemble des maux universels et prodigieux dont j'ai eu, non pas la certitude mathé- matique, mais la conscience, en parcourant les quelques listes que le hasard a mises sous mes yeux, outre celles que j'ai pu composer moi-même par un moyen qui est à la portés de tout le monde. C'est ainsi que j'ai relevé, dans trois journaux de Paris, les incendies qui ont été signalés depuis quelques années dais les Maures, l'Estérel et les Laides. Quelquefois aussi, les dépèches ensigaalent en Bretagie, dans la Creuse, en Angleterre, en Allemagne. Cin- quante, cent, deux-cents hectares à la fois sont détruits par un incendie qui éclate d'une façon terrible et inattendue. Il faut avoir découpé ces dépêches reçues quotidiennement dans les jouraeaux pour s'en rendre compte. C'est dans les mêmes conditions qu'il y a deux ans, j'ai relevé dans l'édition parisienne du New- York Herald, des résumés de journaux de New- York, — 185 — CONGRES FORESTIER avec quelques gravures à l'appui, où l'on cite les milliers d'hectares qui ont été détruits, les villes qui ont disparu, les trains qui ont été arrêtés, les régiments qui n'ont pu arriver au secours des malheureux, les familles entières anéanties, et comme c'est en Amérique que ces choses se passent et qu'on y est précis, on résume les pertes par un chiffre. Ce chiffre, évalué d'une façon moderate, — je me rappelle ce mot — fixe les pertes à cent miUions de dollars pour trois semaines environ d'incendie. Cinq cents miUions de francs, un demi-miUiard ! Je n'i'isiste pas. Ce n'est pas moi qui ai inventé ce renseignement, je vous ai dit où je l'ai puisé (Applaudissements). Ces indications sur lesquelles je r.e veux pas m'étendre davantage, vous donnent* un aperçu de la proportion phénoménale, mon.diale, universelle de ce fléau que nous n'avons pas assez apprécié ! En France, certes, — on l'a dit et répété souvent et on a raison — le service forestier a fait des choses qu'on n'a fait nulle part ailleurs, et on ne saurait trop proclamer ses mérites, mais on n'a pas fait d'étude générale. A telle enseigne, que dans ce pays, où la statistique surabonde, on n'a pas fait de statistiques, d'incendies de forêts, sauf depuis cinq ans. Dans ces cinq années, on a constaté qu'il y a annuellement, dans les forêts de l'État et les forêts privées, des pertes estimées deux millions et demi, trois millions et même jusqu'à cinq millions. Cela commence à compter ! Je n'insiste pas sur ces chiffres, je vous prie simplement de retenir leur caractère énorme, auquel j'ai ajouté quelques indications universelles qui vous montrent que ce péril grandit tous les jours. Nous avons entendu ces jours-ci d'excellents rapports où il était question de l'extension des forêts et notamment de l'extension facile des résineux. C'est la vérité, ils viennent très bien, exigent peu de travaux, peu de difficultés, et produisent rapidement, mais ils brûlent très facilement, de sorte qu'en augmentant les forêts de résineux, on augmente aussi dans des proportiors tout à fait inattendues et i.icommensurées, permettez-moi ce mot nouveau, le danger des incendies. Comnïent naissent les incendies? On oublie trop qu'un des plus grands instruments des incendies, c'est le chemin de fer. Nous pourrions, sans critiquer personne, appeler collectivement toutes les compagnies de chemins de fer les « compagnies incendiaires ». Le rôle de la foudre est bien mesquin à côté de ces grandes coupables. Mais le feu, quelle qu'en soit la cause, se propage par la couverture. Tous ceux qui ont vécu dans les régions d'Orient savent qu'il y a des végé- taux dont la combustion est telle qu'elle s'oppose à l'incinération, à l'inflam- mation, c'est le cas de plantes dont je vais vous parler, et notamment du cactus et d'un certain nombre de plantes grasses. M. Grardot, le savant auteur, est arrivé à constater par l'analyse, que le cactus contenait jusqu'à 94 % d'eau. Il n'y a aucune espèce d'industre, si belle qu'elle soit, qui soit arrivée à créer une bouteille idéale qui contienne un telle quantité de contenu en proportion du co.itenant. C'est vraiment un instrument idéal au point de vue de l'ex- tinction. Outre qu'elle est fraîche, cette plante a une valeur alimentaire considérable. L'objection principale est que cette plante est une plante des pays chauds. Mais la nature et nos praticiens, nos simples jardiniers, même, sans aller jusqu'à nos savants, ont fait des choses beaucoup plus fortes : la youka, plante qui remplit nos squares et t. os jardins même dans les pays du Nord est une plante des pays chauds : il a sufh de quelques années d'application par les marchands qui les ont vendues, pour les acclimater. II serait donc très facile de créer des espèces par voie d'hybridation. Le fait certain, constaté, est que dans les régions hautes, non habitées des Apennins, on a trouvé des cactus. Je ne cite qu'à titre supplémentaire une autre plante grasse, le iiesembri- anthcnuin acinaciforine, ainsi nommé parce que sa feuille a la forme d'une lame de sabre. — 186 — INTERNATIONAL 1913 L'intérêt de cette plante réside en ce que, aussitôt qu'elle pousse, des radi- celles, des racines adventives pénètrent dans le sol ; c'est une plante super- ficielle qui couvre tout le sol et son ininflammabilité la rend très précieuse. Au Muséum, il y a également des variétés de cédum, qui viennent des hautes- montagnes du Tyrol et du Japon ; elles peuvent être multipliées. Plus près de nous, pourquoi ne nous adressons-nous pas au lierre vulgaire ; on ne se l'imagine pas, parce que tous les traités officiels déclarent que le lierre est un parasite dangereux qu'il faut détruire. Voilà quinze ou vingt ans que je l'étudié et que je le soumets à des expériences. La nature du lierre, contrairement à ce ciu'on croit, n'est pas d'enrouler l'arbre ; c'est par erreur qu'on l'appelle edera helica ; il n'a pas de forme héli- coïdale, il monte tout droit, mais pas avec des racines qui sucent, comme le déclarent habituellement des auteurs mal informés. Ce sont des crampillons qui n'atteignent pas lasurface. On croit qu'il abîme les murs ; c'est une erreur. Dans des pays où l'esprit pratique est plus développé qu'en France, comme l'A'igleterre et l'Amérique, on n'a jamais pensé cela. Les cottages les plus riches d'Angleterre et les grandes usines d'Amérique en sont couverts depuis le sol jusqu'au sommet, parce que le lierre entretient la fraîcheur du mur et le préserve du soleil et de l'attaque directe de la pluie; il le préserve aussi des insectes, car les insectes ne mangent pas le lierre. Par contre, j'ai vu dans des parcs où on avait oublié du lierre depuis cinq ans, les bestiaux manger le lierre plutôt que l'herbe des environs. La dernière paysanne de France sait cela et lorsqu'il n'y a plus de fourrage nulle part ou qu'il coûte cher, on donne du lierre aux vaches pour les nourrir. Un savant, M. Isidore Pierre, a fait cette analyse et a trouvé que le lierre équivaut au fourrage le plus parfait. Un seul homme en a parlé, c'est M. Vilmorin, à la Société des Agriculteurs de France, il y a deux ans environ. Voici un exemple de ce que peut donner le lierre; vou,s pouvez voir en certain point du parc Monceau un rideau de lierre au-dessous d'un bouquet considérable de maronnier.-;. Le maronnier donne des feuilles abondantes qui sèchent et recouvrent rapidement le sol; la grande feuille de marronnier après être tombée, sèche, se ratatine et passe entre les feuilles de lierre qui, elles, restent fraîches et vertes toute l'année. Le lierre étalé, érigé en espalier, n'aurait pas les qualités que je vous indique : les feuilles qui se fanent sur un espalier s'aperçoivent et, lorsc[u'elles sont fanées, elles tombent et sèchent. Or, dans les squares, et même au Bois de Bouloge, vous ne voyez jamais de feuilles de lierre mortes ; il semble que cette plante ne doive jamais mourir; c'est une erreur, mais aussitôt que les feuilles meurent, passent au second plan, des feuilles fraîches, prennent le dessus et recouvrent entièrement la partie fanée, la laissant ainsi à l'ombre et à la fraîcheur. Et je vous répète que le lierre a une valeur alimentaire de premier ordre, excepté toutefois pour les insectes qui ne s'y mettent pas, pour la raison bien simple qu'il y a une balistique du Uerre couché : chaque feuille de lierre est dressée sur un pédoncule qui forme pivot ; la feuille reste horizontale, très' fréquemment proche d'une autre, de façon à former coquille, comme la coquille d'une carapace ; comme tout est mobile, aussitôt qu'un insecte, une graine, une feuille morte tombe, il y a un espace vide dais lequel tombe l'insecte. En douze ans, j'ai vu en tout, deux petits escargots sur le herre ; ils n'y sont pas restés longtemps. Les indications que je viens de vous donner vous montrent la valeur agricole, alimentaire et surtout défensive de certaines plantes. Les véritables maîtres de la doctrine forestière déclarent qu'ils défendent la forêt à cause de son rôle providentiel — j'ai vu ce mot écrit dans notre siècle — je le veux bien, et je ne prétends pas revendiquer pour les plantations dont je vous parle un rôle providentiel. Je m'occupe simplement de leur rôle praticpie,. Je voudrais que les expériences que j'ai faites fussent imitées par les services de l'État, dans quelques-uns de ses domaines. Ces expériences peuvent être commencées immédiatement dans le Midi et même étendues à quelques régions — 187 — CONGRES FORESTIER du centre de la France et, probablement, dans peu de temps, dans les régions du Nord. M. LE Président. — Je suis convaincu que l'Administration des forêts ne demandera pas mieux que de tenter des expériences, surtout dans la région de la Provence, des Maures et de l'Estérel, par des planta- tions de cactus ; ces expériences pourront amener des résultats utiles et intéressants. M. Marchal. — Des expériences ont déjà été commencées en Algérie. Un vœu a été présenté par la Ligue de reboisement de l'Algérie en 1880 ou 1881. Le gouverneur général Cambon, qui' a été frappé, comme l'était tout Algérien, de l'ininflammabilité matérielle évidente d'un certain nombre de plantes comme le cactus, a demandé qu'on en fit l'expérience. Mais on les a faites de telle façon qu'elles n'ont pas réussi du tout. M. Descombes. — Je puis d'ailleurs donner à M. Marchal l'assurance que les expériences qu'il demande ont déjà été faites. L'Association pour les montagnes, qui occupe dans les Pyrénées plusieurs milliers d'hectares dans lesquels elle réconcilie le montagnard avec l'arbre, a créé un type de lierre. On a fait un reboisement de 60 hectares dans la vallée, ce sont des résineux qu'on a mis et on les a garnis d'un type de lierre planté depuis deux ans. Les expériences ont donc déjà com- mencé. M. LE Président. — Je donne acte à M. Marchal de sa communication et puisque nous sommes en matière d'incendie, je donne la parole à M. de Montmorency-Morrès, qui a une courte communication à faire. M. DE Montmorency-Morrès. — Je suis administrateur du Syndicat général des propriétaires forestiers d'Algérie, où nous avons réuni 150.000 hec- tares. Nous avons soufTert beaucoup d'incendies pendant des années. Ces incendies sont dus à deux causes, les unes accidentelles, les autres volontaires. Les incendies accidentels ont été de peu d'importance : ils portent sur 50, 100 ou 200 hectares, c'est relativement peu de chose. Les incendies volontaires, au contraire, ont porté sur des étendues considérables. Les incendies accidentels s'éteignent facilement, car les Arabes sont habiles et nous avons les moyens à notre disposition. Mais les incendies volontaires ne peuvent s'éteindre aussi facilement, car, dès qu'on réussit à en enrayer un, il y en a immédiatement d'autres qui s'allument. Les pouvoirs publics ont des moyens de réprimer ces incendies, c'est de poursuivre les incendiaires. Je sais t)ien que c'est assez difTicile, mais on peut y arriver, et on obtiendrait de bons résultats en les punissant très sévèrement. La question est importante pour nous, car, en 1871, ces incendies nous ont coûté près de 20.000 hectares ; en 1881, nouveaux incendies considérables. Je vous demande donc la permission de soumettre un vœu tendant à de- mander que les pouvoirs publics cherchent les auteurs des incendies volon- taires et réprime de la façon la plus énergique. M. Roux, secrétaire. — Voici la teneur du vœu : « Considérant les dommages considérables qui résultent pour les — 188 — INTERNATIONAL 1913 propriétaires forestiers en général et pour les propriétaires forestiers (V Algérie en particulier^ des incendies dus à la malveillance^ le Con- grès des Propriétaires forestiers émet le vœu que les pouvoirs publics recherchent activement les auteurs responsables des incendies et leur appliquent dans toute leur rigueur^ les sanctions prévues par la loi. » Adopté. M. LE Président. — Je donne la parole à M. Marcillac, auteur d'une communication sur : Une disparition qui commence. —Le mûrier. M. Marcillac. — Le mûrier, qui avait été prodigieusement développé par Olivier de Serres, est en train de disparaître. Il y a à cela diverses causes. La principale est que le paysan y voit de l'argent réalisable immédiatement. Quand on lui dit : « Vous faites une sottise, vous avez là une espèce de rente que vous pouvez toucher chaque aiinée », il répond : « Cela fait du bois, il y a de l'argent à toucher, mes fds feront comme moi, ils se débrouilleront. » Il est inutile de chercher à discuter avec lui, mieux vaudrait travailler le roc. Il faut donc se substituer à lui, puisqu'on ne peut lui faire entendre raison, et il s'agit de savoir s'il y a quelque chose à faire. Voici les raisons que les modérés, les sages, nous opposent ; ils disent : « les primes qui étaient très élevées, — elles allaient jusqu'à 5 francs, — étant tombées à 20 ou 30 sous, nous ne trouvons pas notre compte à faire l'élevage du cocon, nous n'avons donc pas intérêt à conserver le mûrier. » Tout autour de ces propriétaires de cocon, il y avait de nombreuses usines de soie : depuis l'Isère jusqu*au bas de la Drôme, c'était en quelque sorte semé de tissages; toutes ces usines vont dis- paraître si la matière première fait défaut. Les industriels de la région ont eu l'idée de combattre le mal et de le prévenir dans une certaine mesure en cher- chant en Chine et au Japon les ressources nécessaires en matières premières. Seulement, ils ont constaté que les métiers chargés de soie française donnent des fds d'une résistance parfaite et qu'au contraire les métiers chargés de soie de Chine donnent des mécomptes, au point qu'une ouvrière qui mènerait par exemple quarante broches avec de la soie française, n'en mènerait que quinze avec de la soie de Chine. Cela tient à l'importation et à l'emballage. Il y aurait peut-être lieu pour les grands fabricants, de rechercher si l'on ne pourrait pas trouver un système d'emballage tel que la soie de Chine arrive bonne en France. M. le Président. — Votre communication porte surtout sur la dis- parition du mûrier. M. Marcillac. — On ne trouve pas, paraît-il, dans le mûrier de France, la matière à papier. Il y a un mûrier japonais qui pourrait être rapi- dement introduit chez nous et qui mené à bien donne de bons résul- tats en tant que base du papier. Si donc nos grands fabricants de papier voyaient dans le mûrier quelque chose d'avantageux, le paysan, sachant qu'il va pouvoir vendre sa feuille de mûrier, le recultiverait. Il y a là une crise forestière et une crise de soierie, les deux se tiennent, lorsqu'on combat l'une, on combat l'autre. C'est pourquoi je vous demande de vouloir bien adopter le vœu suivant : '( Considérant que la destruction active des mûriers pourrait être, enrayée sinon arrêtée par V emploi des feuilles ou de Vécorce des branches de ces arbres dans la fabrication du papier^ le Congrès émet le vœu que — 189 — CONGRES FORESTIER V Administration fasse rechercher auprès des principaux fabricants s''il n^y aurait pas lieu d''employer les produits du mûrier concurem- ment avec la fibre de bois et les chiffons. » Adopté. M. LE Président. — Il nous reste pour terminer notre ordre du jour, une communication de M. Michaud sur L'oiseau et la forêt. M. Michaud. — Avant de clôturer nos travaux, permettez-moi de prendre la parole en faveur d'un auxiliaire des plus précieux et des plus indispensables de la forêt, je veux parler de l'oiseau. Il est grand temps, je pense, qu'on s'occupe de l'oiseau et qu'on arrête la guerre d'extermination dirigée contre lui. Après trente ans d'observation sé- riettse, je dis, en connaissance de cause, que tous les oiseaux sont utiles : l'oiseau est utile à la forêt pour la défendre et la forêt est utile à l'oiseau pour l'abriter. Je vais dire quelques mots sur les oiseaux insectivores. On ne peut se faire une idée des massacres qui se pratiquent dans certaines régions de la France. Les oiseaux insectivores sont massacrés sans merci. J'ai vu un individu prendre, au moyen de « pantes », jusqu'à mille oiseaux par jour, des insectivores ou carnivores: J'ai vu, les larmes aux yeux, je puis le dire, des pinsons, des rouge-gorges, des fauvettes, tout espèces d'oiseaux les plus précieux massacrés sans merci. Il serait grand temps que les pouvoirs publics supprimassent ces abus et ces massacres. Je voudrais aussi vous dire deux mots sur deux oiseaux qui sont en voie de disparition. La buse est l'oiseau exécré de beaucoup de chasseurs, de ceux surtout qui ne la con laissent pas. Je puis vous assurer que la buse est un oiseau excessivement utile. La première fois que j'ai rencontré un nid de buses dans la Gironde, il y avait, je crois, près du nid, onze rats, des lézards, un écureuil, des vipères et, ce qui m'a étonné le plus, un renard d'eau fraîchement tué. La buse peut détruire, sans exagération, de 80 à 100 mulots par journée ; on a quelquefois parlé de 500, mais c'est une exagération. En tout cas, un couple de buses peut facilement détruire 150 mulots par jour, sans compter les reptiles, car on dirait que la buse a été créée pour tuer les reptiles, et Dieu sait s'il y en a dans la Gironde. L'autre oiseau dont je veux vous parler, vous le connaissez tous, mais il se fait rare, c'est le grand duc. Cet oiseau dévore une quantité innombrable de vipères, d'écureuils et de rats. Et vous savez que le rat est le pire ennemi des oiseaux ; il en détruit de toute espèce et il y a ici des congressistes qui m'ont dit que, depuis des années, ils sont empestés par des rats, si je puis ainsi m'exprimer. Je vous demanderai donc de vouloir bien adopter les trois vœux que j'ai l'honneur de vous présenter, et qui sont les suivants : « 1° Que dans renseignement sylvicole, des leçons soient faites sur le rôle réciproque de la forêt et de Voiseau Vun envers Vautre, Voiseau proté- geant la forêt contre Vinsecte, la forêt offrant refuge et abri à Voiseau. » « 2° Quà la fête de Varhre soit adjointe une fête de Voiseau. » « 3° Que dans les réserves nationales et parcs nationaux, des mesures soient prises pour la multiplication et la protection des oiseaux utiles ou des espèces rares et en voie de disparition. » M. Villatte des Prugnes. — L'année dernière, une commission tem- poraire, nommée par M. Pams, alors ministre de rAgriculture, s'est — 190 — INTERNATIONAL 1913 réunie en vue de faire la classification des oiseaux. Il y avait bien eu, en 1902, un Congrès général où on a classé une certaine partie des oiseaux, ceux qui intéressaient tous les pays, mais il en restait un certain nombre qui n'étaient pas classés. Dans cette commission tempo- raire se trouvaient des ornithologistes de tous les coins de la France, comme M. Xavier Raspail, M. Labodenne, etc. Cette commission a établi une classification absolument complète ; elle n'a tenu que trois séances, mais les personnes qui étaient là étaient compétentes et ont apporté des faits, comme le prince d'Arenberg, par exemple, qui, depuis des années, a fait des études très complètes sur la crécerel et qui en a apporté les résultats à la Commission. Nous avons fait à la suite de cela une classification excessivement sévère et très peu d'oiseaux ont été déclarés nuisibles, comme le petit geai, parce que c'était incontestable ; on ne peut pas signaler un seul bienfait de cet oiseau qui ne commet que des dégâts. Le Ministère de l'Agriculture possède deux rapports de M. Menegaud, du Muséum, sur les travaux de cette Commission. Ces deux rapports dorment dans des cartons, parce que le Midi s'est soulevé comme un seul homme quand il a su que nous avions protégé tous les petits oiseaux d'une façon invariable. Nous nous sommes dit en effet que si nous faisions quelques exceptions, ce serait la mort de tous, et s'il y en a qui peuvent commettre quelques petits dégâts, ces dégâts sont proba- blement rachetés par des avantages considérables. Le Midi s'est donc levé et a fait intervenir ses députés, de sorte que les rapports ne sont pas publiés parce que leur publication gênerait cette région. Je propose donc que nous émettions un voeu par lequel nous deman- derons la production de ces rapports, et nous exprimerons le désir qu'on tienne compte de leurs conclusions. Je puis vous donner un exemple des raisons qu'on invoque pour la destruction des oiseaux : pour l'étourneau, la commission avait été unanime à déclarer qu'il était un oiseau utile. Cet oiseau commet quelques dégâts, il mange bien quelques grappes de raisins au moment de la vendange, mais ces dégâts sont très largement compensés par les services qu'il rend. Vous ne pourriez jamais deviner pour quelle raison la destruction de l'étourneau a été autorisée par le Ministère de l'Agriculture. Parce qu'on fa accusé de propager la fièvre diTphteuse^{Exda mations et rires.) Des gens avaient envoyé des parle- mentaires pour se plaindre au Ministère que l'étourneau propageait la fièvre aphteuse, et c'est ainsi qu'on en a autorisé la destruction. Ce fait est au rapport. Dans ces conditions-là, on pourrait déclarer que la fauvette, le rossignol et tous les oiseaux qui émigrent en Egypte, en Turquie, dans des régions où le choléra^ règne à l'état endémique ainsi que la peste, sont des propagateurs du choléra et de la peste, et la destruction de tous ces oiseaux devrait être autorisée. Je vous demande donc de vouloir bien ajouter aux vœux de M. Michaud, celui par lequel nous demanderons que le rapport de la Commission temporaire instituée au Ministère de l'Agriculture soit — 191 — CONGRES FORESTIER publié dans le plus bref délai, et qu'on en tienne compte pour empêcher la destruction des petits oiseaux. Je ne suis pas tout à fait de l'avis de M. Michaud sur le grand- duc : c'est le seul oiseau nocturne que nous avons déclaré nuisible. Pour le cliat-huant, on a bien cité quelques méfaits dont ils étaient les auteurs, mais on a trouvé qu'après tout ce n'était pas absolument prouvé, et qu'en tout cas, ces méfaits étaient largement compensés par la destruction d'un grand nombre de mulots ou de rats et nous n'avons pas voulu mettre le chat-huant hors la loi. M. DE Segonzac. — J'approuve entièrement deux des vœux présentés par M. Michaud, mais je demande qu'on ne vote pas celui qui est relatif à la fête de l'oiseau parce que nous ne nous sommes pas associés à la fête de l'arbre. Je ne vois donc pas l'utilité de ce vœu. La question importante pour nous est d'émettre un vœu en faveur de la conserva- tion de tous les oiseaux utiles sous toutes les formes, comme vient de l'expliquer M. Villatte. M. Villatte des Prugnes. — Pour donner satisfaction à M. le Prési- dent, nous pourrions rédiger le vœu en remerciant le Ministre d'avoir pris l'initiative de terminer la classification complète des oiseaux, et en émettant le vœu que les rapports de la Commission soient mis à exécution. M. le Président. — Ayez l'obligeance de remettre une rédaction au bureau. Je soumets à votre approbation les vœ^ux de M. Michaud : '( 1° Que dans V enseignement sylvicole des leçons soient faites sur le rôle réciproque des forêts et de V oiseau Vun envers Vautre^ V oiseau protégeant la forêt contre V insecte, la forêt offrant refuge et abri à Voiseau. » Adopté. « 2° Qu'à la fête de Varhre soit adjointe une fête de Voiseau. » Repoussé. « 3° Que, dans les réserves forestières et parcs nationaux, des mesures soient prises pour la multiplication et la protection des oiseaux utiles ou des espèces rares et en voie de disparition. » Adopté. « 4° Le Congrès remercie M. le Ministre de V Agriculture de Vheu- reuse initiative qu'il a prise en nommant une Commission pour la classification des oiseaux en espèces utiles et nuisibles et émet le vœu que le résultat des travaux de cette Commission soit porté le plus promptement possible à la connaissance du public. » M. LE Président. — Ne vous paraît-il pas utile d'émettre le vœu — 192 — INTERNATIONAL 1913 qu'une classification déllnitive soit adoptée ; ce serait plus complet et plus net que de demander simplement qu'on communique au public le résultat des travaux d'une Commission. M. Roux. — Nous pourrions demander une classification basée sur ces travaux. M. \'iLLATTE DES Prugnes. — Voici le texte du vœu tel que je vous le propose : « Remercie M. le Ministre de V Agriculture de Vheureuse initia- tive qu'il a prise en nommant une Commission pour la classification des oiseaux en espèces utiles et nuisibles et émet le vœu qu une classifi- cation basée sur les travaux de la Commissioti soit établie le plus tôt possible. » Adopté. La séance est levée à 4 heures. 193 — DEUXIÈME SECTION ÉCONOMIE ET LÉGISLATION FORESTIÈRES BUREAU : Président : M, Vivier, conservateur des Eaux et Forêts,- directeur de l'École nationale des Eaux et Forêts. Vice-présidents : MM. Bouvet, président de la Société forestière de Franche-Comté et Beljort. F. Deroye, conservateur des Eaux et Forêts, docteur en droit. Secrétaires : MM. De Monchy, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. Delahaye, inspecteur-adjoint des Eaux et et Forêts, docteur en droit. Perrin, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. RAPPORTEURS :MM.F. Deroye, conservateur des Eaux et Forêts, docteur en droit. G. HuFFEL, sous-directeur et professeur d'Economie forestière à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts. Ch. Guyot, ancien directeur de l'Ecole natio- nale des Eaux et Forêts. R. RouLLEAU, conservateur des Eaux et Forêts en retraite, secrétaire général du Comité des Forêts. — 195 CONGRES FORESTIER RAPPORTEURS: MM. Arkould, inspecteur des Eaux et Forêts. Margaine, inspecteur des Eaux et Forêts, vice-président de V Union des Syndicats agricoles, horticoles et viticoles de la Marne. Vivier, conservateur des Eaux et Forêts, directeur de l'École nationale des Eaux et Forêts. Comte de Nicolay. président du Syndicat des propriétaires forestiers de la Sarthe. Madeli>', inspecteur des Eaux et Forêts, docteur en droit, chef de section à la Direc- tion générale. Villame, secrétaire de la Fédération des Syndicats du commerce des bois de France et des industries qui s'y rattachent. 196 INTERNATIONAL 191^ SÉANCE DU 16 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. VIVIER, président de Section La srance est ouverte à 11 h. 5. ^I. LE Président. — Avant (rouvrir les travaux de Ja deuxième section du Congrès forestier, je me permettrai de renouveler les souhaits de bienvenue qu'adressaient tout à l'heure, aux membres étrangers, M. le Ministr»^ de l'Agriculture et M. le président du Touring-Club. Nous serons très heureux de recevoir les idées qu'ils voudront bien nous donner au sujet de la manière dont on comprend, à l'étranger, les questions d'économie et de législation forestières, et j'espère que, de leur côté, ils trouveront utilité et profit à nos délibérations. J'adresse le salut le plus cordial à tous ceux des congressistes qui veulent bien préférer notre réunion — ■ au programme un peu austère — à des sections plus attrayantes. Ils comprennent toute l'importance des questions qui vont se traiter ici et qui peuvent avoir des réper- cussions considérables au point de vue de l'avenir de la propriété forestière. Tous, Messieurs, qui que vous soyez, propriétaires forestiers, techni- ' ciens des diverses catégories, fonctionnaires, vous êtes à même d'apporter une utile contribution à nos discussions dont l'animation probable n'exclura pas, j'en suis convaincu d'avance, la plus parfaite lourtoisie. Vous pouvez être assurés que le bureau s'efforcera, dans la mesure du possible, de diriger et d'éclairer vos délibérations et j'espère que, d'une collaboration commune, naîtra une œuvre utile l't féconde {Applaudissements). Je donne la parole à notre vice-président, M. Deroye, pour la lec- ture de son rapport sur les Assurances contre l'incendie. M. F. Deroye. — L'assurance des forêts contre l'incendie préoccupe depuis de longues années les propriétaires forestiers en France, mais n'est pas ou que fort peu pratiquée. La plupart des Compagnies à primes fixes ont un même tarif et des clauses semblables. Le premier est prohibitif ; les secondes sont absolu- ment défavorables aux assurés. Quant aux Compagnies d'assurances mutuelles pour risques de l'espèce, ou bien elles n'ont pu arriver à se — 197 — CONGRES FORESTIER constituer, ou bien elles fonctionnent avec les mêmes errements que les Compagnies à primes fixes. M, Fernand David, ancien Ministre de l'Agriculture,- déclare, dans un de ses remarquables rapports sur le budget de l'Agriculture, que le risque d'inoendie en forêt est considérable et qu'on ne saurait lui opposer un système d'assurances, tant que les Compagnies seront inaccessibles et les Mutuelles impraticables. Il préconise donc la formation d'asso- ciations syndicales, conformément à la Loi du 13 décembre 1902, pour réaliser la défense préventive qui est, à son avis, la seule pratique en la circonstance. Cette défense aurait pour but de réduire au minimum la part du feu par des aménagements dont nous trouvons de précieux exemples en Provence et dans les Landes. M. Fernand David ajoute qu'il semblerait très justifié de faire participer ces travaux aux subven- tions accordées par l'Etat pour les améliorations agricoles. Se plaçant à un point de vue similaire, M. Louée, d'une part, MM. de Liocourt et Pardé, d'autre part, ont étudié les bases de Syndicats fores- tiers pour l'administration et l'exploitation rationnelle des bois particu- liers, comme aussi pour la réduction des risques d'incendie. Un infatigable travailleur, M, Paul Descombes, président de l'Asso- ciation centrale pour l'aménagement des montagnes, demande qu'une loi autorise l'assurance par l'Etat des forêts contre l'incendie, en faisant remarquer que cette solution compléterait de la plus heureuse façon les lois tendant à favoriser le reboisement. En Allemagne, afin d'encourager les entreprises d'assurances privées à assurer le risque d'incendie des forêts, l'office impérial d'assurance a publié un modèle de contrat pour la garantie de ce risque. Ce modèle détermine les droits et les obligations des parties au moment de la conclusion du contrat, durant son exécution et après le sinistre. Alors qu'en 1900 il n'existait en Allemagne qu'une seule société d'assurances contre l'incendie couvrant les risques forestiers, actuellement de nom- breuses sociétés privées et plusieurs instituts publics provinciaux d'assurances s'en occupent. Nous pensons que les associations syndicales préconisées par M. le Ministre Fernand David et par MM. de Liocourt, Pardé et Louée pour- raient en même temps être constituées en Sociétés ou Caisses d'assu- rances mutuelles agricoles, conformément à la Loi du 4 juillet 1900, et cette solution pourrait, dans bien des cas, rendre de réels services. Il n'en est pas encore de même de l'assurance par l'Etat. La commis- sion de réorganisation du service forestier qui a fonctionné en 1912 ne l'a pas envisagée dans ses études relatives aux bois particuliers. Ce procédé soulève la grave question de l'immixtion de l'Etat dans le domaine des assurances-incendie et donnerait très vraisemblablement lieu à dos protestations de la part des Compagnies. Nous en revenons donc à demander pour le moment la garantie des forêts contre l'incendie à des Compagnies ou à des Caisses d'assurances, comme en Allemagne. Cette solution admise par la Société française des Amis des Arbres, par la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, par de nombreux forestiers et publicistes, semble maintenant assez étudiée pour pouvoir être réalisée. Une statistique très complète des incendies dans les forêts soumises _ 198 — INTERNATIONAL 1913 et non soumises au régime forestier est établie depuis 1908 par l'Adminis- tration des Eaux et Forêts. Les résultats en seront d'un grand secours pour la mise au point définitive de la question. Il convient, pour commencer, d'arrêter les principes rationnels et équitables qui devront être proposés aux Compagnies pour l'établisse- ment des contrats d'assurances et le règlement des sinistres. N'oublions pas, en effet, que si d'un côté les propriétaires persistent, à juste raison d'ailleurs, à ne pas s'assurer, de l'autre côté les Compagnies d'assurances attendent pour modifier leurs conditions qu'il leur soit pré- senté une étude sérieuse de la question. En même temps les Caisses d'assurances mutuelles agricoles de la Loi du 4 juillet 1900 trouveront dans cette étude les renseignements nécessaires pour leur adaptation à l'assurance forestière. Nous allons donc examiner pour les différents points de l'assurance comment opèrent les Compagnies et ce que nous sommes d'avis de leur proposer : Système actuel. — Les Compagnies n'assurent en principe que les Objet de i'a»»u- forêts feuillues (taillis et taillis sous futaie) ne contenant pas plus de 1/10 de résineux en mélange. Elles acceptent parfois l'assurance des planta- tions résineuses, à condition qu'elles soient âgées de plus de dix ans, et dans le Nord et le Centre de la France seulement. Elles font des difficultés pour assurer l'ensouchement. Elles refusent d'assurer l'ensemencement. Elles ignorent complètement la couverture morte. Système proposé. — Les Compagnies devront assurer : Dans les forêts feuillues : 1° Le taillis, 2° Les réserves, 3° L'ensouchement, 4° La couverture morte. Dans les plantations résineuses : 1° Les plantations, 2° L'ensemencement, 3° La couverture morte. Système actuel. — Les Compagnies ne donnent de règles qu'en ce caimi «n «pitai qui concerne les taillis et ces règles sont basées sur des principes com- " *'''""■*'■• pliqués, incomplets et erronés. Il n'est jamais question de l'estimation des réserves non plus que de celle du capital relatif à l'ensouchement et à la couverture morte. Enfin l'application des susdites règles aux plan- tations résineuses est totalement impossible. Système proposé, — Il conviendra d'évaluer le capital à assurer : 1^ Pour le taillis : En calculant la valeur des coupes des différents âges par la méthode des annuités ; 2^ Pour les réserves : En classant les arbres par catégories d'après leurs dimensions et en déterminant pour chaque catégorie la valeur de l'arbre moyen et la moyenne du nombre de pieds à l'hectare ; — 199 — CONGRES FORESTIER 30 Pour Vensouchement : Par la somme nécessaire pour reconstituer par voie de plantation l'état boisé supposé complètement détruit ; 40 Pour la couverture morte : Par la somme nécessaire pour récupérer, au moyen d'engrais appropriés, la quantité de matière fertilisante que renferme cette couverture ; 30 Pour les plantations résineuses : De façon à rembourser au proprié- taire le montant de ses frais de plantation et de ses pertes d'intérêts sur la valeur du sol et les frais de plantation. La somme à rembourser aug- mentant chaque année, il faudra calculer séparément le capital à assurer pour chacune des années de la police ; 6^ Pour V ensemencement : Comme s'il provenait d'un boisement arti- ficiel, en tenant compte de sa densité et de son âge. l'riinc d'assu- SYSTÈME ACTUEL. — Pour les taillis et taillis sous futaie, les Compa- mnceannueue. g^j^g demandent en général une prime de 0 fr. 75 %. Pour les plantations résineuses, les tarifs varient suivant les âges, entre 1 et 10 fr. pour 1.000 francs de capital assuré ou bien entre 0,09 % et 4 % de la valeur à l'hectare, réglée d'avance par la police. Système proposé. — 1° Une prime, établie par région, fixe pour les feuillus et variable suivant l'âge pour les plantations résinauses ; 2» Une augmentation de cette prime d'un ou plusieurs dixièmes, pro- portionnellement aux risques supplémentaires qui pourraient exister (proximité des voies ferrées ou d'habitations. Carbonisation des pro- duits. Absence de tranchées, etc.). cairui du dom- SYSTÈME ACTUEL. — Les Compagnies évaluent le dommage en cas maflc en ras d'inccndie : Pour le taillis : Par une simple proportion établie en fonction de son âge réel et de la valeur qu'il aurait à l'âge usuel de la coupe ; puis elles diminuent la somme trouvée d'un escompte de 4 % pour autant d'années qu'il reste à courir jusqu'à cet âge usuel de la coupe. Enfin elles retran- chent le sauvetage. Pour les réserves : Par la valeur de ces réserves à leur âge moyen d'exploitation, valeur diminuée de la dépréciation qu'elles présenteront à cette époque du fait de l'incendie et ensuite escomptée à 4 % par an pour autant d'années qu'il reste à courir jusqu'à cet âge moyen d'exploi- tation. Pour V ensoucliement : Par la somme nécessaire pour mettre deux plants nouveaux par souche détruite. L'application de ces règles aux plantations résineuses est impossible et les Compagnies n'en indiquent point d'autres. Système proposé. — 1» Le tailUs incendié devra être estimé à son âge réel, calculé d'après la méthode des annuités, sans aucun escompte, déduction faite ensuite du sauvetage ; 2° Les réserves brûlées seront évaluées individuellement à leur valeur d'assurance par catégorie, déduction faite ensuite du sauvetage ; 3" Le dommage causé à l'ensouchementsera calculé à l'hectare comme l'a été le capital assuré pour cet ensouchement ; 40 Le dommage causé à la couverture morte sera calculé à l'hectare comme l'a été le capital assuré pour cette couverture ; — 200 — d'inceiidie. IXTERNATIONAL 1913 5° Les plantations résineuses détruites seront évaluées de la même façon qu'elles l'ont été pour la recherche du capital à assurer ; 6^ Le dommage causé à l'ensemencement sera calculé à l'hectare comme l'a été le capital assuré pour cet ensemencement. En conséquence, nous avons l'honneur de formuler le projet de vœu suivant : Que des procédés rationnels et équitables, basés sur les principes et les méthodes admis dhme façon générale en matière de sylviculture et d'aména- gement soient adoptés pour V assurance des forêts et des plantations contre V incendie. Qu'en ce qui concerne spécialement les forêts françaises, ces principes et ces méthodes, ainsi que des modèles d'' assurance et de règlement de sinistre, soient transmis aux Compagnies d' assurances ou aux Unions de ces Com- pagnies par les syndicats de propriétaires forestiers ou par les fédérations f/ ' ces syndicats en vue d'établir une entente sur de telles bases. M. Descombes. — Je n"ai pas l'intention de combattre le vœu proposé, mais je tiendrais à donner quelques explications. Je me permets tout d'abord de déposer sur le bureau un fascicule (le sylvonomie (Économie et Politique forestières) dans lequel cette question se trouve développée. 11 y a déjà un grand nombre d'années que les sociétés forestières, spécialement la société forestière de Franche-Comté, sont en pourpar- parlers avec les compagnies d'assurances pour faciliter l'assurance des forêts contre l'incendie. Cette question a une importance très considérable, en ce sens que la forêt, tant qu'elle ne peut pas être pratiquement assurée, ne constitue [pas un gage suffisant pour per- mettre au propriétaire d'emprunter, pour les avances dont il a besoin. Étant donné que nous n'avons pas encore de crédit forestier, il faudrait au moins que les propriétaires de forêts puissent avoir les autres systèmes de crédit qui sont dans le domaine public. Si les forêts pouvaient être assurées contre l'incendie, si la loi nou- velle dont M. le Ministre nous annonçait le vote tout à l'heure entrait en vigueur, les forêts représentant un matériel ligneux garanti contre la destruction deviendraient un immeuble susceptible d'être hypo- théqué comme les autres et ainsi disparaîtrait un élément d'infé- riorité qui affecte actuellement la forêt comme propriété. Malheureusement, la plupart des compagnies d'assurances ont fort peu répondu à l'appel qui leur a été adressé dans ce sens. \J Association centrale pour V aménagement des montagnes a entrepris à ce sujet une enquête qui a révélé qu'une seule compagnie, V Urbaine, semble être entrée dans cette voie. Le directeur de son agence de Bordeaux a pu, grâce aux renseignements statistiques du service forestior, établir une èfhelle de primes qui ont permis d'assurer quelques milliers d'hectares de pineraies dans la Gironde et les Landes. Il pourrait faire un travail analogue pour d'autres régions s'il était pourvu des documonls nécessaires! — 201 — COGRES FORESTIER L'assurance par les compagnies semble cependant limitée aux régions de forêts riches, et le problème se trouve ramené à l'assurance des forêts pauvres. Or, ce sont les forêts pauvres qu'il faudrait pro- téger, étant donné les services qu'elles rendent, au point de vue climatérique et au point de vue hydrologique. L'État reste, pour ces forêts pauvres, le seul assureur pratique. Le rapport indique qu'il n'y a guère de chance d'aboutir. C'est très possible. M. Drimot, un forestier belge, a établi, au Congrès de Bruxelles, des projets d'assurances mutuelles en Belgique, et il arrive à cette conclusion qu'il faudrait que l'Etat fournisse au moins un fonds de garantie important. Dans les Pays-Bas, plus avancés, la question a été résolue en partie, mais les compagnies ont failli sombrer il y a quelques années à la suite de sinistres considérables, et la Société du Reboisement des Pays-Bas conclut qu'il faudrait le concours de l'État aux assurances mutuelles. Reste à savoir maintenant sur quelles bases il convient de fonder des mutuelles, des mutualités ou des coopératives largement aidées par l'État. Les mutuelles pourraient être aidées, soit directement par l'État, soit par les Caisses de Crédit agricole qui ont la garantie de la Banque de France ; nous pensons que l'Administration pourra effectuer, à l'aide de ses statistiques, les travaux préparatoires indis- pensables. Je ne propose pas d'apporter de modification au vœu, mais j'indique seulement la voie dans laquelle il me parait nécessaire de rechercher la solution. M. Deroye. — Pour ce qui est de la question du crédit forestier, je rappelle que le rapport de M. Margaine sera discuté le mercredi 18 juin. Mais la question de l'assurance par l'État soulève celle du monopole des assurances et pourrait provoquer des protestations des compagnies. J'ajoute que la Commission de réorganisation du service forestier, qui a étudié également les améliorations à apporter au régime des bois particuliers, n'a pas envisagé les mesures à prendre au sujet des incendies de forêts. Reste donc la participation des assurances mutuelles. Je ne crois pas que nous ayons donné un avis défavorable à cette participation, puisque notre rapport vous indique que les associations syndicales préconisées par M. le Ministre Fernand David pourraient être en même temps constituées en sociétés ou caisses d'assurances mutuelles agricoles, conformément à la Loi du 4 juillet 1900 et que cette solution pourrait, dans bien des cas, rendre de réels services. Mais la mutualité n'est pas, à nos yeux, une solution unique ni une solution immédiate ; nous nous servons de ce qui existe : les compagnies d'assurances, quitte à recourir à la mutualité agricole lorsque nous pourrons le faire. Les deux combinaisons peuvent s'allier et se soutenir l'une l'autre. En n'excluant pas la mutualité et le crédit agricole, nous donnons — 202 — INTERiXATIOîN'AL 1913 donc satisfaction à M. Descombes qui a d'ailleurs déclaré accepter, en principe, notre vœu. M. le Di' Vidal. — Je ne saurais trop appuyer la motion de M. Descombes. L'Etat a intérêt, non seulement à la conservation des forêts, mais à leur préservation. Plus une forêt est en bon état, plus elle se vend cher et plus les droits d'eni'egistrement sont élevés. M. DE Sébille. — Il n'y a pas de question qui préoccupe davantage les différentes sociétés forestières et même le Conseil supérieur des Forêts,, que celle de l'assurance contre les incendies. Mais je veux vous signaler spécialement une société mutuelle qui existe en Norvège depuis plusieurs années et qui rend des services considérables. La mutualité n'a donc pas fait faillite, comme parait le penser M. Deroye, lorsqu'il déclare que notre seule ressource est celle des sociétés d'assurances. Nous pensons, en Belgique, que lorsque l'État comprendra sa mission, au lieu de donner aux sociétés de mutualité subsides et subventions, il s'assurera lui-même contre l'incendie. Vous savez que, dans la plupart des cas, il est déjà son propre assureur, mais je crois qu'il finira par s'assurer lui-même. Comme il possède la moitié ou les trois quarts des propriétés boisées du pays, une mutuelle qui compte- rait dans son sein le Gouvernement et qui assurerait tous ses bois, serait certaine de vivre... D'un autre côté, l'État pourrait permettre à ses agents de faire partie du comité de direction de cette société ; il aurait alors la certitude que les deniers publics ne seraient pas dilapidés. Je me range aux conclusions présentées par M. Deroye en faisant remarquer cependant qu'il serait utile d'ouvrir la porte un peu plus large aux mutualités. M. Robert de Mentque. — Le rapport de M. Deroye m'a intéressé tout particulièrement en ma qualité de presque forestier. Je suis assureur et propriétaire de forêts. Je crois donc que, dans la question, je ne fais preuve d'aucune partialité. M. Deroye, bien qu'il reconnaisse les compagnies d'assurances comme particulièrement qualifiées pour assurer les bois et les forêts, a formulé contre des compagnies quelques critiques. Sans entrer dans les questions de détail, je fais simplement observer que le règlement à la feuille, qui peut paraître extraordinaire à des ' forestiers et qui comporte une déduction d'escompte, revient très sensiblement au même que le mode de règlement proposé par M. De- roye. J'ai fait à ce sujet des études comparées et j'ai pu constater que les assurés des compagnies à primes fixes ne sont nullement lésés par les règlements effectués par les assurances. D'autre part, la valeur assurée est sensiblement égale dans les calculs très simples dont se servent les compagnies et dans le système que propose le rapporteur. La plus grosse critique qu'adresse M. Deroye aux compagnies — 203 — CONGRES FORESTIER d'assurances, c'est l'élévation des primes d'une part, et d'autre part, les maigres avantages accordés aux assurés. Sur ces deux points, je ne crois pas les critiques justifiées. Si les primes étaient très élevées et les avantages minimes, les com- pagnie» réaliseraient des bénéfices énormes. Or. il n"en est rien. Je n'ai les résultats d'exploitation que pour deux compagnies qui ne passent pas pour travailler plus mal que d'autres. Dans les soixante dernières années, l'une d'elle a perdu 9 % |de ses primes et l'autre 16 %. Si on augmentait les avantages accordés aux assurés jet si on diminuait les primes, les compagnies ne pourraient plus vi\Te. Il y a donc autre chose. Peut-être y a-t-il dans le projet Deroye des points à étudier : réduction dans certains cas ou. au contraire, majoration lorsque la ïorêt est dans un pays plus exposé au feu ou qu'elle est dans le voisi- nage d'usines, ou encore qu'elle est traversée par une voie ferrée. Les compagnies étudieraient certainement avec plaisir les données du ministère de l'Agriculture. M. RoussELET. — Je prends la parole au double point de vue de pro- priétaire forestier et d'assureur. Pourquoi les compagnies d'assurances ont-elles perdu une si grosse partie de leurs primes? C'est parce que la loi des giands nombres n'a pas joué suffisamment ; c'est parce que le nombre des risques n'était pas assez grand (l'assurance n'est que le jeu de la loi des grands nombres). La question me parait donc devoir être résolue par la mutualité, mais avec la collaboration de l'Etat, non sous forme de primes, mais sous forme de cotisation payée par l'État pour l'assurance de ses forêts. L'Etat payant une cotisation proportionnelle à l'importance de ses forêts, cette cotisation serait forcément élevée. De là, pour les mutuelles, la possibilité de vivre et de faire face à un exercice désastreux au bout de de quelques années, puisqu'ayant un portefeuille de primes, elles auraient la capacité d'emprunter ; on pourrait faire fond sur cette cotisation de l'Etat. Le remboursement des sinistres des forêts de l'État compensant, dans une certaine mesure, sa cotisation, les pertes seraient réduites au minimum et d'autre part, la société aurait une position plus assise et trouverait la possibilité de recruter de nombreux adhérents, non seulement parmi les particuliers, mais aussi parmi les départements et les communes. Je conclus donc au maintien de la première partie du vœu d(> M. Deroye, mais pour la seconde partie, j(; désirerais qu'on insistât sur l'avantage que présenterait la réunion d'une commission qui serait chargée de l'étude d'un projet complet et définitif, avec proposition de tarifs, etc.. M. LE Président. — Le bureau a écouté avec beaucoup dintérét les — 204 — INTERNATIONAL 1913 orateurs exposer leurs idées. Au moment, de voter, il y a deux points qu il ne faut pas perdre de vue. Tout d'abord, il est certains détails dans lesquels le Congrès ne peut pas entrer. Il ne peut rester que dans des lignes générales. Les obser- vations très intéressantes qui ont été présentées, notamment au sujet de la défense des compagnies d'assurances, trouveront leur place dans les pourparlers d'entente avec les syndicats de propriétaires menacés par le feu. D'un autre côté, il faut être pratique. Il est évident qu'il est impos- sible de créer une commission spéciale pour «hacune des questions examinées par le Congrès. En second lieu, il serait dangereux de soulever un principe qui ne vise pas seulement les forêts, celui de savoir si l'État doit ou ne doit pas être son propre assureur. L'État a son opinion à ce point de vue, et je reconnais que, suivant la constitution des États et l'importance de leurs immeubles, les solutions peuvent ne pas être les mêmes partout. Je ne crois pas que le principe de 1' « État son propre assureur ) puisse être vrai dans le monde entier. Mais notre ministère des Finances a posé ce principe et il serait peut-être dangereux de l'attaquer. Ma mission est de répondre à la pensée exprimée par la plupart des orateurs, tout en restant dans les limites de la pratique. Je propose, pour rester le plus pratique possible, de faire le moins de bouleversements possible, et, pour donner satisfaction à M. Des- combes et à d'autres de nos collègues, je demande qu'on ajoute à la dernière partie du vœu de M. Deroye la phrase suivante : « ...Sans préjudice^ partout où les circonstances le permettront., du développement des assurances mutuelles bénéficiant de tous les avan- tages que VÉtat peut accorder à la mutualité ». Cette rédaction remet en lumière le principe de mutualité que tout le monde a défendu ici, et, d'autre part, reste dans le droit commun. Or, moins nous demanderons de mesures d'exception, plus nous aurons chance d'aboutir, à mon avis. Nous pourrions ajouter m fine : « ...Que l'État accorde ou accordera aux mutualistes ». Il est très possible, en elïet que l'État n'ait pas dit son dernier mot à ce sujet. Ce texte réserve lavenir et permet d'étudier des questions délicates et importantes, tout en donnant satisfaction au désir essentiel exprimé par les orateurs, au point de vue de la mutualité. M. DE Sébille. — Je me rallie à Tamendement qui vient d'être proposé. M. le Di' Vidal. — Cette modification me donne également satisfaction. — 205 — CONGRES FORESTIER M. Deroye. — L'institution d'une Commission, pour la réalisation des vœux que nous allons émettre, me parait avoir été traitée déjà par M. Defert tout à l'heure, lorsqu'il a annoncé à l'Assemblée Générale la constitution d'une commis.sion permanente « dans le temps et dans l'action ». Ce sont les termes mêmes qu'il a employés {Très bien ! Très bien !) M. RouLLEAU. — Dans la seconde partie de son vœu, M. Deroye a invité les syndicats de propriétaires à s'occuper pratiquement de la question de l'assurance contre l'incendie. Or, des démarches ont été faites par le comité des Forêts, qui s'est lié à une société très puissante, V Union des Intérêts économiques. M. LE Président. — Vous voyez. Messieurs, que déjà le vœu a un €om-. mencement de réalisation, ce qui est la meilleure preuve de son intérêt pratique. Voici le texte que nous proposons à votre vote : '« Que des procédés rationnels et équitables basés sur les principes et les méthodes admis d'une façon générale en matière de sylviculture et d'aménagement soient adoptés pour l'assurance des forêts et des plantations contre V incendie ; « Qu'en ce qui concerne spécialement les forêts françaises., ces prin- cipes et ces méthodes., ainsi que des modèles d'assurance et de règlement de sinistre, soient transmis aux compagnies d'assurances ou aux unions de ces compagnies par les syndicats de propriétaires forestiers ou par les fédérations de ces syndicats, en vue d'établir une entente sur de telles bases, sans préjudice ■ — partout où les circonstances le le permettront ■ — du développement des assurances mutuelles bénéficia}! t de tous les avantages que l'État accorde ou accordera aux mutualités «. Le texte du vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. • — M. le D^ Vidal, d'Hyères, nous a adressé une communication qui se rattache à la question des incendies dans 1 es Maures et l'Estérel. Je prie l'un de MM. les Secrétaires de vouloir bien donner lecture de l'observation essentielle qui a été faite au sujet de ce travail. M. LE Secrétaire. — Le mémoire de M. Vidal, dont l'original était annexé à la pétition présentée en 1881 à la Chambre des députés par des électeurs du département du Var, avait bour but de modifier la Loi du 6 juillet 1870, concernant la région des Maures et de l'Estérel. Ce mémoire ne paraît plus avoir aucun intérêt actuel, la Loi du 6 juillet 1870 ayant été remplacée par celle du 19 août 1893, actuel- lement en vigueur. M. le Président. — La situation au point de vue législatif s'est modifiét^ d'abord par le vote de la nouvelle loi de 1893, et ensuite par une — 200 — INTERNATIONAL 1913 proposition nouvelle qui est actuellement en discussion. Le nouveau projet a été voté par la Chambre et est actuellement soumis au Sénat. Les Conseils généraux, tout en ne considérant pas ce projet comme la perfection, insistent (dans leur désir d'arriver à un résultat effectif) pour que le Sénat adopte le plus tôt possible le projet, parce qu'il constitue certainement un progrès. Sous bénéfice de ces observations, je donne la parole à M. le Lr Vidal. M le Dr E. Vidal. — Nous profitons de la situation qui nous est offerte par ce Congrès pour faire entendre de nouveau les justes revendications des habi- tants de la région des Maures et pour prier nos collègues de vouloir bien renou- veler le vœu suivant : « Le titre IV de la Loi forestière du 6 juillet 1870 devrait être modifié dans le sens suivant : « 1° Qu^il soit ouvert, au Ministère de l'Agriculture, un crédit divisé en plusieurs exercices et suffisant pour la construction, à bref délai, et pour Ventretien d'un réseau de chemins de protection et d'exploitation forestière dans la région des Maures et de VEstérel. « 2° Que la construction et l'entretien de ce réseau soient dirigés par les agents de V administration des forets dont la compétence spéciale en pareille occurence est une garantie de la bonne et économique exécution des travaux ». La seule forêt domaniale de la contrée, le Don de Bormes, est bien des- servie et elle ne briile pas, alors qu'autour d'elle les incendies se multiphent. « 3° Le Congrès considérant que dans la région des Maures les voies de communication sont notoirement insuffisantes. » Émet le vœu : « Qu'il soit m.is, à bref délai, un terme à celte situation dont on ne trouve pas un autre exemple sur tout le territoire français. » Il ne nous est point permis toutefois d'oubher que nous avons été conviés à ce Congrès par la grande société du Touring-Club de France qui a de tout temps protégé l'ouverture et l'entretien des voies nouvelles destinées à mettre en rehef les différents points de notre territoire qui méritent d'être visités par les touristes de tous les pays. C'est à ce point de vue particuher que nous devons ncus placer pour signaler à l'attention du conseil d'administration de cette association et à celle de tous les voyageurs, un des points les plus admirables de la côte d'Azur, qui serait aussi l'un des plus fréquenté s'il existait un chemin plus convenable pour l'aborder. Nous voulons parler de la partie du littoral située entre le Lavandou et la plage de Cogolin. Une route a bien été tracée autrefois tout le long de la côte et elle était charmante ; mais elle est actuellement tellement délabrée que les robustes chariots qui transportent les produits de la forêt, ne peuvent eux- même y circuler qu'en surmontant les plus grandes difficultés. En conséquence, ne pensez-vous pas. Messieurs, que le Congrès pourrait émettre le vœu que le Touring-Club veuille bien prendre sous sa puissante protection cette partie du littoral français et inscrire dès aujourd'hui sa visite dans les programmes des excursions qu'il recommande aux visiteurs de la Côte d'Azur? {Applaudissements.) J'ajoute qu'il conviendrait d'appeler en même temps l'attention de l'Admi- nistration des forêts et de l'Administration des Ponts et Chaussées sur l'urgence qu'il y a à créer et à entretenir des chemins forestiers. — 207 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — Il n'est pas douteux que les congressistes portent le plus vif intérêt à tous les points de vue, au massif des Maures. Mais il n'échappera pas à nos collègues que le Congrès ne peut pas descendre dans de trop petits détails. Le mesure que réclame M. le Di" Vidal, tout le monde la désire, l'Administration forestière aussi; mais la première condition pour agir, c'est que la fameuse loi soit votée. Je crois donc, Messieurs, que je répondrai à vos intentions et en même temps au désir de M. le D^' Vidal en déclarant que l'attention des Administrations des forêts et des Ponts et Chaussées devra être appelée, en même, temps que celle du Touring-Club de France, sur les incendies de la région des Maures, si ruineux pour les populations qui l'habitent, et sur les remèdes qu'on peut y apporter. M. le D^" Vidal. — Je vous remercie, j'ai complète satisfaction. La séance est levée à midi. 208 — INTERNATIO-NAL 191;! SEANCE DU 16 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 1/2. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de H. Huiïel, sur La législation forestière comparée, le rôle FORESTIER DE L'EtAT. COMPARAISON ENTRE LES DIFFÉRENTS PAYS. La parole est à M. Hufîol pour la lecture de son rapport. M. G, HuFFEL. — L'Etat, dans nos sociétés modernes, est cette per- sonnalité morale qui, représentant la collectivité des citoyens, porte la charge de leurs intérêts collectifs. Il lui appartient d'intervenir dans toutes les circonstances où l'utilité publique est intéressée. La conser- vation et Texploitation des forêts présentent à un degré éminent et à différents points de vue, un véritable intérêt public, et c'est ainsi qu'il existe pour l'État un rôle forestier à remplir. Les forêts présentent deux genres d'utilité bien distincts : Elles peuvent être une source de revenus pour leur propriétaire par les produits matériels : bois, écorces, résines, etc., qu'il est possible d'en extraire. Elles peuvent encore être utiles : 1° Comme forêts de protection, par suite de leur intluence sur le régime des eaux sauvages et souterraines, sur les érosions, les dégâts des ava- lanches ; 2° Elles sont utiles à la défense, à la salubrité et à l'ornement des régions où elles croissent. L'État a-t-il à s'occuper des forêts au point de vue de leur rendement ? Parmi les produits très variés de la forêt, les bois d'œuvre de forte dimension, et plus spécialement les gros chênes, constituent une matière première par excellence, qui n'a pas de succédané pour une foule d'em- plois, et dont la consommation ne saurait pas plus se passer qu'elle ne se passerait de coton ou du papier, par exemple. La demande de ces bois ne cesse de s'accroître dans tous les pays civilisés et la production va on diminuant. Beaucoup d'économistes croient, et sans doute avec raison, que dès à présent la consommation mondiale dépasse la production, qu'elle est alimentée aux dépens du capital producteur des forêts et que nous allons au devant d'une pénurie certaine de bois d'œuvre. — 209 — CONGRES FORESTIER Les gros bois d'œuvre ne peuvent s'obtenir qu'en immobilisant dans les forêts un capital énorme. Pour pouvoir couper annuellement un mètre cube de gros chêne il faut en entretenir cinquante mètres cubes sem- blables, ou davantage, dans la forêt, sans compter les autres capitaux à engager dans l'exploitation. Cette situation résulte immédiatement et nécessairement de la lenteur avec laquelle se forme ce genre de produits qui met 150 ou 200 ans à mûrir. La conséquence en est que l'ensemble des capitaux employés à produire de gros bois d'œuvre ne peut être rémunéré qu'à un taux très faible : son revenu est à peine de 1 à2 pour 100 par an, et souvent encore inférieur. La production de gros bois ne saurait donc convenir, en général, à des propriétaires particuliers. Ceux-ci ont organisé et organisent de plus en plus leurs forêts en vue d'autres pro- ductions : menus bois d'œuvre, bois de feu, écorces, résines. La production des gros bois est d'intérêt public. Elle est onéreuse pour celui qui l'entreprend- Il en résulte évidemment qu'elle incombe à l'État. Un des aspects du rôle forestier de VËtat est d'assurer l'alimen- tation du pays en bois de fortes dimensions. En France, la loi s'est toujours efforcée d'orienter les forêts de l'État vers la production des gros bois. Les ordonnances forestières de l'ancien régime renferment de nombreuses dispositions en ce sens et l'ordonnance encore en vigueur de 1827 ordonne de les aménager en vue de « l'éduca- tion des futaies » (1). Malheureusement l'étendue de la partie de nos forêts domaniales qui est susceptible de produire des gros bois est beaucoup trop faible et représente moins du dixième de l'étendue boisée totale du pays. Il y aurait lieu de l'augmenter par l'acquisition de forêts particulières et aussi par l'application d'une méthode d'aménagement nouvelle qui permettrait d'obtenir un meilleur rendement en bois d'œuvre que le trai- tement en taillis sous futaie, qui reste suivi sur près du tiers des forêts de l'État français. Les tentatives de conversion en futaie pleine des taillis sous futaie peuplés de chêne, croissant en terrains frais et fertiles, mais sous un climat rude dans le Nord-Est de la France ont donné lieu à beau- coup de mécomptes. Il serait désirable d'y essayer le traitement en FUTAIE CLAIRE, qui assurerait un grand progrès, sans aucun risque ni difficulté (2). Beaucoup de forêts, en région de montagne, ou bien sur les rivages de la mer (dunes de sables mouvants) sont avant tout des jorêts de protection. Elles défendent le sol contre l'érosion par les eaux ou le vent, ralentissent l'écoulement des eaux et facilitent leur infiltration, elles arrêtent le vent et les avalanches, etc., etc. Ces forêts de protection ne sont, le plus souvent, susceptibles que d'un revenu très faible ou même nul. Elles ne peuvent en tout cas remplir leur rôle si éminemment utile que si la considération de leur revenu est entièrement subordonnée à leur rôle de protection. De pareilles forêts, dont la conservation est d'intérêt public, et dont le détenteur ne peut jouir librement, doivent nécessairement faire partie du domaine de l'État. En réalité, ces forêts sont très généralement, en France, la propriété de communes ou, quelquefois, de particuliers. Les forêts de protection communales sont, sans doute, soumises au régime forestier, gérées par des agents de l'État, ce qui assure leur conser- (1) Article 68 de l'ordonnance du 1" août 1827. (2) Voir pour la définition de la futaie claire Economie forestière, par G. HulTel, professeur à l'École nationale des Eaux et Forêts, l^^ édition, 3® volume, pages 450 et 454. Paris, Laveur, éditeur 1907. — 210 — INTERNATIONAL lljl;! vation. Mais celle-ci entraine de la part des communes propriétaires des sacrifices qu'il paraît peu équitables de faire supporter à quelques communes dans l'intérêt général du pays. II est vrai que l'on s'efîorce d'indemniser indirectement les communes propriétaires de forêts de pro- tection des restrictions imposées à leur jouissance dans l'intérêt général (1). Il serait préférable d'incorporer au domaine public tout ce qui doit être aménagé au point de vue de l'intérêt collectif de la nation, tout ce qui possède franchement le caractère d'une forêt de protection. Cela pourrait se faire d'autant plus facilement, sans grandes dépenses, que le revenu en argent de ces forêts est très faible et souvent presque nul. Les forêts ont à jouer un rôle important pour l'ornement du pays. Celles qui sont situées auprès des grandes villes devraient être aménagées avec le souci de l'agrément des touristes, en vue d'y attirer le public. Quel service plus grand les forêts pourraient-elles rendre à notre pays que de développer le goût de la marche en plein air, des distractions saines que l'homme du peuple prend en famille lorsqu'il va passer au bois ses heures de liberté ? Qui ne se réjouirait de voir les ouvriers des usines ou de la mine passer le dimanche en forêt plutôt que dans ces locaux où ils prennent trop souvent leur récréation en empoisonnant à la fois leur corps et leur esprit ? Nous voudrions trouver partout, et spécialement dans le voisinage des villes, dans les plus beaux lieux de nos bois, auprès des sources, des rochers ou des vieux arbres, des sentiers commodes, des bancs, des tables, des abris au lieu de ces clôtures ou de ces inscriptions reproduisant les articles les plus menaçants de nos codes qu'on y voit trop fréquemment. Comme conclusion aux observations ci-dessus, nous proposons au Congrès les trois vœux ci-après : I. Qu'il soit institué un fonds spécial, alimenté soit par une allocation budgétaire spéciale, soit plutôt par le prélèvement annuel de 2 % par exemple sur le revenu des forêts de VÉtat, à V effet d'acquérir à V amiable, pour les incorporer au domaine public, des forêts particulières susceptibles de produire des bois de fortes dimensions et qui seraient aménagées en vue de cette production. II. Qu'il soit établi un inventaire général des forêts croissant sur le ter- ritoire français qui présentent le caractère de forêts de protection. Que VÊtat soit autorisé à acquérir ces forêts, à l'amiable ou par voie d' expropria- tion, dans ce dernier cas en payant aux propriétaires une somme égale à trente fois le revenu net annuel moyen des dix dernières années, établi après expertise. Une partie des fonds affectés à la « restauration et à la conser- vation des terrains en montagne « , en exécution de la loi du 4 avril 1882, pourraient recevoir cette destination. III. Que des cantons bien choisis des forêts deV État, dans le voisinage des grandes villes, en des points pittoresques et facilement accessibles, soient distraits du cadre des aménagements ordinaires et traités spécialement au (1) La décret du 11 juillet 1882 dispose, dans son article 22, que dans les communes où l'État aura entrepris des travaux en vue de la correction des torrents dangereux, les préposés forestiers chargés de la surveillance de ces travaux assureront en même temps, sans aucun frais pour les communes, la surveillance des forêts communales du territoire. — 211 — CONGRES FORESTIER point de vue de Vornement, et disposés pour Vagrément des promeneurs et des touristes. M. LE Président. — Deux d'entre ces vœux se rapportent à des sujets voisins de ceux traités dans d'autres rapports. Nous pourrions, je pense, en renvoyer l'étude au moment de la discussion de ces rapports. Il ne nous resterait plus à discuter en ce moment que le dernier des vœux de M. Huffel. Il en est ainsi décidé. Voici, Messieurs, le troisième vœu de M. Huffel : « Que des cantons bien choisis des forêts de VÉtat, dans le voisinage des grandes villes, en des points pittoresques et facilement accessibles, soient distraits du cadre des aménagements ordinaires et traités spéciale- ment au point de vue de l'ornement, et disposés pour Vagrément des promeneurs et des touristes, n Ce vœu de M. Huffel ne fait, si j'ose dire, double emploi avec aucun autre vœu qui nous soit soumis ; il répond évidemment à l'une des préoccupations du moment. Je me permettrai d'y faire, cependant, une petite critique, qui n'est que la confirmation des paroles prononcées ce matin par M. le Ministre de l'Agriculture. Il est certes fort bien de faire des forêts d'ornement. Mais il ne faut pas oublier que les forêts sont faites surtout pour être exploitées, et que leur côté financier et économique ne doit pas être dédaigné. Les séries artistiques ont beaucoup de chances d'être constituées avec ce que nous appelons, nous autres forestiers, les premières affectations de futaie, et la mise hors aménagement d'un de ces cantons peut ainsi représenter un assez gros sacrifice financier. Sans m' opposer au vœu de M. Huffel, je proposerai d'y apporter l'addition suivante : « Partout où les circonstances économiques ne s^y opposent pas ». Peut-être pourrait-on dire même : « économiques et financières ». Pourtant, si l'on vend du bois, ce n'est pas seulement pour mettre de l'argent dans les caisses de l'État, c'est surtout pour pourvoir aux besoins de la consommation. J'appelle en outre votre attention sur le membre de phrase : «... dans le voisinage des grandes villes », qui est très important. M. GuYOT. — J'abonde dans votre sens. Nous sommes tous partisans de la beauté des paysages. Comme le faisait remarquer ce matin M. Clémentel, il est dur de porter la hache sur de vieux arbres. Notre cœur saigne, comme celui de Ronsard, lorsque nous le faisons. C'est entendu. Je suis partisan des réserves. Mais, pour arriver à un résultat pratique, il faut les limiter. Ces réserves dites artistiques doivent plutôt être multipliées sur de petits espaces, qu'être étendues à un petit nombre de grandes étendues. M. LE Président. — Je mets donc aux voix le vœu n" ."> de M. Hufïel, avec une double addition : 212 — INTERNATIO.NAL 1013 1° Après le mot « cantons ». ajouter « ou parcelles ». 20 A la fin, ajouter : (( Partout où les circonstances économiques ne s'y opposeront pas ». Il n'y a pas d'opposition?... Le vœu ainsi modifié est adopté. M. Delahaye. — Bien que le vœu n^ 1 ait été renvoyé à une séance ultérieure, il serait intéressant de fixer dès aujourd'hui un point qui dominera les discussions de notre section et qui est relatif à la disette de bois d'œuvre. C'est une grave question et qui préoccupe à juste titre l'opinion publique. La disette des bois d'œuvre revêt-elle une acuité suffisante pour qu'on puisse considérer la question comme d'intérêt public, au sens strictement juridique du mot. Si le bois d'œuvre est devenu si rare qu'il faille, pour satisfaire aux besoins de la Société, se préoccuper d'en produire coûte que coûte, peut-être pourrait-il y avoir là une raison pour l'Etat, un motif d'ingérence dans la gestion des propriétés particulières boisées. M. LE Présideist. — Le rapport de M. Madelin répond à vos préoc- cupations. Si l'on envisage la production mondiale, M. Madelin estime que le danger n'est pas encore imminent. Mais dans quelle mesure pourra-t-on faire venir les bois étrangers ? M. Delahaye. — J'aurais voulu savoir si l'intervention de l'Etat pourrait trouver motif à se justifier. M. LE Président. — C'est une question d'appréciation individuelle. Le prix de certains bois d'œuvre, comme le chêne, augmente beau- coup. M. Blanchereau. — - Il n'y a pas disette de bois d'œuvre. M. Descombes. — Les craintes émises reposent sur une base sérieuse, mais je ne crois pas qu'on en soit encore à attenter à la liberté des propriétaires de forêts. La crise des forêts date de loin. Le progrès de la civilisation, l'emploi de la vapeur, de l'électricité, le travail indus- triel, ont développé la consommation du bois d'œuvre et déprécié les bois de feu. C'est une transformation économique grave, qui a d'abord passé inaperçue, parce qu'elle s'est faite insensiblement. Mais il faut remédier aux phénomènes économiques, non par des lois d'exception, mais par des mesures économiques. Du moment que le bois de feu ne se vend plus et que le bois d'œuvre augmente de prix, il faut que les producteurs produisent ce qui se vend l3ien et cessent de produire ce qui ne se vend plus. M. LE Président. — Je me permets de vous faire remarquer que la question pourra être traitée dans son ampleur quand nous discuterons — 213 — CONGRES FORESTIER le rapport de MM. Guyot et Roulleau sur T Intervention de l'État dans la gestions des bois particuliers. La parole est à M. Gh. Guyot pour la lecture de son rapport sur I'Établissemeis'T de Forêts de protection. M. Ch. Guyot. — L'établissement de forêts de protection comporte im ensemble de mesures préventives tendant à empêcher la disparition de massifs boisés dont la conservation intéresse certaines parties du territoire. Il en résulte une intervention de l'État, réglementant très étroitement la jouissance des particuliers propriétaires de ces forêts. Il s'agit donc de servitudes d'intérêt public, dérogatoires au droit com- mun, qui ne peuvent être établies qu'en cas d'absolue nécessité, et en assurant aux propriétaires auxquels ces servitudes s'appliquent des compensations équitables pour les restrictions de jouissance qui leur sont imposées. Le droit commun en cette matière, c'est la législation du défrichement. Il est interdit, en principe, de supprimer l'état boisé d'un immeuble, à moins que ce changement puisse être considéré par l'autorité compétente comme sans influence pour les intérêts généraux du pays. Tout proprié- taire qui défriche, nonobstant une opposition administrative, est passible d'une peine sévère et peut être obhgé à reboiser à ses frais. Cette servi- tude générale d'utilité publique, dont on n'a pas d'analogue pour les autres sortes de propriétés, s'applique aux forêts sans aucune indemnité. On pourrait penser a priori que les propriétaires forestiers sont ainsi suffisamment grevés, qu'on ne doit pas leur imposer de servitudes plus lourdes et que l'interdiction de défricher satisfait entièrement l'intérêb public dont la sauvegarde justifie l'intervention administrative. Nous estimons, en effet, que toute intervention de l'État dans la gestion des forêts de particuliers doit être écartée, comme entraînant des consé- quences exorbitantes du droit commun, et que la règle, pour les forêts comme pour les autres immeubles, doit être le respect des intérêts privés. Mais à toute règle il est des exceptions. Il faut seulement que ces exceptions soient justifiées et qu'elles ne s'appliquent qu'au cas d'abso- lue nécessité. Ce sont ces conditions dont nous devons démontrer l'exis- tence pour permettre l'introduction d'une législation spéciale aux forêts de protection. Quelque rigoureuse que puisse être la législation générale sur le dé- frichement, elle présente néanmoins une lacune, résultant de la nature de ses dispositions; ce sont uniquement des dispositions répressives, des pénalités qui s'appliquent à un fait consommé, à une destruction déjà entièrement réahsée. Or, il se peut que, dans certains cas, cette destruc- tion soit irrémédiable, que le mal causé par la disparition de la forêt ne puisse plus être réparé. D'où la nécessité de mesures préventives, tendant à empêcher le mal d'être commis et par conséquent permettant à l'Administration d'intervenir avant qu'il ne soit irréparable. Ces cas se présentent surtout dans les régions de hautes montagnes, et aussi dans celles des dunes. En montagne principalement, la destruc- tion d'une forêt, même de peu d'étendue, peut avoir pour effet la désa- grégation du sol, des éboulements ou des glissements sur les pentes, la formation ou l'amplification soudaine du phénomène torrentiel. Toute — 214 — INTERNATIONAL 1913 la terre, jusqu'au roc sous-jacent, entraînée par les eaux, avec l'anéan- tissement des habitations et des cultures inférieures, la formation subite de couloirs d'avalanches, telles peuvent être les conséquences d'un défri- chement intempestif, ou même d'une exploitation forestière imprudente. Et alors, on aura beau punir l'auteur de ce désastre, sa peine ne remé- diera pas au mal désormais irréparable, et la reconstitution de la forêt lui serait vainement imposée, car ce travail est pour longtemps devenu impossible. Tandis que si l'on avait pu intervenir à temps, empêcher l'exploitation abusive, le pâturage exagéré, par le simple effet de ces mesures préventives, la catastrophe eût été évitée, la région que proté- geait la forêt eût été sauvegardée. L'influence souveraine des massifs forestiers pour la protection du sol dans les pays de hautes montagnes a été de tout temps reconnue, en France aussi bien que dans les autres Etats. Dans nos Alpes notamment, il existait avant 1789 bon nombre de règlements locaux ordonnant le maintien des défens, et assurant ainsi, sous des peines sévères, l'existence de ces bois sacrés indispensables pour la sécurité des populations alpestres, ainsi protégées contre les dangers de leur sol instable et de leur climat rigoureux (1). De ces anciens règlements, qui prohibaient toute exploi- tation nuisible, tout acte même 'de jouissance, il ne reste plus que le souvenir : ils ont disparu dans l'excès d'uniformité qui caractérise notre législation du xix° siècle ; il faudrait les rétablir. Chose étrange : l'im- portance de la forêt en montagne est parfaitement reconnue ; l'État s'impose de lourds sacrifices pour créer des périmètres de reboisement destinés à empêcher la formation des torrents, et il assiste -impuissant à la ruine de ce qui subsiste encore de ces défens qu'une simple régle- mentation pourrait conserver. Ni dans la Loi de 1882 sur la restauration des montagnes, ni dans les autres actes législatifs concernant les forêts, on ne s'est inqui_été de rétablir cette notion essentielle de la forêt de pro- tection, qui devrait être à la base de toute législation forestière. Il nous faut maintenant recourir aux pays étrangers pour trouver des modèles de textes législatifs dont nous puissions introduire dans notre code des équivalents. Du moins, ces modèles ne manquent pas ; nous n'avons qu'à choisir, car la plupart des pays d'Europe nous offrent à ce sujet une législation aussi complète que variée. On peut dire que la France seule s'est refusée jusqu'à ce jour à entrer dans une voie qui lui était pourtant si naturellement indiquée. Nous ne pouvons analyser ici toutes ces lois étrangères (2) ; leur caractère commun est, comme nous l'avons exprimé ci-dessus, d'imposer aux propriétaires de forêts placées dans certaines conditions déterminées des . restrictions de jouissance pouvant aller jusqu'à l'abstention complète, dans un but d'utihté pu- blique. Ces lois comportent d'ailleurs des différences assez profondes quant aux forêts susceptibles d'être soumises à cette servitude et quant aux effets de la soumission. La législation suisse est celle qui parait de nature à être le plus facilement adaptée à notre législation française ; mais encore ne doit-elle pas être copiée servilement : ce qui est d'une (1) Voir notamment IIutfel, Economie forestière, tome l^^ {!" édition), p. 131 et smv. (2) Voir à co sujet J. Madelin, Les restrictions légales au droit de propriété privée, en France, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie et en Suisse (Paris, 1905), spécialemenl pour la Suisse, p. 187 et suiv. Voir aussi la loi forestière italienne du 20 juin 1877, publiée en français par B. delà Grye, Revue des Eaux et Forêts, 1877, p. 391 et suiv. — 215 _ CONGRES FORESTIER application facile dans un pays tel que la Suisse, dont la plus grande partie du territoire est en haute montagne, et dont la population se soumet docilement à des mesures restrictives en vue de la protection du sol, pourrait paraître intolérable s'il s'agissait de la France, déshabituée d'une réglementation aussi sévère, et qui n'a qu'une partie relativement minime de son territoire exposée aux dangers qu'il s'agit de conjurer. Notre conviction intime est que la servitude des forêts de protection n'a de chances d'être acceptée en France qu'aux conditions suivantes : son application doit être très exceptionnelle et ne doit pas être étendue pour des motifs autres que la défense des hautes montagnes et des dunes ; ensuite, cette charge fort lourde ne doit être imposée aux propriétaires que moyennant des avantages équivalents, sous forme d'exemptions d'impôts, de surveillance gratuite, de subventions pour travaux d'en- tretien, etc. ; enfin le propriétaire, s'il estime intolérable la situation qui lui est ainsi créée, doit pouvoir en sortir en requérant l'expropriation. Ce serait une illusion de croire qu'en étendant indéfiniment l'action administrative en vue de l'application d'une loi sur les forêts de protec- tion, on arriverait à des résultats meilleurs pour l'intérêt public : on risquerait fatalement ainsi d'aboutir à une faillite complète et à l'impos- sibilité absolue de mettre en pratique des mesures aussi impopulaires. Déjà l'on a pu voir avec quelle difficulté l'Administration arrive à se servir de la réglementation des pâturages communaux, mise à sa dis- position par la Loi de 1882 ; il s'agit pourtant d'une intervention beau- coup moins grave, dont les résultats eussent pu être excellents si le nombre des communes réglementées était quelque peu considérable ; mais on a reculé devant l'hostilité des populations, et c'est à peine si l'on a tenté dans 300 communes un semblant de réglementation abso- lument insuffisant. Combien plus énergique serait la résistance s'il s'agissait d'appliquer à tous les propriétaires forestiers de France les hmitations de jouissance beaucoup plus sérieuses qui caractérisent les forêts de protection ! Nous insistons sur ce point parce que, dans une intention d'ailleurs très louable, la Chambre des députés a été saisie, par l'un de nos repré- sentants les plus dévoués à la cause forestière, d'un projet qui permet de classer au nombre des forêts de protection, non seulement les forêts de montagne et des dunes, mais encore toutes celles au sujet desquelles l'opposition au défrichement pourrait être formulée par l'Administra- tion (1). Ce serait donner à la législation nouvelle une ampleur qu'elle ne comporte pas ; si l'on veut réussir, il faut limiter étroitement cette application, sauf alors à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le maintien de la forêt : non seulement interdiction de couper les gros arbres, mais défense de toute exploitation, de toute fouille ou extraction, de toute introduction du bétail, sauf autorisation expresse de l'Administration. En revanche, la plus stricte équité commande de garantir au proprié- taire grevé des compensations telles qu'il puisse accepter la dure situation qui lui est ainsi faite dans l'intérêt public. De ce que la prohibition de défricher est imposée sans indemnité, il ne faut pas conclure que le pro- priétaire forestier doit se soumettre gratuitement à toutes les aggrava- (1) Proposition de loi de M. Fernand David, 1907. Voir au 1" appendice ci-dessous le texte de cette proposition, et un autre texte que nous serions d'avis de lui substituer. — 21() — INTERNATIONAL 1913 lions qu'il plaira au législateur de lui faire subir. A défaut des principes juridiques, l'idée de solidarité elle-même, dont on se prévaut si fré- quemment à notre époque, s'oppose à ce que l'intérêt particulier soit ainsi indéfiniment sacrifié. C'est dans ce sens que nous serions heureux de voir aboutir, au Parle- ment français, la généreuse initiative prise en 1907 par M. Fernand David. Nous croyons aussi que, pour réaliser pratiquement cette intro- duction de la forêt de protection dans notre législation forestière, il serait préférable de la présenter seule, dégagée de toutes autres innovations qui peuvent être excellentes, mais dont la discussion pourrait faire ajour- ner longtemps encore une réforme nécessaire, susceptible d'être ainsi plus facilement admise (1). • Nous avons envisagé la question des forêts de protection en nous plaçant surtout au point de vue des intérêts français. Mais cette ques- tion comporte une application qui n'est certes pas restreinte à la limite de nos frontières : elle se pose dans tous les pays et par conséquent, elle est de celles qui peuvent faire l'objet d'une résolution de principe de la part du Congrès forestier international, résolution qui sera de nature à être invoqué toutes les fois qu'il s'agira de créer ou de modifier, dans un État quelconque, une législation des forêts de protection. C'est dans ce but que nous avons l'honneur de proposer au Congrès un projet de vœu Hbellé comme il suit : « Le Congrès, Considérant que la conservation des forêts existant dans les régions élevées et dans les dunes nécessite des mesures exceptionnelles^ et (jne la législation répressive du défrichement ne suffit pas pour assurer le maintien de ces forêts, Est d'avis qu'une législation spéciale des forêts de protection est seule capable de prévenir les dangers qui résultent de leur disparition, législation préventive qui doit tenir compte de la situation économique et de Vorganisa- lion administrative des divers pays, étant entendu toutefois que les servi- tudes qui en résultent pour les propriétaires forestiers doivent être compensées par des avantages équivalents, tels que subventions et exemptions d'impôt. Proposition de loi ayant pour but de mettre fin au déboisement du sol ]er appendice. de la France, présentée par M. Fernand David, député (Chambre des députés, session de 1907, n^ 843. Annexe au procès-verbal de la séance du 15 mars 1907). Nous transcrivons seulement les parties de cette proposition qui con- cernent les forêts de protection. « Art. 3. — Les forêts de la France sont classées en forêts protec- trices et en forêts ordinaires. « Art. 6. — Sont déclarées protectrices toutes les forêts situées en (1) Tel serait, notamment, l'inconvénient d'une très intéressante proposition de Lm sur la protection des forêts, préparée par le groupe forestier de la Chambre des députés, et qui doit être incessamment présentée à cette Chambre ; elle contient, outre la matière des forêts de protection d'autres dispositions se référant à des préoccupations plus ou moins différentes. Voir, au 2« appendice ci-dessous, le texte de cette proposition, avec les observations qu'elle nous suggère, relativement aux forêts de protection. — 217 — COKGRES FORESTIER montagne à une altitude supérieure à 800 mètres, ainsi que les parcelles boisées qui les continuent sans interruption dans la zone inférieure, « Art. 7. — Pourront également être déclarées protectrices par décret, soit d'office, soit sur la demande des intéressés, toutes les forêts situées dans la zone inférieure à 800 mètres et dont la conservation sera reconnue nécessaire : 1° au maintien du sol sur les pentes ; 2^ à la défense du sol contre les érosions et les envahissements des fleuves, rivières ou torrents ; 3° à l'existence des sources et cours d'eau ; 4° à la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et l'envahissement des sables ; 5" à la défense du territoire dans la partie de la zone fron- tière qui sera déterminée par un règlement d'administration publique ; 6° à la salubrité publique ; 7° au maintien des conditions économiques existantes, relatives aux besoins des populations bûcheronnes et indus- trielles qui vivent de l'exploitation régulière de la forêt, « Art, 8. — Dans les forêts protectrices de montagnes, est considérée comme défrichement et par suite interdite la coupe à blanc estoc ou coupe rase, même partielle, sauf pour les bois-taillis. Dans toutes celles de ces mêmes forêts qui ne sont point soumises au régime forestier, la coupe ou l'enlèvement des arbres de moins de quatre décimètres de tour est interdite. Toutefois, les opérations culturales portant sur les arbres de cette catégorie pourront avoir lieu avec l'autorisation et sous le contrôle des agents forestiers, « Art. 9, — Dans les forêts protectrices de plaines, le décret décla- ratif détermine, pour chaque cas particulier, les coupes et opérations abusives qui seront interdites comme étant de nature à détruire, sus- pendre, affaiblir ou compromettre le rôle protecteur ou bienfaisant de la forêt, « Art. 10. — Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera punie, selon les cas, des peines portées au titre XII du Code forestier ou de celles indiquées par l'article 221 du même Code. Les infractions à la présente loi seront constatées et poursuivies par les préposés et agents forestiers, conformément aux dispositions du titre XI du Code forestier. « Art. 11. — Les communes, collectivités ou particuliers, proprié- taires des fonds situés au-dessous des forêts protectrices, ou qui vivent de leur exploitation régulière, pourront, en outre, exercer toutes les actions ou réparations des dommages résultant de coupes ilhcites ou de leurs conséquences. Ces actions se prescrivent par un délai de vingt ans.» A cette proposition de M, F. David, nous serions d'avis de substituer les dispositions suivantes : « Article premier. — Peuvent être classées comme forêts de pro- tection les forêts dont le maintien est reconnu nécessaire : 1° au main- tien des terres sur les montagnes ou sur les pentes, et à la protection contre les avalanches ; 2» à la défense du sol contre les érosions de la mer ou des cours d'eau et à l'envahissement des sables. « Art. 2. — Des décrets après enquête, rendus sur la proposition du Ministre de l'Agriculture, déterminent les forêts qui sont classées comme forêts de protection. Les formes de l'enquête sont fixées dans un règle- ment d'administration publique. « Art. 3. — Les forêts de protection appartenant à des particuliers sont soumises à un régime forestier spécial. Elles sont surveillées par — 218 — INTERNATIONAL 1913 les agents et préposés de l'État. Aucune coupe ou enlèvement de bois ne peut y être pratiqué, aucune fouille ou extraction de matériaux ne peut y être effectuée sans l'autorisation expresse de l'Administratipn des Eaux et Forêts. L'introduction de toute espèce de bétail y est entièrement prohibée, quel que soit l'âge des peuplements, sauf pareillement un règlement imposé par la même Administration. Toutes les contraventions à ces règles de jouissance commises par le propriétaire sont considérées comme des délits forestiers commis dans la forêt d'autrui ; ils seront poursuivis par les agents de l'Administration des Eaux et Forêts et punis en conséquence. « Art. 4. — Les forêts de protection appartenant à des communes, sections de commune ou établissements publics, sont toujours soumises au régime forestier communal, sans que l'exception fondée sur l'impossi- bilité d'£ftnénagement ou d'exploitation régulière puisse, dans aucun cas, être opposée à cette soumission. « Art. 5. — Les forêts de protection, quel qu'en soit le propriétaire, sont exemptes de tout impôt foncier et de tous centimes additionnels, départementaux ou communaux. Il est pourvu gratuitement, par les préposés de l'État, à la surveillance des dites forêts. Des travaux de reconstitution ou d'amélioration desdites forêts actuellement ruinées pourront être exécutés, sur la demande des propriétaires, par les agents forestiers de l'État, et, dans ce cas, il sera accordé par l'Administration, pour l'exécution desdits travaux, des subventions équivalentes au moins à la moitié de la dépense totale. «Art. 6. — Tout propriétaire de forêts de protection peut réclamer l'expropriation de ces forêts par l'État. Il est alors procédé à cette expropriation dans les conditions de la Loi du 3 mai 1841 ». Le groupe forestier de la Chambre des députés, que préside M. Chalamel, 2'= Appendice, a dû déposer, au commencement du mois de mai 1913, une proposition de Loi sur la protection des forêts, dont le texte suit : « Article premier. — Peuvent être classées comme forêts d'utilité publique les forêts, bois, prés-bois et pâturages boisés, quels qu'en soient les propriétaires, dont la conservation est reconnue nécessaire : 1° au maintien des terres sur les montagnes ou sur les pentes ; 2° à la défense du sol contre les érosions et les envahissements des fleuves, rivières ou torrents ; 3» à l'existence ou à la salubrité des sources et des cours d'eau ; 4° à la protection contre les écarts considérables dans le régime des eaux ; 5° à la protection contre les avalanches et les chutes de glace ; 6° à la protection des dunes et des côtes contre les érosions de la mer et l'envahissement des sables ; 7° à la défense du territoire ; 8° à la salubrité publique ; 9*^ à la protection contre les influences climatologiques nui- sibles. « Art. 2. — Le classement doit s'opérer de façon à embrasser des zones dites de protection ayant, autant que possible, des limites naturelles et à l'intérieur desquelles les forêts, bois, prés-bois, seront considérés comme forêts d'utilité publique. Le périmètre de chaque zone est fixé après enquête par une loi spéciale. Les formes de l'enquête seront déterminéee dans un règlement d'administration publique. «Art. 3. — Les dispositions exceptionnelles de l'article 224 du Code forestier ne sont pas applicables aux forêts d'utilité publique. — 219 — CO^■GRES FORESTIER « Art. 4. — Les forêts d'utilité publique appartenant à des communes, sections de commune ou établissements publics sont toujours soumises au régime forestier, sans que l'exception fondée sur l'impossibilité d'amé- nagement ou d'exploitation régulière puisse, dans aucun cas, être opposée à cette soumission. « Art. 5. — Aucun particulier ne peut user du droit d'exploiter les bois lui appartenant et situés dans la zone de protection, qu'après avoir fait une demande spéciale à la Conservation des Eaux et Forêts au moins deux mois à l'avance. La demande doit contenir élection de domicile dans la commune de la situation des bois et indiquer la nature et la quo- tité de l'exploitation. Le Conservateur des Eaux et Forêts devra, dans le délai de deux mois, donner l'autorisation d'exploiter, en prescrivant les conditions et précautions jugées nécessaires pour permettre aux forêts, bois, prés-bois et pâturages boisés, de jouer le rôle pour'lequel ils ont été classés d'utilité publique. Passé le délai de deux mois, si le Conservateur des Eaux et Forêts n'avait pas répondu, le propriétaire aurait le droit d'exploiter ses bois dans les conditions indiquées par lui dans la demande. En cas de réclamation du propriétaire des bois, l'affaire sera portée devant le tribunal civil de la situation des lieux, et instruite comme il est dit en matière de droit d'enregistrement, par les Lois du 22 frimaire an VII et du 27 ventôse an IX. Dans le cas où le pro- priétaire subirait ainsi une diminution de revenus, il aurait droit à une indemnité, fixée, si nécessaire, à dire d'experts et suivant des règles à déterminer par un règlement d'administration publique pour chaque zone envisagée. « Art. 6. — Toutes les exploitations effectuées contrairement à l'article précédent seront considérées comme des délits forestiers et punis comme tels. Les infractions seront constatées et poursuivies par l'Administration des Eaux et Forêts. « Art. 7. — Les forêts d'utilité publique appartenant à des particu- liers seront, lorsque ceux-ci le demanderont, et pour une période d'au moins dix années, gérées par l'Administration des Eaux et Forêts dans les formes et à des conditions analogues à celles en vigueur pour les forêts communales ou d'établissements publics. Elles pourront être délimitées et bornées suivant les règles prévues pour les forêts soumises au régime forestier. Elles seront gratifiées, de préférence à tous autres terrains boisés ou à reboiser, situés en dehors des périmètres de restau- ration de la Loi du 4 avril 1882, de subventions de l'État, pour délimita- tions, bornages, repeuplements, clôtures, chemins, réunions parcellaires et suppression d'enclaves et de servitudes. Les forêts d'utilité publique seraient exonérées de tout impôt, taxe ou contribution revenant à l'État, à l'exception toutefois des frais de gestion par l'Administration des Eaux et Forêts, s'il y a lieu. « Art. 8. — Les forêts de protection non classées d'utilité publique demeureront soumises aux dispositions du titre XV du Code forestier contre le défrichement. « Art. 9. — L'article 221 du Code forestier est complété comme suit : L'exercice du parcours après exploitation, recépage ou incendie, qui aurait pour conséquence d'entraîner la destruction de tout ou partie de la forêt dans lequel il sera pratiqué, sera, après avertissement préa- lable notifié au propriétaire de ladite forêt, assimilé à un défrichement et puni comme tel. — 220 — INTERNATIONAL 191o «Art. 10. — La présente loi est applicable à la France, à l'Algérie et aux Colonies. » Observations. — ■ On voit que cette proposition contient des dispositions très diverses et que ses auteurs ont cherché à réunir dans un texte unique tous les projets de lois forestières éclos dans le cours des dernières années. D'une part, en effet, il y est question des forêts de protection (appelées ici forêts d'utilité publique); d'autre part, de la réglementation de jouissance des particuliers, de la soumission facultative au régime forestier, du défrichement indirect, etc. Pour nous borner à ce qui concerne les -forêts de protection, nous constatons que cette proposition, non seulement s'inspire, avec certaines différences toutefois, de celle de M. F. David, mais qu'elle se montre encore plus large, s'il est possible dans l'énumération des conditions qui peuvent motiver le classement. Nous lui adressons donc les mêmes objections que nous avons précédemment formulées. Mais d'autre part, les avantages promis ou offerts aux propriétaires dans l'article 7 sont conformes au principe que nous avons énoncé, savoir que toute restric- tion de jouissance doit avoir pour compensation des indemnités accor- dées au propriétaire de la forêt grevée pour des motifs d'utilité publique. Nous aurons encore, à d'autres égards, à apprécier cette proposition de loi dans le rapport que nous devons présenter, en collaboration avec M.T{ov\\QdM,?>MTl Intervention de V État dans la gestion des bois particuliers. {Applaudissements) . M. LE Président. — Vos applaudissements sont la juste récompense de l'intéressant rapport de M. le Directeur Guyot, en qui nous saluons tous le maître incontesté du droit forestier. M. Descombes. ■ — Les forêts de protection sont indispensables, et il faut que leur existence puisse être protégée de la destruction par les troupeaux. La question pastorale est malheureusement la contre- partie de la question forestière. Sans empiéter sur les travaux de la section qui s'occupe des travaux en montagne, on peut dire que la conservation de la forêt est pratiquement impossible partout où le bétail manque d'herbages. M. Marchal. — Hélas ! que de pays le savent ! M. Descombes. — C'est donc à l'amélioration pastorale qu'on doit demander la conservation de ces forêts nécessaires d'ailleurs à cette industrie pastorale, qui l'ignore. Cependant, dans les régions où opère V Association centrale pour V aménagement des montagnes et où elle a constitué des pâturages communaux, les nouveaux reboise- ments ont déjà suscité des sources. De là, Messieurs, la nécessité deseconder les institutions désintéressées qui transforment les montagnards en amis des arbres. Il faut que la forêt devienne l'auxiliaire du montagnard, dont elle ressuscitera les sources ; elle augmentera la fertilité de ses pâturages. On a quelquefois médit des sociétés désintéressées. Pourtant, nous avons l'exemple — 221 — CONGRES FORESTIER du Danemark, où V Association désintéressée de la reforestation des Landes du Danemark a reboisé plus de 40.000 hectares, a augmenté la pluviosité, et est arrivé à ce résultat que les cantons qu'elle a reboisés sont maintenant les plus fertiles et ceux où le rendement de l'impôt augmente le plus rapidement. L'État est toujours disposé à diminuer ses dépenses. Mais quelques millions employés en reboisements se traduiraient par des dizaines et des centaines de millions de plus values d'impôts, L'État danois a donné un exemple remarquable. La société de reboisement dont je parle a touché en 1868, l'année de sa fondation, une subvention de 1.400 francs ! Mais, l'État doublant l'apport des initiatives, la subven- tion atteint maintenant 690.000 francs. Grâce à cet appui de l'État, cette société désintéressée, à quatre couronnes par an de cotisation, a produit une révolution bienfaisante et un enrichissement du pays. C'est un exemple à suivre. M. LE Président. — Les observations qui ont plus spécialement trait aux améliorations pastorales sont plutôt du ressort de la cjuatrième section. Ce qui est à retenir des intéressantes observations de M. Descombes, notamment au sujet du Danemark, concorde avec les conclusions de M. Guyot. Il s'agit de faire un pas de plus dans la voie de la protec- tion des forêts par l'État. Les conclusions de M. Guyot, très modérées, ont cet avantage, qu'il a signalé lui-même, de ne pas toucher à la liberté du Parlement. Les lignes générales de M. Guyot permettront au législateur de se mou- voir facilement. Le projet du groupe forestier, que préside M. Challamel, présente un avantage sur celui de M. Fernand David ; il se rapproche plus des conclusions de M. Guyot. Sans doute, on peut faire intervenir dans la question des forêts de protection des préoccupations économiques, mais c'est un détail, ce n'est plus l'idée-mère. Je constate que vous êtes d'accord sur le principe : pour délimiter les forêts de protection, il faut s'en tenir à ce que je pourrais appeler les préoccupations de sécurité générale. La formule de M. Guyot et celle du groupe ne sont point inconciliables. Une Voix. — Au contraire ! i Un Congressiste. — Pour les forêts de plaine, que fera-t-on? M. LE Président. — C'est une autre question. Elle sera discutée surtout demain. Demain matin, nous aurons à discuter une grosse question ; ce soir, ce n'est qu'une escarmouche. Le même Congressiste. — En plaine, on ruine des forêts également. — 222 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — La question est tout à fait différente. M. Imbart de la Tour. — Je tiens à faire une réserve de principe. Je suis d'accord avec M. Guyot sur la question des terrains en montagne. Pourtant je voudrais faire remarquer que si le considérant parle des terrains en montagne, le texte même du vœu n'y fait pas allusion. Il serait nécessaire de faire une distinction au point de vue de la question d'expropriation. Nous sommes d'accord en appliquant la restriction nécessitée par les terrains spéciaux, mais comme notre intention est marquée simplement dans le considérant et non pas dans le dispositif, il serait bon de faire une petite restriction pour maintenir les droits des propriétaires à l'égard de l'expropriation. Nous pouvons faire des réserves pour cette question d'expropriation tout en donnant satisfaction aux justes réclamations de M. Guyot pour la question des terrains en montagne, mais nous devons rejeter à présent l'expro- priation d'une façon générale, si elle est imposée arbitrairement aux propriétaires forestiers, déjà si éprouvés. M. le Président. — Cette observation se rapporte au deuxième vœu de M. Hufîel. Il ressort déjà des observations de M. Guyot que ce vœu devrait disparaître devant celui de M. Guyot, car on peut lui reprocher de soulever cette question de l'expropriation avec une trop grande précision. N'oublions pas qu'aujourd'hui l'État est déjà armé du droit d'expro- priation de la Loi de 1882. Il y a un projet de M. Fernand David, qui élargit, d'une façon assez limitée, ce droit d'expropriation, mais toujours pour les terrains de montagne. Les droits de 1 Etat, en matière de protection, sont déjà très étendus. Ce qu'il y a de grave dans le vœu de M. Hufîel, c'est de fixer, d'avance, et d'une façon exorbitante, la base de l'indemnité. Je vois bien la pensée à laquelle a obéi M. Hufîel en fixant son chifîre. Il s'est souvenu de cet arrêt du jury d'expropriation des Pyrénées-Orientales qui voulait faire .payer 4.000 francs l'hectare des terrains qui en valaient deux ou trois cents. Heureusement qu'on a trouvé à cet arrêt un vice de forme, ce qui a permis à l'Administration de le faire casser par la Cour de cassation et de renvoyer la cause devant le jury de l'Ariège, qui a accordé 300 francs pour l'hectare. De tels faits sont de nature à effrayer les fonctionnaires des forêts, et c'est cela qui a inspiré notre collègue dans la rédaction de son vœu. Mais il serait dangereux d'entrer aussi gravement dans la voie des dérogations. Les précédents, d'ailleurs, sont bien moins graves. M. Guyot pourrait vous dire, qu'en ce qui concerne l'occupation du sol par les exploitants de mines, les bases d'indemnité sont fixées par la loi, mais, si ma mémoire est fidèle, il ne s'agit que du double du revenu. M. Derove. — Ce sont des cas tout particuliers. — 223 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — Oui, et même dans ces cas, on a cru devoir donner aux propriétaires un gros avantage, au moins en apparence. Le vœu de M. Hufïel me paraît dangereux. M. DE NicoLAY. — En outre, les dispositions vont à rencontre du but proposé. Lorsqu'un propriétaire aura exploité à fond sa forêt et vendra à l'Etat une propriété dépréciée, si la base du prix est fixée sur l'exploi- tation moyenne des dix dernières années, l'État achètera très cher. Dans le cas contraire, il achètera à un prix dérisoire. ,M. le Président. — Ces observations sont dune justesse évidente. M. Chalamel. — Vous avez bien voulu rappeler. Monsieur Guyot, que j'avais déposé une proposition de loi sur la matière. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si notre proposition, qui a été signée par un grand nombre de nos collègues, est plus restrictive que celle de AL Guyot, c'a été par tactique parlementaire. >L Guyot. — Je remercie M. Chalamel des bons sentiments quil a exprimés à un camarade de la cause forestière. Toutes les transactions restent possibles. Ce que je voudrais faire trancher par cette assemblée, c'est la question de principe. Ce prin- cipe, est que la forêt de^ protection ne doit pas être indéfiniment extensible, et qu'on ne doit pas pouvoir employer des motifs quel- conques pour classer comme forêt de protection un massif déterminé. J'ai cité en appendice les raisons par lesquelles M. Fernand David prétend pouvoir justifier le classement. Elles me paraissent beaucoup trop étendues. Je n'ai rien à dire en ce qui concerne le maintien du sol sur les pentes ou la défense du sol contre les érosions. Mais il n'en est pas de même pour l'existence des sources et cours d'eau. Est-ce que toutes les forêts, qu'elles soient de plaine ou de montagne, ne sont pas utiles aux cours d'eau? Une telle disposition permettrait d'étendre indéfiniment, sur tout le territoire, le principe des forêts de protection. Ce serait excessif {Applaudissements). La salubrité générale ! Est-ce que toutes les forêts ne sont pas nécessaires à la salubrité générale? Le maintien des conditions éco- nomiques existantes ! Mais vous ne pouvez toucher au moindre boqueteau sans modifier dans une certaine mesure les conditions économiques du village voisin. La protection contre les influences climatologiques nuisibles ! Oui, sans doute, la forêt peut jouer ici un rôle utile, mais cela ne vise pas seulement la forêt de montagne. Je n'insiste pas, parce que je vois que nous sommes tous d'accord, M. Chalamel. — Il faut limiter le plus possible les forêts de protection, et les borner à quelques grands massifs qu'il importe vraiment de conserver. Malheureusement nous devons tenir compte de l'opinion d'un très grand nombre de nos collègues, qui pourraient se rallier à la mentalité — 224 — INTERNATIONAL 1913 qui a inspiré la proposition de M. Dumont et qui nous échapperaient. Nous espérons cependant les amener progressivement aux idées que vous exprimez si justement. M. DE NicoLAY. — Les explications de M. Chalamel sont tout à fait intéressantes. Elles montrent les difficultés qu'on rencontre à soutenir notre thèse. C'est une raison de plus pour émettre des vœux formels qui soient l'expression du désir que nous avons de ne voir appliquer des restrictions au droit de propriété que dans des conditions déter- minées. Si les exigences parlementaires amènent à étendre la zone protégée, nous pouvons espérer que nos intérêts seront défendus avec succès. Dans tous les cas, nous devons rester strictement attachés au texte proposé par M. Guyot et demander que la zone de protection s'arrête aux terrains de montagne et aux dunes. M. LE Président. - — D'accord avec M. de Nicolay, j'estime que le Congrès doit manifester nettement ses tendances. Mais il ne faudrait pas en arriver à discuter des modalités de détail, comme la question de savoir si le propriétaire, quand la servitude lui sera trop lourde, aura le droit de demander l'expropriation. Ce qui me parait surtout important, c'est d'indiquer que la servitude devra apporter avec elle des compensations. M. Delahaye. — Si l'Etat doit donner au propriétaire des compensations équivalentes aux restrictions qu'il lui impose, il semble que le pro- priétaire n'aurait jamais à souffrir. D'autre part, il arriverait un moment où les compensations coûteraient peut-être plus cher que l'expropriation, à laquelle l'État serait ainsi amené par la force même des choses. M. LE Président. — Ne perdons pas de vue ce principe que la zone de protection doit être restreinte aux pays de montagnes et aux dunes. Il serait bon de répéter ces mots dans le texte même du vœu. On limiterait ainsi nettement nos demandes et l'on éviterait bien des inconvénients. Quant à discuter les modalités, ce serait entrer dans le détail de questions délicates et de nature à soulever des contestations. Le rejet du vœu de M. Huffel, que je mettrai tout à l'heure aux voix, sera la manifestation très nette des intentions de la section de ne pas admettre l'extension du droit d'expropriation. M. Deroye. — Quand on parle de droits, on oublie en général de parler de devoirs. Nous discutons pour le moment les droits qu'auraient les propriétaires forestiers aux récompenses et aux avantages, mais nous ne savons pas du tout quels seront leurs devoirs, quel sera le texte instituant les forêts de protection, à quelles obligations il soumettra les propriétaires. Il conviendrait donc de rester dans les termes géné- raux du vœu de M. Guyot. — 225 — CONGRES FORESTIER M, de NicoLAY. . — Parfaitement. Mais pourquoi n" ajouterions-nous pas, après les subventions et exemptions d'impôts. « et même expropria- tion sur la demande des propriétaires -»? {Très bien ! Très bien !) M. LE Président. — M. de Nicolay nous donne là peut-être le germe d'une solution. Quant à l'observation de M. Deroye, elle est très juste : on ne peut définir les droits d'une façon précise, puisque les charges ne sont pas définies. Je vous propose la formule suivante ; « Tels que subventions et exemptions d'impôts et, au besoin, faculté pour les propriétaires de requérir l'expropriation » [Très bien ! Très bien ! Applaudissements). Ces mots conservent un caractère indicatif, et laissent toute liberté au Parlement. M. Chalamel. - — C'est parfait. M. le Président. — Alors, Messieurs, pour déblayer le terrain, je vais vous proposer d'une façon ferme de rejeter le second vœu de M. Hufïel. M. Descombes. — De le disjoindre. M. le Président. — Le rejet présente une importance. Il importe que le Congrès se prononce formellement. Le second vœu de M. Hufïel, mis aux voix, est rejeté. Un Congressiste. — Dans le vœu de M. Guyot, après les mots a Est d'avis qu'une légistation spéciale des forêts de protection », ne pourrait-on ajouter : « dans les régions ci-dessus définies ». Un autre Congressiste. — Pourquoi ne pas ajouter la phrase elle- même : « dans les régions élevées et clans les dunes »? Ainsi il n'y aurait aucun inconvénient à ce que le vœu fût détaché de son considérant, ce qui arrive quelquefois. M. LE Président. — Les esprits les moins curieux auraient tendance à rechercher trois lignes plus haut ce que signifient ces mots : « ci-dessus définies », mais, comme le fait remarquer M. le Rapporteur : expleta non nocent. M. Vidal. — Tout cela est très bien, mais nous sommes bien loin du milieu de la France. Je voudrais qu'on indique d'un mot qu'on tient à généraliser la question dans toutes les parties de la France. M. LE Président. — H 'y a des montagnes et des régions élevées dans toutes les régions de France. M. Chalamel. — Le Parlement généralisera. — 226 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Notre texte s'applique à toute la France. M. Chalamel. — Nous demandons une loi particulière pour chaque cas. Si nous restreignons le nombre des cas, nous arriverons à empêcher une extension excessive. M. Arnould. — Il serait plus logique d'écrire « exemptions cV impôts et subventions » au lieu de ^i. subventions et exemptions d'impôts ». M. LE Président. — Votre observation est très juste. M. GuYOT. — ■ Je ne m'oppose pas à cette modification {Très bien ! Très bien I) M. le Président. — Des|différentes modifications proposées, il résulte que le texte serait ainsi amendé : « Est d'avis qu'une législation spéciale des forêts de protection, dans les régions élevées et dans les dunes, est seule capable de prévenir les dangers qui résultant de leur disparition, législation préventive qui doit tenir compte de la situation économique et de l'organisation admi- nistrative des divers pays, étant entendu toutefois que les servitudes qui en résultent pour les propriétaires forestiers doivent être compen- sées par des avantages équivalents, tels que exemptions d impôts, subven- tions et, au besoin, faculté pour les propriétaires intéressés de requérir V expropriation ». Je mets aux voix le vœu ainsi modifié. Le vœu est adopté à l'unanimité. La séance est levée à 3 h. 35. 227 CONGRES FORESTIER SEANCE DU 17 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 25. M. LE Président. — Avant d'aborder Tordre du jour, je tiens à bien inviter nos collègues étrangers à prendre payt à nos discussions. Ils ne s'étonneront pas que, dans un Congrès de législation où la majorité des membres sont des Français, où l'on traite des questions d'un intérêt palpitant pour la France, on se place surtout au point de vue français. En matière législative, cela se comprend puisqu'il s'agit de questions concrètes, susceptibles d'applications pratiques, et il n'est pas douteux que le point de vue forcément national domine. Mais, indépendamment de l'intérêt que MM. les délégués étrangers pourront trouver, au point de vue de la législation comparée, à nos délibérations, nous aussi, nous pouvons avoir grand intérêt à entendre leurs observations. Nous serons, par conséquent, très heureux si, dans les discussions qui pourront avoir lieu, nos collègues étrangers veulent bien nous prêter le concours de leur compétence et des notions spéciales qu'ils peuvent tirer de leur législation nationale. Ceci dit, j'arrive à l'ordre du jour, qui appelle la discussion du rapport de MM. Guyot et Roulleau. Je donne la parole à M. Roulleau pour la lecture du rapport sur I'Intervention dé l'État dans la gestion des bois particuliers. — Législations diverses réglant cette intervention.. M. Roulleau. • — -L'État doit-il intervenir dans la gestion des bois de particuliers? Pour quels motifs, dans quelle mesure et à quelles con- ditions ? Telles sont les questions fort graves et d'une press'ante actualité que nous nous proposons de traiter dans le présent rapport. Nous devons faire à cet égard une distinction fondamentale entre la conservation et la gestion des forêts privées. Il est généralement admis que la conservation des forêts importe à l'intérêt public, et qu'il appartient à l'État de veiller à ce que « l'aire forestière ne soit point diminuée ». Tel est le but de la législation du défrichement, dont nous n'entendons pas nous inquiéter ici. On admet également que, dans des cas exceptionnels, — 228 — INTERNATIONAL 1913 lorsqu'il s'agit do prévenir ou de combattre un danger qui menace grave- ment certains points du territoire, l'intervention de l'État peut se mani- fester par des mesures de préservation et de régénération, qui sont l'objet de la législation des terrains en montagne et des dunes ; ce sujet se relie à celui des forêts de protection, dont il a été traité dans un autre rapport, et sur lequel nous ne reviendrons pas, pour le moment du moins. Nous entendons parler ici des forêts privées auxquelles ne s'applique point la législation spéciale des terrains en montagne et des dunes. Elles constituent de beaucoup la plus forte partie des six millions et demi d'hectares boisés qui appartiennent en France aux particuliers. Sauf le défrichement qui leur est défendu, ces propriétaires seront-ils libres d'administrer comme ils l'entendent, ou bien devrons-nous admettre que leur gestion pourra être contrôlée, que l'Etat pourra intervenir, en leur imposant une sorte de tutelle, à laquelle ils seront nécessairement assujettis ? Cette tutelle serait à coup sûr une mesure bien extraordinaire, difficile à concilier avec la notion moderne de la propriété privée. Elle nous ramè- nerait au droit féodal et monarchique, alors que le seigneur ou le souve- rain, se considérant comme un père de famille chargé de veiller sur la fortune de ses sujets présumés incapables, s'arrogeait le droit de régle- menter, de tracer des règles de conduite, pour redresser leurs erreurs de gestion et empêcher la dilapidation de leur patrimoine. Mais ce droit ancien n'existe plus ; depuis longtemps il est aboli, et les citoyens fran- çais sont déclarés maîtres de leur personne et de leurs biens. La théorie de « l'abus du droit » que l'on invoque parfois pour justifier l'extension des pouvoirs de l'Etat, est incompatible avec la notion moderne de la propriété ; et pour trouver des exemples de son application aux forêts, il faut aller chercher dans la législation des peuples dont la constitution politique et sociale est très différente de la nôtre. Cette théorie nous con- duit en effet à admettre la Forsthoheit des anciennes législations alle- mandes, dont on trouve encore des traces en Wurtemberg par exemple, ou ertcore en Hongrie et dans certains cantons suisses, mais qui, même dans ces pays, tend à être abandonnée en faveur d'un système plus libé- ral et plus conforme aux idées modernes. De ce que, dans les siècles loin- tains, la forêt appartenait à tout le monde, et que l'État pouvait alors y réglementer souverainement la jouissance commune, on ne saurait conclure qu'il doit en être de même aujourd'hui, dans des pays où la propriété forestière, depuis très longtemps assise, doit jouir des mêmes garanties que toutes les autres propriétés privées. Sans doute, pour justifier l'intervention de l'État dans la gestion des particuliers, on invoque l'utilité publique des forêts et l'intérêt pour la nation de veiller à ce que les détenteurs de forêts leur appliquent un judicieux traitement. Mais ce motif est insuffisant. S'il était admis pour la forêt, pourquoi ne pas l'étendre aux autres natures d'immeubles ? Il importe également à l'intérêt public que les terres arables produisent le plus de céréales possible, que les vignes donnent du vin de la meilleure qualité, que les bestiaux élevés dans les pâturages soient des races les meilleures pour la précocité et la fécondité. Ira-t-on cependant jusqu'à souffrir que les agents de l'État viennent imposer l'emploi de certaines semences et de certains engrais, obliger à planter certains cépages, défendent d'élever certaines races ou exigent de nourrir à l'hectare un certain nombre de têtes de bétail ? Nos agriculteurs ne manqueraient — 229 — COKGRES FORESTIER pas de répondre qu'ils savent ce que leur commandent leurs intérêts, et que l'État n'a point à se mêler de leurs affaires. Pourquoi alors ce qui parait, à juste titre, exorbitant pour les pro- priétaires agricoles serait-il admissible pour les propriétaires de forêts privées ? On objectera la nature spéciale de la propriété forestière. Sans doute c'est un argument qui est à bon droit employé pour expliquer la soumission au régime forestier des forêts communales; là, il est vrai tandis que pour les autres parties du domaine de la commune, le Conseil municipal administre sous le simple contrôle du Préfet, pour la forêt communale, la commune est en tutelle et la gestion est confiée à une Admi- nistration de l'État. Cette anomalie s'explique parce qu'il s'agit d'une jouissance de tous les habitants, auxquels le frein de l'intérêt personnel fait défaut, et qui conduit, plus facilement pour la forêt que pour d'autres biens, à des ruines irréparables ; il importe que la génération actuelle ne puisse pas, au préjudice des générations futures, dissiper une richesse qui ne se reforme que très lentement. Mais il n'en est plus ainsi pour la propriété privée; là, le propriétaire qui serait tenté d'abuser, subirait directement les conséquences de sa mauvaise gestion ; son inté- rêt personnel le force à être bon administrateur. C'est ce qu'on remarque dans les pays de montagne, par exemple, si l'on compare le pâturage communal, ruiné par la jouissance commune, et les pâturages privés. L'argument tiré de la nature spéciale de la forêt n'a donc rien à faire ici. De ce que la prospérité de la forêt privée importe à l'intérêt public, nous ne devons donc pas déduire que l'État a le droit d'intervenir dans sa gestion. Une telle intervention ne serait autre chose que l'application d'une théorie socialiste conduisant à la nationalisation de la propriété forestière ; et une fois cette nationalisation admise, nous ne voyons pas pourquoi elle ne serait pas étendue à toutes les autres parties du sol national. Est-ce le résultat que l'on voudrait obtenir ? L'exemple des législations étrangères serait un mauvais argument pour entraîner leur imitation dans un pays tel que la France. Sans doute, dans les pays allemands, en Autriche-Hongrie, et enfin en Suisse, la légis- lation autorise une intervention, qui peut s'étendre fort loin, de l'État dans la gestion des bois particuliers (1). Mais l'application de telles mesures est généralement laissée à des autorités locales, mieux placées que l'État pour concilier avec l'intérêt public les habitudes et les besoins des propriétaires. Ensuite, ce n'est pas tout que d'édicter des lois ; il faut voir comment elles sont acceptées et quel effet produit leur applica- tion ; or, à cet égard nous croyons bien que ces textes coercitifs ne sont guère mis en pratique et que leurs résultats sont assez médiocres. Ce n'est pas la peine alors de violer les principes de notre législation française pour essayer d'acclimater chez nous des mesures que supportent diffi- cilement les nations voisines, mieux façonnées que nous cependant pour admettre la réglementation et l'ingérence de l'État. En résumé, nous croyons pouvoir conclure qu'en France, l'État doit se borner à gérer les forêts dont il est propriétaire, et celles des personnes morales placées sous sa tutelle ; et s'il veut se rendre maître d'autres forêts (1) Pour l'analyse de ces législations étrangères, voir notamment J. Madelin, Les Restrictions légales au droit de propriété forestière privée (Paris, Rousseau, 1905. Spécia- lement: Chapitre IX, Empire Allemand; Chapitre X, Autriche; Chapitre XI, Hongrie; Chapitre XII, Suisse. — 230 — INTERNATIONAL 1913 pour les traiter comme il l'entend, il n'a qu'à les acquérir par les moyens du droit commun. Jusqu'à une époque très voisine do nous, on ri'avait jamais eu l'idée d'étendre chez les particuliers l'intervention de l'État ; notre Code fores- tier ne contient aucune trace de telles prétentions. Mais nous devons reconnaître que, depuis quelques années, une campagne très vive a été entreprise, surtout dans le monde parlementaire, pour recruter des par- tisans en faveur d'une' ingérence plus complète de l'État dans la gestion des forêts privées. Et, bien que les diverses tentatives imaginées pour limiter les droits des particuliers, n'aient pas abouti jusqu'à ce jour, il est intéressant de considérer sous quelles formes elles se sont produites, d'autant plus que pour certaines d'entre elles, les promoteurs de ces innovations paraissent agir dans les meilleures intentions et sans se douter, peut-être, des conséquences que peuvent avoir les mesures qu'ils proposent sous le prétexte de l'intérêt public. L'entreprise la plus gi'ave et la plus brutale qui ait été formulée contre le droit des propriétaires est celle du projet de Loi du 20 février 1908 « sur les défrichements et exploitations des bois particuliers ». Les auteurs de ce projet étaient parfaitement conscients de l'énormité juridique et économique qu'ils voulaient commettre, en insérant dans un nouvel article 22.3 du Code forestier leur fameux système dit « des cinq possi- bilités ». Il s'agissait de défendre au propriétaire de couper dans sa forêt une quantité de matériel présumée susceptible d'appauvrir le peu- plement, et au cas où cette quantité aurait été dépassée, le propriétaire coupable du nouveau délit de « déforestation » était puni comme s'il avait défriché sans autorisation. C'était mettre tous les propriétaires de France à la discrétion de l'autorité administrative, les priver de l'un des avantages les plus précieux de la propriété forestière, celui de réaliser au moment opportun et le plus avantageux, le matériel mis en épargne par des économies volontaires ; enfin la sanction était exorbitante et hors de proportion avec la nature de l'infraction. Aussi ce projet de loi souleya- t-il,dans tout le monde forestier, les plus violentes récriminations. En vain, pour répondre à l'une des critiques adressées au nouvel article 223, consistant dans la difficulté de s'entendre sur la possibilité de la plupart des forêts, le projet fût-il modifié, et les « cinq possibilités » remplacées par le « dixième du matériel existant », plus facile à vérifier sur place. Cette atténuation ne supprimait pas le vice originel du projet qui, en outre de la question de principe, entraînait une administration de l'Etat à une ingérence absolument différente de ses fonctions habituelles et cori- traire à ses traditions. Au reste, ce projet de 1908 paraît abandonné, et il est peu probable que personne essaie de le faire revivre. Mais tout péril n'est pas écarté ; le danger résultant de l'immixtion de l'État dans la gestion des forêts privées réapparaît, sous une forme moins directe peut-être, tout aussi réelle cependant, que tel ait été ounoti le but des auteurs de deux propositions de loi qui, au premier abord, ne paraissent pas s'appliquer à notre sujet : proposition Fernand David, du 15 mars 1907, sur les forêts de protection, et proposition Chalamel, mai 1913, sur les forêts d'utilité publique. Dans le rapport consacré aux forêts de protection, on a pu voir que l'introduction en France de ces forêts est parfaitement admissible, pourvu que l'application du système soit modérée et restreinte aux cas de dangers imminents, tels que ceux qui se présentent dans les hautes montagnes et les dunes- — 231 — CONGRES FORESTIER Mais les deux propositions de loi précitées vont infiniment plus loin, et, c'est en cela que, d'une manière détournée, elles constituent, pour la propriété forestière privée, une menace presqu'aussi grave que le projet du 20 février 1908. Quels sont, en effet, les motifs pour lesquels, sous prétexte de protection ou d'utilité publique, les forêts privées seraient soumises à l'ingérence administrative, à l'arbitraire de l'État? Ce sont, non seulement tous les motifs qui peuvent être invoqués pour une opposition au défriche- ment, mais d'autres encore, tellement vagues, qu'en se fondant sur les uns ou sur les autres, il serait possible d'y comprendre toutes les forêts françaises. Ainsi, dans le projet Fernand David, article 7, peuvent être déclarées forêts protectrices, par décret, celles dont la conservation est reconnue nécessaire... 3° à l'existence des sources et cours d'eau.-. 6° à la salubrité publique ; 7° au maintien des conditions économiques existantes, relatives aux besoins des populations bûcheronnes et industrielles qui vivent de l'exploitation régulière de la forêt. Pour l'un ou l'autre de ces motifs, il est facile de prétendre qu'une forêt quelconque doit être rangée parmi les forêts protectrices. De même, dans le projet Ghalamel, article l^'", peuvent être classées comme forêts d'utilité publique celles reconnues nécessaires... 3° à l'exis- tence ou à la salubrité des sources et cours d'eau ; 4° à la protection contre les écarts considérables dans le régime des eaux; 8° à la salubrité publique ; 9° à la protection contre les influences climatologiques nuisibles. N'est-il pas évident que pour toutes les forêts existantes, l'une ou l'autre de ces raisons peut être donnée pour justifier le classement d'utilité publique ? Et quels vont être alors les effets de ces classements ? D'après la proposition David, article 9, c'est un régime spécial qui sera imposé à chaque forêt, sous le contrôle des agents forestiers, consis- tant dans la défense de se livrer à toute opération de nature « à détruire, suspendre, affaiblir ou compromettre le rôle protecteur ou bienfaisant de la forêt ». C'est le propriétaire livré, pieds et poings liés, à l'arbitraire administratif. De même, d'après la proposition Chalamel, article 5, défense pour le propriétaire de faire une exploitation quelconque dans sa forêt sans demande préalable et autorisation spéciale. Quelles que soient ensuite les atténuations et les garanties promises, peu importe ; ainsi la proposition Chalamel veut une loi spéciale après enquête ; elle entend que l'utilité publique sera déclarée non pour une forêt déterminée mais pour une zone naturelle, le tout sauf recours devant un tribunal civil, etc. 11 n'en est pas moins vrai que, si l'une ou l'autre de ces propositions était adoptée, tous les propriétaires de France auraient désormais sus- pendue sur leurs têtes cette épée de Damoclès : sous prétexte de protection ou d'utilité publique, l'État pourrait venir leur imposer des règles de jouissance, empêcher toute réalisation de matériel, se substituer à eux pour l'entière gestion de leurs forêts. Vainement nous dira-t-on que l'application de telles lois serait excep- tionnelle. S'il doit en être ainsi, pourquoi leur donner une extension aussi considérable, inquiéter tout le monde, déprécier la propriété forestière à un moment où elle a le plus besoin d'être encouragée? Que le veulent — 232 — INTERNATIONAL 1913 OU non les auteurs de ces propositions, tant qu'elles n'auront pas été étroi- ment limitées à des cas pour lesquels le danger imminent, la nécessité publique, ne peuvent être contestés, elles sont infiniment redoutables pour la propriété forestière privée, et tous les propriétaires doivent s'unir pour s'opposer à leur adoption. Mais si nous croyons devoir ainsi repousser énergiquement toutes les mesures coercitives tendant à une ingérence de l'État dans la gestion des forêts privées, ce n'est pas que nous méconnaissions les services, l'aide et le secours bénévoles que ces forêts sont en droit d'attendre des pouvoirs publics. Ces services sont nombreux et importants, et la propriété fores- tière privée en a un pressant besoin, dans la crise intense qu'elle traverse en ce moment : crise économique surtout, provenant de l'avilissement de certaines marchandises, chauffage, charbons, écorces, qui constituent la production à peu près exclusive des bois particuliers, sans compter les fléaux, tels que des maladies cryptogamiques, qui sont venus aggraver cette crise dans beaucoup de contrées. On dit aux particuliers qu'ils doivent transformer le-urs modes d'exploitation, allonger les révolutions de leurs taillis, faire produire à leurs forêts des bois d'industrie ; mais cette trans- formation sera longue, et avant qu'elle soit opérée les particuliers devront subir une énorme diminution de leurs revenus. C'est dans une situation aussi précaire qu'ils doivent pouvoir tous compter sur le secours de l'État. Vainement prétendra-t-on qu'il ne s'agit en somme que d'une aristocratie de riches particuliers détenteurs de vastes domaines, qui peuvent se donner le luxe d'une propriété onéreuse ; ce serait une grave erreur de croire que les forêts particulières sont réunies partout par grandes masses en un petit nombre de mains ; pour la majeure partie, ces forêts sont très divisées, et le nombre des propriétaires particuliers est infiniment plus considérable qu'on ne le croit généralement (1). A tous ces détenteurs de la forêt privée, quelque minime ou importante que soit leur propriété, l'État doit aide et assistance, suivant le principe de l'égalité. Comment se manifestera cette sollicitude de l'État, en vue de remédier à la crise de la propriété forestière privée ? Les moyens sont nombreux ; nous allons énumérer les principaux. D'abord et surtout, la forêt doit obtenir un allégement des impôts qui l'accablent. Cet allégement des impôts qui absorbent la plus grande partie, parfois même la totalité du revenu, serait la mesure la plus efficace pour encourager les propriétaires, arrêter la dépréciation de la forêt, prévenir la réalisation du matériel, cette « déforestation » que l'on reproche si vivement à ceux que la nécessité seule aie plus souvent conduits à l'exploi- tation prématurée des arbres de futaie. En quoi et sous quelle forme pourront être accordés les dégi^èvements d'impôts on faveur de la propriété forestière, nous n'avons pas à l'indiquer ici ; disons seulement qu'on se contente de réclamer, pour la forêt, l'égalité des charges fiscales, et non un privilège, dans la mesure de la valeur actuelle, si considérablement diminuée, de cette propriété. Après la question fiscale, de beaucoup la plus importante et la plus urgente, d'autres encore appellent la soUicitude des pouvoirs publics. Ainsi, l'intervention facultative des agents et préposés de l'État, venant (1) Ainsi, dans la région de l'Est, il se chiffre en moyenne par 10.000 au moins dans chaque département. Dans le Centre, la moyenne est de 20.000, parfois de 25.000. — 233 — CO>ue des Eaux et Forêts, n° du 15 mars 1913 : « A propos de la loi sur la conservation des forêts privées ». — 234 — INTERNATIONAL 1913 besoins des industries de la région, et qu'ils s'appliquent à obtenir, par la confection des marchandises les mieux appropriées aux situations locales, le rendement pécuniaire le plus élevé. Alors seulement les parti- culiers pourront trouver auprès d'eux tout ce qui est essentiel pour la gestion de leurs forets : la science théorique et le profit immédiat. Nous voudrions aussi que l'Administration consentît à communiquer plus facilement aux propriétaires tous les renseignements statistiques et commerciaux que lui fournissent ses agents, et qui ne sont pas toujours utilisés comme ils pourraient l'être. Il serait nécessaire d'instituer à cet effet, à l'Administration centrale des Eaux et Forêts, un office de rensei- gnements ouvert à tous les intéressés, et auquel pourraient recourir les organes qui se donnent pour mission l'étude et la défense des intérêts forestiers privés : les Syndicats de propriétaires et le Comité des forêts. Mouvement des importations et exportations, résultats des ventes, prix des transports et de la main-d'œuvre, tout ce qui peut instruire les vendeurs, leur permettre d'établir le cours régional des produits de la forêt et de traiter en parfaite connaissance de cause avec les acheteurs, se trouverait ainsi à la disposition des propriétaires et de leurs représen- tants. L'État peut aussi aider puissamment, pendant la période critique que nous traversons, à enrayer la dépréciation des marchandises que le par- ticulier ne peut pas écouler avantageusement : bois de chauffage, char- bons et écorces. Non qu'il suffise pour cela de décréter le relèvement des cours ; mais par beaucoup de moyens indirects, l'Etat peut arriver à ce résultat si désirable pour la propriété privée. Ainsi, il faut réagir contre l'emploi exclusif de la houille et du coke pour le chauffage, au détriment du combustible ligneux, plus agréable et plus sain. Dans ce but, il est urgent d'étudier des procédés permettant le chauffage central par le bois et le charbon de bois, l'emploi du charbon et des agglomérés de charbon de bois dans les appareils à feu continu, son utilisation pour la production de la force motrice. Déjà le Comité des forêts a pu intéresser à cette étude plusieurs de nos constructeurs les plus réputés ; mais qu'en même temps l'Etat n'hésite pas à instituer et à subventionner largement les expériences nécessaires! Il peut encore agir efficacement sur les Compa- gnies de chemins de fer, et tout au moins accorder sur les voies ferrées de son réseau le même tarif de transport pour la calorie de bois que pour la calorie de houille ; hâter aussi l'amélioration des voies navigables les plus aptes au transport de cette marchandise encombrante qu'est la matière ligneuse, et enfin appliquer les lois récentes sur les fraudes, lorsque ces fraudes, comme celles pratiquées sur certains cuirs notamment, nuisent aux débouchés d'un des produits les plus précieux de nos taillis, l'écorce. Au nom de la propriété privée, nous réclamons énergiquement à ce sujet des garanties immédiates et formelles. De plus, il est nécessaire, surtout pendant cette période de transfor- mation actuelle des forêts privées, que l'État mette à la disposition des propriétaires, par le crédit collectif à long terme, ou toute autre combi- naison analogue, et au taux le plus réduit possible, les sommes dont ils ont besoin pour les travaux de conservation et d'amélioration des forêts existantes, et pour la création par le reboisement des forêts nouvelles- Nous voyions tout récemment publié un projet consistant à consentir aux sociétés qui s'occupent de la construction d'habitations à bon marcW des fonds au taux de 2 1/2 %. Pourquoi un bénéfice analogue ne serait-il — 235 — CONGRES FORESTIER pas consenti en faveur de la propriété forestière, dont les besoins actuels sont si considérables ? Pour la réalisation pratique de ce projet, les inter- médiaires sont tout trouvés : le Comité des forêts à Paris, les Syndicats de propriétaires dans les départements, fonctionnant dans les conditions de la Loi de 1884, seraient tout désignés pour recevoir les avances de l'État et les distribuer à leurs adhérents, grands, moyens ou petits pro- priétaires, petits surtout, dans la proportion de leurs besoins. Pour conclure, nous demandons instamment que rien ne soit changé au régime de liberté dont jouit actuellement la forêt privée. Ce n'est pas à ce régime qu'il faut imputer la ruine, trop souvent exagérée d'ailleurs des forêts françaises. On a prétendu que « la liberté forestière, pratiquée de 1791 à 1827, nous coûte un effort qui ne sera pas terminé avant 1950 et qui nous impose une dépense de plus de 200 millions pour rétablir à peu près l'état de choses existant avant la Révolution ». Cette assertion, bien que produite au cours d'une discussion relative aux mesures fiscales et à la gestion des forêts, ne vise que le défrichement, et même au sujet du défrichement, rappelons que l'ancien régime, loin de l'interdire, le conseil- lait parfois et le considérait comme un progrès (1). Ce n'est donc pas le régime de liberté datant de la Révolution qu'il faut incriminer, et a fortiorine doit-on pas davantage attribuer à la liberté dont nous jouissons les « déforestations » dont on se plaint depuis peu de temps, alors que cette liberté date de plus de 120 ans. Ainsi que nous l'avons affirmé, c'est l'impôt, annuel ou successoral, qu'il faut surtout incriminer. Dès lors, nous nous croyons bien fondés à vous prier. Messieurs, d'ap- prouver les idées développées dans ce rapport, en votant les résolutions suivantes : Le Congrès : Considérant que les droits de jouissance et de disposition des propriétaires forestiers sont aussi respectables que ceux des propriétaires de tous autres immeubles; que ces propriétaires doivent avoir la liberté de jouir de leurs forêts comme ils Ventendent^ sans être soumis à une intervention adminis- trative; qu'une telle intervention ne peut se justifier qu'en cas de danger public, et non sous le simple prétexte d'utilité publique; Est d'avis : Que, sous réserve des mesures de conservation qui peuvent être prises contre le défrichement et pour la protection des terrains en montagne et des dunes, les particuliers soient libres d'asseoir dans leurs forêts telles coupes qu'ils jugent convenables, de réaliser quand ils Vestiment opportun le maté- riel sur pied résultant de leurs économies, sans être astreints à aucune déclaration ni autorisation préalable; Mais attendu que, dans la crise économique intense que subit en ce moment la propriété forestière privée, VËtat a le devoir de venir en aide aux parti- culiers détenteurs de forêts, qui sont pour la plupart de petits propriétaires, suivant les principes de Végalité et de la solidarité sociale. (1) A la suite de la Déclaration Royale de 1766, dit M. le Professeur Huffel (Economie jorestière, tome 1", l'* édition, p. 188), un rapport adressé au roi par le ministre des finances évalue à 359.282 arpents la contenance défrichée depuis quatre ans. de 1766 à 1770. — 236 — INTERNATIONAL 1913 Le Congrès est d'avis : Que la sollicitude de VËtat peut se manifester très efficacement^ sans aucune mesure coercitiçe, notamment : par des modérations d^ impôts ; par la faculté donnée aux particuliers d'' utiliser le personnel de l'Adminis- tration des Eaux et Forêts, quHl convient d'orienter en vue des services commerciaux qu^il peut rendre, au moins autant que dans le sens des appli- cations techniques; par des mesures à prendre pour arrêter la dépréciation de certains produits ligneux {bois de chauffage, charbons de bois, écorces) ; par des institutions de crédit facilitant aux particuliers la création ou la reconstitution de leurs forêts. M. LE Président. — La parole est à AL Jauffret. M. Jauffret. — Messieurs, je désirerais présenter quelques observations qui se rapportent à des faits dont je suis actuellement le témoin dans divers départements, notamment dans l'Yonne, dans la Gôte-d'Or, dans la Haute-Marne et dans l'Aube. Il s'agit de la gestion, • — si c'en est vraiment une — de ces proprié- taires qui s'inspirent du traitement subi par la poule aux œufs d'or-. Ils s'acharnt'nt à mettre, si j'ose dire, les entrailles de leurs forêts à nu. Je vous citerai particulièrement trois massifs de l'Aube. Sur plus de 300 hectares aux lianes de coteaux à pentes abruptes, des taillis sous futaie de végétation médiocre, mais jusqu'à présent sagement aménagés, sont en voie de disparition complète. Dans quelques mois, il ne restera rien, pas un arbre, pas même un baliveau. On retourne jusque dans les jeunes coupes pour réaliser les moindres réserves en piétinant le taillis. Chaque jour je constate l'extension de la plaie sur le coteau et je ne puis voir ce spectacle sans m'en indigner. Je viens même d'être saisi officiellement d'une plainte de municipalité qui gémit de voir disparaître en un jour la forêt séculaire, et avec elle son abri, son gagne-pain. La population réclame à grands cris l'inter- vention des Pouvoirs publics ; elle accuse l'Administration forestière d'indifférence, voire même d'incapacité. Cependant, il n'y a pas défrichement et l'Administration est désarmée. J'avoue que j'ai demandé officiellement que le Conseil général émette un vœu pour que le Parlement interdise sans tarder des actes d'une telle -barbarie, dignes des nomades de l'Asie centrale. J'estime qu'aucune excuse ne saurait justifier de tels faits. Il y a là un abus manifeste, un gaspillage évident, qui entraînent l'encom- brement du marché en produits secondaires ; la dépréciation complète du bois de chauffage et de la charbonnette, l'aiïolement de la main- d'œuvre, le tout au plus grand détriment des propriétaires qui exploi- tent en bons pères de famille. Mais il y a plus ; le sol aride du coteau, lorsqu'il va se trouver com- plètement dénudé, perdra toute fertilité. Le moindre orage entraînera tout l'humus à la rivière, la Seine ; bien que la région ne soit pas dans la zone des montagnes, elle subira, toutes proportions gardées, un dommage analogue. La forêt disparue ne renaîtra jamais ; le fonds — 237 — CONGRES FORESTIER va être vendu à vil prix. Quelque homme de paille plus ou moins solvable rachètera ; bientôt les impôts ne pourront même plus être recouvrés {Protestations). Est-il admissible, je vous le demande, Messieurs, de laisser un particulier jeter ainsi et sans motif plausible, par simple spéculation, la désolation dans toute une contrée. On dit que le propriétaire doit être aussi libre de son bois que d'une vigne ou dun champ de céréales. Mais il suffit de quelques années pour qu'une vigne rapporte et un champ de céréales peut s'improviser. On n'improvise pas une forêt et le propriétaire, lorsqu'il ruine un massif, ne songe pas qu'il détruit ce qu'il est incapable de remplacer. Il réalise en un jour, non seulement ses économies antérieures, mais celles de plusieurs générations. Autrefois, personne n'aurait eu l'idée de procéder à des exploitations généralisées sur d'immenses étendues ; les débouchés ne l'auraient pas permis, non plus que les moyens de transport. Actuelllement, on a réussi à mobiliser la forêt ; la tentation devient trop forte, on y succombe ; mais c'est un beau jour sans lendemain. A une époque, le taux de boisement de la France était assez élevé pour permettre les défrichements ; cet heureux temps n'est plus, on l'a constaté et on a cru remédier au mal en interdisant le défrichement. La mesure a d'abord suffi, parce qu'au siècle dernier, on n'avait intérêt à défricher que les terrains fertiles pour les livrer à la culture et non pas, je le répète, pour effectuer des exploitations généralisées. Il n'en va plus ainsi. Défricher?... Pourquoi faire?... Non. Il suffit de réaliser tous les produits de valeur et d'abandonner ensuite la brousse et le caillou. Ce procédé est pire que le défrichement, car il ne met à la place de la forêt que le néant. Puisque la loi se trouve tournée, puisqu'au défrichement démodé succède la déforestation plus funeste encore, il faut parer au nouveau danger ; il faut reprendre la pensée du législateur antérieur, la com- pléter et l'accommoder aux circonstances présentes. Je ne pense pas qu'en une telle occurrence le Congrès puisse conseiller le statu qiio ; êe serait la mort de la forêt en certaines régions. Et vraiment, il y a un intérêt plus sacré que tous les autres, il y a une obligation plus forte que tous les droits. Un bien de première nécessité qu'aucune force humaine n'est capable de reconstituer dans un délai utile ne peut être abandonné au caprice d'un homme. Cependant l'État ne suffirait pas à racheter toutes les forêts et, pût-il le faire, que son intervention serait trop tardive si elle se bornait à l'acquisition de massifs ruinés. Ce serait dans un avenir prochain le désert en France. Mais il n'est pas si difficile de sauvegarder les forêts existantes et je ne crois pas qu'il soit besoin de moyens de coercition bien sévères. Pourquoi ne pas chercher une disposition très simple, très libérale, s'appliquant à la généralité des forêts de France et permettant aux propriétaires de retirer, le cas échéant, de leurs forêts, le maximum des ressources sans entraîner leur destruction? 238 INTERNATIONAL 1913 Serait-il impassible de classer les forêts en grandes catégories sans distinction de régions, mais d'après leur état actuel? La première catégorie comprendrait les taillis simples pour lesquels toute liberté serait laissée aux propriétaires à l'exclusion du défriche- ment. -La deuxième catégorie comprendrait les taillis sous futaie. Les coupes pourraient être toutes réalisées, sauf application d'une dispo- sition inspirée de l'ordonnance réglementaire : réserve d'un nombre minimum de baliveaux à l'hectare, de modernes et d'anciens. Le troisième catégorie comprendrait les futaies feuillues et les peuplements résineux. Leur exploitation serait soumise â l'exécution de travaux de repeuplement devant assurer la reconstitution du massif. Enfin, comme dans la législation sur le défrichement, les massifs de faible étendue et les plantations nouvelles pendant un délai à déter- miner, seraient exonérés de toute surveillance et de toute intervention. La continuité de l'état boisé serait ainsi garantie. Le propriétaire _ resterait libre d'user et de disposer de son bien ; sa jouissance ne serait pas réduite à celle d'un usufruitier. Sa propriété serait simplement grevée dune servitude assez peu gênante {Protestations). L'intérêt général ne peut être sauvegardé qu'au prix de sacrifices particuliers et il a existé de tous temps des servitudes légales contre lesquelles personne ne songe à protester. Ce serait d'ailleurs le cas de demander une modération d'impôts à titre de compensation ; l'occasion est précisément bonne en ce moment où les propriétaires forestiers ont tant besoin d'un dégrèvement ; leurs revendications n'en pourraient être que mieux acceptées. Donnant donnant. Qu'une telle servitude déprécie la propriété foi'estière, cela n'est guère à craindre. Toutes les forêts étant soumises au même régime, il est à prévoir qu'on prendrait vite l'habitude de la disposition nou- velle et que les transactions n'en seraient pas troublées. Au surplus, il existe en ce moment un courant d'opinion en faveur de l'intervention de l'Etat dans la gestion des bois particuliers. Ne serait-il pas imprudent de n'en pas tenir compte? Ne vaudrait-il pas mieux essayer d'endiguer et de diriger le flot que les spéculateurs ont soulevé? Je propose donc de toute la force que je puis, et dans l'intérêt le plus élevé, celui de la conservation de notre sol boisé, de notre richesse nationale, de celle que les' siècles seuls ont pu nous léguer, qu'il suffit d'un jour pour nous arracher, je propose à vos suffrages, le vœu suivant : Le Congrès, « Considérant que la déforestation de la France se poursuit dans bon nombre de bois particuliers^ de manière à compromettre les intérêts vitaux du pays, tant au point de vue économique que sous le rapport de la sécurité et de l'hygiène publics ; — 239 — CONGRES FORESTIER « Considérant d'autre part qiiil est juste de n'apporter^ à l'exercice intégral du droit de propriété que la restriction strictement imposée par V intérêt général ; Émet le vœu : « Que les textes législatifs relatifs à la protection des forêts laissent aux propriétaires particuliers toute liberté d'exploitation sous réserve de l'obligation d'assurer la reproduction des massifs par les mêmes moyens et dans le même temps qu'ils se sont constitués depuis leur dernière réalisation, sous des conditions à déterminer par un Règlement d' administration publique ». En somme, je voudrais assurer la continuité des massifs forestiers et je voudrais que le néant ne succède pas à la forêt, M. MoYAT. — Je voudrais m'élever, moi aussi, de toutes mes forces, contre les paroles que vous venez d'entendre et je dirai tout d'abord que, selon moi, la question a dévié. Il ne s'agit pas de savoir si on a trop coupé, mais de rechercher les moyens d'éviter qu'à l'avenir on ne coupe trop. Or, hier, il en a déjà été parlé et M. Rachet avait présenté un vœu demandant que tous les bois particuliers soient soumis au régime forestier et dirigés par l'Administration, non pas facultativement, mais obhgatoirement. Je m'empresse de dire que ce vœu n'a recueilli que la voix de M. Rachet et celle de son voisin. Cette proposition de soumission de tous les bois au régime forestier est tentante en ce sens que c'est le moyen radical d'empêcher la défo- restation, mais l'ingérence de l'Administration forestière dans les bois des particuliers aurait plus d'inconvénients que d'avantages. Le gros inconvénient, l'inconvénient capital, à mon sens, serait de porter une atteinte extrêmement grave aux principes mêmes de la propriété et à la base même de notre droit français. Sans vouloir remonter au déluge et faire ici un cours de droit romain, je rappellerai que ce droit de propriété se compose du jus utendi, droit d'user de la chose, et du jus abutendi, droit d'en abuser... M. Jauffret. — Droit d'en disposer.... M. MoYAT. — Le jus abutendi est la caractéristique même du droit de propriété, tandis que le jus utendi se retrouve dans le droit de l'usufrui- tier et ailleurs, dans les locations par exemple. Par contre, le jus abutendi est le fondement du droit de propriété et si vous voulez introduire l'ingérence de l'Administration forestière dans les bois particuliers, le propriétaire n'ayant plus le droit d'abuser n'a plus la propriété. A mon avis, le seul moyen d'enrayer le défrichement et le déboise- ment, c'est de donner aux propriétaires un revenu suffisant leur per- mettant de vivre du produit de leurs bois, par exemple une diminution d'impôts. Certes, les propriétaires de bois veulent, comme tout le — 240 — INTERNATIONAL 1913 monde, payer l'impôt," mais dans des' proportions raisonnables. Je suis de ceux-là, je n'ai d'ailleurs pas à me plaindre — je ne le dis qu'à mi-voix — car je ne paie que 50 % des revenus de mes bois, j'en connais qui paient beaucoup plus... {Rires.) M. GuYOT. — Je suis désolé d'avoir à prendre la parole contre la propo- sition de mon excellent camarade et ancien élève M. Jauffret, mais je ne puis le moins du monde accepter ses conclusions. Qu'il le veuille ou non, M. Jauffret adopte les idées de M. Dumont, et ce qu'il vient de nous dire me rappelle une séance mémorable, que nous avons eue à l'Administration forestière, lorsqu'il s'est agi de faire des propositions pour la réforme du Code forestier. Je me rappelle que, m'étant permis de faire observer à M. Dumont que le droit de propriété, tel que nous l'entendons, se compose de deux éléments : le droit de jouir et le droit de disposer, non pas d'abuser, — car c'est à tort qu'on a fait cette traduction par trop littérale du mot abiitendi, qui veut dire disposer, — ^M. Dumont, avec l'éloquence fougueuse qui lui est coutumière, me répondit qu'on ne remontait plus aujourd'hui au droit romain, que les principes de la solidarité sociale avaient aboli tout cela. A la suite de cette séance, on accepta son projet des cinq possibilités. M. Jauffret voudrait nous ramener à quelque chose d'analogue. Voulez-vous, Messieurs, de cette loi des cinq possibilités?... Nombreuses voix. — ■ Non !... Non !... M. GuYOT. — Voulez- vous, un jour ou l'autre, être limités dans vos exploitations?... Voulez-vous que l'Administration forestière — que je respecte et aime beaucoup — soit autorisée à venir chez vous pour limiter vos coupes et vous dire : « Vous ne couperez pas ceci? » C'est à cela que revient la proposition de M. Jauffret. Je comprends parfaitement la nécessité de l'utilité publique et je suis ému, comme notre collègue, de la déforestation lorsqu'elle se produit ; mais, nous l'avons déjà répété, la faute n'en est pas aux pro- priétaires. Donnez-leur un intérêt quelconque à conserver leurs bois en bon état et ils n'iront pas, de gaité de cœur, gâcher leurs immeubles, supprimer la végétation ligneuse et mettre leurs forêts à néant. M. Jauffret nous disait ceci : dans l'intérêt public, la forêt privée de ses arbres ne rendra plus le service qu'on est en droit d'attendre d'elle. Il faut distinguer. Si nous parlons des services économiques, je comprends très bien. La production en bois d'oeuvre se rétablira seulement dans un temps assez éloigné, mais, à tous les autres points de vue, climatologique, ou régime des pluies et des eaux, du moment où le sol est couvert, soit par une végétation riche telle que de gros arbres, ou par une végétation pauvre comme un taillis simple, la situation doit être absolument la même. — 241 — COGRES FORESTIER Par conséquent, si nous nous ins;pirons de ces intérêts généraux très considérables, de Tintérêt public, je ne vois pas que vous puissiez vous en armer pour obliger le propriétaire à conserver sur son sol une superficie forestière plus ou moins riche. Je crois, pour ma part, que ce que nous avons admis dans la précédente séance est un maximum que nous ne pouvons permettre à l'État de dépasser. Abandonner les forêts de protection, les forêts de montagnes, c'est un maximum à concéder, et l'intervention de l'Etat en plaine pour limiter les exploitations forestières me paraîtrait exorbitante {Très bien, très bien I) Je comprends très bien l'idée de M. Jauffret. Je ne demande pas, dit-il, quelque chose d'extraordinaire, mais simplement le maintien du statu giio... M. Jauffret. — Non. Même pas le statu quo. M. GuYOT. — Je disais à M. Dumont : « Je suis père de famille, j'ai accumulé depuis 20 ou 40 ans des réserves sur mon immeuble ; je voudrais en extraire, retirer de cette caisse d'épargne, le capital dont j'ai besoin à un moment donné et vous voudriez m'en empêcher? « Oui, me répondait-il, je vous en empêcherai, vous n'en avez pas le droit... » Eh bien ! Messieurs, je crois avoir ce droit {Applaudissements), et de toutes nos forces, nous devons conserver aux propriétaires forestiers ces deux éléments de la propriété : le droit d'user et le droit de disposer. {Applaudissements). M. de Sébille. — Après avoir lu le remarquable rapport de MM. Guyot et Roulleau, le premier sentiment que j'éprouve est le besoin de les féliciter d'un travail aussi bien conçu, qui soutient les idées d'indépen- dance et de liberté qui nous sont chères. Nous sommes absolument les adversaires de l'interventionnisme et je ne vois pas pourquoi les propriétaires de bois seraient devenus des incapables, des mineurs et auraient besoin de tuteurs. A tout prix, nous désirons conserver la liberté qui nous tient tant à cœur et je félicite ces Messieurs, dans un pays où l'interventionnisme a l'air de prendre des proportions considérables, d'avoir eu le courage de défendre la liberté. {Applaudissements.) M. du Pré de Saint-Maur. — Je tiens à donner ici un petit renseigne- ment que beaucoup d'entre vous connaissent déjà. Il y a quelques années, une propriété de 4.000 hectares environ, située dans le Morvan, a été vendue plusieurs fois de suite ou a changé de propriétaire par voie de succession, mais, chaque fois, avec une diminution considérable de valeur. Il arriva qu'un des propriétaires, qui ne redoutait pas les opérations un peu hasardeuses, voyant que cette forêt ne lui rapportait même — 242 — INTERNATIO^ÎAL 1913 pas 5 francs à l'hectare alors que l'impôt lui en coûtait 5, a vendu toute la superficie. Bien entendu, cette décision un peu radicale a peiné tous les ama- teurs, mais on ne pouvait lui interdire cette vente. A-t-il loué le sol pour le pacage comme on l'a prétendu ? Si oui, je vous le demande, qui pouvait l'empêcher de le faire? En vertu de quelle disposition aurait-on pu le lui interdire? M. LE Président. — En cas de défrichement direct, on peut réclamer. M. DU Pré de Saint-Maur. — Pouvait-on le forcer à avoir 15 gardes ? M. LE Président. — L'État n'entre pas dans ces détails, mais, par le seul fait qu'après exploitation il y avait abus de pâturage, le délit de défrichement indirect pouvait être invoqué d'après la législation en vigueur. Le propriétaire est responsable, non seulement de ce qu'il fait, mais encore de ce qu'il laisse faire. M. du Pré de Saint-Maur. — Faudra-t-il admettre que les propriétaires doivent se soumettre à tous les règlements administratifs sans pouvoir tirer un sou de leurs forêts ? Et vous croyez qu'il pourra encore se vendre un hectare de bois dans ces conditions... que la propriété ne diminuera pas ipso facto de valem\ au point d'être réduite à rien? M. Jauffret. — Dans certains pays, on respecte la forêt. M. LE Président. — Je retiens l'observation qu'en France, le fait de laisser pâturer après l'exploitation est trop souvent impuni. Il y a là une question de défrichement indirect, mais ce n'est pas le moment de la traiter, ni de restreindre la législation du défrichement. C'est, certes, une servitude très lourde, elle est acceptée et personne, je crois .^ ne voudrait y toucher. M. Banchereau. — On peut citer les forêts anéanties, et il y en a dans la région de l'Aube, par exemple, mais on ne met jamais en parallèle les territoires reboisés ; on veut interdire de couper quoi que ce soit tout en engageant à reboiser. Veut-on faire de la France un massif forestier immense? C'est cepen- dant ce à quoi oh arrivera si on veut ainsi reboiser. ' On oublie qu'il a y quelques années, l'Administration forestière a fait une enquête dont les chiffres exacts n'ont pas été publiés, mais qui a démontré qu'il y avait 600.000 hectares environ de surface boisée d« plus qu'il y a 40 ans. On ne peut donc pas parler de déforestation en France, et nous voudrions bien avoir les chiffres exacts de cette statistique dont nous ne connaissons que les conclusions. Pourquoi voudrait-on nous mettre en tutelle et nous donner une — 243 — - CONGRÈS FORESTIER méthode forestière ! Les agents de F Administration emploieraient chez nous la méthode en vigueur dans les forêts domaniales qui, bien entendu, est excellente, mais qui n'est pas la seule bonne. Nous n'aurons plus la possibilité de faire des expériences qui cependant sont utiles, émanant de Tinitiative privée. Les pays étrangers qui ont des forêts aussi bien tenues que les nôtres, emploient d'autres méthodes et ne s'en trouvent quelquefois pas plus mal. N'adoptons pas une méthode unique qui serait la ruine de nos forêts. On nous demande de reconstituer les massifs tels qu'ils étaient auparavant, mais nous savons tous que ce n'est pas toujours possible quand un massif a disparu. Que pouvons-nous faire après un incendie détruisant un vieux massif de chênes? Il faudra, pendant un siècle, un siècle et demi et même plus, y introduire d'autres essences, le pin ou le sapin, par exemple. Ce ne sera donc pas l'ancien massif dans son état primitif. C'est pourquoi, Messieurs, je m'associe à la proposition de M. Roul- leau et je demande la plus grande liberté pour les propriétaires. M. Laroquette, — Je citerai un fait personnel et local qui s'est passé dans le département des Landes. A Solférino existait un domaine impérial de 6.000 hectares, acquis par Napoléon III en 1857 et transformé par lui en une très belle forêt d'exploitation. En 1905, l'ex-impératrice Eugénie l'a vendu à des marchands de bois qui ont abattu 500.000 pins, si bien que de ce magnifique domaine que Napoléon avait conquis à la sylviculture, il ne reste absolument rien depuis 1911. Le département s'est ému, l'affaire a eu son écho au Parlement où on a dit que les Landes redevenaient ce qu'elles étaient autrefois : un désert, et on a réclamé l'intervention de l'État pour empêcher cette dévastation abusive. Mais cet ancien domaine impérial ne restera pas longtemps lande rase. Il a eu la bonne fortune, il y a deux ans, d'être acheté par Mme Vve Schneider qui, grâce aux capitaux considérables dont elle dispose, y fait exécuter des travaux d'aménagement et des planta- tions, si bien qu'il y a lieu d'espérer que, d'ici quinze ans, la forêt sera reconstituée. M. Banchereau. — Grâce à la liberté. M. Laroquette. — Je me demande, si Mme Schneider ne s'était pas trouvée là, avec sa grosse fortune, ce qu'il serait advenu de ce domaine. Un Congressiste. — C'est un autre capitaliste qui l'aurait acheté. M. Laroquette. — Il serait plutôt resté à l'état de lande rase et c'eût été dommage. Déjà la population de Solférino avait dû émigrer en — 244 — INTERNATIONAL 1913 partie ; les fossés d'écoulement, non entretenus, transi'ormaiont la lande en un marécage, c'est-à-dire en un foyer pestilentiel. En résumé, le crois que l'intervention de l'État n'est pas absolument indispensable pour obliger les particuliers à reboiser. Dans notre département, la question ne se pose pas ; le projet des cinq possibilités a été repoussé par toute la représentation landaise qui voit nos propriétaires reboiser au fur et à mesure qu'ils coupent ; il n'y a donc rien à craindre chez nous. M. Tanassesco. — Les questions discutées ici sont très importantes, mais je constate qu'on les traite surtout au point de vue français. En Roumanie, le taux de boisement était, il y a 60 ans, de 60 %, et, ces dernières années, il n'était plus que de 16 %, ce qui a déterminé le Gouvernement à prendre des mesures un peu coercitives contre les propriétaires particuliers, surtout contre la propriété indivise des paysans qui englobe chez nous 600.000 hectares environ. Une loi votée il y a trois ans a classé les forêts en forêts de protec- tion, où le droit d'intervenir est donné à l'État. Elles sont en montagnes et l'État ne s'occupe pas des forêts de collines ou de plaines où les propriétaires forestiers sont à côté des propriétaires fonciers. Je vous demanderai, si vous adoptez un vœu sur la question et puisque nous sommes en Congrès international, de ne pas adopter un vœu visant exclusivement la France, mais tous les autres pays, afin que ce vœu n'empiète pas sur ce qui se fait ailleurs. M. LE Président. — Nous avons été très intéressés par cette communica- tion, mais je vous ferai remarquer que vous avez déjà satisfaction. Hier, la question des forêts de protection a été résolue dans le sens que vous désirez. Vous nous dites que vous avez aussi des forêts de protection et nous sommes très heureux de l'apprendre, car il s'agit d'un pays neuf où les expériences sont plus faciles et plus inté- ressantes. Le vœu adopté hier en faveur de la constitution de forêts de protection dans les régions élevées et dans les dunes est en parfaite concordance avec la législation roumaine. Quel que soit le vœu adopté dans un instant, il ne portera pas préjudice à celui émis hier. M. Carronnier. — Je n'avais pas l'intention de prendre part à la discussion, mais je dois dire qu'en Suéde, nous avons une loi qui concerne les forêts appartenant aux particuliers et que les congressistes désirent peut-être connaître. J'en ai préparé un résumé que voici : Résumé de la Loi du 24 juillet 1903, relative a l'entretien des forêts appartenant a des parti- culiers en Suède. Article premier. — Il est interdit d'exploiter les forêts appartenant aux particuliers de telle façon que la régénération naturelle en soit compromise. Celui qui se sera rendu coupable de pareils faits sera tenu de prendre les mesures — 245 — CONGRES FORESTIER nécessaires pour assiireile reboisement. Si le propriétaire d'une forêt a cédé à une tierce personne le droit d'exploitation de celle-ci, et si cette personne se rend coupable de laits analogues à ce^ix mentionnés ci-dessus, le propriétaire, de la forêt sera solidairement responsable de la léparatio-i des torts commis; toutefois, le propriétaire, en ce cas, aura le droit de réclamer au coupable le remboursement di;s sommes déboursées par lui de ce fait. La surveillance de l'exécution des présentes dispositions appartient à une administration pour la protection des forêts, désignée à cet eflet dans chaque province où la présente loi est applicable, aux employés, et inspecteurs commis à ces fonctions par la dite administration, de même qu'aux commissions désignées par les com- munes dans un but analogue. Art. 2. — Dans le cas où ladite administration — soit qu'elle ait été saisie de l'affaire par un avis formel, soit pour toute autre raison — aurait lieu de présumer qu'une forêt est exploitée d'une façon contraire aux dispositions de l'article premier, elle devra en référer à l'autorité gouvernementale pour qu'il soit procédé à une enquête. L'autorité en qviestion désignera à cet effet un agent forestier, lequel, assisté de deux prud'hommes impartiaux désignés par lui parmi les membres des commissions locales chargées de faire le partage légal des terres ou remplissant les fonctions d'arbitres dans les opérations d'arpentage, se rendra sur les lieux aux fins de procéder à une inspection. Cette opération terminée, l'agent forestier dressera un rapport, qui devra être transmis à l'Administration, et où devront se trouver consignées les mesures nécessaires en vue du reboisement du ou des terrains dont il s'agit. Au cas où les inspecteurs ainsi désignés ne seraient pas d'accord sur les mesures à prendre leurs opinions divergentes devront être portées à la connaissance de l'Admi- nistration. En conséquence du dit rapport, 1" Administration aura à dresser une conven- tion concernant des mesures nécessaires en vue du reboisement. Dans le cas où cela ne réussirait pas, où les mesures prescrites ne seraient pas exécutées en temps, des poursuites auraient lieu. L'exploitation peut être complètement ou partiellement interdite jusqu'à ce que les mesures de reboisement soient exécutées. Cette interdiction sera annulée si une caution est fournie, par laquelle l'exécution des mesures de reboisement est garantie. Résumé de l'Ordonnance royale du 24 juillet 1903, relative aux administrations forestières locales EN Suède. Article premier. — Les administrations pour la protection des forêts, dont chaque province doit être dotée, seront composées de trois membres par- faitement au courant des affaires forestières et désignés dans l'ordre suivant pour une durée de trois ans, savoir : le premier, président, sera choisi par le gouvernement, le second, par le Conseil général, et le troisième par le Comité administratif de la Société d'économie rurale de la province. Les suppléants, en nombre égal à celui des membres ordinaires, seront désignés pour une même durée et de la même façon que ceux-ci. Art. 2. — Toute administration forestière locale devra attacher à son service un aide forestier compétent. Art. 4. — Les administrations forestières locales auront pour but : a) D'améliorer l'écopomie forestière — pour les forêts appartenant h des particuliers — en répandant les connaissances utiles en matière de sylvi- culture, en favorisant cette culture, soit par la voie de crédits, soit par des travaux pratiques; en tenant à la disposition des intéressés, des graines et des plants d'arbres forestiers, et en prenant, d'une façon générale, toutes dispositions utiles en vue de Famélioration de l'économie forestière de la région. b) D'exercer une surveillance et prendre les mesures incombant aux admi- — 24(j — INTERNATIOJSAL 1913 nistrations forestières, aux termes de la loi relative à l'entretien des forêts appartenant à des particuliers ; les administrations forestières seront tenues, en outre, de fournir tous renseignements demandés, relativement aux mesures prises par elles dans un but analogue, de même qu'en ce qui concerne les sanctions prises sur leur demande par les tribunaux ou par les sur-exécuteurs, en exécution des dispositions de la loi précitée ; c) De gérer les fonds provenant des taxes perçues pour l'entretien des forêts ou versées pour toute autre raison à la caisse destinée à subvenir aux besoins de la sylviculture ; d) De faire choix d'un aide compétent (voir ci-dessus, article 2) et assurer son traitement au moyen des fonds confiés à leur gestion ; nommer, s'il y a lieu, un secrétaire et, de plus, tous employés compétents et tous inspecteurs néces- saires ; donner toute instruction opportune à l'usage du personnel ainsi désigné ; Dans le cas où le propriétaire ou l'usufruitier d'une forêt désirerait un aide compétent pour l'entretien de sa forêt ou simplement des instructions relatives à l'exploitation de celle-ci ou bien concernant les mesures à prendre quant au terrain nouvellement déboisé, l'intéressé devra adresser à cet effet une demande écrite à l'administration forestière compétente, laquelle désignera à son tour un expert pour fournir à l'intéressé tous renseignements utiles. 11 appartiendra aux administrations forestières locales de prescrire les conditions dans lesquelles les particuliers possédant des forêts, pourront obtenir l'assistance des employés et inspecteurs engagés par elles ; l'assistance en question pourra, s'il y a lieu, être donnée gratuitement. Les administrations forestières locales devront se conformer, dans l'exercice de leurs fonctions, au règlement qui aura été édicté à leur intention et sur leurs propositions par le gouvernement après avis préalable du Conseil général compétent et du Comité administratif de la Société d'économie rurale de la région. Art. 5. — Dans les communes qui en feront la demande, il pourra être procédé — aux fins de venir en aide aux administrations forestières locales dans l'exercice des fonctions leur incombant aux termes de l'article 4 ci-dessus alinéas a) et b)— à la nomination d'une Commission composée de trois personnes désignées pour une durée de trois ans, l'une par l'administration forestière compétente et les deux autres par l'assemblée communale, dans les condi- tions stipulées pour le choix des arbitres en matière de partage des terres. M. MoYAT. — Je formulerai simplement trois observations et je répon- drai à deux arguments invoqués. La première observation, c'est qu'il ne faut pas faire dévier la question, car il s'agit simplement de savoir comment on empêchera demain de couper autant que par le passé. Deuxième observation : en ce qui concerne la Roumanie, je crois que la loi dont il a été parlé est une loi restrictive, non pas de la pro- priété particulièie, mais de ce qu'on appelle la propriété d'indivision. Tanassesco. — Non, il s'agit de la propriété particulièi'e des forêts de montagnes et de collines. M. MoYAT. — Quant à la loi suédoise, nous l'avons en France, c'est la loi sur le défrichement, mais ce n'est pas là la question, puisque nous parlons de l'ingérence de l'Administration forestière dans les proprié- priétés particuhères. Enfin, il n'a pas été répondu à deux arguments extrêmement forts, invoqués par M. Jaufîret. Il nous a dit qu'en France, nous admettons — 247 — CO^JGRES FORESTIER beaucoup d'atteintes au droit de propriété, notamment l'expro- priation pour cause d'utilité publique, les servitudes, etc.. C'est exact, mais il faut tenir compte de ce fait qu'il n'en est aucune qui, du moins à l'origine, n'ait été compensée par une juste et préa- lable indemnité. Le second argument qu'il a invoqué c'est que, la loi s'applicjuant à toutes les propriétés forestières, aucune ne sera dépréciée. Évidem- ment, elle ne sera pas dépréciée par rapport à sa voisine, mais, com- parée aux autres propriétés, elle sera en état d'infériorité, notamment auprès des terres en culture. La valeur d'un bois ne sera pas propor- tionnellement inférieure à celle d'un bois voisin, mais elle sera beaucoup moindre que les terrains de labour ou les pâturages voisins. M. Margaine. — Avant que le Congrès fa^se à la proposition de M. Jauffret un sort qu'elle ne mérite pas, je voudrais dire un mot à propos du jus ahutendi dont on a parlé. Il semble qu'au point de vue des propriétés forestières, le jus ahu- tendi a déjà été sérieusement restreint sous l'ancien régime par l'inter- diction de défricher. Au lieu de « défrichements », nous voudrions voir mettre dans la loi a déforestation ». M. Jauffret ne demande rien de plus. Nous ne venons pas prendre les forêts des particuliers, nous leur disons simplement : « Vous voulez un petit avantage en ce qui concerne l'impôt forestier ; vous demandez une exonération ; eh bien ! acceptez une tutelle légère ». M. P. Descombes. — La lutte est évidemment entre l'intérêt général et l'intérêt privé des propriétaires, mais il y a intérêt à faire la conci- liation. Si on chargeait l'État de reboiser les forêts, l'intérêt public serait sauvegardé, mais il s'agit de ne pas limiter le droit de propriété et, surtout, de ne pas le supprimer. h' Association Centrale pour V aménagement des montagnes a étudié l'orientation des capitaux vers le reboisement et la loi déposée en 1907 a abouti ces jours derniers. Or. M. le Ministre de l'Agriculture demandait hier au Congrès international sa collaboration pour l'appli- cation de cette loi et la préparation du règlement d'administration publique. Actuellement, les propriétaires de bois qui n'habitent pas leurs propriétés et sont embarrassés pour les administrer eux-mêmes, n'ont personne à qui s'adresser pour une gestion sage et raisonnable. A l'avenir, ils pourront s'adresser à l'État, mais personne ne les y obligera, ils le feront s'ils le croient convenable. De même, si ces pro- priétaires trouvent que leurs forêts sont onéreuses, gênantes pour eux, ils pourront s'en débarrasser en trouvant comme acheteurs les proprié- taires impérissables : Compagnies d'assurances. Caisses d'épargne. Mutualités, etc., qui possèdent plusieurs milliards et pourront s'orienter vers la propriété boisée s'ils y trouvent avantage. — 248 — INTERNATIONAL 1913 Il y a intérêt à ce que cette tutelle volontaire soit, dans l'intérêt de la collectivité, le plus simple possible, qu'elle donne le moins de sujétions possibles aux propriétaires, à ce qu'elle puisse s'étendre, et ainsi on aura une nouvelle catégorie de propriétés. La forêt privée sera divisée en deux catégories ; d'abord la forêt privée, administrée en tout ou partie par l'État, suivant les prescrip- tions du règlement d'administration publique ; ce sera une propriété protégée donnant des garanties de conservation et qui a droit à un traitement de faveur justifié par ces garanties de conservation. Puis, la propriété forestière libre, qui réclame le droit commun, c'est-à-dire demande à n'être pas plus imposée que l'ensemble de la propriété foncière. Puisque le Ministre a bien voulu inviter le Congrès à l'aider dans la préparation du règlement d'administration publique, je proposerai au Congrès d'ajouter, au vœu préparé par MM. Guyot et Roulleau, la phrase suivante : « Qu'en ce qui concerne en France V application de la loi Audiffred, il appartient au règlement d'administration publique de définir le minimum de sujétions permettant aux propriétaires de forêts protégées de profiter du traitement de faveur qui pourra correspondre à leurs garanties de conservation ». M. LE Président. — La loi Audiffred prévoit plusieurs modalités. Le contrat est à débattre entre le propriétaire et l'État. M. Descombes. — Dans chaque cas, oui, mais le règlement d'adminis- tration publique devra fixer un régime des forêts protégées, tel qu'il puisse être invoqué par les lois suivantes quand on demandera, par exemple, l'immunité des droits d'enregistrement... M. LE Président. — Un décret ne suffit pas ; chaque fois qu'on parle d'immunité d'impôt, il faut une nouvelle loi. M. Descombes. — Il faudrait fixer ce régime de telle façon que les lois suivantes puissent s'y reporter. M. Coste. — La mesure proposée par M. Jauffret deviendrait bientôt odieuse parce qu'elle serait nécessairement arbitraire. En France, on n'observe la loi que dans la mesure où l'état de l'opinion locale le permet. Vous parliez tout à l'heure de la loi contre le défrichement. Or, dans plus de vingt départements du Midi, il n'y a peut-être pas un seul propriétaire qui connaisse et respecte cette loi. On défriche continuellement et, chaque fois qu'on fait une coupe, on fait sauter la souche, «le piquet «, comme on dit, en termes de métier, de façon à transformer la forêt en pâturage qui rapporte davantage. Faites une nouvelle loi, si vous le voulez, on n'en tiendra pas compte. — 249 — CONGRES FORESTIER On l'appliquera peut-être à quelques propriétaires isolés contre les- quels l'opinion publique s'ameutera... {Applaudissements), on leur dressera procès-verbal, mais voyez alors l'état de conscience du juge auquel les propriétaires poursuivis diront : « Comment pouvez-vous nous condamner alors que dans 10, 20 départements, on ne respecte pas cette loi ». Une loi nouvelle serait inapplicable et odieuse. M. LE Pbésident. — Si la loi est d'une application difficile, il faut en comprendre la principale raison : c'est que le personnel des gardes- forestiers est très inégalement réparti. Or, il ne faut pas se faire d'illu- sion, c'est sur lui seul qu'on peut compter pour empêcher le défriche- ment. Je sais bien que la loi ordonne aux maires de le constater, mais je n'étonnerai personne en disant qu'on ne peut pas faire fond sur eux. Il y a bien des cas particuliers et des maires qui verbalisent, mais n'approfondissons pas... On ne peut que déplorer cet état de choses et on pourrait sans doute y remédier, mais cela ne tient pas à un arbitraire quelconque de la part de l'administration. M. Imbart de la Tour. ■ — Nous sommes d'accord sur l'étendue de la déforestation et je vois à cela trois causes principales. Tout d'abord, il y a la question de l'impôt, et c'est tellement \Tai que ce sont les grands domaines forestiers qui disparaissent. C'est à l'État à prendre des mesures pour atténuer le régime fiscal dont nous souffrons; ce n'est pas une faveur que nous demandons, c'est la justice. Une autre cause de cette situation, c'est la question des bûcherons. Il arrive en bien des pays que le prix de façon est double de la valeur du bois. Dans la Nièvre, notamment, c'est constant ; il appartient encore à l'État d'intervenir et de faire respecter la liberté du travail en permettant à tous les bûcherons de travailler librement. En troisième lieu, il y a la question des débouchés et je n'y vois pas de solution. 11 n'y a pas grand chose à faire en ce qui concerne le bois de consommation. M. de Nicolay. — On a parlé de lutte entre l'intérêt général et l'intérêt privé. Je proteste énergiquement contre cette idée et je crois, au contraire, cju'il s'agit de s'expliquer sur la façon dont doit se comprendre r intérêt général. Il pourrait être avantageux, au point de vue forestier, que l'État soit propriétaire d'un très large domaine et beaucoup de vœux ont été présentés en ce sens au Congrès, mais je crois aussi que nous arrivons à cette heure, qui peut être déclarée bien heureuse, où l'État aura intérêt à ce que la propriété privée se développe et soit conservée. Or, la cause de la crise actuelle est celle-ci : c'est que la propriété — 250 — INTERNATIONAL 191o forestière souffre, pour un grand nombre de raisons déjà énumérées, sur lesquelles je ne reviendrai pas. A ce mal, quel remède propose-t-on? Une limitation du droit de propriété, c'est-à-dive un mal de plus 1 {Applaudissements). Le résultat de cette limitation serait fatalement d'abaisser encore le prix des propriétés forestières déjà si avili [Applaudissements). Le prix de la propriété forestière est avili dans le sens du revenu et j'estime que c"est rendre le plus mauvais service à la cause forestière que d'en diminuer encore la valeur. M. Laroquette vous a montré l'exemple dun gros capitaliste recons- tituant une forêt grâce à une méthode culturale raisonnée, de façon à récolter, dans 50 ou 60 ans, ce qu'il aura semé. Croyez-vous que si on était venu lui dire : « Vous allez semer, mais vous ne récolterez pas )), croyez-vous, dis-je, que ce capitaliste aurait acheté cette propriété ?... {Applaudissements). La seule solution à la crise dont nous souffrons, est la liberté des propriétaires {Vijs applaudissements). M. Grand. — Comme représentant de la section de sylviculture de la Société d'Agriculture de la Gironde et comme représentant du Syndicat de la Gironde et des Landes, je puis dire que j'ai derrière moi les 800.000 hectares de pins du Sud-Ouest et c'est pourquoi je viens apporter ici la protestation énergique de tout ce pays contre toute immixtion de l'État dans les forêts particulières. Mais il me semble que la question est mal posée et qu'elle est trop générale. On disait tout à l'heure : la propriété forestière souffre. Oui, il y a des propriétés forestières qui souffrent, mais il y en a — c'est peut-être la minorité — qui ne souffrent pas et la propriété forestière landaise est de celles-là, elle n'a pas besoin d'être protégée, elle se protège toute seule et, chaque fois qu'on a proposé à nos propriétaires de venir les aider et leur montrer à gérer leurs domaines, cela a été pour eux une stupéfaction profonde. Mettre les propriétaires forestiers en tutelle n'est pas possible et il n'en est nul besoin {Applaudissements). La question ne doit pas se poser ainsi. Il faut dire que, si dans certains cas l'intérêt général est assez gravement compromis pour qu'on astreigne les propriétaires à subir, dans une certaine mesure, l'irrimixtion de l'État, il faudra bien spécifier ces cas et ne pas géné- raliser, car c'est inutile dans bien des régions. M. LE Président. — Votre préoccupation très légitime a reçu satisfac- tion par le vote d'hier instituant des forêts de protection. Ces forêts sont donc, maintenant, hors de cause. M. Grand. • — Alors, je retire ce que j'ai dit. M. LE Président. — Vos observations sont très intéressantes et nous 251 CONGRES FORESTIER ne regrettons qu'une chose, c'est que tous les propriétaires ne puissent pas dire de leur région ce que vous dites de la vôtre. M. DE Sébille. — Une loi existe en Danemark depuis 1905, qui laisse toute liberté aux propriétaires, mais interdit aux acquéreurs de forêts de couper les hautes futaies avant 10 ans, je crois, après l'acquisition. Il était intéressant de le rappeler ici; cette loi' protège les forêts contre les bandes noires qui exploitent la France et la Belgique. M. LE Président. — Si une pareille loi existait en France, il serait facile de la tourner. Dans bien des cas, le propriétaire ne veut pas détruire lui-même sa forêt, il le fait par l'intermédiaire d'un manda- taire. On ne peut raisonner d'une façon absolue d'après ce qui se passe dans les autres pays. La Belgique est beaucoup plus proche de la France, à tous les points de vue, que le Danemark dont les conditions clima- tologiciues, l'état social et politique, sont différents des nôtres. Il n'y a même pas de grandes étendues comme en Suède, on ne peut donc pas en tirer argument pour parler de la France. M. DE Sébille. — Le Congrès de Gand a, la semaine dernière, été saisi d'un vœu analogue, mais ne l'a pas admis. M. LE Président. — Connaîtriez-vous la loi danoise, Monsieur le délégué de la Suède? M. Carbonnier. — • Tràs peu ; je sais simplement qu'on ne peut couper dans les quelques années qui suivent l'acquisition. M. du Pré de Saint-Maur. — J'ai vu quelque chose en Hongrie qui est moins rigoureux. Il y a de superbes forêts aménagées à cent ans. Quand on les exploite, on laisse des porte-graines à certaines distances, de façon à assurer le renouvellement du taillis. M. DE Sailly. — Il serait bon de ne pas invoquer, en faveur de l'immix- tion de l'État, cet argument qu'il faut un siècle et plus pour avoir des bois de futaie. Si, de ce fait qu'il faut un siècle pour reconstituer une futaie, on en déduit que l'État doit intervenir pour limiter l'exploitation, il faudrait aller beaucoup plus loin et déclarer qu'il interviendra aussi, par exemple, dans les mines. Voilà une mine capable de fournir du charbon pendant 70 ans, jamais l'idée n'est venue à l'État de déclarer au propriétaire qu'il allait restreindre l'extraction, de façon à faire durer la mine pendant 200 ans. Et cependant, la forêt se reconstitue d'elle- même, alors que la mine s'épuise. ' M. Bouvet. — Je demande la parole, car je crois qu'il y a encore quelques mots à dire. — 252 — INTERNATIONAL 1913 Le mal existe ; il y a beaucoup de défores tat ion. J'habite le Jura et j'y ai vu raser les grandes forêts du pays. Elles existent bien encore, mais au lieu d'être riches en futaies, et d'avoir beaucoup d'arbres, il n'y en a plus que l'apparence. On a coupé tous les bons arbres et on a laissé tous les mauvais, c'est-à-dire des balivaux sans valeur, de façon à tromper l'œil des amateurs. Quelqu'un de peu expérimenté croirait que rien n'est changé dans la forêt, mais il n'en est pas ainsi. Je crois que nous sommes tous d'accord pour éviter la déforestation et pour demander que les forêts particuHères soient très riches. On peut y arriver de deux façons différentes : par la coercition ou par le régime de liberté. La coercition, c'est l'intervention de l'État, et vous savez où elle nous mène, c'est au socialisme d'État. Nous n'avons que trop de pro- pension aujourd'hui à nous acheminer sur cette pente glissante, c'est un mal terrible qui nous amènera au niveau de la Turquie {Applau- dissements). Je n'en parlerais donc pas s'il n'y avait un danger à craindre. Ce danger est constitué par le Parlement qui est beaucoup trop favorable à l'intervention de l'État. Les parlementaires ont derrière eux le commerce des bois, non pas les spéculateurs, mais le vrai commerce des bois et les populations qui ont intérêt à avoir des coupes régu- lières et non pas ces soubresauts qui jettent la perturbation dans le pays. Voilà ce qui donne de la force au Parlement et fait que les parlemen- taires voudraient l'intervention de l'État et même voudraient vous exproprier sans indemnité {Protestations). M. Challamel. — Je proteste ; ce n'est pas du tout la mentalité qui règne au Parlement et nous sommes une majorité qui n'approuvons pas du tout cette théorie. M. Boi VET. — Alors, vous êtes d'avis que, s'il y a intervention de l'État et diminution de la liberté des propriétaires, il doit y avoir de larges compensations? M. Challamel. — C'est l'opinion émise par ceux qui sont le plus par- tisans de l'intervention de l'État, M. Bouvet. — Il est donc entendu que si le Parlement croit devoir entrer dans cette voie, il y aura pour les propriétaires une compensa- tion telle... M. Challamel. — Qu'ils y trouveront peut-être leur avantage. M. Bouvet. — Je considère maintenant le régime de la liberté et je dis que l'État devrait vous donner des avantages sans vous imposer d'obligations. — 253 — CONGRES FORESTIER Ceci vous paraît peut-être paradoxal, mais c'est la vérité ; il devrait notamment vous accorder des remises d'impôts. On parle beaucoup des forêts protégées, il n'y en a qu'une qui ne le soit pas, c'est la propriété forestièi'e privée. Vos forêts sont livrées au pillage, aucune loi ne vous défend et je soutiens que c'est dans un régime de liberté que le Parlement devrait trouver la combinaison qui permettra aux particuliers, par le jeu même des lois économiques, d'avoir intérêt à conserver leurs forêts et à les enrichir {Applaudisse- ments). M. Delahaye. — Dans son rapport, M. Roulleau semble insinuer que ce n'est que depuis quelques années que l'État a songé à intervenir dans la gestion des bois particuliers. Or, l'ordonnance de 1669 et les nombreux arrêts qui ont suivi, comportent au contraire une ingérence exorbitante de l'État, une quasi expropriation. M. Ba>'Chereau, — Pas en ce qui concerne les forêts particulières. M. LE Président. — Mais si, c'est un fait historique, qui n'est pas contestable. M. Delahaye. — On imposait par exemple de ré&erver 16 ou 20 bali- veaux suivant les coupes pendant 20 ou 40 ans. En ce qui concerne les restrictions à apporter aux droits des parti- culiers, il y a une distinction à faire entre : 1° le maintien de l'état boisé et 2° la nature de la production "ligneuse. En ce qui concerne la nature de la production ligneuse, il faudrait que la disette de bois d'œu^Te devint une calamité publique imminente pour que l'État ait le droit d'intervenir dans la production des caté- gories. Reste alors la question du maintien de l'état boisé nécessaire pour les différentes raisons exposées au code forestier qui prévoit simple- ment l'existence de la végétation ligneuse, quelle que soit la produc- tion, quel que soit l'âge. Actuellement, la législation sur le défrichement et la jurisprudence qui est venu la corroborer donnent, semble-t-il, des armes suffisantes pour assurer l'intérêt général, mais dans cette question, il y a un point qui n'a pas encore été traité. Je voudrais qu'on n'interdise aucun droit de jouissance sans com- pensation, car l'interdiction de défricher est une limitation du droit de propriété. Telle propriété dont on exige actuellement le maintien en nature de bois rapporterait davantage en culture agricole. Si donc l'État prive le propriétaire forestier d'une jouissance, il lui doit une compensation. Je demande qu'on ajoute aux vœux proposés que, toutes les fois que l'État empêchera le défrichement dune forêt, il donne une indem- nité, une juste rémunération de la privation imposée au propriétaire. Je vous citerai un exemple : une personne avait défriché en délit, ■ — 254 — ITITERNATIONAL 1913 il s'agissait de 24 hectares, elle était donc passible de 12.000 francs d'amende, mais une transaction à 1.200 francs fut accordée. Or, avec la seule plus-value du revenu agricole de la première année, les 1.200 francs demandés ont pu être payés. Un Congressiste. — Mais on a dû reboiser, la loi l'impose. M. Delahaye. — Pas du tout, c'est le Ministre seul qui a facultativement le droit d'imposer le reboisement. Le Même Congressiste. — Et il ne l'a pas fait, c'est fantastique ! M. Delahaye. — C'est possiÊle, mais c'est ainsi. Pour conclure, je demande qu'aucun défrichement ne soit interdit sans qu'il soit accordé une compensation pécuniaire au propriétaire. M. le Président. — La question est grave et c'est peut-être aller bien loin, car en demandant trop on risque de ne rien obtenir du tout. Messieurs .les propriétaires étaient d'accord, je crois, pour mettre hors de cause la question du défrichement -, il est peut-être sage de s'en tenir là, parce que, si on va plus loin, ce sera dangereux. M. GuYOT. — Nous sommes parfaitement d'accord et je ne dirai qu'un mot à ce sujet, ne voulant pas abuser de votre complaisance. Je ne crois pas qu'il importe de demander dès maintenant une indemnité pour la servitude de défrichement et, si on ne la demande pas d'une façon dh'ecte, je me réfère à la seconde partie de notre projet pour que l'État veuille bien nous accorder, d'une manière bénévole, les avantages que nous réclamons et qui ont été énumérés d'une façon sommaire dans le libellé de notre vœu, mais auxquels, évidemment, on peut ajouter bien des choses. Je ne suis pas le moins du monde ennemi d'une certaine ingérence de l'État ; il ne faut pas croire que je suis sur ce point plus intran- sigeant que d'autres. J'accepterai même — • je dois le dire — et les Parlementaires le savent, une définition plus exacte des défrichements indirects. Je crois qu'il ne faudra pas laisser cela dans le domaine de la jurisprudence et qu'il serait bon de l'asseoir sur un texte précis du code forestier. Cela pourrait être fait ; mais puisque nous consentons à fortifier ainsi l'action de l'État dans une certaine mesure, qu'il nous donne en échange les avantages que nous réclamons dans la seconde partie du vœu. Ces avantages • — et je ne parle pas de l'impôt — nous en causerons plus tard, je les ai indiques d'une façon énonciative, et l'un d'eux, je ne puis m'empêcher de le répéter, est relatif à la répression des déhts. La loi de 1906, imposée malgré l'Administration forestière, malgré les vœux des propriétaires forestiers, ne nous défend pas contre les délinquants. Nous avions une réglementation suffisante dans les _ 9.V^ — CONGRES FORESTIER articles répressifs du Code forestier, on est venu protester et déclarer que les coupables étaient très souvent dignes de pitié, qu'il fallait diminuer la répression. En effet, on a réduit les peines dans des pro- portions considérables : on a diminué les amendes et, chose plus grave, supprimé toutes les peines d'emprisonnement en matière forestière. Or, parmi les délinquants, s'il y en a qui sont dignes de pitié, beau- coup sont les pires vagabonds. Ce sont eux qui mettent nos forêts au pillage, d'autant mieux que nous n'avons plus de moyens d'action à leur égard. Le secours le plus efficace que pourrait nous donner l'État serait de rétablir la prison. Peu nous importe qu'on relève le chiffre des amendes, mais ce que nous réclamons, c'est la possibilité de punir de prison des vagabonds insolvables qui sont des délinquants d'habitude. Je me résume : je vous demande d'envisager la question dans l'ordre d'idées où nous nous sommes placés ce matin et de voter les propo- sitions qui vous sont faites. Nous ne sommes pas intransigeants, mais nous voulons être maîtres chez nous {Applaudissements). M. LE Président. — Je crois répondre à la pensée de plusieurs de nos collègues en vous proposant d'apporter au texte du vœu les modifica- tions suivantes : 1° Nous demandons que la sollicitude de l'État s'exerce a notam- ment par une répression plus efficace des délits, par des modérations d'impôts, etc.. » 2° On pourrait à la suite du vœu de MM. Guyot et Roulleau, ajouter : « qu'en France, la loi Audi^red soit appliquée dans un esprit de bien- veillante collaboration entre V administration forestière et les proprié- taires particuliers ». Le vœu peut s'appliquer à tous les pays, mais on pourrait y ajouter ce membre de phrase s'appliquant spécialement à la France. M. le Ministre nous ayant demandé une indication, nous la lui donnons. M. DU Pré de Saint-Maur. — Parlez aussi des moyens de transport. ^L LE Président. — Nous traiterons la question jeudi prochain. Je mets aux voix le vœu ainsi complété. Un Congressiste. — ■ Mettez que l'État doit manifester sa sollicitude par une législation particulière. M. Jauffret. — M. Guyot parlait de la déforestation, on pourrait le mentionner. Il s'est déclaré favorable à une définition du défrichement indirect. M. LE Président. — Le défrichement est interdit, la législation existe. M. Jauffret. — Cela m'aurait permis de voter pour le vœu, je vais être obligé de voter contre. — 256 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Je crois répondre à la pensée générale en disant que les propriétaires forestiers renoncent à soulever la question de 1 indemnité. N'insistons pas sur ce point, sans quoi la question de M. Delahaye se pose également. M. GuYOT. — .le n'insiste pas du tout. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu présenté par MM. Guyot et Roulleau tel qu'il vient d être complété. Le vœu ainsi modifié est adopté à l'unanimité moins deux voix. La séance est levée à 11 li. 10. CONGRES FORESTIER SEANCE DU 17 JUIN 1913 (après-:\iidi) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 35. M. LE Président. — Messieurs, nous avons à aborder cet après-midi la très importante question de l'impôt forestier. Afin de procéder par ordre, M. Arnould lira son rapport; les secré- taires de la séance donneront ensuite lecture des trois communications écrites présentées sur la question ; enfin je donnerai la parole à ceux d'entre vous qui auraient des observations à présenter. La parole est à M. Arnould pour la lecture de son rapport sur I'Impôt forestier. ^L Arnould. — Quelle doit être la base de l'impôt sur les forêts Exagération de pour que le revenu forestier ne soit pas plus imposé que les autres nmpô. sur les j-g^g^us de même nature? Cette question si importante pour la conservation des forêts n'a attiré l'attention des forestiers qu'à la fin du xix^ siècle et n'a été réellement étudiée qu'au xx^ siècle. Les premières études sont celles de Baur (1875), puis Judeich, en Allemagne; Puton (1882), Arnould (1895), en France; Riebal et Hufnagel (1895), en Autriche. En ce siècle, la question fut traitée en Allemagne par Endres, Graner, Wimmenauer, Urich et Weber, notamment au Congrès forestier d'Eisenach, en 1904 ; en France, par Broilliard, Arnould et Roulleau, surtout depuis 1908. Je ne cite que les principaux auteurs. En France, l'exagération effrayante de l'impôt sur les forêts, consta- tée officiellement par les ministres des Finances et de l'Agriculture, et la réforme fiscale à l'étude, lui ont, depuis 1908, donné une grande actualité et une acuité singulière. Cette exagération de l'impôt sur les forêts a pour cause première le principe — aujourd'hui condamné — du système fiscal français de l'an VII (1799) qui impose la propriété foncière non bâtie d'après un revenu cadastral, fixe et immuable depuis plus de cent ans. Le revenu des forêts a été évalué à l'époque de la confection du cadastre : pour les forêts feuillues, d'après le revenu net que donnait la forêt supposée traitée en taillis simple, c'était le prix de la coupe divisé par l'âge ; pour les forêts résineuses, d'après le revenu net réel. Mais depuis un siècle, le rendement en argent des taillis simples a considérablement diminué ; d'une part, les frais d'exploitation, les frais — 258 — INTERNATIONAL 1913 de garde et d'entretien, qui sont en raison du taux des salaires, augmen- taient sans cesse; d'autre part, les produits du taillis perdaient de leur valeur. La charbonnette, produit principal du taillis, valait en 1810 8 francs au moins le stère sur pied, elle se vend aujourd'hui moins de 1 franc. Les écorces, autre produit du taillis très recherché autrefois, sont aujourd'hui d'un placement difficile. Par suite de ces faits économiques, le revenu cadastral immuable des forêts feuillues se trouve supérieur de huit fois environ au revenu que donnerait une nouvelle évaluation faite avec la même méthode. Le principal de l'impôt foncier, la part de l'État, était et est restée modérée, 4 à 5 % du revenu cadastral. Mais les budgets des départements et des communes sont alimentés par des centimes qui s'ajoutent au prin- cipal de l'impôt. Ces centimes, en nombre restreint au début, ont aug- menté avec les besoins des collectivités, conséquences du développement économique. En 1910, le nombre des centimes additionnels à l'impôt sur la propriété foncière non bâtie était en moyenne, pour l'ensemble de la France, de 12 centimes généraux, 72 centimes départementaux et 62 cen- times communaux, soit au total 146 centimes, auxquels s'ajoutent, dans nombre de communes, 20 centimes pour la taxe vicinale. Le taux de l'impôt a, par suite, augmenté dans la proportion de 1 à 2 14 en moyenne ; dans quelques départements, le nombre des centimes atteint 250. le taux de l'impôt est passé de 1 à 3 ^, Pour les forêts feuillues, imposées sur un revenu huit fois plus fort que celui qui devrait leur être attribué, l'impôt atteint 8 X 4 x 2,5 = 80 % en moyenne, et jusqu'à 8 X 4 X 3,5 = 112 % de ce revenu. Il résulte de ce fait que pour les taillis simples, l'impôt absorbe la presque totalité et même la totahté du revenu ; que pour les tailKs sous futaie, selon que le revenu de la futaie est égal au revenu du taillis ou est le double de ce dernier, l'impôt est, en moyenne, de 40 % ou de 27 % du revenu. Pour les forêts résineuses, comme la plus-value que le développement des voies de communication a donné aux bois a contrebalancé, souvent avantageusement, l'augmentation des frais d'exploitation et des frais annuels, le revenu actuel est en général supérieur au revenu cadastral, mais les pays de montagne étant moins riches que ceux de la plaine, le nombre des centimes additionnels y est plus élevé. L'impôt pèse moins lourdement sur les forêts résineuses de montagne que sur les autres forêts, mais n'en est pas moins encore excessif. Pour tirer quelques ressources de leurs forêts, les propriétaires sont réduits soit à couper plus que la possibilité, à abattre les futaies, prépa- rant ainsi la ruine des forêts, soit à exploiter la superficie et à se débar- rasser du fonds à vil prix. Une réforme du mode d'évaluation du revenu forestier est indispen- sable pour mettre fin à ces injustices, pour conjurer ce danger. La question est complexe ; la solution exige des connaissances assez étendues en économie forestière et en science fiscale. Trop souvent, les forestiers n'ayant que les premières et les agents des finances ne possé- dant que les secondes, n'envisagent qu'un côté différent de la question. Ce serait un grand pas fait vers la solution, si ce Congrès, où des repré- sentants du Ministère des Finances siègent à côté des forestiers, arrivait à préparer entre les deux parties une collaboration loyale, étroite et fructueuse, — 259 — CO^'GRES FORESTIER Pour aboutir il importe de bien préciser la question, de mettre en évidence les lois de la formation du revenu des forêts et d'en déduire les conséquences au point de vue de l'impôt. Si une simplification pratique paraissait nécessaire pour faciliter la perception de l'impôt, il serait facile pour chaque cas particulier de cher- cher et de trouver, d'un commun accord, une disposition transactionnelle satisfaisante pour les deux parties. i.tiKie de la fer- Q^e l'impôt porte sur le capital ou sur le revenu, son assiette exige Ycnuiorcstier. unc discrimination précise entre le capital, instrument de production, et le produit ou revenu. Cette discrimination est particulièrement néces- saire lorsqu'il s'agit des forêts. Si la forêt, comme les autres productions agricoles, est le résultat d'une culture, c'est une culture qui ne ressemble à aucune autre. Elle en diffère notamment en ce que la plante cultivée, l'arbre, le bois, ne produit pas de récoltes annuelles. Le revenu forestier n'est perçu que quand les bois sont assez gros pour avoir une valeur marchande, et qu'on puisse les couper économiquement. D'autre part, à la différence de la récolte des autres cultures, la valeur des bois augmente progressivement d'année en année. Le propriétaire a donc intérêt : en principe, à exploiter des bois aussi gros que possible ; en fait, à ne pas exploiter des bois trop jeunes, de trop faible dimension ; dans ce but, pour ne pas différer indéfiniment la perception de ses revenus, il est conduit à laisser sur pied un matériel permettant d'exploiter annuellement des taillis de vingt ans ou des futaies de soixante ans, par exemple. Ce matériel, véritable capital d'exploita- tion, est uni si intimement au revenu qu'il est impossible de déterminer ce qui, dans le bois sur pied, appartient à l'un ou à l'autre. Seule, l'exploi- tation, la coupe, permet de séparer le revenu du capital, et encore à la condition qu'elle soit normale, c'est-à-dire conforme au plan adopté, qu'elle porte uniquement sur la production annuelle du sol et qu'elle laisse le capital d'exploitation constitué, comme il l'était à la coupe pré- cédente. Cette situation particulière aux forêts rend obscure la théorie du revenu annuel des bois et forêts qui n'a été exposée d'une façon suffisamment précise qu'en ces dernières années. Aujourd'hui, forestiers et économistes sont d'accord, du moins dans l'école française, sur la nécessité de distinguer dans le revenu forestier deux f'iéments : le revenu du sol, d'une part, et, d'autre part, le revenu de Vépargne, du capital-bois des forestiers ou, suivant une expression quelque peu impropre mais plus claire pour le pubUc, de la futaie. Ces deux éléments du revenu forestier existent nécessairement, quoique sous des formes différentes, qu'il s'agisse d'un taillis simple, d'un taillis sous futaie ou d'une futaie, qu'il s'agisse d'une forêt exploitée en une seule fois ou d'une forêt aménagée ou, selon l'expression du Code civil, d'une forêt en coupes réglées. Dans tous les cas, le revenu forestier apparaît, pour une très large part, comme le fait d'une œuvre de pré- voyance et d'épargne et non comme le produit du sol, ainsi qu'on l'a cru longtemps. Faisons la démonstration pour le cas le moins complexe, celui du taillis simple exploité en une seule fois. On aperçoit dans la coupe, à Vâge de V exploitation économique (vingt ans par exemple, un premier élément constitué par les pousses annuelles, — 260 — INTERNATIONAL 1913 fait direct de la puissance productive du sol ensouché, au nombre de vingt, toujours les mêmes, toujours égales. Concurremment avec cet élé- ment, en est intervenu un second : le concours apporté par chacune des pousses précédentes. En ne recueillant pas son revenu, le propriétaire permet aux pousses annuelles accumulées de travailler, avec la terre comme support, pendant l'année suivante, à la fin de laquelle le produit représente non seulement la pousse de l'année (la contribution toujours égale du sol), mais encore le travail du matériel-bois, que l'on peut consi- dérer par l'analyse comme un facteur indépendant. Le produit auquel ce travail a abouti et qu'il est impossible d'évaluer en fait s'ajoute au pro- duit du sol ensouché. Cette œuvre d'épargne et de prévoyance se mani- feste dès la seconde feuille : c'est à ce moment que se constitue le capital- bois économique, qui n'est autre que le matériel-bois technique. Ce matériel- bois, produit de la nature, conservé et vivifié par l'épargne, servant à la production de richesses nouvelles, est bien un capital au sens où l'enten- dent les économistes. Il est par suite possible d'assimiler l'accroissement de valeur d'un bois aux accroissements de valeur d'un capital placé à intérêts composés, bien qu'à la rigueur il n'y ait pas dans les coupes de bois aux différents âges cette régularité mathématique. On peut assimiler la valeur d'une coupe de taillis de vingt ans à une somme formée par l'accumulation à intérêts composés de vingt annuités fixes. L'annuité correspond à la valeur de la puissance productive du sol, et les intérêts composés expriment le con- cours apporté à cette puissance productive par l'élément grossissement successif du matériel-bois. Le revenu annuel d'un bois traité en taillis simple, exploité en une seule fois, est représenté ^q.tV annuité qui, versée pendant un nombre d'années correspondant à la révolution, reproduirait une somme égale à la valeur de la coupe, au moment de l'exploitation. Cette annuité, correspondant à la valeur de la pousse annuelle, donne la mesure de la puissance produc- tive du sol ensouché : c'est le revenu foncier. Le raisonnement serait le même pour toute forêt constituée par un peuplement d'âge uniforme exploité en une seule fois. Dans le cas du taillis sous futaie ou de la futaie jardinée, apparaît un nouvel élément, la valeur des réserves, représentant une épargne consolidée, un capital d'exploitation qui reste constant pour une exploitation donnée. Cet élé- ment augmente le revenu annuel de la forêt, mais non le revenu foncier. D'autre part, l'aménagement permet, avec différentes modalités et en principe par une économie judicieuse sur les revenus antérieurs, d'obtenir, au lieu d'une coupe unique, des coupes réglées revenant à intervalles plus rapprochés que l'âge de l'exploitation, et même des coupes annuelles. Le revenu de la forêt est par suite augmenté ; cette augmentation du revenu n'est pas le produit du sol, elle provient du capital engagé dans l'exploitation en vue d'une culture intensive, de l'épargne constituée par des économies successives et représentée par la valeur des coupes en croissance. Ce n'est pas un revenu foncier. Le capital constitué par l'épargne n'est pas incorporé au sol, il peut, au contraire, en être séparé à tout moment, il peut, il doit parfois être réduit ou supprimé par une coupe intensive ou une coupe à blanc. Le temps, condition essentielle pour sa constitution, n'est pas nécessaire pour sa réalisation. En résumé, quels que soient le mode de traitement, l'âge de Fexploi- — 261 — CONGRES FORESTIER tation et l'aménagement des coupes, le revenu total d'une forêt, la rente de la forêt, se compose de deux éléments : 1° Le revenu du sol ; 2^ Le revenu de Vépargne ou du capital d'exploitation accumulé dans les réserves et dans les coupes en croissance, que l'on peut appeler la futaie. Il faut se garder de confondre la rente ou revenu total de la forêt avec le rendement ou produit des coupes. Ce dernier peut être supérieur ou inférieur au revenu, selon qu'on réalise une partie du capital accumulé ou que l'on augmente ce capital, opérations qui ont pour conséquence la diminution ou l'augmentation du revenu à la fin de la révolution, dont cette opération marque le début. La réalisation peut d'ailleurs être imposée par force majeure (ouragan, verglas, insectes). Le revenu annuel total ou rente de la forêt est l'annuité reproduisant la valeur de la coupe normale d^s le nombre d'années compris entre deux coupes successives — les coupes étant supposées revenir périodique ment ; — si la forêt est exploitée en coupes annuelles, la rente de la forêt est égale à la valeur de la coupe normale. ^ Le revenu du sol est égal à l'annuité reproduisant la valeur de la coupe d'un peuplement uniforme, constitué des essences de la forêt, exploité à l'âge minimum auquel il peut fournir des produits de valeur marchande dans la région. Le revenu de Vépargne est la différence entre le revenu total et le revenu du sol. L'impôt sur les forêts doit tenir compte des lois de ia formation du revenu forestier ; ce fait doit intervenir pour la détermination de l'assiette de l'impôt, qu'il s'agisse d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les revenus, d'impôt sur le capital ou d'impôt sur la plus-value ou enrichissement. La méconnaissance de ce principe explique la diversité des méthodes préconisées en France pour le calcul de l'impôt forestier. La première en date est le revenu cadastral de la loi de frimaire an VII, qui ne voulait imposer que le revenu du sol, mais qui aboutissait à impo- ser les forêts feuillues sur ce revenu augmenté de celui provenant de l'aménagement en taillis simple, et les forêts résineuses, sur le revenu total des coupes annuelles. Le revenu dit effectif de l'instruction des Finances de 1908, ou revenu moyen arithmétique, — du moins selon l'interprétation que l'Adminis- tration a faite primitivement de son texte — impose les forêts sur le revenu total résultant de l'aménagement en coupes annuelles. Le revenu effectif, selon une interprétation plus récente de l'Adminis- tration, plus conforme au sens littéral, et confirmée à la Chambre par le Ministre des Finances, le 25 février 1913, s'obtient en divisant le prix du taillis, d'une part, et le prix de la futaie, d'autre part, par l'âge respectif des bois et en additionnant les deux quotients. Pour le taillis simple et pour la futaie pure, c'est le revenu moyen arithmétique ; pour le taillis sous futaie, c'est le revenu moyen aritlunétique du taillis augmenté du quart ou du cinquième du revenu moyen de la futaie. Le revenu dit théorique de la même instruction est évalué différem- ment selon la nature des forêts : pour les forêts feuillues, c'est le revenu cadastral; pour les forêts résineuses, c'est le revenu obtenu par compa- raison avec les sols voisins. — 262 — INTERNATIONAL 1913 Le revenu escompté^ proposé par un groupe parlementaire, est le revenu total des forêts supposées exploitées en une seule fois. Le grave défaut de ces méthodes est de ne faire aucune distinction entre les deux éléments du revenu des forêts, d'évaluer le revenu total, plus ou moins empiriquement, et de l'imposer à la contribution foncière, sans pouvoir prévoir les conséquences au point de vue de la juste répartition de l'impôt. La méthode proposée en 1912 par la sous-commission sénatoriale de l'impôt forestier fait une évaluation distincte des deux éléments du revenu des forêts, mais sans se préoccuper du revenu total. A toutes ces méthodes, on reproche de ne faire aucune différence entre le revenu des forêts exploitées en coupes annuelles et les revenus des forêts exploitées en coupes non annuelles, même en une seule fois, à quatre-vingts ans et plus pour les futaies. Pour parer à cet inconvénient, on a préconisé V impôt sur la coupe. Cette solution, logique lorsqu'il s'agit d'un impôt sur le revenu, serait difTicilement conciliable avec les principes du système fiscal français. D'ailleurs, cet impôt devrait être perçu non sur le produit de la coupe, mais sur le revenu. Les réalisations de capital, l'excédent sur la possi- bilité ne devraient pas être atteintes par l'impôt qui, au contraire, devrait porter sur la part du revenu qui serait économisée. Il faudrait déter- miner la valeur de la coupe normale et, comme conséquence, exiger du propriétaire une déclaration d'intention d'exploiter et lui imposer une vérification de ses balivages et de ses récolements. L'impôt sur la coupe comporterait un contrôle étroit de l'Etat sur la gestion des forêts particulières et prendrait fatalement un caractère vexatoire et inquisi- torial qui suffit à le faire repousser. L'application des principes rationnels évite tous les inconvénients, qui viennent d'être signalés. Que les exploitations reviennent ou non chaque année, le revenu du sol est le même pour une forêt donnée, seul le revenu de l'épargne et par suite le revenu total varie. On objecte la complication du calcul des annuités : il n'est pas impossible d'y remédier, au cas où l'impôt est réel et a pour base non le revenu exact d'une forêt déterminée, mais le revenu que peut donner une forêt moyenne soumise à l'exploitation et à l'aména- gement usuellement adoptés dans la région pour les forêts similaires. Dans ce cas, au calcul des annuités, il sera toujours possible de substi- tuer des coefTicients simples et peu nombreux, qui, convenablement choisis et appliqués au revenu moyen arithmétique, donneront le revenu annuel avec une approximation de 10 à 12 %, bien suffisante en pratique. Il serait trop long de donner la démonstration mathématique de ce fait, elle nécessite des calculs que chacun peut faire, s'il le désire. Il suffît d'en retenir les résultats. Pour une forêt donnée, exploitée en coupes périodiques revenant au moins tous les dix ans, la différence entre le revenu total évalué par la moyenne arithmétique et le revenu évalué par les annuités, à des taux compris entre 2 et 3 %, n'excède pas 12 %. Par suite, pour toutes les forêts pouvant être exploitées au moins en coupes décennales, on peut sans erreur sensible admettre que les coupes sont annuelles et considérer le revenu total comme égal au quotient du prix de la coupe par l'âge de l'exploitation. Seules seraient à considérer comme ne pouvant être exploi- tées en coupes annuelles, les forêts de trop faible contenance pour être — 263 — CONGRES FORESTIER Application des principes dans les diTers sys- tèmes d'injpôt divisées en coupes revenant tous les dix ans. On peut admettre que les bois de moins de dix hectares sont dans ce cas. Le revenu d'une forêt exploitée tous les vingt, vingt-cinq ou trente ans, calculé par les annuités à 2,5 % d'une part, et celui d'une forêt exploitée tous les vingt-cinq, trente et quarante ans, calculé par les annuités à 3 %, d'autre part, ne diffèrent que de 10 % au plus des deux tiers du revenu moyen. On peut, en conséquence, prendre pour revenu total des taillis de moins de dix hectares, les deux tiers du revenu moyen annuel, et pour revenu du sol les deux tiers du revenu moyen du peuplement donnant le revenu foncier. Pour une forêt exploitée tous les soixante, quatre-vingts ou cent ans, l'annuité calculée selon le cas à 3, à 2,5 ou 2 % est sensiblement égale au tiers du revenu moyen arithmétique. Cette proportion peut être admise pour l'évaluation du revenu total des futaies de moins de dix hectares. Deux coefficients suffiraient en pratique : Celui de 2/3 pour le revenu foncier et pour le revenu total des taillis de moins de dix hectares ; Celui de 1/3 pour le revenu total des futaies de moins de dix hectares. Sans doute à la limite extrême, une différence d'un are dans la conte- nance de deux forêts suffirait pour fa re considérer l'une comme pouvant être exploitée en coupes annuelles et l'autre comme ne pouvant donner qu'une seule coupe ; pour augmenter le revenu de moitié s'il s'agit de taillis, pour le tripler s'il s'agit de futaie. Mais c'est la conséquence fatale du système des moyennes. Malgré cette imperfection, cette solution suffisamment approchée et équitable donnerait pour le revenu du sol une évaluation très voisine de la réalité et serait, pour les propriétaires de forêts, bien préférable aux méthodes proposées jusqu'ici, si on exclut celle des annuités; elle aurait le grand avantage de permettre de ne pas taxer proportionnellement les petits bois plus que les grandes forêts. I. Impôt unique sur le retenu. — C'est le revenu total de la forêt qui doit être assujetti à l'impôt. Il n'y a, par suite, aucune différence à éta- blir entre le revenu du sol et le revenu de l'épargne; mais I'impôt doit PORTER SUR LE PRODUIT DE LA COUPE NORMALE, c'cSt-à-dirC Sur le produit de l'exploitation, diminué de la valeur du capital d'exploitation réalisé, ou augmenté de la valeur de l'épargne constituée. II. Impôt sur les revenus. Impôt cédulaire. — Le revenu imposable est toujours le revenu déterminé par la valeur de la coupe normale. Si le taux de 1' mpôt est le même pour les revenus des diverses cédules, comme dans Vincome-tax anglais, on revient au cas précédent. Si le taux varie selon la catégorie des revenus, l'équité exige qu'il soit fait une distinc- tion entre le revenu du sol et le revenu de l'épargne. Le revenu du sol est imposable au taux des revenus fonciers. Quant à l'épargne, à la futaie, il importe, dans l'intérêt économique, national et même mondial, d'en assurer la constitution et la conservation, ce qui n'est possible qu'à la condition que le revenu des capitaux employés aux placements forestiers, ou revenu de la futaie, ne soit pas plus imposé que le revenu des capitaux employés dans le commerce ou l'industrie. Dans le cas contraire, les propriétaires auraient un intérêt évident ù raser leurs futaies pour en employer le prix en placements dont le revenu serait moins imposé. 264 — INTERNATIONAL 1913 Si pour un motif de convenance fiscale, un Etat prétend n'imposer le revenu forestier que dans une seule cédule, celle de la contribution fon- cière par exemple, il faut que l'impôt total, en principal et en accessoires s'il en existe, grevant dans ce cas le revenu de la futaie, ne soit pas supé- rieur soit à l'impôt sur les revenus du commerce et de l'industrie, soit à l'impôt sur les bénéfices agricoles. L'un ou l'autre de ces impôts est, en effet, le seul que doit, en équité, en droit et en logique, le revenu de la futaie. Ce point est particulièrement important dans le système fiscal français où l'impôt foncier sert de base aux taxes locales, centimes dépar- tementaux et communaux, taxe vicinale et taxe de main-morte, III. Impôt sur le capital. — Dans ce système fiscal, le capital fores- tier à imposer se déduit généralement du revenu. C'est le cas pour l'impôt français des successions. Le revenu qui sert à évaluer le capital doit être calculé non d'après le rendement moyen des dernières coupes effectuées, mais d'après le produit que donnerait la coupe normale, correspondant à l'état actuel de la forêt. Le revenu à capitaliser est égal au rendement moyen des coupes, diminué de la valeur du capital réalisé, ou augmenté de la valeur du capital épargné dans chaque coupe. Pour les forêts exploitées en coupes annuelles, le capital est le quotient de la rente de la forêt par le taux des placements forestiers ; pour les forêts en coupes non annuelles, c'est le capital générateur du revenu pério- dique total ou le quotient du revenu total annuel par le taux. Lorsqu'il s'agit de l'assiette d'un impôt annuel sur le capital, cet impôt doit frapper exclusivement le capital qui produit le revenu, sans porter, au cas d'exploitation périodique, sur les revenus produits mais non recueillis, sur la valeur de la coupe en croissance. Si, au contraire, comme dans l'impôt français des successions, l'impôt doit atteindre le capital existant à un moment déterminé, il est nécessaire, pour avoir la valeur vénale actuelle de la forêt exploitée en coupes non annuelles, d'ajouter au capital générateur du revenu la valeur des coupes en croissance. IV. Impôt sur la plus-value. — La plus-value pour les forêts peut provenir d'une élévation du cours des bois se maintenant depuis un temps assez long pour être considérée comme définitive, ou d'une aug- mentation du capital d'exploitation. On ne doit pas considérer comme enrichissement, ou plus-value des forêts à exploitation non annuelle, les revenus dont la perception est différée et qui restent dans les coupes en croissance en attendant l'époque do leur réalisation. V. Impôts de mutation. — - Ces impôts sont perçus lors de la transmis- sion de la propriété. Nous avons parlé de l'impôt successoral, à propos de l'impôt sur le capital, il convient de rappeler cependant qu'il est équitable et logique de déduire du revenu à capitaliser la part du revenu absorbé annuellement par l'impôt. Reste à examiner l'impôt sur les transmissions entre vifs. En France, notamment, les droits de mutation entre vifs à titre onéreux ont un taux qui varie selon la nature mobi- lière ou immobilière de l'objet vendu : 2 14 % POur les meubles ; 7 % pour les immeubles. Le sol des forêts est incontestablement immeiible ; quant à la superficie, il faut distinguer : les arbres vendus avec le sol sont considérés comme immeubles ; mais s'ils sont destinés à être prochainement séparés du sol, s'ils sont vendus pour être abattus, ils sont réputés meubles. En cas de vente d'une forêt, le marchand de — 265 — CONGRES FORESTIER bois, qi^i achète la superficie pour l'abattre, paye 2,50 % sur la valeur des bois (1), le propriétaire qui achète la forêt pour continuer l'exploi- tation forestière paye 7 % sur la valeur des mêmes bois. Cette situation met le forestier dans une infériorité manifeste en face du marchand de bois, elle a pour conséquence les exploitations intensives, le déboisement. Pour assurer la conservation des forêts, il est nécessaire de distinguer dans le prix de vente des forêts la valeur du sol et celle de la superficie, fruit de l'épargne et de la prévoyance. La valeur de la superficie qui s'obtient par la capitalisation du revenu de l'épargne, augmentée de la valeur des coupes en croissance, devrait être taxée au taux du droit des ventes mobilières et même au taux du droit de transmission des valeurs mobilières. Les propriétaires impérissables : Etat, départements, communes, éta- blissements publics ou reconnus d'utilité publique, sont tout désignés pour assurer la conservation des forêts. Leur pérennité met celles qu'ils possèdent à l'abri d'un partage toujours funeste, ou d'une licitation plus dangereuse encore, elle leur facilite les sacrifices qu'exigent l'allongement des révolutions et l'éducation de la futaie, assurés qu'ils sont de tirer un avantage de cette conversion. L'intérêt pubhc commande donc de faciliter à cette catégorie de propriétaires l'acquisition de forêts, surtout en mon- tagne. Il serait désirable, à cet effet, de les exonérer des droits d'enregis- trement et de n'imposer les achats de forêts qu'ils font que d'un droit fixe de 1 franc, taux payé par l'État, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. Cette mesure aurait encore l'avantage de per- mettre aux personnes morales du droit administratif, autres que l'Etat, d'entrer utilement en concurrence avec les exploitants et même avec les particuliers, pour l'acquisition de forêts, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement : le revenu net qu'elles tirent de leurs forêts est, en efîet, inférieur à celui qu'en tirerait un particuUer, puisqu'elles payent, en plus que celui-ci, l'impôt de main-morte égal aux 0,875 (2) du principal de l'impôt foncier; par suite, elles ne peuvent offrir qu'un prix moindre à moins de se contenter d'un taux de capitalisation inférieur, les deux solu- tions les mettent dans une situation désavantageuse. Vœux relatifs a l'impôt foncier L Que, dans tout système fiscal, la base (T évaluation du revenu forestier soit le produit net de la coupe normcde correspondant au plan d'exploitation adopté : usuellement dans la région, si Vimpôt est réel ; par le propriétaire^ si Vimpôt est personnel. IL Que le revenu total annuel des forêts soit évalué : pour les forêts en coupes annuelles, comme le quotient du prix de la coupe normale par Vâge de l'exploitation; pour les forêts à exploitation discontinue, comme V annuité reproduisant la valeur de la coupe normale dans le nombre d'années compris entre deux coupes successives, les coupes étant supposées régulièrement réparties sur la durée de la révolution. (1) IjC projet de loi de finances de l'exeicice 1913, voté par la Chambre, porte ce taux de 2 à 5 %, selon la valeur des bois vendus ; au-dessus de 100.000 francs, le taux de 5 % serait applicable. (2) L'article 2 de la loi de finances de l'exercice 1913, voté par la Chambre des députés, élève cet impôt de 50 «/o et le porte à 131.25% du principal de l'impôt foncier. — 266 — lîS'TERXATIONAL 1913 III. Que, excepté au cas d'un impôt unique sur le revenu, V évaluation du revenu imposable des bois et forêts soit faite diaprés les principes suivants : Le revenu des bois et forêts est formé de deux éléments : 1° le revenu du sol ; 2° le revenu de V épargne accumulée dans les arbres de futaie et les coupes en croissance. Le revenu du sol est égal à Vannuité reproduisant la valeur de la coupe d'un peuplement {taillis, semis ou plantation) exploité à Vâge minimum auquel il peut fournir des produits de valeur marchande dans la région. Le revenu de l'épargne est la différence entre le revenu total et le revenu du sol. IV. Que, dans aucun cas, le revenu de Vépargne ne supporte un impôt total supérieur à celui auquel sont assujettis les revenus du commerce et de V industrie. Qu^en France, notamment, ce revenu ne soit pas assujetti à la contribution foncière ou que, dans le cas contraire, il ne soit frappé en principal que d'une taxe réduite en sorte que l'impôt total sur ce revenu {principal, centimes et taxe vicinale) ne soit pas supérieur à l'impôt sur les bénéfices du commerce et de V industrie, sinon à l'impôt sur les bénéfices agricoles. V. Que, dans l'impôt sur la plus-value ou l'enrichissement, ne soient pas considérés comme un accroissement de valeur des forêts à coupes non annuelles, les revenus dont la perception est différée et qui restent accumulés dans les coupes en croissance en attendant l'époque de leur réalisation. Vœux relatifs aux impôts de mutation et aux exemptions d'impôts intéressant spécialement la législation française I. Que, pour l'impôt sur les successions, l'évaluation des forêts en capital soit basée non sur le rendement moyen des dernières exploitations, mais sur le revenu total annuel que peut donner la forêt dans Vétat où elle se trouve à l'ouverture de la succession. II. Que^ dans les ventes de forêts en fonds et superficie, la valeur du fonds soit seule imposée aux droits sur les ventes immobilières, la valeur de la superficie étant imposée aux droits de transmission des valeurs mobilières ou au plus aux droits sur les ventes mobilières. III. Qu'au cas d'acquisition de forêts par les départements, les communes et les établissements publics ou d'utilité publique, il ne soit perçu pour l'enregistrement qu'un droit fixe de 1 franc. IV. Que la taxe de main-morte sur les bois et forêts acquis par les établis- sements publics ou d'utilité publique ne soit pas supérieure à celle frappant les biens des communes et des établissements publics de bienfaisance ou d'assistance. V. Que les terrains reboisés ou nouvellement boisés soient exonérés de tout impôt : Pendant trente ans pour ceux situés sur les sommets et les versants des montagnes, sur les dunes, dans les landes et les terrains marécageux ; Pendant vingt ans pour tous les autres terrains. VI. Qu'il soit accordé des dégrèvements temporaires pour les bois ruinés par des invasions d'insectes ou des maladies cryptogamiques, dont la recons- — 267 — CONX.RES FORESTIER titiUion par semis ou plantations aura été reconnue indispensable au main- tien de Vétat boisé. Des applaudissements nourris saluent la lecture des vœux présentés par M. Arnould. M. LE Président. — Les applaudissements par lesquels vous venez de saluer la lecture du rapport de M. Arnould et des vœux qui le ter- minent, s^ont, Messieurs, la juste récompense de l'intelligence et de l'ardeur avec laquelle, depuis de longues années, notre collègue s'occupe de la question si intéressante, si aride et si ingrate de 1 impôt forestier. L'ordre du jour appelle maintenant la lecture dune commuuication de M. Pallier, sur la Répercussion de la loi de 1907 sur l'impôt DES BOIS. Je prierai l'un des secrétaires de la séance do nous on donner lecture. M. Pallier expose que le dégrèvement de la propriété non bâtie que vise la Loi du 31 décembre 1907, se traduit en réalité par un accroissement d'impôts. Il cite comme exemple 105 hectares de bois situés dans l'arrondisse ment d'Alais (Gard). Cette augmentation d'impôts, réalisée par les agents de l'administration des Finances, est contraire à l'esprit de la loi, et se produit à un moment où les coupes se vendent de plus en plus mal. Conclusion : L'impôt sur la forêt ne doit être qu'un droit fixe sur les produits forestiers au moment de leur exploitation ; le taux doit en être suffisamment réduit pour attirer les capitaux et f;^voriser le reboisement. M. Gouget. — Ce que j ai à vous dire est en quelque sorte une suite au rapport de M. Arnould. J'en ai déduit aussi des conclusioms au point de vue du droit du propriétaire. Veuillez m'excuser de prendre la parole après le rapport si savant et si complet de l'honorable M. Arnould qui, depuis 1895, lutte avec autant de ténacité, d'énergie et de courage que d'intelligence et de compétence, pour une application plus juste de notre système fiscal ! Qu'il me soit donc permis ici de profiter de la circonstance pour rendre hommage à son labeur et lui témoigner la reconnaissance de tous les propriétaires forestiers. A la question de 1 impôt est liée indissolublement celle du droit de propriété, et c'est à ce propos c^ue j'ai cru devoir vous soumettre quelques observations en m'appuyant sur les principes de notre droit, sur l'opinion de tous les économistes et jurisconsultes et sur la loi elle-même. L'impôt, aujourd hui, est, pour la pkis grande i)ai'tit' dr la îortuniî forestière française, la négation du droit de propriété. Et cependant, que voyons-nous dans toutes les constitutions? L'affirmation constante de ce droit de propriété et sa défense contre toute oppression. Depuis 1789 jusqu'à nos jours, ce grand principe a été constamment proclamé ; en voici les principaux textes : — 268 — INTERNATIONAL 1913 Constitution du 17 septembre 1791, article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré^ nul ne peut en être v- privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique lexige évidemment «et sous la condition d'une juste et probable indemnité ». Dans la déclaration des Droits de l'Homme du 8 juin 1793 et ] acte constitutionnel du 24 du même mois, il est dit : « Que. le droit de « propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de dis- « poser à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail «et de son industrie ». La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme, et le Gouvernement ne peut violer les droits du peuple. La Constitution garantit à tous les Français, l'Egalité, la Liberté, la Propriété. C'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture de la terre, toutes les productions et tout 1 ordre social (Constitution du 17 août 1795). Au surplus, tous ces mêmes principes sont renouvelés dans toutes les lois établies jusqu'à ce jour. Ainsi donc, ce droit de propriété, proclamé depuis plus de 120 ans, inviolable et sacré, est en partie détruit; par quoi? par des lois qui, sans l'abroger ouvertement, le minent et l'annihilent petit à petit. Il s'agit de savoir si ces lois sont bien ce qu'a voulu et prévu le législateur et si l'interprétation qu'on leur donne si facilement est bien juridique. Pour ma part, je ne le crois pas. Aussi ai-je voulu profiter de ce grand congrès, dû à l'heureuse initiative du Touring-Club de France, pour faire valoir les motifs de ma conviction. Toutes les contributions doivent être reparties également entre les citoyens, en proportion de leurs facultés. Aux termes de l'article 59 de la Loi du 23 août 1815, les Français sont égaux devant la loi pour la contribution aux impôts et aux charges publiques ; ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'État (Loi du 24 août 1830). V Egalité de proportion dans V impôt est donc de droit. Si, de l'article 37 de la Loi du 25 septembre 1807, il résulte que les bases du revenu imposé sur les propriétés non bâties sont intangibles, et que le droit de se pourvoir en réduction n'est plus admissible, nous pouvons et nous devons opposer l'article 9 de l'ordonnance du 3 octobre 1821, dont l'interprétation, fournie par l'article 10 du règlement de cette ordonnance, est ainsi formulée : « Les propriétaires sont admis à réclamer à toute époque lorsque la diminution qu'ils éprouvent provient de causes postérieures et étrangères au classement, telles que : démolitions, incendies, cessions de terrains à la voie publique, disparition du fonds, enfin, perte du revenu dans quelque propriété dont la valeur justement évaluée dans le principe aura été détériorée par suite d' événements imprévus et indé- — 269 — CO>GRES FORESTIER pendants de la volonté du propriétaire et, ajoute Dalloz, par suite de variations dans le commerce ». Eh bien ! Messieurs, je vous le demande, nos bois, taillis simples et sous futaies, ne se trouvent-ils pas dans le cas prévu par cette Loi du 3 septembre 1821, postérieure à celle de 1807? Les législateurs ne se sont-ils pas rendu compte, 14 ans après, qu'il était inadmissible qu'on pût demander un impôt à une propriété qui ne produit plus suffisam- ment pour l'acquitter? N'ont-ils pas voulu corriger la règle par trop absolue et injuste de lintangibilité du revenu imposable et rentrer dans le principe de l'inviolabilité du droit de propriété? Le simple raisonnement porte à le croire. Que deviendrait, du reste, ce droit de propriété si, par l'impôt, on absorbait le revenu? Ce qui se produit actuellement pour les bois- taillis peut très bien s'étendre à toute la fortune immobilière française, et alors 1 Sans vouloir m'étendre trop longuement sur cette questioH que j"ai traitée à la Société des Agriculteurs de France, le 16 féviier 1912, je vous ferai remarquer que les causes de la diminution et de la disparition de nos revenus sont bien postérieures et étrangères au -classement de nos propriétés et indépendantes de la volonté des déteiiteurs des forêts ; que ces causes ont détérioré (c'est-à-dire ôté la valeur), changé, modifié et même anéanti le revenu de nos bois, et que, si elles sont dues au progrès, elles n'en subsistent pas moins pour la perte de nos taillis; tous, vous les connaissez ces causes, et je crois inutile de vous les signaler à nouveau ; dans tous les cas, nos produits ne trouvant plus que très difficilement leur écoulement, les débouchés se restreignent de plus en plus et, au fur et à mesure de la baisse des revenus, les frais d'exploitation, de transport, les impôts et les autres charges anciennes et récentes, créées par les lois sociales, augmentent dans des proportions telles que la forêt n'est plus une richesse, mais une charge dont on ne peut plus se débarrasser. En frappant nos bois d'impôts toujours croissants, on absorbe le capital ou plutôt on détruit sa valeur! Et alors on impose quoi? La misère ! Or, à l'intangibilité des bases absolument fausses de l'impôt, j'oppose : 1» L'inviolabilité constamment consacrée du droit de propriété ; 20 L'Ordonnance du 3 octobre 1821 et son règlement ; 30 Et l'opinion de tous les économistes qui ont traité cette grave question et dont voici quelques extraits : « L'impôt, dit Ricardo, est la portion du produit de la terre et de l'industrie qu'on met à la disposition du Gouvernement. » Suivant Jean-Baptiste Say, « c'est seulement une portion des biens des particuliers que le Gouvernement consacre à satisfaire les besoins du corps social ». L'impôt est légitime et juste en principe, mais il a une limite, c'est seulement la part de l'État dans les résultats de la production, et cette — 270 — INTERNATIONAL 1913 part (toujours et partout le mot : part et portion) doit être proportion- nelle à ces résultats, elle doit augmenter et décroître avec elle. Les charges, dont les peuples souffrent, sont réputées saines et justes, dit un député aux Etats , généraux du Dauphiné; « mais elles sont, dans TÉtat, ce que sont les voiles dans un vaisseau pour le conduire et non pour le charger et le submerger. Elles doivent donc suivre en principe, dans leur marche, la richesse nationale, progresser et décroître avec elle ; alors la fortune publique n'en souffre pas ». Je termine ces quelques citations par une des maximes d'Adam Smith; «Les sujets d'un EtÊ^t doivent contribuer au soutien du Gou- vernement, chacun le plus possible en proportion de ses facultés,, c'est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l'État. La taxe ou portion d'impôt doit être certaine et non arbi- traire ». Toutes ces opinions et ces maximes ont été constamment repro- duites, admises et suivies dans tous les pays constitutionnels ; la France doit-elle donc faire exception? Tous les économistes ont toujours regardé comme illégitime l'impôt que l'on ne peut payer qu'en attaquant le capital. Ce capital, pour nos bois taillis, ah ! il est joli ! Dans certaines contrées de la France, on ne peut plus l'estimer ; les transmissions à titre onéreux ne sont plus possibles que pour des sols portant de la futaie; les autres, même offertes gratuitement, on les refuse ; j'ai là sous les yeux des extraits de contrats réguliers et authentiques où l'on a passé les immeubles à des miséreux pour échapper à l'impôt. Je me dispenserai de vous énumérer à nouveau les nombreux exemples où limpôt dépasse le revenu ; je l'ai déjà fait, je me bornerai seulement à citer celui qui me concerne personnellement : propriétaire d'une forêt de 575 hectares, aménagée à 23 ans par des coupes annuelles de 25 hectares, j'ai vendu celle du présent exercice sur le pied de 116 francs l'hectare, ce qui représente un prix total de 2.900 francs pour la contenance prévue par l'aménagement régulier ; eh bien ! l'impôt qui, pour 1912, s'élevait à 3.321 fr. 38, atteint pour 1913 : 3.576 fr. 25, soit encore une augmentation de 256 fr. 87 et un revenu inférieur de 676 fr. 25 à la charge à acquitter cette année. Après cela, que faire? Raser les quelques futaies encore existantes; eh bien non, je n'ai pas youlu le faire, parce que je conserve le ferme espoir qu'une situation aussi injuste que lamentable doit prendre fin, que les Pouvoirs publics, suffisamment éclairés aujourd'hui, n'hésiteront pas à la changer, que nos réclamations en détaxe ne seront plus rejetées et que la jurisprudence consacrera la légitimité de nos droits de propriété, forte qu'elle sera en s 'appuyant sur tous les principes du droit, sur les lois que je viens de rappeler rapidement et sur la pénurie de nos revenus de taillis. Cet espoir, aujourd'hui presque une assurance, après les paroles prononcées hier par M. le Ministre de l'Agriculture, je le place surtout — 271 — CONGRES FORESTIER en vous tous, Messieurs, en cette haute et bienfaisante association du Touring-Club de France qui a pris en main avec ardeur, la défense, la conservation et l'amélioration de nos bois. Nous aimons tous la forêt ; c.lle est nécessaire, indispensable à Texistence des peuples ; elle nous préserve des calamités ; elle étend ses bienfaits sur toute la nature ; elle charme la vue, poétise la pensée et le cœur ; elle nous donne la santé et même la vie, il faut qu'elle prospère ; il faut qu'elle donne à celui qui la détient des revenus, c'est- à-dire cette jouissance que proclament toutes les lois, principe essentiel du droit de propriété, et non des charges qui la détruisent et la ruinent. Confiant dans la justice et l'équité des Pouvoirs publics, dans la haute compétence de notre distinguée et savante Administration forestière, dans le dévouement inlassable du Touring-Club de France et dans tous nos efforts réunis, je répète : « Réduisez l'impôt. Et alors, je crie de tout cœur : Vive la forêt. ! Permettez-moi maintenant de vous lire quelques renseignements recueillis au bureau de l'Enregistrement de Verzy (iMarno) et chez le percepteur de ce même canton : Ventes sous-seing privé : M. Rémy Fresnet (Alexandre) de Verzy, a vendu le 27 janvier 1908, à Peyre (.1. -Baptiste), marchand ambulant à Troyes, pour le prix de 15 francs, déclarés payés comptant : 1° Oh. 22 a. 30 c. de bois, lieu dit le Grand Corizeux, sur Verzenay. 2° 0 h. 22 a. 09 c, lieu dit le Gorizeux-sur- Verzenay. Payre est inconnu du percepteur et les impôts ne sont pas recouvrés. La veuve Renois-Pithois, de Verzenay, vend le 12 janvier 1912, à Lecompère (Emile), de Gormontreuil, 2 h. 48 a. 20 c. de bois sur Verzenay, pour 15 francs. Antoine (Donalieu), de Verzenay, mendiant et insolvable, achète le 15 février 1901 pour 20 francs, 2 h. 09 a. de^ bois, sur Verzenay, et le f'' décembre 1902, 1 h. 01 a. de bois sur Mailly-Ghampagne, pour 25 francs. Les prix de vente n'ont, parait-il, jamais été payés. Ferré Truchart (Gustave) à Verzenay, insolvable, a acheté les parcelles de bois ci-après : 44 sur Verzenay pour 1 fr. 60 - - 1 - 24 5 57 ' Mailly - 5 - Les faits de ce genre sont, paraît-il, nombreux, tant à Mailly qu'à Verzenay, canton de Verzy (Marne). En général, les parcelles sont vendues 1 ou 2 francs, qui ne sont pas payés; tous les frais restent à la charge du vendeur qui veille de près à ce que la mutation de propriété soit faite. Le receveur de l'Enregis- trement ne peut pas attaquer les parties pour dissimulation de prix de vente, car il sait que ces parcelles n'ont réellement aucune valeur, par suite des impôts à payer. Les adjudications publiques donnent, du reste, des résultats analogues : 30 octobre 1910, adjudication par M^ Labitte notaire à Verzy-: 1 h. 20 a. de bois au Grand Corizeux, territoire de Verzenay, vendu 1 franc à M. Gustave Ferré, de Verzenay. Le même jour, M. Ferré a acheté au même lieu, 0 h. 55 a. de bois pour 1 franc, par-devant M^ Ferté, notaire à Beaumont-sur-Vesles. 25 mars 1906 : M^ Labitte vend par adjudication, 1 h. à M. Patis-Gavet, de Verzenay, 1 h. de bois sur Verzenay, lieu dit le Plant. — 272 — 4 nov. 1910 : 1 h. 5 - - : 0 h. 26 - - : 1 h. 16 mars — : 0 h. INTERNATIONAL 1913 M. LE Président.' — Vous avez employé dans votre discours, à diverses reprises, une expression qui peut avoir une grande importance. Le document de 1821 est-il une ordonnance ou une loi? M. GouGET. — C"est une ordonnance royale. M. LE Président. — Justement ! Il y a là un point faible; d'un côté, nous avons la Loi de 1807 et de l'autre, nous avons une simple ordon- nance royale ! Ceci, tout simplement pour faire remarquer,, comme le disent d'ailleurs vos conclusions, que ce serait téméraire de faire fonds sur l'opposition de cette ordonnance avec la loi. En définitive, dans l'étude de cette question, et si nous voulons une amélioration de îa situation, nous sommes obligés de tabler uniquement sur une modification complète de la situation actuelle. Cela ne touche en rien à vos conclusions. Ce que je veux dire, c'est qu'il serait imprudent de compter sur l'état actuel de la législation pour en tirer avantage, parce que la réponse que je vous fais, le fisc vous la ferait immédiate- ment. M. Gouget. — Parfaitement ! A la Société des Agriculteurs, on m'a demandé, à la suite de ce rapport, de prier le Congrès de vouloir bien renouveler le vœu que la Société des Agi'iculteurs avait émis le 19 février 1912. Je ne sais si j'ai bien le droit do rappeler ici ce vœu?... {Voix nombreuses : Oui I Oui f) Puisque vous le voulez bien, je vais vous le lire : « Considérant que l'impôt foncier sur les forêts, principalement sur les bois taillis, est aujourc^hui hors de proportion avec leurs revenus qu il absorbe même dans certains cas ; « Que la proportion contributive de cet impôt dépasse toute quotité 'prévue ; « Que la diminution du revenu des bois est due à des causes indépen- dantes de la volonté des propriétaires ; a Que ceux-ci, soumis à des charges écrasantes, sont dans l'impos- sibilité de conserver et d'améliorer l'état boisé de leurs propriétés ; iiQue les forêts, par l' interdiction de défrichement et V obligation de garder contre le pâturage, ne peuvent fournir un autre revenu compensateur ; « Que la crise qu'elles subissent est devenue un état permanent et que rien ri en fait prévoir la fin ; <(. Que l'allégement qui pourrait résulter de la Loi du .31 décembre 1907 pour l évaluation du revenu net des propriétés non bâties n'est pas encore certain et que, dans tous les cas, l'application peut en être fort éloignée ; « La Société des Agriculteurs de France est d'avis qu'il y a lieu, dès maintenant, de confirmer ou d'admettre le principe de la réduction de l impôt, par rapport aux revenus forestiers actuels dûment justifiés ou à défaut de justifications et en cas de contestations, d'en déterminer l'importance par une expertise contradictoire. » — 273 — CO>GRES FORESTIER C'est un vœu d'attente. La plupart d'entre nous constatent que l'évaluation a été fort mal faite. Pour arriver à une révision complète, il faudrait que la révision fût faite dans d'autres conditions. Mais cette i*évision nouvelle, si elle était accordée, pourrait nous mener pendant trois, quatre, cinq ans, peut-être plus, avant que les impôts fussent diminués. Or, si d'ici là, nous restons dans cette situation, moi, le premier, je commence à faire argent de mes bois, au moins pour payer les impôts. Ce vœu a pour but d'arriver tout de suite à une réduction de l'impôt qui sera une détaxe, comme cela a eu lieu pour la vigne, je crois, pour des produits qui n'existent plus. M. LE Président. — Le bureau prend note de ce vœu, mais si vous voulez bien, nous le remettrons à la fin d3 la discussion, pour ne pas interrompre celle-ci. M. GouGET. — C'est entendu. M. Delahaye. ■ — On a parlé, en matière d'impôt sur les forêts, de l'évaluation du revenu. C'est la base des impôts. Or, il est intéressant de savoir comment cette évaluation est faite. Le contrôleur des contri- butions, assisté de classifîcateurs choisis, vous savez comment, procède à cette opération. Or, la propriété forestière a le malheur d'apparaître comme une propriété riche et on est toujours porté à la taxer un peu lourdement. Il n'y a aucun contrôle, et le malheureux propriétaire, une fois l'évaluation faite — c'est d'ailleurs ce qui s'est passé lors de l'évaluation de la propriété non bâtie — n'a qu'un recours illusoire. Il a la charge de la preuve, à l'inverse de ce qui se passe en matière d'enregistrement, et cette preuve est fort difficile à faire. Il s'agit donc de chercher à obtenir pour les contribuables forestiers des garanties, et il semble que l'Etat, de son côté, aurait des garanties suffisantes, en faisant intervenir, dans toutes ces évaluations et les litiges qui peuvent en résulter, un agent de son service, un agent forestier. L'agent forestier n'est pas un homme à tendances fiscales ; par consé- quent, je ne crois pas que les propriétaires aient à craindre d'exagéra- tions de sa part. Il agira en toute conscience et impartialité. Je vous demanderai donc d'insérer dans le vœu que, dans toutes les évaluations de propriétés forestières et dans les litiges qui les concernent, les agents forestiers de l'Etat soient appelés, obligatoire- ment, à donner leur avis. M. LE Président. — ■ Je vois tout de suite une objection : il faudrait augmenter considérablernent le nombre des agents forestiers. M. Delahaye. — C'est évident, et les indemniser de ce travail supplé- mentaire. ^l. LE Président. — C'est tout de suite une transformation considérable — 274 — INTERNATIONAL 1913 de l'administration. Or, comme le faisait remarquer M. Gouget, nous avons à solutionner une question urgente. Je me permets donc de signaler en passant, que, peut-être, dans les solutions à envisager, il faut avoir grand soin de tenir compte de la facilité de ces solutions, et d'éviter de trop préciser, ce qui amènerait toute une série de diffi- cultés. M. Delaiiaye. — On pourrait envisager tout au moins le cas des litiges et des réclamations. M. LE Président. — Ah ! ça, c'est autre chose ! M. de Sébille. — Messieurs, la question qui vous préoccupe aujourd'hui fait l'objet en Belgique, également, de la plus grande sollicitude. En 1897, le Gouvernement se proposait de modifier la base de l'impôt. Émotion générale ! Parce qu'on sait bien que si on modifie un impôt, c'est toujours pour l'augmenter ! {Rires.) L'impôt foncier sur les bois a dans presque tous les pays des bases injustes, il est partout exagéré et particulièrement en France, car je constate, Messieurs, que tous vous vous en plaignez. Chargé par la Société centrale Forestière et la Société • centrale d'Agriculture de Belgique de rechercher les modifications qui seraient utiles à apporter à notre législation pour soulager les propriétés foncières boisées, j^ai fait un rapport qui a eu l'approbation des plus hautes autorités. Je vous demande la permission de le résumer. J'ai constaté les profondes modifications apportées à la loi du 3 frimaire an VII et spécialement par le prince souverain des Pays- Bas, à cause de son arrêté du 30 septembre 1814, c{ui avait à cette épocfue la plénitude du pouvoir législatif, qu'il a conservée jusqu'à la promulgation de la loi fondamentale, en août 1815. Les instructions qui existaient sur le Cadastre en 1814 n'ont jamais été abrogées en Belgique ; il en résulte que les articles 111 à 120 de la loi du 3 frim.aire an VII sont sans application en cas de révision générale. D'où des complications, puisque les lois anciennes reprennent leur empire après la révision ; de sorte que les classements en bois, terres vaines et vagues ou en friches subissent des modifications injusti- fiables. Les lois du l^r décembre 1790 et du 23 novembre 1798 fixent la mode d'évaluation des bois sur la base des annuités des révolutions, s'il s'agit de taillis en coupe réglée. Mais s'il s'agit des bois de sapins, ils doivent être estimés d'après leur produit réel, c'est-à-dire sans déduction des frais de premier établissement, d'entretien et de gardiennage. Les bois de haute futaie font l'objet de classifications séparées sui- vant qu'elle est pure ou en mélange. Il résulte de l'exposé cjue j'ai fait des lois sur le cadastre, que dans l'esprit du législateur, la base de la cotisation des bois feuillus est calculée d'après la valeur du taillis croissant dans la région. Le taillis est divisé en plusieurs classes qui servent de base à son évaluation pour les bois à feuilles caduques; si sa révolution est de 10, 15, 20 ou 25 ans, le produit — 275 — CONGRES FORESTIER do sa vente, déducLioii l'aile des frais de ^arde, d'entretien et de repeu- plement prévus à l'art. 365, doit-être divisé par 10, 15, 20 ou 25, d'après la durée de la révolution dudit taillis, et le quotient s(?ra la base de Téva- lualion cadastrale, ce sera l'allivrement du bois. Ueniarquez que ce quotient est une fciction de la valeur du fonds et du produit de la superficie, aloi's qu'on aurait dû déterminer l'annuité correspondant à son revenu périodique donné. Il en résulte une majo- ration, une surtaxe, de 20 à 30 %. Il a donc certainement échappé à la perspicacité du législateur ([ue le produit de la vente d'un taillis n'est pas exclusivenunit la représeniation de hi iTUti' de la terre; il a perdu de vue que pendant 10, J5. 20 ou 25 ans, le propriétaire s'est privé tles fruits de son bien, qu'il les a laissés s'accumuler en bois, et que, par consét[ueni,le produit ([ue le lise ai teint est non seulement la rente de la terre, mais en ^ore les intérêts accumules de cette rente de sorte que pour les bois, l'impôt sur le revenu est superposé à rinipôi foncier. Cette innovation n'est pas justifiée; elle est en contradiction formelle avec l'esprit de l'époque et avec les bases établies pour les terres cultivées, elle est illég'ale ; aussi espérons-nous ((u'(dle va disparaître délmitive- ment de nos lois. Si nous passe !is maintenant des bois fiMiillus aux bois ré?ineux, nous constatons ([ue l'injustice est encore ])lus îlagi-ante ; en elTet. l'article 371 décrète « qu'ils doivent être estimés d'après leur produit réel ». Il n'est )ilus question cette fois de retrancher de ce prix les frais de garde, d'en- tretien et de repeuplement (3'i5). Cette exct'jition est conti'aire à l'esprit général de la loi. La création d'une pineraie est longue et coûteuse ; elle a à lutter contre la natui'e du sol, le climat, le feu, les insectes, et lorsque l'exploi- tation en est faite, on ne peut jamais compter sur le repeuplement naturel ; il faut enlever les souches, laisser son terrain en jachère pen- dant plusieurs années avant de le replanter, de sorte que les bases sur lesquelles l'impôt est calculé sont inexactes. On a donc prélevé, jusqu'à présent, un impôt beaucoup trop élevé sur tous les bois en général ; cette majoration pour les pineraies atteint de 40 à 50 %. Dans les développements qu'il a donnés au Sénat, le 24 décembre 1897, le Gouvernement, expliquant la loi budgétaire du 30 décembre 1896, a confirmé que les nouvelles évaluations seront établies d'après la valeur locative actuelle des propriétés. Or, les bois ne sont, en général. ])as mis en location pour le produit de leur matiè'e ligneuse, par conséquent pimr re qui croit sur le sol. Cette base n'existe donc pas : mais si l'on pi'fiid la valeur de la super- ficie au lieu de la valeur du fonds au nmment de l'expertise, la majo- ration de la cotisation pourra être de 300 à 700 % de ce qu'elle est actuellement; ;nicuii l)(»is )ic ])iMin';iii sui)|)orter im pu-cil iiupôt, il serait inique et inégal. D'un autre côté, la faculté((uo va do m ici' la loi. i an t à TA Iroinistration qu'au propriétaire, de réclanici' iM'riodiipu'mciii la i'c\ision des évalua- tions cadastrales, inaugurera pour iitus les deux une ère d'instabilité préjudiciable à la bonne tenue du cadasii'o. 1/uii ci ranlri' S':'ront à la nuM'ci d'innuences locales intéressées, (pii |Udvoqiioi'oni des réclama- tions incessantes, et l'arbitraire, craignons-nous, régnera dans les rap- ports de l'Alministration avec les priqu'iétaires, qui se croiront tou- jours lésés. — 276 — INTERNATIONAL 1913 Pour éviter toutes ces diflleultés et donner au fisc comme aux pro- priétaires le plus de garanties possible pour l'évaluation exacte de la cotisation des propriétés boisées, il est indispensable que l'on choisisse parmi les experts mi homme compétent, agréé par eux. Cette mesure d'équité s'impose pour éviter le retour des erreurs que nous venons de signaler. Le principe de l'immutabilité des cotes foncières est très discuté. I! a ses partisans, comme Sff-s détracteurs ; cependant, en ce qui concerne les bois, la plupart y trouvent de sérieux avantages. En effet, on est una- nime à constater que la valeur d'un bois change tous les jours, de sorte que chaque fois qu'une expertise d'un terrain boisé sera faite, il lui sera attribué, avec raison, une valeur différente; quand l'exploitaiion en sera terminée, la valeur de la superficie sera profondément modifiée: ainsi, pour les pineraies, par exemple, elle deviendra nulle et, qui plus est, le reboisera ^-nt du terrain entraînera des frais considérables, car il faudra enlever les souches, etc. Ces variations de valeur provoqueront des réclamations continuelles, au grand préjudice de tous. Il est donc nécessaire de maintenir l'immutabilité de l'impôt, tout au moins pendant une certaine période, sans tenir compte des variations qui peuvent atteindre sur le jmarché la valeur de quelques produits forestiers. Je conclus en proposant de demander au Gouvernement que Tiinpôt foncier soit exclusivemsnt établi, pour les terres boisées aussi bien que pour les terres cultivées, sur le revenu net du sol ou sur la valeur du fonds de terre, en y comprenant de part et d'autre les améliorations incorporées dans le sol, et cela sans privilège ni exemption d'aucune espèce et sans préoccupation de l'essence cultivée, ni même du trai- tement adopté. Pour les terres cultivées, l'Alrninistration prend pour base la valeur locative, elle n'a pas à s'inquiéter des assolements, ni de la valeur des récoltes qu'on leur fera porter ; pourquoi voudrait-elle alors s'immiscer dans les aménagements ou les essences des bois qu'on cultivera ? La valeur du fonds de terre doit seule, à notre avis, la préoccuper; c'est la base la moins variable de la propriété. Cette base présente le second avantage de pouvoir être généralisée pour toutes les terres sans exception ; elle est à la portée de tout le monde, elle peut donc être facilement discutée. Pour toutes ces raisons j'estime, JVL^ssieurs, que l'annuité que vous préconisez pour base de l'impôt n'est pas justifiée, et d'autant moins, que vous modifiez, à votre détriment, l'unité de taxation existante; en effet, pour les terres cultivées, vous acceptez la valeur vénale des champs sans tenir compte des p'oiuits que vous leur faites porter. Vous réclamez la justice pour cet impôt, vous ne pouvez la trouver que dans la seule ba^e indiscutable qui est la valeur du fonds de tci're. Je crois que dans ces conclusions, il y en a beaucoup qui se rapprochent de celles qui ont été émises par M. Arnould. M, LE Président. — Cette communication nous démontre qu'il n'y a pas que la France où la question de l'impôt forestier soit à l'ordre du jour et qu'il y a, évidemment, à déterminer les bases de 1 impôt — 277 — CONGRÈS FORESTIER un peu partout dune manière plus rationnelle que cela n'a été fait jusqu'ici. M. CosTE. — Il ne me paraît pas du tout désirable que dans les litiges — et ils seront nombreux — qui viendront à propos de la révision de l'évaluation de la propriété foncière, l'expertise soit, d'une façon obligatoire, confiée à des agents de l'Administration des forêts. Je crois qu'il serait de beaucoup préférable de laisser toute liberté aux juges chargés de trancher les litiges. Ils prendront les experts où ils voudront. Ce n'est pas que je me méfie des lumières ni de l'impartialité des agents des forêts, mais je connais la mentalité des plaideurs ; elle est souvent déplorable. Tous ceux qui peuvent avoir été mêlés à des affaires judiciaires vous diront que le plaideur qui perd son procès est facilement porté à la suspicion, et si l'expert de l'Administration fait une évaluation qui ne lui plait pas, le plaideur sera volontiers tenté de dire — à tort, je n'en doute pas — mais il le dira tout de même, qu'il y a eu entente entre l'Administration des Forêts et celle des Finances. Il y a eu une situation analogue, que je dois rappeler, en matière d'expertise concernant les travaux publics. Là aussi, on avait décidé qu'en manière d'expertises pour dommages, la tierce expertise serait obhgatoirement confiée à l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. L'intervention de ce haut fonctionnaire n'a pas désarmé les soup- çons. Il y a eu des plaintes, des récriminations, et, depuis un certain nombre d'années, cette disposition a disparu. {Assentiment.) Eh bien ! je crois qu'une intervention analogue aurait un grand inconvénient en matière forestière, d'autant plus que la loi Audifïred prétend établir — ce qui est très souhaitable, — une collaboration de tous les jours entre l'Administration des forêts et les propriétaires forestiers. Je suis persuadé que cette collaboration, souhaitable à tous points de vue, risquera d'être troublée, si tous les jours, à propos de litiges, d'évaluations, le propriétaire est en présence de l'expert, agent de l'Administration des forêts. Je vous demande de vous prononcer contre la proposition faite à cet égard. M. Chancerel. — L'article, complété par les conclusions de M. Gouget, qui demande l'expertise — et dans les termes mêmes où il la demande — me paraît être, en l'état actuel des choses, la seule solution possible. M. Michel Tanassesco. — Messieurs, la question est fort importante puisqu'il s'agit de ce que le fonds forestier et le bois sont imposés. II est évident que chacun des congressistes désire que la solution à laquelle s'arrêtera le Congrès donne satisfaction à tous. — 278 — INTERNATIONAL 1913 En Roumanie, l'impôt forestier est basé sur le même système que l'impôt agricole, c'est-à-dire que le propriétaire paye lorsque la forêt €st coupée. Il paye 6 %, dune part, pour l'État et 8 % (cela varie avec les régions) pour les dixièmes communaux, départementaux, etc.. Cette question me paraît être ainsi résolue dune manière équitable, surtout pour le propriétaire, puisqu'il nest pas obligé,- comme en France, de payer à l'Etat un impôt sans avoir rien touché auparavant {Applaudissements). Le propriétaire paie quand il réalise. Dans les exploitations agricoles, on touche chaque année le revenu de son sol, tandis que dans la forêt, ce n'est pas la même chose; on touche quand le massif est mis en exploitation. En France, on paye chaque année, puisque l'impôt est annuel. En Roumanie, on paye par périodes, La base est le contrat entre les parties, s'il existe. Si c'est le propriétaire qui exploite le bois, naturellement les agents du fisc en font une esti- mation. Si cette évaluation ne satisfait pas le propriétaire, il a le droit de la contester et l'aiîaire peut être jugée par la Commission d'appel avec droit de recours en cassation. Par conséquent, chez nous, le propriétaire ne paye à l'État un impôt annuel que pendant le temps qu'il réalise la coupe ou la forêt qu'il exploite, c'est-à-dire que si le contrat stipule par exemple sept années pour l'exploitation, l'impôt est divisé en sept parties, et le propriétaire paye annuellement pendant ce temps, un septième de l'impôt calculé sur la valeur de la coupe. L'impôt n'existe que pour la coupe, o'est-à-dhe que pour ce qu'on touche et non pas sur une estimation, comme en France. M. LE Président. — Votre communication est des plus intéressantes, mon cher collègue, et je vous en remercie au nom de la Commission. Il est toujours du plus haut intérêt d'avoir des vues sur ce qui se passe à l'étranger. M. Arnould. — Je voudrais bien préciser et prier M. Tanassesco de nous dire si, en Roum^anie, on a l'impôt sur le revenu ou l'impôt foncier? M, Tanassesco. — On a l'impôt sur le revenu. M. LE Président. — En dehors des forêts, par exemple, pour les pro- priétés agricoles, existe-t-il un impôt foncier ou bien un impôt sur le revenu? M. Tanassesco. — C'est toujours sur le revenu qu'est basé l'impôt si le terrain est pris à bail, sinon, d'après une expertise du fisc et dans les mêmes conditions que je vous ai exposées pour la forêt, M. LE Président. — C'est un principe profondément diffèrent du nôtre. Nous notons ce point particulier qui n'enlève aucunement son intérêt à votre communication. M. de Barbuat. — J'ajouterai seulement quelques mots aux communi- — 27.) — CONGRES FORESTIER cations si intéressantes de M. Gouget et de M. le délégué de Roumanie. Il s'agit d'un cas qui, comme pour M. Gouget, m'est personnel, d'une forêt qui se trouve, non en Roumanie, mais dans l'Yonne... malheu- reusement. Dans cette foret, à partir de 1909, la crise, due à la baisse des produits ligneux, écorce, charbonnette et bois de chauffage, s'accélère du fait de la dépopulation locale. Plus de consommateurs de bois de chauf- fage, plus de bûcherons, plus de charretiers, plus de marchands de bois. En 1910, la coupe ne peut se vendre ; en 1911, elle trouve acquéreur à 2.400 francs au lieu de 8.805. En 1912 aussi, pas de vente. Même ne vendant pas, il faut payer les impôts. Ces impôts, toujours croissants, 4 fr. 40 en 1901, 5 fr. 17 en 1909, 6 fr. 59 en 1913, dépassent le rendement actuel, 6 fr. 40, et se main- tiennent défmitivement au-dessus des rendements futurs qui suivront nécessairement les rendements antérieurs décroissants. Il est maintenant rigoureusement certain que jamais les prix des coupes ne pourront payer les impôts. Que faire de cette terre qui donnait autrefois beaucoup de revenu et payait peu d'impôts, alors quelle aurait pu en payer davantage (le système roumain a du bon) et qui maintenant ne donnant plus de revenu doit payer beaucoup d'impôts? La seule solution est celle qui a été employée et que citait M. Gouget : la, mort de la forêt, la coupe à blanc et la vente du sol à un insolvable. Si nous examinons maintenant quelles sont les parts respectives do l'État, du département, de la commune, dans l'impôt frappant la même forêt, nous trouvons qu'alors que l'État seul touche 19 %, le département touche 33 %, la commune, 48 %. La part de l'État, comme le constatait M. Arnould est donc bien modérée par rapport au reste, et un allégement de cette seule part donnerait un résultat très incomplet. Dans ce cas particulier, la grosse responsabilité incombe à la commune qui, prodigue des deniers d'autrui, fait payer par les propriétaires de la forêt, située à 5 ou 6 kilomètres, des frais énormes dont ils ne pro- fitent aucunement et qui sont contraires aux intérêts de la forêt elle- même . M. Descombes. — • Messieurs, la question qui vous est soumise est une des plus importantes au point de vue du maintien do nos forêts, mais elle est aussi infiniment compliquée. Nous nous trouvons en effet en présence d'une législation fiscale qui n'est pas encore faite; on hésite à modifier une législation qui approche de sa fin et on ne sait pas encore comment prendre une législation qui n'est pas encore faite, car si l'impôt sur le revenu a déjà fait l'objet du vote de la Chambre dans ses grandes lignes en ce qui concerne l'Etat, on ne sait pas du tout comment il agira vis-à-vis des ressources départementales et communales. Par conséquent, on est absolument dans le vague au point do vue de l'impôt futur. — 280 — INTERNATIONAL 1913 L'impôt actuel, celui qu'on considère comme passé, repose sur la Loi de frimaire an VII qui était extrêmement bien intentionnée, et il est extraordinaire de voir comme une loi bien intentionnée a produit des résultats déplorables. Cette loi, en efîet, prévoyait que l'on n'impo- sait pas plus les futaies que les taillis. Dans l'application, il y a eu du flottement ; il s'est trouvé que cette loi a été faussée par une série de considérations diverses, par des causes générales et par des causes particulières. Dans le cours d'économie professé à la Faculté des Sciences de Bordeaux, l'hiver dernier, les causes générales d'aggravation de cet impôt bien intentionné ont été réduites à trois. Il y a d'abord le fait que cet impôt est augmenté. En efîet, les budgets des départements et des communes sont alimentés par des centimes qui s'ajoutent au principal de l'impôt. Les quatre vieilles contributions directes ont la charge de ces centimes départementaux et communaux, et cette charge est assez considérable ; elle représente en moyenne, pour les forêts, 186 %, c'est-à-dire qu'elle triple presque l'impôt prévu pour l'Etat. D'autre part, on a assimilé la propriété forestière à la propriété agraire ; on a considéré son revenu annuel. Or, les forêts n'ont pas de revenu annuel, elles n'ont qu'un revenu périodique, et par cela même que le revenu est périodique, il y a un revenu apparent qui est très supérieur au revenu réel. Quand une forêt donne une coupe de 2.500 fr., au bout de 25 ans, vous ne pouvez pas dire qu'elle rapporte 100 francs par an. Par conséquent, l'impôt forestier se trouve méconnu dans sa périodicité et augmenté du tiers. Enfin, on considère le revenu forestier comme un revenu foncier. Un rapport très remarquable qui a été fait à la Société nationale d'agriculture au printemps 1910 a très bien combattu ce préjugé du caractère foncier de la propriété forestière. La propriété forestière a une partie foncière : son sol, mais elle a une partie immobilière : les arbres. Le code civil considère que les arbres qui sont immobiliers quand ils sont au sol, deviennent mobiliers quand ils ont été abattus, et l'on arrive à une série de complications. Il n'en est pas moins vrai que, comme règle générale, la propriété forestière comprend au moins pour les trois quarts, un bien qui est immobilier; si donc on lui fait payer l'impôt mobilier, on la surcharge abominablement, et en moyenne, la valeur des forêts se trouve augmentée de 20 % par la confusion entre mobilier et immobilier. Quand on additionne ces aggravations successives, on arrive ainsi à constater que l'impôt foncier se trouve quintuplé. M. LE Président. — Ce que vous dites en ce moment, M. Arnould l'a exposé dans son rapport; je vous demanderai donc de vous limiter autant que possible. M. Descomres. ■ — ■ Je disais donc que l'impôt foncier se trouve ainsi quintuplé par des méconnaissances dans l'application de la loi. — 281 — CONGRES FORESTIER Quant à l'impôt de transmission, M. Gouget nous a montré ce qu'il avait d excessif.; Il y a là une transformation de la fiscalité des forêts que, heureuse- ment, M. le Ministre nous a promis d'étudier, de concert avec M. le Ministre des Finances. Il y aurait encore d'autres atténuations à obtenir, et, puisque nous avons parlé ce matin des forêts protégées, ne pourrait-on assimiler les forêts protégées aux forêts domaniales, en supprimant le principal de l'impôt. Ce serait un petit sacrifice que pourrait faire lEtat. M. Larroquette. — Dans le rapport si complet de M. Arnould, j'ai relevé une partie concernant l'exploitation en Gascogne des forêts de pins maritimes. A la séance de ce matin, je vous ai signalé le cas du déboisement intense dans l'ancien domaine impérial, suivi fort heureusement du repeuplement. Je voudrais maintenant vous dire, que, depuis la Loi du 19 juin 1857, il y a 500.000 hectares en Gascogne, qui, actuellement, sont couverts de très belles forêts de pins. Or, la législation fiscale les a, fort heureusement pour les propriétaires et les communes, épargnés. En effet, un hectare de pins qui, actuellement, rapporte de 30 à 60 francs par an, paie quelques centimes d'impôts seulement. Naturelle- ment, les propriétaires ne demandent Jqu'une chose, c'est que cette situation dure le plus longtemps possible. j Or, le prix de la propriété forestière a augmenté de 60 % à 70 %, tandis que le prix de la propriété agraire a diminué de 30 %. Les agriculteurs trouvent donc que, véritablement, les charges fiscales ne sont pas proportionnées. L'impôt sur le revenu va mettre bon ordre à cela, et je trouve que c'est parfaitement juste, en corrigeant ainsi les inégalités du cadastre. Mais si les propriétaires, avec la plus-value que leur donne leurs arbres et la résine, acceptent, il y a toutefois opposition entre la conception des propriétaires et celle des contributions directes qui considère les coupes rases comme un revenu annuel. Les exploitants disent : non, ce n'est pas une exploitation ordinaire, cela n'a rien de commun avec les exploitations de bois en montagne, et ils disent : nous voulons bien payer à l'impôt, nous faisons des sacrifices, seule- ment, répartissons l'impôt de telle façon que les coupes rases ne soient pas considérées comme un revenu annuel. La question est actuellement discutée dans la région; elle a provoqué au début une certaine émotion, mais je crois qu'on arrivera à s'en- tendre avec de la bonne volonté de part et d'autre. Je puis citer comme document les vœux émis au Congrès tenu pour la première fois à Bordeaux, en 1909, et dans lequel cette question de l'impôt sur le revenu appliqué aux forêts de Gascogne a été examiné. Ces vœux correspondent à ceux qui terminent le rapport de M. Arnoult. Je crois donc qu'il n'y aurait qu'une simple addition à faire en ce — 282 — INTERNATIONAL 1913 qui concerne les forêts landaises, parce que ce sont des forêts soumises à une exploitation différente et tout à fait spéciale. Voici ces vœux : « Les propriétaires et résiniers représentant les 800.000 hectares de futaies résinières du Sud-Ouest de la France^ réunis en Congrès à Bordeaux., le 3 juin 1910, protestent énergiquement contre le système d'éçaluation adopté pour le revenu des pins dans V application de la Loi du 31 décembre 1907, par V Administration des contributions indi- rectes. « Déclarent que ce régime est absolument contraire à la Loi, qui ?ie frappe le revenu foncier que sur la valeur locative., c'est-à-dire sur la rente directe du sol et estiment que seul le système des annuités peut être appliqué dans le calcul du revenu du pin. « Us demandent en outre que les semis des .petits plants de pins soient exonérés d'impôts jusqu^ï Vâge de 30 ans. « Que des remises et modérations dHmpôts puissent être accordées au cas de baisse importante dans la valeur des produits du sol. « Que Vévalnatiôn du revenu des pins puisse être modifié en cours de période décennale sur déclaration de coupe rase faite par le pro- priétaire. M. LE Président. — Etant donné que nous sommes obligés de rester sur le terrain des généralités, je crois que les vœux du Congrès répondent mieux à ces généralités. M. RouLLEAU. — Messieurs, il a semblé tout à l'heure que quelques ora- teurs étaient partisans de l'impôt sur les coupes. En théorie, je me rallierais bien volontiers à cet impôt sur les coupes qui est en effet l'impôt idéal payé au moment où vous touchez. La méthode des annuités que M. Arnould a mise en évidence et a établie d'une façon très savante ne découle, en principe, exclusivement que de l'impôt sur la coupe ; l'annuité n'a été établie que pour annua- liser un revenu que l'on touche périodiquement, c'est-à-dire à la coupe, mais je voudrais vous faire toucher du doigt l'iniquité en pratique de l'impôt sur la coupe, dans un pays de vieille civilisation comme le nôtre, où des systèmes réguliers d'impôt fonctionnent depuis de très longues années. Prenons, si vous le voulez bien, pour concréter ma pensée, une pineraie âgée de 50 ans ; elle va venir en exploitation dans deux ans ; elle a 48 ans. Pendant 48 ans, j'ai payé l'impôt annuel. A 50 ans arrive l'impôt sur le revenu qui vient d'être décrété à la coupe, et on me. fait payer l'impôt à la coupe. Non seulement tout ce que j'aurai payé depuis le commencement n'entrera pas en ligne de compte, mais je payerai en bloc l'impôt à la coupe, c'est-à-dire que je paierai une seconde fois. Il y a là une injustice absolument flagrante sur laquelle je me permets d'attirer votre attention. Il y en a une seconde. La Loi de frimaire an VII a exempté d'une façon formelle la futaie feuillue ; la futaie feuillue ne paie pas d'impôts, — 283 — CONGRES FORESTIER même aujourd'hui, autre que ceJui du taillis simple qui en occuperait la place ; c'est inscrit dans le Recueil méthodique en toutes lettres. Eh bien ! sur la foi de ce qui a été inscrit dans le Recueil méthodique^ moi, propriétaire — et il y a beaucoup plus de propriétaires de ce genre que vous ne le supposez — j'ai économisé, j'ai multiplié la réserve, j'ai créé une forêt riche. Croyez-vous que si j'avais su qu'à un moment donné j'aurais à payer l'impôt sur la coupe, j'aurais constitué cette épargne? Jamais ! Nous nous trouvons par conséquent en présence d'une double injustice et je vous demande d'émettre le vœu que l'impôt sur la coupe ne soit pas adopté {Applaudissements). ' M. DE XicoLAY. — J'ajouterai quelques mots à ce que vient de dire M. Roulleau, à savoir qu'il faut chercher à aboutir à des solutions prochaines. En l'espèce, tous les budgets, non seulement le budget de l'Etat, mais les budgets communaux sont intéressés d'une façon très spéciale à ces déterminations foncières ; l'impôt de la coupe jetterait dans la détermination des budgets communaux un bouleversement que ceux-ci sont incapables de subir, notamment dans les régions où les domaines boisés représentent une très grande partie de la surface de la commune. Par conséquent, il semble qu'il ne soit pas possible au Congrès d'entrer dans une voie qui ne semble absolument pas réalisable d'une façon pratique, car elle soulèverait de la part des intéressés — en l'espèce, les administrateurs des communes, — des protestations, de sorte qu'il ne faut pas nous mettre dans cette situa- tion pénible de demander une chose que nous serions obligés de repousser comme administrateurs de communes. M. DE Larnage. — Je voudrais répondre un mot à notre collègue de la Gascogne. Nous avons des résineux en massifs très importants dans le centre et dans l'ouest de la France, qui font du gemmage et dont les intérêts sont intimement liés à ceux du sud-ouest. M. Roulleau, très juste- ment, a pris comme exemple, une coupe de pins idéale; il a répondu à l'objection que je voulais faire au point de vue de votre système. En ce cjui me concerne personnellement, je me rallie donc d'une façon complète, pour les pineraies, au vœu d'ordre général émis par M. Arnould. Quant à ce qui concerne les évaluations pour les pineraies, c'est un point très spécial, sur lequel on aura l'occasion de revenir dans la discussion et que nous étudierons d'une façon plus serrée. Pour le moment, qu'il me suffise de dire que nous sommes tous d'accord, au point de vue des éclaircies, pour dire que la perception si admirable- ment organisée en Roumanie est impossible à faire, étant donnés nos systèmes d' éclaircies en ce qui concerne les pineraies. Un Congressiste. — Je crois qu'il y a une question qui domine : c'est celle de l'avilissement général des produits forestiers et qui est la — 284 — INTEUiN.VTIONAL 1913 * cause de la crise que nous subissons tous. A l'heure actuelle, je no vois qu\m remède : c'est la révision du cadastre. J\l. GouGET. — Evidemment, la révision du cadastre serait idéale, mais cela demandera 25 à 30 ans. Si nous attendons jusque-là, et si nous devons payer les mêmes impôts, il n'est pas possible de continuer dans ces conditions. Le but de mon vœu, est de demander, en atten- dant la révision du cadastre, un dégrèvement que l'on peut baser à raison d'un tant pour cent sur le revenu qui existe actuellement. M. LE Président. — La révision de la base de l'impôt foncier peut se faire de différentes façons, et sans révision du cadastre, par une nou- velle assiette de l'impôt ; les deux choses ne sont pas complètement liées. En tous cas, nous avons d'abord à examiner les vœux du rapporteur qui ont une portée générale et je dirai, internationale. Dans la pre- mière partie, nous avons à voter sur ce que j'appellerai l'impôt idéal, la façon dont on doit asseoir l'impôt. Remarquez que vous ne ferez pas seulement une auivre théorique, puisque le Parlement, précisé- ment en ce moment, examine cette question. Par conséquent, ce vote, tout en ayant une portée internationale théorique, aura néanmoins une répercussion immédiate en France. J'aurai ensuite à vous proposer le texte d'un vœu complémentaire qui répondra à la préoccupation de M. Gouget, et à toutes les vôtres, Messieurs, car il y a un fait certain, c'est que la question de l'impôt forestier est extrêmement urgente. La «guillotine sèche » que nous a montrée tout à l'heure notre confrère, prouve que, indépendamment de la sokition générale que prépare le Parlement, il peut y avoir des remèdes plus rapides à appliquer. C'est ce que je me propose de vous montrer tout à l'heure, quand nous aurons terminé les cinq premiers vœux. ht' pri^)iiier vo'u qui v(»us (>st soumis est le suivant : ' 1" Que, ([(DIS tout système fisccd, la base iV évaluation du, revenu jorestier soit le produit net de la coupe normale correspondant au plan d^ exploitation adopté : nsuellen/eiU dans la région, si rimpôi est réel; par le propriétaire, si V impôt est personnel. » M. rtE Sébille. —Je voudrais apporter à ce vQeuune petite modilication; no pourrait -on pas le présenter comme ceci : ' Que dans tout si/stèmc fiscal, la hase d''év;t. — Il ne faut pas perdre de vue le côté pratique des choses. Si vous allez trop loin, vous risquez — et j'attire votre atten- tion sur ce point — qu'on traite la question contre vous. M. le Rapporteur a obéi évidemment à une préoccupation, celle d'aller au-devant des discussions à intervenir et des menaces qui se produisent et il a voulu dire : du moins, qu'on ne nous applique "pas telle ou telle chose ! Je me permets justement de demander à M. Barbier, qui est intervenu dans la discussion du deuxième vœu au point de vue des idées parle- mentaires, s'il serait bien opportun de se montrer intraitable et intran- sigeant sur cette question. M. L. B.\RBiER. — L'esprit général qui anime l'Administration, c'est la protection des futaies. 11 y a un certain nombre de formules qui sont en ce moment un peu en l'air, qu'il est difficile d'énoncer ; mais il y a une formule qui semble prendre jour un peu, qui aurait pour but de frapper d'une façon assez élevée celui qui ferait des coupes blanches, c'est-à-dire la coupe des futaies en même temps que la coupe de branches. 292 I.XTERNATIONAL 1913 Je ne peux pas vous indiquer une formule et vous Je comprenez, mais la vérité, c'est que voilà le but que l'on veut atteindre. En ce qui concerne ce quatrième vœu, voulez-vous me permettre de vous dire qu'il est très platonique, parce qu'il n'y a pas de base de comparaison quand vous dites : « auquel sont assujettis les revenus du commerce et de V industrie. » Ces revenus du commerce et de l'industrie sont le bénéfice résultant du travail absolu, tandis que vous, vous êtes soumis au temps. \'ous n'avez qu'à regarder pousser vos arbres. Il est donc difficile d'appliquer un vœu conçu sous cette forme pour dire : vous assujettirez notre revenu dans la même proportion que celui du commerce et de l'indus- trie! Que vous le souhaitiez d'une façon générale, c'est bien, mais c'est tout ce que vous pouvez faire. M. LE Président. — Ce vo?u a une allure assez générale. Le premier paragraphe est même international. M. L. Barbier. — Dans le second alinéa, vous dites que ce revenu ne soit pas assujetti, etc.. En ce qui concerne les bénéfices agricoles, je me demande s'il n'est pas possible de faire là une assimilation. Vous incitez l'Administration à envisager l'application de l'impôt sur les bénéfices agricoles, quand, en réalité, il semblerait y avoir en l'air une bienveillance particulière pour l'agriculture et une tendance à ne pas faire payer les bénéfices agricoles. JNI. Arxould. — Nous demandons alors à ne rien payer nous-mcmts M. L. Barbier. — Voulez-vous me permettre de vous dire que là il y a un travail à faire, travail ayant un but supérieur à la valeur de la forêt que vous possédez. En réalité, vous n'avez pas la même situation que l'agriculture qui a beaucoup de travail et de dépenses à faire. Je crois que si vous voulez manifester le désir que les dépenses de l'impôt soient semblables pour tout le monde, sous la forme où vous l'indiquez, ce sera une manifestation platonique. C'est un désir, mais un désir dont l'application est reconnue, à l'avance, impossible. M. LE Président. — Alors, voulez-vous me permettre de vous suggérer une transaction. Sans entrer dans le détail du commerce et de l'indus- trie qui, comme le dit M. Barbier, peuvent soulever des difficultés, mettons simplement : que les revenus de Vépargne supportent les contri- butions les plus modérées que la législation de cJiaque pays permettra. C'est un vœu très simple, mais qui laisse le jeu libre. Plî SIEURS Voix. — Supprimez le vo'u 1 M. LE Président. — Non, parce qu'il faut marquer notre pensée qui est qu'on ne taxe pas, si possible, dans les proportions où cela a lieu actuellement, et ensuite marquer notre intérêt pour les revenus (le l'épargne. — 293 — CONGRES FORESTIER M. L. Barbier. — On pourrait mettre : « Que Vimpôt ne soit pas supé- rieur aux impôts perçus sur toutes les sources de revenus ». M. LE Président. — Oui, mais cela laisse de côté la fameuse distinction entre les revenus du sol et les revenus de l'épargne. H. HiRSCH. — Je demande qu'on émette un vœu demandant que les revenus de l'épargne ne supportent aucun impôt. On a besoin d'arbres, tout le pays en a besoin ; il faut encourager la culture des arbres, donner des subventions. Ce sera là une manière d'encourager les arbres de croissance et de futaie {Approbation générale). M. Pelletier de Martres. — A la troisième section, ce matin, nous avons voté un vœu absolument conforme à ce que demande M. Hirsch. M. Leroy. — Je demande qu'on adopte un vœu demandant que le revenu de l'épargne ne supporte en aucun cas l'impôt foncier ni les impôts ou taxes assimilées. Cette rédaction réserve la question. Elle ne ferme pas la porte, mais elle ne l'ouvre pas non plus. M. L. Barbier. — Envisagez-vous l'impôt d'État ou l'impôt communal seulement? -M. Leroy. — Je dis l'impôt foncier, d'une façon générale, et j'ajoute les taxes assimilées. M. LE Président. — Je mets aux voix la rédaction de M. Leroy, telle qu'il vient de vous la présenter. Adoptée. Nous passons au vœu 5. Personne ne demande la parole? Je le mets aux voix. Adopté. C'est ici que je me permets de suggérer un vœu spécial à la France et qui répondrait à la pensée très Sage de M. Gouget. Il est évident que la révision de l'impôt n'est pas encore faite. Le Sénat s'en occupe, mais je crois qu'il y a beaucoup de chances — j'en appelle à M. Barbier — pour que l'œuvre du Sénat fasse encore retour à la Chambre. Par conséquent, le résultat n'est pas encore acquis. Or, tout le monde nous a cité des faits criants, et m'inspirant de la pensée de M. Gouget, je proposerai le texte suivant, qui a l'avantage de ne pas entrer dans trop de détails et qui se base déjà en partie sur la réglementation déjà existante. '< Qu'en France., le dégrèvement de la propriété non bâtie soit voté le plus vite possible par le Parlement, mais qu'en attendant les pro- priétaires particuliers soient admis légalement à bénéficier immédiate- ment des dispositions de V Ordonnance du 3 octobre 1821. » — 294 — INTERNATIONAI. 1913 . Ce voeu tendrait à faire insérer, par exemple, dans une loi de finances, en tout cas, par une disposition législative très simple, cette application de l'Ordonnance royale de 1821 dont nous parlait M. Gouget et qui permettrait d'obtenir immédiatement des dégrèvements dans les cas intéressants. M. DE NicoLAY. — Je m'excuse de prolonger ce débat, mais nous sommes dans un domaine qui ne connaît pas encore la réalisation. Nous ne devons pas oublier que les travaux législatifs, comme le disait M. Bar- bier, sont entrés dans cette voie des réalisations, et nous devons d'au- tant moins l'oublier que nous avons ici un des hommes qui ont le plus contribué à faire voter un texte qui est le seul qui ait donné aux pro- priétaires la satisfaction qu'ils demandent ; j'ai nommé M. le sénateur Barbier, dont l'activité et le dévouement ont été remarquables {Vifs applaudissements). Je me demande si, au mom-ent où le Congrès discute cette question de l'impôt forestier, il ne doit pas avoir une pensée pour le travail qui est en ce moment pendant devant le Sénat, lequel travail, si je m'en souviens bien, comporte justement le principe que vous avez émis aujourd'hui, à savoir la séparation des revenus, le calcul des annuités et un dégrèvement de l'épargne représenté par les futaies et les arbres en croissance. Je n'ai malheureusement pas ici la formule sur les lèvres, mais peut-être y aurait-il intérêt, en outre des formules que nous venons d'arrêter et qui ne sont en aucune opposition avec celles qui ont été soutenues ^ar M. Barbier, notamment devant le Sénat, à souhaiter, par exemple, que dans la nouvelle évaluation qui va se faire inces- samment, si l'amendement qui s'est appelé l'amendement Renard, pendant quelque temps, devient un texte de la loi de finances, pour la mise en pratique de cet amendement, on s'inspire des dispositions qui, jusqu'à présent, ont été émises devant la Commission sénatoriale de l'impôt sur le revenu. Je me permets, non pas de donner une solution, mais plutôt, et M. le sénateur Barbier m'en excusera, de solliciter son intervention. {Applaudissements.) M. L. Barbier. — - La question de l'impôt sur le revenu, lorsque l'amen- dement a été présenté, avait pour but de procéder au dégrèvement de l'impôt foncier en retrouvant la contre-partie dans l'impôt sur les valeurs mobilières françaises et étrangères. Vous vous rappelez que l'origine de l'impôt sur le revenu a été précisément la nécessité de dégrever l'impôt foncier. A côté de l'amendement Renard, il y a 'eu l'amendement Malvy ayant pour but le dégrèvement de la cote mobilière et de l'impôt des portes et fenêtres. Je tiens à déclarer que la Commission du Sénat serait prête, si on le voulait, à faire le dégrèvement de l'impôt foncier non bâti en trouvant ' — 295 — CONGRES FORESTIER la contre-partie dans les valeurs mobilières françaises et étrangères, et en s'en tenant là, pour cette bonne raison que le dégrèvement ayant une répercussion sur les centimes additionnels, cette répercussion peut être solutionnée en autorisant les communes et les départements à augmenter le nombre de ces centimes d'une façon équivalente au dégrèvement de l'impôt foncier qui disparaîtrait. 11 y aurait là un dégrèvement d'origine assez important en ce qui concerne le principal, mais si vous voulez souder à cela la suppression de la personnelle mobilière et des portes et fenêtres pour en faire l'impôt général sur le revenu, c'est toute la loi {Non^ non). En efîet, par cette suppression, .vous supprimez le principal d'une contribution qui entraine la suppres- sion des centimes correspondants, centimes qui s'élèvent à 315.000.000. Par conséquent, vous allez être dans Tobligation, avant de résoudn,' la question et de la proposer même sous cette forme, de demander à la Chambre de voter le projet de loi sur la transformation et la modifica- tion des centimes communaux et départementaux qui est resté latent à la Chambre, en attendant que le Sénat se prononce sur la réforme d'ensemble. Messieurs, vous attendrez un certain nombre d'années cette réforme si on soude les différents éléments que je vous indique pour constituer l'impôt sur le revenu. Il y a donc intérêt à ce que vous réclamiez d'urgence que l'application de la loi d'origine, ayant pour but le dégrè- vement de l'impôt foncier, ait lieu dès maintenant, puisqu'on en a les moyens et qu'on trouve sa contre-partie financière ; sinon, en soudant cette réforme à l'amendement Malvy, c'est l'ajournement certain à un certain nombre d'années dont je ne voudrais même pas me permettre de vous fixer la limite {Rires). Si nous réclamons seulement le dégrèvement de l'impôt foncier, on peut faire très vite, et si je dis qu'on peut faire, c'est parce que le .Ministre des Finances, ces jours derniers, a déclaré que le recensement de la propriété non bâtie était terminé, et que dans quelques jours, une quinzaine au plus, la Commission du Sénat allait être saisie des résul- tats. Par conséquent, nous aurons là ce que nous pouvons appeler les bases des projets d'évaluation faits par le Ministre des Finances. Nous avons demandé dans les arrondissements les opérations de recensement qui ont été faites ; on prétend qu'elles sont assez mal faites {Très mal, très mal). Je veux croire qu'on a fait son possible pour bien faire, mais, d'après les règlements antérieurs, il y aurait, à l'heure actuelle, prescription pour pouvoir formuler des réclamations sur ces évaluations. Je puis vous déclarer dès maintenant que vous pouvez avoir sur ce point une sécurité, parce qu'il y aura un délai assez long accordé, lorsque la loi le permettra, pour permettre à chacun de formuler de nouvelles déclarations. En résumé, nous demandons que cette réforme soit faite d'urgence, puisqu'elle est prête et qu'on ne soude rien dessus. Messieurs, associez-vous à nous, et je crois que vous nous aurez — 296 — INTERNATIONAL 191o donné une force plus grande, pour obtenir le résultat désiré depuis si longtemps. M. DE NicoLAY. — Je remercie beaucoup M. le Sénateur de m'avoir fait l'honneur de répondre à la question que j'ai posée, mais je lui demanderai un petit complément d'explications. La nouvelle évalua- tion de la propriété non bâtie va-t-elle ouvrir d'ici peu un recours devant l'autorité judiciaire pour protester contre les évaluations que nous estimons excessives? Ce recours, une fois ouvert, va comporter une nouvelle évaluation, s'il est fait droit à nos réclamations, évaluation faite en prenant pour base de nouveaux principes. Nous venons d'en émettre un ici même. A défaut de celui-ci, j'aurais aimé que l'on prenne comme principe, par exemple, celui qui a été émis jusqu'à présent par la Commission sénatoriale de l'impôt sur le revenu. M. L. Barbier. — C'est la Loi de 1907 qui a établi la base du recensement de la propriété non bâtie ; or, il n'appartient à personne, tant que cette loi ne sera pas modifiée, de prévoir d'autres bases pour les évaluations. Nous sommes donc dans l'obligation, pour respecter la loi, de nous baser sur le principe de la Loi de 1907, mais vous aurez toujours la ressource, si l'évaluation vous semble mal faite, de pouvoir formuler des réclamations et demander c{u'il soit fait une nouvelle appréciation. M. de Larnage. — Je crois qu'en ce qui concerne les évaluations de 1907, il faut nous en tenir à un strict règlement ; il faut essayer de tirer de l'application des modes de revision' qui nous sont ouverts le maximum de ce que nous pouvons obtenir. Or, nous pouvons obtenir, avec le mode actuel, de régler les réclamations individuelles de ceux dont la contribution a été un peu trop fortement taxée, dans les délais fixés par la Loi de 1907. Mais en dehors de cela, il y a le droit des collectivités. Devant le groupe agricole du Sénat, j'avais l'honneur avec le prési- dent du Comité des forêts, M. de Nicolay, comme délégué de la Société des Agriculteurs de France, de demander au groupe de vouloir bien appuyer ce droit des collectivités, égal à celui des particuliers, d'après la Loi de 1907. Or, elle est muette sur ce point. Je demanderai donc au Congrès de formuler à cet égard le vœu, que dans la revision, telle qu'elle nous est ouverte par la Loi de 1907, les propriétaires forestiers se voient appliquer les méthodes qui ont été reconnues par l'Admi- nistration des forêts elle-même comme les plus propres à donner satisfaction à nos intérêts, c'est-à-dire, en premier lieu, la distinction du capital, du revenu et de l'épargne. En second lieu, demandons que les collectivités aient le même droit que les individus, c'est-à-dire soient admises à réclamer dans les mêmes formes et délais que ceux-ci, étant donné qu'on a omis leur rôle dans la Loi de 1907. M. 1.E Président. — La proposition de AI. de Larnage vient peut-être — 297 — CONGRES FORESTIER compliquer la question, et je me permettrai de moditier le vœu dans le sens qu'indiquait M. Barbier, pour dire qu'en France le dégrèvement de la propriété non bâtie soit voté le plus tôt possible par le Parlement, mais qu'en attendant, les propriétaires forestiers soient admis à béné- ficier immédiatement des dispositions de l'Ordonnance de 1821. Cette première partie donne aux sénateurs l'arme dont ils ont besoin, et le second paragraphe donne satisfaction aux besoins immédiats, parce qu'il sera plus facile de faire insérer dans une loi de finances une disposition comme celle-là, que de faire voter pour un dégrève- ment immédiat, en raison des complications soulevées au Parlement et que M. le Sénateur Barbier nous exposait tout à l'heure. Je mets donc ce vœu aux voix. Adopté. M. DE NicoLAY. — Il m'a été reproché de faire une opposition illégale, mais je n'avais pas la prétention de parler du passé. Nous avons ici la prétention — et nous y avons été autorisés par de hautes autorités — à inspirer la législation de l'avenir. Ma proposition avait seulement pour but, étant donné que les Pouvoirs publics sont décidés à faire quelque chose pour la forêt, qu'ils sont décidés — la promesse nous en a été donnée — à obtenir, spécialement sur la question forestière, quelque chose en matière d'impôt forestier, ma proposition, dis-je, avait seulement pour but et tendait simplement à ce que les dispositions soient prises en temps utile pour qu'il soit fait droit aux réclamations qui vont naître, sur la base de l'impôt tel que nous venons de le fixer et tel que la Commission sénatoriale de l'impôt sur le revenu en a déjà tracé la direction. J'avais donc pour but, non pas de parler de l'état ancien, mais de préparer l'état nouveau vers lequel nous aspirons le plus promptement possible. M. LE Président. — Je crois que les vœux du Congrès répondent à votre désir. Nous demandons déjà le vote rapide du dégrèvement de l'impôt foncier non bâti ; il ne faut peut-être pas demander trop de modifications législatives, et dans ces conditions, je ne sais si un vote spécial entraînant une modification législative nouvelle ne viendrait pas, précisément, compliquer l'œuvre du Sénat. M. le Sénateur, n'êtes-vous pas de cet avis? Ne trouvez-vous pas que les membres du Parlement, défenseurs d'^s intérêts forestiers, sont, théoriquement et pratiquement, suffisamment armés, et qu'il serait plutôt gênant pour eux d'avoir à se prononcer sur une demande tendant à modifier législativement la Loi de 1007. Je me permets de poser la question sans la résoudre. M. L. Barbier. — Vous ne pouvez pas préparer un texte, pas plus que nous d'ailleurs. Je rends un hommage particulier à l'Administration des Forêts et au Ministre de l'Agriculture pour le concours qu'ifs — 298 — INTERNATIONAL 1913 nous ont accordé pour l'étude do cette question. Je vous demande de vous joindre à moi en cette occasion. {Assentiment.) Je souhaite que nous trouvions la même bienveillance auprès du Ministre des Finances, parce que c'est là le côté intéressant, — le côté financier. Le côté fisc est l'objet de nos plus grandes préoccupations. Je crois, Messieurs, que ce que vous avez voté est suffisant et représente bien ce que peut faire un congrès forestier. Il est inutile de compliquer les demandes formulées ; il pourrait y en avoir de contradictoires ; elles se compliqueraient les unes les autres. Je voudrais pouvoir répondre en face d'une proposition très nette. M. LE Président. — Le Parlement nous parait suffisamment armé. Je passe. Messieurs, à l'adoption des vœux dont je vous redonne lecture : 1" Que pour V impôt sur les successions, V évaluation des forêts en capital soit basée, non sur le rendement moyen des dernières exploita- tions, mais sur le revenu total annuel que peut donner la forêt dans. Vétat où elle se trouve à Vouverture de la succession. » Je mets ce vœu aux voix. Adopté. Je passe au second vœu : 2° « Que dans les ventes de forêts en fonds et 'superficie, la valeur du fonds soit seule imposée aux droits sur les ventes immobilières, la valeur de la superficie étant imposée aux droits de transmission des vcdeurs mobilières ou au plus aux droits sur les ventes mobilières. » Un Congressiste. — Cela existe déjà... I\L le Président. — Non ! C'est pour cette raison que, lorsque la forêt est à vendre, le propriétaire qui voudrait l'acheter pour la conserver se trouverait en infériorité vis-à-vis du marchand de bois. M. L. Barbier. — En matière de vente de forêts, il faut distinguer deux genres de forêts : celle qui est une propriété de jouissance, où les arbres ne sont pas abattus... M. le Président. — Je vois, M. Barbier, ce que vous voulez dire. On On pourrait ajouter au vœu ces mots : « Le.s- parcs et les jardins exceptés »?' Un Congressiste. — C'est la mort de tous les parcs. M. LE Président. — Non, car ils resteront soumis au régime actuel. M. DE Larnage. — Les parcs sont classés dans une catégorie spéciale. M. LE Président. — Oui, seulement, nous nous occupons ici de droits de mutation et non pas d'impôt direct. — 299 — CONGRES FORESTIER Jusqu'à ce moment un pourrait dire que la législation des contri- butions directes ne les connaît pas. On pourrait, je le répète, modilier légèrement le vœu en mettant : « les parcs et jardins exceptés ». Un Congressiste. — Le mot <^ forêt » implique naturellement l'exclu- sion (l(>s jardins et parcs. M. LE r^RÉsiDENT. — 11 pcut s'établir une confusion. Un autre CONGRESSISTE. — On n'a qu'à mettre « fo?'êts exploitées ». M. LE Président. — Cela pourrait donn<^r lieu à de grosses discussions. Je mets aux voix le vo'u ainsi modilit' : « 2° Que dans les ventes de forêts en fonds et superficie, parcs et jardins exceptés, la valeur du fonds soit seule imposée aux droits sur les ventes immobilières la valeur de la superficie étant imposée aux droits de transmission des valeurs mobilières ou au plus aux droits sur les ventes mobilières. » Le vœu est adopté. Je donne lecture du troisième vœu : a 3° Qu\ui cas iT ac(juisilioii de forêts par les départements, les communes et les établissemeuls publics ou d'utilité publique, il ne soit perçu pour F enregistrement qu'un droit fixe de un franc. » M. Gazin. — Je demande qu'on élargisse le sens du texte : « ainsi que pour les sociétés civiles qui pourraient se constituer en vue de V acquisition et de la possession de forêts et du reboisement des terrains vagues. » M. LE Président. — Ces sociétés existent déjà et ce que vous demandez sera peut-être difticile à faire admettre. Le vœu de M. Arnould contient les mots : « publics ou utilité publique » ; c'est ce qui nous facilitera le succès auprès du Parlement. Le jour où vous étendrez ce droit que nous réclamons à de simples sociétés civiles, j'ai bien peur que ce jour-là le v«>u soit condamné. Les finances sont très intransigeantes là-dessus. .M. CiAziN. — 11 y aurait cependant lieu d'cncnurager ces sociétés civiles. Elles supportent l'impôt foncier comme les propriétaires particuliers ; l'impôt, de constitution de société ; l'impôt de main-morte. Elles sont complètement découragées. Il ne s'en constitue plus, précisément à cause de toutes ces charges qui les écrasent. Les forets seraient mieux placées entre les mains de sociétés que dans celles des parti(;uliers. M. LE Président. — Dans le fond, ce serait très heureux. Mais ne risquerions-nous pas de faii'c niniplèlenicnt n'pouss(>r nnlrc viïmi? — :!00 — IISTERNATIONAL 1913 M. Leroy. — La question est très délicate. Je proposerais simplement l'exemption du droit d'enregistrement. M. LE Président. — On pourrait ajouter : c Soieni exemples dans ht plus large mesure possible? » Un Congressiste. — 11 serait bon de fain> mention de ces sociétés qui sont fort utiles. M. LE Président. — Nous ne le contesterons pas. Je vous propose de distraire ce vœu et de le discuter demain. M. L. Barbier. — Ce n'est pas au moment où l'Etat a besoin de tant d'argent qu'il faut demander des avantages particuliers, non seulement pour les départements, les communes, mais les établissements publics. M. LE Président. — Je vous propose de disjoindre ce vœu qui sera discuté demain lorsque nous étudierons la question de l'acquisition par les collectivités. L'assemblée se rallie à cette manière de voir. M. le Président. — Nous passons au cinquième vo'u : ■ Que les terrains reboisés ou nouvellement boisés soient exonérés de tout impôt; Pendant trente ans pour eeux situés sur les sommets et les versants des montagnes ^ sur les dunes^ dans les landes et les terrains marécageux; Pendant vingt ans pour tous les autres terrains » M. Banchereau. — Je voudrais que Ton tienne» compte des terrains reboisés. Nous avons obtenu que les terrains reboisés, c'est-à-dire ayant été autrefois en forêt, déboisés, et remis de nouveau en forêt, soient exonérés de l'impôt pendant trente ans. C'est une nouvelle faveur que nous avons obtenue il y a très peu de temps. Je crois qu'il est intéressant de ne pas comprendre les résineux dans les exonéra- tions et d'admettre qu'une forêt de résineux qui, au bout de 60 ou 70 ans, aurait été coupée et reboisée, ne soit pas considérée comme un terrain reboisé. Mais lorsqu'un propriétaire achète un terrain qui a été boisé autre- fois, dans lequel on a fait une opération malheureuse de défrichement et de mise en culture, comme cela est arrivé trop souvent autour du périmètre domanial, il faudrait que le propriétaire puisse jouir de l'exonération. M. le Président. — Votre observation est juste. M. Banchereau. — Je me suis trouvé dans des circonstances semblables. — ;:!01 — CONGRES FORESTIER Les terrains avaient été achetés par l'Administration domaniale en en 1835. Mon père les ayant mis en culture a demandé l'exonération pendant trente ans ; elle lui a été. refusée ; on lui a dit qu'il s'agissait de terrains ayant été boisés. Le fisc a été intraitable. Depuis, l'exonéra- tion a été obtenue. Je voudrais que l'on établit une distinction juste- ment pour éviter ces erreurs. Un Congressiste. — La jurisprudence sera maintenue, il n'y a pas de doute. M. LE Président. — Je crois qu'il est préférable de maintenir le texte de M. Arnould. Je crois qu'il donnera satisfaction à tout le monde. M. Pelletier de Martres. — 11 ^"y a pas de législation qui dépasse trente ans, c'est pour cela que nous demandons qu'on en fasse une. M. L. Barbier. — La loi actuelle, si j'ai bonne mémoire, exonère pendant trente ans les semis, et plantations. Ce sont les termes mêmes... M. LE Président. — En effet. M. i-loiLLEAu. — Il me semble que ce texte donne toute satisfaction à M. Barbier puisque c'est la Commission sénatoriale de l'impôt sur le revenu elle-même qui a fixé ce- texte-là. 11 est conforme à celui de M. Arnould. AL L. Barbier. — Je vous demande d'ajouter les mots " semis et plan- tations ». M. Pelletier de Martres. — Pourquoi ne pas mettre « terrains incultes .^ » Un Congressiste. — Ne pourrait-on pas ajouter « Même en cas de vote (le r impôt sur le revenu ? » M. LE Président. — Je crois qu'il vaut mieux ne pas en parler. Le même Congressiste. — Nous n'aurons pas le dégrèvement alors^ puisque l'impôt sera global? M. L. Barbier. — On ne peut pas apporter une exception à une loi qui n'existe pas encore. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu du rapporteur en ajoutant après les mots « ou nouvellement boisés », les mots « par semis et plantations ». Le vœu est adopté. Messieurs, je donne lecture du sixième et dernier vœu : — 302 — INTERNATIO>JAL 1913 '( Qu'il soit accordé des dégrèçements temporaires pour les bois ruinés par des invasions d'insectes ou des maladies cnjptogamiques dont la reconstitution par semis ou plantations aura été reconnue indispentable an maintien de Vétat boisé. » Un Congressiste. — Ne conviendrait-il pas de prévoir la destruction par incendie? M. LE Président. — Certainement. Nous ajouterons donc le mot « des incendies » entre les mots « par » et '< des invasions ». Je mets aux voix le vœu ainsi modifié. Le vœu est adopté. La séance est levée à 5 h. 30. — 303 CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 18 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 35. H. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Margaine, sur les Ligues, syndicats et caisses de crédit FORESTIER. La parole est à M. Margaine pour la lecture de son rapport. M. Margaine. — Le rapporteur compte sur la bienveillante indul- gence des lecteurs pour excuser les lacunes inhérentes à un travail aussi court sur un sujet aussi vaste. Il doit remercier les nombreux correspondants qui ont bien voulu répondre à l'appel du Touring-Club et tout particulièrement, pour les pays étrangers, MM. Anstruttier pour l'Angleterre, Campbell pour le Canada, Pillichody et Barbey pour la Suisse, Krarup pour le Danemark, Saxlund pour la Norvège, 'les départements des forêts pour l'Autriche et les États-Unis ainsi que l'Associatiori centrale des syndicats agricoles de Darmstadt pour l'Allemagne. sommiiirc (l'un Terminologie adoptée. — L'instinct d'entr'aide qui existe chez tous (jfmiUTuM/.Tn- Ips hommes se manifeste, dans les groupements qu'ils établissent entre iiomiiiiic (lu eux, suivant leur profession, sous deux formes nettement différentes : "■",'."''' '"""" 1° Ils peuvent s'unir dans un but (Vintérèt uniquement général, désin- téressé, sous les formes de « Sociétés académiques », « Sociétés d'études », « Associations pour la défense des intérêts généraux du pays », etc. : groupements scientifiques. 2° Ils peuvent s'unir dans un but cV intérêt particulier : groupements économiques. A. Ce but peut être relativement général lorsqu'il s'agit pour le grou- pement formé de défendre les intérêts généraux de la profession de ses membres, sans s'occuper de leurs intérêts, à eux, pris isolément. C'est ce que nous appellerons le mouvement syndicaliste et nous désignerons ces groupements sous le nom de syndicats. B. Ce but peut être de défendre les intérêts particuliers de chacun des membres du groupement par la coopération ou la mutualité. a) Dans la coopération, les hommes groupent leurs capitaux, leurs biens mobiliers et immobihers ou leur travail dans un intérêt spéculatif. Nous n'étudierons que les groupements des biens et les groupements — 304 — INTERNATIONAL 191o du travail que l'on désigne plus généralement sous le nom de « coopé- ratives » et nous n'entendrons même par « coopération » que l'association des biens et du travail à l'exclusion des groupements de capitaux. b) Nous entendrons par niiUiialité, le groupement des hommes dans le but de se venir en aide les uns aux autres sans idée de bénéfice immédiat. Ces organisations sont permanentes (Sociétés) ou temporaires (Congrès); (il•oullelneIlt^ nationales ou internationales. srie...iiu,u..s. a) Sociétés nationales. — Les questions forestières sont à l'ordre du jour dans tous les pays civilisés ayant des forêts. Dans tous, les sociétés savantes les étudient ; dans tous, des sociétés savantes spéciales se sont formées pour les examiner. Certaines sociétés étudient toutes ces questions en général, réunissent des congrès nationaux, font des excursions scientifiques et publient des mémoires dans des bulletins périodiques (1). D'autres poursuivent des buts plus nettement déterminés : elles cher- chent à provoquer le reboisement dans le pays (2) , ou à empêcher le déboi- sement des montagnes (3), à défendre les forêts en tant que sites natu- rels (4), a étudier les essences ligneuses et en propager l'emploi (5). Certaines sociétés à but général poursuivent en même temps des buts spéciaux. Certaines sociétés forestières patronnent le reboisement des terres incultes, la diffusion de l'instruction forestière dans l'enseignement primaire. b) Congrès natioriaux. — Dans tous les pays, les congrès agricoles s'occupent souvent des questions forestières. En dehors des congrès des sociétés savantes, il se tient dans beaucoup de pays des congrès spéciaux de sylviculture. c) Sociétés internationales. — Il existe même une société internationale d'études forestières : « l'Association internationale des Stations de recherches forestières » fondée en 1874 sur l'initiative du docteur Wittmack, conservateur du musée agricole de Berlin. d) Congrès internationaux. — Beaucoup de congrès internationaux d'agriculture ont étudié certaines questions forestières. Le Congrès de Vienne (1907), dans sa VIII® section a discuté les rapports de MM. Pardé et Péronna sur la coopération forestière ; il a demandé l'établissement d'une revue internationale forestière et établi une commission internatio- nale pour l'étude d'un système uniforme de statistique de la production et du commerce du bois. Le Congrès de Madrid en 1911 a étudié le reboi- sement. Celui de Gand (1913), comprend une section de sylviculture. A Paris, en 1900, s'est tenu un Congrès international de sylvicuture. Il n'y a pas été question de coopération forestière. (1) Société forestière de Franche-Comté, en France ; Société des Forestiers suisses; Société forestière norvégienne « Norsk Strogele Kab »; Association forestière du Canada ; Société d'Ingénieurs forestiers du Canada; Association forestière américaine; Société des Forestiers allemands et Société des Forestiers mecklembourgeois; Société forestière centrale de Belgique ; Société forestière de Saint-Pétersbourg ; Société nationale de Hongrie ; Société forestière danoise, etc. (2) Société des Amis des Arbres en France, en Espagne ; Congrès de l'Arbre et de l'Eau. (3) Association pour l'aménagement des montagnes en France, en Algérie ; Société Pro Montibus et Sylvls, en Italie. (4) Commission des Pelouses et Forêts du T. C. F., en France; Association pour la conservation des richesses naturelles, aux États-Unis. (5) Sociétés deiidrologiqiu's française, allemande, société royale d'arboriculture anglaise et écossaise. — 3Ô5 — CONGRES FORESTIER «roupcmeuts Les Syndicats forestiers ■ — Les syndicats, avons-nous dit, sont des économiques, associations fondées par des gens ayant une profession déterminée, dans le but de défendre les intérêts généraux de leur profession. Les syndicats doivent donc se classer et s'étudier d'après la profession de ceux qui les composent : marchands de bois, agents et préposés forestiers, proprié- taires forestiers, ouvriers bûcherons. a) Syndicats de marchands de bois — - Le commerce de bois dans la plupart des pays est fortement organisé, mais ce genre d'organisation ne rentre pas dans le cadre de notre étude. b) Syndicats d'agents forestiers. — Dans nombre de pays également, les agents ou préposés forestiers de l'Etat (1) ou des particuliers, les ingénieurs forestiers, etc., se sont unis pour la défense de leurs intérêts. Ces syndicats sont formés d'une catégorie trop spéciale de personnes et sont souvent dans une dépendance trop étroite des pouvoirs centraux pour avoir une véritable influence dans le mouvement économique forestier. c) Syndicats de propriétaires forestiers. — L'esprit généralement par- ticulariste du propriétaire, surtout du propriétaire forestier, dans tous les pays, fait que celui-ci entre plus volontiers dans l'organisation syndi- cale que dans l'organisation coopératiste, et encore faut-il que quelqu'un mette le mouvement en train. En France, le mouvement a pris une extension apparente assez considérable sous l'impulsion de «r6)//ïce fores- tier du Centre et de VOiiest », fondé en 1908 par un homme de grande compétence forestière, AL Roulleau. Le mouvement a été favorisé par la diminution du revenu de la propriété boisée à la suite de l'effondre- ment des cours des bois de chauffage, de l'augmentation du prix de la main-d'œuvre, de l'accroissement des charges fiscales coïncidant avec une taxation maladroite des droits successoraux. Les propriétaires qui n'ont pas réalisé leurs forêts, ont fondé en beaucoup d'endroits des syndicats (2) dont le but est surtout, en ce moment, de combattre la législation fiscale forestière. Mais le nombre de ces syndicats ne doit pas faire illusion sur le nombre de leurs membres, qui est très restreint (1500 environ?); aussi la force de ces syndicats est-elle limitée, parce qu'ils n'ont pas pu ou pas su grouper les masses des petits propriétaires forestiers, et que le syndicat est l'arme des masses. La richesse de leurs membres aide à la prospérité des coopératives ; le syndicat lui ne puise la vie que dans le nombre de ses adhérents. Conscients de leur faiblesse, les syndicats forestiers français se sont fédérés en un « Comité des forêts » qui est à la fois une union de syndicats et un syndicat à rayon très étendu. Il est fondé depuis trop peu de temps pour qu'on puisse constater les résultats de son action. Ses dirigeants semblent vouloir s'adresser plus directement qu'il n'a été fait jusqu'ici aux nombreux petits pro- priétaires forestiers. Personnellement, nous pensons que cette organisa- tion très utile, ne trouvera, si elle reste sur le terrain uniquement syn- (1) En France : Société des Agents forestiers, qui est aussi une société de secours et de prêts ; Association des Agents forestiers, qui est un véritable syndicat de défense professionnelle, comme ï Association des préposés forestiers. Au Canada : Société des ingénieurs forestiers. (2) Syndicats de Saint-Bonnet-le-Ghâteau, d'Eure-et-Loir, des Côtes-du-Nord, de la Mayenne, de la Sarthe, de Touraine, du Berri, de Maine-et-Loire, de l'Aisne, du Nord, de la Marne, de Château-Thierry, de la Haute-Marne, de l'Ain, de Lorraine, du Nivernais, — 306 — INTERNATIONAL l'Jio dical, que difficilement les ressources qui lui sont nécessaires pour jouer le rôle économique auquel elle aspire. Il existe aussi à l'étranger des syndicats ayant une action législative. En Autriche la « Société Centrale pour la protection des intérêts agricoles et forestiers, à l'occasion des traités de commerce », a une action poli- tique très nette et très active (1). Mais l'action des syndicats peut s'exercer dans d'autres sens II y en a qui se sont fondés, en France, pour lutter contre l'organisation syndicale ouvrière, comme le syndicat des propriétaires forestiers de la Nièvre (spécialement section de Decize), d'autres, pour lutter contre l'organisation syndicale des marchands de bois. Lorsque ces syndicats procèdent à des ventes en commun ou à des exploitations directes, ils prennent une allure nettement coopérative et doivent être considérés comme coopératives. d) Syndicats ouvriers — Il existe, en France, deux régions où ont pris naissance et se sont implantées des organisations syndicales ouvrières. Elles ont d'ailleurs dans chaque contrée, des allures assez différentes. 1. Syndicats ouvriers du centre. — Les syndicats ouvriers du Centre sont de véritables syndicats dont l'action "se poursuit sur le terrain des salaires et des lois et sur le terrain politique. Ils sont unis en une « Fédé- ration nationale des syndicats de bûcherons », affiliée à la Confédération générale du travail (Congrès de Bourges 1902) et formant l'Union fédé- rative terrienne, avec la Fédération agricole du Midi, la Fédération natio- nale horticole et la Fédération agricole du Nord. L'organe officiel de cette union est le Travailleur de la Terre. Le mouvement est né à la suite de dépréciations de salaires telles que beaucoup de bûcherons n'arrivaient pas àgagnei plus deOfr. 75 par jour; il a réussi à arrêter la chute des salaires et même à les faire remonter à un taux plus normal. Le congrès des syndicats bûcherons du Lurcy- Lurcy (1912), accompagné d'une réunion d'ouvriers agricoles, s'est can- tonné sur le terrain des revendications professionnelles, maislelX^ con- grès de leur fédération nationale a affirmé par certaines résolutions le rôle qu'il entend jouer dans la lutte des classes. 2. Syndicats ouvriers des Landes. — Dans les Landes, les gemmeurs se sont syndiqués. Le mouvement a pris naissance en 1905 à Lit et Mixe, il a eu moins d'homogénéité que dans le Centre. Une Fédération des des différents syndicats s'est formée, mais beaucoup se tiennent à l'écart pour des raisons le plus souvent d'ordre politique. L'action des syndicats est restée cependant uniquement professionnelle et elle a abouti à un sérieux relèvement des salaires ; elle tend aujourd'hui à des buts nette- ment coopératifs. Au Vile de leurs congrès (Castets 1912), les gemmeurs ont demandé à l'administration forestière « de passer directement avec leurs associations des contrats collectifs pour l'extraction de la gemme à des conditions déterminées à l'avance ». Ce vœu a été examiné par une commission d'étude nommée par le ministre de l'Agriculture et qui s'est réunie à Labouheyre. L'obtention de la mise en régie directe des forêts de l'Etat est un grand succès pour ces syndicats et aura dans le monde du travail un grand retentissement. En résumé, ces syndicats ouvriers français n'ont pas grande homo- généité ; ils n'ont pas grande influence syndicale n'ayant pu grouper (1) Bulletin des Institutions écon.et soc. de l'Institut intern. de Rome, 1911, n° 6, p. 35. — 307 — CONGRES FORESTIER un grand ensemble de travailleurs. Ils sentent que leur véritable force leur viendra par la coopération et ils l'avouent. Leurs dirigeants d'ail- leurs les poussent dans cette voie. En Danemark également, les ouvriers bûcherons sont souvent organisés en syndicats professionnels. lit rooitératiou L' Organisation des sociétés et des syndicats forestiers est actuellement ores ure. chose faite dans la plupart des pays. Un Congrès ne peut guère que constater ce qui a été fait. Par contre, dans le domaine de la coopération et de la mutualité, tout est à construire et il semble du rôle d'un congrès international, qui réunit les plus éminentes compétences en matière forestière, d'appeler l'atten- tion du législateur sur l'intérêt de ces questions et d'indiquer aux inté- ressés les voies à suivre. Nous allons donc sommairement exposer que, bien que les relations entre l'agriculture et la sylviculture soient profondes, le grand mouve- ment coopératiste qui vient de s'épanouir dans les campagnes, n'a pas eu de répercussion dans le monde forestier. Nous verrons que si la forêt se prête admirablement à l'exploitation communiste ou collective et que si la coopérative forestière présente de nombreux avantages, il n'en est pas moins certain que le mouvement coopératiste est encore en germe. Nous chercherons à montrer pourquoi il en est ainsi ; nous exposerons où en est actuellement cette organisation et quelles sont les différentes formes de coopératives que l'on peut fonder. Enfin nous examinerons comment on pourrait développer le mouvement coopératiste dans le monde forestier et sous quelle forme il convient de fonder les coopéra- tives forestières. licuiioris entre Nous rappellerons simplement que des liens étroits unissent l'agri- la''l'viv"îni"t»r»-' culturc et la sylviculture sur le terrain économique. Nombre d'auteurs ont étudié le rôle des communaux, des bois communaux et des forêts en général sur la vie économique des campagnes. Aussi est-il logique d'examiner rapidement où en est une question dans un des milieux avant de l'étudier dans l'autre. < oop.iiiiidii en Or dans tous les pays civilisés, ce mouvement coopératif a pris une .-itiiKuuuii'. expansion excessivement considérable. Les bases de cette organisation coopérative agricole sont maintenant nettement assises et de nombreux congrès nationaux et internationaux en ont consacré les méthodes. La pierre fondamentale de l'édifice est le Syndicat communal. Celui-ci étudie tout d'abord la vie économique du milieu où il a éclos, puis il se lance dans la coopération (Tachai et de vente, parfois de transformation des produits, presque jamais d'exploitation du sol. Il crée la banque coopérative qui lui est indispensabe au moyen des caisses locales de crédit mutuel à responsabilité limitée ou illimitée. Et le voilà amené à la Mutua- lité : mutualité des risques d'incendie, mutualité des risques de mortalité des bestiaux, mutualité des risques d'accidents, de maladies, d'infirmités, de vieillesse, etc. etc. Le tout organisé en coopératives et en caisses locales, annexes et filiales du syndicat, mais indépendantes de lui en général. Toutes ces petites organisations locales, communales autant que pos- sible, s'unissent pour avoir une véritable force ; les syndicats fondent des — 308 — INTERNATIONAL 1013 unions, les caisses de crédit font des caisses régionales, les mutuelles se fédèrent en caisses de réassurance. Toutes ces organisations du 2^ degré s'unissent parfois au 3^ degré. A côté de ces organisations à bases locales, il existe des caisses et syndicats à grand rayon; mais, outre que souvent ces groupements se fractionnent en « sections », il semble admis, par les congrès, qu'ils . n'ont pas l'action économique et sociale des autres à base restreinte. La forêt a sur les autres biens des causes d'infériorité mais celles-ci i.afori-tauixniit disparaissent avec l'exploitation collective. Cette exploitation est le proltation roî^- mode rêvé pour la forêt (1). iccthc. La gestion de celle-ci par les particuliers en amène généralement la ruine à cause du morcellement, suite inévitable des successions ou des ventes ; à cause de la rupture des aménagements, des frais généraux, de la difficulté de vendre les coupes petites et dispersées et enfin de la facilité et de la rapidité de réalisation qui caractérisent le bien fores- tier et qui n'ont d'égales que la difficulté et la lenteur de sa reconsti- tution (2). La constitution de coopératives forestières semble donc devoir se Avautadcs ((ui présenter à l'esprit de tous. (W."îùrmaii"'ii Elles ont pour avantages primordiaux: de'ioopV 1° d'empêcher le morcellement et d'obvier à ses inconvénients : im- possibilité d'établir un plan d'exploitation pour un revenu annuel et soutenu qu'on ne peut réaliser que pour une forêt suffisamment vaste (3). 2° de permettre de grandes économies dans l'administration, la surveil- lance, le bornage du massif. 3"^ de permettre une vente plus rémunératrice des coupes. 4" de donner une meilleure location dû droit de chasse. 5° de permettre la gestion par un agent compétent et par suite d'en- trainer la constitution d'un personnel compétent. 6° de donner la possibilité de transformer le capital immobilier en actions mobilières facilitant les transactions (4). 7° de diminuer les risques provenant d'incendie, de coups de vents, d'invasion d'insectes, de pénurie de main-d'œuvre, d'accidents du travail, de faillite de marchands de bois; tous ces risques se répartissant sur lous, affectent moins la part de chacun. 8" de faciliter le reboisement. 1 1 V es liires- lii-rcs. (1) C'est tellement exact que dans les pays les plus civilisés on trouve encore des traces d'exploitation absolument communiste de la forêt. Dans les Ardennes françaises, nous trouvons des communes où les habitants vont, tous les ans, dans la coupe communale, couper eux-mêmes les arbres de leur part affouagère et rapportent le bois chez eux, sans intermédiaire d'un adjudicataire, comme dans la plupart des coupes affouagères. Cf. dans le même ordre d'idée Vandervelde, Exode rural, p. 59. E. Reclus, La Terre et f homme, tome VI. (2) Cf. Gerdil, La coopération appliquée aux forêts. De Gavaye, Bulletin de la Société forestière de Belgique, avril 1903. Louée ; La propriété forestière est par excellence la pro- priété des personnes qui ne meurent pas (Bulletin de la Société forestière de Franche- Comté et Belfort, avril 1903. (3) G. M.XDELix, Restrictions légales au droit de propriété forestière privée en France, en Allemagne, etc., 1905. (4) De Liocourt, Avantages des coopératives forestières (Bulletin de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort 1906). De tous ces avantages résulte pour la forêt coopérative un rapport non seulement soutenu, mais progressif. — 30.J — CONGRES FORESTIER Dilférences entre les coopéra- tives agricoles et les coopé- ratives fores- tières. Obstacles qai en- travent la for- ma t ion de-^ coopératives forestières. Classification. Malgré tous leurs avantages les coopératives forestières n'ont pas^ suivi le mouvement de progression des coopératives agricoles, qui est très net, même quand on le ramène à ses véritables limites. C'est qu'il existe entre ces deux coopératives des différences fondamentales. Tout d'abord à l'inverse de la coopérative agricole, la véritable coopérative forestière a pour base un territoire (en l'espèce une forêt) à exploiter en commun. Or ce genre d'exploitation n'est pas dans les mœurs du pro- priétaire terrien ou du cultivateur actuels (1). Le coopératiste forestier doit apporter sa forêt à la coopérative et son droit de propriété se trouve restreint. Et alors que la coopérative agricole cherche à améhorer de suite la situation économique de ses membres, la coopérative fores- tière s'occupe surtout de restaurer la forêt coopérative, au détriment apparent parfois des intérêts immédiats des coopératistes. A côté des raisons qui résultent de la répugnance qu'ont les proprié- taires forestiers à se dessaisir d'une partie même minime de leurs droits de propriété, il existe bien d'autres causes qui font obstacle à l'expan- sion des coopératives forestières. a) Ces coopératives sont surtout utiles aux petits propriétaires. Ceux-ci suivent souvent l'impulsion et l'exemple qui leur sont donnés par les grands propriétaires et exploitants. Or, si le grand propriétaire agricole a tendance à favoriser la formation des coopératives agricoles pour ses avantages propres et pour fixer dans le pays les petits propriétaires dont il a besoin, le grand propriétaire forestier ne se prêtera qu'à la formation de coopé- ratives forestières tout à fait limitées, peu utiles au petit propriétaire. Le grand propriétaire possède une forêt aménagée formant un tout et il croit, à tort, n'avoir besoin de personne. b) De plus, et cette raison est plus grave, la législation des différents pays ne se prête pas en général à la constitution de coopératives fores- tières. Il en est ainsi en France, où le crédit agricole n'est pas adapté aux nécessités de la coopération forestière, et en Allemagne, où cependant certains états (Prusse), ont cherché à faire naître des coopératives fores- tières. c) Cette attitude expectante des gouvernements s'est traduite par un manque d'aide et d'encouragement de la part de l'Etat, cause très effi- ciente de la stagnation de la coopération forestière. Les coopératives forestières peuvent se distinguer, comme les syndicats, d'après les éléments qui les composent, en coopératives de propriétaires ou patronales et coopératives ouvrières. A. Coopératives de propriétaires — Ce sont des unions de propriétaires en vue de l'exécution en commun de certaines opérations forestières sur un ensemble déterminé de parcelles. Ces coopératives, si on se place au point de vue de leur fonc- tionnement effectif, peuvent se diviser en coopératives de propriétés et en coopératives de gestion. a) Dans les coopératives de propriétés, il est constitué une forêt com- mune, indivisible, gérée comme un tout suivant une place déterminée. h) Dans les coopératives de gestion, chaque propriétaire reste en posses- sion de sa parcelle boisée, on ne met en commun que la gestion. (1) D'' Endues, Handhuch der Forstpolitik, Berlin 190.5. — 310 INTERNATIONAL 1913 Les coopératives de gestion se subdivisent en coopératives restreintes ou limitées lorsqu'elles ne visent qu'une partie des opérations dont est susceptible la gestion des forêts depuis la simple garderie par un garde commun jusqu'à la gestion totale (celle-ci non comprise); et en coopé- ratives complètes ou véritables coopératives où l'utilisation se fait en commun suivant un plan d'exploitation général, en compte commun. Les dépenses et les charges sont, dans ces coopératives, supportées dans la limite des engagements pris et les recettes correspondantes par- tagées, le tout au prorata du capital forestier engagé par chacun. Les coopératives de propriétaires peuvent encore être classées sui- vant LE MODE DE LEUR FORMATION. On distinguo : a) les coopératives libres c'est-à-dire celles où les membres entrent librement, sans être l'objet d'aucune contrainte légale. h) Les coopératives forcées ou à entrée obligatoire où une majorité peut, après l'accomplissement de certaines formalités, forcer une minorité à adhérer à la coopérative (associations syndicales autorisées françaises). c) Les coopératives administratives formées administrativement sans consultation des intéressés. B. Coopératives ouvrières. — Ces coopératives sont excessivement peu nombreuses. Là encore, les habitudes des ouvriers, les mœurs générales et la législation des différents pays ont opposé des obstacles puissants à la formation de ces coopératives. Il en existe en France, mais leur action ne s'étend encore que dans un rayon des plus restreints. En France, on en est pour ainsi dire à la période d'étude : les solu- Ou eu estucoo- tions préconisées sont nombreuses et diverses. Gerdil recommande les duVéreiîtsllays sociétés de reboisement des terres incultes sous forme de sociétés civiles anonymes à capital variable ; De Liocourt et Pardé conseillent la coopérative de propriété ; Louée préconise la formation de coopéra- tives limitées de garderie ; Triquéra opine pour les associations syndi- cales autorisées. MM. Descombes et Gardot aussi conseillent la forma- tion de coopératives. Ces appels n'ont été que faiblement entendus. La Société civile du Contrôle a des allures coopératives, mais est une société capitaliste en ce sens qu'elle s'est formée pour acheter une forêt qui n'appartenait à aucun des membres. Le syndicat fore,stier de Mignovillard est une coopérative limitée de garderie. Le syndicat de Sologne n'est qu'un timide essai de vente de produits en commun (bois de boulange). Comme essais, d'exploitation directe, il n'y a aussi que des ébauches tentées par : les syndicats forestiers du Centre fondés par M. de Mont- saulin dans le Cher, le syndicat des propriétaires forestiers du Nivernais présidé par M. de Montrichard et le syndicat des bûcherons fondé à Parigny-le-Vaux (Nièvre) par M. de Berthier-Bizy (1). Comme coopé- ratives d'annexés des forêts, citons les coopératives résinifères des (1) Bulletin des Institutions économiques et sociales de V Institut agricole de Rome, 31 mars 1911, n° 3. Voir aussi Société nationale d'agriculture de France, séance du 8 décembre 1909, à propos de la participation aux bénéfices en matière d'exploitation forestière dans la Société de Villebois-Mareuil. — 311 — CONGRES FORESTIER Landes et de la Gironde (1) et le syndicat de reboisement de Torte- besse (2) (Puy-de-Dôme). Il existe en France des associations forestières de défense contre l'incendie. Elles se sont constituées, soit sous la forme syndicale (Onesse-Laherie, Pessac, Earp, etc.) en Gironde, en Charente et dans les Landes, soit sous la forme d'associations «-yndicales (Petit-Saint- Gervais). Le régime juridique adopté par ces associations entrave leur complet développement, car ce sonl de vérilables coopératives dont le but est de combattre matériellement les incendies (3). En Allemagne, il n'existe que 4 coopératives considérées comme véri- tables par les auteurs allemands; les autres, assez nombreuses, sont soit des associations syndicales, soit des corporations, soit des coopératives annexes de l'exploitation forestière. Ces dernières existent en assez grand nombre (coopérative d'abatage de bois de la Basse Hesse et Waldeck, coopératives pour l'utilisation de la fraise des bois, scieries coopéra- tives, etc.) (4). En Autriche, il existe aussi des coopératives forestières limitées à lâchât en gros de semences, d'instrunrients, de machines, ou à la cons- truction de routes forestières, etc. L'État incite les petits propriétaires à se réunir en coopératives locales (5) qui se fédéreraient. Les associa- tions forestières prônent également ce mouvement, et en Bohême s'est fondé un conseil de sylviculture (6). Il existe également une coopérative avec caisse de crédit mutuel et une société pour l'exploitation de la résine. Les caisses de crédit à responsabilité illimitée dont il existe plus de 7.000 en Autriche, accordent des prêts aux propriétaires forestiers (7). En Angleterre, deux sociétés ont été récemment constituées : les sociétés forestières coopératives des propriétaires anglais et écossais. Elles se sont jusqu'ici limitées à l'achat en commun de graines et de plants. Au Canada et aux Etats-Unis les propriétaires de forêts se groupent en coopératives pour défendre les forêts contre les incendies (Société de protection des forêts de la vallée de Saint-Maurice au Canada). Au Danemark, la vente des coupes sur pied a cessé depuis long- temps. Tout le bois des forêts est coupé au compte des cantonnements (districts) et est vendu directement aux scieries et aux autres con- sommateurs. L'' Italie a modifié son Code forestier et sa loi du 2 juin 1910 prévoit la formation de coopératives (associations syndicales) pour le reboisement des terrains en montagne. En Suisse,'\\ y a également des coopératives (Association des communes bourgeoises, communes mixtes et de l'Administration forestière de l'Etat des 15 arrondissements du canton de Berne. Organisation analogue du (1) Tard Y, La coopération dans V Agriculture française. Rapport présenté au premier congrès international des Associations agricoles, Bruxelles 1910. Il existe également un Syndicat de défense des produits résineux de la Gironde, à Bordeaux, sur lequel nous n'avons pas de renseignements. (2) P. Descombes, La Défense forestière et pastorale, page 228. (3) Bulletin des Institutions économiques et sociales de VInstitut International agricoU de Rome, mars 1913. (4) K. H. N° 4, 28 février 1913. de la Deutsche landivirtchaftliche Genossenschaft-presse. (5) Bulletin des Institutions économiques et sociales de l'Institut International d'agri- culture de Rome, tome II, pages 11 et 12. (6) Rulletin des Institutions économiques et sociales de VInstitut International d'agri- culture de Rome, tome III (juillet 1912). (7) Renseignements du Département des forêts. — 312 — INTERNATIONAL 1913 Val de Travers. Société forestière Pfannenstiel à Meilen et la Société forestière d'Hérisau, sorte de Société du Contrôle), mais dans ce pays, l'Etat, excessivement décentralisé, supplée lui-même à l'action des coopé- ratives : il s'est fait mutualiste. En Roumanie, il existait au 31 décembre 1911, 119 coopératives pour l'exploitation des forêts, ayant un capital souscrit de 1.158.330 lei. ' Elles gi'oupent 6.677 membres se répartissant en 5.958 cultivateurs, 148 commerçants, 105 ouvriers, 167 fonctionnaires, 32 propriétaires, 110 prêtres, 157 instituteurs. Le capital social versé est de 770.220 lei. Elles ont versé en dividendes, 82.082 lei pour 1911; les frais d'admi- nistration se sont élevés à 14.546 lei. Leur encaisse est de 210.557 lei, elles possèdent un matériel de bois pour 278.350 lei. On voit que leur situation est prospère. Il existe encore dans ce pays, 3 coopératives pour le merrein au ' capital souscrit de 16.436 lei et au capital versé de 10.578, elles ont donné 1.278 lei de dividende. Elles comprennent 131 membres. Doux sont composées de commerçants, une de cultivateurs (Coopérative d'Univea à Baia). Enfin il existe une coopérative, forestière celle de Foltisti, fondée en 1908, au capital souscrit de 9.092 lei, au capital versé de 25.930 lei et ayant distribué 2.660 lei de dividende. Elle groupe 71 membres dont 55 cultivateurs (1). En Norvège, les propriétaires de forêts ont formé diverses associations (plus de 50 en 10 ans), ayant pour but la vente en commun. Toutes ces sociétés sont réunies en une union « Norsk Skogeierforband ». Il existe, dans ce pays, une société mutuelle contre l'incendie des forêts, créée en 1911. La somme souscrite jusqu'à ce jour se monte à 70.000.000. La prime est de 1 1/4 "/oq. Le reboisement des landes, bruyères, terres incultes se prête bien à la formation de coopératives. En Allemagne, il a entraîné la formation de coopératives obligatoires à la suite de la loi du 6 juillet 1875. Au Dane- mark et en Hollande, existent dans ce but deux sociétés des bruyères, celle du Danemark fondée en 1866 et celle de Hollande en 1888(2). En France, existent dans ce but, à allures plus ou moins coopératistes : l'Œuvre fores- tière du Limousin, le Syndicat forestier de l'arrondissement de Nontron et la société provençale « Le Chêne ». Ces deux dernières étant plutôt des sociétés de propagande. Donc les coopératives ne rendent pas les services qu'on pourrait en lommeut déve- attendre et il faut étudier comment on pourrait en développer le nombre lopper le mou- . 1 > f • -L ^ ^ ■ e 1 vemeiU foope- et par la en taire connaître les bieniaits. latu. Il faut pour cela faire l'éducation coopératistedes générations actuelles, vieilles et jeunes, et adapter la législation des pays à cette organisation. On y arrivera par : 1° La propagande faite par les sociétés savantes et les syndicats, ces (1) Compte rendu des opérutions de la Caisse centrale des banques populaires, com- muniqué par M. Tanessesco, Inspecteur général des Forêts, délégué de la Roumanie au Congrès international. Cette caisse dépend du Ministère des Finances qui a mis, par son intermédiaire, 30 millions à la disposition des paysans. (2) Rapport VIII, 6, 1, au Congrès international des Associations agricoles de Bruxelles 1910. Cette sorte de coopérative se rapproche plutôt des sociétés d'encourage- ment. Cf. aussi, Société cultivatrice des Landes de Danemark (de Forenede Bogtrykkerier) Aarhuz, 1913. — 313 — CO>'GRES FORESTIER derniers subventionnant et guidant les premières coopératives après avoir aidé et même provoqué leur éclosion. 2° Une action analogue, plus active encore si possible, parce que plus efficace, par les administrations, surtout les administrations forestières, apportant l'aide et les subventions de l'Etat. 3° Une instruction et une éducation coopératistes données aux enfants des campagnes. 4° La collaboration des organisations agricoles existant dans les pays ou dans le voisinage des pays forestiers. Coopératives agricoles et coopé- ratives forestières ont les mêmes intérêts et les mêmes tendances ; elles doivent se prêter mutuellement main-forte et les secondes doivent profiter de l'expérience acquise par les premières. Il faudra songera créer des caisses locales du crédit forestier ou à adapter le crédit agricole aux besoins forestiers. 5° L'institution d'une commission internationale étudiant les questions internationales intéressant les coopératives, cette mesure étant le prélude de la création d'un office forestier international dont l'opportunité sera exposée aux membres de ce Congrès. Cet office coordonnera, suivant les indications données par le Congrès, les efforts faits jusqu'ici d'une façon trop dispersée et trop disparate en vue du développement de la coopé- ration forestière. la Mutualité fo- Presque rien n'existe ni ne semble en projet en ce domaine dans le restiere. mondc foresticr. Signalons dans certains pays (France, Etats-Unis, Suisse) des mutualités entre agents et préposés forestiers pour les frais de maladie. Citons les mutuelles scolaires forestières fondées en France pour éveiller chez l'enfant à la fois l'amour de la forêt et l'esprit de mutualité. — Cependant les champs d'action qui s'ouvrent de ce côté aux initiatives sont vastes et sont do trois sortes: le crédit mutuel, les risques d'incendie et les risques d'accidents du travail. 1° Caisses de crédit forestier. — Une des causes fondamentales qui entravent en France l'essor de la coopération forestière est qu'elle ne possède pas l'organisme financier qui lui est indispensable . Les agricul- teurs ont organisé le crédit mutuel agricole en caisses locales et en caisses régionales qui leur assurent : l" Le crédit individuel à court terme (loi du 5 novembre 1894, mo- difiée par les lois des 20 juillet 1901, 14 janvier 1908, 18 février et 19 mars 1910) ; 2" Le crédit individuel à long terme (loi du 19 mars 1910). Ces caisses donnent également aux coopératives agricoles le crédit à court terme et le crédit à long terme (loi du 26 décembre 1910). Mais les modalités de ce crédit agricole, ne lui permettent pas de s'adapter aux besoins des coopératives forestières. Celles restreintes, de vente des coupes ou d'utilisation des produits, peuvent faire usage du crédit à court terme (limite maximum des effets : 9 mois) mais les coopératives de gestion, de véritable exploitation et de reboisement, se heurtent, pour le crédit à long terme qui leur est indispensable, à l'obligation légale (article 6 du décret du 26 août 1907) du remboursement de la dette, d'année en année par des amortissements successifs. 11 faudrait donc en France obtenir une législation spéciale pemettant la création de caisses de crédit forestier qui, moyennant certaines garanties spéciales à déter- miner, pourraient différer le remboursement de la dette jusqu'à la fin — 314 — INTERNATIOÎNAL 1913 de la durée du prêt. Cette durée devrait aussi pouvoir être supérieure à 25 ans. D'ailleurs, les coopératives agricoles semblent élever certaines diffi- cultés à l'admission des coopératives forestières aux bénéfices des avances de l'Etat. Les associations agricoles ont donné trop de preuves de leur compréhension du rôle économique de la forêt pour persévérer dans cette voie. 2" Caisses cf assurances mutuelles. — Seule la mutualité permettra aux propriétaires de se couvrir effectivement et à un taux raisonnable contre les risques d'incendie; de même que, seule, elle permettra aux coopératives d'exploitation l'assurance de leurs ouvriers. En France, la mutualité agricole est en train d'échafauder l'assurance mutuelle locale contre l'incendie et, là où elle a essayé, elle a très bien réussi. Elle songe déjà, et sera amenée prochainement, à bâtir l'assurance mutuelle contre les risques du travail. Les forestiers auront tout intérêt à coopérer à ce mouvement et à s'unir aux cultivateurs dans tous les centres où la forêt existe à côté des champs Au Danemark, les propriétaires sont tenus d'assurer leurs ouvriers; ils le font à la • M. Dubier, dans son excellent rapport sur la question de la législation sjTidicale, écrit : « Par la force naturelle des choses, en majorité, les syndicats agri- coles ont été érigés en coopératives. » Malgré toutes ces considérations et malgré la conviction profonde cjue seule, la coopération ouvrira des voies nouvelles et fécondes au mouve- ment économique ouvrier, je n'oserais pas demander à votre Congrès d'émettre un vœu dans ce sens, si je n'étais pas soutenu dans mon opinion, d'abord par les campagnes menées par des forestiers comme MM. Pardé, Liocourt, Cardot, Hufïel, Louée, Descombes, etc., et ensuite par les conclusions d'un remarquable rapport de l'Association forestière autrichienne au vingt-quatrième Congrès forestier du 26 mars 1912. Ce rapport avait trait à l'organisation économique des sylviculteurs. Je vous demande la permission de vous en citer in extenso les passages suivants : « C'est le devoir des sylviculteurs de fonder un grand nombre de coopératives. Le mouvement à opérer dans ce sens, devrait être ana- logue à celui qui s'est fait pour la coopération agricole. On devrait d'abord fonder un réseau de coopératives locales, pour les grouper ensuite en organisations centrales, province par province. Ces organi- sations se rattacheraient à leur tour à un seul organisme ayant tout le territoire comme sphère d'action et constituant le dernier échelon de la coopération forestière. " Et le Congrès concluait : « 1° L'organisation économique des sylviculteurs présente une néces- sité urgente ; les petits propriétaires ont besoin de se réunir en coopé- ratives de vente, d'après les principes précités. « 2** On recommande aux associations forestières de favoriser effi- cacement l'institution de telles coopératives locales et d'organiser les fédérations provinciales correspondantes ; les dites associations devraient s'adresser, directement ou par l'intermédiaire des organisa- tions agricoles, aux autorités compétentes, en vue d'obtenir les moyens nécessaires pour entreprendre l'œuvre de propagande et d'organisation à l'aide d'experts en matière forestière et de maîtres forestiers ambu- lants ». Enfin, le Congrès priait le Ministre de l'Agriculture d'accorder aux associations forestières des subventions destinées à la fondation de coopératives forestières de vente et permettant, en général, de favoriser l'essor de la coopération dans la sphère forestière. Messieurs, au moment de vous demander le vote du vœ'u que j'ai — 317 — CONGRES FORESTIER proposé, je tiens essentiellement à spécifier que le vote de ce vœu ne saurait en aucune mesure impliquer une désapprobation de l'effort et du travail fourni par les hommes de bonne volonté qui ont jusqu'ici pratiqué la voie syndicale. Ils ont fait ce qu'ils ont pu au milieu de grandes difficultés. Remercions-les de l'œuvre accomplie, rendons justice à leur persévérance et à leur labeur. Mais, après les avoir vus bien faire, demandons leur de faire mieux encore. Et, pour cela, donnons leur les armes nécessaires. C'est pour ces raisons, Messieurs, que je vous demande de voter le vœu qui termine mon rapport. Je crois qu'on pourrait facilement obtenir des satisfactions dans le domaine de Finipôt forestier, pour les coopératives. Si l'on n'obtient pas de réductions d'impôt, on peut avoir de larges subventions, grâce au crédit mutuel (Applaudissements). M. LE Président. — \ os applaudissements sont un remerciement à M. Margaine pour cette très intéressante communication, qu'il a faite avec une véritable ardeur d'apôtre. Au tribut de reconnaissance qu'il a apporté aux forestiers étrangers qui ont bien voulu lui fournir des renseignements, je tiens à joindre les remerciements du bureau. Je prie ceux de nos collègues étran- gers, présents dans cette salle, de prendre d'abord pour eux et de transmettre ensuite à leurs confrères les remerciements de M. le rap- porteur et de toute la section pour leur amabilité à nous renseigner, M. DE Larnage. — Je voudrais relever une phrase du rapport imprimé qui a certainement dépassé la pensée de M. Margaine. Il a écrit : « Il rûy a plus de syndicats, il }i'y a que des coopératives. » Pourtant, si nous regardons du côté de l'agriculture, qui fut initia- trice en cette matière, nous rencontrons l'Union centrale des agricul- teurs de France, qui groupe 1.800 syndicats et plus de 1.200.000 membres. C'est dire que les syndicats existent toujours. A côté de ces syndicats, combien y a-t-il de coopératives? C'est la contrepartie nécessaire, je me hâte de le dire, c'est un côté, un accessoire très important du syndicalisme que la vente directe des produits fabriqués par les syndiqués, s'il s'agit de coopération forestière surtout. A l'heure actuelle, on peut dire que la coopération interviendrait dans le syndicat comnie une nécessité inéluctable, en présence de la crise des bois. C'est vous dire que nous sommes loin d'être opposés à cette forme heureuse de l'action syndicaliste. Mais ce n'en est pas moins, je tiens à le dire, une forme accessoire. En effet, le rôle du syndicat n'est pas simplement commercial, c'est un rôle moral aussi, c'est un rôle de défense des intérêts économiques généraux, et si nous avons conquis en France bien des libertés, c'est grâce à l'effort syndicaliste. Il ne faut pas Toublicr, à l'heure où l'on vient nous dire : « Insistons, avant tout, pour qu'on vienne en aid(; aux associations coopératives ». — 318 — INTERNATIONAL 1913 Je suis donc partisan d'une formule moins absolue {approbation). Disons que nous souhaitons que les législations des différents pays soient adaptées à la formation des syndicats et des coopératives dans le domaine forestier. Nous ne pouvons souhaiter qu'une chose, nous, forestiers, c'est de voir la même bonne fortune arriver à l'action forestière qu'à l'action des syndicats agricoles proprement dits. Nous souhaiterions certes que l'action des syndicats ou des coopératives, en matière forestière, puisse acquérir cette puissance d'expansion, grâce à laquelle la coopération centrale de l'Union des syndicats d'agricul- teurs de France arrive à fournir une quantité considérable de graines et de semences à ses syndiqués, tout en laissant chacun des organismes syndicaux affiliés, chacune des cellules originelles indispensables à la base, si l'on veut procéder logiquement et aller de la partie vers le tout, tout en les laissant libres, dis-je, de se fournir ou non à la coopérative. Telle est la première observation que je désirais faire. Je me per- mettrai d'en présenter une seconde, d'ordre peut-être accessoire, mais que je dois au groupement que j'ai l'honneur de représenter. Je voudrais voir une date dans le rapport; j'y voudrais voir la date de la fondation du premier syndicat forestier en France. J'ai l'honneur d'en être le président, je n'ajouterai pas autre chose en ce qui me concerne, et je ne serais pas intervenu, si je n'avais tenu à rendre hommage aux efforts de mes collaborateurs à tous les degrés. Très modeste comme nombre de membres et comme chiffre d'actions, le Syndicat de Sologne a été fondé en 1905. Il y en avait déjà un en fondation à cette époque; M. Thivel me fait un signe comme pour revendiquer l'antériorité. Mais j'envisage l'action effective, organisée, sur le double terrain syndicaliste et coopératif. H. Thivel. — Nous n'avons pas fait de coopérative, mais nous avons vendu en commun. M. DE Larnage. — Notre syndicat est le premier a avoir fonctionné sous cette forme et à avoir eu une coopérative : il y a, aux Chantiers d'ivry, des bois de Sologne qui vont directement à la boulange sans passer par l'intermédiaire. Dire que c'est très fructueux pour les propriétaires, je ne le dirai pas, parce que nous avons voulu simplement, jusqu'à présent, parer à certaines éventualités. Nous sommes encore jeunes, mais il est intéressant de voir que, comme dans le domaine agricole, nous avons commencé par la petite cellule syndicale avant d'arriver à construire sur des cellules, agglo- mérées en unions, un syndicat qui s'appelle aujourd'hui Comité des Forêts. Avant d'en arriver là, nous avons voulu, dans les différentes régions forestières de France, nous baser sur le mouvement syndical, c'est-à-dire sur l'union des propriétaires sur le terrain de la défense des intérêts économiques, et nous commençons maintenant à passer dans le domaine de l'action par la création d'organes coopératifs. — 319 — CONGRES FORESTIER La fusion de ces deux formes, syndicat et coopérative, présenterait un très grand danger. J'ai eu l'honneur, en 1884, d'être l'un des fon- dateurs du premier syndicat agricole de France, celui des Agriculteurs de l'Est, qui compte aujourd'hui plus de 10.000 membres. Au début, nous avons voulu faire de la coopération, et nous avons reconnu qu'il était dangereux de faire participer à une œuvre pour ainsi dire com- jnerciale tous nos syndiqués sans exception. Nous leur laissons mainte- nant la liberté d'user ou de ne pas user de l'organe à caractère commer- cial créé à côté du syndicat. Ils ont leur indépendance complète. Mais c'est un défaut de responsabilité pour ceux qui n'en usent pas. C'est pourquoi nous avons voulu bien séparer la gestion commerciale, qui peut quelquefois entraîner des aléas et mener au-delà de la pensée des fondateurs. Nous avons voulu que le rôle moral de notre syndicat fut sauvegardé et restât intact au-dessus de toute idée d'ordre matériel et commercial. C'est une sage façon de procéder. En ne liant pas les deux questions, en disant que la forme syndicale et la forme coopérative sont de nature à rendre les plus grands services au monde forestier, nous aurons accompli notre véritable devoir de Congrès international, qui consiste surtout à appeler l'atten- tion du monde forestier tout entier sur la nécessité de l'action indépendante de chacun des deux organismes dont nous venons de parler. M. GuYOT. — Si j'ai tout à l'heure demandé à répondre à M. Margaine, c'était pour présenter, sous une forme moins élégante certainement, les mêmes observations que M. de Larnage. \ ous me permettrez donc de dire, Monsieur le Rapporteur, que le rôle des syndicats forestiers n'est pas nul ou terminé. Je crois au contraire, comme l'a dit si éloquemment ^1. de Larnage, que nous ne faisons qu'entrer dans cette voie, en matière forestière, et qu'il importe d'une façon extrêmement urgente de constituer et de grouper ces cellules initiales dont il vient de parler. Lorsque nous aurons couvert le territoire français d'un réseau de syndicats forestiers, nous aurons donné conscience de leurs droits aux propriétaires de forêts, petits et grands, et nous leur aurons procuré un moyen de revendiquer, devant les Pouvoirs publics, ce qu'ils croient nécessaire à leurs intérêts. M. Margaine me permettra de lui dire qu'il rabaisse un peu trop le rôle des syndicats forestiers, dans son rapport. Il est tout à fait néces- saire, au contraire, de constituer ces SA,Tidicats. Les renseig-nements de M. Margaine lui ont été fournis par des personnes insuffisamment renseignées. 11 croit que nos syndicats forestiers sont composés d'un petit nombre de personnes. Nous groupons au contraire un nombre très respectable déjà de petits propriétaires et, pour ma part, j'ai déjà avec moi, dans le syndicat des propriétaires forestiers de la l'égion lorraine, un petit bataillon qui commence à compter : nous sommes en effet plusieurs centaines, ce qui n\'St pas mal, n'est-ce pas? — 320 — INTERNATIONAL 1913 M. DE Larnage. — Individuellement, chacun de nos syndicats est au moins aussi nombreux que la Société de Franche-Comté dont je puis parler, puisque j'en suis membre. M. GuYOT. — Nous débutons, il faut nous laisser nous développer. Quant à dire que c'est seulement parce qu'ils ont eu conscience de leui infériorité, de leur inutilité, pour ainsi dire, que les syndicats forestiers se sont groupés au sein des Comités des Forêts, cela est exagéré, mais les deux genres d'associations n'en sont pas moins nécessaires. Il faut d'abord un groupement local et, au-dessus des groupements locaux, un organe qui les représente tous et qui est le Comité des Forêts. Je crois que l'on ne doit pas repousser la forme syndicale, qui peut avoir ses avantages et qui, même au point de vue forestier, peut être utilisée avec profit. 11 faut, autant que possible, en maintenir l'appli- cation et constituer des syndicats, qui ne font pas double emploi, j'en suis certain, avec le Comité des Forêts. {Applaudissements.) M. Margaine. — Je me suis mal exprimé, et, peut-être mes paroles ont-elles en effet dépassé ma pensée. Je ne prétends pas que les syndi- cats n'ont pas d'action, au contraire. Je crois avoir dit, dans mon rapport que toujours la phase syndicale a précédé la phase coopérative. Je voulais simplement indiquer que lorsque le syndicat est formé, lorsqu'il a su grouper le monde économique, il doit créer une coopéra- tive, sans quoi il n'a pas de force. Le syndicat est la forme primitive du groupement économique mutualiste : il n'en est pas l'épanouisse- ment définitif et final. J'ai dit que le Comité des Forêts était une institution utiie, mais j'ai ajouté qu'il ne puiserait sa force que dans la constitution des coopératives qui s'y affilieraient. Un peu plus loin, j'ai dit que les coopératives étaient les filiales et les annexes de nos syndicats. Mais je crois devoir dire aux syndi- calistes : si vous vous en tenez à votre organisation, vous mourrez; vous n'avez qu'un moyen de prospérer, c'est la coopération. Il n'est pas besoin de changer la législation d'aucun État pour fonder des syndicats ; toutes les législations sont adaptées aux syndi- cats. Mais, pour la coopération forestière, nous avons besoin qu'on change les différentes législations et qu'on les adapte aux besoins de nos coopératives. Ce n'est pas jeter le discrédit sur les syndicats que de leur dire : « Lorsque vous voudrez aller plus loin, vous ne pourrez pas le faire, parce que la loi telle qu'elle est ne vous le permettra pas. \'ous ne pourrez pas créer de caisses de crédit ; vous ne pourrez pas profiter du crédit agricole, parce que la loi ne vous permettra pas de profiter des avances de l'Etat » . Demander l'adaptation de la législation à de nouveaux besoins, ce n'est nullement rabaisser ce qui a été fait par les fondateurs des syndicats. — 321 — ' 11 CONGRES FORESTIER M. Descombes. — J'ai écouté avec beaucoup d'attention le remarquable rapport de M. Margaine. Je suis absolument de son avis sur la nécessité de développer les coopératives forestières et d'aider leur fonctionne- ment par une amélioration de la législation en leur faveur. Les syndicats de propriétaires forestiers doivent évidemment bénéficier des encouragements à accorder sous forme de crédit forestier, mais ces institutions ne paraissent pas répondre à tous les besoins. Il y a des cas où l'intervention de ces groupements serait inefficace. Les communes de montagne, par exemple, qui ont à réparer des dégradations, à améliorer leurs pâturages, à faire du reboisement, ont tout d'abord la ressource des travaux facultatifs, pour lesquels il faut généralement apporter la moitié des fonds nécessaires. Elles ont une autre ressource, dont elles usent quelquefois, et qui consiste à laisser le terrain se dégrader jusqu'à la fin pour que l'Etat l'achète et le répare à ses frais, mais alors c'est la désertion de la montagne. Il y a donc intérêt à ce que les communes montagnardes pauvres puissent faire la moitié de la dépense pour restaurer leurs territoires par des travaux facultatifs. Le banquier ordinaire des communes, c'est actuellement le Crédit Foncier. Or, il est forcé, par la loi, d'exiger des communes le paiement d'un intérêt dès la première année de l'emprunt. Une commune pauvre de montagne a besoin de 10.000 francs ; elle les emprunte au Crédit Foncier à 3 fr. 60 ou 3 fr. 85 %. Si son centime est de 10 francs seule- ment, il lui faut s'imposer de 45 centimes extraordinaires ; si son centime n'est que de 5 francs, il lui faut voter 90 centimes extra- ordinaires. Cela est impossible pour des communes pauvres. Elles ne peuvent restaurer leurs terrains qui arrivent à la dégradation complète, ce qui amène l'expatriation des habitants, leur transport en Algérie ou ailleurs, la dépopulation. Ni la mutualité, ni le syndicat, ni la coopérative ne peuvent résoudre de pareils cas. Il faut autre chose. Il suffirait d'élargir les méthodes de prêt du Crédit Foncier, et d'autoriser par une loi cet établissement à faire des prêts à intérêt différé. Ce mode de prêt pourrait être égale- ment autorisé au profit des syndicats et des coopératives, en fixant, bien entendu, certaines garanties. C'est une question compliquée ; il y a plusieurs années que V Asso- ciation centrale pour V aménagement des montagnes s'en occupe. Le Crédit Foncier, le ministère des Finances et celui de l'Agriculture n'ont pas encore réussi à se mettre d'accord sur ce point. C'est un mode de crédit qu'il serait bon de développer. La récente déclaration ministérielle du 24 janvier 1912 parlait du crédit au petit et au moyen commerce, à la petite et à la moyenne industrie, du crédit ouvrier, du crédit maritime : il ne faudrait pas oublier le crédit forestier. Ce crédit forestier peut être réalisé sous plusieurs formes : les coopératives et les syndicats pourraient profiter d'une partie du — 322 — INTERNATIONAL 1913 fonds de 110.000.000, bien que les agriculteurs à récolte annuelle n'entendent nullement en laisser distraire la plus petite part pour les forestiers. D'ailleurs la loi, qui n'en permet que difficilement l'emploi pour l'agriculture, le rend impossible pour la sylviculture, parce que les délais de remboursement sont beaucoup trop courts. Il faudrait donc réformer la loi du crédit agricole. II faudrait chercher aussi à utiliser les prêts du Crédit Foncier, qui a été fondé spéciale- ment en vue des prêts à long terme, à l'aide de l'émission autorisée par l'Etat d'obligations à lots. Cette grande institution doit être adaptée aux nécessités forestières. Il sera d'ailleurs nécessaire de prévoir des crédits considérables, car la solution du problème forestier peut nécessiter plus d'un milliard. M. LE Président. — Je comprends très bien oe que vous proposez... M. Descombes. — Nous pourrions émettre le vœu que l'on favorise les syndicats, les coopératives, et les institutions de crédit foncier. M. Scott Elliot. — Pardonnez-moi, Messieurs, si je m'exprime difficile- ment ; c'est la première fois qu'il m'arrive de parler français en public {Parlez ! Parlez !) J'ai assumé la grande responsabilité de fonder en Ecosse une asso- ciation de propriétaires de bois en vue de tirer un meilleur parti de leurs propriétés forestières. L'expérience était très difficile, car une association de propriétaires n'est pas une association de commerçants. Nous avons eu beaucoup de mal à surmonter les difficultés, mais les bénéfices que nous avons tirés de notre association ont été extra- ordinaires. Maintenant, tous les propriétaires affiliés peuvent acheter au meilleur marché possible tout ce qui leur est utile pour la forêt, non seulement les semences et les plants, comme le disait M. Margaine, dans son rapport, mais encore les outils. Mais la plus grande utilité de cette société consiste dans la vente des bois et des produits secon- daires. Sur tous les lieux de vente de bois, la société est représentée. Une société de ce genre pourrait être, je pense, en France, de la plus grande utilité. Je ne connais pas les conditions économiques en France, mais c'est sans doute toujours la même chose : un petit propriétaire qui veut vendre ou acheter, est toujours dans une situa- tion moins bonne qu'un grand propriétaire {marques cV approbation). La vente, par une société de ce genre, avantage beaucoup les petits propriétaires. Les grands propriétaires eux-mêmes y trouvent aussi leur profit. En Ecosse, il y a des produits secondaires, comme les petites branches de bouleau, par exemple, qu'on a laissé perdre jusqu'à présent. Maintenant, il y a un assez grand marché pour ce produit dans les grandes villes. On n'en savait rien auparavant dans notre région . En Ecosse, je suis d'avis qu'il est meilleur dans cette industrie de ne pas aller à l'Etat du tout, d'avoir confiance dans les sociétés con- — 323 — CONGRES FORESTIER duites par les propriétaires eux-mêmes, et de ne rien demander du tout à l'Etat {Très bien ! très bien ! et applaudissements). M. LE Président. — Nous remercions M. Scott Elliot de sa très inté- ressante communication. C'est une contribution très instructive à l'étude de la coopération, puisqu'en définitive, l'association dont il vient de nous signaler l'existence, est une forme des coopératives dont on vient de parler. M. de Larnage. — M. Descombes a proposé un amendement qui me parait très dangereux. La Loi de 188^i me paraît suffisamment élas- tique, de même que la loi sur les coopératives en refonte devant le Parlement, pour lui donner tout apaisement et se plier aux besoins de l'organisation très spéciale qu'il demande. Je propose de nous en tenir à la formule qui a été proposée tout à l'heure, mais, auparavant, M. Margaine me permettra de lui faire une dernière objection : je voudrais qu'il consentît à modifier deux phrases de son très beau rapport. Il a représenté les syndicats comme une arme de combat. Le syndi- cat, a-t-il dit, prend une allure de combat à grands cris... La foule, dans l'esprit de laquelle Syndicat éveille idée de bataille. Nos syndi- cats forestiers français n'ont pas pu échapper à cette destinée : ils luttent contre le fisc, contre le parlement, contre d'autres syndicats... » Permettez-moi, Monsieur Margaine, de vous dire que nous sommes avant tout des facteurs de paix sociale [Très bien ! Très bien !) Nous sommes avant tout les défenseurs de gens dont les intérêts ne sont pas nécessairement opposés aux nôtres, puisque ce sont pour nous des collaborateurs indispensables {Applaudissements). Je voudrais donc voir disparaître du rapport, avant son adoption par le Congrès, cette phrase où M. Margaine a certainement vu sa plume courir plus vite que son esprit et devancer son cœur. Je demande en outre à nos collègues de rester sur le terrain des généralités, mais d'insérer dans le texte du vœu ce mot de syndicat qui nous est cher à beaucoup d'entre nous. On nous disait tout à l'heure qu'en Ecosse, avec beaucoup d'intelli- gence et d'activité, les propriétaires se réunissaient et faisaient, dès le début de leur syndicalisme, de la coopération sans le savoir. En somme, ils ont débuté comme nous tous, syndicats marchant vers la coopération. Nous en avons fait sous une forme légale, puisque la Loi de 1884 nous y autorisait, mais nous en avons fait à côté, et cela est inévitable, indispensable, et c'est même toléré par la loi. Il ne faudrait pas qu'on puisse croire qu'en achetant des outils, des plantes, des semences, nous allons contre la loi. Du tout, nous allons vers la coopération jusqu'au moment où nous devenons coopérative de vente; alors, l'organisation commerciale nous est indispensable. Pour me résumer, je demande de bien vouloir formuler ainsi le vœu : 324 INTERNATIONAL 1913 « ... Préconise la formation de syndicats et de coopératives... ». Cette simple adjonction donnerait satisfaction aux désirs des syndicalistes. M. Thivel. — Voulez-vous me permettre une simple observation pour montrer le rôle économique des syndicats? Je représente le Syndicat du Centre. 11 est déjà ancien; c'est surtout un groupement de gros propriétaires. Nous avons résolu la question économique pour les ventes en commun où nous avons obtenu des résultats merveilleux. Nous avons vendu nos coupes à des mar- chands de bois à des prix successivement supérieurs de 10, 20 et 25 % aux estimations des propriétaires. Le syndicat peut donc, dans ces conditions, avoir un rôle économique important. 11 peut aussi jouer un rôle très intéressant vis-à-vis des syndicats ouvriers. Dans le Centre, les syndicats ouvriers se sont dressés contre nous, propriétaires forestiers. Nous avons été obligés de mettre l'ordre dans nos coupes, certainement contre notre gré. Mais nous avons obtenu des marchands de bois qu'ils acceptent des prix très rémunérateurs pour l'ouvrier, et il leur est interdit, sous peine d'amende, de payer aux ouvriers des salaires inférieurs à ceux que nous avons fixés. Le marchand de bois ne pourrait pas payer un ouvrier au-dessous du tarif, même si l'ouvrier le demandait. Nous avons apaisé ainsi un immense territoire, car maintenant les ouvriers reconnaissent notre justice et sont les premiers à venir à nous. Je ne dis pas que cela n'a pas désorganisé leurs syndicats affiliés à l'organisation que vous savez, mais les bons syndicats sont restés, parce qu'ils ont su comprendre ce que nous avons fait. {Applaudisse- ments.) De petits propriétaires n'auraient peut-être pas pu agir ainsi. 11 n'en est pas moins vrai que, dans l'affaire, le syndicat a joué un rôle économique. Rien ne nous empêchera de créer à côté une coopérative, et surtout cette caisse de crédit agricole qui nous permettrait de différer nos coupes pour obtenir un plus grand rendement. Mais cela, c'est en dehors du syndicat, et c'est à ses chefs de surveiller cette affaire. M. LE Président. — Nous vous remercions de cette contribution à l'étude de l'action syndicale. Vous nous avez beaucoup intéressés par la constatation des bons effets de cette action. II y a quelque chose à retenir des observations de M. Descombes sur la question du crédit forestier. Le Crédit Foncier peut avoir à jouer son rôle. On pourrait remplacer les mots « caisses de crédit mutuel forestier », par ceux-ci : « organisation du crédit forestier » {Très bien ! Très bien !) M. Gtyot. — Un de nos confrères, M. Gazin, voudrait voir mentionner les sociétés civiles de propriétaires forestiers, car c'est une forme de coopréation. M. Margaine. — Je les considère comme des coopératives. — 325 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — Il n'y a pas de doute sur ce point. Mais il faut rester dans les généralités. M. GuYOT. — Le Congrès est bien d'avis de faire rentrer dans les coopé- ratives de propriétaires les sociétés civiles que préconise M. Gazin. M. Cazin. — Nous avons créé dans le Jura une société pour l'exploita- tion des forêts. Nous payons l'impôt foncier, le droit de main-morte, et aussi l'impôt sur le revenu de nos coupes, sur le dividende de nos actions. Cela fait par conséquent double emploi. M. le Président. — Le vœu vous donne toute satisfaction, puisqu'il parle pour les coopératives forestières, des exemptions d'impôt graduées. M. Margaine. — La Société du Contrôle, à laquelle fait allusion M. Gazin, a été classéte dans le rapport parmi les coopératives. M. Banchereau. — Vous l'avez citée avec une restriction. M. Margaine. — Parce que ses membres n'ont pas mis en commun des terrains possédés par eux, mais ont au contraire mis leur argent en commun pour acheter un bois. J'ai dit que cela avait une allure de société capitaliste et que ce n'était pas tout à fait de la coopération. M. Banchereau. — Il serait bon de citer ce genre de sociétés dans le vœu. M. DE Larnage. — Il n'y a pas de doute au point de vue légal. M. LE Président. — C'est toujours là une œuvre commune, une coopé- ration. L'œuvre commune existe en l'espèce ; il n'y a pas d'inquiétude à avoir. M. Gazin. — Dans tous les cas, il est injuste de payer l'impôt foncier, et de payer encore l'impôt sur le revenu de la coupe. M. LE Président. — Los observations insérées au procès-verbal servi- raient, le cas échéant, à éclairer la portée du vote. M. Margaine. — Je citerai encore l'Œuvre forestière du Limousin, qui avait demandé à faire une communication, ce que nous n'avons pu lui accorder, à cause du manque de temps. Cette société rentre dans cette catégorie de groupements en vue de l'achat en commun des bois, que nous avons classés dans les coopératives. Nous avons tenu à dire : « Ce sont des coopératives », parce que, pour certains auteurs, les coopératives forestières ne sont que les sociétés qui mettent en commun des biens fonds. M. le Président. — Je donne une nouvelle lecture du vœu, amendé à la suite de la discussion qui vient de se produire : — 326 — INTER.NATIONAL 1913 Le Congrès forestier international : « Rendant justice aux efforts faits par les syndicalistes de tous les pays, les engage à continuer à développer leur action syndicale, « Préconise, d'autre part, la formation de coopératives de propriétés, complètes, à circonscription restreintes et unies par des fédérations, « Souhaite que les associations agricoles aident de leur expérience et de leur pouvoir à la formation de coopératives forestières et de caisses de crédit forestier et émet le vœu : « Que les législations des différents pays soient adaptées à la forma- tion de syndicats forestiers et de coopératives forestières^ et que les Etats favorisent celles-ci par des subventions, par des exemptioros d'impôts graduées, par Vaide de leurs agents forestiers et par V orga- nisation du crédit forestier. » Le vœu, mis aux voix, est adopté. M. Bouvet remplace M. Vivier au fauteuil de la présidence. M. LE Président. — La parole est à M. Vivier pour la lecture de son rapport sur I'Utilité de l'acquisition par l'État, les communes ou AUTRES collectivités PUBLIQUES, LES ÉTABLISSEMENTS OU ASSO- CIATIONS d'utilité publique, de F0RÊT§ OU TERRAINS A REBOISER. — Mesures législatives, administratives et financières a prendre pour faciliter cette acquisition. M. Vivier. — La propriété forestière présente, au point de vue écono- mique, ce caractère fondamental que, sur un point donné, elle ne peut jamais fournir un revenu annuel. Tandis qu'en agriculture, la règle géné- rale est de tirer chaque année un produit du sol, et que ce principe com- porte de moins en moins d'exception, par suite de la restriction progres- sive des jachères, une parcelle boisée, quelle qu'elle soit, n'est exploitable qu'un certain nombre d'années après l'époque à laquelle son peuplement a été créé ou régénéré. Le temps pendant lequel le propriétaire devra laisser le peuplement sur pied sera très variable, il pourra être réduit à sept ou huit ans comme dans certains taillis de châtaigniers, ou dépasser largement le siècle, notamment pour les futaies de chêne : en tout cas, le revenu sera périodic[ue et non annuel. Ce n'est pas que le sol, avec l'aide de l'atmosphère ne « produise » chaque année, pour le bois comme pour toute autre culture ; mais, pour être réalisables, ces produits doivent s'accumuler sur place pendant une période plus ou moins longue : c'est ce que l'on définit en disant que le sol forestier est un capital qui fonc- tionne à intérêts composés. Sans doute, quand l'immeuble en nature de bois offre une étendue suffi- sante, le propriétaire peut arriver à obten^r un revenu annuel, si on sup- pose que son bien comprend la série des âges depuis le semis ou le recru jusqu'au terme d'exploitabilité; mais le principe que nous venons de poser n'en reste pas moins vrai pour chaque surface occupée par des — 327 — CONGRES FORESTIER sujets de même âge (1), et le résultat n'a pu être atteint que par une orga- nisation des exploitations, adaptée spécialement à la propriété en cause, telle qu'elle était constituée au moment où ce règlement a été fait, c'est-à- dire par un aménagement. De ces considérations, il ressort déjà que le bois s'accommode mal de la propriété privée, qu'il s'agisse soit du reboisement d'un terrain nu, soit de la conservation et de l'exploitation régulière et continue d'une forêt existante. Un particulier hésite à engager des fonds importants dans une entreprise de reboisement, car, dans la plupart des cas, il sait qu'il ne vivra pas assez longtemps pour recueillir, par la coupe principale, le bénéfice essentiel de l'opé ation. S'il possède une forêt existante, il sera souvent incité, par les besoins de la vie, à réaliser ses bois dès qu'ils auront une valeur marchande appréciable ; on ne peut lui demander d'ailleurs de leur laisser atteindre tout le développement nécessaire pour donner les produits les plus avantageux à la société. Mais surtout chaque décès de propriétaire risque de provoquer une véritable crise dans l'existence de la forêt apartenant aux particuliers. En effet, s'il y a plusieurs héritiers, il y aura fréquemment partage ; et cette opération, qui exigera une expertise longue et coûteuse, entraînera, suivant l'importance du bois à partager, ou un morcellement excessif ren- dant l'exploitation difficile et désavantageuse et conduisant à l'abandon et à la ruine, ou (à moins d'une conformation exceptionnellement favo- rable du massif et de ses divisions) un bouleversement complet de l'amé- nagement. Or, ces troubles, s'ils se renouvellent à des intervalles un peu rapprochés, sont évidemment incompatibles avec une bonne gestion. Non seulement ils empêchent toute amélioration, mais ils sont l'occasion d'abus de jouissance et de réalisations prématurées. Pour échapper au partage, les héritiers vendront ; mais sur ce terrain, en raison notam- ment du jeu bien connu des droits d'enregistrement (2), les amateurs de forêts sont en état d'infériorité par rapport aux spéculateurs marchands de bois, qui pourront bien être empêchés par la loi sur les défrichements de transformer la nature de la propriété, mais qui, par l'enlèvement de tous les bois de quelque valeur, compromettront pour longtemps l'avenir. Sous l'ancien régime où, du reste, la proportion de forêts appartenant à des propriétaires impérissables (roi, communes, hospices, communautés religieuses) était considérable la situation était sensiblement différente parce que beaucoup de grands massifs particuliers se transmettaient par droit d'aînesse ; mais notre législation moderne sur les héritages entraîne, au point de vue forestier, les inconvénients que nous venons de signaler, et il semble que de plus en plus les bois privés se trouvent dans des condi- tion désavantageuses, car leurs propriétaires sont évidemment portés à traiter leurs forêts suivant le mode qui exigera la moindre accumulation de capital sur pied et permettra les réalisations les plus fréquentes, c'est-à- dire pour une grande partie de la France suivant le régime du tailHs à révolution relativement courte. Or, à l'heure actuelle, par suite de la (1) On peut toujours, au moins par la pensée, décomposer un bois en^ fractions de même âge, certaines fractions pouvant être composées de parcelles très petites dissé- minées dans tout le massif, comme dans les taillis sous futaie et les futaies jardinées. (2) On sait que si une forêt est vendue fonds et superficie, le tout paie un droit de mutation de 7 % : si on vend, en même temps que le sol, une coupe comprenant tout ce qu'il y a de réalisable dans la superficie, la valeur de celle-ci devenue « bien meuble » ne rapporte qu'une taxe de 2 l^ %,lefondsseulsupportantles 7 %. — 328 — INTERNATIONAL 1913 dépréciation croissante des bois de feu et des écorces, la valeur de ces taillis baisse, leur utilité disparaît ; ce sont de plus en plus des bois d'oeuvre dont la consommation a besoin, et le développement de la production de ces bois suppose, dans les taillis, une augmentation et im vieillissement des réserves ou une élévation de la révolution, ou même une conversion en futaie, c'est-à-dire, sous une forme ou sous une autre, des économies considérables qu'il est bien difficile d'attendre de particu- liers. Ces améliorations, comme aussi le traitement de futaies existantes ou la mise en valeur de terrains nus par le reboisement, demandent, d'ailleurs un esprit de suite, et un sens de la conservation et de l'éco- nomie incompatibles avec les fréquentes mutations des propriétés privées et même, dans bien des cas, avec les vicissitudes d'une existence humaine. Pour parer à ces inconvénients, de très bons esprits ont songé à la for- mation de sociétés forestières constituées par des propriétaires de bois qui réuniraient leurs immeubles de manière à en former une forêt soumise à un aménagement et à une gestion uniques. Les droits originaires, étant transformés en des parts de société, pourraient faire l'objet de ventes ou de successions san que le sort de la forêt fût troublé ou compromis en quelque manière. L'idée est assurément séduisante, mais, quoique lancée il y a plus de dix ans, ellcTie semble pas avoir fait pratiquement de progrès notables : au fond, elle revient à une véritable aliénation par les propriétaires de leurs bois au profit de la société, et sa généralisation paraît répugner au caractère du propriétaire foncier français ; celui-ci quand il voudra se défaire de son bois, le vendra pour un prix en argent qu'il utilisera à son gré ; autrement, il préférera garder son immeuble pour lui que « le mettre en actions ». Ce n'est pas à dire que dans certaines régions, et dans des cas déterminés, le système ne puiss3 trouver son application et rendre de réels services ; on ne saurait, croyons-nous, y voir le remède à la dispa- rition et à la dégradation progressive des bois particuliers. A l'égard du reboisement, on ne peut faire appel aux sociétés privées pour les travaux qui ont en vue l'intérêt public (notamment la restaura- tion et conservation des terrains en montagne) et présentent le plus sou- vent un caractère onéreux ; quant aux opérations qui ont principalement pour but une mise en valeur de terrains, elles constituent une spéculation à trop long terme et demandent une confiance trop grande dans les chefs de l'entreprise pour qu'il soit facile d'organiser des sociétés en vue de leur exécution. Ces sociétés se formeront d'autant moins aisément qu'en tout état de cause les bénéfices du reboisement sont très limités, et qu'ici l'appât du gain ne paraîtrait pas suffisant pour engager les capitalistes à passer sur les retards de réalisation et les aléas de gestion. On doit souhaiter la formation et le succès de sociétés de ce genre, mais il est permis de penser que leur rôle sera très restreint. On peut donc conclure de cet exposé qu'à l'inverse de ce qui se passe pour les domaines agricoles, l'avenir de la propriété boisée et du reboi- sement n'est pas assuré entre les mains des particuliers et que, par suite, c'est entre les mains des propriétaires impérissables que les bois sont le mieux placés. Il va sans dire que, dans cette étude, nous avons surtout en vue la France ; mais, avec des différences de degré suivant le caractère, l'organisation sociale ou le régime foncier de chaque nation, et réserve faite des périodes de mise en exploitation de grands massifs dans les pays -_ 329 — CONGRES FORESTIER neufs, la conclusion peut trouver, croyons-nous, son application générale dans le monde entier. En fait, sur les 9.850.000 hectares de forêts de France, les propriétaires impérissables ne possèdent à l'heure actuelle que 3.400,000 hectares, le surplus (environ 6 millions 1/2) appartenant à des particuliers. D'autre part, sans vouloir ramener le sol français à l'état où il était au temps de la conquête romaine, nous considérons comme acquis (la démonstration serait en dehors de notre sujet et nous entraînerait beaucoup trop loin) que le taux de boisement de notre pays (25 % environ) est insuffisant, et que, tant au point de xuq des avantages immatériels (maintien des terres sur les pentes, régularisation du chmat et du régime des eaux, salu- brité, etc.), qu'au point de vue des besoins de la consommation en pro- duits ligneux, il reste à exécuter un important programme de reboisement portant, bien entendu, sur des terres incultes ou convenant mieux, pour des motifs divers, à la culture forestière qu'à toute autre espèce de culture. Dans ces conditions, il est conforme à l'intérêt général que les proprié- taires impérissables, c'est-à-dire les collectivités publiques, puissent acquérir des forêts existantes et des terrains à reboiser. Nous allons exa- miner maintenant les différentes catégories de collectivités et le rôle qui paraît revenir à chacune d'elles dans ces acquisitions. La première et la plus importante de ces personnes morales est l'Etat : ce dernier est évidemment seul qualifié pour prendre la charge soit des forêts qui jouent un rôle de pure protection, sans fournir de revenu net appréciable, soit des entreprises de reboisement effectuées dans un intérêt principalement « immatériel », et où le bénéfice futur est absolu- ment aléatoire ou, en, tout cas, hors de proportion avec les dépenses engagées. En outre, l'État, en raison des ressources considérables de son budget général de recettes, est actuellement le seul propriétaire qui ne soit pas incité à réaliser un peuplement, quand il a déjà une certaine valeur marchande, sans avoir atteint cependant l'âge où il peut donner les pro- duits les plus utiles à la consommation. C'est donc lui qui est le plus qualifié pour élever les vieilles futaies (notamment celles on le chêne est l'essence dominante), ou même des taillis sous futaie très riches en réserve. Et, comme les bois d'oeuvre de forte dimension restent les plus utiles et les plus recherchés, l'étendue actuelle des forêts domaniales productives (environ 950.000 hectares) est évidemment insuffisante et doit être augmentée, alors surtout que l'épuisement de beaucoup de forêts étrangères peut rendre dans l'avenir les importations moins abon- dantes et plus coûteuses. Il serait d'ailleurs excessif, à notre avis, de tendre à faire de l'État l'unique propriétaire de forêts, on aboutirait ainsi, en effet, à la destruction de toute initiative et de toute activité en dehors de celles du pouvoir central, et ce système ne paraît pas moins funeste en matière forestière qu'en d'autres matières. Les communes et les établissements publics proprement dits (princi- palement les hospices) possèdent déjà un patrimoine forestier important (2.200.000 hectares) qui est à conserver aussi bien dans l'intérêt des pro- priétaires que dans l'intérêt général, car il donne, sans difficulté de ges- tion pour les municipalités ou les commissions administratives (lorsque conformém.ent à k règle il est soumis au régime forestier), un revenu généralement sûr qui, moyennant adaptation du traitement à l'évolu- tion économique, est susceptible d'augmenter de plus en plus dans l'avenir. Les communes doivent également être incitées à reboiser une — 330 — INTERNATIONAL 1913 grande partie de leurs terrains incultes et de leurs vacants ce qui n'est pas inconciliable avec le maintien et l'améliorât on de leur domaine pastoral); d'autre part, des legs de forêts sont consentis parfois en leur faveur ou au profit des établissements publics, et ce fait, qui depuis trente ans a été relativement fréquent, est, évidemment favorable aux intérêts forestiers. Mais d'une manière générale, nous ne croyons pas qu'on puisse beaucoup compter sur ces catégories de propriétaires pour des acquisitions à titre onéreux de forêts ou de terrains à reboiser. Les communes et établisse- ments publics ne font guère d'économies ; et, surtout pour les premières, les ressources disponibles trouveront, presque toujours, un emploi d'un intérêt plus urgent qu'un achat de forêt, le champ des améliorations réa- lisables dans une commune pour les adductions d'eau, la voirie, les écoles, les égouts, les promenades, etc., étant presque indéfini. Dans certains cas, cependant, une ville pourra réaliser une opération utile à tous points de vue en achetant un bois situé à sa portée, parce que ce dernier conve- nablement aménagé constituera, en même temps qu'un bien productif de revenu, une sorte de parc agréable et salubre pour les habitants. En outre, comme il est reconnu que la propriété agricole convient générale- ment mal aux collectivités, il est à souhaiter que peu à peu les communes et étabhssements pubUcs échangent les domaines qu'ils possèdent contre des bois, soit directement, soit par le moyen d'une vente et d'un achat. Nous allons même jusqu'à penser que, lorsqu'une occasion avantageuse d'acquisition de forêt se présente, les communes et établissements publics qui détiennent des valeurs mobilières importantes feraient une bonne opération en vendant une partie de celles-ci pour acheter l'immeuble boisé (1) : outre que les titres, même les meilleurs, n'offrent jamais pour un propriétaire impérissable une sécurité aussi grande qu'un fonds de terre, le revenu qu'ils donnent garde une valeur nominale qui, même si elle n'est pas réduite par suite de conversions ou de remboursements suivis de remplois, subit avec le temps la dépréciation correspondant à la dimi- nution de puissance d'achat du numéraire, tandis qu'un bien donnant des produits en nature comme le bois, n'offre pas cet inconvénient. On objectera sans doute que certaines communes propriétaires de taillis à charbonnette et à écorce ont subi au xix^ siècle des pertes considérables de revenu ; mais ces cas sont heureusement en petit nombre ; du reste, le plus souvent, il est possible, dans une période de temps relativement courte pour un propriétaire impérissable, de revenir à un bon rendement en changeant le mode de traitement de la forêt. Les départements ne semblent appelés à jouer qu'un rôle accessoire au point de vue forestier. Actuellement l'étendue des forêts départemen- tales est presque insignifiante ; et, comme les Conseils généraux se trouvent dans une situation très analogue à celle des Conseils municipaux, en ce qui concerne l'absorption des disponibilités budgétaires par des dépenses dun intérêt urgent, ils n'auront guère l'occasion de se porter acquéreurs de forêts et encore moins de terrains à reboiser. Il pourra y avoir cepen- dant certaines exceptions, dans des départements riches, pour des forêts intéressant, à des titres divers, un assez grand nombre de communes. Par contre, il est toute une catégorie de collectivités que leur nature même doit amener à devenir propriétaires d'une partie importante du (1) Grâce à la soumission au régime forestier, les bois acquis peuvent se trouver très éloignés du siège de la commune ou de l'établissement propriétaire. — 33 1 — . CONGRES FORESTIER domaine forestier de la France ; nous voulons parler de toutes ces caisses d'épargne, caisses de retraites, sociétés de secours mutuels, etc., que leur fonctionnement oblige à conserver et faire fructifier des capitaux déposés ou à capitaliser des versements périodiques. Jusqu'à ces derniers temps la tendance des pouvoirs publics a été d'imposer à toutes ces associations le placement de leurs fonds en valeurs mobilières de premier ordre ; et, à l'heure actuelle, les exceptions autorisées sont encore bien restreintes et visent surtout des propriétés bâties. Ce système, étant donné l'exten- sion de plus en plus grande des groupements de capitaux dont nous par- lons, n'est pas sans oiîrir quelques dangers en accumulant des sommes énormes en placements purement mobiliers, spécialement en rentes sur l'État français : si, à un moment donné, se produisaient de très graves complications extérieures ou intérieures, on comprend quelle effroyable crise en résulterait pour l'avoir de toutes ces collectivités. D'autre part, la propriété boisée offre au moins autant de sécurité que l'immeuble bâti. Il serait donc aussi prudent, au point de vue général, qu'avantageux, au point de vue forestier, de dériver vers les achats de forêts ou de terrains à reboiserune certaine fraction de capitaux de ces sociétés, étant entendu qu'à l'égard des caisses d'épargne, le prélèvement ne porterait que sur la fortune personnelle de ces établissements. L'acquisition de forêts exis- tantes conviendrait principalement aux sociétés qui ont à répartir annuel- lement des sommes à peu près équivalentes ; l'achat de terrains nus et leur boisement constitueraient une excellente opération pour les groupe- ments qui ont à capitaliser des versements pendant un assez grand nombre d'années pour servir plus tard, sous une forme ou sous une autre, des allocations en argent aux ayants droit. La soumission au régime forestier des immeubles ainsi acquis supprimerait pour les propriétaires toutes les difficultés d'administration, en même temps qu'elle assurerait à la gestion les meilleures garanties d'intégrité et de compétence. Il semble que les grandes compagnies d'assurances qui possèdent actuellement tant de maisons pourraient également entrer dans la voie des acquisitions de forêts. Enfin, toutes les associations déclarées d'utilité publique, et, par là même, offrant généralement des garanties de long avenir, pourraient, avec les mêmes avantages que les établissements publics, devenir proprié- taires de forêts, et employer de cette manière une portion de leur avoir qui est souvent considérable. Même en admettant que chacune des collectivités en discussion n'em- ployât ainsi qu'une faible part de ses capitaux, de manière à se garantir contre les effets de variations éventuelles dans le revenu des bois, une œuvre importante n'en serait pas moins susceptible d'être réalisée au point de vue de la conservation et de l'amélioration du domaine forestier du pays. Il reste à examiner les mesures légales, administratives ou financières à prendre pour faciliter la réalisation des acquisitions dont les considé- rations exposées ci-dessus ont fait ressortir l'utilité. A notre avis, il serait excessif de recourir à des moyens coercitifs et, notamment, à l'expro- priation : appliqué à toute une catégorie d'immeubles qui occupe plus de 6.000.000 d'hectares en France, ce procédé porterait une grave atteinte au principe de la propriété privée, sa mise en pratique risquerait d'être, suivant le cas, défavorable aux particuliers ou ruineuse pour les collecti- vités publiques. Nous ne sommes même pas partisan d'un droit de préemp- tion pour l'État : outre qu'il pourrait donner lieu à des fraudes au détri- — 332 _ INTERNATIONAL 1913 ment du Trésor, toute entrave qui pèserait sur la propriété boisée com- mencerait par déprécier celle-ci, de sorte que le résultat immédiat serait plutôt nuisible aux intérêts forestiers. Le passage des bois et forêts des mains des particuliers entre celles des propriétaires impérissables doit être, selon nous, une opération de très longue haleine, susceptible même de ne pas s'achever d'une manière absolue, ce n'est qu'à la condition de se réahser peu à peu, suivant les occasions, que cette transmission pourra s'effectuer sans crise économique et sans dépenses excessives. La dégra- dation des forêts particulières étant, dans Vensemhle, lente et progressive, le remède semble pouvoir présenter les mêmes caractères, et c'est en excluant la contrainte légale que nous allons poursuivre notre étude. En ce qui concerne les acquisitions par l'Etat, il est à remarquer qu'actuellement l'administration forestière ne peut acheter, en dehors des régions de montagnes, des terrains nus ou boisés qu'en vue de l'amé- lioration des forêts domaniales proprement dites ; et comme, d'autre part, il n'est prévu pour cet objet qu'un crédit insignifiant, l'Etat ne peut ainsi incorporer à son domaine que quelques parcelles enclavées dans ses massifs ou situées en bordure. Pour que l'Administration des Eaux et Forêts pût entrer dans la voie indiquée plus haut, il serait indispensable que chaque année elle disposât sur son budget d'une allocation assez importante (1.000.000 fr. par exemple) pour acquisition de forêts particu- lières, avec faculté de payer par annuités dans une période n'excédant pas dix ans. Une semblable mesure donnerait déjà, semble-t-il, d'excel- lents résultats. Elle serait cependant insuffisante lorsque l'occasion se présenterait pour l'État de se rendre propriétaire de certains grands massifs offrant un intérêt considérable, mais d'une valeur trop élevée pour être facilement payés sur le crédit annuel dont l'ouverture vient d'être envisagée. Il serait nécessaire que les ministères de l'Agriculture et des Finances pussent, en dehors des limites de ce crédit, conclure des contrats d'acquisition de forêts sous condition suspensive, lesdits con- trats ne devant devenir définitifs que par un vote du Parlement qui accor- derait, en même temps, une allocation spéciale pour le paiement. Cette allocation extraordinaire pourrait être couverte par des ressources extraordinaires : nous ne sommes pas partisan du système d'emprunt au Crédit Foncier qui a trouvé de distingués défenseurs. Le Trésor dispose, en effet, d'un crédit assez ample pour ne pas avoir besoin de recourir à l'intermédiaire d'une Société semi-privée. Au cas où le système d'emprunts directs amortissables (gagés au moins pour la plus grande part par les revenus des immeubles à acquérir) soulèverait de trop grandes objections de la part du Ministère des Finances, nous croyons qu'on pourrait résoudre la difficulté, soit en obtenant de la Caisse des Dépôts et Consignations une avance remboursable, soit en faisant réaliser l'opération, non plus direc- tement par l'Etat, mais par la Caisse nationale des retraites dont l'encaisse a pris un si grand développement par l'application de la loi su ries retraites ouvrières et paysannes, et qui est habilitée à acquérir des bois ou des ter- rains à boiser par l'article 15 de la loi du 5 avril 1910. Nous ajouterons que, bien que destinée surtout à favoriser la régularisation du régime des eaux, la loi Fernand David, adoptée par la Chambre des Députés le 1^ août 1910 et actuellement soumise au Sénat, aurait pour effet immé- diat d'étendre l'importance des acquisitions de terrains à boiser par l'État. Pour faciliter aux communes et établissements publics l'achat de — 333 — CONGRES FORESTIER forêts, une disposition législative pourrait supprimer ou tout au moins réduire, dans une forte proportion, les droits d'enregistrement à perce- voir en pareil cas d'après le droit commun. Il est à souhaiter, d'autre part, que les décrets autorisant l'acceptation de legs de forêts par les communes et établissements publics n'imposent la vente de ces immeubles que lorsque cette condition résultera de la volonté formelle du testateur. Enfin, des instructions pourront être utilement adressées aux Préfets par le Ministre de l'Intérieur pour les inviter à ne pas entraver sans motif grave, et même à encourager, avec le discernement voulu mais aussi avec un bienveillant intérêt, les Conseils municipaux et Commissions administratives qui voudraient vendre des valeurs mobilières ou des domaines agricoles pour acheter des bois dans des conditions avanta- geuses. A l'égard des sociétés diverses, on ne peut que souhaiter le vote rapide de la loi Audifîred autorisant les caisses d'épargne à placer en forêts ou en terrains à boiser 1/10® de leur fortune personnelle^ complétant le 2® paragraphe de l'article 11 de la loi du l^^' juillet 1901 par une clause qui autorise les sociétés déclarées d'utilité publique à acquérir des bois, forêts ou terrains à reboiser, et soumettant au régime forestier les immeubles de cette nature, lorsqu'ils appartiennent à des associations reconnues d'utilité publique ou à des sociétés de secours mutuels approu- vées. L'article 20 de la loi du 1®^' avril 1898 permet à ces dernières sociétés d'acquérir des immeubles (de toute nature) jusqu'à concurrence des 3/4 de leur avoir ; au contraire, l'article 15 de la loi du 5 avril 1910 limite au 1/400 la fraction de capital que les caisses de retraites auront le droit d'affecter à des achats de bois et de terrains à reboiser. Cette proportion est bien faible, il semble qu'elle pourrait sans inconvénient être portée immédiatement à 1/100, en attendant que l'expérience permette d'appré- cier si elle ne serait pas utilement susceptible d'une nouvelle augmenta- tion. En conséquence, nous avons l'honneur de soumettre à la Section d'économie et législation forestière du Congrès forestier les vœux sui- vants : I. Qite la Chambre des Députés adopte sans retard la loi Audiffred telle qiCelle a été votée par le Sénat ; II. Que le Sénat mette le plus tôt possible en discussion le projet de loi « Fernand David » portant modification de la loi du 5 avril 1882 ; III. Qu''à V avenir un crédit soit inscrit chaque année au budget des Eaux et Forêts pour acquisition^ sur Vensemble du territoire, de forêts payables par annuités ; IV. Qu'à regard des massifs d'une valeur trop grande pour être achetés à Vaide du crédit ci-dessûs mentionné, les Ministères de V Agriculture et des Finances soient autorisés à conclure des contrats d'acquisition sous la condi- tion suspensive de la ratification parlementaire, et qu^en cas d'insuffisance des disponibilités budgétaires, le paiement en soit assuré par un emprunt amortissable, ou par une avance de fonds de la Caisse des Dépôts et Consi- gnations ; Subsidiairemenl, qu'au cas où les raisons financières ne permettraient — 334 — INTERNATIONAL 1913 pas un de ces deux modes de réalisation des achats de grands massifs, que les Ministères de V Agriculture et des Finances aient le droit de saisir des projets la Caisse des Dépôts et Consignations chargée de la gestion de la Caisse nationale de retraites, en vue de V application de Varticle 15 (§ 4) de la loi du 5 avril 1910; V. Que les droits de mutation à titre onéreux soient réduits en cas d'' acqui- sition de forêts par des communes ou établissements publics, et même, sHl est possible, par les associations reconnues d^ utilité publique : Caisses d'épargne. Caisses de retraites et Sociétés de secours mutuels approuvées ; VI. Que les décrets autorisant les communes ou établissements publics à accepter des legs de propriétés forestières n'' imposent l'obligation de vendre ces immeubles qu'en cas de volonté formelle du testateur ; VII. Que le Ministre de V Intérieur invite les Préfets à favoriser les opéra- tions qui consisteraient pour les communes et établissements publics à trans- former, dans DES conditions avantageuses, en placements forestiers, leurs valeurs mobilières et leurs domaines agricoles; VIII. Que le paragraphe 4 de Varticle 15 de la loi du 5 avril 1910 soit modifié par V élévation à 1/100 de la portion de V avoir que les Caisses de retraites pourront employer en achat de bois et de terrains a boiser. Nous croyons devoir ajouter d'ailleurs que plusieurs des dispositions proposées ne pourront produire d'effet que si les Administrateurs ou gérants des collectivités habilitées à posséder des immeubles, prêtent un concours actif à leur application. Le mouvement d'opinion que va produire le Congrès forestier interna- tional contribuera, il faut l'espérer, à amener ce résultat, car, dans la question qui nous a occupé comme dans bien d'autres, c'est le cas de répéter le vieil adage a quid leges sine moribus ». Le programme qui m'avait été tracé, vous l'avez vu par la lecture de mon rapport, m'a obligé de m'éloigner un peu du caractère inter- national de ce congrès . Je n'avais, en effet, pas seulement été chargé d'étudier la question in abstracio, mais je devais aussi rechercher les mesures administra- tives et fmancières à prendre pour faciliter les acquisitions de forêts par l'État ou autres collectivités publiques. Sur ce terrain, j'étais obligé de rester à peu près exclusivement dans le domaine national. Du moment où il fallait entrer dans le détail des mesures adminis- tratives, législatives, je ne pouvais guère que me limiter à la France. Autrement, il aurait fallu étudier toutes les législations étrangères; je n'en avais pas le loisir. Il y aurait d'ailleurs une certaine présomp- tion, pour un Français, à proposer des mesures administratives et législatives aux pays étrangers. Gela me permet de m'excuser vis-à-vis de mes collègues étrangers de ce que mon étude a un caractère plus particulièrement national. En tout cas, la partie générale peut s'appii- quer, je crois, à toutes les nations indistinctement. La propriété forestière présente un caractère dont M. Arnould vous — 335 — CONGRES FORESTIER a entretenus hier, et auquel il faut toujours revenir, parce qu'il est fondamental : la forêt ne donne pas de récoltes annuelles, et il faut, à côté du capital lui-même, constituer un capital-bois. En conséquence, un propriétaire, s'il veut obtenir un rendement annuel, est obligé d'aménager sa forêt, c'est-à-dire de l'organiser, au prix de certains sacrifices, pour qu'on puisse réaliser des coupes annuelles. Un autre caractère très net, c'est que ce capital bois aura une valeur marchande appréciable longtemps avant qu'il ait atteint son maximum de valeur financière et surtout de valeur économique. C'est en somme une tentation perpétuelle pour le propriétaire. De ces deux caractères essentiels, nous pouvons déjà déduire cette conclusion que la forêt ne convient pas tout à fait aux propriétés privées. A chaque décès, la forêt est exposée aux partages, c'est-à-dire à la rupture de l'aménagement avec toutes ses conséquences, mor- cellement, etc. En cas de partage d'ailleurs, par suite du jeu des droits d'enregistrement dont nous parlait M. Arnould, c'est le spéculateur qui se trouve dans une situation privilégiée par rapport à l'exploitant, de sorte qu'il y a bien des chances pour que vente signifie défores- tation... Plus nous allons, plus les difficultés sont grandes pour la réalisation des forêts. Les produits les plus facilement réalisables à court terme, les taillis ont de moins en moins de valeur. Les besoins de la vie augmentent, les pays deviennent de plus en plus riches, il faut produire et les pro^ priétaires ne sont plus incités à reboiser, car il faut un trop long temps pour avoir une futaie. Sous l'ancien régime — je dis cela au point de vue historique — il y avait des atténuations assez grandes, indépendamment des grandes quantités de forêts appartenant aux propriétaires impérissables ; à côté des forêts royales considérables, il y avait des forêts communales comme aujourd'hui et surtout les forêts des communautés ecclé- siastiques qui représentaient un capital énorme. Comme forêts pirivées, il y avait des forêts seigneuriales qui pouvaient se transmettre |dans certaines conditions suivant une législation spéciale et échapper à beaucoup d'impôts. Aujourd'hui — c'est une simple constatation que je fais — le régime successoral en vigueur est plus défavorable à la forêt privée. Par conséquent, plus nous allons, plus les forêts se trouvent exposées à certains dangers entre les mains des propriétaires particuliers. On a proposé un remède : c'est l'association. Je suis loin de nier les bienfaits de l'association, mais les opinions peuvent différer et je crois qu'il serait téméraire d'y voir un remède final et définitif aux périls qui menacent la propriété forestière. M. Margaine a signalé avec beaucoup de raison, dans son rapport — et ce n'est pas vous, syndicalistes et coopératistes qui me contre- — 336 — INTERNATIONAL 1913 direz — qu'il y a eu en France, jusqu'à ces derniers temps, des difficul- cultés à réaliser l'association, la coopération et, surtout, à faire mettre en commun les biens-fonds. \'ous réaliserez peut-être plus facilement l'opération dont parlait M. Gazin, c'est-à-dire l'association pour l'achat et l'entretien des terrains, mais pour mettre les propriétés en commun, on se heurtera à des résistances. Ajoutez que ces sociétés privées très intéressantes, dont le dévelop- pement est souhaitable, n'ont peut-être pas les garanties d'avenir des collectivités publiques. Elles sont forcément composées de personnes agissant dans un intérêt privé et soumises à des causes de dissolution qui, évidemment, agissent beaucoup moins sur les communes ou les établissements publics ou même les associations déclarées d'utilité publique. De telle sorte. Messieurs, que tout en rendant pleine justice aux associations de ce genre, tout en souhaitant leur développement, je crois qu'il est prudent de n'y pas voir le remède définitif aux dangers qui menacent la propriété forestière. Si nous parlons de la question du reboisement, là encore, Messieurs, l'action privée parait limitée. Quand il s'agit de grands travaux de restauration en montagnes, il faut évidemment ne pas s'adresser aux personnes privées et quand il s'agit de reboisement tout simplement, étant donné les aléas de ces travaux, l'attente très longue nécessaire pour récolter, on aura peut-être du mal à orienter les capitaux privés de ce côté. Bref, je crois qu'on peut conclure, à l'inverse de ce qui se passe pour la propriété agricole, que la propriété forestière est mieux placée entre les mains de propriétaires impérissables qu'entre celles de pro- priétaires particuliers. Ceci dit, sans vouloir le moins du monde enlever aux propriétaires forestiers leurs mérites, surtout à ceux qui luttent pour remédier à cette situation. 11 y a différentes collectivités publiques. D'abord, l'État qui, en matière forestière, a un grand rôle à jouer. Quand il s'agit des péri- mètres de restauration des terrains en montagne, personne ne lui conteste ce rôle, de même quand il s'agit de forêts de pure protection qui donnent un revenu insignifiant et sont là presque uniquement pour jouer un rôle de sécurité publique. Il est, sinon seul, du moins le mieux qualifié pour la production du gros bois d'œuvre. Les petits bois perdent de leur valeur de plus en plus pendant que les gros bois en acquièrent de jour en jour ; ces derniers étaient déjà très importants du temps de Colbert pour la marine, ils le sont aujour- d'hui pour d'autres besoins. Il faut donc produire du gros bois et c'est l'Etat, avec son gros budget — ce [qui fait qu'il n'a pas la ten- tation et il l'a moins aujourd'hui qu'il j; a un siècle, de chercher quel- ques millions dans des coupes extraordinaires — c'est l'Etat, dis-je, qui, avec sa garantie de perpétuité supérieure à celle de tous les autres, est le plus qualifié pour la production du bois d'œuvre. Remarquez que l'Etat ne possède actuellement que 950.000 hectares de forêts productives, en défalquant les périmètres de reboisement. — 337 — CONGRES FORESTIER C'est un chiffre relativement restreint qu'on peut augmenter dans une large mesure, sans inconvénient. Je me hâte d'ajouter que je ne suis pas partisan du rachat de toutes les forêts. Si le monopole de l'Etat en ^matière économique a de gros inconvénients, je crois que la main-mise de l'Etat sur les forêts étouffe- rait toute initiative en matière forestière, romprait l'équilibre écono- mique et serait un précédent dangereux dans le sens de la nationalisa- tion du sol. L'État doit donc augmenter son domaine, mais cette extension a des limites et il y a d'autres propriétaires impérissables qui ont un rôle à jouer. Il y a d'abord les départements. On en a beaucoup parlé, mais je n'ai pas gi'ande confiance en eux. Incidemment, un département riche pourra acheter une forêt qui intéresse quelques communes, mais ce sera l'exception. Les budgets départementaux ne sont pas étendus outre mesure et les dépenses départementales grossissent comme toutes les dépenses locales ; il y aura donc d'autres emplois plus pres- sants à faire des fonds départementaux. Les communes et les établissements publics ont 3.200.000 hectares de forêts qu'il faut leur conserver avec grand soin. Les communes ont aussi des reboisements à faire dans leurs terrains vagues, ce qui n'empêche pas d'améliorer le régime pastoral, car il faut bien garder la mesure entre les deux régimes. Les communes auront beaucoup de terrains à boiser avant de nuire aux intérêts pastoraux de leurs administrés. Les communes feront quelques acquisitions à titre gratuit ; j'en ai vu plusieurs exemples au cours de ma carrière et le cas n'est pas rare. Les legs de forêts faits aux communes ont été relativement assez fréquents au cours des trente dernières années et, naturellement, elles ne peuvent que gagner à ces acquisitions. Mais elles en font excessivement peu à titre onéreux. Sauf quelques exceptions pour des forêts aux portes de villes riches que celles-ci achètent pour, en même temps qu'une source de revenus, y trouver un lieu de promenade, sauf ces quelques exceptions, je ne vois pas comment les communes qui ont tant à dépenser pour les travaux de voierie, les écoles, l'alimentation en eau, etc., pourraient faire l'acqui- sition de forêts. Mais il y a toute une catégorie de collectivités qui, au contraire, auraient, à mon sens, grand intérêt à entrer dans la voie de l'acquisi- tion forestière. Ce sont, pour rester sur le terrain des collectivités publiques, toutes ces Caisses d'épargne, ces Caisses de retraite, de secours mutuels approuvées qui entassent et entasseront encore plus des sommes énormes. Jusqu'à ces derniers temps, la tendance des financiers et du Ministre des Finances qui exerce une tutelle sur ces Sociétés étaient de les obli- ger à employer uniquement leurs fonds en valeurs mobilières de — 338 — INTERNATIONAL 1913 premier ordre. J'ajoute que, depuis la Loi de 1898, cette règle s'est un peu relâchée et que la loi Audiiïred accentue encore le relâchement dans une assez large mesure. Cependant, l'idée générale des financiers est de se délier des place- ments forestiers. Je comprends, Messieurs, que certains placements offrent des risques, mais le placement en immeubles, aujourd'hui accepté pour toutes ces sociétés et que les compagnies d'assurances pratiquent sur une large échelle, a bien ses risques lui aussi : risques de non-location, d'incendie, de démolition, etc.. De même, il y a eu des exemples, à propos des communaux dont on parlait tout à l'heure, de baisses de revenus et d'aléas dus à la dépré- ciation des écorces et des bois de feu, mais il ne faut pas en exagérer l'importance. Les propriétaires qui ont perdu quelque chose, ont été peu nombreux et un propriétaire impérissable, qui a tout le temps devant lui, peut modifier le traitement de sa forêt de façon à l'adapter aux conditions économiques et à en améliorer le rendement. La propriété agricole ne convient pas très bien aux propriétaires impérissables ; c'est ce qui a amené jadis, contre les biens de main- morte, des idées très vivaces encore aujourd'hui. La propriété fores- tière a sur les placements mobiliers cette supériorité que ces derniers suivent la dépréciation du numéraire, tandis que le produit de la forêt, abstraction faite de variations relatives, ne se modifie pas sensiblement. Prenez une commune au moyen-âge, —remarquez que certaines ont 800 ou 900 ans d'existence — il y a des exemples de commune s'étant constitué une rente au xiv^ siècle de 50 ou 100 livres. Cette rente aujourd'hui, quand elle la paie, est toujours de 100 francs, mais la forêt qui a été aliénée moyennant cette rente, rapporte deux, trois, quatre ou cinq mille francs. Les collectivités qui ont l'avenir devant elles doivent donc se méfier moins de la propriété forestière que des autres, d'autant plus que la loi Audiffred sur la soumission facultative au régime forestier donne à ces collectivités toute garantie et toute facilité pour la gestion de leurs forêts. Remarquez qu'il ne s'agit point de demander à ces Caisses ou Compagnies de placer tous leurs fonds en forêts ; n'exagérons pas, car on compromet n'importe quelle cause par l'exagération. Mais suppo- sons qu'elles emploient une partie, même modeste, de leurs apports, à des placements forestiers, et voyez quel résultat immédiat, au point de vue de la conservation des propriétés forestières ! Ces propriétés entre les mains de Sociétés publiques ou d'utihté publique, même dirigées, par des particuliers, formeront le contre- poids à la propriété domaniale pure et maintiendront l'émulation et l'initiative. Telles sont, Messieurs, les différentes considérations que je me permets de vous soumettre à ce sujet. II reste à examiner les mesures à prendre pour faciliter ces acquisitions. — 339 — CONGRES FORESTIER Je tiens à dire tout de suite que, à mon sens, il faut se placer sur le terrain du droit commun. Je n'ai pas besoin d'ajouter que je ne porte pas atteinte au droit d'expropriation tel que le définit la Loi de 1882 pour la restauration des terrains en montagnes. Je parle des forêts en général et, abstraction faite de quelques cas exceptionnels, je considère que l'on doit laisser le libre jeu de l'offre et de la demande. Le passage des forêts entre les mains des propriétaires impérissables doit être une opération de très longue haleine. C'est à cette seule condition qu'on le réalisera sans grosse dépense et sans crise écono- mique. Peut-être cette opération ne s'achèvera -t-elle jamais ; elle se fera au fur et à mesure des occasions et des besoins, sur le terrain de la liberté et du droit commun. C'est dans cet esprit que j'ai rédigé un certain nombre de vœux dont je vais vous donner lecture : Le premier vœu ne sera pas celui imprimé dans mon rapport, la loi ayant été votée depuis l'impression, je l'ai modifié ainsi : « 1° Que le règlement d' administration publique concernant Vexé- cution de la Loi Audiffred soit établi et publié dans le plus bref délai. « 2° Que le Sénat mette le plus tôt possible en discussion le projet de loi^'- Fernand David » portant modification de la Loi du 5 avril 1882. « 3° Qu'à V avenir un crédit soit inscrit chaque année au budget des Eaux et Forêts pour acquisition., sur Vensemble du territoire., de forêts payables par annuités. » Cette proposition a déjà reçu un commencement d'exécution ; M. le Ministre nous en a parlé, mais il est bon de soumettre ce vœu au Parlement. Pour justifier le quatrième vœu, je dirai qu'un crédit de un million ouvert au budget peut ne pas pourvoir à tous les besoins. L'Etat peut se trouver en présence d'un projet d'acquisition d'un grand massif, et comme ce sont les grands massifs les plus intéressants, il ne faut pas qu'on soit obligé de se laisser pousser par l'opinion et de venir demander un crédit nouveau. S'il en était ainsi, l'affaire serait oné- reuse et c'est pourquoi j'ai proposé ce vœu en m'excusant d'entrer dans des détails, ce qui est contraire aux principes du Congrès : « 4° Qu^à regard des massifs d''une valeur trop grande pour être achetés à Vaide du crédit ci-dessus mentionné, les ministres de V Agri- culture et des Finances soient autorisés à conclure des contrats d'acqui- sition sous la condition suspensive de la ratification parlementaire et qu'en cas d'' insuffisance des disponibilités budgétaires, le paiement en soit assuré par un emprunt amortissable ou par une avance de fonds de la Caisse des Dépôts et Consignations ; « Subsidiairement, (lu^ui cas où les raisons financières ne per- mettraient pas un de ces deux modes de réalisation des achats de grands ma.ssifs, que les Ministères de V Agriculture et des Finances aient le droit de .saisir des projets la Caisse des Dépôts et Consignations chargée — 340 _ INTERNATIONAL 1913 de la gestion de la Caisse Nationale de Retraites^ en vue de V applica- tion de Vartide 15 (§ 4) de la Loi du 7 avril 1910 ». Il y a un grand projet — mon ami Cardot le connaît — qui serait exécuté grâce à un emprunt fait au Crédit* Foncier par l'État. Il me semble que l'Etat est assez riche et a assez de crédit pour emprunter lui-même et qu'il n'a rien à gagner à s'adresser à une société semi- privée, qui, forcément, prendra son bénéfice. L'Etat a la Caisse des Dépôts et Consignations et M. Guyot n'ignore pas l'application très intéressante prévue par la Loi de 1882. (( 5° Que les droits de mutation à titre onéreux soient réduits en cas d'' acquisition de forêts par des communes ou établissements publics et même, s'il est possible, par les associations reconnues (Vutilité publique : Caisses d''épargne, Caisses de retraites et Sociétés de Secours mutuels approuvées. » C'est le vœu deM. Arnould,un peu élargi, mais, au lieu de demander l'exemption complète, je réclame surtout des atténuations. « 6° Que les décrets autorisant les communes et établissements publics à accepter des legs de propriétés forestières n'' imposent F obliga- tion de vendre ces immeubles qu'en cas de volonté formelle du testa- teur. » La tendance du Conseil d'Etat à obliger la vente est déplorable. « 1° Que le Ministre de V Intérieur invite les Préfets à favoriser les opérations qui consisteraient pour les communes et établissements publics à transformer dans des conditions avantageuses en placements forestiers leurs valeurs mobilières et leurs domaines agri- coles ». Je souligne les mots : « conditions avantageuses », car il ne s'agit pas de transformer le tout sans discernement. « 8° Que le paragraphe -i de Vartide 15 de la Loi du 5 avril 1910 soit modifié par Vélévation à un centième de la portion de l'avoir que les caisses de retraites pourront employer en achat de bois et de terrains ^à boiser. » Un centième, c'est un début. Enfin, il est un autre vœu qui ne demande pas à être formulé. Je demande qu'on modifie la mentalité de toutes les personnes appelées à gérer ces Caisses et Sociétés, car si une transformation ne s'opère p&s en eux, jamais la loi ne sera appliquée. Messieurs, vous appartenez à tous les points de la France, vous avez tous, de par vos situations, de l'inOuence dans le pays ; je vous prie d'en user pour arriver à modifier cette mentalité, car c'est indis- pensable pour assurer le succès de la cause forestière que nous défon- dons tous {Vifs applaudissements). — 341 — CONGRES FORESTIER M. GuYOT. — Messieurs, vous applaudissez comme moi le magistral rapport fait par M. le conservateur Vivier. Nul mieux que lui n'aurait pu exposer en termes excellents le rôle forestier de l'État et des pro- priétaires impérissables. . M. Vivier, avec sa discrétion coutumière, a su limiter le rôle de l'État et montrer que son rôle essentiel consiste à donner à notre industrie nationale les bois de fortes dimensions que, seul, il peut fournir. Il faut donc qu'il y ait des forêts domaniales nombreuses, plus nombreuses qu'elles ne le sont. Mais M. Vivier, très sagement, a fait cette restriction qu'il fallait augmenter ce domaine progressivement. Nous sommes tout à fait d'accord à ce sujet. Ensuite, M. le rapporteur a indiqué l'intérêt qu'il y avait, pour les propriétaires impérissables, à posséder des forêts. Peut-être a-t-il insisté un peu trop sur les inconvénients des propriétés forestières pour les particuliers. C'est vrai pour les petits particuliers, mais je crois que les inconvénients sont moindres qu'il ne le croit. D'ailleurs, je n'insiste pas, il n'est pas question de faire passer entre les mains de propriétaires impérissables la totalité des six millions d'hectares de forêts françaises, une grande partie resteront toujours la propriété de particuliers. Je suis absolument stupéfait d'apprendre que certains décrets autorisant l'acceptatio i de legs de forêts par les communes, imposent la vente immédiate... M. Vivier. — Cela est arrivé. M. GuYOT. — C'est inadmissible. M. Vivier. — C'est un reste de cet état d'esprit que je signalais à propos des biens de main -morte. On considère que, les communes étant mineures, le placement le meilleur qu'elles puissent faire est la rente sur l'État. M. Gi'YOT. — Il faut réagir contre cette idée. M. Vivier. — J'ai vu le fait se produire pour la forêt de Cadaraclie ; l'intention du testateur n'était pas formelle. M. GuYOT. — Il faut que cette mentalité administrative soit modifiée. Exiger que les propriétaires impérissalbes n'aient que du 3 %, c'est insensé au point de vue économique. En ce qui concerne les forêts communales, je vous signalerai une particularité spéciale à ma région, mais assez intéressante. Vous connaissez l'arrondissement de Briey, en Meurthe-et-Moselle. Il est actuellement soumis à une transformation tout à fait extraor- dinaire, les exploitations minières y prennent une telle extension que tout en est bouleversé. C'est certainement un grand avantage au ?.A'> INTERNATIONAL 1913 point de vue métallurgique, mais au point de vue social, au point de vue des propriétaires et des populations autochtones, c'est déplorable. A cette occasion, on achète aux communes, directement ou par expropriation, dés forêts que l'on paie très largement. Certaines ont été vendues 10.000 francs l'hectare. Mais l'Administration oblige toujours les communes — et je l'en félicite — à remployer une partie plus ou moins considérable de cette somme en acquisitions nouvelles de forêts. Nous devons demander que cette pratique administrative soit continuée. M. Vivier. — Si je n'en ai pas parlé, c'est que cette pratique est passée dans les habitudes administratives. M. GuYOT. — C'est tout à votre honneur et il était bon d'en parler ici. Je suis également d'accord avec vous sur la nécessité de modifier la mentalité des dirigeants des sociétés qui sont opposés aux acquisi- tions de forêts. Je puis vous en donner un exemple typique (lui s'est passé dans ma localité où fonctionne très bien une Caisse d'Épargne. Cette Caisse est riche et pourrait bénéficier de la loi Audiffred. Quand j'en ai causé avec les directeurs, j'ai été repoussé avec énergie : « Comment ! mais jamais nous n'accepterons chose pareille ! » Il nous faut donc montrer à ces collectivités les grands avantages qu'elles retireraient de ces acquisitions. M. Vivier en a fait une démons- tration tellement frappante que je n'y reviendrai pas, j'émettrai sim- plement le regret que la loi Audiffred se soit montrée si timide en fixant au dixième de leur revenu la part susceptible d'être consacrée par les Caisses d'épargne aux achats forestiers. En définitive, il s'agit des fonds libres, cela ne peut pas compremettre les intérêts des déposants. Qu'est-ce qu'un dixième pour les Caisses d'épargne, on aurait dû être plus généreux. M. Vivier. — Je crois qu'il est prudent, pour le moment, de se contenter de ce dixième, car c'est le point qui a failli faire échouer la loi devant le Sénat. Le Conseil supérieur des Caisses d'épargne hésitait beaucoup également et il faudrait bien se garder de réclamer davantage. Contentons-nous de cela et soyez bien certains que si l'utilisation de cette faculté donne de bons résultats, les administrateurs de Caisses d'épargne seront les premiers à demander l'augmentation de cette somme minime. M. GuYOT. — L'énumération qui figure au paragraphe 5 du vœu est très complète, mais je voudrais y voir mentionner les sociétés civiles de propriétaines destinées à acquérir des forêts. M. Vivier. — Très volontiers. Remarquez que je demande une réduction que le législateur pourra graduer comme il lui plaira. — 343 — CONGRÈS FORESTIER M. Banchereau. — Il est bien entendu que ces Sociétés civiles ne sont pas obligatoirement soumises au régime forestier. M. Vivier. — Les deux choses sont tout à fait distinctes. M. Banchereau. — Ainsi la Société du Contrôle, qui a pour but un aménagement spécial, ne peut pas être soumise au régime forestier. M. Vivier. — Ellg pourra profiter de la loi Audiffred qui prévoit des soumissions partielles au régime forestier. Ce n'est plus comme autre- fois où ce régime formait un bloc ; la loi Audiffred permet de rompre ce bloc. M. GuYOT. — La soumission obligatoire ne s'applique qu'aux communes, aux établissements publics, c'est-à-dire à des groupements faisant partie de l'organisation publique. M. Vivier. — Et à des collectivités déterminées. M. LE Président. — M. Blondeau nous a fait parvenir une communica- tion dont je prie M. le Secrétaire de bien vouloir nous donner lecture. M. Del.\haye. — Voici cette communication. Utilité de l'acquisition par l'État, les communes ou autres collec- tivités PUBLIQUES, LES ÉTABLISSEMENTS OU ASSOCIATIONS d'uTILITÉ publique, de forêts ou DE TERRAINS A REBOISER. — MESURES LÉGISLA- TIVES ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES A PRENDRE POUR FACILITER CETTE OPÉRATION. La forêt doit être conservée ; c'est une nécessité admise par tous les forestiers qui connaissent les maux des peuples qui ont laissé détruire les leurs et les difficultés de rétablir l'état boisé. Son rôle bienfaisant touche aux intérêts les plus divers des collectivités, il est inutile de le démontrer ici. Pourtant, il semble que l'existence même de la forêt n'ait jamais été menacée autant qu'aujourd'hui. I. — Dans tous les pays, sous mille formes, la consommation de bois prend une extension de plus en plus grande, au fur et à mesure des progrès de la civilisation, de la recherche de bien être, de confort, de luxe ; la belle prospérité de l'industrie pendant ces dernières années, la formidable extension qu'à acquise ou qu'attend l'outillage public, chemins de fer, canaux, ponts, etc., ont provoqué avec une consommation croissante de bois, la destruction de maintes forêts. Rares sont les pays qui, dans une forme ou l'autre n'importent annuelle- ment du bois pour des sommes considérables et il n'en est vraisemblablement pas un seul qui, pour satisfaire à des demandes toujours renouvelées, n'entame ses réserves forestières, véritables richesses naturelles accumulées pendant les siècles précédents. L'insuffisance de la production du bois d'œuvre dans le monde a d'ailleurs été mise en lumière par un réputé forestier français, M. Mé- lard, et il est à craindre que ses prévisions se réalisent de façon toute préma- turée. De là, faut-il donc conclure que les forêts doivent disparaître tôt ou tard? On hésite à répondre par l'affirmative quoique les craintes actuelles paraissent devoir dans l'avenir s'aggraver encore, si, ce qui ne semble pas douteux, la consommation de bois continue à s'accroître et à dépasser la production. INTERNATIONAL 1913 Il est permis de dire et de répéter que, dans V intérêt de la forêt elle-même, il est d'œuvre méritoire d'étendre encore et de faciliter le marché mondial de la matière ligneuse, de perfectionner au plus tôt les méthodes de conservation des bois mis en œuvre, de rechercher de nouvelles utilisations de la matière ligneuse déjàusée (papier, bois d'emballage, etc.), et enfin, d'étudier les moyens de remplacer le bois dans certains de ses emplois. II. — Le régime successoral, l'impôt souvent excessif, parfois vexant, de la propriété forestière, ont été la cause du démantèlement, de l'appauvrissement de beaucoup de domaines particuliers. La liquidation de successions, le paie- ment des droits de mutation, des nécessités urgentes du propriétaire ou de ses héritiers, ont souvent provoqué la réduction de bois bien achalandés à l'état de simples ébauches forestières. Qu'il s'agisse de massifs de petite, moyenne ou grande étendue, il est certain que l'appropriation particulière des forêts que possédaient sous l'ancien régime social, les souverains, les seigneurs et les communautés, n'a guère abouti qu'à appauvrir ces domaines en arbres, en gros arbres surtout, qu'à abaisser et le nombre d'arbres et leur grosseur moyenne, à affaiblir leur utilité de l'ensemÉle ; peu de gardes, de bûcherons diront que telle forêt est mieux garnie aujourd'hui qu'autrefois; presque tous les gens de la forêt, et les marchands de bois sur- tout, affirmeront que le plus grand nombre des bois de leur région s'éclaircissent d'année en année. Il n'est plus le temps où les forêts étaieut bien garnies ; les gros arbres étaient l'une des manifestations du luxe, l'apanage obligé ou désiré de certains noms et familles, le complément indispensable du château ou de la « terre ». Tout cela s'est écroulé ou s'écroulera sous le coup de nécessités diverses, de partages aux décès, de besoins sans cesse grandissants des propriétaires successifs de forêts qui s'émiettent. Il n'est pas hasardé de prévoir à brève échéance pour ces raisons et surtout pour celle que nous donnerons tantôt, la faillite de la propriété particulière constituée en futaie et en taillis sous futaie. III. — Faisons observer ici que, malgré les réalisations extraordinaires con- senties en ces dernières années sur une étendue considérable de massifs particu- liers, les prix unitaires des bois n'en ont pas moins haussé et qu'ils ont pour le moment encore une tendance à s'affermir davantage. Nous avons dit précédemment que la consommation de bois augmente chaque année dans des proportions considérables, qu'elle est en partie le fait de la propriété générale de l'industrie ; celle-ci agit d'une autre façon, dans un sens convergent, pour augmenter encore les dangers de l'existence de la forêt privée. 11 n'est un secret pour personne aujourd'hui que la rémunération des capi- taux engagés dans le commerce et l'industrie est meilleure que celle de l'argent placé en fonds publics, de pleine sécurité pourtant, et malgré les immunités dont certains d'entre eux sont entourés; les fonds placés en forêt donnent un intérêt encore moindre que ces derniers. Quoique l'on fasse, cette infériorité du taux de placement des fonds fores- tiers subsistera parce que la production ligneuse est essentiellement lente, parce que l'utilité ne se crée en forêt qu'au bout d'un nombre d'années plus ou moins grand, que les valeurs ne s'y engendrent que par la superposition de nombreux cernes annuels, qu'elles sont le fruit de l'épargne et du temps. Tandis que l'industrie et le commerce peuvent généralement, au gré de leurs dirigeants, augmenter l'une et l'autre leur fabrication et leur chiffre d'affaires et abaisser souvent leur prix de revient, le sylviculteur n'a guère d'action sur une production dont les éléments sont le sol, le climat et les peuplements. Il est cantonné dans les sols les moins bons, souvent les plus ingrats et dont l'amélio- ration est impossible ou trop coûteuse. Le climat est chose intangible. Il n'est guère que sur les peuplements qu'il puisse agir par un choix judicieux des essences d'installation, de reconstitution ou de regarnissage, par des soins — 345 — CONGRES FORESTIER particuliers au cours de la croissance, par des éclaircies bien faites qui peuvent pourtant, au delà d'une limite donnée, porter atteinte à la forme des arbres et à la qualité de leur bois; l'ensemble de ces mesures ne peut corriger que dans une mesure peu appréciable la lenteur de la production ligneuse, de la fornaation des valeurs en forêt. Dans notre civilisation industrielle, les capitaux disponibles vont donc moins à la forêt qu'aux affaires et celles-ci les délogeront de celles-là. La destruction des futaies est donc due, tant à la rémunération insuffisante des capitaux fores- tiers qu'aux bénéfices plus grands des entreprises industrielles, qu'à la capita- lisation des fonds d'État à un taux plus élevé, plus rapproché du loyer de l'argent à l'industrie et au commerce. II importe de noter que la réalisation des capitaux forestiers est singulière- ment excitée par des marchands d'immeubles, spéculateurs avides, doublés ou non, de banquiers et d'exploitants, — les uns et les autres ne commettant en cela aucun acte répréhensible en soi — qui ont organisé tout un système d'informations sur la situation de fortune des détenteurs des immeubles fores- tiers. La perspective d'une vente en bloc vite conclue, du prix soldé en une fois et non atteint par le fisc en ce qui concerne les valeurs des bois sur pied, la possibilité du remploi immédiat des fonds à de plus fructueuses opérations, la crainte, la hantise, d'une re vision des charges fiscales qu'on ne diminue jamais, le manque fréquent de connaissances dans la gestion et la culture forestières, décident la plupart du temps le propriétaire à réaliser la vente du patrimoine boisé lentement accumulé et sagement ménagé par des ancêtres moins hardis, si pas plus prudents. Les marchands d'immeubles recherchent naturellement les forêts les plus riches en arbres, abattent ceux-ci dans le moindre temps possible, vendent, en bloc ou en détail, le fonds dégarni ou à peu près et passent au plus tôt à d'autres « opérations ». Des faits récents montrent qu'ils peuvent atteindre les domaines les plus grands, certains qu'ils sont de vendre à chers deniers tous les bois qu'ils y pourront réaliser. Ainsi que nous le disions tantôt — et nous ajouterons qu'elle est organisée presque administrative ment — c'est la destruction intégrale, à brève échéance, des propriétés particulières, des forêts peuplées de chênes, de hêtres, d'essences feuillues plus spécialement ; elle laisse derrière elle des surfaces livrées à la production de taillis dont la dépréciation est générale ; elle prive du travail habituel, bûcherons et voituriers, du bénéfice des transactions annuelles, industriels et commerçants de la région, du pittoresque de la forêt, amateurs du beau et amants de la nature ; elle menace les vallées d'inondations désas- treuses, les cultures, des gelées printanières, la région tout entière d'extrêmes inconnus de température. Ces opérations sont toujours l'objet de la réprobation générale, ce dont les dévastateurs n'ont guère cure, soyons en certains. Dans les lignes qui précèdent, nous croyons avoir montré que le danger que court la forêt particulière tient plutôt de la prospérité générale, des immobili- sations énormes d'argent dans les installations d'intérêt public, plus que des charges fiscales et des dispositions de nos lois civiles. Il est plus qu'imminent, il est actuel, il est général, chez les nations occiden- tales surtout, qui aspirent à un outillage complet et il est très grave ; il est lié à l'avenir du loyer de l'argent au sujet duquel on ne peut guère émettre que des probabilités. Nous avons exposé notre pensée avec la franchise que donne une conscience claire du danger ; elle résume ce que pensent ou disent les propriétaires de bois en général, les mandataires communaux non exceptés. La question est exchi- sive, assurément, de toute poésie, de toute sentimentalité; elle est matérielle au premier chef et il est peut-être bon de le dire sans ambages, elle est du domaine des choses abstraites de la finance. IV. — La diffusion des sciences sylvicoles, une connaissance plus détaillée — 346 — INTERNATIONAL 1913 de l'art de bien traiter les bois, corrigerait à n'en pas douter, bien des erreurs actuelles dans la gestion des propriétés forestières en général. Toutefois, ainsi que nous avons déjà eu l'honneur de l'exposer, elles ne peuvent guère aboutir qu'à améliorer la culture par un choix plus judicieux des essences ; il en résul- tera le plus souvent des substitutions aux essences feuillues des espèces rési- neuses qui, hors de leur station naturelle, ne sont guère aptes à assurer la per- manence de l'état boisé. V. — La soumission volontaire des bois particuliers au régime forestier, moyennant rémunération des services de gestion et de surveillance, sans aucune espèce de compensation, ne paraît devoir jamais recevoir que des appHcations fort restreintes; s'il peut en résulter des avantages pour la propriété elle-même, le détenteur hésitera souvent à déléguer la gestion de son bien à un service public dont les unités sont nécessairement de valeur fort diverse. VI. — L'atténuation de l'impôt foncier, des droits de succession, de muta- tion, fiscaux en général, est à désirer assurément, mais il ne pourra guère, dans les bois de haute futaie, alléger les charges de la propriété dans une mesure qui puisse quelque peu relever le taux de placement des fonds. VII. — Le principe en est admis partout, l'État, impérissable, chargé dans notre civilitation de la sauvegarde de l'intérêt général, doit rester et devenir propriétaire de bois. Il est mauvais industriel, il est médiocre commerçant, mais pour façonner ses valeurs, la forêt bien constituée n'a guère besoin du concours de l'homme qui doit surtout viser à ne pas excéder la possibilité dans les récoltes annuelles, que représentent les coupes ordinaires, de façon à con- server tout au moins l'homogénéité dans le temps et dans l'espace, de la richesse qui lui est confiée. Mais, les forêts les plus intéressantes sont les plus riches et les plus chères. Pour les domanialiser en les achetant, l'État doit débourser des sommes consi- dérables qu'il trouve dans l'emprunt conclu à chers deniers auprès du public. Pour lui, comme pour chacun, l'argent est coûteux et la forêt ne lui procure qu'un revenu restreint, inférieur au loyer des emprunts qu'il fait pour en solder le prix. Il faut donc que l'État admette que la différence entre le taux de l'em- prunt et le taux de placement en forêt, représente la part de l'intérêt général qu'il doit sauvegarder. Ce raisonnement s'appliciue également à l'acquisition que l'on se croirait en droit de recommander aux provinces et communes dont la situation financière laisse souvent, d'ailleurs, à désirer. Il peut s'étendre encore à des projets récem- ment présentés et tendants à autoriser les associations reconnues d'utilité publique, les sociétés de secours mutuels approuvées et les caisses d'épargnes à posséder des bois. Si le placement n'est pas avantageux, si l'opération n'est pas fructueuse, il ne faut guère attendre de ces organismes qu'ils achètent, des forêts cjui seraient mises du jour au lendemain dans la gestion d'un service public. Autre chose en est de leur permettre l'acquisition de terrains à boiser ; la croissance rapide des essences résineuses, le plus souvent employées dans les nouveaux bois, donne à cette spéculation un caractère avantageux pour une période donnée tout au moins. VIII. — Les restrictions dans la jouissance , la réglementation des délivrances, leur limitation, légalement, officiellement déterminée, sont des mesures extrêmes que la liberté de nos institutions répugnera toujours à faire admettre : le charbonnier est maître chez lui ! IX. — Nous en revenons au caractère abstrait du problème ; il ne peut avoir qu'une solution par nos temps de matérialisme et de mercantilisme. Qui veut la fin doit vouloir les moyens et pour que nos successeurs et nous-mêmes n'ayons pas à regretter amèrement les conséquences de l'épuisement de la pro- priété boisée particulière, la plus étendue dans beaucoup de pays, il importe — 347 — CONGRÈS FORESTIER au plus haut point que les gouvernements se décident à prendre des mesures effectives, adéquates. Les états ont garanti autrefois un minimum d'intérêt aux porteurs d'obliga- tions des compagnies de chemins de fer chargées de la construction et de l'exploi- tation des voies ferrées, industrie dont le caractère d'utilité publique est unani- mement reconnue (1). ^ Pourquoi les mêmes Etats, reconnaissant l'incapacité du particulier à posséder des bois de futaie, les plus utiles aux divers doints de vue climatérique, hydro- logique, économique et social, ne détermineraient-ils les forêts ou groupes de forêts dont la conservation est désirable, nécessaire, au point de vue général? Ne seraient envisagées que les forêts réunissant certaines conditions de sol, de situation, de configuration, ayant, à elles seules ou en groupe, une étendue minimum de 100 hectares, par exemple, et comportant, en arbres feuillus, un volume total équivalant à iO^' de bois d'œuvre au moins à l'hectare, par exemple. L'inventaire serait dressé, et la valeur marchande de l'immeuble fixée de commun accord parle service forestier et le propriétaire. L'État garantirait à celui-ci un minimum d'intérêt annuel à un taux à convenir, des valeurs ainsi déterminées, assurerait dès la conclusion du contrat, la surveillance et la gestion du bien, ferait les ventes d'arbres à son profit. Il aurait à couvrir chaque année par la création de nouvelles ressources — la matière des réclames qui profanent trop nos paysages serait peut-être bonne à taxer dans ce but — la différence entre le revenu brut de la forêt d'une part, la rente à servir au propriétaire, les dépenses diverses de gestion d'impôts, de travaux, etc., d'autre part. L'État ou une institution par lui déléguée se chargerait de faire les opéra- tions de prêts hypothécaires, et autres, et se rembourserait en déduction du compte d'intérêts. Aux prix unitaires de l'inventaire, augmenté en ce qui concerne la futaie d'un tantième à fixer et à limiter à la conclusion du contrat, et déduction faite de ses créances éventuelles, l'État pourrait à tout moment réaliser l'achat, le propriétaire ou ses ayant-droits, conclure la vente effective de l'immeuble à l'État, mais à l'État seul. Il s'agit, somme toute, d'une vente à terme dont nous n'avons fait qu'esquisser les conditions. Le projet a l'avantage de respecter la liberté des propriétaires qui sont maîtres de demander ou de négliger la garantie doma- niale, et il est permis de supposer que nombre d'entre eux chercheraient à meubler leurs bois, de brins, de jeune futaie, de façon à pouvoir se réserver, pour eux ou pour leurs héritiers et si le besoin s'en présente, le bénéfice du minimum d'intérêt. La domanialisation serait progressive ; elle aurait lieu plus ou moins vite selon les disponibilités de l'État et les préférences des propriétaires, mais, entre temps, la production normale et la conser^'ation de la forêt seraient garanties. Entreprise de cette façon, elle paraît devoir être moins onéreuse que l'expropriation et que l'achat au comptant de domaines au sujet desquels l'autorité est parfois la dernière à connaître les intentions des propriétaires. M. Delahaye. — Voici également le résumé d'une autre communica- tion faite par M. Georges Marlio : (1) La loi belge du 24 juin 1885 sur les chemins de fer vicinaux stipule dans son article 10 : Le Gouvernement est autorisé à garantir envers les tiers, aux conditions à déter- miner par lui, l'intérêt et l'amortissement des obligations émises par la société natio- nale en représentation des annuités dues par les communes, les provinces et l'État. Les engagements de l'État, comme garant d'obligations, ne peuvent dépasser les sommes fixées par la loi. — 348 — INTERNATIONAL 1913 Pour les forêts des particuliers, crise grave résultant : 1<> D'une législation du défrichement insuffisante ; 2° De la production de bois de qualité inférieure et comme conséquence de la mévente des produits ; 3° De l'exagération de l'impôt ; Remèdes à cette situation : 1° Nouvelle législation du défrichement. 20 Dégrèvement des forêts. 3° Production de bois d'ceuvre au lieu de bois de feu, commandée d'ailleurs par des nécessités économiques. L'égoïsme de l'individu se refusant à accepter de nouveaux modes de traite- ment qui allongeraient les révolutions à l'effet de produire du bois d'ceuvre, seules les personnes morales publiques et privées, ont toutes qualités pour devenir propriétaires de l'ensemble des forêts françaises. Pour remédier à la situation défavorable faite à la forêt française par le régime de la propriété individuelle, émet le vœu que les personnes morales publiques se substituent comme propriétaires à l'individu. M. LE Président. — La parole est à M. Blondeau. M. Blondeau. — Je n'ai rien inventé, je me suis inspiré de ce fait que, depuis 70 ou 80 ans que les chemins de fer existent, l'État garantit aux obligataires des Compagnies un intérêt minimum afin d'assurer le trafic des lignes reconnues d'intérêt public. La conservation des forêts n'est-elle pas aussi intéressante et ne pourrait-on pas aussi nous garantir un minimum de revenu? On ferait l'inventaire des propriétés forestières et le service forestier prendrait la gestion de ces biens ; on déterminerait le taux de revenu après entente entre les propriétaires et l'Etat. La convention passée entre eux serait aussi longue que la vie du propriétaire qui pourrait demander à l'Etat de réaliser la vente : ce serait donc une vente différée et à terme. Ainsi la conservation des forêts serait assurée et les propriétés forestières pourraient s'accroître. Je crois qu'il y a là une formule nouvelle. M. Vivier. — Je répondrai quelques mots à l'honorable orateur. Son idée est originale, mais j'y ferai quelques objections. La première, c'est qu'on ne peut assimiler les propriétaires de forêts aux obliga- taires des Compagnies de chemins de fer. Dans beaucoup de pays, les lignes ferrées sont gérées par des Compagnies qui sont des conces- sionnaires de l'Etat, qui sont liées à lui par des conventions. On ne peut les considérer comme des personnes privées, elles ont la charge d'un service public, sous certaines conditions, et ceci est tellement vrai, qu'à l'expiration des concessions, les lignes reviennent à l'Etat. L'Etat laissant certaines charges aux Compagnies, leur assure des avantages, et ainsi on ne déroge pas du tout au régime de la propriété privée. Au contraire, l'application de ce système à la propriété forestière constituerait un précédent qui pourrait être dangereux, car il y a beaucoup d'agriculteurs partisans de ce système et, à ce sujet, je vous raconterai une histoire qui s'est passée quand j'étais garde -général. — 349 — CONGRES FORESTIER Un de mes gardes communaux, petit propriétaire de vingt et quelques hectares, car leur métier ne leur permettait pas de vivre, causait avec un autre propriétaire et lui disait que le seul remède à la crise agricole — on était en 1885 — était l'assurance par l'État d'un minimum de revenu aux propriétaires agricoles. Si nous introduisons ce principe en ce qui concerne les forêts, vous .verriez donc une foule de petits propriétaires agricoles demander le bénéfice de cette disposition. Ce serait un précédent qui nous condui- rait à la nationalisation du sol, sous une forme ou sous une autre. Quelque séduisante que soit votre idée, je ne la crois pas réalisable. D'ailleurs, elle est en contradiction avec les vœux adoptés hier matin par cette section qui sont tous défavorables à l'intervention de l'État dans la gestion des bois particuliers. M. GiRERD. — Je m'excuse d'intervenir dans cette discussion, mais j'ai un devoir à remplir en vous soumettant les observations que le rapport de M. Vivier m'a suggérées, tant à sa lecture qu'à son audition. Du rapport de M. Vivier, il résulte nettement que les six millions d'hectares de forêts appartenant à des particuliers sont sans avenir... {Protestations). Je vous demande pardon, c'est ce qui se dégage de ce rapport. On ne pourra jamais y faire de futaies ni de réserves sérieuses, on n'aura jamais que des taillis médiocres qui continueront à ne pas se vendre. Il faut donc en prendre son parti, dit M. Vivier, ces bois particuliers sont sans avenir... {Nouvelles protestations)- Eh bien ! admettez que ce soit simplement un raisonnement et vous allez voir les conclusions qu'il faut en déduire. La conclusion — et M. Vivier la dégage très bien — c'est que la conservation des forêts en France ne peut être assurée que si elles forment en quelque sorte l'apanage des propriétaires impérissables, État, départements, communes, établissements publics, etc.. Mais s'il en est ainsi, que restera-t-il aux propriétaires privés. Les propriétaires privés sont reconnus impuissants à faire -des réserves, leur intérêt, dit-on, s'y oppose, ils ne peuvent donner à leurs bois une valeur réelle, ils les laissent à l'état de taillis plus ou moins productifs, par conséquent, on n'aura jamais de gros bois, ni de bois d'œuvre, et, comme les taillis sont condamnés à n'avoir aucune valeur tant qu'on n'aura pas trouvé le moyen de tirer un parti, mécaniquement ou chimiquement, de leurs bois, les forêts particulières sont condamnées à disparaître un jour ou l'autre. Je suis au désespoir de trouver l'éminent ancien directeur de l'École de Nancy parmi les partisans de cette théorie et de l'entendre dire que l'État doit acheter les propriétés boisées de France. L'Etat a 900.000 hectares, ce n'est pas assez, dites-vous, il lui en faut davantage, il faut qu'il achète toutes les propriétés forestières qui deviendront disponibles {Protestations). M. LE Président. — Pas toutes. — 350 — INTERNATIONAL 1913 M. GiRERD. — Où VOUS arrêterez-vous dans cette voie, et pourquoi voulez-vous que ce soit l'Etat qui achète ainsi? Parce que, dites-vous, . ses ressources sont innombrables, inépuisables mêmes. Non, elles ne sont pas inépuisables et ce sont les contribuables qui les consti- tuent. Vous allez donc demander des centimes additionnels nouveaux ou un impôt direct ou indirect pour pouvoir acheter des forêts. Ce n'est pas possible. Les ressources de l'État sont faites pour subvenir aux intérêts publics. Envisagerez-vous l'acquisition des forêts comme un service public? A cet égard, je vous prie de distinguer deux choses : les forêts en plaines et les forêts en montagnes. Si vous considérez les forêts en montagnes — et j'y ajoute même les terrains en montagnes — nous sommes d'accord, c'est bien un service public, un intérêt public de premier ordre que d'assurer .la conservation de terres qui, en cas d'inondations, produisent des désastres épouvantables. Si vous voulez, à cet égard, inviter les Pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires à l'acquisition de ces terrains en montagnes, je serai avec vous. Mais pour les terrains en plaine, l'intérêt n'est plus le même et, par conséquent, il faut laisser le champ libre à la propriété privée ; rien ne justifie, en ce qui concerne les forêts de plaine, l'emploi des deniers des contribuables. C'est tout ce que je voulais dire, considérant qu'i] était de mon devoir de vieillard d'attirer sur ce point votre attention {Applaudisse- ments). M. LE Président. — Les paroles prononcées par M. Girerd, ancien directeur général des Eaux et Forêts, revêtent par sa bouche une grande importance, mais je crois qu'il a vu les choses un peu en noir. M. Vivier s'expliquera ; mais je suis sûr qu'il n'a pas voulu condamner les forêts privées qui joueront toujours un grand rôle. 11 a simplement indiqué la supériorité, à certains points de vue, des forêts possédées par des propriétaires impérissables. Quand à ce crédit de un million qu'il demande pour permettre l'acquisition de forêts le plus souvent ruinées, il existe dans tous les autres pays; la France seule, jusqu'ici ne peut pas acheter de forêts et laisse échapper de belles occasions, laissant en friches des forêts qui ne trouvent pas d'acquéreurs. Il ne s'agit donc nullement de faire concurrence aux particuliers. L'Etat n'achèterait que quand les particuliers ne le feraient pas. Remarquez d'ailleurs que M. Vivier n'a parlé de l'Etat qu'incidem- ment et que son vo'u vise surtout l'achat des forêts par les collec- tivités. M. Girerd. — Pour lesquelles il n'y a pas d'objection à faire. M. LE Président. — La question de l'État est tout à fait accessoire dans son rapport. — 351 — CONGRES FORESTIER M. GiRERD. — Les communes n'achèteront pas beaucoup, car les con- seillers municipaux, qui doivent faire face aux besoins publics, seraient honnis par leurs concitoyens s'ils employaient les ressources commu- nales à l'acquisition de forêts. Les départements eux-mêmes n'achèteront guère, tandis que les éta- blissements publics, caisses d'épargne et autres le pourront à émerveille . Je ne combats que les acquisitions faites par l'Etat, car j'estime que les ressources des contribuables ne doivent pas recevoir une pareille destination. Vous dites qu'il ne s'agit que d'un million. C'est peu pour le budget de l'État français, mais ce qui m'eiïraie, c'est le principe. S'il ne s'agissait que d'inscrire cette somme au budget afin de permettre à un Ministre' à un moment donné, d'acheter une forêt ruinée qui pourra se reconstituer, je ne m'y opposerais pas, mais j'ai peur que vous ne soyiez entraînés plus loin. D'ailleurs, voici ce qui se passe. On constate que telle forêt est menacée, qu'elle est malade. Vite un docteur se présente : il faut que l'État l'achète pour la sauver. L'acquisition est faite, puis on découvre que le docteur s'est trompé de diagnostic, que la forêt n'était nulle- ment malade, mais elle reste achetée. C'est bien ainsi que la question s'est posée il y a quelques années à propos de la forêt de Marchenoir : forêt ruinée, perdue, disait-on, c'était un véritable désastre. Heureusement, l'État n'a pas voulu acheter cette forêt parce qu'il n'avait pas votre crédit d'un million et, à la réflexion, à l'étude, on a découvert que ce qui s'était passé là était absolument normal, que la forêt n'était pas malade ni menacée de maladie. Elle passait simplement entre les mains d'un ancien agent forestier très compétent qui ne l'achetait pas pour la ruiner mais pour la cultiver, pour en faire un placement, pour l'exploiter normalement, car l'exploitation d'une forêt est une culture, et pour faire œuvre utile très avantageuse pour son propriétaire. Cet exemple pourra se reproduire. Il se trouvera toujours des forêts qu'on croira menacées et qu'on voudra acheter, après quoi, on s'aper- cevra que les craintes étaient chimériques. Pourquoi donc ne pas lais.ser faire les particuliers qui exploiteront tout aussi normalement et pour- ront peut-être fournir à l'Etat et aux Compagnies de chemins de fer ces traverses dont le besoin est de plus en plus grand, et qu'on fait venir de l'étranger en les payant très cher. Si l'exploitation de certaines forêts devait nous permettre de trouver chez nous ces traverses, ce ne serait plus un désastre, mais une utilisation très bonne, et c'est pourquoi jo considère comme dangereux l'ouverture d'un crédit de un million au budget de l'État. I\L Vivier. — Nous sommes d'accord sur les acquisitions faites par les collectivités publiques, mais M. Girerd se sépare de moi en ce qui concerne les acquisitions à faire par l'État. M. Girerd a exagéré ce que j'ai dit à ce sujet, car j'ai limité ce rôle. — 352 — INTERNATIONAL 1913 11 n'admet pas le rôle de l'État, comme service public, dans les forêts de plaine. Si j'exagérais, comme il l'a fait pour moi, ce qu'il a dit, je prétendrais qu'il veut l'aliénation des forêts de plaine par l'État. Cependant l'État a son rôle à jouer, même dans les forêts de plaine, pour les gros bois et, étant donnée la limitation que j'ai eu soin d'intro- duire, je n'exagère rien en proposant l'inscription d'un crédit d'un million pour l'acquisition des forêts. C'est peu sur un budget de quatre milliards et nous ne ferons que suivre l'exemple des pays étran- gers (.4 pplaudissements) . M. Tanassesco. — La Roumanie est plus avancée que la France à cet égard en ce qui concerne l'acquisition des forêts par l'État et les éta- blissements publics. Depuis 1908 fonctionne la Caisse rurale roumaine au capital de 10.000.000 souscrit par les particuliers à l'aide d'actions de 500 francs qui, actuellement, en valent 1.600, tellement la caisse est bien orga- nisée. Cette Caisse rurale, qui est pour ainsi dire garantie par l'État, a pour but d'acheter des propriétés particulières. Elle les divise en propriétés forestières et en propriétés rurales agricoles ; la partie agricole est vendue aux paysans par lots de 5 hectares et même plus, et la propriété forestière est rendue à l'État après estimation faite par les agents forestiers et acceptée par la caisse rurale. En cinq ans, l'État roumain a acheté pour près de 5.000.000 francs de forêts. En 1910, une nouvelle caisse a été fondée ou plutôt, c'est l'ancienne direction des forêts qui s'est transformée en administration spéciale appelée « Caisse des Forêts », toujours dans le but d'acheter des forêts aux particuliers qui n'en voulaient plus, pour une raison ou pour une autre. Quand l'État en trouve une à vendre près de son domaine ou dans des conditions avantageuses, il l'incorpore et ainsi les difti- cultés d'exploitation sont beaucoup amoindries. Cette Caisse des Forêts est alimentée par un fond d'État de 7 mil- lions et par un prélèvement de 10 °o sur le revenu des forêts de l'Etat, ainsi que par le revenu de la vente des petites propriétés de l'Etat, c'est-à-dire des biens qui se vendent par ci par là. Vous voyez, Messieurs, que la Roumanie est allée beaucoup plus loin que la France dans cette voie, et que la crainte exprimée par M. Girerd n'est pas de nature à inquiéter personne. Donc je suis d'avis d'admettre le vœu tel qu'il est proposé par notre excellent président [Applaudissements) ■ M. LE Président. — Nous remercions notre collègue roumain de ses renseignements si précis qui nous prouvent qu'en adoptant le vœu de M. \'ivier, nous n'innovons pas, que nous marchons, au contraire. dans des sentiers battus. — 353 — 12 CONGRES FORESTIER M. Descombes. — Je remercie d'abord le rapporteur de son commentaire de la Loi Audiffred que V Association pour V aménagement des mon- tagnes réclamait depuis 1905. La loi portait d'abord les quatre centièmes, mais la Chambre a voté le dixième de l'avoir. Nous pourrions peut-être demander que la Loi de 1910 soit modifiée en ce sens, ce serait d'accord avec le vote de la Chambre. Cependant, je me rallie aux propositions de M. Vivier. M. le Président. — Nous passons au vote. M. Girerd maintient-il sa demande relative au vœu n'' 3? M. Girerd. — J'en demande la suppression. M. LE Président. — Je vais donc laisser de côté, pour le moment, le vœu n° 3 et je mets aux voix les sept autres vœux, étant entendu que le texte du vœu n° 1 est modifié ainsi que M. Vivier l'a indiqué et qu'au vœu n° 5 nous ajoutons, à la suite des différentes associations énu- mérées : « Et les sociétés constituées en vue du reboisement ou de Vacqui- sition des forêts ». L'ensemble des sept vœux est adopté. M. LE Président. — Je mets aux voix séparément le vœu n° 3, dont M. Girerd demande la suppression. Le vœu n" 3 est adopté. La séance est levée à 11 h. 35. 35^ INTERNATIONAL 1913 SEANCE DU 18 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 40. M. LE Président. — La parole est à M. le comte de Nicolay pour la lecture de son rapport sur I'Utilité pour les syndicats de pro- priétaires DE CRÉER UN OFFICE FORESTIER INTERNATIONAL. M. le Comte de Nicolay. — La forêt semble être restée en marge des progrès que la science a fait réaliser à l'agriculture depuis un demi-siècle. Il a paru suffisant pour protéger la forêt d'entraver les défrichements encore si intenses sur certaines parties du globe et cependant l'on s'aperçoit déjà que des mesures nouvelles sont devenues nécessaires. L'industrie réclame toujours avec plus d'avidité du bois à ouvrer et la quantité en diminue sans cesse, du moins dans nos forêts françaises. Les difficultés de transport ont souvent contrarié les échanges com- merciaux avec les pays grands producteurs, d'où il est résulté dans cer- tains de ces pays un véritable gaspillage de leurs richesses en bois. Les transformations des conditions de l'existence moderne ont avili de façon inquiétante les produits de nos taillis indigènes. Il en découle une sorte de déséquilibre très nuisible à l'avenir des forêts et qui pourrait avoir un jour son contre-coup sur l'économie de beaucoup de pays européens. Tous les problèmes soulevés par ces considérations donnent matière à des études profondes qu'il serait du plus haut intérêt d'entreprendre. Mais la tâche est colossale. La longue périodicité des récoltes fournies par les essences ligneuses rend l'expérimentation difficile et exige dans l'effort une continuité qui dépasse plusieurs générations humaines. Les expériences pour être efficaces doivent donc être assurées de toutes les garanties de longue durée. A cette condition seule, pourront être suffi- samment définies les lois qui régissent le développement et l'accrois- sement des essences, l'influence des méthodes culturales, la répercussion des forêts sur les phénomènes météorologiques de l'atmosphère. Ces données solidement établies guideront les propriétaires périssables et impérissables dans les traitements à appliquer à leurs forêts, elles dicteront aux Etats, aux législateurs et aux Administrations les mesures propres à assurer la pérennité de la forêt tout en respectant les droits de la propriété. De pareils travaux effectués le plus souvent par l'initiative privée ne — 355 — CONGRES FORESTIER donneront la plénitude des résultats qu'on en peut attendre que s'ils sont dirigés, poursuivis, stimulés par un être impérissable, je yeux dire par l'État. C'est ce qui fut compris et organisé par les différents États au point de vue agricole lors de la création de l'Institut international de Rome. Il fut bien prévu que les questions forestières ne seraient pas exclues du cycle de ses travaux, mais jamais il n'a été donné de suite à cette faculté et le problème est, à la vérité, si vaste et si complexe que l'on ne voit ni la nécessité; ni même l'avantage de le fondre dans le domaine des questions agricoles. L'utilité de cette organisation internationale n'en apparaît pas moins réelle. Son programme à première vue est considérable. Il consistera tout d'abord à établir des statistiques, bases indispensables de tout travail sérieux : statistiques sur la surface boisée en plaine et en montagne des différents pays, sur l'étendue et la composition des massifs, sur leurs rendements, sur la répartition des essences. Puis viennent les conditions d'exploitation de ces massifs avec le relevé des voies de communication, des centres d'utilisation des produits façon- nés, des facilités de transport, des exigences de la main-d'œuvre. Les statistiques devront alors révéler les fluctuations que subit la forêt, son enrichissement ou son appauvrissement, ses disponibilités, son ren- dement... Il s'ensuivra des considérations sur le développement, l'accli- matement, la croissance des essences, sur leurs exigences et les maux dont elles souffrent. Il faudra étudier les fléaux qui menacent les forêts, fléaux qui ont le plus souvent un caractère international et qu'il faut combattre par des mesures internationales. Telles sont les maladies dues aux insectes ou aux cryptogames comme ce blanc de chêne qui fait des ravages irréparables. Les incendies peuvent trouver dans un réseau d'assurances un pallia- tif aux destructions qu'ils occasionnent. L'impôt si pesant pour la pro- priété boisée trouverait un certain allégement dans une manière de péré- quation internationale. La législation forestière toute entière aurait des effets autrement plus efficaces si des accords s'établissaient entre les différents Etats producteurs et consommateurs. Les stations d'expérience doivent faire l'objet d'une préoccupation spéciale. L'expérimentation en matière forestière est très dilficile, nous l'avons déjà dit. L'expérience commencée par un observateur sera rarement terminée par lui. L'étude synchronique de peuplements d'âges différents s'impose donc. Un travail lent et patient peut préparer l'avenir, mais les expériences actuelles utiliseront le plus souvent les matériaux préparés, souvent au hasard, par les générations précédentes. Il s'agit donc moins de mener en un point donné une expérience de longue haleine, que de profiter, à notre époque, de tous les champs d'expérience existants, naturels ou artificiels, de transformer en champs d'expérience toutes les forêts où des constatations pourront être faites. Au lieu du cadre étroit d'une administration, c'est au contraire l'imprévu de l'initiative individuelle qui suscitera les remarques les plus utiles. Pour saisir ces observations, pour en contrôler l'importance et les utiliser, un organisme central s'impose, institution internationale ayant des ramifications, des offices de renseignements, des correspondants dans tous les centres forestiers. — 356 — INTERNATIONAL 1913 Au siège, des laboratoires poursuivront les recherches ; dans les forêts, l'agent comme le simple particulier, consigneront le résultat de leurs observations. Enfin un service spécial créera une bibliographie forestière; de nom- breuses publications fournissent une documentation intéressante que le public ignore, à laquelle il est incapable de s'adresser lorsqu'il en a besoin. Il faudra les classer et en rendre la recherche facile. Déjà se sont constituées des Sociétés pour le reboisement des landes ou des montagnes ; un exemple des plus caractéristique existe en Danemark, il sera précieux de faire connaître les procédés employés, les errements dans lesquels on est tombé, les résultats obtenus. Tous ces faits guideront les instigateurs de nouvelles entreprises. Aux services d'ordre scientifique nous ajouterons des services commer- ciaux. Seul un organisme du genre que nous indiquons pourra établir une mercuriale des bois sur pied, abattus, équarris, signaler les besoins ou les offres de telle ou telle région, faire entrevoir un débouché nouveau... autant de renseignements qu'utiliseront les intérêts particuliers. Les questions douanières, les tarifs de transport, de fret gagneront à être étudiés par des commissions internationales, non pas de ces commis- sions intermittentes se réunissant tous les 3 ou 4 ans, mais par un orga- nisme permanent susceptible de poursuivre la réalisation des solutions adoptées. Enfin il y a de vieux usages qui paralysent les échanges dont il faudrait atténuer l'effet, des pratiques nouvelles à instaurer, comme l'unification des mesures de cubage... Il y a des utilisations industrielles à faire connaître, des inventeurs, des chimistes à encourager. La tâche est immense, et l'on conçoit que seul l'Etat, avec les ressources dont il dispose, avec les sources d'information qu'il peut utiliser, soit sus- ceptible de mener à bien cette entreprise. Les rapports des agents forestiers sont déjà par eux-mêmes une docu- mentation de la plus haute importance. Ces renseignements pourraient être complétés par les Associations sylvicoles et notamment par ces Syn- dicats de marchands de bois, de propriétaires forestiers qui vivent de la vie forestière journalière. La simple inspection du programme que nous avons tenté d'élaborer indique quel appui trouveraient dans cet Office les Syndicats de proprié- taires et notamment ce Comité des Forêts, de création récente, qui cherche à diriger les efforts épars et à centraliser les renseignements acquis. Son champ d'action s'élargirait aussitôt, et de l'appui tutélaire d'un organisme ainsi constitué il tirerait une sûreté de jugement profitable à tous les intérêts forestiers. Le Touring-Club ne saurait manquer de préconiser une pareille institu- tion. Il se verra appuyé dans sa demande par toutes les associations fores- tières. C'est à la France qu'il appartient de prendre une telle initiative. Sa situation géographique lui crée une sorte de devoir spécial de provo- quer la création d'un Office forestier international. Faisant un premier effort pour le doter et lui assurer un local digne du but qu'il se propose, elle invitera les nations forestières d'Europe et d'Amérique à contribuer à son fonctionnement. L'autonomie dont jouirait cet Office rendrait plus naturelle la collaboration des États intéressés et plus effectif leur contrôle. Ils ne manqueraient pas d'y voir un auxiliaire puissant du développement — 357 '— CONGRES FORESTIER de la richesse forestière. Aussi croyons-nous devoir résumer ces considé- rations dans le vœu suivant :] Le Congrès émet le vœu :| Que le Gouvernement de la République Française prenne Vinitiative de la création à Paris dhin Office forestier international autonome, dont l'emplacement serait fourni par la France et dont le budget serait alimenté par les contributions de tous les Etats intéressés. Le rapport qui m'a été confié a pour titre : « Utilité pour les syndi- cats de propriétaires de créer un Office forestier international (stations de recherches, d'expériences et de renseignements). C'est à dessein que je répète ce titre pour bien expliquer le terrain sur lequel je me suis placé. Il s'agit de savoir dans quelle mesure un Office forestier international peut être utile aux syndicats de proprié- taires forestiers. Nous n'avons pas cherché à préciser une organisation future, nous avons cherché seulement à lancer une idée, laissant à d'autres le soin de préciser de quelle façon elle était réahsable. La forêt actuellement souffre ; c'est ce qui résulte de tous les exposés qui ont été faits ici. Partout, il se crée des groupements ayant pour objet de lutter contre l'état actuel. Parmi ces groupements, je me permets de penser que les groupements de propriétaires sont actuelle- ment de ceux qui sont les plus intéressants, puisque la plus grande partie du sol boisé en France est entre les mains de propriétaires périssables. Or, les propriétaires, quoi qu'on dise, sont souvent des hommes de bonne volonté et éminemment désireux de défendre, en même temps que leurs intérêts particuliers, l'intérêt général, mais il faut reconnaître que, dans bien des cas, ils ont beaucoup de peine à concilier ces deux intérêts. Nous avons exposé déjà longuement dans quelle mesure l'Etat peut intervenir, soit sous la forme de réduction d'impôts, soit squs la forme d'autres aides pour faciliter la tâche des propriétaires. J'ai voulu envisager cette fois comment, au point de vue technique, l'État peut aider les propriétaires. L'État a des ressources d'argent et d'hommes considérables; par ces ressources, il peut accumuler des renseignements de tous ordres; ces renseignements sont d'un intérêt capital, mais jusqu'ici le seul qui en profite, c'est l'État lui-même. Or, il me semble qu'il y aurait un intérêt d'ordre général à ce que les particuliers puissent profiter dans une certaine mesure de tous les efforts considérables faits de toute part par les agents de l'État. D'où la nécessité de créer un organisme spécial. Comment créer cet organisme? C'est ici, évidemment, que toutes les initiatives peuvent se donner libre cours. Nous avons cependant un exemple de ce qui s'est fait, au point de vue agricole, avecl'Institut international de Rome, dont les publications, trop rarement lues, — 358 — INTERNATIONAL 1913 sont des documents de la plus haute importance au point de vue de toute la culture, d'une façon générale. Ne pourrait-on pas faire, au point de vue forestier, quelque chose d'identique? L'Institut de Rome a bien prévu en effet dans ses statuts qu'il pourrait avoir une section sylvicole, mais les études que com- porte cette branche de l'agriculture sont si complexes et si vastes qu'elles semblent bien pouvoir donner matière à une organisation spéciale, {Très bien ! Très bien !) d'autant plus qu'il existe ici un facteur nouveau, et ce facteur, c'est l'expérimentation. Or, pour pouvoir mener à bien les expériences très longues que comporte la culture forestière, il y a, il me semble, une question de toute première importance : c'est de se trouver dans une région où ces expériences puissent être poursuivies. Je ne veux pas, dans un Congrès interna- tional, vanter exclusivement les avantages que présente à ce point de vue notre propre pays, mais je crois que par la variété de la produc- tion forestière qu'on y rencontre, par les essences extrêmement variées qui poussent du nord au sud, la France est tout indiquée pour prendre en l'espèce une initiative à laquelle, je crois, beaucoup d'Etats applau- diront. Cette initiative comporte une collaboration, et alors, je vois un Institut autonome dirigé par les intéressés, c'est-à-dire d'une part par l'Administration des Eaux et Forêts, d'autre part par les groupe- ments de producteurs et d'intermédiaires, je veux dire les proprié- taires et les marchands de bois ; puis je vois également dans cet Ins- titut la collaboration des représentants des mêmes groupements dans les pays étrangers. Vous voyez dès lors quel peut être le programme. Ce programme comporte tout d'abord de la statistique. Toute espèce de travail commence par la statistique. Il s'agit de savoir quelle est la production boisée, il s'agit ensuite de savoir quelles sont les exigences des diffé- rentes sortes de consommation. H y a ensuite à faire connaître les travaux qui ont été faits sur ces questions. Il existe partout, dans de très nombreuses revues, des articles excessivement intéressants et extrêmement circonstanciés, mais qui, étant donné qu'ils sont très spéciaux, sont, j'oserai presque dire, perdus dans la masse des publi- cations où ils paraissent. Eh bien ! il y aurait un intérêt colossal à ce que tous ces articles fassent l'objet d'une bibliographie. Vous savez le mal que nous autres propriétaires, qui ne sommes pas très initiés à ces questions, avons, lorsque nous voulons étudier une question spéciale intéressant un point déterminé; nous ne savons pas où le trouver, et cependant il existe toujours, car depuis que les forestiers travaillent, il y a un monde de renseignements qui ont été fournis. Ces renseignements, on ne les connaît pas. Même celui qui les suit peut les découvrir le jour où ils paraissent, mais quelque temps après ne peut déjà plus les retrouver. Je crois donc qu'une bibliographie qui consisterait simplement à permettre aux chercheurs de savoir qu'il y a 10 ou 15 ans, un homme — 359 — CONGRES FORESTIER compétent, un homme du métier a fait un article sur telle question, serait à elle seule susceptible de fournir des renseignements de la plus haute importance. En dehors de cette question de simple bibliographie se place la question de l'expérimentation. On a dit tous ces jours-ci, et à juste titre, que l'idéal pour la propriété, ce serait d'être entre les mains de propriétaires impérissables. C'est important au point de vue de la conservation des forêts, mais c'est peut-être tout aussi important au point de vue de la direction donnée aux expériences, parce qu'il est évident que l'expérimentation forestière dépasse de beaucoup la génération humaine, et qu'on peut toujours craindre qu'un change- ment de propriétaire n'annihile des efforts qui ont été longuement mûris. D'autre part, si nous voulons avoir une expérimentation qui nous rende service à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas commencer aujourd'hui des expériences à prolonger indéfiniment ; nous sommes donc amenés à souhaiter qu'en matière de forêts on remplace cette expérimentation suivie par une expérimentation, je dirai, synchro- nique, à savoir que l'on profite à l'heure actuelle des éléments qui nous ont été fournis par les années précédentes et qui sont susceptibles de donner des renseignements. Mais, pour ce faire, il faut des hommes beaucoup plus compétents que ne le sont des propriétaires, et je crois que l'expérimentation peut être conduite d'une façon tout aussi intéressante en s'adressant aux bois particuliers qu'en s'adressant aux bois de l'Etat, je dirai presque, plus intéressante, parce que si les bois de l'Etat ont toujours été bien administrés, il n'en est pas de même des bois particuliers, et dès lors, en comparant une bonne administration et les résultats fournis par une mauvaise, on peut en tirer une règle. J'ai entendu dire à beaucoup de forestiers de l'Etat qu'ils ignoraient complètement les forêts particulières ; or, je crois que l'Etat a un double rôle : son rôle personnel de propriétaire, mais surtout ce rôle essentiel qui est un rôle tutélaire, à savoir d'aider, de diriger, de guider. Eh bien, pour pouvoir guider d'une façon utile, il faut avoir tout en mains ; il faut pouvoir suivre des expériences partout où il y a matière à étude ; ceci peut faire l'objet de cet organisme central auquel je faisais allusion qui, faisant appel à tous les concours, groupant toutes les bonnes volontés, cherchant des sujets d'étude partout où il y en a, ayant sa vie propre, car je le considère comme autonome, mais ayant aussi les avantages d'un budget élastique, grâce aux contribu- tions des difîérents États, ayant également à sa disposition les res- sources d'hommes que peuvent seules donner des administrations compétentes, est susceptible de donner aux propriétaires, et notam- ment à ces propriétaires qui maintenant éprouvent le besoin de se grouper, et qui, par conséquent sont plus susceptibles de profiter des leçons que vous leur donnerez, une impulsion nouvelle qui pourra peut-être concilier dans une large mesure les dégâts que l'on reconnaît — 360 — INTERNATIONAL 1913 partout dans le domaine boisé, particulièrement en France {Applau- dissements). Je me permettrai, Messieurs, de vous lire le vœu qui termine mon rapport ; Le Congrès émet le vœu : « Que le gouvernement de la République française prenne V initia- tive de la création à Paris d^un office forestier international autonome dont remplacement serait fourni par la France, et dont le budget serait alimenté par les contributions de tous les Étais intéressés. » M. LE Président. — Je remercie M. de Nicolay de l'intéressante commu- nication qu'il vient de nous faire et dont le mérite est de traiter un sujet tout à fait nouveau. C'est une question à l'ordre du jour et qui, pour nous, a le plus vif intérêt. M. Pardé. — Je crois que l'organe que demande M. de Nicolay existe déjà en partie au point de vue international. Il y a en effet une Asso- ciation internationale des stations de recherches qui tient des congrès et qui a l'intention — car elle a pris cette décision à son dernier congrès — de publier un bulletin, afin de faire connaître toutes les données de l'expérimentation et de donner tous les renseignements bibliogra- phiques. Cela a été décidé au Congrès de Bruxelles. Peut-être y aurait-il à améliorer cet organisme, mais enfin, il existe et il existe au point de vue international. .\I. Clif. — Je dirai même que la France n'a adhéré que tout récemment, bien qu'elle ait été l'instigatrice de cette Association internationale ; pour des raisons que j'ignore, la France n'a jamais été représentée dans ces congrès internationaux. A Bruxelles, il y a eu un représen- tant officiel, mais l'Administration n'a envoyé aucun de ses délégués .M. le Président. — Cette association a-t-elle un organisme permanent? Où est son siège? M Pardé. — 11 varie à chaque Congrès; le président est choisi dans la Puissance où doit avoir lieu le Congrès suivant. -M. Giyot. — Je ne crois pas que l'organisme dont parle nos collègues puisse remplacer celui que désire créer M. Nicolay. Je connais parfaite- tement l'Union des stations de recherches, nous en avons parlé bien souvent à l'Ecole forestière, il a même été question plusieurs fois que le Congrès se tienne à Nancy, mais ce n'est pas un établissement permanent, il voyage de côté et d'autre; il n'a donc pas la stabilité qui est absolument nécessaire à l'établissement que nous voulons créer. Nous voulons que tous les propriétaires, les propriétaires fran- çais comme les autres, puissent savoir où s'adresser, puissent avoir un organe permanent où ils trouveront ce qu'il leur faut connaître. — 361 — CONGRES FORESTIER Où iront -ils chercher cet organe voyageur qui tantôt est en Belgique, tantôt en Bavière ou ailleurs? Je ne pense pas, quel que soit l'intérêt que présente cette union, qu'elle pui'sse faire double emploi avec l'organe permanent que nous voudrions créer, car, je l'avoue sincère- ment, je suis absolument d'avis que cet'te création s'impose et s'impose pour un pays comme la France. Nous avons laissé échapper, et je le regrette profondément pour mon pays, la création de l'Office international d'agriculture qui a été créé en Italie parce que nous n'en avons pas voulu. Il importe donc de revendiquer ici au moins une partie de cet héritage qui devait nous appartenir. Je dis qu'il devait nous appartenir, parce que l'Italie certainement a un très grand intérêt au point de vue de l'agriculture ; l'agriculture y est extrêmement variée, mais la sylviculture n'y est certainement pas aussi développée qu'en France. Notre pays, par la variété de son climat, par la variété de ses essences, est placé précisé- ment à l'endroit nécessaire pour centraliser tous les efforts, toutes les cultures, tous les travaux. Voilà pourquoi il me semble que ce serait en France plutôt qu'ailleurs que cet organe international devrait être créé. Quant aux différents éléments que l'Office international devrait comprendre, je me rallie parfaitement à l'énumération qu'en a faite M. de Nicolay, notamment en ce qui concerne les renseignements du commerce mondial. Ce sont des renseignements qu'il faut savoir trouver, que les propriétaires particuliers ont besoin de connaître et de chercher à un endroit déterminé. De plus, la bibliographie est une chose capitale, elle ne peut pas non plus se promener d'endroit en endroit ; il faut qu'elle soit située dans un local où chacun pourra venir la consulter. Je me souviens que lors de l'Exposition de 1889, j'étais jeune agent à Nancy, et l'on m'a chargé de préparer, avec d'autres, une biblio- graphie forestière. Nous avons envoyé des circulaires partout, dans tout l'Univers, il nous est arrivé un grand nombre de fiches, j'en ai préparé des volumes énormes, puis, cela a été trouvé tellement considérable qu'on nous a dit ensuite qu'on n'avait pas d'argent pour l'imprimer. Ce qu'il faut, c'est une continuité d'efforts, il ne faut pas que ce soit un agent passager qui soit chargé de réunir les documents nécessaires ; il faut que ce soit un Office permanent, qui ne meure pas et qui continue à accumuler documents et idées. Je crois — et M. Pardé voudra bien me permettre d'insister là-dessus — que tout en adhérant dans la mesure du possible à l'Union des stations de recherches forestières, nous devons créer l'institution préconisée par M. Nicolay, qui ne fera pas double emploi, et j'engage vivement le Congrès à prendre une résolution dans ce sens (Applau- dissements). M. Pardé. — Je vois très bien les avantages que nous autres. Français, _ 362 _ INTERNATIONAL 1913 avons à la création à Paris d'un Office de renseignements forestiers, mais nous sommes dans un Congrès international, il faut un organisme international. Peut-être y a-t-il des améliorations à apporter à ce qui existe déjà, mais pourquoi ne pas en profiter? M. LE Président. — Je crois que nous pouvons très bien nous entendre. Il y a différentes manières d'en profiter. Ce qui m'a frappé précisément dans ce que vient de dire M. Nicolay, et après lui M. Guyot, c'est que l'organisme dont vous parlez, cette association très intéressante que nous vous remercions de nous avoir fait connaître d'une façon plus précise, est essentiellement une Association de stations de recherches. Or, l'Institut international dont parle M. Nicolay comprend deux éléments aussi importants l'un que l'autre : l'expérimentation, sans doute destinée à indiquer aux propriétaires la meilleure manière de production, mais aussi la question commerciale, la question des débouchés, qui est d'une importance énorme. Or, les stations de recherches, d'une manière générale, s'occupent plutôt d'expérimen- tation, de science forestière que de commerce. Par conséquent, l'Office international a une portée plus vaste que l'Association dont vous parlez. En second lieu, cette Association, par le seul fait qu'elle se déplace, qu'elle constitue un bureau valable pour une période donnée, manque évidemment un peu du caractère de permanence qu'on peut souhaiter pour un établissement de ce genre et qu'on a créé en matière agricole par l'Institut international de Rome. Je crois que l'association des deux^ peut très bien se faire ; il ne me parait pas douteux que le jour où l'on créerait cet Office forestier international autonome, un de ses premiers soins serait de se mettre en relations avec cette Association qui serait susceptible de lui apporter une contribution très importante, mais simplement une contribution, et qui alors, pourrait continuer à opérer dans la liberté de ses mouve- ments, de ses statuts particuliers, avec cette mobilité relative — je dis relative pour indiquer qu'il y a un lien — pendant que l'Office forestier international, tout en profitant de l'expérience acquise par cette Association, de tous ses travaux passés et présents, s'occuperait également de toute la partie commerciale, et posséderait une perma- nence absolue, un siège fixe, un personnel stable où tous les intéressés pourraient avoir les renseignements dont ils auraient besoin. Je crois donc qu'il n'y a pas contradiction entre les deux choses, et qu'au contraire l'Association dont vous parlez serait le premier appui sur lequel l'Office forestier international aurait à compter. Voilà les deux avantages que j'y vois : compléter d'une part et fixer de l'autre {A pplaudissem ents) . M. Pardé. — J'applaudis de tout cœur à la création en France d'un Office de renseignements forestiers, seulement je crains, que par leur multiplication, ces organismes ne se nuisent. — 363 — CONGRES FORESTIER Si je suis bien renseigné, je crois que, précisément, la création de l'Institut agricole a nui beaucoup au Congrès d'agriculture ; beaucoup de nations européennes n'ont pas pris part au Congrès de Gand. Je ne sais pas si c'est exact, mais on m'a dit que c'était à la suite de la créa- tion de l'Institut. Quant à la création en France d'un Institut forestier, je n'y vois que des avantages. M. Margaine. — Je voudrais appuyer le vœu de M. de Xicolay, à propos de l'Institut international de Rome. Cet institut a un grand inconvénient pour les particuliers; c'est qu'il est une institution d'État; ce qui fait que les particuliers ne peuvent correspondre avec lui que par l'intermédiaire de leurs gouvernements. M. LE Président. — Je crois que son insuffisance au point de vue forestier est reconnue par tout le monde. Cette institution a un mérite, mais je crois qu'au point de vue forestier elle est insuffisante. M. Margaine. — L'Office que nous voulons créer, sera directement en contact avec nous, propriétaires. M. LE Président. — Le vceu que M. de Nicolay a joint à son rapport contient ces mots Office international autonome. \'ous avez suffisam- ment montré par ce mot autonome que ce que vous demandiez n'était pas purement et simplement un service administratif. Ce mot répond suffisamment à votre vœu. Entre votre vœu et l'exécution, il pourrait y avoir des modalités. Messieurs, vous qui êtes des forestiers de tous les pays, qui avez à faire connaître librement vos intentions, vous montrez par le mot autonome que vous entendez éviter ce qui, d'après l'exposé de M. Mar- gaine, aurait été un des écueils. M. Margaine. — L'institut de Rome ne connaît que les gouvernements. M. LE Président. — Le mot autonome monivQ que vous avez l'intention de le rendre le moins possible officiel et administratif. M. de Larnage. — Je ne puis qu'appuyer d'une façon très énergique le vœu présenté par M. de Nicolay. Je demanderai donc s'il ne serait pas opportun de compléter le vœu en spécifiant que l'Office forestier comprenne dans ses représentants — nous. Français, nous ne pouvons parler qu'au nom de notre pays — en dehors des membres de nos services forestiers, des membres de toutes les grandes sociétés ou syndicats s'occupant des questions forestières. M. le Président. — En ce qui concerne la première proposition de M. de Larnage, il faudra faire de larges appels; mais il serait excessif de spécifier précisément les noms des groupements qui seraient repré- — 364 — INTERNATIONAL 1913 sentes à rOlfioe international. On peut en oublier, de sorte que je vous proposerai, pour répondre à la pensée de M. de Larnage, de mettre dans le vœu de M. de Xicolay : « iVun office international autonome, faisant appel à tous les concours... ». Cela montrerait bien que la pensée du Congrès est que, dans Torganisation de l'Offiee, personne ne soit oublié. Mais il n'est pas possible d'entrer dans le détail d'une énumération. M. le baron de H en net — Messieurs, je suis ici en qualité de délégué du ministère autrichien de l'Agriculture. Je ne suis pas chargé par mon gouvernement de prendre la parole, ni de faire des propositions dans un sens quelconque. Mon rôle est d'écouter, de comprendre et de rapporter ensuite à mes mandants ce que j'aurai appris. Je dirai — au titre de simple congressiste et de propriétaire — que j'approuve pleinement la création d'un institut international. Je trouve que les propositions formulées par l'orateur qui m'a précédé sont un peu trop compliquées. Vous vous rappelez tous. Messieurs, quelles difficultés a soulevée la création de l'Institut de Rome. A ce moment — en 1905, si je ne me trompe — c'est l'Autriche qui a demandé qu'il fût composé des Associations agricoles. L'Autriche est restée en minorité parce que tous les autres gouvernements ont voulu créer un institut gouverne- mental. Je crains qu'il en soit de même actuellement. 11 serait nuisible de trop préciser. M. Parue. — Pour préciser le earactèrt' international du vdai, je demande qu'on fasse appel aux Parlements de tous les pays. M. LE Président. — Le mot international et l'expression tous les concours, que nous venons de proposer d'ajouter au vœu, laisse supposer qu'il s'agit du concours de tous ceux qui ont un intérêt quelconque à la création de cet Oflice, en tant que nation ou en tant qu'individus. 11 faut être aussi simple que possible. M. le comte de \icolay. — M. le Président m'a fait tout \k l'heure l'honneur de me dire que le va^u que j'étais chargé de vous traduire était une idée neuve. Je dirai que c'est simplement une idée qui n'est pas mûre, qui a besoin d'une plus longue discussion et d'une étude plus attentive qu'a pu être celle aboutissant à présenter un rapport de quatre pages. Aussi sommes-nous volontairement restés dans des termes généraux, peut-être excessifs, mais assurément prudents. M. le président me propose d'ajouter quelques mots au voju que j'ai présenté, et qui seront une petite spécification supplémentaire aux termes dans lesquels j'étais resté. Le Congrès aurait un intérêt général à se reporter au nouveau texte qu'il a proposé. CONGRES FORESTIER M. DE Sébille. — J'appuie énergiquement la proposition de CFéer « Un Office forestier international », j'en reconnais l'inéluctable nécessité, surtout en présence de ce qui vient de se passer à Gand. La cinquième section de ce congrès, que j'avais l'honneur de présider, rappelant le vote émis au Congrès de Paris de 1900, proposa de nou- veau de modifier le titre du Congrès et de l'appeler dorénavant Congrès International d'Agriculture et de Sylviculture, faisant valoir que beaucoup de forestiers ignoraient que les congrès d'agriculture trai- taient des questions de sylviculture, en montrant qu'à Gand même, il n'y avait qu'une trentaine de personnes suivant nos discussions ; beaucoup de mes compatriotes ne se doutaient même pas que l'on discutait des questions qui les intéressaient, la publicité sur ce point ayant été très peu efficace. Cette motion fut repoussée par les dirigeants du Congrès, s'appuyant pour ce faire sur des arguments plutôt spécieux, montrant une fois de plus que l'on tenait la sylviculture comme la Cendrillon de la famille. L'importance et la valeur des intérêts que nous défendons ne nous permettent pas d'accepter cette situation d'infériorité ; aussi est-ce avec enthousiasme que je vois surgir la proposition que nous présente le comité organisateur et je souhaite vivement qu'elle soit votée par l'assemblée. M. LE Président. — Sous le bénéfice de ces observations, je mets aux voix le vœu de M. de Nicolay qui est ainsi conçu : « Que le gouvernement de la République française prenne Vinitia- tive de la création à Paris d'un Office forestier international, faisant appel à tous les concours, dont remplacement serait fourni par la France et dont le budget serait alimenté par les contributions de tous les États intéressés. » Ce vœu est adopté. La parole est donnée à M. Delahaye, secrétaire, pour la lecture du résumé de la communication de M. Cuif sur les Stations de recherches forestières. M. Delahaye. — Dans un rapport à l'appui duquel il produit un long projet d'organisation de la station de recherches et d'expériences annexée à l'École nationale des Eaux et Forêts, M. Cuif, inspecteur des Eaux et Forêts et directeur de cette station, propose : 1° D'en spécialiser le personnel qui comprendrait : l'inspecteur directeur et un ou deux chefs de cantonnement comme auxiliaires : 2° De doter largement en traitement, crédits, matériel et personnel, cette station de recherches. 3° De la placer sous la haute surveillance et le patronage d'un comité composé du directeur de l'Ecole forestière, de trois professeurs — 366 — INTERNATIONAL 1913 de cette école, de trois conservateurs du service actif, d'un pro- priétaire particulier et d'un marchand de bois. L'objet qu'il poursuit est d'établir, dit-il, une organisation suffi- sante pouvant imprimer en tous temps et en tous lieux une impulsion unique à des forces éparses. M. LE Président. — La parole est à M. Cuif pour faire l'exposé général de sa comriiunication. M. GuiF. — Messieurs, des visites réitérées des stations expérimentales de recherches appliquées à la sylviculture, organisées par les divers pays de l'Allemagne, « j'ai rapporté la conviction, écrivait Grande au en 1879, que cet exemple devrait être suivi par l'Administration française pourle plus grand profit de la science et de la pratique forestières». Un arrêté du Ministre de l'Agriculture en date du 27 février 1882 exauça ce vœu, en instituant une station de recherches auprès de l'École forestière de Nancy. Dans un rapport adressé le 15 octobre 1912, à M. le Directeur général des Eaux et Forêts, sur sa demande, j'ai donné un résumé de l'historique de cette station, ainsi qu'un exposé des réformes urgentes qu'il conviendrait, selon moi, d'apporter à son organisation et à son fonctionnement, pour la mettre à même de rendre tous les services que l'on est en droit d'attendre d'une institution de ce genre. Il est hors de doute, en effet, que la station de Nancy est restée, depuis trente ans, à l'état d'embryon. Tout lui a manqué pour lui permettre de prendre un essor digne des neuf millions d'hectares boisés que l'on rencontre en France : personnel, crédits, organe spécial de publications, etc.. Le résultat de cette déplorable infériorité est, sinon une stagnation complète des sciences forestières dans notre pays, du moins une influence souvent néfaste exercée sur elle par des publications étrangères. Ouvrons un traité récent de sylviculture ou d'économie forestière écrit en langue française, nous y trouvons des théories appuyées pour ainsi dire exclusivement sur des faits constatés chez nos voisins de l'Est. N'est-ce pas là un fait regrettable contre lequel il importe de réagir avec d'autant plus d'activité qu'il faudra des années, par- fois même des siècles, pour réparer les désastres causés par de nouveaux venus, nullement adaptés à notre esprit national et surtout à nos conditions de pro- ductions forestières. En mettant à l'ordre du jour cette question des recherches forestières, les organisateurs du Congrès international ont donc été sagement inspirés. Ce qu'il faut, en la circonstance, c'est une organisation suffisante qui puisse imprimer, en tout temps et en tout lieu, une impulsion unique à des forces éparses. N'oublions pas qu'il a fallu renoncer, en Prusse, aux stations secondaires pour centraliser à Ebersvalde la conduite des recherches. N'oublions pas que, non seulement les stations des divers pays de l'Alle- magne ont reconnu la nécessité de se constituer en association pour assurer, dit l'article premier des statuts, le succès de l'expérimentation, en adoptant des plans d'exécution uniformes, mais qu'il parut bientôt utile d'aller plus loin encore dans cette voie, en réunissant dans une Association internationale toutes les stations de recherclies des différents pays forestiers. N'est-il pas beaucoup plus sage, dans ces conditions, de grouper immédiate- ment, en France, tous les efforts, au lieu d'admettre une dispersion, source fatale de médiocrité, probablement d'insuccès. Ce groupement, le projet de réformes que j'ai déposé, tendra à le réaliser. Il aura pour objet la création d'une institution sohde, entraînant avec elle l'unité de direction, l'unité de méthode et l'esprit de suite, c'est-à-dire le main- tien des traditions en dépit des changements de personnel qu'il est impossible — 367 — CONGRES FORESTIER d'éviter. Une institution de ce genre est absolument indispensable au succès de l'entreprise. J'ai donc l'honneur de vous proposer le vœu suivant : « Que V Adiitinistration des Eaux et Forêts poursuive dans le plus bref délai, sans attendre la réforme de renseignement qui doit être entreprise pro- chainement, une organisation rationnelle de V expérimentation forestière en France. » (Applaudissements.) y{. Gl YOT. — J'espère que l'Administration saura comprendre le devoir qui lui incombe, et, sans enl ^er dans les détails de M. Cuif, je me borne à demander qu'au plus vite '^ station de Nancy soit organisée à l'égal des stations étrangères {A^iplaudissements). M. LE Président. — Je tiens à dire que l'Administration forestière n'a pas attendu aujourd'hui pour porter sa pensée sur les stations de recherches et je vous propose de remplacer le vœu de M. Cuif par celui-ci qui est plus général. « Que dans tous les pays, spécialement en France, V amélioration et le développement des stations de recherches soient Vobjet de la solli- citude particulière de r Administration forestière.^» Adopté. La séance est levée à 4 heures. 368 INTERNATIOAL 1913 SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. VIVIER, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 15. M. LE Président. — La parole est à M. Madelin pour donner lecture de son rapport sur la Production forestière dans les divers pays DU globe. M. Madelin. — Nous nous proposons dans ce rapport, non pas, comme son titre tendrait à le faire croire, de rechercher la valeur de l'ensemble des produits forestiers dans le monde, mais beaucoup plus modestement de grouper les éléments statistiques et les divers rensei- gnements qu'il est actuellement possible de réunir en vue de se rendre compte de la situation forestière des divers continents. Pour parvenir à ce résultat et pour présenter, avec quelque clarté, les documents recueillis, nous avons adopté la division suivante : 1° Superficie occupée par les forêts ; 2o Production en matière dans différents pays ; 3° Besoins actuels de la consommation. Lorsque Mélard publia, en 1900, son fameux rapport sur « l'insuiïî- sur-cificic (irm- sance de la production des bois d'œuvre dans le monde », il chercha à se îon>i,;s'*(Uiif:'fo rendre compte de la place occupée par les peuplements forestiers sur le mmuic cutiei-. globe terrestre ; il réunit des chiffres, mais les trouvant incomplets et insuffisants, il renonça à les livrer au public. Il voulut bien, quelques mois avant sa mort, nous remettre ses notes, avec la pensée qu'elles nous ser- viraient un jour. Elles sont l'élément de base de ce travail. Nous avons cherché, par une enquête poursuivie un peu partout, et pour laquelle nous avons trouvé d'empressés concours, à compléter les documents dont il disposait. Ce sont les résultats de cette consultation que nous repro- duisons ci-après. Toutefois, nous faisons les plus expresses réserves sur beaucoup de ces chiffres. Il est évident, en effet, que la précision est impossible pour les trois raisons suivantes : 1° Dans les pays éloignés des centres civilisés, la contenance des forêts sur d'immenses espaces n'a pu être établie. On se contente de larges à- peu-près. Les gouvernements de ces pays ignorent eux-mêmes l'étendue — 369 — CONGRES FORESTIER de leurs territoires boisés et, par conséquent, n'ont rien publié d'officiel à ce sujet. 2° Il est très difficile de s'entendre sur la question de savoir ce qui doit ou non, être considéré comme forêt. Parfois de vastes landes au milieu desquelles apparaissent épars de rares échantillons ligneux, ou des espaces ravagés par les incendies et non repeuplés, ou des pâturages, ou même d'immenses étangs, des lacs, etc., ont été compris dans les surfaces forestières. 3° Enfin dans tous les pays, même fussent-ils très civilisés, la forêt est en perpétuel mouvement de va-et-vient : défrichements d'une part, reboisements de l'autre. Il n'est pas de jour où l'aire forestière puisse être considérée comme fixée. Ces observations préliminaires étaient nécessaires pour donner au tableau qui va suivre l'excuse de contenir des chiffres certainement contestables, mais qui ont été cherchés le plus près possible de la vérité. Enfin, pour permettre à la critique de s'exercer utilement, nous avons cru devoir indiquer les sources auxquelles les renseignements donnés ont été puisés. Superficie boisée des différents pays du globe (en hectares) EUROPE France 9.886.700 Statistique établie en 1912 par l'Administration des Eaux et Forêts. Bavière 2.466.553 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du D' Neumeister. Saxe (royaume de) 384.540 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du D' Neumeister. Prusse 8.270.133 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du Df Neumeister. Wurtemberg 600.415 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du Df Neumeister. Autres pays allemands. 1.838.144 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du Df Neumeister. Alsace-Lorraine 439.832 D'après le Forst und Jagd-Kalender, année 1913, du D"" Neumeister. Autriche 9.778.000 Dont 7.306.000 pour l'Autriche occidentale et 2.472.000 pour la Galicie et la Bukovine. — ■ Aperçus statistiques de G. Sundbârg, Stockholm, 1908. Hongrie 9.056.000 Aperçus statistiques de G. Sundbârg, Stockholm, 1908. Bosnie-Herzégovine.. . . 2.275.000 Aperçus statistiques de G. Sundbârg, Stockholm, 1908. D'après la notice publiée à l'occasion de l'Expo- sition universelle de 1900, la contenance serait de 2.709.000 hectares. A reporter 44.995.317 — 370 INTERNATIONAL 1913 Report 44.995.317 Grande-Bretagne 1.226.300 D'après M. Schlich, professeur à Cooper's Hill (Revue des Eaux et Forêts, 1906, page 461). La statistique publiée en 1908 par le départe- ment d'Agriculture d'Angleterre indiquait comme contenance 2.782.000 acres, ce qui revient à 1.125.800 hectares. Le chiffre donné par M. Robinson,au Congrès de Gand,est de 1.120.700 hectares. Belgique 534.91 7 Statistique dressée par le service forestier belge en 1905. Bulgarie 2.590.000 Aperçusstatistiquesde G.Sundbârg, Stockholm, 1908. Danemark 327.268 D'après les rapports de 1907, publiés par le Journal du commercé des bois. Espagne 8.483.000 Chiffres de M. Schlich, professeur à Cooper's Hill, adopté par nous parce qu'il est intermé- diaire entre celui de la statistique agricole de 1892 : 6.488.000 et celui donné par M. l'ins- pecteur Vanutberghe : 10.600.000 {Revue des Eaux et Forêts, 1908, page 533). Grèce (îles comprises) . . 830.000 Chiffres de 1893, donnés parle ministre des Finances à Athènes. D'après l'article : Ueber Griechenlands Walder, dans la Revue Central- blatt fur dos gesamte Forstwesen, avril 1912, page 195, le chiffre de la contenance serait de 2 millions d'acres ou 809.000 hectares. Italie 4.156.000 D'après les aperçus statistiques internationaux de G. Sundbarg, Stockholm, 1908.— L'an- nuaire statistique italien de 1898 portait: 4.093.000 hectares. Luxembourg 83.400 Revision du cadastre en 1898 [Revue des Eaux et Forêts, 1903, page 697). Norvège 6.897.800 D'après M. l'Inspecteur-adjoint Perrin (Revue des Eaux et Forêts, 1910, page 263). La sur- face réellement boisée est de 6.637.900 hec- tares. — D'après M. l'Inspecteur Mûhrwold, la contenance serait de 6.818.000 hectares (Revue des Eaux et Forêts, 15 février 1900). Pays-Bas 260.222 Notes sur l'agriculture de la Hollande par Rabaté (Rulletin de la Société d' Encourage- ment pour l'Industrie nationale, n° de décem- bre 1912). Portugal 1.621.589 Excursion forestière en Portugal par Pardé, chiffres empruntés au rapport présenté à l'Exposition de Rio-de-Janeiro par le gou- vernement portugais et rédigé par M. J, Fer- reira Borges. Roumanie 2.755.726 Statistique publiée par le gouvernement rou- main en 1907. Russie d'Europe 196.530.000 Dont 2.740.000 pour la Pologne. Le chiffre ci- contre est extrait des aperçus statistiques de Sundbarg, Stockholm, 1908. D'après certains autres renseignements, il paraît plus près de la vérité que celui donné en 1900 par la notice sur les forêts de la Russie, 164.968.000 hec- tares. A reporter 271.291.539 — ■371 — CONGRES FORESTIER Report 271.291.539 Finlande 17.000.000 Aperçus statistiques de Sundbârg, Stockholm, 1908. La notice ci-dessus citée donnait 20.430.000 hectares. Serbie i. 511. 000 Revue des Eaux et Forêts, 1906, pag; 734, D'après les aperçus statistiques de Sundbiirg, la contenance serait de 1.500.000 hectares; d'après M. Schlich : 967.200 hectares; d'après Bouquet de la Grye : 2.090.000 hectares. Le chiffre intermédiaire a été choisi. Suède 21.210.t00 Aperçus statistiques de Sundbârg, Stockholm, 1908. Il y a tout lieu de croire que M. Gustave Sundbârg a donné pour son pays le rensei- gnement très exact. Cependant, une publica- tion officielle faite en 1900 : La Suède, son peuple et son industrie mentionnait le chiffre de 1897 : 19.591,000 hectares. Suisse 950.000 Professeur Decoppet, Statistique forestière Suisse (Reçue des Eaux et Forêls, 191 1, p. 661). Turquie d'Europe et Crète 2 500.000 Chiffre douteux d'après M. Schlich. La conte- nance totale des forêts de l'empire turc (Asie et Europe) est de 8.800.300 hectares (avant le démembrement de 1913). Rapport du ministre des mines et forêts cité par l'articb : Waldbestande und der Holzhandel in de.- Tùrkei (Continental Holzeitung, juin 1912, pages 221, 222). Total POUR l'Europe. 314.468.539 AFRIQUE Algérie 2.816.000 M. Guyot, Commentaire de la loi forestière algé- rienne du 21 février 1903, page 7, d'après l'Exposé de la situation générale de l'Algérie en 1903. Tunisie 878.000 Dont808.000hectaresdomaniaux,198.000auN. de la Medjerdah, 610.000 au S. (Renseigne- ments fournis par M. Bastien, Directeur d?3 forêts de la Régence.) Maroc 1.500.000 Chiffre forcément approximatif. Côte d'Ivoire 6.000.000 D'après le commandant Gros, chargé d'une mission en Afrique. Il est vraisemblable que ce chiffre qui représente un taux de boise- ment de 20 % est plutôt faible. La Revue des Eaux et Forêts, 1912, page 751, donnait lu chiffre de 12.000.000 d'hectares. Dahomey 1.122.000 Chiffres forcément approximatifs. Autres pays de l'Afrique Occidentale française 55.000.000 id. Afrique équatoriale française ( Gabon, Moyen - Congo, Ou- banghi-Chari, Tchad). 50.000.000 Chiffres représentant un taux de boisement du 30 % environ. A reporter 117.316.000 — 372 — INTERNATIONAL 1913 Report 117.316.000 Madagascar 9.000.000 Revue des Eaux et Forêts, 1912, page 696. Autres pays de protec- torat et possessions françaises en Afrique (Mayotte et Comores, la Réunion, Somalie, etc., etc..) 7.0C0.000 Chiffre représentant un taux de boisement de 10 %. Congo belge 47.600.000 Abyssinie 6.000.000 Chiffre établi sur le taux de boisement de 12 % Le Cap et Natal 209.800 Rapport de M. D.-E. Hutchins à l'Association du Sud-Africain pour l'avancement des Sciences, 1903 (Forestry Quaterly, vol. X, n° 4 de 1912, p. 721). Transvaal 8.400 Revue des Eaux et Forêts, p. 600, 1906, d'après M. Hutchins. Kameroun allemand et Est-Africain allemand.. 8.380.000 Forests and ForestryintheCîerman Colonies, par M. P'ernow, dans Forestry Quaierly, vol. X. n» 4 de 1912, page 633. Egypte et Soudan. . . , . 2.80C.000 Chiffre forcément approximatif. Tripolitaine 1.000.000 id. Autres pays d'Afrique. . 30.000.000 Chiffre établi sur le taux de boisement de 10 %. Total de l'Afrique . . 229.314.200 AMERIQUE Canada : Colombie anglaise 20.235.000 Chiffres extraits du volume intitulé : Le Canada Maritoba, Alberta, Sas- ^' '" France, publié en 1911 par la Chambre katchawan et terri- de commerce française de Montréal, page 254. toires du Nord-Ouest. 40.467.000 ^'« sont vraisemblablement les chifTres des Ontario 28.3-29.000 ^"t^' régulièrement cadastrées et utilisables. ^ Le totaldesforetsduCanadaesttressuperieur. Québec 4j. 470. 000 D'après le même volume il est cinq fois plus Nouveau-Brunswick . . . 4.8.56.000 grand que le total des forêts des Indes (63 mil- Ile du Prince-Édouard . 40.500 lions d'hectares). La contenance totale des forêts du Canada doit être portée, en eiïet, à 315 millions d'hectares. Nouvelle-Ecosse 2.044.700 Forest Conditions Nova Scotia, par B.-E. Fer- now (Commission of Conservation Canada). États-Unis 202.300.000 500 millions d'acres d'après les statistiques pu- bliées par le gouvernement des États-Unis. Alaska 43.300.000 D'après les statistiques publiées parle gouver- nement des États-Unis. Cuba 2.000.000 Chiffre douteux. Le seul chiffre certain est : forêts domaniales, 779.760 hectares. Mexique 8.000.000 Chiffre fourni par M. l'Inspecteur des eaux et. forêts Lapie, docteur ès-sciences, qui a été chargé d'une mission en Amérique. A reporter 392.042.200 — 373 — CONGRES FORESTIER Report 392.042.200 Antilles 17.250.000 D'après les statistiques publiées par le gouver- nement des États-Unis, Brésil 124.000.000 D'après le taux de boisement présumé 15 %. Venezuela 5.500.000 D'après M. Lapie qui estime le taux de boise- ment supérieur à 50 %. République Argentine.. 36.800.000 D'après M. Lapie qui estime le taux de boise- ment à 13 %. Paraguay 20.000.000 Chiffre fourni par M. Lapie, 12.000.000 à l'Est de Rio-Paraguay et 8.000.000 dans le Chaco, Panama 7.520.000 D'après le taux de boisement estimé à 86 %. République Domini- caine 3.840.000 Chiffre de M. Karl W. Woodward, donné en 1909, cités par Forestry Quaterly, vol, X, n» 4 1912, page 726. Chili 4.800.000 Taux de boisement présumé 15 %. Guyane française 10.000.000 D'après le Tour du Monde, reproduit par la Revue des Eaux et Forêts, 1912, page 751. Autres pays de l'Amé- rique du Sud 25.000 000 Chifîre forcément approximatif. Totalpourl'Amérique 646.752.200 ASIE Chine 48.300.000 Chiffre très douteux. Certaines régions de l'Ouest chinois sont encore très peuplées de forêts {Revue des Eaux et Forêts, année 1910, page 347). Il semble possible d'estimer à 12 % le taux de boisement de la Chine. Corée 3.300.000 Chiffre établi en admettant le taux de boise- ment de 15 %. Japon 22.750.000 Revue des Eaux et Forêts, 1906, page 438. Siam 14.000.000 Chiffre établi en admettant le taux de boise. ment de 20%. Indo-Chine française.., 25.000.000 D'après M. Ducamp, chef du service forestier de rindo-Chine, dans son article : La Forêt, ' richesse coloniale. M. Ducamp paraît ad- mettre que ces 25 millions ne constituent qu'une partie de la forêt Indo-Chinoise. Russie d'Asie 136.546.800 Bulletin de statistique et législation comparée, Revue des Eaux et Forêts, 1903, page 55. — D'après la statistique du gouvernement des États-Unis, 1912, la contenance serait de 141.000.000 d'hectares. Indes anglaises 62.843.000 D'après M. Pearson; Fores t économie products Bulletin Economique de V Indo-Chine, novem- bre-décembre 1912, page 809. Beloutchistan 53.000 Renseignements fournis par le gouverneur anglais du Beloutchistan. Chypre 180.000 Schlich's manual of Forestry (Revue des Eaux et Forêts, 1906, pagd 454). Ceylan 2.730.000 Même source, page 453. A reporter 315.702.800 — 374 — INTERNATIONAL 1913 Report 315.702.800 Perse 14.000.000 Chiffre établi en supposant le taux de boise. ment de 8%, d'après des renseignements qui nous ont été envoyés par la Légation de France à Téhéran. Turquie d'Asie 6.300.300 Chiffre déduit de celui qui a été donné plus haut relativement à l'ensemble des forêts de l'empire turc. Autres pays d'Asie 50.000.000 Chiffre forcément approximatif. Total pour l'Asie.. . . 386.003.100 AUSTRALASIE Australie : Queensland 16.180.000 Die Walder Australiens, dans Zeitschrift fur Nouvelle-Galles du Sud. 6.000.000 Forstund Jagdwesen, octobre 1912, pages 637, Victoria 4.700.000 641. Ces chiffres s'écartent peu de ceux donnés Australie du Sud 1 500 000 par Schlich's et cités dans la -Reçue rfesiï'auxel Australie de l'Ouest.'. '. ". 8'.OOo".000 J'ff "'^^î,^' J^^? ^^^'f "i P?"/r^\!^T'''"': „ • , , r>,, r,nA Galles du Sud, a laquelle M. Schlich s donnait Tasmame 4.40U.000 g ooo.OOO d'hectares de forêts. Nouvelle-Zélande 8.300.000 Schlich's manualof Forestry, chiffres cités par la Revue des Eaux et Forêts, 1906, page 449. Iles Philippines . . 15.500.000 The forest of the Philippines, par le D' H.-N- Whitford, Bulletin noiO. Bureau of Forestry, Department of Interior Philippine Islands 1911. Java 1.850.000 Rapport de M. de Coutouly, Consul général de France à Batavia [Revue des Eaux et Forêts, 1906, page 29). Nouvelle-Guinée alle- mande 8.000.000 Chiffre approximatif tiré par induction des renseignements contenus dans l'article de M. Fernow : Forest and Forestry in the German Colonies (Forestry Quaterly, vol, X, n° 4, 1912, page 632). Autres pays de l'Océa- nie 20.000.000 Chiffre approximatif. Tot.de l'Australasie. 94.430.000 Récapitulation Europe hectares 314.468.500 Afrique 229.314.200 Amérique 646 .752 .200 Asie 386.003 . 100 Australasie 94. 430. 000 Total général 1.670.968.000 Les données sont sur ce point encore plus incertaines que pour les piodiutiaii dos contenances. Toutefois certains résultats ont paru intéressants à consi- '!""''* •'" '"*■ gner. France. — D'après la statistique de 1912, la production annuelle des 9.886.700 hectares de forêts françaises serait de 23.503.711 mètres cubes, tant gros bois que menus bois, soit en moyenne 2 me 38 par hectare et par an. — 375 — CONGRES FORESTIER L'Etat est propriétaire de 1.199.439 hectares, rapportant 2.798.600 mè- tres cubes. Pour établir la production annuelle, il convient de déduire 200.000 hectares environ improductifs : dunes, terrains de montagne, etc. La production annuelle serait ainsi très voisine de 3 mètres cubes. Elle dépasserait certainement ce chiffre si l'Administration, guidée par une pensée d'avenir, ne s'attachait pas à ménager ses forêts, de telle sorte qu'une partie du revenu s'incorpore au capital-bois. Les forêts des communes et des établissements publics soumises au régime forestier, 1.948.632 hectares, rendent 4.639.032 mètres cubes, soit 2 me 38. D'après une statistique établie en 1905 par la Direction générale des Eaux et Forêts, la valeur totale des forêts domaniales en fonds et super- ficie serait de Fr. 1 .413 .055 . 169 La valeur des autres forêts du régime forestier 1. 470.113.664 Enfin, en estimant les forêts particulières à 350 francs en moyenne à l'hectare, elles vaudraient ensemble 2 .358.500.000 Ou pour la valeur entière de la forêt française Fr. 5 .241 .668.833 Suisse. — M. le Professeur Decoppet, de l'Ecole polytechnique de Zurich, estime ainsi qu'il suit la production des forêts suisses : Forêts des Cantons .... 41.590 hectares produisant 175.500 me. soil par hectare 4,08 Communes.. 653.700 - 1.703.000 - 2,60 Particuliers. 254.710 — 421.500 - ' 1,65 Totaux... 950.000 - 2.300.000 — 2,42 Allemagne. — Les renseignements suivants sont puisés dans l'article de M. le Professeur Hûffel, de l'École forestière de Nancy : « Le mouve- ment forestier à l'étranger » {Revue des Eaux et Forêts, année 1911, page 5.52). Production par hectare boisé en bois do plus de 0 m. 2 de tour m- Prusse 3,75 Bavière 3,87 Wurtemberg 5,95 Saxe 5,23 Alsace-Lorraine 3,27 Mecklembourg-Schwerin 3,47 A première vue, on pourrait être surpris de la production singulière- ment plus forte à l'hectare que fait ressortir la comparaison entre la France et l'Allemagne. Cet écart tient principalement à ce que les futaies résineuses, très productives, sont proportionnellement beaucoup plus considérables dans le deuxième pays que dans le premier. D'après la statistique de 1898, les peuplements résineux occupent en France 14,9 % de la surface totale des forêts. Il n'en est pas de même en Allemagne. Pour ne citer qu'un chiffre, il existe en Prusse 5.713.498 hectares de forêts résineuses pour 2.556.636 hectares de forêts feuillues. Grande-Bretagne. — D'après la statistique publiée en Angleterre — 376 — Totaux menus bois par par hectare T'Ctar^ et par an me me 0,79 4,54 0,60 4,47 1,22 7,17 1,32 6,55 0,60 3,87 1.48 4,95 I>TER>ATIONAL 1913 et qui concerne l'année 1908, les peuplements résineux couvrent 27 % de la superficie totale des forêts. Pour l'Ecosse, cette proportion s'élève à 55 %. Le revenu annuel moyen par acre serait de 7 fr. 18, soit pour l'hectare 17 fr. 74. En admettant le prix moyen du mètre cube de toutes catégories à 10 francs (sur la coupe), ce revenu représente 1 m 77 à l'hectare et par an. Russie. — La Direction générale de l'Organisation agraire et de l'Agriculture a publié, en 1907, un rapport sur « Les richesses forestières de la Russie ». Il y est mentionné que les forêts domaniales occu- pant 93 millions de terres boisées utilisables ont produit, en 1905, 110.300.000 mètres cubes de bois, soit 1,1 mètre cube par hectare. Le devis pour les bois domaniaux du Caucase était de 10.700.000 mètres cubes, ce qui constituait pour 3.400.000 hectares une production de 3,1 mètres cubes ; mais on n'a trouvé l'écoulement que de 12,1 °o de la quantité prévue, c'est-à-dire 0 me 4 par hectare. L'auteur de ce rapport constate que VÊtat russe ne tire pas de ses forêts la moitié du matériel qu^ elles peuvent donner, eu égard à leur force produc- tive et à l'état actuel de leurs peuplements. Canada. — C'est la province de Québec qui est actuellement, au Canada, la plus riche en forêts. On estime à 2 milliards 1/2 de francs la valeur des bois sur pied dans ses forêts. La moyenne annuelle des bois exploités de la province s'établit à environ 640 millions de pieds (1) (18.120.000 me) représentant 50 millions de francs. Les forêts de la Colombie anglaise produisent 830 millions de pieds (plus de 23 mil- lions de mètres cubes) représentant une valeur supérieure à 62 millions de francs. Dans la province d'Ontario 1 milliard 1/2 de pieds repré- sentant plus de 150 millions de francs. Dans la Nouvelle-Ecosse, le bois coupé en 1910 avait une valeur de plus de 10 millions de francs. Mais dans le Nouveau-Brunswick on estime que les richesses forestières ont besoin d'être ménagées. D'autre part, il est signalé que l'Ile du Prince Edouard, autrefois très boisée produit aujourd'hui à peine assez de bois pour suffire à ses besoins. Des quelques aperçus qui précèdent, il paraît possible de conclure qu'en admettant, dans un avenir certainement très lointain, les forêts du monde entier aménagées et régulièrement exploitées, le revenu moyen pourrait varier entre 2 mètres cubes et 3 à l'hectare et par an ce qui représente 3 à 5 milliards de mètres cubes ; cette production serait très supérieure aux besoins actuels de la consommation, la population entière du globle étant de 1 milliard 744 millions d'hommes. Sur la consommation du bois d'œuvre, tout à été dit par Mélard, dans le remarquable travail produit par lui, au moment de l'Exposition universelle de 1900. Il prévoyait que les besoins de tous les pays iraient indéfiniment en augmentant. Il nous a paru curieux de rechercher si ses pronostics étaient vérifiés, dans l'espace des treize années dernières. Les limites de ce travail ne permettent pas de poursuivre sur ce point une très complète enquête. Nous avons limité nos recherches à quatre pays, nettement importateurs, la France, la Grande-Bretagne, la Bel- (1) Le mètre cube vaut 35,31658 pieds cubes {Annuaire du Bureau des longitudes). — 377 — CONGRES FORESTIER gique et l'Italie. La situation comparative est indiquée dans les quatre tableaux suivants, où ne figurent que les bois d'œuvre, à l'exception des menus bois, du chauffage et du charbon. FRANCE. CHOTRES comparatifs des importations et EXPOnrATIOKS .e» mètres cubes) KArDRE DFS PRODUITS Bois de cbene Bols d'essences diverses MOYENNES de 1894 à 1898. Chififres cité.s par Mélard ImportatioDS ronds bruts traverses pour chemin de fer équarris ou sciés de plus de 0 m 08 d'épaisseur, sciés de moins de 0 m 08 . merrains Bois de noyer ronds bruts perclies de mines, étais, [ échalas i traverses pour cliemin de fer équarris ou sciés de plus 0 m 08 d'épaisseur . . . sciés de moins de 0 m 08. merrains Totaux 2.560 250 n.380 50.850 167.140 3.810 187.760 900 212.820 .834.700 3.070 2.475.240 Exportations me 11.030 21.400 5.080 4.490 4.450 5.350 1.227.680] 44.020 14.360 68.850 1.550 1.408.260 IMPORTATIONS 1909 1910 nie 1.931 me 2.775 2.346 1.748 11.182 45.274 185.516 15 187 122.773 12.400 41.510 83 980 16.611 110.106 335.411 261.500 45.446 51.598 225.164 1.884.484 17.475 158.361 2.026.312 14.897 2.942.189 2.781.798 me 1.760 1.235 6.470 39.790 96.000 19.758 107.109 230.107 55.054 188.800 2.057.000 13.810 2.816.893 1894 à 189S EXPORTATIONS 1909 1910 me 25.796 me 27.080 25.144 31.131 4.686 7.077 8.021 9.277 214.164 4.762 7.022 7.326 9.471 252.518 1.295.302 1.298.330 28.491 19.994 10.886 71.552 1.931 14.411 78.510 2.709 1.702.327 1.753.264 1911 Moyenne des importations 2.475.240 Moyenne des exportations 1.408.260 Différence entre les Importations et les exportations (en moyenne) 1.066.980 me me 31.920 24.790 5.700 8.320 5.845 6.905 280.164 1.359.575 27.620 10.632 83.569 2.632 1.847.672 1900 à 1911 2.846.9S0 1.767.754 1.079.206 mo ITALIE. — Chiffres comparatifs (quantités en tonne* de l.OOO kilogrammes) NATURE DES PRODUITS Bols brut ou simplement dégrossi à la hache BoiB équarri, bois débité dans le sens de la longueur, sciages Autres bois communs Totaux IMPORTATIONS Chiffres cités par Mélard 1888 70.175 385.173 18.335 473.683 54.094 431,854 2.012 1908 117.493 1.185.869 1.710 1.305.072 1911 168.724 1.317.841 2.381 EXPORTATIONS Chiffres cités pir Mélard 1888 1898 12.702 27.521 22.582 62.805 44.510 18.936 67.762 1908 6.771 22.598 2.609 31.978 1911 3.656 11.801 2.127 17.684 — 378 INTERNATIONAL 1913 GRANDE-BRETAGNE NATURE DES PBODTTITS Bois en grume ou équarris Sciages î Douves de Résineux (autres que les bois de mines) Étais et bois de mines. . Chêne Teck Divers Résineux Divers toutes dimensions Chiffres cités par Mélard 1897 Tous les bois énumérés ci-dessus. 3.517.288 251.164 105.381 124.483 9.683.366 256.290 179.344 iirpoKTATiONS (mètres cubes) 1907 795.525 3.720.127 311.307 78.187 68.154 8.216.179 259.412 243.156 1909 784.454 3.720.728 221.660 47.941 79.349 7.879.738 222.473 178.896 1911 DIFFERENCES entre 1911 et 1897 en plus en moins 4.ÎJ2J49Î1-600-830 280.603 29.439 78.482 104.219 7.622.-106 268.503 226.132 12.213 46.788 26.899 20.264 2.061.260 EXPORTATIONS (mètres cubes) 1.8381 25.0901 26.0461 43.8301 41.9921 ROYAUME DE BELGIQUE NATURE DES PRODUITS Chêne ( En grume ou non sciés et I Simplement refendus noyer ( Sciés Autres ( En grume ou non sciés ^"® ^^ ) Sciés \ Poutres chêne et ) ( Autres le noyer ' Rabotés Pièces de bois en grume ou non sciés ayant moins de 75 centimètres de circonférence au gros bout Totaux Importations Chiffres cités par Mélard 1898 20.365 .?.648 100.436 150.371 8.813 752.909 10.819 444.780 1.492.141 1911 me 47.883 2.060 153.869 389.679 51.886 983.447 1.922 540.624 2.171.370 Exportations Chiffres cités par Mélard 1898 me 2.409 853 3.710 2.440 22 6.951 103 11.845 28.333 1911 1.615 1.031 3.694 3.210 689 10.348 733 10.273 31.593 Accroissement des importations en 13 ans ; 679.229 mètres cubes. Les tableaux qui précèdent se passent de commentaires. La Belgique et l'Italie ont vu leurs importations nettement majorées. La France et la Grande-Bretagne, tout en augmentant le chiffre de leurs importations, ont vu par compensation croître leurs exportations. En France, alors que nos bois ronds bruts sont davantage pai'tis pour l'étranger, ce qui indiquerait qu'il a été demandé de la futaie en surcroit aux forêts, phénomène fâcheux à constater. Nous sommes devenus très franchement exportateurs de bois de mines, ce qui est au contraire avantageux. L'Angleterre et la Belgique sont nos principaux clients — 379 COGRES FORESTIER pour ces produits dont la consommation a progressé manifestement dans ces treize ou quatorze dernières années. D'ailleurs, les pays exportateurs ont envoyé hors de leurs frontières de plus en plus de bois, ainsi qu'il ressort du tableau suivant emprunté à la statistique de Gustave Sundbârg : Exportation du bois xon ouvré bes principaux pays exportateurs (Valeurs en milliers de francs) PAYS 1896 1897 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 1905 1906 Suède 182.379 203.921 203.499 194.764 213.713 183.399 206.237 240.411 191.767 193.900 235.532 Norvège 48.486 58.633 55.821 55.072 59.399 49.593 53.278 61.944 49. 136 48.638 62.342 Finlande 68.810 77.054 89.153 98.188 110.500 98.502 112.356 126.971 116.440 120.454 140.008 Autriclie-llongrif. 153.200 175.974 209.789 244.237 267.010 230.269 205.307 248.977 264.423 264.996 263.734 Russie 124.715 126.544 153.136 142.920 155.691 152.516 147.929 174.140 193.954 203.828 202.322 États-Unis . . 127.134 159.850 147.190 164.589 203.916 214.172 188.252 231.402 271.677 235.376 286.773 Canada 140.772 161.922 137.332 145.154 153.658 155.451 166.379 188.480 171.416 172.161 201.108 Totaux 845.486 968.898 995.920 1.044.924 1.163.887 1.083.902 1.080.038 1.272.325 1.258.813 1.239.353 1.456.820 L'essor donné à l'industrie du papier, grâce à la multiplication des livres, des prospectus, des journaux, des revues, etc., produit un effet direct sur la consommation du bois destiné à la fabrication de la pâte, qui augmente dans des proportions considérables. Voici quelques chiffres indiquant cette progression : IMPORTATIONS EN FRANCE {tonnes métriques) Pâte de cellulose méca- nique 1898 1905 1907 1908 1909 1910 1911 92.549 40.157 130.444 92.270 163.222 122.846 175.458 138.747 166.628 124.077 204.223 153.412 191.549 172.245 Pâte de cellulose chimi- que Totaux 132.706 222.714 286.068 314.205 290.705 357.635 363.794 IMPORTATIONS EN GRANDE-BRETAGNE (mesures en tonnes anglaises: 1016 k. 048) Pâte de cellulose mécanique. Pâte de cellulose chimique. . Autres matières pour la fa- brication du papier Totaux 1907 1908 1909 1910 1911 393.103 293.255 222.561 443.911 315.951 208.510 445.950 315.174 215.299 503.037 370.715 211.790 428.594 370.806 222.509 908.919 968.372 976.423 1.085.542 1.021.909 — 380 — INTERNATIONAL 1 9 1 3 IMPORTATIONS EN ITALIE {tonnes métriques) 1 i Pâtes de cellulose j 1907 1908 1909 1910 1911 57.564 61.663 66.011 71.835 79.671 La Belgique a importé, en 1911, 136.887 tonnes et exporté 43.216 tonnes de pâtes à papier. La même année l'Allemagne, pays producteur en a importé, 62.452 tonnes et exporté 171.679 tonnes. Aux États-Unis, le nombre des fabriques de papier était de 163 en 1900 et de 161 seulement en 1905, mais grâce aux améliorations apportées à la machinerie des usines, la production des États-Unis, durant cette période de cinq ans, avait augmenté de près de 50 °'o, ainsi que le révèlent les chiffres suivants : 1900 ;905 Production de pulpe (en tonnes). , , Production de papier — 1.536.431 2.664.753 2.782.219 3.8.57.903 11 se consomme aux États-Unis 5.000 tonnes par jour de pulpe de bois, soit plus de 1.800.000 tonnes par an (1). En France, d'après le très intéressant rapport produit au Congrès International d'Agriculture de Gand par M. l'Inspecteur général des Eaux et Forêts Lafosse, qui a bien voulu nous le communiquer, la produc- tion du papier était de 180.497 tonnes en 1886 ; elle atteignait 365.000 tonnes en 1890, 450.000 en 1900. Elle est aujourd'hui de 867.000 tonnes(2) . Nous avons eu la curiosité de rechercher quel est, dans ce total, la part de nos grands journaux quotidiens. Avec la plus entière bonne grâce, leurs directeurs ont bien voulu nous renseigner : Le Petit Parisien consomme de 60 à 85 tonnes par jour, soit environ par an 26.000 tonnes Le Journal accuse une consommation de 2.500 tonnes par mois. Il entre dans la composition du papier de ce journal environ 15 % de matières autres que le bois. Cette déduction faite, sa consommation annuelle serait de 25.500 — Le Matin absorberait tous les jours de 53 à 55 tonnes, soit annuellement 20.000 — Le Petit Journal accuse une consommation annuelle de 14 . 000 — Le Journal officiel consomme 1 . 050 — Ces cinq journaux ensemble consomment 86.550 tonnes Soit sensiblement le 1/10 de la production française. Que représentent en bois ces 86.550 tonnes de papier ? M. Janot, direc- teur de la Papeterie de la Seine (qui fournit entièrement le papier du Petit Parisien), a bien voulu nous donner sur les questions de fabrication ■ (1) Le Canada et la France, volume déjà cité!. (2) Il existe des fabriques de papier dans 70 départements. Viennent en tête : Seine- ft-Oise, produi'tion journalière 371 tonnes; Isère, 314 tonnes; Seine, 260 tonnes, etc. 381 — CONGRES FORESTIER des explications très intéressantes que les limites déjà trop étendues de ce rapport nous empêchent de répéter ; il estime qu'on peut compter, sans erreur sensible, que 100 kilogrammes de pâte donnent 100 kilo- grammes de papier. Quant à la quantité de bois nécessaire pour donner une tonne de pâte, les chiffres varient énormément, suivant les pays et les usines, ce qui s'explique par l'âge, la dimension et la nature du bois mis en œuvre. M. Janot estime cependant qu'on peut prendre comme moyenne, en Scandinavie, les chiffres suivants : Pour la pâte mécanique, 3 mètres cubes et demi de bois de sapin pour 1.000 kilogrammes de pâte sèche ; Pour la pâte chimique au bisulfite, 7 mètres cubes et demi de bois de sapin pour 1.000 kilogrammes de pâte sèche. M. l'Inspecteur général Lafosse admet qu'en moyenne il faut employer 5 mètres cubes de bois pour obtenir une tonne de papier. Les journaux énumérés plus haut absorberaient annuellement 433.000 mètres cubes de bois, ce qui représente le revenu (à 3 mètres cubes par hectare et par an) de 145.000 hectares de forêts, c'est-à-dire environ huit fois la contenance de la forêt de Fontainebleau. La production dans le monde des pâtes à papier de toutes sortes se chiffrait ainsi en 1910 (1) : Production en Europe Tonnes. 3.783.732 Production hors d'Europe 3.181. 588 Total Tonnes. 6.965.320 Ce qui représente 30 à 35 millions (2) de mètres cubes de bois. Evidemment, ce chiffre parait redoutable, mais il faut bien se dire, d'une part, que les bois employés à la fabrication du papier ne sont pas de ceux dont le grossissement est le plus désirable ; les essences employées n'appar- tiennent pas aux catégories feuillues précieuses; d'autre part, les bois pouvant, pour la fabrication du papier, être exploités fort jeunes (des peuplements résineux sont utilisables dès 12 ans), les renouvellements de récoltes s'opéreront très facilement. Si la pénurie se fait sentir, et elle est déjà sensible (3), la hausse des prix aura donc pour conséquence une pro- duction nouvelle qui peut être rapidement obtenue. Enfin, le remplace- ment du bois par d'autres produits sera un jour ou l'autre la résultante de la hausse ; jusqu'ici, le bois est encore à un prix assez bas pour ne pas inciter à- l'emploi des succédanés. Vienne une raréfaction de la matière ligneuse, les procédés économiques seront trouvés pour la fabrication au moyen d'autres végétaux. La situation est beaucoup moins rassurante pour le bois d'œuvre. En 1900, Mélard a poussé un cri d'alarme dont l'écho a été retentissant. A-t-il exagéré les craintes à avoir? D'aucuns le prétendent. Ce qui n'est pas niable, c'est que les ressources en vieux bois que recèlent les forêts éloignées des centres de civilisation ne sont pas actuellement disponibles (1) D'après M. Franz Krawany, directeur de la Papeterie Union de Vienne, article publié dans V International Papier Statistik. (2) Chiffre approximatif puisqu'il entre d'autres matières que le bois dans la compo- sition de certaines pâtes. (3) Depuis 1912, le cours des pâtes mécaniques, stationnaire jusque-là a subi une augmentation de 2francs par 100 kilogrammes, sur celuides pâtes chimiques, soit 5francs pourle même poids {Excelsior, numéro du 11 mai 1913, sous la signature de Jean Barsac). — 382 — INTERNATIONAL 1913 pour les deux raisons suivantes : insuffisance des moyens d'exploitation et de vidange, frais élevés des transports. Avant qu'il y ait amélioration de ce côté, il faut s'attendre à une hausse constante des futaies. Cette hausse est indispensable pour provoquer la mise en valeur des forêts situées hors d'Europe, par des aménagements étudiés, par la création de larges voies de desserte et de moyens économiques de transport jusqu'à la mer. Une crise grave se produira certainement à un moment donné. Elle affectera notamment le chêne qui sera plus demandé qu'offert. La lenteur de la croissance des bois précieux ne permettra de parer à cette crise que si, dès maintenant, les gouvernements mettent tout en œuvre pour encourager leur production. Il serait hors du sujet de ce rapport d'indiquer les moyens multiples, et souvent préconisés, destinés à obtenir ce résultat. Nous avons cherché seulement, en présentant la situation actuelle des forêts du monde entier, à faire ressortir combien elle est mal connue, et l'intérêt puissant qui s'attacherait à ce qu'il fût procédé, dans tous les pays du monde, à un inventaire détaillé des richesses forestières qu'ils contiennent. Sachant avec une précision au moins approchée le capital qu'elles représentent, peut-être pourrait-on mieux régulariser leurs exploitations, de façon à ne livrer au commerce que le revenu annuel en matière. Ce souhait n'a, pour le moment, que la valeur d'une utopie ; il n'y a pas cependant de raison qui s'oppose à ce que, la civili- sation aidant, les forêts du monde entier soient un jour, comme les forêts soumises au régime forestier du Centre et de l'Ouest de l'Europe, exploi- tées avec méthode et régularité. Gomme conclusion de ce travail, nous demanderons que le Congrès international émette un vœu, qui d'ailleurs a été voté à peu près dans la même forme en 1900 : QiCune entente internationale intervienne pour publier les statistiques résumées faisant connaître, dans chaque pays, Vétendue des forêts exploi- tables, leurs richesses, leur capacité de production et, dhme façon générale^ les ressources qa''elles sont susceptibles de fournir au commerce du monde entier. M. Madelin. — Sur le sujet que je traite dans ce rapport, nous avons reçu une communication dont je vous demande la permission de dire un mot. Cette communication a été envoyée au Congrès par les Etats-Unis. Ce que j'ai entre les mains est une traduction qui a été faite par les soins du bureau du Congrès et qui n'est pas signée. Je ne sais si le rapport lui-même l'était. Je ne vous donnerai point lecture intégrale de ce document, pour épargner vos instants, mais il contient, sur la superficie des forêts aux Etats-Unis, quelques renseignements intéressants que je vais très rapidement résumer. La superficie totale est, d'après ce rapport, de 545 millions d'acres. Ce chiffre est un peu supérieur à celui que j'indiquais, dans mon rapport (500 millions d'acres). C'est en général un chiffre approchant que l'on donne pour la contenance des forêts des États-Unis. En — 383 — CONGRES FORESTIER fait, je me ligure qu'on n'en sait rien : quand il s"agit de pareilles étendues, il est facile de faire une erreur de 15 ou 20 millions d'acres. Le taux de boisement est de 29 %, ce qui parait un peu élevé. M. GuYOT. —Oh oui ! Ce taux est vrai pour les Montagnes-Rocheuses. Mais toute la prairie de l'Ouest n'est nullement boisée, et elle cons- titue à peu près le tiers de la superficie totale. M. Madelin. — Les forêts nationales représentent 18,5 °o ; les forêts départementales (celles des États), 0,5%, les forêts privées, ainsi que les forêts publiques non réservées, 81 °o- 165 millions d'acres appartiennent au gouvernement fédéral. Le rapport s'étend ensuite longuement sur les trois sources de profits et d'exploitation, le bois, le pâturage et les forces hydrauliques. Pour les bois, on compte à peu près 2 milliards 800 millions de mètres cubes de forêts vierges, dont une grande partie est inaccessible. Je me permets de trouver que le renseignement a bien des chances d'être inexact, puisque les forêts sont inaccessibles. L'année dernière, environ 2 millions de mètres cubes ont été amé- nagés et mis en vente. De plus, 500.000 mètres cubes étaient donnés aux colons pour le chauffage et l'exploitation de leurs fermes. La quantité d'arbres abattus n'est que de 7 °o du produit des forêts nationales. Les pâturages tiennent une large part de ces forêts qui sont aménagées. Le rapport traite encore des questions de sylviculture et de la manière dont sont aménagés les réserves, ainsi que des travaux d'explora- tion exécutés. 11 s'occupe ensuite de questions de dendrologie, et il termine enfin en citant les travaux des stations de recherches établies aux États-Unis. Ce travail est très documenté, très intéressant, et je regrette que sa longueur ne me permette pas de le lire entièrement. Je vous demande également la permission de faire mention spéciale d'une communication qui nous parvient d'un ami très lointain. C'est un Russe, M. Moustafiz, de l'Administration de l'agriculture et des domaines de l'État, à Tachkent, dans le Turkestan russe. Son travail, considérable, est écrit en russe, et il a été traduit pour le congrès par M. Muller, représentant l'Alliance française à Tachkent. Nous trouA'ons dans ce document des renseignements très intéres- tants sur les forêts du Turkestan qu'il divise en forêts de montagne, forêts de rives basses des rivières, et steppes. Le Turkestan russe a un taux de boisement moyen de 11,3 %, ce qui paraît assez vraisemblable. Je dois signaler au Congrès qu'à la suite de l'adoption, hier, d'un vo'u précédent, j'ai dû modifier légèrement le mien, en voici la teneur : ' Qiut l'Office forrslit'r iiilcnialional, doiil la criuilton a été denuuidée pdf un vœu précédent, publie les statistiques résumées faisant con- naître^ dans chaque pays, Pétendue des forêts exploitables, leurs — 384 — INTERNATIONAL IDlo richesses^ leur capacité de production, et, d'une façon générale, les ressources qu'elles sont susceptibles de fournir au commerce du monde entier. » M. LE Président. — Messieurs, nous remercions M. Madelin de son travail si documenté. M. Madelin fait là une œuvre extrêmement utile et dont on ne peut que le féliciter. Je mets aux voix le vœu modifié ainsi qu'il l'a indiqué. Le vceu de M. Madelin ainsi modifié, est adopté. L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. \'illame sur les Droits de douane et la parole est à M. Villame pour la lecture de son rapport. M. Villame.— Nous voudrions, dans ce Rapport, que nous ferons aussi succinct que possible, passer en revue les différents produits fores- tiers pour lesquels nos groupements corporatifs ont demandé des modi- fications au tarif actuel des douanes. Déjà, en 1908-1910, lors de la révision de la loi douanière de 1892, nos syndicats se sont efforcés d'obtenir des relèvements justifiés par la crise que traverse depuis quelques années l'exploitation des forêts nationales. Nos tentatives n'ont pas eu, il faut bien le dire, le succès que nous escomptions, et, bien loin d'obtenir satisfaction, nous dûmes nous estimer heureux d obtenir le maintien du stata quo et de nous défendre contre les abaissements des tarifs qui étaient proposés par certains députés , et qui auraient eu pour résultat d'aggraver encore les conditions d'infé- riorité dans lesquelles le commerce des bois doit lutter contre la concur- rence étrangère. Certes, en pareille matièi'e, il faut se garder des exagérations. Il faut tenir compte, dans une large mesure, des situations acquises également respectables et des habitudes du commerce et aussi d'autres intérêts parfois divergents. Mais, ceci dit, nous ne saurions trop énergiquement affirmer que la forêt française a besoin d'être protégée et que nous ne devons négliger aucun moyen pour venir en aide à un commerce pour lequel les pouvoirs publics sont loin d'avoir toute la sollicitude qu'on serait en droit d'en attendre. Le commerce des bois de France, estimant avec raison que nos forêts Bois de mines. regorgent de petits bois aptes à l'usage de bois de mines, demande logi- quement que « les perches, étançons, échalas bruts, de plus de 1 m. 10 de longueur et de circonférence atteignant au maximum 0 m. 60 au gros bout, soient taxés à raison de 0 fr. 65 les 100 kilogrammes, au tarif minimum » (au lieu de Ô fr. 30 au tarif minimum actuel). Mais, dira-t-on, ne peut-on craindre des représailles de la part des États étrangers? Nous ne redoutons pas ce danger. Quels sont, en effet, les marchés étrangers qui s'approvisionnent de bois en France? Ceux d'Angleterre et de Belgique qui trouvent chez nous des bois à meilleur compte que dans le Nord. D'ailleurs, on sait que les États du Nord, comme la Norvège, ont interdit depuis 1905, la coupe des jeunes arbres. Ne sont-ce pas là justement des bois de mines? Si nous — 385 — 13 CONGRES FORESTIER en demandons moins, on en coupera moins, et les États septentrionaux qui prennent des mesures contre l'exploitation prématurée de leurs forêts ne pourront que s'en réjouir. Donc, point de représailles de ce côté. Et, quant à l'Angleterre, si elle vient chercher dans les Landes les bois qui lui font défaut, c'est qu'elle y trouve son compte et que nos bois ont des qualités qui lui conviennent mieux que ceux du Nord. Croit-on vraiment qu'il y ait quelques représailles à craindre de ce côté? Pour la répercussion que cette élévation des droits pourrait avoir sur les mines du Nord, elle se traduirait par une augmentation d'un centime environ par tonne de charbon extrait, dont la valeur est au moins de 16 francs sur le carreau de la mine. Les mines du Nord, dont la prospérité est si grande, ne pourraient-elles supporter sans murmurer cette insignifiante augmentation? Mais, dira-t-on encore, les forêts de France ne sont-elles pas trop éloignées de la région du Nord, pour contribuer utilement à l'approvi- sionnement des mines ! Cette objection ne nous paraît pas très convain- cante, car on sait que la Belgique fait des achats jusque dans le Plateau Central, et, d'autre part, notre réseau de navigation intérieure est très bien organisé pour desservir à souhait le bassin du Nord. Et si l'on veut bien approfondir, on reconnaîtra que la question de la protection des bois de mines est solidaire de la prospérité de la batellerie qui trouvera dans le transport des bois, à destination du Nord, un fret de retour des plus importants et un aliment appréciable pour son activité. Les quinze mille communes de France, propriétaires de misérables taillis que la mévente des petits bois a cruellement atteintes dans leur revenu, demandent instamment qu'on protège d'une manière efficace les bois de mines. Le tableau suivant montre la quantité considérable de bois de mines importés en France, à destination des houillères du Nord bien entendu. On remarquera l'énorme augmentation survenue depuis 1900 : En 1900. . . 36.670 tonnes En 1907. . . 126.770 tonnes 1901... 59.060 1902... 81.130 1903... 124.870 1904... 175.190 1905... 87.556 1906... 80.750 — 1908.., . 211.655 -^1909... 215.830 — 1910... 146.440 — 1911... . 128.860 — 1912.. . 135.580 Sciages de chêne. La valeur des sciages de chêne est pour les qualités communes double de celle des sciages de sapin et pour les qualités supérieures débitées en faible épaisseur, quatre fois plus élevée : si donc, on veut arrêter l'exode de nos beaux chênes vers l'Allemagne, il faudrait, en bonne logique, doubler les droits d'entrée sur les sciages épais de chêne et quadrupler ces mêmes droits sur les sciages minces. Mais le commerce des bois de France sait faire la part des situations de fait et des justes nécessités. Et, pour assurer au chêne de notre pays, sans rival comme qualité et comme durée, la place qui doit lui revenir sur notre marché, il demande simplement, ce qu'il n'a pu obtenir ne 1910 : le classement à part des sciages de chêne et un droit d'entrée de : — 386 — INTERNATIONAL 1913 Pour les bois sciés ou équarris de 0,080 % d'épaisseur et au-dessus : 2,50 au tarif général, au lieu du tarif actuel de 1,50 2 » au tarif minimum — — 1 » Pour les bois sciés de 0,035 % et inférieurs à 0,080 % : 2,75 au tarif général, au lieu du tarif actuel de 1,75 2 » au tarif minimum — — 1,25 Pour les bois sciés de 0,035 % d'épaisseur et au-dessous : 4 » au tarif général, au lieu du tarif actuel de 2,50 2,50 au tarif minimum — — 1,75 Les premiers droits s'appliquent à des marchandises qui valent au minimum 120 francs le mètre cube, les seconds à des marchandises qui valent au minimum 240 francs le mètre cube, et le troisième à des marchandises qui atteignent souvent 400 francs le mètre cube. La Fédération du commerce des bois a demandé aussi que le droit de lîois injectés, douane sur les bois injectés à leur entrée en France fût majoré de 5 francs par 100 kilogrammes. Le marché français est envahi par les poteaux injectés en Allemagne et en Suisse, qui sont avantagés par le bon marché de la matière première, de la main-d'oeuvre et aussi des transports dans leurs pays. Il est nécessaire de défendre notre production et le taux qui est réclamé nous parait justifié, non pas même pour secourir nos nationaux, mais pour égaliser leurs moyens avec ceux de leurs, concurrents étrangers. M. Farjon, député du Pas-de-Calais a, dans la précédente législature, Douve lies de déposé une proposition de loi ayant pour objet de faire accorder le béné- ^''''"'* fice de l'admission temporaire aux douvelles de sapin étrangères, des- tinées à la fabrication des barils d'emballage. Cette proposition n'a pas manqué de soulever les protestations des producteurs français de bois résineux, notamment de la région des Landes, et, la Fédération du commerce des bois de France, au cours de l'Assemblée générale de 1910, émit le vœu que la proposition de loi Farjon ne fût pas adoptée par les Chambres et que si le droit de douane sur la douvelle étrangère en sapin n'était pas augmenté, le statu qiio tout au moins fût obtenu. Conformément au désir de la Fédération, la proposition de loi Farjon ne vit jamais le jour et,, à l'expiration de la législature, elle devint caduque. M. Farjon n'ayant pas été réélu en 1910, on pouvait supposer que sa proposition de loi resterait à jamais enfouie dans les cartons parlemen- taires, mais M. Loth, également député du Pas-de-Calais, a repris à son compte et déposé à nouveau sur le bureau de la Chambre cette propo- sition. Les raisons qui militaient contre la proposition Farjon n'ont rien perdu de leur force. En laissant de côté les fraudes que favorise presque toujours V admission temporaire, il est évident que, si cette faculté peut ne pas présenter de gros inconvénients quand il s'agit des produits non fabriqués en France, quoique prétende l'auteur de la proposition, il n'en va pas de même de l'admission temporaire de produits étrangers venant, comme la — 387 — CONGRES FORESTIER douvelle de sapin, concurrencer les produits français d'usage et de qualité analogues. Aussi, le commerce des bois est-il résolument opposé à l'admis- sion temporaire des bois à douvelles, comme il le serait à l'admission des planches, des madriers et des bois de charpente, parce que tous ces produits sont fabriqués également en France et que l'industrie nationale est déjà assez attaquée par la concurrence étrangère, sans qu'il soit besoin de faciliter encore cette concurrence. Bois scié». Ce fut avec une douloureuse surprise que le commerce des bois apprit, lors de la revision générale du tarif des douanes, en 1910, que la Com- mission des douanes, sur l'initiative de son rapporteur, M. Bouctot, — désireux sans doute de favoriser le mouvement des ports de la Manche et de la mer du Nord, région dont il était le représentant, — proposait une diminution du droit qui frappe les planches de 25, 27 et 30 millimètres d'épaisseur à leur entrée en France, non seulement pour la planche sapin, mais pour toutes les essences. D'après le tarif actuel, les bois équarris ou sciés de 80 millimètres et au-dessus payent, par 100 kilogrammes, 1 fr. 50 au tarif général et un franc au tarif minimum. Les bois équarris ou sciés, d'une épaisseur inférieure à 80 millimètres et supérieure à 35 millimètres, payent 1 fr. 75 au tarif général et 1 fr. 25 au tarif minimum. Les bois sciés, de 35 millimètres d'épaisseur et au-dessous, paient 2 fr. 50 au tarif général et 1 fr. 75 au tarif minimum. Au tarif minimum, la planche paie 1 fr. 75 de droits par 100 kilo- grammes ; le rapporteur proposait de la mettre dans la catégorie des sciages payant seulement 1 fr. 25. C'était donc une réduction de 0 fr. 50 par 100 kilos, soit 2 fr. 50 par mètre cube fabriqué. Sous une apparence inoiîensive, cette proposition entraînait, en raison du déchet infligé à la propriété forestière, une perte d'environ 2 francs par mètre cube sur pied. Elle menaçait, en outre, l'élément principal de notre industrie du bois : la planche, cet article courant, base de fabrication des scieries, qui, sans elle, ne sauraient comment occuper leurs ouvriers d'une façon continue, si elles n'avaient pas cet article qui peut être fabriqué, d'avance, par grandes quantités. Il n'est pas douteux, d'autre part, que l'étranger qui déjà nous envoie des quantités de planches profiterait d'un abaissement des droits pour augmenter la "production de cet article et pour nous inonder au point de fermer entièrement le débouché à la production nationale, et, de l'encom- brement, résulterait l'enlisement des prix. Et nous ne parlons pas de l'injustice choquante qu'il y avait à frapper d'un même droit de 1 fr. 75 par 100 kilogrammes, des feuillets de chêne, de 15 millimètres d'épaisseur valant 400 francs le mètre cube et des planches de sapin de 27 millimètres d'épaisseur valant 60 francs le mètre cube. Ce projet provoqua dans toute la France un mouvement de protes- tation unanime. Une opposition vigoureuse eût raison de la menace de M. Bouctot et les anciens droits, grâce à l'intervention de M. Fleurent, alors député de Saint- Dié, furent maintenus par la Commission des douanes. M. Bouctot cherchait à légitimer la mesure qu'il proposait par l'intérêt Tjui s'attache à réduire le prix des logements ouvriers : Or, dans une — 38cS — INTERNATIONAL lOliî maison ouvrière de 3.000 francs, on peut admettre qu'il entre bien 200 mètres carrés de planches de 27 millimètres pour la construction, ce qui fait une économie de 10 à 15 francs, soit les 5 millièmes du montant total de l'entreprise. Il faut noter ici une demande très légitime, présentée par la Chambre de Commerce du Jura, en vue de la création d'une classification nouvelle pour les sciages inférieurs à 11 milhmètres d'épaisseur dont la valeur intrinsèque est incomparablement supérieure. Cette nécessité est d'autant plus grande que les pièces sont coupées de longueur pour être assemblées et que, dans la catégorie nouvelle rentreraient les véritables bois façonnés. M. Pasqual, député du Nord, a déposé en mars 1911, sur le bureau de boLs (•oiiiie[)ia- la Chambre une proposition de loi tendant à frapper d'un droit de douane '*"'''* les bois contreplaqués à leur entrée en France. On sait que les bois contreplaqués sont des feuilles de bois de faible épaisseur déroulées en grande surface et collées ensuite ensemble ; on obtient ainsi le maximum de rendement des bois. Ces bois contreplaqués sont employés pour les meubles, les chaises, les lambris, et comme ils sont obtenus en grande surface, ils font une économie de main-d'œuvre. Les ébénistes, fabricants de chaises, menui- siers, en font usage. Ces bois sont importés par milliers de tonnes en France chaque année d'Allemagne, de Russie, d'Autriche. Cette impor- tation augmente tous les jours. Or, il existe en France des usines qui no peuvent prospérer à cause de cette concurrence étrangère, et, cependant, grâce aux bois de nos colonies, comme l'okoumé, le tulipier et autres essences, grâce aux essences telles que l'aulne, le hêtre, le bouleau, qui se trouvent en abondance dans nos forêts de l'État et des particuliers, ces usines pourraient s'alimenter sans faire appel à l'étranger. Tels sont les motifs qui ont déterminé M. Pasqual à présenter sa pro- position de loi. La proposition elle-même tend à ce que les droits de douane qui frappent actuellement les marchandises groupées sous le n^ 601 de notre tarif douanier, soient augmentés dans les proportions suivantes : Marchandises Droit actuel Droit proposé Panneaux 12 fr. 50 40 francs ) par tonne Fonds des sièges ... . 18 » 45 » [ de Autres 12 » 30 » ) 100 kilogs. Ces nouveaux tarifs seraient encore très modérés. Les bois dont il s'agit sont, en effet, relativement légers. Les panneaux de 3 millimètres pèsent 1.700 grammes par mètre carré en moyenne : ceux de 4 milli- mètres de 2.500 à 2.900 grammes et ceux de 5 millimètres de 2.800 à 3.300 grammes. Le droit par mètre carré serait donc très faible. Presque toutes les chambres syndicales du commerce et de l'indu.strie en bois ont demandé le vote de la proposition Pasqual. Il semble donc que la Chambre des Députés n'ait plus qu'à adopter sans tarder davantage une proposition de loi qui est déposée depuis plus de deux ans, et au sujet de laquelle le commerce intéressé a émis un avis unanimement favorable, sauf, toutefois, quelques intermédiaires, agents de maisons étrangères. Le commerce des bois est loin de préconiser une protection à outrance Menaiuît. — 389 — CONGRES FORESTIER et de demander une augmentation générale de tous les bois étrangers entrant en France. Aussi, en ce qui concerne le merrain, n'avons-nous jamais sollicité aucun relèvement qui ferait renchérir la futaille et élève- rait encore les frais des viticulteurs, bien que le prix de la main-d'œuvre ait considérablement augmenté, et que le prix du merrain n'ait pas été relevé dans les mêmes proportions. Dernièrement, la Chambre de Commerce de Bordeaux a présenté une demande tendant à l'admission temporaire des merrains, en vue du sciage pour leur réexportation. Certains pays d'Europe, de même que nos colonies, ne sont pas encore outillés pour scier les merrains : et il y aurait intérêt à ce que ces pays s'adressent à nous pour la fabrication de la tonnellerie. Le trafic et la main-d'œuvre de nos ports ne peuvent que ressentir de bienfaisants effets de cette mesure. La facilité réclamée pour le sciage et le façonnage de ces bois en France permettrait au commerce d'exportation du bois et de la tonnellerie de lutter contré la concurrence étrangère et procure- rait aussi un fret important à la marine marchande, telles sont les consi- dérations que fait valoir la Chambre de Commerce de Bordeaux à l'appui de sa demande. Le commerce des bois s'associerait volontiers à cette demande, s'il n'avait la crainte justifiée, de voir cette admission temporaire favoriser outre mesure la fraude, ainsi que nous l'avons expHqué précédemment, au sujet de l'admission temporaire des douvelles de sapin. Fuiaiiiis. La futaille étrangère est frappée d'un droit inférieur, de beaucoup, aux droits élémentaires sur les merrains et cercles ; la tonnellerie entre même en franchise comme emballage dans nombre de cas. Ce fait cons- titue une faveur destructive de toute protection, à tel point que, si la tonnellerie française lutte souvent avec avantage sur les marchés mon- diaux, elle se voit menacée, sur nos propres marchés, qui restent ouverts aussi bien par des tarifs de pénétration pour les transports économiques, que par des droits d'entrée insuffisants. Il y a là une anomalie que nous signalons tout spécialement à l'attention des pouvoirs publics. Ch.1^bou^is. La Fédération des syndicats du commerce des bois de France a demandé que le droit de douane sur les charbons de bois soit porté de 1 franc les 100 kilogrammes, tarif minimum, droit actuel à 2 francs. Cette proposition a pour but de conserver l'emploi de milliers de stères de menus bois en France. Utilisés jadis à la fois par l'industrie et la consommation ménagère, les charbons de bois eurent longtemps un dé- bouché suffisant et rémunérateur. Il n'en est plus ainsi aujourd'hui, mal- heureusement. La consommation de ce produit est en diminution con tinue. L'utilisation toujours croissante de la houille et du gaz lui a été des plus funestes et, dans les grands centres, l'abaissement du prix du gaz lui a porté un coup mortel. Cette situation est entièrement préjudiciable à la forêt française. C'est une cause de plus pour favoriser le déboisement. De plus, des milliers d'ouvriers charbonniers qui vivaient pendant la moitié de l'année, du travail si sain de la forêt, sont obligés de quitter les campagnes déjà trop désertées pour aller chercher, dans les villes, l'occupation que nos bois ne peuvent plus leur fournir. L'augmentation des droits de douanes que nous demandons sur les — 390 — INTERNATIONAL 1913 charbons de bois aurait pour résultat de venir en aide à l'exploitation de nos taillis déjà si précaire. Il s'agit de conserver l'emploi de deux millions de stères de menus bois, La main-d'œuvre qui s'y applique, façon de bois, carbonisation, transport, peut être évaluée à dix ou quinze millions par an. Elle doit être conservée à l'ouvrier français. Le charbon de bois est un produit exclusivement national. En outre, on facilitera la créatiori d'usines à distiller le bois en France. Un large débouché sera créé ainsi pour nos charbons de bois dans les départements peu boisés du midi qu'envahissent en ce moment les charbons étrangers, moins chers,_ à cause du bon marché de la main-d'œuvre italienne, mais de qualité médiocre. Dans le même ordre d'idées, il convient de signaler les démarches Méthylène, faites par l'Union syndicale des usines de carbonisation des bois de France, en vue d'obtenir un relèvement des tarifs à l'entrée en France du méthylène étranger qui vient concurrencer chez nous les produits de notre pays et avilir les prix. Le méthylène paie, à l'entrée en France, 13 francs les 100 kilogrammes sur le net, lorsqu'il renferme moins de 20 % d'acétone, 15 francs les 100 kilogrammes lorsqu'il renferme plus de 20 % d'acétone. Il paie, d'autre part, sur le net, 25 francs en Allemagne, 96 francs en Autriche, 300 francs en Belgique, et 37 fr. 50 en Italie. Il résulte clairement de cette comparaison que, dans tous les princi- paux pays d'Europe, sauf l'Angleterre, où règne le libre échange, le méthylène est protégé plus qu'en France. D'autre part, les cours du méthylène oscillant entre 78 francs et 82 francs, l'élévation des droits de douane qu'on demande à porter de 13 et 15 francs, à 25 francs, aurait pour résultat de porter le prix de vente du méthylène régie à 82 francs, plus 13 francs, total : 95 francs. Or, ce relèvement des cours du, méthylène ne saurait entraver en rien l'essor de la consommation de l'alcool dénaturé, puisque, depuis 1902, le coût du dénaturant est remboursé au dénatureur, à raison de 9 francs par hectolitre d'alcool, puis soumis à la dénaturation et que cette ristourne de 9 francs a été calculée en prenant pour prix de vente du méthylène, le cours de 104 francs l'hectolitre. Il reste donc, une marge suffisante entre 95 francs et 104 francs, pour que la demande des carbonisateurs puisse être accueillie favorablement. Bois de Quehracho en huches. — On sait que le bois de Quebracho des- . tiné à la fabrication d'extraits tanniques nous arrive principalement de la République Argentine ; il entre chez nous librement, en franchise de tous droits de douane, alors que ses extraits concrets et liquides, acquittent respectivement les taxes suivantes, aux 100 kilogrammes : Au tarif général . \ Fr. 8.00 et 5.00 Au tarif minimum ^. 5 .50 — 3 .50 v Depuis une quinzaine d'années, l'emploi du bois de Quebracho a pris en France une grande extension et supplante en partie l'emploi de l'écorce de chêne, au grand détriment des intérêts de nos propriétaires de taillis. Ce bois coûte moins cher que le chêne, mais aussi il est acquis maintenant que son tannin donne un cuir beaucoup moins bon que celui du chêne. — 391 — CONGRES FORESTIER Des expériences faites par des experts ont démontré, en eiîet,que le cuir, tanné avec des extraits n'est pas suffisamment souple, est trop perméable se prête difficilement aux réparations et donne aux chaussures en moyenne un poids de 450 grammes supérieur à celui des chaussures faites de cuir tanné à l'écorce de chêne pure. (Le tarif douanier allemand du 1^"" mars 1906 frappe le quebracho,d'un droit de aucoup d'im- patience et d'anxiété ce moment, lueurs pins sont exploitables main- tenant, et ils n'ont pas le moyen d'arriver à une rémunération, si ce n'est de les vendre pour en faire des étais de mine ou de la pâte à papier. Or, cette année-ci, et l'année dernière, dans la région dont je parle — je ne généralise pas — les prix des étais de mine ne sont pas rému- nérateurs pour les propriétaires : d'autre part, on ne demande plus du tout de bois pour la pâte à papier. Je n'examine pas les raisons de ces faits, je ne crois pas les connaître suffisamment pour les indiquer, je vous les signale simplement. Si nos propriétaires, d'ici à quoique temps, ne peuvent tirer parti des pins arrivés à l'âge d'exploitation, je vous déclare que ce mouvement si intéressant do reboisement d'une partie du territoire français sera arrêté brusquement, et qu'il nous sera impossible de recommencer un mouvement que nous avions fait naître avec tant de peine, il y a vingt ou vingt-cinq ans. Par quel moyen arriverons-nous à donner satisfaction à ces proprii'- taires. Gomme vous, je ne crois pas qu'il faille établir des droits prohi- bitifs, mais c'est à la deuxième section du congrès à voir si peut-être des droits modérés ne pourraient pas leur donner satisfaction dans une certaine mesure. Je suis incompétent sur ce point, je l'avoue. Mais je vous demande de prendre en considération cette situation très digne d'intérêt et d'examiner une question qui peut avoir une très grande répercussion sur le reboisement du territoire français. .M. Sébastien. — On vient de nous dii'c qur, dans la région lorraine, les bois n'étaient plus exploités ol ([no Ton manquait la vimiIo dfs — 396 -— lî^TERNATIONAL 1913 bois pour la pâte à papier ou pour les étais de mine. Est-ce que M. le rapporteur pourrait nous dire ce que vaut actuellement le bois pour étais de mine en France, et ce qu'il vaut pris à l'étranger? Ce serait intéressant à savoir. M. \'iLLAME. — On a calculé que l'augmentation du droit do douane... M. Sébastien. — Je parle du prix de revient. M. GuYOT. — Cela dépend des catégories. M. ViLLAME. — Il vaut, selon les catégories, de 20 à 30 francs (grand maximum) le mètre cube réel, rendu sur le carreau de la mine. M. Sébastien. — Et les bois étrangers? M. ViLLAME. — Sensiblement les mêmes prix. M. Sébastien. — Ah ! c'est intéressant à savoir ! M. ViLLAME. — Les producteurs français ne peuvent pas augmenter leurs prix de vente, parce qu'ils sont concurrencés par l'importation étrangère et, d'une façon d'autant plus dangereuse que nous ne pouvons pas prévoir cette importation. La preuve en est donnée par les statistiques douanières. D'une année sur l'autre, on trouve facile- ment 50, 60, 80.000 tonnes de différence et quand on jette ainsi sur le marché français un tel supplément d'importations, nous avons de justes motifs de craindre que cela gêne notre production nationale. Le droit de douane appliqué actuellement, au tarif minimum, est de 0 fr. 30. Nous avons demandé en 1910, sans pouvoir l'obtenir, qu'il fut porté à 0 fr. 65. J'avais calculé, et mes calculs ont été publiés et n'ont jamais été démentis ni contredits, que cette augmentation sur les bois de mine aurait amené une augmentation d'un centime sur le prix de revient de la tonne de charbon. Est-ce bien la peine de jeter d'aussi hauts cris pour une telle augmentation? M. Sébastien. — Vous n'avez nullement répondu à ma question. Pour demander une augmentation du droit de douane, il faudrait arriver à prouver que le produit étranger coûte meilleur marché que le produit français. Or, vous ne faites nullement cette preuve. AI. A'iLLAME. — Mais les producteurs français sont concurrencés. M. Sébastien. — Vous ne citez aucun chiffre. Nous le sommes tous, concurrencés ! M. ViLLAME. — Si une mine est sollicitée par deux vendeurs, l'un français, l'autre étranger, et si le producteur étranger fait, ce qui est le cas, des prix inférieurs... — 397 — COKGRES FORESTIER .M. Sébastien. — Quels sont ces prix? M. Villame. — Ils varient sensiblement entre 2, 3 ou 4 francs le mètre cube, en moins. M. Sébastien. — Il faut mettre le doigt sur la plaie. Si les bois de mine français coûtent 20 francs — je prends un chiffre quelconque — et les bois de mine étrangers 18 francs, il faut effectivement faire tout ce que l'on pourra pour éviter cette différence. Il ne faut pas mettre des droits prohibitifs, mais il faut établir un droit qui forcera les étrangers à vendre au même prix que les producteurs français : on augmentera donc le droit de 2 francs. Mais si les poteaux de mine français valent 20 francs et les poteaux étrangers 22 francs sur le carreau de la mine française, vous n'avez pas besoin de droit de douane. M. Villame. — Y a-t-il dans la salle des négociants en bois de mines?... jM. le Président. — Votre argumentation ne résoudrait pas complète- ment la question. M. GuYOT. — Je sais que les propriétaires se plaignent beaucoup de ce qu'on ne leur donne, pour des bois de pin âgés de 30 ans, que 6 francs environ le stère, soit 8 francs par mètre cube. Un Congressiste. — Est-ce le stère de mine? AI. GuYOT. — Ils estiment que ces prix sont insuffisants et je suis de leur avis. M. le Président. — L'hypothèse dont on parlait tout à l'heure ne se réalisera jamais. Quand les poteaux de mines coûteront 22 francs, à l'étranger, les producteurs français,- au lieu de vendre les leurs 20 francs, les augmenteront de 2 francs. M. Sébastien. — C'est là la question. Les poteaux de mines venant de l'étranger valent plus que les bois de mines français. AI. le Président. — L'équilibre se rétablira toujours d'une manière générale. M. DU Pré de Saint-Maur. — C'est contraire à l'intérêt des proprié- taires. Ils prétendent que la quantité de poteaux de mines exportée augmente chaque année et il est vraisemblable que le trafic continuera de la même façon, attendu que, dans les pays Scandinaves, on a mis un droit à la sortie afin que le travail se fasse dans le lieu de produc- tion. Vous savez bien qu'il ne vient jamais, du Canada, un étai de raines ; ils vont tous au déiibrage dans le même pays. — 398 — / INTERNATIONAL 1913 Les marchands de bois du Haut-Nivernais vous répondront de la même façon que les demandes de r^\ngleterre, de la Belgique, vont en augmentant, ainsi que celles de nos mines du nord, car les résineux leur arrivent plus cher des pays Scandinaves. Au congrès de Rouen, il y a quelques années, j'ai vu arriver en peu de temps trois bateaux de 1.400 tonnes chargés de bois tant qu'ils en pouvaient tenir. Les bateliers m'ont dit qu'ils allaient à Swansea, à Cardiff, et quand je leur demandais ce qu'ils allaient exporter, ils me répondaient : « Mais rien du tout, nous remplissons nos caisses d'eau et nous partons. » Si nous avions eu là des étais de mines, croyez-vous donc que nous n'aurions pas trouvé un débouché facile en Angleterre? Evidemment, et je crois que les étais de mines sont un objet d'exportation dont nous pourrions tirer des revenus. M. GuYOT. — Les bénéfices sont minces. M. Sébastien. — Voyez les statistiques. M. DU Pré de Saint-Maur. — Cela a encore un autre intérêt. Dans le Nivernais, il se passe quelque chose de bien intéressant au point de vue économique. Chacun sait que les bois de chauffage ne comptent guère. Un cer- tain nombre de marchands de bois se sont entendus avec les mines du nord et avec les petits bateliers qui viennent apporter le charbon du nord et remportent nos étais de mines. C'est très pratique, pour 6 fr. 50 à Anzin et 7 francs à Charleroi, ils transportent nos bois, choses que ne font ni les chemins de fer, ni les autres modes de trans- port. Ils annoncent aux marchands de bois qu'ils passeront tel jour ; ils déchargent leur charbon, chargent les bois et s'en vont. Des amis de M. Villame pourraient lui fournir des renseigTiements très précieux à cet égard. M. Vœlckel. — Voici ce que dit M. Mélard à ce sujet : « Les bois de 0 m. 60 et au-dessous se composent en majeure partie de bois de mines (perches et étançons). Sommes-nous vraiment, en ce qui concerne ces produits, en présence d'un afflux de marchandises étrangères dont il faille se défendre par des mesures énergiques? Il n'en est rien. La production française de bois de mines est tellement supérieure à nos besoins que nous en exportons chaque année une quantité considérable et que tous nos efforts doivent consister, non à leur fermer nos frontières, mais à leur ouvrir largement les marchés étrangers et à éviter soigneusement toute me.sure pouvant servir de prétexte à représailles ». M. Grand. — Si ce renseignement peut être utile, je dirai que, dans les bois du Sud-Ouest, des Landes et de la Gironde, nous faisons une — 399 — CONGRES FORESTIER exportation considérable de poteaux de mines. C'est un des emplois les plus importants des pins de la région. Ces poteaux de mines se vendent entre il et 12 francs les 1.000 kilogrammes et ce prix est, considéré comme suffisamment rémunéra- teur. J'ajouterai qu'il est exe 'j^sivement rare qu'on les vende pour la France; la grande majorii' sont exportés. M. Vœlckel. — On en exporte 570.000 tonnes. M. Hollande. — Eh bien, supposez qu'on mette un droit, même pas prohibitif, mais simplement protecteur à l'exportation des bois de mines. Immédiatement, l'Angleterre mettra les mêmes droits sur nos bois de mines ou autres. Croyez-vous donc que les propriétaires forestiers des Landes accep- teront avec plaisir qu'on mette un droit chez nous sachant que l'Angle- terre fera de même? M. Grand. — Ils ne l'accepteront pas avec plaisir ; mais rien ne prouve que l'Angleterre nous répondrait du tac au tac. M. Hollande. — Quand on parle d'instituer un droit de ce genre, il faut prévoir les conséquences. .M. Grand. — Si l'Angleterre établissait ce droit, elle supporterait peut- être à elle seule les conséquences. M. Delahaye. — Dans les dunes de la Charente-Inférieure et de la Vendée, les pins maritimes servent à faire des poteaux envoyés presque tous en Angleterre. Or, en Vendée, nous vendons le stère de pins maritimes, bois de feu, 8 francs et le pin maritime exporté comme pc lux se vend 25 francs et plus. .M. Vœlckel. — Il est estimé 28 francs pour Texportation. -M. DE Sérille. — J'ai demandé la parole pour dégager quelque peu ma responsabilité. Nous traitons une question particulière à la France et ji ne voudrais pas qu'on puisse dire que, représentant de la Belgique, j'; i appuyé des droits protecteurs. Nous sommes tous libres-échangiste et, quoique nous ayons à souffrir pas mal de l'importation des L is étrangers, puisque nous en importons actuellement pour près de 200 millions, nous estimons que les droits protecteurs n'ont jamais sauvé la situa- tion, quelle qu'elle soit (Applaudissetnents). M. LE Président. — Nous sommes très heureux de cette déclaration ; nous avons intérêt à savoir ce qui se passe à l'étranger. — 400 — I N T E H .N A TI O >■ A 1 . 1 9 1 0 A mon sens, le débat a quelque peu dévié et si nous voulons examiner successivement chaque marchandise, nous n'en sortirons pas. Ce qu'il faut savoir, c'est le sens général dans lequel le Congrès désire s'orienter. Il s'agit forcément de a France et, après avoir pris connaissance avec intérêt de ce qui fait ailleurs, nous avons à choisir entre une orientation protectic liste ou libre-échangiste. C'est dans ce sens que nous allons i' «ir à nous prononcer. M. Vœlckel demande la suppression du premier vœu présenté par M. Villame et qui est ainsi conçu : «i 1° Que, lors de la prochaine révision des tarifs douaniers, il soit fait droit aux demandes du commerce des bois français, dans le sens de leur protection. » Je mets aux voix ce vœu. Le vœu est repoussé par 18 voix contre 14. La question étant très grave et le vote restant acquis, je pense qu'il serait bon de faire venir la question en séance plénière. Nous venons d'exprimer, sous une forme négative, l'opinion de la Section, mais je voudrais la voir émise sous une forme positive. M. Vœlckel. — Je demande simplement qu'on ne touche pas aux tarifs douaniers actuels. La forêt française est suffisamment protégée et la proposition de AL \'illame serait la déforestation complète. M. Raisin. — J'avoue qu'après avoir entendu les différents orateurs qui ont pHs la parole, je ne puis pas me faire une opinion précise. Ils n'ont apporté, dans ce débat, aucun argument probant me permettant de me prœ_ /ncer dans un sens ou dans l'autre. Dans ces conditions, le seul vof ' à émettre serait, à mon avis, de renvoyer la question à l'étude, sou d'accord avec l'Administration des douanes, soit avec les Fédérations. -\1. DL Pré de Saixt-Mair. — 11 est bien difficile d'avoir ici quelque chose de i récis. La solution doit varier avec toutes les espèces de bois dont il es' question. -M. Grand. - Parfaitement. Il y a des bois que nous exportons, d'autres que nous I iportons, on ne peut leur appliquer la même mesure. M. LE Président. — Vous avez rejeté l'orientation dans le sens pro- tecteur... M. Hollande. — Pardon, nous n'avons rien rejeté du tout. .Nous demandons le maintien du statu quo. Ne retournez pas en arrière. LOI CONGRES FORESTIER M. Vœlckel. — J'ai demandé le rejet du vœu de M. Villame. Ma pro- position a été adoptée, il n'y a plus à y revenir. M. LE Président. — Évidemment, mais il serait bon que le Congrès soit saisi de la question. Or, il ne le sera pas, en séance plénière, si nous nous bornons à exprimer notre opinion en supprimant le vœu de M. Villame. Je demande donc à M. Vœlckel de formuler sa proposition dans un sens positif afin que nous ayons un texte précis portant qu'aucune modification ne doit être apportée aux droits de douane actuels. M. GiYOT. — Je formule cette proposition. M. Hollande. — Alors vous allez revenir sur le vote acquis?... Je pro- teste contre cette manière de faire et je vais me retirer {Protestations). jM. le Président. — Pas du tout, nous confirmons notre premier vote, mais de telle façon que la séance plénière du Congrès soit saisie d'un texte précis. II n'y a là rien de désobligeant pour personne, c'est tout simplement une question de rédaction et je sais que vous êtes tout le premier à désirer qu'il n'y ait pas de vote de surprise. M. Vœlckel. — Il n'y a pas eu de vote de surprise. M. le Président. — M. Guyot reprend la proposition tendant à demander qu'il ne soit apporté aucune modification aux droits de douanes actuel- lement en vigueur sur les bois. M. Grand. — Ce vœu n'a pas la même signification. M. du Pré de Saint-Maur. — Est-ce bien utile de voter cette nouvelle proposition? Pendant combien de temps en sera-t-il ainsi? Au con- traire, en admettant la proposition de M. Vœlckel, nous n'envisa- geons pas la question qui reste entière. M. le Président. — Le gros intérêt, à mon sens, est de saisir le Congrès, en séance plénière. M. Vœlckel. — Tous les vœux émis dans nos séances reviendront donc au Congrès?... M. LE Président. — Parfaitement, mais si nous adoptons simplement votre proposition, la question des douanes ne viendra pas en séance plénière. M. Bolvet. — La question nous passionne et à juste titre. Les droits de douane datent de 1882, je crois ; c'est M. Méline qui a fait voter l'ensemble des lois protectrices, disons mieux, com- — 402 — INTERNATIONAL 1913 pensatrices, sur tous les produits agricoles et les droits sur les bois. Je m'en souviens d'autant mieux que j'ai pris une large part, avec- la Société forestière de Franche-Comté, à cette discussion et qu'avec M. Viette, notre compatriote, nous avons fait établir ces droits. M. Vœlckel. - En 1891. M. Bouvet. — Peut-être. Nous avons voulu avoir des droits ad valorem^ c'est-à-dire non prohibitifs et non exorbitants, mais seulement com- pensateurs. Nous sommes tous d'accord, je l'espère, sur ce point, que nos produits français soient sur le pied d'égalité avec les produits étran- gers, c'est-à-dire que ces derniers supportent les mêmes frais et les mêmes charges que les nôtres. Etant donné l'origine de ces droits, nous devons manifester notre intention ou qu'on a mal agi en 1891, ou qu'on pourrait faire mieux, ou que nous désirons le statu quo. Le statu quo serait un minimum ; je serais plutôt partisan d'une légère augmentation, suivant les circonstances et suivant les produits; en tout cas, il ne faut pas revenir en arrière. La proposition de M. Guyot peut, à la rigueur, nous donner satis- faction, je l'approuve comme un minimum et surtout parce que ce n'est pas un recul. M. Vœlckel. — Nous ne voulons pas revenir en arrière. M. le Président. — Alors vous devez vous rallier à la proposition de M. Guyot. M. Vœlckel. — Je demande le maintien du statu quo et la suppression du vœu de M. ^ illame. M. LE Président. — Remarquez que si nous ne nous prononçons pas autrement, on pourra augmenter ou diminuer les droits, tandis que M. Guyot demande qu'il n'y ait aucune modification, ni dans un sens ni dans l'autre. Je suis saisi d'un vœu ferme de M. Guyot présenté en section au moment de la discussion, c'est-à-dire dans des conditions parfaite- ment régulières. Je mets aux voix le vœu présenté par AI. Guyot tendant à ce qu'aucune modification ne soit apportée aux droits actueUement en vigueur sur les bois. M. Vœlckel. — Je demande à mes amis de voter avec moi ce vœu. Le vœu de M. Guyot est adopté. AL le Président. — Nous allons examiner le second vœu du rapport de M. Villame : — 403 — CONGRES FORESTIER « 2° Que la proposition de Loi de M. Loth député du Pas-de-Calnis, tendant à V admission temporaire des dmwelles de sapin, soit rejetée ». M. Sébastien. — Dans son rapport, M. Villame a parlé de la fraude, je voudrais bien quelques explications à ce sujet. Qu'entendez-vous par là?... M. Villame. — J'ai emprunté cette formule à l'administration des douanes, je l'ai trouvée dans un rapport. Quand il s'agit d'admission temporaire, on envisage toujours la possibilité de la fraude. M. Sébastien. — Vous devez cependant connaître l'administration des douanes. M. N'illame. — Je ne suspecte personne, mais vous savez bien que, même à l'octroi de Paris, il faut une surveillance active. On peut citer des faits. On entre une certaine quantité de bois en admission temporaire et on en ressort une moindre quantité à la faveur de déclarations inexactes. M. Sébastien. — C'est très grave ce que vous dites là. M. Vœlckel. — Vous accusez les commerçants en bois d'être des frau- deurs. M. Villame. — C'est la douane, ce n'est pas moi. M. Vœlckel. — Ce sont des fonctionnaires qui le prétendent. M. Villame. — Et nous nous rangeons à leur avis {Protestations). M. LE Président. — Tout le monde sait bien que, dans tous les corps de métier, il y a des personnalités de caractères différents. 11 n'y a donc pas de déshonneur pour les commerçants en bois à admettre que certains systèmes peuvent favoriser la fraude. Les commerçants sérieux et honnêtes doivent être les premiers à reconnaître qu'il y a des possibilités de fraude, ce qui n'entache en rien l'honorabilité de la corporation, mais oblige à prendre certaines précautions quand il s'agit de légiférer. M. Sébastien. — Vous dites, dans votre rapport, au sujet des merrains ; « Le commerce des bois s'associerait volontiers à cette demande, s'il n'avait la crainte justifiée de voir cette admission temporaire favoriser outre mesure la fraude, ainsi que nous l'avons expliqué précédemment, au sujet de l'admission temporaire des douvelles de sapins ». Où en avez-vous parlé?... -M. Villame. — Voyez page quatre de mon rapport. INTERNATIONAL 1913 M. Sébastien. — En effet, je lis : « En laissant de côté les fraudes que favorise presque toujours Tadmission temporaire ». Ce n'est pas une explication. M. ViLLAME. — C'est un fait. Nous n'incriminons personne. M. Vœlckel sait bien que l'Administration des douanes serait disposée à accepter, mais qu'elle prend toutes les précautions nécessaires contre la fraude possible. Nous nous rangeons à son avis. iM. Hollande. — On pourra demander le rejet de la proposition de Loi" de M. Loth, mais il faudrait plutôt réclamer des mesures spéciales prises en vue d'éviter la fraude. M. LE Président. — Ce n'est pas toujours facile. Dans les questions de police de ce genre, il y a bien des mesures, bien des interdictions à ordonner pour éviter la fraude. M. GuYOT. — Je comprends la susceptibilité de l'honorable corporation des marchands de bois. 11 pourrait être très désobligeant pour elle de voir insérer, dans un vo?u rendu public, de pareilles insinuations. M. LE Président. — Les considérants du rapport n'engagent que le rédacteur, je l'ai déjà dit hier. Le vote ne porte que sur les dispositifs du vœu. M. Sébastien. — Quelles sont les fraudes que redoute M. Villame?... M. Bouvet. — Rappelez-vous que nous venons de demander le main- tien du statu qiio. M. Sébastien. — Nous demandons aussi le statu quo pour les entrées. M. Vœlckel. — Pour les marchandises consommées en France. AL Hollande. — Il faut considérer la chose à un point de vue très élevé. Vous savez que la France n'a malheureusement pas de moyens de navigation suffisants. Les flottes marchandes étrangères s'accroissent et envahissent nos ports et nous subissons constamment des augmen- tations de fret, de droit de quais, et de nouvelles difficultés d'embar- quement qui n'existent pas ailleurs au même degré. Or, nous avons la chance d'être un pays forestier et de pouvoir vendre à l'étranger beaucoup de nos bois, alors que la Belgique est un pays de transit pour l'Allemagne. Il serait intéressant pour nous de pouvoir recevoir dans nos ports de grandes quantités de bois, de les y entreposer et de faire la réexpé- dition sans avoir à payer de droits de douane. Allez à Anvers, à Rotterdam, vous y verrez continuellement arriver des bois, non pour le pays lui-même, mais pour les réexpéditions. Il — 403 — CO>^GRES FORESTIER y a des bois qui viennent d'Allemagne à Anvers ou à Rotterdam pour aller en Suisse. Craignez-vous donc de faire gagner quelques francs à nos Compagnies maritimes qui transporteraient les bois admis temporairement en France?... M. LE Président. — Vous venez de défendre, avec beaucoup de talent — et je vous en félicite — l'admission temporaire et le système des ports francs. C'est une grosse question qui peut être envisagée à différents points de vue : ou en vue de la suppression de cette introduction, à cause des difficultés de la surveillance, ou en vue de donner satisfaction à ce grand commerce international dont vous parlez. Le Congrès doit se prononcer par son vote. M. Vœlckel. — Je demande la suppression des vœux 2 et 3. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu N» 2 présenté par M. Vil- lame. Ce vœu est rejeté par 18 voix contre 12. M. LE Président. — Le vœu n"^ 3 est ainsi conçu : « 3" Que, cVune manière générale, les admissions temporaires des bois ne soient pas accordées, parce que fai^orisant la fraude ». M. GuYOT. — Je demande la suppression des derniers mots : « Paire que favorisant la fraude )'. M. le Président. — Le rejet du va?u n° 2 n'implique pas celui du troi- sième. Il traite la question « d'une manière générale ». M. Vœlckel. — 11 est beaucoup plus grave que le précédent. M. Sébastien. — Avez-vous une raison. Monsieur le rapporteur, pour supprimer l'admission temporaire? M. Villame. — J'ai discuté avec des fonctionnaires des douanes et nous sommes tombés d'accord que l'admission temporaire est très dange- reuse, parce qu'elle favorise la fraude [Protestations). M. Sébastien. — Ce n'est pas une raison suffisante. Retirez vous-même ce vœu. M. Hollande. — Je suis membre de la Commission permanente des valeurs en douane. Je connais beaucoup de vérificateurs des douanes qui déclarent eux-mêmes qu'ils ne connaissent rien aux bois. Que voulez-vous, il faudrait qu'ils s'y connaissent en tout, ce n'est pas pos- sible ; si on ne leur apportait pas de marchandises, ils seraient beaucoup- plus heureux et ne se tromperaient pas. ( — 406 — INTERNATIONAL 1913 Al. Vœlckel. — M. Villame prétend que la France a suftisamment de bois ; c'est inexact. M. ViLLA.ME. — Je n'ai jamais prétendu que la France produisait suffi- samment de bois. M. Vœlckel. — J'en prends acte bien volontiers. M. Sébastien. — Enfin, nous direz-vous pourquoi vous repoussez l'ad- mission temporaire? M. Villame. — Parce que — pour prendre un exemple — on peut entrer, je suppose, 8.000 mètres cubes à la faveur de l'admission tem- poraire, c'est-à-dire sans payer de droits, et qu'il est facile d'en faire sortir 10.000 mètres cubes. M. Sébastien. — Vous avez une piètre idée des importateurs et des exportateurs. -M. Vœlckel. — Le directeur des douanes lui-même protesterait s'il vous entendait. M. \'iLLAME. — Le fait est connu, on peut frauder partout, à l'octroi comme à la douane. -M. Sébastien. — J'aflirme que jamais nous ne fraudons ainsi, mes collègues sont là pour le dire. M. Hollande. — \'ous venez de dire qu'on pouvait sortir moins de bois qu'on n'en avait fait admettre temporairement. Voulez-vous me permettre de vous expliquer ce qui se passe. Lorsque le bois arrive dans un port, s'il est vendu au mètre cube, la douane ou l'octroi font passer tous les camions en bascule et font payer les droits sur le certificat de pesage. S'il est vendu au poids, le certificat d'octroi ne suffit pas, la douane exige que les bois passent une fois de plus en bascule. Lorsqu'on sort le bois, on repasse en bascule et non sur une bascule quelconque, sur celle de l'octroi du Havre, par exemple. Vous pouvez, à ce sujet, vous renseigner auprès de M. Morgand, adjoint au maire du Havre, ou de M. Couvert, à la Chambre de Commerce. Il est donc impossible de frauder à la douane, d'autant plus que l'Administration exige la production du connaissement qui porte ou le nombre de mètres cubes ou le nombre de billes ou le poids. La fraude est donc impossible pour tous les bois, quels qu'ils soient. M. Grand. — Ce vœu présente-t-il un grand intérêt pour le fisc ou pour les particuliers? M. Vœlckel. — L'admission tomporaire consiste à mettre en entrepôt, — 407 — CONGRES FORESTIER dans les ports de mer, des bois qui vont ensuite dans les pays étrangers. Gela ne fait aucun tort aux bois français et cela n'a aucun rapport avec la protection. Je demande la suppression du vœu n° 3. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu n» 3 dont M. Vœlckel vous demande, le rejet. Le vœu n° 3 est rejeté à une grande majorité. M. le Président. — Le voi-u n° 4 est ainsi conçu : « 4° Que la proposition de loi déposée par M. Pasqiial, député du Nord, tendant à augmenter les droits de douane sur les bois contre- plaqués, soit adoptée le plus tôt possible »■ M. Hollande. — On a prétendu, dernièrement, que les bois contre- plaqués ne devaient pas être imposés parce que ce sont des produits naturels et non des produits fabriqués. Je voudrais donc voir ajouter à ce vœu une indication portant que toute pièce composée de trois essences différentes ou non, collées avec de la colle, est bien un produit manufacturé et non naturel. M. Sébastien. — C'est tellement évident qu'il est inutile de rien ajouter au vœu. M. le Président. — En effet ; je mets aux voix le vœu n° 4. Le vœu n° 4 est adopté. M. LE Président. — Le vceu n° 5 est le suivant : « 5° Qu''il soit établi un droit sur l'entrée du bois de quebracho en France ». M. Vœlckel. — Nous avons demandé que les droits actuels ne soient pas modifiés. AL LE Président. — Oui, mais vous venez d'apporter une première dérogation à cette règle. M. VŒLCKEL. — Cela ne iigure pas au tarif. M. ViLLAME. — Selon le cas, vous votez donc des droits protecteurs. Je vous félicite d'avoir admis l'augmentation des droits de douane sur les bois contreplaqués. M. Sébastien. — Parce qu'il y a fabrication. M. le Président. — Notre vœu général rriniplique pas qu'on ne puisse — 'i08 — INTERNATIONAL i9[3 admettre des dérogations pour un bois aussi spécial que le quebracho, qui est très important. M. Siegfried. — Il y a là des intérêts extrêmement sérieux qu'il ne faut pas sacrifier. Nous n'avons pas voulu faire de particularités, c'est pourquoi l'assistance s'est décidée dans un sens général en votant la proposition de M. Guyot. M. Gi YOT. — Si nous pouvions suivre la discussion qui a probablement lieu ce matin, au-dessous de nous, dans une autre section, vous verriez l'importance du quebracho pour la tannerie française. 11 est probable que nos collègues déclareront que l'emploi du que- bracho dans la tannerie est fâcheux et regrettable. Il serait bon d'empêcher qu'il concurrencie nos écorces françaises et les produits tannants provenant des bois français. -M. Sérastien. — Je ne connais pas très bien la question, mais je crois savoir qu'il existe, du côté de Ronfleur ou de Harileur, des usines qui reçoivent le quebracho pour en extraire les matières tanniques. Le quebracho ne paie pas de droits de douane, mais les matières tanniques en paient un. M. Guyot. — Parfaitement. M. Sérastien. — Si vous imposez le quebracho, ne croyez-vous pas que ce soit la fermeture de ces usines française^? -M. Guyot. — Ce ne serait pas un grand mal. M. Sérastien. — Vous avez pourtant là une main-d'œuvre française. M. Guyot. — Je parle au point de vue de la production. -M. Sérastien. — Et est-ce qu'ainsi vous empêcherez les extraits tanniques d'entrer en France?... M. Guyot. — Je rectifie mon interruption : je veux dire que la fabrication des cuirs au moyen des extraits tanniques étant très défectueuse, la fermeture de ces usines ne nuirait pas à l'industrie du cuir. M. Sérastien. — C'est possible, mais elles disparaîtront quand même. M. LE Président. — Il faut mettre en balance tous les intérêts. Ces usines sont intéressantes, mais il s'agit de savoir si l'intérêt très respectable de quelques usiniers — en très petit nombre — doit primer celui des propriétaires de taillis ou d'écorces qui sont innombrables. Un Congressiste. — Et nous sommes dans un Congrès forestier, ne l'oublions pas. — 409 — CO>'GRES FORESTIER M. Sébastien. — Ces usines ne produisent des extraits tanniques qu'en très petite quantité ; on en importe de grandes quantités, si bien que la fermeture des usines n'empêcherait nullement l'introduction des extraits en France. Par contre, vous auriez supprimé une main-d'œuvre française. M. \'iLLAME. — J'estime que ces usines sont suffisamment protégées par les droits très élevés qui pèsent sur les extraits du quebracho à leur entrée en France. Cette industrie est très prospère puisque, d'après les statistiques, il est entré en France, en 1905, 16 millions de kilogrammes de que- bracho et qu'en 1913, il en est entré 32 millions. M. Sébastien. — Mais le droit sur le quebracho empêchera-t-il les extraits de pénétrer en France? M. Siegfried. — C'est aux tanneurs à se prononcer. Nous n'avons pas à nous occuper de cette question. Occupons-nous des intérêts des bois français. M. Hollande. — Renvoyons le vœu à la troisième commission. M. LE Président. — Elle ne s'occupe pas des droits de douane. Je mets aux voix le vœu n° 5 tel qu'il est proposé par AI. Villame. Le vœu n° .5 est adopté par 16 voix contre 13. Voici le texte du 6^ vœu : « 6° Que les marchands de bois exploitants de France soient repré- sentés, savoir : « a) Au Comité consultatif des arts et manufactures ; « b) A la Commission permanente des valeurs en douane ». M. GuYOT. — Je demande qu'on fasse une petite place aux représentants des propriétaires forestiers français. M. Hollande. — Au sujet de ce vœu, je vous rappellerai ce qui se passe à la Commission des valeurs en douane. Elle n'a pas à donner d'avis au point de vue des droits de douane ; elle comprend des personnes compétentes pour aider l'Administration et faire des statistiques. M. Daubrée représente les perches et les étançons, M. Vœlckel les chênes et les bois de sapin ; moi, les bois exotiques. On nous demande de fixer la valeur à l'importation des bois étrangers et de voir, avec l'Administration, si les quantités importées sont exactes. M. GuYOT. — Je ne voudrais pas qu'on puisse croire à l'exclusion des propriétaires forestiers qui sont intéressés dans la question et qui comptent, parmi eux, des personnes compétentes. — .410 — INTERNATIONAL 1913 M. Hollande. — Je n'y vois aucun inconvénient,mais je demande qu'on mette, dans le vœu « le commerce en général-». M. LE Président. — Si on n'a pas mis «. le commercey, ^^•'est qu'on a tenu compte de ce fait que l'autre partie du commerce était déjà représentée. M. Sébastien. — Pour donner satisfaction à M. Guyot, je propose la rédaction suivante : « Que les marchands de bois et les propriétaires forestiers... etc.». Je ne parle pas des exploitants, car M. Vœlckel, qui est de la Commission, est exploitant. M. LE Président. — Le but initial de ce vœu est, tout en respectant les situations acquises par le commerce proprement dit, de compléter cette représentation par l'intervention des marchands de bois exploi- tants. M. Sébastien. — J'ajouterais même : « ... soient largement représentés... » M. le Président. — Nous concilierions tout le monde en mettant : 'i Les marchands de bois des diverses catégories ». M. Vœlckel. — Le rapporteur a l'air de croire, d'après sa motion, que les exploitants sont sacrifiés et ne sont pas représentés. M. Villame. — C'était bien ainsi jusqu'à présent. M. Vœlckel. — M. Daubrée est de la Commission. AL LE Président. — Il n'est pas exploitant. M. Vœlckel. — Si quelqu'un défend la forêt, c'est bien lui, directeur des Forêts. AL LE Président. — Ce n'est pas la même chose ; il est là au point de vue administratif. M. Vœlckel. — Eh bien mettez « les marchands de bois français...», — les exploitants sont compris là-dedans — « soient largement repré- sentés^ etc. » , mais ajoutez-y : « ... et au Comité consultatif des chemins de fer ». M. LE Président. — Il en sera question quand nous traiterons la ques- tion des transports. M. Villame en a fait l'objet d'un vœu spécial. M. Sébastien. — Pourquoi ne pas l'introduire ici. AL le Président. — Parce que ce comité consultatif n'a qu'une relation bien lointaine avec la question des douanes. M. Vœlckel. — Cela facilite les transactions. — 411 — CO>'GRES FORESTIER M. Raisin. — ^'ous parlez de la représentation des commerçants en bois, mais il faut une formule générale les englobant tous. Ainsi, je représente une nouvelle catégorie de commerçants puisque nous sommes les seuls acheteurs de sciures dont l'utilisation est toute récente. Je voudrais que nous puissions rentrer dans la formule que vous allez adopter. M. GuYOT. — Vous avez raison. M. LE Président. Je crois que nous pourrions rédiger ainsi le vœu n° 6 : « Que les propriétaires forestiers et les négociants appartenant aux diijérentes catégories du commerce des bois et produits accessoires des forêts... » Cela engloberait le commerce de la sciure, de la résine, etc.. M. Vœlckel. — J'insiste pour qu'il soit question ici du Comité consul- tatif des chemins de fer, car, ce soir, dans un autre rapport, la significa- tion de ce vœu ne sera plus la même. Un Congressiste. — Je vous propose une formule plus courte et plus simple : « Que les propriétaires forestiers et les négociants en bois et autres produits forestiers... » M. LE Président. — Je crois que la nôtre est plus compréhensible, quoique plus longue. Je mets aux voix le texte suivant : « 6° Que les négociants appartenant au commerce des bois et produits accessoires des forêts et les propriétaires forestiers soient largement représentés., savoir : «a) Au Comité consultatif des Arts et Manufactures ; « b) A la Commission permanente des vcdeurs en douane »• Ce vœu est adopté. M. LE Président. — Il ne nous reste plus à examiner que la question des transports. M. Raisin. — Je demande la parole pour traiter une question douanière intéressante pour les départements de l'Ain, de la Savoie et de Ja Haute-Savoie, c'est-à-dire pour la zone frontière. Il existe là près de 350 scieries qui ne peuvent, en aucune façon, utiliser leur sciure de bois et la jettent à la rivière à cause du droit de douane de 2 francs qui la frappe par 1.000 kilogrammes. Comme cette sciure se vend habituellement 5, 6 ou 7 francs la tonne, vous voyez que ce droit de douane est de près de 50 °o de la valeur de la marchandise. Elle ne peut donc pas entrer en France. — 412 — I.NTERNATIOAL 1913 Ne pourrions-nous pas demander avec ces exploitants des scieries la suppression de ce droit? Ce serait d'autant plus juste qu'on a promis aux populations annexées, en 1860, d'exempter les produits du sol de toute taxe. L'Administration, je le sais, prétend que la sciure est un produit fabriqué. Cependant, les planches qui sont, elles aussi, des produits fabriqués, ne paient rien à leur entrée en France. C'est une anomalie qu'il conviendrait de faire disparaître. M. LE Président. — Nous avons adopté ce principe de ne pas traiter les questions par trop spéciales. Vous nous soumettez une question locale très intéressante, je le sais, pour toute cette zone franche que je connais bien, ayant eu des attaches avec la Haute-Savoie. Mais, demander à un Congrès forestier international d'intervenir dans ce débat est impossible et je crois me faire l'interprète de mes collègues en disant que, le cas échéant, nous ferons, chacun dans la mesure de nos moyens, ce que nous pourrons pour nous intéresser à cette question, mais que nous ne pouvons faire émettre un va^u par le Congrès international {Assentiment). M. ViLLAME. — Je crois que nous pourrions traiter de suite la question des transports. Nous sommes, j'espère, tous d'accord à ce sujet. M. JLE Président. — Alors, nous abordons la question du Transport DES BOIS. La parole est à M. Villame pour la lecture de son rapport. M. Villame Les transports par navigation intérieure ont pris, en Transports par France, depuis une trentaine d'années une importance que Ton est loin ^'*"* '^*''" de soupçonner dans le public. Alors qu'en 1880, le tonnage ramené au parcours d'un kilomètre sur les fleuves, rivières et canaux atteignait à peine 2.007.000.000 tonnes, en 1911, ce tonnage s'est élevé à 5.767.000.000 tonnes, soit 185 % d'augmentation, la longueur du réseau navigable restant à peu près stationnaire (10.940 kil. en 1879 et 11.440 kil. en 1911). Pendant ce même temps, le tonnage kilométrique des grands réseaux de chemin de fer passait de 8.999 millions de tonnes kilométriques, à 23.178 minions, soit une augmentation de 157 %, la longueur des ré- seaux s'étant accrue de 120 %. Ces chiffres font bien voir que la navigation intérieure est un mode de transport qui est loin d'être en décadence, comme certains esprits un peu trop prévenus voudraient nous le faire croire et qu'il ne convient pas de la traiter en chose néghgeable. Aussi assistons-nous avec beaucoup d'intérêt à cette renaissance des transports par eau et au mouvement d'opinion qui tend à les arracher à la situation désavantageuse où la concurrence des puissants chemins de fer les avait fait déchoir. Le Ministère des travaux publics, à qui cet abandon était surtout imputable, semble lui-même vouloir entrer dans une voie nouvelle, soit en préconisant l'établissement de nouvelles artères destinées à compléter ou à étendre notre réseau actuel de navigation, soit en prenant l'initiative de dispositions et prescriptions ayant pour — 413 — CONGRES FORESTIER but d'améliorer l'exploitation des fleuves, rivières et canaux, aujourd'hui encore si défectueuse. Dans un travail récent, publié par la Chambre syndicale des houillères de France, M. Grùner évaluait à 25 % l'abaissement du prix de revient immédiatement possible sur les voies navigables de France avec des procédés d'exploitation un peu plus modernes. Par les facilités de tous genres qu'elles offrent, les voies navigables constituent, pour le transport des bois en particulier, un mode de trans- port des moins onéreux et des plus commodes. Les inconvénients : lenteur du voyage et dépréciation de la marchan- dise, sont peut-être moins préjudiciables pour le bois que pour tout autre commerce. Aussi il n'y a rien de surprenant à ce que les trans- ports de bois atteignent annuellement un nombre considérable de tonnes sur les fleuves, rivières et canaux et prennent leur part de l'augmen- tation générale du tonnage des voies navigables que nous constations plus haut. En 1881, le tonnage des bois s'était élevé à 186.651.431 tonnes pour les bois à brûler et bois de service. Le tonnage des bois flottés, pendant cette même année, était de 57.647,394 tonnes. En 1911, dernière année pour laquelle la statistique officielle ait été publiée, ces chiffre^ ont été les suivants : Bois à brûler et bois de service : 299.318.085 tonnes. Quant au flottage, qui est un procédé abandonné dans presque toutes les régions — à part dans le Morvan pour les bois à brûler — le tonnage s'en est abaissé à 5.493.929 tonnes {tonnage, nous le répétons^ ramené au parcours d'un kilomètre). Le tableau suivant indiquera d'ailleurs exactement le tonnage des bois et charbons de bois transportés par voie d'eau : EMBARQUEMENT SUR LES VOIES DE NAVIGATION INTÉRIEURE. BOIS ET CHARBON TOUTES ANNÉES DE BOIS LES MARCHANDISES tonnes tonnes 1908 1:907.188 34.225.139 1909 1.898.725 35.624.223 1910 1.642.496 34.623.791 1911 1.840.397 38.117.641 Transports par Dans diverses assemblées, congrès et autres réunions, la Fédération des AToi» ferrée. Syndicats du Commerce des bois de France a fait entendre ses doléances à l'égard du traitement que subissent, (Je la part des Compagnies de chemins de fer, les produits forestiers français. C'est aujourd'hui, en ce Congrès forestier international, organisé par le Touring Club de France que nous allons, de nouveau, exposer les reven- dications de notre commerce. A rencontre de ce qui se passe avec la batellerie ou tout autre entrepre- neur de transport, avec lesquels les prix peuvent être débattus, les tarifs de chemins de fer sont imposés et rigides, tout en étant, très hypothé- tiquement, le résultat de la loi de l'offre et de la demande. Le contrat est considéré comme synallagmatique, alors, que les inté- ressés, c'est-à-diro les commerçants eux-mêmes ne sont pas consultés et — 414 — INTERNATIONAL 1913 ne peuvent ainsi formuler les observations qu'ils auraient à présenter pour ou contre des dispositions à appliquer à tel ou tel transport les concernant. Cependant le trafic des bois et de ses dérivés est un appoint très appré- ciable pour les voies ferrées françaises, puisqu'il leur procure une recette annuelle que nous évaluons à environ 100 millions de francs (1). Que les bois soient bruts, ébauchés ou ouvrés : de la tarification qui les affecte, résultera incontestablement un développement plus ou moins grand de leur trafic Les administrations des chemins de fer ont pour principe de faire supporter aux marchandises toutes les charges qui leur paraissent les plus compatibles avec leurs propres intérêts, sauf à voir parfois leurs recettes diminuer du fait d'un abaissement ou d'un déplacement de courant résultant simplement de prohibition introduite , par elles-mêmes, dans leurs propres tarifs. Les compagnies de chemins de fer ont des tarifs qui constituent la loi des parties, mais avec cette circonstance tout particulièrement aggravante que les intéressés, qui ignorent le plus souvent les proposi- tions des réseaux, ne sont nullement consultés à leur sujet, ou du moins, le sont bien peu. Le service du contrôle, il est vrai, fait tout son possible pour maintenir un juste équilibre entre les divers points concurrents, mais n'ayant pas toujours les moyens de pénétrer dans le tréfonds de la question, il recourt au tableau des valeurs de marchandises de la statistique des douanes; il risque ainsi d'être fort mal renseigné. Ce service ne peut donc opérer que par voie de comparaison des tarifs entre eux, eu égard aux distances respectives qu'il y a lieu de considérer, abstraction faite de la valeur rigoureusement intrinsèque des marchan- dises qui, si elles étaient reprises aujourd'hui dans de nouveaux cahiers de charges, ne seraient plus classées, dans bien des cas, comme elles l'ont été au début des concessions. Ceci nous conduit à parler, en ce qui nous intéresse, du Comité consul- tatif des chemins de fer et de la représentation de nos intérêts dans cette assemblée. Les études du Comité consultatif des chemins de fer, faites avec le plus grand soin, peuvent avoir parfois pour résultat, de conduire les réseaux, par voie de réserves, à introduire des modifications fort utiles pour le commerce. Mais il ne peut pas en être ainsi lorsque, par exemple, en dehors des questions d'équilibre économique, la tarification blesse la marchandise dans sa valeur intrinsèque, car, comme nous venons de le dire, les tableaux des valeurs en douane des marchandises ne répon- dent pas d'une façon absolue à la valeur réelle marchande en cours. C'est pourquoi la Fédération des Syndicats du commerce des bois de France va porter ses efforts en vue d'obtenir sa représentation dans la section permanente du Comité consultatif des chemins de fer. Il y a lieu d'estimer, d'ores et déjà, que cette représentation de nos intérêts aura, dans l'avenir, les plus heureux effets pour la sauvegarde du commerce et de l'industrie des bois de France. (1) Le total des recettes encaissées par les compagnies de chemins de fer français pour les marchandises transportées par petite vitesse, est annuellement d'environ 980 mil- lions de francs. — •415 — CONGRES FORESTIER Nous aimons à croire qu'en cette occurrence, le Touring-Club de France ne négligera rien pour seconder les efforts de notre Fédération et nous l'en remercions. Les critiques qui ont été faites de la tarification des chemins de fer, qu'il s'agisse de tarifs intérieurs ou de tarifs communs à deux ou plusieurs réseaux, sont encore loin d'être épuisées. Il y aurait long à dire à cet égard. Nous nous contenterons ici de quelques faits saillants à titre d'exemples. Tarification comparée entre les réseaux. — Pour montrer tout l'intérêt que présente la question, nous nous bornerons à vous soumettre le tableau suivant faisant connaître les prix des transports à la tonne qu'ont à acquitter sur les réseaux Est, Orléans et P. L. M., les trois principaux produits de nos forêts : bois de construction, bois à Ijrûler et charbons de bois. Bois à brûler. 100 kilomètres . . . 200 . — ... Fr. Est 5.15 7.40 9.40 li:40 13.40 ■)ns de bois. Est 4 » 8 » 12 » 16 » 20 » 24 » Orléans 5,65 8:i5 10,65 13.15 15.60 Orléans 5 )) 10 » 15 » 18 )) 21 )) 24 » P. L. M 4 » 5.50 300 — 7 » 400 — 8,50 500 — 10 )) 50 kilomètres . . . 100 — Charhi ... Fr. P. L. M. 4 ). 7 » 200 — .13 » 300 — 15 »' 400 — 17 » 500 — 19 » Bois de construction. Est Orléans P. L. M. 50 kilomètres ..... Fr. 2.75 4 » 3 » 100 — 4.75 . 6.50 5 » 200 — 7 » 10.50 8.50 300 — 9 » 13,50 12 » 400 — 11 )> 15.50 15 » 500 — 13 » 17.50 18 » L'examen des tarifs spéciaux PV des divers réseaux — transport des bois à brûler et charbons de bois — présente des différences par trop sensibles d'un réseau à un autre, étant donné surtout que le prix mar- chand des bois à brûler par exemple, peut être considéré comme étant le même à peu près partout. Supposons deux transports sur Paris, partant, l'un d'Angoulême (449 km.) et l'autre de Saint-Laurent-du-Jura (451 km.) points que l'on peut considérer comme également distants de Paris. 16 INTERiXATIOXAL 1913 Les réseaux d'Orléans et de P. L. M. admettent tous deux la condition de chargement minimum de 5.000 kilogrammes ; les prix étant sur l'Orléans de 14 fr. 10 et sur le P.-L.-M. de 9 fr. 25, la moyenne kilo- métrique ressort respectivement à 0 fr. 031 et à 0 fr, 02, la valeur en forêt étant sensiblement la même de part et d'autre. A l'égard des deux combustibles bois et houille, la ditTérenoe de trai- tement est frappante. Le bois à brûler paie d'Angoulême à Paris 14 fr. 10 par tonne et par wagon d»' 5.000 kilogrammes ou 0 fr. 031 comme prix moyen kilo- métrique. Pour un parcours quelque peu supérieur (472 km) de Champagnac- les-Mines à Paris, la houille ne paie que 9 fr. 20 ou 0 fr. 0199 comme prix moyen kilométrique. La différence est vraiment trop grande et sans raison. Charbons de bois. ■ — Les charbons de bois sont vendus le plus ordi- nairement à Paris sous la forme de sac de 60 kilogrammes qui est payé (en gare Paris) 4 fr. 50, ce qui le ramène à 75 francs la tonne, alors que la houille pour le chauffage domestique est évaluée (toujours gare Paris) 44 francs les 1.000 kilogrammes. Prenons pour termes de comparaison des houilles du Nord, à destina- tion de la gare de La Chapelle et des charbons de bois en provenance du réseau P. L. M. ayant effectué un parcours identique à celui de la houiUe soit 210 kilomètres. La houille paie 6 fr. 30 et le charbon de bois 13 fr. 20 la tonne, c'est-à-dire les prix moyens kilométriques respectifs de 0 fr. 03 et de 0 fr. 062. N'est-ce pas là le moyen de paralyser l'industrie du charbon de bois qui, dans bien des cas, malgré la différence de valeur calo- rifique, pourrait rendre d'aussi bons services à l'industrie que la houille elle-même (1). Constatons, en passant, que nos revendications sont basées surtout sur ceci, que la production houillère est protégée, quelle que soit sa provenance, nationale ou étrangère, et que nous demandons que l'on assure aux produits des forêts de France, un traitement qui ne puisse pas les placer dans des conditions moins favorables. Des exemples semblables seraient nombreux à citer, mais nous crain- drions de lasser votre bienveillante attention. Bois pour les mines. — Le prix de transport des bois pour les mines est, dans bien des cas, assez sensiblement le même que celui des bois à brûler, il est fixé par le tarif P. V. n^ 9, Le tarif spécial P. V. no9, présente des anomalies un peu surprenantes que nous allons étudier. La Sologne ayant demandé à écouler ses bois résineux, susceptibles d'un excellent emploi pour les mines, des accords sont intervenus à son sujet entre les divers réseaux intéressés et la lecture du Chaix (petite vitesse) nous montre quatre tarifications dissemblables, selon que les transports seront dirigés dans tel ou tel sens. Le chapitre premier de ce tarif vise les relations entre tous les grands réseaux et les Ceintures (c'est l'ancien régime), (1) D'après l'aide-mémoire de Claudel, la valeur calorifique moyenne de la houille est de 9.200 ; celle du charbon de bois de 6.9.Î0. Leur rapport est de 1,3237. — 417 — 14 CONGRES FORESTIER Le nouveau régime se retrouve dans le chapitre 4, relations entre les Ceintures, l'Est, le Nord et le P.-L.-M, ; le chapitre 35, paragraphe 8 : relations Orléans, P.-L.-M. ; enfin le chapitre 40 : relations Ceintures, Nord, Orléans, Ouest, P.-L.-j\L Ces différents chapitres comportent les barèmes suivants: CHAP. l" CHAPITRE 4 CHAPITRE 35 CHAPITRE 40 kil. fr. fr. fr. fr. 40 » » » (palier) 1.60 100 » » » — 3.40 .200 (palier) 9.50 (palier) 6.50 » _ 5.40 800.. — 13.50 — 9. » (palier) 8. » — 7.40 400 — 15.50 — 11.50 — 10. » — 9.40 500 — 17.50 — 13.50 — 12. » — 11.40 600 — 19.50 — 15. » — 14. » — 13.40 700 — 20.50 — 16. » — 16. » -- 14.90 800 — 21.50 — 18. » — 18. r, — 15.90 900 — 22.50 — 19.50 — 20. » — 16.90 1.000 — 23.50 — 21. » — 22. » — 17.90 Il suit de là que la Sologne qui a demandé pour ses bois résineux un régime de protection, a obtenu un régime de faveur ressemblant d'assez près à un traité particulier. Permettez- nous de nous étendre un peu sur le jeu de ces divers barèmes. Le chapitre premier ne demeure applicable, que lorsqu'il s'agit de transports de ou pour le réseau du Midi et de l'Etat (ancien réseau). Le chapitre 4 ne peut servir que pour les relations de ou par le réseau de l'Est. Le chapitre 35, Orléans, P.-L.-AL, devrait disparaître parce qu'il esst avantageusement remplacé par les prix du chapitre 40 auquel parti- cipent, comme au chapitre 35, les réseaux d'Orléans et de P.-L.-M. par un traitement meilleur pour les mines du Nord et du Pas-de-Calais. D'où cette conclusion : pourquoi ne pas demander au réseau de l'Est de participer aux conditions du chapitre 40, ce qui conduirait à la suppres- sion du chapitre 4 dont les prix feraient place à ceux du chapitre 40. Les transports des bois pour les mines seraient ainsi traités d'une façon uniforme, quelles que soient les provenances et les destinations, par les réseaux de l'Est, d'Orléans, de l'Ouest, de P.-L.-M. et les Ceintures de Paris. Libre aux réseaux de l'Etat et du Midi de se confiner dans les conditions prévues au chapitre premier. '■ Notre démonstration a pour but de faire ressortir le prix moyen kilo- métrique prévu à chacun des chapitres que nous avons signalés. Ce prix moven est à 500 kilomètres par exemple, d'après : le chapitre I®"", 0 fr. 035, le chapitre 4, 0 f r. 026, le chapitre 35, 0 fr. 024 et le chapitre 40, 0 fr. 0228. Pourquoi ces traitements divers ? Cet exemple, qui pourrait être corroboré par un grand nombre d'autres (1), conduit à dire qu'il appartient aux Compagnies de revoir leur tarification ; de la réduire en la refondant, de manière telle que la (1) a) Sur le réseau de l'Est, il n'est fait aucune distinction, pour le transport, entre les différentes espèces et qualités des bois : le bois de charbonnette d'une valeur de 10 francs les 1.000 kilos sur wa»on, étant assimilé aux feuillets de chêne d'une valeur d'environ 250 francs le mètre cube. h) Un sac de charbon de bois, vendu gare départ, un prix moyen de 3 fr. 40, pour arriver en gare à Paris, supporte un transport par fer moyen, de 1 fr. 10, soit 33 % de sa valeur; n'est-ce pas véritablement plus qu'excessif? — 418 — INTERNATIONAL 1913 valeur du trâiisport, quelle que puisse être sa direction, soit ramenée par- tout à la plus juste mesure. En effet, les Compagnies ont admis une table générale par séries de marchandises ; elles se sont mises d'accord pour grouper les mar- chandises en des catégories représentées par la classification des tarifs spéciaux. Ne conviendrait-il pas qu'elles s'entendissent aussi en vue de l'unifi- cation des bases de leurs barèmes, de manière à arriver à une tarifica- tion unique pour une même marchandise transportée sur notre territoire? Wagon complet. — Minimum de tonnage. Les tarifs spéciaux prévoient le plus généralement la condition du chargement par wagon complet, avec un minimum de tonnage exprimé. Dans certains cas, comme par exemple, un chargement de bois pour les mines, il n'est pas toujours possible d'arriver à placer 5.000 kilos. Il n'est pas toujours possible non plus de charger 8.000 kilogrammes de bois à défibrer sur un seul wagon (minimum do poids exigé sur presque toutes les compagnies). Enfin, il n'est pas toujours possible, pour un expéditeur, de remplir ces conditions, non que la marchandise soit en quantité insuffisante, mais parce que la capacité du wagon ne permet pas de placer 5.000 kilogrammes. Il semblerait équitable, dans ces conditions, que le wagon ne soit taxé que pour le poids réel qu'il comporte, qu'il soit isolé ou qu'il entre . dans la composition d'une rame, lorsque le tonnage total répond à la condition exprimée au tarif. C'est ainsi par exemple que si 3 wagons de petit modèle sont néces- saires pour envoyer 10 tonnes, alors que 2 wagons devraient suffire, le prix par wagon complet est appUqué, non sur le poids de 10.000 kilo- grammes, mais sur l'utilisation des 3 véhicules comptés chacun comme chargés à 5.000, soit pour les trois, 15.000 kilogrammes. Il y a là quelque chose de choquant dont ne devraient pas souffrir les expéditeurs et dont les Compagnies qui fournissent un matériel insuf- fisant ne devraient pas profiter. Fourniture de matériel. — Il serait à désirer que la fourniture du matériel soit l'objet, de la part des compagnies, d'une attention plus particulière,; et qu'elles se conforment d'une manière plus rigoureuse, aux prescrip-, tions des tarifs dont elles ont, elles-mêmes, rédigé les termes. Il est aussi très regrettable que le matériel demandé pour une date pré- cise par les- expéditeurs ne soit pas mis à leur disposition au jour fixé. Il résulte de la non observation de cette clause, des difficultés et sou-, vent des frais qui ne peuvent être récupérés par ceux qui les subissent.' Par contre, si un expéditeur retarde d'un jour le chargement ou la libé-' ration du matériel, il doit, conformément aux conditions d'application des tarifs, subir la pénalité qui y est édictée- Lettre (Tavis. — Un autre point, très important, c'est la lettre d'avis. Son envoi, a dit la Cour de cassation dans divers arrêts, n'est pas obli- gatoire ; elle ne doit servir que pour marquer le jour à partir duquel doit, courir le magasinage. A défaut de son envoi, la marchandise est réputée, remise, les délais expirés. — 419 — CONGRES FORESTIER Il y a là un double inconvénient : celui pour la Compagnie de conserver une marchandise sans nécessité et ainsi d'encombrer inutilement ses quais; le second, celui d'obliger le destinataire à des déplacements tou- jours désagréables, parfois onéreux. Quand elles croient leurs responsabilités engagées, les Compagnies usent de la lettre d'avis sans ménagements; dans les autres cas, elles semblent s'en désintéresser. Obliger les Compagnies à correspondre avec leur clientèle (comme de simples commerçants) par la lettre d'avis, est certainement demander au personnel un travail supplémentaire; mais qu'est ce léger surcroit de besogne, d'ailleurs rapide à effectuer, à côté des avantages à en attendre? Il semble donc que l'obligation de l'envoi de la lettre d'avis simpose- comme mesure d'ordre général en vue du bon fonctionnement des rela- tions obligées du public avec les Compagnies. Bâchage. — Au tlut d'encre qui a déjà coulé à l'occasion de cette question, nous ne viendrons rien ajouter. Mais nous pouvons, cependant, émettre l'avis suivant : il n'est pas nécessaire de légiférer sur une ques- tion de bon sens. Ou la marchandise peut voyager sans être protégée contre les circonstances atmosphériques, ou elle ne le peut pas ; ou elle peut être abritée dans un wagon couvert, si elle doit être abritée, ou elle ne le peut pas, quelle qu'en soit la cause. C'est dans ce dernier cas que le bâchage devient obligatoire, sa conservation ne pouvant être assurée que par ce seul moyen. Il nous paraît en conséquence inutile et oiseux de chercher par des considérations d'espèce, à limiter, à telle ou telle catégorie de transport, le bénéfice du bâchage. Pour termhier, il nous parait indispensable de présenter quelques con- sidérations plus générales, sur la taxation des marchandises en prenant pour base leur valeur commerciale réelle. Tout d'abord, nous admettrons très volontiers que les marchandises subissent, selon les moments, des hausses ou des baisses, que no peut pas suivre la tarification des chemins de fer. Ce que l'on peut cependant considérer comme certain, c'est que la moyenne de ces fluctuations n'a pas pour effet direct de modifier d'une façon très sensible le cours ordinaire moyen, qui lui, au contraire, en ce qui concerne nos produits forestiers, a à souffrir de la concurrence qu'exerce en France l'importation des produits étrangers. Le commerce des bois français subit la loi inéluctable de la tarification de nos réseaux, dont il ne peut pas s'affranchir sous peine de déchoir complètement, mais cela ne pnjuve pas, d'une façon incontestable, la justesse et la précision de cette tarification. M. Heurteau, ancien directeur de la Compagnie d'Orléans, considérait comme une règle économique absolue, en matière de transport, de faire payer à la marchandise tout ce qu'elle pouvait payer ; nous sommes de son avis. Mais, pour que l'application de ce principe soit une réahté, encore faut-il que la taxation soit bien en rapport avec la valeur de la mar- chandise, en tenant compte aussi de la situation géographique. Les Com- f>agnies ne devraient pas considérer d'une façon absolument rigoureuse a part de transport effectué par chacune d'elle, mais l'ensemble du — 420 — INTERNATIONAL 1913 transport sur le territoire français, et aussi l'utilité que présente la mar- chandise, quant aux besoins généraux de la consommation. Il faut se souvenir encore de cet autre principe, que le transport est un prix moi^t qui ne touche en rien la valeur intrinsèque de la mar- chandise, mais peut contribuer à son inertie. L"examen des phénomènes commerciaux, tout au moins en ce qui concerne notre Fédération, nous conduit à penser que la tarification actuelle des marchandises demanderait à être l'objet d'une révision per- mettant de classer les produits exploités d'une manière plus adéquate, et ceci conduirait à une application plus juste du prix de transport auquel les Compagnies pourraient prétendre, sans augmenter inutilement le prix de consommation. Ce serait évidemment un travail de longue haleine, mais nous estimons que le résultat à en attendre tout en contribuant à la richesse des Com- pagnies aiderait puissamment au développement du commerce et de l'industrie des bois. Il entraînerait une simplification rationnelle des tarifs, en rendant, en même temps, la lecture el l'application desdits tarifs plus faciles. A ces considérations générales se rattache la question des marchan- dises qui, transportées à l'état brut, font retour au transport après trans- formation. C'est ainsi que les bois en grume reviennent au transport transformés en planches, plateaux, madriers, douelles, parquets, etc. ; que les bois à défibrer sont rechargés comme fibres de bois ; que les bois destinés à la trituration se représentent comme papier et que les bois destinés à la distillation sont remis au chemin d(3 fer sous forme d'acides pyroli- gneux ou leurs dérivés, et ensuite comme charbon de bois. Il y a intérêt à ce que les matières premières soient l'objet d'un traite- ment en rapport non seulement avec leur propre transport, mais encore avec celui qui leur sera réservé après transformation. Les bois en grume 'sont de beaucoup les plus intéressants, et pour deux raisons : la première, c'est qu'ils présentent des masses d'un poids très appréciable, sans aucun risque pour le transporteur sous leur pre mière forme; la seconde, c'est qu'après main-d'œuvre par l'industrie, ils seront encore frappés de tarifs rémunérateurs par les Compagnies sous leurs formes diverses. Il conviendrait, en conséquence, d'appliquer aux bois en grume la taxation la plus faible possible, en tenant compte de leur valeur com- merciale. Telles sont les quelques considérations générales que nous avions à présenter au Congrès. Le sujet, on le voit, est encore loin d'être épuisé et nous n'avons pas eu la prétention de vous développer, en quelques pages, une question aussi vaste, aussi délicate que celle du transport des produits de nos forêts. Nous croyons cependant avoir atteint un but : celui d'attirer votre attention sur d»'S questions vitales pour notre industrie forestière. Il a été fait quelque chose, nous le reconnaissons, mais nous devons bien nous pénétrer qu'il reste encore beaucoup à faire. Si l'on veut que l'exploitation devienne productive, il faut que cette exploitation soit secondée dans l'écoulement de ses produits, — 421 — C0NGRES FORESTIER Les tarifs de chemin de fer sont un de ces éléments qui peuvent puissamment aider au développement des produits forestiers comme, au , contraire, ils peuvent réduire ce développement en paralysant l'écou- lement normal. Pour conclure, nous avons l'honneur de proposer au Congrès forestier l'adoption des vœux suivants : I. Que les tarifs des chemins de fer soient révisés. II. Que le commerce des bois soit représenté largement à la section per- manente du comité consultatif des chemins de fer. M. LE Président. — MM. Chancerel et P. Leturque nous ont adressé deux communications relatives à l'unification des transports. Leurs conclusions sont conformes à celles de ^L Villame. M. DU Pré de Sai>t-Malr. — Le syndicat forestier du Morvan, le Syn- dicat du Commerce des bois et des industries qui s'y rattachent, et de nombreuses collectivités du Centre et de l'Ouest de la France, se sont mis d'accord, depuis un certain nombre d'années sur la formule sui- vante : mener nos produits à l'industrie et rapprocher le plus possible l'industrie de nos bois. Voilà qui résume notre manière de faire et nos efforts pendant plus de cinq ans. Nous voudrions mener nos produits aux débouchés actuels, avec les facilités dont jouit le fret de retour, et nous voudrions instituer dans le centre de la France, entre le canal latéral à la Loire, le canal du Nivernais et le canal de Bourgogne, une zone où tous les produits, toutes les industries se rapportant aux bois, pourraient trouver d'énormes avantages. Voudriez-vous approuver cette formule comme remède au mal' dont souffre les forêts? Elle a été approuvée à l'unanimité par les intéressés dans bien des départements ; les représentants du com- merce des bois, réunis ici en ce moment, peuvent vous le dire. M. LE Présideist. — Le rapport et les voeux de M. \ïllame vous donnent, • je crois, toute satisfaction. M. Villame. — J'en ai parlé dans le rapport. M. le Président. — Voici le premier vœu proposé par ^L \'illame : «1° Que les tarifs des chemins de fer soient révisés dans le sens favorable à la production et au commerce des bois de France ». M. Hollande. — Ajoutez « et des colonies » parce c^ue les bois exotiques paient un tarif spécial beaucoup plus élevé. La région de Boi:deaux et de Marseille réclame un nouveau tarif pour ces bois exotiques. . M. DU Pré de Saint-Maur. — Je parlais tout à l'heure des exportations.; _ V)0 — INTERNATIONAL 1913 d'étais en Angleterre. Voyez quelle facilité pour nous, Nivernais, si nous avions des communications aisées avec Bordeaux, alors qu'au- jourd'hui les bateaux de 38 m. 50, ne peuvent arriver chez nous. M. LE Président. — Chaque contrée a son point de vue spécial. Restons dans les généralités. M. Raisin. — Demandez d'urgence cette révision sans quoi nous atten- drons deux ou trois ans comme d'habitude. Nous apportons assez de millions aux Compagnies pour qu'elles nous donnent rapidement satisfaction. D'ailleurs, il est bon qu'on dise ici que le commerce des bois en général est extrêmement mécontent des chemins de fer. C'est le devoir du Congrès d'appeler l'attention sur ce fait. Nous sommes des tra- vailleurs consciencieux ; si nous étions des travailleurs conscients, nous aurions déjà mis en demeure les Compagnies de nous donner satisfaction. M. LE Président. — Nous pouvons ajouter le mot « cPurgence », car votre observation est très sage. Je mets aux voix le vœu ainsi modifié : « 1° Que les tarifs des chemins de fer soient révisés d''urgence dans le sens favorable à la production et au commerce des bois de France et des colonies ». Ce vœu est adopté. Le second vœu est ainsi conçu : « 2° Que le commerce des bois soit représenté largement à la section permanente du comité consultatif des chemins de fer y. CoiTime pour le vœu relatif aux douanes, nous pourrions le rédiger ainsi : « Que les propriétaires forestiers et le commerce des bois et produits accessoires de la forêt soient largement représentés.,, etc. ». Je mets aux voix le vœu ainsi modifié. Le vœu est adopté. L'ordre du jour de notre section étant épuisé, il ne me reste plus, Messieurs, qu'à vous remercier de l'attention soutenue que vous avez apportée à nos séances et à déclarer clos les travaux de la deuxième section. La séance est levée à 11 heures. — 423 TROISIÈME SECTION TEGHNOLOdIK FORESTIÈRE — COMAIEIUIE ET INDUSTRIE DU IJOIS BUREAU Président : M. Paul Poupinel, président de la Chambre syndicale des bois de Sciage et d" Industrie^ vice-président du Syndicat général du Commerce et de V Industrie. Vice- présidents : MM. Honoré Barbier, président de la Fédération des Syndicats du Commerce des Bois de France et des industries qui s^y rattachent. P. PiJNGAULT, syndic-président de la Chambre syndicale des Bois à brûler. A. Mathieu, président de la Communauté > des Marchands de bois à œuvrer. J. Hollande, président de la Chambre syn- dicale des Bois des lies et d'Ëbènisterie. A. CoLLiN, président de la Chambre syndicale du Sciage et du Travail mécanique des bois. Madelin, inspecteur des Eaux et Eorets, docteur en droit, (dief de section à la Direction générale. Secrétaires : MM. L. Sébastien, membre de la Chaïubre syndi- cale des bois de Sciage et it Industrie. »25 — CONGRES FORESTIER E. Poisson, secrétaire de la Chambre syndi- cale des bois de Sciage et d'Industrie, GiRAUD, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. RAPPORTEURS : MM. Racket, syndic de la Chambre sijmlicale des Bois de Sciage et d'Industrie. Pierre Lièvre, membre de la Chambre syndi- cale des Bois de Sciage et cV Industrie. Edouard Rizier, membre du bureau de la Chambre syndicale des Bois à brûler. Caquet, membre du Conseil supérieur de V Agriculture. - Gustave Artus, syndic de la Chambre syndi- cale des Bois de Sciage et d'Industrie. Pelletier de Martres. Georges Rotival, membre de la Communauté des marchands de Bois à œuvrer ; président de section au Tribunal de Commerce de la Seine. Paul Goulet, avocat à la Cour d'Appel de Paris, avocat-conseil de la Chambre syndi- cale des Bois de Sciage et d'Industrie. René Barrier, membre de la Communauté des marchands de Bois à œuvrer. Simon, ingénieur des Manufactures de l'État, chargé de la Direction de la Manufacture^ d'allumettes de Saintines. Marcel, membre de la Chambre syndicale des agents et commissionnaires en bois d'industrie. Conseiller du commerce extérieur de la France. Pute AUX, vice-président de la Chambre syn- dicale du Sciage et du Travail mécanique des Bois. BocQUET, syndic de la Chambre syndicale du Sciage et du Traçail mécanique des Bois. HiRSCH, inspecteur des Eaux et Forêts. DucHEMiN, secrétaire général de V Union syndicale des usines de carbonisation des bois de France. — 426 INTERNATIONAL 1913 SEANCE DU 16 JUIN 1913 (iniatin) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 11 heures. M. LE Président. — Messieurs, avant ' d'aborder la discussion des rapports, je vous rappelle que ceux d'entre vous qui auraient des obser- vations à présenter, non seulement sur les conclusions, mais encore sur la rédaction même de ces rapports, peuvent demander et obtenir la pai'ole. L'ordre du jour appelant la discussion sur le rapport de TExploi- TATioN des Bois de M. Rachet, je donne à M. Racket la parole pour la lecture de son rapport. M. Rachet. — L'exploitation des bois dans les forêts domaniales comme dans les forêts priA^ées, s'est complètement transformée depuis un demi-siècle. A côté du bûcheron qui abattait les arbres, on voyait autrefois dans les coupes de nombreux travailleurs de métiers divers : les scieurs de long qui, sur le parterre de ces coupes, transformaient les arbres en plateaux, en frises, etc. ; les fabricants de cercles pour tonneaux ; les fabricants de sabots, d'articles de boissellerie, de jougs, d'attelles ; les jcharbonniers. La forêt était un vaste atelier. Les plus belles pièces de chêne étaient choisies pour la marine de l'Etat. Le marchand de bois adjudicataire était tenu de les façonner en charpente. Ces belles pièces étaient conduites, à des distances parfois assez grandes, jusqu'au bord des cours d'eau qu'elles descendaient ensuite jusqu'à leur embouchure pour arrivei' enfin sur les chantiers de construction de la Marine.. Mais le bois disparut de la construction des' navires de guerre et aussi de la construction des bateaux de la marine- marchande. Le travail forestier subit une première atteinte. Il restait pourtant au scieur de long le débit considérable des traverses de chemins de fer et de bois nécessaire à la construction du matériel roulant. Dans le rapide déve- loppement des voies ferrées en France il y eut de l'occupation pour le pénible travail du scieur de long jusqu'au moment où les scies mécani- ques, scies circulaires, scies alternatives et scies à ruban, apparurent pour révolutionner le travail en forêt. Les scieries mécaniques étant devenues les indispensables auxiliaires — 427 — COÎ4GRES FORESTIER des marchand» de bois exploitants, la forêt se vide de ses travailleurs. Le scieur de long disparaît ; les boisseliers, tourneurs, tonneliers vont s'éta- blir auprès des scieries mécaniques et deviennent leurs auxiliaires. Le charbonnier quitte à son tour la forêt. Les usines de distillation du bois obtiennent par la carbonisation en vase clos de riches produits dérivés de lacide acétique du pyrohgneux. Le charbon de bois nest plus qu'un sous-produit de ces usines. L'exploitation des bois est alors complètement changée. Le bûcheron reste seul dans la coupe. Et le travail même de cet isolé ne tarde pas à se modifier. Il est resté pour abattre du bois de feu et des grumes. Les bois en grumes sont enlevés tels quels par des voituriers qui les transportent aux gares ou aux scieries mécaniques. D'autre part, la valeur du bois de chauffage diminue en raison même de la transformation du confort intérieur ; toutes les constructions nouvelles, dans les grandes villes, se font avec chauffage central. En conséquence, on réserve le moins possible de bois pour le chauffage et ce qui ne pourra être mis en grumes sera employé comme rondins de choix pour diverses industries de formes, roules, bois tournés, etc. Si la forêt est maintenant moins peuplés qu'autrefois de travailleurs, elle n'en fournit pas moins son bois au commerce et à l'industrie et d'une façon même beaucoup plus intensive que jadis. L'exploitation de la forêt ne peut se faire qu'à l'aide des chemins qui y sont créés. Il n'y avait autrefois à enlever de la coupe que des bois travaillés en sciages, sabots, cercles, boissellerie, charbon ; ces transports étaient relativement légers et peu encombrants. L'exploitation actuelle nécessite des trans- ports beaucoup plus lourds et plus difficiles. Au fur et à mesure que la transformation s'est effectuée dans l'exploi- tation de la forêt, l'Administration a dû augmenter le nombre des routes forestières et améliorer celles qui existaient. Il reste encore pourtant beaucoup à faire en ce qui concerne les che- mins pour faciliter les transports et le commerce des bois désire vivement que les améhorations nécessaires soient apportées le plus tôt possible. Quand le réseau des routes forestières sera suffisamment développé et que ces routes seront en bon état, on pourra alors remplacer la traction animale par la traction mécanique et en même temps un énorme progrès sera réalisé dans l'exploitation des bois. Le besoin de ces améhorations des chemins et routes n'est du reste nulle- ment contesté et personne n'a jamais douté qu'en l'absence de chemins appropriés l'exploitation rationnelle de la forêt est complètement impos- sible. On n'ignore pas non plus comment il faudrait procéder pour obtenir une exploitation rationnelle de la forêt en ce qui concerne les coupes à y effectuer et la fréquence de ces coupes. Mais entre la théorie et les mesures d'application, il y a place pour les graves questions financières. S'il est admis indiscutablement que des coupes périodiques sont néces- saires pour aérer et assainir la forêt, pour permettre aux sujets plus jeunes de grandir et de se développer normalement, on est forcé par contre de constater que les règles admises sont loin d'être suivies. Le déboi- sement sans méthode est trop généralement pratiqué dans les forêts particulières, les règles logiques de reboisement ne sont pas observées ; l'appauvrissement de nos richesses forestières est un mal depuis long- temps dénoncé sans qu'on ait pu lui trouver le remède. — 428 — INTERNATIONAL 1913 C'est qu'il y a encore ici une question financière qui prime tous les arguments de logique. Ainsi que l'a dit excellemment l'économiste Armand Mossé dans une étude récente sur cette grave question, le propriétaire d'aujourd'hui, à rencontre du seigneur foncier d'autrefois, est incapable de conserver un capital immobilisé ou insuffisamment fructueux et il est pressé de monnayer la richesse improductive. Aussi, comprenant son intérêt immédiat, est-il tenté d'abuser de la forêt, par la réalisation hâtive des produits et même par la destruction du capital-bois ; en tout cas, préférant accroître son revenu plutôt que son capital, il n'hésitera pas à choisir le mode d'exploitation en taillis, à adopter des révolutions courtes qui lui procurent un revenu supérieur. Non pas que la forêt ainsi exploitée lui donne plus de bois par unité de superficie, mais parce que la qualité du bois, elle-même, augmente avec l'âge des arbres ; le bois de vingt ans, par exemple, la charbonnette, ne vaut guère que 4 francs le mètre cube, tandis que le bois de 25 ans, le rondin, vaut 8 francs le mètre cube. Au surplus, et en se référant en cela aux obser- vations de l'économiste Cauwes, on peut dire que l'exploitation en futaie, qui correspond par rapport aux coupes de taillis à ce qu'est l'agriculture intensive par rapport à la culture extensive, ne lui eût apporté qu'un revenu moindre. Un hectare de 500 francs qui produit un revenu de 400 francs en 20 ans, soit au moins 2,04 % ne donnerait en 150 ans — par exemple — que 8.000 francs de revenu, soit un taux de placement de 1,90 % seulement. Il résulte donc de ces observations que l'exploitation forestière n'est pas un placement rémunérateur et qu'il ne faut pas se laisser influencer par cette assurance qu'une forêt de chênes double de valeur en cent ans. Le cent pour cent ainsi obtenu ne représente, en définitive, que 1 % par an. Ces considérations expliquent le déboisement des forêts particulières et il est difficile de faire autrement que de le constater sans pouvoir inter- venir légalement contre les droits inhérents à la propriété. En présence pourtant de l'appauvrissement national et des répercussions climaté- riques qu'occasionne le déboisement ; en considération aussi de l'affront causé à la nature et à sa beauté par les farouches déboisements auxquels nous assistons, il est de toute évidence que le législateur devra prendre des mesures préservatrices ; mais qu'il ne le pourra qu'en tenant compte des droits imprescriptibles de la propriété. Dans les forêts soumises au régime forestier (Etat, communes, établis- sements publics), le danger de déboisement et de dénudation n'existe plus. L'administration procède à l'organisation des coupes avec le plus grand soin et elle surveille minutieusement les abatages, vidanges, charrois et déblaiements. Mais la forêt gérée par l'Etat ne représente que le tiers du domaine forestier français. Sur 9 millions d'hectares envi- ron, il y a plus de 6 millions d'hectares de forêts appartenant à des parti- culiers. Il faudrait pouvoir imposer à ces particuliers le régime forestier avec toutes ses sévères prescriptions. On a parlé de nationalisation de ces forêts privées. Le remède serait énergique et absolu, puisqu'il ne s'agirait rien moins que d'expropriation. Mais on se heurte immédiatement à une valeur à payer qui représenterait plusieurs milliards. Le budget de l'État, déjà si élevé et si lourd pour le contribuable ne peut permettre d'envisager l'expropriation. A défaut de cette solution, — 429 -- COIVGRES FORESTIER l'État devra s'arrêter au rôle de protecteur qui est de son droit et même de son devoir. Il joue déjà ce rôle de protecteur par des encouragements et des sub- ventions, mais dans la mesure de ses moyens budgétaires qui sont de peu ■au regard des réelles nécessités. On trouve dans notre budget pour 1911 une somme de 3.500.000 francs pour restauration et conservation des terrains en montagne; 1.250.000 pour amélioration et entretien des forêts et dunes, pêche et pisciculture, subvention pour les améliorations pastorales et forestières ; les dépenses de personnel des agents -des eaux îet forêts dans les départements dépassent 2.500.000 francs ; le personnel des préposés dans les départements. coûte 3.270.000 francs ; la contri- bution de l'État pour le traitement des préposés forestiers communaux atteint prés de 200.000 francs ; d'autres frais d'enseignement, d'aména- gement, d'exploitation, de matériel, portent au total les crédits votés annuellement à environ 15 millions de francs, dont 5 millions s'appliquent à des dépenses d'intérêt général (reboisement, pêche, gestion communale, etc.) et 10 millions à la gestion proprement dite du domaine de l'État. Dans ce même budget de 1911, on voit dans les tableaux des revenus du domaine de l'État les produits des forêts portés en recettes pour une somme évaluée à 33.515.200 francs. Le bénéfice industriel ressort donc à 24 millions de francs, ce qui, pour un domaine d'État évalué à un mil- liard et demi donne un rendement de 1,60 %. Cet exemple vient à l'appui des déclarations des économistes que nous avons cités, lesquels démontrent, quand les rendements des particuliers sont forcés par l'exploitation irrationnelle, des taux d'environ 2 %. La nécessité d'avoir des forêts s'imposant pour le fonctionnement régulier et normal des pluies et des cours d'eaux, c'est-à-dire pour le bien-être général de la nation, l'État devra compter toutes les données du problème actuel pour les changer. Ces données sont : le taux de rende- ment trop minime des terrains boisés, l'exagération des taxes ou impôts ■ {jui les grèvent, les réalisations trop incertaines ou trop lointaines. Toutes ces causes provoquent des cessions et des ventes où se manifeste l'avidité des gens d'affaires. Au sujet des impôts qui pèsent sur les forêts, les pou- voirs publics sont, depuis longtemps, saisis du régime profondément injuste qui en résulte. La presse compétente et les divers Congrès agri- coles ont montré par de nombreux exemples, que beaucoup de parti- culiers et de communes payaient une taxe supérieure au revenu de leurs bois. La diminution de l'impôt foncier sur les bois et forêts s'impose dans le plus bref délai par la réforme de cette loi surannée du 3 fri- maire an VII qui les régit encore. Le remède qui a été proposé et qui serait^ seul capable d'apporter l'allégement nécessaire, résiderait dans l'application à ces bois et forêts du nouveau régime de la propriété non-bâtie. > Si l'on ne veut pas que, dans un temps trop prochain^ la lande déserte fasse place aux terrains boisés que possèdent les particuliers, il faudra intéresser ces particuliers à la conservation de leurs forêts. D'autre part, quand cette diminution de charges sera obtenue, l'État peut vouloir et ordonner, au nom de l'intérêt public, que le régime forestier sera observé dans les forêts particulières. Les agents forestiers régleraient l'aménagement des forêts privées, régleraient l'assiette des coupes, le balivage des réserves. Mais, en échange de cette atteinte à . la liberté, qui ne doit pas entraver dans ses droits un propriétaire de — 430 — INTERNATIONAL 191 H bois plutôt que tout autre propriétaire d'objet ou de bien quelconque, l'Etat apporterait, pour le bien public, comme il l'apporte déjà pour les chemins de fer, le dessèchement des marais, etc., une garantie minima d'intérêts auxdits propriétaires ainsi que la possibilité pour ces proprié- taires d'obtenir des avances sur les recettes ou d'hypothéquer leurs biens. Cette garantie d'intérêts ne jouera plus, du reste, lorsque les bois auront atteint le prix rémunérateur. Une caisse de crédit forestier, fonctionnant sous le contrôle de l'État, serait chargée de toutes ces opérations. Une émission publique pourrait en faire le Capital en actions qui seraient gagées sur un bien certain. Par cette caisse autonome, l'Etat qui la sub- ventionnerait, se rendrait acquéreur des forêts ou parcelles boisées que leurs possesseurs auraient à réaliser. Qu'on ne dise pas que l'Etat s'engagerait ainsi dans une aventure dont il ne pourrait percevoir les limites. Le bois est un produit nécessaire et qui se vend ; s'il ne se vend pas à un prix rémunérateur actuellement, c'est que des ventes hâtives ou forcées et les trafics sans scrupules de certains marchands de biens ont amené la dilapidation et, dans certains cas, provoqué une offre plus considérable que la demande. La production de l'ensemble des forêts de France en gros bois a été estimée par M. Mélard, à 6 milHons de mètres cubes. D'après ce savant économiste, notre pays a besoin d'une fourniture supplémentaire de 3 millions de mètres cubes comme le révèlent les statistiques douanières. La France ne produit donc actuellement que les deux tiers de sa consommation annuelle en gros bois. Elle pourrait, de l'avis de forestiers, produire bien davantage, si les forêts des particuliers au lieu de donner en surabondance des bois de feu et de charbon, étaient acheminées vers le traitement en futaie appliqué dans les forêts du domaine national. Il faut donc en France faire appel à la protection du Code forestier et à tout un ensemble de règles tutélaires dans l'intérêt supérieur de la nation. C'est cet intérêt qui doit être invoqué pour lutter contre le déboisement, pour obtenir l'exploitation rationnelle du bois. Et cette protection, alliée à la généralisation dans les forêts privées des règlements du code forestier, contrebalancée dans ses sévérités et dans son atteinte à la liberté par des avantages tels que ceux procurés par le Crédit forestier ; toute cette sage protection, préservatrice des intempéries et des inon- dations, est la seule qui soit de nature à rendre à la France la beauté des sites, la régularité des pluies et des cours d'eau et les profits légitimes que mérite la culture forestière, non seulement pour elle-même, mais encore dans l'intérêt public. Si ces arguments et conclusions devaient rencontrer auprès du Con- grès l'approbation que votre troisième section croit si désirable, pour amener la réforme de l'exploitation du Bois en France, les considérants et les voeux ci-après seraient présentés. Le Congrès forestier international : Considérant que le mode intensif d'exploitation des bois en France, dans les forêts particulières, a provoqué des désordres dans le fonction- nement des pluies et des cours d'eaux et qu'il importe, dans l'intérêt — 431 — CONGRES FORESTIER de la Nation, de rétablir ce fonctionnement régulier et normal, et, en même temps, de rendre aux sites leur beauté qui est un des éléments de richesse du pays tout entier; Considérant que l'élévation exagérée de l'impôt foncier sur les bois et forêts des particuliers et des communes, provoque des exploitations sans rendement suffisant et quelquefois avec perte ; Considérant qu'on ne peut, sans porter atteinte à la liberté, entraver dans leurs droits, les propriétaires de bois plutôt que tout autre proprié- taire d'objet ou de bien quelconque et qu'on ne peut, en conséquence, astreindre sans compensation, ces propriétaires aux règles de déboisement normal du régime forestier ; Considérant, toutefois, qu'à défaut de l'expropriation générale pour cause d'utilité publique, laquelle se heurte à une impossibilité financière, l'État peut établir une expropriation partielle des droits des propriétaires forestiers, à condition que les propriétaires n'en éprouvent pas de pré- judice ; Considérant que la garantie minima d'intérêts accordée par l'Etat, pourrait constituer une compensation suffisante à l'obligation pour les propriétaires de se soumettre aux règles du Code forestier ; Considérant, d'autre part, que la création d'une Caisse de Crédit forestier pourrait donner auxdits propriétaires toutes facilités pour emprunter, hypothéquer ou vendre et que par cette Caisse, l'Etat pour- rait se rendre acquéreur de parcelles boisées ; Considérant enfin que la préservation de la culture forestière est deve- nue d'un intérêt supérieur pour la France et que les Pouvoirs Publics doivent rechercher au plus tôt les mesures efficaces de protection ; Émet le vœu : Que les forêts particulières en France soient astreintes aux règles du Code forestier avec garantie par VËlat d'un minimum d'intérêts pour les propriétaires ; Qu'une Caisse de Crédit forestier, subventionnée par l'État, soit créée pour régler cette garantie ainsi que pour consentir des prêts, avances et hypothèques aux propriétaires, acheter des propriétés forestières ; Que V impôt foncier que les forêts particulières ont à acquitter, soit diminué par la réforme de la Loi du 3 frimaire an VII ou par l'application du nouveau régime de la propriété non-hâtie. M. LE Président. — Le vœu de M. Racliet comporte trois paragraphes. Si vous le voulez bien. Messieurs, pour faciliter la discussion, nous l'ouxTcirons successivement sur chacun d'eux. (Assentiment.) Le paragraphe premier est ainsi conçu : « Que les forêts particulières en France soient astreintes aux règles du Code forestier avec garantie par l'État d'un minimum d'intérêts pour les propriétaires... » — 432 — INTERNATIONAL lOlo M. Caquet. — Je suis oblig*', comme délégué de la Société Nationale d'Encouragement à l'Agriculture, de combattre cette partie du vœu, comme contraire à la liberté du propriétaire. Les propriétaires tirent parti de leurs bois le mieux qu'ils peuvent. Je tiens à protester contre l'existence des déboisements dont parle le rapporteur. Si les proprié- taires forestiers ont quelque peu déforesté, ils n'ont pas déboisé. La preuve en a été surabondamment faite par l'enquête très loyale, très sincère et très sérieuse menée par la Société des Agriculteurs de France. D'ailleurs, par définition, le propriétaire a le droit d'user et d'abuser, nti et abiiti, et la soumission des propriétés forestières au régime forestier, impliquée par le paragraphe premier du vœu, serait une atteinte à la liberté qu'on doit à la propriété forestière, comme à toute autre, ainsi que vous l'avez reconnu vous-même. D'autre part, un pareil régime entraînerait pour l'Etat des charges que vous n'avez pas calculées, mais qui seraient si grandes que je me refuse à les envisager. M. HiRSCH. — Je m'associe aux déclarations de M. (^aquijt. L'adoption du paragraphe premier du vœu qui nous est soumis amènerait un déboisement immédiat des propriétés forestières particulières. Les propriétaires se diraient : Nous allons raser nos forêts, puis nous demanderons la garantie de l'Etat. {Mouvements divers. Applaudis- sements sur divers bancs.) M, Racket, rapporteur, — Jamais de la vie. M. René Barbier. — Au nom du commerce des bois, je m'associe à MM. Caquet et Hirsch pour demander le rejet du paragraphe premier du vœu de M. Rachet. Le propriétaire a le droit d'user et d'abuser. A-t-il abusé? Je n'en sais rien. En tout cas, il n'a jamais déboisé. Le mot « déboisement » a été pris dans deux sens ; il n'en a qu'un, celui auquel M. Caquet a fait allusion. Une forêt coupée à blanc n'est pas une forêt déboisée {Applaudissements.) M. LE Président. — Ceux de mes collègues qui ont suivi les travaux préparatoires de la 3*^ section savent ce qui s'est passé pour la rédaction de ce vœu dans les conclusions de M. Rachet. On s'est préoccupé de rechercher les moyens d'empêcher les coupes trop importantes de bois dont tout le monde se plaint. Vous avez entendu, à la séance inaugurale du Congrès, un écho de ces plaintes. Cette partie du vœu a été mainte- nue pour provoquer, si faire se pouvait, l'indication de solutions pra- tiques. Car, si tout le monde se plaint qu'on déboise à outrance, per- sonne n'a indiqué de remède capable d'enrayer ce déboisement. M. JLvnchereau. — On ne devrait plus parler, en France, de déboise- ments à outrance, car la preuve est aujourd'hui faite que si peut-être CONGRES FORESTIER certaines forêts ont été déboisées, certains bois coupés, les terrains- boisés occupent une surface beaucoup plus étendue que jadis. Ce que Ton constate, c'est que la nature du bois a changé. Les bois durs, les plantations de chênes et de sapins dans les Vosges ont tendance à diminuer ; par contre, les plantations en autres espèces résineuses, en pins, en épicéas, augmentent d'importance. "^ Je m'élève donc contre le' mot « déboisement » si fréquemment employé et je ne vois pas pourquoi les propriétaires forestiers seraient soumis à l'ingérence de l'Etat dans leurs forêts. M. Artus. — Ne pourrait-on trouver un nioyeh terme et demander que l'État crée une caisse de crédit forestier qui permettrait aux proprié- taires de se soumettre facultativement au régime forestier? M. Hirsch. — C'est l'objet du deuxième paragraphe du voeu de M. Rachet. M. Artus. — La soumission au régime forestier doit, bien entendu, rester facultative et non devenir une obligation pour les propriétaires forestiers. M. Pral. — Il y a un article de loi qui autorise cette soumission facul- tative. M. HiRscH. — En effet, une loi toute récente, votée il y a quelques jours, autorise les propriétaires de bois et forêts à les soumettre au régime forestier. Un décret doit prochainement paraître à ce sujet. Nous n'avons donc pas à nous occuper de cette question. M'. Artus. — Je ne connaissais pas cette loi. M. Pral. — H y a deux manières de prévenir le déboisement. Le premier, M. Clémentel l'a indiqué lui-même : faire en sorte que l'impôt ne soit pas supérieur à nos revenus forestiers. Nous pourrions émettre un vœu en ce sens. Le second, — qui pourrait également faire l'objet d'un vœu, — consisterait à ejnployer partie des cotisations versées en vertu de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes, non pas à l'achat de rentes sur l'État, mais à l'achat de terrains qui seraient un jour garnis de forêts, dont les revenus assureraient le paiement des retraites. M. Fron. — M. Hirsch a fait tout à l'heure allusion à la loi Audiffred. Je dois faire remarquer qu'il y a une différence entre cette loi et le vœu présenté par M. Rachet. La loi Audiffred n'établit qu'une faculté pour le propriétaire forestier. Dans le vœu, au contraire, il s'agit d'une soumission obhgatoire au régime forestier, astreinte qui serait beaucoup plus grave encore pour les particuliers que pour les communes elles- mêmes. Le paragraphe premier du vœu, mis aux voix, n'est pas adopté. /.JA. 'INTERNATIONAL 1913 'M. LE Président. — Nous passons au paragraphe 2. J'en rappelle les termes : ,. ■« Qu'une caisse de crédit forestier, subventionnée par l'Etat, soit créée pour régler cette garantie ainsi que pour consentir des prêts, avances et hypothèques aux propriétaires, acheter des propriétés forestières... » Après une courte discussion à laquelle prennent part MM. Racket, Caquet et Moya, le paragraphe 2 du vœu est retiré par le rappor- teur. M. le Président. — Nous passons au paragraphe 3. J'en donne lecture : « Que Vimpôt foncier que les forêts particulières ont à acquitter soit diminué par la réforme de la Loi du 3 frimaire an VII ou par r application du nouveau régime de la propriété non bâtie ». Après une courte discussion à laquelle prennent part MM. Caquet et Fron, le vœu présenté par M. le rapporteur est mis aux voix, et ' adopté. M. le Président. — La parole est à M. Pierre Lièvre pour la lecture de son rapport sur I'Outillage. M. Pierre LIèvre. — Les machines, engins, outils, instruments que outiis ti'abatage. l'on emploie pour l'exploitation forestière, se partagent en deux caté- gories principales. D'une part, ceux qui servent à Tabatage des bois sur pied. D'autre part, ceux qui servent à la manutention et au transport des bois abattus. C'est très succinctement que nous allons les passer en revue, car ces deux sortes d'instruments sont d'un emploi si répandu que la plupart d'entre eux se trouvent parfaitement connus, de ceux-là même qui sont étrangers aux questions spéciales auxquelles ils se rapportent. Le mode d'abatage le plus répandu est l'abatage à la main. On sait qu'il se pratique de deux façons différentes, à la cognée ou à la hache, et au passe -partout. Ces deux sortes d'outils (1) sont d'un emploi très simple et, pourrait-;'n dire, universel. Les haches et les cognées sont des outils de même famille. La hache est plus légère ; elle présente un fer plus trapu et plus ramassé. La cognée est plus lourde, plus mordante et sa tête aplatie peut servir de masse. La hache convient spécialement pour l'exploitation du taillis et des réserves feuillues. Elle donne une coupe favorable à la conservation de la souche et à la production des surjets. La cognée, au contraire, creuse lés souches qui se décomposent promptement sous l'action de la pluie. Elle doit être employée dans les futaies résineuses et feuillues, où la reproduction se fait par semis. Comme tous les instruments dont l'antiquité est très grande et qui ont (1) Cf. A. Mathey, Traité d'exploitation commerciale des èois, tome l^'', pages 274 et s. Au cours de ce travail, nous avons fait de fréquents emprunts à ce remarquable ouvrage. COGRES FORESTIER été successivement perfectionnés par l'expérience humaine, la hache ni la cognée n'ont pas une forme fixe. On les voit au contraire varier non seu- lement d'un pays à un autre, mais encore de campagne à campagne. Leurs variations ne se rapportent d'ailleurs jamais qu'à un détail, qui se modifie d'un type à l'autre, c'est le profil ou le dessin du fer ou de son tranchant. Toutefois il faut noter que, d'une façon constante dans les différents modèles, le tranchant n'a pas une forme symétrique par rap- port à une perpendiculaire au manche. Au contraire, sa partie supérieure, qui est celle qui travaille le plus, présente une saillie plus accentuée, qui permet de remédier plus aisément à son usure. Les passe-partout sont une sorte de scie à main. Leur largeur de lame est d'une vingtaine de centimètres, leur longueur varie de 1 m. 20 à 2 m. 40. Toutefois il faut remarquer que la longueur de 2 m. 40, se rapportant à des arbres qui dépassent de beaucoup la moyenne, est exceptionnelle elle- même. La consommation française, par exemple, ne demande guère que trois ou quatre de ces instruments de longueur extraordinaire, dans une année. La lame porte à ses deux extrémités des douilles qui reçoivent des poignées en bois, placées de façon à se trouver à angle droit avec le dos de la lame. La lame a plus de largeur au milieu qu'aux extrémités, parce que ce sont les dents centrales qui s'usent le plus rapidement. Le profil des dents est essentiellement variable. Mais il est néanmoins toujours symétrique pour que l'outil puisse travailler dans les deux sens. Il faut qu'elles soient suffisamment espacées pour que les sciures puissent se loger dans leur intervalle. Les scies américaines ont apporté un perfectionnement au passe-partout classique. Leur innovation a été de juxtaposer des dents de différents profils, qui ont chacune une destination différente. L'inconvénient du passe-partout classique était que la sciure et le copeau se logeant entre les dents symétriques toujours semblables, une partie de la force employée pour manier Tinstrument s'usait à pousser ce déchet. Le problème à résoudre était donc d'éviter cette déperdition d'effort, afin de rendre le travail plus efficace. Pour y parvenir, le passe-partout américain divise le travail entre les deux catégories de dents. Les unes, dents sciantes, coupent le bois; les autres, dents dégorgeantes, n'ont d'autre office que de pousser devant elles le copeau qui se trouve logé dans la gorge qui les sépare du groupe de dents sciantes. De cette façon les dents sciantes qui suivent la dent dégorgeante n'ont pas à faire d'autre travail que leur travail d'attaque du bois. Dans la même catégorie d'outils que le passe-partout il faut ranger la tronçonneuse à main. Cet instrument dont nous parlons à cette place, à cause de sa similitude avec celui que nous venons de décrire, mais qui ne pourrait pas en général être rangé parmi les outils de l'abatage, est une sorte de puissante égohine destinée à être mano?uvrée par un seul ouvrier, pour tronçonner un arbre de petit diamètre. Elle se compose d'une lame triangulaire, comme celle de Tégoliine. Cette lame doit avoir la même rigidité que celle du passe-partout, et elle a la même denture que lui. — 436 — l.NTERiXATIONAL 1913 Elle peut notamment profiter de la denture perfectionnée du passe- partout américain. Elle est munie de deux poignées situées toutes deux du même côté de la grande base de la lame. L'une de ces poignées est placée dans le prolon- gement du dos de la lame; l'autre lui est perpendiculaire. Elles font toutes deux leur effort au même endroit, et ne sont placées là que pour permettre à l'ouvrier de manier cet instrument à deux mains. Sur le parterre de la coupe, les opérations de manutention que l'on Outus de mana- peut avoir à faire sont les suivantes : tention. Rouler un arbre dans le sens du développement de sa circonférence; Le tirer dans le sens de sa longueur ; L'élever afin d'opérer son chargement. On peut dire, d'une manière un peu trop théorique peut-être, que les opérations de la première catégorie sont faites au moyen d'outils de la famille du levier, que les secondes sont faites au moyen d'appareils de roulage, et les dernières au moyen d'appareils de levage. Il va sans dire que, dans la pratique, de pareilles séparations entre les moyens ne s'obser- vent point, mais au contraire que bien souvent tous les moyens dont on peut disposer concourent à une seule opération. Les appareils de la famille du levier sont : 1° Des leviers perfectionnés, tels que la sappie tyrolienne qui se com- pose d'un fer courbe et aigu, dont la forme continue le manche courbe auquel il est fixé ; l'anspect qui n'est autre chose qu'un levier muni à sa pointe d'une forte garniture en métal. 2° Des outils où la force du levier se trouve servie et accrue par une partie métallique, généralement articulée, destinée à saisir l'arbre à manœuvrer. Les appareils de cette dernière sorte sont très nombreux comme il arrive chaque fois que l'on peut mettre en pratique un principe très simple. On peut prendre comme type de cette série d'appareils un instrument établi de la façon suivante : Un bras de levier d'une longueur de 2 mètres environ est muni à sa partie inférieure d'une garniture d'acier terminée en pointe aiguë, de façon à ce que l'appareil puisse piquer fortement le bois. A une dizaine de centimètres de cette extrémité inférieure est fixée une sorte de puissante griffe qui est, soit de forme courbe, soit coudée à angle droit. L'arbre est saisi et maintenu entre l'extrémité métallique du levier et la pointe du crochet. On agit alors sur le bras du levier de façon à déplacer dans le sens voulu la pièce à manœuvrer; deux ouvriers faisant effort sur cet appareil peuvent lui faire déployer une force de 3.000 kilogs. Un autre type de la même série d'appareils est constitué par une très forte griffe d'acier munie d'un anneau d'assez grand diamètre pour que l'on puisse y introduire un levier. La partie du levier qui est engagée dans l'anneau forme avec la pointe do la griffe un mécanisme analogue à celui dont est muni l'outil que nous avons décrit précédemment et qui se manie de façon semblable. Les appareils de roulage sont d'abord des roules eux-mêmes. Ce sont des pièces de bois rond que l'on dispose sous un arbre préalablement soulevé à l'aide d'un cric et sur lesquelles on fait glisser le bois à déplacer. — 437 — CONGRES FORESTIER Perfectionnant le roule, on en a fait un appareil mobile dans une arma- ture fixe. Il y est maintenu par une sorte d'essieu. L'ensemble de l'appa- reil repose sur une plate-forme légère qui n'a pas d'épaisseur appréciable et qui est composée d'un châssis métallique. L'avantage de cet appareil est double : l** Il assure un roulement meilleur que le simple roule ; 2° L'appareil étant fixe, toute la force employée est utilisée pour l'avancement de l'arbre, et il ne s'en perd point pour déplacer le roule lui-même. D'autre part, cet appareil peut avoir une seconde destination. On peut s'en servir en le retournant, comme d'une roue mobile que l'on installe- rait en dessous de la pièce à manier. Dans ce cas, on n'actionne plus la pièce sur l'appareil. L'avancement se fait comme si la pièce était chargée sur un chariot rudimentaire. Quand les conditions du terrain le permettent on peut, au lieu de se servir de ces instruments de roulage, procéder au tirage des bois. On emploie alors soit des chaînes, soit de forts câbles que l'on fixe à l'arbre par le moyen d'un coin enfoncé dans la section d'abatage, ou de griffes qui viennent emprisonner le fût. On se sert en Allemagne, pour faciliter ce tirage, de glissières en bois. La glissière est une sorte de brancard sur l'arrière duquel on fait reposer et on fixe l'une des extrémités de l'arbre à déplacer. Puis on y attelle un cheval ou un mulet. Comme appareil de levage on n'emploie dans les coupes que le cric. Cet appareil est trop généralement connu pour que nous entreprenions de le décrire. Chacun sait qu'il se compose d'une crémaillère et d'un système d'engrenages. C'est un instrument très pratique parce qu'il est très maniable alors qu'il atteint une force considérable et l'on sait qu'il peut . arriver à déployer une force de 10.000 kilogrammes. A la suite de ces diverses opérations, on procédait autrefois, et jusque dans un passé qui n'est pas très éloigné, au débit sur place d'une partie des bois abattus. Ce travail était alors exécuté au moyen de la scie de long, employée à bras d'hommes. La scie de long fut, jusqu'à l'apparition de la scie mécanique, le seul mode de débiter les bois en sciages de toutes épaisseurs et de toutes dimen- sions. De même que pour le passe-partout, il faut deux hommes pour manier la scie de long. Mais le débit devant être accompli dans le sens de la longueur de la pièce, il est nécessaire de la disposer d'une façon particulière. La pièce ayant été préalablement équarrie à la hache sur une de ses faCes, est disposée sur dos chantiers de hauteurs inégales qui lui ménagent une certaine inclinaison, tout en l'établissant à peu près à hau- teur d'épaulement. Les scieurs se placent l'un sur la pièce et l'autre en dessous, et ils pratiquent leur sciage suivant un trait tracé au cordeau sur la pièce. Cette méthode de travail est presque entièrement délaissée aujourd'hui. Sa lenteur l'a forcée à disparaître dès l'apparition des- pro- cédés mécaniques. Bien que le sciage de long soit, pour ainsi dire, complètement aban- donné, certaines opérations de débit sont actuellement exécutées dans lo voisinage des coupes et dans les centres d'exploitation. Tout d'abord, quand il s'agit d'une exploitation considérable de bois dur, il peut être intéressant d'établir, sur les lieux mêmes ou dans leur — 438 — 1 N T E R N A T I O N A. L 1 9 1 ^» voisinage immédiat, une scierie mécanique quelconque et l'étude de son matériel et de son outillage ne rentre pas dans le cadre de notre rapport. En second lieu, quand il s'agit d'exploitation de bois blanc, il est non pas préférable, mais indispensable d'établir une scierie volante. La scierie volante est une création originale et curieuse. Une scierie scierie vounte volante typique sera installée sur un espace découvert, à proximité des coupes, non loin d'un canal, d'une gare, en un mot d'une voie d'évacuation des produits débités. On établit l'outillage à l'intérieur d'un hangar démontable que l'on dresse sur les lieux; la force est fournie par une locomobile qui actionne les diverses machines. Les machines nécessaires au travail que l'on veut exécuter sont les suivantes : Tout d'abord un banc d'équarrissage sur lequel les bois tronçonnés en morceaux de longueurs déterminées sont passés une première fois. Les dosses sont enlevées de façon à ce que les pièces présentent des faces qui rendent plus aisé leur passage aux outils suivants. Les pièces, une fois équarries, passent d'abord à un second outil où elles sont débitées en planches suivant l'épaisseur désirée. Au troisième outil, les planches sont tirées de large. Pour ces trois opérations on emploie des scies circulaires, qui ne dilfè- rent entre elles que par leur puissance. On comprend, en effet, naturelle- ment qu'il faut des bancs de résistances diverses et des scies de diamètre et de force variés pour supporter ou pour attaquer la tronce brute qu'ilfaut équarrir ou le feuillet débité qu'il s'agit de déligner. En outre de ce groupe essentiel de trois outils principaux, la locomobile peut encore actionner des machines secondaires destinées à l'affûtage et aux autres besoins de l'usine, la force utilisée dans l'ensemble de l'installation étant d'environ 25 à 30 chevaux. Les bois au sortir de la scie sont empilés sur le terrain qui dépend de la scierie. Ils y demeurent, après même que la scierie a été s'installer ailleurs, jusqu'à ce qu'ils aient atteint un degré de sécheresse qui en permette l'emploi. La scierie reste montée sur un même chantier pendant un temps que détermine seule l'importance de l'exploitation. Il peut être utile d'établir une scierie pour un mois. On n'en voit guère demeurer au même endroit plus de six à sept mois. Tout le personnel ouvrier qui est nécessaire à leur fonctionnement se groupe autour des scieries mobiles. Il se déplace par caravanes, et s'éta- blit sur les lieux mêmes dans des baraquements provisoires que l'on cons- truit dans les dépendances de la scierie. On comprend facilement les avantages que l'usage de ces scieries ' mobiles a procuré à ceux qui les ont utilisées. Leur emploi a permis de réaliser de sérieuses économies sur les transports qui se sont trouvés réduits et facilités. Le transport des déchets s'est trouvé évité. La multiplicité de pareils établissements évite à l'industriel l'encom- brement qui ne manquerait pas de se produire chez lui s'il ne disposait que d'une seule usine centrale dans laquelle il devrait faire venir tous les bois qu'il doit débiter. C'est encore un avantage pour lui que la possibilité de laisser les bois qu'il a débités sécher sur l'emplacement de la scierie. Il peut ainsi ne faire rentrer chez lui les bois dont il a besoin qu'au fur et à mesure de ses nécessités, sans être obligé d'avoir chez lui à un moment la totalité de son stock. — 439 — CONiiBES FORESTIER L'emploi toujours plus généralisé de la scierie mobile est donc un pro- grès très sensible réalisé dans la voie de l'introduction du mécanisme dans les industries forestières. Est-ce une voie où l'on puisse espérer voir se réaliser bientôt des pro- grès appréciables? Il est à craindre que non. Toutes les opérations qui se font sur le parterre de la coupe sont difficilement remplaçables par des opérations mécaniques, tant par leur nature particulière que par les conditions dans lesquelles elles s'exécutent. Outre que les transports de force sont actuellement encore malaisés en forêt, le sol de la coupe, inégal, accidenté, coupé de mille obstacles divers, ne se prête pas volon- li(irs à l'établissement ni au déplacement d'une machine de quelque poids. En dépit de ces conditions défavo»i'ables, on a vu établir une machine à abattre la futaie qui mériterait de retenir notre attention si sa réalisa- tion apportait une solution réellement pratique. Ce n'est pas le cas. La création de la machine à abattre semble plutôt une solution théorique. Quoi qu'il en soit, on se plaît à constater que le problème, ayant été posé a été résolu d'une façon quelconque, et il est permis d'espérer que des perfectionnements successifs permettront quelque jour d'atteindre un résultat plus satisfaisant. Avant de quitter les questions qui se rapportent au travail forestier mécanique, signalons ici une lacune de l'outillage mécanique. Il n'existe pas de machine à abattre le taillis et l'étude d'une machine qui aurait cette destination est une question actuellement à l'ordre du jour. La Société des Agriculteurs de France a même créé un prix de 3.000 francs qui sera décerné en 1915 à l'inventeur de la meilleure machine à exploiter Ir" taillis feuillu. Outre les qualités de solidité, d'économie, de qualité de travail, qui seules peuvent permettre à une machine de se substituer à la main-d'œuvre courante, on exigera de cette machine qu'elle ne compro- mette pas la repousse naturelle du taillis. Modes de tiaus- Ayant examiné dans les pages précédentes l'outillage nécessaire à ***'"'• l'abatage et à la manutention des bois, il nous reste à examiner les modes de transport destinés tant à la vidange des coupes qu'à la conduite des bois vers une destination nouvelle. Sans examiner s'il est tout à.fait légitime de ranger les engins de trans- port dans l'outillage (ce qui pourrait être discuté), nous allons en passer une revue très rapide. Nous en avons déjà vu un, le plus élémentaire, quand nous avons décrit la manutention par le moyen des roules. On comprend, en effet, que les roules peuvent servir, non seulement à déplacer de peu un arbre sur le parterre de la coupe, mais encore à le mener à quelque distance de son point d'abatage, et dans certains cas favorables, jusqu'au chemin de vidange lui-même. Nous devons voir maintenant les transports par véhicules attelés et les essais de véhicules automobiles. A propos des véhicules attelés, nous allons remarquer une particula- rité que nous avons eu déjà l'occasion de signaler et qui contribue à donner aux industries forestières l'un de leurs caractères, plus pitto- resque à vrai dire que pratique. Nous voulons parler de la très grande ancienneté, de l'antiquité pour- rait-on dire, de leur matériel. Il est bien connu que l'agriculture a longue- ment tardé à renouveler les formes de ses antiques instruments et à leur — 140 — 1 .N T E R N Aï I O N A 1 . 1 U K ! substituer des machines, mais il est bien certain que c'est le travail fores- tier qui doit être le dernier à s'engager dans cette voie. Nous en avons indiqué brièvement les raisons quand nous avons décrit la machine à abattre, nous ne les répéterons pas ici. Le transport des longues pièces se fait au moyen de diables ou de fardicrs, et c'est à ces véhicules que nous pensons quand nous parlons de l'ancienneté du matériel forestier. Le diable se compose d'un train de hautes roues; on suspend la pièce à transporter sous l'essieu au moyen d'une chaîne ou, dans un modèle plus récent, au moyen do deux griffes mobiles, qui serrent automatiquement la pièce à la façon d'une pince. On ramène la charge au moyen d'une flèche de 2 m. 50 à 3 m. 50 de longueur. L'arbre reste suspendu en équilibre, et on attelle un cheval au diable, en se servant d'un palonnier mobile que l'on fixe à la pointe de la flèche ou que l'on cramponne à l'extrémité de l'arbre s'il dépasse la flèche. Quand il s'agit de transporter des pièces de grandes dimensions on peut y employer deux diables, disposés l'un derrière l'autre de façon à former en quelque sorte un seul véhicule à quatre roues. On a alors une voiture qui présente les facilités de chargement que procure le diable et notamment la commodité d'avoir la charge suspendue sous les essieux, tout en ayant la stabilité et la longue portée de la voiture à quatre roues. Le fardicr est construit sur les mêmes principes que le diable, mais est plus puissant. Il est en outre muni d'une limonière fixe, ce qui facilite l'attelage des chevaux. Le diable et le fardier sont des véhicules à deux roues. On emploie aussi des camions à quatre roues. Certains d'entre eux offrent la particularité de pouvoir s'allonger ou se raccourcir à la demande des pièces que l'on veut transporter. Il y en a d'autres dont on peut démonter les roues du côté où l'on charge, ce qui favorise la mise en voiture souvent difficultueuse. Les transports automobiles sont destinés à être utilisés dans l'industrie forestière. Mais leur emploi sera forcément limité; on ne pourra jamais songer à les employer sur le lieu d'abatage. Leur service ne peut com- mencer qu'avec une route praticable pour eux et il faudra toujours amener au moyen de roules ou de fardiers les bois à l'endroit où on pourra les charger utilement sur un camion automobile. A partir de ce moment, l'automobile reprend son avantage ; mode de transport rapide et régulier, il est destiné au service à distance, soit pour conduire les bois à la gare la plus proche afin d'être expédiés, soit pour alimenter une scierie. En Auvergne, en Bourgogne, dans la forêt de Fontainebleau, des voitures de diverses marques sont très heureurement utilisées. Rendant des services analogues à ceux que l'on pourrait attendre de l'emploi généralisé de l'automobile, les installations Decauvillede wagon- nets sur rails sont très heureusement employées dans la moyenne exploita- tion, et les services qu'elles rendent sont très appréciables. Nous avons ainsi terminé la revue rapide des moyens de transports employés sur le terrain môme de l'exploitation. Nous n'avons pas abordé les questions que proposent les transports à longue distance qui s'opèrent en montagne par le schlittage ou le téléférage, sur cours d'eau par le flot- tage, craignant de donner à cet exposé déjà étendu des proportions exces- sives, et considérant, d'autre part, que les questions de transport, si elles se rattachent aux questions de l'outillage, n'en font pas réellement partie. — 441 — CONGRES FORESTIFR Nous voulons cependant indiquer que dans certaines exploitations américaines les procédés de téléférage tels que nous les voyons employés parfois dans les Alpes suisses et dans certaines parties de l'Autriche ont reçu une extension et une ampleur tout à fait dignes de remarque. Des installations de câbles sont faites entre des points éloignés, d'alti- tudes sensiblement différentes, que ne relient entre eux aucun chemin praticable, et qui peuvent même être séparés par toutes sortes d'obsta- cles, tels que ravins ou cours d'eau. Un chariot sous lequel on suspend les grumes à transporter glisse sur le câble, emmenant avec lui sa charge par cette voie aérienne. La vapeur et l'électricité mettent en œuvre les divers éléments de ces installations. Ce moyen de transport, qui est pratique quand on manque de che- mins, ou que l'on n'en pourrait établir qu'à grands frais, ne peut convenir que lorsque l'on a exploité des parties boisées d'une très grande étendue. Il ne serait pas avantageusement employé dans le cas d'exploitations disséminées et de petites contenances. Il pourrait être heureusement pratiqué en Algérie. Nous avons ainsi terminé l'examen de l'état actuel de l'outillage forestier et, au moment de le conclure en formulant quelque vœu, nous ne sommes pas sans éprouver un certain embarras. Si, d'une part, nous avons suffisamment confiance dans l'industrie humaine pour être assurés de l'amélioration continue du matériel dont nous disposons, d'autre part, nous ne voyons pas actuellement de pro- blème précis à lui proposer. Dans le domaine du gros outillage, nous ferions volontiers nôtre le vœu de la Société d'Agriculture, de voir établie une machine à abattre le taillis, si nous avions l'assurance qu'elle puisse être d'une utilisation plus réellement pratique que la machine à abattre la futaie. Le petit outillage de manutention et d'abatage nous paraît très pra- t ique et très bien adapté à ses fins. Le Congrès émet le vœu : I. Que dans le domaine du gros outillage il soit établi une machine à abattre le taillis^ d^une utilisation réellement pratique. II. Que les transformations du petit outillage de manutention et d'aba- tage se produisent en s' inspirant des progrès déjà réalisés, autant en France qu''à V étranger, et en tenant compte des améliorations obtenues par le perfec- tionnement du matériel servant aux grandes exploitations. III. Que V emploi des transports automobiles soit favorisé de toutes manières, notamment par V amélioration des chemins forestiers au point de vue de leur solidité. M. LE Président. — Personne ne demande la parole sur ce rapport? Le vœu, mis aux voix, est adopté, La séance est levée à midi. I2ITERNATI0.NAL 1913 SEANCE DU 16 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 45. M. LE Président. — La parole est à M. Edouard Rizier pour la lecture de son rapport sur I'Utilisation des Bois, Bois bruts, Chauffage, Charbon, Etais de mines. M. Edouard Rizier. — La nature, en faisant surgir à la surface du sol ces immenses et magnifiques forêts qui font la joie et l'admiration du touriste, a fait à l'homme un de ses dons les plus riches et les plus précieux. En effet, la forêt qui concourt si puissamment à la beauté de nos paysages, et qui durant les longs jours d'été nous protège avec tant de sollicitude contre les ardeurs excessives du soleil, est indispensable à l'existence même de l'homme, non seulement à cause des produits Qu'elle lui fournit, mais encore en raison de son action bienfaisante sur les éléments; en effet, chacun connaît l'influence considérable qu'elle exerce sur le climat dont elle diminue la sécheresse, et personne n'ignore qu'elle est le grand modérateur des vents, dont elle calme les violences dévas- tatrices, comme elle est le régulateur indispensable à l'établissement' rationnel du régime des eaux. La forêt est en outre une réserve inépuisable, puisqu'elle se reconstitue-; constamment, d'une matière première, le bois, dont l'homme ne saurait se ■ passer. Bien que le génie humain, en arrachant aux entrailles de la terre la houille et certains métaux ait réussi, par l'emploi de ceux-ci, à remplacer le bois dans un grand nombre de ses applications, il n'en est pas moins établi, qu'à notre époque de houille noire et de houille blanche, la consom- mation du bois considéré dans ses emplois industriels tend à s'accroître < de jour en jour Nos belles forêts de France sont, en l'état actuel, dans' l'impossibilité absolue de répondre aux besoins de la consommation nationale; depuis longtemps déjà, nous faisons appel à la production étrangère, mais celle-ci n'est pas inépuisable, et si nous n'y prenons garde, si nous n'apportons pas de sages méthodes à la conservation et à l'exploitation de nos forêts, si nous ne procédons pas dès maintenant à un reboisement rationnelet intelligent des terres actuellement incultes, bientôt arrivera le jour, peut-être peu éloigné, où il nous sera impossible — U3 — CONGRES FORESTIER de trouver à Fétranger, même à prix d'or, les bois indispensables à nos diverses industries. DtiJisation des Le bois, à quelque essence qu'il appartienne, trouve son utilisation à ***'^' Tinfini, dans les industries les plus diverses. Il ne nous appartient pas d'étudier toutes les questions touchant l'emploi du bois, en général; des plumes plus autorisées que la nôtre les traiteront, chacune en ce qui la concerne, au point de vue de ses applications industrielles, et nous ne nous occuperons ici que de son utilisation en tant que chauffage, charbon et étais de mines. Bois bruts {Chauffage). — La question des bois de chauffage est inti- mement liée à celle des taillis dont la situation lamentable effraie, à juste titre, les propriétaires forestiers et émeut les pouvoirs publics, mais nous ne nous occuperons pas de cette importante question qui doit être traitée par une autre section. Il est de toute évidence que, comme combustible, le bois, depuis un quart de siècle, joue un rôle de plus en plus effacé, et que s'il jouit encore de quelque faveur en province, surtout dans les pays situés à proximité de forêts, il a dans les villes, et plus particulièrement à Paris, été remplacé en grande partie par la houille ou les produits de sa distillation, le coke et le gaz, et il n'est pas douteux que ces terribles concurrents lui ont porté des coups dont il ne se relèvera jamais. Les bois de chauffage proprement dits peuvent être divisés en deux grandes catégories bien distinctes : les bois d'essences dures ou bois durs et les bois d'essences tendres ou bois blancs. Bois durs — Les bois durs, et plus particulièrement, les chênes, les charmes et les hêtres, que leur âge, leurs dimensions ou leur qualité lendent impropres à des usages industriels, sont utilisés comme com- bustible, soit pour le chauffage domestique, soit encore pour le chauffage de certains fours industriels, mais, comme nous venons de le dire, leur emploi comme combustible tend à se faire de plus en plus lare. La statistique nous apprend, en effet, que la consommation parisienne qui, en bois dur, était de 423.000 stères en 1886, est passée à 255.000 stères en 1896, pour tomber à 198.000 stères en 1910, soit une diminution de plus de 53 % en 25 ans. Il est infiniment probable que dans une vingtaine d'années la consommation du bois dur à Paris sera presque insignifiante. On sait que ces bois sont en général coupés, pour les exploitations situées dans toute l'étendue du bassin de la Seine, à la longueur de 1 m. 14, et que leur grosseur varie généralement entre 6 et 20 centimètres de diamètre. Ces bois qui ont été coupés à l'époque où la sève est inactive, provien- nent de taillis de 20 à 30 ans ou de jeune futaie, demi-futaie ou haute futaie, dont les produits n'ont pu être utilisés par l'industrie. Les bois de chaulTage se divisent en bois neufs et en bois flottés. Les bois neufs sont ceux qui, par voie de terre ou voie de fer, ont été transportés directement à un port ou à une gare d'embarquement pour être chargés sur wagon ou bateau. Les bois flottés sont ceux qui ont été jetés à bûches perdues, dans des rivières ou ruisseaux, et recueillis, à l'aide d'un barrage, en un point déterminé. ÏMTER>ATIONAL 1913 Ce moyen économique de transport qui, pendant plus de trois siècles, a joué un rôle considérable dans l'approvisionnement de la capitale, est dû à un marchand de bois de Paris, Jean Rouvet, qui l'imagina en 1549. Jean Rouvet inventa, non seulement le flottage à bûches perdues sur les cours d'eau non navigables, mais c'est encbre à lui que l'on doit la création de ces trains de bois que nous avons connus dans notre enfance et que de hardis et vaillants nautonniers conduisaient à destination, en leur faisant descendre lentement, mais sûrement et économiquement, le cours des rivières ; pour ce faire, ils les dirigeaient à l'aide de longues perches qu'ils plongeaient jusqu'au fond du lit des cours d'eau. Ce dernier procédé a été complètement abandonné pour le transport des bois de chauffage, depuis trente-cinq ans environ, en raison de l'intensité de la navigation à vapeur ; quant au flottage à bûches perdues, il n'est plus guère en usage que sur deux rivières du Morvan, la Cure et l'Yonne ; les bois jetés dans la Cure ou dans ses affluents sont recueillis à Vermenton, ceux jetés dans l'Yonne sont arrêtés à Clamecy et à Coulanges-sur- Yonne, et de là, après séchage sur ces ports, acheminés sur leur destination défi- nitive, à l'aide de bateaux. A propos dé ports, il nous parait indispensable de leur consacrer quelques lignes, en raison des relations étroites qui existent entre les exploitations forestières et le commerce des bois. On sait que la loi a frappé de servitude, en faveur du commerce des bois, toutes les propriétés à l'état de prés ou labours situées sur les bords d'une rivière ou d'un canal, et que, moyennant une indemnité fixée par décret, tout exploitant ou négociant peut déposer des bois à brûler ou d'industrie sur les rives des voies navigables ; c'est ce qui explique le nombre rela- tivement important de ports fixes et accidentels que l'on rencontre un peu partout, et notamment dans le bassin de la Seine. Cette faveur accordée au commerce des bois, et par suite à tous les consommateurs, puisqu'en diminuant les frais de transport elle permet d'obtenir un prix de revient moins élevé, remonte aux temps les plus reculés ; on en trouve trace, en effet, dans une ordonnance édictée sous Philippe-Auguste, en novembre 1219, et l'ordonnance du 23 décembre 1672 n'est que la condensation et la codification de celles des 2 novembre 1582 et 28 juin 1656 sur la matière. L'ordonnance de 1672 a été elle-même confirmée et complétée par la loi du 28 juillet 1824 et par le décret du 21 août 1852, toujours en vigueur. Nous aurions désiré dire quelques mots du service des ports qui, depuis la création en février 1644 des commis- saires contrôleurs-jurés-mouleurs, (qui n'étaient autres que nos gardes, ports d'aujourd'hui), a rendu de si importants services au commerce et à l'exploitation des bois, mais les limites étroites qui nous sont fixées pour la rédaction de ce rapport ne nous permettent pas d'aborder ce sujet. Cependant, nous croirions manquer à un devoir d'équité si, en passant, nous ne rendions un légitime hommage au zèle et au dévouement de ces excellents agents des ports qui président, avec la plus grande impartia- lité et la plus parfaite loyauté à l'exécution littérale du décret de 1852, et, fonctionnaires de l'État, non salariés par lui, ont résolu ce problème, insoluble a priori, d'être à la fois les collaborateurs des vendeurs et des acheteurs en même temps que leurs arbitres. Malgré les services que rendent les gardes-ports, un petit nombre do négociants, désirant s'affranchir de leur contrôle et s'exonérer des CONGRES FORESTIER modestes rétributions qui leur sont dues, demandent à grands cris leur suppression. • Nous ne sommes pas de cet avis ; nous pensons au contraire, avec la ' très grande majorité des membres du commerce des bois, que si le ser- vice des ports n'existait pas, il faudrait le créer; nous allons même plus loin, nous émettons le vœu que, dans le cas où des bois seraient livrables dans une gare, on fasse appel, chaque fois que cela serait possible, au concours du garde-port. Son intervention donnerait en effet une sécurité absolue aux parties contractantes, puisqu'elle les assurerait que la mar- chandise serait livrée et reçue suivant les prescriptions du décret de 1852; Cette mesure, en assurant la loyauté des transactions, les faciliterait et éviterait bien des froissements et des procès. Cet hommage rendu au mérite et à la valeur des agents des ports, nous revenons à la question du bois de chauffage. Il est à remarquer que le hêtre destiné au chauffage est toujours fendu dans les quatre mois qui suivent son abatage ; cela tient à ce que, par sa nature même, il « s'échauffe » rapidement, c'est-à-dire que, sous l'action de la fermentation putride il commence à se pourrir. Nous croyons devoir faire remarquer, dans l'intérêt des négociants et des exploitants, que trop souvent ceux-ci négligent de faire fendre le hêtre en temps voulu ; il en résulte d'abord que la fente s'opère plus diffi- cilement, et qu'ensuite le bois a subi un commencement d'altération qui ■ nuit considérablement à sa qualité. Le charme, d'une certaine grosseur, est souvent sujet aux mêmes incon- vénients ; c'est pourquoi, dans les exploitations forestières, on prend quel- quefois soin de le faire fendre lorsqu'il atteint ou dépasse la grosseur de 14 centimètres de diamètre. , Mais cette mesure n'est prise qu'exceptionnellement et devrait se généraliser. Il serait, pensons-nous, de l'intérêt bien compris des exploi-: tants de l'appliquer, puisque, d'une part, ils livreraient des produits abso- lument sains et exempts de tous reproches, et que, d'autre part, ils trou- veraient, par le foisonnement de la marchandise, une compensation ■ largement suffisante aux frais occasionnés par ce travail. Un des bois les plus appréciés pour le chauffage domestique et indus- triel est, sans contredit, le chêne pelard, qui est ainsi nommé parce qu'il a été « pelé », ou plus exactement dépouillé de son écorce, laquelle une • fois moulue sert au tannage des cuirs. Chacun sait en effet que le tan, indispensable jusqu'en ces dernières années à la préparation des peaux, n'est autre que de l'écorce de chêne. L'opération de l'écorçage se fait au- moment où la sève est la plus active, c'est-à-dire au mois de mai ; à cette époque, en effet, le liquide nourricier, en circulant abondamment entre le" bois et l'écorce, permet d'enlever l'épiderme de l'arbre avec une extrême facilité. Le « pelard » n'est pas seulement un bois de chauffage parfait, il fait encore d'excellents étais de mines et du charbon de qualité supé- rieure. Bois blancs. — Par opposition à « bois durs » on donne le nom de bois tendres ou bois blancs à tous ceux qui offrent peu de consistance, qu'ils ■ soient blancs, teintés ou résineux, comme le tremble, le bouleau, le sapin; ces bois ne sont employés comme combustibles que dans les indus- • tries qui exigent un feu clair, notamment dans la boulangerie et les fabriques de porcelaine. ' — 1-jO — INTERNATIONAL 1913 Si la consommation du bois dur a baissé dans les proportions fantas- tiques que nous avons indiquées plus haut, celle du bois blanc a diminué d'une manière beaucoup moins sensible. C'est ainsi que Paris, qui consommait annuellement 360.000 stères •de bois blancs en 1886, ne réduisait sa consommation qu'à 331.000 stères en 1896 et qu'en 1910, 287.000 stères lui étaient encore nécessaires. C'est donc une diminution de 14 % seulement qu'il y a lieu d'enregistrer pour une période de 25 années. Comme pour le bois dur, cette diminution dans la consommation des bois blancs est due au remplacement du bois par le charbon dans le chauffage des fours de boulangerie et de diverses industries, mais il faut reconnaître cependant que cette transformation est loin de se généraliser et qu'elle ne s'opère que très lentement. Nous devons, d'ailleurs, inciter et encourager l'industrie boulangère à n'employer que le bois exclusive- ment pour la cuisson du pain, car il est incontestable, et chacun a pu en faire la constatation par lui-même, que le pain cuit au bois est infiniment plus délicat au goût et plus savoureux que celui qui a été cuit dans des fours chauffés au charbon, au coke ou au gaz. Parmi les bois blancs destinés au chauffage il en est un, le pin, qui peut rendre les plus grands services pour le reboisement de certains terrains sablonneux ou rocheux, que leur infertilité rend impropres à toute autre culture. Pour le pin, en effet, point n'est besoin de terre abondante et féconde, un sol sablonneux ou pierreux lui suffît ; c'est lui que l'on voit s'accrocher au flanc des montagnes et jusque sur les rochers les moins couverts de terre ; c'est lui qui, sous le nom de pin maritime, garnit les dunes de sable qui bordent la mer, empêche leur envahissement et fertilise des terrains arides et sans valeur, permettant après son exploitation de les utiliser en culture. Enfin, c'est grâce à lui que notre département des Landes, qui n'était qu'un désert, a connu le bien-être et la prospérité, que la Sologne et la Sarthe ont été assainies et sont devenues des régions riches après avoir été de très pauvres pays. Nous venons de voir que la consommation QcS bois de chauffage a baissé dans des proportions fantastiques et que cette situation, en pro- voquant la mévente des bois de moulée, a eu pour conséquence directe d'abaisser considérablement la valeur vénale des coupes de taillis. Nous savons d'autre part que les bois d'industrie sont tellement en faveur à notre époque, que la production nationale ne répond plus aux besoins de notre consommation. Il s'agit donc de ramener, autant que faire se peut, l'équilibre entre les deux éléments de la production forestière. Produisons donc plus de futaies et moins de taillis. Mais ceci est une œuvre de longue haleine qui mérite d'être grandement encouragée dans l'intérêt supérieur du pays. Nous pensons donc que pour obtenir ce résultat désirable qui serait, dans l'avenir, un des facteurs de la prospérité nationale, il faudrait que l'État fit des réserves de plus en plus grandes dans le domaine forestier qu'il administre, et que les particuliers, sans les priver du revenu légitime de leurs propriétés, auquel ils ont droit, fussent invités à conserver des sujets d'avenir en plus grand nombre qu'ils ne le font aujourd'hui (la proportion par hectare pourrait être fixée suivant les possibilités). Pour — /i47 — CONGRES FORESTIER indemniser ces propriétaires du sacrifice qu'ils consentiraient, puisque ce faisant, ils travailleraient pour l'avenir, l'Etat leur ferait remise totale ou partielle des impôts qui pèsent si lourdement sur la propriété forestière. Charbon de bois. — Le charbon de bois, dont l'usage remonte à la plus haute antiquité, a joué, au cours des siècles, un rôle considérable. C'était en effet un combustible domestique particulièrement recherché, et son concours était absolument indispensable à l'alimentation des forges, des fonderies- et de toute l'industrie en général. Mais que les temps sont changés ! Aujourd'hui, la houille et le coke, son dérivé, ont complètement remplacé le charbon de bois dans l'indus- trie, et le gaz, le pétrole, les alcools dénaturés, voire même l'électricité, lui ont ravi, surtout dans les villes, la plus grande partie de sa clientèle bourgeoise. En effet, si pour prendre un exemple, nous choisissons Paris, nous constatons que la consommation de la capitale qui, en 1886, était de 4.716.000 hectoUtres, est passée, en 1896, à 3.288.000 hectolitres pour tomber, en 1910, à 1.321.000 hectolitres, soit, en 25 ans, une diminution dans la consommation de près de 72 %. Nous venons d'indiquer brièvement les principales causes de la défa- veur, à Paris, du charbon de bois ; mais il en est une autre qui a précipité sa chute, c'est son prix de revient élevé, en raison du tarif exorbitant des droits d'octroi. Nous savons, en effet, que les droits à l'entrée de Paris sont de 1 fr, 35 par sac de 2 hectogr. 20, soit environ 25 francs par 1.000 kilogrammes, alors que la houille ne paie que 7 fr. 20 et que le gaz est exonéré de tout droit, puisque le charbon de terre qui sert à sa fabri- cation entre en franchise ; il y a là une inégalité de traitement qui ne s'explique pas, et le Conseil municipal de Paris serait bien inspiré, pensons- nous, en réduisant notablement ces droits exagérés ; ce n'est d'ailleurs pas un bien gros sacrifice que nous lui demandons de faire, puisque si la dimi- nution de consommation continue à s'accentuer dans les proportions que nous venons d'indiquer, le jour n'est pfis éloigné où la matière impo- sable aura presque entièrement disparu. Peut-on espérer, dans l'avenir, pour le charbon de bois, une reprise de sa consommation industrielle et domestique ? A moins de s'adresser à l'étranger où il y a peut-être des débouchés à découvrir, nous ne croyons pas, qu'en l'état actuel de la science, un nouvel essor puisse être envisagé, mais nous pensons qu'il y aurait lieu d'encourager les chercheurs à trouver des procédés scientifiques qui permissent de l'employer industriellement. Nous ne pouvons actuellement que constater qu'il y a pléthore de charbon de bois, et que par suite de la mévente de ce produit il y a avilis- sement non seulement du prix de la charbonnette, dont les frais de façon sont souvent plus élevés que le prix de vente, mais encore du taillis en général. La formule serait donc : produire moins de charbonnette. Pour ce faire, deux moyens se présentent à notre esprit, mais ces dmix moyens devraient être employés simultanément. Le premier consiste à ne pas carboniser les bois au-dessous de 0,025 de diamètre au petit bout; il est en effet reconnu que non seulement ces bois ne produisent que du charbon peu estimé du consomriiateur, mais que par sucroît ce charbon déprécie, dans des proportions importantes, — \'S — INTERNATIONAL 1913 celui avec lequel il se trouve mélangé. De cette élimination qui ne serait pas une perte pour le marchand de bois exploitant, puisqu'il vendrait sa charbonnette ou son charbon de bois à un prix plus élevé, résulterait, estime-t-on, une diminution de 20 à 25 % dans la production; les ramilles pourraient être abandonnées aux ouvriers ou brûlées sur place. Le deuxième moyen est relatif à l'aménagement des coupes et demande quelques explications. Nous avons dit combien jadis était prospère la situation du commerce des charbons de bois; il en fallait des quantités considérables pour la consommation domestique et il était un élément tellement nécessaire à la prospérité industrielle, que nombre d'usines et de fonderies s'étaient installées dans les grands centres forestiers, notamment dans les régions de l'Est, de la Côte-d'Or, de la Haute -Marne, du Centre, etc., pour obtenif en abondance et à meilleur compte ce produit indispensable à leur activité. Que se passa-t-il alors ? Tout simplement ceci : c'est que les coupes furent aménagées de façon à produire beaucoup de charbonnettes, c'est ainsi que l'on fut amené à couper les bois entre 20 et 25 ans. Or, malgré la diminution colossale qui s'est produite dans la consom- mation du charbon de bois, les propriétaires forestiers qui, escomptant leur revenu annuel, avaient divisé leur bien en 20 ou 25 parts, ne crurent pas devoir, pour un grand nombre, changer quoi que ce fût à leurs habi- tudes, et c'est pour cette raison qu'on a continué à produire beaucoup plus de charbonnettes qu'on en pouvait utiliser. Nous pensons, nous, qu'on réduirait très sensiblement la production de la charbonnette en augmentant la durée des aménagements des coupes et nous croyons que cette manière de procéder serait d'un meilleur rap- port pour le propriétaire. A l'appui de notre thèse, nous allons donner un exemple. Supposons le cas d'un taillis sous futaie, dans un terrain de qualité moyenne. Coupé à 25 ans, le rendement à l'hectare sera d'environ 130 stères qui se décomposeront en 100 stères de charbonnette et 30 stères de moulée. Ce même taillis, coupé à 35 ans seulement, donnerait un rendement d'environ 160 stères à l'hectare dont 90 stères de charbonnette et 70 stères de moulée. Nous ne pouvons pas préconiser cet aménagement pour tous les terrains, mais nous pensons qu'il pourrait être mis en pratique dans la plupart des cas. De plus si l'on porte l'aménagement du taillis de 35 à 40 ans, non seulement la proportion de moulée augmentera au détriment de la char- bonnette, mais encore il sera possible de tirer de ce gros taillis certains bois d'industrie très demandés, notamment des manches de pelle qui sont d'un placement très rémunérateur, des étais de mine et bien d'autres produits. Nous savons bien que notre proposition aurait à vaincre une grosse résistance de la part des communes et des particuliers, car ceux-ci se résoudront difficilement à une diminution de revenu immédiat, même avec la perspective certaine de récupérer amplement plus tard les fruits de ce sacrifice momentané. Nous n'ignorons pas en effet que la plupart tablent sur des revenus — 449 — 15 CONGRES FORESTIER immédiats et ne se soucient pas d'entretenir une propriété coûteuse pour leurs héritiers ; mais nous pensons que pour leur permettre d'entretenir leur bien sans bourse délier, ces propriétaires pourraient se contenter de ne faire que des demi-coupes, jusqu'à ce que le cycle du nouvel aménage- gement soit terminé. De plus, l'Etat pourrait les dédommager par des remises partielles ou totales d'impôts. Nous émettons aussi le vœu que les distillateurs de bois en vases clos ne chargent leurs cornues qu'avec de la charbonnette exclusivement. Si ce vœu était réalisé ce serait autant de charbonnette utilisée ; on nous objectera que la consommation de la charbonnette se ferait en rempla- cement de la moulée et que ce n'est pas le moyen d'utiliser ce produit d jà délaissé, c'est vrai, mais nous pensons qun, surtout avec le nouvel aménagement des coupes, tel que nous le préconisons, ce produit trou- verait son emploi industriellement, notamment dans les mines où sa gros- seur lui permettrait d'être converti en étais. Bois de miues. Nous savons quc, comme combustible, les produits de la forêt ont été remplacés en grande partie par ceux de la mine, mais juste retour des choses d'ici-bas, la mine a besoin pour son exploitation du précieux con- cours de la forêt, et celle-là doit payer à celle-ci un tribut considérable sous forme d'achats de bois de mines de toute nature. La France, dont l'exploitation houillère est très restreinte, puisqu'elle ne produit que 50 à 55 % envn-on de sa consommation, extrait annuel- lement des entrailles de la terre environ 35 millions de tonnes de houille; or, M. Pelletier de Martres, dans son remarquable rapport sur les poteaux télégraphiques, indique incidemment que la mine consomme environ 1 franc de bois par tonne de houille extraite; cette constatation équi- vaut donc à dire que les houillères françaises doivent acheter du bois pour 35 millions de francs environ ; si nous estimons le prix du mètre cube à 25 francs, rendu à la mine, nous voyons, par déduction, que la consommation nationale est d'environ 1.400.000 mètres cubes; sur cette quantité, les statistiques nous révèlent qu'il est importé, notamment de Russie, environ 15 à 20.000 mètl^es cubes, mais, que, par contre, nous exportons pour l'Allemagne, l'Angleterre et la Belgique une quantité au moins dix fois plus élevée. Cette exportation qui pourrait être déve- loppée, jointe à la consommation nationale ouvrent donc à notre exploi- tation forestière un débouché considérable. Il y a deux sortes d'étais de mines, les étais de bois dur et ceux de bois tendre ; les premiers entrent dans la consommation des houillères pour le quart et les seconds pour les trois autres quarts. La consommation des bois tendres tend à augmenter en raison de l'obligation où se trouvent les mines de remblayer. Pour ce faire, il ne leur parait donc pas nécessaire d'employer du bois dur, c'est-à-dire plus résistant, dont le prix d'achat est beaucoup plus élevé; l'expérience a d'ailleurs démontré qu'à un certain degré de profondeur et à une tempé- rature à peu près sensiblement la même, les bois tendres offrent une durée presque équivalente à celle des bois durs. Les bois durs sont surtout utilisés en tant'que hanoches et lattis et les bois tendres comme étayage; mais, il est à remarquer que fort heureuse- ment beaucoup de mines préfèrent le bois dur. Il serait à désirer que cet usage se généralisât, car si les propriétaires de résineux avaient moins d(3 — 450 — INTERNATIONAL 1913 débouchés de ce côté, ils seraient poussés à faire de la futaie qui, en ces essences, a une grosse valeur dès l'âge de 45 à 50 ans, alors qu'en matière de feuillus, il faut attendre au moins 120 ans'pour obtenir le même résultat. Les mines emploient des bois de toutes longueurs et de toutes dimen- sions, depuis les petits bois, appelés « queue » de 1 m. 20 de longueur sur 12 à 18 centimètres de circonférence, jusqu'aux « étais» de 3 mètres de longueur sur 55 à 60 centimètres de circonférence, en passant par les « rallonges» qui ont 2 m. 50 de longueur et 18 à 26 centimètres de circonférence. Nous pensons que les vendeurs de bois de mines devraient inciter les houillères à acheter les perches dans toute bur longueur. Les mines pour- raient débiter elles-mêmes, à leurs dimensions et au fur et à mesure de leurs besoins, les bois qui leur sont nécessaires; cette façon de procéder faciliterait l'exploitation des marchands de bois, qui ont maintenant la main-d'œuvre de plus en plus diffîcultueuse. Ce système est d'ailleurs adopté déjà par un certain nombre de mines. Des dimensions que nous venons d'indiquer, il résulte, qu'en feuillus, le produit d'une coupe de 35 ans pourrait être presque entièrement utilisé par les mines, puisque la vente aux houillères des bois des dimensions précitées enlèverait toute la moulée droite et une partie de la charbon- nette ; c'est donc dire que l'utilisation des bois pour l'usage des mines peut venir en aide de la façon la plus efficace à la crise du taillis, mais nous répétons ce que nous avons déjà dit à propos du charbon de bois, pour que les résultats soient intéressants, il faut cesser de couper les taillis entre 20 et 25 ans, et porter la durée des aménagements des coupes à 35 et 40 ans. Le Congrès émet les vœux ci-après : Bois de chauffage. — Que VËtatsoit invité à faire le plus de réserves possible, de façon à produire, dans un avenir encore lointain, plus de futaies et moins de taillis. Qu''on encourage les particuliers à faire les mêmes réserves, en les indem- nisant de leur sacrifice, au moyen de la suppression totale ou partielle des impôts qui grèvent la propriété forestière. Que VËtat incite les particuliers et les communes à constituer des massifs de futaies partout où la qualité du sol le permet; pour ce faire, non seulement ces massifs seraient, comme les plantations et les semis, exonérés d'impôts pendant trente ans, mais encore des primes pourraient leur être attribués. Que VEtat, sans s''occuper des nécessités budgétaires, augmente la durée de ses aménagements et encourage les particuliers et les communes à suivre son exemple. Que la législation facilite V accession à la propriété forestière de proprié- taires dits « impérissables » qui, senls, ont intérêt à V aménagement de coupes de longue durée. Que de très sérieux encouragements soient accordés aux chercheurs pour les amener à trouver V utilisation industrielle du petit bois, notamment pour la fabrication de la pâte à papier. CONGRES FORESTIER Que Vindustrie boulangère soit incitée à utiliser le bois pour la cuisson du pain. Que certains canaux soient améliorés, notamment que les travaux com- mencés depuis de nombreuses années sur le canal du Nivernais, qui dessert une région essentiellement forestière, soient poussés activement de façon à permettre le passage des bateaux de 38 mètres, ce qui diminuerait notable- ment les frais de transport. Que le service des ports, si économique pour le commerce des bois, soit maintenu dans son intégralité, et étendu, autant que faire se pourra, aux gares situées dans les limites des cantonnements des gardes-ports. Que,d^une manière générale, les marchands de bois exploitants fassent fendre toutes les bâches de charme dont la grosseur atteint ou dépasse 14 cen- timètres de diamètre. Charbon de bois. — Que la durée des aménagements des coupes soit augmentée et portée, chaque fois que la qualité du sol le permettra, à 35 ou 40 ans. Que les bois destinés à la carbonisation aient au moins 0 m. 025 de diamètre au petit bout. Que les distillateurs de bois en vases clos soient invités à n'utiliser que la charbonnette exclusivement. Que la Ville de Paris abaisse sensiblement les droits d^ octroi qu^elle per- çoit actuellement sur le charbon de bois, et qu^elle mette ces droits en harmonie avec ceux auxquels sont taxés les autres combustibles. Que de très réels encouragements soient accordés aux chercheurs, soit par voie de concours, soit par tout autre moyen, pour les amener à trouver des procédés scientifiques permettant Vemploi industriel du charbon de bois. Que des tarifs spéciaux soient accordés au transport du charbon de bois destiné à V exportation. Etais de mines. — Que la durée des aménagements des coupes soit, chaque fois que la qualité du sol le permettra, portée à 35 et 40 ans. Que les houillères de France fassent un usage de plus en plus grand des bois d''essence dure. Que les bois de mines destinés à V exportation jouissent d'un régime de faveur particulièrement réduit pour les transports à longue distance. Que les houillères prennent livraison des bois de mines en perches ayant toute la longueur de Varbre. M. LE Président. — Le rapport de M. Rizier a une certaine importance. Les vœux constituent un ensemble intéressant dont je vais vous donner lecture ; vous aurez à vous prononcer sur chacun des alinéas. Personne ne demande la parole au point de vu,e général du rapport? S'il en est ainsi, je vais prendre les vœux les uns après les autres et les soumettre à votre approbation. — '.52 — INTERNATIONAL 1913 M. Rizier conclut : au point de vue des bois de chauiïage : « Que VÈtat soit invité à faire le plus de réserves possibles^ de façon à produire, dans un avenir encore lointain, plus de futaies et moins de taillis._ » Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point. Adopté à l'unanimité. « Quon encourage les particuliers à faire les mêmes réserves, en les indemnisant de leur sacrifice, au moyen de la suppression totale ou partielle des impôts qui grèvent la propriété forestière. » M. ToRTEL. — Je ne combats pas ce vœu, car ce serait évidemment notre intérêt, mais les bûcherons, la population ouvrière qui travaille dans les bois, lorsqu'ils verront ce dégrèvement complet, vont avoir un état d'esprit nouveau ; ils sont déjà assez animés contre les proprié- taires. Je demanderai donc qu'au lieu de la suppresion des impôts on classe les bois au tarif des terres les moins productives. M. LE Président. — Il faut demander le plus pour obtenir le moins; c'est un peu l'esprit du vœu. M. Caquet. — • Je demande qu'on maintienne intégralement ce vœu qui me parait très bien libellé, car je crains que M. Tortel ne se fasse illusion à l'égard des ouvriers. Leur travail est très respectable indu- bitablement, mais il y a une chose très respectable aussi : c'est qu'une propriété qui ne rapporte rien ne doit rien payer. Je demande donc que le mot suppression totale soit maintenu dans le vœu. M. le Président. — Nous paraissons d'accord pour maintenir le para- graphe tel qu'il est libellé? Adopté à la majorité. « Que l'État incite les particuliers et les communes à constituer des massifs de futaies partout où la qualité du sol le permet ; pour ce faire, non seulement ces massifs seraient, comme les plantations et les semis, exonérés d'impôts pendant trente ans, mais encore des primes pourraient leur être attribuées. » Adopté à l'unanimité. « Que VÉtat, sans s'occuper des nécessités budgétaires, augmente la durée de ses ménagements et encourage les particuliers et les com- munes à suivre son exemple ». Adopté à l'unanimité. — 453 — CONGRES FORESTIER « Que la législation facilite l'accession ù la propriété forestière de propriétaires dits « impérissables )>, qui, seuls, ont intérêt à Vjiménage- ment de coupes de longue durée ». Adopté à l'unanimité. '( Que de très sérieux encouragements soient accordés aux chercheurs pour les amener à trouver V utilisation industrielle du petit bois, notam- ment pour la fabrication de la pâte à papier ». M. DrcHEMiN. — Je demande la suppression des derniers mots : « Notam- ment pour la fabrication de la pâte à papier ». En effet, pour les bois durs, on se heurte à des difficultés techniques insurmontables ; ne présentons pas des choses qui ne sont pas suscep- tibles d'aboutir à un succès et restons dans les propositions générales. M. LE Président. — Nous supprimons donc les mots « notamment pour la fabrication de la pâte à papier ». Adopte « I unanimité. '( Que l'industrie boulangère soit incitée à utiliser le bois pour la cuisson du pain ». Adopté à l'unanimité. « Que certains canaux soient améliorés, notamment que les travaux commencés depuis le nombreuses années sur le canal du Nivernais, qui dessert une région essentiellement forestière, soient poussés active- ment de façon à permettre le passage des bateaux de 38 mètres, ce qui diminuerait notablement les frais de transport ». M. Caquet. — Je demande la parole, non pas pour combattre ce vœu, tant s'en faut, mais pour le souligner, car il est très important. M. LE Président. — Le ministre des Travaux pubUcs na-t-il pas écrit dernièrement une lettre officielle pour déclarer qu'il se préoccupait beaucoup de cette question et qu'il allait faire le nécessaire? M. Caquet. — Les efforts réunis du Conseil général de la Nièvre, de la Chambre de commerce et des Chambres syndicales, n'ont abouti, après 12 ans d'efforts, qu'à obtenir une demi-douzaine décluses transformées, sur 36. M. LE Président. — Le ministre des Travaux Publics, M. Thierry, vient d'écrire une lettre officielle dans laquelle il disait que la question du canal du Nivernais l'intéressait beaucoup et allait aboutir. M. Caquet. — Espérons-le ! Le vœu mis aux voix est adopté à l'unanimité. ' — 454 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. « Que le service des ports, si économique pour le commerce des bois, soit maintenu dans son intégralité, et étendu, autant que faire se pourra, aux gares situées dans les limites des cantonnements des gardes-poris ». Adopté à 1 unanimit«'\ '< Que d'une manière générale, les marchands de bois exploitants fassent fendre toutes les bûches de charme dont la grosseur atteint ou dépasse 14 centimètres de diamètre ». M. LE Secrétaire. — C'est un bon (conseil. M. LE Président. — C'est peut-être un peu spécial, mais cela ne gêne personne. Adopté à l'unanimité. M. LE Président. — Nous passons à la question du charbon de bois. « Que la durée des aménagements des coupes soit augmentée et portée, chaque fois que la qualité du sol le permettra, à 35 ou 40 ans » M. Caquet. — Il semble qu'il y ait là plus qu une invitation. Je ne vois pas très bien quelle est l'intention de l'auteur ; si c'est simplement un conseil, je suis d'accord avec lui, mais si c'est une mise en demeure, je m'en sépare, trouvant que la formule laisse à désirer. M. Duchemin. — Nous pourrions mettre : « Que les propriétaires forestiers soient invités à augmenter la durée des aménagements des coupes et à la porter chaque fois que la qualité du sol le permettra à 35 ou 40 ans ». M. Caquet. — Je me rallie à cette proposition. Le vœu ainsi modifié est adopté à l'unanimité. ■ M. le Président. << Que les bois destinés à la carbonisation aient au. moins 0 m. 025 de diamètre au petit bout ». Les représentants de la carbonisation ont-ils des observations à présenter? M. Duchemin. — Aucune, au contrains. M. Caquet. — Ce sont le.^ dimension; qu'on nous demande. Le vœu est adopté à 1 unanimité. — 455 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. « Que les distillateurs de bois en vases dos soient invités à n'utiliser que la charhonnette exclusivement ». M. DucHEMiN. — C'est un vœu absolument platonique et dont je demande la suppression. M. LE Président. — Voyez-vous un intérêt spécial à supprimer ce vœu? Sinon nous pourrions le laisser subsister. Le vœu est adopté à l'unanimité. M. LE Président. « Que la Ville de Paris abaisse sensiblement les droits d'octroi qu'elle perçoit actuellement sur le charbon de bois, et qu'elle mette ces droits en harmonie avec ceux auxquels sont taxés les autres combus- tibles )). Le vœu est adopté à l'unanimité. M. LE Président. « Que de très réels encouragements soient accordés aux chercheurs, soit par voie de concours, soit par tout autre moyen, pour les amener à trouver des procédés scientifiques permettant Vemploi industriel du charbon de bois ». Le vœu est adopté à l'unanimité. Le Président. « Que des tarifs spéciaux soient accordés au transport du charbon de bois destiné à l'exportation ». Adopté à l'unanimité. « Que La durée des aménagements des coupes soit, chaque fois que la qualité du sol le, permettra, portée à 35 et 40 ans ». Adopté à l'unanimité. « Que les houillères de France jassent un usage de plus en plus grand des bois d'essence dure ». Suit une discussion ^assez vive, à laquelle prennent part M. Lescnsar, Hollande, Sébastien, Caquet, Racket. M. Duchemin. — Je crois ■. M. Sébastien. — Est-ce que ce vteu ne se confond pas avec les deux précédents ? M. Caquet. — Non, c'est, en quelque sorte, une explication complé- mentaire des deux premiers. M.Sébastien. — Je crois que vous allez edVayer un peu le gouvernement, si vous lui demandez de fonder des prix dune importante valeur 1 M. Caquet. — Loin de chercher à leffrayer, j'ai eu, au contraire, la pensée de le rassurer, en montrant qu'une petite répubUque fonde un prix d'un chiffre énorme, alors que nous ne trouvons pas quelques dizaines de mille francs pour fonder un prix qui, peut être, pourrait déterminer des inventeurs à chercher une solution qui intéresse six millions d'hectares de taillis et les propriétaires de ces six millions d'hectares ! M. le baron he Ségonzac. — J'appuie complètement la manière de voir de M. Caquet. M. DucHEMiN. — Je crois, pour ma part, que ces vœux ne font pas double emploi. D'abord, il n'est pas sufiisant que l'État cherche dans ses corps constitués, parce que, plus il y a de cerveaux qui travaillent une question, plus on a de chances de la voir aboutir. Autre point : la sub- vention est une somme courante qui permet au savant de continuer ses travaux. Le prix, c'est la récompense du savant qui aboutit. Vous pouvez avoir dix ou quinze savants qui recevront des subventions, sans arriver à un résultat. Il est juste que celui qui arrive au but ait, en dehors de la subvention qui lui a permis de faire ses travaux, un prix qui est sa récompense directe. {Approbation générale.) Le vœu est adopté. La séance est levée à .'! h. 45. 466 INTERNATIONAL 1913 SEANCE DU 17 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 30. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Gustave Artus sur les Plantations des routes. M. Gustave Artus. — Le voyageur qui circule sur nos grandes et belles routes de France est frappé par la disparition progressive de ces arbres magnifiques qui faisaient, il y a quelques années encore, l'admi- ration de tous. Nous n'avons pas, dans cette courte étude, à nous inquiéter des moyens à employer pour améliorer l'entretien de nos routes ; nous nous conten- terons seulement de plaider de notre mieux en faveur de l'amélioration et de la conservation de l'importante partie de notre domaine forestier constituée par les arbres qui les bordent. Il nous paraît presque superflu d'insister sur le côté artistique rempli par les plantations ; quoi de plus laid et de plus monotone qu'une route dénudée 1 En se plaçant donc à ce seul point de vue. il est déjà permis de conclure, au nom de l'intérêt général, à la plantation et à la conserva- tion de ces arbres d'alignement qui, depuis des siècles, ont si puissam- ment contribué à maintenir la réputation de beauté de nos voies françaises. Si l'on se place au point dp vue tourisme, on arrive aux mêmes con- clusions, car l'arbre de bordure est, pour le touriste, un véritable ami. L'été, il étend sur lui sa puissante ramure et forme, au-dessus de sa tête, une voûte de verdure qui le garantit des ardents rayons du soleil ; l'hiver, il le guide à travers la plaine, lorsque celle-ci est recouverte d'un blanc manteau de neige. Alors, pourquoi cette exploitation intense? Pourquoi cette dévastation qui appauvrit et enlaidit notre pays? C'est que les arbres de route ont des ennemis contre lesquels il est nécessaire de les protéger; il y a bien les insectes et les rongeurs, mais il y a surtout pour lui un adversaire beaucoup plus redoutable : je veux parler de l'homme L'arbre, en effet, n'a pas d'adversaire plus acharné que le riverain dont il borde le champ, et il est facile de remarquer que c'est dans les plaines où la culture esi la plus intense et la plus riche que les arbres sont le moins nombreux. C'est que l'ombre projetée sur les champs et l'envahisse- ment du sous-sol par les racines sont des plus préjudiciables au rende- — 467 — CONGRES FORESTIER ment cultural ; aussi dès qu'un arbre se trouve en bordure d'un champ, le cultivateur de ce champ emploie tous ses efforts à le faire disparaître, méprisant l'intérêt général et ne voyant que son intérêt particulier. Et pourtant, si les arbres de routes causent à la culture une légère perte, combien de fois cette perte n'est-elle pas compensée! Si le préju- dice causé est si grand, pourquoi le cultivateur donne-t-il toujours sa préférence aux terres situées le long des routes ? C'est qu'aujourd'hui les chemins empierrés sont indispensables à la culture ; ils facilitent les gros charrois et économisent animaux et matériel; ils permettent, par suite, de cultiver industriellement les terres qui les avoisinent et cela pour le plus grand profit du détenteur de ces terres. Le cultivat9ur est donc mal fondé à venir se plaindre du déficit produit dan son rendement cultural par le voisinage des arbres et à vouloir s'affranchir de la servitude que doivent supporter les terres qui bordent les routes dont il se sert et dont nous payons tous l'établissement et le bon entretien. Sans hésitation aucune, faisons donc passer l'intérêt général avant l'intérêt particulier; n'écoutons pas les plaintes mal fondées des riverains et conservons à nos routes la parure qui fait leur beauté. Pour arriver à ce résultat, il serait à souhaiter que la vente des arbres de routes et des canaux soit soumise à une sévère réglementation et ne puisse être ordonnée par l'Administration qu'au moment seulement où l'arbre le demande de lui-même, c'est-à-dire lorsqu'il cesse de croître pour commencer à dépérir. Cette façon d'opérer conduirait à conserver nos peupliers de route un laps de temps variant entre 40 à 50 années, et cela pour le plus grand profit de l'Administration qui, livrant à l'in- dustrie des pièces de fortes dimensions, en obtiendrait au mètre cube un prix fort élevé. Da choix de Vessence à planter. — Une fois l'arbre abattu, il faut le remplacer; l'essence à choisir doit être subordonnée à la nature du sol. L'expérience prouve d'une façon péremptoire que l'arbre qui convient le mieux à la majorité de nos terres est le peuplier. Cette essence a sur toutes les autres une quantité d'avantages qui devraient la faire choisir d'une façon absolue, sauf toutefois pour les terres reconnues totalement impropres à sa bonne venue. Le peuplier est notre arbre national ; c'est lui qui pousse le plus vite. Dans un terrain moyen, 25 années suffisent pour obtenir un arbre cubant de 1 mètre cube à 1 mètre cube ^4? pouvant être utilisé industriellement. De toutes les essences, on peut affirmer, sans crainte d'être démenti, que c'est la seule qui puisse donner un pareil résultat ; de plus, depuis une dizaine d'années, son emploi se généralisant, son prix n'a cessé de croître progressivement. Aussi ce n'est pas sans un prodigieux étonnement que, depui- quelques années, on voit l'Administration, abandonnant nos superbes plantations de peupliers, les remplacer par d'autres, faites en arbres fruitiers souvent malingres et rabougris. Dans cette façon d'opérer, on retrouve l'influence néfaste des riverains qui, ne pouvant prétendre à empêcher le reboise- ment de nos routes, se contentent d'imposer à l'Administration une essence qui donne des arbres de faible hauteur, projetant par cela même peu d'ombre et leur causant un minimum de préjudice. Au point de vue budgétaire, une telle pratique donne des résultats déplorables, l'arbre fruitier planté le long des routes donnant un revenu — 468 — INTERNATIONAL 1913 absolument nul. Une enquête personnelle portant sur une plantation de poiriers faite il y a dix-huit ans sur une route de 2 kil. 600 de longueur, dans le département de l'Aisne m'a donné les résultats suivants : l'en- tretien et la taille des arbres sont confiés à un jardinier payé annuelle- ment 25 francs ; la plupart des fruits sont dérobés par les passants avant leur maturité, et ce qui reste produit seulement une vingtaine de francs ; le rapport d'une pareille plantation est donc absolument nul. Si la même route avait été plantée en peupliers à raison de dix pieds à l'hectomètre, on aurait obtenu une plantation de 520 arbres produisant annuellement 520 francs, soit, au bout de 18 années, 9.360 francs, somme qui pourrait être employée utilement à l'entretien de la route. Aussi, dans ce département, l'Administration, complètement édifiée sur les résultats à attendre des plantations d'arbres fruitiers, est-elle décidée à revenir exclusivement aux plantations de peupliers et cela, pour le plus grand bien du contribuable et du touriste. Il résulte de cette courte étude que les vœux que l'on peut formuler relativement aux plantations le long des routes sont les suivants : Que VÊtat, les départements et les communes plantent indistinctement toutes les routes de France en essences appropriées à la nature du sol, à Vexclusion des arbres fruitiers. Que les arbres de route ne soient abattus que le plus tard possible, c'est- à-dire seulement au moment où ils commencent à dépérir. M. LE Président. — Avez-vous, Messieurs, des observations à présenter à propos de ce vœu? M. Pral. — Dans les Gévennes et dans d'autres régions montagneuses, on parcourt des pays [immenses sur des routes absolument sans ombrages. Il suffirait, je croîs, de peu de chose pour rendre ces routes très agréables : il s'agirait simplement d'acheter quelques mètres de terrain en bordure et de les boiser; là, le terrain n'a pour ainsi dire aucune valeur, au lieu de le payer comme à Paris 1.000 francs le mètre carré, on peut le payer 100 francs l'hectare. De même qu'il y a des commissions départementales qui ont classé les sites et monuments, de même on pourrait classer les routes intéressantes au point de vue touristique. Je demanderais que sur le bord de ces routes il y ait une largeur de 20 mètres au plus qui nn devrait pas être dépassée, plantée d'arbres, et alors, quand on passe- rait sur les routes de France, au heu d'avoir un soleil écrasant qui vous enlève tout agrément, on trouverait une véritable petite forêt qui se déroulerait sous les pas. Je crois que la dépense ne serait pas considérable. Dans chaque région de la France, il y a des membres du Touring- Club, ce serait à eux à signaler les routes intéressantes au point de vut; touristique et à en provoquer le classement. M. le Président. — Ce que vous demandez, si je comprends bien, c'est qu'on puisse avoir, à côté de la route elle-même, une bande de terrain — 1(>!» - CONGRES FORESTIER boisée ; mais, c'est surtout au propriétaire du terrain lui-même à s'en occuper. Je crois que votre proposition pourrait faire l'objet d un vœu spécial, mais qu elle ne se rattache pas dune façon directe à celui dont nous nous occupons. M. Pral. — Il me semble que les choses sont du même ordre, puisque nous cherchons à rendre les routes de France agréables.. M. LE Président. — Je demande à la section de voter le vœu de M. G. Artus tel qu'il est, afin de ne pas être en contradiction avec celui qui a été voté hier à la première section {Assentiment). Adopté. M. LE Président. — Voulez-vous avoir l'obligeance. Monsieur Pral, de présenter votre proposition sous la forme d'un vœu spécial, que nous voterons comme adjonction à celui-ci? M. Pral. — C'est entendu. M. Gazeau déclare à la section qu'il est l'auteur d'un projet de machine à abattre les tailhs dont il ne peut pas divulguer les moyens d'exécution. Cette déclaration est prise en considération. M. Pral. — Voici le vœu que je désirais présenter tout à l'heure : « Le Congrès émet le vœu que^ de même qiCil existe des commissions qui, dans chaque département, ont fait le classement des sites et monu- ments, des commissions, composées de membres de bonne volonté du Touring-Club de France signalent, dans les pays montagneux, les chemins présentant un intérêt touristique, et que ces chemins ne puissent pas être déboisés sur une longueur de cinquante mètres environ ; si ces chemins sont bordés par des terrains appartenant à des particuliers,, cette bande de terrain serait achetée dans le cas ou les vendeurs accepte- raient le prix habituel d'achat de l'Etat. » Après consultation des membres présents, ce vœu est renvoyé à la cinquième section. M. le Président. — Nous arrivons à la discussion du rapport de M. Pelletier de Martres sur la question des Poteaux télégra- phiques. La parole est à M. Pelletier de Martres. M. Pelletier de Martres. — Grâce aux découvertes modernes, le progrès procède aujourd'hui à pas de géant. La facilité et la rapidité des communications, par la suppression des distances, ont permis aux hommes d'échanger aisément leurs pro- duits et leurs idées ; elles ont donné aux savants de l'univers entier la possibilité de se transmettre, sans retard, leurs découvertes, de vivre — 470 — INTERNATION.VL 1913 dans une communion constante de pensées ; en im mot, elles ont, tout en le grandissant, rapetissé le globe et, dans une certaine mesure, ten- dent à l'unifier, jusqu'au moment où ce même progrès le divisera peut- être en le bouleversant étrangement. En attendant, nous le voyons déjà modifier profondément la façon d'être et de vivre des peuples, préparant ainsi l'évolution complète des lois économiques futures et mondiales. Pour entrer immédiatement dans le sujet qui nous occupe, sans nous arrêter à de plus amples généralités, on peut constater que la valeur d'un certain nombre de produits forestiers a été singulièrement abaissée, tandis que celle de certains autres a été considérablement augmentée, par suite d'un emploi intensif, inattendu et de leur rareté. Si, par exemple, les taillis, d'où l'on tire les charbons, bois de feu et écorces pour la tannerie, ont vu leur valeur diminuer jusqu'à tomber, dans quelques régions, au-dessous même du chiffre de l'impôt dont ils sont grevés, d'autre part, les résineux qui n'étaient guère utilisés, il y a quelques années, qu'en chauffage, étais de mine, pâte à papier, et bois de construction, ont vu leur prix s'augmenter dans des propor- tions sensibles ; l'industrie en tire actuellement des emplois multiples et de plus en plus importants... Parmi les découvertes les plus sensationnelles du siècle dernier, a été "celle de l'électricité et surtout de ses applications. Ou'est-ce que l'électricité ? Nul ne saurait la définir, même approximativement, car la nature des choses semble devoir rester toujours inconnaissable aux hommes dont la science doit se borner à enregistrer les rapports de ces choses entre elles. Par contre, nous en connaissons déjà, avec les moyens de production, certains effets, nous avons pu les domestiquer et les faire servir à nos usages ; il est à présumer que d'autres utilisations nous apparaîtront quelque jour, mais d'ores et déjà, pour s'en tenir aux résultats acquis, nous voici obligés de trouver, à bref délai, un moyen pratique autant qu'économique de transporter cette nouvelle force qui s'est imposée aux nécessités de l'existence, à tel point qu'elle semble être devenue indis- pensable. Dans cet ordre d'idées, est venu, en premier lieu, le poteau télégra- phique ou mât de transmission électrique. Son emploi n'a pas tardé à s'accroître dans des proportions énormes, en raison d'une consomma- tion tout à fait imprévue. La télégraphie sans fil n'étant jusqu'à présent appliquée qu'aux grandes distances, les câbles souterrains, par suite de dérivations, ruptures. difTicultés de réparation, de surveillance, de leur cherté de pose et d'entretien, n'ayant guère donné que des mécomptes, en dehors des villes organisées pour les recevoir, force demeure, jusqu'au jour d'une solution pratique en ce qui les concerne, de s'en tenir, pour un temps indéterminé, au mât de transmission que l'usage comme l'expé- rience ont amené les consommateurs à préférer en matière ligneuse. Or, il faut bien l'avouer, dès aujourd'hui, nous devons envisager la date assez rapprochée où la France ne suffira plus, elle-même, aux besoins toujours croissants des utilisations télégraphiques et élec- triques. Il convient donc de rechercher, sans plus tarder, les moyens pratiques de résoudre le problème dont la solution s'impose à notre attention. — ^.71 — CONGRES FORESTIER Déjà et tour à tour, le fer, le ciment armé, ont été utilisés pour, sinon remplacer le bois, du moins venir à son secours. Examinons rapidement les nécessités qui nous pressent. Actuellement, on peut calculer que les Postes et Télégraphes, les Che- mins de fer, do nombreuses compagnies ou sociétés ont mis en terre, pour leurs besoins, plus de huit millions de poteaux. D'ici peu, avec le renforcement des lignes existantes, en raison d'un trafic de plus en plus intensif, lorsque toutes les communes de France auront été reliées par fil à leur chef-lieu de canton, lorsque les sociétés électriques auront atteint le développement qu'elles permettent, c'est-à- dire d'ici trois ou quatre ans, ce chiffre dépassera dix millions. La France sera-t-elle en mesure, non seulement de pourvoir aux néces- sités présentes et futures, mais encore à l'entretien de ce nombre formi- dable ? Il est permis d'en douter, si les errements actuels devaient se pro- longer. La durée moyenne des poteaux en bois a été calculée par les Postes et Télégraphes. Cette administration l'évalue environ à treize ou qua- torze ans, c'est-à-dire qu'il faut songer à remplacer annuellement sept et demi à huit pour cent des poteaux complantés. Cette moyenne peut paraître élevée, mais il ne faut point oublier que si nos poteaux, pré- parés au système Boucherie, système qui a fait ses preuves, sont suscep- tibles, en certains cas et suivant la nature des terrains dans lesquels ils ont été placés, de durer cinquante ans, en d'autres endroits, ils attei- gnent une bien moindre longévité. Certains de ces terrains sont d'une nocivité telle que les poteaux résistent au maximum de six à douze mois. Faut-il ajouter que le coefficient de remplacement tendra encore à augmenter, par suite des mises en terre trop hâtives auxquelles l'admi- nistration s'est vue contrainte de procéder, faute d'approvisionnements suffisants et des demandes, pour nos nouvelles conquêtes. Depuis longtemps déjà, l'on a recherché les moyens pratiques de pro- ' longer leur durée. De multiples procédés ou méthodes ont été préco- nisés successivement ; nous allons les examiner aussi brièvement que possible. D'abord le fer : on a cherché à l'utiliser en barres simples, en barres en T ou double T et même en U ; puis, la fonte creuse et cylindrique. L'expérience a démontré que la résistance et la durée de ces poteaux était inférieure à celle qu'on leur supposait, que leur entretien était fort coûteux et qu'enfin, si l'on tenait compte de leur prix d'achat qui est environ trois fois plus élevé que celui du poteau en bois, de puis- sance à répondre aux mêmes emplois, ils présentaient d'assez sérieux désavantages. Le ciment armé est venu, en dernier lieu, et, depuis 5 ou 6 ans, nous le voyons mis en œuvre par des compagnies électriques, pour la trans- mission de leur énergie. Ce procédé n'a pas encore subi l'épreuve du temps ; nous ne pouvons en dire, présentement, qu'un mot : c'est qu'il est d'un prix coûtant au moins 6 ou 7 fois plus élevé que le vulgaire poteau de bois. D'autres méthodes ont encore été indiquées, mais elles ont reçu jusqu'à présent si peu d'applications qu'il est inutile d'en parler. Dans ces conditions, et au simple point de vue de l'économie, les poteaux en bois sembleraient donc devoir continuer à jouir de la faveur — 472 — INTERNATIONAL 1913 qu'ils possèdent depuis longtemps si, nous le répétons, nous ne nous trouvions à la veille de voir notre pays en manquer. Il faut bien le dire, l'époque n'est plus où la France pouvait espérer compter sur ses forêts pour arriver à satisfaire tous ses besoins. Sans parler de la consommation de plus en plus importante de la pâte à papier, sans nous appesantir plus qu'il ne convient sur les demandes toujours grandissantes de l'industrie, en général, voici que les houil- lères ont progressé à leur tour, et l'extraction de la houille s'est accrue depuis quelques années dans des proportions considérables. On a cal- culé que chaque tonne de houille extraite demandait environ 1 franc de bois, et, aujourd'hui cette extraction dépasse en France 38 millions de tonnes annuellement. La recherche des bois de mine est devenue des plus actives tant en France qu'à l'étranger, qui vient même s'approvisionner en partie chez nous, et les propriétaires ont d'autant mieux accueilli les offres qu'elles répondaient à un désir de réalisation plus rapide, d'un revenu destiné, dans les résineux, à être perçu à longue échéance. Point n'est besoin, en effet, d'attendre 50 ou 60 ans pour jouir de ces plantations ; dès l'âge de 20 à 25 ans, les résineux sont déjà susceptibles de fournir des bois de mine ; aussi, beaucoup de propriétaires se sont-ils empressés d'exploiter, mangeant leur blé en herbe, s'il nous est permis de nous expliquer de la sorte. Le niveau de la production s'est donc trouvé ainsi notablement abaissé. Certes, les forêts domaniales et communales contiennent encore des réserves abondantes, mais il faudrait, pour que la consommation puisse en profiter, créer une organisation nouvelle, et que les minis- tères intéressés, arrivant à ne plus se considérer comme des frères enne- mis, se donnent mutuellement la main, en vue de l'intérêt général. Enfin, il convient de concentrer nos efforts dans la recherche et l'uti- lisation des meilleurs procédés destinés à prolonger la durée des poteaux en bois. De nombreuses méthodes d'asepsie et de préservation ont été indi- quées et nous avons relevé, à l'Office des brevets, près de trois cents inventions tendant à ce but. Un certain nombre d'entre elles ont été éprouvées ; d'autres, hélas ! n'ont jamais vu le jour. Peut-être étaient-elles excellentes, c'est avec un regret, la seule consolation que l'on puisse donner en passant aux inven- teurs malheureux dont la formule a constitué l'idéal qu'ils n'ont jamais pu réaliser. Pour nous en tenir aux réalités présentes, disons que quatre procédés ont eu, jusqu'ici, la faveur des différentes administrations et du publie. 1° Le procédé du docteur Boucherie, dont nous avons dit un mot plus haut. Ce procédé utilisé depuis bientôt 60 ans, et qui consiste à injecter des arbres frais avec une dissolution de sulfate de cuivre à 1 °/o, a donné les meilleurs résultats, à condition de laisser les poteaux s'assimiler le sulfate, avant de les employer, ce qui demande une année. La France utilise presque exclusivement ce procédé, la Belgique et la Suisse quelque peu. L'injection du sulfate de cuivre, en cylindre clos, par vide et pression, pour poteaux secs, a pris quelque importance ces temps derniers et permet d'utiliser des bois importés de Russie, Suède et Norwège ; toutefois, les brins ainsi préparés ne doivent pas non plus être mis en œuvre avant 10 ou 12 mois, après la date de leur prépara- COiNGRES FORESTIER tion. L'inconvénient de ces méthodes est de nécessiter d'assez gros appro- visionnements. 2° Le procédé Kyan, qui consiste à -tremper le poteau sec dans une dissolution de bichlorure de mercure : on l'utilise en Suisse, en Alle- magne et en Italie. Nous n'en parlerons pas, afin de ne pas en dire du mal. 3° Le créosotage, d'après le procédé Rupping, que l'on emploie dans toute l'Europe, à l'exception de la France. C'est un excellent procédé, probablement même le meilleur connu, mais il a l'inconvénient de présenter les poteaux sous un aspect inesthé- tique et funéraire, il les rend d'un maniement désagréable aux ouvriers dont il brûle la peau et salit les vêtements, de sorte cju'il jouit d'une mauvaise presse près de ces derniers ; et ne doit-on pas aujourd'hui compter sérieusement avec la main d'oeuvre, surtout en France? 4° Signalons aussi, parmi les essais faits, ces dernières années, par les Postes et Télégraphes, l'emploi d'un nouveau produit connu sous le nom d'injectol. Nous avons sous les yeux le rapport de M. Massin, Ingénieur en chef des P. T. T., à la Conférence internationale des techniciens des Administrations des télégraphes et téléphones de l'Eurppe, ce rapport est des plus concluants, relativement à la valeur de ce produit nou- veau. D'après ses données, sur l'ensemble des poteaux traités à l'injectol et mis à l'épreuve, il ressort mathématiquement que la prolongation de leur durée est au moins 6 ou 7 fois plus grande que celle de tous les témpms plantés au même moment dans des t((rrains septiques et myoélés les plus dévorants. 5° Il convient, en dernier lieu, de noter l'introduction sur le marché de certaines essences coloniales : palétuvier, quebracho et autres, signa- lées comme imputrescibles dans leur pays d'origine. Que conclure de tout ce qui précède ? La nécessité impérieuse d'augmenter notre production comme notre réserve, de rechercher les meilleurs moyens de préservation contre la pourriture et d'en conseiller l'utilisation, enfin de tourner nos regards vers les régions productrices encore inexploitées. peut être n'y a-t-il dans toutes ces considérations que des palliatifs insuffisants, mais s'il est difficile de guérir entièrement et rapidement certains malades le devoir est du moins de les prolonger, cette prolon- gation pouvant parfois permettre d'entrevoir la guérison. Peut-être le progrès dont nous avons parlé au début de ce rapport nous apportera-t-il le remède au mal qu'il a causé ? En tout cas, il convient de suivre attentivement sa marche et de pro- fiter des enseignements qu'il nous apporte tous les jours. Travaillons et luttons : « Labor improhus omnia vincil » (Un travail acharné vient à bout de toutes les difficultés). Que ce vieil adage reste notre devise ; conservons-la fidèlement et sachons la mettre en pratique sans faiblesse ni défaillance : elle main- tiendra nos énergies en nous empêchant de désespérer jamais de la réussite et de l'avenir. C'est d'ailleurs pour nous. Français, un devoir impérieux, car ne l'oublions pas, en cette œuvre comme en beaucoup d'autres, il s'agit non seulement du bien de notre pays, mais encore de l'intérêt général de — 474 — INTERNATIONAL 1913 la civilisation à la tête de laquelle la France doit toujours tenir à honneur d'être placée. Le Congrès émet le vœu : I. Que les terrains incultes les plus susceptibles de reboisement soient plantés en résineux, avec exonération cf impôts pour les propriétaires, au-delà même des 30 ans prévus par la loi, à charge d'observer certains règlements d'aménagement, adéquats aux plantations, rédigés par VËtat, en vue d amener ces plantations à 50 ou 60 ans d''âge. II. Que, dans les coupes de forêts communales ou domaniales, les pins susceptibles de faire^des poteaux télégraphiques soient marqués en réserve par les agents de VÉtat, soit pour faire l'objet dune réadjudicafion aux fabriques de poteaux télégraphiques, soit pour être traités par VÉtat ou la commune en vue de leur emploi direct. III. Que des produits antiseptiques ayant fait leurs preuves, dans le genre de Vinjectol, soient utilisés à Veffet d'' augmenter le coefficient de résistance et de durée des bois soumis à leur traitement- IV. Qdune impulsion vigoureuse et pratique à tous égards soit donnée à Vimportation de nos essences coloniales qui peuvent, en matière de poteaux télégraphiques comme en bien cVautres, parer au déficit menaçant de la production nationale M. LE Président. — Quelqu'un demande-t-il la parole sur le para- graphe premier? M. H. Barbier. — Je propose d'adresser nos félicitations au rapporteur, sous le bénéfice de la précision suivante : qu'entendez- vous par : « Observation de certains règlements d aménagement, adéquats aux plantations, rédigés par l'État ))? M. Pelletier de Martres. — Vous demandez une modification à la loi qui exonère d'impôt pendant trente ans les plantations de résineux, vous devez bien d'un autre côté donner quelque chose à l'État. L'État lui-même vous demandera certaines choses, vous posera des condi- tions, ce sont des conditions à discuter avec l'État lui-même. M. H. Barbier. — Dans ces conditions, je propose à l'assemblée l'adop- tion de la première partie du vœu, sans indiquer à l'État ce qu'il a à faire comme corrélation entre le dégrèvement et les charges à apporter à la propriété ; nous n'avons rien à lui indiquer au point de vue de la rédaction de ses règlements d'aménagement. M. Pelletier de Martres. — Je n'y vois aucun inconvénient. M. LE Président. — Alors, vous retirez à la rédaction du vœu les mots : « A charge d'observer certains règlements d aménagement, adéquats aux plantations, rédigés par l'État, en vue d'amener ces plantations à 50 ou 60 ans d'âge »? CONGRES FORESTIER M. Pelletier de Martres. — Je me range à la proposition de M, Barbier, M, LE Président. — Alors, le vœu serait ainsi rédigé : « Que les terrains incultes les plus susceptibles de reboisement soient plantés en résineux, avec exonération cV impôts pour les proprié- taires, au delà même des 30 ans prévus par la loi.,^> M. Gustave Artus. — Pourquoi ne pas mettre que « tous les terrains incultes susceptibles de reboisement soient plantés » Pourquoi « en résineux »? M. Pelletier de Martres. — D'abord, il s'agit de poteaux télé- graphiques. M. Gustave Artus. — J'ai un terrain inculte qui est susceptible d'être planté en autre chose qu'en résineux, exemptez-moi d'impôts. Lé résineux va être un privilège. M. le Président. — C'est un peu exact. M. Gustave Artus. — J'ai un marécage que je ne plante pas : je trouve que les impôts sont trop élevés ; donnez-moi l'autorisation de le planter en autre chose qu'en résineux. Vous voulez protéger les terrains incultes, eh bien ! protégez-les pour toutes les plantations. M. Pelletier de Martres. — D'une façon générale, les terrains incultes sont plus susceptibles d'être plantés d'abord en essences résineuses qu'en n'importe quelle autre essence. Prenez les dunes de l'Océan, prenez les montagnes, c'est partout du résineux qui est planté. Il y a évidemment des exceptions à cette règle, mais je n'ai traité que la question des poteaux télégraphiques, ils sont généralement en résineux ; je ne me suis occupé que de cette question, je n'ai pas envisagé les questions à côté. M. H. Barbier. — L'observation de M. Artus est très fondée, mais je crois que le rapporteur a surtout envisagé les terrains absolument pauvres et qu'il n'a pas pensé aux terrains à peupliers, qui sont suscep- tibles de donner de gros revenus à rendement rapide. Je crois aussi qu'on peut très bien donner satisfaction à M. Artus, et je ne pense pas que M. Pelletier de Martres s'y oppose. M. Gustave Artus. — C'est pour faciliter le reboisement. M. le Président. — Nous allons alors voter définitivement sur la rédaction suivante : « Le Congrès émet le vœu que les terrains incultes les plus susceptibles — 476 — INTERNATIONAL 1913 de reboisement soient plantés, avec exonération cV impôts pou?- les propriétaires au-delà même des 30 ans prévus par la loi ". Adopté. Nous passons à la seconde partie du vœu, qui est ainsi conçue : « Que dans les coupes de forêts communales ou domaniales, les pins susceptibles de faire des poteaux télégraphiques soient marqués en réserve par les agents de l'État, soit pour faire l'objet d'une réadjudi- cation aux fabriques de poteaux télégraphiques, soit pour être traité par VÉtat ou la commune en vue de leur emploi direct. » M. Brion. — ■ Je crois qu'il est inutile de faire entrer 1" Administration dans l'exploitation forestière, et je ne partage pas l'idée de M. Pelle- tier de Martres, parce que je trouve que dire à l'Administration de venir marquer les poteaux télégraphiques en vue d'en faire plus tard une réadjudication, c'est paralyser les commerces locaux. Je pense qu'il ne faudrait pas mettre cet alinéa, qu'il faudrait laisser les adju- dications se faire comme elles se font, et ne pas faire entrer du tout l'État dans l'exploitation. Je demande tout simplement que les adju- dications et les exploitations continuent à se faire comme elles se font. M. LE Président. — Alors, vous demandez la suppression de cette partie du vœu ? M. Brion. — Parfaitement. M. Pelletier de Martres. — La question. n'est point neuve en matière de réserve par l'État : autrefois l'État ayant laesoin de bois pour sa marine, avait le soin de passer dans chaque coupe en délivrance et de faire ses réserves. 11 est très juste que l'État ayant besoin de bois, commence par se servir lui-même. Or, à cette époque-là, personne ne faisait d'objection sous prétexte que cela pouvait nuire à l'adjudication des coupes, les bois se vendaient très bien, et je suis persuadé qu'ils se vendraient pareillement malgré la réserve que l'État pourrait faire. Permettez-moi de prendre quelques comparaisons. II y a des chan- tiers d'injection aux alentours des grandes forêts de l'État, plantées en résineux. La forêt de Lorris, par exemple, délivre au commerce des bois annuellement 200.000 pieds de pin ; ces 200.000 pieds de pin, qu'il m'est arrivé personnellement d'expertiser, auraient été suscep-^ tibles de fournir une moyenne oscillant entre 30 et 50.000 poteaux télégraphiques. Un chantier de préparation se trouve en plein centre forestier, à Lorris. Eh bien! les industriels qui l'exploitent ont le plus grand mal à obtenir de 4 à 5.000 poteaux télégraphiques annuellement. Fontainebleau se trouve dans les mêmes conditions, A Fontainebleau, on pourrait trouver annuellement dans les forêts de l'État, 25, 30 et. CONGRES FORESTIER certaines années, jusqu'à 40.000 poteaux. Le chantier de Fontainebleau — car il y en a un également — en produit à peine 6 à 7.000. Si je rentre dans la région fortunée de M. Brion, je me trouve en face de la forêt de Rouen, où annuellement — je l'ai visitée moi- même, je suis donc bien sûr de ce que je dis — on pourrait également faire de 30 à 40.000 poteaux télégraphiques. Le chantier dé Sotteville — car il y en a toujours un à proximité d'une forêt — en donne 8, 10, quelquefois 12.000. Pourquoi tout cela? Je ne sais. Messieurs, si vous avez pris con- naissance de mon rapport, mais il y est dit dans un coin que l'ennemi des poteaux télégraphiques, c'est le marchand de bois de mines. Le marchand de bois de mines ne tient pas à vendre les poteaux télégra- phiques que le hasard de l'adjudication met en sa possession. Pour- quoi? Parce qu'il prétend que le poteau télégraphique étant le plus beau de ses bois, on prive son lot d'une valeur marchande, en lui prenant des bois dont les mines sont extrêmement friandes. Je ne vois donc pas d'autre moyen de parer au grand déficit des poteaux télégraphiques, déficit qui s'accentuera de plus pour des raisons que je pourrais vous donner, que d'arriver à cette méthode, c'est-à-dire que l'Etat marque chaque année les bois, comme autrefois les chênes de la marine, pour les mettre en réserve, quitte, je le répète, à faire une réadjudication après. J'ai fait à ce sujet un petit calcul qui, bien entendu, ne peut être que très vague, mais je crois néanmoins que l'État retirera de la sorte tant dans le Centre que dans l'Est, l'Ouest et le Midi, au moins .3 ou 400.000 poteaux télégraphiques. S'il ne fait pas cela, je me demande comment il arrivera à satisfaire ses besoins. Je ne crois pas. d'autre part, que cette réserve gêne beau- coup les adjudications ; on achètera la coupe grevée de ces réserves pour ce qu'ehe vaudra ; les marchands de bois, qui sont tous de bons spéculateurs, évidemment ne les estimeront pas du tout, ce qui sera beaucoup plus simple, et les coupes seront payées le prix qu'elles valent. Je crois, en un mot, que tout le monde recevra satisfac- tion et que cela ne portera préjudice à personne. M. H. Barbier. — Je regrette d'être en désaccord absolu avec l'hono- rable M. Pelletier de Martres. Il n'y a aucune assimilation à faire entre l'exemple qu'il a pris de l'ancien bois de marine et les poteaux télé- graphiques. Je suis extrêmement surpris de lui entendre dire que le commerce des bois préfère laisser en bois de mines 60 ou 80 % des poteaux télégraphiques... M. Pelletier de Martres. — C'est exact, cependant. M. H. Barbier. — Alors, vous jetezsur le commerce des bois un discrédit qui revient à dire ceci : le commerce abandonne ce qui vaut cher, pour faire de sa matière première un produit avili ; car, comparativement au prix du poteau télégraphique, le poteau de mines n'est vraiment — 478 — INTERNATIONAL 1013 quun résidu — j'emploie le terme en le forçant, mais c'est cela. Les adjudications qui viennent d'avoir lieu hier et avant-hier, et dont personne mieux que M. Pelletier n'est informé, en sont la démons- tration la plus éclatante ; le prix des poteaux télégraphiques s'est affirmé en hausse. A qui dira-t-on que le marchand de bois, serré de très près par son estimation et ses frais généraux, va laisser, dans l'aubier ou dans le bois de mines, du bois destiné à faire du feuillet? A aucun prix il ne faut demander que l'État vienne mettre sa main- mise, par l'exploitation directe, sur nos forêts ; à aucun prix il ne faut faire un compartiment de faveur à nos amis les fabricants de poteaux télégraphiques, en retirant de la forêt cette crème bien blanche pour la leur apporter dans une baratte bien fraîche. Voilà pourquoi je m'oppose de toutes mes forces à l'adoption du vœu. M. Brion. — Dans notre région, tous les poteaux qui sont dans les coupes partent en poteaux télégraphiques. Dans la région de Rouen, depuis cinq ans, il n'y a pas un poteau qui soit allé dans les mines. Du moment où on a bien payé les poteaux télégraphiques, tout le monde en a fait. M. LE Président. — L'esprit qui a guidé M. Pelletier de Martres, c'est certainement la préoccupation de voir, dans un temps déterminé, le poteau télégraphique devenir trop rare. M. Pral. — Nos colonies françaises sont très riches en poteaux télé- graphiques, malheureusement l'État fait preuve, à cet égard, d'une incurie extraordinaire. Nous avons offert à l'État de lui faire cadeau gratuitement de poteaux en palétuvier pour faire des essais, il n'a pas même voulu les essayer. 11 faut donc croire qu'il a suffisamment de poteaux en France. Dans la région de Konakry, il y a du bois pour des centaines et des milliers d'années ; au fur et à mesure qu'on les rase, les bois repoussent. J'ai été dépositaire d'une maison qui a offert à l'État de lui donner des poteaux en palétuvier pour faire des essais, il a refusé. M. Madelin. — On ne vous a pas donné de motif? M. Pelletier de Martres. — Il y a un motif qui a été donné ; le palé- tuvier a un très gros inconvénient : lorsqu'il est troué, il se fend, et on le troue pour mettre les supports des fils. Mais, c'est un inconvé- nient auquel on peut remédier. M. LE Président. — Si vous voulez, Messieurs, nous allons revenir à notre vœu; quelqu'un demande-t-il encore la parole? M. Pelletier de Martres. — M. Brion dit que depuis quatre ou cinq ans, à Rouen, tous les bois susceptibles d'être transformés en poteaux télégraphiques se vendent aisément. Je ne veux pas insister. Malheu- — 479 — CONGRES FORESTIER reusement. ailleurs il n"en est point ainsi ; jai également la conviction que si on nagit pas de la. façon que j'indique on ne trouvera bientôt plus de poteaux télégraphiques en quantité suffisante. Sur l'intervention de M. H. Barbier, M. Pelletier de Martres consent à retirer son vœu car, dit-il, ce vœu était surtout une indication pour les pouvoirs publics et ils en ont déjà été saisis. M. LE Président. — La troisième partie du vœu est ainsi rédigée : ■' Que des produits antiseptiques, ayant fait leurs preuves, dans le genre de Vinjectol, soient utilisés à Veffet d'augmenter le coefficient de résistance et de durée des bois' soumis à leur traitement ». Ce paragraphe est adopté avec, sur intervention de M. Duchemin, suppression des mois « dans le genre de Vinjectol ». M. LE Président. — Nous passons au paragraphe 4 : « Quhine impulsion vigoureuse et pratique à tous égards soit donnée à V importation de nos essences coloniales qui peuvent, en matière de poteaux télégraphiques conune en bien d'autres, parer au déficit mena- çant de la production nationale ». M. Ral. — Nous achetons en Allemagne des poteaux télégraphiaues qui coûtent très cher et qui viennent delà Forêt Noire, alors que nous avons dans nos colonies des Quantités de bois formidables crui feraient très bien et qu'on laisse sur place. M. Pelletier de Martres. — Je puis vous dire que mon rapport a été fait un peu en collaboration avec certaine personnalité du Gouver- nement. Je peux même ajouter que la question du palétuvier a été étudiée et qu'on va lui donner une solution favorable. Il est certain que toute la côte occidentale d'Afrique, depuis la Guinée jusqu'au bout du Congo, est peuplée d'admirables palétuviers en quantité considérable, et que, dans cette quantité-là on trouvera une réserve de poteaux télégraphiques très sûre. Le paragraphe 4 du vœu est adopté. M. LE Président. — Nous arrivons à la discussion du rapport de .\I. Georges Rotival sur les Bois équarris, poutres, charï^entes, traverses. .M. Georges Rotival. — En France les essences de bois qui subissent la façon de l'équartrissage sont en général celles de chêne, de châtaignier et de sapin. On peut les diviser en deux catégories, savoir : lo Bois équarris à la hache. 2° Bois équarris à la scie. Les produits de chacune de ces deux catégories ayant des destinations particulières et faisant l'objet de branches différentes du commerce — 480 — INTERNATIONAL 1913 des bois, nous les étudierons successivement et avec le plus de brièveté possible, les termes de ce rapport devant être nécessairement limités à des considérations générales. De temps immémorial dans nos forêts et particulièrement dans celles liois étiuavris situées dans le bassin de la Seine et de ses affluents et sous-affluents, parmi lesquels nous citerons la Marne, l'Aisne, l'Yonne, l'Aube, le Morin, etc., etc., on a équarri sur place, dans les coupes, les chênes et quelques rares châtaigniers destinés à la charpente et à la construction. Ce procédé avait plusieurs avantages : D'abord il débarrassait les arbres de leur écorce et d'une bonne partie de leur aubier, en conséquence d'un poids mort qui constituait des parties inutilisables, ensuite les pièces une fois équarries étaient d'une manutention beaucoup plus facile, principalement en ce qui concerne le transport à travers les forêts sur des chemins souvent peu praticables et aussi en ce qui concerne l'arrimage dans les chargements et sur les chantiers. En outre, bon nombre d'entre elles, à une époque déjà lointaine de nous, devant être expédiées à de longues distances au moyen du flottage, leur formation en radeaux était grandement facilitée par cette première façon. Enfin, dans ce travail de l'équarrissage, la cognée de l'ouvrier suivait les courbes de l'arbre; de sorte que les fibres du bois n'étaient pas sec- tionnées et conservaient ainsi toute leur élasticité, par suite toute leur force de résistance. Ce genre de marchandise était et est encore employé presque unique- ment par les entrepreneurs de charpente et de travaux publics, qui les font entrer dans leurs constructions et travaux, soit à l'état brut lorsqu'il s'agit de pièces de faibles dimensions destinées notamment à l'édification des hangars, planchers, pans de bois, etc., soit à l'état de pièces débitées à des mesures spéciales ou en marches d'escalier lorsqu'il s'agit de pièces de fortes dimensions. A notre époque, la plupart des chênes sont enlevés des coupes à l'état de grumes et prennent directement le chemin des nombreuses scieries répandues un peu sur tous les points de notre territoire ; d'un autre côté, l'emploi du fer remplace de plus en plus dans les constructions celui du bois ; il est résulté de ces faits que le commerce des bois de charpente en chêne équarri proprement dit a tout à fait déchu de la splendeur qu'il a connue sous les générations qui nous ont précédés. Il ne se fait plus aujourd'hui pour ce genre de marchandises qu'un faible mouvement d'affaires et en parler n'a plus qu'un intérêt pour ainsi dire rétrospectif. Nous nous bornerons donc à leur sujet à ces courtes explications. Les observations qui viennent d'être faites pour la charpente de chêne équarrie à la hache s'appliquent également à la charpente de sapin équarrie suivant le même procédé. Si, pendant des siècles, on a vu circuler sur nos rivières et sur nos canaux en même temps que ces longs trains composés de coupons de bois de chêne, des radeaux dits « éclusées de sapins » provenant principalement des régions du Jura, il ne restera plus bientôt que le souvenir de ce spectacle. Comme les chênes, les sapins aussitôt abattus, prennent le chemin des — 481 — COîvGRES FORESTIER scieries où les outils mécaniques se chargent de les débiter ou de les équarrir. Nous ne voyons donc plus arriver qu'en petite quantité ces magni- fiques pièces de longueurs et de dimensions prodigieuses qui ne sont plus maintenant employées que pour servir au débit de pièces de dimensions extraordinaires ou dans des travaux tout à fait spéciaux. Use fait cependant encore actuellement une assez grande consom- mation de poutres de sapin équarries à la hache pour l'établissement des monte-charge servant à l'élévation des matériaux entrant dans la construction des bâtiments. Pour cet emploi, il est nécessaire de disposer de très longues pièces ayant conservé toute leur force de résistance et toute leur élasticité, qualité que, pour des motifs exposés plus haut, leur laisse l'équarrissage à la hache. On se sert aussi, dans l'industrie du bâtiment, d'une assez grande quantité de sapins de petites dimensions également équarris à la hache et qui sont vendus dans le commerce sous le nom de poutrelles. Bois équarris à Poutres et charpentes. — Les bois équarris à la scie sont en grande la scie. partie destinés à la construction ; ils comprennent : 10 Les pièces en chêne et en sapin sciées sur commande à des dimen- sions déterminées. 2° Les poutres en sapin désignées dans le commerce sous le nom de quatre faces et provenant d'arbres simplement équarris sur les quatre côtés et conservant les dimensions maximum que comporte la grosseur de l'arbre. Ainsi qu'il a été dit plus haut, de nombreuses scieries sont réparties sur tous les points de notre territoire et plus particulièrement dans les régions forestières. Ces usines débitent de préférence les arbres provenant des forêts situées dans leur région. Aussi les produits forestiers à l'état brut sont-ils de moins en moins expédiés vers les centres de consommation ; ils sont la plupart du temps transportés dans les scieries du voisinage où ils sont façonnés à la demande de la clientèle ou débités suivant les échantillons en usage dans le commerce. Grâce à cet état de choses, les consommateurs ont la commodité de s'approvisionner de bois aux dimensions qui leur sont nécessaires et d'éviter ainsi les inconvénients qu'il y aurait pour eux à acheter des bois en grumes qu'ils devraient ensuite faire sciera leurs besoins, courant ainsi les risques des vices cachés, des erreurs de débits, des manutentions répétées, etc. Ainsi, en raison du développement considérable de l'industrie du bâti- ment et des travaux publics entrepris un peu partout, le commerce des bois de charpente équarris à la scie donne lieu actuellement à des affaires considérables. Les pièces toutes préparées arrivent directement sur les lieux de consommation où il n'y a plus qu'à les assembler. Ce mode de procéder est devenu général et il est inutile d'insister sur les avantages qu'en retirent les industriels. Quant aux poutres dites « quatre faces », l'emploi de ce genre de marchandise se répand de plus en plus. C'est surtout dans les Vosges et dans le Jura que le commerce de bois s'approvisionne de ces poutres. Les importations de Bosnie qui avaient — 482 — I.\TER>'ATIO>'AL 1913 pris une certaine importance se font de plus en plus rares actuellement, en raison du prix élevé qui est demandé. Ces pièces, dont nos chantiers français possèdent toujours des stocks importants, sont vendues telles qu'elles sont expédiées des lieux de pro- duction aux consommateurs qui les font débiter ensuite à leurs dimen- sions ou les emploient suivant leurs besoins. Nous ne parlerons que pour mémoire des nombreuses pièces de bois de chêne, sapin ou autres essences, qui sont équarries et façonnées sur place, sur tous les points du territoire, pour les besoins locaux. Traverses. — Il nous reste à parler maintenant des traverses. Comme chacun le sait, cette sorte de marchandise est uniquement employée pour la construction des voies ferrées.. Il suffît de considérer le développement extraordinaire des chemins de fer depuis un certain nombre d'années pour se rendre compte de l'énormité de la quantité de traverses qui a été absorbée pour fournir à la consomma- tion de nos grandes compagnies de chemins de fer. Il convient aussi d'ob- server que ces pièces de bois noyées dans le ballast et exposées à toutes les intempéries n'ont qu'une durée relativement courte. Celles en bois de chêne peuvent durer de 14 à 15 ans. Tant donc pour le remplacement de celles usées que pour l'étabhssement de voies nouvelles il y a à faire chaque année des fournitures qui représentent un très gros chiffre d'affaires. Trois essences de bois servent à la confection des traverses de chemins de fer : ce sont les essences de chêne, de hêtre et de sapin, plus spéciale- ment de pin des Landes. Le chêne seul peut être employé à l'état de nature ; le hêtre et le pin doivent être injectés ; sans cette précaution, en raison de leur disposition à pourrir rapidement, ils ne pourraient résister que peu de temps à l'humi- dité du sol. Grâce à cette préparation, les traverses en hêtre peuvent résister pendant plus de 20 ans. Bien que la consommation des traverses soit naturellement irrégulière, on peut fixer cependant approximativement le nombre de celles em- ployées annuellement par nos cinq grandes compagnies à 1.500.000 pour le chêne, à 2.000.000 pour le hêtre et à 500.000 pour le pin. Il faudrait ajouter à ces chiffres ceux représentant le nombre des tra- verses destinées à la construction des voies étroites et des tramways ; mais il serait difficile d'indiquer ces chiffres, même approximativement, les travaux exécutés pour ces voies de communication variant d'année en année, dans des proportions extrêmement importantes. Nous n'entrerons pas dans l'indication, ni dans le détail des prix et des dimensions de ces diverses sortes de traverses, cela nous entraînerait dans des développements qui dépasseraient les limites de cette brève étude. Les marchés de fournitures de traverses à nos grandes Compagnies de chemins de fer, marchés qui sont en général très importants, ont été pour ainsi dire monopolisés par quelques grosses maisons qui les achètent aux exploitants et les livrent ensuite aux compagnies. Nos forêts de France peuvent en fournir en abondance et suffiraient à alimenter la consommation. Il nous en est cependant expédié une certaine quantité de l'étranger ; en revanche, nous en exportons quelques centaines de mille en Belgique. On débite les traverses, soit dans les cimes des gros arbres, soit, et pour la plus grande partie, dans les arbres de faibles dimensions. — 483 — CONGRES FORESTIER Nos bois ont perdu en partie leur parure de gros arbres et les géants qu'on y rencontrait autrefois deviennent de plus en plus rares ; mais ils sont encore peuplés d'une multitude de jeunes arbres propres à la fabri- cation des traverses dont la source n'est pas, en conséquence, près de se tarir. En terminant, signalons à simple titre documentaire qu'une concur- rence se dresse déjà aux traverses en bois ; nous voulons parler des tra- verses en béton armé, dont un certain nomi)re sont actuellement en essai sur divers points. Nous ignorons quel sera le résultat obtenu; mais au cas où ces traverses devraient se substituer à leurs rivales, nous ne devrions pas nous en plaindre si cela devait contribuer à diminuer la consommation du bois et à arrêter, d'ailleurs dans une faible mesure seulement, le dépeuplement de nos forêts. C'est par ce souhait que nous terminerons l'étude de notre sujet. ,M. LE Président. — Le rapport de M. Georges Rotival ne se termine pas par un vœu. Nous lui avions demandé d'en rédiger un, mais il était très malade et s'est contenté de faire un historique de la question. Je ne puis dans ces conditions mettre aux voix. Nous considérerons ce travail comme une simple communication faite à la Section et nous passons à l'ordre du jour qui appelle la discussion du rapport de M. Paul Goulet sur les Subventions industrielles. M. Paul Goulet. — Parmi les charges qui incombent aux exploitants de forêts — qu'ils soient à la fois propriétaires et exploitants, ou qu'ils soient simplement acheteurs des coupes — il faut signaler les subven- tions spéciales pour dégradations extraordinaires des chemins vicinaux^ plus simplement et habituellement nommées subventions industrielles. Ges subventions industrielles apportent une entrave considérable à l'exploitation forestière et, si paradoxal que cela paraisse de prime abord, contribuent à rendre plus difficile le développement forestier en France que nombre d'associations et en premier lieu le Touring-Glub de France, s'efforcent de favoriser; en effet, par la gêne que lui causent les subven- tions industrielles, le propriétaire de forêts n'est qu'incité davantage à se défaire de ses bois et, en tous cas, ne songe pas à repeupler en arbres d'autres terrains. Il apparaît donc de prime abord que la suppression des subventions industrielles réclamées aux propriétaires ou aux exploi- tants de forêts serait une gêne de moins au développement forestier de notre pays. C'est dans cet esprit qu'est conçu le présent rapport, qui tend à exposer les inconvénients des subventions industrielles et la nécessité de leur abolition en matière forestière. Une étude complète de la question dépasserait de beaucoup le cadre de ce travail ; nous exposerons donc sommairement ce que sont les sub- ventions industrielles, nous dirons quels abus elles entraînent, et nous formulerons une proposition de loi tendant à leur suppression en ce qui concerne les exploitations forestières. Les textes en vertu desquels les subventions industrielles peuvent être réclamées sont les suivants : 484 — INTERNATIONAL 1913 « Art. 14, — l'outes les fois qu'un chemin entretenu à l'état de viabi- « ><>i ii» 'c lité par une commune sera habituellement ou temporairement dégradé ^<. par des exploitations de mines, de carrières, de forêts ou de toute entre- « prise industrielle appartenant à des particuliers, à des établissements « publics, à la Couronne ou à l'État, il pourra y avoir lieu à imposer aux « entrepreneurs ou propriétaires, suivant que l'exploitation ou les trans- « ports auront lieu pour les uns ou pour les autres, des subventions « spéciales, dont la quotité sera proportionnée à la dégradation extra- « ordinaire qui devra être attribuée aux exploitations ; ces subventions « pourront, au choix des subventionnaires, être acquittées en argent ou « en prestations en nature, et seront exclusivement affectées à ceux des « chemins qui y auront donné lieu. « Elles seront réglées annuellement, sur la demande des communes, par « le Conseil de Préfecture, après des expertises contradictoires, et recou- « vrées comme en matière de contributions directes. Art. 17, « Si l'indemnité ne peut être fixée à l'amiable elle sera réglée par le « Conseil de Préfecture, sur le rapport d'experts nommés, l'un par le « sous-pi'éfet, l'autre par le propriétaire. « En cas de désaccord, le tiers expert sera nommé par le Conseil « de Préfecture. » « Art. 11. — Toutes les fois qu'un chemin rural reconnu, entretenu loi . Il est à remarquer, en effet, que les vrillettes ne s'attaquent qu'à l'aubier contenant de l'amidon. Cet amidon provenant des feuilles et n'étant transmis à l'aubier que par l'écorce, est arrêté par cet anneau. Tout le pied de l'arbre en est donc préservé- Le résultat est encore amélioré en faisant une double annélation, l'une sous les branches, l'autre plus bas. Cette opération, pour être utile, doit être effectuée au printemps et, dès — /dOi — CONGRES FORESTIER l'automne suivant, l'amidon s'est considérablement raréfié. Ce procédé a le grave inconvénient de nuire à la pousse normale des arbres. On ne saurait trop insister sur l'époque pendant laquelle on doit abattre les arbres. Tout arbre abattu au printemps ou en été, c'est-à-dire aux époques de montée de la sève, est beaucoup plus sujet à la pourriture que s'il est coupé au moment où ses pores contiennent moins de cet acide néfaste. La fermentation de la sève occasionne l'échaufîement et l'amidon contenu dans l'aubier en été est la pâture recherchée des vrillettes. Signalons, en passant, la vieille coutume empirique qui consiste à ne pas abattre les essences ayant de l'aubier pendant la croissance de la lune et de profiter du décours pour procéder à cette opération ; toujours bien entendu en dehors des mouvements de la sève. Les vieux bûcherons assurent, sans qu'il soit possible d'ailleurs d'en donner une explication, que les meilleurs résultats ont été acquis par cette pratique. Sur la blessure de chute d'un arbre, il est prudent d'appliquer une couche d'un antiseptkiue, tel que le goudron, qui le protège de la pourriture. Beaucoup d'exploitants ont coutume d'écorcer les chênes en forêt dès qu'ils ont été abattus. Ceci est une bonne précaution, car l'arbre qui séjourne quoique temps sur un terrain humide avec son écorce est bientôt attaqué par une quantité de champignons et d'insectes. L'écorçage a par contre des inconvénients sérieux si l'arbre est exposé quelques jours seulement à l'action du soleil. Le bois n'étant plus garanti par l'écorce ne tarde pas à se fendre et les gerçures produites sont nuisibles au produit débité. Le meilleur moyen, pour éviter l'un ou l'autre de ces inconvénients, est de scier les arbres, en planches ou en plateaux le plus rapidement pos- sible après abatage. Cette méthode est controversée, mais nous estimons que bien des surprises fâcheuses sont ainsi évitées ; certains bois même, tels que le hêtre, particulièrement sujets à l'échaufîement doivent être débités avant l'été qui suit l'abatage. Le bois étant scié en planches ne doit être employé, dans bien des cas, que dans un état de siccité parfaite. Il est indispensable qu'il ne « travaille » plus, c'est-à-dire que ses pores doivent avoir atteint avant emploi et assemblage leur maximum de retrait. Cette siccité ne peut être obtenue que par l'élimitation complète de la sève et de son eau. Un procédé, le flottage, très employé autrefois et dont les résultats étaient d'ailleurs parfaitement satisfaisants, consistait à laisser séjourner les pièces quelque temps dans l'eau courante. L'eau pure, après avoir dissous le tanin, se substituait à la sève et s'évaporait ensuite à l'air libre, beaucoup plus rapidement et sûrement que l'eau chargée de sève. Ce procédé est aujourd'hui presque toujours remplacé par d'autres plus coûteux mais aussi beaucoup plus rapides et basés sur le même principe. Nous voulons parler de l'étuvage. Etuvage. — Le principe des différents systèmes d'étuvage est de rem- placer le flottage en eau courante soit par l'immersion dans l'eau chaude, soit par l'exposition, dans une chambre close, à la vapeur d'eau. Dans ce dernier cas, qui est d'ailleurs le plus efficace, le bois est empile dans une étuve et soumis pendant une durée variant de 12 heures à 36 heures, suivant sa dimension, à l'action de la vapeur qui chasse avec la sève une partie des acides pyroligneux hydrophiles et, par sa condensa- tion, remplit d'eau les pores du bois. — 4M2 — INTERNATIONAL 1913 L'amidon est également chassé de l'aubier qui se vivifie par le tanin provenant du bois. L'aubier devient aussi dur et imputrescible que le cœur même du bois. Ce sont là, tout au moins, les résultats que nous avons obtenus par le procédé que nous employons depuis de nombreuses années. Séchage. — La sève étant ainsi éliminée du bois par l'un ou l'autre procédé, il importe de chasser l'eau qui en a pris la place. Cette opération est celle du séchage. Le séchage peut être obtenu soit naturellement, soit par chauffage, soit par ventilation. Le séchage naturel est obtenu à l'air libre. A cet effet les planches do bois flotté, étuvées ou même sans avoir subi de préparation antérieure doivent séjourner à l'air, isolées les unes des autres par des cales ou des lattes. Les piles doivent avoir une pente suffisante pour que l'eau de pluie ne puisse séjourner sur les bois et une couverture doit autant que possible les protéger des intempéries. Une période de 6 mois à 3 ans, suivant que les bois ont été ou non étuvés, doit se passer avant que l'eau contenue dans les pores ne soit complète- ment éliminée. Il faut surtout éviter de laisser les planches de bois vert séjourner les unes sur les autres sans lattes pour les isoler car les bois ainsi mis en contact sont rapidement attaqués par les insectes et champignons, causes d'échauffement et de pourriture. Pour obvier au grave inconvénient d'immobiliser des bois pendant un temps aussi long, il existe plusieurs procédés de séchage artificiel tendant au même résultat dans un court délai. Malheureusement aucun de ceu.x: employés jusqu'à présent n'a pu donner une absolue satisfaction ; la raison en est facile à comprendre. Par le séchage lent à l'air libre, non seulement les pores du bois perdent l'eau qu'ils contenaient, mais ils se resserrent graduellement, le bois garde sa contexture primitive et sa solidité en est augmentée. Par un séchage trop rapide, les pores n'ont pas le temps de se resserrer, la moindre humidité de l'atmosphère les remplit d'eau à nouveau. D'autres inconvénients, tels que les fentes et gerçures, se produisent également par suite du brusque retrait des couches extérieures du bois. Nous devons toutefois citer ces procédés qui, appliqués à des bois demi-secs, ont donné des résultats appréciables. Tout d'abord par simple chauffage on obtient une élimination plus rapide de' l'eau, mais cette élimination est partielle et irrégulière par suite de la mauvaise répartition de la chaleur. On obtient de meilleurs résultats par la ventilation. Un courant d'air chaud montant progressivement jusqu'à 80° est envoyé dans uni' chambre où sont disposés les bois empilés sur lattes. Il existe une quantité do procédés tous basés sur ce principe et ne diffé- rant que par la façon de les appliquer. Les procédés artificiels de conservation peuvent être classés en quatre l'ioccdcs artin catégories : 1° Carbonisation. 2° Badigeonnage. 3° Immersion. 4° Injection. — 493 — (•iclsdccdiiMT- CONGRES FORESTIER Carbonisation. Enduit? rrodiiils i seiUicmcN. La carbonisation est le mode le plus ancien et le moins coûteux de préservation du bois contre la pourriture. Son principe consiste à exposer le bois à l'action du feu pendant peu de temps ; la flamme brûle et carbo- nise la couche extérieure du bois, c'est-à-dire celle qui ofïre le moins de résistance à la pourriture. Il se forme par suite de cette carbonisation un enduit qui préserve le bois de ses ennemis extérieurs, champignons ou insectes. On a tenté d'industrialiser ce procédé et M. de Lapparent a imaginé à cet effet un appareil fort ingénieux qui carbonise le bois par un jet de flamme que l'on dirige sur la partie à préserver. Le risque d'incendie ne permet presque jamais l'application de ce mode de préservation. Haskin a recommandé la vulcanisation ; elle a l'inconvénient de dimi- nuer la résistance du bois que l'on y a soumis. La fumée n'a donné également que des résultats insuffisants aux inventeurs qui l'ont utilisée sous différentes formes. Si l'on isole les pores du bois de l'action extérieure d'un milieu nocif ou de l'humidité, il est certain que l'on aura remédié, dans beaucoup do cas, à l'attraction qu'offre le bois à ses ennemis. C'est là une méthode purement physique et dont l'emploi est tout à fait courant. Quelle pièce de bois ouvré est définitivement laissée en place sans avoir reçu une ou plusieurs couches de peinture. Pour que cette impression toutefois ait quelque efficacité, il importe que le bois, après avoir été convenablement gratté et raboté pour offrir une surface absolument lisse, ait toutes ses fentes bouchées au mastic, puis par l'application d'une couche d'huile bouillante et de deux couches de pointure mélangée d'huile, on aura convenablement isolé le bois de l'air. Le résultat est cependant beaucoup amélioré lorsque, dans certains gros travaux ne nécessitant pas la peinture, on peut employer le goudron. Ce produit en effet a, outre sa propriété isolatrice, une certaine action antiseptique. Il en est de même du carbolineum et du carbonyle qui, par simple badigeonnage, protègent très efficacement le bois par suite de leur absorption dans la masse, absorption souvent comparable à celle cons- tatée dans les méthodes d'injection. Le pétrole a été également utilisé avec succès dans les parquets atta- qués par les vers. Avant de faire la description des procédés d'injection de produits antiseptiques dans le bois, soit par immersion, soit par pression, il est indispensable d'étudier quels sont les plus employés parmi ces produits, leurs défauts et leurs qualités. Pour qu'un produit antiseptique soit bon il faut : 1° Que son action soit vraiment efficace ; 2° Qu'il n'altère pas la force de résistance du bois en le décomposant ;^ 3° Qu'il s'injecte facilement et pénètre rapidement dans le bois en en remplissant tous les pores; 4° Il ne faut pas qu'il soit soluble dans l'eau ; 5° Il ne doit pas augmenter le degré d'infiammabilité des bois; 6° Son maniement ne doit pas être dangereux pour les ouvriers qui l'emploient; — ^9\ — INTERNATIONAL 1913 7° Sa composition doit être stable de telle façon que le résultat à obtenir ne dépende pas d'une bonne ou d'une mauvaise qualité ; 8° Il ne doit donner au bois qui en est imprégné ni odeur, ni couleur; 9° Son prix doit répondre à. l'avantage obtenu. Toutes ces conditions sont naturellement fort difficiles, sinon impos- sibles, à réunir dans une même substance. On peut classer les produits antiseptiques employés en trois grandes catégories : 1° Goudron et ses dérivés. 2° Naphtes et résines. 3° Sels métalliques. Le goudron de gaz est obtenu lors de la distillation de la houille pour «oudyoïi et ses la production du gaz. denyes. C'est un produit noir et épais, d'un emploi assez difficultueux, facile- ment inflammable et s'épaississant à la moindre baisse de température. On ne peut guère l'employer que comme enduit et toujours à l'humidité, car sous l'action de la chaleur il s'amollit et arrive même à fondre ; au bout de peu de temps l'enduit se crevasse et laisse pénétrer l'humidité dans les parties profondes du bois qui ne sont plus protégées. Même appliqué a 50° ou 60° il pénètre peu. Le choix judicieux et les dosages des huiles passant durant les phases de la distillation du goudron, donnent les différentes qualités de créo- sote, carbolineum et carbonyle. Créosote. — La créosote est une huile lourde d'une odeur violente et peu soluble dans l'eau. Elle contient une faible proportion d'acide phé- nique dont la propriété intéressante pour la conservation du bois est de coaguler l'albumine, et une certaine quantité de naphtaline qui reste dans les pores du bois et le protège. La créosote, déposant 20 à 30 % de naphtaline à la température de 15°, ne peut être employée qu'à chaud et le plus souvent par injection sous pression. Carbolineum. — Il provient surtout des huiles lourdes et contient sou- Acnt encore des goudrons. Il contient moins de produits cristallisables à basse température que la créosote et sa force de pénétration dans le bois en est accrue. C'est un liquide brun et visqueux d'une densité de 1.150 environ. Il renferme de la naphtaline et une assez forte proportion de phénanthrène. Carhonyle. — Ce produit est obtenu par une rectification et un mélange raisonné des huiles légères, moyennes et lourdes, ce qui lui permet de posséder les qualités des créosotes tout en ayant la possibilité d'appli- cation et une grande force de pénétration dans le bois aux températures ordinaires. Il est composé de 15 à 20 % de phénols et crésols éminemment anti- septiques, de 75 à 80 % d'hydrocarbures gras, jaunes foncés, qui con- tiennent à fortes doses les carbures hydrogénés insolubles dans l'eau ou à l'humidité de l'air et ayant la propriété de conserver les matières azotées du bois. Par sa richesse en produits conservateurs et la facilité de son appli- cation, le carbonyle est certainement un des meilleurs produits anti- septiques connus et en usage. — 495 — COISGRES FORESTIER Naiiutcs et rt- On pourrait citer également la paraffine, le tanin, le formol, etc.. siues. s.-ismitaiiuiucs. Les sels métalliques servant à la conservation des bois sont très nom- breux, nous nous bornerons à citer les principaux : Sulfate de cuivre. — Ce sel très fréquemment employé ne peut se fixer dans le bois qu'en lui donnant le temps de s'assimiler à la cellulose. Chlorure de zinc. — Il donne d'excellents résultats, mais ne doit être appliqué que sur des bois à l'abri. Il est employé avec succès dans le procédé Riitgers^ mélangé avec la créosote purifiée qui empêche la dissolu- lution dans l'eau. Bichlorure de mercure. — C'est le sublimé corrosif. Cet antiseptique très puissant offre de grandes difficultés d'emploi par suite de la nocivité de sa manipulation. Sulfate de fer. — A le grave inconvénient d'altérer les fibres du bois. Arsenic. — Expérimenté très heureusement par le professeur Duilis. Nous pourrions également citer les sulfates de magnésie, de zinc, d'alu- mine, de chaux, de baryte, de soude et les chlorures de magnésium, d'aluminium, de sodium, de calcium, etc. Ces sels sont employés soit seuls, soit mélangés, soit préparés avec la créosote ou autre produit qui les rend insolubles dans l'eau. Nous citerons entre autres V injectai qui est un composé de goudron végétal et minéral auquel sont adjoints certains alcaloïdes facilitant la pénétration dans le bois. Le microsol, Vantinonnine, Vaniigermine, le lysol^ etc., sont également employés. Immersion. Les produits antiseptiques cités ci-dessus n'ont pas tous la même force de pénétration dans le bois. Il en est, telle la créosote, qui ne s'in- prègnent totalement dans la masse qu'avec l'aide d'une forte pression ; dans ce cas il faut une installation très onéreuse. On a donc tenté avec raison d'autres méthodes moins coûteuses, par simple immersion du bois dans un antiseptique efficace et à pénétration plus rapide. Immersion à froid. — C'est le procédé le plus simple, mais aussi le plus lent. Il consiste à immerger simplement le bois, aussi sec que possible, dans un bain antiseptique. La préservation n'est que très superficielle que l'on emploie le sulfate de cuivre ou même le bichlorure de mercure (procédé Kyan). Le carbolineum et le carbonyle donnent les meilleurs résultats ; les pièces de bois doivent y séjourner, suivant leur essence, deux à trois jours. Immersion à chaud. — En plongeant le bois dans un antiseptique ehauiïé à une certaine température, on obtient un résultat bien supérieur de pénétration et dans un temps beaucoup plus court. Il suffit par exemple d'immerger pendant quelques heures des pièces de bois dans un bain de sulfate de cuivre à 1 i-» % à 70° et l'on obtient un résultat comparable à l'immersion à froid pendant plusieurs jours. Le carbolineum chauffé à 60° s'injecte avec une rapidité surprenante. Quelques minutes d'immersion sont suffisantes pour le sapin ou le hêtre sec et quelques heures pour le hêtre vert et le chêne. Différents procédés consistent également à plonger le bois dans un bain à ébullition. On peut par exemple tremper le bois dans de la paraf- fine chauffée et maintenue à plus de 100°. — 49G — INTERNATIONAL 1913 Injection par reiroidissement . — Le principe de cette méthode est de chauffer la pièce de bois avant de l'immerger. Le refroidissement brusque produit un vide partiel qui permet à l'antiseptique de pénétrer. Ce procédé a lé grave inconvénient d'attaquer la substance du bois qui se trouve altérée par la forte chaleur à laquelle elle est soumise. Un autre procédé existe que nous employons et dont nous avons maintes fois constaté l'efficacité ; il supprime l'inconvénient signalé ci-dessus. •Ce procédé consiste d'abord à extraire la sève du bois par l'étuvage à la vapeur d'eau dans une chambre close, puis à immerger le bois avant refroidissement dans une cuve contenant du carbolineum froid. Le phé- nomène qui se produit est facile à comprendre ; la vapeur contenue dans les pores du bois en remplacement de la sève se condense par suite du brusque changement de température et le vide qui s'ensuit aspire le liquide antiseptique et ce d'autant plus facilement que le liquide adopté, le carbolineum, a par lui-même une grande force de pénétration dans le bois. L'ensemble des deux opérations, étuvage et immersion, demande deux à trois jours, suivant l'épaisseur des pièces à injecter et leur essence. On a de cette façon, avec une moindre dépense, des résultats tout à fait comparables et même supérieurs à ceux obtenus par l'injection avec pression. Le travail du carbolineum dans le bois n'est d'ailleurs pas terminé dès la sortie du bain, les couches extérieures du bois en sont imprégnées beaucoup plus que le milieu de la pièce, mais le liquide gagne peu à peu pendant une quinzaine de jours jusqu'à ce qu'il soit répandu également dans tous les pores. Nous avons constaté par ce procédé que le hêtre absorbe environ 200 kilogrammes de carbolineum par mètre cube ; l'aubier de chêne en est complètement saturé et le cœur même du chêne, généralement rebelle à toute injection, en est imprégné. Les simples procédés d'injection par immersion et badigeonnage ont injeciions. le grand avantage d'être peu dispendieux et de ne pas nécessiter une installation compliquée, mais leur efficacité n'est pas toujours suffi- sante ; aussi les grandes usines et les Compagnies de chemin de fer ont- elles fait intervenir la pression mécanique qui rend l'imprégnation du liquide plus complète, mais nécessite des appareils coûteux. Les méthodes employées sont nombreuses, on les classe habituelle- ment en quatre catégories : 1° Méthodes par déplacement de la sève. 2° Méthodes par vide et pression. ' 3° Méthodes par thermo-carbolisation. 4° Méthodes par l'électricité. Méthodes par déplacement de la sève. — Cotte méthode due au docteur Boucherie permet d'injecter les arbres sur pied ou récemment abattus. Elle est basée sur ce principe que la montée de la sève peut entraîner le liquide antiseptique. Cette méthode s'applique à l'arbre venant d'être abattu, c'est-à-dire encore chargé de sève et dont l'écorce n'a pas été enlevée. Le réservoir contenant l'antiseptique doit être placé à une certaine hauteur, pour qu'il y ait une légère pression, et mis en communication avec le gros bout de CONGRES FORESTIER l'arbre coupé. C'est le procédé adopté pour les poteaux télégraphiques avec une solution de sulfate de cuivre à 1 %. L'efficacité de ce procédé est réelle, mais surtout pour les bois facile- ment pénétrables, tels que le hêtre, le sapin et le pin. Différents perfectionnements existent qui, pour faciliter l'introduction de l'antiseptique, ont fait intervenir soit le vide (procédé Renard-Perin), soit une pression en vase clos (procédé Lebioda). Ce dernier procédé, dont le seul inconvénient n'était que d'être extrêmement coûteux, a été heureusement perfectionné par M. Maurice Boucherie. Méthodes par vide et pression. — Le principe de ces méthodes est de faire pénétrer l'antiseptique par pression et en vase clos. Le bois doit être sec pour être traité utilement, car l'eau et la sève contenues dans les pores ne pourraient plus s'échapper par suite de la pression. La compression qui se produirait serait nuisible à la structure du bois. A) Procédé Béthell. — Ce procédé était jusqu'à ces derniers temps le plus souvent employé en France pour l'injection des traverses de chemins de fer. Les traverses séchées à l'air chaud à 80° sont placées dans un récipient fermé hermétiquement. On fait le vide pendant une demi-heure environ, puis la créosote à 80° est introduite et comprimée à une pression de 6 kilogrammes par centimètre carré pendant une heure. Quand la quan- tité voulue de liquide a été absorbée par le bois, on arrête la compres- sion ; l'excédent de créosote est vidé et les traverses retirées. Généralement les traverses de chêne sont injectées à refus et absorbent 6 à 7 kilogrammes de créosote. On fait absorber aux traverses de hêtre 25 à 30 kilogrammes, quantités reconnues suffisantes pour en assurer l'imputrescibilité pendant 20 ans. B) Procédé Riitgers. — Est employé principalement en Allemagne, en Autriche et en Russie. La solution antiseptique adoptée est un mé- lange de créosote et de chlorure de zinc, la créosote empêchant la disso- lution du sel métallique par l'eau. Le bois est tout d'abord étuvé dans un récipient clos, par un courant de vapeur qui le nettoie de l'eau et de la sève. ■ Après expulsion de la vapeur et de l'air, la solution antiseptique est envoyée à 65° et refoulée à travers le bois par une pompe à une pression de 7 atmosphères. C) Procédé RUping. — Les différents procédés d'injection ont l'incon- vénient de laisser perdre beaucoup de liquide ; les bois injectés à dose convenue, tel que le hêtre, ne sont pas également imprégnés, il reste presque toujours dans les pores une petite quantité d'eau et de sève qui y est comprimée. Le procédé Riiping tend à remédier à ces inconvénients. Le principe consiste à injecter le bois à refus et à lui faire rendre immé- diatement le superflu, ce qui constitue une économie intéressante de liquide et une meilleure utilisation. D) Procédé Mereklen et Château, ingénieurs des Chemins de fer de l'État. E) Procédé Maurice Boucherie. — Ces procédés récents procèdent à l'inverse de Riiping et donnent d'excellents résultats. Méthode de thermo-carholisation. — Cette méthode est due à M. Blythe, elle consiste à faire pénétrer la créosote dans le bois à l'état de vapeur en l'entraînant par la vapeur d'eau. Le bois étant placé dans une — 498 — IIN'TERNATIO.NAL 1913 chambre close, on introduit la vapeur d'eau et la vapeur carburée que l'on fait circuler par refoulement et aspiration. L'opération est terminée en une demi-heure. Méthode par électricité. — Cette méthode repose sur le procédé Nodon- Bretonneau. Elle est basée s-ur ce prmcipe qu'un liquide soumis à un courant élec- trique a une force d'expansion beaucoup plus grande. On utilise cette force pour faire pénétrer l'antiseptique dans les pores du bois. Le bois empilé sur une feuille de plomb dans une cuve est recouvert d'une seconde feuille de plomb. La solution antiseptique (sulfate de linc de 25 à 35 %). est versée dans la cuve et chauffée à 35° par un serpentin. Les deux feuilles de plomb étant reliées respectivement aux deux pôles d'une dynamo, on fait passer un courant de 110 volts pendant 15 heures environ à raison de 6 ampères par mètre cube. Ce courant est inversé de temps en temps. Ce procédé appelé encore sénilisation est appliqué également au séchage rapide des bois ; dans ce cas, on emploie une solu- tion de sulfate de magnésie à 20 % . La sénilisation a l'avantage de durcir les bois et d'augmenter leur zésonnance. Nous avons rapidement exposé les principaux modes de préservation '''",\'.^^,'jjj!/J' ''"^* des bois, il est intéressant de voir à quels emplois sont ou pourraient être affectés les bois soumis à ces différents traitements. Les procédés naturels de conservation, tels que soins d'exploitation, de sciage et d'empilage, l'étuvage, le séchage doivent être généralement appliqués à tous les bois de construction, menuiserie et ébénisterie, et en particulier aux bois durs. La quantité de bois déclassé et perdu chaque jour faute de ces quelques soins et précautions élémentaires est difficile- ment imaginable. Les procédés artificiels ne peuvent s'appliquer que dans certains cas. En général tous les bois destinés à être exposés à la pluie, dans la terre ou à l'humidité devraient avoir subi auparavant l'une des nombreuses préparations actuellement en usage. Les traverses, longrines, poteaux télégraphiques, paves de bois et bois de mine sont déjà presque toujours préservés artificiellement par un antiseptique. Mais les poutres et poteaux de construction, les lambourdes de chêne, les clôtures et palissades en bois, les bois servant à la construction des wagons et des voitures sont également sujets à la pourriture ; il serait à souhaiter de voir se généraliser l'application, dans ces différents cas, des procédés de conservation, immersion ou injection. Nous avons étudié les différentes façons de préserver les bois de la iiiniiHijatiou. pourriture et par conséquent d'augmenter la durée de leur vie utile, mais il existe un risque redoulable et qu'il est intéressant de savoir combattre : c'est le risque d'incendie. De nombreux procédés ont été proposés et employés pour enlever la faculté qu'ont les bois de s'enflammer rapidement, nous croyons cepen- dant qu'il n'en existe pas de parfait. Toutefois si l'on ne peut jamais empêcher le bois de prendre feu, cer- taines préparations retardant cette faculté d'intlammabilité et la rendent — 499 — CONGRES FORESTIER moins dangereuse, le bois ainsi préparé brûlant avec très peu de flammes ; ce résultat était déjà intéressant à obtenir et l'ignifugation a déjà rendu de nombreux services. Les substances ignifuges sont employées de différentes façons : par badigeonnage ou revêtement, par immersion ou par injection. Ces substances sont, en général, des borates, des silicates et des ammoniacaux, ils agissent d'ailleurs différemment. Les borates et les silicates préservent les fibres du bois du contact de l'air, les sels ammoniacaux ont la faculté, en se volatilisant à la chaleur, de retarder et d'empêcher la combustion des matières organiques. Les combinaisons entre ces différents sels sont variables à l'infini, il serait impossible de les détailler toutes, nous ne citerons que les plus communément appliquées. Enduits. — Les enduits ne peuvent préserver le bois que d'une flamme légère et pendant peu de temps ; ils s'appliquent au pinceau par badi- geonnage de plusieurs couches successives. Immersion. — La pénétration des substances ignifuges par immersion est encore trop superficielle, nous signalerons cependant le procédé d'Hasselmann qui emploie successivement un bain chaud de sulfate de fer et de sulfate d'alumine, puis le chlorure de calcium et la chaux. On peut également plonger le bois dans une solution composée ainsi : Phosphate d'ammoniaque 100 gr. Acide borique 10 — Eau 1.000 - Injection. — L'injection des produits ignifuges se fait en général suivant les mêmes principes que l'injection des produits antiseptiques. Les différents procédés consistent à enlever l'eau ei la sève du bois soit par la vapeur d'eau, soit par le vide, et à introduire les substances igni- fuges dans les pores par pression. Ces substances sont variées et leur composition en général brevetée, ce sont des mélanges de sulfate de fer ou de cuivre et de chlorure de calcium ou de baryum, des crésylates, des sulfates d'ammoniaque et d'alumine, des silicates de soude et chlorhydrates d'ammoniaque, des combinaisons de phosphates et sulfates d'ammo- niaque avec des sulfates de zinc ou de magnésie et de l'acide borique, etc. Le procédé Nodon-Bretonneau que nous avons décrit plus haut emploie avec succès une solution de borate et de sulfate d'ammoniaque. On peut encore protéger efficacement le bois contre le feu par des revêtements protecteurs. Ce procédé, lorsqu'il est possible de l'employer, donne d'excellents résultats. Il consiste à recouvrir les bois apparents d'une charpente ou d'un plafond d'un enduit de plâtre ou de ciment, cet enduit devant être autant que possible armé par un treillis métal- lique. On peut dire en résumé que la plupart des procédés d'ignifugation du bois ont une certaine valeur. Si quelques expériences de laboratoire ont été faites avec plein succès, les bois ignifugés ne résistent pas en général à un foyer intense d'incendie. La sécurité qu'ils procurent n'est sans doute pas absolument illusoire, mais il est prudent de prendre les mêmes précautions qu'avec l'emploi de bois qui n'ont pas été préparés. Du long exposé que nous venons de faire, nous devons tirer une leçon et une conclusion. 500 INTERNATIONAL 1913 Nous avons parcouru quelques principes naturels et de nombreux pro- cédés artificiels de conservation, quelques-uns sont fréquemment appli- qués, d'autres, également efficaces, sont presque totalement méconnus. Nous n'avons fait qu'en effleurer la description, mais notre but était d'inciter tous ceux qui emploient le bois et qui auront bien voulu cons- tater avec nous la diversité des méthodes à notre portée, à étudier à fond cette question et, partant, à en faire l'application le plus souvent possible. Chacun aura ainsi contribué à la réalisation du but que nous devons poursuivre : empêcher le déboisement à outrance par la prolongation de la vie industrielle du bois. Les pouvoirs publics peuvent nous aider dans cette œuvre et nous concluerons en émettant deux vœux : I. Que les recherches sur les procédés artificiels de conservation et les découvertes dans cet ordre d'' idées soient dotées de primes. II. Que VÊtat, partout où il le peut, pour tous les édifices publics et pour certaines constructions privées, exige Vemploi des bois ignifugés. M. LE Président. — Avez-vous, Messieurs, des observations à pré- senter? M. Pral. — On a fait ici, à Paris, au Laboratoire Central, des essais. 11 serait à souhaiter que le Laboratoire Central donnât communication des résultats qu'il a obtenus. M. Pelletier de Martres. — On peut réclamer cette communication, mais il y a au Conservatoire des Arts et Métiers toute la documentation utile. M. Pral. — Ce que je souhaite, c'est que les particuliers puissent profite!- de cette leçon. M Pelletier de Martres. — On vous doit la communication. \'ous trouverez tout ce que vous voudrez à cet égard au Conservatoire des Arts et Métiers. Personne ne demandant plus la parole, les vœux proposés par le Rapporteur sont successivement adoptés, La séance est levée à 10 h. 40. 501 CONGRES FORESTIER SEANCE DU 18 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 30. M. LE Président. — La parole est à M. Simon pour la lecture de son rapport sur les Pois utilisés dans l'industrie des allumettes^ POUR le DÉBITAGE ou LA CONFECTION DES BOITES. M. Simon. — Au point de vue de la nature de leurs tiges, les allu- mettes se classent en deux catégories : les allumettes en bois et les allumettes en cire. Les deux variétés se fabriquent à peu près partout. Cependant, on n'utilise guère, dans toute l'Europe centrale et septentrionale, que l'allu- mette en bois. En France, notamment, le nombre des allumettes bougies livrées à la consommation n'atteint pas 3% de la quantité totale des allumettes fabriquées par les manufactures de l'Etat. Dans la plupart des pays du Nord de l'Europe, l'usage s'est également établi de vendre des allumettes dans des boites confectionnées entière- ment en bois. Toutes les questions relatives à la production du bois présentent donc un intérêt capital pour l'industrie des allumettes. Bois pour le débitage des tiges dhdhwiettes. — Les bois pour allumettes doivent être d'un grain fin, homogène et tenace et d'un tissu facilement inflammable ; ils doivent encore présenter une élasticité suffisante et être enfin, autant que possible, exempts de nœuds, autres que les nœuds superficiels. On ne peut donc utiliser pour la fabrication des tiges que les résineux et les espèces tendres ou bois blancs. En général, les usines qui débitent leurs allumettes ne choisissent pas parmi ces essences et emploient ceux de ces bois qu'elles peuvent se pro- curer le plus facilement et à meilleur compte. Cependant, le pin, le sapin et l'épicéa ne servent guère qu'à la prépa- ration des tiges rondes ou striées qui ne peuvent être débitées qu'à la filière ou à la fabrication des allumettes les plus communes vendues très bon marché. On tient beaucoup, en effet, pour flatter l'œil de l'acheteur, à ce que les tiges présentent une teinte aussi blanche que possible. Les allumettes de — .n02 — INTERNATIONAL 1913 sûreté, et surtout celles qui doivent être paraffinées, exigent en outre l'emploi d'essences à tissu spongieux. L'espèce de bois blanc, répondant le mieux à ces deux coudions, est certainement le tremble ; mais on le remplace très bien par le peuplier et même éventuellement par le saule et le bouleau. Toutefois, c'est le bois du tremble qui se trouve le plus employé pour la fabrication des allumettes. Cette essence est d'ailleurs fort abondante dans le Nord-Est de l'Europe où elle constitue des massifs entiers à elle seule. Le tremble y est généralement découpé sur place par des usines spécialement établies à proximité des forêts et expédié tout débité aux fabriques qui ne peuvent songer à préparer elles-mêmes leurs tiges, parce qu'elles n'arriveraient pas à se procurer facilement les bois qui leur seraient nécessaires pour cette opération. En particulier, à l'exception des tiges que l'on découpe à Saintines, et des tiges rondes pour tisons, qui sont en résineux, toutes les allumettes blanches qu'emploient les fabriques de l'Etat français proviennent des provinces russes de la Baltique et sont en tremble. Ces achats à l'étranger portent annuellement sur 13 milliards environ de tiges carrées pour allumettes, dites grande section (G. S.) et 25 mil- liards de tiges de petite section (P. S.), la production de la manufacture de Saintines, qui est seule outillée pour le débitage des bois, n'étant que de 7 milliards d'allumettes G. S. Pour cette fabrication, l'usine de Saintines n'utilise d'ailleurs que la variété de peuplier dite « peuplier suisse ». . Le tremble est, en effet, peu abondant dans la région ; ce bois est, en outre, d'un prix sensiblement plus élevé que le peuplier, quoique d'un 'rendement moins avantageux. Enfin, le tremble français ne parait pas correspondre comme qualité au bois de même essence d'origine russe, du moins, les quelques essais qui en ont été faits à différentes reprises dans la fabrication des tiges n'ont jamais donné de résultats bien satis- faisants. Il apparaît, par contre, que l'on pourrait fort bien admettre, pour la préparation des tiges, le peuplier blanc, ainsi que la variété dite « Caro- line » tandis que le peuplier noir et le peuplier pyramidal doivent être exclus de cette fabrication pour laquelle ils ne sauraient convenir. Tout le bois de peuplier, débité par la manufacture de Saintines, •est tiré des régions avoisinantes et l'approvisionnement de cette usine a pu toujours être assuré, jusqu'à présent, sans difficultés sérieuses et même dans des conditions satisfaisantes. Mais l'extension de sa fabrication de tiges, si l'on était jamais amené à l'envisager, ne pourrait vraisemblablement être réalisée, qu'à la condition d'étendre le rayon dans lequel s'effectuent actuellement ses achats. Déjà, cet établissement consomme annuellement, pour son débitage d'allumettes, près de 4.500 mètres cubes de peuplier de bonne qualité. Dans ces conditions, le cube de bois nécessaire à la préparation do toutes les tiges employées dans les manufactures de l'Etat doit être évalué à 27.000 mètres cubes. Bois pour la confection des boîtes. — Les copeaux pour boîtes ne peu- vent être obtenus que par déroulage. Les bois à employer pour leur préparation doivent donc se prêter facilement à cette opération. Il faut, ~ — 503 — CONGRES FORESTIER en outre, qu'ils ne se cassent pas lorsqu'on les plie suivant les sillons tracés par les lancettes de la dérouleuse. Dans ces conditions, on ne peut guère utiliser, pour la fabrication des boîtes, que les espèces de bois blancs déjà citées, le sapin lui-même ne pouvant servir qu'à constituer les fonds des tiroirs. Gomme d'ailleurs la question de couleur ne joue ici aucun rôle, les usines étrangères débitent toujours leurs copeaux dans le peuplier, si elles en disposent, n'ayant recours au tremble que lorsqu'elles y ont avantage. En France, on n'utilise, au contraire, pour cette fabrication que le bois de tremble. On n'y fait d'ailleurs en bois que les boîtes pour tisons et les tiroirs des boîtes pour allumettes suédoises. La manufacture de Saintines, à laquelle incombe également cette fabrication, y consacre annuellement de 500 à 700 mètres cubes de tremble, provenant pour la plus grande partie des forêts de l'Argonne. On considère, en effet, que le tremble de la région de Compiègne, où il est d'ailleurs plutôt rare, ne se prête pas aussi bien au déroulage. Quant à la substitution du peuplier suisse au tremble pour la confec- tion des boîtes, rien ne paraît devoir s'y opposer, s'il le fallait. Toutefois, puisqu'on peut les remplacer avantageusement par des cartonnages, l'extension de l'emploi des boîtes en bois pour l'emboî- tage des allumettes fabriquées dans les usines françaises no s'impose pas. D'ailleurs, la situation de ces manufactures rendrait généralement difficile, ou du moins fort coûteux, leur approvisionnement en bois en grumes nécessaires à la préparation de leurs copeaux pour boîtes. M. LE Président — Le rapport de M. Simon est surtout une étude de la façon dont on procède à la fabrication des allumettes ; il n'a pas émis de vœu. Estimez-vous que dans ces conditions il suffit de passer à l'ordre du jour, ou quelqu'un d'entre vous a-t-il des observations à présenter ? M. Pelletier de Martres — Profitant, puisque l'occasion s'en présente, d'un rapport qui n'a point émis de vœu, je proposerai au Congrès de vouloir bien émettre celui-ci : Le Congrès émet le vœu : '( Que VÉtat améliore la qualité et diminue le prix de ses allumettes et que pour arriver utilement et pratiquement à ce but, il accepte la concurrence privée, sous réserve de Vexercice », On ne peut pas, en effet, forcer l'État qui a racheté assez, cher toutes les anciennes fabriques d'allumettes, à renoncer à l'achat qu'il a fait jadis, mais on pourrait, il me semble, créer des fabriques privées à la condition de les exercer, c'est-à-dire que les fabricants verseraient un droit à l'État pour pouvoir fabriquer des allumettes. En mettant les fabricants en concurrence avec l'État, je crois que la qualité des allumettes qu'ofPre l'État s'en ressentirait singulièrement et que nous n'aurions point de ces produits qui, en coûtant très cher, ne valent géné- ralement rien. — 504 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Il est bien entendu que le vœu présenté par M. Pelle- tier de Martres n'a aucune relation avec le rapport de M. Simon. M. Simon. — D'autant plus que la qualité des allumettes est pour ainsi dire indépendante de celle du bois, elle ne tient pas du tout au bois. M. le Président. — Je ne vais pas mettre aux voix la prise en considé- ration du vœu, je vais tout simplement mettre le vœu aux voix. Si vous l'adoptez, nous indiquerons qu'il a été voté sur la proposition de M. Pelletier de Martres, mais qu'il n'a aucun rattachement au rapport de M. Simon. Le vœu est adopté. M. le Président. — La parole est à M. Marcel pour la lecture do son rapport sur les emplois divers du rois. M. Marcel. — « Ne diminuer en rien, augmenter au contraire la pro- duction dans la « partie spéciale de l'industrie du bois que nous étu- dions; chercher à «concilier cette préoccupation essentielle avec l'impé- rieuse nécessité « de sauvegarder les richesses forestières de la France », constitue le double but vers lequel vous avez résolu de faire coiiverger vos préoccupations comme vos efforts; nous espérons, pour notre part, ne l'avoir point perdu de vue. Il est donc telle partie du rapport, que nous avons l'avantage de vous présenter, qui se distinguera par de nombreux détails et telle autre qui se caractérisera parla brièveté des précisions. Il nous aurait, en effet, semblé illogique autant que contraire aux principes mêmes qui vous inspirent d'oublier, par exemple, que l'industrie du bois courbé est fort peu déve- loppée dans notre pays, alors que celle des pâtes à papier prend une exten- sion toujours croissante et exige la recherche des moyens propres à éviter sa limitation, ainsi qu'un déboisement intensif préjudiciable aux intérêts nationaux. Sous le bénéfice de ces observations préliminaires, nous abordons l'étude que vous nous avez fait l'honneur de nous confier. Ce sont la Suède et la Norvège, très riches en forêts, abondamment Jai)vioatiou du pourvues de cours d'eau, qui fournissent la plus grande partie des bois l'^pi^"!- utilisés pour la fabrication de la pâte. Elles possèdent l'épicéa, le bouleau, le tremble qui sont spécialement appréciés en raison de leur résistance et de leur blancheur. En France, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, au Canada et aux Etats-Unis, la consommation est devenue intensive par suite de la multi- plication et du développement des journaux, des revues, des publications de toute espèce, de la correspondance comme des emballages, et l'exploi- tation des richesses forestières utilisables s'est très étendue malgré les , importations incessantes de bois du Nord. Il existe deux sortes de pâtes de bois : la pâte de bois mécanique et la pâte de bois chimique. 1^ La fabrication de la pâte de bois mécanique s'opère de la façon suivante : — .50.5 — CONCxRES FORESTIER Les arbres abattus hors sève, en hiver, sont écorcés, tronçonnés en rondins de 0 m. 30 de longueur et de 0 m. 25 de diamètre environ. On fait subir à ces rondins soit un lessivage dans une eau légèrement alca- linisée, soit un étuvage à la vapeur pour extraire du bois les résines, les gommes, voire même les tanins. Ensuite, a lieu l'opération du défibrage par le moyen ordinairement employé d'une meule de grès dur, verticale, horizontale, tournant à la vitesse de 160 tours par minute, enveloppée dans une gaîne métallique et portant, sur le côté, des cases où l'on place les rondins tronçonnés. Cette meule agit comme une râpe et des sabots en fonte exercent une pression incessante en avant vers les rondins ; le cou- rant d'eau qui humecte constamment sa surface emporte les fibres et les conduit dans des tambours successifs garnis de toiles métalliques de plus en plus serrées et à rotation de plus en plus lente. En dernier lieu, les fibres sont soumises à un dernier tamisage et râpage à l'intérieur d'un moulin raffineur. Entre autres procédés employés, il en est un qui consiste à ramollir le bois à la vapeur, à le sectionner en rondelles minces, puis à le broyer dans un moulin horizontal. Les diverses espèces de pâtes ainsi obtenues sont le plus souvent mélangées entre elles, suivant les usages aux.quels elles sont destinées : elles sont ou utilisées sur place, l'usine fabriquant le papier, ou mises en balles et exportées. 20 La fabrication de la pâte de bois chimique, qui est d'une qualité plus fine que la pâte de bois mécanique, exige l'emploi de bois blancs plus tendres que celle de la pâte de bois, débarrassés de tout nœud, de toute résine, débités en fragments ou copeaux, puis broyés entre des cylindres cannelés et finalement lessivés au bisulfite de soude. Le lessivage qui s'effectue durant 14 heures dans un autoclave cylindrique, chauffé à une vapeur de 108 à 130", aussi sèche que possible, est destiné à extraire de la cellulose toutes les substances tant soit peu résineuses pouvant déprécier sa qualité. Une fois l'opéra- tion terminée, la cellulose est retirée sous forme d'une bouillie foncée à laquelle on fait subir un lavage abondant jusqu'à la parfaite clarifica tion de l'eau employée puis un blanchiment au chlorure de chaux ou autre acide. Certaines pâtes traitées chimiquement d'une façon sommaire sont destinées, en raison de leur couleur brune, à la fabrication des cartons de luxe et des papiers de tenture et d'emballage soigné. A la réception des balles de pâtes mécaniques et chimiques, le fabricant soumet celles-ci à la trituration, puis à un mélange des unes et des autres dans une proportion adéquate au genre de papier qu'il veut obtenir. Au mélange, il adjoint la « charge », c'est-à-dire du kaolin, de l'asbestine, de la china clay (talc) et, éventuellement, du savon rési- neux. Ces substances, dosées suivant des formules très précises, permet- tent d'obtenir tous les genres de papier. Le nombre de machines à papier en France, qui était d'environ 580 en 1900, atteignait 620 en 1910 et plus de 640 en 1912. La constatation de ces chiffres nous induit à en préciser quelques autres : En France, la production annuelle de papier suit une progression dont il est aisé de se rendre compte ci-après : — 506 — I?iTERXATIONAL 1913 En 1886 environ . 200.000.000 kilog. — 1890.... 360.000.000 — — 1900 450.000.000 — — 1910 870.000.000 — — 1912 1.100.000.000 — Encore faut-il remarquer, que dans les chiffres de production indiqués ci-dessus, il n'est pas tenu compte des quantités importées de l'étranger, en papiers, cartons, livres, gravures, etc., dont le chiffre dépasse 75.000.000 francs. _ . • . . Quant à la consommation mondiale, elle est supérieure à 1 milhard 500 millions de kilogrammes de pâtes de bois, uniquement pour les journaux. En ce qui concerne les usages de la librairie, le chiffre atteint 1/2 milliard. Les autres emplois du papier absorbent 1 milhard de kilo- grammes, soit, au total environ 3 milliards de kilogrammes de pâtes de bois que les forêts doivent fournir annuellement pour le monde entier. De tels chiffres se passent de commentaires. En ce qui concerne la France seule, l'importation des pâtes de bois s'établit comme suit : En 1910 326.237.300 kilog. -1911 335.082.500 — — 1912 (les 11 premiers mois) 386.001.000 — ce qui indique que pour l'année 1912 entière le chiffre de l'importation des pâtes de bois a certainement dépassé 452.000.000 kilogrammes. Comparativement aux chiffres qui précèdent, la France produit annuel- lement environ 120.000.000 kilogrammes de pâtes de bois fabriquées soit avec des bois indigènes, soit avec des bois d'importation. Les statistiques précédentes corroborent donc d'une manière péremp- toire nos considérations initiales ; il est indispensable de prendre des mesures efficaces pour garantir notre sol d'un déboisement supplémentaire en essences, tels que le sapin, le bouleau, le tremble et le peuplier, dont la menace l'accroissement de l'industrie du papier, d'autant qu'il est question de créer en France de nouvelles fabriques ; ces mesures consis- teront à faciliter par tous les moyens possibles l'importation des pâtes étrangères et des bois appropriés à cette industrie ou produits végétaux coloniaux utilisables. Nous nous permettons d'autant plus de les préco- niser qu'avec les bois de pays nos industriels ne produiront jamais assez de pâtes pour satisfaire à la consommation et qu'il ne s'agit point ainsi de protéger une exploitation nationale qui ne dispose sur place que de faibles quantités de matière première. En premier lieu, nous ferons remarquer que, non seulement les meil- leures pâtes sont obtenues avec les chiffons, mais encore avec l'alfa (qui donne un papier très blanc), les fibres du chanvre, du maïs, du lin, du jute, du phormium et du bambou. Ensuite, nous recommanderons l'emploi du fromager, du musanga, du sterculia dont nos colonies de la Côte d'Ivoire, du Gabon, contiennent des quantités énormes et qui sont des bois très légers, fibreux et par conséquent très propres à la fabrication de la pâte; il faudra, tôt ou tard, avoir recours à ces immenses réserves; sur le terrain économique, comme français, nous pouvons nous en réjouir. Nous appelons également l'attention des pouvoirs publics sur une — 507 — CONGRES FORESTIER mesure qui compléterait fort heureusement celles qui sont spécifiées dans la proposition de loi relative au reboisement des forêts privées et adoptée par le Sénat le 20 décembre 1912. Nous demanderons que tous les terrains incultes, toutes les dunes de notre littoral (de la Manche en particulier) soient plantés de pins ou autres résineux, comme les Landes ; certains bouquets de ces arbres qui poussent à l'embouchure de l'Orne croissent dans des conditions qui autorisent les meilleurs espoirs. Nous désirerions aussi qu'à l'entrée en France des pâtes étrangères, pour éviter aux négociants des discussions et charges préjudiciables, l'Administration des Douanes simplifiât ses opérations en prenant pour base le poids indiqué sur le connaissement avec une tolérance de 10 % en plus ou en moins par tonne, la pâte de bois étant essentiellement hydro- phile et s'imbibant aisément en hiver, alors qu'elle se dessèche très vite en été. L'Administration des Douanes n'a-t-elle point admis un étalon pour le sapin du Nord, le pitchpin et les chênes d'Amérique ou d'Autriche, et ce, à la satisfaction des intéressés ? Il serait enfin très à désirer que les grandes Compagnies de transports maritimes ou terrestres, par l'établissement de tarifs, proportionnés davantage à la valeur de la matière, facilitassent l'acheminement des pâtes de bois importées vers les centres de production et de consommation. Fiin-e de bois. Ce produit, d'origine américaine, fit son apparition en France vers 1875 On l'employa tout d'abord à la fabrication des articles de literie, matelas coussins, etc., destinés aux hôpitaux (d'où le nom qu'on lui donna de « fibre hygiénique » ). Peu à peu, avec la rareté et l'élévation de prix des fourrages, son emploi se généralisa, principalement dans l'emballage. De nos jours, on utilise la fibre de bois dans une quantité d'industries ou de commerces. En première ligne, pour toutes sortes d' emballages : meubles, quincail- lerie, parfumerie, droguerie, fruits, primeurs, denrées alimentaires, etc. Puis dans la métallurgie^ sous forme de cordes pour le noyautage de fonderie. Dans la tapisserie pour le rembourrage des sièges, coussins, mate- las, etc. La fibre sert encore à la fabrication de quantité d'objets d'usage cou- rant, tels que les paillassons, cordes pour calorifuges, etc. La fibre de bois ^ou laine de bois) est fabriquée, en France, au moyen de bois ronds de 60 à 70 centimètres de longueur et de 10 à 30 centi- mètres de diamètre. Les machines à fibre françaises sont composées d'un long bâti de fonte supportant, à l'une de ses extrémités, un arbre sur lequel est fixé un volant également en fonte ; à l'autre extrémité, une cage à bois qui mesure 70 cen- ^timétresdelong sur 35 de haut. Un chariot porte-lames passe et repasse • devant cette cage, ce mouvement alternatif venant du volant par l'inter- médiaire d'une bielle. On place les bois horizontalement dans la cage, en les superposant, si besoin est, pour atteindre la hauteur de 30 à 35 centimètres. Des contre-poids supérieurs et latéraux les empêchent de bouger. Un chariot d'avancement, progressant sur une vis sans fin commandée par l'arbre du volant, pousse les bois sur le chariot porte-lames, à une vitesse plus ou moins grande suivant l'épaisseur de la fibre que l'on veut obtenir. — 508 — INTERNATIOA'AL 1913 Cette épaisseur varie entre 30 et 8 millimètres. Le chariot porte-lames détache les copeaux au moyen de deux lames d'acier affilées, placées verticalement et formant un angle plus ou moins ouvert avec le bois. L'une de ces lames est unie, l'autre présente des dents d'une largeur variant entre 1/2 millim. et 2 millim. i^- Ces dents donnent la largeur du copeau. Dans certaines machines, la lame dentée est remplacée par un grand nombre de petits couteaux superposés, dont la pointe trace les copeaux que la lame unie détache ensuite. La production moyenne d'une machine est d'environ 900 à 1.000 kilo- grammes en dix heures. La fibre est pressée mécaniquement en balles de 20 kilogrammes. Les qualités varient avec la largeur et l'épaisseur des copeaux. Celles employées actuellement sont au nombre de sept. Les prix diffèrent, suivant ces qualités, entre 12 fr. 50 et 30 francs les 100 kilogrammes. La généralisation de l'emploi de la fibre de bois fut rapide. La maison Falck qui, la première dans notre pays, en commença la fabrication, avec des machines françaises, arrivait péniblement à une production journalière de 2,000 kilogrammes. Cette production progresse pour arriver : De 1880 à 1890 6.000 kilog. par jour De 1890 à 1895 13 .000 ^ - De 1895 à 1900 20.000 - De 1900 à 1905 26.000 - De 1905 à 1910 33 .500 - Elle atteint, en 1912, 48.000 kilogrammes pour 21 usines dont 20 sont installées en province et une à Paris, soit un chiffre de 14.400.000 kilo- grammes par année. A cette production indigène vient s'ajouter l'importation pour les quantités suivantes, dignes d'attention : En 1900 1 .104.000 kilogs au total En 1905 1.320.000 - En 1911 1.039.000 - La consommation totale en fibre de bois, tant française qu'étrangère, atteignit dans notre pays, pour l'année 1912, le chiffre de 16.320.000 kilo- grammes. Elle a encore augmenté depuis et il est hors de doute qu'elle poursuivra sa marche ascendante. En effet, l'augmentation du prix des fourrages, causée par les mauvaises récoltes dues, comme leur qualité défectueuse, aux années pluvieuses que nous venons de traverser, leur densité plus élevée, tout tend à une vulgarisation toujours plus grande de la fibre de bois, produit plus souple et plus sain, plus propre aussi, flattant l'œil du client et qui, tout compte fait, n'est pas sensiblement plus cher. Malheureusement, le développement en France de cette industrie se heurte à des obstacles assez sérieux dont les principaux sont : d'une part, la difficulté de l'approvisionnement en matière première, et, d'autre part, la concurrence étrangère. U approvisionnement en matière première. — Le bois le plus commu- nément employé pour la fabrication de la fibre est le sapin. — .509 — COîsGRES FORESTIER Celui qui donne la meilleure qualité, avec le minimum de déchets, est sans contredit le sapin du Nord. 11 est plus blanc et n'a pour ainsi dire pas d'odeur, conséquence de sa faible teneur en résine, c'est ce qui le rend indispensable à la fabrication de la fibre destinée à l'emballage de tous les produits comestibles, entre autres. L'absence de gros nœuds, son grain plus serré, son fil plus droit, donnent un copeau plus long, plus résistant. C'est par excellence le bois à fibre. Le prix en est élevé, et cela en raison principalement des dispositions douanières qui pèsent sur son introduction en France. Elles figurent aux paragraphes 128 et 133 de la loi douanière du 29 mars 1910, qui stipulent : § 128. — Bois ronds, bruts, non équarris, avec ou sans écorce, de lon- gueur quelconque et de circonférence au gros bout supérieur à 0 m. 60. Tarif minimum, 6 fr. 50 la tonne. § 133. — Perches, étançons, échalas, bruts de 1 m 10 de longueur et de circonférence atteignant au maximum 0 m 60 au gros bout. Tarif minimum, 3 francs la tonne. Les machines à fibre française ne peuvent employer que des longueurs de 0 m 70. Or, il est impossible de trouver dans les pays du Nord des bois de cette longueur. Tous les bois à fibre sont donc taxés d'après le paragraphe 133, soit à trois francs par tonne, à l'exception de ceux mesurant plus de 0 m 60 de circonférence au gros bout qui, eux, paient 6 fr. 50 (§ 128). La proportion de ces derniers étant toujours en moyenne de 30 % de la quantité importée, les bois à fibre supportent en réalité, conséquem- ment, une taxe d'introduction de 4 francs par tonne en moyenne. Or, chacun sait que les bois de papeterie de toutes grosseurs et de 2 m 50 de longueur maxima ne paient que 0 fr. 20 par tonne (§ 135 bis du tarif). Pourquoi cette difl'érence de traitement, alors que les bois employés par ces deux industries sont identiquement les mêmes ? Il y a là une anomalie d'autant plus facile à corriger que la quantité de bois du Nord nécessaire aux fabriques de fibre est infiniment plus faible que celle employée pour la pâte de bois. Il suffirait d'ajouter les mots « ou de fibre de bois » à la note qui com- plète le § 135 bis relatif aux bois à papier et qui serait ainsi rédigée : « A charge de justifier de l'arrivée et de la mise en œuvre dans les « fabriques de pâtes à papier « ou de fibres de bois », sur lesquelles les « bois sont dirigés ». Cette disposition faciliterait le développement nécessaire d'une indus- trie dont l'utilité apparaît grandissante, cependant qu'elle aurait une action directe sur la protection des forêts françaises où l'on tend à couper les arbres trop jeunes. La concurrence étrangère. — L;'abaissoment du droit d'entrée sur les bois aurait encore l'avantage de permettre aux fabriques françaises de lutter plus avantageusement contre les usines étrangères. Des fabriques allemandes, notamment, situées à plus de 800 kilo- mètres de Paris, n'ofîrent-elles pas leurs produits avec 10 % de rabais sur les prix faits par les fabricants français, dont les bénéfices sont cepen- dant très restreints. — 510 — INTERNATIO>'AL 1913 Certaines de leurs forêts contiennent des essences qui, en se rappro- chant de la nature des bois russes et Scandinaves, leur permettent de concurrencer la fibre fabriquée en France avec ces dernières essences. Les importations ont presque doublé en 1912, et elles augmenteront encore si l'on n'y remédie pas. Les droits de douane, fixés à 5 francs par tonne par l'ancien tarif, avaient été portés à 10 francs par celui de 1910. Les importations flé- chirent alors légèrement pendant deux ans, mais elles reprirent leur marche ascendante causant ainsi le plus grand tort aux fabriques indigènes. L'industrie française de la fibre de bois traverse, du fait de cette concur- rence, une crise que l'on ne pourra enrayer qu'en mettant nos industriels en posture de lutter à armes égales avec leurs voisins. 11 serait probablement difficile d'augmenter une fois de plus, en trois ans, les droits d'entrée de la fibre. Aucune raison sérieuse ne s'oppose, néanmoins à faire supporter aux hois à fibre le même règlement qu'aux bois à papier, puisqu'en fait ce sont les mêmes. La fabrication des sabots s'effectue surtout en forêt : les bois dont elle sahotaae. implique l'utilisation sont principalement le hêtre, le bouleau, l'aune, le saule, le noyer et le pin sylvestre. On prépare les bois en rondins ou en quartiers fendus dans de grosses et moyennes tronces pour en tirer diverses dimensions dont la longueur varie de 0 m. 20 à 0 m. 35. Ces bois sont ensuite ébauchés à la hache ; on leur donne ainsi la forme grossière d'un sabot ; les entailles sont faites ensuite à la vrille, à la cuiller, au boutoir et à la rouanne. Un mètre cube de hêtre peut donner un rendement de 100 à 120 paires de sabots de dimensions diverses valant 80 francs. Un mètre cube de bouleau, d'un âge de 40 à 60 ans, peut donner un rendement de 120 à 125 paires de sabots valant de 10 à 12 francs la douzaine. Deux ouvriers fabriquent aisément 20 paires par jour. Il semble que la fabrication des sabots se heurte à des difficultés de plus en plus grandes, car elle nécessite l'emploi courant du noyer et du hêtre, bois très recherchés par les fabricants de meubles, de voitures, etc. On peut faire remarquer que la diminution du nombre d'habitants dans les communes rurales entraine une décroissance appréciable dans la consommation. Les petits ouvriers qui travaillent chez eux réussissent proportionnellement beaucoup mieux que les industriels à fabrique mportante ; les acheteurs exigent dans le travail un fini que ne peut fournir la machine. Les cercles se font dans les coupes pendant la période des exploitations, cerciaçje, de novembre à fin mars, principalement dans les environs de Paris et en Bourgogne. Les bois Igs plus courlamment employés sont le châtaignier, le cornouil- ler, le coudrier, le frêne, le merisier, le bouleau, l'orme, le charme. L'outillage se compose d'un banc à fendre et à planer ; d'une serpe en forme de faucille, d'un piochon, d'une plane ou plaine, d'un billard pour cintrer les cercles et d'un parquet pour les tourner. Les bois coupés hors sève doivent être assez gros pour donner deux cercles au moins à la fente ; ils ont généralement de 0 m 10 à 0 m 18 de tour au gros bout, et de 0 m 06 à 0 m 09 au petit bout. — 511 — CONGRES FORESTIER Les exploitants vendent de 35 à 55 francs le 4.000 de perches en cor- nouiller et coudrier, et 30 francs le 1.000 de perches en charme. Les cercles ont 3 mètres de longueur pour les fûts de 250 litres et valent 12 à 30 francs le mille, suivant qu'ils s'appliquent aux feuillettes, pièces ou foudres pour vins et autres boissons. L'industrie du cerclage a perdu beaucoup de son importance depuis que s'est généralisé l'empioides cercles de fer, plus solides, maisprotégeant beaucoup moins bien les fûts contre les chocs. * i.e imis comu. L'industrie des meubles en bois courbé fut, pendant de longues années, du domaine presque exclusif de fabricants austro-hongi'ois ; elle tend à se développer en Russie et en Franc(^ principalement dans les départe- ments du Doubs, de la Meuse et du Nord. Le bois de hêtre est employé de préférence à tous les autres pour ce genre de travail et le hêtre de nos pays possède des qualités supérieures à celles de l'essence du même genre qui croit en Autriche-Hongrie ; souple malgré sa résistance et sa dureté, il nous assure ainsi déjà une excel- lence de fabrication des plus appréciables. Les pièces choisies sont débitées en lattes carrées de 1 à 6/^ mètres de longueur et de 0 m. 03 à 0 m. 06 d'équarrissage, en fil bien droit, et sont ensuite arrondies au tour. Comme pour le cintrage, on introduit lesdites pièces dans un auto- clave où elles sont étuvées, ou cuites sous pression, puis mises dans des moules en métal affectant les formes qu'on désire donner au bois et séchées. Après polissage, elles sont finalement assemblées entre elles au moyen de vis et vernis, cirées ou coloriées, suivant les cas. Les tarifs de douane sur les importations de meubles ayant été encore élevés l'année dernière, l'industrie française se trouve assez bien placée pour lutter contre la concurrence étrangère, d'autant que notre bon goût, principalement dans les recherches du « modem style », lui donne une supériorité immédiate auprès des amateurs intelligents. C'est donc par des mesures, soit d'ordre forestier intérieur (reboisement), soit d'ordre douanier (abaissement de tarif), destinées à faciliter les appro- visionnements de matière première, que l'on assurera d'une manière efficace la protection de cette industrie qui aurait tendanceà se développer fort heureusement dans notre pays. Le hois riiiiié. Les courbes en bois destinées à la carrosserie, au charronnage, à l'avia- tion, etc., se font surtout en frêne, puis en acacia, en orme, en noyer et en chêne. On les fabrique sous la forme de rayons ou à anse de panier. Ert raison de la difficulté de plus en plus grande de trouver de belles grumes de frêne indigène de futaie, les courbes de grandes dimensions s'établissent aujourd'hui en trois pièces avec mortaises. Le frêne de notre pays est une essence incomparable par ses qualités d'élasticité, de sou- plesse, de dureté, et son emploi ne cesse pas de se développer dans des proportions considérables ; sa valeur marchande est donc en progression constante. Le frêne d'Amérique (Etats-Unis) est d'une nature beaucoup plus tendre, il est abondamment offert sur notre marché, mais son trop long séjour sur coupe auquel il faut ajouter la longueur du transport le rendent peu propre au cintrage qui exige des bois frais et nerveux. Toutes les courbes sont débitées en chevrons puis rabotées, et enfin — 512 — IKTERNATIOXA.L 1913 étuvées pendant une durée d'une heure et demie à deux heures, suivant l'épaisseur du sciage. C'est ainsi que se préparent les mancherons pour charrues, les panneaux pour caisses de voitures, les garde-crottes, les cerceaux de capote de voitures et tapissières, etc. La pièce cintrée est laissée sur son gabarit jusqu'à son complet refroi- dissement, elle est lattée ensuite pour éviter toute déformation. Les jantes d'automobiles se font en deux pièces de frêne, d'acacia ou d'hickory ; il faut compter un diamètre double pour obtenir le cintrage désiré. Les brancards en frêne et en acacia se font à l'aide de calibres spéciaux permettant de cintrer les pièces à gauche et à droite par paire après avoir été préalablement débitées en chevrons et rabotées. Le cintrage demande une demi-journée; avant d'attacher les brancards par paire on les plane à la dossière pour enlever les éclats. Dans les campagnes, les charrons cintrent leurs bois en les soumettant à l'action d'un feu doux et de la vapeur d'eau, mais pour les pièces soignées il faut recourir aux manufactures spéciales. L'industrie du tranchage a fait son apparition vers 1850 dans la région Le tranchage. le parisienne. contreplacage Sa réputation s'est étendue jusqu'en Angleterre, en Allemagne , en «i^s bois. Espagne, et elle s'impose d'une telle manière que les industriels d'outre- Manche et d'outre-Rhin font souvent appel aux trancheurs français, tant est indiscutée la perfection du travail de nos usines, et ce malgré les frais de douane et de double transport. La transformation des grumes en feuilles de 1 à 10 millimètres d'épais- seur s'exécute au moyen de machines de construction exclusivement française, dont l'excellence est également reconnue partout. Les bois employés sont, d'ordinaire, des bois de valeur et de fort dia- mètre, soit indigènes, soit exotiques ; néanmoins, on procède également au tranchage des bois de valeur moindre qui sont plaqués sur le panneau formant le cadre même du meuble et recouverts parle placage apparent. Ces placages intermédiaires se dénomment « contre-placages » ; ils donnent des panneaux rigides, très résistants et indéformables. Le tranchage. — Les bois sont amenés à l'usine, soit en grumes, soit en billes ; ils sont débités au moyen de scies à grumes avec le minimum de perte et selon les besoins du client. Les quartiers écorcés (sauf ceux d'essences très tendres) sont ensuite placés, suivant leur dureté, dans des chambres de vapeur ou dans des cuves d'eau bouillante ; on les y laisse séjourner un temps qui varie afin d'amollir les fibres du bois et donner à celui-ci l'élasticité nécessaire pour la conversion en placage par le moyen de la machine à trancher ou par celui de la dérouleuse, selon les cas. La machine à trancher à plat se compose d'un bâti rectangulaire dont les deux grands côtés supportent des glissières guidant une partie mobile qui est le chariot porte-couteaux. Dans le rectangle formé par les côtés du bâti est placé un plateau supporté aux quatre coins par des vis. Des roues dentées placées à la base de ces vis et mues par une chaîne les reliant entre elles impriment au plateau un mouvement ascendant ou descendant, suivant les besoins. Le chariot, que l'on peut comparer à une varlope de grandes dimensions, se meut sur les glissières avec un mouvement rythmé d'avancement et de recul. — 513 — 17 CONGRES FORESTIER A chaque avancement du chariot, le couteau-lame de 0 m. 002 d'épais- seur, placé sur une pièce du chariot nommé porte-lame, et maintenu par un contre-fer, enlève une feuille de placage. Un mécanisme spécial, avant le nouveau passage du couteau , fait monter le plateau et la pièce à trancher de l'épaisseur de la feuille. A sa sortie de la machine la feuille de placage est saisie par l'ouvrier et placée sur une table où le quartier ou billon est exactement reconstitué. Le déroulage. — Le déroulage a pour but d'obtenir des feuilles de grandes dimensions dans des bois d'un diamètre réduit. La pièce à dérouler est fixée par ses extrémités sur l'axe de la machine, lui donnant ainsi l'aspect d'un laminoir. En tournant, l'axe entraîne la bille et le couteau, à son contact, détache à sa surface une feuille de placage, comme un tourneur tire avec son outil un copeau du bois qu'il façonne. Dans cette machine le couteau, pendant une révolution entière de la bille, avance d'une façon continue sur le bois de l'épaisseur de la feuille ; un trait longitudinal fait dans la bille avant le déroulage interrompt la feuille à chaque révolution. Sans cette coupure le déroulage donnerait une seule feuille de l'écorce ou de son liber, au cœur, feuille qui dans une bille de 0 m. 50 de diamètre déroulée en épaisseur courante aurait environ 400 mètres de longueur. Les feuilles tranchées ou déroulées pour placages sont ensuite étalées dans des séchoirs à air libre, sur des claies, jusqu'à ce que leur dessiccation soit complète. Elles sont, en dernier lieu, rassemblées et reconstituées par billes, puis mises en paquets de 30 à 50 feuilles lorsque les parties défectueuses en ont été enlevées. Le tranchage et le déroulage ont le précieux avantage de donner des feuillets de parfaite qualité, supprimant tout rabotage et procurant une grande économie de matière, de matériel, de temps et de main-d'œuvre. En 10 heures de travail, une trancheuse peut produire 25 mètres cubes de bois tendres, ou 5.000 mètres carrés de feuillets de 5 millimètres d'épaisseur. ConU^e- placage. — Le contre-placage est une industrie toute récente qui rend déjà d'immenses services dans le matériel de chemins de fer, l'ébénisterie, la lutherie, la menuiserie, la carrosserie, la caisserie, l'avia- tion, etc. Elle a pour but l'assemblage de feuilles de placages posées les unes sur les autres, à contre-fil, c'est-à-dire que le fil du bois est perpendi- culaire au fil du placage extérieur. Ces feuilles ainsi juxtaposées, à fils contrariés, sont collées à l'aide d'une composition spéciale, puis compressées (sinon laminées) de telle façon que l'ensemble des bois contre-plaqués se compose de feuilles absolu- ment homogènes et en épaisseurs variant de 2 à 5, suivant l'usage auquel ce contre-placage est destiné. Les qualités principales obtenues par ce procédé si ingénieux, sont : légèreté, flexibilité, solidité. En outre, le contre -placage ne iouo pas, ne se gondole pas et peut se cintrer facilement. Les bois indigènes de gros diamètre, de 0 m, 60 à 1 mètre, sont les plus employés pour les placages, tels que le chêne, le noyer ; pour le contre- placage : le hêtre, le peuplier, le grisard, le sycomore, l'aune, le tilleul. D'autre part, les bois exotiques utilisés pour le placage sont: l'acajou, le satiné, le palissandre, le bois violette, le bois de rose, le noyer d'Amé- rique, ainsi que les plus belles de nosessences coloniales de la Côte d'Ivoire, — 514 — IiNTERNATIONAL 1913 du Congo et de l'Indo-Chine; pour le contre-placage: le tulipier d'Amé- rique, l'okoumé du Gabon, le fromager de l'Afriqde occidentale, etc., seront intéressants à utiliser. Dans la carrosserie automobile, les panneaux contre-plaqués ont trouvé une importante application ; ils résistent, en eiïet, à toutes les vibrations de la route, à la chaleur et à l'humidité. Le poids moyen de ces panneaux varie de 1 kil. 900, pour une épaisseur de 0 m. 003, à 6 kilogrammes, pour une épaisseur de 0 m. 009, avec des dimensions de 0 m. 61 à 4 m. 60, sans raccord ni joint en longueur et hauteur. Il résulte de ces chiffres que le contre-placage pèse six fois moins que le bois massif avec une résistance que l'on peut dire décuplée ; un panneau de 0 m. 005 offre une solidité équivalente à celle d'une planche de Om. 05. L'industrie du bois contre-plaqué est très florissante en Russie où d'immenses forêts renferment les essences les plus recherchées par cette spécialité, tels que le bouleau, le tremble, l'aune, le sapin, dont les dimensions exceptionnelles, la densité légère et le prix très bas permettent d'obtenir des avantages qui assurent aux producteurs de ce pays une supé- riorité difficile à concurrencer. Néanmoins, la France pourrait prendre la place la plus honorable dans ce genre d'industrie si l'emploi du peuplier était adopté d'une façon plus générale par nos fabricants ; par son abondance relative et sa recons- titution rapide, cet arbre offre et peut offrir des ressources abondantes : on pourrait aussi recourir aux essences de densité légère dont l'Afrique occidentale française est richement pourvue. Une élévation opportune et raisonnée des tarifs douaniers sur les bois contre-plaqués étrangers permettrait à notre production de soutenir la lutte avec des chances indéniables de succès. La coloration artificielle des bois s'opère indistinctement sur les grumes, Le bois coloré ar- les planches et plateaux, aussi bien que sur les feuilles de placages. " '"^^ ement. Les essences les plus aptes à ce genre de traitement sont le sycomore, le charme, le hêtre, le tilleul, le poirier et l'alizier. Cette industrie spéciale se heurte aux mêmes difficultés que nous avons signalées aux précédents paragraphes de ce rapport : difficultés d'approvisionnement en grumes dont la quantité, la qualité et les dimen- sions diminuent d'année en année par suite du déboisement intensif de nos réserves ; élévation du prix, etc. Pour colorer le bois, on immerge les débits dans des cuves remplies de teinture, ou bien l'on injecte les grumes selon les procédés employés pour les poteaux télégraphiques, soit même par des moyens électriques; toutes les couleurs peuvent être utilisées : noire, rouge, violacée, bleue, etc. Le Congrès émet les vœux suivants : vœux généraux I. Que toutes les régions qui le permettent soient plantées ou replantées. II. Que l'importation des bois à œuvrer qui nous font défaut ou dont la rareté nous entraîne à des coupes prématurées soit, dans une certaine mesure facilitée. — 515 — CONGRES FORESTIER III. Que la connaissance de toutes les essences utilisables de nos immenses réserves coloniales soit vulgarisée par tous les moyens, tant pour la mise en valeur de ces réserves que pour conjurer V appauvrissement des forêts de France. VŒUX SPÉCIAUX En ce qui concerne les pâtes à papier : IV. Que V importation des pâtes étrangères et des bois dits « à pâtes » soit facilitée par des abaissements de tarifs douaniers qui ne sauraient léser nos industriels^ puisque ceux-ci ne produiront jamais assez de pâtes pour satisfaire à la consommation et ne disposent sur place que de faibles quan- tités de matière première. V. Que les formalités douanières soient simplifiées en prenant pour base le poids indiqué sur le connaissement avec tolérance de 10 % en plus ou en moins. VI. Que pour la fabrication de la pâte on fasse emploi en plus grande quantité non seulement de chiffons, mais encore de Valfa, des fibres de chanvre, de mais, de lin, de jute, de phormium, de bambou, puis de toutes les essences tendres de nos colonies de V Afrique occidentale française et du Congo. VII. Que nos dunes du Nord, moins propices à la croissance des pins, soient plantées de graminées à racines étendues, comme Vorjat; celles de Normandie et de Bretagne, de pins, sapins, etc. VIII. Que nos montagnes soient plantées de hêtres et de mélèzes et autres arbres. IX. Que sur les lignes de transport les tarifs soient proportionnés à la valeur de la matière première. En ce qui concerne la fibre de bois : X. Que le taux de la taxe d'introduction des bois à fibre soit abaissée au niveau de celui de la taxe des bois à pâtes à papier. En ce qui concerne le sabotage, le cerclage, les bois courbés et cintrés : XI. Que V importation des bois employés dans ces industries spéciales soit facilitée par tous les moyens en attendant le reboisement indigène. En ce qui concerne le contre- placage : XII. Que V emploi du peuplier soit généralisé et qu'il soit procédé à des replantations incessantes de cette essence et plus particulièrement le long des rivières et canaux. XIII. Que Von ait recours aux bois de densité légère qui se trouvent dans nos colonies. XIV. Que les droits de douane soient élevés d'une manière raisonnable et opportune sur les bois contreplaqués étrangers. M. T.E Président. — M. Marcel a émis plusiours sortes di' vd'ux, d'abord des vœux généraux, ensuite des vcrux spéciaux. En ee qui concerne les — 51(3 — INTERNATIONAL 1913 vœux généraux, M. Marcel propose au Congrès d'émettre les vœux suivants : « i° Que toutes les régions qui le permettent soient plantées ou replantées ». M. Pelletier ue Martres. — Au lieu de « plantées ou replantées », je propose de mettre « reboisées ». On procède en matière forestière de trois façons ; par la plantation, par la replantation, et par les semis ; mais il y a [un mat qui renferme le tout, c'est le mot « reboise- ment » ; c'est bien l'idée de M. Marcel? M. Marcel. — Absolument. Le vœu est adopté avec la substitution du mot « reboisement ». M. le Président. — Nous passons au paragi^aphe 2 : 2° Que r importation des bois à œuvrer qui nous font défaut ou dont la rareté nous entraîne à des coupes prématurées soit dans une certaine mesure facilitée ». M. Pral. — Je demande qu'on précise en disant que les compagnies des chemins de fer ne mettent pas d'obstacle à l'importation des bois exotiques communs de nos colonies. M. Hollande. — Je crois qu'il faudrait laisser cette question tout à fait de côté et au contraire s'appuyer sur ceci, c'est que tous les bois de nos colonies devraient profiter d'un tarif tout à fait spécial. M. Pelletier de Martres. — Les bois venant de nos colonies entrent sans payer de droits. M. Hollande. — Je parle au point de vue transport. M. Marcel. — J'ai voulu généraliser et parler de toutes les essences de bois qui nous font défaut et qui doivent être favorisées à tous les points de vue, sans entrer dans le détail des tarifs. M. LE Président. — Il n'y a pas d'autres moyens de faciliter l'impor- tation des bois que la douane et les transports ; par conséquent, il faudrait l'abaissement des tarifs douaniers pour faciliter l'importa- tion, d'une part, et d'autre part des tarifs de chemins de fer plus réduits. M. H. Barbier. — Je crois que cette question des transports fait l'objet d'une discussion dans une autre section ; je crains qu'après une discus- sion insuffisamment complète nous votions quelque chose qui soit en contradiction avec ce que décidera la section voisine. Pour ma part, — .517 — CONGRES FORESTIER tant qu'il ne s'agit que d'une question d'égalité, je ne fais pas d'ob- jection. M. Pral. — Je demande qu'on supprime les barrières, je demande l'égalité. M. LE Président. — \'oulez-vous, Monsieur Pral, rédiger votre vœu par écrit? M. Pral. — Voici ce vœu : « Que V importation des bois à œuvrer qui nous font défaut ou dont la rareté nous entraine à des coupes prématurées soit dans une cer- taine mesure facilitée, notamment en taxant le transport des bois exotiques communs de nos colonies, non comme bois précieux comme cela a lieu actuellement, mais au même prix que les bois français de même valeur et de même emploi ». M. LE Présideînt. — I n'y a pas d'opposition? Le vœu mis aux voix est adopté. M. LE Président. — Nous reprenons la discussion des vœux proposés par M. Marcel. « 3° Que la connaissance de toutes les essences utilisables de nos immenses réserves coloniales soit vulgarisée par tous les moyens tant pour la mise en valeur de ces réserves que pour conjurer V appauvris- sement des forêts de France ». Adopté. M. Miguel Angel Tobal signale l'importance mondiale de la produc- tion de la pâte à papier qui utilise chaque année la production de 3 millions d'hectares de forêts. Il propose les conclusions suivantes : 1° Attirer Vattention de tous les pays du monde sur les funestes conséquences qui menacent V humanité par la dévastation irrationnelle des forêts ayant pour objet la fabrication de la pâte à papier, invitant leurs gouvernements à évoquer V étude de Véconomic industrielle dans cette exploitation. 2° Exhorter les pays qui jouissent des climats subtropicaux a encourager la culture du bambou, plante vivace dont la hauteur de quelques variétés atteint 12 mètres et avec laquelle on prépare une pâte des plus appréciée. Cette initiative augmenterait considérablement les ressources publi- ques. 3*^ Encourager dans d'autres pays la formation de futaies spéciales formées par des variétés de plantes choisies, destinées exclusivement à cet objet. — 518 — INTERISATIONAL 1913 M. LE PrésidExNT. — Nous passons aux vœux spéciaux : En ce qui concerne les pâtes à papier : « 4° Que r importation des pâtes étrangères et des bois dits « à pâtes » soit facilitée par des abaissements de tarifs douaniers qui ne sauraient léser nos industriels, puisque ceux-ci ne produiront jamais assez de pâtes pour satisfaire à la consommation et ne disposent sur place que de faibles quantités de matière première ». M. H. Barbier. — Je vous ferai remarquer qu'il existe en France des quantités assez considérables de fabriques de pâtes à papier. Au mo- ment de l'établissement du tarif douanier, une discussion s'est élevée, qui a pris une ampleur bien différente de celle qu'elle peut avoir ici, A ce moment -là on a eu deux fds conducteurs de la discussion : 1° pro- téger nos bois nationaux, 2° tenir compte de la main-d'œuvre française. Or, Messieurs, ce vœu va directement à l'encontre de ce qui a été fait à la Commission des douanes : si vous derhandez un nouvel abaisse- ment des tarifs, vous allez frapper nos usines de pâtes à papier qui ne sont pas déjà dans une situation très brillante, ainsi que notre main- d'œuvre, et derrière elles, la forêt. Je suis donc personnellement très opposé à ce vœu. M. LE Président. — On vous donne la raison de ce vœu, on vous dit qu'on ne peut pas avoir assez de pâtes à papier en France, et qu'il faut trouver le moyen d'alimenter nos usines. M. H. Barbier. — Je vous demande la permission de me faire compren- dre. Les pâtes à papier sont fabriquées en France en quantité consi- dérable, c'est un fait acquis ; on n'en fabrique pas assez, c'est un autre fait acquis... M. le Président. — On ne les fabrique pas exclusivement en France. M. H. Barbier. — Je ne dis pas cela, je dis qu'on n'en fabrique pas assez. Quand la discussion de cette question est venue devant la Commission des douanes, on a chiffré la production française ; je pense que M. le rapporteur va pouvoir nous donner des précisions sur ce point. M. Marcel. — J'ai donné dans mon rapport la consommation qui était faite en pâtes à papier. M. H. Barbier. — Je n'y ai pas trouvé le chiffre en tonnes de la produc- tion française. Nous allons discuter pendant quelques instants sur des questions de la première gravité, et avec l'autorité qui s'attache à ce Congrès, on va apporter des vœux qui vont jeter le discrédit sur d'autres travaux. Pour ma part, je ne crois pas que nous puissions émettre un vœu contre la forêt française et contre la main-d'œuvre française. Vous demandez un abaissement des tarifs sur les derniers droits fixés par le Parlement, mais je désirerais voir un tableau annexe que M. le — 519 — CONGRES FORESTIER rapporteur a sans doute et qui nous éclairerait sur ce qu'il demande. Vous connaissez les droits sur les pâtes à papier ; on a considéré qu'on était descendu jusqu'à l'extrême limite à la Commission des douanes. Je me résume en vous disant que je vois un gros danger à l'adoption de ce vœu et que personnellement je m'y oppose. M. HoREAu. — Je regrette de ne pas être tout à fait de l'avis de M. Bar-' bier. On a un peu trop en France l'habitude de vouloir tout demander à la douane. Voici le chiffre que vous demandiez, M. Barbier : en 1912, importation de pâtes de bois, 386.000 tonnes, et comparativement à ce chiffre, la France produit annuellement environ 120.000 tonnes de pâtes de bois, donc à peine le tiers de l'importation- Or, pourquoi demander toujours à la douane la protection de l'industrie française, au lieu de demander plutôt à l'industriel de se protéger lui-même en fabricant plus? C'est une question d'ordre général; je l'aurais relevée demain à propos d'un autre vœu du même genre, mais je ne peux pas être ici demain, et pour l'autre question, elle serait beaucoup plus grave. Je crois qu'à force de demander à la douane de protéger l'indus- trie française on arrive à faire à cette dernière plus de mal que de bien . M. H. Barbier. — C'est la théorie du libre-échange et de la protection qui se présente devant vous. Je me résume en vous disant : Si la pâte de bois est produite par des essences très spécialisées quant à présent, notre pays qui n'en est pas très riche, fournit néanmoins le tiers de la produc- tion nécessaire à ses besoins. Devant la Commission des douanes on a discuté tout cela, et en somme, on a surtout dit ce qu'il faut que vous entendiez : c'est que, quand l'industrie aura trouvé le moyen d'étendre sa spécialisation à de nouvelles essences, il y a en France un stock énorme de matières ligneuses que l'industrie n'emploie pas et . ont elle pourra tirer parti. M- Hollande. — Au point de vue des droits de douane, je ne suis pas tout à fait de l'avis de M. Barbier, et ce n'est pas parce que cette ques- tion a été discutée dans d'autres sections que nous ne devons pas la discuter. La question est de savoir quel est le prix de la pâte à papier fabriquée en l^>ance et quel est le prix de la pâte à papier fabriquée à l'étranger. Si nous pouvons produire à meilleur marché, il n'y a aucun inconvénient à ce qu'on abaisse un peu les droits de douane ; si, au contraire, la pâte venant de l'étranger revient à meilleur marché que la nôtre, il faut élever les droits de douane. M. Laval. — Il y a dans le Massif Central, dans la Creuse, la Corrèze, la Haute -Vienne et le Cantal, des quantités considérables de bouleaux dont on ne sait que faire et qui seraient très bons pour faire de la pâte à papier. M. H. Barbier. — Je vois que nous sommes, mon cher collègue, M. Hol- — .520 — INTERNATIONAL i9ï,'> lande et moi, tout à fait en dehors de la question. Sommes-nous ici pour discuter l'intérêt de -la forêt française ou l'intérêt de l'industrie ? Discutons-nous, oui ou non, l'intérêt de la forêt française? La ques- tion est très délicate. Je ne vais pas vous faire un reproche, mais je ne sais pas, excusez le terme, si vous avez bien dans la peau la forêt française. Vous êtes de brillants industriels de Paris ; moi je suis un rural, un forestier, et je trouve qu'en ce moment nous sortons de la question. Je ne veux faire ici la leçon à personne, mais je crois bien, moi qui ignore tout de votre métier, que vous ignorez un peu le mien. 11 existe en France des réserves considérables au point de vue forestier que la science n'a pas encore pu utiliser ; les résineux sont employés pour une part, d'autres essences le seront demain ; les bouleaux du Massif Central vont entrer en ligne à leur tour, et l'aulne aussi certai- nement. Je connais l'usine qui la traite, et qui précisément ne peut pas lutter contre la pâte à papier importée à cause des difficultés qu'elle éprouve à travailler l'aulne. Et pendant que la forêt française se débat contre ces difficultés industrielles et scientifiques, et en même temps contre les prix relativement bas des pâtes à papier importées, vous allez demander pour la défendre qu'on abaisse ces droits doua- niers contre lesquels elle lutte déjà très péniblement ! Nous ne sommes plus dans la question. Nous voulons défendre la forêt française par des moyens appropriés ; nous n'avons pas à envisager la situation des industriels qui traitent la pâte à papier, nous ne sommes pas ici pour cela. M. Hollande. — Je demande à répondre à M. Barbier. 11 a dit que nous étions ici pour défendre la forêt française, ce qui est l'absolue vérité, et que je n'envisageais pas la question sous le même angle que lui. Je me permets de lui répondre ceci : Je suis, effectivement, importateur de bois exotiques et de bois coloniaux, mais j'ai assez de grandeur d'esprit, lorsqu'il s'agit de défendre la France, pour mettre de côté tous mes intérêts personnels, et aussi bien mon père que moi nous l'avons souvent prouvé. Maintenant, Monsieur Barbier, nous entrons dans une question très délicate. Nous sommes ici pour défendre la forêt française, c'est vrai, mais nous sommes aussi ici des patriotes et des français pour défendre le commerce français. Or, si aujourd'hui nous ne nous occu- pons que de la forêt, — ne mettons pas la forêt française, mettons le bois en général, — nous allons peut-être proposer des vœux, obtenir des satisfactions qui iront complètement à l'encontre des intérêts de nos concitoyens, et un jour ou l'autre, ces concitoyens se lèveront, ils pourront avoir le bras plus long que nous dans les milieux parle- mentaires et défaire complètement ce que nous aurons fait, obtenir d'autres conditions qui seront complètement en désaccord avec les nôtres. M. H. Barbier. — M. Hollande a eu raison au-delà de tout ce (pic je — 521 — CONGRES FORESTIER pouvais penser : il a placé la question sur son véritable terrain, il l'a pleinement dévoilée. Si nous suivons M. Hollande, nous sommes ici une section qui va demander la revision des droits de douane au point de vue de Timportation, du commerce et de l'industrie, mais contre la forêt française. Vous déciderez si vous allez le suivre dans cette voie. Le commerce, j'y appartiens et je m'en honore, mais je ne suis pas ici pour défendre les commerçants, je suis ici un sylviculteur, et c'est sur ce terrain, Messieurs, que je vous demande de rester. M. le baron de Beli^ay. — Je n'ai pas de chiffres en main, mais je ne crois pas qu'on puisse demander à la forêt française toute la production de pâtes à papier dont Tindustrie a besoin ; je doute qu'elle puisse arriver à la moitié sans compromettre l'avenir des forêts. M. H. Barbler. — Nous espérons qu'elle fournira tout un jour. M. Hollande. — Je demande si on peut nous donner le prix de revient de la pâte à papier fabriquée en France et celui de la pâte à papier fabriquée à l'étranger. M. LE Président. — Nous n'avons pas ces chiffres-là. Si personne ne demande plus la parole je mets aux voix le vœu n° 4. Repoussé. M. LE Président. — Nous passons au v(eu n" 5 : « 50 Que les formalités douanières soient simplifiées en prenant pour hase le poids indiqué sur le connaissement avec tolérance de 10% en plus ou en moins. » Adopté. M. LE Président. — Nous passons au n° (> : '( Que pour la fabrication de la pâte on fasse emploi en plus grande quantité^ non seulement de chiffons^ mais encore de Valfa^ des fibres de chanvre., de maïs., de lin, de jute, de phormium, de bambou, puis de toutes les essences tendres de nos colonies de l'Afrique occidentale française et du Congo. « M. Cannon. — Je voudrais simplement faire remarquer que les produits dont on parle dans le vœu, autant que j'ai pu le comprendre, sont les concurrents du bois, et ce sont les bois que nous défendons. M. Madelin. — 11 ne faut pas oublier que ce congrès est un congrès international, et qu'en ce moment on se plaint de la destruction des forêts, qui provient de la très grande consommation de la pâte à papier qui va toujours en augmentant ; par conséquent, il est très logique que, môme au point de vue for(>stier, nous chcrcliions à remplacer le bois — 522 — INTERNATIONAL 1913 par d'autres produits comme Talfa, le maïs, le lin, le phormium. Ce faisant, nous protégerons, non pas le commerce des bois français, mais la forêt du monde qui est en train, non pas d'être mise au pillage, mais d'aller vers la destruction par la consommation de plus en plus grande, qui se multiplie chaque année d'une façon formidable, de la pâte à papier. Il est évident qu'il arrivera un moment où les forêts du monde ne suffiront plus à la fabrication de la pâte à papier. Eh bien, puisque M. le rapporteur nous offre de l'alfa, du phormium, etc., précipitons-nous sur ces succédanées. Je me demande cependant à qui ce vœu s'adresse, car je crois que tous les commerçants et tous les industriels font des travaux considé- rables pour remplacer le bois par d'autres produits ; le jour où ils auront trouvé le moyen de le faire économiquement, ils emploieront ces autres produits. Je pense que le Congrès, en les encourageant ne fera que les faire persévérer dans la voie où ils sont entrés. M. LE Président. — Je vais mettre le vœu aux voix. M. H. Barbier. — Je désire i*épondre à M. Madelin, Il a donné d'une façon bien nette la mentalité de l'Administration forestière française. 11 voit avant tout, et c'est le premier de ses devoirs, la perrennité de la forêt, le reste vient après. Et en effet, la pérennité de la forêt sera d'autant plus assurée qu'on lui demandera moins de produits. Eh bien! nous, forestiers français, nous savons que si un tiers de notre produc- tion a un débouché large et facile, la grosse quantité ne trouve plus acheteur ; nous savons qu'une masse de bois, les bouleaux du Centre, les hêtres de petite dimension, tout le menu bois, restent invendables ; la pâte de bois est là qui peut leur offrir un débouché. M. Mathieu. — Pourquoi ne s'en sert-on pas? Si on ne les emploie pas, c'est qu'on n'a pas encore trouvé le moyen de les employer; le jour ou vous aurez trouvé ce moyen, alors, je comprends que vous veniez dire qu'on maintienne les droits de douane, mais actuellement, nous n'avons pas l'emploi de ces bois-là. Attendons demain avant de prendre une détermination. M. H. Barbier. — Les éclaircies des pins de Sologne conviennent à merveille aux pâtes à papier ; on ne les emploie pas à cause de l'en- trée à bas prix des pâtes étrangères. M. Pelletier de Martres. — Je vais vous donner la raison pour laquelle on n'emploie pas certains bois, le bouleau et le tremble, par exemple : c'est parce qu'on n'en trouve pas des quantités suftisantes pour être envoyées à l'usine ; il y en a de trop petites quantités, alors on les laisse. J'ajoute — et ceci rentre directement dans l'objet du Congrès — qu'à l'heure actuelle, on travaille d'une façon très pertinente sur le hêtre, que la question est pour ainsi dire au point, (!t que nous touchons au — 523 — CONGRES FORESTIER moment où on pourra employer le hêtre pour la fabrication de la pâte à papier. J'ai des camarades qui s'occupent comme ingénieurs de la question pour un des plus grands journaux de Paris ; elle est presque au point, quand elle le sera complètement, nous pourrons peut-être donner de la valeur à nos taillis de hêtre. Ce ne sera pas long; il ne se passera pas un an avant que la solution soit trouvée, elle est imminente. M. LE Président. — Je mets aux voix le vœu n° 6. Adopté. Nous passons au vœu n° 7 : « 7° Que nos dunes du Nord, moins propices à la croissance des pins, soient plantées de graminées à racines étendues, comme Vorjat ; celles de Normandie et de Bretagne, de pins, sapins, etc. ». M. LE Président. — Sous le bénéfice de la suppression du mot « sapins », je mets le vœu aux voix. Adopté. Nous passons au vœu n° 8 : « 8° Que nos montagnes soient plantées de hêtres et de mélèzes et autres arbres ».] Adopté. Vœu n<> 9 : « 9° Que, sur les lignes de transport, les tarifs soient proportionnés à la valeur de la matière première. >> M. Pelletier de Martres. — C'est d'ailleurs la valeur de la matière première qui a constitué la base des tarifs. M. le Président. — Pas d'opposition? Le vœu est adopté. Nous arrivons à la fibre de bois : En ce qui concerne la fibre de bois : « 10° Que le taux de la taxe d^ introduction des bois à fibre soit abaissé au niveau de celui de la taxe des bois à pâtes à papier ». M. H. Barbier. — Ah ! jamais de la vie ! M. Madelin. — Du fait que nous avons refusé de voter le premier vœu, nous serions illogiques en votant celui-ci. M. le Président. — Le vœu n'est pas pris on considération. Continuons : En ce qui concerne le sabotage, 'le cerclage, les bois courbés et cintrés : — 524 ~ INTERNATIONAL 1913 « 11° Que r importation des bois employés dans ces industries spéciales soit facilitée par tons les moyens en attendant le reboisement indigène. » Sur l'intervention de M. H. Barbier, Brionet Pral,le vœu est retiré. M. LE Président. — Nous arrivons au vœu no 12 : En ce qui concerne le contre-placage : « 12° Que remploi du peuplier soit généralisé et qu''il soit procédé à des replantations incessatites de cette essence et plus particulièrement le long des rii^ières et canaux. » Adopté. « 13° Que Von ait recours aux bois de densité légère qui se trouvent dans nos colonies. » Adopté. « 14° Que les droits de douane soient élevés cVune manière rai- sonnable et opportune sur les bois contreplaqués étrangers. » M. H. Barbier. — Ah ! cela va mieux 1 C'est la forêt qui répond ! Nous vous félicitons, Monsieur Marcel ! M. Marcel. — S'il y avait assez de peupliers en France, le vœu ne se présenterait pas. Le vœu mis aux voix est adopté. M. LE Président. — La parole est à M. Puteaux pour la lecture de son rapport sur les Bois de sciage ; outillage, débit, menuiserie, PAVÉ. M. Puteaux. — Une documentation très complète et une étude appro- fondie de la question permettraient seules de présenter ici une revue de tout ce qui a été créé pour travailler le bois de nos forêts et l'utiliserpour nos innombrables besoins. Pour rester dans les limites du sommaire à développer, il convient de prendre l'arbre à sa chute, lorsqu'il vient d'être amené, élagué de ses branches, à l'endroit où l'exploitant va avoir à l'examiner pour être débité. Cet examen fait, la question « outillage » reste entière à étudier suivant un ordre que l'importance de l'outil indique, en tenant compte également des perfectionnements très réels apportés à chacun d'eux depuis leur création. Forcément un peu d'histoire s'impose pour attester avec plus d'éclat les progrès accomplis dans cette branche de l'activité humaine. Et enfin pour compléter et terminer cette énumération commentée de l'outillage du sciage et du travail mécanique des bois, une adresse de félicitations aux précurseurs des appareils de protection destinés à ces — 525 — Tronçonnage des grumes. CO>"GRES FORESTIER mêmes outils qui, s'ils forcent notre admiration par la complexité de leur conception, doivent également retenir notre attention pour les acci- dents, toujours trop nombreux, qu'ils occasionnent aux ouvriers chargés de les conduire. Ce travail se fait de deux façons : 1° A la main, à l'aide de la scie à main, dite « passe-partout ». L'opé- ration, très simple, ne comporte aucune description. 2° A la mécanique, par machines fixes et machines mobiles, mues par la vapeur ou l'électricité. L'électricité, cette force capricieuse, non encore asservie à tous nos besoins, a contribué pour beaucoup à la généralisation de ce système. En effet, beaucoup de nos exploitants utilisent aujourd'hui la « tron- çonneuse électrique^ » et en apprécient la conduite pratique et facile. Débitdes grumes Le débit des gTumes se fait : 1° A la main. 2° A la scie circulaire. 3° A la scie alternative. 4° A la scie à ruban. Débit à la main. — Il est juste de dire qu'aujourd'hui ce genre de travail, auquel se livraient nos scieurs de long tend à disparaître. Les moyens de production actuels éliminent peu à peu ce mode de débit, tant sont nombreux les avantages obtenus par l'emploi des machines- outils. Débit à la scie circulaire. — La scie circulaire est formée d'un bâti supportant un double palier dans lequel tourne un arbre en acier, aux extrémités duquel sont fixées, d'un côté, les poulies de commande et, de l'autre, la lame. Cet outil dont la conduite exige quelque expérience est surtout apprécié dans les exploitations forestières. Débit à la scie alternative. — Cette machine est composée d'un châssis porte-lame animé d'un mouvement alternatif et coulissant dans les montants d'un bâti en fonte. La grume à débiter y est amenée à l'aide d'un chariot. Cette scie, d'un emploi très varié, peut être à plusieurs lames ou à une seule sur le côté ; de plus, elle peut être verticale ou horizontale. , La scie alternative à plusieurs lames est destinée au débit en planches ou en plateaux, des bois en grume et des fortes pièces équarries; elle débite un arbre d'un seul coup et sa production est très grande. L'aménage se fait par cylindres cannelés et par chaînes, par crémail- lères et par cylindres cannelés commandés. La scie alternative à une lame sur le côté jouit d'une grande faveur pour son travail de précision. La scie horizontale alternative a une lame à denture spéciale permettant le sciage en allant et en venant. La scie horizontale alternative à bois montant s'emploie spécialement pour le débit des bois des îles, en feuillets et placage. La perfection de son sciage est absolue. La scie verticale à une ou plusieurs lames peut débiter deux ou une — 526 I>Ti;RN.VTION'Ar. 1913 seule pièce à la fois, selon le nombre de lames et dejrouleaux entraîneurs. La scie dite scie à cylindres est recherchée pour les beaux sciages qu'elle donne et la régularité du travail qu'elle assure. Débit à la scie à ruban. — Avec cette machine, une véritable révolu- tion s'est produite dans le débit des bois, qu'il s'agisse de grume ou de bois équarris. Longtemps la scie alternative avait été considérée comme l'outil rêvé, le seul possédant les perfectionnements nécessaires au renoncement absolu de l'intervention du scieur de long d'abord, de la scie circulaire ensuite. Cet entraînement automatique et rythmé de l'alternative, c'était l'idéal. Chimérique illusion ; la concurrence, ce stimulant nécessaire à notre activité, devait et pouvait espérer mieux encore. Cette recherche du mieux fut, en effet, le fait d'un modeste ouvrier menuisier bordelais qui, le premier, eut l'idée de faire travailler une lame de scie sur deux volants superposés. Le principe de la « lame sans fm » était trouvé et son application, rapidement perfectionnée, donna naissance à la scie à ruban à grumes et à cylindres que nous admirons aujourd'hui dans nos usines. La scie à ruban à grumes, constituée par un bâti en fonte, porte une poulie à sa partie supérieure et une inférieure. Sur ces deux poulies tourne une lame en acier dentée et soudée. La pièce de bois est amenée contre la lame au moyen d'un chariot à agrafes et à griffes. Tous nos constructeurs ont rivalisé pour doter cette machine de tous les perfectionnements désirables et nous devons nous réjouir que là encore notre pays tienne la tête avec quelques maisons considérées comme les plus réputées de nos marques françaises dans ce genre de fabrication. Afin de ne pas prolonger la nomenclature de ces sortes de machines, nous nous en tiendrons donc à la description sommaire du ruban à grumes le plus perfectionné. Détail à retenir : un seul homme peut conduire cette machine sans avoir à se déranger, tous les appareils de commande se trouvent sur le socle, à portée de la main. A l'aide de la division automécanique, l'ouvrier n'a qu'à indiquer sur un cadran, au moyen d'une aiguille, la division correspondante à l'épais- seur à obtenir. La simplicité du mécanisme permet à l'ouvrier, à la fin de chaque trait, de ramasser et de soutenir le bois. Si l'on ajoute à cela que des appareils de dégagement très ingénieux concourent au fonctionnement facile et rapide de la machine, on peut en conclure que la main-d'œuvre aidante est totalement supprimée et que la production de cet outil est rendue tout à fait intéressante du fait que la lame travaille utilement dans le bois pendant un temps très appréciable. Pour ne rien omettre des avantages de cette machine, il convient d'ajouter que les arbres, en acier dur, sont montés sur roulement à billes. Tout danger d'échauffement est ainsi écarté en même temps qu'est assurée une économie considérable d'huile et de force motrice. Bois de sciage. — Le débit des grumes est terminé, les différents sciages exécutés au mieux des intérêts de l'exploitant et de ses besoins, arrivent à la scierie proprement dite, celle chargée d'alimenter une clientèle aussi nombreuse que variée. L'outillage mécanique, chargé d'assurer les besoins de notre industrie, — 527 — COXGRES FORESTIER mérite une description largement commentée où la partie technique doit occuper la première place. Lames de scie. — La lame de scie, âme de toute machine, appelle tout d'abord notre attention. Sa préparation, son épaisseur, sa denture, la forme de cette denture, sa profondeur et son écartement, sa tension, la voie qu'il convient de lui donner, les précautions à prendre pour la mettre en mesure de donner de beaux, réguliers et rapides sciages, la façon de la rebraser et de la remettre en état après un accident au cours du travail, sont autant de points délicats à examiner. En raison de leur grande longueur et de leur faible épaisseur, du peu de tension qu'on peut leur donner, les lames de scie demandent, pour bien fonctionner, à être usinées dans d'excellentes conditions. De plus, devant s'enrouler continuellement autour des poulies de la machine et être par conséquent constamment ployées, elles demandent à être de très bonne qualité. Les lames de scie doivent avoir une épaisseur en rapport avec le dia- mètre des poulies sur lesquelles elles s'enroulent Trop épaisses elles cassent ; trop minces, elles ne sont pas assez rigides. De 6/10^ à 13/lOe pour des variations dans les diamètres des poulies jusqu'à 2 mètres. Telles sont les épaisseurs à observer. La largeur est déterminée d'après les courbes que l'on veut exécuter. Employées au débit des bois en grume et au dédoublage des madriers et des plateaux, cette largeur est approximativement de 1/18^ du diarilètre des poulies. Trois dentures sont employées : dents mariées, à gencives, à crochets, selon la nature du bois à débiter. De la forme de la denture, de son écartement (15 à 30 millimètres) et de la voie, donnée régulièrement et suffisamment (2/3 aux 3/4 de l'épais- seur de la lame), dépend la bonne marche- d'une lame de scie à ruban. Dans ces dernières années, une denture à grand logement de sciure, avec dents écrasées, a été préconisée et, on peut le dire, employée avec succès dans le débit des grumes, bois verts ou demi-secs. Jusqu'à présent, ce système de denture n'a pu se généraliser et s'appli- quer aux bois de sciage secs. Il est à remarquer toutefois qu'au point de vue travail de la lame, ce système de denture assure un travail régulier de toutes les dents et un dégagement plus intensif de la sciure produite, partant une produc- tion plus grande. L'affûtage d'une lame de scie à ruban, restée longtemps l'apanage d'un petit nombre d'ouvriers spécialistes, tout en restant l'opération la plus délicate et la plus sérieuse dans la préparation de la lame, a subi une évo- lution heureuse par l'emploi de la machine à affûter. Tout d'abord fabriquée pour exécuter l'affûtage de la dent à l'aide d'un tiers-point, elle n'est plus guère employée maintenant que montée avec meule artificielle défonçant automatiquement la denture. Les mouvements réguliers dont la meule est animée assurent un affûtage parfait où la main de l'ouvrier n'intervient que pour la mise au point des organes de la machine. Le rôle de l'affûteur, plus effacé que jadis, se révèle encore dans ce qui reste à faire à la lame qu'il vient d'enle- ver, affûtée, de dessus la machine. La voie, bien que pouvant se donner mécaniquement par cette même INTERNATIONAL 1913 machine, reste encore, avec le planage,le bagage de tout ouvrier affûteur capable et sérieux. Exception est faite cependant pour la denture à voie écrasée, pour scies à grumes, pour laquelle deux appareils, très ingénieux et d'une précision remarquable, sont employés. La rupture d'une lame, qu'elle soit le fait d'une trop grande épais- seur de la lame par rapport au diamètre des poulies, d'un affûtage incom- plet du fond des dents ou d'une mauvaise conduite sur la machine, donne lieu au brasage ou suture des extrémités disjointes par les causes précédentes. Le brasage d'une scie nécessite encore un tour de main spécial pour ne pas risquer de détremper la lame exposée au feu de forge. Là encore la machine à braser est préconisée et employée avec succès. La brasure au cuivre n'est plus usitée que pour le brasage à la main à l'aide de la forge ; en raison de la température nécessitée pour amener la fusion du cuivre, il est fait usage, avec la machine à braser, de la soudure d'argent. Pour de multiples raisons, une lame de scie à ruban peut : a) Se détendre par suite d'un excès de tension dans le travail d'une marche trop longue à une vitesse anormale sans être réaffûtée; de la rencontre, et du choc qui en est la conséquence, d'un corps étranger, voire même d'un éclat de bois, dans la lumière de la table du ruban à cylindres ; d'un montage ou dém.ontage inexpérimenté sur les poulies porte-lames. b) Recevoir un « tour de reins », un « gauche ». c) Se creuser au dos et ne pas, pour ces raisons, descendre bien per- pendiculairement dans ses guides. C'est ici que le planage s'impose ; il se fait au marteau, dans des con- ditions spéciales pour « ramener la lame ». La machine à tendre les lames intervient également pour 'compléter l'action du marteau, mais le plus souvent lorsqu'il s'agit de lames encore larges, presque neuves, sur lesquelles la pression exercée par les cylindres de la machine à tendre peut se faire partiellement. Un autre accident peut survenir également à une lame en marche. Elle peut couper un clou, une pierre, un gravier sertis dans un des mor- ceaux à débiter ou dissimulés dans une gerce ; parfois même une balle de chasseur ou de tir. De ces différentes rencontres, ce qui peut résulter de plus heureux, c'est l'obligation de réaffûter la lame « mouchée » et le pire, c'est le dédentage partiel sur une grande longueur, accompagné d'un gauchis- sement de la lame. Le remède apporté à ce genre d'accident, en plus du temps perdu, se traduit par, si cela est possible, car il est des cas où la lame doit être mise hors de service, un réédentage de la lame accidentée. Rebrasée, replanée, elle peut parfois continuer un service normal. Quelque superflu que puisse paraître cet exposé de l'utilisation de la lame de scie à ruban, nous n'avons pas cru pouvoir nous en dispenser pour nous aider à formuler des vœux auxquels s'associeront sans restric- tion tous les industriels intéressés. Cette digression fait ressortir davantage combien est appréciable la lame de scie à ruban bien préparée pour le travail qui peut lui être demandé avec les scies à ruban, à cylindres, actuellement dans nos scieries. — 529 — CONGRES FORESTIER La scie à ruban, à cylindres, pour nr; citer que celle-là, à l'instar de celle à grumes, décrite dans un autre chapitre, procède de la même conception au point de vue de l'esthétique dans la forme et la robus- tesse dans tous ses organes Nos maisons françaises lui ont donné l'indélébile marque d'une supé- riorité que l'étranger copie souvent sans pouvoir l'imiter. Cet outil remarquable, pourvu de la lame de scie qui convient, peut donner une production dépassant l'imagination et cela, sans que l'ouvrier chargé de le conduire éprouve de surmenage ; bien au contraire, il est entraîné presque malgré lui à utiliser cette force qu'il a en mains et à lui demander tout ce qu'elle peut donner. Cette attirance se conçoit très bien d'ailleurs lorsqu'on examine les différents organes de cette machine. Tendre sa lame, modérer ou accélérer l'allure de l'avancement du bois entraîné par les cylindres, débrayer... tout cela n'est qu'un jeu auquel l'ouvrier s'entraîne de lui-même tant son désir est grand de demeurer malgré tout le maître de sa machine. Les merveilleux perfectionnements apportés à cet outil dans ces der- nières années ont facilité de beaucoup l'éclosion de nombreuses scieries mobiles ou fixes qui toutes concourent à rendre plus rapides nos transactions et à satisfaire les exigences d'une clientèle toujours plus nombreuse. En nombre restreint d'abord, les scies à ruban à cylindres, rencontrèrent de fervents adversaires auprès des détenteurs de scies alternatives (dé- crites plus haut) ; bien plus, la clientèle, à l'instigation de ces réfractaires au progrès, fit chorus pour repousser l'emploi de cette nouvelle machine à « sabrer le bois ». Aujourd'hui qu'il est reconnu et avéré que la précision et la rapidité peuvent être obtenues avec la « sice à ruban à cylindres », les détracteurs d'antan sont muets et s'inclinent. La supériorité incontestable de cet outil est un facteur sérieux de pros- périté pour nos exploitations et scieries provinciales ou parisiennes et ce serait nier l'évidence que de ne pas reconnaître que les bois de sciage, dont en France il se fait un si grand trafic, n'ont pas recueilli quelques profits des perfectionnements apportés à ces machines dans cette partie de notre outillage mécanique. HenuiseriP. Les bois destinés à la menuiserie, qu'il s'agisse de bois blanc, de sapin ou de bois d'essence, sont façonnés aujourd'hui par une série de ma- chines de la plus ingénieuse conception. La nomenclature, un peu longue, de ces outils s'impose cependant. La scie alternative à arc ou à sangle, indispensable aux ébénistes pour les découpages intérieurs. La scie circulaire à axe fixe ou mobile, permettant d'exécuter une foule d'ouvrages qui se rencontrent fréquemment dans la menuiserie et l'ébé- nisterie, notamment les feuillures. La scie circulaire à table inclinable. La scie circulaire à aménage automatique par cylindres verticaux conjugués ou horizontaux, spécialement employée par les scieries tra- vaillant les bois du Nord. La même scie pour tirer de largeur les frises de parquet de pin ou de chêne. — 530 — INTERNATIONAL 1913 La scie circulaire pour le bouvetage en bout des lames de parquet. Telles sont les principales scies circulaires à l'aide desquelles certains travaux de menuiserie sont exécutés en quantités et dans des conditions ' de rapidité et de fini d'exécution inconcevables. La raboteuse joue également un très grand rôle dans la menuiserie. Construite pour raboter une, deux, trois ou quatre faces, isolément ou simultanément, elle défie la main-d'a:!uvre la plus experte. Combinée avec la toupie, cette machine exécute de véritables merveilles. La raboteuse quatre faces ou parqueteuse à grande production, d'une construction très complexe, a retenu longtemps les soins de nos construc- teurs Aujourd'hui, cette machine, chef-d'œuvre de mécanique, donne toute satisfaction. Les machines à moulures, dites toupies, sont très employées en menui- serie en raison du travail varié qu'elles peuvent donner. On doit distinguer dans cette catégorie les machines à faire les mou- lures, sur une seule face, sur trois et quatre faces à la fois. Cette dernière est la plus usitée dans les ateliers de menuiserie de quelque importance. Quelques autres toupies méritent également d'être signalées ; telles sont : celle à table mobile pour les moulures courbes, ne pouvant se travailler sur la table. La toupie horizontale pouvant recevoir des outils à ses deux extrémités. La toupie dite machine à défoncer employée par les ébénistes, les me- nuisiers, les modeleurs, pour défoncer les panneaux, préparer les reliefs de sculpture, faire les refouillements. Elle remplace, dans certains cas, la machine à percer. Comme tenant une place assez large dans l'outillage mécanique de menuiserie, on doit citer : La dégauchisse use remplaçant le varlopeur le plus habile. Nous ne saurions trop recommander, dans tous les cas, de munir cette machine d'un porte-outil circulaire, avec fers minces, système « Rivite », dont l'application aux raboteuses est très appréciée. Tenonneuses et mortaiseuses, ainsi que quantité d'autres petits outils, clôturent la série de ces machines à bois, merveilleuses de précision et de rapidité. Dans cette branche de la mécanique, la France tient encore un rang digne d'elle ; la compétence de nos ingénieurs ne s'est pas démentie et les notables efforts de nos constructeurs ont puissamment aidé à la notoriété incontestée de notre outillage connu et apprécié du monde entier. En ce qui concerne la fabrication du pavé de bois, il suffira de dire Pavé, que ce travail est obtenu à l'aide de scies circulaires à lames multiples placées à l'extrémité inférieure d'un balancier vertical oscillant auto- matiquement. La production de cette machine est considérable et ne comporte aucune description spéciale. Conclusions. — Avant de terminer ce rapport qui a mis en relief, peut- être trop amplement, la valeur de notre outillage national, qu'il nous soit permis d'émettre un vœu cher à tous les industriels : « C'est qu'il soit mis tout en œuvre pour prévenir les accidents pouvant - 531 — COTSGRES FORESTIER survenir aux ouvriers chargés de la conduite de ces machines-outils, nos précieux auxiliaires ». Cette recherche des moyens d'assurer la protection des travailleurs a été l'objet d'études d'autant plus suivies qu'il est plus facile, plus humain et moins coûteux, de prévenir un accident que de le réparer. C'est dans cette pensée d'humanité d'abord, d'intérêt général ensuite, que l'Association des Industriels de France a contribué à l'organisation, au Conservatoire national des Arts et Métiers, du Musée de prévention des accidents du travail et d'hygiène industrielle. Aidée en cela par les pouvoirs publics, cette Association a ouvert ses rangs aux sommités industrielles dont les efforts unis aux connaissances professionnelles de nos praticiens ont permis d'augurer le jour prochain où la sécurité absolue du travailleur sera assurée par des appareils réel- lement utilisables. Ce résultat obtenu sera tout à la gloire de ces bienfaiteurs du travail. Comme conséquence de ce travail, la 3^ Section (Technologie forestière) du Congrès Forestier International émet les vœux suivants : I. Que plus de précautions soient prises pour présenter les arbres en bordure de nos routes^ lavoirs et cours d''eau, des clous ou déprédations quelconques ayant le caractère, non pas de malveillance au sens propre du mot, mais d^ impardonnable ignorance. II. Que les stands ou champs de tir soient suffisamment éloignés des parties boisées pour éviter que des balles perdues ne viennent compromettre Inexis- tence de nos plus beaux arbres. III. Que des appareils de protection, véritablement pratiques, soient créés pour la conduite, sans danger, des machines-outils. M. HoREAu. — Je crains que vous ne donniez des armes aux inspecteurs du travail sur le dos des industriels. Constamment les inspecteurs du travail viennent nous dire que nos appareils ne sont pas suffisamment pratiques, ne protègent pas assez les ouvriers. Je puis vous citer un exemple : J'ai chez moi — ce n'est pas en France, c'est en Belgique — des scies circulaires à scier des fagots; eh bien '.l'inspecteur du travail voudrait que la lame des scies soit enveloppée complètement pour scier des fagots de tous les diamètres ! M. LE Président. — Le vœu paraît indiquer que tous les procédés actuels ne sont pas pratiques, puisqu'il demande qu'on en crée de véritable- ment pratiques. M. PuTEAUX. — C'est un encouragement aux inventeurs. Le rapporteur estime qu'au musée que vous connaissez, qui se trouve au Conserva- toire des arts et métiers, les appareils préconisés par la « Société des industriels de France contre les accidents du travail « ne sont pas suffisants pour protéger l'ouvrier, qu'au contraire, certains mêmes sont dangereux. L'idée du rapporteur est plutôt une critique des appareils existants. Il demande — et c'est plutôt un encouragement aux inv*mteurs — que des appareils véritablement pratiques soient — 532 — INTERNATIONAL 19 1:; créés pour la conduite sans danger des machines-outils, car nous avons à penser aussi à la sécurité de nos travailleurs. Les vœux sont adoptés. M. LE Président. — La parole est à M. Bocquet pour la lecture de son rapport sur les Produits accessoires, déchets de bois, utilisa- tion' des sciures. M. Bocquet. — Les déchets résultant du travail du bois peuvent être divisés en troi- principaux groupes : 1° Les éclats de bois et déchets de scierie. 2° Les sciures. 3° Les copeaux. Les éclats de bois sont le fait de l'abatage et de l'équarissage à la hache des pièces de charpente en forêt. On ne peut les utiliser que comme combustible. Les déchets de bois produits par les outils mécaniques, soit à l'exploi- tation, soit par la suite dans les différentes usines où le bois est travaillé, sont également employés comme combustible. Les déchets les plus importants sont coupés à longueurs fixes, bottelés et vendus comme bois de chauffage. Les menus déchets, le plus souvent brûlés sur place dans les usines, peuvent aussi être vendus comme allume- feux pour les usages domestiques. Les sciures produites par le passage des scies dans le bois se montrent, sciures, au contraire des éclats de bois, susceptibles d'être affectées à beaucoup d'usages. Il convient donc de les étudier en détail et en raison même de leur utilisation, de les diviser en deux catégories : Les sciures de boisjvert. Les sciures sèches. Sciures de bois vert. — Les premières proviennent du débit des bois en grumes et sont produites en grande quantité dans les exploitations pourvues d'outillage mécanique. En France, ce sont surtout les exploi- tations de peuplier qui en fournissent la plus grosse partie. Les départe- ments de la Marne et de la Seine-et-Marne envoient cette sciure par milliers de tonnes à Paris où elle est utilisée. La plupart des scieries fixes qui débitent des grumes de bois dur, emploient la sciure comme chauffage, sauf dans la région parisienne où la plupart des sciures vertes trouvent leur emploi. La grosseur de la sciure, c'est-à-dire la dimension des fibrilles de bois qui la composent est proportionnée à l'épaisseur de la lame de scie qui l'a produite et à l'écartement des dents. Les sciures produites par les scies circulaires sont les plus grosses, puis en décroissant viennent les sciures provenant des scies alternatives et enfin celles des scies à ruban qui sont les plus fines. La sciure verte de peuplier mélangée avec de la sciure sèche de sapin plus fine est employée pour le balayage hygiénique des boutiques, Eclats de tiob et déchets de scie- rie. — 533 — CONGRES FORESTIER magasins, casernes et grands établissements publics. Dans les hôpitaux on y mélange des liquides désinfectants. On en répand aussi pour ménager les dallages dans certaines boutiques, notamment dans les boucheries. La plus grosse sciure verte est demandée par l'armée et par d'impor- tants marchands de chevaux pour garnir le sol des manèges. Les usines à gaz font une grande consommation de sciure verte pour l'épuration des gaz de houille. Enfin, nous devons signaler que la sciure verte de peuplier calcinée sert à fabriquer le charbon médicinal. La quantité des sciures vertes utilisées dans l'industrie ou les usages domestiques est bien inférieure à la production ; aussi, en dehors de la région parisienne, la plus grande partie est-elle brûlée sur le lieu même de la production. Toutefois, en raison même de la très grande utilisation des sciures sèches, certains marchands ont intérêt à faire sécher les sciures vertes, soit en les répandant et en les plaçant à l'action de l'air, soit en les faisant circuler dans des séchoirs mécaniques. Deux essences de sciure verte sont inutilisées, ce sont celles du noyer et du sapin. Avant de terminer ce rapide exposé de l'utilisation des sciures vertes, nous ne manquerons pas de citer cet emploi bien connu des sciures de chêne par les exploitants, qui consiste à en jeter une certaine quantité dans l'eau d'alimentation des chaudières. C'est un excellent désincrustant. Pour qu'il soit parfait, nous conseillons de tamiser la sciure, de n'em- ployer que la plus fine en la mélangeant avec une quantité égale de poudre d'eucalyptus. Les sciures sèches. — Les sciures sèches trouvent des emplois multiples dans les usages domestiques, dans le commerce et l'industrie. Aussi leur valeur est-elle beaucoup plus grande que celle des sciures vertes. Il faut encore distinguer dans cette catégorie deux sortes de sciures de valeurs et d'emplois bien différents. Ce sont les sciures blanches et les sciures de couleur. Sciures blanches. — Les sciures blanches sont produites par le débit des planches sèches de peuplier, sapin, marronnier, bouleau et de quelques autres essences tendres et de couleur claire. La sciure de peuplier sans mélange est la plus recherchée. Soigneuse- ment mise à part, elle est transportée dans des bluteries qui la séparent des débris de bois ou copeaux qu'elle peut contenir et la divisent en sept grosseurs différentes pour répondre aux besoins de la clientèle. La plus grosse sciure et la plus fine sont les plus chères, les sciures intermédiaires étant moins recherchées. La grosse sciure de peuplier, sèche, est employée pour le filtrage des huiles animales. Elle est surtout utilisée en grandes quantités pour le polissage et le séchage des pièces argentées, dorées ou nickelées. Les clouteries et cartoucheries en font une très forte consommation pour le polissage au tonneau des pointes comme des douilles de cartouches. Nous devons aussi indiquer que les Compagnies de pompes funèbres font une très forte consommation de grosse sciure sèche pour répandre dans les cercueils. Les sciures de peuplier les plus fines sont utilisées pour le dégraissage — 534 — l.NTEH.XATIONAL 19 J 3 des pelleteries blanches, on les mélange pour cet emploi avec un corps plus lourd, tel que plâtre ou sable fin, qui les entraîne jusqu'à la nais- sance du poil. La ]:»oulangerie fait une forte consommation de ces sciures fines dénommées fleurage en remplacement de fleurage de son. On en fait de fortes expéditions en Angleterre et dans l'Amérique du Nord, ces pays ne produisant guère que des sciures blanches résineuses. On fait rentrer la sciure de moyenne grosseur dans quantités d'agglo- mérés pour la confection des parquets, on en fait aussi des carrelages en l'additionnant de ciment. Mélangée avec des poussières de charbon et pressée dans des moules, on confectionne d'excellentes briquettes qui brûlent lentement dans les cheminées. Les sciures de bois résineux agglomérées avec un excédent de résin^ liquide et pressées dans des moules font d'excellents allume-feux. Nous ne voulons pas oublier de signaler les essais qui ont été tentés de transformer la sciure blanche en pâte à papier. La pâte ainsi obtenue n'est pas suffisamment fibreuse, elle est friable et ne peut servir qu'à la confection de cartons de qualité très ordinaire. Enfin, lessciures de moyenne grosseur sont encore employées pourrépan- dre dans les bout iques,remises, garages et pourcertains usages domestiques. Sciures de couleur. — Les sciures sèches de couleur proviennent du débit de planches ou bûches de bois dur. La plus recherchée et la plus chère est la sciure de buis. Elle est em- ployée plus spécialement dans la bijouterie pour le polissage des bijoux et leur nettoyage après finition. L'orfèvrerie en fait* également une im- portante consommation, et ces deux industries suffisent à absorber toute la production. La sciure fine de bois dur, telle que celle du chêne, du hêtre, de l'orme, après tamisage, sert pour le dégraissage des fourrures de couleur. Les pelleteries fines sont nettoyées avec des sciures de bois des îles bien séchées, palissandre, acajou, etc., mais la plus recherchée et la plus rare est la sciure d'ébène. Les sciures d'acajou d'Afrique, d'okoumé, de pitchpin, en raison de leur texture spongieuse, sont livrées en grosses quantités aux fabriques de jouets moulés, tels que bébés, chevaux et animaux divers. Ces industries malaxent la sciure avec des farines de pulpe, de seigle ou certains autres bas produits organiques, la réduisent en pâte et, après moulage, livrent à la vente de nos bazars et à l'exportation des jouets dits incassables, à très bon marché. Par le même procédé, en y adjoignant la coloration de la pâte et en opérant par pression dans les moules, on fabrique des objets dits en bois durci, encriers, presse-papiers, socles, etc. La même pâte colorée rouge brun, et soumise à une forte pression hydraulique, est employée comme matière isolante dans les industries électriques sous le nom de fibre vulcanisée. Les grosses sciures de bois dur, surtout celles du chêne et du hêtre, sont employées pour le fumage des salaisons. Les sciures sèches d'essences diverses mélangées n'ont pour ainsi dire pas de valeur; on ne trouve leur emploi que pour l'emballage des flacons ou boîtes de conserves, mais faut-il encore qu'en plus de leur parfaite siccité, elles soient inodores. — 535 — CONGRES FORESTIER Des expériences récentes ont démontré que la sciure, après avoir été soumise à certains traitements de distillation, peut donner une quantité appréciable de sucre. Ce sucre, nommé succhulose, mélangé avec des mélasses, donnerait im excellent aliment pour le bétail et on en pourrait tirer un alcool d'in- dustrie très utilisable. Si les expériences ont été concluantes, l'application industrielle de ces procédés n'a pas été très heureuse et elle paraît abandonnée pour le moment. Copeaux. Les copeaux sont produits par le rabotage des bois, soit à la main, soit à'ia machine. Les copeaux faits à la main sont longs et sont recherchés par les boulangers pour allumer leurs fours, ils sont utilisés uniquement pour allumer le feu des fourneaux, poêles, forges, etc. Les copeaux de raboteuses ou de moulurières sont, au contraire, très courts en raison même de la section circulaire des outils tranchants qui les produisent. La plus grande partie sert au chauffage des générateurs des usines où ils sont produits ; certaines scieries et parqueteries très impor- tantes en ont même un excédent et les donnent pour en être débarrassées. Dans certains centres de bois importants, quelques boulangers s'en procurent à bas prix pour le chauffage extérieur des fours. Les copeaux de raboteuse provenant du façonnage de feuillets de peu- plier et de sapin sont secs, minces et forment une excellente litière dans les porcheries où on les emploie mélangés avec des basses sciures. Cette litière économique est changée fréquemment et les animaux demeurent trèâ propres. Ces mêmes copeaux fins et moelleux au toucher, absolument débarrassés de sciures, servent à garnir intérieurement des poufs et des tabourets recouverts de cuir ou de moquette. Enfin, quelques industries, en raison de sa légèreté, emploient le copeau de raboteuse pour l'emballage. Les repousseurs de métaux brûlent aussi les copeaux de bois dur dans des fours presque complètement fermés en remplacement de mottes de tourbe pour recuire les pièces en cours de fabrication. Les mêmes copeaux mis en tas et allumés donnent un feu lent et continu qui est employé au désoudage des boîtes de conserve en fer-blanc. On recueille la soudure ainsi que l'étain qui recouvre le fer-blanc en lavant les cendres, et le fer noir obtenu est revendu aux fabricants d'ar- ticles de quincaillerie bon marché (charnières, serrures, ferrures de malles, etc.) et aux fabricants de petits jouets mécaniques. Aspirateurs «le Ainsi que nous venons de le voir, la sciure et les copeaux peuvent être poussières dans emplovés à de multiples besoins, mais à une condition essentielle, c'est les ateliers (le ,^t' j . r '^ ' scierie mcraiii- d être toujours absolument sépares. '1"^- Autant de sciures différentes, soit comme degré de sécheresse, soit comme nature de bois, soit comme grosseur, autant d'emplois différents. C'est pour cela que nous ne cessons de répéter que l'aspiration des sciures et copeaux dans les ateliers de scierie mécanique par des tambours enveloppant les machines est nuisible à la vente des sous^produits de cette industrie. Si nous démontrons que l'aspiration des sciures et copeaux, loin d'être profitable au personnel travaillant aux machines-outils, lui est plutôt 536 INTERNATIONAL 1913 nuisible ; si, enfin, nous faisons votre notre conviction que les ateliers de scierie mécanique proprement dits (où les seuls déchets sont le bois, la sciure et les copeaux) ne sont pas soumis à l'article 6 du décret du 29 novembre 1904, nous aurons rassuré l'industrie et le commerce im- portant des sciures très florissants en France et presque sans concur rence à l'étranger, nous aurons aussi conservé le gagne-pain d'honnêtes travailleurs. Faisant application de l'article 6 du décre< conformément à la jurispru- dence » on n'aurait pas l'air de demander quel que chose de contraire à la loi. M. L.vvAL. —Ce qu'il y a de très curieux, c'est que dans certains endroits on ne parait pas connaître cette jurisprudence parisienne : à Marseille, nous venons d'être condamnés à mettre des aspirateurs de poussières. M. CoLLiN. — Notre collègue et rapporteur, M. Bocquet, qui connaît très bien la question, pourra vous donner quelques indications à cet égard. — 539 — CONGRES FORESTIEK M. BocQUET. — J'ai eu un procès que j'ai continué justement pour soute- tenir des confrères, et, me basant sur trois jugements déjà rendus, j'en ai obtenu un quatrième qui a été la confirmation absolue de la thèse que je défends. Vous avez pu voir dans mon rapport que je cite une partie du rapport de M. Lecornu ; je pourrai vous le donner tous entier, il est très intéressant, car il a bien distingué entre la poussière, la sciure et le copeau. Avec les outils tranchants ou arrachants, nout n'avons pas de poussière, il faut bien le spécifier. Tous les outils que nous employons, comme scieurs et comme menuisiers ou char- pentiers, ne font pas de poussières. Cela se rapporte absolument à l'instruction ministérielle qui est l'explication que le ministre a cru devoir donner pour les inspecteurs du travail, en disant qu'il fallait bien définir la différence entre poussières et déchets de bois, si nous ne devons pas avoir d'aspirateurs de poussières. J'ai dit : Je ne fais pas de poussières, donc, je ne peux pas avoir d'aspirateurs de poussières Malheureusement, je connais un de nos confrères de Lyon qui, après s'être défendu très énergiquement, a fini par accepter de mettre des aspirateurs de poussière. Alors, naturellement, les inspecteurs du travail prennent acte du fait pour venir vous dire : Mais votre confrère l'a fait. Il m'est arrivé la même chose ; on est venu me dire : M. Colin a mis des aspirateurs de poussières et il en est enchanté. J'ai répondu sim- plement : Ce n'est pas vrai ! — Mais si je n'avais pas su ce qui se passait, M. Colin m'aurait été présenté comme ayant mis des aspira- teurs de poussières. Or, M. Colin a installé des évacuateurs, non pas des aspirateurs ; ce n'est pas la même chose. Les inspecteurs du travail viennent vous dire : Un tel le fait, vous pouvez le faire. Les trois quarts du temps, ce n'est pas vrai. A Paris, en tout cas, nous avons deux jugements du tribunal de simple police et deux autres en appel dans lesquels nous avons eu gain de cause. M. Laval. — Il y a également une question incendie. Cela peut paraître bizarre, mais il y a des appareils qui risquent d'occasionner des incen- dies par l'accumulation des sciures sur certains points. Dans le rapport de mon usine de Marseille, je vois qu'il y a eu un commencement d'in- cendie dû à l'aspirateur de poussières. La sciure entraînée par le cyclone s'est répandue sur la toiture et s'est enllammée. Un congressiste. — C'est un cas exceptionnel. M. JuiLLARD. — Il serait nécessaire, si on veut invoquer la jurisprudence, d'indiquer la jurisprudence de telle ou telle Cour. Le vœu tel qu'il est présenté se suffit à lui-même, il est à toutes fins ; il est quelquefois dangereux de faire appel à une jurisprudence qui peut être modifiée. M. Colin. — A l'heure actuelle, j'ai un dossier complet sur la question ; je ne connais pas de jugement d'appel qui nous ait donné tort. 11 y a bien le jugement concernant la poussière de charbon, mais il n'a pas — 540 — INTERNATIOr^AL 1913 pu tenir debout. Lorsque les industriels ont fait défaut en simple police, il y a eu expertise, et jusqu'ici nous avons toujours eu gain de cause. A cette jurisprudence s'ajoute une lettre du Ministre que j'ai reçue de M. Viviani, alors Ministre du Travail, au nom de ma Chambre syndicale, et qui nous donne raison, faisant une distinction absolue entre la poussière et les déchets. Je ne m'oppose pas à ce qu'on adopte le vœu du rapporteur tel qu'il est, mais je crois qu'il faudrait y faire une adjonction en parlant de la jurisprudence. M. LE Président. — Je mets le vœu aux voix, avec l'adjonction des mots : « Conforniément à la jurisprudence ». Adopté. La séance est levée à 11 h. 10. — 541 — CO^"GRES FORESTIER SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 35. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle Texamen du rapport pré- senté par M. Hirsch sur la question des bois de fente, bardeaux, MERRAINS. M. Hirsch. — Par bois de fente, on comprend les jnerrains, c'est-à- dire les petites planches ou douves servant à la fabrication des tonneaux, muids, cuves, etc., puis les bardeaux, employés pour la couverture des maisons, le revêtement des murs exposés aux fortes intempéries ou pour la fabrication des plafonds, les lattes, pour supporter les tuiles et ardoises, enfin les échalas et piquets pour la vigne. Les merrains, par leur consommation considérable, représentent la catégorie la plus importante des bois de fente et celle qui présente un intérêt général pour la forêt : la France en est un des plus gros consom- mateurs, étant producteur de vins, liqueurs, cidres et même bières, mais ces merrains intéressent également les pays producteurs de vins, tels que l'Espagne, l'Italie, l'Algérie, etc., ou de bières, comme l'Allemagne, qui emploie un nombre important de tonneaux. Cependant c'est pour les pays producteurs de vin que la question des merrains offre le plus d'intérêt, car cette boisson nécessite des récipients fabriqués avec un soin tout particulier. Les merrains pour tonneaux à vin exigent du chêne fendu de toute première qualité ; il faut qu'ils soient sans aubier, sans nœud, fendus suivant le fil du bois ; ils demandent donc dos bois de droit fil, bien sains, pas trop nerveux, d'une croissance régulière et, afin de réduire les déchets importants déjà par la fabrication même, des bois de fortes dimensions et surtout de gros diamètre. Jusqu'à ces dernières années le commerce français, et même presque tout le commerce mondial, s'alimentait en Slavonie, en Galicie et en Hongrie ; mais l'épuisement des forêts de ces pays ayant entraîné des mesures de protection et, par suite, une hausse sur les cours en même temps qu'une pénurie des produits, on s'adresse maintenant à l'Amérique et à la Russie, où des fendeurs hongrois ont été employés et ont formé des ouvriers habiles. Les bois de France ne fournissent qu'un contingent réduit des matières premières utilisées, et seulement pour les tonneaux de faible dimension, — 542 — INTERNATIO>AI. iMlo à l'exception pourtant des fûts à cognac, en raison des qualités spéciales des bois de pays pour la bonne conservation de cette liqueur. Jusqu'à présent, depuis de nombreuses années tout au moins, les prix des merrains étaient assez bas pour ne pas présenter un intérêt suffi- sant dans la production forestière de nos régions, les sciages étant plus rémunérateurs ; mais les cours se sont élevés depuis quelques années de telle sorte (les 100 pièces de 34/36 x 14/6 sont, en effet, passées de 80 francs en 1909 à MO francs en 1913) que, même en tenant compte des circonstances exceptionnelles qui ont motivé en 1913 une hausse exagérée, il devient possible d'envisager le moment où la fabrication du merrain deviendra avantageuse pour la foret française. Si, dans certaines régions, le chêne de France est trop noueux, trop dur, de fente trop difficile, il y en a cependant de nombreuses, telles que l'Allier, le Poitou, les Charentes, la Touraine, le Perche, la Basse-Nor- mandie, et aussi certaines parties de l'Est et surtout de la Bourgogne, où le chêne possède des qualités de fente pouvant rivaliser avec celles des bois américains. 11 y a donc lieu de proposer au Congrès d'émettre le vceu suivant : Que les fabricants de futailles français se préoccupent dès maintenant de prendre des merrains dans les forêts françaises, et de former des ouvriers capables et habiles à fendre les merrains de grosses et petites dimensions, suivant les exigences des consommateurs ; ils créeront ainsi un débouché précieux pour un produit essentiellement national, et en même temps ils s'' assureront une partie de leur matière première sans avoir besoin de la chercher au loin, avec toutes les difficultés cVun transport de plus en plus onéreux. M. LE PRÉSIDE^'T. — Personne ne demandant la parole, je mets aux voix le vœu. Le vœu est adopté. M. LE Président. — Passons au second rapport de M. Hirscli qui traite des ÉGORGES, TANIN, EXTRAITS TANNIQIIES, LIÈGE. M. HiRSCH. — La question des écorces est, à l'iieure actuelle, une de celles qui touchent le plus les milieux sylvicoles ; la crise des écorces influe sur tout le commerce des petits bois : en effet, outre la rémuné- ration de la vente des écorces, l'écorçage favorise l'écoulement du taillis de chêne, car la clientèle prise spécialement le pelard comme bois de chauffage, et, pour les étais de mines, pour la petite charpente, le chêne écorcé se montre supérieur aux autres bois par ses qualités de conserva- tion, conséquence d'une bonne dessiccation. Il n'est donc pas surprenant que le commerce des bois et les proprié- taires forestiers se soient rencontrés pour réclsimer des mesures propres à favoriser la vente des écorces de chêne. Malheureusement ces efforts n'ont pas produit, jusqu'à présent, l'effet qu'en espéraient leurs auteurs; la crise des écorces, loin de s'atténuer, devient de jour en jour plus aiguë. Depuis qu'on est arrivé à clarifier et à enrichir, à des conditions de bon marché extraordinaire, les extraits, tanniques, l'industrie de la tannerie — 543 — CONGRES FORESTIER s'est transformée. C'est qu'en efîet le tannage par le procédé ancien, à l'écorcc de chêne, présente, au point de vue industriel, certains ennuis qu'il serait chimérique de nier : d'abord ce procédé, par la durée néces- saire aux manipulations, exige des réserves de peaux considérables, d'où immobilisation de capitaux d'autant plus importants que le prix du cuir en poil est élevé, ce qui est le cas depuis quelques années. D'autre part, la teneur en tanin qui, dans les extraits de quebracho Colorado, atteint 70 %, alors que l'écorce de chêne ne tient que de 6, S à 13 % de tanin, montre quelle peut être la disproportion du prix de revient du kilog de tanin dans les deux cas ; cela explique aisément la préférence des indus- triels qui, cela est compréhensible, cherchent à se procurer la matière première aux meilleures conditions. Au fur et à mesure que le cours des peaux s'élevait, la pratique d'un second tannage, par des extraits concentrés, s'est vulgarisée ; par cette pratique, les peaux absorbent plus de tanin et prennent plus de poids ce qTii est tout à l'avantage du tanneur. Rien de tout cela n'est possible avec l'écorce de chêne, qui ne permet pas de surcharger les cuirs en tanin. Autre point : les marchés d'écorce ne se font qu'à une époque déter- minée de l'année, où l'approvisionnement doit être prévu avec exacti- tude pour toute l'année, tandis que les extraits peuvent se fabriquer au fur et à mesure des besoins. Enfin est survenue la concurrence du tannage au chrome, qui donne des cuirs spéciaux très appréciés, et notamment le box-calf, fort employé maintenant pour la confection des chaussures. Sans s'étendre davantage sur une comparaison qui explique aisément les 'préférences des tanneurs pour les procédés de tannage modernes, il n'est pas inutile de se placer maintenant au point de vue du consom- mateur. Or, le tannage à l'écorce de chêne donne des cuirs de qualité incontestablement supérieure à celle des cuirs obtenus par le tannage rapide aux extraits. Tous les auteurs techniques sont d'accord pour le reconnaître, et plusieurs en fournissent des explications théoriques : la dissociation des fibres résultant du gonn(mient exagéré des peaux, pour faire pénétrer à force le tanin concentré dans les extraits, l'effet de la vapeur chaude, des acides, qui brûlent les parties résistantes des cuirs, sont les causes les plus certaines de la mauvaise qualité des cuirs traités aux extraits concentrés et d'action rapide. Quoiqu'il en soit, il est un fait certain, dont chacun fait la douloureuse expérience, c'est que maintenant nos chaussures ont une durée infiniment moindre qu'il y a une trentaine d'années. Qui de nous n'a conservé le souvenir, dans notre enfance, des ressemela'ges indéfinis que l'on faisait subir à nos souliers, et quel père oserait maintenir cette saine tradition aux enfants de la génération actuelle? Il n'est pas un marchand de bois, pas un forestier qui, après une simple averse, n'ait regretté l'ancien temps où l'on pouvait, après une journée entière passée sous la pluie en forêt, rentrer chez soi les pieds bien au sec et chauds, sans crainte de grippe, causée bien souvent aujourd'hui tout simplement par l'emploi de cuirs de fabrication moderne ! Cette fabrication perfectionnée a-t-elle au moins donné au consom- mateur la consolation de payer moins cher sa chaussure? C'est la ques- tion qui l'intéresse avant tout. Or, jamais les cuirs n'ont atteint les cours actuols et ils ne cessent de monter ! Sans doute l'utilisation des cuirs prend une extension de plus en plus INTERNATIONAL 1913 grande ; l'industrie a besoin de courroies de transmissions plus qufeu temps jadis ; l'accroissement de bien-être a pour conséquence de faire délaisser par les populations rurales les sabots pour les chaussures ; l'ameublement est devenu un gros consommateur, toute administration industrielle ou financière qui se respecte tenant à avoir ses bureaux dotés de confortables sièges de cuir ; les antidérapants, la carrosserie auto- mobile se sont encore ajoutés aux industries faisant appel au cuir. Tout cela a certainement provoqué un accroissement important de consom- mation^ mais il n'est pas cependant, loin de là, en rapport avec la hausse extraordinaire des prix., Il y a donc une autre cause. Au moment de l'apparition des cuirs tannés aux extraits ou au chrome, les prix de ces cuirs s'étaient abaissés, mais ils ont vite regagné le chemin perdu ! Au fur et à mesure que les nouveaux cuirs ont pris le marché, leur renouvellement rapide, résultant d'usure anormale par suite de la qualité défectueuse, a provoqué un excès de consommation qui a bientôt accentué la pénurie ; aussitôt les cours sont remontés, et nous assistons maintenant à ce spectacle attristant que, plus les cuirs en poils sont chers, plus les fabricants de cuirs et peaux sont tentés de se rattraper sur le tannage, et plus la qualité s'en ressent ; alors le cuir dure moins, sa con- sommation augmente, et les prix se rehaussent. On tourne ainsi dans un cercle vicieux sans aucune issue. Ainsi donc, voici la conséquence des méthodes nouvelles de tannage aux extraits : le public paie aussi cher qu'autrefois, toutes proportions gardées, une marchandise de ([ualité inférieure, les tanneurs ne voient guère leurs gains accrus parce qu'ils achètent les peaux en poils trop cher, le bon renom des cuirs français se perd et les intérêts du com- merce des bois et de la production forestière sont compromis. Telle est la situation ! Quels sont les remèdes? La Fédération des syndicats du commerce des bois en France a émis un vceu tendant à prendre des mesures utiles et décisives pour que, dans les marchés de l'État,. les cuirs à livrer après tannage à l'écorce de chêne soient effectivement tannés par ce procédé ; elle a préconisé le contrôle de la fabrication des cuirs sur place, dans les tanneries mêmes, par les agents réceptionnaires des administrations. La Société des Agriculteurs de France a émis un vœu analogue en dési- gnant nommément le Ministère de la Guerre, et elle a réclamé l'institu- tion d'une marque légale pour les cuirs tannés exclusivement à l'écorce de chêne. Elle s'appuyait pour cela sur l'exemple fourni par certains tan- neurs de Château-Renault, qui emploient le tannage à l'écorce, et qui apposent une marque spéciale sur les produits ayant un séjour minimum garanti dans les fosses à l'écorce. Ces produits sont très recherchés. Ce système est aussi celui déjà adopté en Amérique. Ces vœux ont eu pour but commun d'enrayer la fraude et d'empêcher que des cuirs tannés aux extraits puissent être livrés sous la dénomination de cuirs tannés à l'écorce ou vendus pour tels. M. Coste, président de la Société d'' Agriculture du Gard, a montré admirablement qu'il est im- possible pour l'acheteur (cordonnier et bourrelier notamment), de reconnaître les différentes fabrications des cuirs, et il a mis en lumière les falsifications qui se commettent sur ce produit. C'est bien de ce côté qu'il convient de rechercher le remède, pour sauve- garder à la fois l'intérêt général du public consommateur (car tout le — .S4.5 — CONGRES FORESTIER monde est consommateur de cuir, et le Gouvernement a le devoir de protéger un intérêt aussi général) et les intérêts de la production fores- tière, du commerce des bois, de la tannerie honnête, de la défense natio- nale, du bon renom des produits français. Mais il faut d'abord que le Gouvernement exige formellement, dans tous ses marchés pour les Administrations, des cuirs tannés exclusive- ment à l'écorce de chêne, et qu'il n'accepte pas, comme l'a fait récemment le Ministère de la Guerre dans son nouveau cahier des charges, l'emploi même restreint d'acides éneii-giques, d'extraits et autres matières, à des doses indéterminées, sans aucun contrôle direct, ce qui laisse la porte ouverte à tous les abus. Il faut aussi que ce ministère, qui est le plus fort acheteur de cuir, consulte avant l'établissement du cahier des charges tous les groupe- ments intéressés aux fournitures d'équipements militaires. En appelant comme il l'a fait tout récemment à une conférence préparatoire du nou- veau cahier des charges, les seuls représentants du Syndicat général des cuirs et peaux ^ dont les mandants ne sont pas parmi les adjudicataires, et en refusant d'entendre les représentants du commerce des bois, sous prétexte que ce commerce n'est intéressé qu'indirectement aux four- nitures militaires, le Ministre ne s'est pas inspiré de l'équité qu'on aurait pu en attendre ; pour être logique avec lui-même, il n'eût dû prendre avis que des délégués autorisés des fabricants d'équipements militaires; il ne pouvait connaître la tannerie, à l'exclusion des autres producteurs intéressés — bouchers, exploitants- de forêts de chêne, importateurs de matières tannantes, etc. — que pour organiser un contrôle sur la prépa- ration des peaux nécessaires à ses fournitures, ce qu'il n'a pas fait. Il ne faut pas que de pareils faits puissent se reproduire à l'avenir dans aucune administration consommatrice de cuirs. Un dernier point doit être examiné ; c'est la question des transports des écorces à tan. Pour favoriser le placement si difficile de ce produit national, il serait désirable d'obtenir des Compagnies de chemins de fer l'application de tarifs de faveur très bas, d'autant plus qu'il s'agit d'une matière première destinée à assurer la défense nationale. Pour conclure, nous proposons que le Congrès forestier international émette les vœux suivants : I. Que toutes les Administrations publiques achetant des produits en cuirs et peaux inscrivent dans leur cahier des charges une clause à Veffet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pure, à Vcxclu- sion de tout autre ingrédient tannifère, et prennent des dispositions strictes et sévères pour surveiller directement V application de cette clause. II. Que les pouvoirs publics, pour réprimer toute fraude et protéger le public consommateur, instituent une marque légale qui sera apposée sur tous les cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pure. III. Que les Compagnies de chemins de fer consentent V application de tarifs de faveur très bas pour le transport des écorces à tan, et prenneht toutes dispositions en vue d''assurer ce transport dans les meilleures conditions. M. HiRscH. — Je crois utile de vous donner quelques explications sur les termes des vœux que j'ai émis. Les v(x,'ux que j'ai l'honneur de vous présenter ont une portée beau- — 546 — INTERNATIONAL 1913 coup plus grande que la simple question de l'écorçage de nos forêts, ils se rapportent en effet à une question d'intérêt général. A l'heure actuelle, le public ne peut savoir si un cuir est tanné d'une façon ou d'une autre, s'il est bon ou mauvais. Or, les conditions de tannage ont une importance considérable sur la qualité du cuir. Le Cahier des charges du 23 août 1905 au Ministère de la Guerre était ainsi rédigé : « Le système de tannage seul admis est celui des fosses avec le tan provenant de récorce de chêne pulvérisée, à l'exclusion de tous autres procédés qui ren- dent le cuir pesant ou trop souple, et toujours trop hygrométrique et non sus- ceptible d'une bonne conservation ». Depuis, le tannage à l'écorce exigé n'a subi aucune transformation, il est resté ce qu'il était, le tannage honnête donnant du bon cuir, mais un peu coûteux. Ce qui a changé, c'est le Cahier des charges dont voici le nouveau texte ,: « Le seul principe de tannage admis est le système des fosses avec le tau provenant de l'écorce de chêne pulvérisée ». « Est interdit l'emploi d'acides, d'extraits et autres matières à une dose susceptible de produire un gonflement rapide et exagéré des cuirs, de diminuer leur séjour en fosses, et d'activer ainsi leur préparation au détriment de leur qualité... » On peut être surpris de voir mettre une clause aussi peu précise « à une dose susceptible de produire un gonflement rapide et exagéré des cuirs », par le Ministère de la Guerre, qui, généralement, exige des conditions extrêmement précises pour ses fournitures. L'explication pourrait peut être se trouver dans une lettre-circulaire que le Syndicat Général des Cuirs et Peaux a adressée à ses adhérents ; voici ce qui était dit dans cette circulaire : « La clause de visite obligatoire des usines nous paraît au contraire toujours très menaçante, et nous venons faire appel à votre esprit confraternel pour sigiier et faire signer par vos confrères la pétition ci-incluse '. Nous nous demandons encore comment il se fait que dans la Com- mission qui a élaboré ce Cahier des charges, on n'ait appelé en consul- tation qu'un seul syndicat, le Syndicat des Cuirs et Peaux; car enfin le Syndicat des Cuirs et Peaux n'était pas seul intéressé à la question : la Fédération des Syndicats des marchands de bois avait, elle aussi, demandé a être entendue. On le lui a refusé en donnant comme motif qu'elle était intéressée d'une façon trop indirecte. Or, justement, dans la circulaire du Syndicat des Cuirs et Peaux, à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, j'ai trouvé que dans les objections que l'on fait, on indique que « Vexercire serait injustifié parce que nous sommes pas partie contractante un marché ». Le Syndicat des Cuirs et Peaux reconnaît donc qu^ lui-même n^était pas partie contractante au marché. Que dire ? Auprès du Syndicat des marchands de bois, les Syndicats des pro- priétaires, les Syndicats des bouchers qui sont intéressés à fournir des CONGRES FORESTIER cuirs, le Syndicat des extraits tanniques avaient leur place toute désignée. Grâce aux indications que nous a donnéesle SjTidicat Général des Cuirs et Peaux, et dont nous lui sommes très recon- naissants, nous avons pu aller jusqu'au bout de cette question, et voir comment, par pression politique, on était arrivé à faire modifier les conditions d'application des clauses préparées par les services compétents des bureaux. C'est aussi, Messieurs, à titre de consommateur que j'ai proposé d'instituer une marque légale pour les cuirs tannés à l'écorce. Il faut que ceux qui se servent de cuir, comme les bourreliers, comme les cordonniers, puissent savoir la qualité réelle de la marchandise qu'on leur vend. En demandant cette marque, nous n'entendons nullement porter préjudice aux cuirs tannés par d'autres procédés. Si le consomma- teur en désire, il en trouvera, mais celui qui voudra avoir absolument du cuir tanné à l'écorce de chêne pure, pourra, lui aussi, être certain d'en avoir. D'ailleurs, en vous soumettant ce vœu, nous sommes tout à fait d'accord avec la masse des groupements, je parle des fabricants de chaussures. Le 8 avril 1913, la Chambre Syndicale des Fabricants de Chaus- sures de Paris a demandé l'application aux produits de la tannerie de la Loi sur les fraudes du 1®^ août 1905 qui concerne toutes mar- chandises. Les fabricants de chaussures se sont plaints au point de vue de la fraude ; ils ont considéré que quand on leur livrait du cuir qu'on leur annonçait tanné à l'écorce de chêne pure et qui ne l'était pas, il y avait fraude. La Chambre Syndicale de la Carrosserie de Paris et des Départe- ments émettait le 2 juin dernier le vœu qu'un règlement d'administra- tion publique intervint pour déterminer une marque à appliquer aux cuirs tannés à l'écorce de chêne. La Chambre Syndicale des Bourreliers et Selliers de Paris, Seine, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, émettait le même vœu. La Société des Agriculteurs de France, la Fédération des Syndicats du Commerce des Bois en France, les Syndicats Forestiers du Midi, les Sociétés d'Agriculteurs du Gard, de l'Hérault, d'Indre-et-Loire, de la Touraine, du Lot, demandent la marque. La Chambre Syndicale de l'Ameublement de Paris demande égale- ment la marque ; c'est un gros consommateur»de cuir, car vous n'igno- rez pas que les bureaux qui se respectent ont dans leurs salons des fauteuils de cuir. La Compagnie des Chemins de fer de l' Ouest-Etat réclame de ses fournisseurs le droit de visite des tanneries et la marque d'origine des produits. % On m'a même cité un fait que je me permets également de vous rap- peler : C'est que les tanneurs espagnols, réunis en Congrès à Sarra- gosse, le 25 avril dernier, ont émis un vœu tendant à reconnaître — 548 — INTERNATIONAL 1913 aux consommateurs le droit d'exiger des fabricants tanneurs la garantie de pureté de leurs produits ou de pourcentage de la surface. C'est vous dire, Messieurs, combien il est difficile de reconnaître la qualité du cuir, surtout pour ceux qui [l'emploient couramment. En adoptant nos vœux, le Congrès protégera la grande masse des consommateurs, les forêts de taillis qui sont déjà si dépréciées et nos. populations de bûcherons si intéressantes et qui méritent à tous égards la protection des. Pouvoirs publics. Lorsque le charbon de bois a été peu à peu remplacé par la houille, les propriétaires forestiers se sont tus, on se trouvait en présence d'un fait économique contre lequel on ne pouvait pas lutter ; la masse du public avait besoin d'un combustible bon marché. Mais aujourd'hui la question est différente pour les écorces, nous venons dire : Nous sommes avec le public : nous entendons être respectés au même titre que le public. {Applaudissements.) M. GuiLLOT. — Je voudrais faire entendre une note libérale dans l'inté- rêt de tout le monde aussi bien que dans l'intérêt des producteurs d'écorces, et je proposerais les modifications suivantes : « 1" Que toutes les Administrations publiques achetant des produits en cuirs et peaux inscrivent dans leurs cahiers des charges une clause à Feffet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés avec les meilleurs produits fournis par nos bois, au besoin couverts par des marques, et réalisant des conditions de réception suffisamment sévères pour offrir toutes garanties. « 2° Que les Compagnies de chemins de fer consentent V application de tarifs de faveur très bas pour le transport des matières premières ligneuses, indigènes, de toutes les matières premières ligneuses indi- gènes utilisées par V industrie de la tannerie, et prennent toutes dispo- sitions en vue d''assnrer ce transport dans les meilleures conditions ». A Bordeaux, il vient de se former une Société qui a nom Erica, qui extrait le tanin de la menthe, et qui prétend que ce tanin est supé- rieur à celui du chêne. M. Placide Peltereau. — J'ai le devoir et l'honneur de représenter ici les 24 Syndicats du cuir et l'industrie des cuirs toute entière. \'ous savez combien notre industrie a été attaquée par suite de la mévente des écorces de chêne. Vous ne serez donc pas surpris de me voir ici venir la défendre. Je dois vous dire tout d'abord qu'en bons patriotes nous déplorons comme vous la crise forestière et la mévente de vos bois et de vos écorces; nous ne sommes pas d'accord sur les moyens de remédier à cette crise, mais nous regrettons avec vous la situation difficile qui vous est faite. Je remercie M. le rapporteur Hirsch de la forme qu'il a bien voulu donner à son rapport ; nous n'avons pas toujours été habitués à la — 549 — CONGRES FORESTIER forme courtoise qu'il a bien voulu adopter, et je lui en suis recon- naissant au nom des industries du cuir. Pour vous faire perdre le moins de temps possible, je suivrai les argu- ments qui ont été développés verbalement par M. Hirsch et je vous parlerai d'abord de la question de la qualité du cuir pour le consomma- teur, car M. Hirsch y attache, avec raison, une grande importance. Il est certain, en effet, Messieurs, que tous les consommateurs de cuirs qui sont des industriels savent apprécier d'une façon très sûre si le cuir est tarnié par tel ou tel procédé ; je ne vous apprendrai rien en vous disant par exemple que les fabricants de chaussures, et tous les trans- formateurs de cuir en général, savent parfaitement distinguer le cuir tanné à l'écorce de chêne pure, le cuir tanné à l'écorce de chêne avec addition d'extrait et le cuir tanné par des procédés rapides. Vous avez malheureusement la prétention de connaître notre fabri- cation beaucoup mieux que nous-mêmes, de diriger la technique de notre industrie. Pourquoi? Parce que, actuellement, vous vendez mal vos écorces de chêne. Eh bien! nous sommes obligés de nous défendre et de vous donner pour cela quelques arguments. Dans tous les cas, il y a un fait qu'il faudrait établir, c'est la qualité supérieure du cuir tanné exclusivement à l'écorce de chêne ; car sur ce point, nous sommes en complet désaccord. Nous enseignons, en effet, dans nos écoles professionnelles, que • la science du tanneur moderne est le mélange judicieux des différents tanins extraits des ligneux, nous m- partageons donc nullement votre manière de voir. D'autre part, si on veut donner aux consommateurs des facilités d'appréciations pour un produit, il faudrait étendre cette façon de faire à tous les autres produits. Pourquoi ne le feront-on pas pour les draps? Pourquoi ne dirait-on pas au consommateur que le drap de son complet est composé de laine mélangée de coton, ou uniquement de laine ? Pourquoi ne le ferait-on pas pour les chapeaux, pour le papier? Il est également important pour le consommateur de savoir comment son drap est fait, et par conséquent, si vous arriviez à demander qu'on donne cette garantie au consommateur pour les cuirs, nous deman- derions, nous, qu'on la lui donnât également pour tous les articles du vêtement? M. Hirsch a fait allusion au cahier des charges de l'Administration de la Guerre, puisque dans une de ses conclusions, il exprime le vo?u que toutes les Administrations achetant des produits en cuirs et peaux inscrivent dans leur cahier des charges une clause à l'effet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés à l'écorce de chêne pure. Je n'ai pas ici à défendre les Administrations de la Guerre et de la Marine, mais je suis étonné véritablement cju'elles soient attaquées, alors qu'elles ont pris tant de soin au contraire à établir toutes sortes de clauses qui les prémunissent contre l'emploi abusif des extraits tanniques. M.. H. Barbier. — C'est une erreur. M. Placide I'eltereau. — M. Hirsch a eu l'amabilité de nous lire un — 550 — INTERNATipiN'AL 101'^ passage du cahier des Charges du Ministère de la Guerre, mais il a perdu de vue toutes les clauses concernant les analyses. Vous remarquez que dans le texte qui vous a été lu, l'Adminis- tration de la Guerre dit : « Le seul principe de tannage admis est le système des fosses avec le tan provenant de l'écorce de chêne pulvérisée, à l'exclusion de tous autres pro- cédés. » M. Hirsch se plaint que le Ministère de la Guerre n'ait aucun con- trôle au sujet de cette clause, c'est une erreur. M. Hirsch n'a proba- blement pas continué la lecture du cahier des charges, sinon il aurait vu toute une série d'analyses, que prescrit le Ministère de la Guerre, — et il en use très largement, je vous l'assure et s'entoure de toutes les garanties possibles, au point de vue du tannage. Je ne sais si vous connaissez, monsieur le Rapporteur, l'organisation du Ministère de la Guerre au point de vue des réceptions ; elle est extrêmement sévère, et je puis vous affirmer qu'aucun consommateur civil ne reçoit ses cuirs comme le fait le Ministère de la Guerre. Il y a d'abord une commission de réception, il y a ensuite, pour les litiges entre l'Administration et les fournisseurs, une commission d'appel, et cette commission a le droit de recourir à différents chimistes en dehors des chimistes de l'Administration, mais c'est toujours le Minis- tère de la Guerre qui a le dernier mot et qui, par conséquent, sur les analyses faites par les chimistes de l'Administration et les chimistes les plus réputés, a le droit de prendre position. Donc," de ce côté-là, vous avez toutes garanties. En ce qui concerne le Ministère de la Marine, il est dit dans Cahier des Charges : '< Les cuirs de bœuf ou de vache piuinont être tannés en fosses avec l'écorce provenant du chêne...». On a toujours mauvaise grâce à parler de soi-même, mais si la clause du tannage en fosses a été ajoutée au cahier des Charges du Ministère de la Marine, c'est grâce à mon intervention. Vous voyez donc que nous ne sommes pas toujours si loin de nous entendre. En ce qui concerne le Ministère de la Marine, l'analyse vient égale- ment suppléer à l'indication d'exagération d'emploi des extraits. M. Hirsch. — Je vous demande pardon de vous interrompre. Est-ce qu'il n'y a pas aussi un droit de visite chez les fabricants de cuirs et peaux, qui est prévu par l'Administration de la Marine? M. Placide Peltereau. — Non, il n'y en a pas. U>" Co.xGRESsisTE. — J'appartiens au Ministère de la Marine et je puis vous dire que cela a été introduit cette année. M. Placide Pet^tereat. — J'en suis très surpris. — 551 — CONGRES FORESTIER Le précédent congressiste. — Gela n'a pas encore été fait, mais cela pourrait être fait et la surveillance est possible. M. Placide Peltereau. — Dans tous les cas, en ce qui concerne le Ministère de la Guerre et le Ministère de la Marine, je dois vous dire que les analyses sont faites également très sérieusement, et permettent de révéler les extraits tanniques qui sont simplement tolérés. Il est indiqué au cahier des charges du Ministère de la Marine... u Pour s'assurer que le tannage n'a pas été obtenu trop vite...»,. Par conséquent, de ce côté encore, les garanties que réclamait M. Hirsch sont bien obtenues. M. Hirsch s'est étonné que nous soyons opposés aux visites obliga- toires. Véritablement, Messieurs, si vous étiez soumis aux mêmes, obligations pour vos coupes de bois ou vos exploitations forestières, je ne sais si vous trouveriez le procédé agréable. M. H. Barbier. — Nous y sommes soumis. M. Placide Peltereau. — Je dois ajouter que si nous avons refusé ces visites comme obligatoires, nous nous sommes toujours mis d'accord avec l'Administration de la Guerre pour laisser visiter nos usines ; jusqu'à présent, il n'est pas d'exemple qu'une seule tannerie que l'Administration de la Guerre ait voulu visiter, n'ait pas été visitée. L'Administration de la Guerre est- en contact permanent avec notre industrie pour tous les renseignements dont elle a besoin, et jusqu'à présent, elle a visité tous les centres importants de tannerie sur sa simple demande. Nous avons seulement demandé que cette visite ne fût pas obligatoire, mais nous n'avons jamais refusé d'ouvrir nos tanneries aux représentants du Ministère de la Guerre et nous conti- nuons, puisque tout dernièrement, j'ai eu l'honneur de voir l'inten- dant qui s'occupe de cette question, M. Péria, et j'ai invité le nouveau titulaire à vouloir bien recommencer ses visites. \'ous voyez que de ce côté-là nous avons l'esprit le plus large ; nous nous sommes simplement refusés à ce droit d'exercice que nous trou- vions exagéré, en ce sens que nous n'étions pas fournisseurs directs. En ce qui concerne la non représentation de l'industrie du bois à la Commission dont a parlé M. le Rapporteur, cette non représenta- tion n'a pas dépendu de nous. Nous avons demandé à être représentés à cette Commission, nous avons été écoutés, et si j'ai bonne mémoire, votre demande. Monsieur, est venue après que la Commission s'était réunie. M. H. Barbier. — C'est une erreur. M. Hirsch. — Le Président du Syndicat vous répondra. M. H. Barbier. — Oui, monsieur, votre mémoire vous sert mal; j'affirme que la demande a été faite avant la réunion. — 552 — INTER^^\TIo^;AL 19io M. Placide Peltereau. — En ce qui nous concerne, nous ne voyons aucun inconvénient à ce, que d'autres industries, plus ou moins inté- ressées, soient représentées à ces Commissions. Comme vous le disiez, tout à l'heure, il y aurait lieu d'y admettre les bouchers et également les fabricants d'extraits tanniques. Quant à la qualité des chaussures, en général, dont se plaint très amèrement M. le Rapporteur, je n'avais pas pour ma part constaté que les chaussures fussent si mauvaises, {Ah ! Ah !) mais vous paraissez tous en être tellement' convaincus que je crains d'être battu à l'avance. Je tiens à vous faire remarquer toutefois que les intermédiaires qui vendent des chaussures, et surtout les grands magasins, les marchands de chaussures, sont très certainement coupables en la circonstance. Alors que le cuir brut a subi une hausse considérable pour des raisons diverses et un peu différentes de celles que pensait M. Hirsch, nous avons été obligés tout naturellement de relever le prix de nos produits fabriqués, puisque la hausse a eu lieu dans des proportions de 30 à 100 % ; mais dans bien des cas, les acheteurs de chaussures n'ont pas voulu supporter la hausse du prix du produit fabriqué, de sorte que les fabricants de chaussures, obligés de subir les demandes draconiennes de leui's acheteurs, dans bien des cas ont abaissé la qualité du cuir • employé pour la fabrication des chaussures. Il faut donc que le con- sommateur soit assez raisonnable pour payer sa chaussure suivant la hausse des matières premières, s'il veut avoir une chaussure qui lui dorine toute satisfaction. Vous avez cité les vœux des différents syndicats, vous avez cité le vœu- de la Chambre syndicale des Fabricants de chaussures de Paris ; nous déplorons que la lettre de cette Chambre syndicale n'ait pas été publiée intégralement. L'avez-vous, cette lettre. Monsieur le Rapporteur? M. Hirsch. — Nous nous expliquerons. M. Placide Peltereatt. — Dans le journal Le Bois^ cette lettre n'a pas été publiée intégralement. La Chambre syndicale des Fabricants de chaussures admet l'usage modéré des extraits tanniques; il n"a pas été fait mention du passage de cette lettre. M. H. Barbier. — Est-ce qu'en dehors de la Chambre syndicale des Fabricants de chaussures, M. le Rapporteur n'a pas parlé de la Chambre syndicale des Bourreliers et Selliers de la Seine? ^'oudriez-vous nous dire si cette lettre-là est aussi écourtée? M. Placide Peltereac. — Il me serait difficile de vous le dire, parce que nous avons eu seulement communication oflicielle de la lettre de la Chambre des Syndicats de chaussures, et que nous n'avons pas eu communication des lettres adressées par les autres groupements. IVI. H. Barrier. — Nous tenons à faire état que les protestations des — 55.3 — CONGKES FORKSTIEK Chambivs syndicales ne se résumenl pas dans celles des chaussures. M. Placide Peltereau. — Je ne voudrais pas retenir trop longtemps votre attention. Je me permets cependant de revenir sur les trois vœux qui sont la conclusion du rapport de M. Hirscli. En ce qui concerne les administrations publiques, tout naturelle- ment nous protestons contre l'usage exclusif de l'écorce de chêne pure ; nous estimons que les cahiers des charges tels qu'ils sont conçus, avec le contrôle qu'on a ajouté à côté des termes mêmes qui sont employés, sont équitables et sauvegardent parfaitement les intérêts de l'État. En ce qui concerne la marque, nous nous rallions au vceu modifié de M. Guillot. En ce qui concerne le second vœu : « Que les pouvoirs publics, pour réprimer toute fraude et protéger le public consommctteur , instituent une marque légale qui sera apposée sur tous les cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pure », là encore nos opinions diffèrent puisque nous ne sommes pas d'accord sur le principe. Nous prétendons, nous, que le meilleur cuir n'est pas le cuir tanné exclusivement à l'écorce de chêne. Au point de vue de la clause de transport, nous sommes d'accord ; nous sommes désireux comme vous, puisque la plupart du temps le prix du transport s'ajoute au prix d'achat, que cette condition puisse être améliorée. En résumé, ^lessieurs, nous réclamons pour une grande industrie comme la nôtre le droit de vivre et de se développer dans un sens beaucoup plus libéral que celui que vous prétendez nous imposer. Nous entendons étudier et discuter librement la technique de notre fabrication sans être soumis aux obligations que vous voudriez nous imposer dans le but de vendre plus facilement vos écorces de chêne. M. CosTE. — La mévente des écorces de chêne, qui est le résultat de la concurrence des extraits tanniques, est une véritable calamité pour tous les propriétaires de taillis de chênes, mais c'est un véritable désastre pour les propriétaires de bois de la région méditerranéenne, puisque dans cette région qui est celle du chêne vert, l'écorce est, non pas un sous-produit, mais le produit principal d9 cette essence, et, par conséquent, tant que cette mévente subsistera, il ne peut être tiré aucun parti de ce bois. Nous avons là 300.000 hectares environ qui sont fatalement appelés à disparaître ; déjà dans ces régions, depuis 15 ans que cette mévente dure, il y a un certain nombre de propriétaires qui commencent à perdre patience, et qui, quand ils font des coupes, donnent l'ordre aux ouvriers de faire, comme on dit, sauter le piquet, c'est-à-dire faire sauter la souche. De sorte que ces 300.000 hectares qu'on transforme en pâturage, sont fatalement des- tinés il devenir des terrains absolument stériles, ce que nous appe- lons des garrigues. Eh bien! dans le Midi. n(Mis avons déjà trop de C(>s garrigues. Dans INTERNATIONAL 1913 nos départements méridionaux, ils représentent 30 % de la surface du sol, dans certains départements comme les Pyrénées-Orientales, ils représentent 60 % ; voulez-vous y ajouter 300.000 hectares de plus? C'est vous dire que la question est angoissante pour tous les intérêts nationaux. 11 est donc essentiel de remédier à la mévente des écorces,et lorsque nous nous sommes préoccupés de cette question, en février dernier, à la Société des Agriculteurs de France, il nous a paru qu'il y avait un lien étroit entre la mévent'e des écorces et la question des cuirs. C'est ce qui a motivé un vœu de la Société. Le cuir. Messieurs, est une des matières premières qui sont, je crois, le plus fraudées ; la fraude sur le cuir est — je puis le rappeler dans un congrès international — une fraude internationale. Il suffit de se reporter à cet égard aux journaux mêmes de l'industrie du cuir ; si je prends, par exemple, la Halle auv Cuirs du 16 mars dernier, je vois que dans certains pays, la charge en glucose courante est d'environ 25 % ; on introduit donc de la matière sucrée dans le cuir pour le faire peser davantage. Dans d'autres pays, on va jusqu'à 40 %. En France, on ne charge peut-être pas en glucose ; on a d'autres produits, on charge avec les extraits tanniques ; la fraude se commet en surchargeant le cuir d'extraits tanniques, c'est-à-dire en incorporant aux cuirs une quantité surabondante de tannin qui ne sert à rien, qui ne se combine pas avec la peau, et qui n'a qu'un but, celui de faire peser davantage le cuir. Cette fraude est extrêmement rémunératrice. La vente courante du cuir actuellement est de 5 francs le kilogramme ; chaque fois qu'on remplace un kilogramme de cuir par un kilogramme de ces matières- là, on réalise un bénéfice de 5 francs. Je tiens à bien préciser ma pensée. Je ne viens pas soutenir ici que c'est une fraude de tanner au moyen des extraits, ce que je soutiens, c'est qu'on se sert des extraits pour commettre des fraudes? C'est la même situation que pour le beurre et la margarine ; il est licite de fabriquer et de vendre de la margarine, mais c'est une fraude qu'on a fini par réprimer de mélanger de la margarine au beurre et de vendre le tout comme beurre. Quand je viens dire que l'usage abusif des extraits est un procédé de charge, j'en apporte des preuves qui sont surabondantes. La chose est indiqué- dans tous ses détails par les techniciens de la tannerie, par les journaux de la tannerie. J'ai trouvé, par exemple, un traité tout récent, Traité pratique de la fabrication des cuirs, publié en 1912 par Thuau et Villon, et je vous demande la permission de vous rappeler quelques détails suggestifs qui se trouvent dans cet ouvrage : « Les cours de la peau eu poil, écrivent MM. Villon et Thuau, page 199, sont devenus si élevés pendant ces dernières années, que le tanneur s'est vu dans la nécessité de chercher d'une part à diminuer le prix de revient de la fabrication, et, d'autre part de faire un tainage aussi poussé que possible, — 555 — CONGRES FORESTIER quand il s'agil des cuirs vendus au poids, et d'augmenter son rendement, pour pouvoir tirer un petit bénéfice de sa fabrication et lutter contre la concurrence. « L'augmentation de rendement est obtenue soit par des procédés spéciaux de tannage aux extraits, soit par des moyens physiques, soit par l'emploi de tannins que la peau absorbe en plus grande quantité possible ». L'auteur dit en termes formels que, par ce procédé, on augmente le poids de 10, 15 ou 20 %. Il en est de même également pour les matières minérales. Le cuir tanné d'après l'ancien procédé est très pauvre en matières minérales, et l'auteur nous dit : « Depuis plusieurs années, la teneur normale en matières minérales s'est fortement accentuée pour les cuirs à semelle : la raison en vient de ce fait que la peau en poil ayant augmenté dans des conditions beaucoup plus grandes que le cuir tanné, le tanneur s'est vu dans l'obligation de chercher à augmenter son rendement pour pouvoir tenir sa place dans la lutte commerciale ». Xon pas pour pouvoir faire un produit de meilleure qualité, mais pour pouvoir tenir sa place dans la lutte commerciale. De même qu'autrefois, en matière de vin, c'était toujours à qui vendrait le meil- leur marché, c'est-à-dire à qui mouillerait le plus sa marchandise. « Pour augmenter son rendement, le tanneur, ou bien retanne ses cuirs, et pour cela il faut employer des extraits spéciaux, parfaitement décolorés, contenant toujours de 3 à 5 % de matières minérales qui sont absorbées en dose massive par le cuir, ou bien tanne ses cuirs à un haut degré tannique avec des extraits très décolorés qui, par suite, nécessitent un moins grand rinçage, après tannage, ou bien encore utilise des tanins particuliers, par exemple l'extrait de quebracho qui, employé dans certaines parties du tannage, a la grande propriété de permettre l'augmentation de ta, mage et, par suite, de rendement. Au sujet de l'emploi si utile de l'extrait de quebracho, rappelons en passant que, pour qu'il soit vraiment utilisable, il faut qu'il soit soluble à froid, ce qui nécessite pour le fabricant d'extrait une quantité de matières minérales qui ne sera pas à dédaigner lorsqu'on la retrouvera dans le cuir. Comme on le voit par ce qui précède, il est assez difficile d'établir à partir de quel moment un cuir est chargé en matières minérales, c'est-à-dire fraudé ; carie tanneur peut, jusqu'à une certaine limite, dire que les matières minérales qu'on lui reproche n'ont été employées que pour décolorer le tanin ». \'oilà d'excellents conseils qui seraient certainement utiles devant un juge d'instruction {Applaudissements). Le tanneur auquel on re- proche d'avoir chargé son cuir de matières minérales, dira : Ce n'est pas moi qui ai mis ces matières minérales, c'est le résultat d'une addi- tion d'extraits très décolorés, par conséquent très riches en matières minérales. Cela est-il honnête? Il est impossible de le soutenir. D'ailleurs, pour prouver cette fraude, nous n'avons pas besoin seulement de cet ouvrage, elle apparaît partout, dans toutes les publi- cations du cuir. Ainsi, dans un journal que j'ai sous les yeux, je trouve cette annonce qui est tout à fait typique, c'est l'annonce d'un fabricant d'extraits de Francfort -sur-le-Mein, où je vois : « J'augmente le rende- ment du cuir de 10 %». Cela fait 50 francs par 100 kilogrammes. Les gens se précipiteront vers cette maison pour acheter ces précieux extraits qui augmentent le rendement du cuir de 10 °o- ^'ous com- — 556 — INTERNATIONAL 1913 prenez très bien que, dans ces conditions, ce cuir, qui est ainsi fraudé, grâce à cet usage frauduleux des extraits, ne peut pas avoir la même qualité que le cuir qui n'est pas chargé du tout. Il n'y a pas besoin, pour comprendre cela, d'être chimiste, technicien ou spécialiste, le bon sens suffit. La consommation s'en est aperçue depuis longtemps, les tanneurs aussi le savent bien. Si vous prenez les journaux de la tannerie, vous voyez toute une série de maisons qui vous offrent le tannage à Técorce de chêne pure. Une maison de Limoges dit : Ce que je vends, c'est du cuir tanné à l'écorce de chêne pure. Vous voyez quantité d'autres annonces du même genre, vous n'en voyez aucune qui dise : Cuir garanti tanné aux extraits {Applaudissements). Le consommateur recherche le cuir tanné à l'écorce de chêne, vous en avez déjà eu la preuve par les explications qui ont été données par le Rapporteur. En présence des abus auxquels donne lieu l'emploi des extraits tanniques, le consommateur demande le cuir tanné à l'écorce de cliêne, parce que, avec l'écorce de chêne, il y a moins d'abus. Tels sont. Messieurs, les motifs qui ont décidé la Société des Agri- culteurs, en février dernier, à déposer un vœu au sujet de la marque des cuirs tannés à l'écorce de chêne. Lorsque ce vœu a été connu dans la région méditerranéenne, et lorsqu'on a su les raisons qui avaient décidé de l'émettre, il y eut un mouvement d'opinion extrêmement puissant ; en l'espace de - quelques semaines, toutes les sociétés d'agriculteurs se sont prononcées, depuis les Alpes jusqu'à la Méditerranée. Cela indique l'état de misère dans lequel se trouvent toutes ces populations forestières du midi. Les Conseils Généraux du Gard et de l'Hérault ont spontanément émis des vœux conformes réclamant la marque des cuirs ; il y a même des groupements qui, dans une certaine mesure, ne sont pas des groupe- ments économiques, qui ont partagé l'émotion publique, par exemple le vœu de la section du Gard du Comité Républicain du Commerce et de l'Industrie. Mais, Messieurs, l'émotion a été surtout vive chez les grands proprié- taires de bois ; chez nous, les grands propriétaires, ce sont les Communes. En l'espace de quelques semaines, j'ai reçu les vœux d'une centaine de communes qui toutes protestent contre la fraude du cuir, deman- dant la répression de cette fraude et, comme sanction, réclamant la marque .'Ces communes sont extrêmement malheureuses; par exemple, le maire d'Anial, dans l'Hérault, m'envoyait le compte d'exploitation des bois communaux duquel il résulte que, bon an mal an, les bois communaux lui donnent un déficit variant entre 6.000 et 8.819 francs. Vous figurez-vous ce que c'est dans une commune rurale que 8.000 francs à inscrire en dépenses au budget communal? C'est une véritable contribution de guerre ! Combien ne ferait-on pas de choses utiles avec 8.000 francs par an qu'il faut verser ainsi comme rançon de la fraude? {Applaudissements). Vous comprenez l'émotion dans tous — 557 — CONGRES FORESTIER ces pays ; on a beau habiter dans un pays reculé, on ne peut pas s'em- pêcher de protester quand on est volé et qu'on sait quel est son voleur ! Je voudrais pouvoir vous lire les lettres indignées de quelques-uns de ces maires, laissez-moi vous en faire connaître seulement quelques lignes... M. LE Président. — Il y a certains mots... M. GosTE. — Je dis que quand frauduleusement on augmente le poids du cuir de 10 ou de 20 %, c'est un vol, et je prétends que c'est cette fraude qui cause la mévente. Je reviens à l'émotion qui s'est manifestée dans le pays, et je vais vous citer quelques lignes d'une lettre que m'écrivait le maire de la commune de Bagad, dans les Cévennes : « Nos intérêts ne peuvent rester plus longtemps méconnus. C'est un spec- tacle écœurant que de voirie pays se dépeupler, les maisons tomber en ruines, les jeunes gens obligés de s'expatrier pour essayer de gagner leur vie à la mine ou ailleurs. Voilà le résultat de la fraude. Le gouvernement ne peut laisser ainsi périr des populations fermement attachées à la France et à la Répiï- blique ! » J'ai reçu une centaine de ces lettres en quelques semaines, mais l'impulsion est tellement vive qu'avant deux mois, j'aurai l'opinion des 300 ou 400 communes de cette région, qui se trouvent intéressées par cette question de la mévente des cuirs. Nous ne nous sommes pas contentés de recueillir les vœux des producteurs, nous avons voulu connaître la manière de voir des consommateurs de cuir. Le Comité des forêts s'est chargé de ce rôle à Paris; nous, nous l'avons également assumé dans notre région. L'ini- tiative est venue du modeste syndicat agricole de Saint-Sébastien d'Aigre feuille. Dans cette commune, les 95 propriétaires de la com- mune ont signé une pétition pour demander la marque et la répres- sion de la fraude du cuir, et le syndicat agricole de la commune a pré- senté une proposition demandant également la marque des cuirs aux consommateurs de cuir de la grande ville industrielle voisine, la ville d'Alais. Voici le texte de cette proposition : « Les soussignés marchands de cuir, cordonniers, bourreliers, camionneurs, etc., etc., considérant la mauvaise qualité des cuirs vendus actuellement, demandent l'établissement d'une marque pour les cuirs tannés à l'écorce de chêne pure, et la répression des fraudes sur les cuirs ». Elle porte 200 signatures, parmi lesquelles je relève 33 cordonniers, et 4 marchands de cuirs. Cet exemple, nous allons le suivre, cette enquête, nous allons la con- tinuer, mais dès à présent, vous avez déjà entendu les arguments de la tannerie qui vient vous dire : « Les cuirs actuels sont très bons. » Ce n'est pas l'avis des consommateurs parisiens ni des consommateurs provinciaux. Je suis obligé de dire un mot du vœu des employeurs de cuir pari- — ."S-Sfi — INTERNATIONAL 1913 siens, puisque l'on a parlé du vœu de la Chambre syndicale des Chaus- sures, car c'est à moi-même, en effet, qu'a été adressé le va-u de cette Chambre. La Chambre syndicale nous a adressé un vœu qui a été publié sans y changer une lettre, et dans lequel elle demande, purement et simplement, l'établissement d'une marque et un règlement d'admi- nistration publique déterminant les conditions d'authenticité de cette marque. Ce vœu était accompagné d'une lettre dans laquelle on indiquait que la Chambre syndicale n'avait pas voulu suivre jus- qu'au bout le vœu qui avait été émis par la Société centrale d'Agri- culteurs du Gard qui demandait en outre la visite des tanneries ; mais il n'en est pas moins vrai que, sans aucune restriction, la Chambre syndicale de la Chaussure a demandé l'établissement d'une marque pour les cuirs tannés à l'écorce de chêne. Il y a eu également des vœux extrêmement significatifs qui ont été émis par la carros- serie, par la sellerie, par la bourrellerie, et ces vœux ont été accom- pagTiés de lettres qui sont aussi précises que possible. Par exemple, dans la délibération de la Chambre Synkicale des bourreliers-selliers, je lis : « En ce qui concerne la qualité du cuir, aous déclarons qu'elle est de beau- coup supérieure, lorsque la tannerie a employé l'écorce de chêne pure ». Voilà pour le consommateur. Maintenant, parlons un peu de la tannerie. Nous nous sommes demandé si nous ne pourrions pas trouver des concours dans le midi : nous en avons trouvé dans le centre et dans Je midi. Une grande partie de la tannerie soufîre, en effet, de la concur- rence déloyale qui est faite à son égard par la fraude ; les tanneries se plaignent, elles sont dans une situation difficile. Voici, par exemple, ce que m'écrivait dernièrement un tanneur du département de l'Hérault : « Nous comprenons toutes les difficultés que vous aurez à surmonter pour obtenir gain de cause dans la campagne que vous avez entreprise ; nombreux sont naturellement les tanneurs qui ne veulent rien entendre, et ce ne sont pas, malheureusement, les moins puissants ; néanmoins il ne faut pas désespérer, car il leur est impossible de nier en totalité que l'équité et la saine raison sont de votre côté. Comment un fabricant tanneur peut-il se refuser à apposer sur les cuirs de sa fabrication une marque légale attestant sous sa responsabilité la loyauté de sa fabrication? Ce refus nous semble bien difficile à justifier. Nous souhaitons donc vivement votre réussite... » Enfin, nous avons provoqué une enquête de la Chambre de Commerce de Béziers, qui est un arrondissement du département de l'Hérault où les tanneurs étaient autrefois nombreux et prospères et où la tan- nerie traverse une crise extrêmement grave. Nous avons été entendus par la Chambre de commerce de Béziers, et à ce sujet permettez-moi de vous citer ce détail : Le Président de la Commission était M. de Crosal, marchand tan- neur de la ville de Bézier ., vice-président de la Chambre de Commerce ; — 559 — CONGRES FORESTIER j'ai trouvé ce Monsieur en parfaite communion didées avec moi, et en discutant la question, je lui ai signalé cet argument de nos contra- dicteurs qui disent : Il est impossible d'accepter un contrôle quel- conque sur la tannerie, parce qu'il y a des tours de main dans cette industrie et ces Messieurs ne veulent pas qu'on y mette le nez. Je répondis, en me fondant sur l'ouvrage de Thuau, que je craignais fort que ces prétendus secrets ne fussent que les secrets de la fraude et des tours de main plus ou moins honnêtes. Et M. de Crosal ajouta : Sans aucun doute, dans notre métier^ il n''y a pas de secrets. Voilà cette déclaration dont je puis indiquer l'auteur, puisqu'il s'agissait là d'une enquête officielle. D'un jour à l'autre vous aurez un vœu de la Chambre de Commerce de Béziers qui viendra appuyer les vœux de Lure, de Saint-Omer et d'Auxerre. Donc, d'un côté, vous avez des tanneurs qui ne demandent qu'à travailler au grand jour, à la condition d'être protégés contre la fraude par la marque. Vous avez ensuite les consommateurs qui se plaignent de la mauvaise qualité des cuirs, et qui se plaignent en tout cas d'être trompés, parce que le fabricant de chaussures ou le bourrelier qui achète le cuir ne peut jamais savoir de quelle façon il a été tanné. Vous avez en outre une vaste région qui est menacée d'une dévasta- tion complète, 300.000 hectares de chêne vert vont disparaître dans quelques années... Plusieurs voix. — C'est dans la France entière ! M. Coste. — Enfin, d'un autre côté, vous avez purement et simplement une poignée 'de fraudeurs. {Très bien I) Eh bien, je ne comprends pas, que les tanneurs honnêtes puissent . s'opposer au contrôle que nous demandons, c'est-à-dire à la marque. Laissez-moi bien préciser ma pensée ; nous ne prétendons en aucune façon entraver l'industrie ; que les tanneurs qui préfèrent conserver secrets leurs procédés de fabrication, tannent comme bon leur semble, appliquent sur leurs cuirs la marque de leur maison à eux, ils ne seront soumis à aucun contrôle, personne n'aura le droit de voir ce qu'ils font chez eux, et par conséquent leur liberté ne sera atteinte en aucune façon. Le consommateur jugera. S'ils arrivent à faire de bons cuirs, il leur donnera la préférence, et vous me permettrez de dire à ce point de vue que très certainement, l'établissement d'une marque sur le cuir tanné à l'écorce de chêne augmentera la qualité du cuir tanné aux extraits. (Rires.) En effet, que voyons-nous? Que, depuis 25 ans que l'on pratique le cuir tanné aux extraits, ce cuir devient de plus en plus mauvais ; or on aurait eu le temps de le perfectionner. Si donc le tannage à l'extrait se trouvait à avoir à lutter avec un cuir portant une marque, il s'efforcerait de son côté de perfectionner son procédé pour le plus grand bien de tout le monde. Les extraits conserveront leur usage, car on peut toujours faire des extraits un usage judicieux. Ainsi, quand on a réprimé la fraude — 560 — INTERNATIONAL 1913 sur le beurre, est-ce que les fabriques de margarine ont été fermées? Nullement. Depuis 1897 que la loi sur la fraude existe, il y a des fabri- cants de margarine, ils se multiplient, ils prospèrent. Il y a une clien- tèle pour la margarine comme il y a une clientèle pour les extraits ; la répression de la fraude a eu pour résultat que le producteur vend son beurre un prix rémunérateur et que tout le monde peut vivre hono- rablement. Un Congressiste. — C'est vrai pour tout. M. CosTE. — Nous ne doutons pas que vous veniez appuyer notre vœu, et le vœu que vous émettrez sera pour nous d'un|secours puissant, mais, je ne me fais pas d'illusion à cet égard, il ne nous donnera pas la victoire, car nous avons affaire à des influences très puissantes qui, jusqu'à présent, ont dominé les pouvoirs publics. Nous continuerons cependant notre campagne avec énergie, non seulement dans le midi, mais avec le concours des Comités forestiers de toute la France ; nous continuerons la campagne dans la France entière, dans toutes les villes, dans toutes les communes, et nous ferons entendre des protestations de plus en plus énergiques. Nous ne nous arrêterons que lorsque nous aurons vaincu la fraude et que nous aurons fait établir la marque. {Applaudissements.) Ud Congressiste" — M. Placide Peltereau a dit tout à l'heure qu'il était extrêmement facile de distinguer les cuirs tannés à l'écorce de chêne de ceux tannés à l'extrait et qu'il ne s'expliquait pas pourquoi, dans ces conditions, on demandait une marque. Je lui demanderai à mon tour, puisque c'est si facile, comment il explique que les em- ployeurs de cuir, le Syndicat de la Chaussure, le Syndicat des Bourre- liers et des Selliers, etc., émettent le même vœu que nous. Il a dit que le cuir tanné avec un mélange d'écorces et d'extraits était meilleur que [le cuir tanné a de l'écorce de chêne pure ; je lui demanderai encore comment il se fait que ces mêmes employeurs de cuir, les cordonniers et les bourreliers, demandent aussi cette marque pour le tannage du cuir à l'écorce de chêne pure. Ensuite, M. Placide Peltereau nous a dit qu'il représentait ici toute la tannerie. M. Coste a discuté cette question, mais il doit y avoir ici des représentants de la tannerie et j'aurais été très heureux de voir des tanneurs à l'écorce, car il y en a aux environs de Paris, et nous aurions pu nous livrer à une discussion intéressante. M. Placide Peltereau. — J'en suis un. Le même Congressiste. — Il n'en est pas moins vrai que, nous aussi, nous avons interrogé des tanneurs ; M. Coste a interrogé des tanneurs du midi, nos amis qui habitent le centre ont interrogé des tanneurs du centre, moi j'ai interrogé des tanneurs de l'ouest ; or je peux vous affirmer qu'il y a de nombreux tanneurs de l'ouest qui ne s'opposent — .561 — CONGRES FORESTIER en aucune façon à l'exercice, et qui sont d'accord avec nous sur la plupart des vœux que nous formulons. M. Placide Peltereat'. — Je voudrais répondre un mot à l'honorable orateur en lui faisant remarquer que je n'ai pas dit que la qualité du cuir pouvait être appréciée par le consommateur ; j'ai dit qu'un tan- nage différent pouvait être apprécié par les acheteurs de cuirs tels que les industriels et les marchands de cuirs. En ce qui concerne les Fabricants de chaussures, je tiens à vous lire, pour en terminer, leur lettre : « Nous ne croyons pas, en effet, pouvoir vous suivre entièrement dans rinterdiction de l'emploi des extraits tanniqnes, qui, bien employés, ne sau- raient être nuisibles... « Syndicat Général des Cuirs et Peaux de France ». M. CosTE. — Seuls les tanneurs qui réclament la visite seront visités, et ceux-là seuls auront droit à la marque. M. HiRSCH. — J'ai quelques mots à répondre sur les objections formulées par M. Peltereau en particulier. Tout d'abord, je tiens à dire que si je n'ai pas parlé des cuirs chromés, c'est que les cuirs chromés ne sont pas du tout en question ici ; en effet,. les cuirs chromés se distinguent des autres cuirs. ■ J'ai interrogé de nombreux employeurs de cuir, des cordonniers, des bourreliers, j'en ai vu un en particulier dont le père était déjà cordonnier, et je crois qu'il doit déjà commencer à avoir la pratique du cuir ; or il m'a déclaré qu'il lui était impossible de faire cette dis- tinction. Au point de vue scientifique, j'ai demandé au Ministère de la Guerre si les dosages qui sont inscrits au cahier des charges étaient une garantie suffisante pour connaître l'origine des cuirs ; j'ai été obligé de recon- naître que ces Messieurs ne sont pas du tout sûrs d'avoir une garantie quelconque. A vrai dire, ils n'en ont aucune. Ce n'est pas parce que l'on fera d<'S analyses qu'on saura si des cuirs sont bons ou mauvais. J'ai à cet égard-là un petit livre de Jacomel qui traite un peu spécia- lement des analyses des cuirs ; il indique un grand nombre de méthodes, et il ajoute : « Le professeur Propter, dans un travail classique, a indiqué une série de réactions colorées qui aident à fixer l'origine d'un extrait tannique ; mais quelque soit l'intérêt de ces réactions, il convient de dire qu'elles deviennent incertaines dans les cas de mélanges, aujourd'hui très fréquents «. Je vous cite celui-là, je pourrais vous en citer vingt-cinq. Dans tous les livres, on n'a aucune certitude. Peut-être MM. les Chimistes arriveront-ils à trouver des méthodes meilleures, mais pour l'instant, à cet égard, je m'en rapporte à ce qui m'a été dit au Ministère de la Guerre ; les garanties qui sont ici ne signi- lient absolument rien au point de vue de la qualité des cuirs. Et je — 562 — INTERNATIONAL 1913 m'étonne, puisque le Syndicat des Cuirs et Peaux ne demande qu'à avoir la visite de ces Messieurs, je m'étonne qu'il ait mis tellement d'acharnement à refuser ces visites; car enfin, pour que la visite soit efficace de la part d'une Administration, il ne faut pas qu'on avertisse- Si on vient prévenir M. le Président du Syndicat des Cuirs et Peaux en lui disant: « Tel jour, nous irons visiter telle usine », M. le Prési- dent du Syndicat écrira évidemment à cette usine : « Je vous avise que vous recevrez la visite d'un contrôleur, recevez-le bien, je ne vous en dis pas davantage ». Je pense que le chef d'usine comprendra à demi-mot — et fera en sorte que la visite ne lui soit pas préjudi- ciable — ce qui est tout naturel. M. Placide Peltereau s'oppose, d'autre part, à ce que nous établis- sions une marque, et il dit qu'on devrait également la mettre sur les draps. Je dois dire tout d'abord que pour qui a un peu l'habitude du drap, il n'est pas besoin d'être très fort pour en reconnaître la qualité. Il y a des méthodes scientifiques pour arriver à reconnaître si les draps sont en laine ou non ; néanmoins, si on voulait une marque pour les draps, nous ne nous y opposerions pas. On a demandé des marques pour la margarine, cela a donné les meilleurs résultats ; nous demandons la même chose et je ne vois pas pourquoi on peut y faire opposition, puisqu'un certain nombre de tanneurs ; notam- ment M. Richard qui a écrit à la Chambre de Commerce d'Auxerre une lettre très caractéristique — déclarent que le tannage à l'écorce de chêne est le seul qui puisse donner de bons résultats. M. Placide Peltereau a objecté également que la qualité des chaus- sures actuellement était tout aussi bonne qu'autrefois ; je crois que votre opinion à cet égard est faite. Néanmoins, j'ai cherché de mon côté à savoir ce qu'il y avait de fondé dans l'opinion qui prévaut et qui est celle-ci : on peut dire universellement que les cuirs actuels ne valent pas ceux d'autrefois. J'ai donc demandé au Ministère de la Guerre s'il ne serait pas possible de me donner la statistique de la durée des chaussures d'autrefois, et de celle des chaussures de maintenant. On m'a répondu que ce n'était pas possible parce que les magasins des Corps ont un certain nombre de chaussures qui sont plus ou moins usagées, de sorte que toute statistique établie serait fausse. Dans ces conditions, je ne vois qu'un moyen de solutionner la question, et je pense qu'à ce sujet, M. le Président des Syndicats des Cuirs et Peaux s'y ralliera d'une façon complète : Nous pourrions demander au Ministre de la Guerre qu'il veuille bien choisir une unité quelconque et qu'il la chausse du pied droit par exemple avec des chaussures fabriquées en cuir tanné uniquement à l'écorce de chêne, et du pied gauche avec des chaussures fabriquées en cuir tanné uniquement aux extraits. (Rires.) Je suis convaincu que l'expérience sera pro- bante. Nous nous adresserons à un tanneur quelconque pour faire les chaussures du pied droit en cuir tanné à l'écorce de chêne. H. Jauffret. — Je demande que les tanneurs veuillent bien nousexpli- — .^63 — co>;gres forestier quer pourquoi ils s'opposent à la marque. Si les cuirs tannés aux extraits sont aussi bons que les autres, en quoi la marque les gênera-t-elle? M. Roy. — Les fabricants d'extraits tanniques vous demandent la permission de vous faire observer que l'extrait tannique contient tout simplement un produit tannant analogue à celui contenu dans l'écorce de chêne, mais de propriété particulière, parce que le tannin dans l'extrait est dépouillé, chez le fabricant préparateur, des matières colorantes et des matières basiques qui se trouvent dans l'écorce brute — tous impedimenta qui sont cause de l'action pernicieuse de l'écorce sur le cuir, lorsqu'elle est employée en jus fort. Le tanneur trouve dans l'extrait tannique, comparé à l'écorce, la supériorité que peut présenter un produit industrialisé sur un pro- duit brut, et il tire parti pour le mieux de sa fabrication de quelques réactions adéquates à ce genre de supériorité. Faut-il ajouter que l'antagonisme entre l'extrait et l'écorce n'existe que dans l'esprit des personnes peu versées dans les questions de tan- nerie et M. le Rapporteur lui-même vient de reconnaître qu'il considère comme utile l'adjonction de l'extrait à l'écorce. Ainsi nous sommes d'accord sur ce fait que les deux matières tan- nantes se complètent dans la technique courante de la tannerie fran- çaise et l'avenir nous réserve peut-être de revoir un jour les écorces seules dominer la tannerie. Mais ce jour-là — tout est possible — les écorces auront été pour partie à leur tour industrialisées comme matières premières pour la fabrication d'extraits tanniques. L'industrie des extraits tanniques est d'origine française ; elle s'est développée dans le monde entier. Elle a permis aux pays non producteurs de chêne et qui étaient tributaires surtout de la France, soit pour le cuir, soit pour l'écorce, de s'affranchir et de fabriquer eux- mêmes leurs cuirs. En résumé, c'est l'industrie des extraits qui a fait universelle l'in- dustrie des cuirs, qui a été le facteur le plus néfaste du commerce d'ex- . portation du cuir de France et qui, enfin, a unifié dans le monde entier, le cours des cuirs fabriqués. Comme conséquence de cette concurrence mondiale, aujourd'hui le fabricant de cuirs de France n'est plus libre de revenir à la technique onéreuse du tannage à l'écorce pure. Faut -il ajouter que le tannage mixte à l'écorce et aux extraits, encore généralement pratiqué en France, peut lui-même diftlcilement résister comme prix de revient au tannage à l'extrait pur pratiqué à l'étranger. Voici des preuves à l'appui : Les fabriques de chaussures françaises faisaient un commerce d'exportation en 1880 de 99 millions de francs ; elles ont fait en 1912, 10 millions. Par contre, les fabriques de chaussures étrangères importaient en France en 1880, 880.000 francs, elles ont importé en 1912, 25 millions. L'année dernière, la consommation mondiale des extraits tanniques — 564 — INTERNATIONAL 1913 a été, en faisant confusion des extraits secs et des extraits liquides, de 360.000 tonnes, en quantité suffisante à tanner son même poids de cuirs. Ce qui revient à dire qu'il est tanné dans l'univers entier, par le moyen des extraits tanniques — 100.000 kilos de cuir chaque jour. M. HiRSCH. — Je demande si le représentant des Syndicats des Cuirs et Peaux est disposé à accepter ce que j'ai proposé de demander au Ministère de la Guerre? M. Placide Peltereau. — Je n'ai jamais dit que les cuirs tannés àl'écorce de chêne pure n'étaient pas meilleurs que les cuirs tannés aux extraits seuls, je n'ai jamais dit cela et je ne le dirai pas ; j'ai dit simplement que nous enseignons dans nos écoles professionnelles un mélange judicieux des différents tanins. Je dis donc que si un cuir tanné exclusivement . à l'écorce de chêne est incontestablement meilleur que celui tanné exclusivement aux extraits, un cuir tanné avec un mélange judicieux, raisonnable, d'extraits de châtaigniers mélangés et d'écorce de chêne, est aussi bon qu'un cuir tanné à l'écorce de chêne pure. C'est pourquoi nous sommes opposés à la marque de l'écorce de chêne pure. M. HiRSCH. — 11 faudrait tout de même que nous sachions, nous, con- sommateurs, à quoi nous en tenir? Actuellement, nous n'avons que de mauvaises chaussures, nous demandons à payer le prix et à avoir de bonnes marchandises. Nous demandons à faire une expé- rience concluante entre le cuir tanné à l'écorce de chêne pure et le cuir tanné d'une façon mixte, comme vous l'indiquez. M. Placide Peltereau. — Vous êtes ici deux ou trois cents, si je compte bien, tandis que nous sommes un représentant de l'industrie du cuir, deux journalistes professionnels, et un fabricant d'extraits tanniques. Un Congressiste. — Et un tanneur. M. Placide Peltereau. — Nous sommes donc ici deux tanneurs; je ne prétends pas faire prendre une décision en ce moment sur une ques- tion aussi importante. Je ne pourrai que faire part de votre vœu à l'industrie du cuir et vous faire connaître sa réponse. M. Duchemin. — Je suis très frappé de ce que faisait observer tout à l'heure le Président des Syndicats des Cuirs et Peaux. Il est évident que la mauvaise qualité des cuirs en France provient d'une concurrence et d'une situation économique, mais d'un autre côté, je conçois parfaite- ment que l'Etat ait peur pour ses adjudications militaires, et que le consommateur, qui veut payer cher et avoir quelque chose de bon, puisse exiger une marque. Je pose donc simplement cette question à l'honorable représentant des cuirs : Comment, si vous considérez que — 565 — CONGRES FORESTIER le cuir fait avec un mélange judicieux d'extraits est meilleur que le cuir fait avec l'écorce de chêne pure, comment refusez-vous la marque qui, forcément, n'indiquera la qualité que pour le consommateur qui paiera très cher. Je conçois qu'un industriel puisse voir avec regret l'introduction d'agents de l'État dans son usine, c'est toujours horriblement désa- gréable, mais d'un autre côté, on doit reconnaître que lorsque l'analyse ne permet pas de déclarer la qualité d'un cuir, il n'y a qu'un moyen d'avoir un contrôle sérieux, c'est l'exercice. M. Deveze. — J'ai écouté les différents orateurs qui se sont succédé à cette tribune, et je les ai écoutés au point de vue parlementaire ; je veux vous demander la permission de vous dire à quelle conclu- sion je suis arrivé. Je pense que cela doit avoir son intérêt, car les ques- tions que vous discutez devront avoir une répercussion au Parlement. Vous demandez des garanties pour les cuirs qui sont tannés à l'écorce ; ces garanties vous ne les aurez que si le Parlement les ordonne et si le Gouvernement les prescrit. Eh bien, il m'a semblé que l'équi- voque n'était pas aussi grande que cela. M. le président des Syndicats des Tanneurs reconnaissait tout à l'heure que les cuirs qui sont tannés à l'écorce sont supérieurs à ceux qui sont tannés avec des produits chimiques ; il ajoutait qu'il ne pouvait pas prendre un engagement quelconque au nom du Syndicat. Mais il est peut-être possible de trouver des conclusions sur lesquelles tout le monde est d'accord. Je ne veux pas discuter sur les statistiques qui ont été apportées ici, je voudrais aller plus loin ; en admettant que les cuirs tannés à l'écorce ne valussent pas plus que ceux qui sont tannés d'une autre manière, il reste une question sur laquelle, je crois, tout le monde soit d'accord et qui est celle-ci : Les cuirs qui sont tannés à l'écorce ont une répercussion dans l'Agriculture, et certes, si on ne peut plus utiliser l'écorce pour cela, ce seront les forêts qui disparaî- tront. Si vous vous placez à ce point de vue, il ne sera pas possibl*^ de trouver d'opposants. Quand on placera devant la Chambre des Députés l'intérêt dou- teux de quelques industriels, puisqu'ils reconnaissent eux-mêmes que le tannage à l'écorce est bien supérieur, quand on placera devant la Chambre, dis-je, l'intérêt douteux de quelques industriels et l'in- térêt non douteux des agriculteurs et des forestiers, la Chambre des Députés ne pourra pas hésiter, de môme qu^elle n'a pas pu hésiter quand on a mis en sa présence les intérêts des industriels de la mar- garine et les intérêts des paysans qui font le beurre, de même qu'elle ne pourra pas hésiter dans quelque temps d'ici entre les intérêts de quelques industriels qui font de la soie artificielle et les intérêts des éleveurs de vers à soie qui font de la véritable soie avec des vers. \'oilà les quelques opinions qui m'ont été suggérées par les arguments qui ont été posés ici. Eh bien ! je vois dans la réunion quehjues-uns de nos collègues — 566 — INTEKNVTIONAL 1913 qui représentent commi' moi des circonscriptions agricoles forestières, je suis convaincu que tout leur concours sera apporté au vœu qui va être émis tout à l'heure, car je vois bien quelle est l'opinion de l'Assem- blée, en tout cas, au vœu de ceux qui s'intéressent aux écorces et par conséquent au maintien de nos forêts dans nos pays. M. Barbier. — C'est la première fois, monsieur Placide Peltereau, que j'ai l'honneur de vous rencontrer. Nous avons déjà croisé le fer sans nous connaître ; enfin nous voici face à face ; ce sera, je l'espère, très courtois. Vous avez bien voulu dire que vous aviez l'honneur de représenter ici 22 syndicats de la Tannerie française ; j'ai l'honneur de représenter devant vous les 50 et quelques syndicats de la Fédé- ration du Commerce des Bois de France et ses milliers de membres que vous avez décoré du nom de marchands d'écorces. Eh bien oui, nous sommes des marchands d'écorces, marchands de tout ce que produit la forêt ; c'est notre honneur, peu souvent notre profit ; mais j'arrive à mon sujet. La Chambre de commerce d'Auxerre, à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, vient d'émettre un vœu très considérable, suivant en cela, la déclaration d'un de ses membres les plus distingués, dont le nom est M. Richard, tanneur à Joigny, qui a fait dans la tannerie une carrière des plus honorables et des plus considérables. M. Richard a déclaré que le tannage aux extraits était particulièrement dangereux pour l'acheteur de cuirs, parce que celui-ci, vous l'avez déjà dit, ne sait pas le reconnaître. L'analyse, "a dit M. Peltereau, suffit. M. h Rapporteur a répondu avec des textes : Elle ne suffit pas. ' Vous venez discuter la technique de notre métier. Oui, mais nous la discutons avec vos propres arguments et les articles de vos jour- naux. L'honorable M. Coste, tout à l'heure, a pu faire une partie de son brillant discours par la lecture de La Halle aux Cuirs; j'ai devant moi la Bourse aux Cuirs de Tournai, journal belge. Ce journal expose qu'on a envoyé à quinze chimistes spécialisés dans l'industrie du cuir des échantillons de cuir tanné, pris avec un soin remarquable là où il y a toujours un dosage assez égal; dix se sont refusés à faire l'ana- lyse; les cinq autres l'ont faite et leurs résultats varient avec des écarts de 10 à 50 %. Si c'est cette analyse-là à laquelle vous vous référez, nous la considérons comme nulle et non avenue ! Vous avez dit, Monsieur Placide Peltereau, que la qualité du cuir était bonne, votre argument avance ; si vous l'émettiez dans vingt ans d'ici, peut-être irait-on chercher des textes comme nous venons d'être dans la nécessité de le faire ; mais nous sommes d'un âge qui nous a permis de connaître l'ancien et lé nouveau cuir ; vous êtes devant des juges qui ont eu de bonnes chaussures et qui n'en ont plus que de détestables ; vous avez provoqué tout à l'heure leurs unanimes protestations. Je vais plus loin, et si je prononce quelques paroles un peu vives, je — 567 — CONGRES FORESTIER les retire d'avance ; j'estime et je déclare que la hausse formidable du cuir a son origine dans les procédés iiéfastes de la tannerie ; je pré- tends que ce cuir, gaspillé par les méthodes de fabrication, ce cuir qui ne fait plus qu'un usage de quelques mois, qui est d'une production limitée, ce cuir, vous le gaspillez dans vos usines. D'ailleurs, les quelques marchands d'écorces que nous sommes, viendront, quand vous voudrez, discuter la question avec vous; mais d'avance, je vous prierai de vous mettre d'accord avec les consom- mateurs; tous ceux qu'on a cités ici sont contre vous et vous n'avez pas apporté un seul témoignage en votre faveur. Vous avez dit : « Je voudrais bien voir. Messieurs les Forestiers, s'il était question d'introduire chez vous l'exercice, ce que vous feriez ! » L'exercice chez nous existe : nous fabriquons des poteaux télégra- phiques pour le compte de l'Etat et, de jour et de nuit, à toute heure et sans préavis, on vient vérifier nos chantiers. J'ajoute qu'on a tout à fait raison et qu'aucun État au monde, sauf peut-être la Chine ou la Turquie, n'achète un produit sans le contrôler. Je constate que la visite amiable dont parlait tout à l'heur'e M. Placide Peltereau, ainsi que l'a relevé M. Hirsch, ne signifie rien, est un trompe-l'œil, une duperie. J'ajoute avec vos textes, que si, avec la loyauté qui vous caractérise, vous venez dire : « Nous n'avons jamais fermé nos usines à la visite », ceux quisont derrière vous ou qui vous suivent écrivent dans vos journaux que ces visites, même amiables, sont intolérables et qu'il est temps que cela cesse. J'entends maintenant reprendre l'exposé de la Chambre de Com- merce d'Auxerre, disant : , , * « Enfin, comme après fabrication, les cuirs à récorce et les cuirs à l'extrait ne peuvent se distinguer, sauf par l'usage, demandons que les tanneries pro- duisant des cuirs destinés à être fournis aux Ministères de la Guerre et de la Marine, selon les conditions du Cahier des Charges, soient soumises à la visite des agents du contrôle de l'État. La tannerie s'élève contre ce qu'elle appelle des mesures vexatoires et se réclame de la liberté. Vaines déclamations... « La fabrication de toutes les fournitures à livrer à l'État est partout con- trôlée dans les usines niènies". C'est sous ce régime que vivent tous ses fournis- seurs qui s'appellent : industries métallurgiques, conserves alimentaires, ciments, draps militaires, poteaux télégraphiques, etc.. « Toutes ces industries trouvent ime précieuse référence et une source réelle de crédit, du fait du contrôle par l'État. Il ne peut d'ailleurs être question d'exposer ici une industrie à la concurrence étrangère, puiscjue les cuirs Uvrés à l'Armée doivent être de provenance française. D'ailleurs, la tannerie a-t-elle des droits supérieurs à ceux des autres industries? Va-t-elle prétexter que ses usines sont inviolables, aloVs que toutes. les autres ouvrent leurs portes au contrôle ? Peut-elle, à priori, prétendre à un privilège exclusif? Le peut-elle surtout, étant donné la situation ci-dessus exposée? L'État aurait-il deux poids et deux mesures? Exactitude et bonne gestion d'un côté, abandon et laisser-aller de l'autre? Ce serait désastreux. « Ce que l'État exige partout, ce qu'il impose à la Guerre pour toutes ses autres fournitures, pourquoi ne pas l'exiger pour les cuirs? En outre de la défense du budget, il s'agit ici de la Défense nationale. » Et sur ce point, je remercie notre confrère appartenant au Minis- — 568 — INTERNATIONAL 1913 tère de la Marine d'avoir bien voulu dire tout à l'heure, en opposition avec M. Peltereau, que la Marine avait devancé la Guerre en impo- sant la visite des tanneries, affirmant ainsi que l'analyse est inopé- rante. Nous espérons que la Guerre suivra. Vous avez dit, Messieurs, qu'il fallait défendre la forêt ; il faut la défendre et avec elle tous ses auxiliaires, car les quelques milliers de marchands d'écorces que nous sommes ont derrière eux des centaines de mille bûcherons, c'est-à-dire des ruraux, des petits cultivateurs, auxquels s'imposera un dur chômage de près de deux mois par an. Si le travail d'écorçage est supprimé, qu'allez-vous leur donner à faire pendant ces deux mois-là? Il faudra leur dire d'aller, eux aussi, à la grande ville. Voilà la solution. Il est un dernier mot que je tiens à relever, car je crois qu'il n'a été repris par personne ici; M. Placide Peltereau a dit : « Nous ne pouvions pas admettre que l'Administration visitât nos tanneries, parce que nous ne sommes pas parties contractantes ». En un mot, ceux qui livrent le cuir à l'État, ce sont les fournisseurs d'équipe- ments militaires; ils peuvent le produire eux-mêmes, mais généra- lement ce sont les ^tanneurs qui le produisent sans fournir directe- ment. L'objection n'est que spécieuse et je prends mon exemple dans la métallurgie. Les affûts de canons sont composés de métaux différents : acier, laiton, etc. ; les fournisseurs qui amènent l'affût à la réception ne se contentent pas de dire comme M. Placide Peltereau pense que cela suffit : « Voilà les affûts, prenez-les, voyez s'ils sont bons, la partie contractante c'est nous, et cela ne regarde que nous. » Je vous demande pardon ! L'État est allé visiter. la fabrication des aciers, des laitons, etc., chez tous ceux qui n'étaient pas parties contractantes et il a tout vérifié avant l'assemblage ; l'État ne doit pas être trompé. M. HiRSCH. — Ce que nous demandons surtout est d'introduire un peu de décision dans les cahiers de charges de l'Administration. Il n'est pas nécessaire de fournir un texte extrêmement large, il faut que nous soyons précis. Nous demandons d'abord de sauver les forêts de taillis, nous sommes en droit de le demander à l'État, et par con- séquent, c'est sur ce point là que nous demandons de maintenir le tannage à l'écorce de chêne pure. La clôture de la discussion, mise aux voix, est gidoptée. M. LE Président. — En ce qui concerne le premier vœu, nous sommes saisis d'un amendement de M. Guillot, amendement qui est ainsi conçu : » Que toutes les Administrations publiques achetant des produits en cuirs et peaux inscrivent dans leur cahier de charges une clause à V effet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés avec les meilleurs produits fournis par nos bois, au besoin couverts par des marques et — 569 — CONGRES FORESTIER réalisanl des conditions de réception sii/Jîsatntnent sévères pour offrir toutes garanties. » Je mets cet amendement aux voix. L'amendement est repoussé à une grande majorité. Nous passons au vote sur le premier vœu du Rapporteur : « Que toutes les Administrations publiques achetant des produits en cuirs et peaux inscrivent dans leur cahier des charges une clause à Veffet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pure, à V exclusion de tout autre ingrédient tannifère, et prennent des dispositions strictes et sévères pour surveiller directement V application de cette clause. » Adopté. Deuxième vœu : « Que les pouvoirs publics, pour réprimer toute fraude et protéger le public consommateur, instituent une marque légale qui sera apposée sur tous les cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pure. » Adopté. Deux voix contre. Troisième vœu : « Que les Compagnies de chemins de fer consentent V application de tarifs de faveur très bas pour le transport des écorces à tan, et prennent toutes dispositions en vue d'assurer ce transport dans les meilleures conditions. » Amendement de M. Guillot : « Que les Compagnies de Chemins de fer consentent Vapplication de tarifs de faveur très bas pour le transport des matières premières ligneuses indigènes utilisées par V industrie de la tannerie, et prennent toutes les dispositions en vue d'assurer ce transport dans les meilleures conditions. » M- Guillot. — On ne peut pas refuser aux autres produits de bois français le même traitement que celui qui est fait pour les écorces. M. HiRscH. — Il ne s'agit pas du tout de refuser des tarifs de faveur à une autre branche, il s'agit d'émettre un vœu favorable à l'écorce, pour sauvegarder l'écorce. Nous n'avons pas à émettre un vœu qui soit contraire aux intérêts de qui que ce soit. M. LE Président. — Je mets aux voix l'amendement de M. Guillot. Cet amendement est repoussé à une grande majorité. M. LE Président. — ■ Je mets aux voix le vœu de .M. le Rapporteur. Adopté à l'unanimité. La séance est levée à 11 h. 35. — 570 — INTERNATIONAL 1913 SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. POUPINEL, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 35. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la lecture des rapports de M. Duchemin, sur I'Industrie des résines et la Carbonisation DES bois en vases CLOS. Le premier de ces rapports ne comportent pas de vœux, nous prions M. Duchemin de nous donner lecture de son travail sur les deux questions avant de passer à la discussion. M. Duchemin. ^ — U industrie des résines en France. — En France, l'industrie des résines est surtout localisée dans les départements de la Gironde, des Landes et du Lot-et-Garonne, où elle traite le pin maritime [Piniis Pinaster). Elle consiste : 1° A recueillir la gemme qui exude des entailles pratiquées sur les arbres ; 2o A purifier cette gemme ; 3° A retirer de la gemme ses différents constituants. Etudions successivement ces différents stades de la fabrication. La gemme fournie par les conifères provient des canaux résinifères (;emmage. logés dans le bois de la tige. Lorsqu'on pratique une incision {quarre), dont la forme et l'importance varient suivant la nature des arbres, sur un conifère, la gemme afflue sur les bords de l'entaille. Elle était autrefois recueillie par le procédé au crot. Aujourd'hui le procédé Hugues est presque partout adopté. L'opération du gemmage donne lieu : a) Soit au gemmage- épuisement du pin d'éclaircie pratiqué de la 15^ jusqu'à la 35^ année; b) Soit au gemmage à vie qui se poursuit pendant 40 à 55 ans ; c) Soit au gemmage- épuisement préalable à la coupe rase, appliqué de 55 à 6(3 ans ; d) Soit au gemmage à mort. La gemme du pin maritime est liquide et transparente lorsqu'elle romposition de vient d'être recueillie, mais se trouble et devient laiteuse sous l'influence '" ""•^"""''• de l'oxygène de l'air. — 571 — CONGRES FORESTIER Traitement oemmcs Traitement de térébeniine Traiteuieut colophanes, (les Sa composition moyenne est la suivante (1) : Essence 20 Produits secs 70 Eau 10 Impuretés (sables, copeaux, etc.). . » 100 % Les gemmes, soumises à l'action de la chaleur dans des chaudières de formes diverses, se fluidifient et se séparent en plusieurs couches : A la surface : les impuretés, telles que copeaux, écorces, etc., qui pren- nent le nom de griches. Au-dessous : une couche de térébenthine. Au fond : de l'eau et un dépôt d'impuretés solides (sables, terre, etc.), qu'on désigne sous le nom de grep. Les résidus ainsi obtenus sont débarrassés des produits résineux qui les imprègnent par chauffage à la vapeur. On peut aussi les traiter dans un four en maçonnerie d'où le goudron^ la poix ou brai gras, s'échappent par la partie inférieure. La térébenthine brute obtenue par la fusion tranquille de la gemme ci-dessus indiquée ou la gemme elle-même est redistillée en vue de : 1° La séparation de l'eau et de Vessence. 2° L'obtention d'un produit résiduel qui, par solidification, constitue la colophane ou le brai suivant son degré de coloration. L'opération se pratique soit à feu nu, soit à la vapeur. C'est la distil- lation à la vapeur qui est maintenant la plus répandue et l'on rencontre, dans les usines landaises, les principaux systèmes suivants : 10 Appareils Col ; 2» — Violette; 30 — Dalbouze ; 4*^ — Germox ; 5° — Dorian . Les produits obtenus par la distillation sont successivement les sui- vants : a) Gaz incondensables ; b) Eau; c) Eau et essence ; d) Essence ; e) Colophane. L'essence de térébenthine trouve ses principaux emplois dans la fabrication des vernis et la préparation des peintures. Sa consommation comme matière première du camphre artificiel, après avoir été assez im- portante, a considérablement diminué depuis le jour où la baisse du camphre naturel a rendu impossible la fabrication du produit artificiel. Les colophanes provenant de la distillation de la gemme sont dési- gnées sous des noms variés suivant leur coloration. On distingue notamment : La colophane : jaune pâle. Le brai clair : jaune. Le brai noir : brun ou noir. (1) L'Industrie des Résines, (E. Rabaté Masson et (V" 572 INTERNATIONAL 1913 • A la sortie des alambics les colophanes sont filtrées, afin d'en séparer les impuretés, puis moulées — soit dans des moules en sable, soit dans des barriques, soit dans des formes en tôle, — avant leur livraison au commerce. Les colophanes sont principalement utilisées dans la papeterie, la savonnerie et les fabriques de vernis. Par distillation de la colophane ou du brai, en présence de chaux, on Huiles de résin. obtient successivement : 10 % de gaz incondensables et de résidus charbonneux. 5 % de produits acides (acide acétique, etc.). 3 à 5 % d'essence vive. 60 % d'huiles brunes et blondes. 20 % d'huiles vertes. Ces différentes huiles, dont l'emploi est d'ailleurs très réduit, sont clarifiées, désodorisées et neutralisées avant d'être employées au grais- sage des essieux, à la fabrication des encres typographiques, à l'injec tien des bois, etc. Les différents stades de la fabrication que nous venons de men- tionner brièvement peuvent être résumés comme suit en un tableau : i Essence de térébenthine. G.™™ brute ) Colophane \ ^Ï^Uts et blondes. ^^^^ Huiles vertes. / Depuis ces dernières années, on pratique à l'étranger, et en particulier i>istiiiati(iii mé- aux Etats-Unis, des distillations ménagées en vue d'en extraire l'essence, de'"p^n. sans cependant pousser cette opération jusqu'à la production du charbon de bois. On retire des appareils du bois dérésinifié qui serait, dit-on, parti- culièrement propre à la fabrication des meubles en bois blanc. Nous ne croyons pas que ce procédé ait reçu encore d'applications en France. En dehors de'fe produits dont nous venons de résumer la fabrication, carbonisation le pin maritime sert également de matière première à la préparation de 6^ meuYeT'et goudrons et de charbons de bois. «« '^ases rios. Cette fabrication, qui met en œuvre des bois d'élagage et des souches, est pratiquée, soit en meules, suivant les procédés connus, soit encore, depuis ces dernières années, dans des cornues mobiles transportées sur le parterre des coupes, en application d'un brevet de M. de Vallandé (1). Ce procédé permet d'obtenir du charbon de bois, du goudron clair, dit de Suède ainsi que de l'acide pyroligneux et de l'huile de pin extraite au moyen d'un récipient florentin placé à la sortie des produits condensés. L'appareil de M. de Vallandé se compose de deux cornues placées sur un train de roues, chauffées méthodiquement par un foyer à carneaux échelonnés de façon à obtenir des produits lourds au point bas des cornues (1) Brevet français n» 359.944, 29 novembre 1905. — 573 — CONGRES FORESTIER et au sommet des vapeurs qui se condensent dans un serpentin et des gaz qui se rendent au foyer. Ce foyer est disposé pour brûler des brindilles à la mise en train et pour chauffer en même temps une chaudière dont la vapeur sert à produire un chauffage initial et un refroidissement final du contenu de la cornue. En 1907-1908, il a été traité en forêt, par ce procédé, 16.000 stères de branches. DOCUMENTS STATISTIQUES Nombre des usines 180. Surfaces boisées intéressées : environ 1.000.000 d hectares se répartis- sant comme suit ; j Gironde ' Landes 1 Gironde I Landes ( Lot-et-Garonne. l Gironde Proprittés privées < Landes ( Lot-et-Garonne. Propriétés de l'État Propriétés des communes. 29.526 hectares 26.537 — 24.874 — 96.119 — 1.873 — 307.234 — 440.112 — 74.291 — Soit au total 1.000.566 hectares TONNAGES FABRIQUÉS Essence de térébenthine : 20 à 23.000 kilos. Brais et colophanes : 75 à 80 000.000 kilos. EXPORTATION Essence de térébonthine : environ 10.000.000 de kilos, Colophanes et brais : environ 50 à 60.000.000 de kilos. COURS MOYEN DE LA TÉRÉBENTHINE DE 1906 A 1913 1906 1907 1908 1909 1910 1911 1912 1913 Janvier Juillet Décembre .... 116 fr. 85 )) 102 » 107 fr. 96 >> 67 « 70 fr. 60 » 58 ). 60 fr. 70 « 87 » 95 fr. 100 .) 115 .. 122 fr. 80 » 80 » 85 fr. 60 » 60 » 65 fr. Les brais et les colophanes n'ont pas de marché officiel. Ces produits ont subi une hausse importante ces dernières années et valent, actuellement, en moyenne de 30 à 40 francs les 100 kilos. Je ne vous dirai rien du gommage et de l'extraction de la résine, de l'industrie des essences, puisque les industriels qui traitent la téré- benthine n'ont aucun vœu à formuler. Ils sont donc satisfaits de l'état do leur industrie et désirent sans doute qu'on no parle pas d'eux. INTERNATIONAL 1913 Je continuerai donc par la lecture de mon rapport sur la Carbonisa- tion DES BOIS EN VASES CLOS. Pour être complète, une étude sur la distillation des bois en vases ^ ''',,„'",',',' J'/",?" clos devrait comporter un véritable volume ; le comité d'organisation FranL DE Larnage. — Ils n'ont pas tous été définis, mais une grande partie le sont. M. Grand. — Depuis deux ans, nous réclamons ce décret. Nous avons passé par bien des difficultés et au dernier moment, alors que le décret allait paraître, et que rien ne pouvait justifier un nouveau retard, de nouvelles difficultés ont surgi. Nous avons combattu cette essence provenant de la distillation du bois. Nous avons obtenu, en octobre dernier, un jugement du tribunal de la Seine, portant condamnation et disant que le mot essence de térébenthine était réservé à la distillation de la gemme, de la résine, du suc oléo-résineux, comme il est dit dans les définitions officielles. Nous avons cru qu'il n'y aurait plus de difficultés sur ce point ; mais au dernier moment, à la suite d'interventions dont nous n'avons pas — 586 — INTERNATIONAL 1913 très bien démêlé l'origine, on prétendit introduire dans le décret qui va paraître, à la suite des mots « U essence de térébenthine est le produil exclusif des sucs oléagineux », les mots « et des bois qui les contiennent », ce qui permettrait de vendre sous le nom d'essence de térébenthine, non plus le produit exclusif de la distillation de la résine, mais le produit de la distillation du bois. Ceci est inadmissible parce que c'est illégal Nous connaissons tous la loi sur la répression des fraudes qui a donné au Conseil d'Etat le droit de préparer des décrets, et au Président de la République, le pouvoir de les signer, réglementant, non pas d'une façon arbitraire, mais d'une façon prévue par la loi, ce qu'il y aurait à en dire, c'est- à-dire de définir des produits déjà existants. Or, le produit de la dis- tillation du bois en France n'existe pas, et on nous faisait remarquer tout à l'heure que c'est un procédé nouveau. Je ne crois pas qu'il ait été mis sérieusement en application en France et n'a, par suite, pas donné lieu à un courant d'échanges commerciaux sérieux dans notre pays. , . 1 n • il me semble difficile, en droit, que le Conseil d'Etat puisse dehnir selon les usages commerciaux un produit qui n'a pas encore été dans le commerce et n'y est pas encore actuellement. En outre, il parait inadmissible de se servir d'un mot qui désigne un produit bien défini, existant, pour l'appliquer à une production qui n'est pas du tout la même. C'est pour cela. Messieurs, que je suis très heureux de demander au Congrès de voter le vœu qui vient d'être proposé, mais de le modifier un peu, car notre collègue ne connaissait pas la genèse du décret portant règlement d'administration publique que nous réclamons. On nous a dit, il y a quelques jours, que nous aurions ce décret, mais avec les mots : « distillation de la résine ou du bois ». Nous n'en avons pas voulu. Nous avons fait pour cette raison une demande d'audience au Conseil d'État pour être entendus sur la question. Nous conférerons demain matin sur la question au Conseil d'État. Ce serait une bonne fortune pour nous si nous pouvions nous présenter avec un voeu du Congrès. Ce vœu pourrait être ainsi conçu : « Que le décret portant règlement d'administration publique destiné à définir V essence de térébenthine en vertu de V article ii de la Loi du !«■ août 1905, prévoie uniquement sous ce nom le produit exclusif de la distillation des sucs oléo-résineux tirés par le gemmage d'arbres rési- neux, à Vexclusion de la distillation, même aqueuse, des bois qui les contiennent. » Ce texte nous donnerait complète satisfaction. Notre collègue, M. Larroquette, disait tout à l'heure qu'il deman- dait l'application rigoureuse de la Loi de 1905. Je crois que ce n'esL pas nécessaire. La Loi de 1905 s'applique à l'essence de térébenthine, à tel point que nouj> avons obtenu des condamnations en vertu do — 587 — CONGRES FORESTIER cette loi. Ce qu'il faut dire, c'est qu'en matière de fraudes, les Parquets sont souvent très mous. Comme l'analyse est difficile, beaucoup de fraudes constatées finissent par passer par les mailles et ne sont pas poursuivies d'une manière définitive. Ce n'est pas la faute de la loi. Il y aurait lieu tout simplement de demander que les prélèvements faits par le service des fraudes sur l'essence de térébenthine soient plus nombreux et plus abondants. En réalité, ils ne le sont pas. Les agents du service des fraudes doivent justifier auprès de leur service des prélèvements qu'ils ont faits. 11 est certain qu'ils préfèrent opérer de petits prélèvements qui ne sont pas embarrassants. Pour l'essence de térébenthine, ils doivent prélever quatre échantillons d'un demi-litre chacun, de sorte qu'ils n'aiment pas à faire ces prélèvements. Nous ne pouvons pas nous arrêter à des raisons de cet ordre, et c'est pour cela qu'il serait bon de préciser dans un vœu notre désir, non pas de voir la loi plus rigoureusement appliquée, mais plutôt de voir prélever des échantillons plus copieux et en plus grand nombre par le service des fraudes. M. DrcHEMiN. — Je me demande s'il ne faudrait pas préciser votre vœu, au point de vue de la désignation de la qualité de l'essence. Si demain. par un procédé quelconque, on arrive à extraire par distillation, la térébenthine ayant absolument la même composition que l'essence provenant de la distillation des gemmes — cela peut très bien se produire — la concurrence pourrait vous retomber sur le nez, passez- moi l'expression. Ne faudrait-il pas demander que la désignation faite par le service des répressions de la fraude, s'applique bien à l'essence -de térében- thine telle qu'elle est obtenue par la distillation des gemmes? Sans parler aujourd'hui de la distillation d'autres choses. M. Grand. — Il y aurait danger à le faire, parce qu'il y a un contre- projet qui porte justement ces mots : « la distillation des sucs oléo- résineux ou des bois qui les contiennent » mots que nous voulons faire rejeter. M. DrcHEMiN. — Je crains qu'on vous dise, dans les services techniques des fraudes, qu'il n'est pas impossible d'extraire de l'essence de téré- benthine, ayant la même composition, d'autres produits. Cela peut très bien se produire. Ne craindriez-vous pas une confusion? M. Grand . — Je crois. Messieurs, qu'il serait abusif que le Conseil d'Etat entrât dans ces détails. Il doit s'en tenir aux produits existants. M. DrcHEMiN. — Il faut demander quelque chose qui ne vienne pas à rencontre d'une jurisprudence acquise. M. DE Larnage. — En ajoutant un mot, on mettrait tout le monde — .588 — INTERNATIONAL 1013 d'accord. Je voudrais bien, M. le Président, que nos collègues sachent que ce ne sont pas nos intérêts industriels qui nous font agir. M. LE Président. — Ou aurait pu ajouter tout simplement : < Et inter- disant la vente de tout article qui ne serait pas le produit exclusif de la distillation du bois. » M DE L^RNAGE. - Lorsqu'il y a baisse de l'essence de térébenthine, • il y a afflux de poteaux de mine, c'est-à-dire des débris de la forêt sur les trois ports d'embarquement de Bayonne, du Boucau et de Bordeaux. S'il y avait diminution considérable des ressources de la gemme, il y aurait forcément déforestation de ces régions qu'on a mis si longtemps à planter et que nous avons tous intérêt, tant comme forestiers que comme membres du Touring-Club, à maintenir pour la plus grande utilité des échanges. M. LE Président. — Nous pouvons unir les deux vo^ux. Nous prendrons la première partie du vœu de M. Larroquette et nous y joindrons les deux autres parties qui ont fait l'objet de la discussion, c'est-à-dire celle qui est relative à la définition de l'essence de térébenthine et celle qui concerne les prélèvements. Le Congrès, Considérant que la fraude sur V essence de térébenthine est de nature à porter le plus grand préjudice à la propriété et à V industrie des régions productrices^ Émet le vœu : « Que le décret portant règlement cP administration publique, destiné à définir V essence de térébenthine en vertu de V article 11 delà Loi du 1er août 1905, prévoie uniquement sous ce nom le produit exclusif de la distillation des sucs oléo-résineux tirés par le gemmage d'arbres résineux à Vexclusion de la distillation, même aqueuse, des bois qui ' les contiennent. « Que le nombre des prélèvements faits par le service des fraudes sur V essence de térébenthine soit augmenté dans de larges proportions. Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — J'ai à vous donner connaissance d'une communi- cation de M. Chancerel, relative à l'extraction de la résine des tissus des pins dans la fabrication des pâtes à papier. M. Chancerel signale l'intérêt qu'il y aurait, au point de vue de la prospérité économique des régions où les forêts résineuses sont abon- dantes, à trou/er un moyen pratique et économique d'utiliser les bois des pins, en les débarrassant de leur résine, pour la fabrication de la pâte à papier. — .589 — COISGRES FORESTIER Deux méthodes principales se présentent : l'une consiste à dissoudre la résine, l'autre à la neutraliser. Comme dissolvants, M. Cliancerel après avoir éliminé, pour des motifs de prix ou des difficultés de manipulation, l'alcool ordinaire, CS2, et CGL4, retient l'alcool dénaturé. Pour la neutralisation, après avoir entraîné l'essence de térében- thine par la vapeur d'eau, on neutralise par une lessive de soude. Il s'agit là d'une simple communication qui ne demande aucune sanction de notre part. Nous avons à entendre maintenant la lecture d'une communication d'un de nos collègues japonais ici présent, M. Shozaburo Mi.mura, délégué japonais. Un Congressiste. — Je demande à M. le Président de vouloir bien donner lui-même lecture de cette communication. M. LE Président. — Très volontiers. Voici : Au sujet de mes expériences sur des produits accessoires impor- tants, des forêts du Japon : Messieurs, Permettez-moi de vous dire ma grande satisraction d'avoir rhoaneur de parler devant vous. Je pourrais parler beaucoup de la science forestière japonaise ; mais je manque de temps. Pour cette raison, je ne vous parlerai que des travaiix dont je me suis occupé pendant dix-sept années à l'Institut forestier. Dans la production accessoire forestière au Japon, le charbon de bois donne le plus grand revenu. En 1909, on produisit au Japon à peu près un milliard cent miUions de kilogrammes de charbon pour environ quatre cent cinquante millions de . francs. La méthode de production du charbon de bois est chez nous tout à fait différente de la méthode européenne. Le fourneau de charbon japonais est stable. Quand on change cette méthode, on peut fabriquer une plus grande quantité de charbon de bois avec peu de matériaux. Après l'achèvement de mes études à l'Université, il y a dix-sept ans, je commençai l'araendenient des fourneaux de charbon. Après plusieurs essais, je réussis, il y a deux ans, à fabriquer un fourneau pratique. Ce fourneau produit à peu près 10 % de plus que le fourneau ordinaire. C'est une épargne de plus de un mihiard sept cent mihions de kilogrammes de bois par année, au Japon. La distillation sèche du bois est pratiquée en petite mesure, chez nous. Il y a longtejnps que j'ai fait des expériences pour obtenir de l'acide pyroU- gneux du fourneau de charbon japonais et il y a dix ans que mes expériences donnèrent un bon résultat. Maintenant ils sont réalisés pratiquement. En 1910, dix-huit millions de kilogrammes d'acétate de chaux {calcium acelat) furent produits. Si un quart de tous les fourneaux de charbon de bois japonais employait cette méthode, on gagnerait à peu près vingt millions de kilogrammes d'acétate de chaux par an. — 590 — INTERNATIONAL 1913 Le champignon Shutaké [Cortinellus Shutaké P. Henn) le plus important champignon comestible du Japon est, non seulement employé au Japon, mais il est aussi exporté en Chine. 11 y a déjà miUe ans que les Japonais cultivaient ce champignon important, mais jusqu'en 1904, ils ne connaissaient pas la méthode de l'ensemencenlent des spores. J'examinai à cette date la qualité des spores et des mycélium ; puis j'employai la méthode de l'ensemencement et obtins un bon résultat, que j'ai publié dans le numéro d'avril du journal périodique La science forestière japonaise. Dès lors, ma méthode fut employée en beaucoup de provinces; partout, elle avait toujours un bon résultat. Gela veut dire que, dans les contrées où le champignon Shutaké était cultivé depuis longtemps, et où l'on avait employé ma méthode réformée, on augmentait le profit de 30 %. Dans d'autres contrées où on ne pouvait pas du tout cultiver le Shutaké, on a introduit ma méthode, et l'on a eu de très bons résultats. On peut cultiver ce champignon comestible toute l'année. Pour cette raison, dans notre pays, nous pouvons toujours manger des champignons frais. Je crois qu'en Europe on peut aussi cultiver le Shutaké sur des branches d'arbres divers. Feu le professeur Meyer, de l'Université de Munich, a essayé la culture du Shutaké et il a publié ses résultats en 1909. Le champignon Matsudaké (Cortinellus edodes P. Henn), est, après le Shutaké du Japon, le champignon le plus important du Japon. Ce champignon croît sur le sol de la forêt de pins rouges. Avant moi, on avait essayé la culture du Matsudaké au Japon, mais sans succès. Après avoir achevé la culture du Shutaké, je m'occupai de cultiver le Matsudaké. Je constatai que le Matsudaké est une espèce qui produit le Mycor- hiza octotrophique.. Pour cette raison, je semai les spores du Matsudaké sur les radicelles des pins. J'avais toujours un bon résultat. J'ai fait un rapport de mes travaux dans l'annuaire de l'Institut de la Science forestière, cahier n» 7. Dans les contrées stériles et pierreuses, la racine de pin aime à croître à la surface du sol. Pour cela, de telles contrées sont propices à la culture du Matsu- daké. On peut dire que la culture du Matsudaké est favorable à la restaura- tion des montagnes. Malheureusement, je n'ai pas encore vu la forêt française. Je ne sais donc si elle a les qualités nécessaires pour la culture du Matsudaké. Pendant mon séjour à Berlin, je visitais souvent les forêts de pins, et je constatais que le Matsudaké peut y être cultivé facilement. La culture du Matsudaké a l'avan- tage d'améliorer le sol et d'augmenter le revenu de la forêt de pins. Le champignon Tremella fuciformis Berk qui est appelé en Chine le "cham- pignon d'argent » est aussi bon que la truffe. Les Chinois aiment le manger ; mais en Chine, on ne connaît pas la culture de ce champignon. En 1910, je fis envoyer le champignon de Chine au Japon. Après des expériences de deux années, je réussis à le cultiver facilement. Il aime à croître sur le bois feuillu mort, spécialement sur des espèces de chênes, et il croît deux fois par an. C'est aussi un précieux produit accessoire de la science forestière. II y a trois sortes de camphriers. La première produit beaucoup de camphre et moins d'huile de camphre. La deuxième produit du camphre et de l'huile- en égales parties et la troisième seulement de l'huile. Cette huile n'a que la moitié de la valeur du camphre. On ne pouvait réaliser que de très petits bénéfice par l'exploitation de cette dernière sorte. Aussi cherchai-je le moyen de fabriquer le camphre en utih- sant l'huile. En 1910, je réussissais et faisais patenter ma méthode au Japon. Je fais actuellement des expériences en grand à Formose. Si le résultat en est bon, ce sera très favorable pour Formose, car la moitié des camphriers de cette Ue appartiennent à la troisième sorte. — 591 — CONGRES FORESTIER J'ai encore essayé une méthode d'extermination des insectes du bambou, puis une méthode d'irnprégnation du bois, entre autres, j'ai examiné le tanin des arbres japonais. Les résultats en sont notés dans les cahiers de l'Annuaire de l'Institut de la Science forestière. Vous trouverez dans cet annuaire les explications exactes de tous les tra- vaux dont j'ai parlé ici. M. DE Larnage. — Les méthodes de dissémination des spores ont fait des progrès énormes. Un inventeur en a fait l'application. J'arrive moi-même à produire des morilles à volonté. \'ous savez que ce cham- pignon est très apprécié, très goûté sur nos marchés, surtout en Angle- terre, où il atteint des prix fabuleux. On a fait des semis de morilles par dissémination des spores sur un substratum préparé en terrain convenable cjui donne un rendement de 18 kilogrammes au mètre carré, soit 180.000 kilogrammes à l'hectare. M. LE Président. — Messieurs, les travaux de notre Section sont terminés. Il ne me reste qu'à vous remercier de voti'e présence, de votre participation à nos travaux et de la patience que vous avez apportée dans nos discussions. La séance est levée à 4 heures. — 592 QUATRIÈME SECTION GRANDS TRAVAUX FORESTIERS BUREAU Président : M. Emile Pluchet, ancien président de la Société nationale (T Agriculture, président de la Société des Agriculteurs de France. Vice-présidents : MM. E. Cardot, conservateur des Eaux et Forêts, secrétaire général de la Société forestière française des Amis des Arbres. Leddet, conservateur des Eaux et Forêts, chef de bureau à la Direction générale. Secrétaires : MM. d'Auber de Peyrelongue, inspecteur- adjoint des Eaux et Forêts. Jagerschmidt, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. Martin, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. Rapporteurs : MM. E. Cardot, conservateur des Eaux et Forêts, secrétaire général de la Société forestière française des Amis des Arbres. MouGiN, inspecteur des Eaux et Forêts, chef de Section à la Direction générale. 593 CONGRES FORESTIER RAPPORTEURS : MM. Bernard, inspecteur des Eaux et Forêts, professeur de mathématiques appliquées à l'École Nationale des Eaux et Forêts. Ph. GuiNiER, inspecteur des Eaux et Forêts, chargé du cours de Botanique à l'École Nationale des Eaux et Forêts. Pardé, inspecteur des Eaux et Forêts. P. BuFFAULT, inspecteur des Eaux et Forêts. d'Aurer de Peyrelongue, inspecteur-ad- joint des Eaux et Forêts. — 59^ INTERNATIOiSAL 1911 SÉANCE DU 16 JUIN 1913 ' (matin) Présidence de M. PLUCHET, président de Section La séance est' ouverte à 11 h. 5. M. LE Président, — Messieurs, je suis très touché de l'honneur qui m'a été fait par le Touring-Club de France et par M. Defert, en me demandant de présider cette section. Je leur en suis personnellement très recon- naissant. Je dois d'ailleurs en reporter tout l'honneur à la Société des Agriculteurs de France que je représente, et qui est particulièrement soucieuse des intérêts forestiers. Je vous souhaite à tous, Messieurs, très cordialement, la bienvenue et je vous invite à vous mettre immédiatement au travail {Applau- dissements). La parole est à M. Cardot pour la lecture de son rapport sur les Améliorations pastorales. M. Cardot. — La pâture sauvage. — La pâture sauvage, c'est le sol considérations couvert de sa végétation spontanée et livré aux troupeaux sans que ««*"«•«'«■'• l'homme intervienne pour en améhorer ou même pour en sauvegarder la production. C'est le mode d'exploitation presque exclusivement en usage chez les peuples primitifs, à l'origine des civilisations. Il suffît à l'alimentation humaine, dans les espaces immenses qui ne sont encore occupés que par de petites tribus, par une population peu nombreuse. Mais au fur et à mesure que celle-ci se développe, les troupeaux se multiplient et cette végétation spontanée du sol ne tarde pas à s'appauvrir sous l'influence d'un parcours trop intensif ou trop fréquemment renou- velé. Alors la pelouse gazonnante se troue, se clairière, des dénudations se produisent, le sol se dessèche, la stérihsation s'étend peu à peu. Et ce n'est pas seulement l'accroissement excessif des troupeaux qui stérilise le pâturage. Celui-ci se transforme peu à peu. La couche de terre végétale qui couvre sa surface s'enrichit en prin- cipes humiques acides produits par la décomposition incomplète des matières herbacées, mais s'appauvrit en matières minérales (chaux, potasse, acide phosphorique, etc.). Les actions nitrifiantes qui entre- tiennent la fertilité du sol se ralentissent ; d'autre part, la flore tend à se ~ 595 — CONGRES FORESTIER modifier par une sorte de sélection à rebours qui résulte de l'action du bétail. Les bonnes espèces végétales incessamment broutées par le troupeau disparaissent pour faire place aux plantes qu'il dédaigne ou qui ne con- viennent pas à son alimentation. Le pâturage se couvre de graminées aux chaumes durs, de plantes subligneuses, ligneuses, parfois épineuses. Le pâturage redevient une steppe infertile ou un maquis improductif. La pâture nomade. — De la stérilisation progressive des pâturages est née la pâture nomade. Quand son champ d'action est épuisé, la population pastorale émigré et va chercher sur d'autres territoires les ressources fourragères qui lui font défaut. Les guerres, les grandes invasions des peuples pasteurs n'ont pas d'autre origine que la nécessité pour eux d'étendre toujours plus loin la zone de leurs parcours. La transhumance. — • Des circonstances climatériques spéciales contri- buent beaucoup aussi à rendre ce mode d'exploitation du sol aléatoire et intermittent. Dans les régions froides, sur les montagnes et plateaux élevés, la neige vient recouvrir le sol une partie de l'année ; dans les régions chaudes, dans les plaines ensoleillées, la végétation se dessèche pendant l'été; d'où une nouvelle forme de la pâture nomade : la transhumance. Le trou- peau est obligé de se déplacer. Il poursuit l'herbe de la montagne à la plaine, de la plaine à la montagne. Les résultats de la pâture sauvage. — - Sous toutes ses formes, la pâture sauvage aboutit fatalement à la ruine du sol. Toute production naturelle que l'on se borne à récolter sans en assurer le renouvellement s'épuise. Adieu les riches moissons du champ cultivé, si par l'assolement agricole, les labours, les engrais, on ne maintient la fécondité de la terre. Adieu les doux produits du verger, si l'on n'entre- tient ses arbres par des soins répétés. Adieu la forêt où l'on n'entend que la hache du bûcheron et le bêlement des troupeaux! Gomment de pauvres herbages livrés à toutes les déprédations pasto- rales et Fans aucune protection contre les actions naturelles concurrentes ou nuisibles pourraient-ils maintenir leur production ? importanre de la Et pourtant, le maintien en bon état de production, la conservation de tor^Tie"" ^^^~ ^®* terrains pastoraux ont une importance sociale que l'on ne soupçonne guère. Si l'on voulait bien se rendre compte au moins approximativement de la répartition des différentes formes de culture à la surface du globe, on arriverait à cette conclusion, que les terrains livrés à la pâture sauvage occupent encore aujourd'hui plus de 60 % de la superficie du sol terrestre. Cette étendue se réduit sans doute un peu chaque année par le dévelop- pement des cultures ; mais d'autre part, elle s'accroît par la destruction des forêts. Celles-ci sont les premières victimes de la stérilisation des terrains pas- toraux et l'on peut dire que dans la plupart des régions du globe, le pâtre et son bétail ont plus fait que le bûcheron pour la destruction de la végé- tation forestière. Quand le bûcheron est passé, le jeune semis se lève pour remplacer l'arbre disparu, mais le troupeau dévore le semis, et le pâtre incendie la brousse qui prépare la résurrection de la forêt. — 596 — INTERr^ATIONAL l!)l.") N'y eût-il que cette seule considératiou,la question pastorale mériterait déjà la place importante qui lui a été assignée dans le Congrès forestier. Mais il y a plus : la pâture sauvage s'étend particulièrement dans les régions montagneuses et aussi dans les régions de plaines ou de plateaux qui, par la sécheresse de leur climat ou l'aridité de leur sol, sont peu favo- rables aux cultures. Or, dans les montagnes, sur les pentes rapides, l'exercice continu du pâturage provoque rapidement la dénudation, le ravinement du sol et l'on peut dire encore que le pâtre et ses troupeaux ont plus fait que le bûcheron pour la ruine des montagnes et le développement du fléau tor- rentiel. Dans les plateaux et les régions de plaines, la pâture sauvage produit fréquemment le désert : ici le désert pierreux où l'eau s'infiltre comme en un crible entramant avec elle les dernières parcelles de la terre végétale qui couvrait le sol, là le désert de sable dont les éléments mobiles mis en liberté et incessamment remués par les vents n'offrent plus aucune assise à la végétation. Et ces dénudations,ces formations désertiques ne cessent de s'étendre, non seulement en raison de l'action pastorale toujours agissante, mais encore sous l'influence des modifications climatériques produites par la disparition de la végétation sur de grandes étendues. L'histoire du passé, l'histoire des peuples pasteurs, dans le grand conti- nent asiatique notamment, l'étude des régions où ils ont étendu leur domination, donne une leçon saisissante sur les résultats de l'exploitation pastorale, dans sa forme primitive : des montagnes sans ombrages, sans verdure, échancrées par les ravins ; des rivières au lit pierreux, tantôt desséché, tantôt rempli d'une eau boueuse ; des steppes où les troupeaux sont obligés de parcourir des espaces immenses pour trouver leur alimen- tation ; des plaines devenues des déserts, des villes autrefois riches et prospères ensevelies sous les sables et de loin en loin des oasis verdoyantes, des jardins déhcieux produits par des courants d'eau amenés à grands frais, formant contraste avec ces régions désolées, et opposant les bien- faits du travail humain à l'œuvre de destruction accomplie par les pas- teurs. Et, résultat plus funeste encore : la mentalité humaine se trouve pro- fondément altérée dans ces pays où la lutte contre la nature, par le tra- vail fécond est remplacé par la lutte contre l'homme, et où un fatalisme inconscient, en se substituant à la Prévoyance, continue à préparer avec la ruine du sol, avec la destruction de toute richesse végétale, la misère et la décadence des peuples. Dans notre grande colonie africaine, l'Algérie et dans les deux pays limitrophes placés sous notre protectorat la Tunisie et le Maroc, le régime de la pâture sauvage appliqué à une très grande partie de leur ter- toire a produit les mêmes effets désastreux et compromet les efforts faits pour leur rendre la prospérité d'autrefois. Il serait temps de songer à préserver les richesses forestières, les richesses végétales qui y subsistent encore. Ainsi que je le faisais remarquer dans une publication précédente (1) il y va de l'avenir et même de la sécurité de nos grandes colonies africaines. (1) Mémoire de la Société Nationale d'Agriculture de France; sur la restauration des pâturages communaux, Tome CXLn.-1909. — 597 — CONGRES FORESTIER raménagemeiu Mais auparavant, il convient de voir si une nouvelle forme d'exploi- pastorai. tation pastorale ne devrait pas être étudiée dans nos pays européens où, en raison de la surface réduite abandonnée aux troupeaux et du déve- loppement des idées de progrès, le problème est plus facile à résoudre. En France, si l'on tient compte des terrains classés comme terrains cultivés ou comme bois et qui actuellement désertés par la culture ou par les exploitations forestières ne sont guère que des terrains pastoraux, c'est à plus de 8 millions d'hectares, soit à environ 15 % de notre terri- toire (52.857.199 h.) que l'on peut évaluer la surface livrée à la pâture sauvage. Les terrains communaux sont compris dans cette surface pour environ 3 millions d'hectares. La question de la mise en valeur et de l'exploitation rationnelle de ces terrains a donc une réelle importance. Elle emprunte un intérêt particulier à ce fait bien établi aujourd'hui que le régime exclusif de la stabulation est nuisible à la santé du bétail, et que des pâturages à l'air libre sont indis- pensables, surtout pour l'élevage des jeunes animaux. C'est surtout sur les pâturages exploités collectivement soit princi- palement sur les pâturages possédés par les communes ou sections de communes qu'il convient de porter son attention. Le problème de la restauration et de l'entretien de ces pâturages offre beaucoup d'analogie avec celui de la restauration et de l'entretien des forêts appartenant à des collectivités. Pour les uns comme pour les autres, il peut être résolu par V aménagement. 1° Plan général d'organisation. — L'aménagement pastoral comprend essentiellement un plan général d'organisation du pâturage basé sur le classement des parcelles en différentes catégories suivant le mode d'utiMsation qui peut leur être appliqué. On pourra le plus souvent répartir les parcelles entre les 3 catégories suivantes : a) Parcelles susceptibles d'être parcourues par des travaux d'amélio- rations pastorales. b) Parcelles non susceptibles de travaux, mais qu'il y a lieu de sou- mettre au parcours réglementé, ou à la mise en défens. c) Parcelles à reboiser. 2° Plan d exploitation et de réglementation. — Un plan d exploitation du pâturage, indiquant pour chaque groupe de parcelles ou canton : le nombre et la nature des bestiaux qui seront admis à y pâturer, La possibilité pastorale. — Le nombre sera fixé en se basant sur cette notion de la possibilité bien connue des aménagistes forestiers, c'est-à-diré sur les ressources fourragères que chaque canton peut fournir. Cette possibilité s'exprime par le nombre moyen de têtes de bétail qui peut être tenu par chaque hectare pour tout ou partie de la saison pastorale. De la possibilité ainsi établie, on déduira la répartition entre les usagers des droits de jouissance. Cette répartition peut être établie suivant les droits acquis ou les cou- tumes locales — soit en se basant sur la surface des domaines ruraux que le pâturage est appelé à desservir — soit par feu, soit par tête d'habi- tant. U affouage pastoral. — Ici encore on retrouve une notion bien connue en matière forestière : la notion d affouage. L'affouage pastoral a la même origine et repose sur les mêmes principes que l'affouage forestier. — 598 — INTERNATIONAL 1913 Dans le principe, les habitants des anciennes communautés rurales de la France avaient sur les terres vagues qui entouraient leurs domaines et qui était la propriété souvent contestée, il est vrai, des seigneurs féo- daux, des droits de jouissance ou de possession plus ou moins définis en rapport avec l'importance de leurs cultures. On peut considérer que ces droits étaient des droits réels appartenant à la propriété plutôt qu'à la personne. Aujourd'hui, depuis que le droit de propriété des communes ou des sections de communes sur ces terrains a été consacré par la législation, on a été amené à envisager le droit d'usage comme un droit personnel appartenant à tous les habitants, et par suite, à considérer que la jouis- sance de ces terrains devait se répartir par feu ou famille, voire même par tête. Il semble à tous égards que la répartition par feu est celle qui s'harmonise le mieux soit avec les anciennes traditions, soit avec l'organi- sation rurale. Mais contrairement à ce qui s'est passé pour les forêts, aucune loi n'a jusqu'ici déterminé le mode de répartition à appliquer à la jouissance des terrains pastoraux. Il en résulte que cette jouissance est le plus souvent accaparée par un petit nombre de propriétaires, ou par des spéculateurs de bestiaux au détriment de tous les autres habitants, et c'est là certainement l'une des principales causes de la ruine des pâturages. La réglementation. — Le plan d'exploitation devra nécessairement déterminer aussi toutes les conditions à imposer aux usagers pour l'exer- cice de leur droit de jouissance : la désignation des chemins à suivre par les bestiaux, l'obligation de confier leur bétail à un pâtre commun désigné ou agréé par l'autorité municipale, les règles à suivre pour assurer l'hygiène ou la sécurité du troupeau, la fixation des périodes de parcours. Les taxes pastorales. — Il devra également fixer les taxes à percevoir pour chaque nature de bestiaux. Ces taxes ne sont pas seulement néces- saires pour assurer le remboursement à la commune des charges et impositions dont ses pâturages sont grevés ; mais contrairement à ce qui se passe presque toujours, elles doivent pourvoir à toutes les dépenses que nécessitent les travaux d'entretien et d'amélioration dont il va être question. 3° Plan de travaux. — 1^^ classe : Travaux concernant la protection du pâturage contre les causes naturelles de dégradation. — On croit souvent qu'une bonne réglementation pourrait suffire à restaurer et maintenir en bon état un pâturage. C'est une profonde erreur. La surcharge de bétail n'est que l'une des causes de détérioration contre lesquelles il convient de se prémunir. Une foule d'actions naturelles viennent en effet s'ajouter à l'action du bétail pour le dégrader ou le stériliser. Dans les régions de montagne, le pâturage est exposé aux avalanches, aux coulées de pierres, aux ravinements et érosions provenant du ruissellement des eaux ; aux éboulements que provoquent les infiltrations souterraines, etc. D'où une première classe de travaux concernant la protection du pâturage contre les causes naturelles de dégradation : murs de retenue., barrages rustiques., clayonnages et embroussaillements dans les ravins, drainages de consoli- dation, rideaux ou bandes boisées établis de façon à s'opposer au ruissel- lement superficiel des eaux ou à leur concentration, à retenir ou briser les avalanches, à diminuer l'importance des nappes d'infiltration, etc. — 599 — CONGRES FORESTIER 2e classe : Travaux concernant V organisation et Voutillage de la pâture. — D'autre part, une -pâture ne saurait donner grands profits ni s'entre- tenir en bon état si elle n'a pas une organisation et un outillage bien adaptés à sa destination. Des chemins ou sentiers d'accès et de circulation sont nécessaires pour permettre au bétail d'arriver facilement et sans fatigue à la pâture, pour y transporter les approvisionnements néces- saires aux bergers, le sel pour les animaux, les outils et engrais complé- mentaires qui peuvent être jugés utiles. Des abreuvoirs peu éloignés les uns des autres et capables de fournir au bétail de l'eau propre, saine, à une température convenable, doivent être établis. Il faut également pour les pâtres des baraques- abris au lieu et place de ces gîtes primitifs, véritables tanières où, couchés sur une paille infecte, ils sont obligés de s'abriter pendant la nuit. C'est là certainement l'une des mesures essentielles à prendre pour relever la condition des pasteurs et par suite obtenir d'eux de meilleurs services. Dans les montagnes pastorales situées à de hautes altitudes, des étables- abris sont également indispensables pour protéger le bétail contre les nuits fraîches, les mauvais temps, les chutes de grêle ou de neige et aussi pour assurer aux bêtes malades les soins nécessaires. Lorsque le pâturage peut être exploité par des vaches et qu'il est trop éloigné des villages, à l'étable abri doit s'annexer une fruitière munie de tous les appareils nécessaires à la fabrication du fromage et du beurre. On sait l'influence que peuvent avoir ces installations, tant au point de vue de la conservation et de l'amélioration des pâturages qu'à celui du progrès économique dans les régions montagneuses. Elles ont pour résultat de provoquer la substitution dans l'exploitation des montagnes du bétail bovin au troupeau de moutons beaucoup plus destructeurs, et en permettant aux montagnards de tirer bon parti de ses laitages ; elles l'incitent à soigner et son troupeau et ses pâturages. Sous l'inspiration de ces idées préconisées il y a quarante ans par M. Calvet, notre administration forestière a provoqué ou secondé la création d'un assez grand nombre de fruitières dans les Alpes et les Pyré- nées. Le succès de cette œuvre est maintenant assuré. Il reste à lui donner un développement large et rapide. Dans la région pyrénéenne notamment, le développement de l'industrie fromagère peut en un petit nombre d'années provoquer une transformation économique aussi heu- reuse et aussi importante que celle obtenue dans la Charente et le Poitou par l'introduction de l'industrie beurrière. A l'organisation générale de la pâture se rattachent les travaux d'en- semble à' irrigation et de drainage qui peuvent être exécutés en vue d'une bonne utilisation de ses eaux et aussi la création d' abris-boisés ou de bouquets deboiséiahVis, non plus en vue d'assurer la consolidation du pâtu- rage, mais dans le but d'abriter le bétail contre le vent ou le soleil, de protéger le sol contre le dessèchement et de l'enrichir par ses formations d'humus. J'ai eu bien souvent l'occasion de développer cette idée que le pré-bois ou le pâturage-boisé serait le salut et la fortune pour la plupart de nos régions montagneuses. C'est la forme idéale qu'il faut étendre et généra- liser partout où la pâture nue s'appauvrit et se dégrade. 3^ classe : Travaux de culture pastorale. — Aces deux classes de travaux, il faut ajouter ceux que l'on peut appeler : les travaux de culture pastorale — 60U — INTERNATIONAL 1913 et qui ont pour objet de donner aux pelouses les soins d'entretien qu'elles réclament, de les maintenir en bon étatde production. Ici je ne ferai qu'une énumération ; les travaux de l'espèce étant, sauf modalités d'exécution, ceux que l'on applique aux pâturages cultivés. Le nivellement grossier du sol^ V épier rement, Vémottage, Vétaupinage, V extraction des végétaux nuisibles, les fumures animales, végétales ou minérales, le semis de graines fourragères, enfin la mise en défens tempo- raire ou l'exploitation temporaire en prairie fauchée afin de remédier à l'appauvrissement des gazons et au tassement du sol. Il est presque superflu de dire que ces travaux doivent s'appliquer exclusivement aux terrains qui, dans le plan général d'organisation du pâturage, ont été classés dans la première catégorie (a) ; il convient d'ajou- ter que ces travaux doivent être exécutés en conformité d'un plan établi d'avance et déterminant non seulement leur nature, mais encore l'étendue à parcourir chaque année et assurant le retour des travaux sur chaque parcelle dans une période déterminée qui peut varier entre 5 et 15 ans. Les terrains en question seront utilement dans ce but divisés en coupons fixés sur le terrain {)ar des bornes ou des limites naturelles. Il y aura également intérêt à entourer d'une clôture volante le coupon on restauration. Une mise en défens complète pendant au moins une année est en effet nécessaire, pour assurer la régénération de la pelouse. Ces travaux de culture pastorale poursuivis d'année en année pour- raient avoir pour résultat de créer dans beaucoup de communes rurales de véritables parcs de pâturage où les habitants trouveraient pendant toute la saison d'été une alimentation abondante et presque gratuite pour leurs bestiaux. Appliqués seulement aux meilleures parties de leurs communaux, ils leur procureraient des ressources fourragères très supé- rieures à celles obtenues jusqu'ici sur les immenses étendues soumises à la pâture sauvage. Quant aux parcelles de la catégorie {h) où en raison de la nature du sol, de la déclivité des pentes, les travaux de culture pastorale seraient trop coûteux ou insuffisamment rémunérateurs, leur amélioration ne saurait résulter que de l'application de bons règlements de parcours. Ici encore, une subdivision en divers cantons serait utile pour déterminer les rotations à suivre par les troupeaux et éviter que l'un ou l'autre de ces cantons ne soit surchargé ou trop longtemps parcouru. Cette subdivision permettrait également la mise en réserve d'un ou plusieurs cantons pendant une période déterminée à l'expiration de laquelle les autres cantons seraient à leur tour et successivement mis en défens. Cette mesure si simple, assurant pour chaque canton le retour périodique d'une mise en défens destinée à régénérer les gazons, pourrait avoir un résultat considérable pour la restauration, la conservation en bon état de production de ces immenses étendues pastorales qu'appau- vrissent fatalement un pâturage ininterrompu. Enfin les terrains de la troisième catégorie envisagés (catégorie c) seraient mis en valeur par le reboisement. Dans les pâturages commu- naux, il existe presque toujours des cantons importants qui, soit en raison de leur situation (éloignement des villages, difficultés d'accès), soit en raison de leur état superficiel (sol rocheux couvert de buissons ou mauvaises plantes) n'offrent pour ainsi dire aucune ressource au bétail et ne sont d'ailleurs susceptibles d'aucune amélioration pastorale. C'est le cas notamment de ces maquis, garrigues qui, dans les régions — 601 — CONGRES FORESTIER méridionales et même un peu partout dans nos régions de montagnes et de collines accusent la négligence de leurs habitants. Car si l'on recons- tituait peu à peu sur ces terrains improductifs les futaies résineuses ou feuillus qui y existaient autrefois, les communes y trouveraient bien ' souvent une source de revenus considérable en même temps que leur territoire s'embellirait, devenant plus frais, plus riant et plus recherché des touristes. sésumé ei ron- En résumé, si dans le passé la pâture sauvage a provoqué sur d'immenses ciusioiis. étendues la dégradation et la ruine du sol, si au point de vue social, elle a bien souvent déterminé ces exodes guerriers des peuples pasteurs qui, ne trouvant plus dans leurs territoires l'alimentation de leurs troupeaux, se ruaient sur les terres fertiles des plaines et les riches cités et y détrui- saient les civilisations les plus florissantes, dans le temps actuel, ce mode d'exploitation primitif ne cesse pas, même dans nos régions européennes, d'exercer une action néfaste. Il contribue à la dégradation des montagnes et des forêts, au développement du fléau des inondations, à la destruction des éléments de richesse et de beauté qui attachent les habitants à leur pays et y attirent les étrangers. On doit donc s'attacher à le refouler peu à peu et finalement à le faire disparaître. On peut y arriver en appliquant aux pâturages exploités collective- ment ce principe de V aménagement qui a eu d'aussi heureux résultats PQur la conservation de nos richesses forestières, en organisant ces pâtu- rages pour une exploitation rationnelle, en les soumettant à des règles de gestion et à des travaux qui les protègent contre toutes les causes natu- relles ou humaines de dégradation et en même temps leur assurent un rendement avantageux et soutenu. Pour cela il est nécessaire que les pouvoirs publics s'intéressent à cette question dont je crois avoir fait ressortir toute l'importance. Une législa- tion pastorale est nécessaire. Le ministre qui en assurera la promulgation et qui prendra en même temps pour son application toutes mesures admi- nistratives et financières utiles, méritera l'éternelle reconnaissance de nos populations pastorales et du pays tout entier. Vœu : Le Congrès émet le vœu qiCiine législation pastorale soit édictée et que des mesures administratives et financières soient prises ou complétées (1) en vue d^ assurer aux pâturages communaux ou exploités collectivement le bienfait d'un aménagement rationnel et les travaux nécessaires pour arrêter la dégradation de ces terrains, les remettre en valeur, les entretenir en hou état de production et ainsi rendre aux régions montagneuses les éléments de richesse, de beauté, de prospérité enfin, qui tendent de plus en plus à leur faire défaut et en provoquent la dépopulation. M. LE Présiden't. — Messieurs, vous venez d'entendre le rapport si complet, si précis, si net de M. Cardot. Ayant de mettre aux voix le vœu qui le termine, je demande si l'un de vous a des observations à faire sur ce rapport. (1) En France, un décret en date du 30 décembre 1897 rendu sur la proposition de M. J. Méline, Président du Conseil, Ministre de l'Agriculture a créé à la Direction Générale des Eaux et Forêts un service des améliorytions pastorales. Ce service est doté actuellement d'un crédit de 145.000 francs. — 602 — INTERNATIONAL 1913 M. Lallemand. — J'applaudis de tout cœur aux conclusions de M. le rapporteur. Mais je suis président du Syndicat des propriétaires forestiers en Algérie. Cette question nous intéresse d'une façon parti- culière, un peu différente de celle qu'a envisagée notre rapporteur. Chez nous, la question des pâturages est vitale. Nos forêts nous ont été vendues grevées de droits d'usage. II faudrait que ces droits fussent réglementés. Le nombre des bestiaux augmente avec la popula- tion. De plus, certains usagers deviennent commerçantes, prennent des bestiaux de la ville la plus voisine et les font pâturer chez eux. Le nombre augmente donc dans des proportions effroyables en bœufs et en moutons. II en résulte qu'il n'y a plus de régénération pour ainsi dire. Les plus beaux massifs sont absolument perdus. Il y a des vieux arbres, qui donnent un mauvais produit. Mais, dans les plus belles parties que nous avions autrefois, il n'y a plus de jeunes sujets. Jai essayé de mettre en défense certaines régions pendant cinq ou six ans ; la forêt était tellement épuisée que rien ne repousse. II y a erî Algérie une plaie bien plus grande : c'est la chèvre. Le Code Forestier défend partout le pâturage de la chèvre. Nous aurions le droit de l'interdire : mais nous aurions le feu immédiatement. Par conséquent, nous sommes pris dans ce dilemme: supporter la chèvre, et c'est la destruction de nos forêts dans un temps difficile à déterminer, peut-être cent ans, ou deux cents ans, ou trois cents ans ; ou interdire la chèvre : et c'est la destruction immédiate par le feu. Alors, entre deux maux nous choisissons le moindre. Je crois qu'il serait bon, en dehors du vœu proposé par M. le rap- porteur, que nous en formions un autre tendant à ce que la question des pâturages fût réglée par une loi. Cela n'existe pas ; je l'ai demandé partout au service forestier en Algérie. II faudrait aussi que ce fût ÏÉtat qui interdit le pâturage de la chèvre. Si c'était l'État, les indi- gènes se soumettraient. M. Cardot. — La législation forestière en Algérie renferme déjà, si je ne me trompe, quelques articles concernant les abus pastoraux. M. Lallemand. — Au point de vue de la chèvre seulement : elle est interdite, c'est tout. M. Cardot. — Je crois qu'il serait nécessaire de compléter ces mesures par une législation pastorale réglementant le nombre des animaux et permettant également, dans certains cas, d'opérer des m.ises en défens au moins temporaires. M. LE Président. — Vous voudriez un vœu spécial pour l'Algérie. M. Lallemand. — Parfaitement. M. Lecoq. — Le mal dont souffre l'Algérie ne ^lui est pas exclusif. Je suis administrateur d'une société qui exploite des forêts en Espagne. — 603 — CONGRES FORESTIER Nous avons les mêmes difficultés avec les servitudes de pacage et de pâturage Également l'interdiction des chèvres existe ; mais, comme vous le dites très bien, si on l'applique, c'est le feu. Nous avons essayé de nous arranger avec les usagers ; il n'y a rien à faire. Au point de vue de la régénération des forêts, une législation serait indispensable ; des cantonnements réservés devraient être spécifiés, pendant un laps de temps déterminé. Je citerai le fait suivant. Nous avons 2.500 hectares. Dernièrement, nous avons fait une petite construction de 80 mètres carrés. On nous l'a fait démolir, sous prétexte que cela nuisait aux droits d'usage. Nous avons demandé de pouvoir réserver certains cantons de un ou deux hectares ; cela nous a été défendu ; nous nuirions à l'élevage du mouton {Exclamations). M. le baron de Belinay. — J'ai entendu dire qu'une forêt voisine du camp de la Courtine était grevée de droits d'usage dont l'exercice aurait rapidement amené sa destruction. Les propriétaires de la forêt ont obtenu de faire limiter ces droits à une certaine surface. Il y a eu un procès engagé. Le jugement a été basé sur ce principe inscrit dans la loi, que nul n'est tenu de rester dans l'indivision. On a estimé ces droits d'usage et on a accordé un certain cantonnement à chacune des communes qui y participaient. Ce serait la meilleure solution. M. Lallemand. — C'est absolument impossible en Algérie. Le canton- ■ nement y est matériellement impraticable pour les indigènes. Nos forêts ne ressemblent pas à celles de France ; elles sont habitées. Sur une forêt de 22.000 hectares, il y a 17 ou 18.000 habitants, qui sont rassemblés par petits groupes disséminés dans toute la forêt. Si vous voulez dire à un groupe d'un douar quelconque qu'il faut faire pâturer ses troupeaux à deux ou trois kilomètres, c'est absolument impossible ; s'ils les emmenaient à deux ou trois kilomètres, les bestiaux pâture- raient sur tout le parcours. Un Congressiste. — Il s'agit de savoir si les droits d'usage ont été concédés originairement à toute la population, ou ^simplement aux habitants qui se trouvaient là au moment de l'occupation française. M. Lallemand. — Mon voisin me dit qu'il est propriétaire forestier aux Indes Britanniques. Les forêts y sont grevées de droits d'usage ; mais quand on les a vendues, on a désigné les noms des usagers et le nombre des bestiaux auxquels ils avaient droit. M. LE Président. ■ — Mais en Algérie, vous êtes en présence d'un état de fait sur lequel il n'y a peut-être pas moyen de revenir. M. Lallemand. — Non sans doute, mais si on peut établir combien il y avait de bestiaux alors, — car l'impôt arabe établi sur les bestiaux — 604 — I>'TERXATIONAL 1913 permettrait de le retrouver, — on pourrait voir du moins combien de bestiaux on peut admettre dans une forêt donnée. M. Maître. — Le vœu présenté par M. Cardot n'est pas une nouveauté, car M. Cardot est un précurseur en la matière ; voilà bien vingt ans qu'il demande l'organisation du régime pastoral. Il y a quinze ou seize ans, à la Société forestière de Franche-Comté, à Vesoul, nous en avions parlé, en envisageant notamment un des abus les plus graves, intéressant le plus fortement le tourisme dans les Alpes ; ce sont les troupeaux transhumants. Il serait facile de trouver une solution qui, en lésant peu les communes, grèverait de peu l'Etat, le nombre de ces troupeaux transhumants n'étant pas élevé. Malheureusement, je crois que ce régime recule au lieu d'avancer. Dans l'exposé très intéressant que M. le Ministre, tout à l'heure, a . fait des réformes qu'il compte proposer au Parlement, nous avons vu apparaître l'impôt forestier, les travaux d'améhorations artistiques ; mais il n'a pas été question du régime pastoral. Si on ne veut pas nous donner le régime pastoral complet, nous devrions au moins demander que certains principes soient posés, qui aideraient à l'établir ultérieurement. M. Cardot nous dit que la surcharge des pâturages n'est pas la seule cause des dégradations. C'est évident ; mais elle en est cepen- dant une des principales et la mise en défens y peut beaucoup. En Dauphiné, dans le vallon de la Celle, il y a un vallon loué par l'Asso- ciation Dauphinoise des pâturages, depuis cinq ans, et mis en réserve. L'arrêt produit a été des plus heureux, et c'est cet exemple qui a engagé l'Association dauphinoise à persévérer dans cette voie. Je ne suis pas forestier, je parle comme alpiniste. Lorsque je vois la Bérarde, après avoir vu la Suisse, j'en ai mal au cœur. Ce pays pourrait être plus intéressant que la Suisse, parce qu'il y a un plus grand nombre de vallées rayonnantes. Nulle part le touriste ne pourrait faire des journées d'excursions aussi intéressantes en rayonnant toujours autour d'un même centre. Malheureusement, il y a là un cercle vicieux. Il est impossible que quelqu'un qui ne passe pas sa journée au-dessus de la hmite des neiges, non seulement s'y amuse, mais ne s'y ennuie pas ; il n'y a pas un arbre, pas d'eau dans les torrents, pas un lac, rien de ce qui peut plaire à des touristes. Il serait du rôle de l'Administration de dire aux communes : « Vous allez louer tel pâturage pour deux mille francs, trois mille francs; les moutons feront pour cinq mille francs de dégâts. Voilà les trois mille francs. » Il faudrait que les offres soient soumises d'abord à l'Administration forestière qui aurait le droit, non pas d'enchérir, mais de prendre à égalité des sommes relativement peu considérables ; on pourrait mettre en défens de grandes surfaces. Il ne s'agirait point d'une mise en défens totale, parce que ce procédé (c'est un des vices de la Loi de 1882), ruine les gens du pays. Il y a des pauvres qui n'ont que les terrains communaux pour faire pâturer — 605 — CONGRES FORESTIER leurs deux ou trois moutons, leurs deux ou trois chèvres. Le bétail qui reste dans les pays de montagne pendant les six mois d'hiver, n'est jamais bien nombreux à cause de la nécessité de loger dans les écuries. Il faut donc que les pâturages communaux soient interdits à tout bétail qui n'hiverne pas dans la commune. De cette manière, il n'y aura pas d'opposition de la part des habitants du pays. Aujour- d'hui, ce sont des levées de bouchers : maire, conseiller général, député, pour la levée de la mise en défens. L'Administration forestière est considérée comme un gendarme, ou plutôt comme un malfaiteur qui vient enlever aux habitants leur pâturage ; et on l'aboutit à rien. Adoptez une solution intermédiaire, dites : « Vous êtes obhgés de nourrir votre bétail. Je vais louer les pâturages uniquement pour vous les laisser. Et en échange de ce beau cadeau que je vous fais, permettez- moi de les laisser un peu reposer ; je vous les rendrai aussitôt après. » Jugez de la force que donnerait ce raisonnement à l'Administration forestière auprès des communes, et pour obtenir, au point de vue pâtm-ages printaniers, des petits coins à reboiser. Ce serait le commerce : donnant donnant. Aujourd'hui, quand vous voulez tout prendre, expulser ces moutons, ces chèvres qui font vivre ces malheureux, vous- vous mettez tout le monde à dos. M. Martin. — Malheureusement, je ne crois pas; car, dans mes dix ans de services forestiers, j'ai pu constater que les pâturages de printemps sont ceux qui se dégradent le plus. A LOOO ou 1.200 mètres d'altitude, la neige fond, même en janvier ou février, et le bétail dégrade d'une façon épouvantable. M. Cardot. — La question est posée depuis quinze ou vingt ans. Un projet de loi qui est maintenant entre les mains de M. le Ministre de l'Agriculture a été élaboré. Il demande justement d'assurer, tantôt dans une forme facultative, tantôt dans une forme obligatoire, l'orga- nisation, l'aménagement des pâturages communaux. M. Martin. — Comme l'a dit M. Maître, il faut une monnaie d'échange. M. Dole. — Au point de vue des transhumants, il y a déjà dans les Hautes-Alpes certains endroits où l'administration paye aux com- munes une redevance annuelle pour qu'elles ne laissent pas venir les transhumants. Le cas existe à Guillestre. M. Cardot. — Non seulement à Guillestre, mais à Saint-Christophe- en-Oisans et à Revel. La générahsation de cette opéi'ation serait un peu coûteuse. M. Maître. — Ce n'est rien, à côté de ce qu'on dépense en maçonnerie, en barrages. M. LE Président. — Messieurs, vous venez d'entendre une commu- — 606 — INTERNATIONAL 1913 nication très intéressante concernant plutôt la conservation que l'amélioration pastorale. M. Maître. — J'estime que la législation à intervenir devra tenir compte de la distinction entre bétail hivernant et bétail non hiver- nant. M. Gardot. — C'est un détail de la loi. Il faudrait limiter, comme cela d'ailleurs existait autrefois dans les traditions locales. Un congressiste. — Mais si nous nous bornions à garder dans nos chalets uniquement le bétail hivernant dans la commune, nous ne pourrions plus exploiter. M. LE Président. — Nous n'avons pas en ce moment à entrer dans le détail de la législation. Nous pouvons, il me semble, nous borner à voter le vœu présenté par M. le rapporteur, en tenant compte des observations qui ont été échangées. M. Cardot. — Il faudrait ajouter simplement le vœu qu'une législa- tion spéciale soit étudiée pour l'Algérie. Cela donnerait satisfaction aux observations présentées par M. Lallemand. M. Albert Picard. — Pour les autres questions, c'est l'affaire de la deuxième section. M. LE Président. — Il n'y a pas d'autre observation? Par conséquent la quatrième section adopte le vœu présenté par M. Cardot, plus une addition en ce qui concerne l'Algérie. Vous vou- drez bien faire confiance à votre bureau pour la rédaction de cette addition. (Assentiment.) La séance est levée à midi. 607 CONGRES FORESTIER SEANCE DU 16 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. PLUCHET, président de Section La séance est ouverte à 2 h. 25. M. LE Président. — S'il y a des délégués étrangers dans la salle, je les prierai de vouloir bien venir prendre place au bureau. Ils nous ont fait l'honneur d'assister au Congrès, nous serons très heureux de les voir à côté de nous. M. Dubois prend place au bureau. M. Bareel. — Monsi ur le Président, je suis délégué étranger, mais j'ai une communication à faire. Elle ne figure pas en tète de l'ordre du jour ; mais si aucun des auteurs de communications n'est présent, je vous serai reconnaissant de me donner la parole. Ma communication se rapporte à la question des défrichements. M. DE Peyrelongue, sea^étaire. — Si j'ai bien compris votre pensée, le mot « défrichements « est ici synonyme de « mise en valeur ». M. Bareel. — C'est précisément le sens que je donne au mot défri- chement. J'ai pensé que cette question pouvait également intéresser, non seu- lement mon petit pays, la Belgique, mais également la France, et même la plupart des pays où l'on s'occupe du reboisement et de la mise en valeur des landes et bruyères. M. le Président. — Le Bureau du Congrès est en possession de votre brochure : Une nécessité économique : Les défrichements, publi- cation du Bœrenbond Belge, Imprimerie Anneessens-Ninove ; nous serons très heureux d'enregistrer toutes les observations supplémen- taires que vous aurez à donner à l'appui. M. Bareel. — Cette question du défrichement a une importance très considérable, surtout pour les pays assez peuplés. Dans ces pays, la consommation ne fait que s'accroître et on arrive difficilement — 608 — INTERNATIONAL 1913 à augmenter, dans une proportion égale, la production, principale- ment des produits de la terre. Il est certain que la mise en valeur des terrains incultes, aussi bien que la culture intensive, pourront nous amener à parer à cette crise et à ce malaise économique. Mais il y a des motifs d'un ordre plus positif qui doivent nous amener à accroître notre fortune publique. Bien que dans la Campine, il ne s'agisse que de 40 à 50.000 hectares de terres incultes qui pourraient être mises en valeur, on peut accroître simplement la valeur du domaine. M. Dubois. — Il y en a également dans le Luxembourg, dans le Lim- bourg et dans le Nord du Brabant. M. Bareel. — Nous évaluons ces terres à 200 ou 300 francs par hec- tare. Or, nous pouvons leur faire donner un rendement presque immédiat de 20, 30 et même 90 francs par hectare. Il y a des pâtures qui, après deux ou trois ans de mise en culture, rapportent chaque année jusqu'à 90 francs par hectare; ce qui fait, à une capitalisation de 3 %, un accroissement de valeur de 1.500 à 3.000 francs par hec- tare. Rien que dans la Campine, ce serait donc un accroissement de valeur de plus de cent milUons. Je ne vous donne pas ce chiffre comme parole d'Évangile, je vous demande simplement de retenir ce prin- cipe, que, en tout cas, l'accroissement de la richesse nationale serait considérable. Au point de vue social, les résultats sont aussi frappants. On arrive à régulariser le taux des salaires, à diminuer les risques de chômage, à enrayer l'exode de la population agricole vers les grands centres et à la rendre beaucoup plus apte à s'assimiler certaines notions d'agriculture plus modernes. Le coût des travaux est énorme et ce que nous étudions en ce moment-ci, c'est précisément la possibihté d'arriver à l'exécution de ces travaux à des conditions moins onéreuses. La Hollande nous a montré la voie. Nos voisins sont arrivés à des résultats extraordinaires ; nous avons voulu les imiter et une société de défrichements, c'est-à-dire de mise en valeur, a été constituée en Hollande. Mais il faut également l'intervention de l'Etat. Cette intervention peut se produire le plus rapidement et le plus facilement quand il s'agit de travaux exécutés par les communes. Je dois signaler, à cet égard, la bonne volonté témoignée par le département de l'Agricul- ture, en Belgique. Les communes, jusqu'ici, se sont toujours montrées assez réfrac- taires à la mise en valeur par le boisement et surtout pour l'amélio- ration agricole. Bien que les communes reçoivent un subside, ce n'est que contraintes et forcées qu'elles se sont mises à l'œuvre. Des dispositions nouvelles ont été prises, tout récemment, par le Ministère de l'Agriculture tendant à accorder aux communes l'avance — 609 — CONGRES FORESTIER de fonds nécessaire. L"Etat se fera, en quelque sorte, le banquier des communes qui n'auront plus à contracter d'emprunts. On arri- vera, de cette façon, à obtenir que les communes boisent là où les terrains s'y prêtent et aussi qu'elles fassent ailleurs les améliorations agricoles. M. Cardot. — Quel serait le taux d'intérêt pour les avances consenties par l'État? M. Bareel. — Il avance des fonds à raison de 4 % par an. C'est un peu moins que le taux auquel les communes devraient emprunter. Le remboursement se fera au gré des communes dans un délai de vingt ans, mais les communes auraient toute latitude pour rembourser au fur et à mesure que les revenus leur rentreraient et qu'elles feraient des ventes, dans des conditions d'ailleurs très réduites, parce qu'en Belgique, on n'admet plus l'accaparement des terres par les gros , propriétaires. La loi de 1847 a donné des résultats désastreux ; les communes se sont dessaisies de leur domaine au grand détriment des finances communales. Voici nos conclusions. Il nous paraît utile, à un point de vue inter- national, d'instituer immédiatement une commission spéciale pour l'étude de la mise en valeur forestière et agricole des terrains incultes. Nous demandons ensuite la constitution d'un organisme spécial dans le genre de ceux qui ont rendu d'immenses services dans tous ' les pays où ils ont été constitués et ayant pour objet tout ce qui concerne directement ou indirectement la mise en valeur, l'exécution métlio- dique et économique de travaux de ce genre. Nous demandons l'intervention pécuniaire et fiscale des Pouvoirs publics par voie de subsides, exonération d'impôts, etc.. Il a été également question, dans certains milieux, d'une taxe spéciale à imposer sur les terrains incultes. On a fait valoir cpe, dans certains pays, ce sont généralement les grands propriétaires qui possèdent ainsi de vastes domaines qu'ils maintiennent à l'état inculte, soit par luxe pour avoir de grands territoires de chasse, soit par une espèce de spéculation essentiellement parasitaire. Ces propriétaires conservent ces terrains sans y faire aucune dépense en profitant cependant de la plus-value des terres environnantes mises en valeur par de petits cultivateurs, ou par les communes qui tracent des routes, ou par 1 Etat qui fait des dépenses pour améliorer les voies de communication, etc., et ainsi, sans aucun travail, ces propriétaires arrivent à donner à leur domaine une plus-value considérable. Il serait assez juste, puis- qu'on a cherché déjà à poursuivre les revenus de pur luxe, de frapper ces terrains incultes d'une taxe assez forte. Nous demandons également une intervention technique par la spécialisation du rôle des agronomes de l'État dans le sens de la mise , jBn valeur des terres : conférences, expériences, directions immédiates et complètes de ces agents pour les travaux, bénéfices des subsides — Glu — INTERNATIONAL 1913 et exonérations fiscales, organisation et extension des services s'occu- pant de l'assainissement des terres marécageuses. Nous demandons également une intervention diplomatique par des conférences internationales entre pays ^limitrophes pour la solu- tion des nombreux conflits relatifs à l'entretien et à l'amélioration des cours d'eau. Nous demandons la multiplication des voies de communication, des encouragements aux communes pai' l'ouverture de chemins agricoles dans les zones à mettre en valeur et l'adoption d'une juris- prudence plus libérale en matière de subsides pour création de routes en dehors des agglomérations et des trafics existants. Je crois que ces conclusions intéressent la plupart des pays où des défrichements peuvent être exécutés. En tout cas, nous avons déjà, dans notre petite région de la Campine, des espérances qui, je crois, se réaliseront assez tôt, grâce surtout à l'intervention des Pou- voirs puhhcs. La combinaison imaginée par le département de l'Agriculture ^ donne déjà lieu à certains projets qui paraissent intéressants. Les amé- horations se feront en bloc, d'après un plan d'ensemble qui sera tracé par les services de l'Etat. Nous avons également un service de l'hydrau- lique agricole extrêmement intéressant. Enfin, avant même de procéder à l'exécution des travaux, les com- munes arriveront, par suite de l'intervention de certains groupements, à être certaines de pouvoir louer leurs terres à un prix qui sera des plus rémunérateurs et qui dépassera le taux de l'intérêt que la com- mune devra payer, et ces locations se feront, d'après les combinaisons qui seront projetées, de telle façon que les locataires soient assurés, d'emblée, de pouvoir faire des frais considérables sans inconvénient. Ils loueront ces terres à très long terme, pour vingt-cinq ou trente ans, et les projets de baux élaborés jusqu'ici donnent à ces petits cultiva- teurs qui auront loué ces terrains pendant un délai déterminé, le droit d'acheter les terrains qu'ils auront mis en valeur. Ce sera, en quelque sorte, une option d''achat accordée au locataire. De cette façon, les communes peuvent immédiatement se mettre à l'œuvre ; elles sont assurées d'avoir de quoi faire face au service de l'espèce d'emprunt qu'elles contracteront envers l'Etat, elles ont le droit, après un certain temps, de vendre leurs terres, ce qui leur permettra de rembourser le capital qu'elles auront emprunté, et ces domaines communaux seront ainsi très rapidement mis en valeur, alors qu'il fallait parfois, jusqu'ici, aller jusqu'à l'obligation pour arriver à faire boiser par ci par là des domaines appartenant aux communes. {Applaudissements.) M. LE Président. — Je suis certain. Messieurs, d'être votre inter- prète en remerciant M. Bareel de la communication si intéressante qu'il vient de faire et où nous pourrons puiser des indications très précieuses. {Applaudissements.) — Gll — CONGRES FORESTIER M. Maître. — 11 serait intéressant de savoir quels seraient les frais de cette mise en valeur. C"est le nœud de la question. M. LE Président. — Il faudrait évidemment une approximation. M. de Peyrelongi'e. — L'initiative communale et privée ne se déro- berait-elle pas, une fois que la voie aurait été ainsi tracée? M. Bareel. — Jusqu'ici ces travaux ont coûté terriblement cher aux particuliers et même aux communes, ce qui a souvent contribué à décourager ces dernières. Par exemple, pour les défoncements de nos bruyères, nous devons payer jusqu'à 250 et 300 francs l'hectare. Jusqu'à présent, ce travail se fait par petites parcelles, tout se fait à la pelle. Au contraire, si on met des fonds à la disposition des communes, on arrivera à faire un travail d'ensemble parfaitement étudié et organisé méthodiquement qui pourra se faire à la machine. On pourra tracer les voies de communication qui seront nécessaires, faire les écoulements indispensables, arriver à une économie considé- rable sur les frais de mise en A^aleur. M. Maître. — 300 francs par hectare pour un revenu de 30 francs, c'est encore un revenu de 10 %. M. Bareel. — Je dois ajouter que le prix des bruyères augmente dans des proportions considérables depuis qu'on parle de mise en valeur. Il y a aussi l'emprise des terrains par l'industrie, notamment dans la Campine, par suite des découvertes de charbonnages. En tout cas, les chiffres auxquels on arrive par la mise en valeur des bruyères sont réduits considérablement, si le travail est fait méthodiquement, et on arrive à un rendement beaucoup plus rapide. M. Cardot. — A quelle profondeur faut-il défoncer? M. Bareel. — Cela dépend des terrains. Tout ce travail doit se faire après des sondages. L'irrégularité des couches est extraordinaire dans la Campine. Il y a des parcelles où, pour avoir un résultat quel- conque, il faut défoncer jusqu'à 80 centimètres ; ce sont des parties où il est inutile d'essayer de travailler avec un bénéfice quelconque, elles resteront incultes jusqu'au dernier moment ; ce sera le déchet auquel on ne s'attaquera sans doute que lorsque tout le reste sera fait. M. Maître. — On pourrait les mettre en bois. M. Bareel. — Lorsque la couche n'a pas été percée, le bois arrive à dépérir, le sapin pousse en pommier. M. Di'BOis. — Je dois dire que l'industrie charbonnière s'est préci- sément installée dans ce plateau campinien et qu'il y arrivera égale- ment que ces terrains, qui sembleraient destinés par la nature au reboi- — 612 — INTERNATIONAL 1913 sèment d'une grande étendue, seront transformés en cultures et ce ne seront pas des cultures tout à fait splendides. Il y aura du seigle, de la spergule, du sarrazin, de la pomme de terre ; on n'arrivera jamais au revenu que pourraient donner des forêts, mais cette pro- duction agricole est rendue indispensable par la création des cités ouvrières que les charbonnages construisent. J'ajoute que nous avons constaté par expérience, en Campine, qu'il est assez dangereux, quand on pratique des défoncements, de ramener le fond à la superficie. Il y a eu beaucoup d'échecs en Cam- pine qu'on attribue, sans en avoir la preuve immédiate d'ailleurs, à ce fait que, croyant avoir un sous-sol d'une richesse plus grande que la superficie, on a ramené à la surface les terrains qui étaient dans la profondeur. D'après plusieurs forestiers éminents, notamment M. Maas, de Westerloo, beaucoup d'échecs, en Campine, seraient dus à cette pratique qui a ramené l'infertilité au-dessus. M. Maître. — Il arrive parfois que, lorsqu'on a ramené les couches profondes à la surface et que le sol parait infertile, au bout de deux ou trois ans, cette couche, après être restée à l'air, devient très bonne. M. Bareel. — Cependant le défoncement normal consiste à laisser la couche inférieure au fond et la couche supérieure en superficie. M. Dubois. — On revient, en eiïet, à cette idée de laisser le terrain tel qu'il est. M. Bareel. — En tout cas, un sondage préalable est indispensable. M. Dubois. — La Commission de la Campine qui a fonctionné par ordre gouvernemental est plutôt d'avis que le défoncement est une opération qu'il ne faut faire que quand on y est forcé et que, souvent, on pourrait s'en passer et le remplacer par un labour à 25 ou 30 cen- timètres de profondeur. M. le baron de Belinay. — • La couche d'alioos est-elle très épaisse? M. Dubois. — L'alioos est extrêmement rare ; c'est un tuf humide qu'on a confondu souvent avec l'alioos. M. Maître. — Ce qui est imperméable, c'est le tuf humide. M. LE Président. ■ — M. Dubois vient de nous donner des explica- tions très intéressantes. M. Dubois. — Il s'agit surtout de la tactique. M. LE Président. — Ce sont des renseignements sur la tactique fournis par l'expérience. M. Dubois est d'accord avec M. Bareel sur l'opportunité de la mise en valeur de tous ces terrains ; le mode de — 613 — CO>'GRES FORESTIER procéder peut varier suivant l'expérience de chacun, mais il me semi)le qu'il y a accord complet sur l'opportunité de cette mise en valeur. M. Dubois. — L'avenir dira ce qu'il adviendra de la Campine. M. Garrigou-Lagrain-ge. — Je tiens d'abord à m'associer aux inté- ressantes observations de MM. Bareel et Dubois. Mais je tiens à signaler qu'il y a, pour certains terrains incultes de France, une manière de procéder plus simple et moins coûteuse. J'appelle votre attention tout spécialement sur un vaste plateau, qu'on appelle le plateau de Mille vaches , qui a une assez bonne presse depuis quelque temps et qui en profite dans une certaine mesure. Après sept ou huit ans de travaux effectués dans nos congrès de l'Arbre et de l'Eau, nous avons pu élaborer un projet très complet. M. le Ministre de l'Agriculture a institué au plateau de Millevaches une sorte de service de reboisement, qui commence à fonctionner. Vous savez comment est constitué ce plateau : c'est une suite d'ondulations chauves, où se trouvent les sources d'un grand nombre de cours d'eau du bassin de la Loire et de la Garonne. Ces terrains sont incultes ; ils peuvent être très facilement aménagés. C'est là, je crois, que M. Cardot a fait une partie de ses intéressantes études. Ces terrains ont peu de valem' ; ils bénéficient actuellement d'une plus- value, à raison du bruit fait autour de cette question. On les vendait autrefois à la huchée c'est-à-dire aussi loin que la voix pouvait s'étendre. Ils valaient à peine 50 francs l'hectare; ils valent aujourd'hui de 100 à 200 francs. Ils sont même montés dernièrement à 400 francs par suite de l'engouement qui s'est produit. En les estimant à 100 francs l'hectare, on est dans la vérité. Nous faisons un travail d'aménagement simple et économique. La plupart des communaux de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute- Vienne sont partagés. Les propriétaires qui ont repris leur part se trouvent embarrassés pour l'utiliser. Ils ne demanderaient pas mieux que de se syndiquer. Nous avons orga- nisé de petites associations, sur le modèle de la loi de 1901, associa- tions qui, en principe, ne paraissaient pas très légales, mais qui, d'après la loi nouvelle, peuvent très bien se constituer. La loi Audifîred per- met maintenant ces groupements. Je puis indiquer que l'an dernier, avec la somme de 500 francs, nous sommes parvenus à reboiser 30 hec- tares. Pour l'amélioration pastorale, ce serait encore plus simple ; il suffirait d'arriver à faire périr la bruyère. Je crois que le meilleur moyen dans notre pays serait l'irrigation. M. Maître. — Vous avez de l'eau? M. Garrigou-Lagra]\ge. — Nous avons de l'eau, en effet. C'est un terrain siliceux, granitique, surmonté par une couche d'arène plus ou moins épaisse. Dans tous les vallons, il se produit un suintement ; et, comme il y a de la pente — nous sommes dans un pays mame- — 614 — lî^TERNATIONAL 1913 lonné — on peut, à Taide de rigoles de niveau irriguer de grandes surfaces. Le service de reboisement qui a été institué fait merveille. Malheureusement, on ne peut pas donner en argent de subventions assez importantes. Nous donnons tous les ans ce que nous pouvons en médailles ; nous distribuons même un peu d'argent. Seulement, c'est facultatif. Si Ton pouvait au contraire assurer aux propriétaires, au bout de quatre ou cinq ans, une prime, par exemple, de 50 francs par hectare, nous en trouverions autant que nous voudrions. Ne serait-il pas possible d'émettre un vœu pour l'institution de cette prime? M. Cardot. — Le département du Finistère a pris l'initiative d'insti- tuer une prime, une fois donnée, de 25 francs par hectare, aux proprié- taires qui reboisent. M. Garrigou-Lagraxge. — Il y aurait avantage à donner la prime en l'échelonnant sur plusieurs années, par exemple 25 francs au bout de la deuxième ou de la troisième année, et le reste au bout de dix ans, suivant l'état de conservation du bois. M. Maître. — H y a déjà l'exemption d'impôt accordée par l'État. M. Garrigou-Lagraxge. — C'est peu de chose. M. Maître. — Cela dépend. Il y a des terrains qui, d'après l'ancien cadastre, avaient une valeur appréciable et qui paient un impôt relativement lourd. M. Bareel. ■ — Pour quel délai ces terrains sont-ils exemptés? M. Garrigou-Lagraxge. — Pour trente ans. Cette exemption ne s'applique qu'au reboisement. On a parlé d'améliorations agricoles proprement dites. Je crois que nous n'avons pas à nous en préoccuper ici. Certains propriétaires ont l'intention d'essayer de faire de la culture industrielle en grand, pommes de terre et topinambours. Pour nous, ce qui nous préoccupe, c'est d'ahmenter le bétail ovin sur une surface moindre et de réserver une partie du terrain pour le reboisement. M. Bareel. — C'est également notre but. Nous nous occupons sur- tout de la mise en valeur forestière. Seulement, comme il y a des terrains trop bas pour le reboisement, nous les destinons à la culture et à la pâture du gros bétail, qui réussit admirablement. M. Maître. — Que comptez- vous mettre dans vos terrains. Monsieur Garrigou-Lagrange. M. Garrigou-Lagraxge. — Des moutons. Nous avons une race très rustique, tout à fait adaptée au climat, que nous voudrions conserver. • Mais nous voudrions aussi arriver, comme M. Cardot le disait dernière- — 615 — CO^GHES FORESTIER lueiit, à iavoriser l'extension de la race bovine ^t à créer des laiteries coopératives. M. Cardot remplace M. Plichet au fauteuil de la présidence. M. Cardot, président. — L'industrie laitière pourrait certainement se développer sur le plateau de Millevaches, cpi est très humide, et où on pourrait avoir de très belles prairies. M. Garrigou-Lagra>^ge. — Il est extraordinaire, en effet, de constater combien, sur ce plateau, les parties avoisinant les villages sont ver- doyantes et fertiles, tandis que le reste est stérile. Ce sont des oasis dans un désert. M. le baron de Belinay. — Il n'y a pas de population. M. Garrigou-Lagraîv'GE. — • La prospérité la retiendrait ou la ferait même venir. Un congressiste. — Combien y a-t-il dliectares? M. Garrigou-Lagrange. — lOO.OOO. M. Cardot, président. — Bien plus. En comptant la Corrèze, la Creuse, la Haute-Vienne, le Puv-de-Dôme et le (>antal. cela fait plus de 250.000 hectares. M. Garrigou-Lagrange. — Il y en a déjà d'aménagés. M. Raoul DE Clermont, — Dans quelles proportions les communaux ont-ils été partagés? M. Garrigou-Lagrange. — Il n'en reste certainement pas un dixième qui n'ait été partagé. M. Raoul de Clermont. — C'est fàclu'ux. M. LE Président. — La restauration communale eût été plus facile. On est obligé maintenant de constituer de petites sociétés syndicales pour arriver à un résultat. M. Maître. — Un syndicat de petits propriétaires fera plus qu'une commune. M, Garrigou-Lagrange. — La propriété communale était tombée à un état lamentable. Certaines j)arcelles ont quintuplé de valeur entre les mains des particuliers. M. le baron de Belinay. — On ne peut arriver à rien (jue par If ])artage et par les syndicats et les groupements de syndicats de propriétaires. M. le Président. — Cela rentre dans les mesures administratives et -^ 61ti — INTERNATIONAL l'.ifo financières. Le Congrès a déjà émis un vœu de principe : qu'une légis- lation pastorale soit édictée et que des mesures administratives et financières soient prises ou complétées. M. Maître. — Une législation ne pourrait pas s'appliquer à une région déterminée de la France ; il faudrait qu'elle fût généralisée, et cela engagerait les finances publiques dans des proportions que nous ne pouvons pas calculer. M. Raoul DE Clermont. — - N'y aurait-il pas lieu d'émettre un vœu général, conciîrnant tous les départements de France et tendant à ce que le partage des communaux soit définitivement enrayé. M. Maître. — II y a le pour et le contre. Dans la montagne, par exemple, ce sont de beaucoup les grands communaux qui sont le plus mal- traités. M. LE Président. — Quand j'ai visité pour la première fois le plateau de Millevaches, j'ai été frappé de l'avantage qu'il y avait eu à partager certains communaux qui étaient dans les environs immédiats du village de La Courtine. Il y avait de véritables prairies très belles, entourées d'une haie forestière. .l'en ai conclu que dans les environs immédiats des villages, où on peut apporter des engrais, où on peut irriguer, il y a tout intérêt à partager les communaux. Mais s'il s'agit, au contraire, des parties éloignées des villages, où il n'y a pas d'eau, où les transports d'engrais sont difficiles, je crois qu'il vaudrait mieux que ces terrains demeurassent communaux et qu'on les mît en valeur par des travaux collectifs, avec subvention de l'Etat. On constituerait ainsi au profit de la commune des propriétés pastorales ou forestières d'une grande valeur, comme il en existe dans le Jura ou en Franche- Comté. M. le baron de Belinay. — J'ai habité pendant cinquante ans la Corrèze, et je suis d'avis que, sans le partage, nous ne serions arrivés à rien. Dans certaines sections, le partage a donné jusqu'à 20 hectares par feu, c'est-à-dire 20 hectares pour 10 à 15 brebis. Vous voyez qu'il y a largement de quoi reboiser. Je suis d'avis, contrairement à ce que dit M. Cardot, de garder le caractère banal à ces parties mouillées auxquelles les populations tiennent pour nourrir les vaches pendant l'été ; mais quant aux sommets dénudés, qui couvrent des milliers d'hectares, c'est un anachronisme, dans ce siècle de travail agricole, de les laisser improductifs. Voici des chiffres : les terres de nos do- maines groupées ensemble, prés, pâturages, bois, etc., peuvent être estimées 800 francs l'hectare, et donnent un revenu de un franc par hectare et par an. Les terrains à reboiser, qui valent de 2 à 300 francs l'hectare, donneraient, s'ils étaient plantés en bois, par ex(;mple, un revenu de 50 francs ; voilà la différence. Et c'est un calcul qui s'applique à 200.000 h(M;tares. (Test la réserve de papier pour l'avenir. ^ — 617 — CONGRES FORESTIER M. Maître. — M. le président estime qu'on arriverait plus facilement à améliorer les terrains, s'ils restaient communaux. Il y faudrait une condition préalable : c'est qu'il y ait un régime pastoral. Tant que l'administration n'aura pas les moyens légaux de contraindre les communes à améliorer, celles-ci ne feront rien. M. BuFFAULT. — Un article de la loi de finances du 18 avril 1893, réserve un crédit de 100.000 francs pour encourager les communes au reboise- ment. Ce crédit n'est pas entièrement employé chaque année. Ne pour- rait-on pas trouver sur ce crédit de quoi distribuer des primes aux particuliers pour le reboisement? M. Raoul DE Clermont. — Dans une région que M. le président connaît très bien pour l'avoir administrée pendant quelque temps, dans les montagnes du Doubs, il y a des communes dont les communaux ont été si bien aménagés et administrés, que grâce aux revenus forestiers communaux, non seulement les habitants ne paient pas d'impôts, mais ils sont assurés contre la mortalité du bétail, et ils vont chez le percepteur pour toucher de l'argent au lieu d'en donner. Il serait très désirable de voir cet exemple suivi dans le reste de la France, dans la mesure du possible. Pour cela, il faudrait enrayer pour l'avenir le partage des communaux, et ensuite soumettre tous les terrains communaux à un aménagement sylvo-pastoral régulier. M. le baron de Belikay. — Je sais qu'il y a des communaux qui rap- portent beaucoup, parce qu'ils sont déjà boisés; mais je m'oppose à un vœu général qui s'appliquerait à toutes les régions de la France. Je maintiens, d'après l'expérience de ma vie entière de reboiseur, qu'on ne peut tirer parti des communaux qu'en les partageant d'abord et en décidant les propriétaires à reboiser. M. Maître. — On ne peut pas, en effet, comparer l'amélioration de ces régions, où tout est stérile, où tout est à faire, avec l'amélioration des communaux de la région du Doubs, où les forêts rapportent énormé- ment. Les communes n'ont pas d'argent, et il est impossible de les décider à consacrer de fortes sommes à améhorer les terrains incultes. Les conseils .municipaux, qui sont en exercice pour trois ou quatre ans, ne se soucient que de boucler le budget sans mettre de centimes addi- tionnels. M. Durcis. — Je me permets de confirmer les renseignements qui ont été fournis sur le revenu que peuvent donner les terrains communaux. Je connais une commune où le bourgmestre a reboisé 450 hectares par simple semis, qui revenait à 35 francs par hectare, le sol étant constitué par du bon sable jaune, sans tuf, c'est-à-dire un terrain splendide pour le pin sylvestre. C'est M. Peters qui a commencé à couper les bois qu'il avait semés comme bourgmestre, 40 ans avant ; et cette commune, par suite d'un aménagement autorisé par arrêté _ 618 — INTERNATIONAL 1913 préfectoral, peut couper tous les ans pour environ 20.000 francs, et cela indéfiniment, à condition "|de reboiser. L'aménagement prévoit des coupes de 10 hectares ; à 2.000 francs l'hectare, cela fait 20.000 francs. Il y avait plus de 250 hectares du même âge. M. Bareel. — Cela prouve que les communes auraient tort d'e se des- saisir de leurs domaines. Il ne faudrait pas se laisser aller à cette déplo- rable tentation de permettre aux commun eâ de s'en dessaisir. M. Dubois. — L'industrie peut créer des besoins nouveaux, et on ne sait pas quelle peut devenir la plus-value de ces terrains. M. Maître. — Mais il faut arriver |pour cela [à faire un [régime pastoral. M. Garrigou-Lagrange. — Qu'il s'agisse de communes ou de parti- culiers, j'estime qu'il y a fieu d'aider par des primes ceux qui voudront jreboiser. M. LE Président. — Nous nous entendons sùi' la nécessité d'un régime pastoral. Ne conviendrait-il pas de nous en tenir au vœu adopté ce matin, sans entrer dans des détails d'appHcation. Les observations qui ont été présentées ici figureront au procès- verbal ; je pense que cela suffira. M. le baron de Belinay. — J"ai là tout un dossier du Cantal et de la Cor- rèze. J'ai des demander de plusieurs conseils municipaux, notamment d'Aurillac. M. Maisonneuve, que vous connaissez de nom certainement, et qui s'occupe beaucoup de reboisement dans le Cantal, ne pouvant pas venir ici, m'a chargé de vous faire tenir les demandés du Cantal. La Corrèze, la Haute-Vienne sont d'accord avec le Cantal, et je crois que la Creuse partage également leur avis. Les représentants de cette région demandent, contrairement au désir exprimé par M. le Président, que le Congrès favorise le partage des communaux dans ces départe- ments. Il ne s'agit pas d'une mesure générale. Je parle seulement des départements du centre. C'est une mesure qui leur est particulière ; ils demandent spécialement le partage des parties sèches ; on désire généralement, en effet, que les parties mouillées restent bien communal. M. Raoul de Clermont. — Je tiens à protester de toute mon énergie contre le partage des communaux, " Un Congressiste. — C'est un danger formidable. M. Raoul de Clermont. — C'est un danger national, que nous avons combattu dans tous les congrès jusqu'à présent. M. Garrigou-Lagrange. — Il ne faudrait exagérer ni de part, ni d'autre. C'est une question d'espèce. M. le baron de Belinay. — D'ailleurs, vous venez de dire que les neuf- — 619 — CONGRES FORESTIER dixièmes des communaux sont partagés. Vous ne pouvez pas rendre aux communes ce qui est partagé. M. LE Président. — Ce que je considère comme un mal est fait; il n'y a pas à y revenir. Si vous demandez un vote de principe, je le mettrai aux voix. Toutefois, je tiens à dire que, pour mon compte personnel, je demanderais plutôt qu'on s'oppose au partage des com- munaux, dont les résultats ont généralement été déplorables. M. Raoul DE Clermont. — On nous parle de la Corréze. de la Creuse, de la Haute-Vienne. Je pourrais vous citer dans la Haute-Vienne des communaux qui ont donné des résultats merveilleux, par exemple à La Jonchère, que nous avons visitée ensemble. Vous vous rappelez cette plantation de pins faite au-dessus de la propriété de M. Gérardon. Dans les Pyrénées, je vous citerai une vallée où les propriétés particulières sont arrivées au prix de 6.000 francs l'hectare, grâce aux communaux. Dans le Doubs, dans les Vosges, il y a des populations extrêmement riches également, grâce à leurs communaux. M. Maître. — Ce que nous cherchons ici, c'est la meilleure manière de mettre en valeur. Il s'agit de savoir si les communes, dans l'état actuel de la mentalité communale et des mesures administratives, peuvent facilement mettre en valeur. M. LE Président. — H y a encore un argument contre le partage des communaux, c'est que les communaux, une fois reboisés avec subvention de l'Etat, d'après notre législation française, sont soumis au régime forestier, ce qui fait que la propriété forestière se main- tiendra, ce qui n'est pas le cas de la propriété forestière particulière. M. Raoul DE Clermont. — Ne pourrait-on pas donner satisfaction à tout le monde en rédigeant un vœu tendant à enrayer le partage des com- munaux et à soumettre toutes les propriétés communales à un aménage- ment sylvo-pastoral, sous la surveillance de l'administration des Eaux et Forêts? M. Maître. — Nous pourrions dire aussi que ce qui importe, c'est d'établir un régime pastoral ; que, faute d'un régime pastoral, on serait obUgé, pour la mise en valeur, de partager les communaux, ce qui serait très fâcheux. M. le baron de Belinay. — Nos paysans ne veulent pas du régime forestier ; ils refusent d'être sous la coupe de l'Administration des Forêts, ils ne veulent pas de procès -verbaux. M. Raoul DE Clermont. — Comme le propose M, Maître, nous pour- rions conclure par un vœu tendant à enrayer le partage des commu- naux par l'adoption d un régime d'aménagement sylvo-pastoral. — 620 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Pourquoi ne pas s'en tenir tout simplement au vœu qui prévoit justement l'aménagement pastoral? M. LE Président. — Je suis saisi du projet de voeu suivant : « Le Congrès émet le vœu que le partage des communaux est, en principe, une mesure regrettable qui doit être enrayée, et que toutes les propriétés communales soient soumises à un aménagement sylvo- pastoral obligatoire. » M. le baron de Belinay. ■— Jestime qu'avec ce vœu, vous sacri- fiez 250.000 hectares qui pourraient être reboisés. J'ajoute que nos populations n'en tiendront pas compte et que le partage continuera. M. Jagerschmidt. — Elles n'ont pas tenu compte, pendant trente ans, du régime forestier. M. Raoul de Clermont. — Je demanderai une rédaction plus caté- gorique encore. Je propose au Congrès de demander que le partage des communaux soit enrayé et que les communes soient obligées a un aménagement sylvo-pastoral. M. le baron de Belinay. — Allez-vous demander que les communaux partagés reviennent aux communes? M. LE Président. — Évidemment non ; on ne peut pas revenir sur le passé. M. JoLY. — Il faudrait dabord proscrire le partage de tous les com- munaux déjà boisés. J'ai vu dans la Loire des exemples caractéris- tiques. Il s'agit de petits bois créés à la suite de la première loi de reboisement de 1860, qui ont été partagés parce qu'ils appartenaient à de petites sections composées de sept ou huit intéressés. Ces copro- priétaires ut universi avaient un grand intérêt à se faire reconnaître ut singuli, parce qu'on leur offrait une somme déterminée de leurs bois. Un propriétaire voisin leur disait : « Vous êtes cinq ou six ; je vous offre 30.000 francs, à la condition que vous me fassiez recon- naître propriétaire ut singuli. Le tribunal de Rofanne leur a donné raiàon ; chacun d'eux touchait ainsi 5 à 6.000 francs. Cela s'est passé ainsi dans trois communes ; c'est très regrettable, parce que ces bois de pins sylvestres avaient été créés de toutes pièces par l'Etat dans l'intérêt général. Il faut absolument proscrirr^ le partage de tous les communaux boisés et de tous les communaux susceptibles de reboisement;^ il vaut mieux que les propriétés boisées appartiennent à des sections de communes qu'à des propriétaires particuUers. M. LE Président. — On me propose la formule suivante : « Le Congrès émet le vœu que les terrains communaux suscep- — 621 — CONGRES FORESTIER tibles de reboisement soient reboisés avec encouragement de VEtat, mais ne soient pas partagés. » M. le baron de Beli>'ay. — Je propose mie autre formule : « Le Congrès ne conseille le partage des communaux que dans les départements où ce partage sera demandé par les conseils généraux. » (Non, non ! sur de nombreux bancs). Pourquoi, Messieurs? Ils sont l'interprète de la volonté de tous les électeurs. Plusieurs voix. — Ce n'est pas l'intérêt général. ]M, Maître. — Il y en a beaucoup qui voudraient qu'on supprime le régime forestier. M, LE PrésidejSt. — Je vais mettre aux voix le vœu qui a été exprimé par ]\IM. de Clermont et Joly : « Le Congrès exprime le vœu que les terrains communaux suscep- tibles de reboisement et d'amélioration pastorale ne soient pas partagés. » Plusieurs voix. — Ni aliénés. M. Maître. — Il faudrait, pour donner satisfaction à M. Joly, ajouter le mot « boisés ». M. LE Présidext. — Le texte serait ainsi rédigé : < Le Congrès émet le vœu que les terrains communaux boisés ou , susceptibles de reboisement ou d'aménagement pastoral^ ne soient pas partagés^ et soient reboisés ou aménagés, avec encouragement de l'Etat. » ' Ce vœu est adopté à l'unanimité moins une voix. La séance est levée. — 622 — INTERNATIONAL 1913 SÉANCE DU 17 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. PLUGHET, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 10. M. LE Président. — Messieurs, M. Dr. Gomm. Alberto Geisser, délégué du Touring-Club Italien, a bien voulu déposer sur le bureau, un certain nombre de publications de cette société. Je prie M. Geisser de transmettre au Touring-Club Italien les remerciements sincères du Congrès, et je lui répète que nous sommes heureux qu'il ait bien voulu le déléguer pour prendre part à nos travaux [Applaudissements). S'il y a dans la salle des délégués étrangers, je les prie de venir prendre place au bureau pour suivre de très près les discussions qui vont s'ouvrir. Nous sommes ici réunis en un congrès international et nous serons heureux d'être éclairés par ces messieurs sur ce qui se passe dans leur pays et d'en tirer des enseignements pour la France. M. Jules RoTH, inspecteur des Eaux et Forêts, adjoint à la station centrale de recherches forestières à Selmeczbanya (Hongrie), prend place au bureau. M. le Président. — L'ordre du jour appelle la lecture de la discussion du rapport de M. Mougin sur les Grands travaux : Barrages. — - Dérivations. — Canalisations. — Tunnels. — Restauration des mon- tagnes. — Lutte contre les torrents et les avalanches. M. Mougin. — Depuis quelques années, les travaux de correction des torrents ont eu le don d'exciter, en France surtout, d'âpres et souvent d'injustes critiques qui ont abouti à un véritable réquisitoire soumis à la fin de 1912 à la Chambre des Députés. (Rapport sur le budget de 1913, Ministère de l'Agriculture par M. Albert Métin). Les assertions erronées ou hasardées, avancées à ce sujet, ont fait l'objet de restrictions sévères de la part des forestiers étrangers {Journal forestier Suisse, 1909) aussi bien que de rectifications méritées, tant dans les journaux spéciaux {Revue des Eaux et Forêts 1906, p. 75. Professeur Thierry) qu'à la tribune du Parlement (Séance de la Chambre du 19 novembre 1912, matin). La campagne entreprise ne tendait pas — 623 — CONGRES FORESTIER à moins qu'à affirmer l'inutilité, bien mieux, la nocuité des travaux de correction. En France, la loi du 4 avril 1882 en restreignant les travaux de restau- ration à la plaie et à la lèvre même du torrent, en empêchant dans les bassins de réception l'établissement de massifs forestiers capables d'atténuer le ruissellement, a fatalement amené parfois à employer contre les brusques afflux d'eaux et les érosions qui en sont la conséquence, de plus nombreux ouvrages de correction qu'il n'eût été nécessaire dans des conditions normales. Aucune polémique n'aurait dû naître à ce sujet : il suffit de rappeler comment procède l'action torrentielle pour faire apparaître l'opportunité et souvent même la nécessité de ces ouvrages. Tout filet liquide ayant une vitesse de plus de 3 mètres à la seconde aiîouille les roches les plus dures comme les granités. Lorsque ce filet roule des sables silicieux, l'action érodante de l'eau s'en trouve singu- lièrement augmentée ; il est clair aussi que la morsure du courant est d'autant plus énergique que la roche est plus tendre, plus soluble, plus friable. C'est également une banalité de dire que la vitesse d'écoulement est fonction de la pente du lit et du volume des eaux, que le tapis végétal forestier ou herbacé sert de cuirasse au sol, ralentit le ruissellement et absorbe une notable partie des eaux atmosphériques. Or, le torrent est un cours d'eau à fortes pentes, lancé sur un versant dénudé, souvent constitué par des boues glaciaires, des marnes basi- ques, etc., qu'il ronge sans cesse, amenant à chaque crue de nouveaux éboulements des berges, de plus énergiques approfondissements du thalweg. Tous ces matériaux arrachés à la montagne viennent s'étaler dans la vallée en énormes cônes de déjections, envahissant villages et cultures, interrompant les communications et provoquant souvent dans les rivières interceptées de désastreuses débâcles. Parfois même on a à déplorer des pertes de vies humaines. Pour prévenir ces dégâts, il faudrait diminuer l'importance des crues, supprimer ou réduire le ruissellement, fixer la terre sur les versants : c'est le grand rôle de la forêt dans le drame qui éclate lors de chaque orage en montagne. Mais suivant l'altitude, l'exposition, le sol, il faut 15 ans, 20 ans et plus encore parfois, pour constituer le fourré protecteur. En attendant ce moment, n'y aura-t-il plus de « sac d'eau » capable d'élargir la plaie béante des rives et d'emporter en une lave les berges et les plantations qui les recouvrent? Est-il donc si rare de voir les neiges hivernales amoncelées dans les cirques supérieurs, fondre brusque- ment sous le souffle brûlant du vent du Sud, du foehn, qu'accompagnent presque toujours de tièdes et diluviennes ondées ? Alors que de vieilles futaies ont été impuissantes à retenir un sol étreint par le réseau de leurs monstrueuses racines, comment de jeunes pins, épicéas ou mélèzes, au maigre chevelu, arriveraient-ils à ravir à la puissance des eaux les pierrailles ou les boues qui les supportent? Si l'on veut permettre à la végétation de s'installer sur des versants instables, il faut de toute nécessité combattre l'érosion. Il peut suffire d'installer en travers du lit, à son niveau, en divers endroits, une chaîne de pierres qui arrête le surcreusement. Ces « seuils » assurent aux berges qui ont pris leur talus la fixité qui leur faisait défaut, c'est là une correc- tion simple et peu dispendieuse qui peut suffire en beaucoup de cas. — 621 — INTERNATIONAL 1913 S'agit-il, au contraire, d'un torrent violent qui s'enfonce à chaque crue très profondément, sapant le pied des berges presque verticales dont l'effondrement peut avoir dans le versant ainsi privé de base les plus fâcheuses répercussions. Il convient alors d'édifier un mur en pierre sèche,- ou en maçonnerie de mortier, ou mixte avec le corps de l'ouvrage en pierre sèche et le couronnement en maçonnerie de mortier, faisant saillie au-dessus du lit. L'atterrissement qui se forme en amont va élever la ligne du thalweg, étayer les berges croulantes et constituer une plage à pente réduite où les eaux s'étaleront, perdront de leur vitesse, de leur force de propulsion. La cuvette ménagée au milieu du couronnement d'U « barrage » éloignera le courant du pied des rives qui prendront peu à peu leur pente natu- relle. On conçoit d'ailleurs qu'il puisse être établi une série de barrages rapprochés, en gradins, lorsqu'il s'agira de déterminer un atterrissement important et de racheter une forte différence de niveau pour soutenir de puissantes berges menacées. Ou bien chaque ouvrage se trouve établi à l'extrémité même de l'atter- rissement du barrage immédiatement en aval ou à une distance plus considérable encore. C'est la suppression de l'affouillement par suite de la diminution de la vitesse, due tant à la réduction de la pente qu'à l'augmentation du périmètre mouillé. Dans cette dernière hypothèse, suivant la pente du lit, la nature du terrain, il peut être ou non nécessaire de fixer le thalweg par la construc- tion de seuils intermédiaires. Mais il arrive parfois que la pente est trop forte pour qu'on puisse utilement établir des barrages ou des seuils, ou bien que le terrain est tellement peu consistant (éboulis, sable, gypse) que le moindre filet d'eau y produit des érosions. C'est alors que l'on recourt aux canaux perreyés : on assure au torrent un lit fixe, résistant, imperméable dans toute la région dangereuse. Pourrait-on concevoir autre chose, aussi bien pour protéger le sol que pour prévenir des infiltrations dont les effets, parfois lents à se manifester, sont souvent des plus redoutables? Tous les moyens qui précèdent s'appliquent lorsque l'affouillement est le seul ennemi à combattre. Le problème devient infiniment plus ardu lorsqu'à l'érosion vient s'ajouter l'instabilité des versants provoquée par des causes autres que le surcreusement du lit. C'est toujours l'eau en excès qui est l'agent du glissement d'une couche superficielle tiltrante (souvent un placage glaciaire) sur un substratum argileux ou rocheux imperméable, d'un relief souvent différent de celui de la superficie et plus ou moins incliné. Le moutonnement de la surface, des déchirures vives, de petites mares sont caractéristiques des glissements qui peuvent atteindre jusqu'à mille hectares et plus encore. Qu'un ruisseau coule dans le thalweg vers lequel se précipitent les terres, il se transformera en un dangereux torrent et plus il emportera de inatériaux, plus la vitesse de descente du versant ira en augmentant. Il sera toujours utile d'assécher les mares du bassin de réception, de drainer les parties mouilleuses, de faciliter, en un mot, la rapide évacuation des eaux atmosphériques ou de fonte de neiges, de manière à créer une croûte superficielle solide, formant une cuirasse capable de — H25 — COiSGRES FORESTIER maintenir les masses humides sous-jacentes. En certains cas, de tels travaux constitueront à eux seuls toute la correction. Mais ordinairement il conviendra de les associer à des ouvrages d'autres genres. Tantôt une digue longitudinale , formant mur de soutènement, le long du cours d'eau de base dont on évitera l'affouillement, suffira à étayer le terrain. Tantôt cette digne devra être combinée avec des seuils ou des barrages. On peut aussi, en relevant fortement le lit du torrent au moyen de barrages qui constituent autant d' étais, provoquer de puissants atterris- sements servant de cale à la berge mouvante. Mais tous ces procédés demeurent inefficaces lorsque le torrent, d'un grand débit, est sujet à des crues violentes, soudaines et considérables, que la hauteur et la pente des versants instables sont fortes et que leur mouA^ement est rapide. Qu'on éloigne alors, si l'on peut, le cours d'eau de la rive dangereuse par une dérivation à ciel ouvert ou en sou- terrain dans la rive opposée. D'un seul coup, on aura supprimé ou réduit énormément le charriage du torrent, on aura donné à la montagne crou- lante une place où entasser ses débris et l'appui dont elle a besoin pour retrouver son équilibre et sa stabilité. Cette solution radicale, qui peut être économique, assure au mieux la sécurité des régions inférieures, des voies de communication, des cultures et des agglomérations dont les populations, quoi qu'on en ait dit, ne se désintéressent pas de la correction des torrents qui les menacent. Moins chargées de matériaux et, par suite, plus aiîouillantes, les eaux auront une tendance à remanier leur lit à l'aval de la dérivation : de là l'obligation, pour éviter des surcreusements, de fixer ce lit au moyen d'une série de seuils qui réduiront la pente et partant la vitesse des filets liquides. Il peut arriver aussi que le torrent dérivé soit jeté dans le lit d'un ruisseau voisin : ici encore, il faudra prendre garde que ce lit d'emprunt ne soit pas érodé par suite de la surchage qu'on va lui imposer. Des ouvrages de protection, de défense de rives seront sans doute nécessaires. Sur les cônes de déjections enfin, qui portent les plus riches cultures, les vergers, les vignes, aussi bien que les villages, il n'est pas moins important de prévenir la divagation des eaux torrentielles. Autrefois, alors que l'on ne cherchait pas à combattre le mal à son origine, dans ses causes d'ailleurs ignorées, on se bornait à des travaux de protection locaux, le plus souvent des digues, ou des curages de lit. A la première lave, on voyait les digues enlisées, le chenal ouvert à grands frais entièrement comblé, bien heureux encore quand les coulées boueuses ne s'étaient pas frayé un chemin au travers des maisons et des champs. Ce qu'on ne pouvait tenter alors avec succès se réalise aujourd'hui après l'achèvement des travaux de correction dont le résultat est la suppression du charriage. D'ordinaire, on fixe un lit aussi rectiligne que possible, en tenant compte des points de sujétion (ponts, hameaux etc.). Pour empêcher le torrent de sortir, on l'enserre entre deux perrés latéraux parallèles réunis par une cuvette maçonnée continue, ou par des seuils plus ou moins distants, afin d'éviter le creusement du plafond du chenal. Le premier de ces procédés a toutefois l'inconvénient d'amener une usure du pavage de — 62B — INTERNATIONAL 1913 fond d'autant plus rapide que la pente du cône de déjections qu'il épouse est plus considérable. Grâce à de telles régularisations de lit, on peut rendre à la culture des surfaces parfois fort importantes qui n'étaient occupées que par des graviers ou de la lande ; en outre, on garantit contre les crues dont seul le reboisement du bassin de réception du torrent atténuera peu à peu la violence, les propriétés, les routes et les chemins de fer situés dans la vallée principale. Une autre question se pose, qui a été soulevée récemment en France : faut-il commencer les travaux de correction par la partie inférieure du torrent et aller en remontant ou bien adopter la méthode inverse. Voici ce qu'enseignait M. le professeur Thierry à l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts (1). « Il y a lieu de se demander s'il faut construire les barrages en commençant par le bas ou par le haut du torrent. Chacun de ces systèmes peut se soutenir. On peut commencer par le bas quand on est seulement préoccupé de garantir immédiatement les propriétés inférieures; on ne construit alors un nouveau barrage que lorsque le précédent est complètement atterri, et de cette manière, on retient dans la montagne la totalité ou, au moins, la plus grande partie des gros matériaux. « Certains reboiseurs pensent, au contraire, qu'il faut d'abord attaquer le torrent à sa source et construire les premiers barrages dans les parties supé- rieures des gorges. En opérant ainsi, on arrête immédiatement les dévastations dans les parties où les pentes sont les plus fortes ; on régularise dans une cer- taine mesure l'écoulement des eaux et les perturbations inférieures deviennent moins considérables. Il est probable, pour toutes ces raisons, que ce système est plus économique que le précédent, mais il présente sur ce dernier le désa- vantage de ne pas mettre promptement à l'abri les cultures, les habitations, les routes, les voies ferrées qui sont menacées par le torrent. « Il existe un troisième procédé qui sert d'intermédiaire entre les deux autres et qui consiste à diviser le torrent en un certain nombre de tronçons séparés par des bandes de terrain inaffouillables (affleurements de roches, veines plus résistantes, portions de lit devenues permanentes, etc.). Ces premiers travaux apporteront une amélioration considérable dans le régime du torrent. Les propriétés inférieures seront garanties promptement, comme dans le premier cas ; et si, pendant la construction de ces ouvrages, on a soin de pousser active- ment les travaux de reboisement on pourra peut-être, comme dans le deuxième cas, faire une économie sérieuse sur le restant des travaux de consolidation à exécuter. » Ces considérations pratiques, la liberté du choix, ne trouvent pas grâce devant les partisans de la correction par le bas qui condamnent les autres systèmes au nom du principe de l'érosion régressive des coure d'eau à partir d'un niveau de base et citent, à l'appui de leurs dires, géologues et géographes. Il ne s'agit pas de nier cette théorie qui s'appuie sur des remarques incontestables mais bien de voir si elle s'applique bien dans la lutte contre l'érosion torrentielle e t la formation des laves. En de telles matières, le fait prime tout et s'il est contraire à une théorie, c'est que la théorie ne peut s'étendre au cas observé. L'érosion torrentielle est provoquée par l'écoulement d'une masse liquide considérable, d'un « sac d'eau » tombé brusquement dans le (1) Restauration des montagnes, Correction des torrents. Reboisement (Paris, librairie polytechnique, Baudry et C'« éditeurs, Chapitre X, p. 145). — 627 — CONGRES FORESTIER bassin de réception. On voit aussi en quelques moments tomber 50, 60 litres d'eau par mètre carré et souvent plus encore. Cette masse s'écoule sur des pentes excessives, sa vitesse s'accroît {g .Sin a) uniformément et, quand elle a atteint une valeur suffisante pour attaquer le lit, l'érosion commence. Il ne faut pas oublier que les roches les plus dures sont affouil- lées dès que l'eau atteint une vitesse de 3 mètres par seconde. Les filets liquides arrachent des matériaux au thalweg, les poussent et bientôt l'abondance des particules solides est telle que ce n'est plus de l'eau, mais un magma où la proportion du liquide est des plus faibles (1/5, 1/10) et qui avance par bonds successifs. Viendra-t-on soutenir que les lois de l'hydraulique régissent encore l'écoulement de la lave? Alors que la lave emprunte tous ses matériaux aux régions supé- rieures, peut-on valablement prétendre qu'elle est due à l'érosion régres- sive du cours d'eau? Ecoutez ce que dit Surell (1) à ce sujet : « Quand une grande masse d'eau se concentre subitement dans le goulot d'un bassin de réception, lancée sur une pente très rapide et resserrée dans une gorge profonde, cette masse ne s'écoule plus suivant les règles ordinaires de l'hydraulique. Elle monte de suite jusqu'à une très grande hauteur, roule sur elle-même et descend ainsi la gorge avec une vitesse excessive, bien supérieure à celle du torrent d'eau régulier qui s'écoule devant elle vers l'aval. Elle doit donc atteindre successivement tous les points de ce courant ; elle l'assimile à sa propre masse ; elle le balaye et, lorsqu'elle débouche dans la vallée, elle arrive chargée de tout le volume d'eau répandu dans le lit du torrent, depuis sa naissance, jusqu'à sa sortie de la gorge. » Qu'ajouter à une telle citation ? Mais où l'érosion régressive se fait d'une façon nette, c'est après l'arrêt de la lave. Les matériaux se sont déposés formant une courbe convexe vers le ciel; lorsque les eaux plus claires qui succèdent au phénomène arrivent au contact de cet amas mou, sans cohésion, on les voit se creuser un chenal de plus en plus profond et donner au profil en travers du dépôt la forme d'un M. C'est à ces faits bien connus de tous ceux qui ont pratiqué les Alpes, qu'on veut opposer la théorie du creusement par des eaux claires cou- rantes ! Alors pourquoi ne pas dire que les lois de l'écoulement des liquides s'appliqueront aux laves. Où donc est la faute de technique que commettent ceux qui, dans les par- ties supérieures du torrent, veulent diminuer la vitesse des eaux, augmenter la résistance du lit afin de prévenir l'érosion au point où elle se manifeste ? Surell, auquel il faut encore revenir, disait déjà à ce sujet (2) : « U reste à parler de Tordre dans lequel il conviendra de pousser les travaux. Cet ordre, loin d'être arbitraire, est une des conditions principales du succès. « J'ai déjà si souvent fait ressortir dans le cours de ce travail la nécessité d'attaquer les torrents dans leurs sources mêmes, qu'il est inutile d'y revenir encore. Ainsi c'est dans les parties les plus élevées que les travaux seraient d'abord entrepris: ils avanceraient de là vers les parties basses. » Il faut, enfin, ne pas perdre de vue le but que l'on se propose en entre- prenant la correction d'un torrent qui est la reconstitution de la forêt (1) Surell, Etudes sur les torrents des Hautes-Alpes, Chapitre IX, p. 4'.>. (2) Surell, loc. cit. Ch.ip. XXXII, p. 206. — 628 — INTERNATIONAL 1913 et le maintien du sol sur les pentes. Tout ce qui pourra hâter la réalisation do cet objectif ne saurait être négligé. De là l'obligation de reboiser toutes les parties stables du bassin de réception afin d'atténuer le ruissellement, celle d'entreprendre des ouvrages de correction dans les régions supérieures pour fixer le lit, les berges, empêcher que celles-ci ne s'éboulent et n'entraînent peu à peu vers les thalwegs les parties les plus voisines. Dès qu'ils seront stabilisés au moyen de travaux appropriés, les terrains crevassés, ébranlés, qui glissaient, seront plantés. Au fur et à mesure que se développera la végétation ligneuse, le régime du cours d'eau se régularisera et les berges des régions inférieures étant moins menacées, la construction de barrages y sera plus facile et moins onéreuse. L'érosion régressive est assez lente, c'est une usure du lit ; l'érosion torrentielle est soudaine, brutale, puissante : celle-ci agit comme une gouge sur le bois, l'autre, comme du papier de verre. Contre laquelle faut-il lutter d'abord? La réponse ne saurait être douteuse ; il faut aller au plus pressé, mais de là à conclure qu'il faille négliger l'érosion régressive, il y a un abîme. Est-ce à dire encore qu'on ne doive jamais commencer une correction par le bas? Ce serait aussi exagéré que de vouloir l'imposer dans tous les cas. Chaque torrent a ses caractères spécifiques de climat, de sol, de pente, d'exposition, d'altitude, de dénudation. Les travaux à exécuter doivent être décidés en tenant compte de tous ces éléments. Ici encore, il faut redouter les conceptions purement théoriques dans la recherche de la solution : c'est l'observation directe des faits qui doit servir de guide et voici les conclusions auxquelles était arrivé Demontzey (1) « Quant à la marche à suivre dans les travaux, rexpérience à démontré : « 1" Qu'il importe, avant tout, de corriger tous les ravins supérieurs tribu- taires d'un torrent donné ; « 2° Que, dans le lit principal, on doit procéder de l'amont vers l'aval, en ce qui concerne les différentes sections à traiter ; « 3° Qu'au contraire, dans les combes, les travaux de l'amont devant s'appuyer sur ceux d'aval, il y a lieu de procéder généralement du bas vers le haut, à l'exception des combes sèches où Fon doit exclusivement reprendre les travaux par le haut ; « 4° Que dans le cas de glissement sur les versants du torrent, chaque sec- tion doit être traitée comme une combe ; « 5° Que dans chaque section, les travaux secondaires seront toujours menés »'inent. la question de Yorigine des graines à employer. On considère volon- tiers qu'une espèce botanique est homogène, que tous les individus qui la composent sont identiques comme caractères et exigences, et l'on sème des graines de pin sylvestre, d'épicéa, etc., sans se préoccuper de la localité où ces graines ont été récoltées. Depuis quelques années des recherches faites, surtout en Autriche, en Suisse, en Allemagne et qui sont la suite d'expériences bien plus anciennes, dues à L. de Vilmorin, ont montré qu'il existe pour une même essence des races plus ou moins différentes par les caractères extérieurs, mais différant aussi par des pro- priétés physiologiques et manifestant des exigences diverses vis-à-vis des conditions de milieu. La question préoccupe actuellement les sylvicul- teurs qui cherchent à créer des massifs productifs ; elle est d'une grande importance pour les reboiseurs dont le but est, avant tout, de constituer des peuplements solides, composés d'arbres aussi bien adaptés que possible au milieu. Il ne suffit pas de choisir judicieusement une essence, il faut choisir une race déterminée, et la recherche de la race qui con- vient le mieux est un problème nouveau. En s'aidant des recherches faites et en s'inspirant des principes qui doivent guider le reboiseur, on peut dire que, d'une façon générale, ce sont les races de la région, vivant dans les mêmes conditions de sol, d'altitude, ou les races de régions analogues qui donneront les meilleurs résultats. On évitera ainsi des insuccès. On a établi que l'épicéa présente des races adaptées à des altitudes différentes ; bien souvent on a vu des plantations d'épicéa en haute montagne dévastées par la neige, parce que les plants mis en terre provenaient de graines récoltées en basse montagne, avaient une croissance rapide, mais manquaient de résistance. M. Fabre a signalé le mauvais état de reboisements faits dans les Cévennes en sol siliceux, à l'aide de plants de pin sylvestre issus de graines récol- tées dans les Causses, en sol calcaire sec. M. d'Alverny a fait ressortir la faute commise en introduisant dans le Massif central le pin sylvestre d'Haguenau, au milieu de peuplements de pin sylvestre d'Auvergne, . — 6« — CONGRES FORESTIER qui se montre supérieur à ce dernier. On a commis des erreurs domma- geables en confondant sous le même nom de pin de montagne des formes aussi différentes que le pin à crochets des Pyrénées et des Alpes et le pin rampant des Alpes centrales, et en semant, au milieu de massifs naturels de pins à crochets, des graines de provenance autrichienne • qui ont donné des arbres branchus et couchés sur le sol. Actuellement, on achète dans le commerce des graines de provenance quelconque ; l'Administration même fait récolter des graines et les distribue au hasard de l'abondance des récoltes, sans tenir compte du lieu de production et du lieu d'emploi. Il importe de renoncer à ces usages ; il faut en tout cas connaître l'origine des graines employées et si on veut être sûr du succès, les semer dans des stations où les conditions se rapprochent de celles de la station des arbres semenciers. ^ Hsêr pour rèn' ^^ réinstallation directe de la végétation forestière dans une station herbement et n'étant pas toujours possible, directement, il faut avoir recours d'abord îèi^nt*"'^'^''''' ^ ^®^ végétaux qui occupent le sol et modifient par leur présence les conditions jusqu'à ce que la forêt puisse se reconstituer. De plus il y a des stations particulièrement intéressantes pour le reboiseur, telles que les éboulis, les terrains en glissement, les atterrissements des torrents, dans lesquels la végétation forestière ne pourra le plus souvent jamais s'installer. C'est aussi le cas de toutes les surfaces situées au- dessus d'une certaine altitude et comprises dans l'étage alpin, défini par l'absence primitive de toute végétation forestière. Pour garnir le sol, il faut alors avoir recours à des plantes spécialement adaptées. De là le rôle important des végétaux herbacés et des arbrisseaux et la nécessité de travaux d'enherbement et d'embroussaillement. Jusqu'à présent on s'est borné à utiliser pour l'enherbement un nombre assez restreint d'espèces et l'emploi en est souvent très local. Bien souvent, pour plus de facilités, on emploie des espèces fourragères du commerce : on sème du sainfoin, des graminées fourragères [fenasse). Les résultats sont souvent médiocres ; ces espèces se développent mal et dépérissent rapidement. L'usage des espèces arbustives est aussi trop restreint et demande à être étendu. C'est encore par l'étude soigneusement faite de la végétation natu- relle que l'on arrivera à trouver quelles sont les espèces à utiliser. Dans chaque région, suivant l'altitude et le sol, il existe des plantes qui peuvent rendre des services : chacune d'elles a son mode de vie spécial qu'il faut étudier, afin de la placer exactement dans les conditions qu'elle demande et de mettre à profit ses aptitudes. Les unes occupent les sols dénudés et mobiles, berges en glissements, éboulis, graviers récemment apportés ; ce sont des colonisatrices de places vides qui, grâce à leur enracinement puissant, à leurs tiges souterraines abondamment ramifiées, peuvent s'ancrer solidement dans ces terrains mouvants, y forment des touffes ou des buissons qui vont en s'étalant et garnissent progressivement le sol. Tels sont V Argoiisier {Hippophaœ rhamnoïdes L.), la Corroyère [Coriaria myrtijolia L.) parmi les arbrisseaux; la Bauche (Lasiagrostis Calamagrostis Lk), parmi les graminées. D'autres ne peuvent s'ins- taller que sur un sol plus stable, déjà garni de quelques végétaux; ils relaient en quelque sorte les premiers et caractérisent un nouveau stade de la végétation, tels sont divers arbrisseaux : Épine vinette{Berheris culgaris L.), Aubépine [Crataegiis Monogyna Jacq.), le Bromus erectus — (Vi^ INTERNATIONAL 1918 parmi les graminées, le Dompte-venin {V incetoxicum officinale L.). Ces végétaux recherchent tous des stations assez ensoleillées et chaudes. Dans les stations plus fraîches, sur des versants exposés au nord, à de plus fortes altitudes, les éboulis peuvent être garnis de Rumex sciitatush., plus haut d' Avenu versicolor Vill. Une catégorie particulièrement inté- ressante est constituée par ces plantes qui peuvent se développer dans les marnes noires, de propriétés physiques et chimiques si spéciales et dont le gazonnement importe tant pour la restauration de vallées entières : on peut citer la Bugrone [Ononis fruticosa L., le Laserpitium gallicum Scop., etc. Mais pour que ces espèces que l'on observera ainsi puissent être utili- sées pratiquement, il est essentiel que leur propagation soit facile, soit par plants, soit par graines. L'étude de la plante sur place donnera des indications et des essais permettront de conclure. Pour beaucoup de ces espèces qui sont drageonnantes, on aura recours à la plantation d'éclats {Argousier, Corroyère, Bauche). Pour d'autres, il faudra recourir au semis et il sera alors commode d'établir des sortes de pépinières où on pourra récolter facilement une quantité de graines. Enfin il y a lieu de remarquer qu'on peut utiliser certaines des espèces d'enherbement et d'embroussaillement, en dehors des vallées où elles sont localisées pour des raisons autres que les circonstances de milieu. Cette remarque s'applique notamment à la Corroyère et à la Bugrane dont les aires sont restreintes et l'emploi jusqu'à présent localisé. Parmi les espèces arbustives auxiliaires du reboisement qu'il y a lieu d'étudier davantage, il faut signaler spécialement les Saules. Grâce à leur propriété de croître dans les sols frais et de se multiplier par boutures, on utilise avec succès et avantage les saules pour garnir les fonds de ravins, les atterrissements ; on les utilise beaucoup pour la confection des clayon- nages. Trop souvent on a tendance à les utiliser sans discernement en plantant pêle-mêle les diverses espèces que l'on trouve aux environs, sur les délaissés des rivières ou les cônes de déjection, par exemple. Or, les saules ont, suivant les espèces, des exigences différentes et des particu- larités dans le mode de vie dont il faut tenir compte. Certaines espèces, comme le Saule daphné {Salix daphnoïdes Vill.) supportent des altitudes élevées ; d'autres ne peuvent croître que dans des régions plus basses, tel le Saule drapé {S. incana Schr.); il en est qui s'enracinent facilement, d'autres reprennent mal de bouture {Saule marsault, Saule à grandes feuilles) ; les uns donnent des rejets vigoureux d'assez fort diamètre, les autres, comme h Saule pourpre (S. pur pur eaL.), sont moins avantageux à employer à cause de leurs pousses grêles et de faible longueur. Il est désirable que les divers saules soient étudiés comparativement et que l'on précise les conditions d'emploi de chaque espèce. La question de l'origine des graines a été traitée plus haut, mais il est pépinièr un certain nombre d'autres points sur lesquels il paraît nécessaire d'appeler l'attention du Congrès : 1° Faut-il donner la préférence aux pépinières centrales ou aux pépi- nières volantes ? 2° Dans quelle mesure peut-on substituer les engrais chimiques aux engrais naturels? 3° Quels sont les meilleurs procédés à employer pour réussir les semis — 645 — CONGRES FORESTIER de certaines espèces de reboisement ou d'ernbroussaillement : pin cembro, aune blanc, sorbier des oiseleurs, hippophase, aune vert, etc ? 4° Comment préserver certaines graines dont la germination est lente, comme celle du pin cembro, contre les attaques des oiseaux et des rongeurs? 50 Faut-il repiquer les plants ? Semis directs et Les questions sur lesquelles l'attention des congressistes mériterait plantations. d'être appelée peuvent être groupées comme suit : 1° Essences pouvant être installées par semis direct. 2° Essences devant être installées de préférence par voie do plantation. 3° Saisons à choisir pour l'exécution des semis et des plantations. 40 Différentes méthodes applicables aux semis directs et aux planta- tions. 5° Dans quelle mesure peut-on favoriser l'essor des jeunes sujets par l'emploi des engrais chimiques. 6° Soins à donner aux jeunes plants. Espacement initial. Eclaircies. Nettoiements. 70 Etablissement de tranchées garde- feu, etc. Le Congrès émet le vœu : Que les forestiers reboiseiirs soient encouragés à faire connaître les moyens pratiques qui leur ont le mieux réussi dans V exécution des divers travaux de correction et de réinstallation de la végétation. Que Vattention des reboiseurs soit attirée sur la nécessité d'étudier la végétation naturelle des bassins à reboiser et des régions attenantes, et sur Vintérêt qu'il y aurait à dresser une carte botanique pour servir de base aux travaux de reboisement entrepris. Que Von tienne compte des résultats acquis dans la question de Vorigine des graines, en semant en tous cas des graines d'origine connue et choisies logiquement. Que Von étudie d'une façon rationnelle les végétaux herbacés et les arbris- seaux utilisables pour Venherbement et Vembroussaillement, et que par des essais on détermine les conditions de leur emploi et de leur multiplication. Qu'une étude analogue soit faite pour les diverses espèces de saules utilisés pour les travaux de garnissage et de clayonnage. Permettez-moi, Messieurs, d'ajouter quelques mots : On ne saurait douter qu'à l'époque où l'homme vint prendre posses- sion des différentes vallées des Alpes, un certain ordre régnait dans la nature. Sans doute cet ordre, cette harmonie n'étaient pas la manifestation d'un équilibre atteint définitivement, car il n'y a pas à proprement parler dans la nature d'équilibre définitif, mais bien plutôt, si nous nous en rapportons à ce que nous pouvons observer aujourd'hui, le résultat d'une lutte incessante, dont les phases se sont succédé dans un ordre déterminé, entre divers facteurs antagonistes obéissant à des lois générales et immuables. Ces facteurs antagonistes sont : — (VS — INTERNATIONAL 1913 D'une part, les agents de la géodynamique externe, dont l'action a son origine à la fois dans l'énergie solaire et dans ia gravité, et qui travaillent les uns à la désagrégation de Técorce terrestre en éléments plus ou moins volumineux, les autres au transport de ces éléments. Par le jeu combiné de ces divers agents, les particules solides du globe se rapprochent dune situation d'équilibre stable, en même temps que la surface terrestre tend à acquérir une forme qui la protège mieux contre toute action ultérieure. D'autre part, l'armature végétale qui maintient la partie super- ficielle du sol en l'enserrant dans le réseau de ses organes souterrains, s'oppose ainsi au transport des éléments qui la constituent; en outre, grâce aux organes aériens, elle protège cette partie superficielle du sol contre l'action des agents atmosphériques. En rèahté, les organismes végétaux contribuent dans une certaine mesure, nous l'avons vu, et les forestiers le savent, à l'altération et à la désagrégation des roches. Mais si l'on considère que cette action est combinée avec la propriété que les végétaux ont de laisser à la surface ou dans les profondeurs du sol, au moment de la mort de leurs organes aériens ou souterrains, les matières nutritives puisées dans ce sol ou dans l'atmosphère, on constate qu'en somme l'action des organismes végétaux a pour effet de faciliter leur développement immédiat ou de favoriser par la suite l'installation de ceux qui sont appelés à leur succéder dans les phases successives de l'évolution du tapis végétal. En sorte que tout se passe comme si les organismes végétaux altéraient, désagrégeaient, et même décomposaient le sol pour mieux le retenir. L'étude des phénomènes dont la surface du globe est actuellement le théâtre nous permet de connaître vers quel but linal tendent ces facteurs antagonistes. C'est la substitution au relief primitif d'une pénéplaine, surface telle que toutes les hgnes de plus grande pente sont des courbes analogues aux profils d'équilibre des cours d'eau. L'évolution du relief dans le sens que nous venons d'indiquer est un phénomène de longue haleine. Si les agents de la dynamique interne ne venaient plus jamais modifier les positions relatives des divers éléments de la croûte terrestre, on pourrait presque esquisser à grands traits les caractères essentiels de la pénéplaine qui, dans cette hypo- thèse, se substituerait peu à peu aux formes actuelles de nos Alpes, bien que cependant le soulèvement de celles-ci soit relativement récent et que, toutes choses égales d'ailleurs, le travail de l'érosion y soit encore peu avancé. Mais si l'on ne peut indiquer l'état géographique final vers lequel tend le rehef actuel, on peut affirmer, en tout cas, qu'il est loin d'être défi- nitif et que son évolution serait beaucoup plus rapide si toute végéta- tion en était absente. Celle-ci exerce un rôle retardateur très puissant, que personne ne méconnaît aujourd'hui, et sur lequel est basée l'œuvre que l'on a entreprise en faveur de la restauration des montagnes. Pour le moment, bornons-nous à constater que si l'ordre de choses — 647 — CONGRES FORESTIER actuel est encore harmonique, comme n'étant pas le résultat du pur hasard, puisqu'il est, je le répète, le produit du combat des facteurs antagonistes, obéissant tous à des lois définies et immuables, il n'en est pas moins incompatible avec le développement ascensionnel, c'est-à-dire dans la voie du progrès tel que nous le concevons, de la civilisation actuelle. Comment se rétablit aujourd'hui l'équilibre détruit'.' Dans les régions que l'homme et son industrie ont dû abandonner totalement, c'èst-à-dire en quelque sorte partout où se trouvent de grandes surfaces complètement dépourvues d'armature végétale, on assiste à l'évolution rapide des formes du sol vers un terme bien diffé- rent de l'état qui existait au moment de son entrée en scène. A cet égard, le fait le plus saillant peut-être est le suivant, que l'observation la plus superficielle met quotidiennement en évidence dans les pays de montagne en particulier. Si l'on vient à détruire le tapis végétal existant sur un sol stable dont la pente dépasse une certaine valeur (au-dessus de 100 pour 100 pour fixer les idées), on remarque que l'armature végétale protectrice du sol ne se rétablit jamais immédiatement dans l'état où elle existait auparavant, état qui est encore celui des terrains environnants. Et cependant ces ter- rains produisent d'innombrables germes qui se développeraient à côté s'ils y trouvaient des conditions favorables. Les agents de la dynamique externe s'acharnent sur ce sol non abrité et tendent à lui donner une pente générale inférieure à celle qu'il avait tout d'abord. Ce n'est que lorsque cette pente a pris une valeur voisine de 100 %, plus fréquemment inférieure à ce chiffre, que l'on voit les organismes végétaux chercher à prendre possession du domaine modifié quant à la pente. Il me semble nécessaire de donner ici quelques indications plus précises sur cette notion de la pente de restanratioîi que j'ai essayé d'introduire dans le rapport. Pour simplifier notre examen, supposons tout d'abord que nous soyions transportés dans une région où les eaux courantes — je dis les eaux courantes — n'interviennent pas comme agents du modelé. Les matériaux constituant l'écorce terrestre, soumis aux agents de la dynamique externe, se désagrègent en donnant naissance à des éléments de grosseur variable qui s'accumulent directement sur place si le relief est peu accentué, ou qui, dans le cas contraire, roulent ou glissent sous l'influence de la pesanteur, à une certaine distance du point où ils ont été rais en liberté. Cette force de propulsion combinée avec les frottements auxquels leur contact donne heu intervient seule dans leur classement métho- dique. Dès lors, sont constituées des nappes d'éboulis dont la stabilité est immédiatement définitive et dont la pente superficielle ne dépend plus, en quelque sorte, que de la grosseur des éléments qui les com- posent. C'est ainsi, par exemple, que les choses se passent dans les régions désertiques. — 648 — INTERNATIONAL 1913 Les choses se passent tout différemment dans les régions où les condensations atmosphériques sont assez abondantes pour donner naissance au ruissellement superficiel et pour permettre à l'action des eaux courantes — je répète courantes — d'entrer en jeu. Évidemment, c'est encore la pesanteur qui, s 'exerçant sur les élé- ments de tout volume provenant de la désagrégation des roches, pro- voquera leur collection en nappes d'éboulis à matériaux grossièrement triés. Mais l'équilibre superficiel de ces nappes se modifiera à la première pluie un peu abondante et tendra à s'étabhr de telle sorte qu'en chaque point, la résistance du sol soit égale à la puissance d'érosion des eaux qui passent par le point considéré. Vers le sommet de la nappe des eaux, n'ayant pas le temps de se concentrer ou n'ayant formé que de très petits filets liquides, l'équilibre s'établira sous une pente forte. Vers le bas au contraire, la concentration des eaux aura engendré de véritables torrents et l'équilibre ne pourra plus s'établir que sous une pente relativement faible. Partout, dans les montagnes françaises et dans celles des autres pays, on constate que les éboulis de formation récente sont profondé- ment ravinés et qu'en général, les ravins sont d'autant plus encaissés qu'on se trouve plus loin du sommet de ces nappes. Les considérations qui précèdent font ressortir, je crois, avec évi- dence, que la pente du sol au-dessous de laquelle la végétation devient possible à la surface du sol, varie de valeur dans une certaine mesure, suivant la plus ou moins grande ampleur du phénomène du ruisselle- ment. Aussi constate-t-on aisément que, toutes choses égales d'ailleurs, les formes de relief varient, évoluent dans les sens très différents suivant la plus ou moins grande ampleur du phénomène du ruissel- lement. La nature des précipitations joue aussi un rôle important dans ces phénomènes. Il est bien évident que, par exemple, les chutes de grêle sont de nature à activer la marche du modelé, tandis que les chutes de neige sont favorables au maintien des formes actuelles du sol, à moins toutefois que ces masses de neige ne donnent naissance aux phéno- mènes glaciaires et aux phénomènes des avalanches. En effet, pendant que le sol est couvert par la neige, il est soustrait aux alternatives de gel et de dégel, ainsi qu'à l'action mécanique des chutes de pluie ou de grêle. Les eaux arrivent lentement au sol pendant que duri' la fusion, et l'infiltration se trouvant dès lors facilitée, le ruissellement est singulièrement amoindri. Plus longue sera la période pendant laquelle la neige couvin; le sol, et moins rapide sera l'évolution du rehef, toutes choses restant les mêmes. De plus, les surfaces enneigées se découvrent d'ordinaire avec len- teur et d'une manière progressive. Si ces surfaces sont nues, la fusion progressive des neiges sera favorable au développement de proche en proche de la couverture végétale. De sorte qu'en définitiv(;, on peut, je crois, formuler le principe suivant : — 649 — CONGRES FORESTIER Un sol de constitution physique et de pente données pourra être envahi par la végétation sous un cHmat défini, alors que cet envahisse- ment aurait déjà eu lieu ou serait encore impossible dans d'autres conditions de cHmat. Examinons maintenant — j'empiète un peu sur le domaine de mon camarade Guinier, mais il m'en excusera certainement — examinons maintenant comment la nature s'y prend pour établir un tapis végétal sur un sol nu et qui présente des conditions de pente favorables, relativement au climat. Au début de cette sorte de restauration, on ne voit que des individus isolés, d'espèces peu nombreuses et bien spécialisées, réussir à s'ins- taller. Beaucoup meurent sans avoir laissé de postérité. Mais les obstacles que certains d'entre eux, mieux armés pour la lutte, oppo- sent aux causes de dégradations, finissent à la longue par réduire la puissance des agents atmosphériques. Ainsi se créent insensiblement de nouvelles conditions qui sont favorables à la multipHcation plus abondante des espèces que je viens de signaler et à l'installation de nouvelles espèces, plus difficiles que les premières, par rapport aux conditions offertes par le miheu. Le résultat final de cette lutte opiniâtre entre la nature vivante et la nature morte est la constitution d'une association végétale, de laquelle Sont généralement exclues les espèces qui avaient pris posses- sion du sol au début de la restauration. Le plus souvent la composition de cette association sera absolu- ment identique à celle de l'association qui caractérise les stations analogues de la zone naturelle de végétation à laquelle appartient le lieu considéré. Mais tel n'est pas toujours le cas. On sait en effet que « les besoins de chaque espèce prise isolément varient dans des limites plus étroites que ceux de l'association ». Or, le changement dans la forme superficielle du sol aura pu s'accompagner d'une modification importante dans sa nature minéralogique, par exemple si l'érosion a enlevé un terrain de transport qui couvrait un terrain en place et mis ce dernier à nu. De telle sorte que, même en admettant qu'aucune modification ne se produise dans les caractères généraux et locaux du climat, on constatera parfois que certains termes de l'association, voire même son principal terme, auront disparu. En somme, je crois avoir établi les deux autres principes suivants : fo Lorsqu'une surface à très forte pente se trouve subitement privée de toute armature végétale, les organismes végétaux ne peuvent, dans les conditions actuelles de la vie sur le globe, s'en emparer immé- diatement par leurs propres moyens. A la dénudation succède une phase d'érosion. 2o II n'est possible aux organismes végétaux dont il s'agit de lutter victorieusement contre les forces naturelles de dégradation que lorsque la pente du sol a pris une valeur plus faible que celle qu'elle avait tout d'abord. — 650 — INTERNATIONAL 1913 Ces principes ne sont apparus clairement aux yeux des observateurs qu'au cours du siècle dernier. Surrel, que l'on cite toujours en cette matière, attribuait à juste titre aux végétaux ligneux, aux arbres en particulier, la prépondérance dans le rôle de l'armature végétale. C'est lui qui, le premi'er, a exprimé avec vigueur le premier de ces principes en disant que « la destruction d'une forêt laisse le sol en proie aux torrents ». Si le deuxième principe n"a pas été formulé avec autant de netteté, il n'en est pas moins contenu implicitement dans tous les travaux publiés sur la restauration des montagnes et la correction des torrents. Les forestiers l'expriment généralement en affirmant qu'un sol dénudé et dont la pente dépasse une certaine valeur ne peut être restauré, c'est-à-dire que son armature végétale ne peut être réinstallée qu'après l'exécution de certains travaux ayant pour but de donner au sol la stabilité qui lui fait défaut. C'est ce que M. Mougin disait tout à l'heure. C'est de ce principe que les forestiers ont déduit la nécessité d'effec- tuer la plupart des travaux de correction : barrages, clayonnages, fascinages, garnissages de lits et de berges, avant d'entreprendre les travaux forestiers et de reprendre les semis et plantations. Les réflexions qui précèdent pourraient nous amener à nous poser la question suivante : comment la végétation a-t-elle pu s'emparer des surfaces à très forte pente, alors que dans les conditions actuelles, elle ne peut plus immédiatement s'y réinstaller par ses propres moyens ? C'est une question que les botanistes résoudront ; et je pense qu'ils en trouveront la solution dans l'étude du phénomène glaciaire. C'est probablement à l'époque glaciaire que la végétation s'est installée dans les pays de montagnes. Le deuxième chapitre de notre rapport traite des petits travaux de correction. Je n'ai pas de choses nouvelles à ajouter au rapport sur ce point, et cela ne conclut à aucun vœu. Je vous demande donc de me per- mettre de passer la parole à M. Guinier. M. Guinier. — Messieurs, ainsi que M. Bernard Ta dit, il y a dans la question qui nous intéresse en ce moment une part botanique. La restauration des montagnes comporte une grande part de botanique appliquée. Et je tiens tout d'abord à vous faire remarquer que, pour le comprendre, il faut élargir la conception de la botanique qui a été pendant longtemps universellement admise, et qui demeure encore la seule connue pour beaucoup de personnes étrangères aux progrès de cette science. Le botaniste, ce n'est pas l'homme qui en se promenant à travers la campagne ramasse des plantes, leur donne des noms, étudie leurs caractères. Ce n'est pas non plus celui qui dans son laboratoire, au moyen de coupes microscopiques, en étudie les détails de structure. Ce n'est pas davantage et seulement celui qui, dans un laboratoire — 651 — CONGRES FORESTIER un peu différent, faisant croître ces plantes dans des milieux dont il règle à sa volonté tous les détails, établit les lois physiologiques de leur développement. Non, il y a à côté de cela un botaniste plus complet, plus synthétique si vous voulez, d'ordre plus pratique aussi : c'est celui qui, parcourant la campagne, ne se borne pas à constater qu'il y a là une plante présentant tels caractères, mais se demande pourquoi elle y vit, dans quelles conditions de miheu elle s'y trouve, quelle est sa signification : en d'autres termes, celui qui se demande quelles sont les propriétés de cette plante et comment on pourrait en tirer parti pour répondre à un des besoins de l'homme. C'est ce pas qu'il faut franchir, c'est dans cette voie qu'il faut réso- lument entrer. En somme, restaurer les montagnes, c'est rétablir l'état primitif. MM. Mougin et Bernard l'ont éloquemment montré, ce rétablissement comporte une part de lutte contre des phénomènes géologiques. Mais ensuite il faut rétablir sur ce sol la végétation primitive. Il faut donc connaître quelle était cette végétation primitive. Ceci est incontes- tablement un problème de botanique apphquée. Ce problème, les botanistes sont aujourd'hui à même de le résoudre. Je dis actuellement, car il y a trente ans ou même vingt ans, la chose n'était pas aussi facile. La botanique a évolué. Et je ne peux pas parler sur ce sujet sans rappeler le nom de celui qui, en France, a contribué le plus à cette évolution et surtout à ses applications pratiques : c'est M. Flahault, professeur de botanique à l'Université de Montpel- her qui, le premier, a étudié à ce point de vue spécial la flore de nos montagnes méditerranéennes, des Cévennes, d'une partie des Pyré- nées, de toutes les Alpes méridionales. Nous n'entrerons pas dans les détails de ce problème de la déter- mination de l'état primitif de la végétation : c'est de la botanique, et je ne crois pas nécessaire de m'y appesantir. Je me bornerai à faire remarquer une chose : Certainement beaucoup d'entre vous — je parle des forestiers — me feront cette objection ; ils diront : « Mais cela exige beaucoup d'études botaniques, cela exige une grande con- naissance de la flore d'une région ». C'est bien certain, mais c'est un travail à faire une fois pour toutes; et de même, que dans certains cas, on a recours à un spécialiste, je ne vois pas pourquoi les forestiers ne recourraient pas dans ce cas particulier à un spécialiste en bota- jiique. Le résultat de tous ces travaux serait d'établir une carte botanique de la région à reboiser, pour chaque bassin de réception, pour chaque périmètre, pour employer le terme administratif. Cette carte indique- rait les limites altitudinales et les localisations d'après la nature du sol des différentes essences, ou plutôt des différentes associations végétales. Alors il suffirait de jeter un coup d'œil sur cette carte, d'y mettre en place la surface à reboiser, pour savoir immédiatement à quelles essences il faut avoir recours. Voilà le principe. Je ne nie pas qu'il n'y ait des difficultés d'appli- — 652 ~ INTERNATIONAL 1913 cation. Mais notre tâche ici est d'émettre des idées générales, de poser des principes ; et c'est dans ce sens que tout à l'heure je vous pro- poserai un vœu. Il y a encore quelque chose à quoi il faut faire attention. Rétablir la végétation primitive, mais est-ce toujours possible? Les forestiers savent bien que non. Instinctivement, de tout temps, quand ils ont à constituer une forêt sur un sol déterminé, ils ont eu recours à ce qu'on a appelé des essences transitoires, parce qu'ils savent parfai- tement que si, par exemple, dans une sapinière complètement détruite, ils veulent planter du sapin, ils s'exposent neuf fois sur dix, et même plus souvent, à échouer. Mais ils y planteront une essence transi- toire, et c'est sous cette essence, le pin sylvestre par exemple, qu'ils verront se reconstituer la forêt. Cette méthode doit être généralisée. Nous ne devons pas parler seulement d'essences transitoires, mais, d'une façon plus générale, de végétaux transitoires, d'ordre quelconque, de toutes dimensions. D'autre part, une autre notion à retenir est celle-ci : rétabhr l'état antérieur est bien, mais il y a des cas où on peut faire mieux. Il ne faut pas oublier ce principe fondamental que, pour qu'une plante se trouve dans un endroit déterminé, il ne suffît pas qu'elle y puisse vivre : il faut aussi qu'elle ait pu y arriver. Les plantes ont leurs migrations. La population végétale du globe est actuellement le résultat de migrations très lentes. Mais les graines ainsi transportées peuvent rencontrer des obstacles. C'est ce que nous voyons tous les jours dans les régions de montagnes, lorsque nous passons d'une vallée à une vallée voisine : à égalité de chmat ou presque, la végétation change complètement. Ainsi dans les Alpes méridionales, si nous comparons une vallée telle que celle du Var, qui débouche largement sur la plaine méditerranéenne, et une autre vallée, telle que celle du Verdon, qui débouche dans la vallée de la Durance, laquelle débouche à son tour, après un parcours encore plus long, dans la vallée du Rhône, nous voyons que, dans ces deux vallées de climat semblable, il y a des flores très différentes. Pourquoi ? Il est facile de le comprendre. Un certain nombre de plantes ont pu, partant du rivage méditerra- néen, remonter la vallée du Var, tandis que les mêmes plantes n'ont pu, partant de la plaine du Rhône — où déjà elles n'existent pas d'ailleurs — surmonter tous les obstacles échelonnés sur le parcours qui les mènerait à la vallée du Verdon. Nous pouvons profiter de cette notion pour provoquer ces migra- tions de plantes, pour les effectuer nous-mêmes. On a fait cela aussi depuis longtemps : c'est le principe de l'introduction des essences exotiques. Et ce mot peut être généralisé : quand on plante du mélèze en plaine, le mélèze est tout aussi exotique dans cette station que le sapin de Douglas l'est en France. Les reboiseurs eux-mêmes ont largement apphqué ce principe par tâtonnement. Actuellement, il y a sur pas mal de nos versants calcaires des montagnes méridionales de beaux massifs de pin laricio d'Autriche. — 653 — CONGRES FORESTIER Le cèdre aussi a donné de bons résultats sur certains versants médi- terranéens. Par conséquent, le mot d'essences exotiques ne doit pas nous effrayer. Il ne faut pas hésiter à faire franchir aux plantes l^s limites que les circonstances leur ont imposées. Cela avec toute la prudence nécessaire ; car il ne faut pas oublier que si un végétal existe dans un endroit donné, c'est qu'il a pu résister à une très longue série d'années présentant des conditions météoro- logiques très différentes. 11 suffit d'un hiver froid, d'un été excessive- ment sec, comme on n'en voit que tous les trente ou quarante ans. quelquefois plus, pour faire disparaître certains végétaux et anéantir le fruit d'un travail qui donnait des promesses. * Voilà le premier point sur lequel je désirais attirer votre attention, en vous montrant comment il est temps de substituer à une méthode empirique une méthode plus générale donnant plus de garanties aux reboiseurs et permettant à coup sûr la restauration des mon- tagnes. {Applaudissements.) Dans ce même domaine de la botanique appliquée, il est d'autres points sur lesquels je désire attirer également votre attention. A propos des essences de reboisement, il n'y a, je crois, rien à ajouter à ce qui a été dit sur les conditions dans lesquelles il faut intro- duire chaque essence. Les expériences sont assez nombreuses à présent pour que l'on puisse formuler des règles assez complètes. Mais il y a un point nouveau, d'une importance énorme : c'est la question de l'origine des graines. Jusqu'à présent, les forestiers ont volontiers considéré l'espèce botanique comme un bloc immuable. Quand on veut faire un reboise- ment, on plante ou on sème du pin sylvestre, de l'épicéa, du pin de montagne : on considère que chacune de ces espèces représente un groupe parfaitement homogène. Naturellement, les habitudes commer- ciales favorisent cette confusion. Les graines achetées peuvent venir d un point quelconque de l'Europe : cela dépend uniquement des conditions du marché. Or, depuis un certain nombre d'années, grâce à des expériences pour- suivies en Allemagne, en Autriche, en Suisse et qui s'étendent de plus en plus, on a parfaitement établi qu'il existe parmi nos arbres, comme parmi toutes les espèces végétales, une quantité énorme de races locales. Par conséquent, lorsque vous voulez introduire une essence dans un sol et sous un climat donnés, il est imprudent de s'adresser au commerce et d'acheter des graines dont on ne sait pas l'origine. On mettra de son côté le plus grand nombre possible de chances de réussite en faisant récolter les graines de l'essence dans la région même, ou à défaut, dans une région dont les conditions de sol et de climat soient assez voisines. Voilà la conclusion formelle que l'on peut tirer à cet égard. Et les erreurs extraordinaires commises en négligeant cette précaution ne manquent pas. Tous les jours on peut en observer. Quel est celui qui. en parcourant un reboisement ou un repeuplement artificiel, n'a pas — 654 — INTERNATIONAL 1913 observé parfois une essence chétive, malvenante, et ne s'est pas demandé pourquoi, en cet endroit, cette essence ne réussissait pas. Bien souvent, si on laisse de côté certaines conditions toutes parti- culières de sol, la raison en est dans Torigine des graines. Par exemple, on confond sous le nom de pin de montagne deux races qui, sans doute, ont en èommun certains caractères : les aiguilles, les cônes sont à peu près les mêmes. Mais pour le forestier, un carac- tère fondamental est la forme de l'arbre. Or le pin de montagne des Pyrénées ou des Alpes a un fût reetiligne, des branches peu dévelop- pées, un port tout à fait pyramidal : c'est par conséquent un arbre forestier intéressant, susceptible de produire du bois. Tandis que le pin de montagne des Alpes autrichiennes est un arbuste couché sur le sol, sans fût, avec de longues branches rampantes, formant des fourrés très denses, incapable de fournir autre chose que du menu bois de chauffage. Il est évident que ce pin rampant ne rend pas les mêmes services que le pin à crochets des Alpes et des Pyrénées ; il sera utile pour former un fourré très dense sur un sol à pente rapide ; et inversement dans ce cas, le pin à crochets ne ferait pas l'affaire. Donc il faut se préoccuper de l'origine des graines. Cette question passionne actuellement les forestiers et ne pouvait pas les laisser indifférents, parce qu'ils désirent avant tout une forêt solide, et non pas seulement une forêt productive. (Applaudissements.) A côté des essences de reboisement, il y a d'autres végétaux qui sont de précieux auxiliaires. Ce sont ceux qui servent à l'enherbement et à l'embroussaillement. L'utilisation de ces végétaux se comprend d'abord parce que, ainsi que je le faisais remarquer tout à l'heure, la réinstallation directe de la végétation primitive n'est pas toujours possible. Puis' il y a mieux : il y a des terrains sur lesquels jamais, quoi qu'on fasse, on ne pourra rétablir la forêt. A certaines altitudes surtout, il y a des terrains à éboulis par exemple, qui sont dans ce cas. Et cependant, ces terrains sont très intéressants pour nous; il faut que nous y installions une végétation qui arrête autant que possible les dégradations du sol. Là encore la question de la recherche et de l'utilisation de ces végé- taux est du ressort de la botanique appliquée. Ainsi nous observons que certains éboulis sont envahis par certains végétaux. Il s'y trouve des graminées, des arbustes. Parmi les gra- minées, je citerai la plus classique, celle qui a fait ses preuves et est utilisée par nombre de services de reboisement : la bauche [Lasia- grostis Calarhagrostis). Parmi les arbustes, celui qui ne manque sur aucune de nos berges des Alpes est l'arbousier {Hippophaae rharn- noïdes). Si ces végétaux ont fait leurs preuves, il y en a beaucoup dautres sur lesquels l'attention n'a pas été attirée et qu'il faudrait étudier soigneusement pour bien voir comment ils se développent et quels services ils rendraient. Il faut les étudier à tous les points de vue ; leur enracinement, leur faculté de drageonnement, intéressante — 655 — CONGRES FORESTIER lorsqu'il s'agit de fixer le sol, leur manière de se reproduire par bou- tures, par graines. Ainsi nous arriverions à dresser une liste qui n'aurait pas besoin d'être bien longue, de végétaux qui pourraient devenir nos auxiliaires dans le reboisement. Seulement la difficulté sera de se procurer en quantité suffisante des graines ou des boutures de ces végétaux. Cela mènera probable- ment à une nouvelle série d'études et de travaux. Il faudra créer dés sortes de pépinières où on pourra les multiplier. Parmi ces végétaux auxiliaires, il en est un quil faut, je crois, placer à part : c'est le saule. Tous ceux qui se sont occupés de travaux de reboisement savent combien les saules rendent de services, soit pour garnir le fond du lit des ravins, soit pour servir de matériaux vivants dans les menus travaux de clayonnage et de fascinage. Jusqu'à présent, on a employé des saules d une façon générale, sans tenir compte qu'il n'y a pas un saule, mais plusieurs, et que, dans une même région montagneuse, on trouve réparties sur les différents'points du bassin de réception, des variétés qui n'ont pas toutes les mêmes aptitudes. Les unes acceptent volontiers des stations élevées, tandis que d'autres ne peuvent pas dépasser certaines altitudes. Il en est qui produisent des rejets peu longs et très grêles, tandis que d'autres en ont de très vigoureux. Il n'est pas indifférent d'employer l'une ou l'autre de ces variétés. Actuellement comment procède-t-on? Trop souvent on fait couper sur les atterrissements des rivières torrentielles, sur les cônes de déjection des torrents, des brassées de saules que l'on emploie pêle-mêle. Ces variétés diverses ne donnent pas une réussite égale, suivant les conditions d'altitude, de fraîcheur ou de sécheresse. Il faudra donc instituer pour les saules en particuher des études analogues à celles dont je vous parlais pour tous les végé- taux d'enherbement et d'embroussaillement.. Enfin, je termine en appelant à nouveau votre attention sur le prin- cipe dont je parlais en débutant, à savoir qu'il ne faut pas seulement utiliser les végétaux existant localement, mais encore qu'il faut faire effectuer à certains autres des migrations qu'ils n'ont pas pu faire par leurs propres moyens. Dans les Hautes-Alpes et dans les Basses-Alpes, quand 1 on arrive dans un périmètre de protection, on voit employer immédiatement et avec un plein succès une papilionacée à fleurs roses, la bugrane, qui a donné là des résultats superbes. La bugrane existe à l'état spontané dans ces régions, mais elle n'existe pas dans certaines autres parties des Alpes, pas plus qu'elle n'existe dans les Pyrénées ou dans les Cévennes : pourquoi ne pas la transporter? Pourquoi ne pas utiliser ses précieuses facultés ? De m.ême, dans les Alpes-Maritimes, il y a une plante qui a donné des résultats tout à fait favorables pour la fixation des berges, la corroyère; elle aussi a une aire très localisée : pourquoi ne pas faire des essais? Pourquoi ne pas étendre son emploi à des régions où elle n'existe pas à l'état spontané? — 656 — INTERNATIONAL 1913 Je cite ces exemples, mais il en est certainement beaucoup d'autres qui pourraient être suggérés dans l'avenir ; ce qu'il y a d'essentiel, c'est de bien poser en principe que l'utilisation des végétaux pour Tenherbement et rembroussaillement doit faire l'objet d'études ra- tionnelles et qu'il y a là une tâche nouvelle qui s'impose aux intéressés. Il faut dresser une liste des végétaux utilisables, avec les conditions dans lesquelles on peut les employer. Je crois que ce sera une tâche féconde, permettant de porter à l'apogée, en quelque sorte, l'œuvre de la restauration des montagnes {Applaudissements). Je termine, messieurs, en vous soumettant le projet de vœu que vous avez pu hre, à la fm de notre rapport. La première partie de ce vœu résulte de cette constatation qu'il y a des méthodes locales acquises par l'expérience d'un certain nombre de forestiers et dont il y aurait intérêt à provoquer la diffusion. Quant à la fm de ce vœu, il résume les idées que nous avons développées {Nouveaux applaudissements). M. Tessier. — • MM. Bernard et Guinier viennent d'exposer la nécessité, pour les travaux de gazonnement des terrains dégradés, d'écarter les graines fourragères du commerce qui, en montagne, donnent des résultats médiocres et dépérissent rapidement. Il y aurait donc la plus grande utilité, comme ils le disent dans leur rapport, à créer des pépinières pour produire des graines fourragères adaptées, sélec- tionnées, de manière à donner les meilleures races possibles pour la consolidation des terrains de montagne. La même observation doit être faite pour les graiiies fourragères que demandent les améliorations pastorales. Les forestiers des P^Ténées- Centrales se préoccupent de cette question et ils ont mis à l'étude, à 1.100 et à 1.600 mètres d'altitude, dans le périmètre de reboisement du Laou d'Esbas, qui protège la belle station thermale de Luchon, la reine incontestée des Pyrénées, la création d'une pépinière destinée à la production de graines d'espèces fourragères vivaces, prises dans la région même et, par suite, parfaitement adaptées. Dans l'état actuel de la science agricole, il ne parait pas douteux que si, en montagne, les sujets provenant de graines fourragères du commerce disparaissent le plus souvent au bout d'un petit nombre d'années sans laisser de descendance, il n'en serait pas ainsi avec les graines judicieusement sélectionnées et adaptées. Je citerai, par exemple, la houque laineuse qui avait été semée en grande abondance dans les pâturages du Vercors ; un an après mon arrivée à Valence, j'ai vainement cherché cette houque : il n'y en avait plus. On avait dépensé en pure perte des sommes importantes pour acheter des graines chez les marchands de Paris et du Nord. Notre projet de laboratoire du périmètre de Laou d'Esbas répon (Applaudissements). M. RoTH. — Je m'associe entièrement à la très intéressante communi- cation de MM. Bernard et Guinier, concernant l'origine des graines. Il ne suffit pas, en effet, comme le disait M. Guinier, de connaître les plantes, on doit encore chercher et connaître toutes les autres cir- constances ; notamment, en ce qui concerne le reboisement des terres nues, il est très nécessaire de regarder la couverture vivace des plantes herbacées pour juger quelles espèces d'arbres nous pouvons planter avec succès. En Hongrie, grâce à cette méthode, nous avons obtenu des résultats excellents sur notre désert de sable. D'autre part, nous semons, par exemple, au désert sablonneux, avant le reboisement, la Festuca vaginata, VEchinops, et nous obtenons de réels succès grâce à une méthode spéciale. La migration des plantes a été très rapide et c'est là un résultat très désirable pour nos déserts de sable ; car, après le reboisement, apparaît une végétation qui ne se trouve pas dans les sables, mais seulement dans les forêts {Applau- dissements). M. le baron de Belinay. — La science et la compétence de M. Guinier m'encouragent à lui signaler un phénomène qui se passe constamment chez moi : je ne sais pas s'il est général. J'ai coupé récemment une petite futaie de hêtres : immédiatement après, le sol s'est couvert d'arbrisseaux qui sont inconnus sur le pla- teau, le sureau à grappe, le framboisier et, en plus, l'épilobe. Comment expliquer cela ? M. Guinier. — Le fait que vous signalez est d'ordre absolument général. Toutes les fois que, dans une forêt, on modifie l'état du peuplement — et la modification la plus profonde est bien la suppression de ce peuplement par la coupe — la végétatio^i change ; un certain nombre d'espèces qui préexistaient sous le couvert, mais d'une façon chétive, se développent immédiatement. Après les graminées qui arrivent au sol deux ans après la coupe, on voit apparaître d'autres plantes, et en particulier, celles dont parle M. le baron de Belinay. Dans — 659 — CONGRES FORESTIER toutes nos régions de montagne, on voit apparaître, parmi les arbustes, le sureau à grappes, et parmi les plantes herbacées, l'épilobe. Ces plantes exigent, pour se développer, un sol très riche en humus et de la lumière ; elles ne trouvent ces conditions réunies que dans les coupes et elles ne peuvent vivre que là. N'oubliez pas, d'ailleurs, que les plantes dont on a parlé ont des graines très facilement disséminables : le sureau à grappes, le fram- boisier ont des fruits charnus ; absorbées par les oiseaux, les graines peuvent être rejetées à de grandes distances de la plante-mère ; d'autre part, l'épilobe est le type le plus parfait de la plante à graine ailée : les graines, très petites et très légères, sont surmontées d'un panache de poils qui permet le transport à des distances considérables. Ce sont des migrations rapides qui se produisent sous nos yeux. M. le baron de Belinay. — Nos paysans ont une autre théorie ; ils disent que la terre est un bon grenier. M. GuiNiER. — Ce n'est pas absolument faux. On a constaté que, dans les coupes, réapparaissent périodiquement certaines espèces dont les graines se conservent dans le sol pendant vingt, trente ans et même davantage. Un Congressiste. — Le fait est particulièrement remarquable en Extrême-Orient pour le bambou. M. GuiNiER. — Chez nous, le genêt à balais en est aussi un exemple frappant. M. Cardot. — Il en est de même pour le fraisier qui couvre le sol des coupes. M. GriNiER. — N'oubliez pas que le fraisier a une multiplication végé- tative très rapide. M. Lemaitre. — Et le muguet... M. GuiNiER. — Le muguet se retrouve, mais à un autre stade. Au contraire, pour le genêt à balais, le fait est absolument démontré, les graines se conservent à terre pendant tout le temps qui sépare une coupe de la suivante. M. Lemaitre. : — Quand on met des scories dans un pré où il n'y a jamais eu de légumineuses, trois mois après, c'est un champ de minette et de trèfle. M. Guinier. — La végétation se compose en quelque sorte de trois éléments : les éléments préexistants, puis d'autres éléments introduits, soit du voisinage ou issus de graines conservées dans le sol. M. le baron de Belinay. — Je trouve géniale votre idée d'employer — 660 — INTERNATIONAL 1913 les plantes pour fixer les terrains de montagne. L'ne plante a permi> à Brémontier de fixer les dunes ; il est évident qu'on peut fixer la terre des montagnes de la même façon. M. GuiNiER. — Brémontier n'a fait qu'appliquer les méthodes que nous demandons d'utiliser en montagne. M. LE Président. — Je donne lecture du projet de vœu présenté par MM. Bernard et Guinier : <' Que les forestiers reboiseiirs soient encouragés à faire .connaître les moyens pratiques qui leur ont le mieux réussi dans Vexécution des divers travaux de correction et de réinstallation de la végétation. « Que V attention des reboiseurs soit attirée sur la nécessité d'étudier la végétation naturelle des bassins à reboiser et des régions attenantes, et sur l'intérêt quil y aurait à dresser une carte botanique pour servir de base aux travaux de reboisement entrepris. « Que l'on tienne compte des résultats acquis dans la question de l origine des graines, en semant, en tout cas, des graines d'origine connue et choisies logiquement. « Que Von étudie d'une façon rationnelle les végétaux herbacés et les arbrisseaux utilisables pour V enherbement et V embroussaillement, et que par des essais on détermine les conditions de leur emploi et de leur multiplication. (.(Qu'une étude analogue soit faite pour les diverses espèces de saules utilisés pour les travaux de garnissage et de clayonnage. » Les divers paragraphes de ce voeu sont successivement mis aux voix et adoptés à l'unanimité. M. LE Président. — - Quant au vœu déposé par M. Tessier, je propose de le formuler ainsi : « Que soit encouragée la création en montagne de laboratoires et pépinières analogues au célèbre laboratoire de Svalof en Suède, labo- ratoires et pépinières dans lesquels on sélectionnerait méthodiquement les espèces fourragères vivaces les plus aptes à consolider le sol tout en produisant de bons herbages. » Ce vœu, mis aux voix, est adopté. La séance est levée à midi moins un quart. 661 CONGRES FORESTIER SEANCE DU 17 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M. GARDOT, vice-président de Section La séance est ouverte à 2 h. 15. M. LE Président. — Je prie M. Roth, inspecteur des Eaux et Forêts de Hongrie, de vouloir bien se joindre à moi pour la présidence de cette séance. M. Roth prend place au bureau. M. LE Président. — Je donne la parole à M. Larue, pour sa communi- cation sur Les facultés de reboisement des divers faciès GÉOLOGIQUES. M. Larue. — Une tendance actuelle est de toujours accuser l'incurie humaine pour expliquer le déboisement, ou môme la lenteur du reboisement. Mais la tâche de Thomme est particulièrement dilïicile dans certains sols et sous certains climats. Nous nous contenterons, dans la présente note, d'appeler l'attention sur les différences que présentent en vue du reboisement les faciès français des affleurements des différents étages géologiques. Deux remarques importantes doivent être faites pour échapper en partie à l'objection de n'envisager qu'im côté de la question, et permettre d'abréger dans la suite : 1° Un reboisement a d'autant plus de chances de réussir qu'il s'appuie sur un massif forestier ; 2" La plupart des terres fertiles rendant plus de bénéflces en culture qu'en bois, il n'y a pas lieu de les reboiser, bien que les arbres y poussent très bien. L'ordre le plus logique consiste à suivre par ordre chronologique les diffé- rents affleurements de notre territoire. Des noyaux granitiques, nous passerons à l'auréole des terrains secondaires qui entourent nos grands bassins, pour achever par les vallées d'alluvions. lioches (Tisiai- Le gratta débermine des pentes allant jusqu'à un {)0ur un et où la culture est ''"*^- difïicile. De plus, les arènes q.i'il donne sont pauvres. Fort heureusement, les terrains granitiques occupent ordinairement chez nous des stations élevées (Vosges, Morvan, Massif Central, Pyrénées, Corse) ou des climats humides (Bretagne). Seul fait exception le massif des Maures et de l'Estérel. Le reboise- ment des granits est une opération fréquemment entreprise, plus rémunéra- trice ([ue la culture proprement dite, et d'autant plus facile qu'on s'appuie le plus souv(Mit sur un massif existant. l.a gvanulitc, phis riche en silice, donne parfois des terrains tellement pauvres — 662 — INTERNATIONAL 1913 que 1p reboisement en est aléatoire, surtout aax altitudes élevées ; les arènes profondes (ju'elle détermine sont exposées aux intempéries ou aux séclieresses de l'automne. Tel est le plateau de Millevache (Corrèze), stricto sensu. Cepen- dant, quand la forêt est installée, elle y donne de beaux produits, par exemple dans les Vosges, où les sapins enfoncent leurs racines dans les profondeurs de l'arène. Par la disposition de ses éléments, le gneiss conduit à des terres plus com- pactes et plus fertiles. C'est la raison principale pour laquelle il est moins reboisé. Mais il a l'avantage de pouvoir porter des essences plus précieuses que le granit. Ainsi dans le Morvan, le gneiss est le domaine du chêne, le granit restant celui du hêtre. Les schistes primaires donnent des terrains fort variables. Sur le dos de leurs Terrains pri plaquettes redressées, la terre est peu profonde et le reboisement difficile. Dans maires, les Alpes et les Pyrénées, on leur réserve les essences à racines traçantes, telles que l'épicéa. Les grès du trias et du rhétien se prêtent également bien au reboisement. Terrains secon d'autant qu'ils se trouvent à des altitudes moyennes dans la Lorraine et GRES FORESTIER produits de gros œuvre. Le taillis de chêne s"y transforme difficilement en futaie. Si le climat s'y prête, on peut y tenter la futaie de hêtre (Jura et Lorraine). Les marnes du crétacé inférieur du bassin de la Durance se comportent comme celles du jurassique voisin. Par leur nature et leur situation topographique, les sables et argiles du crr'acé inférieur de la Champagne Imniide constituent les terres de prédilection pour les forêts feuillues et en particulier le chêne. La bande forestière, Cosne, Auxerre, Troyes, Vassy, Saintc-Menehould, Vouziers, s'est longtemps enrichie en fournissant le merrain, le cercle et l'échalas aux vignobles voisins. Depuis la réduction de ceux-ci, on laisse vieihir les coupes et l'on y obtient de beaux chênes. Les terres argileuses ou siliceuses, pauvres en calcaire, qui constituaient des clairières de l'antique sylve continue, retournent facilement à leur état primitif. On y prépare le chêne en plantant du bouleau, ou même du peuplier en bordure du massif subsistant. Les cours actuels du blé, du lait, et de la viande enrayent un peu ce mouvement en favorisant l'extension des cultures et des pâtures sur les parties drainées. liBS craies marneuses ou glauconieuses sont beaucoup trop fertiles pour être boisées. Les parties trop accidentées ou trop humides pour être labourées donnent de beaux bois d'industrie : orme, frêne, etc. Les récifs urgoniens de Provence et des Charentes se comportent comme le corallien, c'est-à-dire donnent des terres riches, mais remplies de blocs relati- vement favorables à l'arbre, mais non à la forêt, c'est-à-dire pouvant porter de beaux arbres dans un massif clairière. La craie de Champagne voit croître lentement ses savarts de pin noir d'Au- triche. Le boisement y devient d'autant plus facile qu'on est mieux fixé sur l'essence à choisir et que l'on possède aujourd'hui des points d'appui. On sait aussi que l'on ne peut en attendre que des résultats modestes. Terrains ter- tiaires. Fort heureusement, la craie est souvent recouverte du manteau de terrains tertiaires argilo siliceux, depuis longtemps boisés, à cause de leur pauvreté chimique. Il est facile d'agrandir la forêt où le besoin s'en fait sentir. Quant aux terrains tertiaires récents, ils présentent dans le détail une telle variété que nous ne pouvons les suivre dans nos grands bassins fluviaux. Ordinairement ils sont situés à de basses altitudes et cultivés. Seuls les faciès arèneux s'offrent au reboisement et sont effectivement de plus en plus garnis, tels les sables de Sologne et des Landes. Ils portent également nos plus belles futaies feuillues. Les molasses calcaires sont ordinairement trop fertiles pour qu'on les recouvre de forêts, mais on y cultive avec succès les arbres fruitiers dans l'Agenais, le Daxiphiné et la Savoie. Terrains niqnes. voira- Les laves et basaltes n'occupent en France une surface importante que dans le Puy-de-Dôme et le Cantal. Ordinairement fertiles pour l'herbe, ces terrains n'attirent pas le reboiseur. Seules les cheires, (coulées volcaniques) le seraient utilement, mais difficilement à cause de lexiv extrême perméabilité. • . Quant aux alluvions quaternaires, elles sont occupées presque partout par l'industrie humaine. Souvent parcourues souterrainement par im courant aqua- tique, elles constituent la région de prédilection des essences tendres, en parti- culier du peuplier. Celui-ci pousse dans les graviers les moins fertiles, pourvu qu'il trouve de l'eau courante à quekpies pieds de profondeur. Ce n'est pas l'humidité du sol, mais celle du sous-sol et phitôt eniore le débit de la nappe, qiii détermine la zone favorable au peuplier. C'est commettre une erreur que d'en planter dans les sables argileux si abondants dans le tertiaire, le crétacé inférieTir et le trias. 11 y pousse admirablement en pépi- nière, mais croît ensuite beaucoup plus lentement que dans les graviers, car 664 — INTERNATIONAL 1913 si l'eaii abonde eu surface à cause de l'imperméabilité du sol, elle est par cela même rare dans le sous-sol et absente à l'automne. C'est pour la uiême raisou que les peupliers réussissent mal dans les tourbières. La tourbe comme l'argile dispute l'eau à la plante. Si les alluvions ont une grande épaisseur, tels li\s cailloutis du bassin du Rhône, ils fornunit des plateaux secs où les reboisements ont peu de chances d'être rémunérateurs. Ils ne peuvent donner que du bois de (hauffage et servir d'abris : Crau, Confluent de l'Ain. Les moraines et les cônes torrentiels sont d'autant plus difficiles à reboiser que la sécheresse du caillout-s s'aggrave de l'instabillité de la masse qui coule sur les pentes lorsque l'eiui l'imprègne. En plaine, ils sont ordinairement fertiles et cultivés. En résumé, le reboiseur ne trouve en face de lui que des sols infertiles aban- donnés par la charrue. Il ne peut guère réaliser une œuvre rémunératrice que sur les faciès siliceux en climat humide ou moyen, lorsqu'il s'appuie sur des massifs anciens. Ailleurs l'opération est aléatoire, mais si elle n'est pas « rentable » pour lui, elle l'est pour la collectivité. Cela explique l'intervention incessante et nécessaire de l'État dans le domaine qui nous occupe. Cela explicjue surtout l'intérêt que tous les gro ipenients économiques et intellectuels doivent apporter aux « œuvres " d'aménagement qui font inter- venir la nature et la patience où le capital et la main-d'œuvre ne sauraient trouver utile en\ploi. Les reboisements sont, en effet, souvent des œuvres sociales et non des affaires. M. LE Président. — Mon expérience de forestier me permet de dire que je suis absolument d'accbrd sur presque tous les points avec le confé- rencier. Je relèverai toutefois un peu d'exagération dans sa conclusion,' en ce sens que, bien souvent, même dans les sols les plus ingrats, on trouve une rémunération dans le reboisement. M. Larue. — Je voulais surtout consoler les reboiseurs des insuccès qu'ils ont pu rencontrer. En 1911, les épicéas ont été desséchés dans presque toutes les forêts des basses altitudes. M. Caquet. — J'appuie ces observations en ce qui concerne Vépicea. Dans le Morvan, dans le Bourbonnais, dans le Cher, la Nièvre, tous les plants sans exception ont péri. Le sapin argenté à résisté assez bien en général ; mais l'épicéa a complètement disparu de toutes les plantations. Depuis 120 ans, c'était la première fois que l'épicéa se trouvait soumis à une pareille épreuve. M. Bernard. — Ce n'est pas là une question géologique. L'épicéa et le sapin sont deux essences de montagne qui vivent dans des condi- tions de sol et de climat tout à fait spéciales. En utilisant sous un climat déterminé une essence qui n'est pas adaptée aux conditions du milieu, on s'expose toujours à un insuccès. Cet insuccès se fera attendre 2 ans, 3 ans, bO ans ; mais inévitablement on aura un insuccès. M. Maître. — Je ferai remarquer à monsieur l'inspecteur Bernard, quà la fin de cette même année 1911. au bord du lac de Lucerne, j'ai ti65 COXGRES FORESTIER constaté, à ma grande surprise, que sur toutes les parties sèches des pentes du lac de Lucerne, celles de Biirgenstock, du Righi, du Pilate, l'épicéa avait été grillé comme en hiver. M, Bernard. — C'est que là aussi l'epicea n'était pas chez lui. Il fait partie de ce que MM. Flahault et Guinier appellent la zone alpine Ce n'est qu'au-dessus de 1.300, 1.400, 1.500 mètres qu'il est vraiment dans sa patrie. Au-dessus de cette zone, il y a d'autres essences, comme le mélèze, le pin à crochet, qui sont dans leur patrie, et puis enfin l'admirable pin cembro. N'essayez pas de l'introduire dans nos parcs, vous courreriez aussi à des insuccès. L'épicéa, en Savoie, a une tendance manifeste à envahir les forêts de basse montagne, étant donné les conditions de chmatologie actuelles. Mais survienne un accident, comme la sécheresse de 1911, il y a bien des chances pour qu'il dis- paraisse à son tour des sols qu'il a indûment conquis. Les autres essences, le pin sylvestre, les chênes, finiront par l'emporter sur lui. M. Larue. — J'ai traité la question à un point de vue spécialement géologique. Ce n'était pas mon rôle d'indiquer les essences qui conve- naient, et qu'on connaît d'ailleurs. M. LE Président. — La section est bien d'accord pour demander que le travail si intéressant de M. Larue soit imprimé in extenso'^ {Assenti- ment \unanime). M. LE Président. — La parole est donnée à M. Descombes, pour la lecture de la communication de M. le comte de Roquette-Buisson, sur La Question sylvo-pastorale. M. Descombes. — Dans les siècles passés, tant que l'harmonie entre les diverses parties de la montagne n'avait pas été rompue, on n'avait eu aucune raison de se préoccuper du rôle de la forêt. Le rôle de la I-^es bois étaient insuflisants, tant au point de vue de leur utilisation immé- '•"■êt. diate, construction, entretien des bâtiments, chauffage, fabrication des outils, abri pour les animaux pendant les grandes intempéries, nourriture des bestiaux avec leurs feuilles et leurs brindilles, dans les saisons trop rigoureuses — qu'à celui de la protection contre les avalanches, de leur action bienfaisante pour le bon entretien des pâturages. Pour cherclier à se rendre compte d'un organisme qui fonctionnait norma- lement, répondant aux besoins auxquels il devait pourvoir, il eût fallu un esprit de curiosité presque inquiète, prévoyant l'avenir. Esprit étranger au tempé- rament montagnard, dont la caractéristique est un mélange d'énergie calme et de nonchalance contemplative. Ce fut seulement vers le milieu du xvn^ siècle que l'on commença à se préoc- cuper de la nécessité de conserver les forêts ; on s'en préoccupa uniquement, à ce moment, au point de vue de la marine, puis vers le milieu du xviii* siècle pour assurer le chauffage des habitants, l'entretien des forges (1). Un peu plus tard, vers 1778, les habitants des plaines songèrent aux forêts de la montagne pour empêcher les inondations, les ensablements des rivières, des cours d'eau. (1) Comte DE Roquette-Buisson, Le déboisement des Pyrénées. — 666 — INTERNATIO^AL 1913 On trouve dans le mémoire de Poyedevant en 1778 sur l'action utile des bois, une page qu'aurait pu signer l'ingénieur Surrel, dont pas un forestier de nos jours ne saurait contester l'exactitude absolue (1). Après avoir proposé les moyens les plus propres, d'après lui, pour arrêter les défrichements, il continue en ces termes : En adoptant le parti proposé, il y aurait lieu de se flatter que les déborde- ments des rivières qu'on ne saurait empêcher, seront moins préjudiciables qu'ils ne le sont depuis quelques années. Les endroits élevés, les coteaux, les penchants de montagnes dans lesquels la culture serait interdite, se couvri- raient bientôt de bois, d'arbustes ou de gazons qui en lieraient et soutiendraient les terres, de manière à prévenir les débordements ; les eaux seraient d'ailleurs retenues par les obstacles que les arbustes et les herbages mettraient à leur prompt écoulement, et les neiges se trouvant moins exposées à l'action directe du soleil, elles se fondraient avec plus de lenteur ; nos rivières recevraient d'ailleurs beaucoup moins de matières par les ravins et les torrents qui y affluent ; en sorte que tout concourrait à rendre les inondations moins fortes et à diminuer les atterrissemeiits et à empêcher dans les campagnes les irrup- tions qui les dévastent. Malgré ces avertissements, que Poyedevant ne fut pas si'ul à donner, mais qu'il a rédigés avec plus de précision, de netteté que les autres, rien ne ptU arrêter la dévastation commencée ; les édits, les règlements ne produisirent aucun résultat. N'en est-on pas au même point aujourd'hui, et malgré les cruelles leçons de l'expérience, ne s'enlize-t-on pas dans les errements sem- blables, en se bornant à faire des lois inefïicaces ? Peut-être cela tient-il à ce que les idéQs des Poyedevant, des Surrel, des Demontzey, en ce qui concerne l'utilité des forêts, sont encore trop peu connues du grand public. I.,'idée de cette utilité, pour tout ce qui touche au régime des eaux, n'est pas nouvelle, et en 1751 , d'Etigny émettait au sujet de la nécessité de conserv^er les forêts de Bagnères-de-Bigorre, dans l'intérêt des sources thermales (2), une opinion pleinement justifiée aujourd'hui par la science. de la politique forestière. On peut dire qu'en France, il n'y a jamais eu de politique forestière ; Colbert, lucoliérence nous l'avons vu, l'avait créée; après lui, elle n'a plus. existé. L'État semble avoir oublié complètement la nécessité de sauvegarder les forêts. Jusqu'à la Révolution il les a, malgré l'ordonnance de 1669, laissées dans les Pyrénées à la merci de tout le monde (3). Après la Révolution, l'Administration forestière s'occupa des biens doma- niaux ; mais après avoir exercé ses revendications légitinies vis-à-vis des communes, elle s'aliéna, à plusieurs reprises, des forêts nationales. Plusieurs même ne darent d'être conservées que faute d'acquéreurs. On a soumis en bloc au régime forestier, en 1827, les bois communaux, mais de nombreuses distractions en ont été et sont faites chaque jour. La plus importante à été celle qui, de 1851 à 1854, a enlevé dans la montagne environ 40.000 hectares à ce régime protecteur. Depuis, on a fait des lois dont l'effet eût été utile, si, presque immédiatement après, des décrets n'étaient venus entraver tout le bien qu'on pouvait en attendre On a décidé la créatioii de ])ériuiètres de reboisement, dont beaucoup n'exis- tent que sur le papier, et en même temps on a négligé les occasions les plus favorables d'acqjérir des forêts de la plus grande utilité pour le régime des (1) Poyedevant, Mémoires (Op. rit., tome II). Je cite ce passage particulièrement intéressant parce que Poyedevant, né à Pau en 1750, d'origine basque, avant de devenir premier secrétaire de l'intendant du Roussiilon Lebon, avait été commis de l'intendant à Pau, et était, par suite, très nu courant des choses des Pyrénées. (2) Comte de Roquette-Blusson. Le déboisement des Pyrénées, p. 37. (3) Dbalet, Description des Pyrénées, W^ partie, chapitres IV et V. — mi CONGRES FORESTIER eaux, d'éviter des désastres qu'on est ensuite «jbligé de réparer à très chers deniers. Il me parait intéressant de donner à ce sujet les détails des péripéties de la vente de la forêt de Gazost, située dans les Hautes-Pyrénées (1). Ténaoin des faits qui se sont passés, j'en puis certifier l'absolue exactitude. La forêt de Gazost, d'une contenance de 400 hectares, fait partie d'un domaine de 1.137 hectares qui, en plus de la forêt, est composé de 737 hectares de pacages. Située sur le versant nord da Mont- Aigu, elle est bornée au Sud par une crête de laquelle se détachent plusieurs sommets, entre autres ceux du Mont Aigu et du Pic d'Elhères de 1.800 à 2.000 mètres. En étudiant le plan de ce domaine, on est tout d'abord frappé de voir que tout ce qui esl porté comme bons pâturages est attenant aux parties boisées. On constate en outre que les principaux ruisseaux, l'Hountage, le Pla de la Per.ne, et tous ceux moins importants qui y aboutissent, sont abondants, sortent les uns comme les a.itres des régions boisées. On peut regarder cette propriété comme le modèle type de la propriété en montagne : mélange dans les proportions les plus heureuses des iorêts et des pâturages, 1/3 bois, 2/3 pacages ; elle pourrait, bien soignée, constituer la meilleure des leçons de choses pour la manière d'aménager les montagnes des Pyrénées. Acheté au Crédit Foncier par M. Imbert pour "80.000 francs, le domaine fut, en 1905, offert à l'État pour 50.000 francs. L'exploitation de M. Imbert avait été intensive ; mais les forêts étaient en bon état. Sur le refus de l'État, qui ne voalut pas dépasser le prix de 34.000 francs, la propriété fut alors acquise par M. Ricard pour 40.000 francs. Après avoir, en exploitant tous les sapins qu'il pouvait atteindre, en coupant à blanc étoc les massifs de hêtres, "réalisé de sérieux bénéfices, il a dû cesser ■ toute exploitation de la forêt. Si elle est protégée, elle se repeuplera rapidement. En achetant ce domaine, qu'il eût payé à raison de trente-cinq francs dix- huit centimes Vhectare, l'État eût fait une excellente opération financière ; il serait, en moins de qaarante ans, non seulem.ent rentré dans tous ses débours, mais aurait eu des revenus, et surtout il eût presque saa*^ frais, on peut le dire, conservé une forêt des plus utiles pour le régime des eaux de cette région. Mais il eût fallu pour cela une politique forestière sérieusement suivie, et l'État n'en a pas. 11 n'a pu même jusqu'ici en avoir, trop d'intérêts privés très mal compris en lutte, sur ces questions, avec l'intérêt général, venant paralyser sa bonne volonté. On comprend qu'en présence du rôle encore discuté de la forêt, les législa- teurs aient hésité sur les mesures à prendre. Il leur eût fallu une conviction profonde, et une énergie très grande pour risquer de compromettre leur popu- larité en imposant à des populations pastorales, devenues inconsciemment hostiles à la forêi, des mesures dont elles ne comprenaient plus la nécessité. La foret ei i«*s Dès l'origine, toute la vie montagnarde a dépendu des pâturages. Hauts pâturages pacages d'été, pacages d'automne et de printemps, prairies cultivées pour récolter le fourrage nécessaire à la nourriture des animaux, ont été la constante préoccupation des habitants des valléc's pyrénéennes. Bornages, arbitrages, procès sur les droits respectifs dans les montagnes, sont les documents les plus nombreux des archives pyrénéennes, en ce qui concerne la vie économique. L'importance accordée dans les coutumes des communautés, dans leurs règlements, dans les chartes seigneuriales, à cette question des pâturages, témoigne hautement combien elle leur tenait à cœur. 11 ne pouvait en être autrement ; de toute antiquité, à travers les milliers de siècles écoulés, comme ne nos jours encore, l'industrie pastorale a été la seule; ressource, l'unique richesse des populations des montagnes. Je suis absolument convaincu que si les Pyrénées se sont jusqu'ici conser- (1) Gazost, village du canton de Lourdes. — ms — INTERNATIONAL 1913 vées en meilleur état que les -\lpes, si les ravinements dans les pentes, la dénudaticn des rochers y sont bien moins grands, elles le doivent à leur heu- reuse situation géographiqiie, mais plus encore à la sagesse, à la prévoyance des vieux usages, des vieux règlements. C'est depuis qîi'ils sont, pour les rai- sons nombreuses exposées dans le cours de cette étude, tombés peu à peu en désuétude, que la montagne a connu des désastres de plus en plus nombreux, que les rochers se sont dénudés. Il n'y a pas encore cinquante ans, le sommet de la montagne de Poueyaspe, qui domine le village de Sasos dans la vallée de Barèges, était couvert de bois ; aujourd'hui, il est entièrement dépouillé de toute terre végétale et ne montre plus qae la roche lisse. La conséquence immédiate a été la diminution de la fertilité des pacages. Tant que la forêt a existé, son influence combinée avec l'exposition du midi des pâturages, per- mettait aux habitants de pouvoir, près d'un mois avant les autres villages de la vallée, vendre, grâce au parfait état des pâturages du printemps, les élèves de leurs troupeaux. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus réaliser ce bénéfice ; leur pacage est comme les autres. Ils ont, en même temps qu'ils laissaient détruire la forêt, abandonné les prescriptions du vieux règlement communal défendant, comme dans la coutume du Baigorry, de garder pendant l'été aucun animal dans les pacages, et obligeant à les envoyer dans les hautes mon- tagnes de Gavarnie. Cet exemple justifie d'une manière frappante l'opinion que je viens d'émettre. Cette relation étroite entre la forêt et les pacages ne semble pas avoir été remarquée ; les deux choses paraissent incompatibles, tomme l'avaient dit les États du Béarn en 1775. Nul ne songeait à l'heureuse harmonie des proportions cpii, durant tant de siècles, avait assuré la prospérité des montagnes comme celle des plaines. Avant d'arriver à envisager la question à ce point de vue, les idées les plus extraordinaires avaient été émises, même celle d'exproprier en masse les popu- lations pastorales pour reboiser à tout i^rix les montagnes et sauver les plaines. Ce n'est cjue depuis quelques années que la question a été nettement posée par les travaux de MM. Demontzey, Briot et Cardot. De leurs remarquables études est sortie l'éclatante vérité de la dépendance étroite de la forêt et du bon entretien des pacages. M. Paul Descombes, président de l'Association centrale de l'Aménagement des montagnes, est venu, après eux, confirmer par ses leçons de choses sur le terrain, la parfaite justesse de leurs observations. Amené par la lecture de ces ouvrages, le récit de ces travaux, à étudier l'application de leurs idées dans la chaîne des Pyrénées, j'ai pu constater combien elles étaient vraies et la statistique de la propriété communale dans la zone montagneuse des Pyré- nées m'a conduit à formuler le résultat de mes recherches dans les termes suivants : Plus une région est boisée, plus elle nourrit. cCaniinaux. La lecture du tableau qui suit montrera l'exactitude de cette loi. Pour arriver à l'établir d'vme manière sérieuse, j'ai dû longtemps chercher l'explica- tion d'anomalies qui, brusquement, venaient interrompre la progression régu- lière entre le taux de boisement et le nombre d'animaux. Mais peu à peu la question s'est éclaircie ; ce qui, au début, paraissait être anomalie, est devenu justification de la loi, répondant aux justes objections qui m'avaient été faites. C'est ainsi que j'ai été conduit à diviser les vallées pyrénéennes en vallées supérieures et vallées inférieures, les premières étant celles dans l'altitude moyenne, c'est-à-dire la plus grande partie des pâturages étant supérieure à 1.000 mètres — les secondes étant celles où ils sont au-dessous de 1.000 mètres. L'objection tirée de la su[)ériorité des pacages sitr'és dans les terrains plus fertiles les uns que les autres, se trouvait ainsi -résolue, les proportions dans les deux catégories de vallées reprenaient leur régularité. Cette première classification faite, des irrégularités dans la progression ivgn- — «H69 — CONGRES FORESTIER lière de la proportion subsistaient encore. Elles étaient moins nombreuses, et se sont expliquées par la différence entre les climats océanien et méditer- ranéen. La possibilité des pâturages suit une marche absolument égale à la transi- tion qui se fait presque insensiblement entre les deux climats, de son maximum dans le Béarn et la Bigorre, elle arrive à son minimum dans le Roussillon. Le Lez, le Sarlat, l'Ariège sont la preuve indiscutable de cette progression. Une autre difficulté, en apparence la plus malaisée à résoudre, apparaissait brusquement dans toutes les régions, déroutant tous les calculs. Dès qu'on arrivait à une proportion boisée dépassant 30 %, aucune règle ne pouvait phis être établie. Après de longues recherches pour découvrir la raison de cette anomalie, j'en suis arrivé à conclure qu'au delà de ce taux de boisement de 30 %, la diminution du sol restant libre pour le pacage n'était plus compensée par l'action bienfaisante de la forêt, et que l'harmonie entre les forêts et les pâtu- rages était rompue au détriment de ces derniers. Vous omettez, me disait-on encore, dans vos calculs, de tenir compte du nombre des animaux étrangers introduits dans les divers bassins, ce qui for- cément peut augmenter la possibilité, puisque vos calculs reposent sur la statistique du Ministère de l'Agriculture, ne comprenant que des animaux vivant toute l'année dans les communes. Cette objection n'avait pour moi aucune portée, l'enquête très minutieuse à laquelle je me suis livré pour établir mes statistiques de la propriété com- munale dans la zone montagneuse m'ayant pleinement démontré que, eu égard à la superficie des territoires de chaque bassin, le nombre d'animaux étrangers qui y étaient annuellement introduits était partout très sensiblement le même, et prouvé en même temps que dans les montagnes, depuis quelques années, ce nombre tend partout constamment à décroître. Après ces explications, il me reste deux observations importantes à faire pour que la lecture du tableau soit facile et claire. A taux de boisement égal, la possilùlité entre bassins des mêmes régions, est parfois différente. En parcourant l'état des forêts, on se rendra compte que cette différence provient toujours de la proportion des bois soumis. Plus celle- ci, eu égard à la superficie des bois non soumis est élevée, plus la possibilité est grande. Le bon état des forêts non soumises y exerce quelquefois une légère influence ; mais la faible étendue des parcelles de bois particuliers permet de la regarder généralement comme absolument négligeable. Les bassins d'Ossau, et des Neste, d'Aure et du Louron, sont notamment un exemple de ce fait. Enfin, j'ai pu parfois grouper ensemble certains bassins contigus. Cela s'est produit six fois. En voici les raisons : Le Bastant et le Gave supérieur de Pau parcourent la vallée de Barèges, dont 33.611 hectares formant les 3/4 de la superficie totale appartiennent collectivement aux seize communes réparties dans toute la vallée. Les communes des bassins de l'Ouzom, des gaves d'Arrens, Bun, Cauterets, sont tellement enchevêtrées entre ces divers bassins, grevées les unes au profit des autres de tels droits d'usagé, de pacage, d'indivision, qu'il est absolument impossible de faire la classification par bassins isolés. Il en est de même pour les bassins des Neste, d'Aure et du Louron ; des gaves d'Aspe, et du Vert des nives d'Arneguy, de Behobie, de Lauribar ; du gave de Pau inférieur et de l'Echez. Chacune de ces régions ainsi composées forme des massifs montagneux aux limites communales chevauchant sur les divers versants, aux droits de pacage, d'usage, d'indivision à peu près inextricables. Au point de vue de l'indiLstrie pastorale, chacune constitue dans son ensemble une région nette- ment déterminée. Enfin, me conformant à la vieille et immémoriftle tradition de toute la chaîne des Pyrénées, j'ai [)ris pour base de tous mes calculs la barcade, qui a toujours — 670 — INTERNATIONAL 1913 été l'unité des troupeaux de montagne, assimilant pour les droits, pour toutes les redevances, une vache à dix moutons ; j'ai traduit la possibilité des pâturages par le nombre d'ares nécessaires à la nourriture d'un mouton. RELATION ENTRE LE TAUX DE BOISEMENT ET LE NOMBRE D'ANIMAUX TAUX de boisement pour cent de la superficie totale des bassins 49 19 22 22 25 25 27 29 111 19 20 22 23 25 26 26 31 34 34 35 38 41 43 NOMBRE d'ares nécessaires pour la nourriture d'un mouton 68 59 83 47 46 79 22 21 64 30 29 70 24 31 33 46 Pyrénées Occidentales NOMS DES BASSINS Pyrénées Centrales Pyrénées Orientales Vallées supérieures Le Bastan, Gave de Pau supé- rieur. L'Ouzom, Gaves d'Arrens, Bun, Gauterets. Gave d'Ossau. Gave d'Aspe et le Vert. L'Adour. Le Saison. Nestes d'Aure et du Louron. La Têt. La Sègre. Vallées inférieures Vicdessos. Nives d'Arneguy, de Béobie, Lau- ribar. Gave de Pau partie infér., l'Échez. L'Ait os. Le Lez. Le Salât. L'Ariège. Le Tech. Vallées dont le taux de hoiseniement dépasse 31 0/0 L'Aude. La Neste. La Pique. Lourse. 75 31 49 39 48 31 39 31 Le Gers. La Garonne, jus- qu'à Montréjeau Le Nistos. Le Rebenty, 671 CONGRES FORESTIER Je suis persuadé qu'après avoir attentivement hi ce tableau, tout le monde sera d'accord pour reconnaître que la forêt est la protectrice nécessaire, indis- pensable à V industrie pastorale. Vaide sans laquelle cette industrie est appelée à dépérir rapidement et à disparaître inême complètement. M. LE Président. — Je serai certainement, messieurs, votre interprète à tous, en remerciant M. le comte de Roquette-Buisson, auteur du mémoire dont notre collègue vient de donner lecture. Notre collègue est bien connu de tous ceux qui ont parcouru la région pyi'énéenne ; il a fait des publications très intéressantes sur les questions pastorales et forestières. Nous prions M. Descombes de remercier M. de Roquette- Buisson, au nom de la section. M. Descombes. — Je serai très heureux d'être votre interprète auprès de M. Roquette-Buisson. M. Descombes dit ensuite quelques mots de V Association pour l'Aménagement des Montagnes et des Associations scolaires forestières créées par ses soins. M. LE Président. — Je remercie en votre nom, M. Descombes de sa communication et donne la parole à M. Maître, qui a une communi- cation intéressante à nous faire sur la question de la transhumance. M. Maître. — Tout le monde est d'accord pour la création d'un code pas- toral impatiemment attendu, et tout le m.onde est d'accord aussi qu'il se heurte à des difficultés, par suite d'intérêts contradictoires qui sont en présence. C'est pourquoi j'ai pensé que la meilleure manière de faire aboutir le code pastoral serait de le réaliser en détail, c'est-à-dire de faire aboutir d'abord les parties qui paraissent les plus urgentes et les plus efficaces. L'ne fois qu'on aurait construit quelques piliers isolés, pour ainsi dire, du code pastoral, il serait relativement facile de les relier, de les codifier, comme on a fait, par «xemple, pour les lois concernant le travail. Le point sur lequel l'accord semble être fait, parce que c'est celui pour lequel les abus sont le plus grands, c'est l'abus du pâturage dans les commu- naux. D'autre part, c'est sur les pâturages communaux qu'on a le plus d'action, puisque l'État est le tuteur naturel des communes. Je demande donc au Congrès d'émettre le vœu qu'on commence immédiatement, sans attendre l'établissement d'un code pastoral, par s'attaquer à co défaut de réglementa- tion des pâturages communaux et qu'on mette entre les mains de l'Adminis- tration forestière, si dévouée, si à même d'en user, une arme sérieuse, lui per- mettc'ut d'effectuer de réelles améliorations à cet égard, et permettant également à l'État de ne pas travailler pour le roi de Prusse et de tirer profit de ce qui aura été réalisé. De là un embryon de code que je veux soumettre à l'appréciation du Congrès. Voici les articles que je proposerais : '■'■ Quil soit procédé au plus tôt à V organisation d'un régime pastoral général, assurant la conservation et Vamélioration des pâturages de montagne, comme le régime forestier le fait pour les bois communaux ; " {fu^en attendant, et dès maintenant, dans les communes recevant actuelle- ment des moutons transhumants ou étrangers, l'Etat prenne à sa charge le prix moyen de location de ces pâturages affectés au petit bétail, par applica- tion de l^ article .5 de la loi de 1882 et par prélèvement sur les crédits mis à la disposition des services de reboisement. " Cette subvention serait continuée aux communes pendant un nombre — 672 — INTERNATIONAL iUlo d^anjiées à fixer, et, en outre, les pâturages leur seraient restitués après un court temps de repos, sous la double condition : « 1" DHnterdire absolument V admission de moutons ou de chèvres non hivernées dans la commune : « 2° De limiter à un nombre déterminé de têtes, 5 ou 6, par exemple, par famille, Veffeclif du petit bétail qui pourra dorénavant être introduit gratuite- ment ou à bas prix dans les terrains communaux, aussi bien sur ces pâturages remis à la. disposition des habitants que sur les pentes inférieures servant de pâturages printaniers. '( Liberté complète étant, d'ailleurs, laissée actuellement au pâturage du. gros bétail. » En somme, au moment où les communes vont mettre en location 1.000, 2.000 hectares, je demande que l'État leuv tienne ce langage : « Voici un terrain que vous louez 1.000 francs par exemple. Je me réserve de le prendre pour cette somme de 1.000 francs, avec cet avantage pour vous, que je vous le rendrai amélioré, et que d'ailleurs, même pendant le temps où j'en userai, après un certain repos toutefois, je laisserai le pâturage au bétail hivernant dans la commune. Seulement, je. veux être rémunéré des sacrifices que je ferai sur ce terrain : je vous laisse à vous tous les bénéfices, jusqu'à concurrence du double de la valeur initiale, et je ne prendrai pour moi que ce qui dépasse le double de cette valeur. Quant à cette plus-value, je l'affecterai à des améliora- tions pastorales ou sylvicoles dans la commune. Évidemment, cette mesure serait encore peu de chose dans l'ensemble du code pastoral ; mais elle aurait l'avantage d'être efficace et immédiatement applicable, et d'ailleurs, dans cette matière plus qu'en tout autre, ce sont les petits ruisselets qui font les ruisseaux et les rivières. Ce texte ne soulèverait aucune objection de la part des habitants des communes, puisqu'il réserve toujours le pâturage du gros et du petit bétail appartenant aux habitants de la commune, jusqu'à concurrence du nombre de bêtes hivernées. J'ajoute qu'il faudrait absolument qu'un état des lieux soit fait au début du contrat, de manière que les améliorations introduites par l'État puissent être nettement constatées. Lorsque nous aurions réalisé quinze ou vingt petites lois comme celle-là, nous pourrions alors commencer à les codifier, et réaliser ce code pastoral que nous attendons depuis si longtemps [Applaudissements). M. LE Président. — Je remercie en votre nom M. Maître de sa commu- nication. Il me semble qu'elle implique une conclusion. Il y aurait lieu, pour donner satisfaction aux idées si justes qu'il a émises, d'émettre un vœu. Il faudrait notamment que les locations faites par les communes à des troupeaux étrangers, et particulièrement à des troupeaux transhumants, soient contrôlées par le pouvoir adminis- tratif ; en vertu de la loi de 1884, les communes actuellement ont le droit de louer, toutes les fois que le bail ne dépasse pas 18 ans ; il n'y a aucune espèce de contrôle sur la location. Pour empêcher l'abus du parcours, il serait extrêmement intéressant qu'une disposition législative permît aux pouvoirs publics de contrôler les locations faites par les communes. D'autre part, il serait très avantageux que l'État pût participer à ces locations. Pour donner satisfaction à ce double desideratum, il y aurait peut- être lieu pour la section, d'émettre un vœu qui pourrait être ainsi conçu : (( Le Congrès émet le vœu qu'en (tttendant qii une légistalioii pastorale — (i73 — CONGRES FORESTIER soit promulguée, on adopte tout d'abord des dispositions législatiçes en vue d'assurer le contrôle des locations faites par les communes et de faciliter à VEtat la location de ces mêmes terrains. » M. Larue. — Nous poumons dire : En assurant à lEtat la clause du fermier améliorateur. » M. LE Président. — Le vœu pourrait être ainsi conçu : « Le Congrès émet le vœu qu'en attendant qu'une législation pasto- rale soit promulguée, on adopte d''abord des dispositions législatives en vue d'assurer un contrôle des locations faites par les communes., et de permettre à VEtat d'exercer un droit d'option sur ces locations, avec faculté d'insérer dans le bail la clause du fermier améliorateur. » Cette rédaction, mise aux voix, est adoptée. M. le baron de Belinay. — Je tiens à déclarer que je n'ai pu voter ce texte. Je ne suis pas partisan, en effet, de l'intervention de l'État dans les affaires des communes. M. le Président. — La parole est à M. Rotli, pour une communication sur un nouveau foret pour la plantation en motte. M. RoTH. — Il y a quelque temps, un mouvement partait de la France, lequel avait comme devise : « Retournons à la Nature ! » et qui tentait de s'opposer aux raffinements exagérés et à leurs conséquences pernicieuses qui faisaient des progrès de plus en plus grands daas le domaine de l'agriculture et de la sylviculture ; ce mouvement tendait à s'appuyer, de plus en plus, dans les exploitations, sur les moyens naturels. Rien ne prouve mieux l'importance et la nécessité de cft mouvement, que son développement rapide qui se fait remarquer partout, notamment aussi dans l'exploitation des forêts. La sylviculture devait, en effet, participer la première à ce mouvement, puisque c'était justement dans son domaine qu'on avait commis des fautes graves contre la nature. 11 est inutile de mentionner que l'exploitation par coupe unique et la régéné- ration artificielle ne correspondent pas du tout aux lois de la nature et que les jeunes forêts, créées ainsi, doivent végéter dans des conditions tout autros que celles qui proviennent de la régénération naturelle. 11 suffira de nous en rai)porter à notre littérature technique qui exige avec énergie le retour à l'installation naturelle de nos forêts et à leur éducation conforme à la nature, et de nous rappeler que la pratique revient de plus en plus à cette forme primitive de la régénération. Avec la régénération naturelle, la plantation en motte acquiert une plus grande importance, puisque c'est uniquement la plantation en motte qui place les jeunes plants en terre, sans heurt et dans la même position qu'ils avaient avant. Je n'ai pas l'intention de répéter inutilement ici les grands avantages de la plantation en motte, connus de tout homme du métier. Tout le monde sait que cette plantation — ■ jugée au point de vue de la sylviculture — est la meilleure et la seule qui soit conforme à la nature. G est surtout dans la régénération naturelle qu'elle peut être utilisée avec le plus grand succès parce que son seul désavantage — le transport compliqué et coûteux — est réduit à son miniimun. Dans la régénération naturelle, il s'agit de regarnir des trouées manquées ; INTERNATIONAL 1913 pour cela nous prenons les plants situés à proximité dans les groupes trop serrés. Ces plants conviennent le mieux puisqu'ils ont poussé dans les mêmes conditions que les voisins. Mais ce matériel qui convient le mieux, ne peut être utilisé que par la plantation en motte. La plus ancienne forme de forêt n'a pu se propager, bien qu'elle ait été adoptée chez nous, en Hongrie, dans les emblèmes allégoriques forestiers. Cela tient sans doute à ce que ce foret convenait très bien pour enlever les plants, mais qu il était très difficile de sortir la motte du foret ; il fallait pousser la motte avec la main ; ce travail était sale et difficile. Il causait souvent des blessures aux mains. De plus, la motte s'émiettait. On a fait un grand progrès en employant des forets avec cylindre divisé ail moyen duquel la motte peut être levée rapidement et facilement. Mais cet avantage amenait de nouveau un grand inconvénient : la construction était compliqaée et la solidité très affaiblie par suite de la division du cylindre. Les forets de ce système fonctionnent encore assez bien dans un sol meuble et léger, mais ils ne peuvent servir dans un sol dur, notamment lorsqu'il est pierreux ou traversé par des racines. Pour remédier à ces inconvénients, j'ai construit un foret qui réunit les avantages des deux systèmes sans avoir leurs inconvénients. Je suis revenu au cylindre fermé, c est-à-dire se composant d'une seule pièce, parce cpie cette forme garantit la pLis grande solidité. A ce cylindre sont attachées deux tiges de fer ; pour réunir la légèreté et la force de résistance, je me suis servi de fers en T qui sont joints entre eux, solidement, à trois endroits (voir la figure 1, a et h). La tige supérieure de jonction entre dans le manche massif en bois. L'arrangement pour sortir des mottes est tout à fait nouveau, de construc- tion originale, en même temps que d'une simplicité étonnante. Entre les deux tiges, il se meut un rail qui porte, attaché à deux tiges de fer, un anneau plat, lequel peut monter et descendre librement, avec le rail, entre de certaines limites. En posant le cylindre sur la plante et en l'enfonçant dans la terre — on fait alors agir sur le foret tout le poids du corps — l'anneau se lève. Vu la solidité de l'instrument, on peut employer une grande force en enfonçant le foret ; puisque le cylindre est tout à fait lisse à l'intérieur et â l'extérieur, on peut le tourner facilement autour de son axe longitudinal, ce qui, avec son bord tranchant ondulé, facilite beaucoup son entrée dans la terre. Ceci est un grand avantage vis-à-vis de tous les autres systèmes, qui sont divisés et possèdent à l'intérieur du cylindre des couteaux ou des saillants qui empêchent le mouvement tournant ; en même temps, la motte est bien formée et bien lissée par suite de ce mouvement tournant. Nous nous servons des jambes pour sortir la motte, sachant que les jambes peuvent développer une force beaucoup plus grande que les bras. Lorsque le foret est enfoncé assez profondément dans la terre, nous l'inclinons un peu pour détacher la motte par le bas. Après l'avoir sortie de terre, nous mettons le pied sur la traverse de l'anneau; une pression (en tenant le manche avec les deux mains) fait sortir du foret la motte, avec une forme irréprochable. Ce forêt a un autre avantage qu'aucun des systèmes actuels ne possède ; c'est que la plante peut être transportée dans le foret même (sans sortir la motte) jusqu'à l'endroit de la plantation, et plantée directement du foret en terre, ce qui simplifie beaucoup le travail, lorsqu'il s'agit de petites dis- tances. Surtout avec un sol meuble et une terre sèche où les mottes s'émiettent facilement, en anéantissant ainsi l'avantage principal de la plantation en motte, ceci est un avantage essentiel. Le foret, avec la motte et la plante, est placé dans le trou qu'on avait creusé auparavant. Puis le foret est sorti, l'anneau sur lequel on presse avec le pied maintenant la motte dans le trou de plantation. En résumé, ce nouvel appareil pour la plantation en motte peut être utilisé avec le meilleur succès partout où l'on peut travailler avec des plants. en motte. — 675 CONGRES FORESTIER Avantages. — La plus grande solidité avec une construction simple". Durée illimitée ; les réparations qui pourraient être nécessaires peuvent être exécutées par chaque serrurier ou forgeron de village, vu la simplicité de la construction. Le cylindre est tout à fait lisse à l'intérieur et à l'extérieur ; il est massif et construit d'une seule pièce si bien que le foret peut être enfoncé — au moyen d'un mouvement tournant • — • dans un sol compact, traversé par des racines, même contenant des pierres. Le mouvement toaruant facilite l'entrée dans le sol : il forme et lisse la motte. La motte peut facilement et intégralement être sortie du fer. La levée de la motte et sa sortie du fer se font automatiquement, par une pression du pied, sans que la mottte soit touchée par la main. On peut aussi transporter la motte directement vers le trou de plantation et la planter sans la sortir du foret. Le travail est rapide sans être fatigant, puisqu'il est réparti sur les bras et sur les jambes [Applaudissements). M. LE Président. — Je remercie AL Rotli de son intéressante commu- nication qui sera insérée dans le compte-rendu du Congrès, {Assen- timent). La séance est levée à 4 h. 11». 676 INTERTS'ATION'AI. 1913 SEANCE DU 18 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. LEDDZT, vice-président de Section La séance est ouverte à 9 h. 1/4. Sur l'invitation de M. le Président, M. Joaquim Ferreira Borges, chef du Bureau des Forêts aux Travaux publics à Lisbonne, prend place au bureau. M. LE Président. — La parole est à M. Pardé pour la lecture de son rapport sur les Tourbières et Marécages. M. Pardé. — Les tourbières et marécages occupent sur la terre des surfaces impoi tantes. Ces surfaces, dans les différents pays, sont, le plus souvent, assez mal connues, faute de statistiques sérieuses à ce sujet. Tel est le cas, notam- ment, pour la France où on estime, d'une façon très approximative, que les tourbières et marécages couvrent environ 300.000 hectares. Tous ces terrains marécageux et tourbeux sont, en grande partie, improductifs. Il semble possible de les utiliser. Sans doute, un certain nombre de tourbières, celles qui ne sont pas trop éloignées des habitations, peuvent être mises en valeur par la culture agricole et, surtout, par la culture pastorale qui peut y prospérer et, lorsqu'elles se trouvent à proximité des villes, par la culture maraîchère qui, généralement, y réussit. Pour toutes les autres, c'est certainement le reboisement qui permet- trait d'en tirer le meilleur parti. Et, au moment où tout le monde s'accorde pour réclamer une élévation du taux de boisement, tant pour suppléer à l'insuffisance de plus en plus grande de la production ligneuse, que pour régulariser le régime des eaux, améhorer le climat et augmenter la salubrité, il devient de plus en plus utile, nécessaire même, d'étudier sérieusement cette importante question de la mise en valeur, par la culture forestière, des terrains maré- cageux et tourbeux. L'opération est-elle possible? Quels sont les meilleurs moyens à em- ployer pour y procéder ? Tel est l'objet de ce rapport. Tout d'abord, il y a lieu de considérer que les tourbières ne sont pas toutes de même nature. 677 CONGRES FORESTIER On distingue les tourbières supraaquatiques, appelées tourbières hautes , tourbières de montagne, tourbières moussues - — en allemand « hoclimoor » — qui doivent leur origine aux eaux de pluie et sont caractérisées surtout par la présence de mousses appartenant au genre sphagnum, de linai- grettes, de myrtilles, de bruyères ; — et les tourbières infraaquatiques, nommées encore tourbières basses^ tourbières de vallée, tourbières vertes — en allemand « flachmoor», « niedermoor» — - qui sont dues aux eaux des rivières ou des lacs et sont caractérisées par la présence de roseaux, de carex, de joncs, de graminées et de mousses du genre hypnum. Entre ces deux types, existent les tourbières intermédiaires ou de tran- sition — en allemand «ebergangsmoor» — à la formation desquelles participent à la fois les eaux météoriques et les eaux telluriques et où l'on rencontre également des espèces végétales caractéristiques des tourbières hautes et des tourbières basses. Cette distinction est, pratiquement, très importante. D'une façon générale, les tourbières hautes, dues à des eaux météoriques très pauvres, sont beaucoup moins riches en principes nutritifs que les tourbières basses qui doivent leur origine à des eaux telluriques plus ou moins chargées de matières minérales et qui reçoivent fréquemment, au moment des crues, des apports de substances fertilisantes. Notamment, pour ce qui concerne la mise en valeur par la culture forestière, le reboisement est, en général, une opération beaucoup plus difficile dans les tourbières hautes que dans les tourbières basses. Il est donc nécessaire, avant d'entreprendre tout travail dans une tourbière, de déterminer bien exactement la nature de cette tourbière. Qu'il s'agisse de tourbières hautes ou de tourbières basses, les procédés .Il employer pour installer la végétation forestière sont les mêmes. Tout d'abord, il y a lieu de faire une étude générale complète de la tourbière, d'en lever le plan, avec nivellement, de se renseigner le plus exactement possible sur la coipposition chimique du sol, sur l'épais- seur de la couche de tourbe, enfin sur le niveau de l'eau en de nombreux endroits, aux différentes saisons de l'année. Dans tous les cas, il y a lieu de prévoir deux catégories de travaux : les travaux de préparation du terrain et les travaux de boisement pro- prement dits. En premier lieu, toute tourbière que l'on se propose de reboiser doit être préalablement asséchée, assainie. Les végétaux ligneux ont générale- ment des racines qui s'enfoncent plus ou moins profondément dans le sol ; il est nécessaire que ces racines, qui ne pourraient vivre dans une terre non aérée, constamment baignée par des eaux plus ou moins sta- gnantes, trouvent toujours, pour se développer, une épaisseur suffisante de tourbe assainie, au-dessus du plan d'eau. Abaisser le plan d'eau à un niveau convenable est donc la première opération à faire. Et cette opération — tous les auteurs sont entièrement d'accord sur ce point — est absolument indispensable. Jusqu'à quelle profondeur faut-il abaisser le plan d'eau ? M. le professeur Tacke (1), de Brème, déclare que la hauteur d'un peuplement forestier est en rapport direct avec l'épaisseur du sol de la tourbière utilisable par (1) Tacke. — Die Bewirlhschajtungder im Wald gelegenen Grilnlands-und Hochmoore.—- Zeitschrift jiir Forst-und Jagdwesen, 1900, page 38. — 678 — INTERNATIONAL 191 -J les racines. Et il admet que le bon développement des végétaux ligneux sera certainement obtenu, lorsque cette épaisseur dépassera 1 mètre. On doit donc chercher à abaisser le plan d'eau à 1 mètre, et même davan- tage, si on le peut, au-dessous de la surface du sol. Mais, cela est souvent difficile à obtenir, quelquefois même impossible, par exemple, dans les tourbières basses, quand le niveau de l'eau dans la rivière ou le lac voisin est à une distance de la surface du sol inférieure à celle que l'on désire obtenir, pour le plan d'eau, dans la tourbière. Certains auteurs conseillent d'obtenir cet abaissement du plan d'eau progressivement, au fur et à mesure que les racines des arbres se déve- loppent. Il convient en effet de faire observer que le sol de la tourbière assainie et reboisée se tasse et s'affaisse peu à peu. Comment obtenir l'abaissement du plan d'eau? Des drains courraient le risque d'être plus ou moins endommagés ou même détruits par les racines des arbres ou, simplement, par suite de l'affaissement du sol. Il est donc préférable d'obtenir l'assainissement de la tourbière au moyen de fossés à ciel ouvert, dont les terres, rejetées sur le sol, viennent en augmenter l'épaisseur. Ces fossés peuvent être entretenus facilement. Ils présentent, en outre, l'avantage de pouvoir, au moyen de barrages de retenue construits à cet effet, permettre d'irriguer la tourbière, ce qui peut être très utile durant les périodes de sécheresse. Suivant les conditions, les fossés d'assainissement sont espacés de 3 à 6 mètres et même davantage ; ils peuvent mesurer de 0 m. 60 à 1 m. 20 de largeur à la gueule, de 0 m. 30 à 0 m. 50 de largeur au fond et de 0 m. 20 à 0. m. 50 de profondeur, et même plus, suivant que la tourbière est plus ou moins humide et qu'il s'agit de fossés bordiers, de fossés principaux ou de fossés secondaires. Le sol de la tourbière une fois assaini, il est ordinairement utile, et même souvent nécessaire, de l'enrichir au moyen d'apport d'engrais. En aucun cas, écrit M. le professeur comte cleLeiningen (1), de Vienne, on ne peut se dispenser d'apporter des engrais, car, au moins pendant la première révolution du peuplement forestier installé sur la tourbière, le sol n'est pas assez riche pour nourrir les arbres. D'après ce qu'a été dit plus haut, cet apport d'engrais est surtout néces- saire, lorsqu'il s'agit d'une tourbière haute. Les substances qu'il y a lieu d'apporter sont, en général, l'acide phos- phorique, la potasse, et, exceptionnellement, l'azote. Une application de chaux est également très utile, au moins dans les tourbières hautes, et surtout si cette application est faite avant les plantations, car la chaux provoque une décomposition plus rapide de la tourbière (2). Les engrais doivent être apportés sous des formes et en des proportions convenables. Ordinairement, on apporte l'acide phosphorique à l'état de superphosphates ou de scories de déphosphoration ; la potasse,_ sous la forme de chlorure de potassium, de sulfate de potasse ou de kainite; l'azote, à l'état de nitrate de soude ou de sulfate d'ammoniaque; la chaux, sous la forme de marne, de chaux ou d'écumes de défécation. (1) Wilh. de Leiningen. — Die Waldvegetation prealpincr bayeriacher Moorc, pagJ 67. — Munich, 1907. (2) Wilh. de Leiningen. — Même ouvrage, page 66. — 679 — CONGRES FORESTIER Les scories de déphosphoration et les phosphates Thomas, qui appor- tent en même temps de l'acide phosphorique et de la chaux, sont, géné- ralement, les engrais à appliquer de préférence. M, le professeur baron von Tiibeiif (1), de Munich, a étudié scientifi- quement l'action des dirers engrais sur les pins, dans les tourbières hautes. Il résulte de ses expériences que l'acide phosphorique, appliqué seul ou en mélange, donne toujours de bon résultats, tandis que les autres engrais, qu'ils soient donnés seuls ou en mélange, sont presque sans effet, si on ne leur adjoint pas l'acide phosphorique. En outre, l'acide phosphorique serait assimilé plus facilement et plus rapidement à l'état de biphosphate de soude que sous la forme de scories Thomas. Mais, le biphosphate de soude coûte très cher et il n'est pas facile de se le procurer dans le commerce. M. l'inspecteur Schnyder à Neuveville, un des forestiers suisses qui connaissent le mieux la question du reboisement des tourbières, a employé avec succès les scories de déphosphoration et la kainite. Et son collègue, M. Liechti, inspecteur à Morat, recommande l'apport de scories contenant 18 % d'acide phosphorique et de kainite renfermant 12 % de potasse. D'après Mi\I. Giilly et Baumann, les débris de démolition des maisons, qui renferment en moyenne 0,50 % d'acide phosphorique, 0,50 % d'azote et 0,75 % de potasse, peuvent être avantageusement utilisés, lorsque les frais de transport ne sont pas trop élevés. Mais, il n'est pas douteux que ces matériaux agissent davantage par leurs propriétés phy- ques et par leur teneur en chaux, que par les faibles quantités d'acide phosphorique, d'azote et de potasse qu'ils contiennent. M. le professeur comte de Leùiingen (2) signale aussi l'emploi des terres des routes qui renferment de l'acide phosphorique, de l'azote, de la chaux et un peu de potasse. Graehner conseille éventuellement la culture du lupin, comme engrais vert, dans les tourbières, — dans les tourbières hautes, sans doute. A quelle époque doivent être appliqués les engrais? A l'automne qui précède les travaux de boisement proprement dits, répond M. l'inspecteur Liechti. Une autre opération qui pourrait être utilement faite, avant les plan- tations, consisterait à détruire, aussi complètement que possible, les végétaux herbacés qui absorbent une partie des substances nutritives contenues dans le sol et sont susceptibles d'entraver le développement des jeunes plants forestiers. M lis cette opération, pour être pratiquée avec succès, nécessite des iabours convenablement exécutés et, par suite, difficiles et coûteux; et elle doit avoir, pour complément, l'engazonnement du sol. Peut-être,serait-il possible d'y procéder plus facilement et plus économi- quement, en employant des solutions chimiques judicieusement choisies et appliquées. Le terrain de la tourbière étant ainsi préparé, quels sont les travaux de boisement proprement dits et comment y procéder? (1) Von TubRiif. — Duni;u>igs('crsuch zu Kiefem anf Hoochmoor. — Naturwissen- schaftifiîn Zeitschrift fur Forst-und Landwirtschaft, 1908, page 404. (2) dî L°iningLMi, op. citât., page 67. — 680 — INTERNATIONAL 1913 Tout d'abord, il convient de ne commencer les semis ou plantations que un ou deux ans — on attend deux ans dans l'Hertogenwald belge — après la fin des travaux indispensables d'assainissement ; il est en effet nécessaire de laisser le sol de la tourbière s'assécher et se tasser conve- nablement. Doit-on procéder au boisement par semis ou par plantation'^ Sauf dans certains cas particuliers, le semis n'est pas à conseiller dans les tourbières, à cause des froids et des gelées qui y sévissent souvent, de la sécheresse des couches superficielles pendant l'été, des herbes qui menacent d'étouffer les jeunes plants les végétaux ligneux résistent d'autant mieux aux gelées de l'automne et du printemps, comme aussi à l'envahissement des herbes, qu'ils sont de taille plus élevée. Donc, très généralement, la plantation est préférable et, en fait, c'est le mode de boisement le plus employé, de beaucoup, dans les terrains marécageux et tourbeux. Il convient d'employer de forts plants, repiqués, car ils résistent mieux au froid et à la sécheresse et peuvent mieux lutter contre la végétation herbacée. A quelle époque faut-il planter de préférence? Sans vouloir formuler de principe absolu à ce sujet, on peut dire que le printemps est, en général, la saison la plus favorable pour installer des plants forestiers dans les tourbières qui sont ordinairement des « trous à gelée ». Tel est aussi l'avis de M. l'inspecteur Liechti. Comment procéder aux travaux de plantation? Le plus souvent , la plantation s'effectue par trous qu'il convient d'ouvrir dans l'automne qui précède la mise à demeure, afin que la terre puisse se déliter et s'aérer. Les trous sont disposés en quinconce, à des intervalles plus ou moins éloignés, sur des lignes plus ou moins espacées et avec des dimensions en largeur et en profondeur plus ou moins grandes, suivant la nature et la taille des plants. On augmente avantageusement l'épaisseur de la couche de terre assainie, en rejetant la terre des fossés sur les bandes à cultiver et, lorsque cela est possible, sans frais trop élevés, en apportant sur ces bandes de la bonne terre provenant du sous-sol ou d'ailleurs. Lorsque le terrain est très humide ou que le plan d'eau est à une faible profondeur, on peut, dans le même but, comme cela a lieu dans l'Herto- genwald belge et comme l'a fait M. Liechti sur certains points, installer les plants sur des buttes ou, encore, sur des mottes engazonnées qui, souvent, peuvent être fournies par l'ouverture des fossés. Dans les parties bien assainies, M. Liechti a eu de bons résultats en plantant sur les ados obtenus, l'année précédente, par le labour à la charrue de deux sillons contigus. Enfin, toutes les fois que cela est possible sans augmenter par trop la dépense, il est excellent d'apporter, au pied des plants, des pierres ou, à défaut, du sable ; cet apport entretient un peu de fraîcheur, empêche le déchaussement et maintient la terre au contact des racines. Quelles sont maintenant les essences qu'il convient de planter de préfé- rence dans les terrains tourbeux? D'une façon générale, les tourbières étant ordinairement très exposées — 681 — CONGRES FORESTIER aux gelées, il faut choisir des arbres particulièrement résistants à ce point de vue. Dans les tourbières basses, les essences qui réussissent ordinairement le mieux, abstraction faite des peupliers, des saules osiers et des arbres fruitiers, sont, parmi les espèces feuillues : l'Aune glutineux {Alnus glutinosa Gaerter) qui convient parfaitement, si on ne tient pas à avoir des bois de fortes dimensions (1) ; l'Aune blanc {Alnus incana Willd), qui, d'après M. Liechti, a, sur le précédent, l'avantage de drageonner, ce qui rend les plantations complémentaires moins nombreuses, et d'être moins attaqué par le charançon de l'aune {Cryptorhynchas Lapathi h.); les Bouleaux bubescent {Betula pubescens Ehrh.) et verruqueux {B. verrucosa Ehrh.) qui fournissent de bons rendements en bois de feu; le Frêne commun {Fraxinus excelsior L.) qui s'accommode bien de parties assez humides et donne un bois supérieur en dimensions et en qualités à ceux des espèces précédentes — et, accessoirement, les érables, les chênes, les tilleuls ; parmi les espèces résineuses : le Pin sylvestre {Piniis sylvestris L.) et l'Epicéa élevé [Picea excelsa Link). Les peupliers peuvent également réussir dans les tourbières basses et y donner alors de beaux revenus. Les saules, cultivés pour la production des osiers, sont également susceptibles de fournir de bons l'endements dans les tourbières. Pour cette culture, M. Wilhelm Bersch (2) conseille de bien assainir le terrain, de détruire la végétation spontanée, de retourner le sol, en évitant de le labourer au delà de 0 m. 20 à 0 m. 25 de profondeur, et d'introduire les saules, de préférence au printemps, au moyen de boutures espacées de 0 m. 10 à 0 m. 15, sur des lignes distantes de 0 m. 50 à 0 m. 75. D'après M. Reppin^ les boutures ne doivent pas avoir plus de 0 m. 20 à 0 m. 25 de longueur, et elles doivent être complètement enfoncées dans la tourbe, sauf lorsqu'on a fait un apport de sable, auquel cas elles sont plantées dans la couche de sable sur une longueur de 0 m. 10 et dans le sol de la tourbière pour le surplus. Les meilleures espèces de saule pour la produc- tion des osiers sont : Salix purpurea L., S. triandra L., S. alha L. var. vitel- lina, S. jragilis L., S. viminalis L. M. Wein déclare que le rendement peut être augmenté considérablement par l'emploi des fumures artificielles. Les arbres fruitiers, notamment les pommiers à cidre, paraissent aussi devoir réussir dans les tourbières basses. Dans les tourbières hautes, on peut introduire, parmi les espèces feuillues : les bouleaux qui s'accommodent des parties les plus sèches, et, parmi les espèces résineuses : l'Epicéa élevé {Picea excelsa Link) qui, d'après M. Liechti^ peut se maintenir jusqu'à l'âge où cette essence fournit des poteaux de télégraphe, et qui, dans certaines régions, est avantageuse à cultiver, d'après M. Bersch^ pour la production d'arbres de Noël ; le Pin de montagne {Pinus monlana Mill.), « la meilleure espèce pour le reboisement des tourbières hautes », déclare M. le professeur comte de Leiningen (3) ; le Pin sylvestre qui, dit M. Liechti^ est suscep- tible de bien venir, mais qui, le plus souvent, prend une forme très étalée et ne présente qu'un fût très court. D'après M. Liechti, le Sapin pectine {Ahies pectinala D. C.) pourrait être introduit après les premiers boise- (1) de Leiningen, op. cit., page 75. (2) WiUiclin Bersch. — Handbuch der Moorkuliur. Chapitre VI. 2* édition. — Vienne et Leipzig. 1912. (3) de Leiningen, op. cit., page 75. ' — 682 — INTERNATIONAL 1913 ments. Enfin, le Pin Cembro {PinurS Cembra L.) a réussi dans quelques tourbières de montagne. Les essences exotiques peuvent-elles rendre des services pour le boise- ment des terrains tourbeux? Bien que certaines, parmi elles, aient été déjà expérimentées assez anciennement — W- Biihler (1), en 1831, parle d'expériences de ce genre, qu'il qualifie de jeu — il n'est pas encore possible de se prononcer nettement sur ce point. En tout cas, il serait certainement exagéré de formuler dès maintenant .une réponse négative. Déjà, le Pin Weymouth [Pinus Strohus L.) a donné de bons résultats en plusieurs endroits et M. l'inspecteur forestier Womacka signale sa belle venue, jusqu'à présent, dans les essais qu'il poursuit, depuis l'année 1900, dans une tourbière de transition, située en Bohême. De même, l'Epicéa de Menziès {Picea siikaensis Carr.) a réussi sur certains points, notamment dans l'Hertogenwald belge. En revanche, l'Epicéa piquant {Picea pungens Engelm.) a échoué dans les quelques essais dont il a été l'objet jusqu'à ce jour. En définitive, certaines espèces, déjà expérimentées, ne l'ont pas encore été suffisamment, et d'autres, qui paraissent intéressantes, n'ont pas été essayées jusqu'à présent. Dans ces conditions, il n'est pas possible, actuellement, de prendre une conclusion, en ce qui concerne l'opportunité d'introduire des essences exotiques dans les terrains tourbeux. La question reste à étudier. Et, dans cette étude, il conviendra de ne pas oublier que les résultats peuvent varier suivant la nature de la tourbière, la composition chimique du sol, l'épaisseur de la couche de tourbe et le niveau du plan d'eau. Les essais devront être faits dans tous les cas différents. Lorsque la végétation forestière aura été installée sur une tourbière, il sera nécessaire, au moins au début, de prendre certains st)ins pour la maintenir. Tout d'abord, il est indispensable d'entretenir en bon état les fossés d'assainissement, et cela aussi souvent qu'il devient utile de le faire. Cet entretien s'impose d'autant plus que le sol de la tourbière assainie et reboisée tend à se tasser progressivement, à s'affaisser. Les jeunes plants peuvent être exposés au déchaussement ; on y remédie par l'apport de pierres ou de sable et, au besoin, en tassant la terre, à leur pied, au moyen d'un pilon. Cette dernière opération peut être également utile, durant les périodes de sécheresse, pour ramener, au contact des racines, la terre devenue sans consistance. Jusqu'à ce que les plants soient assez forts pour se défendre contre les végétaux herbacés, il est nécessaire de les protéger contre ces derniers ; pour cela, il convient, durant l'été, de couper les herbes qui sont dans le voisinage des plants, puis, à l'automne, de procéder à un fauchage général de la végétation spontanée. Enfin, lorsque cela est possible, il est excellent, pendant les périodes de sécheresse, d'utiliser les fossés d'assainissement pour irriguer la tour- bière. (1) W. Bûhler. — Die Versumpjung der Wàlder mit und oline Torjbildung und die Wiederbeslochung derselbcn mil besonderer Hinsicht auf den Scivarzwald. Tùbingen. 1831. — 683 — CONGRES FORESTIER On voit, d'après ce qui précède, que le reboisement d'une tourbière, surtout lorsqu'il s'agit d'une tourbière haute, est une opération le plus souvent difficile, presque toujours très coûteuse et qui, faute de données encore bien certaines sur les moyens d'y procéder, comporte ordinaire- ment beaucoup d'aléas. Aussi, est-ce aux collectivités qui disposent des fonds nécessaires et peuvent attendre les résultats, notamment à l'État, aux départements, aux communes — et aussi, aux sociétés — qu'il appartient surtout d'en- treprendre ces travaux. Si l'opération est difficile, il ne semble pas qu'elle soit impossible. On peut citer des cas assez nombreux de réussite. En Belgique, les forestiers sont parvenus à reboiser avec succès les hautes fagnes de la région de Spa (1). Dans cette région, l'assainissement est obtenu par l'ouverture de fossés distants de 3 à 6 mètres, d'axe en axe, suivant le degré d'humidité du terrain. Les plantations ont lieu deux ans plus tard. Elles sont faites en buttes, et, dans les parties les plus humides, sur des mottes de gazon provenant en partie des fossés. Comme essence, on emploie surtout des épicéas âgés de 4 ans, dont 2 ans de repiquage, que l'on plante en quinconce, à i m. 50 d'intervalle, sur des ignés espacées de 2 ou 3 mètres ; soit un total de 2.200 ou 3.300 sujets à l'hectare. Chaque plant reçoit environ 25 grammes de phosphate basique que l'on mélange intimement à la terre du trou représentant en moyenne 1 décimètre cube. En Suisse^ M. Liechti, inspecteur forestier à Morat, a reboisé avec succès une partie des tourbières basses étendues qui avoisinent le lac de Neufchâtel (2). Par suite des travaux d'assainissement, le plan d'eau s'est trouvé abaissé à 1 m. 50-2 mètres, au-dessous de la surface du sol, du moins au début, car depuis, la tourbière s'est tassée et affaissée. Les plantations, qui eurent lieu 1 ou 2 ans après l'assèchement, ont été efîec- tuées sur les ados obtenus par le labour de deux sillons contigus ou, dans les parties insuffisamment assainies, sur des buttes de terre. Les essences employées ont été, parmi les espèces feuillues : le bouleau, l'aune, le frêne, et, parmi les espèces résineuses : l'epicea et le pin Weymouth ; le pin sylvestre a médiocrement réussi. On a planté aussi des peupliers et des saules. Les travaux, commencés en 1879, ont donné de très bons résultats, tant au point de vue forestier qu'au point de vue de l'amélioration du climat. Les parties peuplées de feuillus, traitées en taillis sous futaie, ont été déjà exploitées trois fois. La quantité et la qualité des produits réalisés ont été satisfaisantes. Mais, chaque exploitation doit être suivie de plantations complémentaires, car un certain nombre de souches ne repoussent pas. En Allemagne, les travaux de reboisement de tourbières ont été assez nombreux et quelques-uns sont déjà assez anciens. M. le professeur comte de Leiningen cite, d'après Sendtner, ceux qui (1) Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique, années 1896 et 1900. — E. Xéli?. Les hautes iagnes de VHertogenwald. Bulletin de la Société centrale forestière de Belgique, janvier et février 1908. — Progi'anime du VI^ Congrès de l'Union internationale des stations de recherches forestières. Bruxelles, 1900. (2) Liechti, Beobachtungcn auf dem Gebiete der Moosaufforslungeii. — Sclnveizerische Zejtschrif t fur Forslwesen. mai 1906. — G84 — INTERNATIONAL 1913 ont été effectuées par le forestier de Larosée dans les tourbières hautes situées près de Rosenheim, en Bavière, où 650 arpents furent mis en valeur, par la culture forestière, de 1822 à 1850 (1). Les fossés d'assai- nissement furent ouverts dans des conditions particulièrement favorables. Les essences employées furent le bouleau de Tépicéa. M. de Leiningen signale encore, d'après un rapport du forestier K. L. Pfob, les reboisements exécutés dans la tourbière de la vallée de Joachim (2). L'assainissement fut opéré vers le milieu du siècle dernier. Les plantations furent faites en buttes, à 2 mètres d'intervalle. L'essence utilisée a été l'epicea. Malgré les gelées tardives, très fréquentes en cet endroit, les jeunes sujets ligneux se sont bien développés. En ce qui concerne l'Allemagne du Nord, on trouve, dans les compte- rendus des travaux de la Commission centrale des tourbières, années 1876-1879, page 33, un rapport sur les cultures forestières, commencées en 1855, dans les tourbières hautes du haut Venu, où 5.000 arpents, sur 30.000, furent plantés avec succès en épicéas. M. Liechti cite aussi les reboisements en épicéas, effectués dans les environs de Brème. En Autriche, M. W. Bersch signale les beaux résultats obtenus avec Pinus montana rotimdaia dans le domaine du prince de Schwartzenberg, en Bohême (3). Des travaux de reboisement importants ont aussi été entrepris dans les terrains marécageux et tourbeux qui avoisinent le lac de Chiem, en Bavière. Mais, les plantations anciennes occupent des surfaces trop res- treintes et les dernières exécutées sont trop récentes, pour qu'on puisse tirer des conclusions définitives. En France, il faut l'avouer, on s'est fort peu préoccupé, jusqu'à présent, du reboisement des tourbières et il a très peu été écrit sur le sujet. Sans doute, il existe cà et là, dans des vallées à sol plus ou moins tour- beux, de belles plantations de peuplier. Et les essais que poursuit à AndryeS; dans le département de l'Yonne, M. Schrihaux, professeur à l'Institut national agronomique, semblent démontrer que l'on peut obtenir de très bons résultats, en employant des peupliers de 3 ans, plantés au printemps, dans des trous ouverts, à l'automne précédent, sur 0 m. 80 en tous sens, et en mélangeant intimement, à la terre provenant de chaque trou, 2 kilogrammes de scories de déphosphoration et 1 kilo- gramme de chlorure de potassium. Sans doute, on rencontre aussi, dans quelques fonds tourbeux, des cultures rémunératrices de saules osiers. Mais, de boisements forestiers proprement dits, effectués sur des tour- bières, il n'en existe pas d'anciens, à ma connaissance du moins. Et les essais entrepris dans ces derniers temps sont encore bien peu nombreux. Je ne puis signaler que ceux qui ont été exécutés dans les tourbières de Frasne (Doubs) et ceux qui ont lieu actuellement dans les marais de Bresles (Oise). En 1901, la commune de Frasne entreprit de reboiser une partie des (1) de Leiningen, op. cit., pag3 68. (2) de Leiningen, op. cit., page 7L (3) W. Bersch. — Handbuch der Moorkullur. Chapitre VL 2* édition — Vienne et Leipzig, 1912. — 685 — CONGRES FORESTIER importantes tourbières hautes qu'elle possède dans l'arrondissement de Pontarlier (1). Le terrain dont il s'agit est traversé par une sorte de canal où l'eau s'écoule assez mal, faute d'une pente suffisante. Il ne fut pas ouvert d'autres fossés d'assainissement. Aucun engrais ne fut apporté, Au printemps de 1901 , des sujets des essences suivantes furent plantés : Alniis cortada Desf. (500), Betiila papyracea Ait. (500 qui furent remplacés à l'automne suivant), Betula lenta L. (500 qui durent être remplacés à l'automne), Alniis incana Willd. (200 dont 25 furent remplacés à l'au- tomne), Fraximis americana L. (100 dont 10 furent remplacés à l'au- tomne), Liquidamhar styraciflua L. (200 dont 180 furent remplacés à l'automne), Liriodendron iiilipifera L. (100), Chamaecyparis Lawsoniand Pari. (500, dont 100 furent remplacés à l'automne), Chamaecyparis nutkaensis Spach. (500 dont 300 furent remplacés à l'automne), Thuya gigantea Nutt.) (500 dont 350 furent remplacés à l'automne), Pinus sylvestris L., var. rigensis (500 dont 100 furent remplacés à l'automne), Pjnus Banksiana Lamb.) (500 dont 40 furent remplacés à l'automne), Pinus ponderosa Dougl. (500 dont 40 furent remplacés à l'automne), Pinus Strohus L. (200), Pins divers (80), Epicéa de Norvège (500), Larix sihirica Ledeb. (500 qui furent remplacés à l'automne), Larix leptolepis Murr. (500 qui furent remplacés à l'automne), P/cea sitkaensis Carr. (500 dont 135 furent remplacés à l'automne). Sapin de Russie (500 dont 130 furent remplacés à l'automne); en outre, il fut planté, à l'automne de la même année 1901 : 100 Prunus serotina Elii^h., 100 Taxo- diuni distichum Rich. et 100 Abies grandis Lindl. De toutes ces plantations, il ne restait plus guère, à l'automne de 1903, que quelques pins sylvestres de Riga et quelques pins de Banks. Le terrain fut alors clôturé et divisé en 14 carrés. Aux printemps des années 1904, 1905 et 1907, on y planta : 800 Alnus glutinosa Gaertner, 3-200 Alnus incana Willd., 210 Betula papyracea Ait., 200 Betula lenta L., 300 Betula lutea L., 100 Jugions nigra L., 200 Tsuga Mertensiana Carr., 50 Ahies grandis Lindl. qui furent remplacés, 250 Picea aZèa Link, 600 Picea pungens Engelm, dont 400 furent remplacés, 310 Picea sitkaensis Carr., 500 Pinus sylvestris L., 600 Pinus Laricio Poir., var. austriaca, 570 Pinus Banksiana Lamb., 610 Pinus rigida Mill. dont 270 furent remplacés, 200 Pinus Strobus L., qui furent remplacés, 300 Pinus Cenibra L., 100 Taxodium distichum Rich. et 300 Thuya occiden- talis L. dont 220 furent remplacés. Toutes ces plantations furent effectuées en potets, à l'exception de il 0 Pinus Banksiana qui furent plantés sur buttes légères, au printemps de 1907. En juillet 1912, il ne restait plus, de toutes les plantations exécutées, que quelques pins sylvestres et quelques pins de Banks. D'après ce qui a été dit plus haut, cet insuccès ne doit pas surprendre, étant donné qu'il s'agit d'une tourbière haute, qu'il n'a pas été fait de travaux d'assainissement et qu'il n'a été apporté aucun engrais. Il semble aussi qu'on ait employé un trop grand nombre do plants d'essences exotiques non encore suffisamment expérimentées, surtout dans ces conditions très spéciales, et qu'on n'ait pas fait une place assez impor- (1) Renseignements donnés par M. Cuif, Inspecteur des Eaux et Forêts, attaché à la station des recherches forestières de Nancy. 68o INTERNATIONAL 1913 tante aux espèces indigènes mieux connues, notamment à l'epicea élevé qui paraît l'arbre le plus indiqué dans ces stations. Il serait certainement très intéressant de reprendre ces expériences, en tenant compte de ces observations et, en particulier, après assainisse- ment du terrain et avec apport d'engrais. iMalheureusement, la commune de Frasne, découragée par cet insuccès — on pourrait l'être à moins, — semble actuellement peu disposée à entreprendre de nouveaux travaux. A Bresles (Oise), M. Schribaux et moi procédons depuis 1908, avec des crédits mis à notre disposition par la Commission des Etudes scienti- fiques, à des essais méthodiques de boisement, dans un champ d'expé- riences concédé gracieusement par la commune dans les marais tourbeux qui lui appartiennent. Le champ d'expériences forestières de Bresles, d'une surface de 1 hec- tare 25 ares, est situé en terrain presque complètement plat, à l'altitude de 60 mètres environ ; il est limité à l'Ouest par le ruisseau de Trye, affluent de la rivière Thérain ; au Nord et à l'Est, par une fausse rivière qui aboutit à la Trye, dans l'angle Nord-Ouest du terrain. La tourbière de Bresles est une tourbière basse. La couche de tourbe, dont la partie utilisable a été exploitée, a une épaisseur moyenne de 2 mètres ; elle repose sur un sable profond. Les travaux de préparation du terrain ont été les suivants : ouverture , en 1908, d'un fossé bordier de 1 m. 50 de largeur et 0 m. 60 de pro- fondeur, pour limiter le champ d'expériences au Sud, et creusement, sur 2 m. 80 de largeur et 0 m. 80 de profondeur, d'une partie de la fausse rivière située à l'Est ; ouverture, la même année, sur toute la surface — à l'exception de deux bandes de terrain, l'une de 15 mètres de largeur à l'Est et l'autre de 12 mètres de largeur au Sud, laissées intentionnelle- ment pour servir de témoins — avec une pente de 25 millimètres par mètre, de fossés d'assainissement distants de 5 mètres, d'axe en axe, et mesurant 0 m. 40 de largeur à la base, 0 m. 80 au sommet et 0 m. 70 de profondeur ; ouverture, également en 1908, des trous destinés à recevoir les plants, savoir 430 grands trous de 1 mètre carré de surface et 0 m. 70 de profondeur, placés à des intervalles de 6 mètres, pour les peupliers et les pommiers, et 1548 petits trous de 0 m. 50 de superficie et 0 m. 35 de profondeur, éloignés de 3 mètres, pour les saules osiers et les plants forestiers ; enfin, construction, en 1908-1909, sur le ruisseau de Trye, en aval du champ d'expériences, d'un barrage à aiguilles pouvant per- mettre, avec les fossés, d'irriguer le terrain pendant les périodes de sécheresse et de relever ainsi le plan d'eau suivant les besoins. D'après les constatations faites dans les trous préparés pour recevoir les plants et dans ceux qui ont été ouverts spécialement dans ce but, la distance du plan d'eau à la surface du sol varierait actuellement, suivant les endroits, de 0 m. 30 à 0 m. 70 pendant l'hiver et de 0 m. 55 à 0 m. 95 durant l'été. Et il semble difficile d'obtenir davantage, à cause du niveau des eaux dans la rivière qui borde le champ d'expériences. La couche de tourbe assainie atteint donc bien rarement, à Bresles, l'épaisseur de 1 mètre, que Tacke indique comme le desideratupi à réahser. Les plantations ont été effectuées, à l'automne de 1909, sur les bandes délimitées par les fossés dont les terres ont été rejetées sur ces bandes. Chaque bande, d'une largeur de 4 m. 20, renferme trois lignes de plants ; — 687 — CONGRES FORESTIER la ligne du milieu a été réservée aux peupliers et aux pommiers qui ont été plantés dans les grands trous, ouverts à 6 mètres d'intervalle ; les deux lignes latérales, situées à 1 m. 50 de la ligne du milieu et à 0 m. 60 du bord des fossés, ont été destinées aux saules osiers et aux arbres forestiers qui ont été plantés dans les petits trous, ouverts à l'espacement de 3 mètres. Les essences suivantes ont été introduites : a) Des pommiers à cidre de six variétés, savoir : Belle-Cauchoise, Reine-des-Pommes, Pomme-du-Temple, Peau-de-Vache-nouvelle, Grise- Dieppoise et Pomme-Hauchecorne, chacune de ces 6 variétés étant représentée par 5 sujets. b) Des peupliers de 10 espèces ou variétés, savoir : peuplier demi- blanc du pays, peuplier blanc du pays, peuplier d'Eugène {Populus Eugenei Simon-Louis), peuplier suisse blanc eucalyptus (Sarcé), peuplier robuste {Populus rohusla Simon-Louis), peuplier suisse régénéré (Barbier), peuplier de la Caroline {Populus angulaia Alton), peuplier blanc type, Ypréau ou blanc de Hollande {Populus alba L.), peuplier du Canada {Populus canadensis Mœnch) et peuplier de Virginie {Populus monilifera Alton), chacune de ces 10 espèces ou variétés étant représentée par 40 individus, dont 20 plants enracinés, 8 sujets enracinés dont les racines furent coupées au moment de la plantation et 12 boutures ou plançons. A l'automne de 1912, 20 peupliers d'Eugène et 15 peupliers de la Caroline, morts ou très dépérissants, ont été remplacés par 35 peupliers blancs. c) Des saules osiers de trois espèces ou variétés, savoir : saule pourpre {Sali± purpurea L.), saule blanc var. ViieWine {S alix alba L. var. vitellina) et saule viminal {Salix viminalis L.), représentés, les deux premiers par 9 sujets chacun et le troisième par 18 individus. A l'automne de 1912, 9 saules pourpres et 2 saules blancs nouveaux ont été plantés dans les intervalles des précédents. cl) Des essences forestières de 29 espèces, dont 6 européennes, consi- dérées comme essences principales ou essences de reboisement proprement dites, savoir, parmi les espèces feuillues : le bouleau commun {Betula alba L.), représenté par 311 sujets, le frêne commun {Fraxinus excelsior L.), représenté par 120 plants, l'aune glutineux {Alnus glutinosa Gaertner), représenté par 72 individus et le tilleul d'Europe {Tilia europea L.), représenté par 48 sujets ; parmi les espèces résineuses : le pin sylvestre {Pinus sylvestris L.), représenté par 341 plants et l'épicéa élevé {Picea excelsa Link), représenté par 200 individus, et 23 espèces indigènes ou exotiques, considérées comme essences secondaires, essences de rem- plissage ou essences d'essai, savoir, parmi les espèces feuillues : le charme commun {C ar pinus Betûlus L.), le prunier tardif {Prunus serotina Ehrh.), l'aune cordiforme {Alnus cordata Desf.), le bouleau à papier {Betula papyracea Alton), le robinier faux-acacia {Robinia pseudo-acacia L.), le chêne rouge d'Amérique {Quercus rubra L.), le chêne pédoncule {Quercus pedunculata Ehrh.), le chêne des marais {Quercus palustris Duroi), le frêne blanc d'Amérique {Fraxinus americana L.), le copalme d'Amérique {Liquidambar styraciflua L.), représentées chacune par 20 sujets repartis également sur 4 bandes consécutives, et le catalpa Chavanon {Catalpa speciosa Warder) dont il n'a été planté que 5 individus, sur une seule ligne ; parmi les espèces résineuses : le sapin concolore {Albies concolor Lind. et Gord.), le mélèze du Japon {ÎJtrix leptohpis Murr.).lc sapin de — H88 — LXTERNATIONAL lOli! Douglas {Pseiidolsuga Douglasii Garr.), le thuya géant {Thuya gigantea Nutt.), le genévrier de Virginie {Juniperus virginiana L.), le tsuga du Canada {Tsuga canadensis Carr.), le pin à feuilles rigides {Pinus rigida Mill.), l'épicéa de Menziès {Picea silkaensis Carr.), le pin Weymouth {Pinus Strobus L.), l'épicéa piquant {Picea pungeus Engelm.), représentées chacune par 20 individus également répartis sur 4 bandes consécutives, le cyprès de Lawson {Chamaecy paris Lawsoniana Pari.) dont il a été planté 10 sujets sur 2 lignes, et le cyprès chauve {Taxodium distichum Rich.), dont il n'a été introduit, en 1909, que 5 exemplaires, sur une seule ligne. A l'automne de 1910, parmi les plants morts ou très dépérissants, 22 bouleaux furent remplacés par 19 aunes glutineux et 3 frênes com- muns ; 60 pins sylvestres, par 2 aunes glutineux et 58 frênes communs ; 9 épicéas élevés, par 9 aunes glutineux. En outre, à l'automne de 1912, on a introduit 15 ormes champêtres {Ulmus campestris L.), en remplacement de 15 aunes cordiformes morts ou très dépérissants et 14 pins de Banks {Pinus Banksiana Lamb.), à la place de 14 pins à feuilles rigides disparus. Et, 7 nouveaux exem- plaires du Taxodium distichum ont été intercalés entre les pommiers de la ligne du milieu de la première bande .^ L'azote et la chaux ayant été reconnus exister en quantités suffisantes, les essais d'engrais ont porté uniquement sur l'acide phosphorique et la potasse. On a employé, comme engrais phosphaté, les scories de déphosphora- tion {Phosphates Thomas « Étoile »), à raison de 1 kg 500 par grand trou et 0 kg 750 par petit trou, et comme engrais potassique, le chlorure de potassium, puis, en 1910 seulement, le sulfate de potasse, à raison de 0 kg 300 par grand trou et de 0 kg 500 par petits trous. A l'exception des 30 pommiers, des 47 saules osiers, des 12 cyprès chauves, des 10 cyprès de Lawson et des 5 catalpa Chavanon, qui, occu- pant les trois premières bandes situées au nord du champ d'expériences, ont reçu, de même que tous les sujets des essences principales plantés dans ces trois bandes, l'engTais complet, tous les autres végétaux ligneux introduits ont été répartis en 10 groupes, comprenant chacun 4 bandes consécutives, dont la première a reçu l'engrais complet ; la seconde, l'engrais phosphaté seul ; la troisième, l'engrais potassique seul ; la quatrième bande de chacun des 10 groupes restant sans engrais, pour servir de témoin. Chaque année, depuis 1909, il a été procédé aux travaux d'entretien suivants : tassement du sol au pied des jeunes plants pour empêcher leur déchaussement et, pendant les périodes de sécheresse, pour ramener la terre, devenue sans consistance, au contact des racines ; enlèvement, durant l'été, dans le voisinage immédiat des plants, des végétaux herbacés qui menacent de gêner les jeunes sujets ligneux dans leur croissance, toutes les autres herbes étant conservées jusqu'à l'automne, pour pro- téger les plants contre les coups de soleil et leur procurer un peu d'humi- dité par les condensations de rosée qu'elles provoquent ; fauchage général de la végétation spontanée, à l'automne ; enfin, remplacement de tous les plants morts ou dépérissants, chaque sujet nouveau étant, à part les quelques exceptions signalées plus haut, de même essence que celui rem- placé, et traité, au point de vue de l'appUcation des engrais, absolument comme l'avait été ce dernier. — 689 CONGRES FORESTIER Les essais sont encore de date trop récente pour qu'on puisse tirer des conclusions certaines des résultats obtenus jusqu'à ce jour. Ces résultats, actuellement, sont les suivants (1) : En ce qui concerne les différentes essences introduites : Les pommiers à cidre des six variétés expérimentées ont tous très bien repris et, bien que la plupart aient eu leur écorce plus ou moins rongée, au pied, par les rats d'eau, ils sont en très bon état de végétation ; ils ont commencé à donner des fruits. Les saules osiers des trois variétés essayées subsistent tous ; ils ont été recépés en 1912 ; les sujets se sont produits très vigoureux ; le saule pourpre parait devoir donner les meilleurs résultats. Parmi les peupliers, ceux qui ont été introduits au moyen de sujets déjà un peu âgés et suffisamment forts, comme les peupliers demi-blancs et blancs du pays, ont généralement beaucoup mieux réussi que ceux qui, comme les peupliers d'Eugène, de la Caroline, du Canada et de la Virginie, ont été plantés en exemplaires jeunes et de petites dimensions, ce qui tient sans doute à ce que ces derniers ont davantage souffert des gelées. Toutefois, le peuplier blanc type, Ypréau ou blanc de Hol- lande, a très bien résisté, quoiqu'il ait été introduit au moyen de sujets de petite taille. Il est, dès maintenant, impossible de distinguer les individus qui ont été plantés avec leurs racines de ceux dont les racines ont été coupées, au moment de la mise à demeure, et de ceux qui sont issus de boutures ou plançons. Il y a lieu de retenir seulement que, parmi les sujets morts ou dépérissants qui ont dû être remplacés, la proportion la plus forte a été fournie par les peupliers nés de boutures, et la plus faible, par ceux dont les racines ont été enlevées lors de la plantation. De toutes les essences forestières principales, le frêne commun est celle qui, jusqu'à présent, a donné les meilleurs résultats ; l'aune glutineux et le tilleul d'Europe ont aussi une végétation assez satisfaisante ; au con- traire, un assez grand nombre de bouleaux sont morts et ceux qui subsistent ne sont pas aussi bien venants que nous l'avions espéré ; des deux espèces résineuses, le pin sylvestre et l'epicea, beaucoup de plants ont disparu, mais ceux qui restent sont en assez bon état de végé- tation. Parmi les essences secondaires, le frêne blanc d'Amérique, le chêne rouge d'Amérique et le catalpa Ghavanon, parmi les espèces feuillues, le genévrier de Virginie, le cyprès de Lawson et le sapin concolore, parmi les espèces résineuses, sont celles qui, jusqu'à ce jour, donnent les meil- leures espérances ; le charme commun, le chêne pédoncule et le mélèze du Japon ont une assez bonne végétation ; le chêne des marais, qui s'était très bien comporté durant les trois premières années, a souffert en 1912 ; le bouleau à papier, le prunier tardif et le robinier faux-acacia, très vigoureux au début, présentent actuellement un ralentissement dans leur croissance ; l'aune cordiforme a été très endommagé par les gelées ; le copalme d'Amérique, le tsuga du Canada, l'epicea de Menziès, l'epicea piquant, le cyprès chauve et le pin Weymouth — ce dernier planté sans doute, comme également les autres espèces, en sujets trop jeunes — (1) Voir Pardé — Rapports annuels manuscrits sur les travaux effectués et les résultats obtenus dans le champ d'expériences forestières de Bresles — Années 1908 à 1912. — 690 — INTERNATIONAL 1913 poussent médiocrement ; le sapin de Douglas, le pin à feuilles rigides et le thuya géant viennent mal. En ce qui concerne les applications d^engrais (1), il y a tout d'abord lieu de retenir que la proportion des plants morts ou dépérissants qui ont dû être remplacés, au cours des trois dernières années, a été à peu près la même dans les bandes qui ont reçu l'engrais phosphaté que dans celles laissées sans engrais, et qu'elle a été, au contraire, très sensible- ment plus élevée dans celles qui ont reçu l'engrais potassique, seul ou en mélange avec les scories. Au point de vue de la croissance et de l'état de végétation, les plants qui ont reçu seulement l'engrais phosphaté sont visiblement plus forts et mieux venants que ceux qui ont été laissés sans engrais ; il en est à peu près de même pour ceux auxquels l'engrais complet a été appliqué ; au contraire, ceux qui ont reçu seulement l'engrais potassique sont moins forts et moins bien venants que les sujets auxquels aucun engrais n'a été administré. Les conclusions à tirer des résultats obtenus jusqu'à présent, relative- ment aux essais sur les engrais, seraient donc les suivantes : l'engrais phosphaté, qu'il ait été appliqué seul ou en mélange avec l'engrais potas- sique, a eu une action nettement satisfaisante ; au contraire, l'engrais potassique, lorsqu'il a été administré seul, ne semble pas avoir eu d'effet utile. Mais, il est peut-être encore trop tôt pour pouvoir admettre ces conclusions comme définitives. Les essais entrepris dans le champ d'expériences forestières de Bresles vont être continuées. M. Schribaux et moi avons l'intention de les compléter comme suit : De nouvelles essences seront expérimentées. Déjà, comme il a été dit plus haut, l'orme champêtre et le pin de Banks ont été introduits en 1912. Un engrais purement phosphaté et un engrais calcique seront appli- qués séparément, afin de pouvoir se rendre compte de l'action respective de chacun d'eux. On recherchera s'il ne serait pas possible d'obtenir économiquement, au moyen de solutions chimiques judicieusement choisies et administrées, la destruction de la végétation spontanée. Les plantations ayant été faites, jusqu'à présent, à l'automne, à cause de la facilité plus grande d'avoir des ouvriers à cette époque de l'année, on expérimentera les plantations de printemps, qui, dans cet endroit très exposé aux gelées, paraissent devoir donner de meilleurs résultats que celles d'automne. On expérimentera également les plantations faites sur buttes et les plantations faites sur mottes engazonnées, qui ont, les unes et les autres, l'avantage d'augmenter la couche de terre située au-dessus du plan d'eau. Enfin, on apportera des pierres ou du sable au pied des jeunes plants, ce dépôt devant avoir pour effet d'empêcher le déchaussement, de main- tenir la terre au contact des racines et d'entretenir un peu de fraîcheur. Nous espérons que, bons ou mauvais, les résultats, soigneusement contrôlés, des essais entrepris ou restant à entreprendre dans le champ (1) Voir Pardé — Rapports annuels manuscrits sur les travaux effectués et les résultats obtenus dans le champ d'expériences forestières de Bresles. — Années 1908 à 1912. — 691 — CONGRES FORESTIER d'expériences forestières de Bresles fourniront des renseignements qui contribueront à résoudre, au moins dans les tourbières basses, analogues à celle de Bresles, l'importante question de la mise en valeur, par la culture forestière, des terrains marécageux et tourbeux. En résumé^ au moins dans certains états, en France notamment, il n'a pas été dressé une statistique sérieuse des tourbières. Et, jusqu'à présent, les essais de boisement dans les terrains maré- cageux et tourbeux sont à peine commencés dans quelques pays, en France, par exemple, et encore incomplets ou insuffisants dans d'autres. En particulier, certaines essences, qui paraissent susceptibles de réussir, n'ont pas encore été expérimentées ou ne l'ont pas été suffisamment, et l'action des divers engrais n'a pas encore été très nettement établie. En conséquence, nous proposons les vœux suivants : I. QuHl soit dressé, dans les divers États, une statistique très complète et très sérieuse des tourbières de différentes natures qui y existent. II. Quil soit créé, dans les tourbières des diverses catégories , en plaine et en montagne, des champs d" expériences où seront étudiés très méthodiquement les procédés d' assainissement, les modes de boisement, les époques les plus favorables pour les plantations, les différentes essences indigènes et exotiques, V action des divers engrais, les soins à donner aux plants. III. Et que les résultats, bons ou mauvais, de toutes ces expériences soient portés à la connaissance du public M. Pardé ajoute : En résumé, au moins dans certains Etats, en France notamment, il n'a pas été dressé une statistique sérieuse des tour- bières. Jusqu'à présent, les essais de boisement dans les terrains maré- cageux et tourbeux sont à peine commencés aussi bien en France que dans les autres pays. Certaines essences qui paraissent susceptibles de réussir, n'ont pas encore été expérimentées, ou ne l'ont pas été suffisamment, et l'action des divers engrais n'a pas encore été nettement établie. M. Hatt. — Je pourrai vous citer une expérience faite aux environs d'Epinal, il y a environ cinquante ans, sur des espaces disséminés dans la montagne, à une altitude variant entre 300 et 500 mètres. Les agents forestiers qui, à ce moment -là, opéraient aux environs d'Epinal, ont relevé soigneusement toutes les parties qui étaient maré- cageuses, humides, et on trouve encore sur les plans actuels, en poin- tillé, la limite de ces parties tourbeuses ou marécageuses, qui sont sur le grès vosgien ou le grès bigarré. Le sol est généralement tout à fait spongieux, couvert de mousses et de stagnum. Je demanderai, entre parenthèses, si le nom de faigne, employé dans les Vosges, ne pourrait pas être rapproché du mot latin stagnum. M. Pardé. — De même que les « liantes fagnes » de la région de Spa. INTERNATIONAL lUl.! M. Hatt. — Ces fagnes ont été reboisées méthodiquement. En même temps que le pin weymouth, on a introduit d'autres essences. On était à ce moment-là au même point que vous êtes maintenant, en ce qui concerne les tourbières de Frasnes. On y a introduit de l'épicéa, du pin weymouth. Il semble qu'on l'ait introduit dans l'espoir de réussite complète. Il y a vingt ans, dans une description de ces par- celles que les aménagistes de l'époque avaient faite, ces parcelles étaient appelées « des taillis de bouleaux, entremêlés de perchis, d'épicéas et de pins weymouth ». Le weymouth est une essence à ramure extêmement légère ; c'est un arbre de parc très apprécié dans la région. Il était encore à l'état de peuplement naissant. Ce n'est que depuis vingt ans qu'il a pris l'importance que nous lui voyons aujourd'hui. Dans ces parcelles, nous avons, depuis ces vingt dernières années, un accroissement moyen vraiment étonnant. A ma connaissance, il n'existe pas d'accroissement semblable dans aucune autre essence connue, du moins de celles qui peuplent les Vosges : Nous avons trouvé, à l'âge de 45 ans, des weymouth qui avaient 60 centimètres de diamètre, et ce n'était pas l'exception. La moyenne était de 40 à 45 centimètres de diamètre. Je vous laisse à penser qu'il n'y a pas à chercher d'autres essences que celle qui, en 45 ans, donne un accroissement moyen annuel de plus d'un cen- timètre de diamètre. Cela paraît digne d'être noté. C'est donc une expérience qui remonte à très loin, et dont les résultats ont dépassé toutes les espérances. Je compléterai ces renseignements en vous disant que ces reboi- sements ont été faits, comme le disait M. Pardé, après l'assainissement du sol, et qu'on trouve encore aujourd'hui trace des fossés d'assai- nissement qui ont été creusés à environ 50 ou 60 centimètres et qui aujourd'hui sont obstrués. La question se pose actuellement de savoir ce que nous ferons de ces peuplements de weymouth. Ils sont mûrs, en ce sens que, s'étant accrus très rapidement, il semble que leur âge d'exploitabilité ne puisse pas être considéré comme celui du sapin, par exemple. Ce sont des peuplements qui donnent des signes de maturité ; en particulier, ils sont attaqués, partiellement au moins, par un champignon, le peridermium pini, exactement le peridermium strohi, puisque c'est la variété qui pousse sur le weymouth, et nous avons dû envisager leur réalisation. J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à imposer une méthode qui me paraissait tout indiquée ; cette méthode, je l'ai empruntée aux forestiers allemands. C'est la première fois que dans les Vosges nous avons fait une coupe rase. Nous avons déhmité sur ces parcelles les parties qui étaient destinées à être coupées à blanc, et nous avons divisé les peuplements en bancs alternés, les uns devant rester debout pour produire les semences, les autres devant être abattus. Ces exploitations ont eu lieu l'année dernière. Avant-hier encore j'étais là-bas, et je me promenais dans la parcelle exploitée : J'ai pu me rendre compte que les semis de weymouth étaient déjà — 693 — CO'GRES FORESTIER suffisamment abondants pour qu'on puisse considérer la régénération comme réussie dés maintenant. Il suiTira. à mon avis, de curer les fossés, qui ne l'ont pas été depuis- très longtemps, depuis le moment où on a fait la plantation, c'est- à-dire il y a cinquante ans. Ils sont encore apparents ; mais les eaux ne s'écoulent pas convenablement. L'assèchement était fait par les racines de ^ve^^nouth, qui pompent l'eau avec une abondance extrême. Si nous curons les fossés, le peuplement pourra renaître, et reproduire un volume semblable, c'est-à-dire de 250 à 300 mètres cubes, en l'espace de quarante-cinq ans. Je dois ajouter que le mètre cube de pin weymouth se vend à raison de 18 francs, sur pied, dans le pays. C'est une essence appréciée des marchands de bois. D'après un calcul que j'ai fait, et qui a été reproduit dans la Revue Forestière, il y a quelques mois, en tenant compte d'une production de 250 à 300 mètres cubes à l'hectare, à raison de 18 francs le mètre cube, en comptant comme frais d'éta- blissement les frais de plantation, de curage des fossés, d'acquisition de terrain, on peut évaluer le taux de ce placement à 7 %. A côté de ces parcelles, et voyant que l'Administration forestière avait si bien réussi, des propriétaires ont fait des plantations de weymowth ; mais ils n'ont pas songé à drainer le terrain, et cela n'a rien donné. II suffit de faire de l'assainissement, sans ajouter d'engrais. J'estime que dans ces régions, le sol est tellement fertile, par suite de l'accumulation des détritus qui sont venus s'entasser dans le fond dos vallées, qu'il n'est pas nécessaire d'y ajouter de l'engrais. Je dirai même que c'est une illusion qu'on se fait lorsqu'on ajoute de l'engrais à de pareils terrains pour les améliorer. Ces terrains, en effet, sont extrêmement riches, et parfois presque trop riches. {Applaudissements.) M. Flahault. — La communication que vient de faire M. Hatt est des plus intéressantes, et je me rappelle avoir lu avec un intérêt tout particulier l'article dû à la plume de notre collègue et paru il y a quelques mois dans La Revue forestière. Certes, il est intéressant que, dans les vastes tourbières des Vosges, situées entre 300 et 500 mètres d'altitude, le pin Weymouth réussisse, mais j'estime qu'il faut considérer cela comme un fait particulier ; en matière d'utilisation de tourbières et surtout de reboisement, l'on devrait toujours mettre en première ligne la question de climat. Pour moi, cette question a été placée hier sur son véritable terrain par M. Guinier. et il n'y a pas à sortir de là ; ce sont avant tout des questions de géographie botanique. Je citerai à l'appui de cette opinion un fait que M. Pardé connaît ; il a pu voir, dans les hautes Cévennes des peuplements de pin Veymouth plantés en application de la loi de 1860, déjà anciens, par conséquent, et qui n'ont donné aucun résultat sérieux : les fûts ont atteint quarante centimètres de diamètre, mais les cîmes étaient constamment endommagées par la neige. On — - (i'J4 — INTERNATIONAL 1913 avait bien du repeuplement, mais, en réalité, c'étaient là des forêts sans avenir dans nos climats du midi, même en haute montagne. En ce qui concerne la richesse du sol, je ne doute point que, dans les tourbières de l'Est, comme dans la plupart des tourbières, les engrais proprement dits soient le plus souvent inutiles ; cependant j'estime que l'amendement par la chaux est toujours nécessaire et il y a tout avantage à reporter les économies faites du côté des phosphates et de la potasse vers la chaux qui permet une meilleure utilisation des richesses du sol. Arrivant à un autre point, je demanderai à mon ami M. Pardé de vouloir bien introduire dans le texte définitif de son rapport trois lignes pour indiquer que l'assainissement des tourbières n'est pas toujours une opération qui s'impose. En effet, si cet assainissement des tourbières était indiqué comme une mesure nécessaire, il pourrait arriver que des agents fussent conduits, par des décisions impératives de l'administration centrale, à assainir des tourbières dans des condi- tions où cette opération serait désastreuse. Nous avons, dans les hautes Cévennes, de vastes étendues de tour- bières qui sont des éponges, au même titre que les tourbières de Russie : si, en application de la loi de 1860, on les assainit au moyen de tranchées profondes, on aura bien abaissé le plan d'eau, mais on aura ahmenté d'autant et dune manière d'autant plus irrégulière les torrents qui en naissent. Il y a donc lieu de faire des réserves au sujet de l'assainis- sement des tourbières qui, en certains points des Pyrénées et des Alpes, peuvent être des sources permanentes. Vous vous rappelez, Monsieur Pardé, avoir vu ces quelques cen- taines d'hectares de tourbières de montagne : il serait évidemment fâcheux, aujourd'hui, que l'administration, conduite par une idée excellente en soi, voulût transformer ces tourbières où nous essayons de retenir les eaux en réservoirs de torrents {Applaudissements). M. Pardé. — Le cas que vous signalez n'est pas isolé. A Spa, par exemple, l'administration des eaux a protesté contre un assainissement qui tarirait ses sources. En qualité de rapporteur, je me rallie complètement aux observa- tions que M. Flahault vient de présenter {Applaudissements). M. Flahault. — Vous voyez mon intention, c'est d'attirer lattention sur un côté de la question qui échappe généralement à la première observation. M. Hatt, par exemple, serait nommé aujourd'hui, ce que je lui souhaite très vivement, inspecteur général des hautes Cévennes , qu'il arriverait avec l'intention d'assainir toutes nos tourbières... M. Hatt. — Je demande la permission de vous contredire un peu. Nous avons, dans les Vosges, des forêts à une altitude relativement élevée : par principe, les tourbières n'ont pas été reboisées parce qu'elles constituent des sources utiles pour l'alimentation des nombreuses usines installées dans les vallées. — eG5 — C0^'GRE5 FORESTIER M. Flahault. — Chez nous, il s'agit plus modestement de torrents à modérer. M. Dubois. — Je demande la permission d'apporter au Congrès l'opinion des forestiers ardennais belges, au point de vue de la valeur du Wey- moutli ; c'est une opinion qui n'a pas été publiée, mais elle a cour^ chez les agents des forêts. Dans les Ardennes belges, on utilise le pin sylvestre jusqu'à 400 mètres, et l'epicea au-dessus, parce qu'au delà de 400 mètres, le pin sylvestre se déjette, n'a pas de fût et prend des formes tortueuses. Les bons résultats obtenus avec l'epicea dans les terrains de fagnes ont incité les particuliers et les communes à adopter cette essence qui a été plantée dans des terrains ardennais, schisteux, et dans certaines parties peut-être un peu spéciales, elle donne un revenu qui atteint jusqu'à 100 francs à l'hectare. Nos forestiers avaient aussi pensé au pin Weymouth : Eh bien, il y a une opinion courante chez eux, c'est que le pin Weymouth est tellement attaqué par la rouille, qu'il y a une tendance générale à y renoncer. Il attrape la rouille d'une façon scandaleuse {Rires). En sorte qu'après avoir voulu l'utiliser, non pour faire concurrence à l'epicea, mais comme adjuvant à cette essence, il y a maintenant une tendance assez forte à y renoncer {Applaudissements). M. Flahault. — Etant presque belge moi-même, j'ai un grand respect pour les forêts des Ardennes et je les connais fort bien. Là comme ailleurs, la question de géographie botanique s'impose et elle a attiré, nous venons de le voir, l'attention de nos voisins. Il nest pas douteux que le pin Weymouth, dans la chaîne des Ardennes, ne doive donner des résultats plus médiocres que l'epicea et que le pin sylvestre. Il se déjette, il ne se développe pas au-dessus d'une certaine alti- tude : en réalité, vous vous placez dans les mêmes conditions où se placent les Suédois et les Norvégiens dans leurs efforts de peuplement de leurs forêts septentrionales : les forêts des Ardennes ressemblent d'une manière remarquable aux forêts du nord de la Suède que je connais bien. J'en reviens encore à mon idée. On peut faire des expériences très intéressantes, on trouvera peut-être des espèces ayant un intérêt majeur pour un pays donné ; mais, toujours, nous sommes bien d'accord sur ce point, les expériences doivent se faire pour un pays donné. J'expérimente, en ce moment, dans les hautes Cévennes Vepicea piingens : il semble donner de bons résultats à de hautes altitudes. M. Hatt l'a-t-il essayé dans les Vosges? M. Hatt. — Non; mais je sais que M. Dubois, en Belgique, paraît avoir des résultats meilleurs avec Vepicea sitka. M. Flahault. — Par contre, les expériences faites par d'autres forestiers avec Vepicea piingens dans d'autres régions n'ont pas réussi. — 696 — INTERNATIONAL 1913 En fait, il faut toujours en revenir à cette question de géographie botanique. Le sitka ne m'a pas donné de résultats appréciables dans les hautes Cévennes, tandis que le pungens donne des résultats ana- logues à ceux que l'on trouve en Suisse où il atteint 1.845 mètres dans les forêts qui environnent le lac de Saint-Moritz ; l'epicea pousse si bien dans ce pays que toutes les communes de l'Engadine accordent une large place dans leurs pépinières à cette essence. L'epicea pungens paraît donc favorable pour le peuplement des marais en haute montagne, et le sitka, au contraire, paraît inférieur. M. Dubois. — Il faut toujours parler du pays et ne pas généraliser. M. Flahault. — Il faut tenir compte du climat, des conditions spéciales de température, d'humidité atmosphérique, etc.. M. Breton-Bonn ARD. — Messieurs, je ne me placerai pas au point de vue mondial auquel se sont placés les précédents orateurs, mais je vous parlerai de la Somme oîi j'ai opéré, depuis quarante ans, beau- coup de reboisements. On a parlé tout à l'heure des engrais potassiques, phosphoriques. De tous les engrais que j"ai employés, la craie seule m'a donné de bons résultats. Dans une plantation, les arbres que nous garnissons de craie à la base dépassent de beaucoup les autres. Dans nos tourbières, nous avons essayé aussi le pin weymouth et l'épicéa ; mais je voudrais attirer votre attention sur la disparition de l'aulne. Nous avions des aulnes admirables autrefois, vous pouvez m'en croire, car j'ai été marchand de bois pendant trente-cinq ans : aujourd'hui, on a beau reboiser, on n'arrive à rien : Taulne ne pousse plus. Pour quelles raisons? Nous l'ignorons. Ce qui chez nous donne un gros revenu, c'est le peuplier, qui produit toujours et, au moins au nord de Paris, le peuplier doit toujours être choisi de préférence au pin weymouth qui ne pousse pas. Un autre fait intéressant est le suivant. On dit que le mélèze est un arbre de montagne : un propriétaire en a planté une cinquantaine dans son parc et ils ont donné des résultats phénoménaux... M. MouGiN. — Ils mourront ! M. Breton-Bonnard. — C'est certain, mais enfin, ils sont dans leur vingt-cinquième année, et je serais curieux de savoir quel bois ils donneront. Al. Auguste Barbey. — M. Pardé, dans son remarquable rapport, a parlé de la Suisse ; permettez-moi de vous présenter quelques remarques que me suggèrent les travaux faits aux environs du lac de Neuchatel. Dans les tourbières situées entre ce lac et le lac de Bienne, on a planté au commencement des résineux, en mélange intime, épicéa, sapin blanc, pin sylvestre et weymouth. Ces plantations ne datent — (i97 — CONGRES FORESTIER que de 35 à 40 ans, mais le weymoutli jusquici donne de très bons résultats. J'ai fait des plantations dans les marais de lOrb, dans les mêmes conditions qu'à Neuchatel, dans un marais bas, qui reçoit les alluvions d'une rivière, et mes constatations sont celles-ci. Nous faisons une faute quand nous plantons en automne, parce que les jeunes plants sont déchaussés par la gelée tardive de printemps ; notre règle, c'est la plantation au printemps. Plus nous nous éloignons de la rivière, source de limon, plus nous sommes- dans la tourbe pure, plus nos plantations ont peine à reprendre. A cette altitude de 480 mètres, malgré ce qu'en disent les auteurs allemands, le stika nous a donné de bons résultats ; encore faut -il réunir certaines condi- tions et surtout lui procurer un abri latéral. M. Dubois. — Nous essayons le sitka surtout dans la plaine. M. Auguste Barbey. — Une essence à recommander est le frêne d'Amé- rique qui supporte mieux la gelée tardive que le frêne ordinaire et donne un bois de qualité supérieure. Le grand ennemi contre lequel nous avons à lutter dans les plan- tations de marais en Suisse, c'est l'incendie : dans nos marais du Seeland, on en a tellement peur que dans les peuplements d'épicéas, ,à partir de l'état de perchis, on scie toutes les branches à deux mètres de hauteur. Et ceci m'amène à prendre les mesures suivantes : c'est que dans les marais bas, il faut arriver le plus tôt possible à tuer la végétation herbacée, et pour cela, une essence de transition, comme un mélange intime d'aulne et de frêne donnera les meilleurs résultats : là-dessus nous pourrons installer dans la suite les résineux. {Applau- dissements.) M. Herrgott. — J'ai pensé que je pourrais profiter de la discussion du rapport de notre collègue M. Pardé, pour vous dire les essais que j'ai faits en Lorraine et plus particulièrement dans l'arrondissement de Toul en faveur du reboisement en général et plus particulièrement du reboisement des friches communales. M. LE Président. — Je vous demande la permission d'en finir d'abord avec les travaux de reboisement des tourbières. M. Herrgott. — Très volontiers. M, LE Président. — Messieurs, je donne lecture des projets de vœux : « lo Qu'il soit dressé, dans les divers Etats, une statistique très complète et très sérieuse des tourbières de différentes natures qui y existent. » « 2^ Qu'il soit créé, dans les tourbières des diverses catégories, en — 698 — INTERNATIONAL 1913 plaine et en montagne, des champs d' expériences où seront étudiés très méthodiquement les procédés d'assainissement^ les modes de boisement^ les époques les plus favorables pour les plantations^ les différentes essences indigènes et exotiques, l'action des divers engrais, les soins à donner aux plants. » « 3° Et que les" résultats, bons ou mauvais, de toutes ces expériences soient portés ci la connaissance du public. » CevS trois vœux sont mis successivement aux voix et adoptés. M. LE Président. — Il me reste à soumettre à votre approbation un quatrième vœu, présenté par M. Bauchery, sylviculteur à Crouy (Loir-et-Cher). « 4° Les membres de la quatrième Section, considérant la grande documentation et les précieux renseignements renfermés dans Vétude ci-dessus, émettent le vœu que ce rapport soit adressé gratuitement, par les soins du Ministère de V Agriculture, aux Sociétés forestières proprement dites ainsi qu'aux groupements scolaires forestiers. » Ce vœu, Messieurs, est très bien dans son esprit, mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans un Congrès international où le Minis- tère de l'Agriculture de France n'a rien à voir. Je vous propose donc, en conséquence, de modifier comme suit le vœu de M. Bauchery : « Que, eu égard aux précieux renseignements pratiques contenus dans le rapport ci-dessus, ce document soit adressé gratuitement aux collectivités ainsi qu'aux sociétés et groupements forestiers que la question peut intéresser. » Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. Herrgott. — J'ai ea l'idée d'envoyer, en 1909, uu questionnaire aux 119 communes de l'arrondissement de Toul pour leur demander : 1° Si depuis 1900 la commune avait reboisé pour son compte, et combien d'hectares ; 2** Si depuis la même époque, des particuliers avaient également reboisé, et le nombre approximatif d'hectares ; 3° Quelles étaient les essences les plus généralement employée»! ; 4° S'il y avait encore des terrains susceptibles d'être reboisés ; 5° Enfin si des déboisements ou des exploitations intensives, réalisant tout le matériel arbre de la forêt, avaient eu lieu. Des chiffres obtenus et contrôlés de diverses matières, il résidtait que si, depuis 1900, ur millier d'hectares avaient été reboisés, il en restait bien 2.400 environ qui pourraient l'être utilement et pratiquement. Après avoir examiné très attentivement les résultats de cette enquête, j'écrivis ofllciellement aux maires des commîmes où se trouvaient des terrains susceptibles d'être reboisés ; j'invitais les Conseils municipaux à délibérer et je leur disais que l'Administration forestière serait à leur disposition pour leur donner, le cas échéant, toutes indications utiles notamment M. l'inspec- teur des Forêts Boppe et M. le garde général des Forêts Goulaux, à Noviant. — 690 — CONGRES FORESTIER Voici, à la date du i^' mai 1913, les résaUats de la campagne menée en faveur da reboisement dans l'arrondissement de Toul : 51 communes ont répondu à l'appel qui leur avait été fait et les crédits qu'elles ont votés s'élèvent à une somme globale de près de 30.000 francs; c'est ainsi que la très grande majorité des terrauis incultes appartenant aux com- merces ont été reboisés. Je n'ai pu encore savoir le nombre exact ou approxi- matif d'hectares, mais j'espère le savoir dans quelque temps Il m'est donc particulièrement agréable de rendre hommage, une fois de plus, aux maires de ces communes et aussi aux instituteurs qui nous ont secondé et surtout à ceux qui dirigent et ont créé des sociétés scolaires forestières. De 8 qu'elles étaient en 1906, elles sont, en 1913, au nombre de 16. Toutes ont fait d'intéressants travaux, quelques-unes notamment, en créant des pépinières familiales. Ils sont résumés dans une brochure que j'ai fait paraître et qui a été honorée d'une souscription du Ministère de l'Instruction publique. J'ai l'honneur de déposer cette brochure sur le bureau. C'est une relation des résultats obtenus dans l'œuvre que j'ai entreprise depuis plus de six ans, en vue de favoriser et de propager le reboisement. Dans im but d'enseignement véritable pour tous, j'y ai groupé les comptes- rendus des travaux de reboisement déjà exécutés par les sociétés scolaires forestières de l'arrondissement et par les principaux reboiseurs du Toulois. Ces comptes-rendus traitent des différentes espèces de plants à employer selon la nature du terrain, des diverses manières de reboiser et sont ainsi autant de leçons de choses devant servir de guide indispensable aux reboiseurs rjui veulent éviter les mécomptes d'une plantation mal conditionnée. J'y indique aussi les grands avantages des peupliers : je reproduis un très intéressant cours de sylviculture fait par un instituteur de l'arrondissement à l'usage de ses jeunes élèves ; puis, parlant du grave problème de la dépopu- lation des campagnes, je démontre avec des documents ofTiciels à l'appui que si l'on se remet à reboiser dans les communes rurales, on atténuera par une remise en valeur des terrains, les effets de leur abandon. Ai-je besoin d'ajouter, en terminant, que les maires des commîmes rurales, dont les revenus diminuent chaqve année, alors que les dépenses augmentent, seront heureux de trouver un jour des ressources nouvelles qui leur permettront d'équilibrer leur budget communal et de faire de nouvelles améliorations dans leurs communes ? Ayant reboisé leurs terrains incultes ou friches communales, ils auront fait de bonne administration et avec raison on pourra leur dire : « Reboiser c'est prévoir; reboiser c'est aussi avoir la richesse. » {Applaudissements.) M. LE Président. — Je remercie M. Herrgott de sa très intéressante communication. i\î. LE Président. — La parole est à M. Pardé pom' donner lecture de la communication de M. Vallet sur la Culture de l'osier. En voici les principaux passages : I.H culture de l'osier senible indiquée pour tous les terrains humides, et; appliquée d'une façon rationnelle, elle donne de fort beaux rapports. Ijcs difïérei.'ts modes de plantation les plus propices à ce genre de terrains sunt : 1° par boutures assez élevées au-dessus du sol pour se défendre contre les mauvaises herbes ; 2° par la greffe d'osier sur peuplier, qui aura une très grande durée et une végétation bien supérieure aux osiers les plas vivaces. Eludions donc les deux procédés : 1" la plantation se faisant par boutures, diviser les terrains en plates-bandes de 1 m. 50 à 2 mèires, séparées par des fossés dits d'assainissement, se déver- sant dans un fossé principal. Assainir le terrain et rehausser la terre végétale. — 700 — I>TEP.NATIONAL 1913 Sur ces plates-bandes ainsi préparées, planter les boutures de 0 m. 50 de longueur, les enfoncer verticalement de 0 m. 30, de façon à former la souche en dehors des mauvaises herbes ; cette môme plantation, en terrain moins humide, peut se faire avec les boutures de 0 m. 30 de longueur ; les enfoncer vc^rticalement et au ras du sol, aux intervalles de 0 m. 50 à 1 mètre de distance, suivant la qualité du terrain. 2'* Plantation par l'osier greffe sur peuplier. Ce genre de plantation est le plus pratique et celui qui donne le plus de revenu, tout en supprimant bien des frais. M. Vallet a greffé du Salix viiuinalis sur le peuplier blanc de Hollande {Populus alba). Il nous a fait voir deux greffages faits au printemps qui oïit parfaitement réussi ; nous avons d'autre part constaté, près de la gare de Cormeilles-en-Parisis, un greffage semblable datant de 1910. Les pousses de l'année présentaient une superbe végétation. D'autres greffages identiques ont été tentés avec succès par M. Vallet. Cet osiériculteur a employé la greffe en fente ordinaire ; le greffage s'est fait ou au niveau du sol, ou à 5 ou 6 centimètres du sol. De ces constatations, il résulte clairement que le greffage de l'osier sur le peuplier est absolument pratique. Ces premières expériences faites par M. Vallet peuvent avoir une très grande importance au point de vue osiéricole. P Le choix du sujet porte-greffe. Il y aurait lieu alors de faire des recherches avec les variétés suivantes : Populus alba ou Blanc de Hollande, Populus italica ou peuplier d'Italie, Populus nivea ou peuplier neige, Populus virginiana ou peuplier suisse régénéré ; 2° L'adaptation du greffon au sujet : sur du Blanc de Hollande va-t-on greffer, par exemple, di' Salix viminalis ou du Salix Purpurea ou du Rubia, etc.; 3° L'adaptation à la fois du sujet et du greffon à la composition chimique du sol, d'une part, à l'altitude et à la latitude d'autre part ; 4° Le me de de greffage à employer : le greffage en coxironne sur des peupliers plus âgés donnera peut-être de meilleurs résultats que le greffage en fente. Quoiqu'il en soit, ce greffage étant pratique, peut transformer avantageuse- ment la culture de l'osier de la manière suivante : a] Dans certains terrains trop humides, comme les champs d'épandage de l;i ville de Paris, ou dans les terrains où l'eau est plus ou moins stagnante, terrains dans lesquels le peuplier réussit très bien et l'osier très mal, on pourra se livrer à la culture des osiers en greffant ceux-ci sur peupliers. Nous avons vu, à Achères, à Méry-sur-Oise, à Saint-Germain, à Pontoise, etc., des peupliers superbes dans des sols presque incuites ; le greffage des osiers semble là tout indiqué. Combien n'y a-t-il pas en Frarce, de terrains semblables? b] Le greffage des osiers à 1 mètre ou à 1 m. 50 du sol, pourrait permettre de se livrer à une culture rationnelle, en têtards, calture qui, jasqu'à présent, constitue une très rare exception. La culture en têtards, sur une souche solide formée par le peuplier, supprime- rait ou diminuerait dans une très grande proportion les frais de binage et de sarclage ; or, chacun sait que ces frais sont ceux qui grèvent le plus la culture de l'osier. Nous ne pensons pas que la culture en têtards donnera en général des pro- duits aussi abondants que la culture actuelle, mais elle est appelée à rendre les plus grands services dans une foule de cas, en mettant en valeur de mauvais sols. De plus, par ce genre de greffage de l'osier, il est une question très impor- tante concernant les osiers de vannerie fine qui, jusqu'cà ce jour, ont eu beaucoup de difficultés à se développer, la nature du terrain empêchant en grande partie le développement et détournant le propriétaire de plantations susceptibles de lui assurer du succès. L'osier constitue la matière première servant à tabri- ({Uer la vannerie de ménage, indispensable à tous, la vannerie iVemballage, pour — 701 — COXGRKS FORESTIER laquelle on ne saurait le remplacer, étant donné sa légèreté qui diminue les frais de transjîort pour le produit réel, la vannerie fine ou de fantaisie qui se fabrique généralement dans le nord et dans l'est de la France. Ce genre de greffage est également désigné pour reproduire avec grande facilité toute la collection d'osiers exotiques ou d'ornement qui ont disparu pour la plupart, faute de végétation sous cotre climat. Par le greffage de l'osier sur peuplier, le rapport est plus important qae celui de la plantation d'osier ordinaire et d'une grande durée. De plus, la plantation d'osiers fournit un couvert à gibier apprécié de toutes les personnes s'occupant de cha.çse ; on a en outre la faculté par la taille de chaque année, de former le couvert à la hauteur désirée et à l'emplacement voiilu, ce qui est très avantageux. On s'en sert également pour la fabrication de la pâte à papier. Comme on le voit, l'osierest une des matières premières textiles qui s'utilisent dans toutes les régions de la France. L'établissement d'une plantation d'osiers ne peut dépasser 4 à 500 francs l'hectare pour le labour, les boutures et binage dans les deux premières années. La récolte de première année est inutilisable. A partir de la deuxième année, l'hectare d'osier peut rapporter en moyenne 200 francs, et cela en augmentant, jusqu'à dix ans, oii il peut arriver à produire de 5 à 600 francs. La durée de plantation est d'environ 15 à 20 ans, selon les terrains et selon les variétés appropriées à chaque genre de culture. La plantation se fait de novembre à avril ; il est préférable de ne pas dépasser le 15 mars. L'osier est très hâtif. Un autre genre de plantation se fait aussi par semis de 1 ou 2 ans. Ce dernier donne moins de rapport et demande beaucoup ])Ius d'années à former uriC plantation convenable en terre plus humide et plus maigre, mais toujours par plates-bandes. La culture de l'osier est donc très rémunératrice. Par les différents genres de plantation, elle donne du rapport, ou couvert à gibier appréciable. Elle assure en même temps le reboisement, l'assainissement du terrain principalement en bordure des cours d'eau où elle arrête la perte de terrain qui se fait journelle- ment par le déversement des eaux sur la propriété. Il y a donc lieu de recommander, de développer par tous les moyens, la culture de l'osier qui, mieux comprise, peut et doit devenir une richesse natio- nale, en utilisant quantité de non-valeurs. « Dans une exploitation agricole bien comprise, a dit La Blanchère, il ne doit pas y avoir un pouce de terrain perdu. » M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Pierre Bufîault sur : Les dunes. — leur fixation. Leur REBOISEMENT. DÉFENSE CONTRE LA MER. — - MoYENS D'ACTION DONNÉS PAR LA LÉGISLATION ACTUELLE. MESURES LÉGISLATIVES A PRENDRE. Technique (les M. Piciro BuFFAULT- — L Lbs dunes sont des amoncellements de travaux. sable d'origine éolienne, soit littoraux, soit continentaux. Les dunes françaises sont littorales, sauf quelques exceptions négli- geables. Les plus importantes sont celles de Gascogne, puis celles de Saintonge, de Vendée et des îles voisines, enfin celles du Pas-de-Calais, de Bretagne et du Languedoc. A l'étranger, en Europe et hors d'Europe, il y a des dunes considé- rables, littorales et continentales. IL En France, toutes les dunes, un peu importantes et dangereuses par leur mobilité sont depuis longtemps fixées et boisées. On n'a plus à y faire que des regarnis et petits travaux partiels. — 702 — INTERNATIONAL 1913 La fixation et le boisement des sables ont été obtenus par des semis de graines de pin maritime, d'ajonc et de genêt (30 à 20 kilos par hectare), faits à la volée sous ou sur une couverture de branchages (1.000 fagots de 15 à 20 kilogs par hectare) ; quelquefois, ces branchages étant rares, on a remplacé la couverture protectrice par des aigrettes (rameaux piqués verticalement dans le sable), ou des cordons de fascines se recoupant. Ces deux procédés ne valent pas celui de la couverture. (Dans le Nord, le pin maritime a été employé avec le pin sylvestre et même en proportion prédominante). Sur les sables trop près de la mer pour que le pin y végète, on a obtenu et on entretient encore leur fixation par des plantations de touffes plus ou moins espacées de gourbet ou oyat {psamma arenaria). Le boisement s'obtient donc concurremment avec la fixation ; et, dans les vieux peuplements exploités, l'ensemencement naturel suffit aujour- d'hui d'ordinaire à assurer la régénération, sauf les cas de pâturage ou de mauvaise exploitation. Hors de France les procédés de fixation sont à peu de chose près les mêmes qu'en France, soit que la fixation des dunes y ait été commencée en même temps (Danemark, Hollande, Prusse), soit qu'on se soit inspiré des procédés français. in. En France, pour protéger les surfaces qu'on ensemençait ou allait ensemencer dès l'arrivée de nouveaux sables, soit que l'on fût au milieu de dunes mouvantes, soit que l'on fût au bord de la mer, on éta- blissait une palissade de planches ou un clayonnage, renforcé d'une plan- tation de gourbets du côté de l'arrivée des sables mobiles, et qu'on exhaus- sait au furet à mesure que les sables le couronnaient. On édifiait ainsi, par l'effet du vent, une sorte de parapet ou de digue, qui empêchait l'ensa- blement des semis et donnait à ceux-ci le temps de grandir et de se déve- lopper jusqu'à ce que les sables mobiles de l'Ouest fussent eux-mêmes fixés ou maîtrisés. Généralisée et uniformisée tout le long de la côte maritime, cette digue artificielle est devenue la « dune littorale » des forestiers. Son but est, non d'arrêter les sables venant de la mer, mais : 1° de diminuer la violence du vent de mer et de favoriser ainsi la végétation herbacée, arbustive, puis arborescente de la zone littorale située derrière ; 2^ de diminuer la quantité des sables que le vent prend à son pied parmi ceux laissés par le flux et de modérer leur transport éolien dans la zone littorale pour que l'exhaussement du sol y soit lent et ne dépasse pas l'exhaussement parallèle de la végétation. La régularité de la dune littorale et l'uniformité de son profil en long et de son profil en travers (trapézoïdal) sont nécessaires pour offrir moins de prise aux attaques des vents et des hautes mers et réduire les travaux d'entretien. (En moyenne : hauteur 10 mètres, pente Ouest, 20%, plateforme de 5 mètres).] IV. La dune littorale ne peut rien contre l'érosion marine. Lorsque les forestiers ont à lutter contre celle-ci, ils ont recours d'abord à des ouvrages offrant aux lames une résistance flexible ou relative, plutôt qu'absolue, et favorisant l'amoncellement du sable : fascinages, clayon- nages, groupes de pieux (à espacements variables, en tenailles, etc.). Ce n'est qu'exceptionnellement et dans des cas spéciaux (courant de — 703 — CONGRES FORESTIER Mimizan) que l'on recourt à des ouvrages comportant plus ou moins de maçonnerie dont la résistance cherche à être absolue (digues, brise-lames, épis, etc.). Il a été essayé, ces années dernières, à Soulac (Gironde), divers systèmes de revêtement protecteur sur le talus ouest de dunes littorales érodées : le système Decauville, nappe souple de briques en ciment juxtaposées et soutenues par des fils métalliques suspendus à des piquets fichés dans le haut de la dune; le système Delpech, nappe de briques creuses rendue rigide par des joints en ciments; le système de Murait, formé de poutres et de panneaux en ciment armé d'un seul tenant. De tous ces systèmes, dont le troisième est le plus résistant, mais aussi le plus coûteux (100 francs le mètre carré), et d'autres analogues (travaux de défense de Soulac de 1912) on peut dire qu'ils n'ont de valeur qu'à condition de comporter des fondations ou des digues de base empêchant rafîouillement par les lames et surtout assez étanches pour que l'eau ne vienne pas en-dessous délayer le sable et le faire foirer. V. Conclusion. Il nous paraît n'y avoir aucune innovation à apporter dans la technique des travaux de fixation des dunes et de défense contre la mer. Moyens d'action I. a). Quant aux moyens d'action donnés par la législation actuelle sur^s'^^pren- 611 vue de la fixation des dunes, il faut distinguer. dre. S'il s'agit de dunes soumises au régime forestier (à l'Etat, aux com- munes et aux étabhssements publics), les moyens d'action sont suffi- sants. L'Etat est libre dans son domaine privé ; il peut très largement subventionner les travaux de reboisement sur terrains communaux soumis (ou à soumettre), d'après la loi de finances du 18 avril 1893. S'il s'agit de terrains non soumis au régime forestier (particuliers et communes), c'est le cas intéressant ici — les moyens d'action sont à peu près nuls actuellement. Dans les départements maritimes autres que la Gironde et les Landes, le décret du 14 décembre 1810 donne bien à FEtat, notamment par son article 5, le pouvoir de suppléer au proprié- taire défaillant. Mais un récent avis du Conseil d'Etat (3 mai 1911), s'opposant à l'application des dispositions de ce décret comme « trop anciennes et peu conformes aux tendances actuelles de l'Adminis- tration », tend à rendre cette législation désuète et à paralyser complè- tement les pouvoirs publics. Dans la Gironde et les Landes, le décret de 1810, non fait pour ces deux départements, est inapplicable et l'on n'y a même pas les ressources de principe qu'il pourrait offrir. En fait, maintenant, l'Administration ne peut plus guère intervenir nulle part pour la fixation des dunes non soumises au régime forestier. A l'égard des propriétaires de dunes actuellement boisées et non soumises (particuliers et communes), les pouvoirs pubHcs sont également désar- més dans le cas où des exploitations abusives seraient faites et pourraient compromettre soit la fixité des sables, soit le rôle protecteur des rideaux boisés du littoral. Ce n'est qu'au cas très rare d'un défrichement carac- térisé (direct ou indirect) que l'Administration pourrait intervenir en faveur de l'intérêt général menacé. Les forêts communales des dunes ne peuvent être soumises au régime forestier que sous les réserves inscrites à l'article 90 du Code forestier. Aussi plusieurs échappent-elles à la tutelle bienfaisante de FEtat. — 704 — INTEUNATIONAL IGIT! b.) En ce qui regarde les ti^avaux de défense à la mer, dans toute 1^ France, l'Etat ne peut rien non plus, légalement, en dehors des forêts domaniales du littoral. L'Administration des Ponts et Chaussées (service maritime) ne ti'a- vaille que dans l'intérêt public, pour les ports (ainsi les travaux de la Pointe de Grave sont faits uniquement dans l'intérêt du port de B|or- deaux). Elle ne s'occupe nullement de la protection des intérêts privées. Les agents le font parfois, mais c'est à titre d'ingénieurs ou d'architectes privés, moyennant honoraires et les dépenses étant intégralement payées par les particuliers ou les collectivités qui ont recours à eux. Les proprié- taires particuliers sont donc livrés à eux-mêmes, à leur fantaisie ou à leur impuissance, sans autre lien ni aide possible que leur association en syndicats, ce qui n'est pas toujours réalisable. Cependant rien ne s'oppose, ce semble, dans l'état de la législation actuelle, à ce que, en dehors des terrains soumis au régime forestier, les particuliers (individuellement ou associés), qui ont à se défendre des attaques de la mer, fassent appel au service des améliorations agricoles, comme le font déjà ceux qui, à l'intérieur, ont àse défendre des incursions des fleuves et cours d'eau. Et cela paraît suffisant. Toutefois, il faudrait que l'Etat puisse imposer l'exécution de travaux de défense nécessaires lorsque le ou les proprié- taires du littoral s'y refuseraient, et puisse contrôler ceux que ces proprié- aires exécutent d'eux-mêmes. n. Nous conclurons donc d'après les considérations qui précèdent, en proposant le vœu suivant : QiCune législation nouvelle^ applicable à tous les départements mari- times, relative à la fixation des dunes et aux travaux de défense contre la mer et destinée notamment à remplacer le décret du 14 décembre 1810, soit mise à Vétude et promulguée dans le plus bref délai possible. M. Pierre Buffault. — Au sujet des revêtements protecteurs des dunes, je dirai qu'il est arrivé à Soulac que la ville a demandé aux Ponts et Chaussées de faire des travaux très coûteux qui, cependant, se sont effondrés au bout de trois ou quatre mois, à cause de rafïouillement par les lames. Ce fait paraît provenir de ce que la mer a érodé la plage qui s'est abaissée de beaucoup au-dessous de son niveau primitif. L'eau venant par-dessous a évidé le revêtement de ciment, qui n'a plus eu de base et s'est effondré sous l'action des lames. M. LE Président. — Vous avez parlé des terrains communaux soumis ou à soumettre au régime forestier. Ils peuvent y être soumis en effet, du fait que les communes reçoivent des subventions do l'h^tat. M. Pierre Buffault. — Il est arrivé cependant que l'Etat a subven- tionné un terrain communal sans le soumettre au régime forestier. C'est arrivé à Soulac en 1895 ou 189G. C'est pour cela que j'ai distingué entre les terrains soumis ou à soumettre et les terrains non soumis au régime forestier. rO.') — 23 CONGRES FORESTIER Au sujet des exploitations abusives des dunes boisées, je citerai cet exemple. Il y a deux ou trois ans, les forêts particulières qui cou\Tent les dunes du Verdon, sur une étendue assez grande, ont été vendues par le propriétaire. On a fait une coupe rase. Les communes voisines du Yerdon et de Soulac, protégées du vent d'Ouest par cette étendue boisée, ont demandé à l'administration d'interdire ces coupes. L'autorité préfectorale s'est émue et a écrit au Conservateur. L'Admi- nistration s'est trouvée désarmée. Il pourrait être utile de donner à l'Administration le moyen d'empêcher de pareilles coupes d'être trop absolues. Dans la partie domaniale de cette forêt du Verdon et de Soulac qui touche à la mer, l'Administration a demandé aux communes de modifier l'aménagement et de supprimer l'exploitation dans une bande formant un rideau protecteur. Il serait bon de pouvoir appliquer Iç même précaution aux bois particuliers. J'ai parlé des travaux de défense à exécuter par l'Etat lorsque les propriétaires du littoral s'y refuseraient. Voici ce qui m'amène à proposer cela. Pans un ouvrage publié pour l'Exposition de 1900 sur les travaux de défense à la mer, MM. Lafon et Guilbaut citent le cas de la rivière de l'Auzance qu'il s'agissait de protéger. Le propriétaire s'opposait à ce que l'Administration travaillât sur son terrain. On ne peut trouver de solution actuellement que par des échanges de terrains. C'est une solution assez longue et pas toujours facile. Il serait bon, si l'on a besoin de faire des travaux de défense dans l'intérêt général, que les propriétaires puissent être obligés de les supporter moyennant indemnité., M. LE Président. — Je remercie de sa très intéressante communica- tion M. Buffault, dont on connaît la compétence particulière en matière de dunes. M. Flahault. — Je suis trop heureux de féliciter notre confrère de son très intéressant rapport: Mais je voudrais seulement faire observer qu'il y aurait lieu de donner au vœu un caractère un peu plus formel, en disant : '( Les forêts des dunes peuvent être considérées comme forêts pro- tectrices et traitées comme telles. » Il est évident que tous les pays d'Europe aujourd'hui tendent à suivre l'admirable exemple de la démocratie suisse qui a sacrifié ses intérêts particuliers à l'intérêt général en décrétant que toute forêt protectrice ne peut être exploitée sans un avis favorable du service forestier. M. LE Président. — Je crois devoir faire remarquer que cette ques- tion des forêts protectrices est traitée à la deuxième Commission. — 70t; — INTERNATIONAL 1913 Ici il s'agit spécialement de la fixation de la dune et non de l'exploi- tation des forêts déjà constituées. M. Jagerschmitt. — Voici le texte que je propose : « lo Que dans tous les pays où le besoin s'en fait sentir^ une légis- lation relative à la fixation des dunes et aux travaux de défense contre la mer soit mise à V étude et promulguée dans le plus bref délai possible. » « 2° Que les forêts des dunes soient classées comme forêts de -pro- tection. » Le vœu, ainsi amendé, est adopté à l'unanimité. M. de Peyrelongue donne lecture des communications de M. Lippens, ingénieur, membre du Conseil supérieur des Forêts en Belgique. Les dunes du littoral belge ont été longtemps considérées comme con.sti- tuant des terrains improductifs. C'est seulement vers 1880 que quelques propriétaires pensèrent à les mettre en valeur par le boisement. L'essence la plus appropriée, nous dit l'auteur du rapport, est le pin mari- time. Il convient, non pas de le semer sur place, mais de le transplanter après repiquage dans les pépinières. Le terrain à planter est divisé en bandes de 0 m. 50 de largeur, séparées par un intervalle de terrain inculte égal à la longueur des bandes. Les arbustes et les herbes qui croissent ainsi tout autour, abritent les jeunes sujets contre les vents violenLs du large. Dans les bas-fonds, on laisse se développer des taillis de sa.ules, de peupliers et de bouleaux. Le boisement de ces dîmes a été entrepris, il y a trente ans, par M. le séna- tear Auguste Lippens, et continué par ses fils, MM. Philippe- Auguste Lippens, membre du Conseil supérieur de r.\griculture, et Hippolyte Lippens, sénateur. M. LE Président. — Nous passons, Messieurs, à la suite de Tordre du jour. La parole est à M. Jagerschmitt au sujet d'une communication de M. Ricardo Codorniu. M. Jagerschmitt. — M. Ricardo Codoraiu présente une étude fort intéressante sur le service hydrologico-forestier de l'Etat en Espagne Fixation et reboisement des dunes ; Correction des torrents et restauration des montagnes. L'auteur du mémoire est entré dans ce service à sa création, dès 1887. Suc- cessivement ingénieur de section, chef de division et enfin inspecteur général, il était particulièrement qualifié poiir exposer au Congrès les résultats obtenus grâce aux travaux exécutés par l'État depuis vingt-cinq ans dans les dunes et les montagnes espagnoles. Les difficultés à vaincre étaient d'autant plus grandes que, sur le versant méditerranéen de la péninsule, où ont été exécutés la plupart de ces travaux, les pluies sont particulièrement nires. Les travaux de fixation de dunes, oui été exécutés dans le golfe de Rosas, à Guaradamar et à Elche, sur la côte de la Méditerranée, à Vejer, à Santa Maria et llota et à la pointe Caïman, sur la côte de l'Océan. 1.632 hectares sont ar.tuellemcn t fixés. Sur ce total, 817 hectares sont boisés. 707 CONGRES FORESTIER Les travaux de irstauvatioii des montagnes ont été exécutés dans les bassins des affluents de l'Ebre. du Jacar, du Giiadalentin, du Guadalquivir et du Tage. Les projets de correction ont porté sur près de 300.000 hectares. 18.278 hec- tares ont été reboisés dans les périmètres. Plus de 45.000 hectares ont été mis en défense. La longiie expérience de M. Ricardo (jlodorniii lui a permis, en terminant son étude, de soumettre au Congrès quelques conclusions pratiques qui peuvent se résamer ainsi : 1° Les résultats obtenus sont satisfaisants et plus complets que ne l'espé- raient les forestiers eux-mêmes. 2° Les travaux de fixation des dunes et de restauration des montagnes sont coûteux et ne doivent être entrejjris que lorsqu'(Ui peut disposer des moyens indispensables à leur prompte exécution. 3° L'État doit acquérir les terrains où il tra\ aille. 4<* Des crédits suffisants doivent être consacrés à ces travaux pour qu'on puisse les pousser avec activité, sans quoi, les prix d'unités augmentent dans une large mesure. 5'' Il convient de n'entreprendre les travaux de correction proprement dits que dans les endroits où ils sont indispensables et urgents. 6° Les travaux doivent être compris dans un plan d'ensemble bien étudié. 7° La sécheresse qui sévit sur la plus grande partie de l'Espagne, n'est pas un obstacle insurmontable. 8° On doit s'efforcer, quand les conditions sont défavorables, de couvrir le sol avec des essences peu exigeantes, auxquelles on pourra substituer plus tard des espèces ayant plus de valeur. 9° Dans les terrains secs et stériles, le reboisement est l'acilité par la création de lignes ou de bouquets d'arbres lorsque le reboisement en massif est impos- sible. 10° 11 est inutile de chercher à obtenir un repeuplement artificiel complet de la surface à reboiser. La nature se chargera de compléter l'œuvre entreprise. 1 1° L'économie dans l'ensemble des travaux est particulièrement recom- mandée. Mais il ne faut lésiner, ni pour la profondeur du labour, ni pour les dimensions des potets, la quantité des semences, les abris des jeunes plants, les engrais ou les arrosages. Car c'est encore l'insuccès qui coûte le plus cher. 12° En ce qui concerne les voies de communication, il ne faut créer que les sentiers absolument nécessaires à la surveillance et à l'exécution des travaux. M. LE Président. • — Messieurs, l'ordre du jour est épuisé. Nous ne siégeons donc pas cet après-midi. La séance est levée à 1 1 h. 1/''». 708 — INTERNATIONAL 1913 SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. PLUCHET, président de Section La séance est ouverte à 9 li. 20. La parole est donnée à M. d'Auber de Peyr(?loague pour la lecture de son rapport : Alliance de larbre et de l'Eai'. — Lutte contre LES inondations. )) M. DE Peyrelongue. — « Veau c'est V arbre ; Varhre c'est Veau », i/innuence 'GRES FORESTIER Mais cette eau s'évapore, en partie, sur place ; en partie, imbibe la couverture morte, pénètre dans le sol, soit pour être absorbée par les racines des arbres, soit pour alimenter les nappes souterraines. Une fraction seulement du volume total ruisselle à la surface ; c'est elle qui, en temps de crue, profite immédiatement aux cours d'eau. Il suffit donc de savoir comment la forêt agit sur le ruissellement pour pouvoir dire comment elle influe sur les crues. A cet effet, on choisit deux bassins qui, toutes les autres conditions étant identiques, diffèrent par le taux du boisement. On mesure pour chacun d'eux : la quantité de pluie tombée en un temps donné, sur les versants ; et la fraction de ce volume qui arrive au thalweg. La comparaison des deux séries d'observations indique l'influence de l'état boisé. Supposons en effet, pour fixer les idées, que nous ayons trouvé les nom- bres suivants, correspondant, pour les deux bassins, au même intervalle de temps : Hauteur de pluie Accroissement du volume moyenne en d'eau du cours d'eau millimètres en mètres cubes Bassin boisé 32 1 m. 28 Bassin non boisé 29 1 m. 74 Le calcul nous montre que 1 millimètre de pluie" envoie dans le cours d'eau : Pour le bassin boisé 0 me 04 Pour le bassin non boisé 0 me 06 Les quantités d'eau de ruissellement sont donc dans le rapport de de 4 à 6 ou de 2 à 3. Nous en conclurons que la présence du massif boisé sur les versants considérés, diminue, toutes choses étant égales d'ailleurs, l'intensité du ruissellement du tiers de sa valeur. Tout revient, en définitive à déterminer, pour chaque bassin : 1° La hauteur d'eau pluviale. 2° La portion de cette eau qui arrive au thalweg. La première est déduite des mensurations pluviométriques et nous n'y insisterons pas. Quant à la deuxième, elle est exprimée, suivant les stations de recherches, de deux manières différentes : soit en fonction de la surélévation du niveau des eaux dans le cours d'eau, soit en fonction du débit. De là deux méthodes d'opération distinctes basées, l'une, sur la mesure de la hauteur des eaux, l'autre sur celle du débit. Voyons à quels résultats a conduit leur application : Méthode basée sur la mesure de la hauteur des eaux [Obser- vations de M. Willis L. Morre (1). [Bassin de VOhio). — M. Wilhs Moore, chef du U. S. Weather Bureau, a mesuré la hauteur des précipi- tations atmosphériques dans le bassin de l'Ohio, à North Lewisburg. Portsmouth, Confluence et Franklin, et les hauteurs d'eau fluviale qui leur correspondaient, sur l'Ohio lui-même à Cincinnati : ses expériences (1) A report on the influence of forests on climate and on floods. By Willis L. Moore LL. D. S. c. D. Cheef of U. S. Weather Bureau Washington 1910. House of représen- tatives. — 710 — INTERNATIONAL 1913 ont duré de 1871 à 1908, soit 37 ans, et lui ont donné les résultats suivants : PÉRIODES HAUTEUR DE LA TRANCHE D'EAU ANNUELLE (611 pouces) North-Lewisburg Portsmouth Confluence Franklin Pour toutle bassin 1871-1889 39.8 41.1 41.5 42.7 41.3 1890-1908 38.1 40.9 46.0 42.3 41.8 NIVEAU MOYEN DE L'OHIO A CINCINNATI (en picds) 1871-1889 17.3 1890-1908 17.6 Il en résulte que, durant la période totale de 1871 à 1908, ni la hauteur des précipitations, ni celle de l'eau pluviale n'ont changé. Comme, dit M. Willis Moore, la déforestation doit avoir été aussi considérable dans le bassin de l'Ohio que partout ailleurs, il y a lieu de conclure que les forêts n'ont qu'une influence des plus minimes sur les précipitations et sur le régime des cours d'eau. Mais M. Willis Moore reconnaît que les précipitations n'ont pas été mesurée^ d'une façon bien précise. ( La précipitation moyenne pour le bassin n'est pas aussi facilement obtenue (que la hauteur des eaux). ». « C'est seulement dans des cas exceptionnels que des mensurations conti- nues de précipitations, sont susceptibles de servir à des études comparatives. Les chiffres officiels, dans les grands centres, sont fournis par des repères dont l'entourage immédiat a fréquemment changé dans le cours d'une longue série d'années, et c'est pour cela que les repérages des pluies de Cincinnati et Pittsburg n'ont pas été connus. Les points choisis sont les meilleurs et les seuls où des observations aient pu être utilement effectuées pendant une longue période. » Acceptons cependant, sans les discuter, les chiffres de M. Willis et admettons qu'en elîet, ni les précipitations, ni l'écoulement fluvial n'aient changé depuis 1871. Encore nous faudrait-il, pour pouvoir en conclure cjue les forêts n'ont exercé aucune influence, démontrer que le taux de boisement du bassin a varié. Or, précisément, M. Willis l'ignore. « Je ne sais pas, dit-il, quelle étendue a été déboisée dans la vallée, durant les 38 années considérées ; mais, quelle qu'elle soit, il semble évident qu'un tel changement dans le rapport de la surface boisée à la surface cultivée n'a pas eu d'effet appréciable sur le régime de l'Ohio, » Et plus loin, comme conclusion: « Je crois que le lecteur reconnaîtra que j'ai démontré, dans les paragraphes précédents, que l'écoulement de l'Ohio, où je présume que la déforestation a été aussi grande que dans n'importe quelle autre partie du pays, dans les temps récents, n'a, pendant une péi'iode de 38 ans, subi d'autres changements que ceux qu'ont apportés les précipitations.» 71 CONGRES FORESTIER 11 parait donc y avoir, dans les expériences de .M. Willis, une lacune qui fait perdre à ses conclusions une grande partie de leur valeur. Observalions du Col. Biirr (Bassin du Merrimac). — Le rapport dans lequel le Col. Burr, du corps des Ingénieurs, relate ses observations, se trouve dans le U. S. Senate Document n° 9 of the 62 d. Congress. Il est résumé et commenté dans la revue Engineering Ne'^vs (n" du 27 juillet 1911), sous le titre : The influence of forests on Sircam flow in the Merrimac river basin. New Hampshire and Massaclnissels. La Nature (n° du 23 novembre 1912) en reproduit les conclusions : « Depuis les premiers seltlernents jusque vers 1860-1870, le déboisement du bassin du fleuve Merrimac a été constamment en augmentant. Puis, à partir de cette époque, la surface boisée s'est accrue, dans tout le bassin, de plus de 25 %. « Il n'a été observé ni diminution dans la hauteur d'eau tombée sur le bassin par suite des déboisements, ni augmentation à la suite des reboisements de plus de 25 % de la surface de ce même bassin. « La durée des crues et leur débit ne sont aucunement influencés par le reboisement ou le déboisement. » 11 serait trop long d'entrer dans le détail des observations du Col. Burr, basées, comme celles de M. Willis Moore, sur la comparaison de la hauteur des eaux fluviales avec celle des précipitations atmosphériques. Nous nous contenterons de faire observer que ces observations — très intéressantes d'ailleurs — ne nous paraissent pas concluantes pour les raisons qui suivent : 1° Les terrains que le Col. Burr considère comme boisés ont tout l'air d'être seulement couverts de quelques bouquets de vieux arbres dissé- minés, dans des peuplements d'âges très divers, mais pour la plupart très jeunes et dont l'effet sur le ruissellement ne saurait être bien consi- dérable. « LeNew-Hampshire, ditl'auteur(l), renferme en quelques rares endroits des arbres de plus de 80 ans et, ailleurs, des sujets plus jeunes, de tous les âges. « Près des anciens settlements, particulièrement au sud-est de l'État, la plupart des bois ont été coupés deux ou trois fois et les jeunes peuplements y sont plus nombreux qu'ailleurs. » M. Edgecomb, à propos du New-Hampshire, fait observer que la surface boisée s'est beaucoup étendue par le fait que des terres agricoles ont été délaissées. Depuis 1880, 800.000 acres de terrains se trouvent dans ces conditions et (( une grande partie (de cette surface ) n'est pas encore bien couverte d'arbres ». Même remarque pour l'état des Massachussets qui, d'après M. Edge- comb, renferme « des bois de plus de 30 ans, des bois de moins de 30 ans, de la broussaillo et ailleurs des forêts parcourues par des incendies mais dont la destruction a été rarement totale >>. 2*' La série des observations relatives aux précipitations atmosphé- riques renferme des lacunes. Dans la partie du bassin du Merrimac qui appartient aux Massa- chussets, des mensurations ont été faites partout, mais « elles sont relative- ment peu nombreuses dans le New-Hampshire (2) et aucune n'a été faite (1) Cf. «Engineering News », 27 July 1911. (2) Engineorinfî News, loc. cit. — 712 — INTERNATIONAL lîH.l dans la partie du bassin — mesurant 900 miles carrés — qui est située au-dessus. do Plymouth ni dans la large zone qui s'étend, sur les pentes ouest du bassin, entre Peterboro et Graften ». ^ L'auteur ajoute, il est vrai, que d'autres observations « de courte durée » ont été feites et qu'on a pu ainsi arriver à obtenir des indications générales satisfaisantes. Mais ces observations n'ont pas le même poids que celles qui s'étendent sur une longue série d'années et par suite ne nous semblent pas combler suffisamment la lacune, pour permettre au Col. Burr de conclure sans restrictions. Observations' de M. Lokhline (Bassin du Volga). — M. Lokhtine les a relatées dans le rapport qu'il a présenté en 1905 au Congrès interna- tional de navigation de Milan (1). Elles ont duré 22 années (de 1878 à 1900), pendant lesquelles on a mesuré la hauteur des eaux de la Soura, de la Bieleia et du Volga. « Un déboisement considérable » effectué dans le bassin de la Soura en 1882, a provoqué un abaissement du niveau d'étiage dans la période comprise entre les années 1889 et 1900. Les mensurations effectuées, pour la Bieleia, à la station d'Oufa (située dans une partie déboisée) et à celle de Gouzdevka (située dans une partie moins dénudée), ont accusé une baisse plus accentuée au premier poste qu'au second. Obsenuitions de M. Ponli (Bassin de l'Adda). — Elles font l'objet du rapport de M. Ponti, au Congrès de Milan en 1905 (2). De 1821 à 1900, on a relevé le nombre des crues de l'Adda et, pour chaque crue, la hauteur des eaux sur le signal de garde — ■ limite marquée sur les hydromètres à partir de laquelle les ingénieurs surveillent la crue d'une façon toute spéciale — la durée du séjour de l'eau au-dessus du signal, l'accroissement horaire en centimètres et la durée de cet accroissement ; on a constaté que de 1831 à 1890, l'accroissement horaire a augmenté et sa durée a diminué. De 1890 à 1900, l'accroissement horaire a diminué et la hauteur des crues a été moindre. Donc, dans la première période, le régime du lleuve a perdu de sa régularité et dans la deuxième, il s'est régularisé. Or, de 1855 à 1868, d'importants déboisements ont été pratiqués dans le bassin et à partir de 1883, on a procédé à des reboisements. L'influence des uns et des autres est manifeste. Observations de MM. Hall et Wash (3) (Cours d'eau des Appalaches.) MM. Hall et Wash, ont étudié les variations, dans un intervalle de 20 ou 30 années, du régime des cours d'eau qui descendent des montagnes des Appalaches. Ils on ont conclu à une augmentation sensible du nombre et de la durée des inondations. Deux d'entre ces cours d'eau sont particulièrement intéressants : Le Cumberland et le Red River. Dans le bassin du Cumberland, d'importants déboisements ont été effectués. Ils avaient atteint, en 1890, les 21/100 de la superficie totale et s'étendaient, en 1908, sur les 32/100. Le bassin du Red River, au contraire, a été reboisé. (1 ) Influence de la destruclion des forêts et du dessèchemcn I des marais sur le réfcime et le débit des rivières (Rapport de M. Lokhtine). (2) Inlluence de la destruclion des forêts et du dessèchement des marais sur» le régime et le débit des rivières (Rapport de M. Ponti). (3) Surface Con
  • »?""« 'l» precipitatioDs de stations (j, p,me„) Cumberland Red River. . mètres carrés 3.739 40.200 1890-1898 1899-1907 1892-1899 1900-1907 32 43 19 16 89 102 87 60 61 65 49 8 61 1.576 826 208 3 3 5 5 7 41,42 31,80 29,86 Ce qui démontre que : Dans le Cumberland, il y a eu 13 jours de crues et 315 jours de basses eaux de plus dans la deuxième période que dans la première. Quant aux précipitations atmosphériques, elles ont diminué de 4,85 pouces en moyenne. Dans le Red River, il y a eu 27 jours de crues et 618 jours de basses eaux de moins dans la deuxième période que dans la première. Les précipitations atmosphériques n'ont diminué que de 1,94 pouces. En d'autres termes, le régime du premier bassin est devenu moins régulier ; le second s'est, au contraire, régularisé. Observations de M. Leighton (1). (Bassin de l'Ohio.). — Elles ont permis de constater une augmentation du nombre et de la hauteur des crues, en particulier, dans les bassins de l'Ohio, de l'Allegheny, du Monogahela et de TYoughiogheny. Or, depuis 30 ans, ces bassins subissent d'impor- tants déboisements qui, entrepris d'abord dans celui de l'Allegheny, se sont poursuivis dans ceux du Monogahela et de l'Youghiogheny. Méthode basée sur la mesure du débit. — Cette méthode nous semble plus parfaite que la précédente, la quantité d'eau qui s'écoule dans une rivière étant exprimée, non pas par la hauteur de son niveau, mais par le débit (produit de la vitesse moyenne par la section mouillée). Elle a été appliquée en France par Belgrand , puis par trois gardes géné- raux des Eaux et Forêts : Jeandel, Cantegril et Belland. Mais leurs observations, trop connues pour que nous nous y arrêtions présentaient le grave défaut de porter sur des bassins d'étendues très différentes et d'amener par suite à des résultats peu comparables. Parmi les nouvelles recherches dirigées dans ce sens, nous citerons celles que M. Lauda, directeur du bureau central d'hydrographie de Menne, a relatées dans son remarquable rapport au Congrès international de navi- gation à Milan, en 1905. (1) Report of the National Conservation Commission (Leighton, Washington 60 th. Congress 2« session). 714 — INTERNATIOXAL 1913 Observations de M. Laiida (1) (Bassin de la Beczwa). — Elles ont été faites sur la Bistritzka et la Seniza, aflluents de la Beczwa. La superficie et l'altitude des deux bassins sont les suivantes : Bistritzka, altitude 912 m., superficie 63,80 Kmq. Seniza, altitude 923 m., superficie 74,80 Kmq. La vallée de la Bistritzka est orientée est-ouest, celle de la Seniza, Nord-sud. La hauteur annuelle de pluie est sensiblement la même pour les deux ; la constitution géologique semble peu différente de l'une à l'autre, mais le taux de boisement est près de deux fois plus élevé pour le bassin de la Bistritzka que pour celui de la Seniza. En 1903 et 1904, on a mesuré à diverses reprises : 1° La hauteur des précipitations atmosphériques. 2" Le débit correspondant des deux cours d'eau par la méthode du déversoir. 3° La rétention — c'est-à-dire la quantité d'eau retenue par les ver- sants — différence entre la quantité de pluie tombée et la quantité de cette eau débitée par la rivière. On en a déduit le coefficient d'écoulement pour chacun des deux bassins, c'est-à-dire le rapport entre le volume de l'eau parvenu au thalweg et le volume des précipitations. ]\L Lauda est ainsi arrivé aux conclusions suivantes : « La forêt exerce une influence sur Técoulement des eaux. « La rétention des eaux de précipitation est, dans une certaine mesure, plus importante dans le bassin le plus boisé que dans le bassin le moins riche en forêts. « Pour des averses dont l'importance dépasse certaines limites — ainsi, par exemple, en temps de crues — la rétention devient moins intense dans le bassin le plus boisé que dans le bassin le moins riche en terrains forestiers. « Après une période de sécheresse, l'influence des averses se manifeste plus rapidement et d'une façon plus progressive dans le bassin le moins riche en forêts, tandis que l'inverse se produit dans le bassin à plus grande étendue forestière. » Il s'ensuivrait donc que les forêts cessent de jouer un rôle utile sur le ruissellement, dès que les pluies acquièrent une certaine persistance et dépassent un certain degré d'intensité. Résultat surprenant, à coup siîr. Dans l'article « Le Problème de la Forêt sur les inondations au Congrès de Milan » paru en 1908, dans la Revue des Eaux et Forêts^ M. Tessier expose les raisons pour lesquelles il ne nous est pas possible de suivre M. Lauda jusqu'au bout de ses conclusions. Nous nous bornerons à la remarque personnelle suivante : les observations de M. Lauda ont été faites dans les mois de juin à novembre ; durant cette cette période, il tombe en moyenne, d'après les chiffres mêmes relevés dans le rapport, près de 4 millions de mètres cubes d'eau pluviale de moins dans le bassin de la .Seniza que dans celui de la Bistritzka. En outre, le taux de boise- ment de ce bassin étant près de 2 fois moindre (exactement 1,8 fois) que celui de la Bistritzka, le sol évapore beaucoup plus, surtout en été. Pour cette double raison, il n'est pas étonnant que les expériences aient pu laisser croire à un pouvoir rétentionnel plus grand, pour le bassin de la Seniza, déboisé, que pour celui de la Bistritzka, couvert de forêts. (1) Influence de la destruction des forêts et de l'assèchement des marais sur le régime des rivières (Rapport de M. Lauda). — 715 — CONGRES FORESTIER En résumé, des observations que nous avons relatées, quelques-unes n'autorisent pas à conclure d'une façon absolue, faute de données suf- fisamment précises ; la plupart témoignent de l'influence bienfaisante de de la forêt sur le ruissellement. La forêt agit encore d'une autre manière sur le régime des cours d'eau. Grâce au manteau protecteur dont elle couvre le sol, celui-ci échappe, dans une large mesure à l'action des agents atmosphériques, et par suite, est moins sujet à l'affouillement. Par là, elle exerce une influence des plus certaines sur le charriage et diminue ainsi l'importance des crues torrentielles. Nous avons donc un double motif de maintenir ou de créer l'état boisé partout où nous avons à lutter contre les dangers de l'érosion et les enva- hissements des fleuves, des rivières ou des torrents. L'œnTrc de la forêt complé- tée par des travaux de ré- gularisation. Mais quelque indispensable que soit la forêt, surtout dans les parties hautes des bassins, sa présence ne suffit pas pour supprimer les inon- dations. Il faut lui adjoindre des ouvrages de régularisation ayant pour objet, les uns de remédier aux effets des crues (ce sont les redressements de lit, les travaux de défense des rives, les endiguements), les autres, de restreindre leur cause, c'est-à-dire l'afflux brusque des eaux dans les thalwegs ; ce sont les puits absorbants et les barrages-réservoirs. Voyons quels sont ceux auxquels nous pourrons le plus utilement avoir recours et dans quelle mesure nous devrons en faire usage. Redressements de lil. — Ils ont pour but de faciliter l'écoulement des eaux en remplaçant par des lignes aussi droites que possible les sinuosités du lit. Remarquons cependant que le trajet sinusoïdal des cours d'eau natu- rels, à fond mobile et présentant une succession de mouilles et de maigres, est une courbe d'équilibre résultant de l'équivalence entre la puissance d'affouillement des eaux et la résistance du lit. Vers cette forme, que lui ont imposée les circonstances extérieures et la nature du terrain sur lequel il coule, le cours d'eau tendra toujours et si on lui fait violence pour l'en écarter, on suscitera, dans son régime, des désordres dont l'intensité peut être considérable. En admettant que les ouvrages résistent, leurs effets restent incertains. Quelquefois même, on en obtiendra des résultats opposés à ceux que l'on cherchait. Le redressement sera suivi d'un exhaussement du lit avec diminution de la vitesse du courant au lieu de provoquer un approfon- dissement du chenal avec écoulement plus rapide. On voit donc qu'il faut agir avec circonspection ; ne rectifier le lit que par places bien choisies et éviter l'abus de la ligne droite. Encore se pourra-t-il que les dangers, conjurés au point primitivement menacé, soient transportés en aval et rendus plus redoutables. Travaux de défense des rives. — Le trajet sinueux qui suit le cours d'eau naturel comprend une série d"anses concaves et de parties convexes. Or, il est bien connu que celles-ci sont formées aux dépens de celles-là. Les eaux suivent les bords concaves qu'elles afîouillent et s'écartent des bords convexes contre lesquels elles déposent. Le courant est rejeté d'une rive à l'autre en même temps que, tantôt à droite, tantôt à gauche, s'effectuent les dépôts. On conçoit donc que, si l'on arrive, au moyen d'ouvrages spéciaux, à fixer l'anse concave, on diminue le dépôt sur le bord convexe et on — 7ili — INTERNATIONAL 1913 régularise, dans une certaine mesure, le lit du cours d'eau. Mais dans uae certaine mesure seulement, car il est certain que l'affouillement ne devient jamais nul et par suite la forme d'équilibre jamais stable. Les ouvrages de défense des rives consistent en blocages, enrochements, perrés, fascinages qui assurent au lit mineur une certaine fixité. Mais ils doivent être exécutés avec mesure, sans avoir pour objet d'obtenir, au moyen de redressements trop brusques, une augmentation du mouil- lage que l'on risquerait d'acheter au prix d'inconvénients d'une extrême gravité. Endigiiemenls . — L'endiguement diminue, en la resserrant, la section libre du cours d'eau. Mais il serait faux de croire qu'il doit en résulter partout et toujours un approfondissement du lit et un plus fort débit et que, dès lors, ce moyen suffit pour mettre les terres riveraines à l'abri des inondations. En amont de l'endiguement, la vitesse de l'eau est augmentée du fait du resserrement de la section : d'où, affouillement et par suite approfon- dissement du lit. En aval, au contraire, la section s'élargissant, la vitesse diminue et un dépôt se forme qui relève le fond. L'approfondissement en amont et le relèvement en aval diminuent la pente moyenne de la partie endiguée et ont pour conséquence l'exhaussement du lit. C'est ainsi que l'Isère, endiguée sur une grande partie de son cours, entre Albertville et Montmélian coule maintenant à un niveau supérieur à celui de la plaine, et des infiltrations se produisent sur les terrains avoisinants. Quant à l'affouillement d'amont, s'il n'est pas aussi prononcé qu'il pourrait l'être, c'est que l'Arly qui se jette, près d'Albertville, dans l'Isère, apporte à celle-ci une partie de ses graviers. La Garonne est resserrée entre la limite du département de la Gironde et Langoiran « par des rives artificielles auxquelles on a généralement donné un écartement à peu près uniforme, moindre que la largeur natu- relle (1) ». Entre la limite du département et Portets, nous dit M. Fargue, l'étiage s'est abaissé, en moins de 40 ans, de 1 m. 30 en moyenne. A Barie et à Gaudrot, les eaux d'étiage ont été, en 1870, à 1 m. 85 en contrebas du niveau auquel elles coulaient en 18.32. En aval, au contraire, et jusqu'à Bordeaux, le fond s'est exhaussé. Cet effet de l'endiguement se fait plus ou moins sentir suivant que les dignes sont plus ou moins rapprochées; suivant, surtout, qu'elles sont ou non insubmersibles. Le resserrement du cours d'eau entre des digues insubmersibles, amène un exhaussement du fond du lit, qui, en général, ne va qu'en s'accentuant, de sorte que les digues deviennent insuffisantes et dangereuses. Insuf- fisantes, parce qu'il faut les surélever toujours davantage si l'on veut maintenir le cours d'eau dans le lit qu'on lui a tracé. Nous savons, par Comoy, que «dans «les temps anciens, on avait réglé la hauteur des digues de la Loire, à 15 pieds au-dessus des basses eaux (2). » Après la crue de 1906, les eaux s'étant élevées en certains points à 18 pieds; la hauteur des digues fut portée à 21 . On 1846, on a surélevé ces digues qui ont encore été insuffisantes. On les surmonta alors d'une banquette de i mètre de hauteur. La crue (1) Elude sur la largeur moyenne de la Garonne (Fargue, in Flamant, loc. cit.). (2) Mémoire sur les ouvrages de défense contre les inondations (Comoy). 717 CONGRES FORESTIER de 1865, ajoute Gomoy, est venue démoatrer que cette surélévation était encore insuffisante. Le Pô, qu'il a fallu endiguer pour protéger les nombreuses villes dissé- minées dans la plaine qu'il arrose, exhausse constamment son lit. Graëff cite l'exemple de l'Aar, en Suisse « littéralement suspendue sur les terrains environnants ». Les dangers d'une pareille situation sont évidents. Les remous qui se produisent dans la partie endiguée peuvent surmonter les digues ou les rompre et occasionner alors des dégâts dont l'étendue est impossible à prévoir. Est-ce à dire qu'on doive proscrire, d'une façon absolue, l'emploi des digues insubmersibles. Non certes. Il est au contraire tout indiqué en certains points et dans certains cas. En plaine, par exemple, quand il s'agit de mettre à l'abri des crues des agglomérations, les digues insub- mersibles produiront d'excellents elTets pourvu que l'on combatte, par des dragages, l'exhaussement du lit. Leur emploi sera surtout indiqué dans la région des grands bassins voisins de la mer. Le niveau des eaux, même en temps d'inondation, y varie peu, la grosseur des matériaux charriés y est faible ; il est donc possible, au moyen de digues peu élevées et assez espacées pour ne pas occasionner au lit de rétrécissement nuisible, de procurer aux terres avoisinantes un abri protecteur. M. Flamant ajoute même que telles dignes insubmersibles constituent pour ces terrains « la défense la plus naturelle et la plus efficace (1) ». Quant aux digues submersibles, placées à une distance telle de l'axe du cours d'eau qu'elles en fixent, sans trop de contrainte, le lit mineur, elles peuvent rendre de précieux services, en permettant d'abriter, des crues ordinaires, les cultures les plus délicates et en laissant en arrière en cas de forte crue, un champ d'inondation assez vaste pour que s'effectue sans remous — surtout si l'on appuie sur leurs bords des chaussées trans- versales — le dépôt des limons. Tous les travaux précités combattent les effets des inondations et n'exercent qu'une action locale. Il en est d'autres qui s'attaquent à la cause principale des crues, c'est-à- dire à l'afflux subit des eaux, et dont l'influence peut se faire sentir sur toute l'étendue du cours d'eau. Nous voulons parler des puits absorbants et des barrages-réservoirs. Puits absorbants. — Leur but est d'emmagasiner les eaux de ruisselle- ment dans le sol, comme le ferait un réservoir d'où elles s'écouleraient ensuite d'elles-mêmes sans causer de dégâts. Théoriquement il suffît de forer des puits d'une profondeur et d'une section telles qu'ils ne s'em- plissent jamais. En fait, la question est beaucoup moins simple. Le puits est aUmenté surtout par les eaux d'infiltration Or, quelque perméable que soit le sol, son pouvoir absorbant n'est pas illimité et la quantité d'eau maximum dont l'emmagasinement est possible, est presque toujours bien inférieure à celle qu'il faudrait enlever au cours d'eau pour agir d'une façon sensible sur les crues. On peut, il est vrai, quelquefois, choisir un endroit d'où l'on atteigne une nappe d'eau profonde où iront se perdre les eaux de surface. Mais il y a de fortes chances que cette nappe soit alimentée par les (1) Hydraulique, 1909 (Flamant). -- 718 - INTERNATIONAL 1913 eaux du même bassin fluvial et quand les pluies des régions supérieures seront assez abondantes, elles surélèveront le niveau de la nappe et re- fouleront celle-ci dans le puits. Il se peut même que le refoulement ait assez de puissance pour transformer le puits absorbant en un puits jaillissant. M. Bergeron, dans le rapport qu'il a présenté en 1910 à la Commission des Inondations (1), cite deux exemples de cette inversion. « Dans la vallée de la Loire, existent de nombreuses raardelles ou puits natu- rels ; l'une d'elles, dite de Montauban, dans le val d'Orléans, est en communi- cation avec la Loire en amont de cette ville. « En période d'étiage, c'est un véritable puits absorbant, mais en temps de crue, les eaux s'y élèvent à une cote supérieure à celle de la berge de la Loire, et alors elles débordent en inondant la région de Saint-Hilaire-Saint-Mesrain... « Le second exemple est fourni par certains égouts de la ville de Paris; anté- rieurement e-t même pendant une partie de la période d'inondation, les bouches d'égout ont fonctionné, conformément au rôle qui leur est normalement attribué, comme de véritables puits absorbants ; mais du jour où les égouts ont été en communication directe avec la Seine, dont la cote est supérieure à celle des bouches, celles-ci se sont transformées en véritables puits jaillissants.» Le forage de puits absorbants peut encore présenter des dangers d'un autre ordre. Bien qu'il soit très difficile de prévoir le point de résurgence des eaux ainsi emmagasinées, étant donné que l'hydrographie souterraine est indé- pendante du relief superficiel, on peut dire que ces eaux auront tendance à suivre les conduits souterrains déjà existants ; par suite, elles pourront augmenter brusquement le débit de certaines sources et provoquer des inondations en des points où celles-ci seront d'autant plus dangereuses qu'elles auront été moins prévues et qu'aucun ouvrage n'aura été établi pour s'en garantir. De plus, les eaux recueillies dans un bassin ressortiront le plus souvent en un point aval du même bassin, mais avec un certain retard. Ce retard peut-être tel qu'il amène l'aftlux de ces eaux à coïncider avec une crue secondaire du cours d'eau, d'où accroissement du danger comme le fait s'est produit en janvier 1910, où une crue secondaire de l'Yonne a coïncidé avec la crue de la Marne (2). Enfin, les eaux absorbées peuvent fort bien, dans certains cas, conta- miner une nappe d'eau d'alimentation, ce qui rend alors le remède cer- tainement pire que le mal. L'emploi des puits absorbants ne semble donc pas indiqué en France. Notons cependant que, dans certains pays, où les conditions ne sont plus les mêmes, il en a été fait parfois un usage fort judicieux. Barrages-réservoirs. — Le barrage-réservoir a pour objet de retenir une plus ou moins grande proportion des eaux de ruissellement de manière à diminuer la hauteur de la crue ; et une fois celle-ci passée, de laisser le surplus s'écouler peu à peu. Il va sans dire que le barrage-réservoir doit être établi sur terrain imperméable et en un point tel, qu'avec des dimensions admissibles, il retienne un volume d'eau assez considérable pour produire un effet utile. (1) Les puits absorbants (Bergeron^ président de la Société des Ingénieurs civils de France). (2) Cf, Bergeron, loc. cit. — 719 — CONGRES FORESTIER C'est dans les parties hautes du bassin que ces conditions seront le plus souvent réalisées. Car, c'est là qu'il y a le plus de chances de trouver un sol imperméable et résistant, comme de rencontrer un étranglement rocheux où l'on puisse épauler le barrage et en arrière duquel l'écarte- ment des berges augmente, à dimensions égales, la retenue du réservoir. Là, enfin, les terres ayant en général peu de valeur, la crue occasionnée par le barrage, en arrière, devient relativement peu dommageable. Mais un barrage ne retient que les eaux venant de l'amont, et son effet, très sensible sur la région voisine d'aval, s'amoindrit au fur et à mesure qu'on s'en éloigne pour devenir à peu près nul à une certaine distance. Cela, à vrai dire, n'aurait pas lieu de nous préoccuper beaucoup, puisque le niveau de la crue va lui-même en diminuant de l'amont vers l'aval, à la condition, bien entendu, de ne pas rencontrer d'affluent. Or, en général, tout cours d'eau reçoit un plus ou moins grand nombre d'affluents. Il est alors nécessaire, pour régulariser l'ensemble du bassin, de cons- truire des barrages, non seulement sur le cours d'eau principal, mais encore sur ses principaux tributaires. Cette multiplicité d'ouvrages complique beaucoup la question. L'effet d'un barrage unique est certain sur la région voisine en aval et peut être presque mathématiquement calculé. Il demeure encore certain, dans le cas de plusieurs barrages placés sur le même cours d'eau. Mais son évaluation est d'autant plus difficile que le nombre des barrages est plus grand. Elle devient incertaine quand les ouvrages sont situés sur des cours d'eau différents. La crue d'un affluent quelconque arrive, en général, au confluent avant ou après celle du cours d'eau principal. Le retard occasionné par les barrages, peut amener ces deux crues à coïncider. Il convient cependant de remarquer qu'il devient de plus en plus facile de parer à de telles éventualités. Comme le fait très judicieusement observer M. Lévy Salvador (1) : « ... Il existe, au moins en principe, pour chacun de nos principaux bassins un service d'annonce des crues, chargé de faire connaître aux riverains des grands cours d'eau le niveau que l'eau d'une crue paraît devoir atteindre dans un délai rapproché. Supposons que, dans l'un de ces bassins, il ait été établi une série de réservoirs disséminés dans la partie supérieure du fleuve et de ses affluents, on pourrait mettre en communication les barragistes avec le bureau de l'ingénieur en chef du service d'annonce des crues au moyen de postes de télégraphie sans fd, par exemple : l'ingénieur en chef, prévenu d'une baisse des eaux dans la partie moyenne d'une rivière commandée par un de ces bar- rages, expédierait l'ordre de vider la retenue correspondante. Ce chef de service aurait pour ainsi dire, sous la main, une sorte de table d'enclanchements dont chaque levier correspondrait à une retenue, et il lui serait loisible de combiner, sous sa responsabilité, la vidange successive ou simultanée des retenues pour en tirer le meilleur parti possible. » Quant à l'objection basée sur la dépense que nécessiterait l'établisse- ment de ces barrages-réservoirs, elle a beaucoup perdu de sa valeur, maintenant qu'il est démontré que ces ouvrages peuvent, non seulement servir à la régularisation des rivières, mais encore, au moyen d'un aména- gement spécial, retenir assez d'eau pour subvenir aux besoins de l'agri- culture et de l'industrie. (1) La Régularisation du régime des cours d'eau (P. Lévy-Salvador, ingénieur des constructions civiles, 1911). — 720 — INTERNATIONAL l^H-! Nous sommes donc amenés à conclure : 1° Que la forêt exerce, à n'en pas douter, une influence régulatrice sur l'alimentation et le débit des cours d'eau, en diminuant le ruisselle- ment et en n'envoyant dans les thalwegs que des eaux claires. Mais il serait utile de savoir exactement dans quelle mesure s'exerce cette inlluence, les expériences faites à ce jour, pour intéressantes qu'elles soient, ne nous ayant pas donné, à ce sujet, de réponse précise. 2° Qu'un gTand bassin hydrographique constitue un tout dont le cours d'eau principal est l'expression. Pour donner à celle-ci plus de régularité, de simples retouches ne suffisent pas. Il faut un traitement d'ensemble comportant : a) Des travaux forestiers et, en premier lieu, le reboisement des parties déclives du bassin ; jusqu'à présent, il était laissé à l'initiative des pro- priétaires tant que leurs terrains n'étaient pas menacés de dangers « nés et actuels », mais l'Etat sera en mesure d'y pourvoir lui-même dès que sera voté le projet de loi de M. Fernand David, tendant à modifier la loi du 4 avril 1882, sur la restauration et la conservation des terrains en montagne (1). b) Des ouvrages de régularisation, les uns d'utilité générale, tels, par exemple, que les barrages réservoirs dans les régions élevées du lit ; les autres de défense locale, tels que redressements de lit, élévations de digues, etc., dans les régions basses. Les travaux, dont l'ensemble constitue notre programme, ressor- tissent : en partie au Ministère de l'Agriculture, en partie à celui des Travaux publics. Il est nécessaire, pour donner aux efforts plus de cohésion et de suite, que les projets en soient élaborés en commun, par des fonctionnaires appartenant à l'une et à l'autre de ces administrations. En conséquence, le Congrès Forestier international émet le vœu : !*• Qa^il soit procédé, en France, comme il Vest à V étranger, à des obser- vations suivies et méthodiques, ayant pour bat de déterminer V influence de la forêt sur le régime et le débit des cours d^eau. 2° Que la loi dont le projet a été présenté par M . Fernand David, et qui a pour objet la modification de la loi du 4 avril 1882 sur la Restauration et la Conservation des terrains en montagne, soit votée dès que possible {\). 3° Que les travaux de régularisation des cours d'eau soient Vobjet, par bassins JnjilrograpJtiques, d''études d''ensemble, concertées entre les divers services appelés à en assurer Vexécution. M. DE Peyrelongue. — Messieurs, ralliance de l'Arbre et de l'Eau est un des faits les plus anciennement et les plus universellement reconnus. Cette association du bois et de la source, de ce qui reste et de ce qui s'en va, de l'éternellement fuyante avec l'éternellement immobile, n'a pas manqué de frapper les esprits de tous les temps et d'inspirer les mythes, les allégories et les légendes, comme de notre temps le pinceau de nos peintres et la plume de nos poètes. Gloire à l'eau comme à l'arbre. L'eau c'est l'arbre, l'arbre, c'est l'eau. L'(;au veuve de l'arbre (1) Oiltf loi a été votée (li-fniis et iiroinultîiiée à la date du 16 août 1913. — 721 — CONGRES FORESTIER meurt; l'arbre sevré de l'eau se refuse à vivre... Litanies que vous reconnaissez, n'est-ce pas? C'est en brodant sur ce thème pendant quelques centaines de pages, avec la richesse de forme, la beauté de style, de bonheur d'expression dont il a le secret, que M. Onésime Reclus nous a donné cet ou\Tage original qui s'appelle Le Manuel de TEau et qui complète si heureusement le Manuel de r Arbre, livre qui nous est très cher, à nous les forestiers, et qui. en quelques images peintes dans un style sobre et pur, illustre une de ces vérités dont la démonstration n'est plus à faire, mais qu'il est bon de dire et de" répéter sans cesse, parce qu'il est essentiel à un pays qui ne veut pas aller à la ruine, de ne l'oublier jamais {Très bien ! Très bien ! Applau- dissements). Comment cette vérité se manifeste-t-elle à nous? Comment la création, le maintien ou le développement de l'état boisé d'une région ou au contraire son déboisement influent-ils sur son système hydro- graphique. Ou, si vous le préférez, comment deux cours deau apparte- nant à deux régions identiques sous tous les rapports, sauf sous celui de leur taux de boisement, se difîérencieront-ils au point de vue de leur profil, de leur régime et de leur débit? Telle est la question que le Touring-Club de France a tenu à mettre à l'ordre du jour du Congrès Forestier international. M. LE Président. — Messieurs, avant de mettre aux voix les vœux qui sont la conclusion du rapport de M. de Peyrelongue, je vous prie de bien vouloir présenter vos observations. M. DE Larnage. — Je voudrais, sans entrer dans de plus amples détails, que nous ajoutions aux conclusions de M. le rapporteur une considéra- tion qui ne lésera en rien le tourisme et ne méritera pas d'alarmer la Commission des Sites. Nous n'oublions pas que nous sommes au Touring-Club qui a tant et si justement fait pour l'accroissement et le progrès du tourisme. Je demande qu'on insère cette phrase, qui n'a l'air de rien, et qui pourrait exercer une grande influence sur la discussion ultérieure qui va se poursui\Te devant le Sénat : « Que le décret du l^r aovit 1905 soit complété de manière à ne pas entraver les dérivations de cours d^eau non navigables ni flottables, en faisant juges de la protection des sites, M. le Ministre de l Agricul- ture et celui des Beaux-Arts, sans exiger un décret rendu en Conseil cVEtat. » M. LE Président. — Afln de procéder par ordre, nous devrions, je crois, mettre aux voix d'abord les vœux proposés par M. de Peyrelongue, et ensuite votre proposition qui constitue une addition. M. MouGiN. — Il conviendrait de modifier la forme des vœux pour ne pas leur laisser un caractère particulariste et national : étant donné — 722 — INTERNATIO^JAL 1913 que nous sommes dans un congrès international, il faut que les vœux puissent s'appliquer à toutes les nations représentées. M. LE Président. — 11 faudrait modifier le texte ainsi : '< 1° ÇiVil soit procédé, en France comme à l'étranger, ù des ohserva- tions suivies et méthodiques, ayant pour but de déterminer l'influence de la foret sur le régime et le débit des cours d'eau. « M. LE Rapporteur. — J'accepte la modification. M. LE Président. — Je mets aux voix le premier vœu ainsi rédigé. Le premier vœu est adopté à l'unanimité. « 2° Que la loi dont le projet a été présenté par M. Fernand David, et qui a pour objet la modification de la loi du 4 avril 1882 sjir la restauration et la conservation des terrains en montagne, soit votée dès que possible. » C'est encore un vœu national. M. DE Larnage. — Je demande à nos collègues s'ils ne trouvent pas plus régulier d'adjoindre mon observation à ce même paragraphe. M. Cardot. — Mais cela n'a guère de rapport avec la loi Fernand David. C'est un vœu d'ordre différent. M. DE Larnage. — • Non, parce que nous craignons qu'on apporte une entrave aux grands travaux. M. DE Peyrelongue. — Il semble que tout le secret de la réglementa- tion réside dans le reboisement des bassins supérieurs et dans les barrages. M. DE Larnage. — Le projet Fernand David est distinct, c'est entendu; mais son application se trouvera gênée par les dispositions de la loi de finances. M. Cardot. — Vous pourriez en faire un vœu distinct. M. DE Larnage. — J'en ferais plutôt un corollaire du vœu proposé par M. le rapporteur : « Que le décret du l^r août 1905 soit complété de manière à ne pas entraver les dérivations des cours d'eau non navigables ni flottables, en faisant juges de la protection des sites le Ministre de V Agriculture et celui des Beaux-Arts, sans exiger un décret rendu en Conseil cVEtat. » M. Muret. — C'est le commentaire que je voudrais voir supprimer. Les conclusions, j'y souscris bien volontiers ; mais il me semble qu'il y a — 723 — CONGRES FORESTIER une critique de la protection des paysages, par le fait que ces entraves sont mises dans l'intérêt des sites. M. DE Larnage. — Au contraire, en faisant juges de la protection des sites les ministres compétents, qui sont leurs protecteurs naturels, je montre que je ne désire pas porter atteinte aux intérêts du tourisme. M. Muret. — Je crains que Ion ne voie une critique dans la forme ; car, à l'heure actuelle, le danger n'est pas douteux : c'est celui de l'indus- trialisation à outrance. M. DE Larnage. — Je ne peux pas admettre ce mot. En particulier, dans le Dauphiné, l'industrie a été absolument respectueuse des beautés naturelles. Vous avez vu que, en dehors du Giiil et de Château-Queyras... M. Cardot. — C'est cela qui a motivé les protestations. M. DE Larnage. — Ce projet de créer au Giiil un réservoir naturel — je ne juge pas le projet en lui-même — pouvait très bien être défendu et être exécuté de façon à ne pas nuire à la beauté du paysage. M. Cardot. — Mais on s'est ému surtout de l'épuisement de la rivière sur une certaine longueur. M. MouGiN. — C'est un cours d'eau qui n'est pas fourni par des glaciers ; il a un étiage en été. C'est pendant cette période que tout le Guil serait passé dans les tubes. M. Cardot. — Et cette gorge magnifique aurait un torrent à sec. Le paysage serait gâté par ce lit pierreux. y.1. DE Larnage. — Il n'y a pas de société industrielle, à ma connaissance, qui ait demandé un travail d'art de ce genre. M. Muret. — Vous venez de voler la Creuse ! M. DE Larnage. — Le Loiret en sait quelque chose, on vous apporte des 35.000 volts. Je le répète, je demande le respect des garanties actuellement exigées, mais qu'on n'en ajoute pas de nouvelles qui seraient prohi- bitives. AL LE Président. — Il n'y a pas d'autre observation?... Je mets aux voix le deuxième vœu, avec la disposition additionnelle proposée par M. de Larnage. Le vœu ainsi complété est adopté. a 3^ Que les travaiiv de régularisation des cours d'eau soient l'objet, INTERNATIONAL 1913 par bassins hydrographiques, d'études d'ensemble, concertées entre les divers services appelés à en assurer V exécution. » M. DE Larnage. — Je tiens comme riverain de la Loire, habitant d'une région intéressée, à donner mon plein assentiment aux considérations que vous avez présentées. Le troisième vœu mis aux voix est adopté à lunanimité. M. LE Président. — Nous avions encore à notre ordre du jour deux communications, l'une de M. de Rouvray. l'autre de M. Grand-d'Esnon. Ces messieurs sont absents. M. Cardot. — J'ai là un résumé fait par notre secrétaire de leurs com- munications. LES PLANTATIONS DE PINS SYLVESTRES DANS LA CHAMPAGNE POUILLEUSE (Communication de M. Grand-d'Esnonl. M. Grand-d'Esnon appelle l'attention du Congrès sur l'avenir des plantations de pin sylvestre dans la Champagne Pouilleuse. Ces plantations dévastées de 1892 à 1895 par la chenille du Lasiocampa pini, ont éprouvé de tels dommages que les propriétaires se sont hâtés de couper et de vendre tous leurs bois de pins sylvestres non encore détniits et ont aban- donné le sol à lui-même, comptant sur les semis naturels pour le recouvrir de bois. Or, actuellement, ces terrains portent des fourrés de pins trop serrés pour produire du bois marchand. D'autre part, il n'est pas possible de les éclaircir sans dépenser beaucoup, les fagots produits par les éclaircies ne trouvant pas d'acquéreur. La situation est donc critique et il serait utile de trouver un moyen d'y remédier. ALLIANCE DE l'aRBRE ET DE l'eAU. LuTTE CONTRE LES INONDATIONS (Communication de M. de Rouvray). M. de Rouvray, estimant qu'il est utile de protéger l'arbre aussi bien en plaine qu'en montagne, propose d'émettre le vœu suivant : a Les nouveaux articles 671, 672 et 673 du code Civil, depuis leur modifica- tion par la loi du 20 août 1881, contribuant dans une importante mesure à la déforestation générale, ainsi qu'à la diminution dans la production de certaines espèces de bois en ce quils ne respectent plus les anciens usages et ne permettent, par suite, plus le remplacement des nombreux arbres qui exis- taient tout en bordure des prairies et des champs, Le Congrès émet le vœu : Que ces articles subissent une nouvelle modification en vue de permettre, comme autrefois, avant 1881, le remplacement des arbres de bordure suivant les usages constants et reconnus. Après cette lecture, la séance est levée à 11 h. 1/4. ■9rT — CINQUIÈME SECTION DE LA FORET DAN8 LE DÉVELOPPEMENT DU TOURISME ET L'ÉDUCATION ESTHÉTIQUE DES PEUPLES BUREAU Président : M. Ed. Chaix, président de la Commission de Tourisme de V Auto mobile- Club de France. Vice-Président: M. L. Auscher, président du Comité du Tou- risme en montagne du Touring-CIub. Secrétaires : MM. Gouilly, garde général des Eaux et Forêts. VoLMERANGE, garde-général des Eaux et Forêts. DuMESNiL, notaire honoraire, membre de la Commission des Pelouses et Forêts du Touring-Club. RAPPORTEURS : MM. G. Géneau, conservateur des Eaux et Forêts. Anselme Changeur, secrétaire général de la Société pour la protection des paysages de France. Flahault, directeur de VInstitut botanique de l'Université de Montpellier. SiNTUREL, inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. 727 CO>"GRES FORESTIER RAPPORTEURS : UM. Beauquier, président de la Société pour la protection des paysages de France. DupuicH, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris, membre du Comité de Contentieux du Touring-Club. Thiollier, inspecteur des Eaux et Forêts. GouiLLY, garde-général des Eaux et Forêts. A. Mathey, conservateur des Eaux et Forêts. 728 NTERNATIONAL 1913 SÉANCE DU 16 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. AUSCHER, vice-président de section La séance est ouverte à onze heures. M. Auscher, vice-président, en Tabsence de M. Chaix, président de la section, empêché, prononce Tallo- cution suivante : Messieurs, notre cinquième section, est celle qui s'occupe de la forêt et de son influence dans le développement du tourisme, celle dont les liens sont les plus étroits avec la besogne journalière que nous accom- plissons, mes collègues du comité de tourisme en montagne et moi, au Touring-Club. Il est évident que l'un des objets principaux, je dirai peut-être la tâche la plus belle d'un congrès comme celui-ci, consiste dans l'union des efforts faits pour agrandir le domaine forestier, d'un côté, pour le maintenir et le conserver, de l'autre. C'est l'union de ces efforts qui doit rendre la forêt plus belle, et favoriser le succès de l'aména- gement de notre domaine forestier. Dans notre pays de France, la forêt présente malheureusement cet inconvénient d'être un peu considérée comme « un mur derrière lequel il se passe quelque chose » : On la voit, on l'admire de loin, on en fait le tour, mais on n'y pénètre pas ! Et pourquoi? Parce que vous avez pu vous-mêmes le constater à maintes reprises, à part certaines régions privilégiées comme; quelques coins des Vosges, des Alpes ou du Massif central, il y a très peu de forêts aménagées en pays de montagne, au point de vue dos facilités d'accès et de circulation. C'est l'étude de ces travaux d'aménagement qui retiendra une partie de l'activité de nos séances ; elle présente un très grand intérêt et elle a fait l'objet de plusieurs rapports, très documentés dont, au nom du président de cette section, je remercie très vivement les auteurs. J'espère qu'ils voudront bien nous aider de leur précieuse collaboration dans la discussion des textes que nous avons à adopter et je vous prie, Messieurs, en déclarant cette première séance ouverte, de bien vouloir excuser celui qui la préside de la présider si imparfai- tement. {A pplaudissements.) — 729 — CONGRES FORESTIER Notre ordre du jour appelle l'étude et la discussion du rapport de M. Géneau, conservateur des Eaux et Forêts. M. Géneau donne lecture de son rapport sur rÉoucATiON Forestière DU Public : j\l. Géneau. — En France, le public ignore à peu près" tout des choses forestières, et cette ignorance ne s'atténue pas, tant s'en faut, à mesure qu'on s'élève dans l'échelle sociale. Les hommes les plus instruits, les esprits les plus cultivés, se font du traitement des forêts et du rôle de l'Administration, une idée qui stupéfie les hommes du métier. Magis- trats, professeurs, industriels, publicistes, tous, on peut le dire, sont logés à la même enseigne et un simple bûcheron en sait plus long qu'un législateur. Cette ignorance a passé inaperçue aussi longtemps que le public s'est désintéressé des questions de cet ordre et s'en est remis du soin de les résoudre au service public qui en a la charge. Mais depuis quelques années la situation n'est plus la même ; de nombreuses publi- cations ont fait naître un mouvement d'opinion marqué en faveur du reboisement et éveillé la sympathie du public pour tout ce qui touche aux forêts. Cette sympathie est précieuse à beaucoup d'égards, elle témoigne d'un progrès considérable, mais elle ne peut produire d'effets vraiment utiles qu'à la condition d'être éclairée. L'homme qu'on a inté- ressé sans l'instruire a, en effet, une tendance inévitable à critiquer et à contrarier l'action du professionnel dont la raison lui échappe. Il y a là un danger qu'il importe d'éviter. C'est un métier d'être forestier, métier qu'il faut apprendre comme les autres et qu'on ne peut confier à tout le monde. Si toutes les bonnes volontés qui s'empressent n'avaient pour guide que leur seule inspiration, la condition de nos forêts, loin de s'améliorer, irait sans cesse en périclitant; des lois mal faites, des règle- ments inefficaces, des mesures prises de travers, tel serait le résultat le plus clair d'un zèle qui ne connaîtrait pas de règle. Il faut donc instruire le public et, tout d'abord, lui montrer ses erreurs qui sont énormes. On peut ramener à deux propositions essentielles les idées généralement reçues en matière d'économie forestière. Lapremière, c'est que « le bois pousse tout seul ». La forêt est un genre de propriété à part qui n'exige aucun travail cultural ; la nature se charge de tout et l'homme n'a qu'à laisser faire. Rien n'est plus faux. La production forestière obéit exactement aux mêmes lois que tout autre production industrielle ou agricole. Dans aucune branche de son activité matérielle, l'homme ne produit rien par lui-même ; c'est toujours la nature qui produit, mais elle ne produit utilement que si l'homme inter- vient pour diriger les forces par lesquelles elle se manifeste. C'est l'orien- tation donnée par l'homme aux agents naturels, chaleur, pesanteur, électricité, actions chimiques ou biologiques, qui détermine la valeur économique de la production. Si les forces physiques qui concourent à la végétation des arbres restaient entièrement livrées à elles-mêmes, on aurait bien une production forestière, mais cette production répon- drait fort mal aux besoins de la société, car elle ne fournirait à la con- sommation que des produits imparfaits ou vicieux, en quantité insuffi- sante ; elle aurait à peu près la valeur qu'a, dans l'alimentation, la cueil- lette des plantes et des fruits sauvages. Ce qui trompe le public, ce qui — 730 — INTERNATIONAL 1913 le porte à méconnaître la nécessité de l'intervention de l'homme, lorsqu'il s'agit de la forêt, c'est qu'il n'aperçoit pas les effets de cette intervention. La vie des arbres est si longue que, seul, le forestier peut saisir la trace des influences qui l'ont affectée. En agriculture, le labourage, les semailles et la moisson se renouvellent chaque année; ce tableau parle à tous les yeux Kit rend manifeste l'action du cultivateur dans la production. Mais le chêne de nos forêts ne peut dire au passant le nom des hommes qui, depuis deux cents ans, l'ont aidé à édifier sa magnificence. Il est des gens que la vue d'un arbre abattu transporte d'indignation comme une sorte de sacrilège. Pour eux, toute exploitation est condam- nable, a toute coupe d'arbres est un déboisement », et c'est là la deuxième maxime de la sagesse des foules. On pourrait citer de nombreux exemples de cette manière de voir. Au cours de la discussion du dernier budget, on a entendu un député, des mieux intentionnés d'ailleurs, se plaindre que le « Ministre de l'Agri- culture saccage les forêts de l'Etat »: «Il s'est laissé dire que, dans le courant de 1912 notamment, on a coupé pour des millions et des millions de francs de gros arbres, d'arbres en pleine prospérité, appartenant aux forêts domaniales. Il ne sait jusqu'à quel point le fait est exact et il serait heureux qu'on donnât à la Chambre des chiffres précis un jour prochain ». La presse, loin de combattre ces erreurs, croit servir l'intérêt général en les propageant. A tous moments, les forestiers sont accusés dans les journaux de détruire les forêts, de faire œuvre de vandales. Ici encore ce qu'on voit fait illusion sur ce qu'on ne voit pas. Ce qu'on voit, c'est le fait brutal de l'abatage d'un arbre, fait à la vérité pénible et ' qui retentit douloureusement en chacun de nous. Ce qu'on ne voit pas, c'est que la suppression de cet arbre procède d'une cause utile, d'une idée raisonnable. Une coupe de bois, faite à son heure et comme il convient , n'est pas autre chose qu'une récolte, acte en soi des plus légitimes. Et presque toujours la coupe est quelque chose de plus : c'est l'opération culturale par excellence, celle par laquelle l'homme du métier entre en collaboration avec la nature, soit pour régénérer la forêt et assurer sa perpétuité, soit pour améliorer ses conditions de végétation. Dans ce dernier cas, la récolte n'est même qu'un accessoire, et elle est souvent onéreuse. Ainsi un acte qui, de prime abord, apparaît comme le symbole du massacre et de la destruction devient, pour un homme averti, une mesure de conservation au premier chef. Mais tout cela exige une démonstration que personne ne fait. Si le public savait réfléchir, il se rendrait compte que la suppression des coupes dans les forêts ferait disparaître toutes les industries du bois et priverait la société d'une matière indispensable. On est positivement accablé lorsqu'on lit dans le Journal officiel des phrases comme celle-ci : ■ « Les mauvaises langues affirment que c'est là au fond (il s'agit de la vente des coupes) une façon détournée par l'Etat de faire de l'argent... Il serait, en effet, extraordinaire de constater que l'on réclame aux domaines de l'Etat une somme représentant une grande partie des 56 millions du budget de l'Agriculture ». Ce qui est plutôt extraordinaire, c'est qu'iin législateur puisse, en toute bonne foi, dénoncer l'exploitation des forêts domaniales comme une sorte d'attentat contre la chose publique et qu'il ne se trouve personne pour lui répondre. Le principe de non-intervention, qui est un véritable non sens écono- mique n'est pas moins faux, si l'on envisage la forêt au point de vue esthé- — 731 — CONGRES FORESTIER Ijque. C'est même dans cet ordre d'idées qu'il est le plus dangereux, car il revêt les allures d'une doctrine d'art qu'on proclame incompatible avec la technique des forestiers. Les partisans de cette doctrine profes- sent que toute exploitation tend à détruire la beauté de la forêt, qu'il faut laisser la nature agir seule, qu'en un mot, l'idéal c'est la forêt vierge. Assurément la forêt vierge a son genre de beauté; son existence peut se justifier, voire être désirable, dans certaines circonstances particu- lières. La science y trouvera des éléments de comparaison précieux et le touriste un attrait de curiosité peu banal. Il ne faut donc pas la condamner d'une façon absolue. Mais poser en axiome que la forêt vierge sera en tous lieux la plus belle, qu'il faut amener à cet état toutes nos grandes forêts de promenade, c'est véritablement tomber dans l'absurde et tourner le dos à la beauté aussi bien qu'à la nature. La beauté ne va guère sans la santé et la forêt abandonnée à elle-même est une forêt qui souffre et qui dépérit ; c'est une société qui regorge d'éclopés et d'infirmes, une cité sans règle où l'élite est opprimée par le vulgaire, où les vivants sont étouffés par les morts. Uhi solitudinem jaciunt, ibinaturam appellant, pourrait-on dire de ceux qui prônent la beauté désertique. Mais la nature n'a pas voulu partout des déserts ; on oublie qu'elle a placé l'homme à côté de la forêt et qu'elle les a destinés à vivre et à prospérer ensemble. Qu'on se garde de détruire une telle association ; c'est de l'harmonie de la forêt avec tout son milieu que naîtra la véritable beauté. Comment répandre ces notions générales? Il ne semble pas qu'on doive attendre de grands résultats d'un enseignement didactique. A première vue, il peut paraître séduisant d'instituer des cours, d'ouvrir des chaires dans les facultés ou dans les établissements d'instruction secondaire. On pourrait être t'ente de suivre l'exemple de la Belgique où il existe des cours « volants » de sylviculture professés par des agents forestiers et comportant une vingtaine ou une trentaine de leçons avec des examens et la délivrance d'un diplôme en fin d'études. Ces cours sont sans doute excellents, mais ils s'adressent à des personnes pour lesquelles la forêt représente un intérêt direct et personnel, élèves-gardes, régis- seurs, propriétaires désireux de mettre en valeur des terres incultes par le boisement. Un enseignement de cet ordre manquera toujours du rayonnement nécessaire pour atteindre le public que nous visons ici, public qui n'est, à aucun degré, professionnel, qui n'a ni le goût, ni le loisir de revenir à l'école et qui, pourtant, fait l'opinion. On n'agira sur ce public qu'à la condition de lui offrir une science aimable et facile au-devant de laquelle il aille de lui-même par délassement et par curiosité. Cette instruction familière, nous pourrons la donner à la manière des Grecs, en nous promenant sous les embrages. La « conférence-promenade » en forêt remplacera l'amphithéâtre. Dans les grands massifs forestiers fréquentés par les touristes, tels que les forêts de Fontainebleau ou de Compiègne, l'Estérel, la Coubre, pour ne citer que quelques exemples, les agents des Eaux et Forêts organiseraient des excursions analogues aux tournées d'herborisation ou de minéralogie que dirigent les professeurs de l'Université. Des avis dans la presse locale, au besoin quelques affiches, annonceraient au public que tel jour, à partir de telle heure, M. X..., inspecteur, ou M. Y..., garde- général, fera une conférence-promenade dans la forêt de..., en suivant tel ou tel itinéraire. Tous ceux qui se présenteraient seraient les bienvenus. — 732 — INTERNATIONAL 1913 Au cours de la promenade, l'agent forestier ferait halte aux points les plus intéressants et donnerait aux personnes qui l'accompagnent quelques explications sur le coin de forêt qu'elles ont sous les yeux ; les essences, leur adaptation au sol et au climat, le mélange de ces essences entre elles, l'âge des arbres les plus remarquables, le régime adopté et le but poursuivi par l'aménagement. Si l'on traversait une coupe de taillis sous futaie, le conférencier apprendrait à distinguer un taillis d'une futaie, il montrerait ce qu'on entend par baliveau, moderne ou ancien, comment on choisit ces arbres, comment on débite les bois abattus, à quels emplois on les destine, etc. Quelques aperçus sur la géologie, la flore ou la faune de la forêt ; quelques détails historiques, toujours très goûtés des ama- teurs, compléteraient au besoin ces renseignements dépourvus de tout pédantisme. L'agent forestier ferait, en somme, à ses auditeurs les hon- neurs de sa forêt : tel un grand propriétaire qui fait visiter son domaine, ou un ingénieur qui explique le fonctionnement de son usine à des étran- gers. Le promeneur de bonne volonté, qui aurait fait le petit effort d'écouter, trouverait bientôt dans les excursions en forêt un élément d'intérêt entièrement nouveau pour lui. Actuellement la forêt représente pour le touriste un monde inconnu, un mystère qu'il ne peut pénétrer ; il en perçoit sans doute la beauté, mais cette beauté demeure pour lui inexpressive et muette. Il l'aimerait plus encore le jour où il saurait la comprendre et discerner sous les aspects changeants des feuillages le jeu divers des forces de la nature. Le Touring-Club paraît tout désigné pour assurer le succès de ces conférences-promenades, en leur prêtant l'appui de sa large publicité, en collaborant à leur organisation, et en entraînant ses nombreux adhé- rents sur les pas des conférenciers. Un second moyen d'instruire le public nous est offert par la presse. Nombre de grands journaux publient périodiquement sous des titres divers : Chronique agricole^ la Vie rustique^ des articles de vulgarisation d'une lecture agréable dont les sujets sont empruntés à l'agriculture, à la chasse ou à la pêche. Quelques spécialistes sont passés maîtres en ce genre de littérature. Rien de semblable pour les choses forestières ; on trouvera dans nos grands quotidiens de faciles lamentations sur le déboisement, des appels retentissants pour sauver des forêts qui n'ont jamais couru aucun risque, mais aucun d'eux n'a jamais offert à ses lecteurs une causerie écrite par un homme connaissant la forêt et sachant dire ce qui s'y fait. Il y a là une lacune évidente. Encore une fois, il ne s'agit pas d'ouvrir les colonnes des journaux à des articles techniques ; la clientèle du Matin ou du Figaro n'est pas celle de la Revue des Eaux et Forets. Ce qu'il faut donner au public, ce sont des chroniques légères, égayées d'un brin de fantaisie, et qui fassent passer la leçon avec la peinture des choses. Pour brosser ces simples pochades de la vie forestière, qu'on fasse appel aux hommes du métier. Les bonnes plumes ne manquant pas dans l'Administration des Eaux et Forêts et il est à croire que la presse n'aurait pas à regretter leur collaboration. Quant à l'Adminis- tration, elle ne peut que gagner à encourager son personnel dans cette voie et à prendre de plus en plus contact avec le public. C'est l'insuffi- sance de ce contact, il faut bien le reconnaître, qui a perpétué l'état d'ignorance dont nous souffrons aujourd'hui. Le Touring-Club pourrait s'associer à ce mode d'enseignement en insé- rant dans sa Revue des articles de tourisme consacrés à des régions ^ 733 — CONGRES FORESTIER boisées, et dans lesquels les auteurs insisteraient sur les particularités forestières les plus intéressantes. Enfin, le Touring-Club pourrait publier sur les régions forestières les plus fréquentées des monographies sous forme de notices, qui seraient comme le résumé des explications données au cours des conférences- promenades. Ces notices, accompagnées autant que possible d'un plan, feraient connaître tout ce qui peut intéresser le tourisme : la géographie physique et administrative de la forêt, les grandes lignes de l'aménage- ment, les voies de communication, les sites et les peuplements les plus remarquables, les travaux dignes d'attention, etc. Ces notices seraient en quelque sorte le Baedeker ou le guide Joanne de la forêt. En résumé, nous avons l'honneur de proposer au Congrès l'adoption des vœux suivants : 1. Que V administration des Eaux et Forêts organise, avec le concours du Touring-Club, dans les régions forestières fréquentées par les touristes, des conférences-promenades accessibles à tous, en vue de donner au public des notions exactes sur la constitution des forêts et les diverses opérations de la sylviculture. II. Que la Presse sollicite et que V Administration encourage la colla- boration des agents des Eaux et Forêts pour instruire le public au moyen d^articles de vulgarisation. III. Que le Touring-Club contribue à la diffusion de cet enseignement écrit par des articles insérés dans sa Revue et des notices monographiques rédigées, sous ses auspices, par des agents des Eaux et Forêts. La lecture du rapport de M. Géneau est accueilUe par de vifs applau- dissements, M. LE Président. — Les applaudissements qui viennent d'accueillir le très intéressant rapport de M. Géneau prouvent combien il a touché juste et su envisager, sous ses angles les plus curieux, la question qu'il étudie. M. Beauquier propose d'ajouter les professeurs de botanique des Facultés aux personnes chargées de faire les conférences -prome- nades. M. Flahault, directeur de l'Institut botanique de l'Université de Montpellier, appuie l'observation de M. Beauquier et demande que le vœu de M. Géneau soit légèrement étendu et qu'au lieu d'indiquer simplement les agents forestiers, on ajoute : « ou toutes autres per-- sonnes compétentes ». M. LE Président. — Je crois que vous serez tous d'accord avec M. Flahault, Messieurs, pour admettre cette légère addition au texte du vœu de M. Géneau. Je mets aux voix les vœux du rapport de M. Géneau. Le premier de ces vœux, avec l'addition qu'on a proposée, est ainsi conçu : /d4t INTERNATIONAL 191o (( Que V administration des Eaux et Forêts organise^ avec le con- cours du Touring-Club^ des professeurs de botanique ou toutes autres personnes compétentes, dans les régions forestières fréquentées par les touristes, des conférences promenades accessibles à tous, en vue de donner au public des notions exactes sur la constitution des forêts et les diverses opérations de la sylviculture ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — Voici le vœu n" 2 du rapport de M. Géneau : « Que la Presse sollicite et que V Administration encourage la colla- boration des agents des Eaux et Forêts pour instruire le public au moyen d'articles de vulgarisation ». M. d'Almeida expose qu'un moyen très pratique de vulgarisation employé au Portugal consiste, dans tous les parcs nationaux, à faire étiqueter les arbres avec une notice très courte résumant la nature, l'espèce, la production. M. Flahault souligne que son ami M. Henriquez a emprunté ce pro- cédé au Jardin botanique de MontpeHier pour l'appliquer au Portugal, mais insiste à son tour sur le succès d'un tel moyen d'éducation. M. LE Président fait remarquer que les observations de MM. d'Al- meida et Flahault se rapportent plutôt à la question des arboretums, jardins alpins et parcs nationaux qui sera discutée ultérieurement et met aux voix le vœu de M. Géneau. Ce vœu est adopté. M. LE Président. — Voici le dernier vœu du rapport de M. Géneau : (( Que le Touring-Club contribue à la diffusion de cet enseignement écrit par des articles insérés dans sa Revue et des notices monographiques rédigées, sous ses auspices, par des agents des Eaux et Forêts ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. DiERCKX indique encore comme procédé de vulgarisation la création de Sociétés des amis de la forêt, telle celle de Soignes, en Belgique, qui auraient pour mission d-'organiser, plusieurs fois par an, des confé- rences-promenades. M. LE Président. — Nous pourrions relier les observations qui viennent d'être présentées avec les conclusions principales de la communication de M. Delville. (Assentiment.) La parole est à Mi Delville pour une communication relative à « La foret dans le développement du tourisme et l'Education esthétique des peuples ». — 735 — CONGRES FORESTIER M. Delville. — Le monde intellectuel semble s'enthousiasmer de plus en plus pour la foret et les beautés uaturelles. Déjà au Congrès international d'agriculture tenu à Vienne en 1907, la protection des paysages et la conservation des sites a fait l'objet de plusieurs rapports et donné lieu à des discussions fort intéressantes ainsi qu'à l'adoption de vœux dont un certain nombre ont reçu une exécution pratique. Le Touring-Club de France qui, avec d'autres organisations similaires, poursuit une active propagande en faveur des idées de protection et d'embellis sèment des forêts, en mettant au programme de la cinquième section « la FORÊT DANS LE DÉVELOPPEMENT DU Toi RISME ET l'ËdICATION ESTHÉTIQUE DES PEUPLES » a mérité la reconnaissance de tous ceux qui, devant la splen- deur, l'immensité, la sauvagerie ou simplement le pittoresque d'un paysage, éprouvent autant d'émotions fortes et douces que devant les plus grands tableaux des maîtres. Nous devons le proclamer bien haut, la forêt n'a pas uniquement pour but la production du bois. Elle est un laboratoire merveilleux, dans lequel il est exécuté des travaux qu'aucune puissance humaine ne saurait entreprendre ou imiter, elle remplit des fonctions climatériques et hygiéniques extrêmement importantes et elle contribue grandement aux agréments de la vie. Elle embellit la contrée et y exerce une influence bienfaisante par sa beauté," son charme et la satisfaction qu'elle procure ainsi que par les œuvres qu'elle inspire. Les contrées où il n'y a pas de végétation arborescente paraissent désertes et monotones. Les champs chargés des plus plantureuses récoltes, ne peuvent remplacer la forêt dans l'aspect du paysage et, lorsque l'hiver la neige a recouvert de son blanc et iuniforme linceul la contrée dépourvue d'arbustes et d'arbres, l'effet en est désespérant et force à la mélancolie. A celui qui est amant de la belle nature, elle offre à tout instant une nouvelle jouissance, une pensée grandiose et un doux plaisir (1). La forêt parle aux yeux, à l'esprit, à l'imagination et au cœur... Elle laisse découvrir à chaque pas de nouvelles beautés, de nouveaux agré- ments, elle porte aux nobles sentiments et ses mille bruits composent une harmonie plus poétique que les sons difïus de la civilisation. Un philosophe païen, Sénèque, voyait dans la forêt, la preuve de l'existence d'un Être suprême. Saint Bernard de (-lairvanx a avoué qu'il n'avait le plus souvent pas eu d'autres maîtres que les hêtres et les chênes, tandis que l'admirable auteur de y Imitation a inscrit sous son portrait : «Je cherchais la tranquillité et je ne la trouvais que dans les bois et les livres ». Dans les temps plus rapprochés, le célèbre ornithologiste américain Wilson a dit « qu'il avait pénétré des milliers de fois avec une extase approchant de l'adoration dans les forêts, ces grandes volières de laSiature. » Que de musiciens, Weber, Mendelssohn, Mozart, Haydn, ont reçu dans les forêts, l'inspiration de mélodies aujourd'hui célèbres. La peinture du paysage doit également sa renaissance à l'étude appro- fondie des forêts. L'artiste, en efïet, épure son goût et l'idéalise dans la contem- plation des arbres. Enfui, n'est-ce pas la futaie de hêtres, avec la colonnade de ses troncs élancés, les arêtes formées par ses branches et sa voûte de feuillage qui a été le type de l'art gothique, qui règne avec tant de majesté dans les temples chrétiens. Voyons là une fois de plus que la nature est maîtresse en toute chose chaque fois qu'elle n'a pas été contrariée par la main des hommes. Dans tous les pays, on a protégé les animaux sauvages par des lois et règle- ments sur la pêche, la chasse et la tenderie. Dans certaines régions, on a pris Ja défense des plantes (l'edelweiss en Autriche et en Suisse, la flore des mon- ^' tagnes en France, en Bavière, en Italie, en Espagne, en Ecosse, en Danemark et en Norvège). Partout on garde jalousement les monuments de l'art et de (1) Koltz. l^n peu de tout à propos de forêt. — 736 — I N T E K N A T I Ù .\ A I , J 9 1 3 l'histoire, mais il nous manque souvent des moyens de conserver les sites, les paysages, les forêts, ces monuments naturels remarquables. Ainsi que nous le disions dans un rapport adressé au Congrès de Vienne, nous pensons que la loi doit intervenir, mais non comme un instrument de coercition pouvant amener des révoltes individuelles, notamment dans les pays où le droit de propriété ne supporte que de rares atteintes et seulement dans des cas exceptionnels. C'est par l'éducation esthétique des masses que l'on résoudra, avec le moins de secousses, la question qui doit préoccuper toutes les nations : la conserva tion des beautés naturelles. Cette éducation doit être commencée à l'école primaire (1). C'est l'école qui doit préparer à la vie, et vivre, a dit un philosophe, c'est à la fois sentir et connaître, penser et agir. L'art doit faire partie intégrante de tout système complet d'éducation, mais il doit être enseigné en respectant les individualités, eu atteignant l'intelligence par les sens, afin de ne pas donner un jour à la société des hommes qui ne soient que la servile copie d'autnii. L'instituteur, qui recevra dans ce but une culture spéciale et une préparation sérieuse dans les écoles normales, profitera des excursions scolaires pour attirer l'attention des élèves sur la splendeur des spectacles de la nature et l'imposante majesté des monuments naturels. 11 évitera de leur présenter l'appréciation du maître, mais leur laissera le rôle actif. Eux-mêmes, doivent voir, regarder, observer, explorer, analyser, comparer, guidés discrètement par le professeur, qui aura l'air de discuter, d'étudier le sujet comme ses disciples, mais qui mettra toute son âme d'artiste et tout son talent d'éducateur à en faire jaillir tour à tour toutes les parcelles de beauté, de telle sorte que chacun, les ayant vues et senties sans qu'on les lui ait annoncées, croira les avoir découvertes. Ce qu'il faut à l'école primaire, c'est éveiller le sentiment latent du beau, c'est rendre les enfants conscients de leurs préférences, de leurs jugements, de leurs goûts, en matière d'esthétique champêtre. Dans cet ordre d'idées, l'enseignement forestier primaire, c'est-à-dire celui qui tend à inculquer les premières notions forestières sans portée scientifique mais dans un but pratique et éducatif, mérite d'être encouragé. Pour répandre dans les masses les premières notions de sylvicultui'e, dont la connaissance offre tant d'intérêt dans les pays forestiers, on a songé, en France, à l'instituteur public. C'est à lui, le premier éducateur de l'enfance, que revient le soin d'enseigner dans son école primaire, surtout par des leçons de choses, les principes élémentaires sur lesquels repose la gestion forestière. On a créé, dans ce but, des cours de sylviculture dans les écoles normales des principales régions boisées. Ces cours sont professés par des agents des eaux et forêts désignés de commun accord par les administrations intéressées. Ces instituteurs, pénétrés de l'utilité des forêts et de leur rôle dans la vie, s'appliquent à l'école primaire, par quelques notions et quelques leçons données sur le terrain, à faire aimer les arbres et les forêts par les enfants dont l'éduca- tion leur est confiée. Ils deviennent ainsi des collaborateurs utiles pour la protection et l'administration des forêts et pour la mise en valeur des terrains incultes, par le boisement. L'enseignement forestier primaire est poursuivi par l'institution de sociétés scolaires forestières, reposant sur la collaboration volontaire du personnel des eaux et forêts, avec les membres de l'enseignement primaire. Le Manuel de V Arbre, publié en 1907, grâce à l'initiative du T(»nring-(Uub de France et complété ensuite par un tableau mural, fut pour les instituteurs un premier guide précieux, leur fournissant le moyeu d'éveiller de bonne heure l'attention de l'enfant sur les bienfaits de la forêt, de lui inspirer l'amour (1) Un député l>elg qui est d'une incontestable beauté en tant qu'imitation de sites naturels, ainsi que la constitution à Bruxelles (1) Aimons les iirhrt's. Pi'.i;?s choisies [nw t. nuis Pii'-r.irii. — 7'.0 — INTERNATIONAL 1913 d'une société nouvelie sous le titre : Le nouveau jardin pittoiesque ». Les fondateurs ont pour but de populariser en Belgique le type du (jardin natu- rel », ce que les Anglais appellent le « Wald Garden -, avec, en plus, une note d'art apportée par l'aménagement de scènes pittoresques. Enfin, il s'est formé en Belgique comme en France, en Allemagne et en Suisse des comités régionaux composés de personnes pouvant, par leur prestige, leur talent, leur autorité ou leur popularité, exercer une influence bienfaisante sur les masses et ainsi répandre dans toutes les classes de la société, le respect des beautés naturelles. Nous en connaissons qui, par des conférences avec projections lumineuses, ont assumé la tâche de populariser le sentiment du beau et du pittoresque. Et M. Delville cite l'exemple du Comité des Sites et Promenades de Bouillon (Belgique) dont le programme se résume en deux mots : Conserver- Améliorer. Conserver tout le pittoresque naturel des sites ; améliorer l'accès des points culminants, des endroits sauvages et agrestes, des calmes retraites, de fraîche verdure où, sans être dérangé, le promeneur peut, suivant l'expression du {)oète, «jouir du chant des oiseaux, du bruissement des feuilles, du souffle lie la brise et des parfums de la forêt ■. De telles initiatives méritent d'être vivement encouragées. A la protection des forêts et aux vertus éducatives que l'on doit reconnaître à Tceuvre que nous défendons, se lie dans notre esprit, d'une façon intime, la protection des êtres ailés qui les peuplent, les animent et les égaient et nous croyons devoir signaler ici le mouvement qui s'accentue en faveur de l'oiseau. L'adrnipistration forestière et les administrations communales de plusieurs grandes villes font placer des nids artificiels dans les arbres qui entourent les maisons des gardes et dans les parcs publics. A Bruxelles, des pâtées et des graines sont distribuées en hiver. A Stavelot, les petits oiseaux sont recueillis et soignés pendant la saison des frimas et lâchés aux premiers jours du prin- temps. Ailleurs, on organise des concours de nichoirs entre les élèves des écoles. En Amérique, pays des innovations et des excentricités, on ordonne aux instituteurs de faire" prêter, à la rentrée des classes, ce serinent à tous les écoliers : < Je jure de ne détmire ni les arbres, ni les fleurs ; de protéger les petits oiseaux ; de respecter la propriété d'autrui, afin qu'on respecte la mienne, etc. > Et ainsi, lentement, mais sûrement, l'on prépare la génération de demain à apprécier toute l'importance des œuvres de la natuure et les saines et innom- brables jouissances que celle-ci procure à ceux qui savent la comprendre et l'aimer. Les nations sont les dépositaires, et non les propriétaires, des œuvres et des richesses naturelles et il importe, non seulement à l'État, mais à tous les habi- tants, de veiller à la protection de la nature et spécialement des forêts, dont l'existence est une nécessité matérielle et morale pour les peuples. A ce point de vue, la génération actuelle porte vis-à-vis des générations futures une responsabilité qu'il importe de mettre en évidence. Partant du principe que la conservation, le développement et l'embellisse- ment des forêts doivent faire l'objet d'une collaboration des pouvoirs publics et des particuliers, nous émettons les conclusions et voeux suivants : r^ Dresser dans tous les pays un inventaire des régions boisées ou non présentant un intérêt spécial aux points de vue de la flore, de la faune ou iitorcs//ue, qu il conviendrait de conserver avec leur caractère notunl ri l'aire cominitre ces •■■ réserves > au puhUc. 2" loir les •gouvernements développer et vulgariser Fensei^^uenienl sijlvicole — 1\\ — CONGRES FORESTIER SOUS la forme la plus simple, répandant par tous les moyens possibles les notions forestières éléinentaires et en organisant des excursions scolaires. 3° Faire l'éducation esthétique du public : a) En inculquant à Venfance et à V adolescence dans les écoles, collèges, athénées, lycées, le sentiment et le respect du Beau. b) En propageant par la photographie et les conférences avec projections lumineuses le culte, c'est-à-dire V admiration des beautés naturelles et notam- ment des arbres. c) En multipliant les fêtes de V arbre. d) En formant des comités régionaux qui ont pour but de veiller à la conser- vation des sites les plus intéressants, de les faire connaître au public par des livrets-guides et des plans d''un prix minime et de faciliter Vaccès ou la con- templation des endroits sauvages et agrestes encore peu connus des promeneurs. e) En intervenant judicieusement par la voie de la Presse. 4° Inviter les gouvernements à acquérir, principalement dans les régions industrielles, les propriétés forestières dont la conservation est d'intérêt général OMX points de vue de l'hygiène et du pittoresque et à les aménager en tenant largement compte des considérations esthétiques. 5° Intervenir par voie de conseils auprès des administrations publiques et des particuliers à l'occasion des travaux qui peuvent porter atteinte aux paysages. 6° Placer entre les mains des gouvernements, une arme légale adoptée aux mœurs du pays et au tempérament national. Messieurs, je le déclare pour terminer, je suis venu au Congrès moins pour donner des avis et des conseils que pour prendre des leçons et je me résume en ces quelques mots : Unir nos efforts pour faire connaître les forêts et les autres beautés naturelles ; car les connaître c'est les aimer, et les aimer, c'est les conserver et les respecter, {Applaudisse- ments.) M. LE Président. — Quelqu'un a-t-il des observations à présenter au sujet de ces vœux? M. Géneau. — Le premier vœu touche à la question des parcs nationaux M. LE Président. — La dernière phrase lui donne, en effet, un caractère un peu spécial, et je serais d'avis de la supprimer ; mais le commence- ment est excellent. M. Delville. — 11 s'agit de dresser le cadastre du Beau. Si vous voulez supprimer les mots : « faire connaître ces réserves au public )> je ne ferai pas d'objection ; je parle naturellement des réserves de beauté en général. M. LE Président. — Je vous propose donc. Messieurs, d'adopter le pre- mier vœu ainsi rédigé : (( lo Dresser dans tous les pays un inventaire des régions boisées ou non présentant un intérêt spécial au point de vue de la flore., de la -.- 742 — INTERNATIONAL 1913 faïuie ou simplement du pittoresque, qa il coiwiendrait de conser^'er avec leur caractère naturel ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — Voici les vœux suivants : « 20 Voir les gouvernements développer et vulgariser V enseignement sylvicole sous la forme la plus simple en répandant par tous les moyens possibles les notions forestières élémentaires et en organisant des excursions scolaires ». Adopté. « 3" Faire V éducation esthétique du public : a) En inculquant à Venfance et à Vadolescence dans les écoles, col- lèges, athénées, lycées, le sentiment et le respect du Beau. b) En propageant par la photographie et les conférences avec pro- jections lumineuses le culte, c est- à- dire V admiration des beautés naturelles et notamment des arbres. c) En ijtultipliant les fêtes de Varbre. d) En formant des Comités régionaux qui ont pour but de veiller à la conservation des sites les plus intéressants, de les faire connaître au public par des livrets- guides et des plans d'un prix minime et de faciliter Vaccès ou la contemplation des endroits sauvages et agrestes encore peu connus des promeneurs. e) En intervenant judicieusement par la voie de la presse ». Adopté. « 40 Inviter les gouvernements à acquérir principalement dans les régions industrielles, les propriétés forestières dont la conservation est d'intérêt général aux points de vue de V hygiène et du pittoresque et à les aménager en tenant largement compte des considérations esthé- tiques «. Adopté. 50 Intervenir par voie de conseils auprès des administrations publi- ques et des particuliers à Voccasion des travaux qui peuvent porter atteinte aux paysages ». Adopté. « 60 Placer entre les mains des gouvernements une arme légale adaptée aux mœurs du pays et au tempérament national ». Adopté. M. DiERCKx. — On n'a pas statué sur le vœu relatif aux encouragements à donner aux Sociétés des amis des arbres. M. LE Président, — Si votre vœu n'est pas rédigé, nous ne pouvons Hadopter. Nous n'y sommes pas opposés en principe ; mais il y a à arrêter une question de rédaction. Voulez-vous donc en rédiger les — 743 — COXGlîKS FOKESTIKH termes et avoir l'obligeance de nous Je présenter au début de la séance de cet après-midi. M. Anselme Changeur. — Je vous demanderai la permission, Monsieur le président, avant de lever la séance, de lire mon rapport. Il ne soulève aucune observation particulière. M. LE Président. — Pas d'opposition? La parole est à M. Changeur. M. Changeur donne lecture de son rapport sur la " Beauté du pays PAR LA FORÊT ». Il semble que la Nature ait voulu, en quelque sorte, parer de beauté sa puissance, associer la grâce ou la majesté au jeu des organes par quoi s'exercent ses fonctions vitales : sources, lleuves, mers, bois, forêts. Car la forêt n'est point inférieure en splendeur à l'élément immense, l'Océan. Elle évoque des sensations égales de puissance et de grandeur. Les voix de la foret ont un registre aussi étendu que celles de la mer, et le grand souffle dont elle s'anime sous les caresses de la brise ou les mor- sures de la tempête l'apparente aux ilôts tantôt chantants, tantôt hur- lants. Et l'on conçoit sans peine que la forêt fût le preijiier temple des hommes et qu'ils aient attribué un caractère sacré aux géants sylvestres, vivants emblèmes de force et de durée. Comme la mer, elle est toujours en beauté. Chaque saison tient à honneur de la parer. L'hiver môme, le dur hiver qui la dépouille, ne l'avilit ni ne l'enlaidit : ce n'est pas un attrait moindre, c'est un attrait autre cfu'il lui donne. Alors le peuple noir des arbres, éclairé par places du fût marmoréen des bouleaux blancs, développe sans voiles sa muscu- lature puissante, veloutée de mousse, festonnée de lierre ou ponctuée des touffes vives du gui. La solennelle beauté des bois silencieux s'affirme aussi émouvante qu'aux époques où des frissements d'ailes et des trilles d'oiseaux A-ibrent sous les frondaisons épaisses. Et l'été n'offre pas de spectacle plus magnifique que le ciel rouge des crépuscules d'hiver flamboyant en lueurs de vitraux sertis de l'étain des ramures dénu- dées. Mais la forêt n'est point que beauté, elle est aussi force. Réservoir d'énergies, dispensatrice de vie, vivante elle-même, c'est d'elle que le fleuve tient le cours large et régulier qui, né en torrent ou en ruisseau, s'enfle en avançant, s'accroît des rubans d'argent de mille affluents et traverse les plaines en répandant la fécondité dans les campagnes, la prospérité dans les villes. La forêt a su capter, puis retenir la force qui voguait aux flancs des nuages; puis, la défendant des ardeurs du soleil ou des rigueurs de la gelée, la distribuer avec mesure. Aussi un pays ne saurait-il être beau et fort — les deux termes sont ici synonymes — s'il ne possède cet élément es.sentiel : la forêt. La vigne aux longs enlacements sert de parure aux arbres, la grappe rubiconde aux vignes, le taureau mugissant au troupeau, la moisson blonde aux campagnes, a dit le poète des Bucoliques, et la forêt aux nations, peut-on ajouter. Un pays est incomplet, pour ainsi dire, si en ses plaines ne s'étale l'épais tapis aux senteurs vivifiantes de la forêt, si l'épaule de ses collines ou de ses monts ne se drape du largo manteau, aux nuances changeantes au gré des saisons, de la forêt profonde. I N T E U X A r I ( ) N A L 19 1 3 La douce terre de France joint ce prestige à beaucoup d'autres. Son sol aimé des dieux, son sol hospitalier aux arbres comme aux hommes, présente les plus riches spécimens de toutes les essences depuis l'orme, l'arbre national au point de porter en maint endroit le nom du plus popu- laire des ministres français, Sully, jusqu'au cèdre dont les larges rameaux horizontaux étendent autour d'eux une bénédiction de patriarche venu des régions biblicpies. Les Vosges, les Ardennes, l'Esterel, les forêts du Jura, de l'Auvergne, du Morvan, des Landes, des Pyrénées, pour ne citer que les plus notables, sont autant de joyaux dont elle peut s'enorgueillir. Chaque province possède un fleuron du diadème national, berceau de races fières, symbole des vertus locales, car une sorte de fraternité unit l'arbre et l'iiomme, les marque presque d'un sceau commun. C'est là une incomparable beauté, c'est là une richesse qu'il importe de défendre jalouFcment, de conserver et d'augmenter sans cesse. Il faut ajouter que la forêt ne peut être élément de beauté que si elle est belle elle-même. Et la première condition pour qu'elle soit belle est qu'aucune exploitation abusive ou irraisonnée n'en altère le caractère origine], nous dirions même volontiers « aucune exploitation » tout court, si nous ne craignions de heurter des convictions profondes, mais inspirées do principes plutôt utilitaires qu'esthétiques. Il faut, en un mot, que la plus large liberté soit laissée à l'œuvre de la nature, que l'homme y mette le moins possible la main — sinon le pied — et que, sauf les routes et les sentiers indispensables à la traversée de la forêt, nulle note « humaine » n'en diminue le charme intégral. 11 est assez délicat de fixer avec précision quelles régions seraient, plus que d'autres, susceptibles de rec(;voir cet élément de beauté. D'une manière générale, la forêt semble s'adapter plus spécialement aux endroits d'une certaine altitude, collines ou montagnes, tant au point de vue esthétique qu'au point de vue utile, étant admis la relation étroite de la forêt avec l'atmosphère et son rôle d'agent de transmission et de diffusion de l'humi- dité aérienne. Elle constitue le couronnement naturel des cimes. Mais ce qu'il est nécessaire de répéter, en conclusion de ces observations, c'est que la forêt, où qu'elle se trouve, apporte une contribution essentielle, indispensable à la beauté du pays, et que nul pays n'est absolument -beau qui ne la possède. En conséquence, nous avons l'honneur de proposer les vceux suivants au Congrès Forestier : I. QiC aucun moyen ne soit épargné d'abord pour conserver les forêts existantes, ensuite pour en accroître Vétendue et le nombre, soit par les soins de VËtat, soit par des encouragements aux initiatives privées. II. Que dans V exploitation des forêts actuelles et futures il soit tenu compte dans la plus large mesure possible de Vintérêt esth.étique que ces forets peuvent présenter. M. LE Président. — .le rtMjis ([ue ces vœux sont de euijx ([ui di>ivent réunir l'unanimité, .le les mets aux voix. Ces vœux sont adoptés. La séance est levée à midi. CO>'GRES. FORESTIER SEANCE DU 16 JUIN 1913 (après-midi) Présidence de M, GHAIX, président de Section La séance est ouverte à deux heures. M. LE Président. — M. Flahault a la parole pour la lecture de son rapport et l'exposé de ses idées sur les Jardins alpins et les Arbo- RETUMS. L'attention a été appelée dès longtemps sur l'opportunité de créer en montagne des jardins comme centres d'étude des problèmes intéressant la biologie des végétaux propres aux zones élevées et l'économie des montagnes. Les efforts tentés en Autriche et en Suisse par de savants économistes, de 1835 à 1875, n'eurent pourtant qu'un succès éphé- mère, en dépit de l'autorité des hommes qui en avaient pris l'initiative. Jaidius alpins. Les jardius dits alpins sont assez nombreux aujourd'hui dans les pays d'Europe entre lesquels se partagent les Alpes. Tous les établissements de ce genre ne sont pourtant pas aux Alpes, Il en existe au moins un dans les Pyrénées centrales françaises ; quelques-uns sont situés dans les basses montagnes de l'Europe occidentale et centrale. Le Danemark en possède un au Groenland. Un certain nombre de jardins ont été créés, puis ont disparu. Pendant quelques années, le but à atteindre ne paraissait pas assez précis. Certains furent établis sans que leurs créateurs eussent les ressources nécessaires pour en assurer l'entretien; l'inexpérience et l'imprévoyance ont com- promis des tentatives louables. L'histoire de ces essais a été écrite et publiée (1). Aii>oieiinus. Il existe aussi quelques arboretums, collections d'arbres étrangers au pays où elles sont établies. Ces arboretums ont été créés surtout dans le but de discerner des espèces présentant des avantages forestiers. Certains d'entre eux sont devenus des centres importants pour l'étude des pro- blèmes forestiers (Suisse, Autriche, Bavière). En outre, les services fores- tiers ont multiplié en certains pays les places d'essais qui rendent de grands services, notamment en Autriche et en Suisse. Ces places d'essais (1) J. Ivolas, Les Jardins alpins : broch. in-8°, 100 p. P. Klincksieck, Paris, 1908. — 746 — INTERNATIONAL 1913 sont au nombre de 500 environ sur le seul territoire de la monarchie austro-hongroise ; on y poursuit des expériences sur tous les problèmes de la culture forestière. Deux Congrès spéciaux ont réuni en Suisse (1904 et 1907) un certain nombre de personnes s'intéressant aux questions de botanique et d'éco> nomie alpestres. On y a précisé les problèmes à résoudre et tracé un pro- gramme de recherches. Un troisième Congrès paraissait désirable ; diverses circonstances majeures en ont empêché la réunion. En attendant, on travaille. Plusieurs des jardins actuels sont devenus des centres actifs de recherches ; le moment semble venu de formuler de Jégitimes désirs relativement au rôle des jardins de montagne, arbore- tums, places d'essais dans les études relatives à l'économie des montagnes sous les latitudes moyennes. Enoncés de principes. — 1. Le chmat détermine les possibilités de l'économie biologique et du peuplement des montagnes ; or, la végétation est le miroir fidèle du climat; elle en traduit les moindres nuances de la façon la plus précise. La connaissance de la végétation est, par suite, la condition fondamentale, la base de toute étude sur l'économie biolo- gique et sur l'exploitation biologique intensive des montagnes. 2. C'est la végétation qui nourrit et qui peuple. La plante domine tous les autres facteurs de la production agricole ; la géographie des plantes joue donc un rôle prépondérant dans l'économie biologique rationnelle du sol. Le botaniste a donc le devoir d'étudier la végétation dans ses rapports avec l'économie biologique du sol, d'où dépend le peuplement rumain. 3. La plupart des montagnes de l'Europe ne sont pas aussi peuplées qu'elles pourraient, qu'elles devraient l'être, si l'on tient compte des possibilités naturelles. Les montagnes de France sont, à cet égard, en mauvaise situation. Nous trouvons des modèles à imiter, particulièrement en Suisse. 4. Ménager, produire et utiliser au maximum la végétation la plus conforme aux possibilités d'un lieu déterminé, c'est préparer la place à un nombre maximum de vies humaines ; c'est tendre vers la densité maximum de peuplement pour ce Heu. Etendre cette oeuvre à tout espace habitable avec la même préoccupation, c'est favoriser l'expansion de l'humanité. La culture du sol ne saurait avoir de but plus élevé. 5. Données scientifiques et économiques. Programme d^ études. — - Le cul- tivateur ne modifie pas le climat; il le subit. Le climat détermine, par l'intermédiaire de la végétation, les possibilités du peuplement et le mode de vie des hommes. En conséquence, il y a lieu, à la faveur des centres d'étude créés en montagne d'établir la climatologie locale, en ce qu'elle a de plus essentiel pour la vie végétale : températures de l'air et du sol, gelées ; précipitations atmosphériques, enseignement, nébulosité, luminosité ; il faut noter les températures maxima et minima de chaque jour et ne pas se contenter de moyennes journalières. 6. Dans les pays tempérés, le climat impose une distinction fonda- mentale du territoire en trois catégories économiques primordiales, déter- minant les rapports essentiels de l'homme avec les produits vivants du sol. On reconnaît, en effet, des terres de vocation agricole, de vocation forestière, de vocation pastorale. Ces distinctions sont ordinairement faciles dans les régions montagneuses sous les latitudes moyennes ; elles — 747 — CONGRES FORESTIER se révèlent avant tout par l'étude détaillée de la végétation spontanée aux différents étages des montagnes. En conséquence, la connaissance des associations végétales naturelles devant être la base des travaux d'économie rationnelle du sol, il y a lieu : 1° de faire la statistique aussi complète que possible du domaine occupé par les jardins, arboretums,etc. ; 2*' de décrire exactement les associations végétales spontanées dans leurs rapports avec les stations qui les portent On se préoccupera en particulier des champignons et des parasites con- tribuant à limiter l'extension des végétaux cultivés et des espèces ligneu- ses ; 3° de faire des observations phénologiques de la base au sommet des montagnes, au moins sur les espèces dominantes et les plus répandues. Les observations porteront principalement sur les premières manifes- tations de la vie au printemps, la feuillaison et la défeuillaison des espèces ligneuses les plus répandues, la floraison des espèces printanières,la limite à laquelle diverses espèces mûrissent leurs fruits et leurs graines, les flo- raisons tardives, l'arrêt automnal manifeste de la végétation aérienne, les phénomènes biologiques déterminés par des accidents climatiques exceptionnels. 7. La culture assure aux terres de vocation agricole le rendement maximum qu'on en puisse attendre ; elle y permet la densité de peuple- ment la plus grande qu'on en puisse espérer. Il faut donc la développer, l'encourager et la perfectionner. Ces terres de vocation agricole pénètrent bien avant dans les vallées, s'eflilent dans les vallons, s'y égrènent. Il faut en respecter la vocation, y maintenir l'homme, protéger ces pous- sières d'humanité. En conséquence, il y a lieu de rechercher avec d'autant plus de soin qu'il s'agit de sites plus élevés, les terres de vocation forestière, vocation déterminée éventuellement par le climat local, l'exposition, la situation géographique. Il y a lieu de compléter cette étude par Vanalyse des sols, par la détermination des possibilités d' irrigation, le sol et l'eau pouvant accroître ou diminuer les possibilités agricoles dépendant du climat. La main-d'œuvre ayant une importance majeure en montagne, il convient d'étudier aussi tout ce qui contribue à la maintenir et à la déve- lopper, conditions du travail, forme des contrats de travail, etc., questions liées aux possibilités de l'agriculture en montagne. 8. C'est par l'exploitation des forêts que les territoires de vocation forestière atteignent leur rendement maximum. Il faut donc y dévelop- per autant que possible l'exploitation du bois. Les limites normales des terres de vocation forestière sont le plus souvent indécises ; les travaux de reboisement ne tiennent pas toujours assez compte des limites ration- nelles dans lesquelles il faut les effectuer. En conséquence, il y a lieu : 1° de recueillir des notes précises sur la biologie des espèces ligneuses, au moins les plus répandues, considérées surtout au voisinage de leurs limites; établir leurs hmites extrêmes et les causes diverses, climatiques ou autres qui les déterminent ; 2° de dresser des cartes détaillées de la répartition spontanée des végétaux ligneux dans les vallées de montagne et les massifs montagneux, cartes appelées à fournir une base solide à tous les travaux de restauration et d'exploita- tion économique dos montagnes. Des travaux de ce genre, poursuivis en Suisse depuis 1900, ont donné déjà des résultats de première importance et fourni des règles aux forestiers reboiseurs. 9. Les territoires de vocation pastorale fournissent, par l'exploitation — 748 — INTERNATJOiNAL 1913 des plantes herbacées en vue de l'élevage du bétail, If rendement muxi- mum qu'on en puisse espérer. Dans les limites où aucun autre mode d'exploitation n'est plus favorable, il convient de développer l'exploita- tion pastorale et de lui assurer le caractère le plus extensif. En conséquence, il y a lieu de reconnaître les territoires oà V exploitation pastorale est seule possible, de rechercher tous les moyens de la rendre aussi intensive que possible, de déterminer les améliorations pastorales de toute sorte, capables d'accroître le rendement par unité de surface, de permettre l'augmentation du cheptel en montagne et l'accroissement corrélatif du peuplement humain. La Suisse nous offre encore des modèles à cet égard. 10. Indépendamment de la vocation imposée à la terre par le climat, des convenances multiples peuvent déterminer des habitants avisés à utiliser de diverses manières le sol des montagnes. Des circonstances par- ticulières, souvent locales (débouchés, etc.) déterminent ces convenances^ elles n'infirment pas la valeur de la distinction primordiale établie par le climat. Cette considération conduit à V étude des moyens de suppléer à V insuffi.- sance des ressources principales par des ressources annexes. L'Agriculture insuffisante trouve des compléments nécessaires dans l'exploitation forestière ou pastorale, dans les industries dérivées, dans les petites industries familiales, dans l'utilisation des petits produits du sol, voire même dans les industries minières, dans l'industrie hôtelière,. Le but suprême de l'économiste, en ce qui concerne la montagne, étant de la voir peuplée et productrice au maximum, aucune de ces questions n'est indigne de ses préoccupations. Pourquoi des habitations sont-elles délaissées ? Cet abandon est-il rationnel, nécessaire, imposé par le climat ou la pauvreté du sol ? S'il n'est pas nécessaire, il est infiniment regret- table. Il y a donc lieu d'étudier ce côté de la question par l'étude très attentive des fourrages et des moyens de les améliorer, par l'étude de la possibilité des cultures maraîchères et des améliorations de l'hygiène alimentaire. La montagne ne peut être prospère qu'à la condition d'être habitée par une population en rapport avec les possibilités naturelles sagement mises en valeur. S'il s'agit de places ou de stations d'essais, dépourvues de personnel scientifiquement préparé, on se contentera d'un programme restreint ; des études spéciales y seront entreprises d'après la situation, les nécessités locales ou momentanées, par exemple, sur les meilleures races des espèces forestières indigènes, sur l'importance des engrais dans les pépinières forestières, sur la valeur des graines de différentes provenances, sur les adaptations des essences forestières à des sols différents, sur les maladies qui menacent les essences forestières dans le pays. Le programme pourra s'élargir d'autant plus que le personnel sera scientifiquement mieux préparé, qu'il aura une plus grande expérience du pays et de plus grandes ressources matérielles. Les arboretums ren- dront d'autant plus de services qu'ils seront confiés à des techniciens ou à des savants plus expérimentés. Les jardins botaniques de montagne, sous la direction d'hommes préparés de longue main, seront pourvus de laboratoires où l'on puisse séjourner, où tous les problèmes spéciaux à l'économie des montagnes puissent être abordés par des spécialistes. Quels que soient les objets soumis à l'étude, on n'oubliera pas que s'il s'agit de la solution de graves problèmes techniques, il s'agit aussi du rôle — 749 — CONGRES FORESTIER social de la montagne, étroitement lié à son exploitation économique la plus rationnelle et la plus prévoyante. Le Congrès émet le vœu : Que les jardins de montagne, arhoretums, stations ou places dressais soient établis comme centres d'études non seulement pour les questions de sylviculture, mais pour tous les objets intéressant Véconomie des montagnes comme foyers de vie humaine. Messieurs. — H y a un instant, j'entendais un de nos confrères jeter ces mots en passant devant la porte : « Ici, c'est l'esthétique ». Permettez-moi de vous dire qu'à mes yeux, ici ce n'est pas l'esthé- tique. J'ai accepté très volontiers de faire ce rapport sur les Jardins alpins et sur les Arboretums et je déclare que ce n'est pas du tout, à mes yeux, une question d'esthétique. Comme l'a dit ce matin M. le Ministre, c'est la question de la vie humaine, c'est la question de la vie sociale qui est en jeu. Je crois en effet que la préoccupation essentielle des sylviculteurs professionnels comme des hommes de science s'intéressant aux sciences biologiques, doit être de mettre chaque chose à sa place dans la nature, et que la restauration, — pour employer cette expression au sens archéologique du mot, — la restauration de notre monde ne peut venir que de la mise de chaque chose à sa place. Voilà pourquoi, à mon sens, il faut qu'il y ait des arboretums, des jardins alpins. Il y a des principes qui permettent d'établir immédiatement le bien- fondé de cette affirmation. D'abord, la végétation est le miroir du cli- mat. La végétation exprime le climat avec une netteté et une pré- cision infiniment plus grandes que tous les observatoires météorolo- giques. Eùt-on vingt observatoires météorologiques dans un même massif montagneux, la végétation exprime le climat avec plus de netteté que ces vingt observatoires. Sur le versant d'une montagne, il y a des différences de niveau de quelques mètres qui suffisent souvent à introduire des différences dans la végétation. On ne s'est pas assez préoccupé de ces choses qui ont une importance capitale. En second lieu, je ne saurai jamais aseez le répéter, c'est la végé- tation qui nourrit et qui peuple. H y a quelques semaines, j'étais au désert du sud tunisien : là où on crée des oasis, on crée la vie. Dans la montagne, là où on crée la forêt, on crée la vie : il n'y a pas un point du monde où on peut nourrir un enfant si on n'a pas de bois pour faire du feu. Partout où on a déboisé, comme dans les Pyrénées, à plus de 1.000 mètres, il est impossible de nourrir un enfant à cette altitude. Si on réussit à créer la forêt, comme la Suisse l'a créée, jusqu'à L800 mètres, on porte les possibilités de la vie humaine à cette même altitude. Voilà les principes fondamentaux sur lesquels nous, biologistes et forestiers, nous devons nous appuyer. Si noua faisons le calcul des terrains vacants et des landes sans rapport qui se trouvent actuel- — 750 — INTERNATIONAL 1913 lement dans les six départements méditerranéens des Pyrénées -Orien- tales, de l'Aude, de l'Hérault, du Gard, des Bouches -du- Rhône et des Alpes -Maritimes ; nous devons considérer qu'il y a de ce fait un déficit de 585.000 vies humaines, 585.000 vies humaines exclues du pays par le fait du désordre introduit dans la nature par l'existence de ces landes improductives. Je dis que ce manque de vies humaines pèse comme une responsabilité majeure sur notre pays et qu'il est du devoir, non pas seulement des forestiers, mais de tout citoyen, d'y remédier par un effort constant. Or, aménager, produire et utiliser au maximum la végétation la plus conforme aux possibilités d'un heu déterminé, c'est préparer la place à un nombre maximum de vies humaines. Vous voyez que nous dépassons de beaucoup la portée d'une section considérée comme s'occupant d'esthétique. C'est, en réalité, de la population de notre pays que nous nous occupons, c'est de cette France qui s'appauvrit en hommes que nous nous occupons. Puisque le cultivateur ne modifie pas le climat et qu'il le subit, nous devons, nous, hommes instruits, instruire les gens du peuple. Je connais des hameaux où on ne sait pas qu'il existe des écoles où on peut apprendre l'agriculture et la sylviculture. Dans les pays tempérés que nous habitons, le climat à lui seul, indé- pendamment de toute autre condition, impose une division du sol en trois catégories : terres de vocation agricole, terres de vocation fores- tière, terres de vocation pastorale. Et lorsque nos camarades fores- tiers déterminent des périmètres de reboisement, ils doivent déter- miner des périmètres basés exclusivement sur la vocation des terres. J'évoque ici le souvenir d'un nom que je respecte entre tous, celui de mon ami et maître Georges Fabre. Si Georges Fabre reste, — et il restera, — ■ le premier sylviculteur de France, c'est parce qu'il a reconnu, en botaniste qu'il était, cette question des vocations et que jamais il n'a consenti à faire entrer dans un périmètre, un champ qui pût produire davantage par l'agriculture. que par la forêt. C'est donc avant tout une question de géographie botanique, de géographie biologique. Nous devons pousser la forêt aussi loin qu'elle peut être poussée, mais il est inutile, il est nuisible, de vouloir la pous- ser au delà de ses limites naturelles : on n'y ferait que des sottises. Nous entendons parfois, — j'en ai entendu, je vous le dis un peu bas, — de jeunes forestiers de 23 ou 24 ans nous dire : « Dans les Alpes, je plante jusqu'à 2.600 mètres. » Il m'arrive de leur répondre : « Permettez-moi de vous dire qu'il vaudrait peut-être mieux que l'Etat conservât son budget. Aucun arbre ne peut vivre chez nous à 2.600 mètres. » A 2.600 mètres, en effet, on a dépassé les limites des possibilités. Il y a donc une question scientifique, une question pour laquelle nous avons besoin de bases scientifiquement très précises. Ces bases scientifiquement très précises, c'est dans les arboretums et les jardins alpins qu'on peut les trouver. Permettez-moi de vous rappeler ce que j'ai dit au commencement de mon rapport : Il y a, sur le territoire de la monarchie austro-hongroise, cinq cents places — 751 — CONGRES FORESTIER d'essais ou arboretums ou jardins botaniques. Que ceux d'entre vous qui sont au courant de cette question veuillent bien se demander combien il y en a en France. Je ne réponds pas moi-même. Il serait intéressant qu'il y eût en France des places d'essais, des arboretums ou jardins botaniques, dans les différents massifs et dans les diverses conditions naturelles qu'offre notre pays, — et aussi que les surfaces consacrées à l'expérience soient observées pour le massif en vue duquel elles seraient établies, car, ainsi que je le disais tout à l'heure, il y a des nuances qui ne se marquent que par des différences de quelques mètres d'altitude, de telles sorte que les données ne peu- vent servir que pour un groupe déterminé. Je puis donner des conseils autorisés sur quelques points du massif central, je ne me permets pas, sans y aller voir, de donner des avis sur d'autres parties, car je ne m'appuie précisément que sur des connais- sances précises, absolument nécessaires. La main-d'œuvre a une importance majeure en montagne et il faut absolument l'y retenir, ou l'y amener. Pour cela, il faut que les jardins, arboretums, places d'essais soient des centres d'études et d'observations aussi précisée que possible sur toutes les possibilités économiques du territoire où l'on est établi. Il faut qu'on s'y occupe, non seulement de sylviculture, mais d'amélioration pastorale, qu'on y cultive des légumes, qu'on montre aux habitants du pays que l'on peut y obtenir une alimentation variée, qu'on leur fasse voir qu'il est possible à l'occasion d'y, avoir des fruits, qu'on leur montre aussi qu'ils peuvent mettre un peu d'agrément autour de leur maison. Ces places d'essais, ces arboretums ou jardins alpins doivent donc être des centres d'étude de géographie biologique appliquée à toutes les questions biologiques. Nous avons en même temps un autre devoir : C'est celui d'essayer de combiner les multiples ressources sylvicoles, agricoles et pastorales de manière que les peuples montagnards en tirent le plus grand profit. J'arrive maintenant à la conclusion : Le programme pourra s'élargir d'autant plus que le personnel sera scientifiquement mieux préparé, qu'il aura une plus grande expérience du paya, et de plus grandes ressources matérielles. Les arboretums rendront d'autant plus de services qu'ils seront confiés à des techniciens ou à des savants plus expérimentés. Les jardins botaniques de montagne, sous la direction d'hommes préparés de longue main, seront pourvus de laboratoires où l'on pourra séjourner, où tous les problèmes spéciaux à l'économie des montagnes pourront être abordés. Il faut que nous fassions appel à toutes les bonnes volontés. Les forestiers sont les premiers désignés pour s'occuper de cette question, mais il y a aujourd'hui, — et c'est là précisément le grand mérite du Touring-Club, — à côté de l'administration, des bonnes volontés collectives qui ont fait naître des bonnes volontés individuelles. Si M. X... ou M. \... poisédant quelques hectares de terrain au coin r N r K 1 î N A T I U N AI. 1 ! • 1 P> d'une vallée ou à roréii d"un vallon olïnj un bout de vallon comme champ d'expériences, acceptons-le : plus ils seront multipliés, mieux cela vaudra. Voici, MessieuriB, le vœu que j'ai pris la liberté de formuler ;iur cette question : « Que les jardins de montagne, arboretums, stations ou plaeesjr essais soient établis comme eentres d'études non seulement pour les 'questions de sylviculture, mais pour tous les objets intéressant V économie des montagnes comme foyers de vies humaines ». [Applaudissements.) M. LE Président. — Vour; venez d'entendre la communication véritable- ment remarquable et exceptionnelle que M. Flaliault vient de nous faire. Il y expose le rôle de Farboretum et celui du jardin alpin dans les questions économiques touchant au développement de la race humaine et au repeuplement de nos montagnes. Cette dernière ques- tion est particulièrement intéressante, maintenant où nous voyons nos montagnes envahies par l'industrie qui, certainement, n'est pas toujours l'amie des plantes. Je A'ais ouvrir la discussion sur le rapport ^de M. Flahault et sur les idées qu'il vient d'émettre. M. le commandant Audebrand s'attache à démontrer que l'industrie de la houille blanche retient au contraire l'ouvrier à la montagne. Je voudrais, dit-il, arriver à détruire l'arri ère-pensée d'une influence nocive de l'industrie hydro-électrique sur la beauté de la montagne. J'ai des amis très chers avec lesquels je suis en perpétuelle contra- diction à ce sujet. Ce sont de très braves gens, mais quand ils voient un tuyau qui amène de l 'eau quelque part, ils sont navrés et déclarent : « Ces abominables ingénieurs ont abimé complètement notre mon- tagne )i. Je voudrais qu'on arrive à ccmprendro que si quelquefois des inconséquences ont pu se produire par le fait de certains employés maladroits ou de certains ingénieurs inattentifs, ce ne sont jamais que des exceptions malheureuses, choquantes, je !e reconnais, mais ce ne sont que des exceptions. Et comme dans les questions qui. nous inté- ressent : industrie, agriculture, sylviculttire, emploi pastoral de la montagne, il n'y a pas antagonisme, il doit y avoir moyen de trouver un commun terrain snr lequ(d nous |)uisgions nous sentir It)^: coudes. M. i.K l'r.KsiDEXT. — J'ai la conviction qu'on ])('ut trouver ce terrain. M. le commandant Audebrand. — Il suffit que nous y mettions les uns et les autres de la bonne volonté. Nous nous efforçons de ne pas froisser vos sentiments esthétiques, quoique cela ne s oit pas toujours aisé, mais il faut que vous arriviez à considérer les ingénieurs comme étant des gens qui travaillent avec vous. La petite société que j'ai l'iionneur de présider et la Chambre syndicale des forces hydrauliques favorisent par tous les moyens possibh^s la protection du pré (^1, dn bois dans l(^s v;il- — 753 — CONGRES FORESTIER lées qui S ont au-dessus des vallées industrielles. Il y a donc là un ter- rain commun sur lequel nous pouvons collaborer. Je tenais à vous demander d'avoir pour ces misérables ingénieurs un peu de commi- sération. M. Flahault. — Je vis dans la montagne et je vois par conséquent l'industrie hydraulique aux prises avec les conditions du pays. Il est bien certain que l'industrie hydraulique est un moyen d'empêcher l'émigration. D'autre part, il faut bien reconnaître aussi que la mon- tagne est comme la forêt et que nous ne pourrions pas adopter cette formule un peu naïve d'un membre du parlement qu'on nous signalait ce matin et qui ne voulait pas qu'on coupât un arbre de la forêt. La forêt est faite pour être exploitée et notre pays doit produire ; c'est à cette condition seule que nous arriverons à produire des hommes. Nous sommes donc d'accord : l'industrie hydraulique établie dans la montagne y retient des populations, mais justement nous devons compter sur la bienveillance, sur le goût, sur les préoccupations sociales de nos confrères les ingénieurs de la montagne pour mettre le plus de bien-être possible dans la maison de leurs agents et assurer à ces agents, — je reviens maintenant à l'esthétique, — l'esthétique de leur demeure, de façon à ce que. en attendant que les lois permettent de mettre la France à l'abri de l'alcoolisme, nous arrivions tout au moins, en mettant de l'agrément dans la maison familiale, à lutter contre l'alcoolisme et le cabaret. {Vifs applaudissements.) M. LE Pré SI u EXT. — Je vois que les divers éléments sont tout à fait d'accord. Je voudrais dire un mot du rôle du Touring-Club sur cette question qui est éminemment déhcate, puisque deux éléments se trou- vent en face l'un de l'autre. Nous avons pu, dans le dernier numéro de la Revue du Touring-Club, indiquer de la manière la plus nette la position que nous désirions prendre. Nous estimons en effet avec M. le commandant Lebrun, qu'il faut trouver un terrain de conciliation. Il faut que nous cherchions à sauver le pittoresque de nos montagnes, et d'autre part, il serait inadmissible que nous puissions empêcher le développement industriel de la France. Ce terrain d'entente, nous sommes sûrs qu'on peut le trouver. M. le Commandant Audebrand. — Quand on voudra ! M. LE Président. — Ce que je disais tout à l'heure au sujet du tort que certaines industries, — je ne dis pas exclusivement la houille blanche, — pouvaient causer à la végétation, était inspiré par des exemples que j'ai constatés à plusieurs reprises dans des tournées alpes- tres. Certaines industries émettent des vapeurs, des fumées qui pro- duisent des effets terribles sur la végétation. Nous avons pu voir, dans le courant d'air de la vallée dans laquelle ces fumées sont entraînées, qu'il n'y a plus une seule feuille aux arbres dans un rayon de quatre — 754 — INTERNATIONAI. l^tl^t kilomètres. Il en est ainsi dans la Romanche, à Moutiers, à Notre-Dame de Briançon, dans la Haute-Maurienne. Il y a là un problème très inté- ressant à étudier au point de vue forestier. La production industrielle peut avoir, par certaines émanations, certaines vapeurs, un effet déplorable sur la végétation ; c'est une question locale à étudier, je crois qu'il y a des moyens d'enrayer le mal par des dispositions de bâtiments industriels qui permettraient d'empêcher le développernent de ces fumées et de ces vapeurs, et par conséquent qui protégeraient la végétation dans les environs de l'usine. M. le Commandant Audebrand. — Je crois qu'il faut dans toutes ces questions ne point se leurrer d'espoirs irréalisables ; je crains bien que vous n'ayez jamais la pureté d'air que vous réclamez et que, pour mon compte, je désirerais également. Permettez-moi une remarque. Il y a deux espèces d'industries électriques qui peuvent se rencontrer dans la montagne : l'une ne nous gêne nullement, elle ne gêne que le coup d'œil c^uelquef ois , c'est le transport de force : on produit à un certain endroit, dans la vallée, une certaine énergie et on la trans- porte à 250, 300, 400 et même 500 kilomètres. Pour celle-là, on pourrait s'entendre assez facilement, car on peut arriver à dissimuler [e réseau de conducteurs et à le placer de façon que ce ne soit pas inesthétique. Les réseaux pourraient même parfois servir à l'ornemnt de la montagne (rires); j'ai l'air de faire un paradoxe, mais je pourrais vous en montrer des exemples. Il y a, par contre, d'autres industries extrêmement intéressantes, mais qui ne peuvent se produire qu'au pied de la chute : ce sont les industries de l'électro-chimie et de l'électro-métallurgie. C'est là je crois, qu'il est nécessaire que vous, Touring-Club, avec votre haute autorité, disiez aux partisans de l'air pur, des belles perspectives et de l'agré- ment de la montagne, qu'il y a une petite concession à faire. Je ne crois pas, en effet, qu'on puisse arriver à faire des réactions chimiques qui n'envoient pas dans l'atmosphère des fumées désagréables. M. LE Présidei^^t. — On peut capter ces fumées, prendre certaines dis- positions de bâtiments qui empêchent le dégagement excessif de ces fumées . M. le commandant Audebrand. — Il est nécessaire qu'on s'ingénie à le faire. Mais il faudrait que Messieurs les amants de la nature fassent de petites concessions. C'est cela que je demande. M. DE Clermont parle de l'intérêt qu'il y aurait à créer des jardins alpins, au-dessus de la région des forêts, afin d'étudier si ces graminées de la plaine, telles que la houlque laineuse^ pourraient être acclimatées dans la montagne. M, Flahault. — Je prends la liberté de dire à notre confrère qui vient de parler des plantes pastorales de haute altitude que, d'une manière — 755 — CONGRES FORESTIETx générale, nous ne réussissons pas à modilier les plantes des plaines lorsque nous les cultivons en haut. Mais, comme je le disais il y a un instant, les places d'essais aboutissent, — et c'est là un point de vue extrêmement intéressant, — ^lorsqu'elles sont établies dans les hauteurs, à la sélection des plantes de hauteur et à l'améUoration pastorale de ces plantes. Les places d'essai*, jardins botaniques alpins, arboretmnis, etc., etc. ne peuvent être étabhs que dans des circonstances données et ces circonstances , on ne peut pas, dans tel ou tel massif, les réunir pour des raisons souvent matérielles, parce que la montagne manque d'altitude, par exemple, mais, dans tous les cas, c'est par des études faites sur place qu'on peut connaître les améliorations réalisables. C'est ainsi par exemple, — je ne sais pas si j'ai l'honneur d'être entendu ici par quelques confrères suisses, — c'est ainsi que mes amis MM. Stedler et Schroeder ont étabU il y a longtemps, dans les Grisons, au Furstenalp, un champ d'expériences que j'ai visité. Ce champ d'expériences pastorales est établi à 1.845 mètres environ, et on y fait, sur les plantes qui vivent à ce niveau, des efforts de sélection qui aboutissent. J'ai fait moi-même des expériences de cette sorte à 1.550 mètres d'altitude, — je ne puis aller plus haut, dans les hautes Céven- nes, faute de montagnes. Ce sont là des préoccupations que plusieurs botanistes ont aujourd'hui et que plusieurs forestiers ont également. Il y a là beaucoup à faire. Il faut avant tout que ces places soient nombreuses et qu'elles s'occupent de toutes les possibihtés réalisables dans le massif où le champ d'expériences est étabU. M. Henry Maige. — • Plusieurs de mes collègues ont dit que les émana- tions industrielles étaient néfastes au point de vue de la forêt. C'est si vrai que, dans beaucoup de régions des Alpes, les industriels paient des indemnités considérables aux riverains. Il y a des procès énormes qui sont encore en cours. M. LE Président. -- Je vais proposer à votre adoption le vœu qui ter- mine le rapport de M. Flahault. Ce voeu est ainsi conçu : « Que les jardins de montagne, arboretiit)is, stations ou places d'essais soient établis comme centres d'études, non seulement pour les questions de sylviculture, mais pour tous les objets intéressant l'économie des montagnes comme joyers de vie humaine n. Le vœu est adopté à l'unanimité. M. LE Président. — Ce matin M. Dierkx, délégué belge, a exposé l'in- térêt qu'il peut y avoir à créer des Sociétés des amis de la forêt et il a proposé un vœu sur ce point. L'assemblée a demandé à M. Dierkx de vouloir bien rédiger son vœu. Le voici : « Que le Touring-Cluh s'occupe de créer des Ligues locales d£s — 75B — ' N r K T! N A T 1 f ) .\ VL 191 ■' î amis des arbres ou de la forêt dans toutes les ^'iUes ou localités impor- tantes. UiN Congressiste. — Cela existe déjà. M. LE Président. — Oui, mais on demande de généraliser la méthode, de développer les associations déjà existantes. 11 np peut y avoir là rien que de très intéressant. î>e vœu de M. Dierkx, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — La parole est à M. Sinturel pour h lecture de eon rapport sur la Beauté des Routes. M. Sinturel. — Au même titre que les massifs forestiers les plan- PJaHfcatious tations en bordure de routes ajoutent à la richesse esthétique d'un pays. 'o„*ês"^ *'*'"' La monotonie d'un sol dépouillé de sites disparaît devant l'ornement et le pittoresque de longs cortèges d'arbres piqués dans la plaine. Le senti- ment, inné d'ailleurs, qui nous porte en quête de la beauté, dirige tou- jours de préférence le touriste, le promeneur, vers ces larges avenues riches d'un cadre de verdure et où l'agrément sourd plus du spectacle offert que de l'abri ménagé. Nul ne saurait rester indifférent au charme d'une rc ute qui glisse sous une ogive de feuillage et que de faibles rais de lumière, filtrant parmi les feuilles qui tremblent, éclairent timide- ment pour ne point en troubler le mystère et le calme. Dans le désordre des branches qui s'entrecroisent ou se frôlent, la nature du reste se pique de coquetterie à ménager à chaque pas les hasards charmants d'un art tout fait des expressions de mille physionomies diverses. Chaque arbre, en effet, a sa physionomie, celle d'une forme vivante •qu'animent les caprices de Vheure, des saisons et des âges. Le matin, il se dore sous les feux du soleil; la lumière du jour le montre avec toute sa puissance ou toutes les tristesses desa végétation. Au soir, il frissonne et pendant la nuit, la bise qui arrivait muette, court dans sa ramure, s'éparpille dans les cimes voisines, agite les feuilles et reste une note de vie obstinée dans le silence toujours lugubre des campagnes endormies. Avec chaque saison, la route ombragée retrouve encore un attrait toujours nouveau. Le printemps y charrie des parfums de fleur et des odeurs de sève. L'été, épanouissant les frondaisons, tamise la clarté d'une lumière trop crue qui tue les paysages. Aux jours d'automne, rien n'y égale le charme d'une flânerie alors que les feuilles se teintent de blond, de jaune rouille et de pourpre et tourbillonnent follement dans l'air vif qui passe. L'hiver paillette les branches de ses cristaux de givre, les enveloppe d'une toison de neige et révèle les plus délicates harmonies. Il n'est pas jusqu'aux âges divers des plantations de routes qui n'éveil- lent également toute une gamme d'impressions. Les végétations qui se succèdent se distinguent à la manière d'êtres qui naissent, se développent et meurent. Chaque étape de croissance accuse leur vigueur, leurs souf- frances, modifie leur parure. Et l'enfant qui les vit à leur premier effort retrouve, très tard dans sa vie à considérer ses fidèles amis vieillis à garder la route de son village, un peu des souvenirs de son passé, car« la confi- guration d'une chose n'est pas seulement l'image de sa nature, c'est le — 757 — CONGRÈS FORESTIER mot de sa destinée et de son histoire ». Regarder ces témoins d'un pre- mier âge c'est évoquer toute la vie qu'ils abritèrent, toute la distance parcourue, s'attarder aux enseignements de toute une époque. Et ainsi à une harmonie naturelle, les pensées ajoutent une harmonie morale. Une bordure d'arbres vaut encore par tout le pittoresque vivant qu'elle apporte. C'est autour de toutes les cimes des tourbillons d'ailes menues, une vie grouillante de bestioles, des sautillements d'oiseaux, des bruits de mille chantres qui arrivent avec leurs ballades, leurs refrains, préparer leurs nids ou chercher un refuge dans les jours de tempête. Et le voyageur qui va, palpite avec ces chants, se réjouit avec cette sjmiphonie. Ces considérations toutes subjectives ne sont pas pour faire oublier le rôle utilitaire des plantations en bordure de route. Longtemps on a cru que ces plantations entraînaient une humidité trop considérable, nuisible à l'entretien des chaussées. Il est reconnu aujourd'hui que la présence d'arbres aide souvent, au contraire, à la viabilité des routes, notamment dans les terrains secs, en y maintenant la dose d'humidité qui permet la cohésion des matériaux. D'ailleurs, même dans les sols compacts, sous un climat humide, quelques essences donnant peu d'ombre et suffisamment espacées peuvent encore rendre d'appréciables services. Seules les parties abritées, traversées de forêts par exemple, dispensent de plantations. D'un autre côté, des rideaux d'arbres jalonnant les routes, lors des neiges abondantes ou de brouillards intenses, servent d'abri contre les pluies et le vent, diminuent les chances d'accident dans les sites escarpés, protègent contre le soleil et la poussière. Et par les produits qu'ils procurent ils valent encore un revenu appré- ciable au propriétaire. Si nous supposons, en effet, les seules routes nationales de France, soit un réseau de 38.192 kilomètres, toutes bor- dées d'arbres espacés de 10 mètres les uns les autres, nous obtenons ' une somme de 7.638.400 tiges correspondant, à raison de 400 pieds à l'hectare, à un peuplement normal d'une étendue de 19.096 hectares de forêt, soit près de 1/50 de la superficie totale des forêts domaniales. Et ce revenu nouveau demeure d'autant plus appréciable qu'il dérive d'un sol appelé par sa première destination à ne donner aucune rente. Indépendamment de ces avantages se rapportant à la route elle-même, les plantations entraînent d'autres profits pour les riverains. L'abri donné aux champs voisins contre le vent, la sécheresse, compense largement tous les inconvénients à résulter d'un envahissement par les racines, ou d'une ombre trop loin portée. Toutes les familles d'oiseaux qu'il retient aident à préserver les cultures contre les insectes, et le plus souvent prétendre à une dépréciation d'un fond parcouru par des lignes d'arbres reste une raison sans valeur, le mauvais calcul d'une routine ignorante. Le prix du champ, la valeur de l'héritage furent d'ailleurs établis après acceptation de toutes servitudes, et nul ne saurait se prévaloir pour supprimer une bordure d'arbres d'un mauvais prétexte de pertes impré- vues (1), Choix (les esseii- ^^^^ insister davantage sur l'intérêt à créer des bordures boisées, ces. (1) A. Umbdfnstock : Les arbres, parure utile des routeSé — 758 — IIsTEHNATIONAf, 1913 nous résumons les règles à observer pour le choix dos essences et les conditions de plantations. 1° Les arbres ne doivent pas gêner la circulation ; ils seront donc à cimes élevées, à fûts non branchus. Les résineux, qui à l'état isolé déve- loppent des branches jusqu'à la base, seront écartés ; d'ailleurs leur trop sombre feuillage laisse trop de mystère et de mélancolie. 2° Les frondaisons seront abondantes à l'effet de fournir un ombrage suffisant. 3° Les essences devront donner du bois de bonne qualité marchande. 4° Elles seront à croissance rapide et très résistante aux intempéries, aux attaques d'insectes, aux blessures diverses, toutes qualités qui supposent d'ailleurs une adaptation parfaite aux conditions de sol, de climat, et d'exposition. 5° De tous les abords des agglomérations, seront enfin bannies les essences, tels que les peupliers ou les platanes dont les fruits valent certains jours une pluie de duvet ou flocons fort désagréable, même dangereuse. D'autre part, la circulaire du Ministère des Travaux publics du 20 avril 1897 nous renseigne sur les dispositions générales à suivre dans la technique des plantations. Ainsi, à l'exception des routes trop sèches ou se développant en pays de montagne, il convient de ne planter en bordure que celles dont la largeur de la voie est d'au moins 10 mètres. Si les routes ont plus de 16 mètres de large, deux lignes d'arbres formant contre-allée trouveront place sur un même accotement, mais l'inter- valle entre ces deux rangées sera au moins de 3 mètres et les arbres devront être disposés en carré et non en quinconce pour ne pas entraver l'accès des propriétés riveraines. Les rangées d'arbres seront parallèles à l'axe de la route. On évitera de les établir sur l'arête des fossés ou des talus ou trop près de cette arête, à l'effet de leur donner une assiette plus solide et d'empêcher les racines de se répandre dans ces fossés et sur ces talus. « La distance d'un arbre à l'autre variera suivant le déve- loppement probable des sujets, le degré de siccité de la route et la nature des cultures des champs traversés », Dans une plantation trop serrée, les branches 'et les racines s'atteignent trop vite, les arbres se gênent, luttent pour la vie, et les plus faibles succombent. Une même ligne ne comprendra que des espèces de nature et de végé- tation semblables. On ne saurait intercaler des espèces à végétation lente, tels les chênes, les ormes, entre des espèces à végétation rapide (peupliers par exemple) sans placer les premières dans les plus mauvaises conditions de bonne venue. Un palliatif reste cependant à cette situa- tion celui de disposer les espèces à végétation lente à des distances plus grandes que la normale et de leur ménager ainsi suffisamment de sol et de lumière. Quant aux essences à employer, ce seront sous les climats non atteints par des extrêmes de température et dans tous les sols, à l'exception des sols tourbeux ou légers et trop secs, des ormes (ormes champêtres, ormes de montagne et plus spécialement la variété à larges feuilles dite de Hollande, ormes diffus) ; dans les sols argileux ou de consistance moyenne, des chênes (chênes pédoncules, chênes rouvres, chênes chevelus, chênes rouges); dans les sols argilo-calcaires, argilo-siliceux ou légers et humides, des érables (érables sycomores, érables planes), des platanes (platanes d'Orient et d'Occident, magnifiques espèces d'une longévité remarquable — 759 — CONGRES FORESTIER et d'une croissance extrêmement rapide), des tilleuls (à grandes et à petites feuilles : tilleuls de Hollande, tilleuls argentés), des marronniers. des vernis du Japon, des robiniers faux-acacia, des peupliers (peuplier blanc de Hollande, peuplier grisaille, peuplier noir pyramidal ou d'Italie, peuplier du Canada). Dans les terrains meubles et frais, le frêne commun croîtra et résistera à la violence des plus grands vents. Le châtaignier végétera dans les terrains siliceux. Dans les sols humides ou tourbeux, on pourra employer des aulnes (aulnes glutineux et cordiformes). Sous les climats de montagne, les bouleaux pubescents et le sorbier des oiseleurs ne souffriront pas des plus grands froids. Dans les régions méridionales, enfin, on plantera des mûriers, des acacias, des eucalyptus, des dattiers, des chênes tauzins, des micocouliers, des pins maritimes, des pins d'Alep. Les plantations d'arbres fruitiers entreprises sur plusieurs points ne semblent pas encore avoir produit des résultats tellement intéressants que l'on soit porté à trop les recommander. La plantation routière d'Offenbach-sur-Mein, célèbre en Allemagne, et donnée comme modèle de culture d'espèces fruitières, reste jusqu'à ce jour une exception... (Il peut paraître cruel de disputer aux chemineaux une récolte du chemin). Nous ne disons rien des travaux de premier établissement et d'entre- tien des plantations, question d'ordre cultural d'un intérêt trop restreint dans l'étude que nous poursuivons ; nous n'argumentons pas sur les suites fâcheuses l'élagages inconsidérés et sur l'horreur des « chicots », mais dans un souci d'esthétique, nous nous arrêtons à considérer l'exploi- tation des arbres d'alignements. Par une circulaire récente, M. le Ministre des Travaux Publics insiste d'ailleurs sur les conditions de cette exploitation : « Les plantations ne seront jamais sacrifiées sur la réclamation des riverains qui se plaignent des dommages causés aux champs voisins ». L'intérêt général prime les intérêts privés. Seuls devront être réalisés les arbres morts ou ceux qui, commençant à dépérir, pourraient devenir une cause de dangers sérieux pour la circu- lation. On évitera de proposer l'abatage de toute une file d'arbres de même essence et de même âge, les sujets plantés à une même date n'arri- vant pas à la même heure au même état de dépérissement. « On ne saurait assimiler les plantations des routes à des exploitations forestières où l'arbre est élevé pour sa valeur marchande et abattu au moment précis où il doit être du meilleur rapport ». Par l'observation de ces règles, un paysage pittoresque de toutes ces longues routes courant sous des masses de verdure ne risquera plus de s'enlaidir brutalement au lendemain d'une exploitation déréglée. La hache glissera prudemment, presque honteuse. De nouveaux venus remplaceront sans retard les disparus. Et ainsi le voyageur continuera à errer dans l'intimité de mille familles d'arbres et ne souiîrira pas du spectacle d'une nature diminuée. La conclusion de ce rapport nous porte à émettre le vœu : Que diaqiie Etat poursuive et encourage V établissemenl de plantatiojis en bordure des l'outes et veille, pour des raisons d'ordre esthétique et utili- taire, à en réglementer sévèrement V exploitation. — 7i-0 — 1 NT K r, N A r I ( » N AL 191 8 M. (iAiîiAT. — Qui' pc.n^t'z-voiis (lu îtoi'bioi' commiui'.' M. Si.NTUKEL. — Le gorbi(;r cuniniun est indiqué pour la montagne. Ou l'a essayé notamment dans le centre, pi'ès du plateau de Gergovie... M. LE Prksiuent. — La oôte sauvage de Roanne à Tarare est plantée de sorbiers. M. SixTiREL. — Ces essais n"ont pas donné de mauvais résultats. Cepen- dant il y a lieu de les limiter à la montagne. M. Flahault. — Je vous demande pardon, Messieurs, de reprendre encore la parole au risque de vous impatienter. Je voudrais simplement dire à M. Sinturel, ainsi qu'à vous tous, que c'est encore là une question de géographie botanique. M. le Prksioent. — Parfaitement. M. Flahault. — Je me rappelle avoir vu, loriK[ue j'allai au l'ond de la Baltique, les boulevards des villes de la Baltique bordés de sorbiers des oiseleurs. Actuellement, à 1.300 mètres, je plante des avenues de sorbiers des oiseleurs. Mais si je les plantais à 100 mètres plus bas, ils ne pousseraient pas. alors que nous aurions de belles avenues de châtaigniers et, plus bas encore, de belles avenues de peupliers. Je le répète, c'est une question de géogi'aphie botanique. Je demande en conséquence qu'on ne laisse pas aux agents -voyers, pas même aux ingénieurs des ponts et chaussées, la liberté de choisir eux-mêmes les essences, mais qu'on fasse appel pour cela à des gens compétents. (Approbation dans V assemblée.) Chaque chose doit être à sa place. Je vis en plein massif forestier. Le long d'une route cjui est dans le périmètre de reboisement, je vois planter des acacias, des robinia, pseudo acacias, à une altitude où le garde général des forêts qui opère là — et qui a permis à l'agent-voyer de faire des plantations — sait très bien que cela ne poussera pas. C'est pour cette raison cjue je suis d'avis que l'on confie ces plantations à des hommes compétents. Une différence de 50 mètres d'altitude est extrêmement importante et il n'y a pas un point de la France, même dans nos montagnes du midi où on puisse utilement planter des acacias à plus de 1.000 mètres d'altitude, et il n'y a pas, dans nos montagnes du midi, un point où on puisse planter des sorbiers à une altitude inférieure à 1.000 mètres. Tout cela demande à être étudié de très près. M. Maige. — J'appelle votre attention. Messieurs, sur lutihsatiun, en bordure des routes, d'arbres à rendement, comme les arbres fruitiers. Ils nous donnent leur ombrage et leurs fruits. Prenons par exemple la vallée du Grésivaudan. sur la rive droite, en allant à Grenoble et jusqu'à cette ville, \<\ route est bordée de vergers qui fleurissent. C'est une chost; exquise que d'aller au printemps dans ces régions. — 761 — CONGRES FORESTIER M. SiNTUREL. — Le moment critique pour les plantations fruitières est celui où l'on va cueillir les fruits. Les passants cassent des branches ; au bout de peu d'années l'arbre est mort. M, DE \'iLLEMEREUiL. — Je counais la route dont parle M. Maige, celle du Grésivaudan. Il me semble me souvenir que les arbres ne sont pas sur la route elle-même? L'inconvénient des arbres fruitiers comme arbres de route, c'est d'être trop bas. M. Maige. — .Je pourrais vous citer plusieurs routes plantées d'arbres fruitiers — sur certaines on trouve de fort beaux pommiers — qui n'ont pas souffert du tout des mauvais traitements des passants. M. DE ViLLEMEREUiL. — En Allemagne où le public est plus discipliné, la chose serait plus facile. Un Congressiste. — ^L Sinturel a condamné dans son rapport tous les résineux, il en est cependant qui pourraient très bien convenir. M. Flahault. — L'abies concolor vient très bien en montagne. J'en ai planté de très beaux exemplaires qui sont bien venus à L400 mètres. C'est un arbre qui dépasse 250 ans dans les montagnes rocheuses et qui, étant donné sa hauteur qui peut atteindre 60 mètres, a très peu de branches basses. Cet arbre atteint l'âge adulte à 150 ans. Il produit un fut très long avant de fournir des branches. En tous cas, je crois qu'il ne faut pas exclure les résineux. Dans le midi, par exemple, le pin d'Alep rend de très grands services. Un Congressiste. — Pas sur les routes. M. Flahault. — Mais si. Le pin d'Alep vient dans les endroits les plus stériles, là où on ne pourrait pas planter autre chose. On pourrait con- sulter avec intérêt les techniciens du pays. J'ajoute qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce qu'on plante des arbres fruitiers. Dans le Midi ou l'indiscipline est as^ez grande, nous avons des routes nationales bordées d'amandiers qui donnent en janvier et en février un charme énorme à nos routes, et au moment où les fruits mûrissent, personne ne songe à les cueillir. Dans le Midi, des routes sont plantées d'arbres fruitiers depuis Napoléon III. Ce sont des plantations complètes, sans lacunes. Ce qui prouve que si des enfants ont arraché de temps en temps une branche pour prendre les fruits, l'arbre n'a pas péri pour cela. Un Congressiste. ■ — ()n a dû abandonner les plantations fruitières parce que les arbres fruitiers s'étalent trop. M. LE Président. — Je voulais précisément attirer votre attention sur ce point. L'arbre fruitier n'atteint jamais un<^ i^rande hauteur et — 762 — INTERNATIONAL 1913 reste relativement bas. C'est un arbre dont les branches s'étalent beaucoup. Je crois qu'il est plutôt intéressant d'avoir sur les routes un arbre assez élevé d'abord, parce qu'il projette son ombre sur le milieu de la route, et puis parce que laii' circule mieux entre le sol et les premières branches. L'ombre maintenue sur les routes est destruc- trice. Nous en avons, M. Flahault, dans le Midi, un exemple frappant dans les plantations de platanes "dont les branches se réunissent au- dessus de la route et s ont relativement peu élevées. Le sol, constamment à l'ombre et à l'humidité subit des modifications. Il faut de l'ombre sur la route, mais il y faut aussi une circulation d'air afin que le sol puisse sécher. M. Hermans. — J'ai lu dans le rapport de M. Sinturel qu'il préconise les plantations d'ormes. En Belgique, l'Administration des Ponts et Chaussées proscrit absolument ces essences. On proscrit aussi le peuplier. Ce qu il faut chercher dans une plan- tation routière, ce n'est pas simplement le rapport-, mais, à côté de cela, la décoration, l'ornementation de la route. Au point de vue de l'esthé- tique, le peuplier ne me parait pas à conseiller. Il y a un autre inconvénient. D'après l'expérience que j'en ai faite dans les Ponts et Chaussées, le peupHer isolé lorsqu'il atteint l'âge de 40 à 50 ans, — ■ le cas n'est pas le même dans les plantations serrées — a une tendance à se pencher et cela est dû à son enracinement peu pro- fond, superficiel et non pivotant. Je suppose que c'est là la cause de cette tendance à s'infléchir. Il n'y a rien de plus laid, le long d'une route, que ces arbres penchés, qui paraissent toujours prêts à tomber. Quant aux ormes, nous devons aussi les proscrire à cause de leur voracité qui provoque les plaintes des riverains ; leurs racines tracent en effet, beaucoup et causent un réel tort aux cultures voisines. L'Admi- nistration des Ponts et Chaussées belge a été saisie de tant de réclama-* tions de riverains que force a été de proscrire cette essence des planta- tions routières. Un Congressiste. — Une enquête a été faite à un moment donné dans les Vosges afin de savoir quelles essences il fallait planter le long des routes. On avait adopté, me semble-t-il, le cerisier. M. LE Président. — C'est une question de géographie botanique, comme nous l'a fort bien expliqué ^l. Flahault. Un autre Congressiste. — ■ Parmi les résineux, il y a le mélèze. Dans les pays du Nord, dans les contrées montagneuses, le mélèze peut donner au point de vue esthétique de beaux résultats, surtout en automne, avec ses feuilles jaunes et dorées. C'est très beau. On doit employer de préférence au mélèze européen le mélèze de Sibérie parce que sa tige est droite, alors qi^e celh' du premier est torse. La première essence est employée en Russie. — 763 — CONGRES 1-0RESTIE2; M. Flahault. — Jt; reviens sur ce point que tous les détails qu'on veut bien nous donner confirment ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que tout cela se résume en une question de géographie botanique. Un de nos confrères, qui est des Vosges, nous parle du cerisier comme d'une essence très propre au reboisement dans sa région. Notre autre confrère qui vient de prendre la parole et qui est Russe sans doute, nous a parlé du mélèze de Sibérie, comme étant propre aux planta- tions routières en Russie. Qu'il me permette de faire des réserve.- en ce qui concerne le même mélèze dans nos montagnes de France. Le mélèze de Sibérie reste, chez nous, un petit arbre ; mais je recom- mande d'une manière toute particulière le mélèze du Japon qui a plu- de souplesse que celui de Sibérie et celui des Alpes, par exemple. En tout cas, je crois qu il y a un point de vue auquel nous devons nous en tenir. Il s'agit d'une question de géographie pour laquelle il est essentiel que les ingénieurs des Ponts et Chaussées et les agents - voyers consultent les gens compétents. Je suis né à 50 mètres de la frontière belge. Je connais le pays et ses peupliers. Je suis d'accord avec vous pour dire que l'enracinement du peulier est trop faible ; mais d'un autre côté, au bout de 40 ans, un peupher doit être réalisé et remplacé par un autre. Considérons la route comme devant être esthétique, mais aussi comme devant produire. Quand vous plantez des chênes rouge; d'Amérique le long de vos routes nationales — - vous voyez que je con- nais lesujet — • vous poursuivez un but esthétique, mais vous ne négligez pas, je l'espère, la haute valeur de l'arbre. Quand vous les exploiterez, l'heure venue, vous éviterez les dommages causés aux riverains et vous donnerez satisfaction à tout le monde en assurant à l'administra- tion et aux communes un revenu résultant de cette exploitation. M. Hermaxs. • — Il ne faut pas les remplacer trop souvent. Un rhênf/ donne de l'ornementation pendant 50 et même 100 ans. M. Flahault. — 11 n'atteint sa pleine maturité qu'à l'âge de 150 années. M. Hermaxs. — Un peuplier ornemente pendant quinze ans. Il ne faut pas négliger la différence au point de vue du rapport. M. Flahault. — Un peuplier en France rapporte un franc par aji. Au bout de 30 ans cela fait .30 francs. Mais cette essence ne peut être employée en pays humide, ainsi que dans le midi. On ne peut l'utiliser le long des canaux, car il a l'inconvénient, un jour de grande tour- mente, de se déraciner parfois avec son bloc de racines et de tern.-. et de faire une fissure dans la berge du canal. On peut remédier à cet inconvénient en plantant des peuplier^ mélangés avec d'autres essences, un peuplier sur quatre autres arbre?. Tout cela est une question de doigté et d'application au pays. Quand je vois on Belgique associer le peuplif^r' noir au chêne rouge d'Aïuc- — 76^1 — NTER>ATIONA.L 1913 l'ique, je me réjouis parce que je me dis : voilàdcs peupliers réalisés dans 30 ans et des chênes qui seront alors très beaux et qui vont donner immédiatement de belles tiges. M. Hermaxs. — Ils souffrent de la présence du peuplier qui prend le dessus. Nous sommes revenus de ce système ! M. Flahault. — Oui, mais enlin ce n'est là qu'une question de doigté, de combinaison. Uis Congressiste. — On ne remplace pas les peupliers tous ensemble ; il y a un roulement à établir. M. LE Président. — • Nous tenons à ne pas attendre l'ombre trop long- temps ; le peuplier pousse vite... M. Hermans. — Le tilleul vous donnerait plus vite de l'ombre que le peuplier., M. LE Président. — Ce n'est pas sûr; peut-être en Belgique, mais pas en France ; nous en revenons toujours à une question de géographie botanique. M. Flahallt. — A Paris, au Luxembourg, les tilleuls perdent en général leurs feuilles à fin juin parce que l'atmosphère est trop sèche. Dans notre Midi les tilleuls perdent leurs feuilles dès le 15 ou le 20 juin. M. le Président. — H y a d'abord une question de principe sur laquelle nous devons nous prononcer, celle de l'intérêt que présente la plan- tation des routes. Nous nous occuperons ensuite du choix des essences ; en nous arrêtant plus particulièrement sur l'emploi des arbres frui- tiers qui a été l'objet d'une discussion approfondie. Enfin la propo- sition faite par M. Flahault relative à la nécessité pour les services chargés de la plantation des routes de consulter des spécialistes pour le choix des essences devra être examinée. Une dernière question est celle de l'exploitation, sur laquelle je serais heureux d'avoir votre avis, car notre service des routes m'a prié de vous en parler. Nous avons justement parmi nous le représentant de rOlFice natio- nal du tourisme, M. Lorieux, qui est en communication constante avec notre ministère des travaux publics et plus spécialement avec notre direction des routes. Il arrive souvent. Messieurs, que lorsque certains arbres d'une route commencent à dépérir, l'ingénieur qui est chargé de l'entretien de la route, décrète la coupe totale, au lieu de la restreindre aux seuls sujets atteints. Si on replantait, il n'y aurait que demi-mal, mais ce qu'il y a de déplorable, c'est qu'après une coupe totale, on oublie presque toujours ({{'. replanter. \j'. coupe totale coûte moins «Ik!!- parce qu'on fait tout eu nue opéra ti on. ((S5 — CONGRES FORESTIER 11 serait donc intéressant que nous demandions que des coupes rases ne soient jamais faites dans les plantations bordant les routes, et que les sujets soient enlevés seulement au fur et à mesure de leur dépérissement. Nous sommes saisis de cette question par M. le Directeur des routes nationales au Ministère des Travaux Publics. Il est assailli de demandes d'ingénieurs des ponts et chaussées à qui les municipalités et les membres du Parlement, pour des raisons dintérêt local, réclament la suppression des plantations routières. M. LoRiEux. — Je ne puis qu'appuyer votre proposition et vous dire que vous avez raison de dire que les ingénieurs sont assaillis de de- mandes tendant à la suppression des arbres des routes. Jai fait vingt ans de service dans les routes nationales. J'ai dû défendre bien des plantations contre les plaintes dont elles étaient Tobjet, surtout de la part des cultivateurs en rase campagne. En général, aux abords des villes, lorsque les arbres ne sont pas trop rapprochés des maisons, on en accepte très bien Tombrage et même on désire qu'on les maintienne le plus possible. Je ne partage pas entièrement votre manière de voir au sujet des agissements des ingénieurs qui suppriment tous les arbres aussitôt qu'un ou deux commencent à dépérir. La plupart des ingénieurs sont, au contraire, des amis des arbres et défendent les plantations. J'aborde le point le plus délicat de la question. Du moment qu'on a enlevé une plantation, il faut la remplacer. Je suis le premier à reconnaître que cela ne se fait pas souvent. Au fond, voici le secret de l'histoire. Il y a malheureusement dans notre administration deux caisses : la caisse des Domaines et la caisse des Travaux publics. La caisse des Domaines encaisse le produit de l'adjudication des arbres et c'est la caisse des Travaux publics qui paye les plantations neuves. Nous nous trouvons donc en présence d'une caisse qui est obérée par les soins cjue nécessite l'entretien des chaussées ; nous ne pouvons pas, dans ces conditions critiquer l'ingénieur et le conducteur qui, ayant besoin de cailloux pour réparer la route défoncée, préfèrent en acheter que d'acheter des arbres. J'irai plus loin. Le peu de goût que témoignent certains conduc- teurs pour les plantations, résulte de ce fait qu'ils n'ont pas dans leur service un intérêt immédiat au développement de ces plantations. Si on trouvait le moyen d'affecter au budget des routes le produit des plantations, on intéresserait énormément le personnel. Onrécupère- - rait d'un côté une somme certainement plus forte que celle qui serait nécessaire au renouvellement de la plantation. M. LE Président. — L'État devrait gérer son bien en bon père de famille. Il supprime son capital ; il devrait bien le remplacer par quiîlqiit^ chose et prendre sur l'argent qu'il touche la somme nécessaire — 7U) — INTERNATIONAL lOl^î pour remplacer les plantations supprimées. Son devoir est aussi d'intéresser les agents chargés de la surveillance des routes au bon développement des plantations. Malheureusement il n'est pas possible de porter actuellement remède au mal signalé par M. Lorieux ; car il faudrait procéder pour y remédier à une transformation profonde de l'administration et de la comptabilité publiques. Je ne crois pas qu'on y puisse toucher pour le moment. Je crois que le vœu de M. Sintui'el répond assez à l'idée exprimée, quand il dit : Que chaque État poursuive et encourage V établissement de plantations en bordure des routes et çeille, pour des raisons d'ordre esthétique et utilitaire^ à en réglementer sévèrement V exploitation^ Je crois, en effet, qu'une réglementation sévère empêchera la coupe totale et nous permettra de garder les sujets encore pleins de vie. M. Flaiiault. — Pourquoi n'y aurait-il pas, comme en matière forestière, la contrepartie d'une exploitation? Pourquoi à la suite d'une coupe n'alïecterait-on pas une partie du revenu réalisé au remplacement, au renouvellement des sujets enlevés ? M. Le Président. — L'idée est juste. Un Congressiste. — ■ C'est entendu, mais on nous a dit que ce n'était pas la même caisse qui encaissait les revenus et payait les remplace- ments des arbres. Un autre congressiste. — Qu'on impose alors une charge sur les coupes. Vous vendez une coupe à condition qu'on verse une somme déterminée pour le remplacement... M. le Président. — Est-ce possible en matière d'exploitation de routes ? il y a des règles étabhes contre lesquelles il est difficile de s'élever. Le service des forêts a admis le système qu'on nous propose, mais celui des routes l'admettra-t-il? C'est là la question déhcate. M. Lorieux. — Il faut établir une différence entre les routes : les routes forestières dépendant d'une administration, et les routes ordinaires dépendant d'une autre. Les routes nationales dépendent du .Ministère des Travaux publics, et leur exploitation dépend du Ministère des Finances. M. Hermans. — La situation dépeinte par M. Lorieux est la même en Belgique en ce qui concerne le comblement des vides, ou plutôt elle a été la même il y a dix ans, mais depuis cette époque, une circu- laire ministérielle oblige les services intéresses à combler les vides immédiatement. Aussi n'y en a-t-il pas en Belgique dans les plantations. — 7H7 — CONGRKS FORESTIER Vue circulaire ministérielle proscrit aussi tout abatage darbre ; on n"abat que dans des cas tout à fait exceptionnels. Un Congressiste. — Pourquoi ne pas obliger 1" adjudicataire de la coupe à remplacer les arbres sous la direction de l'Administration? Un autre Congressiste. — Cela existe dans l'administration fores- tière. M. le Président. — Je crois que nous pouvons dès maintenant adopter le vœu présenté par M. Sinturel et qui embrasse dans son ensemble les idées émises aujourd'hui. Demain je vous soumettrai une rédaction touchant le choix des essences et le mode d'exploitation. C'est en s'adressant à l'Administration des Eaux et Forêts que les ingénieurs trouveront les compétences qui les dirigeront. L'Administration pourrait établir un petit tableau indiquant les essences à employer suivant la région, le climat, les conditions atmosphériques habituelles, et nous pourrions à ce sujet mettre utilement à contribution la science géographique botanique de M. Flahault. M. Flahault. — Je propose qu'on ajoute une ligne au vœu dans le sens que vous indiquez. Si le Touring-Club me charge de faire un rapport sur les possibihtés de plantations dans telle ou telle région, je m'effor- cerai de faire valoir ce que j'ai appris depuis quarante années de la Baltique au Sahara ; mon travail comprendra toutes les régions de la France. M. LE Président. — Je vous remercie et nous sommes tous assurés qu'avec vôtre érudition vous nous donnerez des renseignements de tout premier ordre. M. de Villemereuil. — Je voudrais ajouti^r une idée à celles déjà émises dans le but de compléter le vœu, qui me parait indispensable, et je regrette que le Commandant Lebrun ne soit pas là pour la dis- cuter. Je veux fairei' allusion à la pose des conducteurs d'électricité de toute nature le long des routes et spécialement des faisceaux de fils de transport de force. Messieurs les ingénieurs établissent souvent ces lignes sans se préoccuper des conditions de l'esthétique. Ceux qui feront l'excursion des Alpes en auront la preuve. Dans la vallée de rOisans où les transports de force sont extrêmement nombreux, il y a de véritables toiles d'araignée. Dans les communes de Livet et de Gavet, vous pourriez voir des arbres saccagés ; des sycomores ont été coupés en deux pour faire passer la ligne... M. le Président. — Ces arbres sont la propriété de l'État. Qu'a dit l'ingénieur le jour où il a constaté les dégâts? M. DE Villemereuil. — A l'entrée du village de Livet on a coupé la — 768 — INTERNATIOXAL 1913 tête des arbres pour fairr passer la ligne de transport de force. Ces abus sont intolérables. Je demande qu'on ajoute au vœu quelques mots pour demander que des mesures soient prises contre ces agisse- ments. M. LE Président. — Votre observation sera consignée au procès-verbal et nous saisirons l'Administration des ponts et chaussées. M. Delahaye. — Ne serait-il pas possible de faire pour les plantations routières ce qu'on fait pour les forêts ? C'est-à-dire d'établir une alternance de deux âges dans les plantations faites en bordure de routes ? Un Congressiste. — N'y aurait-il pas lieu d'examiner l'influence du goudronnage des routes sur la conservation des plantations ? M. LE Président. — Le goudronnage des routes se fait, dans l'ensemble, sur une petite échelle, sur des parcours très limités. L'administration des Ponts et Chausséesf se préoccupe de la façon la plus sérieuse de la transformation du sol de nos routes. M. Lorieux vous dira, puisqu'il est spécialement chargé de ce service, qu'on réalise maintenant des sols de routes sufïisamment durs pour qu'on n'ait pas besoin de goudronner par dessus. Ce traitement d'épiderme, si je puis dire, ne sauve pas la route et il a des inconvénients. Votre observation, mon Cher Collègue, sera inscrite au procès-ver- bal et il en sera tenu compte. M. Flahaùlt. — 11 faut que les forêts vivent, que les arbres vivent, mais il faut aussi que la vie continue à évoluer. Nous sommes obhgés de faire la part de l'industrie, comme aussi du goudronnage et de la viabilité des routes. Il y a des ennemis avec lesquels il faut vivre. On crée des ennemis surtout par l'intensité de la vie, et si nous n'admettons pas cette intensité, nous revenons aux temps barbares... M. DE Villemereuil. — Vous pourrez voir dans l'excursion de l'Oisans, sur la route n^ 91, de Grenoble à Briançon, que le mal causé par les conducteurs de force était évitable et que ces conducteurs auraient parfaitement pu être posés à côté, dans des terrains vagues. Un Congressiste. — On pourrait peut-être demander à l'Administra- tion des Ponts et Chaussées de ne pas goudronner les routes aux endroits où se trouvent de vieux arbres vénérables dignes d'être con- s ervés . M. LE Président. — C'est un point sur l('f[uel nous pourrons attirer l'attention de l'Adminietration. M. Flahaùlt. — Les diverses observations qui ont été présentées trou- — 7(i9 -- 25 CONGRES FORESTIER vent, je crois, leur réponse, dans la formule même proposée par M. Sinturel. Si on demande à l'Administration d'être sévère dans l'exploitation, on répond à toutes les objections. M. LE Président. — Je partage votre manière de voir. J'ai cru comprendre. Messieurs, qu'uiie opinion ne s'était pas formée sur la question des plantations d'arbres fruitiers. Certains d'entre vous ont exprimé le vœu que ces plantations se multiplient ; d'autres au contraire, ont estimé que ces plantations ne valaient pas celles d'arbres forestiers. Il est nécessaire que la section se prononce sur cette question. Je crois qu'un rapport a été présenté à la troisième Section sur la question des plantations d'arbres fruitiers ; ce rapport conclut, je ne dis pas d'une manière défavorable, mais fait certaines restrictions sur l'emploi des arbres fruitiers sur les routes. Il serait nécessaire que nous connaissions les conclusions adoptées par cette Section pour que les vœux émis de part et d'autre ne soient pas en opposition. M. Maige. — Je n'ai pas voulu parler tout à l'heure de l'emploi exclusif des arbres fruitiers comme plantations routières. La question est tout à fait subordonnée à des conditions de terrain, de climat, d'alti- tude. M. le baron de Segonzac. — Messieurs, au Conseil général de l'Oise nous avons étudié cela très soigneusement. Chaque pays a sa manière. Dans des terrains très riches, les plantations des routes ont beaucoup d'importance pour les cultivateure . Si on y place des arbres de haute futaie, c'est autant de terrain de perdu. M. le Président. — Nous sommes au miheu de la route et non pas de l'autre côté. [Rires.) M. le baron de Segonzac. — Avec des arbres de haute futaie, la route est toujours rempHe d'eau et est d'un entretien difficile. Avec les arbres fruitiers, la route est toujours sèche et on a de l'ombre. C'est un avantage considérable. Dans ma région, toutes les routes, sans exception, sont plantées de pruniers et de poiriers. Et cela rapporte trois ou quatre fois plus qu'avant. M. le Président. — Je vous rappelle, Messieurs, le titre du rapport de M. Sinturel : La Beauté de la Route... M. le baron de Segonzac. — C'est bien, mais ce n'est pas tout. M. LE Président. — Là doit se borner notre discussion. L'arbre fruitier a sa beauté, surtout lorsqu'il est en fleurs. Quand il est chargé de fruits et qu'il n'a pas été abimé, il a son utihté. Vous parliez de l'ombre — 770 — INTERNATIONAL 1913 du piéton, mais celui qui est au milieu, le charretier, par exemple et son attelage? M. le baron de Segonzac. — Tous les gens qui travaillent à la campagne ne travaillent pas à l'ombre... M. LE Président. — C'est entendu, mais quand ils peuvent avoir de l'ombre, ils la prennent. M. Flahault. — On pourrait modifier légèrement le vœu de M. Sinturel en y indiquant qu'il est bon d'employer des essences diverses, notam- ment des arbres fruitiers, si les conditions voulues sont réunies. M. le Président. — C'est entendu. Un Congressiste. — J'appelle votre attention sur ce fait qu'il y a par- fois intérêt à ne planter des arbres que sur un côté de la route. M. le Président. — Votre observation sera signalée et étudiée. Messieurs, je ne soumets pas aujourd'hui à votre approbation le vœu de M. Sinturel. Nous l'adopterons demain avec les adjonctions que nous venons de décider. La séance est levée à 4 h. 1/4. 771 CONGRES FORESTIER SEANCE DU 17 JUIN 1913 (matin) Présidence de M. GHAIX, président de Section La séance est ouverte à dix heures. M. LE Président. — Messieurs, avant d'entamer la discussion du rapport de M. Beauquier sur la Beauté des Paysages, je donne la parole à M. le docteur Alberto Geisser, qui Fa demandée pour nous faire ime communication au nom du Touring-Club italien. M. LE DOCTEUR Alberto Geisser, délégué du Touring-Club italien. Messieurs, au nom du Touring-Club d'Italie, j'ai l'honneur de vous soumettre une très brève communication. Permettez-moi, tout d'abord, de faire une remarque d'ordre général : la France et l'Italie sont des paj^s que la nature et l'homme ont, au cours de l'histoire, le plus largement dotées de beautés ; la France et l'Italie sont, à mon sens du moins, les pays où de tout temps, les hommes ont le plus cherché à propager au-delà des frontières de leur pays les idées de force et de lumière. L'Italie a été le théâtre d'une civilisation troLs fois millénaire; mais la France est le sol d'où sont jaillies toutes les idées généreuses que ses fils ont répandues par toute la terre ; aussi tout ce que la France entreprend pour la défense de son patrimoine artistique, pour la protection de ses monuments, de ses paysages, intéresse-t-il tout particulièrement les Italiens. C'est donc avec un très vif plaisir que nous avons pris connaissance des rapports présentés à la cinquième section de votre Congrès international, et notamment du rapport de M. Beauquier où l'on trouve une indication, de ce qui a été fait dans l'ordre d idées qui forme le thème d'études de votre section. Peut-être serez- vous. Messieurs, heureux d'avoir à ce sujet des détails complémentaires : le Touring-Club italien, qui compte 110.000 sociétaires, a suivi de quelques années le Touring-Club de France et, suivant les traces de son aîné, il a fait tout son possible pour faire mieux connaître et par consé- quent mieux aimer les beautés de notre pays. Toutefois le Touring-Club italien a cru devoir insister particulièrement sur le problème forestier, parce qu'il touche spécialement à l'intérêt industriel du pays, par l'aménagement des montagnes, bois, etc., en harmonie avec ce qu'un homme d'État a appelé la K conscience forestière », c'est-à-diie la conviction raisonnée que ce problème forestier présente pour le pays vin intérêt de premier ordre. Dans cet ordre d'idées, le Touring-Clhib italien a rassemblé tous les moyens qui permettent de tro iver ane soLition du problème dans rne série de pt'blications analogues à celles que le Touring-Club de France a répandues, tell(>s que le Manuel de r Arbre et le Manuel de VEau. Mais, tandis que ces deux publications du Touring-Club français, qui sont INTERNATIONAL 1913 très appréciées chez nous, s'adressent plus particulièrement à la jeunesse des écoles, les publications du Touring-Club italien s'adressent à tout le monde en général. Ces publications ont été tirées à cent mille exemplaires et je tiens à en faire l'hommage d'un certain nombre aux membres de la cinquième section. Je me hâte maintenant de vous doimei' quelques indications sur la défense des monuments et des paysages en Italie. Tout d'abord on s'est préoccupé des monuments. Cela n'a pas été sans difficalté, parce que notre pays a dû tout d'abord refaire son outillage économique et ce r'est qu'après de longues discussions que le Parlement a sanctionné, il y a quatre ans, ui e loi pour la protection des monuments historiques. On n'a pas inclus la protection des paysages dans cette loi; mais comme il y a aussi en Italie des défenseurs très convaincus de nos sites, je dois signaler que, dès 1905, le Ministre de l'Instruction publique avait obtenu du Parlement une loi spéciale pour défendre contre toute destruction la vaste forêt de Ravenne qui a jadis inspiré au Dante son magnifique poème du Paradis. Puis, en 1910 a été voté une loi que M. Beauquier mentionne dans son rapport, assurant la protection et la conservation des villas et jardins. Vous n'êtes pas, Messieurs, sans savoir que les villes historiques constituent un des ornements principaux dans toutes les régions d'Italie. Malheureusement, il s'est présenté en pratique des cas qui démontrent l'insuffisance de cette loi : ainsi, à Rome, la villa Bonaparte, qui aurait dû être visée par cette loi, n'est pas protégée et risque de disparaître pour laisser la place à des terrains à bâtir. Aussi, le Touring-Club italien a-t-il réuni, il y a trois mois, un congrès à Milan, où sont intervenus les représentants des Ministères et du Parlement, à côté d'associations privées, telles que le «Club-Alpin » ; ce congrès a été illustré par un discours de l'ancien Ministre de l'Instruction publique de 1905 dont je vous parlais tout à l'heure, M. Ravera; on y a élaboré tout un programme, très complexe pour la défense des paysages et des monuments historiques ; je ne vous en entretiendrai pas ici, car il se trouve imprimé en annexe à la publication que je vous ai fait remettre. Permettez-moi seulement de terminer par un vœu sincère et ardent : Le pré- sident du Touring-Club de France, dans la séance d'inauguration du Congrès, a exprimé hier l'espoir qu'il sortirait de ce Congrès quelque chose de durable, et il a affirmé l'union nécessaire de toutes les nations dans l'étude de la défense des intérêts de la forêt. Mon vœu personnel serait qu'un Comité central inter- national fut créé pour la défense des paysages ; ce comité pourrait avoir son siège à Paris ; nous avons créé des comités centraux pour la protection de la propriété littéraire et artistique, pour la protection des brevets d'invention et pour bien d'autres objets ; presque tous ces comités ont actuellement leur siège à Berne. Nous pourrions organiser un bureau international analogue en cette matière : je n'ai pas à insister sur les avantages qu'il offrirait et sur l'essor qu'il pourrait donner en vue de mesures ultérieures pour la protection des paysages. [Vifs applaudissements). M. LE Président. — Je vous remercie vivement de votre intéressante communication et je ne vous cache pas qu'il m'est personnellement agréable de voir que le Touring-Club italien se montre le frère ardent et zélé du Touring-Club de France [Très bien ! très bien !) M. Raoul de Clermont. — • Je vous demanderai, messieurs, de voter des félicitations particulières à l'Italie qui, en 1902, a donné un bel exemple : en effet, à cette date, les enfants des écoles de Rome ont planté quinze mille arbres le jour fl'nne fête présidée par le i-ni d'Italie. M. LE l'i'.i:sii)K.NT. — Nous ne pouvons, en effet, (pie nmis associei au — 773 — CONGRES FORESTIER vœu formulé par M. de Clermont ; tous ici, nous sommes d'accord avec lui. {Approbation unanime). En ce qui concerne la création d'un office international, je répondrai à M. Alberto Geisser que nous avons l'intention de constituer, immé- diatement après notre Congrès et comme conclusion à ses travaux, un comité central international, à limage de celui qui a été créé après le Congrès de la route. Nous avons encore à discuter, avant d'aborder létude du rapport de M. Beauquier, qui fait l'objet principal de notre séance de ce matin, le vœu émis par M. Sinturel, relatif aux plantations le long des routes et au choix des essences. La troisième section discute sur cette même question un rapport de M. Artus, ce matin même, rapport qui est absolument défavorable à la plantation d'arbres fruitiers le long des routes ; il convient de bien nous mettre d'accord pour ne pas émettre ici un vœu contraire à celui qui aurait été adopté dans une autre section. Le vœu de M. Artus exclut les arbres fruitiers. J'ai demandé aux membres de la section de M. Artus pourquoi on avait prononcé cette exclusion d'une manière aussi formelle. On m'a répondu que l'emploi des arbres fruitiers pouvait, sans doute, présenter un certain intérêt, mais qu'il est une question qui doit prédominer : c'est celle du bois d'œuvre qui, petit à petit, se raréfie. Cette disparition du bois d'œuvre est tout à fait inquiétante et, puisque l'État possède un territoire considérable, celui des routes, il convien- drait que ce territoire fût, de préférence, employé à la plantation de bois d'œuvre plutôt qu'à celle darbres fruitiers qui ne présentent pas le même intérêt général. Telles sont les raisons pour lesquelles le rapport de M. Arthus conclut à l'exclusion des arbres fruitiers. M. Beauquier. — On pourrait ajouter encore une raison pour justifier cette exclusion : c'est que généralement les arbres fruitiers sont mutilés par les passants et principalement par les enfants, bien que leur production soit insignifiante, tandis qu'il ne vient à l'idée de personne de casser des branches ou de mutiler des arbres non fruitiers. Dans le département du Doubs on a complètement renoncé à la plantation des arbres fruitiers. M. LE Président. — Notre section n"a pas émis un vœu formel ; nou3 avons dit que la plantation des arbres fruitiers devait être considérée comme étant du domaine de la géographie botanique ; il y a donc intérêt, nous sommes bien d'accord sur ce point, à s'inspirer de consi- dérations qui peuvent varier suivant telle ou telle région. M. Flahault. — ■ Je demande à ajouter un mot encore sur cette question. M. Artus conclut que le peuplier est un arbre national ; il ne saurait convenir cependant dans toute la région méditerranéenne, où le climat y;4 INTERNATIONAL 1913 est trop sec ; ne posons donc point de règle générale : si nous avons un terrain siliceux, plantons des châtaigniers ; si nous sommes dans le Midi, multiplions les mûriers ; si nous sommes en Normandie ou en Picardie, plantons des pommiers ; si ailleurs nous pouvons planter des arbres de futaie, eh bien ! plantons -les ! M. LE Président. — Je crois. Messieurs, qu'après ces observations nous pouvons procéder au vote sur le vœu de M. Sinturel. Je vous en donne lecture : « Que chaque État poursuive et encourage V établissement de plan- tations en bordure des routes, et veille, pour des raisons d'ordre esthé- tique et utilitaire, à en réglementer sévèrement la protection et l'exploi- tation ». Nous avons ajouté les mots : « la protection » à la suite de la discus- sion qui s'est produite hier : «■ Que pour chaque plantation, l administration compétente soit consultée sur le choix des essences, choix qui est surtout du domaine de la géographie botanique. Que chaque exploitation soit suivie, aussitôt que possible, d'une nouvelle plantation ». Je crois que ce vœu résume exactement en ses trois parties toutes les idées qui ont été émises hier. Je vous propose donc de l'adopter. Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. le Président. — La parole est à M. Beauquier pour la lecture de son rapport sur la Beauté des Paysages. M. Beauquier. — Les arbres isolés ou réunis en massifs plus ou moins étendus constituent un des éléments essentiels de la beauté des paysages. C'est pourquoi, indépendamment de leur utilité au point de vue de l'hygiène, de l'assainissement de l'atmosphère, indépendamment de leur action régulatrice sur l'écoulement des eaux, les forêts réclament impérieusement la protection des lois. C'est depuis quelques années seulement qu'on s'est préoccupé de Mesures prUes sauvegarder les beautés de la nature. Il est vrai qu'autrefois elles n'étaient F**"',!** a"" pas menacées aussi souvent qu'elles le sont aujourd'hui : le développe- paysage», ment extraordinaire de l'industrie en quête de forces nouvelles, la mul- tiplicité des routes, des voies ferrées, sont la cause principale de la des- truction continue de nos sites les plus pittoresques. Les Français, admirateurs des beaux paysages, n'ont pas été les premiers à réclamer leur conservation. Dès la fin du siècle dernier, VAÏlemagne instituait un office ou bureau central, chargé d'étudier les mesures à prendre pour sauver les beautés naturelles menacées par le vandalisme industriel. Le professeur Conwentz était nommé président de ce bureau, et à l'h(;ure actuelle, une douzaine de comités provinciaux et de districts ainsi que des comités locaux ont la mission de veiller à (:ON(,Hi:s rOP.KSTIEI! la sauvegarde des monuments de Ja nature (Naturdenkmâler). C'est le bureau central qui est chargé do mettre en mouvement l'action gou- vernementale et celle des grandes administrations lorsqu'il s'agit de prendre des mesures de protection. Do nombreuses associations poursuivent le même but. Telle est par exemple l'association fondée en Saxe en 1908, sous le nom do Sa^hsisten Heimatschuz. Une loi saxonne de 1909 protège les paysages urbains et ruraux : elle intordit notamment les affiches de nature à enlaidir les rues, les squares, etc. Le grand duché de Hesse, dès 1902, a promulgué une loi sur la protec- tion des paysages et sur la limitation du droit d'afficher. Tout dernièrement, la Chambre des députés de Prusse, le Landtag (11 décembre 1912), a discuté un projet de résolution ainsi conçu : « Le Gouvernement royal est invité à présenter un projet en vue de la protec- tion des monuments naturels situés sur l'étendue de la monarchie prussienne ». Nous ajouterons qu'en Allemagne, comme en d'autres pays, on dis- cute avec passion .la création de parcs nationaux à l'imitation de ceux des Etats-Unis. En résumé, nous constaterons un mouvement d'opinion public très prononcé en Allemagne en faveur de la protection de la nature. IJ Angleterre, au point de vue qui nous occupe, est demeurée fort en arrière. Cependant au cours de ces dernières années, il convient de signaler des ordonnances réglementant l'affichage et attribuant un pouvoir dis- crétionnaire aux autorités locales en cette matière. Notons également certains articles do la loi de 1909 sur les habitations ouvrières., articles relatifs aux plans d'extension des villes, et où se font remarquer de louables préoccupations esthétiques. La Belgique^ où l'on peut signaler un fort courant d'opinion en faveur de la protection des beautés naturelles, n'est encore entrée dans la voie des réalisations qu'en un point. Nous voulons parler de la loi récente du 12 août 1911 qui oblige tous les exploitants de mines ou de carrières, leurs travaux terminés, à rétablir autant que possible l'aspect du sol au moyen du reboisement. 11 convient de mentionner, également en Belgique, des cu'culaires ministérielles en vue de sauvegarder les vieux arbres des forêts doma- niales. En Autriche^ la ville de Vienne a voté l'acquisition d'un vaste terri- toire de prairies et de forêts formant une ceinture esthétique et hygié- nique à la capitale. Cinquante-cinq millions de francs seront consacrés à cette acquisition. En Italie, un mouvement assez prononcé pour la protection des pay- sages commence à se manifester. En 1905 et 1909, diverses propositions et projets de résolution, dans ce sens, ont été discutés à la Chambre des députés et ont abouti on 1910 au vote d'une loi assurant « la protection et la conservation des villas, jardins et autres propriétés foncières qui se rattachent à l'histoire ou à la littérature ou qui offrent un intérêt public à raison de leur beauté naturelle particulière ». Il semblerait que la Suisse, cet incomparable musée de chefs-d'œuvre de la Nature, dût figurer en tête de toutes les nations qui ont eu souci de protéger les beaux paysages. / >h INTKi; NATKtNAI. 1013 Il n'en a rien été. Ce pays des torrents, dos lacs, des cimes neigeuses en est encore à désirer une législation protectrice. On n'y a guère jusqu'à présent légiféré que sur les excès d'affichage (canton de Vaud) et sur la destruction de l'edelweiss et autres plantes alpestres menacées de dis- paraître. En revanche et il convient d'applaudir à cette idée, il est ques- tion de créer en diverses régions des parcs nationaux. Déjà certaines vallées sauvages de l'Engadme et la montagne du Boudry, entre le lac de Neuchâtel et le val Travers, ont reçu cette affectation qui les garantit contre le vandalisme industriel ou commercial. En Norvège, à part quelques réserves boisées établies par la loi sous le nom de forêts de défense, nous ne sachions pas qu'aucun texte légal s'oppose à l'exploitation dévastatrice de la houille blanche. Cette exploi- tation est si intense que ce pays, un des plus pittoresques du monde, ne sera bientôt plus visité que par des marchands de bois. La Suède, la Russie, V Espagne, le Portugah en P]urope, ne paraissent pas encore s'être préoccupés d(^ la sauvegarde de hur patrimoine national de beautés naturelles. Pour terminer cette revue forcément écourtée, des pays qui ont le souci de conserver les beaux aspects de la Nature, nous citerons à l'étran- ger : les Etats-Unis dont les fameux parcs nationaux sont connus dans le monde entier; le Canada qui a promulgué des lois contre le déboisement; le Japon qui possède toute une législation prot(;ctrice des forêts; la Nou- çelk-Zélande qui a classé et mis à l'abri des mutilations 27.000 hectares boisés à raison de leur beauté pittoresque... .Si nous considérons maintenant notre pays, la France, nous constatons avec satisfaction que nous sommes entrés depuis quelque temps dans une voie qui, selon toute apparence, nous conduira à une protection efficace de nos plus beaux sites. Nous devons toutefois reconnaitre que la loi que nous avons fait voter mpsiuts ii pren- par le Parlement en 1906 et qui permet aux départements et aux com- protection des munes de poursuivre l'expropriation des beaux sites, des sites classés, piiysafies. n'a pas donné les résultats qu'on en espérait. Les départements et les communes n'étant pas en mesure d'indemniser les propriétaires expropriés, la loi est demeurée lettre morte. Pour remédier à cette situation nous avons déposé dernièrement sur le bureau de la Chambre une nouvelle propo- sition de loi complétant la première et frappant d'une servitude tous les sites classés par la Commission départementale qu'a instituée la loi de 1906. Comme conséquence de l'exposé que nous venons de faire de la légis- lation étrangère en matière de protection des paysages, le Congrès, esti- mant que la France ne doit pas rester en arrière d'autres pays, émet les vœux suivants : I. Que la législation, sur les occupations teiuporaires soie /nodi/iée dans le sens d'une proposition de loi déjà déposée en 1909, loi d'après laquelle aucune •occupation temporaire ne pourra être autorisée aux environs des sites et paysages classés, dans un périmètre qui sera fixé dans chaque département par la commission des sites. II. Que tout exploitant qui modifiera raspcri visUde du sol sera tenu, aussitôt ses travaux achevéf^, et si possible à mesure de leur achèvement, de — 777 — CONGRES FORESTIER réparer le dommage causé à la beauté du site, notamment en faisant les plantations nécessaires pour couvrir dhin manteau de verdure les excava- tions, déblais ou remblais résultant des travaux. III. Que tant au point de vue de la beauté que de V hygiène,. dans un rayon de 80 kilomètres autour de Paris, dans les forêts de VEtat, de nom- breuses réserves artistiques soient établies auxquelles sera imposé un régime d^ aménagement spécial ; les commissions des sites détermineront V emplacement de ces réserves. W . Que les commissions départementales des sites {loi de 1906) soie?it toujours consultées sur tout projet de déboisement ou de travaux publics, routes, chemins de fer, canaux, etc. V. Que la Caisse pour Vachat des paysages forestiers et autres, votée par la Chambre dans sa dernière session, soit largement dotée par VEtat. VI. Que les plus beaux paysages de France soient déclarés réserves natio- ncdes et mis ainsi à F abri de toute mutilation. Vil. Quhine législation uniforme sur les cours d'eau du domaine public et privé ne permette aucune emprise sur les eaux, sans V autorisation expresse du Gouvernement et après avis de la Commission des sites des départements intéressés. M, le commandant Audebra>d s'élève contre la mention faite dans ce rapport dune proposition de Loi qui frapperait d'une serA-itude tous les sites classés par la Commission départementale instituée par la Loi de 1906. M. Colmet-Daage proteste à son tour contre pareille atteinte à la propriété privée. Il ne faut pas parler, dit-il, de servitude et d'obligation de conserver à des gens qui sont propriétaires chez eux. Nous sommes les premiers navrés quand nous sommes obligés de couper des arbres ; je repré- sente des propriétaires forestiers qui payent cent pour cent d'impôts ; jai moi-même payé en dix ans 9.200 francs alors qu'il n'est pas tombé dans ma poche plus de 2.400 francs nets. Je n'admets pas qu'on emploie le mot de servitude et qu'on empêche les propriétaires d'être maîtres chez eux. (Applaudissements.) M. LE Président. — Je répondrai qu'aucun vœu ne vous est soumis sur la question soulevée. M. Beauquier vous dira lui-même que dans le rapport qu'il avait présenté en première hgne, il n'avait pas hésité à émettre un vœu sur ce point ; mais nous avons estimé qu'un tel vœu dépassait la limite de ce que le Touring-Club devait soumettre au Congrès, parce que nous considérions, comme M. le commandant Audebrand, qu'il y avait danger, au point de vue du droit de propriété que nous entendons respecter, à entrer dans la voie préconisée par notre rapporteur. C'est alors que, d'accord avec nous, M. Beauquier a modifié la rédaction des vœux qu'il vous présente, tout en mainte- — 778 — INTERNATIONAL 1913 nant les termes de son exposé. Par conséquent, le vœu que vous vote- rez, en lui-même, ne touche en rien au droit de propriété. M. Flahault. — Je prends la liberté de demander à M. le Rapporteur une petite explication au sujet de trois lignes seulement de son rapport : ( Il semblerait, dit-il, que la Suisse, cet incomparable musée de chefa;- d'œuvre de la Nature, dût figurer en^tête de toutes les nations qui ont eu souci de protéger les beaux paysages. Il n'en a rien été... » M. Beauquier. — Je ne sache pas que, dans la législation suisse, il y ait une loi qui protège les paysages. M. Flahault. — Il n'y a pas de lois fédérales, mais il existe des lois cantonales. M. Beauquier. — Je ne disjpas que la Suisse se refuse à protéger les paysages, je dis quêtant donné sa richesse, elle n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire. M. Flahault. — Je suis un des membres les plus actifs de la « Société suisse de protection de la nature » et nous sommes arrivés à soustraire deux mille kilomètres carrés à toute exploitation ; c'est quelque chose dans un petit pays comme la Suisse que d'arracher à toute espèce de ravages une telle étendue de terrains, — y compris les ravages de la chasse, — et ce, avec le seul appui de lois cantonales ; car la Suisse est une fédération de petites répubhques, la Confédération n'a pas à intervenir par une loi. C'est ce qui m'a été dit, voici deux ans, dans une réunion où je fus admis, — réunion à laquelle assistaient 40 forestiers autrichiens. Mais si la Confédération ne saurait intervenir, les cantons, au contraire, ne méconnaissent pas leur devoir, et quand on voit im canton de montagnards, un canton démocratique comme celui des Grisons abandonner les bénéfices de ses pâturages pendant une durée de cent ans, avec promesse de vente définitive au bout de ces cents années, quand on voit un canton tout entier intervenir par des lois pour protéger des vallées entières, on ne saurait dire que la Suisse n'a rien fait. Une telle initiative, au contraire, mérite d'être placée en toute première ligne. M. Beauquier. — Je suis très heureux de vos explications et je reconnais très volontiers que j'avais été mal renseigné. M. Flahault. — Je serais reconnaissant au Congrès, si le rapport de M. Beauquier était réimprimé, de vouloir bien signaler les efforts de la « Société suisse de protection de la nature » ainsi que ceux de la « Société helvétique des sciences naturelles ». La Suisse est un pays qui a la bonne fortune de ne pas posséder d'académies {rires), pardonnez- moi cette sortie. Cette « Société helvétique des sciences naturelles )>, dès la première — 779 — CONGRES FORESTIER année de son existence, a su trouver cent mille francs pour réaliser ses vues et nous avons acheté. — non pas définitivement, mais pour cent ans, — des propriétés sur ce capital qui nous a été ainsi attribué. M. LE Président. — Je crois. Messieurs, que nous pouvons clore la discussion générale {Assentiment.) Nous allons maintenant prendre les vœux un à un et ouvrir la dis- cussion sur chacun. M. Bruakd demande Tadoption d'un vœu supplémentaire ayant pour objet de modifier la Loi du 19 juillet 1906 relative à l'abaissement des pénalités en matière forestière. M. LE Président. — Avez-vous formulé votre vœu? M. Bruand. — Je l'ai ainsi rédigé : " Que les modifications apportées par la loi du 19 juillet 1906, en ce qui concerne les pénalités édictées par le Code forestier, soient rapportées ». Le vœu de M. Bruand, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — Nous abordons le premier des vœux présentés par M. Beauquier. J'en donne lecture : « Que la législation sur les occupations temporaires soit modifiée dans le sens d'une proposition de Loi déjà déposée en 1909, loi d'après laquelle aucune occupation temporaire ne pourra être autorisée aux environs des sites et paysages classés, dans un périmètre qui sera fixé dans chaque département par la Commission des sites ». M. Colmet-Daage. — Qu'entend-on par occupation temporaire? M. Beauquier. — C'est le droit conféré à tout entrepreneur de travaux de s'installer dans une propriété privée pour extraire les matériaux qui lui sont nécessaires : ainsi un entrepreneur pourra s'installer dans une forêt, si cela lui convient ; il pourra couper les arbres, faire des trous pour extraire la pierre, puis s'en aller en laissant ces trous énormes et horribles. M. Lorieux. — Je suis d'accord avec vous, mais il y a des intérêts qui sont en jeu et qu'il convient de ménager. Sous cette forme un peu impé- rieuse, le vœu me paraît dangereux. Il faut des matériaux pour faire nos travaux ; l'intérêt public est en jeu. Je comprendrai qu'on con- sultât une Commission compétente sur l'occupation temporaire, mais de là à dire qu'aucune occupation temporaire ne pourra être autorisée dans un périmètre fixé 'par la Commission des sites, il y a une marge. — 780 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Ce n"est pas la Commission qui donne 1" autorisation ; elle fournit un avis au préfet. M. LoRiEux. — Une Commission des sites sera toujours disposée à classer tout son territoire. M. LE Président. — On pourrait peut-être rédiger ainsi le vœu : « dans un périmètre qui sera proposé à V approbation du Préfet par la Commission des sites. » M. LoRiEUx. — Parfaitement. M. Beauquier. — La même observation pourrait alors être faite à propos du classement : le public croit que lorsque la Commission des sites a classé un paysage, celui-ci est définitivement classé; c'est une erreur; elle se borne simplement à proposer le classement : c'est toujours l'Administration qui classe. M. Berr de Turique. — C'est le Ministère des Beaux-Arts qui classe. M. le Président. — Il faudra que la proposition de la Commission temporaire s'applique à un terrain qui sera aux environs de sites classés : voilà qui restreint déjà l'influence de la Commission, parce que des sites, des paysages classés, il n'y en a pas partout, et étant donné les difficultés de ces classements, je ne crois pas qu'ils puissent s'étendre rapidement ; il y a donc là une première restriction à l'ingé- rence de la Commission de classement. De plus, si nous disons que le périmètre sera proposé par la Commission des sites à l'Administration, nous plaçons cette Commission dans son véritable rôle qui est celui d'un Comité consultatif, et l'Administration verra si elle doit admettre la proposition. M. le commandant Audebrand. — Ne craignez-vous pas que, lorsque quelqu'un se sera vu une première fois refuser une autorisation, cela ne crée un précédent fâcheux et qu'un autre entrepreneur ne se voie systématiquement refuser toute demande d'occupation temporaire? M. le Président. — Nous sommes un Congrès de protection des paysages pour défendre la nature contre toute exploitation outrancière. L'Admi- nistration qui aura l'avis de la Commission des sites pourra apprécier si cet avis est sérieux. M. le commandant Audebrand. — C'est entendu pour une première demande; mais cela ne va-t-il pas, ipso facto, créer un précédent pour une demande ultérieure? M. LE Président. — Non, car l'avis s'applique pour un cas d'espèce. M. le commandant Audebrand, — Nous sommes d'accord. — 781 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — S'il n'y a pas d'autre obsarvation, je vous propose, Messieurs, d'adopter ce vœu. Le vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — Je passe au vœu n° 2 : « Que tout exploitant qui modifiera Vaspect visible du sol sera tenu, aussitôt ses travaux achevés^ et si possible, à mesure de leur achève- ment, de réparer le dommage causé à la beauté du site, notamment en faisant les plantations nécessaires pour couvrir d'un manteau de ver- dure les excavations, déblais ou remblais résultant des travaux ». M. Beauquier. — Ce vœu implique l'obligation pour n'importe quel . exploitant, pour n'importe quelle occupation temporaire — et que le site soit classé ou non, qu'il se trouve ou non dans un périmètre de site classé, — il implique, dis-je, l'obligation pour n'importe quel entrepreneur qui aura modifié l'aspect du sol d'une façon désagréable au point de vue du paysage, de réparer le dommage fait à sa beauté, comme on répare un accroc fait à une robe. Je parle là de l'accroc fait à la robe verte de la nature : gazon ou forêt ! Vous vous êtes rendu compte, au cours de vos voyages, de l'aspect désagréable de ces plaies, de ces taches, de ces accrocs au flanc des montagnes... M. Gariat. — De ces éventrements ! M. Beauquier. — Le carrier qui vient de faire un trou pour l'exploita- tion du sable s'en va et laisse à la nature le soin de réparer le désastre. Cela peut durer longtemps, alors qu'en jetant quelques graines ou en faisant des plantations, il pourrait souvent hâter la réparation. Dans un récent article, paru dans le journal la Nature, M. Martel s'occupe de cette question et formule des observations très intéres- santes. Je me permettrai de vous hre quelques lignes seulement de son article, parce qu'elles viennent précisément à l'appui du vœu que je soumets en ce moment à votre approbation. Voici ce qu'écrit M. Martel : « En dépit de tous" règlements et circulaires administratifs, les travaux sont presque toujours commencés avant l'achèvement des enquêtes, et quand celles ci sont défavorables, on se trouve en présence du fait accompli, du bar- rage édifié, du viaduc construit, du remblai achevé, de la montagne éventrée, du cours d'eau asséché ! « Il est trop tard ! le forfait est perpétré ! « Aux entrepreneurs surtout on laisse trop d'initiative et d'indépendance, principalement quand il s'agit de se procurer des matériaux à l'usage des rem- blais et soutènements; alors ils n ont nulsoucid'enlaidirun paysage par l'ouver- ture, à portée commode pour eux, d'une carrière ou d'une tranchée qui pourrait, avec plus de discernement, être exécutée à une autre place ». — 7-82 — INTERNATIONAL 1913 M. Colmet-Daage et M. le commandant Audebrand consentent bien à accepter le vœu de M. Beauquier, mais sous condition qu'il soit complété par une formule réservant le droit de propriété. Le vœu ainsi complété, mis aux voix, est adopté ; « Que tout exploitant qui modifiera l'aspect visible du sol sera tenu, aussitôt ses travaux achevés, et si possible à mesure de leur achèvement, de réparer le dommage causé à la beauté du site, sans qu'il soit porté atteinte à son droit de propriété, notamment en faisant les plantations nécessaires pour couvrir d'un manteau de verdure les excavations, déblais ou remblais résultant des travaux ». M. LE Président. — M. Beauquier s'oppose à l'addition qui a été votée avec le vœu ; nous ne pouvons, naturellement, qu'enregistrer sa protestation. Nous arrivons au vœu n^ 3 dont voici le texte : « Que tant au point de vue de la beauté que de Ihygiène, dans un rayon de 80 kilomètres autour de Paris, dans les forêts de l'Etat, de nombreuses réserves artistiques ' soient établies auxquelles sera imposé un régime d'aménagement spécial ; les Commissions des sites déter- mineront l'emplacement de ces réserves ». La parole est à M. Bruand. M. Bruand. — ■ Je trouve le rayon de 80 kilomètres beaucoup trop court, surtout avec la facilité actuelle des moyens de communication ; la population parisienne, de nos jours, n'hésite pas à s'éloigner de la capitale et à excursionner dans un rayon de 90 et 100 kilomètres : il me suffira de citer la forêt de Compiègne qui est distante de Paris de 84 kilomètres, où les Parisiens font cependant de fréquentes excursions. On pourrait donc, sans inconvénient, augmenter le rayon et le porter, par exemple à 100 kilomètres. J'ai une seconde proposition à présenter : je voudrais qu'on ajoutât, à la suite du vœu, les mots : « et qu'à l'avenir, toutes propositions quels qu'en soient les auteurs, tendant à restreindre l'étendue de ces forêts soient absolument écartées ». Dans ma pratique forestière j'ai été témoin de choses extraordi- naires : c'est en vain que les pouvoirs publics proclament la nécessité de maintenir intégralement notre admirable domaine forestier; tou- jours au lendemain d'une semblable déclaration, un accroc formidable au principe est donné. En voulez- vous un exemple? Prenez la forêt de Saint-Germain ; je l'ai vue successivement sillonnée par deux voies de chemins de fer, deux lignes pour le camp, encombrée d'un champ de tir, d'un champ de courses, et par-dessus tout, réduite de 400 hec- tares, à Aclières, pour l'installation d'un champ d'épandage dont on a fait un centre pestilentiel ! Les forestiers ont eu beau lutter, ils ont — 783 — CONGRES FORESTIER été abandonnés par leurs chefs. Et le plus souvent le déboisement s'est produit pour satisfaire des intérêts tout à fait mesquins : c'est ainsi que l'ancienne Compagnie de l'Ouest a fait sa ligne de chemin de fer uniquement pour faire concurrence aux voituriers de Maisons- Laffîtte et profiter du trafic. Au champ de tir de cette dernière locahté, une cause de perte énorme réside dans ce fait que nombre de balles qui manquent les cibles vont occasionner des dégâts considérables en forêt ; quand on fait des coupes à cet endroit, à tout instant on trouve des arbres mutilés par les balles. Le champ d'épandage dont je parlais tout à l'heure est, dans cet ordre d'idées, un exemple vraiment homérique : là, les ingénieurs ont évidemment induit en erreur les populations. Il conviendrait que les grands corps de l'Etat ne perdissent jamais de vue l'intérêt général en semblable matière. M. LE Président. — Le Ministre a parlé hier de cette question et il crée en ce moment-ci une Commission pour indiquer les emplacements de toutes les réserves artistiques. M. Bruand. — J'ai entendu bien des paroles de ministres dans ma car- rière et j'ai toujours constaté qu'à la suite des beaux discours que j'avais applaudis, une influence quelconque était venue faire apporter une dérogation au principe affirmé la veille. M. le Président. — Quand le Ministre peut se retrancher derrière une Commission officielle, il est beaucoup plus fort. M. Bruand. — Vous connaissez peut-être le fait qui s'est produit, il y a quelques années, à Embrun : un enfant de cette localité, qui avait fait fortune à Marseille, léguait ses biens à sa ville natale... M. LE Président. — C'est l'histoire de la forêt de Cadarache. M. Bruand. — Vous la connaissez ! alors, je n'insiste pas. M. LE Président. — Nous avons suivi, au Touring-Club, cette question de très près et nous sommes intervenus, très heureusement et avec succès. Nous connaissons par conséquent toute l'histoire de cette forêt qui ne pouvait entrer dans le domaine national d'Embrun qu'à la condition d'en sortir. M. Bruand. — Eh bien ! je suis très heureux que le Touring-Club ait réussi dans son intervention, car c'est moi qui avais attaché le grelot. M. LE Président. — Vous voyez que le résultat a été très beau. M. DE Clkrmont. — Je voudrais vous proposer comme conclusion à notre discussion, l'adoptiori d'un vœu qui a déjà été adopté par le — 7S'i — INTERNATIONAL 1913 « Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale », qui s'est tenu à Koubaix en octobre 1911, vœu qui concerne cette même question. Il est ainsi rédigé : u Le Congrès invite M. Charles Beauquier à ajouter usa proposition de loi tendant à créer des réserves nationales boisées en vue de l'hygiène et de la conservation de la beauté des sites un article étendant le héné- fice de V aménagement forestier spécial hygiénique et esthétique à tous les départements. « // i?ivite le Parlement à voter d'urgence cette proposition ainsi modifiée «. M. LE Président. — C'est dans Tesprit du Ministre actuel : il veut créer dans l'ensemble de la France une série de réserves artistiques qui seront soumises à un régime spécial d'exploitation, (^ost le but de la Com- mission dont le Ministre a parlé hier. Je crois que nous serons d'accord avec M. Beauquier ; il ne demande qu'une chose : c'est qu'on multiphe les réserves artistiques et la meilleure preuve, c'est que son vœu n^ 6 dit ceci : « Que les plus beaux paysages de France soient déclarés réserves nationales et mis ainsi à l'abri de toute mutilation )>. Pour revenir à la proposition de M. Bruand sur laquelle nous n'avons pas encore statué, je vous demanderai de supprimer purement et sim- plement la phrase : « dans un rayon de 80 kilomètres autour de Paris ». M. HiCKEL. — Je voudrais demander à M. Beauquier ce que dans sa pensée, signifient les mots « aménagement spécial '>. iM. LE Président. — C'est un aménagement pour les réserves artis- tiques. M. HiCKEL. — M. Flahault vous expliquerait avec beaucoup plus de talent que moi que les coupes sont une succession d'états dilîérents dans la vie de la forêt. Prenez le train de Paris à Versailles, vous rencontrerez, après des portions de bois à l'aspect morne et triste, du fait de l'épais tapis de feuilles mortes qu'on foule aux pieds, de véritables champs de digitales que les promeneurs sont heureux de rapporter à pleines brassées. Je crois donc que toute modification à l'aménagement actuel de ces forêts irait à l'encontre de l'esthétique et des désirs, probablement inconscients des promeneurs. Je n'ai jamais occupé l'inspection de Versailles, mais je puis vous dire cependant qu'avant même que l'Administration prescrivit la réserve des arbres remarquables, les inspecteurs ont toujours l)ien rempli leur devoir. M. Flahallt. — Je répondrai à M. Hickel qu'il s'occupe trop, qu'il s'inquiète trop surtout de la valeur de ces mots « aménageiiwnt sjic- — 785 — CO'GRES FORESTIER cial » et en lui disant cela, je pense à Fontainebleau. Quand il aura vécu aussi longtemps que moi, il comprendra qu'en quarante ans de vie de naturaliste on peut voir le sens d'un substantif et dun adjectif se modi- fier profondément. Heureusement pour nous, M. l'inspecteur Bruand ou M. l'inspecteur X... ou Y... n'interpréteront peut-être pas l'amé- nagement de la même manière, de sorte qu'ils aideront la nature à recouvrer ses droits et par là même, feront, ce que nous souhaitons. M. DE Clermont. — En ce qui concerne les environs de Paris, j'estime qu'il n'y a qu'à maintenir le statu qiio. parce que personne, mieux que l'Administration des forêts et la Conservation de Paris, ne saurait apporter plus de soins à l'esthétique des forêts. M. Beauquier. — La k Société pour la protection des paysages » comprend un grand nombre de forestiers, notamment le Directeur général des Eaux et Forêts, qui marche toujours d'accord avec nous. Nous sommes heureux de lui rendre hommage. M. LE Président. — De toutes les observations qui précèdent, il ressort que nous sommes tous daccord ; par conséquent je n'ai plus qu'à vous proposer l'adoption du vœu dont je vais vous donner une nouvelle lecture, en le complétant par l'addition proposée par M. Bruand, en supprimant d'autre part la phrase relative au rayon de 80 kilomètres autour de Paris ainsi que la partie finale relative aux Commissions des sites, puisque, comme je vous le disais tout à l'hem'e, ce sera la Commission instituée par le Ministre qui aura à déterminer l'empla- cement des réserves. Voici ce vœu : « Que tant au point de me de la beauté que de l'hygiène, dans les forêts de VEtat^ de nombreuses réserves artistiques soient établies auxquelles sera imposé un régime d'aménagement spécial, et qu'à Vavenir toutes propositions quels qu'en soient les auteurs, tendant à restreindre l'étendue de ces forêts soient absolument écartées ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. le Président. — Je donne lecture du vœu n» 4 : « Que les Commissions départementales des sites {Loi du 21 avril 1906) soient toufours consultées sur tout projet de déboisement ou de travaux publics, routes, chemins de fer, canaux, etc. ». M. Colmet-Daage. — Il faudrait mettre : « e?i matière de travaux publics n et non pas « ou de travaux publics ». C'est absolument différent. M. de Clermont. — Je demanderai qu'on ajoute après les mots : « les Commissions des sites » ceux-ci «. réunies à la Commission départe- mentale d'hygiène ». Ces deux Commissions s'éclaireront lune l'autre. — 786 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Je ne verrai pas, quant à moi, d'inconvénient à cette addition. M. DE Segonzac. — La question est assez sérieuse. On nous dit : « en France, il ne faut pas déboiser ». Cela est vrai ; mais c'est là une charge nouvelle qu'on impose aux propriétaires, charge très lourde et dans ces conditions nous, les propriét jtires fonciers, nous estimons que si on veut nous obhger à garder les forêts, il faut nous indemniser, M. LE Président. — Le principe de l'indemnité a été discuté dans une autre section. M. Beauquier. — D'ailleurs, on ne demande qu'un avis. M. le Président. — Vous en tiendrez compte ou non. M. Beauquier. — On n'entrave en rien votre hberté : on fera simple- ment appel à vos sentiments artistiques, le cas échéant. M. le Président. — La Commission émettra un avis qui n'aura qu'une valeur purement morale. Il est arrivé que, sur des observations présentées, soit par le préfet au nom de la Commission, soit par certains organismes d'Etat, on a pu enrayer certains défrichements fâcheux. M. Beauquier. — Très souvent, quand la Commission écrit à un pro- priétaire qui veut déboiser et fait appel à ses sentiments artistiques, celui-ci consent à ne pas couper ses bois. Laissez-nous donc cette ressource d'agir moralement. M. LE Président. — Si ce vœu portait un préjudice quelconque au droit de propriété nous ne vous l'aurions pas présenté. M. DE Segonzac. — Je ne le vois pas comme vous. J'estime que si vous laissez passer le petit doigt dans l'engrenage, la tête et tout le corps y passeront ensuite. Un Congressiste. — Je suis d'avis qu'il convient d'éviter autant que possible l'intervention de l'Etat. {Marques nombreuses d'approbation.) Il n'a absolument rien à voir, ni dans les sites, ni dans les paysages. M. Beauquier. — Il ne s'agit pas de l'Etat, mais d'une Commission départementale élue. M. Flahault. — Il me semble que nous mettrions le vœu en harmonie avec l'opinion qui parait dominer chez un certain nombre de congres- sistes qui partagent l'avis de M. de Segonzac, en mettant tout simple- ment, comme le propose M. Colmet-Daâge ^^ en matière de travaux publics ». En réalité, la propriété privée est protégée par d'autres articles de lois ; il s'agit ici d'un cas spécial. — 787 — COIS'GRES FORESTIER M. Van de Poll. Je représente ici le Touring-Club de Hollande. Permettez-moi de vous dire que nous avons, dans notre pays, organisé des Sociétés qui se sont donné pour mission d'acheter des sites pour les préserver des dangers qui peuvent les menacer. Nous avions tout d'abord songé à faire intervenir l'Etat, mais celui-ci n'a rien fait. Heureusement le Touring-Club s'est adonné à cette tâche et il a réussi à faire racheter des sites intéressants. Nous avons depuis longtemps des Sociétés pour la préservation des monuments de la nature, ana- logues aux « N atiirdenkmàler » qui existent en Allemagne. L'une de ces Sociétés pour la préservation des monuments de la nature a racheté un lac, ou plutôt une espèce de marais aux environs d'Am- sterdam, qu'on avait voulu combler pour y mettre les déblais de la ville. Ce marais présente un intérêt esthétique par sa forme curieuse ; nous l'avons donc acheté ainsi qu'un bois immense, — le bois de Haguenau, pour un million de florins. C'est un bois qui se trouve entre le diluvium et l'alluvium. Je terminerai par cette remarque que chez nous on pratique la politique de la porte ouverte en ce sens que tout le monde peut voir les belles propriétés, alors que celles-ci en France sont, la plupart du temps, entourées de clôtures qui ne permettent pas d'en contem- pler la beauté. Ne croiriez-vous pas qu'il y aurait pour vous un intérêt à constituer des Sociétés analogues à celles dont je viens de vous parler et qui, en Hollande, emploient l'argent qu'elles recueillent sans donner d'intérêt. M. LE Président. — C'est très difficile à réaliser ; on peut cependant trouver de ce côté des concours précieux. Un Congressiste. — Ces bois rapportent ; si vous les faites aménager par un forestier qui connaisse son métier, vous pouvez en tirer, pour la Société tout au moins, la rente qui l'aidera en partie dans la tâche qu'elle a entreprise. M. le Président. — Nous avons en France des Sociétés comme celle des « Amis de V Arbre » qui ont fait beaucoup de bien. Le même Congressiste. — Ce que je voudrais simplement, c'est qu'au heu de faire intervenir l'Etat, on s'adressât à ces Sociétés. M. LE Président. — On peut avoir les efforts réunis des particuliers et de l'Etat et à ce point de vue, le Touring-Club a tracé la voie ; il a exercé son action sur les pouvoirs publics en même temps que sur les particuliers. Nous serions très heureux de voir des Sociétés spéciales se créer dans les différentes régions. M. de Clermont. — Au sujet des observations présentées par M. le délégué du Touring-Club de Hollande, je dois signaler qu'un nouvel article du code bernois et un autre du code zurichois commissionnent — 788 — INTERNATIONAL 1913 des Sociétés particulières pour la protection des sites et pour la pro- tection des forêts, lorsqu'elles offrent des garanties suffisantes. M. LE Président. — Je mets aux voix, car je crois que personne n"a plus d'observations à présenter sur cette question, le vœu n° 4 modifié dans le sens qui a été indiqué tout à l'heure par M. Colmet-Daâge et M. Flahault. Voici la rédaction que nous vous proposons : « Que les Commissions départementales des sites, — Loi de 1906 — soient toujours consultées en matière de travaux publics, sur tout projet de déboisement, de travaux, routes, chemins de jer, canaux, etc. «. Ce vœu est adopté. M. LE Président. — Vœu n° 5. « Que la Caisse pour l'achat des paysages forestiers et autres, \.'otée par la Chambre dans sa dernière session, soit largement doter par V Etat ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. le Président. — Vœu dP 6. « Que les plus beaux paysages de France soient déclarés réserves nationales et mis ainsi à Vabri de toute mutilation «. Nous sommes tous d'accord sur cette question. Le jour où l'on clas- sera, il faudra bien indemniser; on ne peut classer que moyennant indemnité. Ce vœu, mis aux voix, est adopté. M. LE Président. — Voici notre dernier vœu : « Qu^une législation uniforme sur les cours d'eau du domaine public et privé ne permette aucune emprise sur les eaux sans V autorisation expresse du gouvernement et après avis de la Commission des sites des départements intéressés ». La parole est à M. Beauquier. M. Beauquier. — Ce vœu soulève, Messieur.s, une très grosso question. Il s'agit de l'utilisation des cours d'eau non navigables ni flottables. Il y a déjà, sur ce point, une Loi de 1898 qui décide qu'en matière d'utilisation des cours d'eau, l'autorisation de l'Etat est nécessaire. Il y a quatre ou cinq ans une grande Commission a été nommée pour étu- dier le régime des eaux ; elle comprenait des ingénieurs en gi'ande quantité et toutes les sommités de l'Administration. J'avais demandé à en faire partie, malgré mon incompétence, pour présenter un article relatif à la protection des paysages. A l'unani- mité, mon article a été adopté : l'autorisation du gouvernement deve- — 789 — CO^•GRÊS FORESTIER nait nécessaire en cas d'utilisation des eaux, soit au point de vue de l'irrigation, soit au point de vue de l'alimentation, soit au point de vue de la protection des paysages. Cette Commission, après avoir tenu de longues séances, n'a pas abouti. Le Ministre en a reconstitué une nouvelle où il m'a appelé à colla- borer. Naturellement je me propose de faire prévaloir mes idées pour introduire dans la Loi la protection des paysages. Je suis sûr, étant donné les sentiments dont le Ministre est animé et qu'il a manifestés hier, que ma proposition passera puisqu'elle a passé déjà au sein d'une Commission composée en majorité d'ingénieurs. Nous pourrions émettre sur cette question le vœu que je vous pré- sente ; certainement son adoption aurait une grande valeur. M. LE Président. — Vous avez demandé que la question fût soumise au Congrès puisque vous en avez fait l'objet d'un voeu de votre rap- port. Il est naturel que la section qui en est saisie discute ce vœu et émette une opinion pour pouvoir dire si elle admet ce vœu ou si elle le repousse. La discussion est donc ouverte. M. le commandant Audebrand. — Cette question est extrêmement grave et, comme la plupart des questions qui ont été soulevées aujour- d'hui, elle s'étend beaucoup plus loin que la protection des paysages Elle touche à une richesse nouvelle en France : l'industrie de la houille blanche. Si vous voulez bien me le permettre, je reprendrai la question ah ovo. Une loi de 1898 a réglé un certain nombre de points litigieux au sujet des cours d'eau qui ne sont ni navigables ni flottables. Il y a, au point de vue légal, deux catégories de cours d'eau : ceux qui ne sont ni navigables ni flottables et où l'eau est res nullius^ et les cours d'eau navigables et flottables. Sur les premiers on peut statuer par voie d'autorisation adminis- trative, suivant une procédure compliquée; sur les seconds, on peut avoir des concessions toujours révocables ad niitnm. L'Etat octroie la permission d'installer une usine à grands frais ; sans donner aucune compensation, il peut vous obliger à partir. Si j'ai bien compris votre idée, il serait question, à l'heure actuelle, d'étendre ce régime des cours d'eau navigables à la généralité des cours d'eau et vous légitimeriez cette mainmise générale sur nos rivières par des considérations d'esthétique. Prenez garde ! Réfléchissez bien ! c'est là une mesure très grave : c'est une dépossession presque complète et la rupture de contrats en cours à l'heure actuelle ; c'est une expropriation générale de notre richesse. A l'heure actuelle, nous sommes obhgés d'importer tous les ans environ un tiers de la houille qui est nécessaire à notre industrie, car nous n'extrayons pas de notre sol la totalité de combustible dont nous avons besoin ; nous sommes donc, dans la lutte économique, à ce — 790 — INTERNATIONAL 1913 point de vue, dans un état d'infériorité; mais il se trouve que, grâce au cours d'eau, nous pouvons lutter économiquement avec les autres nations ; ce n'est donc pas le moment de nous déposséder de tout ce que nous avons. La raison esthétique que vous invoquez est certaine- ment très respectable ; mais il est très difficile aussi de définir les limites de l'esthétique en pareille matière. M. Beauquier. — • L'Etat, la collectivité sera juge de l'autorisation à donner ou à refuser. Evidemment, il réservera son autorisation pour les beaux sites. Par exemple, voici la source de la Loue dont l'expro- priation est poursuivie devant le Sénat après avoir été admise à la 'Chambre : nous avons demandé que l'Etat achète la source de la Loue pour empêcher une emprise sur ce site admirable ; il est évident que si la loi autorisant l'Etat à empêcher l'usinier de s'établir à cet endroit avait été votée, il n'aurait pas donné cette autorisation. Nous demandons que, dans un beau site, un industriel ne puisse avoir le droit de changer complètement l'aspect du paysage sans l'autorisa- tion du gouvernement. Qu'il place son usine ailleurs ! M. le commandant Audebrand. — Il ne le peut pas. M. Beauquier, — Eh bien ! je prétends qu'il y a dans la conservation de ce beau site un intérêt général supérieur à l'intérêt de cet industriel. M. le commandant Audebrand. — Très bien pour la source de la Loue ! Là, l'Etat est dans son droit, mais je vais vous dire comme M. de Segonzac tout à l'heure : quand on met le petit doigt dans l'engrenage, tout le corps passe. Demain une autre personne trouvera une chute d'eau aussi esthétique que la Loue et alors, nouvelle interdiction? Où s'arrêtera-t-on alors dans cette voie? M. Beauquier. — Mais tant mieux 1 si ces cours d'eau sont intéressants à ce point ! c'est ce que nous demandons. M. Flahault. — J'insiste avec M. le commandant Audebrand sur les raisons qu'il a fait valoir pour défendre les cours d'eau non navigables. Cette question touche de très près à celles qui ont été posées tout à l'heure par M. de Segonzac ; elle touche aux intérêts sacrés de la propriété que je ne place pas au-dessus de l'intérêt général, mais qui peuvent s'exercer in minimis, sans attendre les décisions de l'Etat. M. Beauquier. — Il ne s'agit que des beaux paysages. M. Tribot-Laspière. — Il ne faut pas confondre les deux questions : domaine public et domaine privé. Dans le domaine privé, au point de vue esthétique, l'Etat n'a rien à faire ; autant il a le droit de légiférer pour le domaine public, autant il doit s'abstenir pour le domaine privé. Sous prétexte d'esthétique, ce sera une intervention permanente. — 791 — CONGRES FORESTIER M. DE Segonzac. — - J"ai le regret, à mon tour, de ne pas être traccord. avec M. Beauquier. Evidemment, il est animé, je le sais, des meilleures intentions, et si nous n'avions affaire qu'à lui, cela irait tout seul. Mais il s'agit de demandes qui peuvent se multiplier sur tout le terri- toire et dans toute la France surgiront mille petites tracasseries conti- nuelles. Si, à chaque prise d'eau, il faut s'inquiéter de savoir si le site est plus ou moins esthétique, nous n'en finirons pas ; cela durera deux ans, trois ans, quatre ans. Je suis bien convaincu, je le répète, qu'avec M. Beauquier, cela irait tout seul, mais il ne se rend pas compte de l'ennui considérable qu'il nous occasionnerait avec sa proposition. Un Congressiste. — D'autant plus qu'il est extrêmement difficile de donner un critérium de l'esthétique d'un site. M. le Président. — Il n'y a qu'un moyen ! c'est le classement 1 M. Tribot-Laspière. — Je vous demande la permission d'élever un peu le débat et de vous indiquer pourquoi à mon sens, il convient de repous- ser ce vœu : c'est que le premier devoir d'un gouvernement est de favoriser l'aménagement des chutes d'eau, parce que toute la puis- sance que nous pouvons en tirer se traduira par des économies pour l'industrie : il ne faut pas oublier, en effet, qu'à l'heure actuelle, nous importons pour 470 milhons de francs de houille ; ce n'est donc pas le moment de compliquer les formalités pour l'achat d'un cours d'eau quelconque. M. le l^RÉsiDENT. — Il faut tirer le maximum de rendement de la houille blanche. jM. Tribot-Laspière. — Il faut se pénétrer de cette idée que tous ces cours d'eau représentent de l'argent et qu'il serait très dangereux d'augmenter les formalités, si nombreuses déjà, qui détourneraient l'industrie de leur utilisation. M. DE Segonzac. — Il vaudrait mieux certainement que M. Beauquier retirât son vœu. M. Maige. — - Ce n'est pas mon avis. Je ne crois pas qu'il faille retirer le vœu ; sans doute les cours d'eau sont pour l'industrie une grande source de richesse ; mais la beauté des sites est également une cause de profits pour toute une région. Nous devons défendre les montagnes et empêcher l'installation d'usines dans tel ou tel endroit dont la beauté attire une foule de touristes et d'étrangers. M. le rapporteur a donc été très bien inspiré en tenant compte de cet élément principal : « l'esthétique » que certains industriels affectent de par trop négliger. Cet élément est une source de richesse à côté de l'élément économique. — 792 — INTKI! N \'irii\ Al. lîUo M. Tiubot-Laspièke. — Mais cela rapporte-t-il les 500 million^ que nous coùtt' ruMIisation iiieomplète de nos cours d"eau? M. Maige. — Je vous citerai le cas d'un petit village, où rien ne se serait fait, où les gens étaient dans la misère et y seraient restés voûte leur existence si le « Club-Alpin » et le « Syndicat d'initiative de Savoie » n"en avaient révélé les beautés naturelles. Dès lors, les touristes sont arrivés et tous ces malheureux ont pu se donner un peu de bien-être ; ils ont vu petit à petit s'accroître leurs ressources ; eh bien ! jamais un industriel ne serait venu là. Nous ne devons donc pas repousser le vœu de M. Beauquier, car il tient compte de l'intérêt général de la France et c'est ce qui nous guide quand nous demandons que soit conservée la beauté d'un paysage. M. Flahault. — Je ne m'opposerai pas à ce que le vœu soit adopté en tant que vœu ; mais il me semble qu'il y aurait lieu, si M. Beauquier y consentait, de supprimer ces deux mots : <( et privé j> de façon à ne laisser subsister le vœu que pour les cours d'eau du domaine public. Ainsi disparaîtraient toutes les difficultés, toutes les tracasseries aux- quelles on a t'ait allusion. M. LE Président. — Si vous supprimez les mots « et privé » vous retom- bez dans la situation actuelle. Avec la législation présente, vous êtes toujours obligé de demander une autorisation en ce qui concerne les eaux du domaine public ; et comme le disait très bien M. le comman- dant Audebrand, cette autorisation est révocable « ad niitum ». Le vœu ne fait que consacrer la situation actuelle si nous supprimons ces deux mots « et privé » et par conséquent il n'oiïro plus d'intérêt. M. Lorieux. — 11 y a un mot qui, peut-être, effraye les membres de cette section : c'est l'expression « législation uniforme ». Il me paraît diffi- cile, en effet, d'associer dans une même législation des cours d'eau si différents : il est évident que le petit torrent des Alpes ne saurait jouer le même rôle que tel autre cours d'eau, au débit calme et lent. Il conviendrait donc de trouver une formule qui ne consacre pas cette injustice. Voilà un premier point. Il en est un autre : j'ai entendu dire tout à l'heure que les cours d'eau non navigables n'étaient pas sous la tutelle du gouvernement. 11 y a là une erreur : on ne peut rien faire sur un cours d'eau sans l'intervention du gouvernement, qui se mani- feste, non pas par l'action ministérielle, du moins par celle de la pré- fecture. C'est déjà une garantie considérable : on ne peut, par exemple, établir de barrage sans autorisation ; il y a là pour le public une garantie sérieuse. Maintenant, la généralité de ce vœu est-elle ce qu'il y a di; plus inquiétant? Comme l'a dit M. Beauquier — et il a mille fois raison. — il faut défendre les beaux sites ; par conséquent, si le vœu de M. Beau- quier vous semble un peu large, il-convient de rechercher une formule — 703 - CONGRES FORESTIER qui concilie les opinions qui se sont fait jour ; cela ne paraît pas impossible. M. LE Président. — M. Lorieux vous invite à trouver une formule qui donnerait satisfaction à 1b fois au désir de M. Beauquier de conserver les sites si particulièrement beaux de nos montagnes et le désir des industriels qui veulent jouir d'une liberté suffisante pour pouvoir exploiter. Cette idée est dans l'esprit de tout le monde. Il nous faut donc chercher une rédaction moins large que celle de M. Beauquier qui affirme une espèce d'emprise du gouvernement sur tous les cours d'eau de France. Nous ne pouvons pas improviser un texte ; il est nécessaire de rédiger une formule qui serait soumise au vote de la section. Quelqu'un a-t-il un texte à présenter? M. DE Clermont. — Nous pourrions nous mettre d'accord et restreindre la généralité du vœu en l'appliquant uniquement aux sites qui ont été proposés pour le classement par la Commission instituée par la Loi de 1906. M. LE Présideîs't. — Nous sommes, après cette longue discussion, plus éclairés sur les idées respectives qui ont toutes été nettement émises. Etes-vous d'avis de clore la discussion et de mettre aux voix le texte de M. Beauquier, étant entendu que, s'il est repoussé, nous nous réservons de vous proposer un texte transactionnel? {Adhésion.) Sous la réserve que je viens d'indiquer, je mets donc aux voix le texte du vœu de M. Beauquier tel qu'il vous en a été donné lecture. Ce texte n'est pas adopté. M, LE Président. — Il convient maintenant de trouver un texte tran- sactionnel. M. Gabiat. — Voici la rédaction que je proposerai : au terme a légis- lation uniforme » substituer les mots « législation appropriée » et terminer le^ vœu après les mots « emprise sur les eaux )> par ceux-ci : « dans les sites proposés pour le classement ». M. Tribot-Laspière. — Et si les sites ne sont pas proposés dans un délai acceptable? Quand une Commission est en jeu, sa décision peut se faire attendre plusieurs années. Pendant ce temps, l'industrie attend. M. LE Président. — S'ils ne le sont pas, vous avez votre liberté. M. Tribot-Laspière. — Comment seront limités les sites à protéger? C'est un nouvel élément d'inpertitude. M. Gabiat. — Ce sera une question d'espèce et de fait. M. le Président. — Cette rédaction nous permet de ménager, je crois, — 794 — INTERNATIONAL 1913 les intérêts en présence : je comprends très bien que vous défendiez avec énergie des intérêts personnels qui sont aussi des intérêts natio- naux, cela est indiscutable, mais vous comprendrez aussi que le Touring-Club défende les intérêts du tourisme et s'efforce d'aménager et de protéger la montagne. J'estime que la proposition nouvelle qui nous est faite peut ménager tous ces intérêts. Par conséquent, je vous demande. Messieurs, de vouloir bien voter la proposition transactionnelle de M. Gabiat, dont je vais vous donner lecture : « Qu'une législation appropriée sur les cours d'eau du domaine public et privé ne permette aucune emprise sur les eaux dans les sites proposés pour le classement ». Ce vœu, mis aux voix, est adopté. La séance est levée à 12 h. 1/4. — 795 CONGRES FORESTIER SÉANCE DU 18 JUIN 1913 (MATIN) Présidence de M. CHAIX, président de Section La séaiU'C est tiuverte a !' li. 1/4. M. LE Président. — Messieurs, avant d'aborder la discussion des trois rapports inscrits ce matin à notre ordre du jour, je vais vous donner lecture d'une communication qui m"a été transmise par M. Hœrter, représentant de la Commission départementale des sites et monuments naturels de caractère artistique des Basses-Pyrénées. Cette commu- nication traite de I'Affichage dans les forêts. — Mesures a prendre. A l'occasion de la mise en application de la loi du 12 juillet 1912, relative à la publicité par panneaux réclame, les commissions départementales des Sites et Monuments naturels de caractère artistique, ont été consultées sur diverses questions. Leur examen et la discussion ont amené l'une d'elles à émettre un vœu qui a été transmis à M. le sous-secrétaire d'État des Beaux- Arts et à M. le Ministre de l'Agriculture. La commission avait été frappée du silence du Code forestier relativement à la publicité en général, silence qui favorise les abus de la réclame, alors que celle-ci pourrait être facilement interdite dans le plus grand nombre de nos sites pittoresques, soumis pour la plupart au régime forestier. Avisée, au cours de la même séance de la réunion du Congrès, la Commission en y souscrivant, a compté sur l'un de ses membres pour reprendre ce vœu, le présenter et proposer au Congrès forestier international, d'en soutenir le principe, dans la forme qui paraîtra préférable. Le Congrès, examinant les mesures à prendre pour la protection des paysages au point de vue de V affichage , observe que le Code forestier est muet relativement à la publicité dans les forêts soumises à son régime. Il émet le vœu que les pouvoirs compétents étudient et poursuivent Vinsertion dans le Code forestier d'un article additionnel réglementant l'affichage et la publicité dans toute l'étendue des régions soumises au régime forestier. M. TnioLT.iER. — 11 me parait inutile d'émettre im vœu dans ce sens, étant donné que nous sommes maîtres d'écarter toute publicité de nos forêts. Si des abus se produisaient, nous iiourrions (Icmander à l'admiuisti'atinii l'établissement d'un rèyicmeiil . M. IK I'hksi HKNT. — ' hi lions ihhijkisc l'iiisi'ii ion d'une •■lansc spé-cialt^ — 7V)H — INTERNATIONAL 1913 dans le Code forestier, ce qui empêcherait, en effet, les abus ; mais c'est au Parlement seul qu'il appartient de compléter le Code forestier. M. DupuiCH. — Nos codes ont pour utilité de poser de grands principes. Si vous y insériez des dispositions de détail, peut-être les ré.sultats excéderaient-ils vos désirs ! M. LE pRÉsiDE'NT. — Nous demanderons que le Ministre veuille bien rappeler aux chefs de service, par circulaire, qu'on ne doit tolérer aucun affichage abusif dans l'étendue du domaine forestier. Si vous acceptez l'idée émise, nous présenterons Aajtre demande au Ministre et nous la considérerons comme un vœu. Dé même, au point de vue international, le Congrès peut émettre dans ce sens un vœu qui sera transmis par chacun des représentants des pays étrangers à son administration forestière nationale. M. Van de Poll. — En Hollande, nous n'en avons pas ; mais nous sommes tout disposés à nous associer à toutes les mesures destinées à empêcher l'affichage dans les forêts. M. LE Président. — Nous pourrions modifier le texte de la façon sui- vante : « Le Congrès, « Examinant les mesures à prendre pour la protection des paysages, au point de vue de Vaffichage, « Emet le vœu que les pouvoirs compétents étudient et poursuivent V application de dispositions interdisant Vaffichage et la publicité dans toute l'étendue des régions soumises au régime forestier. » Le vd'u, mis au voix, est adopté. M. LE Président. — La parole est à M. Dupuich, pour la lecturo de son rapport sur la Bealté des Cotrs d'eau. M. Dupuich. — U arbre sur la montagne, c'est Veau dans la rivière. — Tout ce qu'un rideau de sveltes peupliers ou de saules trapus ajoute à la rivière de grâce et de beauté, il n'est pas besoin de le dire ; cela se voit, cela se sent. Ce qu'on sait moins ou ce qu'on oublie, c'est que l'exis- tence des bois est pour les cours d'eau plus qu'un charme, une primor- diale nécessité. Non pas seulement parce que l'arbre proche consolide les berges et combat l'évaporation de la nappe liquide, mais parce que la forêt, si lointaine qu'elle soit, travaille, depuis la source du ileuve, a en alimenter et à en régulariser le cours. Quand, en 1827, on jugea nécessaire de doter la France d'un Code fores- tier, le gouvernement, par la plume de M. de Martignac, écrivait en tête de son exposé des motifs : « Ce n'est pas seulement par les richesses qu'offre l'exploitation des forêts qu'il faut juger de leur utilité ; leur existence même est un bienfait inappréciable pour les pays qui les possèdent, soit — 797 — CONGRES FORESTIER qu'elles protègent et alimentent les sources et les rivières, soit qu'elles soutiennent et raffermissent le sol des montagnes ». On ne peut mieux marquer l'intime lien qui fait des « eaux et forêts » un tout harmonieux. « L'eau vient de l'arbre, dit Onésime Reclus, et l'arbre vient de l'eau. » L'eau vient de l'arbre. La rivière, dit-on, naît de la source. Mais qu'est-ce que la source ? Rien qu'un relai dans le cycle ininterrompu que la goutte d'eau parcourt éternellement. Par la source, la terre rend l'eau qu'elle a reçue du ciel. La source, c'est l'épargne de la pluie, de la pluie qui serait du bien perdu si la terre n'en avait fait provision et réserve. Qu'un orage, soudain et violent, éclate au-dessus d'un sol dénudé : il se forme cent petits torrents fous qui s'égarent et se dispersent et qui sèchent en peu d'instants. Mais si la pluie tombée longuement, doucement, trouve pour la recueillir cette éponge d'humus que l'arbre entretient par les débris de ses feuilles mortes, voilà les gouttes de pluie qui s'infiltrent dans ce sol perméable ; à travers mille canaux souterrains, elles se glissent dans les sables, s'ef- fondrent dans les failles, et s'en vont former, au hasard du sous-sol, un réservoir caché qui, à son affleurement, devient source. Or, qu'est-ce qui fait l'ondée longue et douce, au lieu de l'averse brusque et brutale ? C'est la forêt, dont l'influence régulatrice est décisive sur le régime des pluies. « Les principaux effets du déboisement, disait M. Legrand, ancien Directeur général de l'Administration des Eaux et Forêts sont une violence plus grande et plus instantanée des pluies et des vents et le tarissement des sources ». Donc, si l'on veut ménager des sources, il faut préserver les forêts. Éparpillée par les branches et les feuilles, l'ondée s'égoutte lentement ,* le bois pleure encore long-temps après qu'il ne pleut plus. Humée par les racines pour gagner les ramures, une part de l'eau tombée retourne à l'atmosphère et l'imprègne d'une humidité que le premier fraîchisse- ment va condenser et résoudre en une ondée nouvelle. Humée par les gazons et s'instillant en terre, le trop plein des gouttes s'en va reconsti- tuer les réserves souterraines. L'arbre a fait la pluie ; la pluie a fait la source ; la source a fait le ruis- seau, et la rivière fille du ruisseau, et le fleuve fils de la rivière. Tous les fleuves, toutes les rivières, comptent parmi leurs sources toutes les fon- taines dont ils boivent les eaux ; un fleuve n'a pas une source, il en a des milliers (0- Reclus), et les milliers de sources, ce sont les millions d'arbres, qui les font. Si l'eau vient de l'arbre, elle ne vient pas que de l'arbre. Tel fleuve, comme la Seine, a des sources pluviales ; tel autre, comme le Rhône, a des sources glaciaires. Au soleil de l'été, la fonte des glaciers et la fonte des neiges déversent d'énormes masses d'eau dans les vallées alpines. Rivières bienfaisantes ou torrents redoutables ? Richesse ou fléau ? C'est de l'arbre que cela dépend pour beaucoup. Il y a plus d'un demi- siècle que Surrel en a fait l'éclatante démonstration. Ingénieur chargé de dompter dans les Alpes les torrents et les avalanches, c'est l'art du forestier qu'il a appelé à son secours, en proclamant ce principe devenu axiome : « La végétation est le meilleur moyen de défense contre les torrents ».' Aussi haut que l'arbre puisse vivre, établir des barrages pour entraver les éboulements ; reboiser ce sol encore meuble et inconsistant, mais qui, d'année en année, prendra plus d'assiette, car c'est un fait d'expé- — 798 INTER>"ATIO>AL 1913 rience que l'arbre consolide les versants les plus escarpés ; par ce fourré forestier, étreindre les torrenticules avant qu'ils aient pu se grouper en torrents ; canaliser l'eau folle en ruisselets d'eau sage, pour l'empêcher de se ruer en avalanche liquide ; voilà la manœuvre au bout de laquelle est la victoire, et dont l'arbre est le pivot. En attendre la disparition complète et définitive de tous les méfaits des torrents, on n'y saurait songer car il faut toujours compter avec les colères de la nature ; mais c'est raison que d'appeler la nature à l'aide contre elle-même, pour discipliner ses furies, provoquées trop souvent par les imprudents déboisements de l'homme. « Sans doute, la neige continuera chaque année de charger les sommets; sans doute, elle fondra en été, mais sa masse rompue ne ferait pas de torrents si l'antique forêt qui était là eût été respectée, si la hache avait craint de détruire la barrière vivante qu'ont si longtemps honorée nos aïeux» (Michelet). Or, en assagissant ainsi les sources neigeuses et glaciaires, on ne protège pas seulement les flancs de la montagne, c'est la vallée et ensuite la plaine qui vont trouver là le salut, car ce sont les torrents, rongeurs des hautes terres, qui font, dans le plat pays, les fleuves torrentiels, les fleuves ensablés, les fleuves inondants. Privé de la consolidation forestière, le sol montagneux s'effrite en détritus qui, lentement mais sans répit, glissent jusqu'au lit des cours d'eau et l'obstruent. Et alors, pour peu que sur- vienne un excès de pluviosité, l'afïlux liquide ne trouve plus entre les rives du fleuve un canal suffisant pour le contenir et le guider à la mer ; c'est le débordement, l'inondation et la dévastation pour la campagne. On ne saurait dire combien, en entretenant ses forêts, le montagnard des Cévennes épargnerait de désastres, cent cinquante lieues plus loin, aux riverains de la Loire angevine.» Ainsi, de quelque point de vue qu'on la regarde, là réservoir, ici bar- rage, la forêt apparaît toujours indispensable à la rivière. C'est encore Onésime Reclus qui l'a dit, dans sa prose de poète : « L'eau et l'arbre sont deux époux, dont le divorce est la calamité suprême ». Le Coîsigrès émet le vœu : Que les pouvoirs publics votent des crédits suffisants pour permettre à V Administration forestière de pousser plus activement ses travaux de reboi- sement. Que., partout où cela sera reconnu nécessaire et possible, V Administration forestière, en deJiors des périmètres de reboisement, encourage les proprié- taires de terrains en montagne, communes, collectivités ou simples parti- culiers à faire des plantations sur ces terrains en vue d''éviter Venvasement des rivières et cVassurer la limpidité de leurs eaux. M. LE Président. — Le rapport de M. Dupuich est remarquable, ^'lius avez pu constater avec quelle élégance et quel charme ce travail a été établi. Le fond est aussi intéressant que la forme, et je ne doute pas que vous acceptiez les propositions de notre collègue à qui vous serez d'avis, je pense, d'adresser nos plus sincères félicitations [Très bien ! Très bien !) M. DrprrcH. — .le renuTcie Monsieur le président do son excellente — 799 — COKGRES FORESTIER a[)pi'rc.iati(»ii: mais j'ai essayé de suppléer par la l'orme à ce qui devait manquer au fond. Vous avez pu voii', par le titre de mon i-appoi-t, « Beauté des Cours d"eau » L'arbre sur la montagne, c'est l'eau dans la rivière » qu'en somme, ce travail se rapportait très directement à une question technique, celle du reboisement, qui est étudiée dans le plus grand détail à la quatrième section, sur le programme de laquelle nous n'avons pas à empiéter. Le Comité a pensé qu'il y avait utilité à ce que cette question fût discutée aussi à la cinquième section. Si le torrent est quelque chose de dévasteur, c'est aussi quelque chose de terriblement laid, au point de vue absolu ; et nous qui nous préoccupons du côté touristique, nous sommes tout naturellement portés à émettre des vœux tendant à la suppression de tout ce qui peut augmenter la laideur du paysage et au développement de tout ce qui peut en développer la beauté. 11 nous a paru que ce que nous pouvions faire surtout, c'était de seconder, en temps que touristes, les désirs des techniciens, en émettant le vœu que leurs elTorts en vue du reboisement des montagnes, fussent l'ouronnés de succès et appuyés par le Gouvernement. Tel est le vœu qu'en conséquence je vous propose d'adopter : KiQue les pouvoirs publics votent des crédits siif/isa/its pour permettre à r Administration forestière de pousser plus (letivettient ses travaux 'le reboisement. iiQue partout où cela sera reconnu nécessaire et possible., l'adminis- tration forestière, en dehors des périmètres de reboisement, encourage les propriétaires de terrains en montagnes, communes, collectivités ou simples particuliers à faire des plantations sur ces terrains en- vue d'éviter Venvasement des rivières et d'assurer la limpidité de leurs eaux ». \"ous voyez qu'il y a deux points dans le vcru : d'abord que l'Admi- nistration fasse, dans la mesure de ses ressources, le nécessaire pour l'eboiser, et que, d'autre part, elle encourage le plus possible ceux qui ne sont pas de l'Administration à suivre son exemple. Le vani se termine par quelques mots rappelant qu'il s'agit d'éviter l'envasement des rivières et la limpidité' de leurs eaux. Il se rattache ainsi à la question générale du régime des eaux. M. f.E l*RÉsiDENT. — Nous sommes tout à fait d'accord avec M. Dupuich sui' la dernière phrase du texte qu'il nous propose. Si nous évitons l'envasement des rivières, nous aurons paré au ravinement de la mon- tagne, ]>iiisque c'est par la protection du haut que nous assurerons la liberté du bas. Dès lors, les eaux n'étant ])lus chargées de matières qui les rendent opaques et ('paisses, l'envasement ne se pi-oduira plus. .le relis- la pi-eniière |)ar(ie du vœu. — 800 — I N T E K N A T I O N A F . 1 9 J .' ! H Oue les pouvoirs puldus y'olenl des crédUs suffisanls pour permettre à r Administration forestière de pousser plus activement ses travaux de reboisement. ((.Que, partout où cela sera rvvoiniu nécessaire el possible, l'Adminis- tration forestière, en dehors des périmètres de reboisement, encourage les propriétaires de terrains en montagne, communes, collectivités ou. simples particuliers à faire des plantations sur ces terrains, en vue d'éviter Venvasemcni des rivières el d'assurer la limpidité' de leurs eaux. » M. It' comte Clary. — Ce vœu a un caractère uniquement national. La question est de savoir si, en notre qualit('' de Congrès international, nous devons le généraliser. M. DupuicH. — C'est l'esprit même du Congrès. Tous les vœux, sauf clause contraire, doivent être interprétés dans un sens international. M. i.E Président. — 11 est évident que toutes les opinions qui sont émises ici prennent toujours un peu le caractère national, étant donné les connaissances particulières des personnes qui les exposent, en ce sens qu'on parle de ce qu'on connaît le mieux, des exemples qu'on a eus sous les yeux et parfois de l'œuvre qu'on a accomplie personnelle- ment ; mais il est bien entendu que nous attribuons à l'ensemble de nos propositions un caractère international. Il ne s'agit pas ici de faire du particularisme. Le vœ^u, mis aux voix, est adopté. 'La ptirole est à M. Thioi.lier poui' la lectui'e de .son l'appoi't sur I'Amé- KAGE^FENT I»E FORÊTS EX VUE Dr TOr'RrSME. M. Thiollier. — Ce n'est point à un Congrès comme celui-ci qu'il est nécessaire de démontrer l'importance du rôle esthétique de la forêt. Aucun parmi nous ne l'ignore et nous avons tous, à maintes reprises, étudié les moyens de concilier les exigences du propriétaire de la forêt considérée comme « usine à bois » et les désirs du promeneur ou de l'artiste. On ne peut nier que les agents des Eaux et Forêts tiennent le plus souvent compte de ce point de vue dans la gestion du domaine qui leur est confié ; plusieurs sont même passés maîtres dans cet art, mais il reste beaucoup à faire et il n'est pas inutile de préciser les desiderata des tou- ristes en forêt. Viabilité. — Pour qu'un massif boisé rende les services esthétiques et hygiéniques que l'on attend de lui, il faut d'abord qu'il soit accessible et percé de bonnes routes. Le trafic sur les routes forestières est très irrégu- lier à cause de la mobilité des exploitations, mais il atteint aux environs des coupes une intensité très grande et les chaussées ont à supporter parfois des poids extrêmement forts. Seul le cylindrago mécanique peut leur donner la résistance suffisante. Sur les plateaux du Jura où la pierre est mauvaise, l'eau rare, et où les — SOI - CONGRES FORESTIER énormes sapins sont extraits sans tronçonnage, donnant parfois par essieu des charges de 10 tonnes, des routes empierrées au rouleau à vapeur ont vu, malgré ces conditions déplorables, leur viabilité devenir presque parfaite. On peut donc, sans hésiiet\ demander que le cylindrage mécanique soit appliqué partout aux principales voies de vidange des forêts. La dépense est un peu plus élevée que par les procédés anciens, mais elle est largement compensée par la plus-value des bois et il suffît d'aug- menter légèrement les sommes mises en charge sur les coupes en les por- tant, par exemple, à 5 % de la valeur des produits ligneux. Sentiers. — La viabilité des grandes voies assurée, il faut faciUter au touriste l'accès des points de \Tje, sources, arbres ou groupes d'arbres remarquables. Toutes ces curiosités sont connues du personnel forestier, mais il en garde parfois trop jalousement la jouissance pour lui-même et on ne saurait trop lui recommander d'ouvrir, s'il y a lieu, des sentiers pour les touristes et de les jalonner par de plaques indicatrices. Le tracé de ces sentiers est une opération très délicate mais fort intéressante pour qui a quelque sentiment artistique ; en plaine, on devra étudier soigneusement les parcelles à traverser et faire passer le sentier auprès de toutes les curiosités que l'on rencontrera ; en recherchant les groupes de beaux arbres et même les arbres isolés de forme artistique, les rochers, etc., ou donnera au sentier un intérêt bien plus grand. En montagne, la question est encore bien plus compliquée, mais un chemin bien tracé avec des pentes convenables est une œuvre dont l'inté- rêt ne devrait jamais être perdu de vue par les administrateurs du domaine forestier. Conservation des arbres remarquables. — Il faut enfin que l'Administra- tion non seulement autorise les forestiers à créer ou conserver des arbres ou groupes d'arbres remarquables, mais rnême le leur prescrive. Il n'est, en effet, pas possible de créer des séries artistiques dans toutes les futaies qui offrent des vieux massifs de belle allure, mais la conserva- tion d'un arbre remarquable, ou mieux d'un groupe d'arbres, ne diminue pas la production ligneuse d'une façon sensible et constitue pour les tou- ristes et les artistes un attrait réel. De même, pourquoi ne pas transformer, dans l'insipide tailHs sous futaie, les sommières et les lignes en allées et sentiers ombragés par une ligne ininterrompue de réserves. Les carrefours, eux aussi, devraient être à ce point de vue particuliè- rement soignés : on doit les entourer d'un cercle de beaux arbres, mais le diamètre de ce cercle doit être assez grand pour que les véhicules modernes puissent voir à temps les croisements des routes. Facilités de parcours. — L'Etat réduit au minimum les entraves appor- tées à la circulation des promeneurs en forêt, il ne peut cependant tou- jours sacrifier les gros, revenus que lui procure la location des chasses et on ne peut que demander que les intérêts des promeneurs soient lésés le moins possible. Quant aux forêts particulières elles, sont parfois l'objet de prohibitions injustifiées et il faut que les associations de touristes agissent par leurs délégués, auprès dos propriétaires des massifs pour qu'ils se montrent aussi tolérants que possible. — 802 — • iisïtkrnational 19 l! Le Congrès émet les vœux suivants : Les agents forestiers, et autant que possible les particuliers, ne perdront pas de vue V aménagement des forêts au point de vue esthétique. Les grandes voies seront empierrées mécaniquement. Les curiosités forestières, les sources remarquables, les ruines., les rochers et les points de vue situés en forêt, etc., seront rendus accessibles par des sentiers munis de plaques indicatrices. UEtat et les particuliers entraveront le moins possible la circulation des promeneurs en forêt. Il sera conservé lors des exploitations tous les arbres ou groupes d'arbres remarquables et même des bouquets de vieilles futaies lors de la réalisation des vieux peuplements. Les sommières, lignes et sentiers seront transformés en allées ombreuses par la réserve, lors des exploitations, des arbres qui les bordent. Les carrefours seront encerclés d^arbres de futaie, mais à une distance assez grande du croisement des routes. M. LE Président. — Je demande à M. Thiollier de vouloir bien expliquer les motifs pour lesquels il a présenté les vœux qui terminent son rapport. M. Thiollier explique que l'accès des curiosités forestières, sources, ruines, etc., a besoin d'être facilité par des routes, des sentiers, munis de plaques indicatrices. Le premier paragraphe : a Les agents forestiers, et autant que possible les particuliers, ne perdront pas de vue V aménagement des forêts, au point de vue esthé- tique. )> mis aux voix est adnpt>\ M. LE Président. — Nous passons au deuxième paragraphe. a Les grandes voies seront empierrées mécaniquement. ^i M. CouLOx fait ressortir l'insuffisance des crédits d'entretien des routes forestières, en raison de la circulation intense des automobiles, si préjudiciable à la bonne conservation et demande que ces routes conservent un peu plus leur première destination, car l'Adminis- tration forestière a avant tout son service à assurer. M. LE Président. — Je vous demande pardon. Ici, nous ne sommes plus du tout dans l'esprit du rapport. Nous nous plaçons au point de vue touristique, puisque le rapport a pour titre « Aménagement de forêts en vue du tourisme ». On demande que les grandes voies soient empierrées pour qu'on y puisse — 803 — • COiVGRES FORESTIER firiLAtler t'aoilement eii voilure. Mais ce que nous cherchons surtout, c'est rendre les forêts accessibles (facilement) à la masse du public, et ce que nous voulons, avec le Parlement et l'Administration, c'est favoiiser. sur les routes forestières, la circulation du tourisme. La meilleure preuve, c'est que nous étudions en ce moment, à Y Office National ifu Tourisme, un projet de loi que nous allons présenter prochainement au Parlement dans le but d'établir un certain nombre d'itinéraires de routes de tourisme. Nous allons classer dans une catégorie spéciale et sous un régime spécial un certain nombre de routes qui recevront des alïectations particulières pour leur entretien. L'idée est dope tout à fait au développement de la circulation avec des voies de tourisme sur l'ensemble du réseau routier français. Nous avons l'intention de Favoriser les routes forestières, parce que nous savons très bien que l'Administration considère ses chemins unique- ment comme instruments de travail, et non pas comme instruments d'agrément. Ce que nous voidons, c'est permettre à ces instruments de travail d'être à la fois meilleurs au point de vue de l'Administration forestière, et possibles au point de vue de la circulation de tourisme. Ce que nous voulons, c'est poser la question de principe. .Si le Congrès vote la proposition de M. Thiollier, voyez quel argu- ment nous aurons lorsque nous proposerons au Parlement un projet de loi pour l'entretien des routes de tourisme, et que nous demanderons des crédits spéciaux, si nous pouvons dire : « Le Congrès a demandé que les grandes voies forestières et celles dont la circulation intéresse (e tovu'isme soient empierrées. » C'est un argument de plus pour venir au secours de l'Administration des forêts, qui a besoin de crédits pour entretenir ces voies. Mais comme ce Congrès s'intéresse à la fois à la conservation des forêts et à leur mise à la disposition du grand public et du tourisme, comme instrument d'agrément national et même international, nous pouvons admettre difficilement que l'Administration déclare : « Mes routes sont à moi, je m'en sers pour mes besoins, le reste ne m'intéresse pas. » Ce que nous devons rechercher, c'est le groupement des deux intérêts ; vous savez d'ailleurs que l'Administration forestière envi- sage ce groupement des deux intérêts de la manière la plus bien- veillante. Je vais vous. en donner un exemple extrêmement typique; 'c'est la route du Désert de la Grande-Chartreuse, qui est vicinale entre Saint-Laurent-du-Pont et Fourvoirie, et route forestière après Fourvoirie. Il est indispensable que tous ces éléments soient joints dans les mêmes crédits d'entretien, et qu'il y ait coïncidence entre les charges qui vont incomber à la vicinalité pour l'entretien de son tronçon, et à l'Administration forestière pour l'entretien du sien. Autrement, il y aurait dans ces jonctions des parties très mauvaises et d'autres très bonnes ; la circulation serait, sinon interrompue, du moins rendue difficile. L'Administration entre Icllcment dans rvX ordre d'idées que, sur cette partie de la routf^ du Désert, nous uvojis obtenu dxi département que — 801 — I \ TKKXATIOXAL iS'lM îe tronçon qui était vicinal et qui jt' avait pas sutiisamment de crédits d'entretien, fût incorporé dans le réseau départemental ; l'Adminis- tration forestière y a fait cette année des réparations considérables, qui se chiffrent par une cinquantaine de mille francs ; mais l'effort s est porté en même temps sur la partie forestière et la partie départe- mentale de la route. Par conséquent, un vœu qui demaïuie l'empierrement des grandes voies, c'est-à-dire dr< voies qui servent à la circulation touristique, me semble rentrer absolument dans l'objet de notre Congrès et aussi dans nos idées. M. CoLLoN. — 11 faut alors ajouter que des crédits spéciaux seront affectés à l'entretien de ces routes. M. LE Président. — Cela va de soi. Que fait aujourd'hui l'Administration forestière pour les voies qui lui servent exclusivement? On peut dire qu'elle ne les entretient pas ou à peu prés pas. Pourquoi? parce qu'elle n'a pas de crédits. Il en est ainsi dans la forêt de Lente. Eh bien, nous demanderons, pour les voies de tourisme, une affectation spéciale de crédits, et si l'Adminis- tration, sur ses crédits personnels, veut forcer un peu les sommes affectées à tel tronçon de route aux dépens de tel autre moins inté- ressant, je ne vois pas ce qui pourrait l'en empêcher. M. Henry Maige. — On ne peut pas dire que les forestiers ne font rien pour leur route, quand M. Thiollier vient de nous dire qu'il avait obtenu dans le Jura d'excellents résultats avec des moyens relativement restreints. M. LE Président. — Ce bont des cas d'espèce, [javticuliers à certaines régions et à certaines exploitations. En tout cas, sur la question desavoir si les grandes routes de tourisme doivent être empierrées, je crois que la discussion est close. .Si personne ne demande la parole, je vais mettre aux voix le dèuxièma vœu, ainsi conçu : « Les grandes \'oies seront em pierrées nic((ini(jm'ine/U n. Ce vœu est mis aux voix et ado[)ti'. M. i-i': Phl;sidi;;nt. —- Xous passons au troisième paragraphe : » Les curiosités joreslières, les sources remarquables, les ruines, les rochers et les points de i^ue situés en forêt, etc., seront rendus acces- sibles par des sentiers munis de phnptes indicatrices ->\ M. J. (Rochon. — .Je demande ([ii'ou ajoule à l'ènumérat ion du texte les cascades naturelles, du moins les plus importantes. Il se produit parfois des arridents : il frnit rendre leur accès facile et sur. — SO.') — CONGRES FORESTIER M. DupuiCH. — Il SG' peut qu'il y ait des dérivations, et les cascades finissent par ne plus être naturelles. M. LE Président. — Si elles sont jolies à voir ! {Très bien ! très bien !) M. d'Orlye. — Nous ne demandons pas qu'on les détruise, nous deman- dons qu'on nous permette de les aller voir. M. LE Président. — Nous ajoutons à l'énumération du vœu les « cas- cades ». La parole est à M. van de Poil. M. VAN DE PoLL. — Je vcux vous mentionner une autre manière de favo- riser la circulation des promeneurs en forêt. C'est le sentier de piétons ou cyclable, très économique à construire et qui permet d'accéder facilement à de grands bois, à d'immenses bruyères, à de belles forêts, auxquels, jusque-là, on ne pouvait arriver. Evidemment cette solution ne peut intervenir que quand le sol s'y prête. Il serait infiniment coûteux d'établir des sentiers cyclables dans le roc, et d'une façon générale en montagne. Il est vrai rtisseurs des dangers de la route, il faut ranger les avertisseurs des dangers que le touriste peut faire courir à la forêt par imprudence, à savoir l'incendie. Une recommandation d'un autre ordre d'idées à faire au visiteur : engager à respecter la forêt en ne jnulilant pas les arbres par des inscrip- tions, ou en ne la déshonorant pas par l'abandon de papiers ou de reliefs de déjeuners champêtres. Signalons en passant que les plac^ues adoptijes par le T C F. sont en tôle galvanisée peinte et vernie au four et que les poteaux sont en fer à T ou à double T. Les plaques reviennent à S francs, le poteau à une plaque à 2 fr. 55 et le poteau à deux plaques à 3 fr. 10. Nous déconseillons la pose de plaques directement sur Irs arbres à raison des blessures que peuvent caus(U' les clous et {\o la déprtkialinn qui peut en résulter. Pour rendn' la forêt hospitalière, on placera, d'une part, des bancs, et il sera édilié, d'autre part, des abris coutn.^ les intempéries. Les uns et les autres devront être construils de faeon à n'-sisier aux: — 808 l.\Ti:i'. .NATION AI. |!)J3 attaques du temps cL aussi, il luul le duv, de riioinnie. .Mais ou doit concilier cette condition essentielle de solidité avec l'obligation de ne pas commettre de faute contre le goût en rompant l'harmonie du cadre environnant. Suivant um; heureuse expression, bancs et abris devront être construits par les moyens < du bord ». Après un concours ouvert entre les préposés forestiers des environs de Paris en 1911, le Touring-Club a adopté un type de banc dit« forestier» qui répond à ces différents desiderata. Son prix de revient est de 15 francs. Les bancs seront disséminés en forêt, placés de préférence aux endroits qui offrent un intérêt particulier. Au contraire, ce ne sera qu'en des points isolés, éloionés de toute liabi- tation que seront édifiés des refuges momentanés contre l'orage ou l'ondée. Par contre, les bancs auront une place toute indiquée aux abords des sites remarquables ou des points de vue. La création des poinis de eue est essentiellement du domaine de l'amé- Points de vue. nagiste, qui, en tant qu'architecte paysagiste, doit mettre en valeur les beautés naturelles. ^L'aménage nient d'un ()oint de vue comprend, d'une part, la création d'un champ visuel étendu en exploitant les bois qui masquent la vue à la manière des tirés, et, d'autre part, l'établissement d'une terrasse limitée par une balustrade rustique. Signalons l'utilité pratique de ces points de vue pour la surveillance des incendies. L'idée des points de vue est inséparable de celle des labiés (rorientaiion. iai.ies .r..rien- Jusqu à présent, ces tables d'orientation n'ont été placées qu'aux '""""• abords des sites remarquables, en pays de montagne principalement. 56 tables ont été posées par le Touring-Club. _ A mesure que des points de vue seront créés dans les massifs forestiers importants, de nouvelles tables devront être installées. Les tables du T. C. F. sont en lave de Volvic émaillée. Gomme pour tout autre dispo- sitif d'intérêt touristique, les socles de support seront mis en harmonie avec le cadre environnant. _ Ces différents aménagements terminés, ou d'autres d'une utilité moins inimédiate, tels que tourne-brides, captage de sources, etc., l'oeuvre de l'aménagiste n'est pas terminée. Le moment est venu de dresser une carie à grande échelle (au 1/10.000 ( .ine.s.-Mvren- par exemple) où figureront par des signes conventionnels appropriés les ■'"'"'''• curiosités naturelles et toutes choses créées à l'usage du touriste. Ces cartes s'inspireront nécessairement des plans du Service forestier sur lesquels seules sont indiquées les routes forestières d'exploitation qui sdlonnent la forêt. Mais il sera inutile, pour en faciliter la lecture, di' reproduire le parcellaire. -Nous ferons une seule réserve à ce sujet. Il serait désirable, dans la vx>'^c^. frontière, de ne pas livrer ù la publicité les renseignements que donnent les cartes du service forestier, dans l'intérêt de la défense nationale. Nous voudrions voir annexer à cette carte, à la manière de certains guides de tourisuie, un livret de quelques feuillets qui compléterait les indications portées sur la carte et qui donnerait également quelques notions sommaires sur l'histoire de la forêt, sa description, son trai- tement et sa production, (h; façon à initier le profane aux choses de la forêtet partant de faire des prosélytes pour la causede la défense Cofcstière. — HO.) -- CONGRES FORESTIER L'Administration des Eaux et Forêts a d'ailleurs compris tout le parti qu'on pouvait tirer du touriste en lui faisant aimer la forêt. Catalogue des L'intérêt qu'elle attache à la conservation des arbres remarquables, qulwes!*"'*'^' " témoins d'un lointain passé auxquels se rattachent souvent des sou- venirs historiques ou légendaires ou qui imposent l'admiration par la majesté de leur port ou leurs dimensions remarquables », n'en est-elle pas une preuve frappante ? L^n inventaire détaillé de ces arbres a été dressé et ils ne peuvent être exploités que par décision spéciale. Le Touring-CIub qui a été le premier à s'occuper de l'aménagement touristique des forêts a d'ailleurs rencontré auprès de l'Administra- tion un bienveillant accueil dès l'origine. Son premier soin fut de donner au touriste le moyen pratique de se diriger sous bois. Aména^emenis exécutés par le T. C F. — Des poteaux indicateurs d'intérêt touristique furent placés à cet effet dans les forêts de Fontai- nebleau, de Marly, de Compiègne, de Roumare, de Lente, du ^^erco^s, de l'Estérel, et dans celles dépendant des conservations de Gap, de Mâcon, de Valence, de Vesoul, etc. De ce fait, au moment du Congrès Interna- tional de la Route, le T. C F. avait engagé une dépense de 18.000 francs (en 1908). Mais ce ne fut qu'en 1911 qu'il entreprit l'aménagement touristique complet d'une forêt. La forêt de Meudon fut choisie comme champ d'expériences. Cet essai, auquel nous avons collaboré, a été couronné d'un plein succès. On peut dire que la forêt de Meudon réalise le type le plus parfait de la forêt ouverte au touriste. Des sentiers pour piétons et des pistes cyclables ont été ouvertes ; des ponts rustiques ont été jetés sur les fossés d'assainissement, des routes forestières ont été améliorées ; 250 bancs ont été placés. Des tourne- brides ont été installés à certains carrefours. Lin point de vue a été créé et un kiosque-abri édifié. De nombreux poteaux de direction et avertisseurs de toute sorte sillonnent la forêt. Après la forêt de Meudon, ce fut la forêt de Marly que le Touring- Club aménagea dans les mêmes conditions. Puis viendra le tour de la forêt de Rambouillet. D'autres associations ont suivi la voie que le Touring-Club leur avait tracée. Signalons ici le Syndicat d'Initiative de Versailles qui aménagea les forêts de Satory et de Fausses-Reposes. ■ D'autres initiatives continueront l'œuvre commencée, telle l'Associa- tion centrale pour l'aménagement des Montagnes qui s'attache à faciliter le tourisme dans la région où elle organise des leçons de choses sur ses territoires affermés, en publiant à cet effet des plans de ses territoires et en munissant ces derniers de poteaux indicateurs. Ces initiatives contribueront ainsi à l'organisation générale de la défense forestière, cet élément indispensable de la beauté, de la richesse et de la sécurité du pays. Le Congrès émet le vœu : Que Vaccès et la visite des forets de promenade soient facilités par V amélioration des chemins, la création de sentiers, la pose de plaques — 810 — INTERNATIONAL 1913 indicatrices ayant un caractère rustique, l'établissement de bancs ou d'abris pour les promeneurs, le dégagement des points de vue ; Que, sur les cartes déjà publiées et sur celles affichées dans les postes fores- tiers, les arbres, les peuplements ou les sites remarquables, les points de vue et les curiosités naturelles existant dans chaque forêt soient repérés. M. GouiLLY. — Dans le vœu qui termiae mon rapport, j'ai visé surtout les forêts de promenade ; il y a aussi d'autres forêts qui ne se trouvent pas aux environs des grandes villes et dans lesquelles le touriste peut être amené. Je vous propose donc, avant de discuter ce vœu, de demander : Que les indications d'ordre administratif qui existent ou sont suscep- tibles d'exister en forêt et qui peuvent être d'un intérêt quelconque pour le tourisme, soient placées d'une façon apparente. (Vive approbation.) M. Henry Maige. — J'entends dire près de moi que, dans certaines forêts où de telles indications existent, elles sont très sommaires : un chiffre sur un arbre, ou même sur une pierre. Pourquoi ne pas chercher à obtenir l'établissement d'une carte forestière? M. LE Président. — Nous allons étudier ce qu'il est possible de faire pour la proposition de M. Maige au sujet des cartes forestières. Jusqu'à présent, l'Administration n'est pas entrée dans cette voie qui consiste à mettre à la disposition du public des documents de ce genre et il est assez difficile, dans certains cas, de se les procurer. Quand nous avons poursuivi le but que le Touring-Club entend réaliser le plus tôt possible, c'est-à-dire de mettre à la disposition du public des cartes permettant de circuler facilement, nous avons cherché à établir des cartes à grande échelle pour les environs de Paris, contenant l'indica- tion de tous les sentiers et de toutes les directions, pour que le touriste puisse se promener en forêt sans crainte de se perdre... M. J. Cochon. — Ceci existe pour certaines forêts, comme celle d'Aix- les-Bains, par exemple. M. LE Président. — Nous avons voulu établir ces cartes d'après des documents officiels de l'Administration des forêts. Cette administration s'est mise à notre disposition avec beaucoup de grâce, et nous a fourni . les documents que nous lui demandions, mais elle ne consent pas à les mettre à la disposition du public. Nous examinerons s'il n'est pas possible d'arriver à faire bénéficier le public de ces documents, — je ne dis pas avec l'autorisation de l'AdçQinistration des forêts, — mais au moyen d'une entente avec un éditeur. Le mode d'exécution est à étudier, mais le principe est intéressant. Nous pourrions demander à l'Administration des forêts de permettre au public, par les moyens qu'elle aura choisis elle-même, de profiter — 811 — CONGRES FORESTIKR de ces documents, de méiiif que J Administration de la guerre met à la disposition de tout le monde ses cartes aux divi'i'ses échelles, 50, 60 et 200 millièmes. Jf n^ npnsp na^ qu'on fasse de difficultés pour cela. M. Thîollier. — .\on. cela ne soulèvera aucune difficulté. M. LoRiEux, — Je voudrais faire une proposition qui ma été suggérée par une aventure arrivée à notre excellf:>nt ami et président, M. Raus- chet, qui, vous le savez, aime beaucoup le tourisme et les forêts. Lorsqu'on consulte une carte quelconque, on remarque bien des teintes vertes qui indiquent les forêts, mais on ne sait jamais si ces forêts sont accessibles au public ou si elles ne le sont pas. On peut donc organiser une promenade dans n'importe quelle région de la France et tomber sur un parc plus ou moins en clôture, sur un bien pailiculier et se voir interdire l'entrée de ce parc ou même s'en voir exclure, (?omme cela est arrivé à M. Bauschet. Il serait utile de demander aux éditeurs de cartes, d'étudier le moyen d'indiquer par une teinte spéciale les forêts appartenant à l'État, aux communes ou à des collectivités, celles qui sont accessibles au public. Ce n'est pas une question admi- nistrative, c'est une question d'édition. Il y a là des renseignements utiles à connaître et qu'il est facile de se procurer.^ M. le comte Glary. — Le Touring-Club semble tout indique, dans une certaine mesure au moins, pour prendre l'initiative d'un mouvement au point de vue de la confection dune carte. Ne pourrait-il pas, par exemple, se mettre en rapport avec les Syndicats d'initiative départe- mentaux qui ont déjà fait beaucoup pour le tourisme, dans nombre de départements et qui entreraient peut-être dans cette ^•oie, en prenant à leur charge une partie des frais de confection des cartes. Il y aurait là une double initiative qui pourrait rendre de très grands services. M. LE PnÉsiDEiNT. — Le Touriug-Club envisage tous les aspects de son rôle avec le plus grand intérêt. Il est cependant nécessaire de faire certaines restrictions sur le rôle qu'il peut jouer sur des entreprises qui peuvent devenir une sorte d'exploitation commerciale. Nous ne pouvons pas — et nous ne voulons pas, c'est un principe que nous avons établi de la manière la plus formelle — faire concurrence à une branche quelconque du commerce. Nous voulons laisser les coudées franches aux éditeurs de cartes et de livres, et à toutes les industries. Il ne faut pas qu'on puisse dire qu'avec les moyens que nous avons à notre disposition, nous faisons concurrence à telle ou telle partie du commerce ou de l'industrie. .Mais nous pouvons très bien faciliter aux éditeurs la recherche de documents pour l'établissement de leurs cartes. Voiln où notre rôle va s'affirmer d'uiu^ manière particulière. M. d'Orlye. — Dans les départements on l'on a senti la nécessité et — 812 — INTERNATIONAI, 191;'. l'utilité de favoriser le tuurismiy, un lait aujourd'hui de |jotitt> upusuulos dans lesquels sont indiqués la situation de toutes les forêts, et les tracés de tous les sentiers. Le Syndirat d'inifiafwp du Cluh alpin et la Société des Amis des Arbres se sont entendus pour l'établissement d'opuscules de ce genre, où les chemins sont très exactement tracés. Les touristes n'ont qu'à demander ces opuscules au Syndicat d'ini- ' tiative, qui les leur remettra gratuitement et avec beaucoup de bonne grâce. Si le Touring-Club voulait faire quelque chose dans cet ordre d'idées, je lui demanderai d'aider les Syndicats d'initiative qui, généralement, ne sont pas très riches. M. LE Président. — C'est entrer dans des détails qui nous mèneraient trop loin. Je crois que nous pourrions émettre un vœu ainsi conçu : Que, dans tous les pays, les administrations et les sociétés compé- tentes veuillent bien faciliter V établissement et la mise à la disposition du public de cartes forestière^. M. Gabiat. — Il serait à désirer que ces cartes fussent établies sur nn type unique. M. LE Président. — Il appartiendra à la Commission de réalisation des vœux d'étudier l'échelle qui sera la plus favorable pour l'établis- sement de ces cartes. Cette commission émettra un avis que chaque État adoptera ou n'adoptera pas, car il faut laisser à chacun toute sa liberté. M. Lorieux. — Je vous demande de vouloir bien insérer dans le vuiu la motion que j'ai déposée demandant que le» forêts accessibles au public soient indiquées d'une manière très claire. M. LE Président. — On pourrait en effet ajouter dans le vœu que, sur ces cartes, les voies mises à la disposition du public soient indiquées par une teinte ou un signe spécial. M. DupuiCH. — L'idée est certainement intéressante, parce qu'on aura plus de renseignements qu'on n'en a à l'heure actuelle, mais il y a quelque chose qui est plus fâcheux encore que l'absence de renseigne- ments, c'est le renseignement inexact. Or, je crains qu'on n'arrive pas facilement à avoir des renseignements certains sur les points en ques- tion. Quand il s'agit de connaître un renseignement administratif, comme par exemple le caractère domanial, communal ou autre d'une forêt, c'est une chose ferme, facile à déterminer, mais lorsqu'il s'agit de savoir si l'accès de telle ou telle forêt est permis au public, c'est un renseignement qui peut être très variable. M. LE Président. — Quand les bois appartiennent au Domaine national, l'accès en t>st tf)ujours autorisé pour le public, mais, comme nous — 813 — CONGRES FORESTIER I émettons un vœu international, nous pouvons ajouter dans ce vœu les mots dans la mesure du possible.. Nous savons que l'Administration française possède ces documents, mais il se peut que d'autres adminis- trations ne les possèdent pas. M. Va^ de Poll. — Il serait évidemment difficile de prévoir tous les cas qui peuvent se produire. Ainsi, en Hollande, où j'ai été garde général, il existe des routes qui ne sont ouvertes au public que temporairement. Il en est ainsi notamment dans une forêt qui appartient à la Reine. Il y a aussi des routes qui ne sont pas accessibles aux automobiles : il faut, pour y circuler, une autorisation spéciale. 11 n'est pas possible d'entrer dans tous ces détails dans un vœu qui doit être général. M. DuMESNiL. — Pour éviter toute confusion, il serait bon de convenir qu'il n'y aurait que deux teintes différentes ou deux signes conven- tionnels différents, l'un pour les bois particuliers, l'autre pour les forêts nationales ou communales. Il n'est pas? besoin de deux signes différents *• pour ces deux dernières. M. LE Président. — II s'agit en effet de distinguer simplement les bois particuliers des autres. Ce n'est pas un droit que nous signalons sur les cartes, c'est simplement l'indication qu'on peut habituellement se promener dans telle ou telle forêt. Voici la rédaction que nous vous proposons : « Que les Administrations et les Sociétés compétentes veuillent bien faciliter rétablissement et la mise à la disposition du public de cartes forestières. « Que sur les cartes touristiques à établir^ les bois habituellement ouverts au public soient indiqués d'une façon précise ». M. Lorieux. — Pourquoi parler des « cartes touristiques » seulement. La distinction s'impose pour toutes les cartes dune manière générale. M, LE Président. — Il s'agit d'un renseignement d'ordre général, je ne vois pas pourquoi nous ne demanderions pas que ce renseignement figure sur toutes les cartes. Pour mettre tout le monde d'accord, nous pourrions rédiger le vœu de la façon suivante : « Que les Administrations et les Sociétés compétentes veuillent bien faciliter l'établissement et la mise à la disposition du public de cartes forestières ; « Que., sur les cartes ^ les bois habituellement ouverts à la circula- tion touristique soient indiqués d'une manière précise ». Le vœu, mis aux voix, est adopté. M. DuMESNiL. — Vous avez dit tout à 1 heure qu il était désirable que — 814 — INTERNATIONAL 1913 toutes les cartes soient uniformes. Cette uniformité ne peut exister que par pays ; car il ne faut pas oublier que nous sommes un Congrès international. M. LE Président. — Nous avons dit quil serait intéressant que, dans Tensemble des cartes qui seront publiées dans tous les pays, une échelle uniforme soit adoptée, mais nous ne pouvons pas en faire l'objet d'un vœu. Chacun est hbre d'agir selon ses facilités et son bon plaisir. La Commission qui va poursuivre la réalisation des vœux étabhra mi projet qui sera soumis aux différents gouvernements en leur disant : « Nous serions heureux de voir ce vœu exécuté de telle ou telle manière. Nous allons maintenant soumettre à votre approbation le vœu présenté par M. Gouilly comme conclusion de son rapport. M. Gouilly. — Ce vœu est le suivant : « Que l'accès et la visite de forêts de promenade soient facilités par V amélioration des chemins^ la création de sentiers^ la pose de plaques indicatrices ayant un caractère rustique, V établissement de bancs ou d'abris pour les promeneurs, le dégagement des points de vue ; « Que, sur les cartes déjà publiées et sur celles affichées dans les postes forestiers, les arbres, les peuplements ou les sites remarquables^ les points de vue et les curiosités naturelles existant dans chaque forêt soient repérés ». M. J. Cochon. — Je vous propose d'ajouter également les fontaines dans cette énumération. "Un Congressiste. — Et les sources. M. LE Président. — ■ Les fontaines sont une chose toujoui^s très inté- ressante en forêt. Nous pourrions rédiger le vœu ainsi : « ou les sites remarquables, les sources, les fontaines, les points de vue, etc. ». M. le comte Clary. — Pour renforcer le vœu que nous avons émis tout à l'heure lors de la discussion du rapport de M. Thiollier nous pourrions • également, dans le vœu a<;tuel, puisqu'il y est question.de la création de sentiers, indiquer « sentiers de piétons ou cyclables ». M. le Président. — Nous dirions donc : « V amélioration des chemins, la création de sentiers de piétons ou cyclables, la pose, etc. ». .Je mets aux voix le vœu de M. Gouilly, modifié par les deux adjonc- tions qui viennent d'être proposées. Le vœu est adopté. M. le Président. — La seconde partie du vœu de M. Gouilly a trait aux cartes. Si vous le voulez bien, nous y ajouterons le vœu que nous avons — SlfS — CO>'GRES FORESTIER émis déjà pour rétablissement et la mise à la disposition du public de cartes forestières. Adopté. M. LE Président. — Il nous reste enfin àstatuer sur le vœu que M. Gouilly a proposé au début de la discussion de son rapport et qui est ainsi conçu : « Que les indications cVordre adminisiratij qui existent ou qui sont susceptibles d'exister en forêt et qui peuvent être d'un intérêt quelconque pour le tourisme soient placées d'une façon très apparente et toujours entretenues en bon état ». Le vœu est adopté. M. CoiLON se plaint que 1" Administration forestière se trouve com- plètement désarmée pour poursuivre les entrepreneurs qui déchargent des graviers ou conduisent des détritus en forêt. Et la section adopte le vœu présenté par M. le comte Clary : a Le Congrès émet le vœu que certaines sanctions rendues nécessaires pour la protection des sites, la création de parcs nationaux, etc., dans les forêts soumises au régime forestier, soient prévues et ajoutées au Code forestier ». La séance est levée à 11 heures. .SJ6 INTKK. NATION AL 1913 SÉANCE DU 19 JUIN 1913 (:\iatin) Présidence de M. GHAIX, président de Section La séance est ouverte à 9 h. 20. M. LE Président. — L'ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Mathey sur les parcs nationaux. La question des parcs nationaux est une question vitale pour tout ce qui nous intéresse et nous aurions été très heureux de voir notre éminent collègue venir défendre avec l'énergie qui lui est coutumière les idées qu'il a émises dans son rapport. Cependant, comme il n'est pas possible de remettre ce débat, nous allons ouvrir, malgré Tabsence de M. Mathey, la discussion. Lecture est donné(! du rapport de \l. Mathey sur his Parcs natr^naux : Uapport de m. a. Mathey. -^ L'industrialisme poussé jusqu'à ses' dernières limites, la cupidité humaine ne respectant plus rien, pas même les impressionnantes beautés naturelles, le viol permanent dos sites les plus vantés érigé à la hauteur d'une institution d'État, l'appauvrissc- mcnt incessant de la flore spontanée, la disparition de nombreuses et inoffensives espèces animales ont fini par provoquer chez tous les peuples un réveil de la conscience nationale. De là, est née l'idée de la consti- tution de parcs nationaux^ c'est-à-dire de la mise à ban de vastes terri- toires à tout jamais soustraits à l'entreprise des hommes et dans les- quels animaux et plantes revivront en paix les premiers âges de l'huma- nité, donnant ainsi l'attrayant et instructif spectacle d'un monde ciui évolue librement vers des destins inconnus. Et, tout d'abord, je dois faire remarquer que, si l'appellation est relati- <»i''.iiii'îs. vement nouvelle, en revanche l'idée est fort ancienne et, comme toujours, 'd'origine française. Vers 1830, toute une élite de jeunes gens aux longs longs cheveux et aux barbes de fleuve vint s'installer à Barbizon, au sud do la forêt de Fontainebleau, séduite par la sauvagerie relative de ses vieilles futaies et de ses pittoresques empilements de grès. Les artistes aiment le bruit. La colonie de Barbizon ne tarda pas à faire parler d'elle. La forêt étant son ateliei', elle se demanda quelle farce elle pourrait bien jouer aux philistins qui s'arrogeaient des droits sur un terrain qu'elle avait décrété si(;n. Elle trouva le motif de cette farce dans les exploitations forestières. Eh quoi ! on osait toucher à des arbres qui inspiraient de si — 817 - CONGRES FORESTIER belles œuvres ! N'était-ce pas là le comble de l'iconoclasme ! En vain les barbares voulurent tenir tête à l'orage ; en vain prétextèrent-ils que le bien de la forêt exigeait l'enlèvement des arbres morts et mourants, les petits rapins têtus et bien servis par leur sens artistique ne voulurent rien savoir; ils rugirent : Vous ne toucherez rien ; Fart s'inspire aussi bien des œuvres de mort que des œuvres de vie. Passez votre chemin, ô féroces contemp- teurs de la nature librement épanouie, nous voulons pouvoir peindre la jeunesse et l'amour, le printemps et l'hiver, la vieillesse et son long cortège de misères et de deuils ; nous voulons montrer à l'humanité que la vie est un perpétuel combat et que rien n'est éternel en dehors des œuvres de génie ». Et ils firent tant, les petits rapins têtus, ils agitèrent si fort leurs longs cheveux, ils promenèrent si bien leurs barbes de fleuve dans les bureaux de rédaction des grands quotidiens, qu'ils obtinrent satisfaction. En 1861, on finit par ériger en séries artistiques, où la hache ne devait plus pénétrer, ^rtaines parties de la forêt de Fontainebleau. Telle est la genèse des parcs nationaux. Est-il besoin d'ajouter que la constitution des séries artis- tiques eût les plus heureuses conséquences pour les bourgades entourant la forêt de Fontainebleau. Barbizon et Marlotte, en particuher, durent à cette institution leur célébrité, leur vogue et leur embellissement. Tant il est vrai que les beautés naturelles sont une source prolongée de richesse pour ceux qui savent les conserver! Il faut reconnaître qu'en dehors de sa proximité de Paris et de ses beaux massifs forestiers, la forêt de Fontainebleau n'était rien moins qu'indiquée pour la constitution de séries artistiques. C'est, en effet, une forêt sèche et silencieuse par excel- lence. De fréquents et calamiteux incendies en altèrent périodiquement la physionomie. Aucun oiseau n'y gazouille, aucun ruisseau n'y murmure, et ses mares, illustrées par le pinceau de peintres fameux, et légèrement creusées dans la table de grès, ne renferment que quelques gouttes d'eau, • à peine suffisantes pour étancher la soif des chevreuils, des cerfs et des sangliers qui hantent ses fourrés. Aux séries artistiques de Fontainebleau, j'aurais voulu ajouter celle du Couvent de la Grande-Chartreuse. Longtemps soustraite aux exploi- tations, la végétation forestière y avait acquis une force incomparable et une majesté impressionnante. Des coupes récentes ont malheureuse- ment jeté bas les beaux épicéas de Casalibus et fait, de ce site merveilleux, un type banal de forêt éventrée. N'est-ce pas le cas de répéter avec le poète • Sunt lacrymaa rerum ! Il est question de rendre cette partie de la forêt domaniale de la Chartreuse à sa destination primitive. Ce sera sage ; mais de tels peuplements demandent un siècle pour retrouver leur splendeur détruite. i«s parcs natio- Nous veuons de voir que nous devons à une pensée esthétique la cons- dfnérenfs'iièu- titution dcs premières réserves artistiques forestières. Nous allons main- pies, tenant suivre cette institution chez les différents peuples et montrer comment l'idée a grandi, évoluant d'abord dans une direction scientifique, puis poussant enfin ses racines jusqu'au plus profond de l'âme populaire. En 1805, un trappeur américain du nom de Coulter s'engagea, avec Lewis et Clarke dans les terres inconnues de l'Arkansas et revint ébloui des merveilles qui s'étaient offertes à ses yeux. Ses récits, s'ajoutant aux légendes indiennes, firent longtemps l'objet de l'incrédulité générale. Ce qu'on appelait « l'enfer de Coulter » passa pour une légende et l'on fût de longues années encore à ignorer « ce pays de la glace et du feu, — 818 — INTERNATIONAL 1913 de l'eau et de la poix bouillante, de la fumée tonnante, pays dont n'osaient approcher les Peaux- Rouges qui le croyaient hanté par le mauvais esprit ». Plus tard, en 1869, les inspecteurs Gook et Foison visitèrent le Yel- lowstone et remontèrent jusqu'au lac. Enfin le géologue Hayden en fît l'exploration détaillée en 1871 et publia un rapport sur ses merveilles. Le Yellowstone fut alors déclaré parc national par une loi du Congrès, promulguée le 1^ mars 1872, sur la proposition d'Hayden. Voici le texte de la loi organique : « Ce territoire estérigé en parc public ou jardin d'agrément pour l'avan- « tage et la jouissance de la nation ; quiconque s'y établira ou en occupera « une partie, sauf dans les cas prévus par les règlements, sera considéré « comme contrevenant et immédiatement expulsé. Les règlements ont « pour but de préserver de tous dommages et spoliation et de conserver « dans leur état naturel les forêts, les dépôts minéraux, les curiosités « naturelles et les merveilles que renferme le Parc ». Le Parc national du Yellowstone forme un quadrilatère d'environ 80 à 100 kilomètres de côté ; son étendue est donc de 800.000 hectares. C'est avant tout une contrée volcanique, où l'on trouve tous les accidents plutoniques possibles, et, en particulier, c'est le pays des Geysers. Les 49 sources chaudes de l'Arkansas y sont englobées avec leur débit quoti- dien de 45.000 mètres cubes d'eaux thermales. Sous le rapport des phéno- mènes geysériens, dit Leclercq, l'Islande elle-même n'est qu'une pâle réduction du Yellowstone. Si l'on se reporte au texte de la loi organique, on voit que c'est bien une pensée scientifique qui a dicté les actes du Congrès de Washington. D'une part, les Américains ont voulu conserver leurs richesses minéralo- giques ; d'autre part, ils ont compris qu'il ne fallait point toucher au cadre forestier qui ajoutait sa splendeur à la magnificence des phénomènes dont est le théâtre cette terre privilégiée. A ces préoccupations d'ordre scientifique et esthétique se mêlèrent également le souci de l'éduca- tion des masses, pour lesquelles le respect des arbres était comme un évangile nouveau, et le désir très légitime de créer, par le tourisme, une nouvelle source de richesse pour les Etats-Unis. Le Parc national du Yellowstone devint la « Great attraction » de l'Ouest américain. A peine décrété, on s'évertua à le faire connaître et à l'aménager. Tout d'abord, on chercha à reconstituer, sur cet immense territoire interdit aux chas- seurs, la faune de l'Amérique du Nord. On y introduisit les espèces en voie de déclin ou de disparition. Et ce n'est pas un des moindres éton- nements que de voir jeter en pâture à la curiosité des visiteurs, à côté des ours bruns apprivoisés et venant, sur les tas d'ordures, manger les restes des hôtels, les derniers représentants de la race autochtone, de cette race qui préféra s'ensevelir vivante dans son cercueil plutôt que de se plier aux lois de ses vainqueurs. J'ajoute, pour être complet, que les Américains ont aussi érigé en parc national un espace plus petit de terrain dans le Mariposa, où croissent des séquoias géants. Cet exemple des États-Unis ne tarda pas à être imité par presque tous les États de la vieille Europe. En 1904, sur l'initiative de l'illustre explora- teur Nordenskjold, le Parlement suédois mit en dehors de toute exploi- tation un territoire de 18.000 hectares autour des lacs de Laponie, dans — 819 — CONGliKS FOKKSTIER Ji; but de protéger toute vie animale et végétale et de voir comment se comportait la forêt à l'état vierge. Plus tard furent créés d'autres parcs de la nature tendant toujours à la protection des sites, de la faune et de la flore. En 1905, furent décrétés les premières réserves norvégiennes et le pre- mier parc national autrichien englobant 1.748 hectares de forêt vierge en Bosnie, A la même époque et grâce à l'ardente campagne menée par le professeur Couwentes, l'Allemagne protégeait contre toute ingérence humaine de nombreux cantons forestiers situés dans les plaines du Nord et dans les basses montagnes, L'Angleterre possède la réserve royale de chasse du New-Forest, en Hampshire, créée par Guillaume de Normandie au xi^ siècle ; elle montre en outre avec un légitime orgueil un grand nombre de parcs appartenant à d'anciennes familles qui les gardent depuis plusieurs siècles à l'état de nature. Ces parcs, dont l'étendue dépasse souvent 1.000 hectares, sont peuplés d'arbres superbes et très vieux ; ils sont de plus soigneusement clos, de façon à pouvoir conserver des cerfs, des daims et le bétail blanc indigène qui n'existe pas en d'autres pays et qui fait la gloire d'Albion, Malgré toutes ces richesses, le Royaume-Uni n'a pas voulu rester en dehors du mouvement qui pousse tous les peuples à communier dans l'amour de la nature. Et la société « National trust for places of historié interest or natural beauty » a acheté, entre autres et vers 1906, le Brad- lehow-Park, dans le Cumberland, pour le prix de 150.000 francs. C'est une forêt vierge de 50 hectares, qui est conservée à titre de propriété natio- nale. La somme requise a été récoltée par souscription, en cinq mois. A ce propos, je ne puis m'empêcher de gémir sur la disparition de plus en plus grande des parcs privés de France. Les derniers auront bientôt vécu. Et la fiscalité qui s'acharne après eux tend tout simplement à appauvrir le patrimoine esthétique do notre pays. D'une part, on édicté des lois pour la protection des sites et, d'autre part, par des qaenaces d'impôts exagérés, on décrète la mort sans phrase de véritables monu- ments naturels, car ce sont bien des monuments que ces vieilles futaies et que ces vieux arbres, témoins de nos gloires séculaires, de nos victoires et de nos défaites, de nos luttes et de nos passions, dont ils gardent le souvenir gravé sur leurs écorces. Comprenne qui pourra 1 J'arrive main- tenant au dernier acte de ce long historique. C'est au plus petit Etat d'Europe,. à la Suisse, qu'il appartenait de grouper en un faisceau compact tout ce que l'art, la science, l'amour de la patrie ont accumulé de motifs en faveur de la protection des œuvres de la nature. Une véritable croisade a été entreprise pour sauver du vandalisme les derniers vestiges du passé. Et cette ligue a recruté des adhérents nombreux dans toutes les classes de la société, A la tête des croisés, nous sommes heureux de trouver la Société des Forestiers suisses, à laquelle revient le très grand honneur d'avoir, la première, mis à l'étude l'établissement de réserves forestières. Voicidu reste le texte exact de la motion présentée par MM, H. Badoux et R. Glutz à la réunion annuelle de 1906 du Congrès forestier, motion qui a été votée d'enthouoiasme. Considérant : 1° Qu'il est du plus haut intérêt pour la sylviculture, la botanique et la géographie botanique de conserver en permanence quelques mas de forêts à l'état vierge; • — 820 -- [N rF.r.NATlOîNAL 1 0 I .' 1 20 Quu l'institution de pareilles réserves deviendra toujours plus difficile eu égard au rapide développement de la culture forestière. 3° Que dans d'autres pays, on a, dés longtemps, décrété le maintien de réserves forestières. Les soussignés déposent le vœu suivant : Est-il désirable et possible de choisir en Suisse quelques mas de forêts (d'environ 20 à 100 hectares), lesquels seraient soustraits à toute action de l'homme, abandonnés ainsi à la nature et conservés pour tou- jours à l'état vierge ? Cette motion eut le don de réveiller toutes les énergies qui sommeil- laient. La Ligue pour la Conservation de la Suisse pittoresque, la Ligue nationale pour la Protection de la nature virent tout le parti qu'elles pou- vaient tirer de ce mouvement d'opinion, et elles offrirent immédiatement leur puissant concours aux forestiers suisses. Enfin, les sections scienti- fiques d'histoire naturelle, alarmées par le préjudice considérable causé à la faune et à la flore par l'extension des cultures, l'industrialisation des forces naturelles et... le tourisme, se mirent en campagne à leur tour. Elles instituèrent dos commissions pour la protection des monuments naturels, leur donnant pour mission de préserver dans la mesure du pos- sible ce qui serait encore de la faune et de la flore, ce qui demeure toujours des blocs erratiques et des documents préhistoriques, qui ont été légués à travers les âges aux générations actuelles et qui font partie du patri- moine esthétique et intellectuel de tous ceux qui aiment leur pays. De ce concours puissant de bonnes volontés sont nées des ordonnances cantonales pour la protection de la flore, ordonnances qui ont été consa- crées par un vote quasi-unanime des populations consultées. J'ajoute que depuis longtemps la faune est largement protégée en Suisse, car il existe, dans presque tous les cantons, de nombreux districts — qualifiés de rejuges — entièrement fermés à la chasse. Ces refuges ont été institués par l'article 15 des lois du 17 septembre 1875 et du 24 juin 1904 sur la chasse et la protection des oiseaux. En voici le texte : « 11 sera réservé un district où la chasse du gibier de montagne « sera prohibée dans chacun des cantons d'Appenzell, de Saint-Gall, de « Glaris, d'Uri, de Schwyz, d'Unterwald, de Lucerne, de Fribourg et de « Vaud ; deux districts dans chacun des cantons de Berne et du Tessin, « et trois dans ceux du Valais et des Grisons. Ces districts devront « être d'une étendue suffisante; ils sont placés sous la haute surveil- « lance de la Confédération. Un règlement spécial du Conseil fédéral « fixera les limites exactes de ces districts (sans avoir égard aux fron- « tières cantonales et ordonnera une surveillance sévère sur le gibier; ce « règlement contiendra les dispositions nécessaires pour la protection « et la conservation du gibier de montagne, suivant les circonstances et « la situation des lieux. « La déhmitation de ces districts francs sera modifiée autant que pos- « sible tous les cinq ans. « La Confédération cherchera à acclimater des bouquetins dans ces « districts ». A l'heure actuelle, ces districts fermés couvrent une étendue de 171.200 hectares, représentant les 4/100 du territoire de la Suisse. On évalue la population animale de ces refuges à 6.000 chamois et 700 chevreuils. Quand on pénètre plus avant dans les détails de la législation suisse — 8:i — CO>^GRES FORESTIER sur la chasse, toute d'humanité et de protection, et qu'on la compare avec la nôtre, toute de sauvagerie et de destruction, on constate avec honte que nous avons reculé d'un siècle dans la voie du progrès. Le gibier de l'Ouganda est mieux protégé que celui de France contre la cupidité barbare et aveugle des chasseurs-destructeurs. N'est-il pas temps de réveiller la pitié des masses pour tant de gentes bêtes qui disparaissent de notre doux pays et qui emportent avec elles ce renom d'hommes au cœur généreux et tendre sous lequel furent connus nos ancêtres ? N'est-il pas temps aussi de fonder une ligue pour la protection de la faune fran- çaise ? Protéger les sites, c'est assurément très bien ; mais protéger la vie de créatures inolïensives et belles, qui attestent la variété et la puissance de la nature, n'est-ce pas mieux encore ? Allons donc hardiment de l'avant, imitons la Suisse ; nous aurons avec nous toutes les femmes de France, heureuses de jeter dans la balance, en faveur de pauvres victimes, leurs cœurs de inère, d'épouse ou de fille ! La fondation de cette Ligue pour le beau et pour le bien est d'autant plus nécessaire qu'il est promptement apparu aux forestiers et aux natura- listes suisses que les mesures restrictives, prises par les gouvernements cantonaux, ne pouvaient protéger d'une manière absolue ni la faune ni la flore. En France, ce serait pis. 11 suffit que l'autorité commande pour que le peuple se révolte. Quand on lui dit: « Protège », il tue ou il détruit ; quand on lui ordonne de détruire, il passe indifférent ou même il s'amuse à protéger, pour « embêter » l'autorité et le voisin. Certes, vous vous êtes arrêtés bien des fois devant de grandes affiches blanches ordonnant le hannetonnage, l'échenillage, l'échardonnage, la destruction du houblon sauvage, de l'épine-vinette, que sais-je encore ? Mais je ne crois pas que vous ayiez jamais vu dresser une seule contra- vention aux contrevenants à ces arrêtés, qui sont légion, qui sont messieurs « Tout le monde ». A peine a-t-il quitté son biberon que le Français apprend à se moquer des règlements et des lois. Il est vrai que les règle- ments et les lois ne sont pas toujours d'une application commode. Et je me suis toujours demandé comment je pourrai bien arriver à détruire les hannetons sur une profondeur de 50 mètres au long de mes forêts. Toute une brigade réunie au pied d'un chêne centenaire ne parviendrait pas, quels que soient ses efforts, à imprimer à la crnie l'oscillation nécessaire pour faire tomber à terre le ou les hannetons qui dévorent son feuillage. Ce que je dis des forestiers s'applique aussi bien aux cantonniers. L'impossibilité d'obtenir, même en Suisse, des résultats positifs par la voie des circulaires et des affiches étant bien et dûment constatée, nos voisins en revinrent à la conception des enceintes fermées, dans lesquelles plantes et bêtes jouiraient d'une entière liberté à l'abri des interventions humaines. Ils furent ainsi conduits à créer des asiles intan- gibles dans des régions soigneusement choisies, asiles où les végétaux et les animaux, pourraient se développer suivant les lois naturelles, évoluer avec le milieu, former enfin dans le cours des ans des sociétés semblables à celles qui existaient avant l'occupation do l'homme. Toutes les volontés agissantes de la Suisse se fondirent alors en une société unique, "dite « de protection pour la nature », dont est membre toute personne versant une cotisation annuelle de 1 franc ou #un ver- sement définitif de 20 francs. A sa naissance, cette société comptait 5.000 membres disposant d'un fonds social de 20. 000 francs. C'était en 1909. Depuis, le nombre des — 822 — INTERNATIONAL 1913 membres a plus que doublé. A Pâques 1911, M. le docteur Schrôter, l'infatigable apôtre de la Ligue, m'écrivait que cette dernière ralliait 10.000 adhérents, qUe ses revenus annuels étaient de 15.000 francs et que son capital inaliénable atteignait 30.000 francs. Un subside annuel de 30.000 francs est accordé par le Conseil fédéral à la société. Celle-ci n'est pas restée inactive. Nantie de ces ressources, elle a immé- diatement créé dans la Basse-Engadine, sur le territoire de la commune de Zernez, au sud du coude formé par l'Inn, le premier Parc national suisse. Les débuts ont été modestes. T^e noyau central formé par le Val Cluoza ne renfermait de prime abord que 2.560 hectares ; mais, autour de ce noyau, sont déjà venus cristalliser de nombreux cantons qui ont élevé à 5.000 hectares la superficie du Parc. Ce n'est pas tout. Chaque année voit grandir cette contenance qui sera bientôt de 21.000 hectares. Telle est, en effet, la puissance de l'attraction moléculaire, que toutes les communes avoisinant le Val Cluoza veulent ajouter un nouveau lleuron à la couronne tressée au front des Alpes par les amis de la nature. Et si l'on songe que le projet a été soumis à la votation populaire du canton des Grisons, qui l'a adopté à la presque unanimité, on peut dire que le Parc national suisse est dû à une magnifique et touchante explosion d'amour pour le pays natal. Quelles sont les raisons qui ont fait choisir le Val Cluoza pour l'empla- cement du Parc national ? Le docteur Jaccard va nous les dire : « Grâce « à son accès difficile, le Val Cluoza a conservé un cachet de sauvagerie « et de virginité qu'on ne rencontre guère ailleurs en Suisse au même « degré. Le domaine forestier de l'Ofeu, auquel il se rattache, présente un « intérêt exceptionnel, spécialement à cause de ses remarquables forêts (' de pins de montagne, qui sont les plus grandes de la Suisse, auxquelles « s'ajoutent de belles forêts à peu près pures d'aroles, de magnifiques « peuplements mélangés d'épicéas et de mélèzes, et où se rencontrent « diverses formes particulières de torche-pins et de pins sylvestres {Pinus « sijlvestris^ d. car. engadineusis Heer; Pinus montann var. ?nughus), ayant « un réel caractère botanique. Grâce à la grande diversité orographique et « pétrogTaphique de ce territoire, la flore ainsi que la faune d'ailleurs y « sont d'une grande richesse ; de nombreuses espèces orientales et méri- « dionales s'y rencontrent qui n'existent nulle part ailleurs en Suisse. « Le territoire de l'Ofeu est enfin le dernier refuge de l'ours en Suisse, et, « s'il n'y a aucune raison sérieuse pour propager d'une façon générale « cet intéressant plantigrade, lequel est parfaitement inofïensif pour « l'homme, il est, par contre, des plus désirable d'empêcher sa dispari- « tion complète, de même que colle du bouquetin qui, jadis, peuplait « nos Alpes méridionales ». Non contents d'avoir créé leur Parc national, les forestiers suisses ont énergiquement poursuivi leur idée première, qui était la conservation de forêts à l'état vierge. Un auteur forestier de grand mérite, M. Dimitz, après avoir visité la forêt vierge de la Bosnie, s'écrie enthousiasmé : « Elle est la preuve vivante que la nature est le meilleur architecte de la forêt ; si nous voulons l'imiter, nous ne pouvons que copier son œuvre». Mais, comme le fait si justement remarquer notre collègue M. H. Badoux, où peut-on étudier et imiter l'exemple de la nature, puisque toute forêt vierge a disparu ? Et cependant, c'est bien dans la seule forêt vierge qu'on peut apprécier avec sûreté les exigences de nos essences quant à la station ; après une lutte plusieurs fois séculaire pour — 823 — COMGRES FORESTIER rexistencc. elle ont pu faire Icui' rhoix ; cette Julie, tout au moins entre les individus adultes, est arrivée à son terme (D^" Mayr). D'une part, les aménagements et les exploitations, les caprices et les fantaisies, ont brisé partout' le cycle de l'évoluticn naturelle des massifs au point que nous ignorons absolument si le recul ou l'avancement de certaines essences est le fait du climat ou de l'homme. C'est ce que me mandait dernièrement M. Charles Rabot. A peine encore sommes-nous renseignés sur les zones contestées, c'est-à-dire sur les points où les diffé- rentes essences entrent en contact, ce ciui est cependant un. des chapitres les plus instructifs et les plus curieux de l'histoire du monde végétal. Et ces associations ligneuses et herbacées, c{ue nous nous plaisons sou- vent à donner comme une réaction du sol et du climat, ne sont trop sou- vent qu'un moment éphémère et fugace de la vie des peuplements. C'est ainsi que l'on décrit à chaque instant l'association du chêne rouvre, alors que ce chêne n'est parfois qu'un échelon très bas d'uneassociation beaucoup plus élevée, dont nous avons brisé l'évolution. D'autre part, nous n'avons, pour ainsi dire, aucune donnée sur les transformations éconoiiiiquesde nos peuplements. Les forestiers eux-mêmes ne sont pas d'accord sur ce que l'on peut demander aux différents sols. Ici on vous dit sans rire : « Les taillis de chêne meurent à 2.5 ans >> ; ailleurs, on proclame que « les taillis de hêtre ne prospèrent plus à partir de 40 ans y\ Ces erreurs se propagent vite et s'enracinent dans l'âme populaire. Comment les combattre d'une façon péremptoire, si ce n'est en montrant que la forât est éternelle ? Oui, elle est éternelle la forêt que l'homme n'a point torturée, n'a point modelée au gré de ses changeants caprices, n"a point déflorée, en un mot. et ceux qui manifestent des craintes pusillanimes sur le danger c[ue feraient courir aux peuplements abandonnés à eux-mêmes les insectes et les champignons, peuvent se rassurer. Tous ceux de nos camarades qui ont visité des forêts vierges peuvent attester qu'elles présentent une végétation exubérante et une vitalité tout à fait remarquable. A ceux qui savent voir, il apparaît nettement c[ue ce sont surtout les apports étran- gers et la culture qui développent les maladies et les dommages causés par les insectes. Dans nos bois des alluvions, la vigne sauvage se rit du phylloxéra ; elle est sucée à mort dans lés cultures. Dans les vieilles forets d'épicéa, le Trameles radiciperda existe simplement à l'état sporadiqu(! : il décime, par contre, h^s peuplements créés de main d'homme. P]t, pour se préserver dos insectes et des champignons, le dernier mot de la science est de laisser le mélange des essences s'opérer au gré de la nature. Les réserves forestières, qui se concilient si bien avec la protection de> / sites et de la flore, sollicitent donc, au même titre que les parcs natio- naux, dont ils sont une image affaiblie, toute l'attention des amis de la nature, des savants et des pouvoirs publics. Celui qui, sans elles, voudrait écrire l'histoire de la terre ressemblerait à cet historiographe qui s'effor- cerait d'évoquer le passé d'un pays sans palimpsestes, sans manuscrits, sans monuments. N'est-ce pas un devoir pour l'État cpie de laisser à ses penseurs, à ses chercheurs, quelques coins de nature vierge où puissent s'exercer leurs facultés d'observation ? C'est en interrogeant ce qui vil qu'on reconstituera l'historiciue de ce qui a vécu. La France est assez grande et assez riche pour conserver, de ci de là, les coins agrestes de son territoire, qui donneront à chaque région son cachot original et vrai. Chê- naie, hêtraie, aulnaie, sapinièn;, pessière, pineraic, tout cela mérite de se développer lil)re)nent sui' quelques places privilégiées, aussi bien (]ue la — 824 — I .\ IKIîN AIION \1, 1913 iatide et l Au surplus, si nous nous interdisons de construire des hôtels, de tra- vailler la terre et de planter dans les limites du territoire réservé, nous nous ménageons la possibilité de reconstituer la flore locale, en confiant au sein fécond de la nature les semences d'espèces qui, comme je viens de le montrer, ont paré à une époque relativement récente les flancs de ces montagnes. Je dis à une époque relativement récente, car les archives communales de l'Oisans permettent de déchirer facilement le voile du passé et de reconstituer, sur des bases solides et précieuses, l'historique forestier de la région. S'il est un pays déboisé, c'est bien celui qui s'étend autour du massif des Rousses, et les pauvres chalets égrenés au miUeu des pâturages en sont réduits, pour se chauffer, à brûler la bouse de vache séchée contre les murailles des habitations ou contre les rochers qui émergent de la verdure. Or, les premiers déboisements, effectués sur le territoire de la commune de Beye, remontent à 1340, et c'est seulement pendant la nuit du 15 août 1540 que le feu fut mis à l'immense forêt de Mélèze qui, de l'entonnoir de la Salsse, s'étendait vraisemblablement sur tout le plateau d'Emparés, Et, dans les ruines de ce qui furent de gras et riches pâturages, on retrouve encore quelques souches épargnées par le temps. Or, il y a de fortes raisons de penser que la nature est capable à elle seule de guérir les plaies ainsi creusées en son flanc par les hommes. Elle y mettra sans doute le temps ; elle passera sûrement par bien des transfor- mations, par bien des étapes; mais chacune de ces transformations, cha- cune de ces étapes constitueront un précieux et inimitable enseignement; Le cirque de la Bérarde se composant d'un noyau de protogyne massive, sur lequel s'appuie de tous côtés une épaisse écorce de gneiss déchirés et fracturés, il est certain que la flore, essentiellement silicicole, n'offrira pas la richesse des terrains calcaires et liasiques. A ce point de vue spécial, nous sommes un peu moins bien partagés que la Suisse. Cependant, des lambeaux de terrains secondaires paraissent subsister dans les replis du gneiss (Ch. Lory), et l'inventaire floristique de cette vaste région doit ménager bien des surprises à ceux qui auront le devoir et la mission de le dresser. Le glacier du Chardon, exploré par l'abbé Ravaud, renferme une flore variée et qui est loin d'être sans intérêt. Ce qui doit au surplus attirer les savants, c'est moins encore l'étude de quelques types peu communs que les rapports inconnus qui s'établissent entre les végétaux et les animaux abandonnés à l'état de nature. Les biologistes trouveront là une mine d'observations inépuisable. Dans une goutte d'infusion de foin, on voit se succéder, rapidement et dans un ordre déterminé, tout un monde d'infiniment petits. Une prairie est de même dans une perpétuelle rénovation, mais l'évolution se poursuit si lentement qu'on la soupçonne à peine. Reconstituer les phases de cette lutte, montrer comment se forment, s'enchaînent et se détruisent les associations du monde végétal, tel est un des problèmes qui retiendra longtemps encore l'attention des observateurs et qui offre beaucoup d'intérêt, même au point de vue pratique. Chacun sait que la composition flotistique d'un pâturage brouté diffère profondément de celle d'un alpage fauché, et la composition du foin sauvage n'est pas celle du foin récolté sur des prairies que visite la faulx. Même entre deux alpages, dont l'un est fauché tous les ans et dont l'autre ne l'est qu'à des inter- valles plus ou moins éloignés, la dissemblance est profonde. Mais la lutte ne se confinera pas toujours entre les herbes qui composent le tapis- végétal. Tout un monde de végétaux plus puissants, arbrisseaux, arbustes, — 827 — CONliRES FORESTIER aibîfcs. tiitieront tii lict; à leur tour, suivant leur alïiiiité, leur tempé- rament et leurs exigences, et viendront donner un nouvel intérêt à ces combats dont l'histoire est encore si mal connue. Cest toute une moisson de faits à récolter. En plaçant le noyau du Parc national à la Bérarde, c'était aussi se réserver la possibilité d'étoidre l'aire de ce parc, en y englobant toutes les régions désertes du Pelvoux. Par là, on réalisera l'union de deux climats , de deux cieux, de deux Alpes : la verte et la sèche ; par là encore, on aura la diversité des terrains et, par suite, aussi de la flore. Abords sauvages, cimes majestueuses, glaciers étincelants, nature mourante, mais seule- ment de ses blessures, et qui cache encore en son sein des trésors de force et de vigueur, susceptibles de la faire revivre dans un cadre de superbe verdure, rien ne manquera au Parc national français pour en faire un site enchanteur pour le touriste, l'artiste et le savant. D'autres raisons encore militaient puissamment en faveur du choix de la Bérarde. La commune de Saint-Christophe ayant loué ses pâturages à l'Etat et à un groupe de sociétés, parmi lesquelles je citerai le Syndicat des forces hydrauliques des Alpes, le Club Alpin, la Société des Tou- ristes du Dauphiné, l'Association dauphinoise pour l'aménagement des montagnes, il était évident que la constitution d'un territoire réservé dans ces parages ne pouvait gêner beaucoup la population. L'étendue con- sidérable de la commune (26.000 hectares) se prêtait également bien à un démembrement en faveur de l'intérêt particulier et général du pays. Enfin, l'accès de la Bérarde est facile, même pour les petites bourses. Ce n'est pas tout. Cette région du Pelvoux est, par ses glaciers, une mine très riche de houille blanche. Or, les glaciers, malgré les oscil- lations dont ils sont le théâtre, reculent singuHèrement vite dans leur ensemble, et cela d'autant plus que l'on descend davantage vers le sud. On explique ce recul par la sécheresse de plus en plus accentuée du climat. Mais cette sécheresse n'est-elle pas due, pour une forte part, au déboise- ment ? Il est scientifiquement établi que les forêts favorisent les précipi- tations. L'homme n'a donc qu'un moyen et un seul d'entretenir cette source de richesse, et ce moyen consiste à entourer les bassins de houille blanche d'une couronne épaisse de forêts. Soustraites aux entreprises humaines, ces forêts finiront par replacer la nature dans son cadre pri- mitif et ménageront à nos descendants de puissantes sources d'énergie. Si les glaciers sont une source d'énergie, ils constituent aussi des agents singuHèrement actifs d'érosion, d'accumulation et de transport des matériaux arrachés aux flancs do la montagne. Ces amas de matériaux sont particulièrement abondants dans la vallée dénudée et déboisée du Vénéon. Il y a longtemps qu'un ingénieur extrêmement distingué des Ponts et Chaussées, digne émule de Surell, M. Philippe Breton, a dénoncé le péril que font courir à la plaine du Bourg-d'Oisans les formidables apports du Vénéon. Ces apports finiront par combler le canal de la Romanche et par rendre illusoire la protection des digues. La plage de Buclet, longue de 3 kilomètres, occupe une superficie de 263 hectares. Sur ces 263 hectares, 195 sont couverts par les déjections du \'énéôn. On a calculé que cette plage s'exhaussait de 24 millimètres par an. C'est donc environ 45.000 mètres cubes de matériaux détritiques que vomit annuellement le cirque de la Bérarde. On voit par là de quelle importance est la stabilisation des 12 à 15.000 hectares qui forment le haut bassin du Vénéon. Or, j'ai la conviction profonde que cette stabilisation peut être — 828 — INTERNATIONAL I .•|,) obtenue simplement, sans frais, sous les seules forces de la nature, par le reboisement et le gazonnement. La preuve matérielle en est fournit' par une mise en défends de 5 années seulement, quia suffi pour faire rever- dir les montagnes de Saint-Christophe. Le changement apporté par cette mesure frappe les esprits les moins prévenus. Et, si l'on met en regard des faibles sommes qui ont été versées à la commune pour la location de ses pâturages, les dépenses formidables et jamais arrêtées qu'entraîne la correction de nos torrents alpins (500.000 francs pour Chantelarde, 418.000 francs pour Entraigues, 315.000 francs pour le Périer, 205.000 fr. pour le Roissard, 200.000 pour Valjouffrey, 153.000 pour Tréminis, 143.000 pour Pellafol, 137.000 francs pour l'achat de Saint-Maurice-en- Trièves, 130.000 francs pour la Roize-de-Voreppe, 126.000 francs au Manival, 113.500 francs à Biviers, 113.500 francs aux Gorgettes, 70.000 fr. sur le minuscule torrent du Malhyver sur Claix, etc.), on reconnaître que le Parc national est vraiment digne d'intérêt pour les résultats qu'il permet d'entrevoir, pour les enseignements qu'il no manquera pas de procurer. Mais ce n'était pas tout que de trouver l'emplacement du Parc national, il fallait encore faire partager ma foi d'apôtre aux populations intéressées, il fallait les amener au sacrifice temporaire dont la conséquence immé- diate sera la richesse du pays. Coûte que coûte, en effet, il importe de retenir dans l'Oisans la population robuste et saine, qui cherche à s'en évader. Et il n'existe guère de moyen plus rapide et plus sûr que celui de créer, en cette région, un centre d'attraction artistique, touristique et scientifique. L'exemple de Chamonix et de Zermatt est là pour en témoigner. La tâche était d'autant plus dure qu'il fallait aller vite et donner à l'œuvre d'inébranlables fondations. L'achat par l'État de ce qui doit constituer le noyau du Parc national s'imposait donc. Après bien des pour- parlers, après bien des heures angoissantes d'espoir et de dccourageinont, la municipalité de Saint-Christophe consentit enfin à vendre à l'Etat, pour un principal de 100.000 francs, 4.248 hectares formant le fond du cirque de la Bérarde et compris entre le glacier du Chardon et le ravin de Bonne-Pierre. Elle fit mieux encore ; elle loua à nouveau le parcours sur 8.714 hectares, en y ajoutant le droit de chasse. A l'heure actuelle, on peut donc dire que le Parc national de Saint-Christophe renferme une étendue de 1^.962 hectares, ce qui le classe parmi les plus grands et les plus beaux de l'Europe. Honneur donc à la bonne et vaillante munici- palité de Saint-Christophe ! Honneur aux habitants de la Bérarde ! Et à ce propos qu'il me soit permis de rapporter ce mot du jeune et intel- ligent maire de Saint-Christophe, M. Casimir Gaspard, disant au moment de signer la délibération qui consacrait l'acquisition des terrains : « Les Lorrains d'Arracourt viennent de faire leur devoir envers la patrie en se rendant d'un cœur joyeux à l'appel de la mobilisation ; à nous mainte- nant d'accomplir vis-à-vis de la France notre devoir de bons Dauphinois » Je voudrais que ces mots fussent gravés dans la pierre à l'entrée du Parc natiojial et qu'ils aient un écho, un long écho, dans tout le Dauphiné et dans toute la France. Les cœurs généreux sauront reconnaître, j'en suis sûr, le beau geste du maire et du conseil municipal de Saint-Christoplic Et maintenant que voilà l'œuvre lancée, ilfautlacompléteren étendant nos conquêtes, en aménageant le Parc, c'est-à-dire en y construisant les sentiers et les huttes nécessaires, on y réintroduisant les espèces animali's — 821» — CO?.'GRES FORESTIER et végétales qui ont disparu. Il nous faut de l'argent pour payer des gardiens, pour acheter bouquins, grands tétras et graines à confier à Y aima mater. Allons-nous nous en remettre à F Etat-Providence du soin de tout cela? Pas du tout, et c'est ici qu'apparaît le rôle des grandes sociétés touristiques, comme le Touring-Club de France, le rôle des sociétés alpines et scientifiques. L'Etat nous a fait un cadeau princier, qui donne à l'entreprise son caractère national. Nous ne lui demanderons pour l'instant que de louer pour 1 franc par an, à la Société des Parcs natio- naux de France, que nous allons immédiatement fonder, si vous le voulez bien, l'acquisition qu'il va faire à la Bérarde. Et, pour donner à cette «Ligue» le caractère patriotique et populaire, qui doit en faire la force et la grandeur, nous ne demanderons aux adhérents qu'une cotisa- tion annuelle de 1 franc ou, une fois payée, de 5 francs. Bien entendu, nous ne refuserons pas les dons généreux des favorisés de la fortune qui voudront bien s'associer de façon plus complète à cette oeuvre si française, qui est à la fois une œuvre scientifique, une œuvre économique et une œuvre de haute éducation sociale. Comment fonctionnera cette Ligue? Oh ! le plus simplement du monde. A sa tête, un comité central qui comprendra des représentants de toutes les sociétés scientifiques et alpines parisiennes, de façon à coordonner les efforts de la province ; puis des comités régionaux, formés des mêmes éléments et qui, eux, feront vivre les parcs nationaux. Pour que ces créations puissent, en effet, vivre et se développer, il faut qu'elles aient leurs racines dans le pays même, fier de son œuvre, conscient de ses devoirs, intéressé à maintenir l'épanouissement du beau et du bien. Et je demande que, dans ces comités une place d'honneur soit réservée à l'Administration des Eaux et Forêts et à la Société forestière de Franche-Comté et Belfort qui ont été les véritables promoteurs de l'entreprise et qui en ont rendu l'application immédiatement possible dans les Alpes. C'est nécessaire, car je ne vois que les forestiers qui puissent assurer l'exécution des décisions prises par les comités central et régionaux. La création du Parc national en Dauphiné est d'ailleurs indépendante de celle de réserves forestières et autres, qui m'apparaissent comme des œuvres essentiellement locales, pouvant et devant être réalisées par des groupements régionaux, à défaut de l'intiative de l'État. Évidemment, la Ligue coordonnera tous les efforts, subventionnera au fur et à mesure du développement de ses ressources toutes les initiatives ayant pour but de protéger la faune, la flore et les documents préhistoriques du pays. Mais ce sera aux comités locaux de dresser l'inventaire de ces richesses naturelles, d'en préparer l'acquisition dans de bonnes conditions. Ici, nous créerons un parc à gibier pour nous affranchir du lourd tribu payé aux nations voisines ; là, nous acquerrons un bloc erratique, débris infime mais singulièrement suggestif d'une époque disparue ; plus loin, nous nous approprierons une caverne, sur les murs de laquelle nos primitifs ancêtres ont tracé d'une main gauche et hésitante les premières ébauches de l'art ; ailleurs, nous achèterons un coin de rochers, une tourbière, derniers asiles de plantes méridionales ou septentrionales, qui évoquent des cli- mats plus doux ou plus âpres, des mondes et des civilisations disparus. Et quand l'homme des champs, allant accomplir son dur labeur, verra ressusciter sous ses yeux l'histoire de la terre, il comprendra qu'il y avait ici-bas quelque chose avant lui et qu'il doit laisser quelque chose après lui. Peut-être alors son cœur s'ouvrira-t-il à la pitié pour les bêtes — 830 — INTERNATIONAL J91o qui embellissent et adoucissent son existence, et son âme perce vra-t-elle la plainte de la nature qui expire sous ses coups ? Ah ! certes, l'œuvre à accomplir est aussi grande que noble ; mais il faut se hâter. Demain, il sera trop tard; demain, le poulpe aux mille bras qui s'appelle la cupidité humaine aura, pour un peu d'or, défloré toutes nos montagnes, anéanti tous les souvenirs qui nous rattachent au passé et qui font de la Patrie la terre à jamais bénie, à jamais aimée et pour laquelle sont doux tous les sacrifices ! M. LE Président. — Je vais, si vous voulez me le permettre, commenter en quelques mots, les grandes lignes de ce rapport. Il vise trois points principaux : le premier est la définition de ce qu'est un parc national ; le second est l'exposé historique du dévelop- pement de la question dans les divers pays ; le troisième est l'exposé de l'initiative personnelle accomplie par M. Mathey pour la constitu- tion d'un parc national en France. Je crois que, dans un Congrès international comme le nôtre, il peut être intéressant d'indiquer les efforts particuliers qui ont été accomplis, V mais, cependant, je suis d'avis qu'il faut laisser ces efforts au second plan et envisager surtout le problème au point de vue général et international. M. Flahault m'a dit qu'il serait heureux de résumer le rapport de M. Mathey et de nous exposer en même temps ses idées personnelles sur la question. M. Flahault est une lumière en ces matières et il est placé mieux que quiconque pour nous intéresser. Je lui donne donc la parole. M. Flahault. — Je n'ai pas besoin, messieurs, de vous redire combien il est regrettable de ne pas pouvoir entendre M. Mathey qui a toujours été un défenseur extrêmement ardent et éloquent des idées qu'il préconise. Je laisserai de côté ce qui concerne l'historique pour m'occuper des derniers événements qui se sont produits en Europe sur le point qui nous intéresse. Je passe donc l'histoire du parc de Yellowstone qui a été notre point de départ et nous a servi d'exemple, mais je prends cependant la permission de vous rappeler les efforts réalisés depuis quelques années par les Suisses. Les Suisses sont des [naturalistes excessivement affinés et des amateurs de la nature sous toutes ses formes. Or, ils ont été extrême- ment frappés des dégradations subies par la nature du fait de l'homme. Les chemins de fer n'ont pas en effet besoin d'être à crémaillère pour introduire dans la vie les perturbations les plus profondes. La bouteille lancée par un voyageur contribue à modifier la flore de la prairie dans laquelle elle tombe. De plus une, foule d'animaux disparaissent d'un pays par le seul fait du siffiet des locomotives. Il y a six semaines, je me trouvais dans le golfe de Tunis : dans cette région on ne voit plus guère de flamants depuis le jour où le sifflet du chemin de fer est venu les effrayer ! — 831 — CO.NGKKS FOKESTIEI! Ainsi cloue le geste du malotru qui jette une bouteille par la portière et le sifflet pourtant passager des locomotives suffisent à troubler la faune et la flore d'un pays. Cela vous montre quelle est Taction consciente et inconsciente de l'homme lorsqu'il cherche à tirer un profit immédiat de la nature autour de lui. Nous ne voyons ordinaire- ment dans nos expbitations — je fais exception pour les forestiers — que le bénéfice ; quand nous semons du blé, nous demandons que ce blé se transforme en argent le plus tôt possible. Evidemment nous obtenons souvent de la terre un rendement supérieur, mais il n'en est pas moins certain que nous portons, en agissant ainsi, une atteinte constante à Tordre de la nature et c'est ce trouble qui, de fil en aiguille, arrive à altérer les conditions générales posées par la nature : il les altère en modifiant les climats, en modifiant le sol et en modifiant la couver- ture vivante du même sol. Une quantité considérable de plantes ont disparu. M. Mathey, dans son rapport, nous en cite un exemple très intéressant : il s'agit de l'association du chêne. Or, ce chêne n'est qu'un élément très lointain ne répondant plus du tout à l'état pri- mitif de l'association qui, en réalité, était tout à fait différente. Aujourd'hui les géologues commencent avec un intérêt extrême àsaisir dans le passé les modifications des groupes biologiques d'espèces ; ils commencent à retrouver au-delà des temps glaciaires, jusque dans la période tertiaire, les groupements des êtres entre eux et l'harmonie de 'ces groupements. C'est cette harmonie que nous voulons voir respecter par l'homme. L'homme fait partie des associations vivantes ; il en est un élément si essentiel et si puissant que, tout naturellement, il s'est imaginé être le maître de la nature. Or, il n'en est pas ainsi. Lorsqu'il a commis des actions imprudentes sous cette impulsion du ■ bénéfice immédiat que je signalais à l'instant, il a déclanché certaines forces; en coupant des forêts, il a mis en branle des torrents et formé ces cônes de déjection dont nous connaissons le caractère anti-esthé- tique. Il en est de même par ailleurs. Je suis convaincu que M. Sainte- Claire Deville est d'accord avec moi et ne me contredira pas lorsque je dirai qu'il suffit de pénétrer dans une forêt pour pouvoir déclarer que cette forêt n'a pas subi d'atteinte depuis le xvi*^ siècle. De même, nous sommes capables de dire que telle autre forêt a été maladroite- ment administrée, qu'elle a perdu son caractère et qu'elle n'est plus dans l'ordre de la nature. L(is stations naturelles, qu'il s'agisse de montagiu's, de landes, de dunes, de falaises, où la vie présente à nos yeux un caractère tout à fait normal et ordonne, sont excessivem(int rares. .\ pnrt le fond de la Hongrie et aussi quelques forêts du Nordland suédois que j'ai eu le plaisir de parcourir bien sou vcnl, ou peut dire (juil n'y a plus en Europe de forêts qui soient dans leur ordre normal, et cela, même au Caucase. Aussi nous venons demander, au )iom de la science future, que notre jeune vingtième sièclt^ adopte l'idée du respect des monumcuits de la nature, comme il a adopté ctdie du respect des monumtMits de l'histoire on (le la pré-lùstoin!. L(^s stat ious |triniilives où la \'ie est eucore dans INTERNATIONAL 1913 son équilibre normal, valent autant que Notre-Dame ou les Pyramides d'Egypte 1 Nous demandons donc qu'elles soient considérées comme sacrées. Chaque pays doit porter tous ses efforts à la conservation des monuments et permettre l'évolution de la nature dans toute sa régularité et sa simplicité, lui laissant ainsi son libre jeu en certains points. Nos successeurs ne pourront point ainsi nous accuser d'avoir fait de notre planète une terre inhabitable. Il ne faut pas oubUer qu'aujourd'hui la destruction des espèces se poursuit avec un acharnement extraordinaire. Les autruches ont dis- paru de la Tunisie et cependant dans mon dernier voyage, j'ai trouvé dans le désert, des traces certaines de leur présence antérieure dans cette contrée. Vous savez ce que deviennent les derniers ours de nos Pyrénées : on les voit tramés par des tziganes et dansant au son du tambour de basque dans nos villages pour faire tomber des sous dans le chapeau crasseux des Romanichels ! Il est pourtant infiniment intéressant qu'il y ait encore des ours vivants, et qu'un jour nous puissions comparer nos ours quaternaires à ceux que nous pourrons voir autour de nous. Il faut que nos descendants puissent se rencontrer avec les ours dans les bois et que pour eux cet animal ne soit pas un mythe ! Il est également essentiel que les castors, qui sont un des souvenirs les plus intéressants de notre histoire humaine primitive, soient protégés, non pas seulement par un arrêté départe- mental du préfet du Gard, mais encore par la société, non pas pour la France, mais pour le monde. Il en est encore de même pour le flamant rose de notre Camargue. J'en dirai encore autant de l'aigle. Lorsque la Suisse a décidé de faire un parc national dans l'Engadine au Val Cluosa, nous avons déclaré que la société trouverait sur son capital les fonds nécessaire» pour rémunérer, à la suite d'expertises, les personnes qui auraient à se plaindre des dégâts. C'est un sacrifice qu'il fallait faire, parce que quand laigle royal aura disparu, il y aura lieu de le regretter. En dépit du mouton qu'il emporte quelquefois, nous avons intérêt aie défendre, car nous ne savons pas dans quelle limite il est bon ou mauvais, nous ne savons pas quelle est sa place dans le jeu de la nature. Je passe, depuis longtemps, tout mon temps disponible dans les Cévennes. Dans cette région, il y a quelques années, nous étions infestés de vipères. Or, mes deux jeunes enfants ne rencontrent plus jamais aujourd'hui de ces reptiles. Il n'en est pas moins certain pour- tant que nous sommes impuissants à empêcher la reproduction de ces animaux. Savez-vous à quoi nous attribuons la disparition des vipères? A la multiphcité des sangliers. Les sanghers sont d'actifs chasseurs de vipères. Voilà donc deux animaux considérés tous les deux comme nuisibles qui établissent, l'un au regard de l'autre, un équihbre que nous ne sommes pas maîtres de modifier. M. Sainte-Claire Deville pousse plus loin la même constatation et déclare qu'il y a une quantité d'insectes qui ont leur place dans la nature et qui demandent à être protégés. Les êtres vivants demandent — 833 — 27 CONGRES FORESTIER cette protection les uns contre les autres, si nous voulons connaître l'ordre de la nature. L'idée maîtresse que nous défendons en Suisse et en France avec M. Mathey, c'est celle de la conservation des espèces dans leurs rapports relatifs. Notre but est de faire cess.er le travail de destruction méthodique qui résulte de la recherche d'un gain immédiat, afin de permettre à tous les êtres de retrouver l«ur équilibre, et de nous éclairer sur une quantité de points fondamentaux, comme la question de l'altération des climats au sujet de laquelle nous avons tous des convictions (faites, mais sans avoir aucune preuve scienti- fique. Les climats s'altèrent. Ils ont été altérés, nous en sommes certains, par les excès du déboisement en montagne, mais nous n'avons pas la preuve absolument scientifique de la chose. Le jour où à Val Cluoza ou au Pelvoux, on aura pu constater le retour naturel de la forêt vers les sommets, nous avons tout lieu de croire que la preuve se fera évidente de ce qui est la conviction de tous les hommes qui se préoc- cupent de l'avenir de notre planète, à savoir que l'homme, dans sa gestion de la terre, doit, avant tout, respecter les lois de la nature. Voilà pourquoi nous demandons qu'il y ait quelque part des réserves intangibles à tous, intangbhes à l'amateur de chasse, comme au culti- vateur, comme au braconnier et que, dans ces réserves, la vie se déve- loppe dans le but de fournir à la science des données positives sur le jeu fibre de la nature. Ce que l'Amérique a fait dans le Yellowstone, nous demandons qu'on le fasse chez nous. C'est un fait accompli au Pelvoux. Nous le demandons également pour une quantité de choses d'importance topographique ou géographique beaucoup moindre, pour de très petits coins, exactement comme les archéologues déclarent intangibles un dolmen, un menhir, ou un rocher sur lequel les pré- histoires ont gravé quelques animaux qui n'existent plus dans nos pays. De même qu'on l'a fait pour un bloc erratique, perdu très loin de son lieu d'origine, nous demandons qu'on le fasse pour un coin de forêt où vivent quelques insectes, comme le cirque de Gavarnie par exemple. Voilà ce que M. Mathey aurait voulu vous dire en concluant. Il vous l'aurait fait avec plus d'éloquence que moi, mais il ne l'aurait pas dit avec plus de conviction. Voulez-vous me permettre encore de vous demander que nous nous engagions moralement ici, à être tous des membres fondateurs de la Société des Parcs nationaux de France. Nous donnerons ainsi l'exemple d'un groupe s'intéressant à la fois à l'esthétique de notre pays et à ces choses plus profondes auxquelles se ramènent toutes les discus- sions, c'est-à-dire la recherche des grandes lois de la nature. Il s'agit ici d'une œuvre mondiale qui est l'honneur de rimmanité puisqu'elle lui apporte l'espoir. Ne faut-il pas d'ailleurs que l'humanité ne sache pas faire que détruire et qu'elle sache montrer également qu'elle sait protéger ce que la nature a créé. — 834 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — Je ne saurais dire combien nous sommes touchés de la manière si éloquente et si convaincue dont M. Flahault vient de nous exposer et ses idées et le rapport de M. Mathey sur la fondation des parcs nationaux. Avec son érudition profonde, il a envisagé aussi bien le rôle du parc national au point de vue de la pro- tection des espèces qu'au point de vue de l'action que celles-ci peuvent avoir sur la conservation de notre terre et l'évolution de l'humanité. Nous voyons ainsi que le parc national est une des choses les plus essentielles et que, par conséquent, l'objet de notre déhbération d'aujourd'hui a une portée considérable. Je remercie M. Flahault de la communication qu'il vient de nous faire et qui s'ajoute à toutes celles que vous avez entendues depuis le commencement de nos déhbérations. Nous avons trouvé en lui un collaborateur remarquable et, puisque dès demain il va reprendre la route du midi, permettez-moi, au nom de la section, de le remercier de tout ce qu'il a fait pour elle. M. Flahault vous a signalé la demande faite par M. Mathey de constituer la Société des parcs nationcdix de France. Au Comité exécutif, nous avons envisagé cette idée de la manière la plus favorable. Nous sommes disposés à la pousser le plus possible pour lui donner son maximum de développement. Notre président, M. Defert, lors de la conférence de M. Thays que je suis heureux de saluer parmi nous, a l'intention de faire une communication relative à la création de cette société et de demander une participation au Congrès. Il me serait particulièrement heureux, lorsque cette annonce sera faite, de pouvoir dire que notre section est déjà inscrite. Aussi, je vous demande à l'issue de notre séance, de vouloir bien vous inscrire sur une liste que je remettrai à notre Président. Je vais continuer la discussion du rapport de M. Mathey. A mon avis, il est regrettable que M. Mathey n'ait pas cru devoir conclure son rapport par un vœu nettement formulé. Les questions que nous agitons sont tellement importantes qu'il est nécessaire d'émettre un vœu. M. Mathey s'est contenté de demander la consti- tution d'une Société en France. Or, ce n'est pas là notre but unique; nous poursuivons quelque chose de beaucoup plus général. Aussi, après la discussion, je vous proposerai le vote d'un vœu. J'ai reçu une proposition en ce sens de M. le comte Clary ; j'en ai formulé une moi-même, car j'avais senti la nécessité d'arriver à une formule con- crète. Nous assemblerons ces diverses rédactions de manière à en faire un tout. M. Maige. — Le mieux n'est-il pas de conclure, ainsi que l'a fait M. Ma- they, par une réalité, au lieu d'un vœu? M. LE Président. — M. Mathey ne conclut qu'au point de vue français, au point de vue de l'œuvre à accomplir sur notre territoire. Olr^, dans un Congrès international, nous devons émettre un désir qui puisse — 833 — CONGRES FORESTIER s'étendre à tous les paj'S. Nous ne devons donc préconiser que des idées susceptibles d'être mises en pratique partout. M. le comte Clary. — Dans l'exposé très lumineux de M. Flahault, il y a un programme très vaste de ce qu'on pourrait appeler la gestion de la nature par l'homme. Pour le point précis qui nous intéresse aujourd'hui, je vois deux choses absolument distinctes. L'une concerne le programme des réserves artistiques et touristiques, l'autre les réserves naturelles. Il y a là deux choses entièrement distinctes. M. LE Président. — A ce point de vue, je vous demande la permission de vous éclairer sur les travaux de notre section. Nous avons déjà émis un vœu sur les réserves artistiques. Nous estimons que ce n'est pas la même chose que la question du parc national. » M. le comte Clary. — M. Flahault disait qu'il fallait classer des portions de notre territoire, si minuscules fussent-elles. 11 y a là quelque chose de différent de l'idée d'un parc national. Aux Etats-Unis, il y a une quinzaine de parcs nationaux qui comprennent 3 ou 4 millions d'hec- tares réservés. Les parcs du Yellowstone et de l'Arizona sont, non seu- lement des réserves au point de vue des animaux, mais encore des centres touristiques, puisque les gens peuvent y aller passer 8 ou 15 jours pour y faire, soit une cure, soit un séjour d'agrément, soit une étude scientifique. En France, nous nous trouvons actuellement vis-à-vis d'un parc qui répond à ce double but. C'est indiqué dans le rapport de M. Mathey. Ne dit-il pas en effet, qu'il faut créer une réserve, un centre d'attraction artistique, touristique et scientifique. Par con- séquent, le parc national de Saint-Christophe qui va être organisé, répond à ce double progi'amme. Ce n'est pas exactement le parc natio- nal tel que nous le concevions, tel qu'il a été constitué en Suisse, en Suède ou en Argentine. .le crois malgré tout que c'est un commence- ment et, dans le vœu que nous allons adopter, nous pourrions peut-être indiquer que le Congrès désire voir se constituer des parcs nationaux un peu différents de celui en organisation actuellement. Celui-ci ne serait qu'un premier jalon. M. Flahault. — La distinction ne me parait pas aussi nécessaire que cela. 11 n'y a actuellement aucune distinction entre le parc national considéré au point de vue de la protection de la vie et au point de vue de l'art. Lorsque les Suisses ont, pour la première fois, retenu un bloc •M'ratique, ils l'ont fait au point de vue scientifique et également au point de vue ai'tisti(iiu'. Ce Idoc qui est aux environs de Bâle, sup- portait deux ou trois plantes glaciaires qu'on continue à voir sur ce rocher. Mais ce rocher vaut à ];i fois au point (!(.' vue artistique comme au point de vue scientifique. Je ne vois pas qu'il y ait lieu de distinguer. Le parc du Val Cluoza prend toute sa valeur esthétique de la vie qu'il protège. — 836 — INTERNATIONAL 1913 MM. le comte Clary et Flahault insistent sur la nécessité de limiter la circulation dans les paros nationaux et de n'en permettre l'accès qu'aux amateurs scientifiques. M. Van de Poll. — Je voudrais vous dire ce que nous avons fait en Hollande. Il est bien certain qu'on Tie pourrait pas tolérer l'invasion du public faisant du bruit. Nous avons un grand marais qui est très intéressant au point de vue de la conservation de certciins oiseaux rares, comme les spatules. 11 y a une grande Société qui a été fondée. Les personnes, membres de cette Société, ont le droit de visiter le marais. Ma^s à T époque où les spatules font leur nid, on ne donne qu'un nombre très restreint de permissions et l'on n'accorde pas le droit d'aller voir les oiseaux si Ton n'est pas muni d'une carte signée du secrétaire. Le règlement est très sévère. M. Sainte-Claire Deville. — Je voudrais vçus signaler ime autre solution qui serait de s'en remettre aux établissements scientifiques pour la gestion de ces réserves. A Fontainebleau, il y a une station de biologie végétale qui est ouverte toute l'année et où des savants peuvent venir s'installer. Des établissements de cette nature pourraient, là où ils existent, être employés à la surveillance des réserves. Il y aura d'ailleurs autant de modes de gestion que de cas particuliers. M. LE Président. — Ce serait parfait si ces Sociétés voulaient bien prêter leur concours pour la garde. Mais il nous faut choisir un mode d'appli- cation. M. Thays. — Je désirerais faire connaître ce qui se fait en Argentine. Le gouvernement argentin a projeté, il y a dix ans, la formation de' deux parcs, l'un dans le nord et l'autre dans le sud. Le premier est taillé dans une forêt complètement vierge de cent mille hectares. Il sera lui-même limité à 25.000 hectares. Jusqu'ici les difficultés d'expropriation (Jiit empêché la réalisation de ce parc, mais elles vont s'aplanir. Au sud, il y a un lac immense entouré de montagnes qui appartien- nent presque toutes à l'Etat. Il y a dix ans, lors de l'établissement de la ligne frontière entre le Chili et l'Argentine, le gouvernement donna 10.000 hectares à M. Moreno qui avait été expert dans l'aiïaire. M. Moreno a immédiatement offert au gouvernement ces 10.000 hectares qui servent de noyau à la foi'mation du |)arc national. M. I'aiuié. — M. Sainte-Claire Deville demaïuhiil i|ih' les parties de forêts ]'éservées fussent confiées au contrôle d'un service scientifique. Mais je crois rpie les ('tablissemciits scientifiques peuvent avoir toute conlianct' dans l'Administration des forêts pour assurer ce rôle. Ceci est tellernttit \ i ai, qu'actuelhunent les Beaux-Arts demandent la remise — 837 — CONGRES FORESTIER à r Administration de certaines parties de forêts détachées dans un but artistique. M. DE Clermont. — Il serait nécessaire de rattacher toutes les séries artistiques à l'Administration des forêts. M. Flahault. — M. Sainte-Claire Deville est parfaitement d'accord avec nous sur ce point lorsque je dis que les servitem's des services scienti- fiques ne sont pas des agents assermentés. Ils ont des services inté- rieurs qui leur interdisent toute chose extérieure. Dans tous les cas, la situation des gardes forestiers est telle qu'ils peuvent remplir ces fonctions. M. Sajnte-Claire Déville. — Je m'associe à l'observation qui vient d'être présentée. M. LE Président. — Si on veut faire des zones protégées, il faut les faire surveiller. M. vaî^ de Poll. — Le mouvement pour la préservation des parcs natio- naux en Hollande est assez récent. L'Etat n'a encore fait que très peu de chose à cet égard. Il s'est formé une grande Société pour cet objet. Elle a dressé un catalogue de tous les monuments intéressants à cet égard, puis elle a pris en main leur aménagement. Elle a essayé, pour parvenir à son but, d'acquérir tous ces monuments : c'est le point primordial, car lorsqu'on est.-propriétaire, on est maître, et l'on peut faire tout ce que l'on veut. M. LE Président. — C'est un très bel exemple au point de vue du désin- téressement. M. van de Poll. — Le Touring-Club des Pays-Bas a pris sa part dans cette charge, et cela d'une façon importante. C'est un exemple que le Touring-Club de France suivra sans doute. M. le Président. — Le Touring-Club de France n'a jamais hésité en pareille matière. -M. VAN de Poll. — J'ai apporté quelques photographies du mai'ais d'Oisterwijk très intéressant au point de vue omithologique. Il pro- duit en outre beaucoup de roseaux ; or ces roseaux servent à la cou- verture destoits. Cela lui permet de rapporter quelque argent. M. le Président. — Nous vous remercions de votre communication qui est fort intéressante. M. le comte Clary. — Dans le rapport de M. Mathey, <»n ne parle pas de la protection nécessaire des parcs nationaux. — 838 — INTERNATIONAL 1913 M. LE Président. — J'ai eu la même idée que vous et le vœu que vous pr({sentez correspond à celui que j'ai rédigé de mon côté. , M. Julien Morel. — En tant que Suisse, je voudrais intervenir dans le débat très brièvement, et vous faire part de notre expérience. Lorsque la Société pour la protection de la nature s'est créée, on a applaudi surtout ce qui concernait l'organisation d'un parc national. Elle a loué des territoires assez considérables. Tout allait pour le mieux ; l'argent affluait ; les cantons, puis la Confédération s'y sont intéressés et la Confédération désire maintenant prendre la chose en main. Malheureusement la Société pour la protection de la nature a cru devoir intervenir dans une multitude de questions secondaires. Elle s'est opposée à la construction d'un chemin de fer à tel endroit sous prétexte que cette construction était un acte de vandalisme ; ailleurs, elle a empêché la construction d'un hôtel. Aussi maintenant on entend dire un peu partout que la Société est excellente lorsqu'elle s'occupe du parc national, mais qu'il est regrettable qu'elle intervienne continuellement pour parler de la protection de la nature. Il faudrait donc distinguer soigneusement les deux choses : d'une part, le parc national exclusivement, d'autre part tout le reste ! Il ne faut pas énerver, ou agacer les populations. M. le Président. — C'est l'esprit du rapport de M. Mathey. Sa conclu- sion est de constituer une Société des parcs nationaux de France. Nous avons des associations de tourisme, des sociétés d'amis des arbres, des comités locaux qui s'occupent de la protection générale des richesses touristiques et artistiques. La société dont il est question dans le rapport de M. Mathey est une société uniquement fondée pour la création d'un parc national : son but en est donc strictement limité. M. Julien Morel. — C'est ainsi qu'il faut faire, car il ne faut pas se laisser déborder. M. de Glermont. — A côté des parcs nationaux, qui sont de grandes réserves, il y aurait heu de constituer des réserves spéciales. Cela serait intéressant au point de vue zoologique pour le développement de certaines espèces d'animaux en voie de disparition. Par exemple, il y a en France deux endroits où l'on peut constater la présence, malheureusement rare, du bouquetin. Il serait intéressant de pouvoir assurer à cet animal son développement et le défendre contre les braconniers. On pourrait peut-être ne pas aller dans ce cas jusqu'à la création d'un parc national, mais on pourrait créer une réserve sem- blable à celle qui existe en Amérique pour la conservation du pélican. M. le comte Clary connaît certain»?ment cette réserve, qui ne comprend que deux hectares. Elle a permis de sauver le pélican en voie de disparition. Il y a également d'autres points stratégiques pour les oiseaux migrateurs : ils occupent une très petite surface, sur laquelle — 839 — COXGKES FOKESTltR ces oiseaux viennent se poser. Ces points peuvent être réservés sans de lourds sacrifices. M. LE Président. — Vous demandez, de même qu'on a créé des séries artistiques, qu'on préconise l'établissement de séries scientifiques qui permettraient de conserver le développement de certains insectes et oiseaux. La question ne rentre pas absolument dans celle du parc national. C'est là une question d'espèce qui se rattar-he à celle de la réserve artistique. M. Maige. — Je crois que ce sera le rôle des parcs nationaux d'interdire la chasse aux bouquetins et aux autres animaux rares. M. le Président. — Dans la définition du parc, nous avons parlé de la flore, et de la faune. Mais M. de Clermont demande qu'on réserve certains endroits pour la protection de certains oiseaux rares ou migrateurs. Il ne s'agit plus là d'un parc national. Ce dont il s'agit en ce moment, c'est la mise en liberté de la nature à tous les points de vue. M. de Clermont. — Nous devons nous occuper également de la faune, M. le Président. — Votre observation sera mentionnée au procès- verbal et nous en tiendrons compte. M. le comte Clary. — H y a deux choses à distinguer, le programme des réserves artistiques et celui des parcs nationaux. Quand on veut protéger un site ou un paysage, on classe ce site ou ce paysage comme un monument historique auquel on ne peut plus toucher que sous certaines conditions. Au point de vue du parc national, la condition sera la même. On créé une sorte de musée de la vie. Mais le jour où ce musée de la nature sera organisé, il faudra mettre sur pied une législation spéciale qui sera protectrice d'une façon absolue. Il est nécessaire en effet que ces musées soient la propriété de l'Etat et soient protégés par lui. Il y aura lieu d'examiner s'il ne faudra pas ajouter des articles au Code forestier et établir des sanctions particulières. Je suis persuadé en effet qu'il faut toutiî une législation spéciale pour assurer la vie à ces parcs nationaux. M. de Clermont parlait de réserves pour le bouquetin. La première chose à faire serait d'instituer en parc national certaines forêts ; il serait nécessaire de classer plusieurs massifs de montagnes. On veut acclimater le bouquetin dans l'Oisans. Cet animal vient de la grande réserve du roi d'Italie : il traverse la frontière et entre en France. S'il existait un massif spécial où il soit cantonné, on pourrait demander à l'Etat de vouloir bien l'ériger en réserve. S'il n'est pas possible de le faire dans l'état actuel des choses, on pourrait peut-être y arriver au moyen d'une législation spéfiale. C'est ainsi qu'on pourrait édictcr l'interdiction de tirer le bouquetin en France. — 840 — I N T E p. N A TI 0 N A I. 1 î ) 1 .'^ M. Pardé. — En attendant qu'une législation nouvelle soit édictée pour la protection des parcs nationaux, on pourrait sans doute obtenir une certaine protection en les faisant classer comme monuments. M. LE pKÉsiuEiNT. — Le classemcut est uiu; chose particulièrement difficile en ce sens qu'il est nécessaire d'avoir le consentement du propriétaire. C'est pour cela que nous voulons aller plus loin et créer des parcs nationaux. M. DE Clekmont. — Je vais vous citer à titre de curiosité une loi qui va très certainement un peu loin. C'est l'art icltî 75 du Code civil de Berne ; il est ainsi conçu : « Il autoiuse le conseil exécutif'a prendre par voie d'ordonnance LES mesures nécessaires, A ÉDICTER DES PEINES POUR LA PROTECTION DES MONUMENTS NATURELS, DES PLANTES RARES, POUR PROTÉGER CONTRE TOUTE ALTÉRATION DES SITES, l'aSPECT DES LOCALITÉS ET LES POINTS DE VUE ; SI LE CONTEIL EXÉCUTIF DÉCLARE NE PAS VOULOIR FAIRE USAGE DE CETTE AUTORISATION, LA COMMUNE POURRA EXERCER LE DROIT QUI EN EST l'oBJET ; l'État et les communes peuvent procéder par voie d'expropriation ET PAR l'établissement DE SERVITUDES PUBLIQUES AUX ENDROITS OU SE trouvent CES MONUMENTS NATURELS, SITES, ASPECTS ET POINTS DE VUE ; IL LEUR EST LOISIBLE DE DÉLÉGUER CE DROIT A DES ASSOCIATIONS ET FONDA- TIONS d'uTILJTÉ PUBLIQUE. » C'est l'article qui va le plus loin parmi tous ceux que je connais. M. le Pré si de NT. — Vous vous contentez de le signaler? M. DE Clermont. — Parfaitement. Un Congressiste. — Il y aurait lieu de distinguer entre le parc national et les zones de protection. Le parc national suppose une propriété acquise qui sera ensuite réservée et gardée, ce qui entraînera des dépenses considérables. Trouvera-t-on facilement des fonds? L'État nous donnera-t-il des sommes suffisantes? 11 faudra de nombreuses années pour parvenir à la réalisation ('omplète d'une telle entreprise. En attendant, ne pourrait-on pas instituer, pour la protection de telle ou telle chose, plante ou animal, des zones de protection? Cela per- mettrait de mettre à l'abri la flore et la faune, et ce serait un achemine- ment vers la réahsation des parcs nationaux. M. le Président. — Il y a là une question des plus intéressantes dans cette idée de la zone de protection en vue de préparer l'œuvre du parc national. 11 faut effectuer d'une manière pratique la protec- tion. Il faut don(; qu'un règlement soit fait pour établir cette zone de protection. Toute la charge consiste dans la garde et la défense de la zone. Or, dans l'étabhssement d'un parc national, la plupart du temps les terrains sont abandonnés à des prix extrêmement bas par les communes. .Je crains donc que si nous commençons par établir le régime des zones, cela ne retarde un |)(ju Ttîlfort émirgiqno — 8'il — CONGRES FORESTIER fait en vue de rétablissement du parc national. Vous redoutez un laps de temps trop long. C'est possible ! Mais remarquez cependant que M. Mathey est parvenu à obtenir un résultat très rapidement dans le massif de TOisans. De plus, lorsque l'on aura établi des zones de protection englobant des terrains privés, il y aura superposition du garde forestier chargé de la surveillance de la zone et du garde particulier : ne craignez-vous pas qu'il puisse s'élever des difficultés entre ces deux gardes? Je ne dis pas que votre idée ne soit pas bonne, mais je dis que l'application en sera peut-être difficile. M. DE Clermont désirerait voir appliquer le bénéfice du classement comme curiosités naturelles aux animaux en voie de disparition. M. LE Président. — Nous pouvons demander que chaque pays protège les espèces rares et intéressantes dans la mesure où il le jugerait néces- saire. Nous ne pouvons pas aller plus loin. Il nous faut maintenir notre programme dans ses limites. Revenons donc au parc national qui, dans son enceinte, protégera la flore et la faune. Je vais vous donner lecture du projet de vœu qui m'a été remis par M. le comte Clary au nom de la principauté de Monaco : « Considérant que les parcs nationaux constituent d'immenses réserves destinées à empêcher la disparition de la faune indigène, à protéger les espèces sédentaires, permettre les tentatives d'accli- matation d'espèces nouvelles et à favoriser le repeuplement en leur permettant de vivre et de se reproduire en toute sécurité ; « Considérant que les parcs nationaux constituent en même temps d'admirables réserves forestières ; Le Congrès émet le voeu : « Qiie^ dans les pays où il n'en existe pas encore, les gouvernements érigent en parcs nationaux certaines forêts domaniales, que particulière- ment dans les régions de montagnes certains massifs soient classés comme grandes réserves nationales et que, dans ces sanctuaires de la nature, une légistation spéciale suffisamment sévère y assure la protec- tion de la faune indigène. » Je vais vous donner maintenant lecture du projet que j'ai rédigé de mon côté : « Le Congrès estime qu'il y a lieu de constituer des réserves de grande étendue dans lesquelles la nature rendue à elle-même et mise à l'abri de toute intervention humaine puisse laisser évoluer librement sa flore et sa faune, préconise dans ce but la création ou V installation dans chaque pays de parcs nationaux, déclare qu'une stricte surveil- lance et de très sévères sanctions devront être prévues pous leur défense et protection, que leur emplacement devra être choisi de préférence dans les parties les plus pittoresques du territoires. » — 842 — INTERNATIONAL 1913 Voilà les deux projets qui vous sont soumis. Nous allons pouvoir prendre dans chacun ce qui vous paraîtra le mieux convenir. M. le comte Clary. — Je me rallierai entièrement au voeu de M. le prési- dent qui est le même que le mien, sauf pour le dem-ier paragraphe où j'aurais préféré ne pas parler de réserve pittoresque. J'aurais préféré laisser cela à la série artistique et touristique. Je demande en outre que ce soient de graades forêts domaniales qui soient érigées en parcs nationaux ainsi que certains massifs de montagnes, parce que ce sont les deux choses qui ont le plus besoin d'être protégées. M. Flahault. — Je suis d'accord pour cette question du pittoresque avec M. le comte Clary. Il peut se faire en effet qu'on soit amené dans tel ou tel pays à considérer comme parc national une steppe plate : il pourra en être ainsi en Russie au point de vue de la faune. Or, une steppe plate n'a rien de pittoresque. Je crois donc que cette notion peut être éliminée ici. Bien qu'elle soit presque toujom^s incluse dans l'idée même de parc national, elle doit pouvoir en être séparée. M. LE Président. — La notion du pittoresque entrait dans le programme du Touring organisateur de ce Congrès. C'est pourquoi j'avais pensé qu'il était intéressant de la noter. Il est utile que les parcs nationaux soient des endroits spécialement choisis pour leur beauté et pour l'impression qu'ils peuvent produire sur l'esprit des visiteurs. J'ai d'ailleurs mis dans ma rédaction ces mots : « Devront être choisis de préférence... « Certes, si au point de vue de la conservation de la flore ou de la faune, il est utile qu'on organise en parc national une steppe, qui n'est pas pittoresque, on n'hésitera pas à le faire. Mais si l'on peut allier à la fois les mesures de protection et la beauté, il me semble qu'on devrait le faire. Telle est la raison pour laquelle j'ai indiqué que l'endroit devrait être choisi de préférence dans un site pittoresque. J'avais d'ailleurs mis en tête une sorte de définition du parc national. ii Estime qu'il y a lieu de constituer des réserves de grande étendue où la nature rendue à elle-même, mise à Vabri de toute intervention humaine, puisse laisser évoluer librement sa. flore et sa faune. » Je" crois que c'est bien l'idée qui a été développée par M. Flahault. . M. Flahault. — Il me semble que le vœu exprimé sous cette forme est parfaitement clair et répond à tous les desiderata qui ont été dis- cutés ce matin. Je pense donc que M. le Président pourrait le mettre aux voix. M. le comte Clary. — Je vous demande d'insérer dans ce vœu le mot de forêt, parce que j'aurais été heureux que certaines forêts qui ne sont pas actuellement louées pour la chasse, soient immédiatement trans- formées en parcs nationaux. Ces forêts ont un revenu insignifiant. Il en est ainsi de la forêt de l'Aigoual. — 843 — CONGRES FORESTIE M. Flahat i,T. — J'ai loué cette forêt et je l'habite ! M. LE Président. — La constitution d'un parc national nécessite l'acqui- sition des terrains. Je sais bien que lorsqu'il s'agit d'une forêt de l'Etat, celui-ci en est déjà le propriétaire, mais le parc national prévoit la liberté de la nature et par conséquence, l'absence de toute exploitation. Lorsque nous demanderons à l'Etat de diminuer son revenu forestier, il nous fera grise mine ! M. le comte Clary. — Le ministre avait fait cette réserve à propos du classement. M. LE Préside. NT. — Nous sommes d'accord sur les réserves artistiques. AL le comte Clary. — D'un côté, il y a l'esthétique et de l'autre, le Trésoi'. M. LE Président. — Le jour où nous viendrons devant l'Etat, j'ai peur que nous ne trouvions le Trésor en première ligne ! Nous allons nous heurter à des difficultés de réalisation et sortir de ridée du parc national. Ce que nous voulons faire surtout, ce sont de grandes réserves. La forêt rentre dans le domaine artistique. Or il faut laisser à notre vœu le caractère très étendu de protection gène raie. Je crains qu'en parlant de forêt, nous n "arrivions à restreindre ce que nous cherchons. Al. Sainte-Claire Deville. — Je suis absolument d'accord avec vous sur la question de la forêt domaniale. On n'admettra pas facilement la transformation d'une forêt domaniale en parc national. En dehors de la réserve artistique, la réserve scientifique a une impor- tance considérable qui pourrait peut-être faire l'objet d'un vœu annexe. H y aurait lieu de se réserver la possibilité de demander à l'Administra- tioii un sacrifice moins considérable, à savoir la mise on réserve d'une petite parcelle pour un but spécialement défini, soit entomologique, soit biologique. M. DE Clermont. — On pourrait mettre les mots : " la série a/iis//(/iie et scientifique ». M. FLA.HAULT. — 11 y a lieu de distinguer les deux choses. Nous revien- drons d'ailleurs dans un instant sur la question des réserves artistiques et scientifi.ques. Nous pouvons d'abord voter sur le vœu de M. le Pji'- sident. M. LE Président. — Je vous donne une nouvelle lecture du premier paragraphe : « Le Congrès estime qu'il y a lieu de constituer des réserves de grande étendue dans lesquelles la nature rendue à elle-même et mise INTERNATIONAL 1913 à l'abri de toute intervention humaine puisse laisser évoluer librement sa flore et sa jaune ». Je le mets aux voix. Le premier paragraphe est adopté. M. LE Président. — Voici le second paragraphe : « ... préconise, dans ce but, la création ou l'installation dans chaque pays de parcs nationaux ». Je mets aux voix ce second paragraphe. Le second paragraphe est adopté. M. LE Président. — Voici maintenant la rédaction do M. le comte Clary : « ... Dans ces sanctuaires de la nature, une législation spéciale suffisamment sévère y assure la protection de la faune indigène... » Nous y ajouterons la flore. Voici ensuite ma propre rédaction : « ... Une stricte surveillance et de très sévères sanctions devront être prévues pour leur défense et protection ». 'Ces deux rédactions disent donc la même chose. M. DE Clermont. — Est-ce qu'on ne pourrait pas introduire le mot de réglementation ? Un Congressiste. — Vous avez raison. M. de Clermont. — Nous pourrions mettre l'expression de « législation et réglementation ». Le Congressiste. — Ne faites pas intervenir le pouvoir législatif. M. LE Président. — Le mot de réglementation comprend tout. De plus la législation peut être indispensable en France et ne pas l'être à l'étran- ger. Le terme de réglementation s'applique donc à tout. Un autre Congressiste. — On peut aussi bien procéder par un décret que par une loi. M. VAN DE PoLL. — En Hollande, on a voté une loi pour la protection des oiseaux. M. le comte Clary. — J'estime qu'en France, s'il n'y a pas de loi spé- ciale pour les parcs nationaux, il est utile d'en créer. La loi de 1844 est totalement insuffisante pour assuser en effet leur protection. C'est pour cela que j'avais mis dans mon vœu les mots « législation suffisam- ment sévère ». — 845 — CONGRES FORESTIER M. LE Président. — Dans la rédaction du vœu, cette ciuestion ne peut pas intervenir parce que nous devons nous placer uniquement au point de vue international. Chaque pays fera intervenir le pouvoir légis- latif s'il le juge nécessaire. Votre idée est sans doute très bonne, mais c'est à notre Commission de réalisatioii des vœux qu'il appartiendra de l'examiner. Votre observation sera d'ailleurs notée au procès- verbal et nous en tiendrons compte à la Commission; nous agirons auprès des pouvoirs publics en ce sens. Chacun agira de son côté auprès de l'autorité compétente pour établir la réglementation qui lui semblera indispensable. Le mot de réglementation suffît donc, quitte à examiner ensuite dans quelles conditions cette réglemen- tation aura lieu. Mais il nous faudrait ajouter un qualificatif à ce mot de réglementation. M. Berr de Turtque. — On pourrait mettre réglementation appropriée. M. LE Président. — On aurait donc le texte suivant : « ... Une réglementation appropriée et de très sévères sanctions devront être prévues pour leur défense et leur protection ». Je le mets aux voix. Le texte est adopté. M. LE Président. — Il reste le quatrième paragraphe qui concerne la question de la situation pittoresque. Je vous ai montré qu'il pouvait être intéressant d'allier l'intérêt artistique et l'intérêt de la protec- tion. Je vous propose le texte suivant : « Déclare que les emplacements devront être choisis de préférence dans les parties les plus pittoresques du territoire ». Je le mets aux voix. Le paragraphe est adopté. M. Flahault. — Je prends la liberté de ramener la discussion sur un point de détail, c'est-à-dire sur la notion des réserves scientifiques introduites par M. Sainte-Claire Deville qui va avoir la bonté de nous dire quelques mots à cet égard. M. Sainte-Claire Deville. — Le vœu annexe qui va vous être soumis était destiné à servir de conclusion à un rapport qui n'a pas été imprimé en temps utile et dont la lecture est inutile, car tout ce qu'il contenait de bon a été exposé par M. Flahault. Je dois dire cependant quelques mots pour montrer dans quelles conditions j'ai été amené à le proposer. Le texte même du vœu a été rédigé par un inspecteur des forêts, M. Paul de PeyerimholY, président de la « Société d'histoire naturelle de l'Afrique du Nord «..Il a été adressé — 846 — INTERNATIONAL 1913 au Gouverneur de l'Algérie il y a 15 mois pour être applicable par décret dans nos colonies. L'intérêt de ce vœu est exclusivement scientifique. Nous savons très bien que nous ne pouvons pas créer partout des parcs nationaux pour conserver nombre d'espèces qui sont en train de reculer devant la civilisation, et qui auront bientôt complètement disparu. Il est donc urgent de prendre des mesures tout au moins modestes, à savoir la création de petites réserves qui arriveraient au but désiré. M. LE Président. — Vous venez d'entendre la proposition de notre collègue. Nous allons pouvoir la joindre à celle que l'un de nous a faite tout à l'heure dans le même sens. On vous demandait d'établir des zones de protection, comme mesure transitoire ; la proposition de M. Sainte-Claire Deville est, elle, permanente. Voici le texte que je vous propose : « Que chaque gouvernement poursuive V établissement de réserves scientifiques destinées à protéger ou à conserver certaines espèces et qu'en attendant la création des parcs nationaux, il procède à l'éta- blissement de zones de protection de la faune et de la flore », Le vœu est adopté. M. LE Président. — Personne ne demande plus la parole. M. le comte Clary. — Je regrette que vous n'aj^ez pas cru devoir indiquer que l'affectation d'un domaine forestier aux parcs nationaux eut été souhaitable. Au point de vue forestier, il eut été naturel qu'un domaine national servit de parc national. Vous allez alors créer un parc là où il n'y a rien. Mais alors comment conserver les animaux? Comment protéger la faune ? Vous n'aurez pas de parc comparable à ceux de la Suisse, de l'Autriche, des Etats-Unis ou de l'Argentine. Dans ces pays, on a pris des massifs forestiers déjà existants, ce qui a permis d'obtenir immédiatement de beaux parcs nationaux. Il serait très facile de faire classer eom;naie parcs certaines forêts. On dépense bien assez d'argent par ailleurs pour pouvoir renoncer à un revenu nette- ment déterminé tous les ans. S'il n'en est pas ainsi, votre vœu restera platonique et ce ne sera que dans bien des années qu'on pourra consti- tuer de véritables parcs nationaux. En Angleterre on a choisi comme parc un endroit où se trouvent des arbres déjà séculaires. C'est pour cela que dans mon vœu j'avais demandé qu'on classât certaines forêts domaniales. Je crois qu'on pourrait l'obtenir. Le jour où vous aurez acheté le grand massif de l'Oisans, combien vous faudra-t-il de mil- lions pour reboiser? Or, si l'Etat accepte cette donation, il sera bien obligé d'y cons'acrer l'argent nécessaire à l'entretien. Ce qu'il donnera d'un côté, il aurait pu facilement le mettre de l'autre. Il eut été plus simple dans ces conditions d'employer et d'utiliser ce qui existait déjà, à savoir une forêt. 847 CONGRES FORESTIER M. LE Président. — A otre observation est extrêmement intéressante. Mais je me permets de vous faire remarquer que, dans le vœu qui vient d'être adopté, rien n'empêche l'Etat de constituer une forêt en parc national si tel est son bon plaisir. Nous avons demandé que des parcs de grande étendue fussent constitués où la flore et la faune fussent |:^'otégées : cela ne met aucune barrière à votre désir. M. le comte Clary. — 11 eut été du rôle du Congrès d'émettre ce vœu. M. le Président. — Il vaut mieux à mon avis adopter des conclusions extrêmement générales qui permettent toutes les applications sans spécifier de solutions particulières. De la sorte, nous pouvons réaliser le programme du Congrès dans les limites les plus larges. Nous avons toute liberté pour agir en vue de l'affectation de la forêt de Fontaine- bleau ou d'une autre en }iarc national. M. Julien Morel. — On a raison de ne pas parler de forêts domaniales, car il y a des états qui n'en possèdent pas. M. LE Président. — Comme le fait remarquer notre collègue suisse, il y a des États qui n'ont pas de forêts : notre vœu doit être rédigé en vue de son application internationale. Messieurs, nous voici arrivés à la fin des travaux de notre section. Permettez-moi, au iKmi du Touring-Club de France, de vous remer- cier de la collaboration si active et si constante que vous lui avez apportée dans l'accomplissement de son couvre. J'adresserai tous nos remerciements aux délégués étrangers qui, avec leur connaissance si parfaite de la langue française, ont bien voulu nous donner des renseignements très intéressants sur ce qui se passe dans leurs différents pays. M. le Président informe les Congressistes que M. Thays, directeur des Promenades publiques et du Jardin Botanique de Buenos-Aires, délégué au Congrès par la Société forestière argentine, fera dans l'après-midi une conférence sur les Pi'ojets de Parcs Nationaux et les Forêts Naturelles de la République Argentine. 11 les invite à y venir nombreux. La séance est levée à 11 h. 25. 84S INTERNATIONAL 1913 LES FORKTS NATURELLES DE LA RÉPUIUJIJUE ARGEOTLNE PROJETS DE PARCS NATIONAUX Sous ce titre, M. Charles Thays, directeur des Promenades publiques et du Jardin botanique de Buenos-Aires, vice-président de la Société Forestière Argentine, a fait aux membres du Congrès une conférence extrêmement intéressante, accompagnée de deux cents clichés caracté- ristiques de l'importance et de la beauté des forêts argentines. M. Henry Defert a remercié en ces termes le conférencier : Mesdames, Messieurs,'^ Je ne veux pas lever la séance sans remercier M. Charles Thays de la très intéressante et très agréable conférence qu'il vient de nous faire. Il a fait passer sous nos yeux une série de tableaux aussi artistiques qu'instructifs, dont nous autres. Français, pourrons tirer le plus grand profit. Le Gouvernement argentin nous montre la voie que nous devons suivre pour la création en France de Parcs nationaux et nous pourrons utilement nous inspirer des exemples que nous donne la République amie. Si notre flore et notre faune ne nous permettent pas de rivaliser avec elle, nous pourrons du moins l'imiter de loin et constituer, à notre tour, ces réserves territoriales, ces grands parcs de la Nature, aussi intéres- sants pour les savants qu'attrayants pour les touristes. Au nom du Touring-(>]ub, j'exprime à notre compatriote notre sin- cère reconnaissance pour la très suggestive leçon de choses qu'il a bien voulu nous donner. ;49 — SÉANCE DE CLOTURE DU VENDREDI 20 JUIN 1913 Présidence de M. DABAT, Directeiir général des Eaxix et Forêts La séance est ouverte à 2 h. 35. M. LE Président. — La parole est à M. Ballif, Président du Tourino- Glub. M. Ballif. — Messieurs, appelé par un devoir auquel je ne saurais me soustraire et qui m'oblige à partir' dans quelques instants, je me vois contraint de vous adresser dès l'ouverture de cette séance -quelques paroles qui, peut-être, auraient trouvé mieux leur place à la fm. Je vous prie de m'en excuser. En qualité de président du Touring-Club de France, organisateur de ce Congrès, j'ai l'agréable mission de vous remercier du précieux service que vous venez de rendre à la cause forestière, de vous féli- citer en même temps de l'empressement avec lequel vous avez suivi les travaux de ce Congrès, de l'ardeur même — le mot n'est pas trop fort — avec laquelle vous avez pris part aux discussions. De l'avis unanim_e, peu de congrès ont été aussi laborieux, aussi vivants que celui-ci. Cet empressement, cette ardeur sont significatifs; ils montrent combien cette manifestation répondait à un besoin, combien elle est arrivée à son heure, quels heureux résultats on est autorisé à en attendre. Dois-je dire « attendre », et n'avons-nous pas déjà des résultats? — 851 — CONGRES FORESTIER Dans la séance inaugurale. M. le Ministre ne nous en a-t-il pas apporté déjà, et des plus précieux? Au nom du Congrès, j'adresse à M. le Ministre l'expression de notre profonde gratitude pour les paroles qu'il nous a dites, les encoura- gements qu'il nous a donnés, les promesses qu'il nous a faites, les résultats qu'il nous a apportés ; la forêt compte en lui un défenseur et un ami. (Applaudissements.) Au nom du Toimug-Clul) en particulier, je le remercie égalemeni de la haute distinction qu'il a bien voulu annoncer en faveiu* de nos collaborateurs : le président de ce Congrès, M. Henry. Defert, et le secrétaire général, M. Chaplain. Tous deux ont été l'âme et le bras de cette manifestation ; c'est à Iqur zèle et à leur dévouement inlassables qu'est dû son succès. {A pplaudissemenU. ) Je prie M. Dabat. notre éminent collaborateur, de vouloir bien présenter à M. le Ministre l'expression de ces remerciements, et je lui demande en votre nom, Messieurs, de vouloir bien en prendre pour lui-même une bonne part. {Applaudissements.) M. LE Président. — C'est une mission très agréable que vous me don- nez, mon cher Président, et je ne manquerai pas de m'en acquitter auprès du Ministre; je lui ferai part de vos éloges et de vos remer- ciements. Je vous remercie dès maintenant des félicitations que vous avez bien voulu m' adresser, à moi et à toute mon administration qui a tenu à donner son concours le plus complet à cette belle manifesta- tion du Congrès Forestier organisé par le Touring-Club de Fiance. {Applaudissements.) Je vais maintenant donner la parole à chacun des présidents de section, pour qu'ils présentent les vœux de leurs sections. La parole est à M. Gyprien Girerd, président de la première section. M. Gyprien Girerd donne lecture des vœux de la première 'section : Vœux principaux : r « Que les éléments de Venseignement forestier, spécialisé selon les besoins de la région on il est donné, soient inscrits dans les programmes des écoles primaires. « Qu'une entente s'établisse entre le Ministère de V Agriculture et celui de V Instruction publique, afin que les inspecteurs d'Académie et les agents de V Administration des Eaux et Forêts soient invités à aider, de toutes manièfes, la constitution de sociétés scolaires fores- tières, à en favoriser le plus possible le développement, à en assurer le bon fonctionnement et la pérennité, et propagent la Fête de V Arbre. — 852 — N TERNATIONAL/ 1913 « Que^ dans les concours nationaux ou généraux, le Ministre de IWgricultur^e fasse à la sylviculture une place correspondant à son importance : K Par Vattrihution de primes d'honneur aux meilleurs aménage- ments, à ceux qui auront le mieux tenu compte du climat, du sol, des essences, des besoins locaux: « Par la distribution de subventions, de récompenses, de prix aux meilleurs procédés d'exploitation des bois, à V utilisation de leurs pro- duits et sous-produits et à V introduction cCessences nouvelles, de même qu'aux plantations dans les landes et autres terres incultes; « Par V organisation de concours destinés à stimuler toutes les initia- tives entre savants, industriels et producteurs pour la recherche de nouveaux produits et la construction des appareils propres à les extraire : « Par r attribution de récompenses au personnel à gages qui se sera signcdé par les travaux forestiers ci-dessus et aura coopéré avec zèle à des trcivaux de reboisement ou d'améliorations pastorcdes. '( Que V introduction d'essences exotiques dans les plantations et les reboisements forestiers soit encouragée : « Par des subventions en nature et en argent : « Par des récompenses et des primes distribuées dans les concours régionaux. « Que les résineux soient introduits, dans la plus large mesure, dans les taillis médiocres pjour élever leur rendement, et que l'intro- duction en soit favorisée sur tous les points où les feuillus ne sont pas susceptibles de fournir en quantité importante du bois d' œuvre de bonne qualité. « Que les propriétaires soient engagés par tous les moyens, soit à prolonger Vâge d'exploitation, soit à entreprendre immédiatement la conversion de leurs taillis ou taillis sous-futaie en futaie pleine, par bouquets, assurés de compenser ainsi les sacrifices momentanés résultant de l'opération par une augmentation de revenus certaine et durable dans l'avenir. « Qu'à cet effet les gouvernements intéressés organisent des con- férences faites par les forestiers de l'Etat dans les régions forestières importantes, d'où les propriétaires particuliers puissent tirer toutes les explications nécessaires et intéressantes à l'opération prt) posée. « Qu'il soit établi des primes à la replantation et, plus tard, aux châtaigneraies donnant les produits les meilleurs. « Qu'il soit établi des primes à la replantation des noyers. « Que la station des recherches de Xcmcy concentre les résultats obtenus pratiquement, soit à l'étranger, soit par F Administration, fores- — 853 — CONGRES FORESTIER tière, soit par les sociétés d' agriculture régionales et locales, et les publie dans les bulletins dont elle dispose. « Qu'il soit créé au Ministère des Colonies un bureau spécial chargé : « Du contrôle supérieur du domaine forestier colonial ; « De V élaboration d'un programme (factioti uniforme pour toutes les colonies, en ce qui concerne V aménagement progressif des forêts dans chaque colonie et la constitution de réserves forestières. « Que, dans le plus bref délai possible, soit déterminé dans quelle mesure le service forestier et le service de la météorologie agricole, doivent collaborer en vue de V intérêt général. Vœux secondaires : « Que le diplôme d'ingénieur forestier soit décerné aux élèves de V Ecole nationale des Eaux et Forêts de Nancy qui en seront jugés dignes. « Que la mention « sylviculture ù soit portée sur les diplômes d'ingénieur agronome et d'ingénieur agricole., délivrés aux élèves de V Institut national agronomique et des écoles nationales d' agriculture qui se seront particulièrement distingués dans cette branche. « Que des notions les plus indispensables de sylviculture et d'amé- nagements sylvo- pastoraux soient données dans les écoles pratiques d'agriculture et dans les fermes-écoles. « Que l'enseignement théorique et pratique de la sylviculture soit donné dans les écoles normcdes d' instituteurs par un agent des Eaux et Forêts ou par tout ingénieur agronome ou agricole ayant sur son diplôme la mention « sylviculture ». « Que la mention « sylviculture » soit portée sur le certificat de fin d'études normales des maîtres qui en seront jugés dignes. « Qu'en général, l'enseignement à tous les degrés comprenne l'étude sommaire et méthodique des notions les plus indispensables d'économie forestière et sylvo-pastorale. « Que les agents de V Administration des Eaux et Forêts, les profes- seurs d'agriculture, les ingénieurs agronomes ou agricoles pourvus du diplôme avec mention « sylviculture », les membres des syndicats forestiers et des sociétés sylvicoles soient délégués, suivant un pro- gramme fixé annuellement, pour faire des conférences forestières et syho-pastorales de vulgarisation dans les écoles et partout où cette propagande pourrait être utile. « Que les Associations touristiques, les Automobile-Clubs, les Syn- dicats d'Initiative, les Sociétés d' Agriculture encouragent l'enseigne- ment forestier et sylvo -pastoral et concourent à l'organisation de fêtes de V Arbre. 854 INTER^IATIONAL 191v « Que r attention des botanistes et forestiers soit attirée sur V étude des végétaux ligneux de la flore française en particulier, au point de vue de leur répartition géographique et de leurs relations avec les con- ditions de milieu. \ « Que les faits observés dans chaque région, quelle que soit leur importance, soient publiés sous forme de notes ou de mémoires ; qu'il soit dressé, le plus possible, des cartes régionales indiquant la répartition des essences ou de préférence la répartition des associations qu'elles caractérisent^ en s' inspirant des principes posés par M. Flahault. « Que des études d'ensemble soient organisées par la station de recherches de l'Ecole nationale des Eaux et Forêts avec le concours de tous les agents des Eaux et Forêts. « Que les parcs forestiers dans lesquels auront été faites des plan- tations de végétaux exotiques, pouvant servir d'étude â l'emploi de ces essences dans les grands reboisements forestiers, soient exonérés pendant 10 ou 20 ans de tout impôt foncier, à la condition qu'ils soient ouverts aux professeurs d'agriculture, aux agents forestiers ou aux autres personnes officiellement accréditées, en vue d'études dendrologiques, botaniques et forestières. « Que l'Etat entre dans la voie des essais de culture des essences exotiques.] « Qu'on favorise, par tous les moyens, l'élaboration d'études ayant pour but de faire connaître aux propriétaires, en citant des exemples judicieusement choisis, les espèces les mieux appropriées aux facteurs de la production et aux conditions économiques locales. « Que dans les coupes de taillis, soumises au régime forestier, les résineux soient réservés, en principe; que. seuls, soient exploités les sujets surannés, dépérissants ou surabondants, martelés en déli- vrance par les agents forestiers. « Que les propriétaires soient invités à profiter des avantages et lois existantes ou projetées pour soumettre leurs forêts à la gestion des services publics, en vue de réaliser plus sûrement et plus rapide- ment r amélioration de leurs forêts dans le sens indiqué. « Qu'en raison de l'intérêt général de la conservation et de l'amélio- ration des forêts, des primes, comme pour d'autres cultures, à titre d'encouragement et de compensation de la perte de revenus momentanée subie par les propriétaires intéressés, soient instituées par l'Etat en faveur des forêts améliorées, soit par l'allongement indispensable de leurs révolutions successives, soit par leur conversion directe en futaie pleine par bouquets. « Que V Administration centrale des Eaux et Forêts fasse immédia- tement l'application, à titre d'essai, dans les forêts dotnaniales traitées en taillis sous futaie, de la méthode préconisée et à l'étude par l'Ecole de Nancy, sous le nom de futaie pleine par bouquets.. Ces essais seraient tentés dans les forêts propices et dans diverses régions : les résultats du traitement seraient produits au prochain Congrès. — 855 — CONGRES FORESTIER « Qu'il soit constitué des taillis et des futaies d'acacias coinine mode économique de boisement, particulièrement sur les terrains pro- pices à basses idtitudes. « Que les terrains imj>roductifs, dont le sol, la région et le climat sont propres au châtaignier^ soient retnis en valeur par la reconstitu- tion de nouvelles châtaigneraies. «■ Q((e les châtaigneraies soient exploitées sans enlèvement de feuilles qui constituent la couverture morte; qu'elles soient entretenues par un jardinage judicieux et par des repeuplements en sujets greffés et soi- gneusement sélectionnés. (c Qu'il soit créé des pépiniè,rcs destinées à fournir des porte-greffes ou des plants greffés dont la délivrance pourrait se faire ou gratuite- ment ou à prix d'argent. « Que la loi dégrevant de tout impôt foncier pendant trente ans les ■terrains remis en nature de bois soit étendue ijennant une redevance très faible, des plants de m>yers greffés et soigneusement sélectionnés à tous ceux qui veulent effectuer des replantations soient créées sous la direction des professeurs d'agriculture. « Que M. le Ministre de la Guerre fasse procéder, dès à présent, à des expériences en vive de trouver an succédané du noyer pour la fabrication des crosses de fusils. « Que les bulletins officiels et de renseignements agricoles des diverses nations sollicitent des expériences de ta part des sylviculteurs ; qu'ils recueillent et publient les observations communiquées et les résultats obtenus, afin que la presse génér(de ci spéciale puisse s'en inspirer pour la vulgarisation des procédés employés. « Que le burctui spécial du Ministère des Colonies soit chargé éga- lement de centraliser les qui-stiotis générales d'intérêt forestier conceriiant toutes les colonies. « Que le recruie/nent des agents forestiers à destination des pays de protectorat et des colonies ait lieu, partiellement au moins, dans le cadre des agents de la métropole, et soit réglementé par décrets pris d'accord entre les ministères intéressés {Agriculture, Affaires étrangères, Colo- nies). (( Qae les Administrations forestières de France et de V étranger soient invitées à provoquer tous les renseignements des sylviculteurs mondicuix sur la croissance des arbres forestiers ; que les bulletins — 856 — liNTEUNATIONAL 19 lo oijiciels et de renseignemerds agrieoles des diverses iKtlions suienl invités à les centraliser et à les publier, afin d^éelairer définitivement Vopinion puhligiie égarée par les écrits d'auteurs qui, au lieu de prendre pour hase des données scientifiques ou expérimentales, se sont laissés guider par des tendances personnelles ou par une imagination trop facile. «. Que ces mêmes renseignements soient communiqués à la presse, afin qu'elle puisse s'en servir pour la vulgarisation de cette question, au plus grand profit de renseignement public. « Que la météorologie forestière prenne un nouvel essor et s'attache notamment à déterminer les conditions climatériques et la zone nisés d'' urgence dans un sens favorable à la produetion et au commerce des bois français et lies c(donies françaises. V(Et'X SECONDAIRES I « Qu'il soit accordé des dégrèvements temporaires pour les bois ruinés par des incendies, des invasions d'insectes ou des maladies cryptogamiques, dont la reconstitution par semis ou plantations aura été reconnue iiulispensable au maintien de Vétat boisé. « Que des procédés rationnels et équitables., basés sur les principes et les méthodes admis d'une façon générale en matière de sylviculture et d' aménagement, soient culoptés pour V assurance des forets et des plantations contre V incendie. (( Qu'en ce qui concerne spécialement les forêts françaises, ces principes et ces méthodes, ainsi que des modèles cC assurance et de règle- ment de sinistre, soient transmis aux compagnies d'assurances ou aux unions de ces compagnies par les syndicats de propriétaires forestiers ou par les fédérations de ces syndicats en vue d'établir une entente sur de telles bases, sans préjudice, partout où les circonstances le per- mettront, du développement des assurances mutuelles bénéficiant de tous les avantages que l'État accorde ou accordera aux mutualités. « Que des cantons ou parcelles bien choisis des forêts de l'Etat, dans le voisinage des grandes villes, en des points pittoresques et faci- lement accessibles, soient distraits du cadre des aménagements ordi- naires, traités spécialement au point de vue de Vornement et disposés pour r agrément des promeneurs et des touristes, partout où les circons- tances économiques ne s'y opposeront pas. « Que la taxe de main-morte sur les bois et forêts acquis par les éta- blissements publics ou d'utilité publique ne soit pas supérieure à celle frappant les biens des communes et des établissements publics de bien- faisance ou d'assistance. « Que les terrains reboisés ou. tioavellement boisés par se/nis ou plantations soient exonérés de tout impôt : « Pétulant trente ans pour ceux situés sur les sotnmets et les versants des montagnes, sur les dunes, dans les laiules et les terrains maré- cageux .■ « Pendant vingt ((ns pour tous les mitres terrains. « Le Congrès, rendant justice aux efforts faits par les syndiccdistes de tous les pays, les engage à continuer de développer leur action, syn- dicale, « Préconise la formation de coopénd^ives de propriétés, complètes. à circonscription restreinte et unies jxir des fédérations, « Sou/taite que les associations agricoles aident de leur expérience et de leur pouvoir à la formation de coopératives forestières et de cuisses de crédit forestier, — 860 — INTERNATIONAL 1913 Et émet le vœu : « Que les législations des (liljéreiits pays soient adaptées à lajor- niation de syndicats et de coopératives forestières et que les États favorisent ces associations par des subventions, par des exemptions d'impôts graduées par Vaide de leurs agents forestiers^ et par V orga- nisation du crédit forestier. « Que le Sénat mette le plus tût possible en discussion le projet de loi Fernand David portant modification de la Loi du 5 avril 1882. « Qu'à regard des massifs d'une valeur trop grande pour être achetés à Vaide du crédit ci-dessus mentionné, les Ministres de V Agri- culture et des Finances soient autorisés à conclure des contrats d'acqui- sition sous la condition suspensive de la ratification parlementaire, et qu'en cas d'insuffisance des disponibilités budgétaires le paiement en soit assuré par un emprunt amortissable, ou par une avance de fonds de la Caisse des dépôts et consignations. « Subsidiairement, qu'au cas où des raisons financières ne per- mettraient pas un de ces deux modes de réalisation des achats de grands massifs, les Ministères de l'Agriculture et des Finances aient le droit de saisir des projets la Caisse des dépôts et consignations chargée de la gestion de la Caisse nationale de retraites en vue de l'qpplication de l'article 15 § 4 de la loi du 5 avril 1910. « Que les droits de mutation à titre onéreux soient réduits en cas d'acquisition de forêts par des communes ou établissements publics et même, s'il est possible, par les associations reconnues d'utilité publi- que : caisses d'épargne, caisses de retraites et sociétés de secours mutuels approuvées, ainsi que par les sociétés constituées en vue du reboisement et de l' acquisition des forHs.\ « Que les décrets autorisant les communes ou établissements publics à accepter des legs de propriétés forestières n'imposent l'obligation de vendre ces immeubles qu'en cas de volonté formelle du testateur.] « Que M. le Ministre de l'Intérieur invite les préfets à favoriser les opérations qui consisteraient pour les communes et établissements publics à transformer dans des conditions avantageuses en placements forestiers leurs valeurs nud)ilières et leurs domaines agricoles. « Que le paragraphe 4 de l'article 15 de la loi du 5 avril 1910 soit modifié par l'élévation à 1/100 de la portion de l'avoir que les caisses de retraites pourront employer en achats de bois et de terrains à boiser. « Que dans tous les pays, et spécialement en France, i' amélioration des stations de recherches forestières fasse l'objet de la sollicitude particulière de l'Administration forestière. '( Que l'Office forestier international (huit la rréolion a été prévue par un vœu précédent intervienne pour publier les statistiques résumées faisant connaître dans chaque pays l'étendue des forêts exploitables, leurs richesses, leur rapacité de production et d'une faç)u générale — 861 — CONGRES FORESTIER les ressources qu^ elles sont susceptibles de fournir au commerce du monde entier. Tous ces vœux sont adoptés sans observations. « Que lors de la prochaine révision des tarifs douaniers, il ne soit apporté aucune modification aux droits actuellement en vigueur sur les bois. M. LE Président. — Permettez-moi de vous arrêter. Sur ce vœu nous avons été saisis d'une lettre de M. de Nicolay, président du Syndicat des propriétaires forestiers de la Sarthe, demandant que ce vœu ne soit pas adopté. M. DE Nicolay. — Parfaitement. M. LE Président. — En Assemblée générale, nous ne pouvons pas dis- cuter une question au fond, nous devons accepter ou rejeter le vœu proposé. Si vous le rejetez, il sera repris par la Commission permanente et pourra être représenté à un prochain Congrès, mais il faut qu'un vœu, pour être présenté en Assemblée générale, ait été discuté dans une section. Vous avez donc à vous prononcer en l'acceptant ou le rejetant. Le vœu est repoussé. 1\I. LE Président. — Le vœu étant rejeté, la question sera renvoyée à l'étude du prochain Congrès. M. Vivier (continuant la lecture des vœux) : « Que la proposition de loi déposée par M. Pasqual, député du yord, tendant à augmenter les droits de douane sur les bois contrepla- qués, soit adoptée le plus tôt possible. « QuHl soit établi un droit sur Ventrée du bois de quabracho en France. « Que les propriétaires forestiers et les négociants appartenant au commerce des bois et produits accessoires soient largement repré- sentés, savoir : â) Au Comité consultatif des Arts et Manufactures. b) A la Commission permanente des Valeurs en douane. a Que ' les propriétaires forestiers et les négociants appartenant au commerce des bois et produits accessoires soient représentés largement â la section permanente du Comité consultatif des chemins de fer. M. le \y Vidal. — Je ne sais si je me trompe, mais je n'ai pas entendu parler d'un vœu sur les voies de communication et chemins forestiers dans la région des Maures, adopté par la deuxième section. — 862 — INTERNATIONAL 1913 M. Vivier. — Pai'ce que la section et le Congrès ont pensé que c'était un appel à l'attention de l'Administration, mais que ce n'était pas à proprement parler un vœu. M. LE D"" Vidal. — Je demande que dans votre rapport, qui est si bien fait, vous vouliez bien attirer l'attention de l'Administration sui" cette question. M. Vivier. — Ce sera le rôle de la Commission permanente du Congrès. La Commission attirera l'attention des Pouvoirs publics sur ce point. Celle de l'Administration des forêts a déjà été appelée, puisqu'il y a au Sénat une proposition de loi sur la question que vous indiquez. Vous aurez donc toute satisfaction. M. VoELGKEL. — II n'y a qu'à l'inscrire comme vœu. {Approbation géné- rale.) M. LE Président. — Si tel est l'avis de l'Assemblée générale?... Personne ne fait d'objection ? Eh bien, le vœu que vient d'indiquer M. Vidal, et qui avait été accepté par la section, sera considéré comme adopté. Il est ainsi conçu : « Le Congrès, considérant que dans la région des Maures les voies de communication sont notoirement iji suffi santés. Émet le vœu : « QuHl soit mis, à bref délai, un terme à cette situation dont on ne trouve pas un autre exemple sur tout le territoire français. M. LE D"^ Vidal. — Je vous remercie, au nom de ces malheureux pro- priétaires qui voient brûler leurs héritages depuis 300 à 400 ans et ne- peuvent pas exploiter leurs bois. (Ap.plaudissements.) M. LE Président. — La parole est à M. Poupinel, président de la troi- sième section. M. Poupinel (lisant) : Vœux principaux « Que l'État incite les particuliers et les communes à constituer des massifs de futaies partout où la qualité du sol le permet ; pour ce faire, non seulement ces massifs seraient, comme les plantations et les semis, exonérés d'impôts pendant trente ans, mais encore des primes pourraient leur être attribuées. « Que la Ville de Paris abaisse sensiblement les droits d'octroi qu'elle perçoit actuellement sur le charbon de bois, et qu'elle mette ces droits en harmonie avec ceux auxc/uels sont taxés les autres combus- tibles. (Bravo !) — 8t)3 — CONGRES FORESTIER i< Que l'Etat fasse faire à la station forestière spéciale de Xancy . et dans tous les établissements scientiftqiies dont il dispose des recherches scientifiques sur la meilleure utilisation chimique et mécanique des taillis et des menus bois. « Qu^il accorde de larges subventions à toutes les initiatives pri- vées : syndicats, sociétés et savants qui se livreront à des travaux sérieux sur cette question. « Qu^il fonde un prix d'une importante valeur ptnir récompenser les savants ou les inventeurs qui auront trouvé une ou plusieurs solu- tions économiquement pratiques de cet important problème de Vutili- sation chimique et mécanique des taillis et des menus bois. (Applau- dissements.) « Que VEtat, les départements et les communes plantent indistinc- tement toutes les routes de France en essences appropriées à la n(dure du sol, à r exclusion des arbres fruitiers. ((■ Que les exploitations forestières soient supprimées de la nomeu- clature portée à Varticle 14 de la loi du 21 mai 1836 et à Varticle 11 de la loi du 20 août 1880, des industries susceptibles de fournir des subventions pour les chemins vicinaux, de grande communication et les chemins ruraux. (Très bien!) « Que toutes les administrations publiques achetant des produits en cuir et peau, inscrivent dans leur caJ/ier des charges une clause à Veffet de n'accepter que des cuirs et peaux tannés à Vécorce de chêne pur, à Vexclusion de tout autre ingrédient tannifère, et prennent des dispositions strictes et sévères pour surveiller directement V application de cette clause. (Applaudissements.) <( Que les Pouvoirs publics, pour réprimer toute fraude et pour protéger le public consommateur, instituent une marque légale qui sera apposée sur tous les cuirs et peaux tannés à Vécorce de cJiéne pur. (Applaudissements.) « Que certains canaux soient améliorés, notammoit que les travaux commencés depuis de nombreuses années sur le canal du Nivernais, qui dessert une région essentiellement forestière, soient poussés acti- vement, de façon à permettre le passage des bateaux de 38 mètres, ce qui diminuerait not.iddrment les frais de transj)ort. \ ŒIX SECONDAIRES '( Que les Compagnies de chemins de fer consentent Vapplication de tarifs de faveur très bas pour le transport des écorces à tan et prennent toutes dispositions en vue d'assurer le transport dans les meilleures conditions. M. (i.\HRrGOi'-LAGn.VN(;E. — Jo l'appelle siinphMiieiil riimendeiaeni, (}ue j'ai |tr(ipos(''. Je fais des ['(''serves. — ^ÇVi — INTERNATIONAL 1913 M. PorpiNE[. (lisant) : « (Jur Vùnpôt foncier (/ne les forêts particulières ont à acquitter soit Jiniiniié par ia réforme de la Lui du 3 frimaire an VII, ou par Vapplication du nouveau régime de la propriété non bâtie. « Que, dans le domaine du gros outillage, il soit établi une machine à abattre le taillis, d'une utilisation réellement pratique. « Que les transformations du petit outillage de manutention et d^abatage se produisent en s'inspirant des progrès déjà réalisés, autant en France (pi'à Vétranger, et en tenant compte des améliorations obtenues par le perfectionnement du matériel servant aux grandes exploitations. (( Que remploi des transports automobiles soit favorisé de toutes manières, notamment par ramélioration des chemins forestiers au point de vue de leur solidité. <( Que VÊtat soit invité à faire le plus de réserves possibles, de façon à produire, dans un avenir encore lointain, plus de futaies et moins de taillis. « Qu'on encourage les particuliers à faire les mêmes réserves, en les indemnisant de leurs sacrifices, au moyen de la suppression totale ou partielle des impôts qui grèvent la propriété forestière. (Applaudisse- ments.) « Que lEtat, sans s\)ccupcr des nécessités budgétaires, augtnente la durée de ses aménagements et encourage les particuliers et les com- munes à suivre son exemple. « Que la législation facilite raccession à la propriété forestière de propriétaires dits c impérissables » f/ui, seuls, ont intérêt à VaméiHi- gement de coupes de h>ngue durée. '( Que de très sérieux encouragements soient accordés aux chercheurs pour les amener à trouver rutilisation industrielle du petit bois. « Que r industrie boulangère soit incitée à utiliser le bois pour la cuisson du pain. « Que le Service des ports, si économique pour le commerce des bois, soit maintenu dans son intégralité, et étendu, autant que faire se pourra, aux gares situées dans les limites des cantonnements des gardes- port s. « Que, d'une nuinière générale, les nutrchands de bois exploitants fassent fendre toutes les bûches de charme dont la grosseur atteint ou dépasse 1 1 centimètres de diamètre. « Que les propriétaires forestiers soient invités à augmenter la durée des aménagements des coupes, de façon à les porter, chaque fois que la qualité du sol le permettra, à 35 ou 40 ans. (( Que les bois destinés à la carbonisation aient au nu>ins 0 m. 025 de diamètre au petit bout. 8H5 — CONGRES FORESTIER « Que les distillateurs de bois en vase clos soient invités à n"" utiliser que la charbormette exclusivement. « Que le décret portant règlement d'administration publique destiné à définir V essence de térébenthine, en vertu de V article 11 de la Loi du 1?'' août 1905, prévoie uniquement sous ce nom le produit exclusif de la distillation des sucs oléo-résineux tirés par le gemmage d'arbres résineux, à Vexclusion de la distillation même aqueuse des bois qui les contiennent. « Que le nombre des prélèvements faits par le Service des fraudes sur Vessence de térébenthine soit augmenté dans de larges propor- tions. « Que de très réels encouragements soient accordés aux chercheurs, soit par voie de concours, soit par tout autre moyen, pour les amener à trouver des procédés scientifiques permettant remploi industriel du charbon de bois. « Que des tarifs spéciaux soient accordés au transport du charbon de bois destiné à F exportation. (( Que les bois de mines destinés à Vexportation fouissent d'un régime de faveur particulièrement pour les transports à longue dis- taiice.\ « Que les Compagnies de chemin de fer soient invitées à ne faire aucune distinction, pour le coût et le transport des bois de mines entre ceux ayant moins de 5 m. 40 qui voyagent à la série E et ceux de plus de 5 m. 40 riui voyagent à la Q^ série. « Que VËtat français améliore la qualité et diminue le prix de ses allumettes; que pour arriver utilement et pratiquement à ce but, il accepte la concurrence privée, sous réserve de Vexercice. (Applau- dissements. ) « Que les terrains incultes les plus susceptibles de reboisement soient plantés, avec exonération d'impôt pour les propriétaires, au delà même des trente ans prévus par la loi. « Que des produits antiseptiques ayant fait leurs preuves soient utilisés à l'effet d'augmenter le coefficient de résistance et de durée des bois soumis à leur traitement. « Qu'une impulsion vigoureuse et pratique à tous égards soit donnée à l'importation de nos essences coloniales qui peuvent, en matière de poteaux télégraphiques comme en bien d'autres, parer au déficit menaçant de la production nationale. « Que les recherches sur les procédés artificiels de conservation des bois et les découvertes dans cet ordre d'idées soient dotées de primes. « Que l'État, partout où il le peut, pour tous les édifices publics et pour certaines constructions privées, exige l'emploi de bois ignifugés. '< Que toutes les régions qui le permettent soient reboisées. — sm — INTERNATIONAL 1913 « Que V importation des bois à œuvrer qui nous joiit défaut, ou dont la rareté nous entraine à des coupes prématurées, soit dans une cer- taine mesure facilitée, notamment en taxant les transports des bois exotiques communs de nos colonies, non comme bois précieux, comme cela a lieu actuellement, mais au même prix que les bois français de même valeur et de même emploi. « Que la connaissance de toutes les essences utilisables de nos immenses réservés coloniales soit vulgarisée par tous les moyens, tant pour la mise en valeur de ces réserves que pour conjurer Vappau- vrissement des forêts de France. « Que les formalités douanières soient simplifiées en prenant pour base le poids indiqué sur le connaissement, avec tolérance de 10 % en plus ou en moins. « Que pour la fabrication de la pâte, on fasse emploi en plus grande quantité, non seulement de chiffons, mais encore de Valfa, des fibres de chanvre, de maïs, de lin, de jute, de phormium, de bambou, puis de toutes les essetices tendres de nos colonies de V Afrique occidentale française et du Congo. « Que nos dmies du Nord, moins propices à la croissance des pins, soient plantées de graminées à racines étendues, comme U orgeat ; celles de Normandie et de Bretagne, de pins, etc. « Que nos montagnes soient plantées de hêtres et de mélèzes et autres arbres. « Que, sur les lignes de transport, les tarifs soient proportionnés à la valeur de la matière première. « Que V emploi du peuplier soit généralisé et quil soit procédé à des replantations incessantes de cette essence et plus particulièrement le long des rivières et canaux. « Que Von ait recours aux bois de densité légère qui se trouvent dans nos colonies. « Que les droits de douane soient élevés d'une manière raisonnable et opportune sur les bois étrangers contre-plaqués. « Que plus de précautions soient prises pour préserver les arbres en bordure de nos routes, lavoirs et cours d'eau, des clous et déprédations quelconques ayant le caractère, non pas de nmlveillance au sens propre du mot, mais d'impardonnable ignorance. « Que les stands ou cfiamps de tir soient suffisamment éloignés des parties boisées pour éviter que des balles perdues ne viennent- compromettre V existence de nos plus beaux arbres. « Que des appareils de protection véritablement pratiques soient créés pour la conduite, sans danger, des machines-outils. « Que, conformément à la jurisprudence, les aspirateurs de pous- — 8b7 — CONGRES FORESTIER sières ne soienl plus imposés dans les ateliers de seiage mécaNique du bois. '<■ Que les jabricants de futailles français se préoccupent, dès mairi' tenant, de prendre des merrains dans les forêts françaises^ et de former des ouvriers capables et habiles à fendre les merrains de grosses et petites dimerisions, suivant les exigences des consofnmateurs ; ils créeront ainsi un débouché précieux pour un produit essentiellement national et, en même temps, ils s' assureront une partie de leurs matières premières sans avoir besoin de la chercher au loin, avec toutes les difficultés d'un transport de plus en plus onéreux. « Que les grandes villes, et en particulier la ville de Paris, réduisent les droits d'octroi sur le charbon de bois au taux des droits sur les combustibles minéraux. » (c Que le Parlement étudie Vélévation des droits de douane en vue de protéger la production française de méthylène. « Que le Parlement prenne les mesures propres à étehdre la con- sommation de V alcool industriel que le méthylène sert à dénaturer. » (Applaudissements.) Tous ces vœux sont adoptés. M. LE Président. — Le président de la ^^ section, M. Pluchet, n'ayant pu venir, je demande à M. Cardot de nous donner lecture des vœux. M. Caroot (lisant). VœUX PRINCU'AIX « Que dans les différents pays une législation pastorale soit édictée et que des mesures administratives et financières soient prises ou complétées, en vue d'assurer aux pâturages communaux ou exploités collectivement le bienfait dhin aménagement rationnel et les travaux nécessaires pour arrêter la dégradation de ces terrains, les remettre en valeur, les entretenir en bon état de production et ainsi rendre aux régions montagneuses les éléments de ricJiesse, de beauté, de prospérité enfin, qui tendent, de plus en plus, à leur faire définit et à en pro- voquer la dépopulation. « Que des mesures législatives soient prises en vue de réglementer V exercice des droits de pâturage en Algérie. "■ Qu' il n'y a pas lieu de renoncer aux travaux de correction de tor- rents, mais qu'en, raison de leur prix élevé, il convient de n'y recourir qu'après une étude sérieuse basée sur des considérations purement techniques et, afin d'éviter, dans la mesure du possible, leur emploi toujours onéreux, qu'il importe de favoriser la création et le dévelop- pement de massifs forestiers dans les bassins de réception, dans la limite où la lutte contre le ruissellement et le décapage des versants le rendront nécessaires. — 868 — 1M Kl'.N \ TKiNAL 1913 « Que les avalanches soient nssimilées aux torrents et que leur cor- rection puisse être égalenienl. déclarée (Cntilité publique et dans les mêmes formes. « QuHl soit dressé, dans les divers états, une'stutistique très complète <'t très sérieuse des tourbières de différentes natures qui y existent. « Qu^il soit créé, dans les tourbières des diverses catégories, en plaine et en montagne, des champs cr expériences où seront étudiés très métho- diquement les procédés d'assainissement, les modes de boisement, les époques les plus favorables pour les plantations, les différentes essences indigènes et exotiques, l'action des divers engrais, les soins à donner aux plants; « Et que les résultats, bons ou mauvais, de toutes ces expériences soient portés à la connaissance du. public. « Que, dans tous les pays où le besoin s'en fait sentir, une législation relative à la fixation des dunes et aux travaux de défense contre la mer soit mise à Vétude et promulguée dans le plus bref délai possible. « Que les forêts des dunes soient classées comme forets de pro- tection. « Qu'il soit procédé, en France comme à l'étranger, à des observa- tions diverses et méthodiques, ayant pour but de déterminer l'influence de la forêt sur le régi/ne et le débit des cours d'eau. « Qu'en France, la loi dont le profet a été présenté par M. Fernand David, et qui a pour objet la modification de la Loi du 4 avril 1882 sur la restauration et la conservation des terrains en montagne, soit votée dès que possible. (1) « Que les travaux de régularisation des cours d'eau soient l'objet, par bassins hydrographiques, d'études d'ensemble, concertées entre les divers services appelés à en assurer l'exécution. « Qu'il soit institué des primes au reboisement. « Que les terrains commumnix boisés ou susceptibles de boisement ou d' améliorations pastorales ne soient ni partagés ni aliénés. » M. DE BelIxNAY. — Je demande la parole. f.a question des coinnmnaux n'a pas été Irailée avee PanipliMir qu'elle comporte. Nous avons 250.000 hectares de bruyères au Plateau central qui ne peuvent produire (|ue par- le reboisement. L'Administration nous pousse à reboiser; ;i notre syndicat, nous avons commence, grâce au partage des communaux, à pousser au reboisement : si vous arrêtez le partage, vous arrêtez le reboisement. Je sais que la question n'est pas la môme dans toute la France, mais (1) (Jetl^'loi a nti' votf'R (Ippiiis et prnniultîiu'c à la dali' ilii 1*') août 191.3. — 809 — CONGRES FORESTIER pourquoi ne pas ajouter à ce vœu que le partage sera autorisé quand les intérêts du département le demanderont? M. LE Présideîst. — Nous ne pouvons pas moditier le vœu, mais vos observations seront consignées au procès-verbal. M. Cardot. — Ce vœu a été voté à l'unanimité par la section, moins une voix, celle de M. de Belinay. Vœux secondaires « Que les forestiers reboiseiirs soient encouragés à faire connaître les moyens pratiques qui ont le mieux réussi dans les divers travaux de correction et de réinstallation de la végétation. ar rÉtai. « Qu aucun moyen ne soit épargné, Wabord pour conserver les forêts existantes, ensuite pour en accroître Vétendue et le nombre, soit par les soins de CEtat, soit par des encouragements aux initiatives privées. K Que cliaque Etal poursuive et encourage l'établissement de plan- taliiuis en bordure des routes et veille, pour des raisons d'ordre estlié- tique et utilitaire, à en réglementer sévèrement la plantation et Vexploi- tation et à en assurer d'une façon efficace la protection. « Que, pour chaque plantation, T administration compétente soit consultée sur le choix des es.s'ences, choix qui est surloul du domaitie de la géographie botanique. a Que chaque exploitfdion soit suivie, inissitol oursuive et étende rétablissement de réserves scientifiques destinées à protéger certaines espèces menacées de disparaître cl. (/ii'cji attendant la créidion de parcs nationaux, il établisse des zones de jirotection de la faune cl de la flore. « Que le Tonring-Club s'occupe de créer des ligues locales des ". Amis des Arbres » ou « de la l'orét » dans laulrs les villes ou Inra- lités important^'s. « Que les Commissions (léparlc/nc/il(des des silrs {lui de l!î'>H) soient toujours consultées en matière de travaux publics sur tout projet de déboisement ou de travaux, routes, chemins de fer. canaux, etc. « Que les plus l>eaux paysages de France soient déclarés réserves nationales il mis ainsi à l'aliri de toute mulilatum. — 872 — INTERNATIONAL 1913 « Qtiiine législation appropriée sur les cours tCeun (hi doinaine public et privé ne pernieUe aucune emprise sur les eaux dans les sites proposés pour le cJasscnicnl. « Que certaines sanctions rendues nécessaires par la protection des sites, la création des parcs nationaux, etc., dans les joréts sou- mises au régime jorestier, soient prévues et aj(nitées Gela répond à tout. Il n'est pas besoin de poser le principe de la périodicité. Un congrès international qui aurait lieu périodiquement, tous les deux ans par exemple, pourrait être sans intérêt, sans objet ; il vaut mieux s'inspirer des circonstances et laisser à la Commission permanente le soin de choisir le moment opportun. Peut-être sera-t-elle provoquée elle-même par des propositions qui lui seront faites et qu'elle retiendra. Mais je crois inutile de poser, dès maintenant, le principe de la périodicité des Congrès forestiers. M. llicKEL. — J'ai assisté au Congrès de Gand, et je tiens à rendre hommage à M. de Sébille pour la courtoisie avec laquelle il a présidé nos débats. Je voudrais vous parler des congrès de sylviculture. Je ne remonterai pas au delà du Congrès de 1900. M. de Sébille vous a dit qu'à Gand nous avions constaté que le Congrès forestier était des plus réduits. Depuis 1900, j'ai assisté à tous les congrès d'agriculture internationaux, c'est-à-dire : Rome, Vienne, Madrid, Gand. Dans tous ces congrès — à l'exception de Vienne, où les forestiers étaient venus en nombre d'Allemagne et d'Autriche, — on a fait la constatation faite à Gand, c'est-à-dire que les forestiers étaient en très petit nombre, la France en comptait 30 ou 40 au maximum. Dans ces conditions, je soumets cette idée à vos réflexions : N'y a-t-il pas lieu d'aller un peu plus loin que le projet qui nous est soumis, et de reprendre la liberté entière qu'avaient les congrès forestiers jusqu'en 1900? D'où scission d'avec les congrès internationaux d'agri- culture. Comme l'a fort bien dit M. de Sébille tout à l'heure, nous som- mes les C^ndrillons de ces congrès. M. LE Président. — Nous avons des congrès d'agriculture qui ont des sections de sylviculture ; nous pouvons leur permettre de continuer à vivre. Ces sections seront peut-être moins importantes maintenant ; mais ce ne [serait pas bien de notre part, parce que nous voyons que nous sommes en nombre, d'aller dire à ces congrès d'agriculture, qui ont cru bien faire et qui ont bien fait en ouvrant une section de sylviculture : séparons -nous. Laissons -les continuer leur section de sylviculture ; si elle ne prend pas de développement, elle mourra de sa belle mort. Je remercie M. Hickel de sa bonne intention ; mais je crois qu'il vaut mieux ne pas y donner suite. Il n'y a pas d'autres observations ? Alors la Commission, telle que l'a indiquée M. Defert, est adoptée. Je donne à nouveau la parole à M. Defert. — hll — CONGRES FORESTIER M. Defert. — Messieurs, vous venez de voter la création de parcs nationaux. Le Touring-Club voudrait, en ce qui concerne la France, faire passer immédiatement ce vœu dans le domaine des faits. Avec l'aide de l'Administration des forêts, nous avons d'ores et déjà le moyen de le faire aboutir, et dans ce but, nous nous proposons de fonder une association pour laquelle nous faisons appel à votre concours. Cette association — je ne fais qu'en indiquer les grandes lignes — aura pour objets la création et l'entretien, sous la dénomination commune de Parcs nationaux de France, Soit des réserves territoriales de grande étendue, choisies parmi les régions les plus pittoresques, à l'effet d'y laisser évoluer librement la flore et la faune en les défendant contre toutes les atteintes, indi- viduelles ou collectives, de l'homme, et de constituer ainsi, en même temps que des laboratoires d'études, des centres de régénération naturelle, Soit des parcs proprement dits pour la protection de la faune et de la flore qui s'y trouvent et la sauvegarde des beautés naturelles qu'on y rencontre. L'association comprendra des membres fondateurs à deux cents francs, donateurs à vingt francs, titulaires à dix francs, souscripteurs à cinq francs et adhérents à un franc. Il faut qu'une œuvre que nous considérons comme d'intérêt général et de salut public sorte d'un mouvement populaire ; c'est pour elle une garantie de succès, et nous entendons la mettre à la portée de toutes les bourses. {Applaudissements.) M. LE Préside>t. — Les travaux du Congrès forestier international sont terminés. Les 700 membres de cette réunion ont, sans relâche pendant quatre jom's, donné l'exemple de l'activité la plus féconde. Les discussions, empreintes de la plus grande courtoisie et de la plus aimable cordialité, ont mis en relief le savoir et la compétence de ceux qui y ont pris part. Aucune question n'a été laissée dans l'oinire. Libre cours a été donné à l'expression des opinions les plus diverses, sur les abondantes matières qui ont été soumises à vos délibérations. C'est du choc des idées que naît la lurnière ; celle que vous avez fait jaillir éclairera désormais la voie que suivent les forestiers et les sylviculteurs. Ainsi l'œuvre du Congrès se continuera, même après que ses membres auront été dispersés ; leur collaboration n'aura pas seulement la durée des quelques heures trop courtes qu'il nous a été donné de vivre avec vous ; votre action sera de tous les jours, puisque maintenant les matériaux amenés par vous à pied d'œuvre vont pou- voir être utilisés. Et quels importants matériaux ! Les rapports si documentés, si fournis de substance, si complets, si divers, si élégants souvent dans leur forme, qui ont été produits, les communications nombreuses et spontanées qui ont été envoyées au Congrès ont été mis en valeur — 878 — INTERNATIONAL 1913 grâce à l'heureuse distribution du programme. La division en cinq sections, dont chacune avait sa caractéristique, a permis le groupe- ment des ^matières de même ordre et leur ensemble a formé une synthèse des plus harmonieuses. Les discours et les discussions que nous conserve la sténographie composeront un volume qui ne manquera pas — en France comme à l'étranger — d'être souvent et fructueusement consulté. Historique- ment il fera date, car il marquera pour l'avenir, de façon très nette, quelle est, au commencement du xx^ siècle, la conception que les esprits éclairés se font du rôle de la forêt, de son utilité, et des méthodes à employer pour l'amener à rendre tout ce qu'elle est capable de pro- duire. (Applaudissements.) A ce titre, les vœux que vous venez d'émettre à l'instant consti- tuent une manifestation des plus significatives. Pour ceux de ces vœux qui s'adressent aux pouvoirs publics, je vous donne la ferme assurance qu'ils seront étudiés avec le vif désir de les faire entrer dans le domaine de la réalisation. {Applaudissements.) Ils pèseront d'un grand poids dans les déterminations à prendre. Ceux qui concernent mon Administration recevront d'elle, vous n'en doutez pas, un accueil d'autant plus favorable qu'ils sont l'émanation des conceptions et des travaux de l'élite forestière de ce pays. ( Vifs applau- dissements.) Il me reste à remplir un devoir très agréable en remerciant, au nom du Ministre de l'Agriculture, tous ceux qui ont contribué à l'éclat sans précédent» de ce grand Congrès. Sa réussite a dépassé les espé- rances mêmes de ceux qui l'ont organisé. Je tiens à les en féliciter. Ces remerciements,- je les dois d'abord au Touring-Club de France dont le concours est toujours acquis aux entreprises d'intérêt général et qui, dans la circonstance, a pris l'initiative de ce grand mouve- ment de la façon la plus désintéressée et même la plus généreuse. (Applaudissements.) Il n'est pas d'œuvre à laquelle il a participé qui n'ait été couronnée de succès : il a rendu ainsi au pays des services considérables. Défenseur des beautés de notre France, il a pensé qu'il lui appartenait de s'attacher particulièrement à la protection de nos forêts, ce manteau splendide, cette parure naturelle de notre sol national. (Applaudissements.) Et ainsi il a acquis un droit de plus à la gratitude de nos compatriotes. Le nom de son éminent président, M. Ballif, est trop populaire dans toutes nos provinces auxquelles son incessante action a donné une vie nouvelle, il est trop souvent prononcé sur toutes les routes de France, autrefois attristées et désertes, aujourd'hui animées par le dévelop- pement de plus on plus accru du tourisme, pour que les félicitations que je lui apporte ajoutent quoi que ce soit à sa réputation. (Applau- dissements.) Mais c'est pour moi une satisfaction de joindre ma voix à toutes celles qui le célèbrent et l'acclament. Nous lui restons particulièrement reconnaissants d'avoir couvert de son autorité la propagande faite dans la Revue du Touring-Club — 879 — CONGRES FORESTIER en faveur du Congrès. Toutes les forces de cette belle Association — et elles sont considérables — ont été mises à la disposition de cette œuvre si utile et si intéressante. [Applaudissements.) Il m'en voudrait de ne pas associer immédiatement à son nom celui de M. Defert [Applaudissements) qui dirige depuis tant d'années le Comité des Pelouses et Forêts du Touring-Club. C'est à lui que nous sommes en grande partie redevables de ce que l'opinion s'est tournée avec faveur vers les problèmes forestiers. Quel plus magnifique cou- ronnement pouvait-il rêver, aux études poursuivies par le Comité qu'il préside, tjue ce Congrès à l'organisation duquel il a consacré son activité et aussi son brillant talent de parole. [Applaudissements.) Il aura été, on peut le dire, le Pierre l'Ermite de cett(^ pacifique croi- sade. [Applaudissements .) Qu'il en soit ici remercié et qu'il me permette d'applaudir des deux mains à la haute distinction que M. Clémentel lui a annoncée dans la séance d'ouverture. [Applandissements.) H a été secondé dans son effort par M. Antoni, sous-directeur des Eaux et Forêts, vice-président du Comité exécutif [Applaudissements). par des lieutenants qui égalaient leur chef en ardeur, MM. Auscher et Famechon qui méritent tous les compliments pour la manière dont ils ont préparé les séances du Congrès et les excursions qui vont les suivre. [A pplaudissements.) M. Chaplain faisait ses débuts comme secrétaire général du Congrès. Il a pleinement réussi et s'est dévoilé un parfait organisateur ; il s'est montré à la hauteiu' des maîtres que je viens de citei'. [Applaudis- sements.) La composition même des bureaux des sections dans lesquels figurent tous les hommes les mieux ([ualiliés pour la tâche qui leur était confiée valait tout un programme. Dans la première section, nous avons salué avec respect, son président M. Girerd. Il nous ap|3ortait, après une carrière déjà longue, toute l'ardeur et toute la jeunesse dont était animé le sous-secrétaire d'Etat de 1877, celui-là même qui eut le pre- mier à conduire l'Administration forestière dans une nouvelle voie, après ((u'elle eut été séparée du Ministère des Finances. [Applau- dissements.) .le tiens à le remercier tout particulièrement. La seconde section était présidée par un de nos plus brillants con- servateurs, M. Vivier. [Vifs applaudissements.) Tous ont admiré l'autorité, la distinction et le tact avec lesquels il a conduit les discus- sions souvent ardentes, même parfois passionnées. [Applaudissements.) 11 a su faire profiter sa section, dans une très large mesure, de ses capa- cités de juriste ([ui le font tant apprécier par moi à l'Administration centrale où nous avons le bonheur de le posséder. [A pplaudissements.) M. Poupinel, en présidant la troisième section, a valu au Co /) Et maintenant, Messieurs, je ne prends pas définitivement congé de vous. Après le travail des commissions et des sections, vous allez visiter ces forêts dont il a été tant question dans cette enceinte el nous resterons encore en contact pendant quelques jours. J'ai donc la satisfaction de ne prononcer aucune parole de séparation définitive en déclarant clos le Congrès forestier international de 1913. {Vifs applaudissements.) La séance est levée à 4 h. 25. 882 — INTERNATIONAL 1913 ANNEXE A LA CAMPINE BELGE SA TRANSFORMATION EN RÉGION INDUSTRIELLE — CONSÉQUENCES AU POINT DE VUE FORESTIER PAR M. DUBOIS Sous-Inspecteur des Kaux et Forêts de l'État belge La campine belge est une vaste plaine sablonneuse de 500.000 hectares, d'une altitude de 10 à 100 mètres, située dans les provinces d'Anvers, de Limbourg et de Brabant, avec la rivière du Démer comme limite méridionale. « Elle est caractérisée (1) parla pauvreté de son sol, ses grandes étendues de pineraies « en général malvenantes et de landes couvertes de bruyères et de marécages. « Mais la campine n'offre plus partout l'image d'une terre deshéritée. On y trouve t de magnifiques propriétés, soit qu'il s'agisse de sols de meilleure qualité, soit que les « terrains aient été méliorés, au cours des siècles, souvent par des travaux divers et « l'apport de matières fertilisantes. Les villages sont entourés de productives campagnes et t de belles prairies bordées, les unes et les autres de larges haies d'essences forestières « et d'arbres feuillus, donnant parfois l'impression d'une contrée riche en matériel « ligneux. « Dans ces derniers temps surtout, les progrès réalisés dans le domaine de la science « agricole ont rendu possibles des transformations tellement rapides et s-urprenantes « qu'il est enfin permis d'espérer que, si les moyens dont nous disposons ne viennent u pas à nous manquer un jovr, la lande sera vaincue. » ' Depuis ce rapport de 1904, le sylviculteur possède un guide fidèle qui lui permet d'analyser chaque cas en particulier et de lui apphquer le mode de mise en valeur rému- nérateur et économique qu'il comporte. Les anciens procédés routiniers y sont caractérisés de façon convenable et sont en général abandonnés partout. L'assainissement n'est pratiqué que pour l'enlèvement et l'écoulement vers les émis- saires naturels des eaux nuisibles et surabondantes. Il n'y a aucune utilité à rigoler les sables secs et cette opération est souvent indifférente et parfois franchement nui- sible. Lorsqu'un degré d'assainissement suffisant ne peut pas être obtenu par le sys- (1) Rapport de la Commission chargée de l'étude de la campine au point de vue forestier (31 dé- cembre 1904), auquel nous faisons également d'autres emprunts dans la suite du présent. — 883 — CONGRES FORESTIER tème de fossés habituellement en usage, il faut aviser et étudier si le terrain ne peut recevoir une autre destination. La création d'étangs, l'installation de sociétés de « wate- ringues». combinées avec le curage rationnel des cours d'eau publics rendent aussi parfois de réels services, surtout si le service d'hydraulique agricole fonctionnait en campine comme il fonctionne en ardenne. Le défoncement est une opération coûteuse qu'il ne faut pratiquer qu'à bon escient, en tant qu'il s'agit du travail profond du sol ; il existe en campine un abus du défon- cement, contre lequel il y a lieu de réagir, d'autant plus que dans la plupart des cas il peut être avantageusement remplacé par un travail superficiel, toujours utile et recom- mandable, après extraction des souches à la machine dans les parcelles exploitées ou après arrachage complet des pins livrés à l'exploitation. « C'est au labour complet (1), à une profondeur de 0 m. 20, 0 m. 25, qu'il faut donner « la préférence. Par ce travail, on assure l'aération du sol et la pénétration de l'eau, « et l'on favorise l'action des microbes. En enterrant à une profondeur de 0 m. 20 ï environ la couche tourbeuse superficielle munie de sa garniture de courte bruyère, non « seulement on fait disparaître une plante qui prélève sa part de nourriture et d'eau, et l'on I- diminue donc la perte de celle-ci par transpiration, mais on provoque la décomposition « des matières organiques et les divers phénomènes qui ont pour effet de rendre les (i substances nutritives assimilables par la végétation. « Nous avons déjà dit ailleurs (1) que nombre de sylviculteurs campinois avaient c espéré rencontrer dans la profondeur du sous-sol une force de production qu'ils avaient « vainement réclamée au sol même de leurs terrains, surtout lorsque ce sol avait été « épuisé par une première production. Presque toujours ils ont été tout à fait désillu- « sionnés. Nous ne reviendrions pas sur ce point si nous n'avions à constater ici que « l'enfouissement profond des matières organiques de la surface, ayant pour effet de les « mettre à l'abri de l'action de l'air, rend leur décomposition impossible et que, long- r- temps après, on les retrouve à peu de chose près dans le même état. Ilest même arrivé • qu'un défoncement opéré dans ces conditions, en culbutant dans le fond de la tran- « chée de gros blocs de la surface garnis de bruyère, avait eu pour résultat de rendre lo t terrain trop poreux, trop perméable et à peu près stérile. Pour procéder d'une façon c rationnelle, il faut donc bien se garder de rejeter dans le fond du sillon la couche « superficielle plus ou moins tourbeuse et pourvue de sa végétation de bruyère. Il faut « se borner à la recouvrir d'une légère couche de terre sous laquelle elle se décomposera s le mieux, ou bien, après un labour ordinaire, la laisser s'effriter et s'ameublir sous ► l'action des agents atmosphériques, avant d'en entreprendre le défoncement. « Le tuf, le tuf ferrugineux surtout, devra être ramené à la surface. Il s'y délitera t et certains de ses éléments serviront àla nourriture des plantes,' tandis que, laissé dans « le sol, il resteiait inerte et pourrait se reconstituer à l'état de couche dure imperméable, « sous l'influence persistante des causes auxquelles cette couche doit sa formation. « Il est mauvais de ramener à la surface le sahle boulant ou driftzand, parce qu'alors « les plantes se déchaussent, par l'effet de la gelée surtout. « De même, lorsqu'il y a de l'argile dans le sous-sol, il ne faut pas la ramener à la surface, mais la mélanger au sol dans une mesure raisonnable, quand c'est possible. •' Tous les terrains de la campine sont pauvres surtout en acide phosphorique et en chaux, il est indispensable de les fertiliser avant de les boiser et surtout de les reboiser. On y arrive par divers procédés : 1° La culture agricole pendant une certaine période, dans les situations où les terrains trouvent preneurs à de bonnes conditions. Cette méthode, loisqu'elle peut être pratiquét- économiquement. est la meilleure de toutes, celle qui fournit partout et toujours de beaux pins, le sol recevant àla fois des préparations répétées et une fumure suffisante pour les besoins ùe la culture forestière. 2° L'épandage direct d'engrais phosphatés et potassiques sur labour superficiel, méthode peu coîiteuse et produisant de fort bons résultats dans les bruyères vierges ayant conservé une certaine fertilité naturelle. 3° L'emploi des boues de ville aux environs des canaux et des grandes voies de commu- nication, du moment que leur prise de revient ne dépasse pas trop sensiblement la valeur de l'engrais minéral qu'elles contiennent ; la valeur des matières organiques ne doit pas entrer en ligne de compte, d'autres moyens plus économiques existant pour donner au sol les matières organiques faisant défaut. 4" On puise l'azote et les matières organiques à l'aide du lupin jaune, on ajoute des engrais minéraux et on rentre dans une grande partie des avances faites par la culture unique ou répétée du seigle et de l'avoine. Ce cas ne s'emploie que pour des sables peu fertiles ou lorsqu'il s'agit de restaurer les fonds épuisés par une ou deux productions ligneuses et pour les abus du soutrage. (1) Rapport précité. — 884 — INT EH. NATIONAL 1913 Système appliqué et recommandé par le M. D'' Nuets, président de la Commission d? la campine ; l''- année. — Sur sol travaillé l'année précédente et ayant reçu àl'automne 1.000 kilo- grammes de phosphate basique, qu'on recouvre par un coup de herse (et 200, 300 kilo grammes de kainite, si on le juge à propos), semaille au printemps, en avril-mai, de 80 à 100 kilogrammes de graine do lupin par hectare. Enfouissement de la récolte vers la fin de la floraison. 2« année. —Nouvelle culture de lupin, sans engrais : enfouissement, semaille de seigle avec 1.000 kilogrammes de phosphate basique. 3« année. — Récolte du seigle. Labour du terrain. i" année. — Troisième culture de lupin, sans engrais ; enfouissement en septembre- octobre. Ensuite, seigle avec 1.000 kilogrammes de phosphate basique, 500 kilogrammes de kaïnite et, au printemps, 1.50 kilogrammes de nitrate de soude. •o" année. — Semaille de lupin dans le seigle. Enfouissement du lupin. Le terrain est alors suffisamment préparé. Il peut recevoir au printemps suivant une plantation forestière ou être affecté à la production agricole régulière. Si l'on fait abstraction du coût du défoncement éventuel, dans certaines situations, ce coût est même couvert par la vente des souches, les frais occasionnés par la fertili- sation sont compensés par le produit des récoltes de seigle. Lorsque les terres sont assez fraîches, on peut aussi recourir à la culture de l'avoine. La pomme de terre peut également entrer dans l'assolement. Nous ne nous étendrons pas plus longtemps sur ce sujet ; les assolements sont évi- demment fort variables et dépendent des conditions dans lesquelles on opère, mais ks principes fondamentaux en sont les mêmes. Le terrain, ainsi travaillé et amendé, est planté en pin sylvestre, auquel on associe un quart ou un cinquième de pin laricio de Corse. La venue de cet arbre est belle en général, sa tige droite et verticale, ses faibles branches latérales en font un arbre pré- cieux, surtout sur les bords des peuplements. On peut espérer qu'il sera rustique, malgré son origine méridionale, par suite de l'abri que lui procure le mélange et surtout si l'on emploie de préférence la graine des sujets âgés, qui existent chez nous et dont plu- sieurs sont centenaires. Culture d'essai toujours, mais qu'on peut espérer voir réussir en majeure partie dans l'avenir. Dans quelques endroits spéciaux on introduit le mélèze du Japon, l'épicéa de Sitka, le pin Weymouth. le sapin de Douglas ; parfois aussi les pins de Bank et rigide, auxquels cependant on paraît avoir renoncé depuis quelques années, mais ce ne sont là que des essais de petite envergure et il ne s'agit pas d'essences de boisement proprement dites. La commune de Genck et autres se trouvent fort bien de regarnir les plantations de pin sylvestre, en sol de nature médiocre, quoique amélioré avant le boisement, à l'aide d'un semis de pin maritime, excellente essence, qu'on a eu le tort de condamner d'une façon complète après les désastres occasionnés par les gelées hivernales de 1879-1880, 1891-1892 et autres. Il n'est pas rare de rencontrer, à l'heure actuelle, dans les peuple- ments de 35 à 40 ans des pieds isolés de cette essence, toujours de meilleure végétation que le pin sylvestre, et il existe actuellement encore des pins maritimes qui ont dépassé la centaine.* Le semis en mélange pour le pin maritime et la plantation ou le semis en mélange pour le pin laricio de Corse paraissent être les facteurs primordiaux et essen- tiels de leur réussite dans les sables campiniens ; si la première n'est jamais destinée qu'à rester une espèce de deuxième ordre en matière de boisement, à appliquer sur- tout dans les terrains de moindre qualité, la seconde paraît être appelée, en cas de succès des essais entrepris, à être classée comme essence principale et à augmenter dans une assez forte proportion les revenus en matière et en argent de nos peuplements; La densité des plantations varie avec la nature du sol, les conditions économiques et la valeur des sous-produits ; cette méthode est très rationnelle. «On peut admettre (1) que, pour satisfaire aux diverses exigences de la nature du sol et de l'essence envi- . « sagée, le nombre des plants pourra varier de 10.000 à 20.000 par hectare au grand « maximum. » Suivant lf>s conditions économiques et la valeur des sous-produits, on dépasse sou- vent ces chiffres en pratique, « au point de vue forestier (1), nous ne pouvons que con- « damner la méthode des plantations trop serrées, car elle a été la cause de bien des « désastres, en campine surtout, où les dégagements trop négligés ont compromis la f végétation des massifs et favorisé ainsi la multiplication exagérée des insectes rava- « geurs. « En réalité, dans la pratique, il y a plutôt une question de routine et, dans la majo- « rite des cas, le nombre de 20.000 sujets doit déjà être considéré comme excessif, •' même en tenant compte des circonstances économiques.» (1) Rapport précité. — 885 — COGRES FORESTIER Les écartements les plus fréquents sont pour les pins : 1 m. X 1 m. (l;2o X 1,25 pour le weymouth) ; 1 m. X 0,80 ou 1 m. X 0,70 ou 1 m. x 0,60 0,80 X 0,80 ou 0,80 X 0,70 0,30 0,80 0 80 0.80 0,30 0,25 1 .01) ,00 1 ,00 1,00 0,25 0,25 I 0.80 I 0.80 I 0,80 | 0,80 | 0,80 | 0,25 En terrain non rigolé, on réserve tous les 4-5 mètres une bande de 1 à 1 m. 20 de lar- geur; soit pour y établir. plus tard une rigole, soit pour y trouver la terre nécessaire au recouvrement des aiguilles, avec ou sans épandage d'engrais ; cela facilite l'exécution des premiers nettoiements et l'enlèvement des produits. Bien: que la nature du terrain des bruyères campiniennes se prête mieux à la culture des esssences résineuses, on ne néglige pas, lorsque la chose est possible, d'établir des cordons feuillus et même des peuplements mélangés d'essences feuillues. Comme à l'heure actuelle l'industrie, la culture herbagère et agricole, la spéculation se ruent d'une façon ardente et systématique à la conquête des bruyères encore existantes, la sylvi- cuKtire de l'avenir aura à sa disposition encore beaucoup moins de bons terrains que par le passé, ce qui fait perdre encore de l'importance aux peuplements feuillus mélangés. Relativement à ces deux points, je m'en réfère tout simplement au rapport de- la Commission forestière de la campine. Le boisement des dunes terrestres est aussi soumis à des règles précises : travail par bandes du sol, avec engrais et fixation des parties mouvantes à l'aide de bruyères fau- chées et fixées par une motte de terre. Plantation du pin sylvestre, du pin laricio de Corse, semis du pin maritime. Ce système donne de bons résultats. La campine est une région calme, pacifique, agreste, d'une sauvagerie naturelle très appréciée ; la lande fait encore des taches trop étendues sur la carte, mais le paysan est tenace, tient à ses aises et à ses habitudes, il n'a pas toujours l'aisance nécessaire pour renoncer à son système irraisonné de culture et apporter les modifications néces- saires à la construction de ses étables. La situation n'est pas bonne cependant au point de vue de la conservation des litières et la culture du pin en campine revêt le caractère d'une culture réellement spoliatrice, au point qu'on voit les produits diminuer et décroître après chaque génération et qu'on se voit forcé de faire la restauration complète et à replanter, La question de l'enlèvement des souches dans les pineraies exploitées ne préoccupe pas trop le sylviculteur ; dans beaucoup de stations, ces produits acquièrent une valeur fort appréciable et ailleurs les souchures à bras de la région parviennent à les faire dis- paraître sans trop de frais. Tout ira en s'améliorant et en tenant compte des divers intérêts en présence ; il faut d'ailleurs que l'amélioration soit progressive et suive une marche adéquate avec l'aug- mentation de la population et la création de nouveaux débouchés. Le domaine inculte communal doit être ainsi progressivement transformé suivant des règles fixes et une ligne de conduite bien arrêtée. L'Etat achètera et boisera les bruyères dont les communes ne sont pas à même d'en- treprendre la conversion (domaines d'Exel, de Raevels, de Heiwich (op. grimby) ; les communes de leur côté, encouragées par les subsides de l'Etat et éventuellement de la Providence, boisent d'une façon normale et régulière. Des aliénations sont consenties pour l'agrandissement rationnel des cultures et l'arrondissement du patrimoine familial chez les petits cultivateurs. La population est essentiellement agricole et l'on espère que ses idées concernant l'utilité des litières dans les bois se modifieront avantageu- sement, au point que la pineraie campinienne finira par jouer 1:" grand rôle d'amélio- ration du sol, qu'on lui reconnaît dans les pays limitrophes. Les amateurs de la nature agreste et primitive pourront venir longtemps encore fixer — 886 IINTERNATIO.XAL 1913 sur la toile les endroits les plus captivants et les plus |iittoresques de Genck et des envi- rons. Tous ceux qui aiment la vie champêtre et l'air vif, pur, embaumé par l'odeur de la résine, pourront venir longtemps encore se reposer et retrouver leurs forces perdues. Tout est pour le mieux dans la meilleure des campines, la voie est tracée, les moyens sont connus. Dès fin 1908 et commencement 1909, plusieurs sociétés anonymes de charbonnages furent autorisées à acheter de gré à gré des blocs assez importants de bruyères et de bois communaux, pour être affectés : i° aux installations requises par l'exploitation des mines de houille dont la société a obtenu la concession et par les opérations que le com- bustible extrait peut être appelé à subir en vue d'en assurer ou d'en faciliter l'écoulement ; 2° à l'érection d'habitations pour le personnel de l'exploitation. A l'heure actuelle, la vaste plaine de la campine est en pleine fièvre, les sièges des exploitations charbonnières dressent dans l'air, leurs hautes cheminées, leurs bâtiments et s'apprêtent à construire de grandes cités ouvrières. On ouvre de nouveaux chemins de fer, de nouvelles routes, de nouveaux canaux. La main-d'œuvre est rare et augmenté de prix dans des proportions fabuleuses. Des idées nouvelles surgissent : une Commission des sites tâche de conserver l'exis- tence de plusieurs curiosités naturelles. Une Commission gouvernementale fonctionne et étudie l'orientation nouvelle à donner à la mise en valeur des terres incultes. La forêt risque fort de se voir considérer comme une spéculation trop lente et devoir se contenter des terrains dédaignés par l'industrie, la bâtisse et la culture agricole ou herbagère ; on pourrait cependant réserver à l'industrie tous les terrains les moins fertiles, point sans importance pour elle. La cause du maintien et de l'existence des massifs forestiers se pose donc et il est à espérer que si les bois viennent à diminuer dans la région charbonnière proprement dite, il pourra y avoir compensation par la création de nouveaux massifs dans le restant de la campine. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, la grande consommation de produits forestiers nécessitée par l'extraction de la houille. Une situation nouvelle est donc créée dans cette campine, toujours si pauvre et qui est appelée à un essort économique si grave ! Le forestier, d'autre part, a dû étudier d'une façon toute spéciale la question d'orga- niser son outillage économique et de diminuer la prise de revient des opérations fores- tières. Un premier progrès avait déjà été réalisé par le labourage des terrains à l'aide de tracteurs à vapeur et la firme Smeets et fils, d'Exel, s'est acquise une spécialité en cette matière. Elle livre un travail fort bon à un prix de revient rémunérateur ; de 50 à 60 francs l'hectare pour un labour de 0 m. 20 à 0 m. 25 de profondeur, 125 francs et plus pour les défoncements proprements dits. Ces tracteurs risquent fort d'avoir une concurrence fort sérieuse, dans l'avenir, de la part des moto-charrues dont une, la moto-charrue « Stock» • — usines de la Kôpenicker strasse, 49, à Berlin, et de Niederschœnevveide — a déjà labouré une dizaine d'hec- tares à Eysden (Limbourg belge), pour la Société des charbonnages des Limbourg-Meuse et est occupée à labourer 40 hectares de bruyères, que la commune de Mechelen- sur-Meuse (Limbourg belge) est autorisée à boiser. Il n'est pas possible à l'heure actuelle de prendre parti pour l'un des systèmes en présence. Nous n'en retiendrons que l'idée maîtresse, cherchant un système de labourage aussi rapide, aussi économique que possible, avec suppression presque absolue de main- d'œuvre. La maison « Stock » ne possède pas seulement des moto-charrues pour le labourage superficiel, mais est outillée également pour le défoncement des bruyères aux profondeurs et suivant le système adopté par la pratique. Dans le même ordre d'idées, il a été institué en 1912, à Lanaeken (Limbourg), un concours entre les dessoucheuses et les déracineuses par la Société centrale forestière de Belgique ; un concours des mêmes appareils dans des blancs étocs et peuplements de bois résineux en sols argileux sera organisé en 1913. Il convient que le forestier ait à sa disposition non seulement un appareil pratique propre à arracher les souches des pins, mais aussi une machine arrachant les arbres des blancs étocs. On est déjà arrivé à des résultats très satisfaisants au concours de Lanaeken, les dessoucheuses Dehez, à Grand-Halleux et Hubrechts, de Grintrode, fournissant un travail économique et fort bien exécuté pour les souches et pour les arbres. Nul doute que le concours de 1913 ne marque un nouveau progrès dans la construction de ces appareils si intéressants. Si le forestier campinien a à sa disposition une bonne dessoucheuse. une bonne déra- cineuse, une moto-charrue pratique, il lui sera toujours possible, même dans une région industrialisée à l'excès, de créer rationnellement et économiquement des bois, pour le plus grand profit de notre prospérité nationale. Il faut aussi signaler, en terminant, qu'un organisme nouveau, une société coopérative vient de se fonder le 22 mars 1913 à Louvain, sous le nom de « Société des bruyères de — 887 — CONGRES FORESTIER Belgique » ressemblant à plus d'un titre à la Société néerlandaise du même nom, et dont le but avéré est de hâter dans une forte proportion la mise en valeur du domame '"oi^oiVdoSTÏÙek campine belge est en pleine efïervescence et que de tous côtés on se rue vers sa conquête, chacun poursuivant des buts plus ou moins contradictoires ; a) Etablissements charbonniers et industriels ; b) Cités ouvrières, bâtisses et agglomérations nouvelles ; c) Voies de communication : chemins, voies ferrées, canaux ; d) Cultures et prairies ; e) Bois. Il est à espérer que tous ces buts divers pourront recevoir satisfaction et que la cause des bois, si nécessaires à l'eitraction de la houille, ne sera pas négligée. — 888 IiNTi;UNATI01SAL lOK ANNEXE B SUR LA PROnU( ÏIO> FORESTIÈRE DE T/AMERIQIE ( ENT RALE M. Désiré PECTOR Délégué ollicicl du llomluras Je crois que pour ce qui a trait à la superficie boisée des divers Etats et de ceux d'Amé- rique ne figurent pas, par suite sans doute d'une omission involontaire, les cinq Etats de l'Amérique Centrale. Or ceux-ci, sur le compte desquels mon ouvrage les Richesses Je V Aiuirique Centrale a donné des précisions détaillées, ont, d'après les renseignements en mon pouvoir, le chiffre respectable de 47.300.000 hectares boisés. Je décomposerai ce chiffre, d'après l'ordre géographique du nord au sud ; Le Guatemala^ qui a une superficie totale d'environ 11.500.000 hectares, peut avoir une superficie boisée d'environ 7.000.000 hectares, surtout à la côte de l'Océan Atlan- tique et dans la région du Peten. Le Salvador qui a environ une superficie totale de 3.400.000 hectares, n'a qu'environ 1.000.000 d'hectares boisés. Cette particularité provient de la grande culture agricole de ce pays, qui est à la fois le plus petit et le plus peuplé des Etats d'Amérique. Le Honduras a un minimum de 13.000.000 hectares totaux, sur lesquels on peut compter 9.500.000 hectares boisés, surtout à la côte de l'Atlantique, dans la région de Caratasca, les" départements de Certes, d'Atlanticla, d'Olancho, et aussi dans les dépar- tements de Santa-Rosa, Gracias, Choluteca, etc. Le Nicaragua. Ce pays compte environ 14.000.000 de superficie totale, dont environ 8.000.000 boisés, surtout à la côte Atlantique et dans les départements de Matagalpa, Chontal'es, Carazo, etc. Le Costa-Rica. Ce pays a une superficie totale de 5.400.000 hectares dont environ 3.000.000 boisés, surtout à la côte Atlantique, la Talamanca, etc. Ces richesses forestières consistent en tous bois exotiques de teinture, ébénisterie et d'usages à pharmacopée, etsurtouten acajou, chêne, palissandre, pitchpin, etc. Ilest à regretter que les capitaux français ne se portent que très peu vers l'exploitation fores- tière si rémunératrice de ces riches contrées et en laissent tous les bénéfices aux négo- ciants des Etats-Unis, plus avisés. J'ajouterai que le Honduras a, depuis des années, institué la Fête des Arbres qui lui permet de propagei- dans les écoles du pays les cléments primordiaux de l'exploi- tation rationnelle forestière. 889 COIVGJIES FORESTIER ANNEXE C LES RESSOURCES FORESTIÈRES DE L'AUSTRALIE OUEST Lieut.-Col. the Honorable Sir Newton MOORE K. C. M. C. Agent général de l'Australie Ouest Quoique la superficie de l'Australie ouest soit d'environ 253 millions d'hectares, la partie boisée n'en occupe guère que 44 millions. Cette estimation fut faite par moi- même en 1894 et la carte ci-annexée donne une idée très exacte des parties où dominent les essences principales. Il est bien entendu que dans chaque localité il n'y a pas d'essence dominante, mais les teintes de repère montrent les emplacements où ceiles-ci se rencon- trent en plus grand nombre. Sur la carte ont été reportée plus spécialement les bois de valeur marchande et les limites de zones peuvent être considérées exactes. La surface correspondant aux essences marchandes peut se résumer comme suit : Le Jarrah ou Eucalyptus marginata. ] Le Blackbutt — païens. [ 3.237.369 hectares. Le Red Gum — calophylla. \ Le Karri — itiversuolor. 485.605 — Le Tuart — guniphorpphnln. 80.934 — Le Wandoo — redunca. 2.832.697 — Le York Gum — locoplileba. \ Le Yate — comuta. f i cio -o' Le Bois de Santal ou Santalum cygnonim. ( l.blS.bbi Acacia ou Acacia acuminntci. ) 8.255.289 hectares. Sur tout le restant de la superficie boisée (à part toutefois quelques exceptions) les essences sont en général de classe inférieure et à peine utilisables, ailleurs que sur place ou alors dons des régions peu accessibles, lout au moins pour je moment. Ri^ partition La zone réellement forestière de l 'Australie est plutôt maritime, c'est-à-dire que le portions les plus touffues occupent les sommets montagneux, lesquels, en général, con- tournentla côte à petite distance, également les plateaux et pentes. Toutefois lorsque les chaînes deviennent très côtières, telles que celle.-: de Darling (Australi'- ouest), la ceinture forestière gagne en profondeur el la démarcation se fait sentir par une plus grande abon- dance de pluie et par un climat plus tempéré. Ainsi dans l'Australie ouest, la grande — 890 — INTERNATIONAL 1913 ceinture de bois de Jarrah, qui a 560 kilomètres de longueur et qui, partant des chaîne-; Darling, pour se diriger vers l'est, comprend une étroite bande de bois de Tuart entre elle et la mer. A Tintérieur de cette ceinture de Jarrah et vers le sud-ouest se trouve celle où le bois Karri domine, allant du cap Hamelin à Torbay et située entre les 115 et 118 degrés long- tude est ; 34 et 35 latitude sud. Ces régions où dominent le Jarrah, le Karri, le Tuart, le Blackbutt etie Gommier rouge, ont une pluviosité annuelle de 88 centimètres à 1 mètre. Dans la proportion relativement plus sèche, qui s'étend à Test de la ceinture de Jarrah, existe une bande assez large de Gommier blanc englobant une autre bande plus étroite de gommier York, laquelle par ses extrémités nord et sud constitue pour ainsi dire une continuation de la région du Jarrah. Vers l'est où la pluviosité annuelle est de 35 centimètres au plus, la forêt s'éclaircit et l'on n'y trouve plus que du Gommier blanc et, dans les régions aurifères, du Gommier vrille ou saumon, ainsi que quelques ceintures de pins. Entretien des Forêts Dans tous les pays où la question forestière a été étudiée aevc soin, plusieurs systèmes ont été élaborés offrant les uns ou les autres certains avantages suivant leur application, laquelle peut varier en raison de circonstances locales ; toutefois la méthode généralement employée ici est celle usitée en France des coupes divisées ; c'est-à-dire en opérant l'abalage des grands arbres isolément, conservant ceux qui n'ont pas atteint leur pleine croissance. Cette méthode est également suivie en Amérique où ne sont abattus que les arbres au-delà d'une certaine dimension. Il résulte de ce système que la forêt a toujours un aspect assez divers au point de vue de la croissance, les arbres adultes étant abattus et enlevés, permettant ainsi à la nature de reprendre ses droits par reproduction des espèces suivant l'ensemençage naturel. De la sorte la zone forestière s'entretient d'elle-même, ainsi que cela se produit dans les forêts vierges où le feu, les orages et la pourriture, en dégageant naturellement des étendues de terrains, permettent avec le temps de reconstituer les espèces disparues et de porter remède aux dégâts. Les dimensions-types auxquelles est soumis l'abatage des espèces ci-dessous sont, mesuré à 90 centimètres au-dessus du sol et écorce comprise : Pour le Jarrah .... ; 2 m. 28 de circonférence Karri 2 m. 73 — — Tuart 1 m. 82 — Blackbutt 2 m. 28 — — Wandoo 1 m. 22 — — Marrell 1 m. 22 — — Gommier Yate 0 m. 93 — — Bois de Santal 0 m. 38 — . D'après ce qui précède, l'on voit que les chiffres sont plutôt élevés et que par consé- quent un pourcentage important reste en valeur pour les coupes suivantes. Reconstitution des plants Le système européen de reconstitution naturelle par semailles directes des arbres adultes est le seul pratique pour le moment en Australie. Le repiquage ou boutuie a été reconnu impraticable en raison de son prix élevé. Avec ce système, la reconstitution s'opère normalement dans toute l'étendue forestière par suite de l'abatage des arbres adultes de dimension convenable, de ceux avariés ou de pousse défectueuse, de l'enlèvement des sauvageons ou de ceux qui, par un défaut de croissance, risquent de ne donner qu'un résultat négatif d'utilisation. Ce moyen n'est que copié des forêts vierges où lorsqu'un arbre meurt de vieillesse ou toute autre cause, une éclaircie se produit dans la frondaison et les graines provenant des arbres aînés peuvent germer et les jeunes pousses se développer àl'abri des anciens. Ainsi la forêt vierge se reconstitue d'elle-même avec le temps. Ce procédé est naturelle- ment un peu lent, attendu que les jeunes pousses ne peuvent grandir que si l'air et la lumière leur parviennent en quantité sufTisante et cela par suite de la mort ou de la chute des vieux arbres. Aussi en sylviculture aide-t-on artificiellement par l'abatage des arbres de dimension marchande. Il est bon toutefois d'ajouter cjue, vu les dépenses énormes nécessitées par les grandes étendues à parcourir, ce système n'est pour le moment utilisé que sur une échelle relati- vement restreinte. Les bois indigènes de l'Australie ouest ont une puissance de reproduction formidable ; la constatation a pu se faire souvent lorsque l'on s'est trouvé en présence de coupe? de — 891 — CONGRES FORESTIER fovèt exagérées, par exemple, ou lorsqu'un emplacement, jadis habité, avait été abandonné (ancien scierie, dépôt de troncs, chantiers d'équarissage). En fait, peu de forêts au monde, avec l'aide delà nature, sont à même de se recons- tituer aussi rapidement que les nôtres et je crois devoir dire que si le système préconisé pouvait S'étendre, toutes les forêts de l'Australie pourraient être conservées et donner un meilleur rendement comme qualité et quantité ; un gros pourcentage des pertes actuelles provenant de ce que le bois est plus que mûr et aurait àû être abattu depuis longtemps. En même temps que l'exploitation commerciale forestière était encouragée, la ques- tion de reconstitution n"a pas été oubliée. Toutes nos essences de bois dur sont susceptibles de reconstitution naturelle et, avec un peu d'aide, l'on peut dire que nos ressources sont inépuisables. Toutefois le gouvernement a considéré comme indispensable de créer des réserves perpétuelles, et de vastes espaces ont été conservés dans ce but. L'industrie forestière est aujourd'hui une des principales du gouvernement, consti- tuant un emploi pour plus de 6.000 individus, et représente comme salaire une somme annuelle de 18 millions. La valeur totale du bois dur exporté pendant l'année expirant au 30 juin 1910 était de 22.346.000 francs dont seulement 7.587.000 francs pour les pays orientaux. Le tableau ci-dessous donnant le chiffre des exportations indique bien la valeur universellement reconnue des essences australiennes : Pays d'exportatiox Quantités Mètres carrés Grande-Bretagne 113.417 Ceylan 36 . 603 Indes anglaises 2 . .599 . 229 Nouvelle-Zélande 873.996 Egypte 1 . 668 . 343 Ile Maurice 214.620 Natal 719.588 Italie 2.627 Uruguav 319.043 Iles Philippines 260 . 892 Belgique 304.417 Allemagne 1 . 524 République Argentine 69 . 888 Chine 32 . 704 Colonies portugaises d'Afrique 439.656 Singapour 1.637 États-Unis d'Amérique 34 Hong-Kong 2 . 230 Colonie du Cap 457 . 554 2.185 lioix en L'i'unie Ciran de -Bretagne 273 Indes Anglaises 42.879 Nouvelle-Zélande , 3 .449 République Argentine 1 -221 Colonies portugaises «l'Afrique 17 .970 Total 8.185.979 Valeur Fr. 1.350.025 66.375 2.126.600 1.493.800 2.990.150 38.525 1.222.075 4.875 572.375 468.050 546 .475 20.700 125.375 57.400 748.925 2.950 75 4.050 804 . 900 3.925 400 70.175 6.175 1.200 32.250 12.758.425 Alors que l'.Xustralie ouest a été favorisée par la nature avec une telle richesse en forêts, il est bon de noter que beaucoup d'essences exotiques peuvent y pousser, le terrain et le climat de la portion sud-ouest de la province se prêtent merveilleusement à la venue de ces bois. Quoique la généralité des essences soient de bois duis, les bois tendres s'y rencontrent quoique rarement, et l'on n'y trouve aucune essence pouvant remplacer les bois très tendres du commerce. .\cluellement l'on cherche le moyen d'utiliser les bois de rebut, lesquels sont générale- ment brûlés. Les diverses compagnies forestières se rendent parfaitement compte de l'utilité de diminuer le déchet ; malheureusement, comme jusqu'à ce jour cette valeur marchande est presque nulle il .semble difficile de l'éviter. — 892 — INTERNATIONAL 19i< Description générale des essenres Jarrah (EiitalypiiH'- Mar-^inata). — Il n'est pas rare de trouver des jïi'oupes d'arbres ayant de 27 à 37 mètres de hauteur, s'élevant parfaitement droits, et de 0 m. 90 à Im. 50 de diamètre, les premières branches à 15 à 18 mètres du sol. Toutefois comme moyenne, l'on peut considérer qu'un arbre de 27 à 30 mètres, avec 0 m. 75 à 1 m. 05 de diamètre à la base, est bon pour l'abatage. Certains spécimens ont été rencontrés ayant des dimensions supérieures à celles données. Le jarrah a une densité d'enivron 1.12 frfiset 0.96 sec, le bois d'une couleur rougeâtre, très dur et très serré, généra- lement très droit comme fibres et peu d'aubier. L'acajou rouge de la Nouvelle-Galles du SudasouA'ent été confondu, par erreur, avec le jarrah. Karri (Eucalyptus divers icolor). — Cet arbre est l'un des plus beaux et des plus gracieux d'Australie. A l'état adulte et lorsque de grandes dimensions, son aspect est imposant. I a hauteur moyenne est de 46 mètres, son diamètre de près de 1 m. 80 à 1 m. 90, à 1 m. 20 du sol et ses basses branches à 30 à 35 mètres de nauleur. Dans 1? région oe la Warren River, il n'est pas rare de rencontrer des spécimens de 90 mètres de hauteur, les basses branches étant à 55 mètres du sol et ayant de 6 à 9 mètres de circonférence à la base. Son bois a une densité de 1.00 à l'état sec ; de couleur rouge, lourd, rude et serré, assez élastique, ressemble beaucoup au jarrah. Tuart {Eucalyptus go/nphocephala). — Atteint une hauteur de 46 mètres, avec 6 m. 70 de circonférence, son diamètre moyen est d'environ 0 m. 90. En général, il est très brancha, avec un tronc de 12 mètres aux premières. Le bois est de couleur crème, très dur, à grain croisé et, pour cette raison, généralement considéré comme le plus fort et le plus résistant du continent. Ilest également l'un des plus lourds, ayant 1.12 de densité àsec. Est très demandé pour les constructions spéciales où la résistance est de première néces- sité ; maliieureusement son débit restreint n'en permet pas un usage courant. Blackbutt (Eucalyptus patens). — Ce bois ne se trouve pas en groupes compacts, mais se rencontre parmi le jarrah et le karri. Il peut atteindre une hauteur de 36 mètres' aver un diamètre de I m. 80. Sa couleur est claire il est dur et serré et tellement résistant que l'éclatement ne se produit jamais. Très usité pour emplois souterrains. Wandos (Eucalyptus rediinca). — Cette espèce, plutôt connue sous le nom de gommier blanc, est très répandue. Les arbres atteignent de 18 à 24 mètres de hauteur, avec un diamètre de 0 m. 60 à 0 m. 90 ; croit en génér^l sur les terrains découverts. Le bois est brun-rouge, très dur et très serré. Sa densité, même bien sec, ne descend pas au-dessous de 1.15. YorkGum (Eucalyptus loxopldeha. — Ne dépasse pas comme hauteur 25 mètres, avec un diamètre de 0 m. 90, le tronc en général assez rugueux. Le bois est rougeâtre, très dur et très serré. Densité, environ 1.08, même très sec. Red Gum (Eucalyptus colophylla). — Très répandu et de belle apparence, atteint une hauteur de 30 mètres, avec un diamètre de 0 m. 90. Le bois est jaune-rouge, plus léger que les autres variétés d'eucalyptus quoique pssez serré et dur ; éclate facilement. Étant assez résineux, ne convient pas à tous les genres de construitions. Sa réshie a une grande valeur médicinale et sert également au tannage. Eipovtation Le commerce d'exportation a pris, ces dernières années, une extension considérable surtout pour les essences de jarrah et karri employées principalement comme traverse.-; ou pour le pavage. Ces bois ont également été fort demandés pour pilotis ou pour le bâtiment. La valeur totale des bois exportés de 1895 à fin 1912 est de près de 262.500.000 francs hors de l'.Australie. E/np'iiis rconomiques des bois australiens. L'emploi économique des fjois peut se résumer comme suit ; Jarrah. — Pour les chemins de fer comme traverses, dans les chantiers de cons- tructions, les usines, le bâtiment et convient particuhèrement aux usages souterrains ou lorsqu'il doit être au contact de l'air et de l'eau. Comme durée, ce bois est certainement celui q\ i rempht le mieux le but proposé de toutes les essences, aussi est-il presque exelusivement emidové dans les chemins de fer pour les traverses, pilotis ou longriiics de |>unts. aussi bien"pour les travaux aériens que pour ceux souterrains. Parmi ces cniplois. l'on peut ciliT la le Victoria-AuslialK L'Etat de Victoria, qui est situé entre la rivière Murray et l'Océan du Sud, forme la partie sud-est de l'Australie. Sa surface comprend 56 millions 1/4 d'arpents, et de cette surface 12 millions environ d'arpents sont couverts de forêts, dont 7 millions sont de vraies forêts de charpente ; on y trouve de grands eucalyptus et autres arbres utiles. 11 y a plus de vingt espèces principales, et de la famille de l'eucalyptus il y a dix espèces qui fournissent le bois le plus précieux. Voici une courte description démontrant leurs qualités et leur emploi : i° et 2° L'écorce de fer rouge et le buis gris, que l'on peutclasser ensemble, sont d'un excellent usage, mis en contact avec la terre. Les traverses faites avec ces bois durent de 2.5 à 30 ans, et les pilotis de ponts ou de jetées durent encore plus longtemps. Ils sont durs, pesants, épais, avec des fibres très serrées. On les emploie aussi beaucoup à faire des poutres, des traverses pour rails et des poteaux télégraphiques. 3° Le gommier rouge, que l'on trouve en abondance sur les bords de nos fleuves et rivières, est un grand arbre aux branches étendues, ayant de 50 jusqu'à 60 pieds de hauteur et le tronc une circonférence de 12 à 19 pieds. Quelques-uns des plus grands arbres fournissent de 8.000 à 10.000 pieds de bois de charpente, qui e^t fort estimé dans les régions où le sol est en général marécageux. Le bois de ces arbres est d'une couleur rouge-foncé et dure longtemps en contact avec la terre. On l'emploie souvent à faire des traverses, des pilotis, des ponts, de petites poutres, et pour la construction de fosses et de canaux, ainsi que pour les bordures en bois des jetées, les fondations et les enca- drements des maisons. Les traverses faites avec ce bois durent de 20 à 25 ans et les pilotis de ponts de 30 à 40 ans. 4» Le gommier bleu est un arbre qui atteint une hauteur de 150 à 200 pieds. Le bois est d'une couleur jaune-paille et d'une grande dureté. On l'emploie à faire les poutres de ponts, des pilotis, des planches et planchers de navires, pour la construction de voi- tures et aussi pour la fabrication des manches d'outils. Quoiqu'il soit un peu plus lourd que le chêne le frêne et le noyer blanc, sa force spécifique est beaucoup plus grande. 5° Le commensal (Messmatte). — ■ Bois d'une couleur brun-clair et d'une grande valeur. Il est employé pour la construction des maisons, y compris les encadrements, les plats- bords, les parquets et les intérieurs. 6° Frêne de la montagne ou frêne blanc. — Bois d'une couleur gris-clair, d'une force et d'une légèreté considérable. On l'emploie pour la construction des maisons et depuis — 895 — CONGRES FORESTIER quelque temps pour la fabrication des meubles, (ielui-ci est le géant des forêts austra- liennes. On trouve dans le Victoria du sud et de l'est des arbres de cette espèce qui ont une hauteur de 350 à 380 pieds, tandis qu'il y en a d'autres qui ont à leur base une circon- férence moyenne, mais d'une hauteur remarquable, donnent quelquefois de 8.000 à 10.000 palis'sades! longues de 6 pieds, évaluées à 115 livres sterling. Des zones cou- vertes de frênes propres à l'alimentation des scieries donnent de la charpente d'une valeur de 100 à 200 Hvres sterling par arpent. '.° Frêne rouge. — Bois léger, dur, à grain long, de couleurs nuancées de gris-blanc à rose-clair. On l'emploie pour la construction des maisons (y compris les parquets et les panneaux), la carrosserie et l'ébénisterie en général. Les meubles fabriqués de ce bois, qu'ils soient polis d'un vernis de cire légère ou traités delà même manière que le chêrfe fumé, sont toujours d'un beau fini ; il est employé de plus en plus dans l'Etat de Victoria pour la fabrication de chambres à coucher et salles à manger complètes. K" L'écorce jaune fibreuse [Yelloiv Stnngi/bark). — Bois très fort et très durable, fort estimé pour la construction des pilotis, poutres et traverses. Il est d'une couleur brun-clair tirant sur le jaune et les bâtiments et palissades construits avec ce bois, au début delà formation de l'Etat, sont en parfaite condition depuis plus de d(\ ans. 9" L'écorce blanche fibreuse. ^ Bois durable servant aux mêmes usages que le précé- dent, ainsi que po\ir la construction des maisons. Dans la partie orientale de TEtat, il y a une immense région couverte deces arbres — région dontTétendue est estimée à plus d'un million d'arpents. 10" L'écorce de fer à faîte d'argent. — Bois d'un brun-clair, fort estimé pour la cons- truction des maisons et la fabrication des parquets, voitures, brancards et les timons des « boggies >>. Très dur et élastique, ce bois se trouve en abondance dans le Victoria de Test. Bois noir. — Le bois de cet arbre, de la famille des acacias, est léger, fort et dur, d"une couleur brun-foncé, ayant un beau grain onduleux ou nuageux, d'un ton brun-doré (on appelle ce grain-là dos de violon et œil d'oiseau). On l'emploie surtout à la fabrication des meubles de style de toutes sortes et des pianos, aussi bien que pour les panneaux, les iambrissages, les voitures (y compris les rayons et les jantes), les meubles de bureaux, les crosses de fusil, etc. Ce bois d'un beau grain est d'une excellente qualité, est évalué maintenant dans l'Etat à 6 d. par pied superficiel ou même davantage. Il y a d'autres arbres d'un grain fin dans le centre des forêts; citons, par exemple. le hêtre toujours vert, le myrte, le musc, le sassafra,le buis de satin, le bois de crayon, etc., qui sont utilisés à la fabrication de panneaux et de feuilles pour placage, étant d'une couleur et d'un grain très beaux, d'aspect tout à fait agréable après le polissage. L'Etat de Victoria n'a dans ses forêts naturelles qu'un arbre de valeur, le pin de Cypre, qui porte des cône-:. Cet arbre se trouve seulement dans les plaines de pierre calcaire ou dans la région sablonneuse et onduleuse de l'arrondissement du nord-est, qui s'appelle le « Malléè >. Cet arbre, qui appartient à la même famille que le sandarac et le callitris de l'Algéiie. donne une charpente très durable, bien adaptée à la construction des mai- sons et à la fabrication des palissades et des poteaux télégraphiques. C'est un bois auquel ne s'attaquent ni les termites ni les fourmis blanches. CONSERVATION ET ADMINISTRATION Pendant les cinq dernières années, beaucoup de progrès ont été faits dans l'adminis- tration des forêts qui a donné comme résultat un contrôle et une surveillance plus stricte sur l'abatage et l'enlèvement des arbres dans les forêts. Dans les régions de hautes forêts, le travail t'es scieries est soigneusement réglé, et on a réussi à réduire de beaucorr[) le gaspilltge d'une partie des arbres. Les forêts sont divisées en quartrer-s et comparti- ments, qui sont distribué.s en lots, et le propriétaire d'rrn lot doit enlever tous les arbres qui sont propres à êtr-e employés avant de commencer le tr-avail sur un autre lot. La reproduction naturelle des semences dormantes dans de telles régions est bien grande. Dans les zones des jeunes forêts, près des villes où il y a des mines, se trouvent des taillis réglés sous un système modèle. On abat les arbres de qualité inférieure à ras de terrv et on les emploie à faire des supports pour les mines et airssi pour la combustion, tandis que tous les arbr'es di'oits et sains sont laissés debout comme étalons pour rrne rotation plus longire. Dans torrs les taillis et les régions de hautes forêts. < ù les jiilolis et les jioteaux télégraphiques sont rrécessaires, les arbres avant d'être abattirs sont toirs marqirés jiar un forestier officiel ; cette mar'que donne la iienui.ssion de les abattre. Le revenu annuel donné par la for-êt de l'Etat est maintenant d'envir'on 50.000 livres sterling. Envir-un •'i2"„ de cette somme sont déj)ensés porrr l'administration et l'élevage des jeunes arbres dans les pépinièr'es de l'Etal. La tlifTérence (orrvir'on 27.000 livr-es) est utilisée, avec l'approbation du Parlement. 'à l'amélioiation des jeunes for-êls naturelles et à la plan- tation et l'extension de forêts de pins et de sapins. De cette l'açon. (ui améliore chaque — 8i 6 — I -N TER N AT I O N A L 1 ^) i 3 . année de 12.000 à 15.000 arpents de jeunes eucalyptus et on plante environ 3.000 arpenta d'arbres exotiques de bois dur. C'est ce dernier travail que je vais expliquer maintenant plus au long. PLANTATIONS Il y a, dans l'Etat de Victoria de grandes aires qui s'étendent le long du littoral et qui consistent jjrincipalement en vallées de pierre calcaire et de zone de composition sablon- neuse où les pluies sont abondantes ; ces régions de leur nature propre, bien adaptées à la production d'arbres portant des cônes. Sur les versants de la chaîne de montagnes centrales divisant en deux l'Etat il y a aussi des régions dépouillées près des vieux placers, où croissent ces arbres. Il y a environ 25 ans que l'on fit de petits enclos s'étendant sur quelques centaines d'arpents pour la culture des pins et dans quelques-uns de ces enclos les arbres (ayant une circonférence de 2 pieds) sont maintenant prêts à être convertis en bois de charpente. Le département des forêts, après avoir un complet abatage des arbres, a gagné environ 90 livres sterling par arpent sur la vente de la charpente. Le rendement annuel des trois pépinières dépasse actuellement 6 millions d'arbres, et quand on pourra pleinement utiliser la capacité des pépinières, le rendement total sera de plus de 10 millions de pieds d'arbres par an. A l'heure actuelle, la plus grande difficulté rencontrée par les administrateurs du département des forêts est de recruter pendant l'hiver un nombre suffisant d'ouvriers experts pour entreprendre la plantation des jeunes arbres. La superficie totale de toutes les plantations variées est d'environ 20.000 arpents. Les arbres à cônes, qui croissent rapidement et promettent de donner comme charpente le meilleur rapport pécuniaire sont : le pin Monterey, le pin de Corse, le sapin Douglas, le pin des Iles Canaries, le pin rouge Japonais, le pin Bœuf ou Jaune, le pin de Sucre des Etats-Unis, le sapin Manzies ou Siika, le bois rouge de Californie et l'arbre Mammouth. Le pin Monterey donne dans la région de Victoria une grande quantité de bois de char- pente de deuxième classe ; le bois de cet arbre étant dur, fort et léger. On l'emploie de plus en plus pour les parquets, les maisons, les intérieurs et les planches ainsi que pour les boîtes et caisses. Les bûclies de ce bois, d'une largeur de 6 pouces ou davantage sont de vente facile. On a soigneusement éprouvé cette charpente à Melbourne, Adélaïde et Sydney et on l'a trouvé propre à la fabrication des parquets, des lambris, de panneaux de plafonds et d'encadrement. Les rapports financiers de ce pin par arpent, d'une croissance si rapide, varient de 80 à 150 livres sterling pour les arbres de 25 à 30 ans. PRÉPARATION DU BOIS DUR Afin d'éprouver à fond nos bois durs naturels, nous avons bâti à Melbourne des usines d'assaisonnement d'Etat où les frênes blancs et rouges sont chauffés au feu au moyen d'un procédé à la vapeur. Le travail est limité à présent à la charpente destinée à la fabri- cation des parquets et de l'ébénisterie. Ce procédé a eu un grand succès de sorte que d'autres charpentes, y compris le bois noir, destinées à la fabrication de l'ébénisterie seront traités bientôt de la même façon. |ECOLE FORESTIÈRE On a établi à Creswick, ville située sur le penchant de la chaîne de montagnes centrale à environ 85 rpilles au nord-est de Melbourne, une école forestière de théorie et de pra- lique. On n'y admet que des élèves ayant réussi à passer l'examen de compétence d'entrée . Les sujets traités sont les suivants : l'anglais, les mathémptiques, la botanique, la géologie, la chimie, la physique, l'inspection forestière et théorique. On emploie tous les moyens pour assurer la complète instruction pratique dans les pépinièfes et dans les plantations, afin qu'elle soit aussi étendue que possible. Le cours de l'instruction comprend une période de trois ans, et les élèves réussissant à pesser l'examen indispensable à la fin des cours sont enrôlés comme cadets dans le service des Forêts de l'Etat. J'ai joint à cet article un appendice traitant les plantations démontrant dans u^e forme sypnotique la croissance des arbres à cônes en Grande-Bretagne et à Victoria respec- tivement. Dans cette table, on verra que par suite, du climat plus doux de Victoria, la croissance de presque tous les arbres mentionnés est plus rapide que dans les Iles Britan- niques. Il est évident que cela doit avoir pour résultat un rotnur pécuniaire aussi plus rapide de la vente des pins (-A des sapins d^- l'Australie du Sud. 897 COISGRÈS FORESTIER CBOISSANCE BES .^BRES PORTANT DES CÔNES EN GkANDE-BKETAGKE ET EN VICTORIA* KOH ORDINAIRE PiD de Corse. Pin de Monterey NOM BOTANIQTTE ENDROIT Pinus lartcio. Boconnoc, E. Hopetown, S. Fota, I Macedon, V.. Creswick, V.. p. radiata, vel in- signis Linton Park, E. Dropmove, E.. . , Powerscourt, I. Macedon, V — Creswick, V.. . Pin de Jeffrey.. Pin de sucre. Pin de goudron de Goulter Pin de bœuf. P. Jeffreyi. Fordell, S. Revesby, B. . iMacedon, V.. P. Lambertiania. . Poltalloch, S. Revesby, E. Macedon, V. P. Ooulteri. P. Ponderosa. Linton Park, E. Macedon, V Linton Park, E. . pieds ponces 79.0 71.0 70.0 43.0 53.0 62.0 90.0 79.0 82.0 108.0 110.0 115.0 80.0 53.0 50.0 48.0 58.0 50.0 51.0 44.0 63.0 63.0 Pin blanc. Pin Torrey . . . Pin Digger Sapin Douglas P. Sirobus. Orton-Longue- ville, E Wittinghame, S. . Macedon, V Scone Estâtes, S. Murthlv, S P. Torreyana . ■ ■ ■ P. Sabiniana Pseudotsiiga dou- glasii Macedon, V. Dropmore, E. Lyndoch, S. . pieds pouces 5. 9 4. 9 3. 2 10. 0 11. 0 63.0 50.0 77.0 90.0 50.0 48.0 54.0 65.0 120.0 91.9 9. 0 6. 8 4. 7 4. 6 70 14 17 45 52 4. 6 9. 6 7. 6 7. 8 4. 1 5. 9 7. 6 11. 0 12. 0 11. 2 12. 0 52 10. 0 32 10. 6 26 12. 0 34 10. 7 34 5. 0 18 3. 0 17 3. 6 35 6. 8 36 6. 8 30 43 30 25 30 45 30 55 24 30 34 61. 57 57 Glaise; s. -s. spath, glaise. Glaise, sablon- neux; s. s. «tilly». Glaise légère; s. s. marne. Argile schisteuse mauvaise. Argile schisteuse mauvaise. Glaise raide; s. s. fragment de Kent. Glaise légère; s. s. gravier. Glaise, tourbe, s. s. gravier, sable. Argile schisteuse mauvaise. Argile alluvia. Argile schisteuse mauvaise. Glaise; s. s. «tilly» ouvert. Glaise. Argile schisteuse mauvaise. Glaise et tourbe; s. s. rocher», gra- viers. Glaise. Glaise raide; s. s. fragment de Kent. Glaise raide; s. s. fragment de Kent. Glaise fertile. Glaise rouge; s. S. gravier sablon- neux. Glaise; s. s. «tilly ^ Glaise, tourbe; s. s gravier, argile. Glaise; s. s. gra vier. Glaise; s. s. «tilly» — 8ii8 — INTERNATIONAL 1913 NOM OEDDîAIEE Sapin Douglas. Sapin Menzies.. . Sapin des Hima- layas NOM BOTANIQUE Pseudotgusa dou- Sapin blanc Arbre mam- mouth Picea sitchensis (Abies Menzie- zii) Picea Morinda (Abies Smith- iana) ENDROIT Dunkeld, S . Macedon, V. Bois rouge de Californie Cèdre des Hima- layas Picea Alba Séquoia Gigantea. . Séquoia sempervi- rens Hopetown, S.. . , Linton Park, E.. Macedon; V Linton Park. E. . . Studley Royal, E Macedon, V Cèdre du Liban. Cedrus Deodara. . . Cedrus Lebani. Boconnoc, E Fota, I Macedon, V Studley Royal, E, Rossie Priory, S.. Fota, I Macedon, V Hewell Grange, E. Macedon, V HAUTEITR pieds pouces 94.0 81.8 72.0 76.0 71.0 50.0 52.0 72.0 72.0 71.9 75.0 75.0 66.0 70.0 70.0 65.0 63.6 50.0 50.0 cmooNP. pieds pouces 12. 0 6. 2 6.10 8. 0 8. 0 4. 0 4. 6 10. 6 8. 0 10. 9 Abréviations : E. — England (Angleterre). S. — Scotland (Ecosse). I- — Ireland (Irlande). V. — ■ Victoria. s. s. — Sous-sol. 57 34 34 70 45 30 34 30 28 34 Glaise légère; s. s gravier. 13. 0 40 7. 6 " 6. 9 34 7. 6 60 5. 9 I) 6. 0 » 6.111/2 16. 0 34 100 4. 6 34 Glai se, sablon- neux;s.s.«tillyi'. Glaise rai de ; s . s . fragment de Kent. Glaise; s. s. pierre calcaire. Glaise; s. s. argile raide et gravier. Glaise; s. s. spath, glaise. Glaise légère; s. s marne. Glaise ; s. s. pierre calcaire. Glaise; s. s. gra- vier. Glaise légère; s. s. marne. Glaise légère; s. s. rochers. — 899 CONGRES FORESTIER ANNEXE E TRA^^SPdUM DES PIIOBIITS FOKESTIEîiS COMMUNICATION DE M. P. LETURQUE Membre de I" Chomlirr de Cuini/ii-i'^e d Orlénns rt du Loiirt Le Congrès loreslier international, en sedonnani )a lâche de rechercher « les amélio- « rations à apporter dans riitilisation des produits forestiers, les réformes législatives « ou administratives de nature à assurer la conservation et Tamélioration des forêts « domaniales et particulières ■, met, par là même, dans son programme, l'étude des con- ditions de transport des produits forestiers. Une grande partie de ces produits, bois de tous usages, charbons de bois, écorces à tan, ne peuvent, aujourd'hui, être utilisés sur place et doivent être transportés, souvent, à des distances considérables, la plupart du temps, par voie ferrée. Or, en France, le rail, cpii est notre grand transporteur, — en attendant ciue les voies navigables puissent hii aider, — impose aux procluits forestiers des tarifs écrasants, et hors de proportion avec la valeur du bois. Cette injuste rétribution du transporteur entre, pour une grosse part, dans l'amoin- drissement du revenu du propriétaire forestier, cpii, bien plus qu'autrefois, doit se servir du rail pour écouler ses prodiiits. Quelques exemples : Expéditions du charbon de bo'is d'un grand centre de production, la Nièvre, par exemple, en Beauce : d'Imphy à Étampes, 245 kilomètres = 19 fr. 90 de la tonne, soit 8 centimes 1/2 delà tonne kilomètre. C'est-à-dire 1 fr. 20 du sac de charbon qui rapporte à peine 1 franc au propriétaire du bois. Voici un stère de bois de sapin destiné au chauffage des fours de boulangers. Il part -ATIONAL 1913 _ _ _ o o — o o S © c cr o o 5 o -., _ co r^ — 1 u --D »— i.T ■-C c^ -M l-^ r^ O o O' * — O o o o fi o o o 0-. r^ — ti o oc r^ C-l -^ • - c/^ o L^ ce o 1 ^ ooo c: — Oî o o o ce L j _ M -M Oi o oc CTJ 3 c o L-T C2 — -- £ 00 C-. o ■X. ^ "~ • O ce rt LO — L- -M •>) -^ r>. T-( c^ ^D Pî ^ 00 1/5 ir; •X 00 o ^r ^ — O c-i — ■ (^^ co — vc 00 00 V.O ^-î- — ' — ~i 'TH c-3 •-:: -S" o o o o o o o o o o o := o o o o C CC' lO -J' co C-) 00 M o t^ — o -Xi ?3 o O O' O O O' O O O O O O O OOOOOOOOOOOO — _ o o o o O' o o o O' o o ■^ i.'C' -M 00 TO Ô o» ce oc -M — CO CO o *-* CO C^ (M 00 o o o e o o =; © •?( I> L- — = o o i-Ci--; o cni o ce ira n r^ ce oc "M r^ w2 t^ ri ce — ^ o -^ o o oc C5 ao ce [^ -M lo (M --< 5 o LC le ce e< e< r^ ce CI î-i ai ri lo m (M ir^cer^cooceooo^^Oiio CO CO (T) .rH -T) we •- 00 o Cï o^ o --o i^ o o r^ o ■M -x te -x ^- » ce oc vc r^ ce ce O' ce Lo ei_oooccoooooo ceo-rircoooioooOLeue ce o r^ o r-^ ue ei i> r^ L-e ce os ce -js o (M ue o Oï 00 I> OiO'^oo-x^c-xtcce^o'î^ — itc— icec^ Q0(Mr^ceK3ice ce^j'vji.^ ^oc^ce 00 ai o- ce o e-l rH <,< ce oo -M ■M ce t: ce c> o o o o ô ô 000 000 000 000 t) 000 000 000 000 000 000 000 o Cl o -r r< ô Cl -3 ce o oc r^ O *— o Cl r^ ^ 'X Le •-•^ ce Cl ce te aïooood cB.^LOceoocoo i:^ej<*'r^;2;"^t-^ceceocr) ce le -^ce i_e ce • e -M oc te ce 00 — ^e Cl o — . --o •e r^ 00 ^r Le C^ (T) VC ce ce 1/5 Le ce — r^ o <*< <* Le CO LO o (M oc o o o O' o O' o o o o o OOOO O'OOOOOO — OOO-^OOOOCOO ^^oc^ ^occicicecetDO ooocecojiSîMte^fr^r^ioc-) ■-3 •:-< -^ oi ^5; »-•!' 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Tableau des importations et des exportations DES BOIS de CON.STRUCTION CHÊNE PENDANT LES DERNIÈRES ANNÉES {tonnes de 1.000 kilogrammes) IMPORT ETIONS EX 1010 t'RAXCE li)ll EXPORT 1900 AflOXS DE FKAXCE lOOll 1910 1911 Bois ronds liriits Traverses tonnes 1 .545 1.877 8.946 13.601 22.618 tonnes 2.220 1 . 399 9.921 12.425 20.782 tonnes 1.407 988 5.177 12.329 19.502 tonnes 20.637 20. 1 15 ;!.749 3.727 1 . 935 tonnes 21.639 25.065 3.810 3.680 1 . 938 tonnes 28.535 19.832 4.560 4.145 2.512 Autres liois é(|iiarris.. . . Bois éqiiarrisde80à35% Boissrjes 35 '"„';et au-dps. Totaux (])...,... 48.587 46.747 39.403 50.163 56.132 5 6 . 5 8 'i (1) Les merrains de chèni' et les Tiois de ( hautîafre eli pne ne sont )as compris dans ce taldeau. — 904 l>TERN\Tr<)NAL 1913 KKCKPTION A LIIOTEJ. DE VILEE DE PARIS LE VENDREDI 20 JUIN 1913 A l'issue de la séance de clôture, le Conseil Municipal de la Ville de Paris a reçu, à l'Hôtel de Ville, les membres du Congrès Forestier International de 1913. A cette réception, les discours suivants ont été prononcés : Discours de M. CIiassaigti^'-Goijoii, président du Conseil municipal Monsieur le Pi'é.«ideiit, Mesdames, Messieurs, Nous devions au Touring-Cluli de nuf\ix: cdnnaîlre ks paysages charmants, les site? grandioses de notre France et voici qu'il nous a conviés à un Congrès de véritable défense nationale. Nulle institution n'était plus qualifiée pour prendre l'initiative de cette patriotique croisade pour le s alut de la Forêt française, l'un des plus beaux fleurons de notre cou- ronne champêtre, et la mener à bien. Jusqu'à ces ''ornières années, l'importance de la que"; lion fore'lière n'avait pas été comprise e L le législaîeui l'ax'ail nt-gligée. Il est vrai, qu'aux temps lointains on les futaie? séculaires couvraient le sol, le fait de les défricher était considéré comme un service rendu à la collectivité. Le droit ancien, le droit romain, n'ont pas songé à les protéger et les quelques textes d'Ulpien que l'on pourrait citer défendent les droits du propriétaire et non ses arbres. L'ordonnance (l'août 1669 et l'arrêté du Directoire exécutif du 28 floréal an IV, ne visaient guère que les arbres en bordure des routes. Le code forestier ne s'applique, d'une manière générale, qu'aux forêts appartenant à des collectivités et les lois des 28 juillet 1860 et 8 juin 1864, relatives, la première au reboisement, et la seconde au gazonnement des montagnes, tendent bien à la conservation et à la restauration des forêts, mais n'ont aucunement paré aux dangers du défrichement. Je ne veux pas vous entraîneur, Messieurs, dans l'exposé complet d'une réglementation plutôt touffue, sij'e)se m'exprimer ainsi. Je me bornerai à vous rappeler que les premiers germes d'une législation répressive de l'abus du défrichement se recnontrent dans le décret de l'Assemblée nationale du 11 décembre 1789 « concernant la répression des délits qui se commettent dans les forêts et bois» . Seule des texte postérieurs, la Loi du 4 avril 1882 a établi un régime de protection des plus énergiques pour la restauration et la conservation des terrains boisés en montagne, régime qui vient d'être fort heiireu- — 905 — CONGRES FORESTIER sèment compléié par l'adoption toute récente de la proposition de l'honorable M. Audif- fred, qui permettra d'étendre à nombre d« forêts les règles de la sylviculture. Nous possédons d'admirables futaies qu'il nous faut défendre contre le terrible déboi- sement de ces quarantes dernières années. Sans vouloir passer une revue complète des mesures proposées pour arriver à ce résultat et examiner ici toutes les questions qui ont été magistralement traitées dans des rapports remarquables et très pratiquement dis- cutées et résolues au cours des séances de votre Congrès, je ne signalerai que les plus importants des vc&ux adoptés par vous. Vous êtes unanimes à demander la diminution des impôts, des charges pesant sur la forêt, qui encouragerait ses propriétaires à la conserver et à l'agrandir. Elle devien- drait alors une source de revenus certains et rémunérateurs. Les landes incultes n'ont- elles pas dû la richesse à leurs pins résineux ? M. Defert, le très distingué président du Comité de ce Congrès, préconise judicieuse- ment un système de réserves forestières, indivises, assurées de perpétuité, et dont le stock permanent servirait de régulateurs au marché national. Les communes, les grandes associations reconnues d'utilité publique, toutes les collectivités jouissant de la person- nalité civile paraissent désignées pour procéder à la reconstitution de ces réserves fores- tières. L'État, de son côté, doterait largement la caisse destinée aux achats des paysages forestiers, comme M. le Ministre de l'Agriculture a bien voulu nous le faire espérer dans son remarquable discours d'ouverture du Congrès, et les Commissions des sites déter» mineraient les beautés naturelles qui méritent d'être conservées. Il faut à tout prix sauver nos arbres, sentinelles avancées contre les eaux montantes^ ils opposent aux torrents et aux avalanches la meilleure des digues. Le fléau de l'inon- dation, nouveau Macbeth, sera vaincu par la forêt. Je vous parlais tout à l'heure, Messieurs, de défense nationale et ma pensée ne s'arrê- tait pas seulement à l'inondation menaçante. Déraciner nos arbres séculaires, c'est arracher les pages de notre histoire. Nos chênes géants ont abrité le berceau de la Gaule ; le gui def leurs vieux troncs était la fleur sym- bolique de la Patrie, la parure de nos aïeules, déjà coquettes et adulées, quand il était tombé sous la faucille d'or. Nos ancêtres, Mesdames, avaient le respect, le culte de la femme et lui donnaient, près de leurs druides, une place d'honneur, sans même lui demander d'être ves taie. Quand, plus tard, l'âme française éprise de mysticisme, de grâce et de beauté, com- mença à se dégager de la brume médiévale, c'est à la Forêt qu'un peu naïvement nos artistes demandèrent leur inspiration pour élever ces prestigieuses cathédrales qui, de Rouen à Strasbourg, émerveillent encore le monde. C'est dans les futaies des Arvernes que s'organisa la défense nationale au temps de Vercingétorix et, dans notre histoire contemporaine, la forêt d'Orléans n'a-t-elle pas, de ses troncs enlacés, retardé en 1870 l'invasion triomphante? Conservons jalousement les témoins de notre passé et plantons — même à notre âge — de jeunes et vigoureux rameaux. Que toujours le voyageur retrouve sur notre terre cette collection unique d'essences variées ; depuis le saule charmant qui a vu fuir les nymphes, jusqu'à l'olivier d'argent, parure de la mer bleue. Conservons nos sapins, à la verdure éternelle, nos frênes, nos bouleaux, nos charmes, aussi beaux dans leur parure printa- niêre qu'en leur automne doré, nos châtaigneraies, sous lesquelles se joue la lumière, et nos trembles frissonnants. Conservons la Forêt, cette réserve de santé et de joie. Elle offre aux pauvres souffrants ses trésors inépuisables d'oxygène, aux regards fatigués le vert reposant de ses fron- daisons, aux découragés, l'asile de ses futaies, aux poètes amoureux, ses charmilles ombreuses. La Forêt ! Mais n'est-elle pas le temple de notre vieille gaîté nationale ? Jamais faunes et nymphes, que je sache, ne furent jamais neurasthéniques ! Laissons à la gravité de l'hidalgo, au fatalisme de l'Arabe, leurs sierras désolées et leurs déserts brûlants. Sous la feuillée doit retentir le rire gaulois. Joyeusement, j e lève mon verre en l'honneur des représentants éminents des nations étrangères qui ont bien voulu prendre part au Congrès international forestier, et je leur souhaite, au nom de la Ville de Paris, la plus chaleureuse, la plus cordiale bienvenue dans notre Hôtel de Ville. Je bois au Touring-Club de France dont l'importance et la renommée ne cessent de croître, à son très distingué président, M. Ballif, à l'actif et dévoué président du Congrès, M. Defert, à tous ses membres enfin. Je vous remercie, Mesdames, d'avoir bien voulu animer et embellir de votre charme et de votre grâce cette réception qui, s ans vous, eût été un peu austère et je vous demande la permission de porter respectueusement votre santé. {Applaudissements). 906 INTERNATIONAL 1913 Discours de M. Aubanel, Secrétaire général de la Préfecture de la Seine Messieurs, L'Administration parisienne que j'ai l'honneur de représenter est heureuse de se joindre à M. le Président du Conseil municipal et à M. le Président du Conseil général de la Seine, pour vous présenter ses souhaits de bienvenue. Elle a été vivement intéressée par les questions inscrites à l'ordre du jour de vos séances, et dont certaines font l'objet de ses propres préoccupations, et c'est avec la certitude d'en retirer d'utiles enseignements qu'elle a prêté à vos travaux une scrupu- leuse attention. Interprète fidèle de M. le Préfet de la Seine, qui n'a pu, à son vif regret, venir vous recevoir personnellement, mes comphments s'adressent tout d'abord à la grande et populaire Association qui a pris l'initiative de votre réunion. Le Touring-Glub de France est depuis de nombreuses années pour les Pouvoirs publics un auxiliaire précieux dans la sauvegarde des beautés et des richesses naturelles de notre pays, dans l'amélioration de ses routes et la fréquentation de ses sites. A son école, nos jeunes générations ont pris le goût du tourisme et des exercices de plein air également favorables au développement des forces physiques et de la santé morale. Aujourd'hui, c'est un titre nouveau à la reconnaissance publique qu'il s'est créé en proposant à vos délibérations l'étude des questions intimement liées à la salubrité, à la sécurité et à la prospérité économique de nos provinces. L'importance et l'attrait de ce programme ne sauraient être mieux attestés que par le nombre et la qualité des adhésions qui ont répondu à son appel. Le Touring-Club de France peut à bon droit se féliciter d'avoir groupé pour la défense de la Forêt plus de 700 congressistes appartenant à 25 nationalités différentes. Vos rapports, que j'ai eu plaisir à parcourir, ont traité avec un égal succès de sujets très variés ; il nous a été particulièrement agréable de relever au bas d'une notable partie d'entre eux, la signature de fonctionnaires de l'Administration forestière qui forment dans nos grands services publics une administration d'élite, et ont, en cette circon- stance, justifié une fois de plus leur réputation de compétence et de savoir. {Applau- dissements). Mais auprès de nos nationaux, nous avons hâte d'adresser un déférent hommage aux congressistes de nationalité étrangère, qui ont bien voulu nous apporter le précieux appoint de leurs connaissances. Dans cette maison commune où se formulent les vosux de la Cité, je les prie d'agréer l'expression de la sympathie de nos concitoyens qui, avec nous, leur sont reconnaissants de leur collaboration à une œuvre d'intérêt international et s'estimeront heureux s'il a pu s'en dégager, en même temps qu'un avantage matériel ,un sentiment de concorde et de solidarité humaine. {Applaudissements). Discours de M. Laurent^ Secrétaire général de la Préfecture de Police^ représentant M. le Préfet de Police Mesdames, Messieurs, M. le Préfet de police éprouve le vif regret de ne pouvoir venir vous complimenter personnellement, en raison de l'obligation où il se trouve de se consacrer, pendant tout cet après-midi, aux débats d'une question qui est du plus pressant intérêt pour son administration. Il m'a donné l'agréable délégation de vous saluer en son nom et de voue assurer de l'attention avec laquelle il a suivi les travaux de votre congrès international, aussi bien que de ses souhaits de voir aboutir les avertissements et l.s enseignements qui se dégagent de vos délibérations, et les projets de résolutions que vous recommand.z à la sanction des gouvernements. Nous avons accueilli avec une grande satisfaction l'initiative du Touring-Club df France qui a été le grand patron de votre réunion. Nou.'i lui devons, en qu Iqucs anné. s d'existence, beaucoup de bienfaits. Il a aidé puissamment à faire la routt mieux entr^^- tenue et plus belle, l'hôtellerie plus coquette et plus saine, à répandra le goût du voyage à nous guider vers des sites que nous ne visitions pas assez, parce qu'ils étaient prut être tout près de nous, et à donner à notre pays, pour le plaisir eles yeux et f)ar l'enlrijineTt — 907 — CONGRES FORESTIER iiienl des forces physiques de ses enfants, la connaissance de lui-même, avec un sentiment raisonné de confiance. De tous les points du globe, vous vous êtes groupés pour étudier en commun une question qui est d'un intérêt vital pour la terre. L'arbre qui, selon les heureuses expressions de M. le Ministre de l'Agriculture, enrichit, assainit et embellit, ne créé pas seulement le charme des paysages ; il est, dans le groupe- ment du domaine forestier, la meilleure digue contre les torrents, les avalanches et les inondations. Vous vous êtes justement préoccupés de sa conservation et, par des vœux qui doi- vent avoir pour conséquence des mesures législatives d'un urgent intérêt, vous avez mis en garde les gouvernements et les administrations contre des défrichements mal combinés ou des destructions coupables. Vos leçons seront retenues dans une nation dont le tiers à peine du domaine forestier est possédé, comme l'on dit, par des « propriétaires impérissables ». Le Gouvernement vous a prouvé qu'il ne laissait échapper aucune occasion de faire œuvre d'intervention utile pour la préservation des forêts. La même pensée a trouvé le même écho dans toutts vos nations. Paris qui aime les arbres et qui en a fait sa parure, ne peut que s'y associer sans réserve. Nous irons encore longtemps « au bois », et, si des lauriert y sont coupés, ce ne sera que pour fêter le succès de votre propagande, et en célébrer les' mérites. Je porte, M:£si(urs, très cordialement, le toast de M. le préfet de police à la santé de chacun des membres du Congrès international forestier, et des dames qui ont donné à vos travaux, l'intérêt et l'attrai^ d*^ lour pnro'iragemfnt t ApplainUssements). Discours de M. Billard. Vice-président du Conseil Général Mesdames, Messieurs, Après le discours si complet et si plein de poésie de notre excellent président, M. Chas- saigne-Goyon, après les deux discours que vous venez d'entendre, de la part de M, le représentant du Préfet de la Si ine et de M. le représentant du Préfet de police, j'aurais à la vérité, mauvaise grâce à abuser longtemps de votre bienveillante attention. Permettez-moi simplement de vous apporter le très vif regret du président du Conseil général, mon excellent ami, Maurice Quentin, qui, retenu par des occupations impérieuses, n'a pas vu venir au milieu de vous. Je sais ce que vous avez fait par ce que j'en ai entendu dire. J'ai été délégué vm peu à la dernière heure pour vous parler et, comme je ne veux pas retenir une attention qui serait beaucoup trop bienveillante, je vous demande purement et simplement, en me résumant, la permission de boire- h l'heureux résultat de- votre Congrès: et de porter votre santé {Applaudissements}. Discours de M. Defert., Président du Congrès Monsieur le Président du Conseil municipal, Messieurs les Secrétaires généraux, des Préfectures de la Seine et'de Police. Monsieur le Vice-président du Conseil général. Mesdames, Messieurs, J'ai le très grand honneur de vous présenter les compliments du Congrès forestier international qui vient de terminer ses travaux et de faire, je crois, de la bonne besogne. La question forestière est devenue, vous le savez. Messieurs, une question mondiale. A ceux qui pourraient en douter, il suffira de citer les sppt cents congnssistes accourus à l'appel du Touring-Club df France, et les \ in gt- cinq États étrangers qui se sont fait officiellement représenter dans ces grandes assises des amis des arbres et du reboisement. Jamais Congrès fonstie n'a réuni, en aucun pays du monde, un pareil nombre d'adhé- rents. C'est, en même temps qu'un succès considérable pour la cause forestière, un 908 — INTERNATIONAL 1913 honneur pour la ville de Paris, d'en avoir été le siège et de voir une fois de plus son nom attaché à une de ces grandes manifestations de solidarité humaine dont elle est coutumière. {Applaudissements.) Dans les vœux émis par te grand Congrès, et dont tous les intéressés pouront fain- leur profit, dans tous les pays du monde, il en est deux qui mtéressent particulière me si t la Ville de Paris, ce sont ceux relatifs au reboisement en montagne et à l'aménagement des bois et forêts de promenade autour des grandes citées. Paris est, entre beaucoup d'autres capitales, exposé aux inondations, et cette menace, trop souvent réalisée, tient pour une grande partie à l'insuffisance des boisements exis- tant dans les parties élevées du bassin de la Seine. On a beau dire et répéter que ce bassin est un des plus boisés qui soit en France, son taux de boisement n'atteint que 24 %, alors qu'il devrait être de 33 au moins. Et puis, il est loin d'être boisé comme il devrait l'être. Les masses forestières du bassin de laStine sont presque exclusivement constituées par des feuillus et, dans cette masse même, il existe de nombreux vides. U y a longtemps qu'un des ingénieurs les plus éminents, M. Belgrand, a signalé la nécessité d'y boiser 30 à 40.000 hectares en résineux, avec indication des emplacements à donner à ces plantations. Un moment, on a pu espérer que les terribles inondations de 1910 feraient faire un pas vers une solution, mais l'étude des moyens d'empêcher le retour du fléau a pris bientôt une orientation différente et les choses en s ont toujours au même point. L'élévation du taux de boisement serait cependant bien utile ; elle viendrait heureuse- ment compléter le système de défense constitué par les puits absorbant.? actuellement à l'essai, car si la méthode absorbante constitue un moyen efficace, les grands massifs forestiers sont eux aussi des absorbants des eaux pluviales, avec cet avantage en plus qu'ils évaporent et que, par leur évaporation, ils entretienennt dans les hautes régions (le l'air, un état hygrométrique qui constitue, lui encore, une protection contre cet. chutes d'eau anormales, que nous voyons dégénérer en cataclysmes. C'est le propre, en effet, des régions dénudées ou insuffisamment boisées, d'aspirer les gros nuages du large, de les faire accumuler sur certains points et de les faire s'abattre en cyclones et cataractes désastreuses, comme celles qui viennent, ces jours derniers, de ravager plu- sieurs contrées de la Champagne et de l'Ile-de-France, et votre concours nous sera précieux pour hâter l'heure des reboisements indispensables à la défense de votre ville. L'autre vœu que je signale à votre attention évoque des idées plus souriantes, mais non moins intéressante. Le Congrès a proclamé la nécessité d'aménager autour des grandes agglomérations, des bois et des forêts pour la promenade, le délassement et la récréation physique et morale des populations laborieuses. L'agglomération parisienne a, plus qu'aucune autre, besoin de cette couronne de verdure, d'ombrage et de beauté, à une époque où les espaces libres dans l'intérieur de la ville vont diminuant sans cesse, puisqu'ils se réduisent à 4 1/2 % à Paris, contre 15 % à-Londres, et 10 % à Berlin. A une époque où les jardins disparaissent avec leurs arbres, pour faire place au moellon, et où les bois de Boulogne et de Vincennes sont devenus vraiment trop étroits pour tous les assoiffés de fraîcheur et d'air fur, le Touring-Club de France a déjà, dans cet ordre d'idées, devancé le but du Congrès en aménageant les bois de Meudon, de Verrières, de Fausses-Reposes et la forêt de Marly. Son initiative se trouve encouragée et vous ne doutez pas qu'il poursuivra de plus belle l'œuvre si bien commencée. Je m'arrête. Messieurs, pour remercier au nom du Congrès, la Ville de Paris et ses représentants, de leur aimable réception. La visite du Palais municipal, que vous voulez bien offrir aux Congressistes français et étrangers, leur donnera une idée de nos beautés artistiques. Ce sera pour eux la préface des beautés naturelles que nous allons leur faire admirer dans leurs excursions à travers la forêt domaniale de Lyons,et nos Alpes Dau- phinoises. Au seuil de cette visite, permettez-moi, M. le Président, de lever à mon tour mon verre à la prospérité de la Ville de Paris, préservée du fléau des inondations et parée de 1» couronne forestière qui sied au front d'une grande cité. Discours de M. de Sébille, Représentant de Belgique Messieurs, 11 est toujours agréable à un Belge d'exprimer à ses voisins, les Français, ses sentiment- de gratitude pour l'accueil si affactueux, si cordial qu'ils lui réservent en toutes circons- tances et tout particulièrement aux édiles de la grande et belle capitale qui nous reçoivent aujourd'hui. — 909 — CONGRES FORESTIER N0U8 n'oublierons jamais que c'est grâce au concours des années françaises que notre Indépendance a été assurée. Nous devons aussi à la France notre première reine qui a laissé parmi nous d'impérissables souvenirs de beauté et de générosité. Nos deux grands fleuves, l'Escaut et la Meuse prennent leur source en France, de sorte que nos eaux couleront éternellement chez nous de l'Ouest au Nord et du Sud à l'Est. De même la poussée française, quoiqu'on puisse faire, aura une éternelle influence sur la mentalité belge. Les liens de la reconnaissance qui nous font aimer et estimer votre pays et souhaiter que nos relations soient de plus en plus cordiales vous assurent de la sincérité des vœux que je forme pour la France et en particulier pour la Ville de Paris, qui nous fait le grand honneur de nous recevoir à l'occasion de ce Congrès. Je lève mon verre à la prospérité de la Ville de Paris et à la gloire de la France. Une visite de l'Hôtel-de-Ville a été ensuite effectuée sous la conduite du Président du Conseil Municipal. — 910 INTERNATIONAL 1913 EXCURSION DANS LA FORÊT DOMANIALE DE LYONS le Samedi 21 Juin 1913 Le samedi, 21 juin, le Congrès a fait une visite aux somptueuses futaies de hêtre de Lyons-la-Forêt, en Normandie, sous la direction de M. Pintiau, inspecteur des Eaux et Forêts, délégué du Touring-Glub de France à Lyons-la-Forêt et Gouilly, garde général des Eaux et Forêts à Rouen, La forêt de Lyons se compose d'une série de massifs séparés les uns des autres par de verdoyants pâturages et des vergers chargés de fruits : véritable damier dont la masse sombre des bois figure les cases noires et les prairies, les blanches. Le hêtre en est l'essence dominante. Il s'est taillé là un royaume, et quel royaume ! peuplé de sujets magnifiques dont quelques-uns, hors de pair, ont fait l'admiration de tous les congressites. Leur enthousiasme ne connut plus de bornes quand, après avoir traversé de superbes hêtraies, la caravane arriva aux antiques futaies du Catelier, que l'administration forestière a récemment constituées en réserve ornementale et qui forment un trésor désormais intangible. Un sentier a été aménagé à travers ce monde de géants plusieurs fois centenaires et bientôt, sous la voûte majestueuse de leur feuillage, grâce au Touring-Club, s'élèvera, à l'intention des promeneurs, un kiosque rustique qui sera comme un reposoir érigé par la pitié des fidèles au culte des beaux arbres. Dirai-je le déjeuner champêtre, au cœur de la forêt, à l'un de ses plus beaux carrefours, avec accompagnement de fanfares de cors de chasse dans le lointain des bois et de toasts enflammés à la Gloire de la Forêt, du T. G. F. et du Congrès? Cela n'est intéressant que pour ceux qui ont pris part à ces agapes forestières, et pas n'est besoin pour ceux-là d'en évoquer le souvenir. Mais ce que je tiens à dire et ce qu'il faut dire, pour rendre hommage à la vérité autant que par reconnaissance, c'est que Lyons n'est pas seulement le pays des grands bois ; c'est aussi celui de la bonne chère, le tout agrémenté de l'hospitalité la plus avenante dans ce frais village normand si joliment tapi dans l'écrin vert de ses forêts où les excursionnistes ont été l'objet d'une réception triomphale. — 911 — CONGRES FORESTIER Ont pris part à rexciirsiou : M., Mme «-t [Mlle Defert. MM. Boullenger. Gha- plaiii, Umbdenstock, Bacon de la Vergne, Badu, Baquedano, Barbet, Barbier Etienne, Barbier Honoré, Barbier de la Serre, de Bazelaire de Lesseux, de la Benodière, Bertrand, Blondeau, Blondel, M. et Mme Bommer, MM. Bonnet, Bouisset, Boulanger, Bouvet, Boppe, M. et Mme Broussais, MM. Paul Camus, Carbonnier, Gaidot, Carraz, Gaubert, Chancerel, Ghaudey, D"" Gost, Délaye, Delville, Deroye, Dole, Dubois, Ducamp, Duparc, Dupont Paulin, Duras Chastellus, Baron d'En causse, Eymieu, Gazin, Geisser, Giraud, Gouget, Gouilly, M. et Mme Goureau, MM. Graffin, Gomte de Grancey, Gréa, Guillemin, Guillot, Guillou, Guyot, Henriquet, Hermans, John Hill, Hubault, Imbart de La Tour, Jobez, Jolain, Jousset, Kern, Krarup, Ladam, Lahaussois, Laval, M. et Mme Jules Lecoq, MM. Lefébure, Le Mire, Leroy-Moulin, Lescouzères, Capi- taine Lombard, Maire, Marcigiiey, Margaine, Martin André, Martin Paul, Mendes d'Almeida, Menget, Mimura, Nouguier, d'Orlye, Otin, Pardé, Pascal, Pierronne, Pintiau, Poisson, Polako, M. et Mme Poussard, Rœser, Rousselet, Roux, Roy, de Sailly, Schaeffer, de Sébille, Mme Simon, MM. Sinturel, Sutherland, Tanassesco, Thays, Thil, Thiollier, Thivel, Thomas, Tortel, Tou- chalaume, Tourtel, de Toytot (Albert), de Toytot (Auguste), Tripier, Trutat, Van de Poil, de Villemereuil, Wahl, Welsch, Woolsey. 912 INTERNATIONAL 1H13 liA.NQUET m; DIMANCHE ;>:> .11 IN ]!)l;i Le dimanche 22 juin, les congressistes se sont réunis dans un banquet servi dans les salons du Palais d'Orsay. M. L. Dabat, Directeur général des Eaux et Forêts, présidait. A ses côtés avaient pris place : MM. Abel Ballif, président du Touring-Club de France ; Henry Defert, président du Comité d'organisation ; Antony, vice-président du Comité d'organisation ; Chaplain, secrétaire général du Comité d'organisation ; Feret du Longbois. directeur du Contrôle au Ministère des Finances ; Julien Berr de Turique, inspecteur général des Monuments historiques ; Guillaume Cap us, délégué de l'Indo-Chine à l'Office colonial ; Ducamp, directeur du Service forestier de l'Indo- Chine ; D"" Marcel Briant, membre du Conseil du Touring-Club de France ; Jacques Ballif. secrétaire général du Touring-Club de France ; De Lagorsse, secrétaire général de la Société d'Encouragement ; J. Ber- thelot, trésorier du Comité d'organisation ; A. Umbdenstock, secrétaire administratif du Comité d'organisation ; Désiré Pector, consul général de Honduras ; Pedro E. Valdez, consul de l'Equateur ; Enrique Dorn, y de Alsua, chargé d'affaires de l'Equateur ; D"^ A. Nemours, ministre d'Haïti ; Julio Llanos, Miguel F. Cazares, délégués de la Républiqin' Argentine ; Baron de Hennet, délégué d'Autriche-Hongrie ; Peter Mai- Bride, délégué de Victoria (Australie); Mme et Mlle Bride; MM. Ed. Hermans, délégué de l'Administration des Ponts et Chaussées de Bel- gique ; De Sébille, Blondeau, Dubois, délégués du royaume de Belgique ; Krarup, délégué du Danemarck ; Woofsey, délégué des États-Unis ; Forbes, Augustin Henry, délégués d'Irlande ; Shozaburo Mimura, délé- gué du Japon ; Badu, délégué du Grand Duché de Luxembourg ; Tony Wenger, délégué de la ville de Luxembourg ; Miehel Tanassesco, délégué de la Roumanie ; Kern, délégué de Russie ; Comte (^lary, délégué de la Principauté de Monaco, etc. ; Honoré Audiffred, sénateur ; Challamcl, député, président du Groupe forestier de la Chambre des Députés ; E. Cardot, Edouard Vivier, Pieire Leddet, Pierre Mougin, Baron de Belinay, lliisch, Jules Gai B. de Laffotte, Comte de Vogué, Pierre Mtsse, Paul Léon, C. Mongenot, Herbert Welsh, G. Gouget, Ch. Gariel, R. Volmerange, Edouard Martin, Charles Delahaye, G. Geneau, André Schfeffer, Mauiice Bouvet. Picrrr- Lièvre, René Ducbomin, Jules Marcel, — 913 — CONGRES FORESTIER A. Arnould, Paul Gouilly, J. Dem or laine, Paul Dupuich, Paul Coulet, Émery, J. de Peyrelongue, Maurice Mangin, Joseph Thiollier, Gustave de Veyssière, Cyprien Girerd, Ch. Guyot, J. Madelin, Fernand Deroye, André Jousset, Michel, Léon Pardé, H. Barbier, Brally, Eugène Poisson, Sauvage, de Sébille, Caquet, capitaine Lombard, Van de Pool, de Lar- nage, de Nicolay, Anselme Changeur, Rivé, Maître Jean, comte Imbart de La Tour, Margaine, de Monchy, Vivier, Deroye, Sinturel, Carbon- nier, etc., etc., Les principaux journaux étaient représentés. La musique du 104^ régiment d'infanterie, sous la direction de M. H. Vivet, s'est fait entendre pendant la durée du banquet. Au dessert, les discours suivants ont été prononcés : Discours de M. Ballif, président du Touring-Club de France Messieurs, J'ai l'honneur de vous proposer la santé de M. le Président de la République française, ainsi que des Chefs des États qui ont pris part à ce Congrès. (Applaudissements.) Monsieur le Directeur général, Messieurs, Au cours de ce magnifique Congrès de la forêt, il a été dit beaucoup de choses et de bonnes choses, et cela m'a inspiré une certaine réflexion, dont je vous demande la per- mission de vous faire part. On a beaucoup parlé des intérêts économiques en jeu, du rendement de la forêt, des meilleurs modes d'exploitation, des charges sous lesquelles elle succombe. On a parlé de tout cela et j'y applaudis des deux mains, mais c'est l'idée d'utilité, et c'est à peine si l'idée de beauté a trouvé quelques défenseurs. Et cependant, Messieurs, n'est-ce pas le plus important? Je dirais volontiers que cela seul est important {Bravo!). Rien sur la terre n'existe que par la beauté. C'est la beauté répandue dans toute la nature qui est pour nous la source des joies les plus élevées ee les plus pures. (Applaudissements.) Elle nous est aussi nécessaire que l'air que nous respirons, que les aliments qui nous restaurent. J'en veux prendre un exemple ici même. Je vous le demande, Messieurs qu'est-ce qui a constitué le charme de ce repas? Sans vouloir médire en aucune sortt de la cuisine, n'est-ce pas plutôt le décor, la lumière, les fleurs, la musique, tout ce qui en un mot, est la beauté. La beauté, de tout temps, a régné sur l'univers. En France, plus que partout ailleurs, on ne saurait l'oublier, et pour ma part, je saluerais avec joie la création d'un ministère de la Beauté publique. (Applaudissements.) Et je lui donnerais le pas sur tous les autres. (Applaudissements.) Je pense bien que cela ne sera pas offert à un autre qu'au Sous- secrétariat des Beaux-Arts, qui, du coup, se verrait passer le premier des ministères. Or, la forêt — et c'est à cela que je veux venir ■ — la forêt est la beauté de la terre. C'est elle sa belle parure. Bravo pour ceux qui veulent en tirer toute l'utilité possible et désirable, c'est tout à fait légitime, mais hourra cent fois pour ceux qui veulent la voir toujours belle, toujours parée de son bel habit vert. C'est à ceux-ci, c'est-à-dire à vous tous, qui êtes ses amis et ses admirateurs, que je lève mon verre, ainsi qu'à la forêt, beauté de la terre, à la forêt toujours belle ! (Applaudissements.) Discours de M. Defert Monsieur le Directeur général, Messieurs, Si le Touring-Club a, dans le cours de ses diverses entreprises, rencontré quelque succès, je ne crois pas qu'il en aitj amais obtenu de supérieur à celui de ce Congrès. L'idée était dans l'air. Certains même avaient songé à l'organiser, mais ils se sont loyalement — 914 — INTERNATIONAL 1913 ralliés sous le drapeau du Touring, et c'est par la quantité, par le nombre comme par la qualité, que le Congrès forestier international de 1913 aura droit à une place d'honneur dans les Annales forestières pour les résultats pratiques qu'il est permis d'en attendre. Ces résultats, Messieurs, je voudrais les résumer en quelques mots qui vous retraceront les grandes lignes du Congrès et qui en dégageront l'essentiel. Ces résultats sont au nombre de quatre. C'est d'abord la condamnation sans appel de l'impôt forts tier, tel qu'il grève actuelle- ment la propriété forestière. (Hourras.) A cet égard, il y a eu unanimité. C'est la première réforme à faire si l'on veut sauver la propriété forestière privée et les six millions d'hec- tares qu'elle représente, c'est-à-dire les deux tiers de la superficie boisée de la France, et c'est une réforme qui ne peut plus attendre. (Très bien!). Le Congrès aura eu ce résultat de rallier toutes les troupes, et il n'y a plus maintenant qu'à monter à l'assaut d'une législation inique — ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le Ministre de l'Agriculture — pour substituer à cet impôt spoliateur, qui grève la forêt d'aujourd'hui, l'impôt raisonnable, l'impôt modère, l'impôt adapté à la sylviculture privée, et qui, dans tous les pays du monde, — le Congrès en a jeté les bases ■ — assurera l'avenir de la propriété forestière. (Applaudissements.) A ce premier résultat, un autre s'ajoute, qui est de grande importance, et j'insiste sur ce point parce que j'en vois les conséquences non seulement lointaines mais presque immédiates, c'est l'union scellée, définitivement scellée entre tous les intéressés de la forêt, entre ceux qui en vivent, ceux qui la possèdent, ceux qui l'exploitent, ceux qui en transforment les produits et ceux aussi pour qui elle est une source de joie, d'air pur et de beauté. (Applaudissements .) Le Congrès a eu ce mérite de rapprocher tous les intéressés de la forêt les uns des autres. Des discussions ouvertes dans les sections, des conversations qui ont suivi, des propos même échangés à table est déjà né, et s'affirmera encore avec le temps, un désir de colla- boration à l'œuvre commune. C'est une excellente préparation à l'application prochaine de la loi Audifîred, qui permet aux propriétaires de faire appel au concours de l'Adminis- tration forestière pour la gestion et la surveillance de leurs bois. Ainsi tomberont bien des préjugés, bien des préventions, si bien qu'entre gens égale- ment animés d'un esprit nouveau les uns vis-à-vis des autres, esprit d'entente cordiale et de mutuel appui, il n'existera plus de barrières, mais seulement une union durable et féconde qui sera le meilleur ouvrier de la conservation et du développement de nos richesses forestières. (Applaudissements.) Si ce dernier résultat touche plus spécialement notre pays, il en est deux autres qui intéressent tous les peuples. Je veux parler de la constitution d'importantes réserves forestières et de la défense des sites et paysages qui a occupé une large place dans les délibérations du Congrès. (Applaudissements.) La superbe promenade qu'ont faite avec moi les excursionnistes d'hier dans les magni- fiques futaies domaniales de la forêt de Lyons, donne bien l'impression que la formation de pareilles réserves, qui est l'œuvre des siècles, ne peut être assurée que par ce qui dure et que, tout en encourageant les propriétaires à augmenter ]eurs réserves pour leurs arrières-petits-enfants, c'est sur des personnes impérissables, État, communes, départe- ments, établissements publics, qu'il faut surtout et avant tout compter pour en assurer la pérennité. D'autres nations sont entrées dans cette voie. Il est temps que nous nous y engagions nous-mêmes. Le million annuel qui va être inscrit au budget de l'agricul- ture pour l'acquisition, de compte à demi avec les communes et les départements, de forêts ruinées, va déclancher le mouvement, et l'on est en droit d'espérer que ce grand réservoir de capitaux qui s'appelle la Caisse des Dépôts et Consignations, nos Caisses d'Épargne, nos sociétés de Secours mutuels, nos Caisses de retraites pour la vieillesse, nos Caisses de retraites ouvrières, sans parler de tous les établissements reconnus d'uti- lité publique, viendront peu à peu au placement forestier à long terme qui est une avance non remboursable, mais que seuls ils sont capables de faire, des générations présentes à celles de l'avenir. (Applaudissements.) J'ai gardé pour la fin le dernier résultat du Congrès, bien qu'il intéresse plus spéciale- ment le Touring-Club de France, et qu'à ce titre il nous soit particulièrement cher. C'est la protection des sites et paysages, l'aménagement de quelques belles parties de forêts judicieusement choisies en séries artistiques ou en promenades. Cette protection ira s'organisant et se fortifiant de plus en plus dans tous les pays du monde, parce qu'elle est la condition même de l'industrie du voyage, de son développement et de sa pros- périté, dont nous commençons seulement en France à ressentir les heureux effets. Au surplus, l'intérêt du tourisme n'est pas un intérêt égoïste, pas plus que celui des amis des beaux arbres, artistes ou poètes, ou celui des promeneurs. Cet intérêt ne se confond-il pas avec l'intérêt même de la forêt proprement dite ? Que cherchent en effet le touriste, le rêveur, le poète, le promeneur? Le bon La Fontaine l'a dit depuis longtemps dans un langage d'une poésie imagée qui touche au lyrisme. Ce que veut le touriste, le promeneur, le flâneur qu'il était, mais — 915 — ■ CONGRES FORESTIER C'est la douceur des buis, Le tapis vert des prés, et l'argent des fontaines. Ces trois hémistiches contiennent tout le programme forestier ; Pâturages, que parcourent d'énormes troupeaux, Grands bois solitaires, où va rêver le poète, Rivières aux eaux claires et limpides, qui sont à la fois une force et une source de beauté. {Très bien .') Pour donner à cet ensemble de résultats toute l'ampleur qu'il comporte, nous avons deux forces à notre disposition. Nous avons d'abord la Commission internationale per- manente, que vous avez eu la sagesse de constituer ; mais elle n'est pas encore formée, il nous faut faire appel aux gouvernements étrangers. Dès qu'elle sera constituée, son action, n'en doutez pas, se fera utilement sentir. En attendant, nous avons la Presse, et c'est à la Presse que j'adresse ce dernier appel. Elle nous fut précieuse pour la préparation de ce Congrès, et nous la remercions une fois de plus du concours et de la collaboration dévouée que tous les journaux de Paris et de Province ont bien voulu nous apporter dans cette circonstance. Mais la Presse a aujourd'hui un rôle bien plus considérable et bien plus utile à jouer. Après sa campagne commencée depuis huit ans, le Touring-Club de France a préparé l'opinion publique et c'est cette préparation qui a fait le succès même du Congrès. Il a mis cette opinion pour ainsi dire en état de réceptivité. • Eh bien, semez la bonne parole, jetez dans cette opinion les germes qui doivent pro- duire les résultats que nous attendons ; vous ferez ainsi de la bonne besogne et de la besogne patriotique. Il y a longtemps qu'un grand poète l'a dit : « Au plus profond des bois la Patrie a son cœur ! >' (Applaudissements.) Travaillez, Messieurs, travaillez avec nous à cette grande œuvre, faites-vous les auxi- liaires du Touring-Club de France, servez de véhicule à sa pensée et faites qu'elle pénètre jusque dans les coins les plus reculés du pays pour qu'un jour on puisse dire — et ce sera la meilleure récompense de ses efforts : — le Touring a frappé du pied la terre et il en est sorti des forêts, (Applaudissements.) Je m'arrête, Messieurs, et sans rouvrir ici un palmarès de remerciements, de félici- tations et d'élog-s, embrassant tous nos collaborateurs dans une formule commune, je lève mon verre à nos Congressistes d'hier, à nos collaborateurs de demain. (Applau- dissements.) Discours de M. Berr de Turique, inspecteur général des Monuments histO' riques, représentant M. le Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts Monsieur le Directeur général. Messieurs, M. le Sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts, appelé à l'improviste dans son départe- ment, s'est vu obligé de renoncer au très vif plaisir qu'il se promettait de venir présider votre banquet. 11 eût ?imé à venir et il vous eûu dit, avec l'autorité qui s'attache à sa per«onne et avec la tournure d'expression qui lui est propre, combien il porte d'intérêt aux choses qui vous sont chères. Auîsi, en me déléguant pour le représenter parmi vous, m'a-t-il non seulement chargé de v^ous faire agréer ses sincères regrets, mais encore de vous donner la formelle assurance de toute sa sympathie agissante. Comment, d'ailleurs, pourrie7-vous douter de la pleine adhésion du Ministre des Beaux-Art«, alor: t.ue la loi de 1887 l'a in:titué gardien suprême de nos richesses monu- mentales, et celle de 1906, gardien suprême de nos richesses pittorfsques, des parures agsentielles dont s'orne avec une égale fierté notre sol national ! (Appluudissements.) Messieurs, La sollicitude de M. Léon Bérard pour ce qui touche à la défense des paysages ne date pas d'aujourd'hui. Dé' à, l'année dernière, il déléguait un fonctionnaire de son adminis- tration au Congrès international de Stuttgart pour établir le contact entre la législation fran7aise et la législation étrangère en ce qui concerne la protection des sites. En désign'^nt ce même fonctionnaire poursuivre vos discussions^, il a tenu surtout à — 916 — IMTEfiNATIONAL 1913 inonlier sa ferme intention de réunir en un seul faisceau ces divers éléments d'étude.^ alin d'être mieux à même d'en tirer parti et pouvoir, le cas échéant, traduire vos vœux on langage administratif ou législatif, seule manière pour gux de recevoir la vie. Mes? ieui-s, J'ai déjà dit à M. le Sous-Secrétt-ire d'État tout l'intérêt qui s'attache a vos travaux, notamment à ceux de la cinquième section, qui regarde plus spécialement l'Administra- tion des Beaux-Atrs. Je dois avouer, cependant, qu'en venant y prendre part, je n'étais pas sans une cer- taine appréhenfion. Les individualités, les collectivitéï surtout, dans kur ardeur à marcher à la conquête des progrès qu'elles réclament, vont souvent droit devant elles sans trop s'inquiéter dis barrière? rencontiéee sur leu: chemin. Or, en matière de pro- tection des sites, ces barrières sont paifois celles de la propriété privée, et les pouvoirs publics sont obligés d'en tenir compte. Me f?udrait-il donc, presque à chaque pas, vous arrêter dans votre élan et vous montrer l'obstacle? Mais, contrairement à mes craintes, grâce à votre sens profond des réalités, grâce à l9 science juridique de l'éminent président de votre Congrès, gr?ce au tact et à l'autorité du Président dt- la cinquième section, je n'ai pas eu pour finsi dire à intervenir. A pein^; l'oljection se présentait-elle à mon esprit que l'un de vous la formulait en termes excellents, et vous l'acceptiez d'autant plus volontiers qu'elle émanait d'un des vôtres, d'un des congressistes et non pas d'une personne un peu suspecte, de M. le Bureau. (Rires.) Aussi votre Congrès n'a-t-il pas été seulement une grande assemblée dans laquelle de hautes et bienfaisantes paroles furent prononcées, mais encore une sorte de laboratoire dont sont sorties des formules pratiques. Au nom de M. le Sous-Secrétaire d'État des Beaux-Arts, je vous convie à lever nos verres en l'honneur de M. Ballif, Président du Touring-Club de France ; de M. Defert, président du Congrès ; de M. Chaix, président de la cinquième section, de tous les hôtes étrangers, et à boire à l'intangibilité des plus beaux paysages du monde. {Applaudisse- ments.) Discours de M. le docteur Auguste Nemours Ministre de la République de Haiti Messieurs, Au nom du gouvernement d'Haïti, qui m'a fait l'honneur de le représenter ici, à ce Congrès, j'adresse mes remerciements les plus sincères à M. le Président du Touring- Club de France et à messieurs les organisateurs de ce Congrès. Je les remercie du bon accueil qu'ils ont fait, non seulement à moi-même, mais à tous les représentants étrangers, de la bienveillance et de la cordialité qu'ils ont montrées toutes les fois que nous avons tu bt'oin de renseignements, renseignements que je me suis donné le plaisir de demander, jusqu'à la fin de ce banquet. Mais, messieurs, ma gratitude va encore plus loin, car ce ne sont pas seulement des renseignements que j'ai pri ici. Ces renseignements vous opt suffi, à vous qui êtes au courant de ces graves et nombreuses questions, mais j'y ai puisé autre chose : c'est un enseignement complet. Je crois que je ne dirai rien qui choque personne dans cette Assemblée, en affirmant que les choses de la forêt sont un peu spéciales et que tout le monde n'est pas au courant des intéressantes questions que vous avez développées. Je suis du nombre de ceux dont l'ignorance est presque complète sur cette matière, mais je me plais à dire que, non seulement j'ai appris beaucoup dans votre compagnie et en lisant les rapports si importants qui nous ont été distribués, mais que j'ai pris un tel plaisir à entendre ce qui a été dit, à lire ce qui a été écrit, que j'ai été pris conim»^ vous, d'une grande passion pour les choses de la forêt. Je ne puis mieux terminer ce que j'ai l'honneur de dire devant vous, qu'en déclarant que j'apporterai ces enseignements à mon Gouvernement, que je tâcherai d'obtenir de lui, au moins un commencement, un embryon d'organisation d'administration fores- tière, de manière à ce qu'il marche un jour dans la voie que veni'- lui avez hi brillamment tracée. {Applaudissements prolongés. Un ban est battu.) Je ne puis que vous remercier à nouveau de cette nouvelle ni-n-qnc de gratitudf^. 917 — CONGRES FORESTIER Discours de M. Chalamel, député, président du Groupe forestier de la Chambre Monsieur le Directeur général, Messieurs, ' Je ne veux pas retarder par un long discours, celui que vous attendez tous, celui du distingué directeur général des Eaux et Forêts, M. Dabat, qui nous a déjà donné des marques si nombreuses de gratitude et de sympathie, je veux simplement remercier le Touring-Club de France, en la personne de son distingué président, M. Ballif, en In per- sonne du Président du Comité d'organisation du Congrès, M. Defert, d'avoir bien voulu m'inviter à ce banquet. Je veux aussi les féliciter de l'imposante manifestation forestière de cette semaine, manifestation qui a été si excellemment organisée par mon ami Gha- plain, que je suis heureux d'avoir aujourd'hui à mon côté, et qui a donné à cette œuvre toute son activité et tout son cœur {Applaudissements.) Je suis certain que, dans cette invitation, vous avez mis la pensée de demander la collaboration du groupe parlementaire des forêts, que j'ai le très grand honneur de présider, pour que vos vœux puissent devenir le plus rapidement possible des réalités légales (Très bien .') Permettez-moi de vous dire que vous avez eu raison, que vous n'aurez pas frappé inutilement à notre porte et que notre concours vous est pleinement acquis. (Applau- dissements.) Mais, messieurs, votre Congrès n'aura pas seulement des effets matériels, il aura aussi un effet moral, que je considère pour ma part comme extrêmement utile. Il met d'abord l'idée forestière à la place de choix qui lui convient ; il montre que nous ne nous occupons pas seulement ici de questions d'ordre secondaire, mais qu'il s'agit véritablement d'une question d'intérêt national. D'autres pourront chercher à accroître les forces vives de ce pays parle développement du commerce, de l'industrie ; nous, nous nous contenterons, et ce sera une noble tâche, croyez-le bien, de servir la Patrie, en exploitant l'idée forestière. Nous montrerons à nos laborieuses et intéressantes populations des montagnes, que pour elles aussi, peut s'ouvrir une ère insoupçonnée de richesse et de prospérité. Nous montrerons aux populations* de la plaine qu'elles sont solidaires de celles de la montagne et que la prospérité de la mon- tagne domine nécessairement la prospérité de la plaine. Là où ne régnait que la tristesse et que le deuil, là où n'existait que la lande morne et désolée, nous saurons faire surgir de nouvelles richesses, nous saurons faire surgir la gaîté et la joie des pâturages, l'argent des clairs ruisseaux, comme vous disiez tout à l'heure, M. Defert, nous saurons faire surgir l'ombre protectrice, l'ombre bienfaisante de la forêt et nous montrerons enfin que, dans toutes les montagnes françaises, nous pouvons faire disparaître l'ère des torrents. C'est à cette œuvre de prospérité nationale et de rénovation sociale que je lève mon verre, en y associant les noms de M. Ballif, de M. Defert et le nom aimé et vénéré de notre très distingué Dh'ecteur général des Eaux et Forêts, M. Dabat. (Applaudissements.) Discours de M. le baron de Hennet, délégué permanent du Ministère autrichien de l'Agriculture Monsieur le Directeur général. Messieurs, Je vous prie de bien vouloir excuser mon petit discours. Je sais qu'en France, on est très indulgent pour les étrangers. Comme délégué du Ministère dej' Agriculture d'Autriche, et aussi comme propriétaire forestier, je dois tout d'abord remercier le Touring-Glub de France de l'heureuse initia- tive qu'il a prise d'organiser ce Congrès et le féliciter du succès qu'il a remporté — nous sommes tous d'accord sur ce point — succès qui a été peut-être plus grand encore que ses orginisateurs eux-mêmes pouvaient le penser. M's remerciements respectueux s'adressent encore au Gouvernement de la République, qui a bien voulu transmettre à mon gouvernement l'invitation à ( Congrès. Je félicite la France du concours que les Forestiers ont trouvé dans l'Administration de l'Agriculture. — 918 — INTERNATIONAL 1913 Messieurs, Les poètes affirment que les fleurs ont leur langage et que ceux qui les aiment et qui veulent les comprendre les comprennent. Je crois que nos arbres, les grands arbres, les pins, les sapins, les chênes, les hêtres ont aussi leur langage. {Applaudissements) et, quand nous sommes seuls dans nos forêts, soit qu'un vent léger remue les branches, soit qu'une tempête fasse gémir les vieux troncs, et même dans le silence, nous nous entendons avec nos arbres comme avec quelqu'un avec lequel il n'est pas besoin d'échanger des paroles pour se comprendre. (Applaudissements.) Si ces arbres pouvaient parler, s'ils pouvaient nous raconter l'histoire de leurs ancêtres, l'histoire de leurs espèces, je crois qu'ils nous diraient que, parmi les hommes, ils ont toujours trouvé plus d'ennemis que d'amis. (Applaudissements.) Tout d'abord l'homme a défriché les forêts afin de se créer des champs pour vivre. C'était nécessaire, c'était excusable. Puis, il a commencé à dévaster ; il a dévasté pour avoir du bois de chauffage, pour construire des bateaux et, pendant logtemps, pendant des siècles, il n'a pas pensé à replanter. Il cultive ses champs chaque année, parce qu'il sait que l'année suivante il aura une récolte, mais il a cru que la nature se chargerait seule de la forêt. C'était une grave erreur, et nous en souffrons tous. Il n'y a pas longtemps que la sylviculture s'est développée. Elle est la sœur de l'Agriculture, sa sœur cadette, mais je dirai qu'elle est l'expression d'une plus haute civilisation. En effet, nous voyons des peuples sauvages cultiver leurs champs, parfois d'une manière primitive, mais jamais nous n'avons vu un peuple sauvage faire de la sylviculture. (Applaudissements .) L'homme — il en est malheureusement presque toujours ainsi — n'apprécie que ce qu'il est sur le point de perdre et il connaît la valeur que des objets qui lui échappent. C'est pour cette raison que, dans ces derniers temps, le développement des idées fores- tières a pris un si grand essor, et cela a été le mérite du Touring-Club de France, de réunir tous les efforts et de rassembler tous les Amis de la Forêt, dans quelque pays qu'ils se trouvent. Je crois que l'Autriche n'est pas indigne de prendre place parmi eux, puisque, parmi les pays de l'Europe centrale, de l'Europe de l'Ouest et de l'Europe du Sud, elle est presque seule — je dis, presque — à avoir plus que ce qui lui est nécessaire et à pouvoir encore exporter. Notre Congrès — je peux dire aussi ; notre — a pu mettre en lumière certaines idées, il a pu nous réunir pour établir des bases que nous avons fixées dans un accord presque complet. On a dit que les forêts constituaient une richesse nationale, économique et financière. Elle est plus que cela, et vous l'avez entendu dire par des personnes plus compétentes que moi ; c'est une richesse dont prennent leur part toutes les classes de la population, qui retrouvent, après le travail dans les villes et dans les usines, non pas la nature flétrie et dévastée, mais la nature soignée et dirigée par l'homme. Aussi, quand nous rentrerons dans nos forêts, nous pourrons raconter aux arbres qu'ici, à Paris, qui, comme l'a dit Victor Hugo « donne un manteau de lumière aux idées » se sont réunis des amis des arbres. Je félicite encore le Touring-Club de France de l'initiative qu'il a prise, en nous donnant encore l'occasion de nous retrouver, ce qui nous permettra de ne pas voir se clore, après un seul effort, tous les travaux que nous a"vons accomplis ces jours derniers. Je lève mon verre en l'honneur de la culture forestière de la France, dont je salue ici l'élite des représentants dévoués et vaillants. Mes hommages vont à leur patrie, à la France, à laquelle ils rendent les plus grands services, services qui seront peut-être appréciés plus tard à leur juste valeur, mais qui- sont de la plus grande utilité, non seulement pour la France, mais pour l'Europe et pour l'humanité. (Applaudissements. ) — 919 COXORES FORESTIER Discours de M. Bom'et, président de la Société forestière de Fnmdie-Conité et Beljort Monsieur le Directeur général, Messieurs, Ma qualité de Président de la Svcii-tè Forestière de Fruiiche-Cointé et Belfort minipose le devoir de prendre ici la parole pour traduire la joie profonde, le sentiment de légitime fierté qui remplit aujourd'hui le creur de nos 1.500 sociétaires. Parmi ces sociétaires, nous sommes heureux de compter des Suisses, des Belges, des Anglais, des Italiens, des Canadiens, des Américains, des Roumains, des Bulgares. Comment n'aurions-nous pas un peu de satisfaction si noue portons nos regards en arrière. Que de chemin parcouru, en effet, depuis le jour où, en 1891, sous l'égide de mon regretté prédécesseur, M. Armand Veillard, député de Belfort, nous jetions à Besançon les bases de la première société forestière mixte qui soit née sous le ciel de France. Les premiers, nous élargissions le cercle et nous appelions à nous tous les hommes ayant la Forêt et ses produits comme point de contact, pour les faire bénéficier des avantages d'une association libre. Notre but était de faire apprécier et aimer la forêt qui est la principale richesse du pays. Ce but qui n'était que régional, nous avons la satisfaction de voir qu'il est devenu national et international. Nous n'étions que cent au début, mais déjà notre vaillante phalange étudiait avec soin le tarif des droits de douane sur les bois, et grâce à l'appui de notre compatriote M. Viette, alors député du Doubs et ministre de l'Agriculture, elle réussissait à faire établir des droits compensateurs qui, après vingt ans d'application, réunissent encore l'unanimité des suffrages. Notre nombre augmentait rapidement. Dans le Jura naissait la première société sco- laire forestière et sous notre impulsion, ces utiles sociétés se propageaient en Franche- Comté et sur d'autres points. Des sociétés sœurs de la nôtre se fondaient à Aix. à Nice, au Mans, à Limoges, ailleurs ; la Société des Amis des Arbres s'organisait à Paris et sur divers points du territoire. Le Touring-Club à son tour s'intéiessait aux arbres et aux forêts, et il faisait connaître à tous les dangers du déboisement, en provoquant l'apparition du bel ouvrage irectt'm' «jéiuM'al. " Messieurs, Obligé de rentrer en Belgique, je ne puis partir sans vous exprimer ma gratitude pour les attentions et les prévenances que vous nous avez témoignées, et vous félieiter cha- leureusement pour la parfaite organisation du Congrès. Avant tout, Messieurs les membres du Comité organisateur, vous avez rivalisé de zèle et de dévouement poui mener à bien la tâche que vous aviez assumée. Vous avez la satisfaction du devoir accompli et le succès a couronné vos efforts. Je conserve Tinoubliable vision de l'admirable forêt que nous avons parcouiue hier. Jamais je n'ai vu un pareil matéiiel aussi dense et aussi bien aménagé ; on n'y trouve ni clairière inculte, ni arbre dominé. Cela fait le plus grand honneur à l'Administration des Eaux et Forêts de France, qui, à juste titre, a une réputation mondiale. Je conserverai l'inaltérable souvenir des quelques jours passés au milieu de vous, et c'est de tout cn'iir que je vous adresse à tous un cordial merci. {Applaudissements.) Discours de M. de Xieohnj, président du Syndicat des profn-iétaires forestiers de la Sarthe Monsieur le Directeur général. Messieurs, Je ne saurais laisser se clore les brillantes manifestations organisées et dirigées par le Touring-Club de France, sans proclamer quelles espérances il va naître dans les cœurs de tous les intéressés, les propriétaires forestiers. Par l'initiative qu'il a prise, par la charge qu'il a assumée, le Touring-Club a ajouté un titre de plus à tous ceux qui lui donnent droit déjà à la reconnaissance du public. ( Applaudissements.) M. le Président du Touring-Club disait tout à l'heure que sa principale préoccupation, que la nôtre devrait être de recouvrir le sol français d'un large manteau de verdure. Hélas ! Préoccupés trop souvent par des réalités, nous sommes obligés de penser que la forêt est une source de richesse et que, comme telle, elle est sujette aux lois économiques qui régissent les échanges. Aussi pensons-nous que c'est par l'amélioration de la produc- tion, par la régularisation que nous pouvons le plus facilement et le plus utilement tra- vailler pour sa propagation et pour sa conservation. (Applaudissements.) C'est, Messieurs, la tâche que s'est donnée le Comité des Forêts, que j'ai l'honneur de présider. Il doit se féliciter d'avoir trouvé dans l'organisation du Touring-tihib l'occasion exceptionnelle de sentir quel appui il peut trouver, tant parmi ce personnel de l'Admi- nistration des Eaux et Forêts qui doit être pour les propriétaires un guide et un soutien {Applaudissements) qu'auprès de cette association superbe du Touring-Club de France^ qui, par la large influence dont elle jouit, qui, par les nombreuses branches qu'elle a su déjà donner à son activité, exerce dans ce pays une action bienfaisante. {Applaudisse- iiients.) C'est à cette Association, Messieurs, c'est à son Président dévoué, que je vous demande de lever avec moi votre verre, {.ipplaudissements.) Discours de M. de Larnage, président du Si/iidieu! forestier de Sologne Messieurs, Après le Président du Comité des Forêts, qui est mon Président et dont je ne suis que l'humble collaborateur, je devrais me taire. Il m'excusera si je parle après lui. La diffi- culté n'en sera ((uc plus grande, mais j'ai le devoir de parler au nom des propriétaires, de tous les jiroprir'taiiM'S de Fi'aiice, ({n'ils soient syndiqui''S nu inin. (pTils aient ou nOQ — 921 — CONGRES FORESTIER pris part à ce Congrès, soit par eux-mêmes, soit par la représentation de leurs associa- tions, de ces propriétaires qui ne peuvent manquer d'applaudir à l'effort énorme qui s'est produit, et aux résultats considérables que l'on peut attendre de cette initiative qui est due — nul de vous ne l'ignore, on l'a déjà dit, vous ne vous lasserez pas de m'en tendre le dire — qui est due à cette organisation si judicieuse, si accueillante, si merveilleuse en un mot, faite par le Touring-Club de France, du premier Congrès forestier internationaU, Messieurs, De ce Congrès ressort pour nous, propriétaires, une donnée qui domine toutes les autres : C'est la première fois que nous avons pris, nous propriétaires de la forêt, contact avec tous ceux qui en sont les auxiliaires indispensables, que ces auxiliaires appartien- nent à la technique ou à l'exploitation forestière, toutes associations similaires dont les efforts doivent être convergents et dont les intérêts sont les siens. Ce serait banal que de répéter ce que nous pouvons attendre de fructueux de cette force et de cette asso-. dation. Je me bornerai donc à dire également merci au Touring-Club de France pour la consécration définitive de nos efïorts, car il a voulu rendre permanents nos résultats en instituant cet office forestier international qui nous permettra, d'un pays à l'autre, de mieux nous connaître, de sonder nos besoins, de partager et de faire converger, nous aussi, nos efforts. Nous avons en présence de nous des nations si nombreuses et si bien représentées, tant par la parole que par les travaux, que nous devons nous féliciter de cette collabo- ration qui a fait régner, pendant jours trop courts, au milieu de nous, une atmosphère de paix et de fraternité dont la continuation se fera par VOffice forestier international. (Applaudissements.) Nous ne devons pas oublier de rappeler ceux qui nous ont devancés. Nous devons être reconnaissants des efforts de ceux qui, dans notre pays, se sont faits les pionniers de l'œuvre d'association, et je ne veux vous en citer qu'un exemple, en la personne de M. Roulleau, secrétaire général du Comité des Forêts de France. M. Roulleau est un homme de cœur et d'action. C'était œuvre de justice de l'en remercier. En terminant, je n'ai plus à ajouter à mes remerciements au Touring-Club que l'expression de notre profonde gratitude pour la Ville qui a abrité ce premier Congrès, pour la Ville de Paris. {Applaudissements.) Parler de Paris, c'est parler de la France, puisque quand on évoque son nom, on sent battre le cœur de la France, ce cœur généreux, ouvert à tous ceux qui, de tous les coins du monde, viennent faire cause commune avec elle quand il s'agit des intérêts de l'humanité. (Applaudissements.) C'est un intérêt essentiellement humanitaire que celui de la Forêt, car elle est non seulement cette source de richesse dont on a tant parlé dans notre Congrès, mais en même temps, le domaine mondial, la propriété mondiale de la beauté souveraine. J'aurais voulu dire l'autre jour, à la Ville de Paris, en quelques mots rappelant l'arbre et l'eau, ce que nous pensons de Paris : A LA VILLE DE PARIS Que ta nef, ô Paris ! toute entière tressaille Aux pas venus vers toi,. de la forêt profonde Où s'amassent en paix, en réserve féconde, L'arbre et l'eau. Quels trésors ! Est-il rien qui les vaille ! N'as-tu pas fait venir des quatre vents du monde Les bois de ta membrure, et ceux de ta muraille. Abri sûr, quel que soit l'ouragan qui l'assaille: Notre chêne ne craint rien du vent ni de l'onde ! Le pin venu du Nord, pour tes mâts élancés. Arbore fièrement les trois couleurs de France Aux tissus d'Orient, par le vent balancés. Tu tires ta beauté, le luxe et l'élégance. De ces bois précieux par le Sud amassés Et par toi « la Forêt » vers le progrès s'aVance. . 1 1> plaudissements .) Au Touring-Club de France ! A la Ville de Paris ! (Applaudissements.) 922 — INTERNATIONAL 1913 Discours de M. Changeur^ secrétaire général de la Société pour la protection des paysages de France Monsieur le Président, Messieurs, Quelques mots. Je n'aurais pas la hardiesse de prendre la parole, si ce n'était au nom de M. Charles Beauquier, Président de la Société pour la protection des Paysages de France, auteur de la Loi, qui me prie d'exprimer son très vif regret de ne pas être des vôtres aujourd'hui. J'ai de plus le devoir d'exprimer les félicitations de la Société pour la Protection des paysages de France aux organisateurs de l'importante manifestation qui vient de prendre fin, et ses remerciements aux autorités qui ont, une fois de plus, témoigné du précieux intérêt qu'elles portent au reboisement du sol français. Je n'ai pas à revenir sur la valeur esthétique de la Forêt. Les forestiers qui m'entourent sont des artistes par destination et ils savent mieux que moi que la Forêt constitue le décor le plus grandiose du paysage et qu'elle y apporte l'élément le plus majestueux. Il n'est pas, avec la mer, de source plus féconde d'inspiration, non seulement pour l'art en tous ses domaines, mais en général, pour la pensée humaine, et c'est fort juste- ment qu'on a nommé la Forêt le Musée de la Nature. Aussi, la question forestière est-elle intimement unie à celle de la protection du paysage, et beaucoup de personnalités présentes se souviennent de la place qu'occupa cette ques- tion au premier Congrès international pour la protection des paysages, qui eut lieu en octobre 1900. Faut-il en outre rappeler que depuis juillet 1908 la Chambre des Députés est saisie d'un projet de Loi déposé par M. Potié, tendant à créer une réserve nationale en vue de l'hygiène et de la conservation de la beauté du sol? La Loi Audifïred vient de consacrer un article de ce projet. Nul doute que le Congrès forestier n'aide puissamment, par les vœux autorisés qu'il vient d'émettre, à l'adoption définitive des mesures réclamées par tous ceux qui ont souci à divers titres de conserver et d'accroître les trésors forestiers de la France. C'est dire quelle gratitude l'on doit au Touring-Club de France, qui, de façon si éclatante, a pris en main cette noble cause. A nos remerciements, je voudrais joindre une proposition. Peut-être eût-elle dû être émise au cours d'une séance de travail. Je ne déplore pas trop ce retard, convaincu qu'un état de digestion heureuse ne saura nuire à son adoption. Ce Congrès a donné une confirmation à deux adages fameux : L'union fait la force. De la discussion jaillit la lumière. Les échanges de vues, si féconds, ne devraient-ils pas être moins rares? Ils devraient, à mon avis, être non pas occasionnels, mais permanents en quelque sorte, et c'est là que je veux en venir. Nous souhaiterions qu'un Office international forestier fût institué, qui centraliserait jour par jour tous les rensieignements, tous les documents capables de servir une cause universellement reconnue comme belle et utile. Si le Touring-Glub voulait bien apporter à la réalisation de cette idée la puissance de son organisation, ce serait là un sûr garant de son succès. Je termine sur cette prière, en levant mon verre à vous tous. Messieurs, pèlerins passionnés de la Forêt. [Applaudissements.) Discours de M. Tanassesco^ délégué de la Roumanie Messieurs, Jamais un Congrès forestier, même international, n'a été si grand, si important, soit, par le nombre immense de ses adhérente, soit par les questions de si grand intérêt qui ont été mises à l'ordre du jour des délibérations des congressistes. Souhaitons que la mise en application des vœux adoptés par le Congrès, et qui sont d'une si grande importance pour la protection de la forêt si nécessaire à la vie de l'homme, et pour us propriétaires de forêts, se fasse aussi vite que possible. Comme délégué d'un petit pays latin situé aux bouches du Danube, loin, très loin de la France, comme délégué de la Roumanie, je prends l'engagement d'exposer la question des forêts au gouvernement de mon pays avec l'ardeur que j'apporte dans l'accomplissement de mon métier de forestier. — 923 — CONGRES FORESTIER Nous qui sommes toujours en contact avec la forêt, nous l'aimons plus que les autres et nous la comprenons mieux qu'eux. Je lève mon verre en l'honneur des organisateurs grands et petitî, de ce Congrès forestier international, en l'honneur de l'École forestière de Nancy, mère intellectuelle de plusieurs écoles forestières étrangères (applaudissements) comme celle de la Rou- manie, et de tant de forestiers éminents qu'elle a donnés à la Franco .(Applaudissements.) Discours de M. Kruriip, délcgué du Danemark En ma qualité de représentant du Danemark, je désire, monsieur le Président, et messieurs les membres du Comité du Congrès forestier international, vous remercier d'avoir fourni à mon gouvernement l'occasion de se faire représenter. J'adresse en outre à tous les forestiers français les salutations de leurs confrères danois. Les relations entre forestiers français et danois ont été rares, mais cela tient, je crois, à ce que nous avons eu pendant plus d'un siècle un quart, une école forestière supérieure et que nous n'avons pas eu besoin d'aller à l'étranger pour étudier la sylviculture. je crois pouvoir dire que c'est un de vos plus grands forestiers, l'illustre Duhamel du Monceau, qui a inspiré le plus grand de nos forestiers danois, le comte Reventlow, ministre d'État, grand propriétaire de forêts, qui a étudié dans sa jeunesse, en France, en Allemagne, en Angleterre et dans d'autres pays. C'est le comte Reventlow qui nous a donné les enseignements, que nous avons utilisés chez nous, de n'avoir que de hautes futaies, des ensemencements et des plantations intensives. Je désire, mes cher» confrères français, porter mon toast en l'honneur des successeurs fX des héritiers de Duhamel du Monceau, et je pense que vous pouvez accepter mon toast. J'espère qu'il y aura toujours en France des héritiers de Duhamel du Monceau, qui, comme mon compatriote, a dit : « Il faut toujours travailler dans la vraie science forestière ! ^> (Apidimdi^seineniA.) Discours ds M. Dabat, Directeur général des Eaux et. Forêts Messieurs, Je vous remercie de m'avoir prié de présider votre banquet. Je regrette pour vous que ce ne soit pas M. Bérard, le Sous-Secrétaire d'État dès Beaux-Arts, comme vous l'aviez espéré, parce que je ne puis égaler son talent, et que je suis d'ailleurs beaucoup moins qualifié que lui jiuur vous entretenir, comme il l'aurait fait, des ressources de beauté que recèle la forêt. Je crains surtout, vous ayant parlé vendredi, de tomber dans les redites. Mais n'est-il pas des circonstances où ce n'est pas se répéter que de dire deux fois la même chose? Ce ne sera donc pas me répéter que de vous féliciter et de vous remercier d'avoir mené à bien, d'avoir réalisé au delii de toute espérance, le lourd programme que vous vous étiez tracé. Le forestier, le propriétaire ont toujours cultivé leur forêt avec amour ; ils s'y sont attachés, comme à un être cher, parce qu'elle parle à leur intelligence et souvent, par tout ce qu'elle leur rappelle, à leurs souvenirs et à leur cœur. Elle leur représente l'émana- tion du sol natal ; ils la contemplent depuis longtemps, tel le clocher du village prochain. Mais, quel que soit leur attachement, les hommes de labeur et de bonne volonté, pour- suivant un travail obscur et sans gloire, éprouvent le besoin de sentir que leurs efforts ne sont pas stériles, qu'ils ne sont pas des incompris, que leur activité est encouragée. Cet encouragement, ce réconfort, vous les leur avez apportés. Vous leur avez dit : Vous êtes les artisans d'une ceuvre considérable. Vous n'êtes pas seulement h s gestion- naires d'un domaine important, cherchant à faire rendre au sol des produits rémunéra- teurs ; A'ous ne travaillez pas exclusivement pour le présent. Vous faites plus et mieux. Ces bois, qui lentement sortent de terre, et dont ceux qui les voient naître ne verront pas la fm, vous les préparez pour l'avenir. Vos vues s'étendent bien au delà de la vie humaine ; les générations de demain, les enfants de vos enfants, vous devront et ces ombriiges pleins de sérénité et de majesté, et la perpétuité de ces forêts que nous voulons — 924 — ' I.NTERNATIONxVL 1913 de plus en plus denses, parce qu'elles répondent à un besoin d'ulililé générale, qu'elles sont comme l'un des contreforts du pays, contreforts dont la destruction et la ruine entraîneraient destruction et ruine pour le pays lui-même. (Applaudissements). Oui, il faut de la forêt, pour que les matériaux de la montagne ne descendent pas dans la plaine, semant désastres et inondations. Il faut de la forêt, pour que le torrent soit dompté et assagi, pour que la mer s'arrête docile au pied du rivage et que le sable reste immobile sur la dune. Il faut de la forêt pour que les cours d'eau ne soient pas desséchés, que les fontaines ne soient pas taries, pour que la source continue à sourdre toujours égale à elle-même, assurant la fraîcheur de nos pâturages. La forêt fait l'air salubre et purifié. Elle est la beauté de nos paysages, la coquetterie de nos sites, la splendeur de nos monts, la grâce de nos collines, la fertilité de nos plaines, le charme des promeneurs, l'agrément des touristes. Elle donne asile à l'oiseau, si utile à notre agriculture. Elle sert aussi à la stratégie, à la guerre ; elle est l'obstacle à l'envahisse- ment. Il faut de la forêt encore pour les œuvres de paix, pour que l'ouvrier des campagnes ait du travail dans le rude hiver, pour qu'il ne déserte pas le village et ne s'achemine pas vers les villes. (Applaudissements.) Un de nos plus charmants poètes contemporains a dit justement ; Au plus profond des bois la patrie a son cœur. Un peuple sans forêt est un peuple qui meurt. Les forêts ne sont-elles pas, en effet, comme les poumons de notresol? Tels les poumons, elles aspirent l'air et l'expirent afin de lui rendre son ardeur et sa pureté. Grâce à cette épuration, les artères de notre vie physique, les fleuves, les rivières, les ruisseaux, fécondent et transforment la terre, la belle terre de notre pays qui est un peu comme sa chair vivante. Vivante, elle l'est vraiment, et d'une éternelle jeunesse, puisqu'elle a ses amoureux et ses poètes ; elle a été chantée par toutes les lyres et dans tous les siècles. Elle a été la grande inspiratrice, non pas seulement des artistes, mais aussi des héros qui, en tombant pour qu'elle reste intangible, ont écrit avec leursang le plus beau ele ces poèmes. (Applau- dissements). C'est vers cette terre de France, dont lui-même est épris, que le Touring-Club cherche, depuis bientôt un quart de siècle, à attirer les regards ; elle ne doit pas être la princesse lointaine dont les citadins ont entendu parler, mais qu ils ne visitent jamais ; elle a droit à ce que ses enfants viennent lui rendre hommage. Elle n'est pas isolée dans je ne sais quelle inaccessible tour d'ivoire; elle est au contraire partout où nous pouvons contempler les splendeurs de sa belle nature et plus particulièrement dans ces forêts où nos pères dressaient des autels à la divinité. Beauté de notre sol et de nos bois, richesse de notre production forestière, protection de nos arbres contre l'exploitation mal comprise et la destruction irraisonnée, améliora- tion dans les procédés de culture, accroissement du champ d'action sylvicole par le reboisement et aussi par la création de parcs nationaux où la nature pourra prendre la plus libre expansion et la forêt croître dans le calme et le repos. tels sont, messieurs, les objets que votre Congrès a mis en relief. Encore une fois, je vous en remercie, et je lève mon verre bien haut à la prospérité de la grande Association qui nous a valu ces belles fêtes, à l'avenir de la forêt française, à tous ceux qui, travaillant ei'un même cœur à la rendre plus mngnifique, collaborent ainsi à la grandeur de la patrii\ (Applaudissements.) 925 EXCURSION A GRENOBLE ET AUX ALPES DAUPHINOISES du 22 au 29 Juin 1913 Le Dimanche 22 Juin, le Congrès s'est agréablement clôturé par le départ pour une excursion à Grenoble et aux Alpes Dauphinoises. Partis de Paris par train spécial, les congressistes, sous la direction de MM. Auscher, Famechon jnembres du Comité exécutif; Mathey, conservateur des Eaux et Forêts, président du Comité local d'orga- nisation ont visité la Bérarde et le Massif de la Chartreuse. Cette grande semaine d'excursions aux Alpes dauphinoises fut très réussie et féconde en heureuses impressions. Sous la direction toujours bien inspirée de M. Mathey, conservateur des Eaux et Forêts à Grenoble, cinquante congressistes, dont une dizaine de forestiers étrangers, Belges, Norvégiens, Suédois, Portugais, Hongrois, Irlandais, Japonais, ont, sept jours durant, vécu en contact avec les les beautés naturelles les plus justement renommées de nos Alpes, et aussi les plus disparates, le Lautaret avec sa ceinture de neiges et do glaciers, l'Oisans avec la nappe verdoyante de sa plaine fertile, la Bérarde avec sa robe de pierres et de rochers stériles, semée ça et là de quelques oasis de verdure, derniers vestiges d'une végétation disparue ; le massif de la Chartreuse enfin avec son odorant manteau de forêts résineuses. Après une randonnée pittoresque en cars alpins, en carrioles, à dos de mulets ou à pied dans la haute vallée du Vénéon, le long du lit de ce torrent que grossissent par endroits d'admirables cascades, la cara- vane atteint, à la tombée du jour, le hameau de la Bérarde, but de la première excursion. La Bérarde ! C'est, dans le cercle de plus en plus resserré des montagnes qui nous entourent, un nouvel horizon qui s'ouvre devant nous; car nous voici au seuil de ce qui doit être, de ce qui est le premier « Parc national français ». C'est là en effet, parmi ces monts ruinés, ces vallées aux versants dénudés, ces gorges désertiques, dans le domaine de la désolation et de la mort, que le Parc national va ramener la vie et préparer pour — 927 — CONGRES FORESTIER l'uvt'uir de la richesse et de la beauté. Dans deux ans, ceux qui viendront à la Bérarde y arriveront, s'ils le veulent, en automobile, par une bonne route tracée dans le plus magnifique décor qu'on puisse rêver... Dans dix ans, l'arbre et les arbrisseaux monteront à l'assaut des pentes aujourd'hui dépouillées de verdure... Dans vingt ans, la végétation revenue dans ce^ paysage macabre y aura déjà fait aux neiges et aux glaciers qui cou^'rent les sommets, un superbe piédestal de pâturages et de forêts, où jamais plus la hache, ni la faux, ni la dent du bétail domestique ne viendront exercer leurs i-avages, — où la ilore et la faune se perpétueront selon leurs propres lois, — où l'homme enfin ne péné- trera plus pour détruire, mais pour apprendre, pour admirer et pour aimer ! L'œuvre de régénération conçue par M. Mathey, adoptée par le Touring-Club. est en en voie de réalisation, et son avenir sera assuré par la Société des Parcs nationaux de France, dont le Congrès forestier a posé les bases et qui compte déjà de nombreux adhérents. Saluons bien bas cette première création qui inaugure une ère nouvelle pour la défense de nos montagnes et le développement des beautés naturelles de notre pays. Le massif de la Chartreuse ! Changement de tableau. Après la disette d'arbres et de verdure, c'est une orgie de forêts, de prés-bois, de ver- doyantes pelouses émaillées de fleurs multicolore dont les botanistes de l'excursion ont fait d'amples cueillettes. Et c'est encore, après la visite du monastère — pauvre grand corps sans âme — une excursion à travers bois sous de juagniliques sapins, au col de la Charmette avec retour par le sentier des Sangles ; c'est enfin l'ascension du grand Som avec inauguration d'une table d'orientation par notre collègue. M. T^éon Auscher. pi«>sideiH du Comiu' de Tourisme en Moniagne. La fête fut exquise et fort l)it'n ordonnée. Elle se déroula à 2.U33 mètres d'altitude 'au milieu d'un grand concours de populations accourues de tous les points de la région, et ce ne fut pas un spectacle banal que celui de cette foule d'alpinistes de tous âges et de tous sexes où tous les groupements locaux se trouvaient représentés, Syndicat d'initiative de Grenoble et du Dauphiné, Société des Touristes du Dauphiné, Section dauphinoise du Club alpin, Syndicats d'initiative de Saint-Pierre de . Chartreuse et des villages environnants, acclamant à l'envi le Touring-Club, communiant avec lui dans l'amour des grands horizons qui élève l'âme et la pensée, et finalement frater- nisant, sous son pavillon ami, autour de la table dressée par les fo retiers, au col du Dovinant, — un petit chef-d'reuvre de décoration forestière, cette table improvisée ! — poiu' sceller une fois de plus, le verre en inain, l'union de tous les défenseurs de la Montagne et de la Forêt. C'est dans cet esprit qu'après le banquet de clôture à Saint-Pierre, la caravane se dislocpia, chacun emportant, avec le souvenir d'agréables journées passées en bonne compagnie, la conviction profonde que, quand les intéressés se seront donné la peine de mettre en valeur les beautés naturelles de leur région si vai'iées, et qu'ils ont trop longtemps laissé ignorer, la 1^'i'anee s(^ia pour le iourisuie un pays sans pareil. Ont pris part à l'excursion : MM. Dabat, Henr}' Defert, Auscher, Faniechon, — 928 — INTERNATIONAL IHl. Ghaplain, Mmes Altmann, Auscher, MM. Berthelot, Blondeau. M. et Mme Bommer, MM. Paul Bory, F. Bouisset, Carboimier. Chabraud, G. Goinbéléran Daunin, Mme et Mlle Defert. M. Defert fils, MM. Constant Delville, Francis Doe, Dubois, Ch. Dupont, Comte Gazeau, Henrv Jaufïret, André Kalker Fredenk Krarup, D^ Le Bec, M. et Mme Lescouzères, lAIM. Lombard Mathev" Mimura, P. Roeseï', Tanassesco, Umbdenstock, Vielhomme. Baron' df Ville- mei'euil. 929 — BIBLIOGRAPHIE PREMIERE SECTION ENSEIGNEMENT La bibliographie sylvo-pastorale comprend des publications de tout premier ordre, dues à des auteurs d'une compétence incontestable et d'une autorité reconnue, parmi lesquels nous citerons Surell, Cézanne, Demontzey, Broilliard, A. Mathieu ; MM. Boppe, Jolyet, Briot, D. Cannon, Ch. Guyot, Hûffel, Mathey. Nous n'indiquons ici que les ouvrages susceptibles de s'adapter à l'enseignement primaire. Touring-Club de Fbancb : Manuel de U Arbre, par E. Cardot, conservateur des Eaux et Forêts. Manuel de V Eau, par Onésime Reclus. Le déboisement, la restauration et la mise en valeur des terrains en montagne, texte de conférence de propagande accompagné de 39 clichés de projection, par P. MotTQCî, conservateur de Eaux et Forêts. 80CIÉTÉ Forestière de Franche-Comté et Belfort : Aide-mémoire du forestier : 1" fascicule : Sciences naturelles, par L. Pardé, inspecteur des Eaux et Forêts; 2« — Sciences mathématiques, par A. A..., inspecteur des Eaux et Forêts; 3" — Sciences juridiques, par F. Deboye, conservateur des Eaux et Forêts. Ligue du Reboisement de l'Algérie : Manuel du planteur d'arbres en Algérie. Association centrale pour l'aménagement des montagnes : Le petit ami des arbres et des pelouses, par William Gas, recueil de dictées. Les arbres de la mutualité et leurs ancêtres, par Théo[)hiie Janvrais. — • Librairie de la Mutualité, Bordeaux. Forêts, pâturages et prés-bois, par A. Fron, inspecteur des Eaux et l''orêts, pro- fesseur à l'Ecole forestière des Barres (Encyclopédie agricole pratique). — Librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain. 931 — 30* CONGRES FORESTIER Quelques notions forestières à l'usage des écoles, par C. Rablîtte, inspecteur des Eaux et Forêts. — ■ Librairie Livoir-Hennuy, Vouziers. Manuel de sylviculture et améliorations pastorales à l'usage des instituteurs, par F. Cardot, inspecteur des Eaux et Forêts, et C. Dumas, inspecteur primaire. — Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris. Petit manuel sur les forêts et les améliorations pastorales, à l'usage des écoles pri- maires du département du Var, ])ar J. Salvador, inspecteur des Eaux et Forêts. — Paul Tissot, éditeur à Toulon. Petit manuel sur les forêts et les améliorations pastorales, à l'usage des instituteurs du département des Alpes- Maritimes, par J. Dinnér. M. Vieil et J. Salvador, inspec- teurs des Eaux et Forêts. — Imprimerie J. Ventre, à Nice. Petit manuel à l'usage des sociétés scolaires pastorales forestières de Franche-Comté, par E. Cardot, conservateur des Eaux et Forêts. — Imprimerie P. Jacquin, Besançon. Les essences forestières (essences feuillues, essences résineuses), deux volumes, par Henri Loubié, secrétaire de la Bibliothèque et des Archives de la Société des Agri- culteurs de France (Encyclopédie scientifique des aide-mémoire). — Masson et Cie, éditeurs, 120, boulevard Saint-G?rmain ; Gauthier- Villars et fils, imprimeurs-éditeurs 55, quai des Grands-Augustins. Enseignement sylvo- pastoral (précis d'histoire forestière — utilité des forêts — • botanique — notions élémentaires de sylviculture — pépinières — pâturages et prés- bois — précis de législation forestière), par A. Umbdenstock, secrétaire de la Commission des Pelouses et P^orêts du Touring-Club. — Journal des Instituteurs, 1, rue Dante. Terres incultes, mise en valeur par les améliorations pastorales et par le reboise- ment, instructions à l'usage des mair.^s,dôs instituteurs et des particuliers, par A. Jacquot. inspecteur des Eaux et Forêts. — Imprimerie Cavaniol, à Chaumont. Sylviculture, manuel pratique à l'usage des propriétaires fonciers, des régisseurs de domaines forestiers, des reboiseurs et des élèves des écoles d'agriculture, par A. Jacquot, inspecteur des Eaux et Forêts. — Berger-Levrault, éditeur, 5, rue des Beaux-Arts, Paris. Le reboisement dans l' arrondissement de Toul, par P. Herrc;ott, sous-])réfet. — Librairie Mac Imhaus et Cie, 40, rue de Seine, Paris. RÉPARTITION DES VÉGÉTAUX LIGNEUX EN FRANCE I« OUVRAGES RENFERMANT DES INDICATIONS GÉNÉRALES ^ SUR LA RÉPARTITION DES ESSENCES EN FRANCE Mathieu. — Flore forestière, 4'- édition, revue par Fliche (1897). BoPPE. — Traité de sylviculture (1889). Boppe et JoLYET. — Les forêts (1900). Fron. — Sylviculture. Demontzey. — Traité pratique du reboisement et du gazonnement des montagnes (1882). Descombes. — La défense forestière et pastorale. Statistique forestière. Administration des forêts (1878), ch. VIII, p. 65-102. 2° QUELQUES TRAVAUX RÉCENTS RENFERMANT DES DONNÉES NOUVELLES SUR LA RÉPARTITION DES ESSENCES ET LA MÉTHODE A EMPLOYER POUR L'ÉTUDIER Flahault. — Projet de carte botanique forestière et agricole de la France (k Bulletin de la Société botanique de France », tome XLI (1894). — 932 — INTERNATIONAL 1913 l'LAUAULT. — Essa, d'une carte bolaniquc vt lorcslidre de la Franee (« x\nnales df Géo- graphie «, 6« année (1897). Tessier. - Za /orêr communale de Mâcoi (Tare,UaL,e) (« Revue des Eaux et. Forêts » tome XLIV (1905). ' Salvador. - Introduction à une étude sur la dmr.button de, principales essences fores- tieres dans les Alpes- Maritimes {. Revue des Eaux et Forêts», tome XLIX (1910) Salvador. - Observations sur le climat, le sol et les essences forestières de la zone médi- terranéenne des .ilpes-Mariiimes (.Revue des Eaux et Forêts >,, tome LI (1912). 30 TRAVAUX ÉTRANGERS SUR LA RÉPARTITION DES ESSENCES Bi:sGLER. - Unlersuchunf^en uber die naiurlichen und kunstlichen Verbreitungsgebiete einiger orstluh und pUanzengeographisrh ,vichtigen Holzarlenein Nord-und Mittel- deutschland. I Die Horizontalverbreilung der Kiefer (Pinus Sihesiris L) (l>)Oi) II. Die Horizontalverbreilung der Fichte [Picea excelsa Lk ) (11)12) ^'^•^Ho'-'^'0"t-«lverbreitung der Weiistanne (Abies peciinata DC.) CoAZ H SCHROTER - An^^eisung zur Erforschung der Verbrekung de ^ilda>achsenden Holzarten in der Schçveiz (1902). - Becherches sur la répartition des plantes ligneuses croissant spontanément en Suisse, élaborées et publiées par ordre du département lederal de I Intérieur. Livraison I". Territoire du canton de Genève. RiCKLi. — Die Ane in der Schtveiz (1909). ALLONGEMENT DES RÉVOLUTIONS DES TAILLIS ET TAILLIS SOUS FUTAIE Baudrillart. — Dictionnaire des Eaux et Forêts. Aménagement. HuFFEL. — Economie forestière, tome III. Paris, Laveur (1907). Bévue ^ Année 1895, Novembre, page 510. '^es % Année 1896, Mai, page 218. Eaux et Forêts [ Année 1898, Février, page 101. Sulletin de la [ Année 1905 j ^^ ^' P'^S^ '^^■ Société forestière \ ^ N" 2, page 129. de Franche-Comté { ^^""'^^ ^'^^^^ ^" '> Page 632. rt Belfort / Année 191'7 \ ^° '' P»^^ ^^'1- 1 { N" 8, page 611. Die Forsten und Holzungeii i Berlin im deutschen Beich, \ Verlug. von Puttkamer nach der Erhebung des Jahres 1900, } und Miihlbrechl b?arb3itet in kaiserlichen statischen Amt. ( 1903. La Prmlurtion et la Consommation des bois d'œuvre en Suisse, publiée, au nom de l'Inspec- iK.n fédérale des Forêts, par M. Decoppet. professeur de l'Ecole Polytechnique lie /iirich (l',(|2). ' AMÉLIORATION DES TAILLIS A FAIIJLE RENDEMENT Années Pages ^^^^^"^ ^^^ EAUX ET FORÊTS 1864 88 Reboisement des bruyères de l'Ardenne (Lanier et Mél.vki.). Extension à donner à la culture du sapin pectine : — 9?,?, — CONGRES FORESTIER 1894 241 D'Arbois de Jubaisville. 295 Broilliard. 1897 40 Conversion d'un taillis en sapinière (Broilliard). 1902 609 Même sujet (Broilliard). BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FORESTIÈRE DE FRANCHE -COMTÉ ET BELFORT Conférence de M. Cardot. Conférence de M. Rtjnacher. Mémoire de M. Maire. Utilité de l'introduction du sapin et de l'épicéa dans les taillis médiocres de la région jurassienne (M. Bouvet). Introduction des résineux dans les taillis (M. Gazin). Mémoire Rtjnacher.j La propagation des sapins dans les feuillus (.M. Gebdil). Conférence de M. Grenier. Conférence de M. Algan. Taillis de montagne (Broilliard). Conférence de M. Chaudey. Conférence de M. Thiollier. 775 Analyse du mémoire de M. Vaulot, \)w M. Schaeffer. 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BULLETIN DE L'OFFICE FORESTIER DU CENTRE ET DE L'OUEST ROTJLLE.it;. — L'impôt forestier. Broilliard. — La feuille ou revenu foncier. Arnould. - — L' évaluation du revenu forestier. — Revenu forestier dû à l'aménagemenl . Roulleau. — Revision de l'impôt forestier. — L'instruction des Finances du 31 décembre 1908. Roulleau et Arnould. — Tableau des divers revenus et impôts suivant les divers procédés d'évaluation. Arnould. — L'avis officiel de /' idministration des Contributions directes. Roulleau. — Un coup de Jarnac du fisc à propos de l'impôt forestier. Broilliard. — Nouvelle évaluation du revenu des forêts. La circulaire des Finances du M septembre 1909. Roulleau. — Distinction du revenu forestier en deux parties ; foncier, capital. bois. Arnould. — Capital-bois et matériel d' exploitation forestière. Roulleau. — Les droits de succession sur les forêts. — L'impôt forestier. — L'impôt forestier. 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Roulleau. — Note sur la détermination du revenu des forêts. — Arnould. — Evaluation du revenu de la propriété forestière. — — ly impôt sur la coupe. — Deroye. - — Revenu imposable des forêts. 662 Schaeffer. — L'impôt foncier appliqué aux forêts. 712 Broilliard. — La feuille ou revenu foncier. 1910 510 — Nouvelle évaluation du revenu foncier des forêts. 857 Maître. — Evaluation du revenu imposable des taillis sous futaie. 1911 48 Bouvet. — Evaluation énoncée et exagérée des revenus forestiers. 158 GoUGET. — Droits de succession en matière forestière. 1912 403 LiouviLLE. — Mesures fiscales favorables à la propriété forestière. 493 -GoUGET. — Droits de succession en matière forestière. 499 Arnould. — Droits de mutation sur les forêts. PRESSE QUOTIDIENNE Les Débats : 20 novembre 1909. — Les forêts et le fisc. 20 décembre 1909, 5 février 1910, 7 février 1911. — Les forêts et le fisc. Le Matin : 11 décembre 1909. — Le fisc tue nos forêts. Paris-Centre : 8 septembre 1910. — Droits de succession en matière forestière. Le Temps : 5 janvier 1910. — La déformation et l'impôt foncier de la propriété boisée. Journal du Loiret : 28 février, 5 avril 1910. — 938 — INTERNATIONAL 1913 JOURNAL « LE BOIS « Nombreux articles, voir notamment: 31 août 1907, 4 janvier 1908, 22 février 1908, 31 mars 1910. JOURNAL OFFICIEL 1907 Chambre, doc. parL S. E., n" 1352, p. 416. Proposition de loi de M. Fernand David (exposé des motifs). 1908 Chambre, débats S. O., p. 613. — M. Renard, M. Caillaux. — doc. pari. S. 0., n» 1385, p. 618. — Rapport de M. Vigoureux.. 1909 — débats S. O.. p. 437. — M. Perroche, M. Caillaux. — — S. E., p. 2998. — M. Bouneoal. Sénat, doc. pari. S. O., n" 185, p. 445. — Rapport de M. Audiffred. 1910 Sénat, débats S. O., p. 287. — M. Audiffred. Sénat, débats S. O., p. 409. — M. Ruau. 1911 Chambre, débats S. O., p. 1843. — M. Maurice Duireil. L'OPINION 30 octobre 1909. ■ — Le fisr et le hûrlieron. 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QuLLY. — Moorflora und chemische Zuzanimensetzung der Boden (1904). FRUHet ScHROTER. — Dic Moore der Schweiz (1) (Berne, 1904). Pfob. — Zur Aufforsiung der Horhmoorflàrhen (Zeitschrift fur Moorkultur und Torfver, wertung, 1904). QXJLLY et Paul. — Botanische und cheinische Beschafenheit verschiedener Moorflàchen (1905). MuLLER. — Beitrag zur Bodenkunde im Chiemgau (1906). LiECHTi. — Beobachtungen auf deni Gebiete der Moosaufforstungen (Schweizerische Zeit- schrift fiir Forstwesen, mai 1906). Paul. — Die Schwartzerlen Bestànde des sUdlichen Chiemseenioores (Naturw. Zeitschrift fiir Land- und Forstwirtschaft, 1906). Zu LeinincîEN. — Die Waldvegetation pràalpiner bayerischer Moore, insbesondere der sUdlicken Chiemseemoore (Munich, 1907). PONINSKI. — Erfahrungen nuf dem Gebiete der Korhweidenzucht (Berlin, 1907). Von Tubeuf. — Dûngungsversuch zu, Kiefern auf Hochmoor (Naturw. Zeitschrift fiir Forst. und Landwirtschaft, 1908). NÉLis. — Les Hautes Fagnes de l'Hertogenwald (Bulletin de la Société centrale fores- tière de Belgique, janvier et février 1908). Pfob. — Ucber die Kultur der Korbweide auf Moorboden (Mitteilungen, 1909). Chancerel. — • Action des engrais sur les végétaux ligneux (Paris, 1909). Programme du VI° Congrès de l'Union internationale des stations de recherches forestières (Bruxelles, 1910). Bersch. — Handbuch der Moorkultur, chap. VI (Vienne et Leipzig, 1912). Schribaux. — Cours d' Agriculture générale professé à l' Institut national agronomique, (1912). Pardé. — • Rapports annuels sur les travaux exécutés et les résultats obtenus dans le champ d'expériences forestières de Bresles (1908 à 1912) DUNES I. DUNES DE FRANCE. — GÉOLOGIE ET GÉNÉRALITÉS Hénki Artigue. — De l'envahissement par la mer des côtes de France entre Baijonne et Royan (Actes Soc. linnéenne de Bordeaux, t. XXiX). Baudrimont. — Etude des différents sols du déparlement de la Gironde (Bordeaux, Gou- no\iilhou, 1874). (1) Cet ouvrage contient un index bibliographique trôs complet concernaut les tourbières. — 942 — INTERNATIONAL 1913 Baudbimont et Delbos. — Examen comparatif de la composition chimique du sable des dunes et de celle des cendres des végétaux qui croissent à leur surface (Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, 1872). (Ih. Bénabd. — Variations de la Conhre («La Géographie», 1905). BrÉmontiee. — Mémoire sur les dunes et particulièrement sur celles qui se trouvent entre Bayonnc et la Pointe de Grave (Paris, thermidor an V (1797) ; Mémoire (4») relatif aux dunes de la Manche et de la Mer du Nord (20 pluviôse an XII (1803). Pierre Btiffault. — Etude sur la côte et les dunes du Médoc (Souvigny, Jehl, 1897); Les Grands étangs littoraux de Gascogne (Bulletin de Géographie historique et descriptive, 1906) ; Le Littoral de Gascogne (Congrès des Sociétés françaises de Géographie, Bordeaux, 1907) ; Dunes intérieures de Gascogne (Revue de Géo- graphie commerciale, Bordeaux, 1912). ,H. Cavdéran. — Note sur une formation d'eau douce nu Vieux-Soulac (Actes Soc. lin- néenne de Bordeaux, t. XXV). (]harlevoix de Villers. — Mémoires (S") sur V établissement d'un port à Arcachon, 1778- 1781, Mss (Bibliothèque municipale de Bordeaux et Archives, 29^ Conservation des Eaux et Forêts). De Cholnoky. — Lois du transport des sables mouvants (analyse par Schirmer dans la «Géographie » du 15 avril 1903). R. Chtjdeau. — Remarques sur les dunes ( « La Géographie », 1911). Et. Clotizot. • — Variations de la Conbre ( c La Géographie», 1907). Dalignon- Desgrange s. — Emersion sur le littoral de Gascogne (Actes Soc. linnéenne de Bordeaux, t. XXXI) ; Les dunes de Gascogne, le bassin d' Arcachon et le baron de Villers, 1890). E. Delfortrie. — Emersion des fonds de la mer sur les côtes de Gascogne (Actes Soc. lin- néenne de Bordeaux, t. XXVII) ; Empiétement de la mer sur la plage d' Arcachon (Ibidem, t. XXIX, 1874) ; Notes supplémentaires sur V abaissement des côtes de Gascogne (Ibidem) ; Nouveaux documents sur V abaissement des côtes de Gascogne (Ibidem, t. XXXI) ; Les dunes littorales du Golfe de Gascogne (Ibidem, 1879). DuFFAET. — Le bassin d' Arcachon (Congrès des Sociétés françaises de Géographie, Bor- deaux, 1895) ; Les anciennes baies de la côte de Gascogne, de la Gironde à V Adour (Bulletin de la Société de Géographie, Bordeaux, 1896) ; Les embouchures et les lits de r Adour avant le xvi" siècle (Ibidem, 1897) ; Distribution géographique des dunes continentales de Gascogne (Ibidem, 1898) ; Carte de Masse (Ibidem, 1898) ; Réponse à M. Saint- Jours sur l'âge des dunes et des étangs (Ibidem, 1901) ; Lacs d'Hourtinet de Lacanau (Ibidem, 1901) ; La carte de Claude Masse (Bulletin de Géographie historique et descriptive, 1903) ; Les formations éoliennes du plateau landais (Ibidem, 1899 et 1905) ; Variations du cap Ferret et de la. passe d' Arcachon (Ibidem, 1908); Origine marine des lacs littoraux gascons (Ibidem, 1910); Les dunes continentales de Moret-sur-Loing (Ibidem). Duffour-Bazin, — Monographie agricole du département des Landes (Bulletin du Ministère de l'Agriculture, 1899). DuFOURCET. — Formation du sol du département des Landes (Bulletin de la Société de Borda, Dax, 1897 et 1898). DiJRÈGNE. — Les anciennes forêts du littoral et la spontanéité du pin maritime dans les dunes de Gascogne (Journal d'Histoire naturelle de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1888); Dunes anciennes de Gascogne (Actes Soc. linnéenne, tome LXVII (1890), tomes LXXVI, XLVI et LXXXVI (1895 et 1896) ; Sur la destruction de deux âges dans la formation des dunes de Gascogne (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1890) ; Sur le mode de formation des dunes primaires de Gascogne (Ibidem, 1897) ; Dunes primitives et forêts antiques de la côte de Gascogne (Bordeaux, Gounouilhou, 1897) ; Les dunes primitives des environs d' Arcachon (Soc. scientifique et station zoùlogiqu'' d'Arcachon 1896-1897). — 943 — CONGRES FORESTIER DcTRAiT. — De mulationibus orse lluviali.s et marilimfe in peninsnln medulorum (Thèse. Bordeaux, Vve Gadoret, 1895). La Grande Encyclopédie. — Articles : Gironde et Landes. L.-A. Fabre. — Les ensablements du littoral gascon (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1900) ; Le courant et le littoral des Landes (Ibidem, 1902) ; Les plateaux des Hautes- Pyrénées et les dunes de Gascogne (Comptes rendus du Congrès interna- tional de Géologie de 1900) ; L' Adour et le plateau landais (Bulletin Géographique historique et descriptif, 1901); La magnétite pyrénéenne et les sables gascons (Ibidem, 1902); Les Galets des plages gasconnes, la Pénéplaine landaise (Ibidem. 1903) ; Le sol de la Gascogne (La Géographie, 1905). Fallot. — Les régions naturelles de la Gironde (Congrès national des Sociétés françaises de Géographie, Bordeaux, 1895) ; Sur une carte géologique des environs de Bor- deaux (Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux. 1896); Esquisse géologique du département de la Gironde ( i Feuille des jeunes natura- listes », 1889). Fleury. — Projet d'amélioration pour une partie du l''" arrondissement de Bordeaux, pré- senté au Conseil dudit arrondissement le 26 messidor de l'an VIII (1800). Paul Girardin. — Les Dunes de France (Annales de Géographie, 1901). E. Harlé. — Dunes parallèles au vent sur la côte de Gascogne (Comptes rendus sommaires de la Société géologique de France, 19 février 1912). IIattg. — Traité de Géologie (Armand Colin. Paris, 1907). Hautreux. — Sables et vases de la Gironde (Bulletin de la Société des Sciences de Bor- deaux, 1886) ; Côtes des Landes et bassin d' Arcachon (Congrès des Sociétés fran- çaises de Géographie, Bordeaux, 1905) ; La carte de Masse (Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux ), 1896); E. Jacquot. — De la recherche des eaux jaillissantes dans tes landes de Gascogne (Actes Soc. linnéenne de Bordeaux, tome XXIV). E. JaCQXTOT et V. Raulin. — Statistique minéralogique, géologique et agronomique du département des Landes (1877). Labat. — Les dunes maritimes et les sables littoraux (Bulletin de la Société géologique de France, Paris, 1899-1880) ; Forme des dunes en Europe et spécialement en France (Ibidem, 1590). ' Lafont. — Empiétements de la mer sur la plage d' Arcachon, réponse à M. Delfortrie (Actes Soc. linnéjnne de Bordeaux, tome XXIX) ; Nouvelles notes (Ibidem). Lalanne. — Constitution géologique du littoral océanique du Bas-Médoc (Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux, 1910). Laval. — Mémoire sur les dunes du Golfe de Gascogne (Annales des Ponts et Chaussées, 18'i7). LiNDER. — Etude sur les terrains de transport du département de la Gironde (Actes Soc. linné.^nne de Bordeaux, tome XXVI). MÉRAUD. — Mémoire sur les dépôts littoraux observés de Nantes à Bordeaux (Actes Soc- linnéenne de Bordeaux, tome XXII). De Paniaoua. — Les landes de Gascogne et les deltas de la Gironde (Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux, 1906). Pawlowski. — Villes disparues et côte du pays de Médoc d'après la géologie, la carto- graphie et l'histoire (Bulletin de Géographie historique et descriptive, 1903) ; Le Pays d' Arvert et de Vaux (Ibidem, 1904); L' /le d'Oléron à travers les âges (Ibidem. 1905) ; Pays de Didonne, Talmondais, Mortagnais (Ibidem, 1906) ; L'Ile d' Yeu à travers les âges (Ibidem, 1910). Ports maritimes de la France, tome VI, 2'- partie (Ministère des Travaux publics, Imprimerie Nationale, 1887). — 9^i4 — INTERNATIONAL 1913 V. PvAULiN. — • iXoief! génloiiiqiics aitr l' Aquitrtine (Géogra[ihif. girondine, Bordeaux, Chaumas, 1859). E. Reclus. — Etude sur les dunes (Revue des Deux-Mondes, novembre 1863, et Bulletin de la Société de Géographie, 1865). Sauvage. — Dunes de Normandie (Bulletin de la Société géologique de France, Paris, 1880). vSoKoLOFFet Venutkokf. — Sur 1(1 /iiruia/ion des dunes (fkuiiples rendus, Académie des sciences, 1885). J. Thoulet. — Le bassin d' Arcarlian (Revue des Deux-Mondes, 1893). Vassilière. ■ — Les dunes f;irondi>ies (Étude agricole, Bordeaux, Firet, 1889). J. Welsch. — Feuille de la Rochelle, Poitou (Bulletin de la Carte géologique de France, Comptes rendus des collaborateurs, tomes XX et XXI, mai 1910, juin 1911 et mai 1912) ; La tourbe littorale du Croisie (Bulletin de la Société des Sciences naturelles de l'ouest de la France, Nantes). II. DUNES DE FRANCE. — HISTOIRE ET GÉNÉRALITÉS DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Akdouin-Dumazet. — Voyages en France (29" et 30'= séries). Baurain. — Variétés bordelaises (Bordeaux, 1784-1786). G. Beaubaik. — Quelques faits relatifs à la iorination du lillural des landes de Gasco'^ne (Revue de Géographie, 1891). J. Bebt. — Note sur les dunes de Gascogne (Ministère de l'Agriculture, Imprimerie Natio- nale, l'aris, 1900). Pierre Buffault. — Etude sur la côte et les dunes du Médoc (déjà cité) ; Acclimatation de divers végétaux dans les dunes du Médoc (Revue des Eaux et Forêts, 1897); Les Garde-feu et leur utilisation (Ibidem, 1901); Pour nourrir du bétail dans les dunes (Revue agricole illustrée, Bordeaux, 1905) ; Arbres et cultures sur les sables de Gascogne (Bordeaux, Pech, 1908) ; Les débuts de la fixation des dunes ; les essais de Brémontier et Peyjehan ; la Commission des dunes (Revue phiioma- tique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 1904-1905); La marche envahissante des dunes de Gascogne avant leur fixation (Bulletin de Géographie historique et des- criptive, 1905). CiiAMBRELENT. — Les landes de Gascogne (Paris, Baudry, 1897) ; Sur l'état actuel des dunes du golfe de Biscaye (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1892) ; De Coincy. — La Carte générale des dunes du département des Landes (Bulletin de Géo- graphie historique et descriptive, 1908) ; Note sur les Ateliers de semis des dunes de la Gironde (Ibidem, 1909) ; Note sur les ateliers de semis des dunes du déparle- ment des Landes (Congrès des Sociétés savantes, 1910, Sciences). CuzACQ. — Les grandes landes de Gascogne (Bayonne, Lamaignière, 1893). P. -H. DoRG.\N. — Histoire politique, religieuse et littéraire des Landes depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours (Auch, Foix, 1846). DtTRÈCiîsE. — La Grande montagne de la Teste-de-Buch (Annuaire du Clnb-.\lpin-Fran- çais, 1903). Ch. Grand.tean. — Le Baron de Charlevoix- Villers et la fixation des dunes (.\ss. Ir. A. V. Sciences, 1895) ; Les landes et dunes de Gascogne (Paris, Rothschild, I 897). Baron d'Haussez. — Etudes administratives sur les Landes (Bordeaux, Gassiot, 1826) D'' Hameau. — Quelques aperçus historiques et topographiques sur la. Teste-de-Buch et ses environs (Actes de l'Académie de Bordeaux, 1841). P. JOANNE. — Dictionnaire géographique et administratif de la France {Tomeii III et IV. 1894-1896). — 945 — ' CONGRES FORESTIER Lafond. — Les paysages des dunes, les travaux de défense contre l'Océan, Vendée et Cho' rente-Inférieure (Imprimerie Nationale, 1900). A. DE Lajonkaire. Mémoires sur la mise en culture des terres vagues dans le déparle- ment des Landes (Le Havre, Lemesle, 1856). D'' A. Lalesqtje. — Coup d'œil rétrospectif sur les dunes mobiles du golfe de Gascogne et leur immobilisation dans les temps anciens et modernes (Bordeaux, Gounouilhou, 1884). Maurice Martin. — La Côte d'Argent (Bordeaux, Gounouilhou, 1907). Masse. — Mémoires sur les carrés d' Aunis, Saintonge, Bas-Poitou, Bas-Médoc,etc. (Mss., 1705-1721, Ministère de la Guerre). Mezuret. — Notre-Dame de Soulac (Lesparre, 1865). De Saint-Amans. — Voyage dans une partie des Landes (Agen et Paris 1818). Saint- Jours. — Port d'Albret; V Adour ancien et le littoral des Landes (Perpignan, Lu- trobe, 1900) ; Etat ancien du littoral gascon (Bordeaux, 1901) ; Les Fleuves côlien de Gascogne (Bordeaux, 1902). Thore. — Promenade sur la côte du golfe de Gascogne (1810). Thélu. — Dunes du Nord (Amiens, Jeunet, 1879). i> 111. DUNES DE FRANCE. — TRAVAUX Pierre Buffault. — Etude sur la côte et les dunes du Médoc (déjà cité). C. Granjean. — La dutie littorale (Revue des Eaux et Forêts, 1886). Goursaud. — Les landes et les dunes de Gascogne (Revue des Eaux et Forêts , 1879-1880). Lafond. — Les paysages des dunes et les travaux de défense contre l'Océan (déjà cité). De Vasselot DE RÉGNÉ. — La dune littorale {Revue des Eaux et Forêts, 1875) ; /.es dunes de la Conbre (Imprimerie Nationale, 1878). Violette. — Entretien de la dune littorale des Landes, travaux de défense contre la mer (Mont-de-Marsan, Dupeyron, 1899). IV. DUNES DE FRANCE. — QUESTIONS JURIDIQUES J. Bert. — Note sur les dunes de Gascogne (déjà cité). Pierre Buffault. — Etude historique sur la propriété des dunes de Gascogne (Bordeaux, Gounouilhou, 1905) ; Questions de propriété, les dunes du littoral atlantique (Revue des Eaux et Forêts, 1910 ) ; Les Dunes [de Gascogne et la possession de l'Etat (Ibidem, 1910). Ch. Guyot. — Cours de droit forestier (V" Dunes et Revue des Eaux et Forêts, 1910). De Lapasse. — La police des dunes dans le département des Landes au début du xix" siècle (Revue des Eaux et Forêts, 1905). V. DUNES HORS DE FRANCE F. Albert. — Dunes du Chili (La Géographie, 1902). Comte Baudissin. — Bericht iiber die Diinen der Inscl .S'(/;/(Flensburg, 1865). Beckmann. — Bericht iiber die Mittel, vcelche in Flandern und Holland angewendet werden, umdie Diinen zuerhalten und zu verstàrken (Hannoverischer Magazin, 1712). Berendt. — Géologie des Kurisches Haffes, Kônigsberg, Koch (1869). Berohaus. — Das DUnengebiet làngs der Ostsee im Stetliner Regierungsbezirk (Das Aus- land, 1H80). — 946 — INTERNATIONAL 1913 SoREN BiORN. — Ueber die beste Art. der allmàhligen Versandung der Mehrung durch Diihnenbau iind Bepflanzung Vorzubeugen, Sammlung Niitzlicher aufsàtze und Nachrichten die Baukunst betreffend {Berlin, il^JS) ; Uebersicht der vortheilhajtesten Behandlung der Weidenarten (Dantzig, 1804) ; Ueber die vortheilhafteste Behand- lungs-Methode bei Besammung und Bepflanzung der Kiefern aiif sandigen Boden und Sanddiinen (Dantzig, 1807) ; Bemerkungen ûber die vormahlige und gegenwàr- tige Lage der preussischen und Dantzi.ger sudbàUischen Ufer (Dantzig, 1808). Blanc. — Note sur la formation des dunes sahariennes (Comptes rendus de la Société de Géographie, Paris, 1890). Blauford. — On the physical geography of the Great Indian Désert, and on the origin and mode of formation of the sand hills (Journal R. Society of Bengal, 1876). Blesson. — Bemerkungen liber Land und Diinen (Stuttgart, 1828). Pierre Bxtffattlt. — Les Dunes maritimes allemandes (Revue des Eaux et Forêts, 1901, et Bulletin de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux, 1904). Gourbis. — L'Humidité du sol, principale cause des amoncellements de sable dans le Sahara (Comptes rendus de la Société de Géographie, Paris, 1890). Dehors. — Voyage à Rabat {dunes du Médnc) (Bulletin de la Société de Géographie d'Alger, 1904). DOSS. — Ueber Diinen der Umgegend von Riga, Korrespondcnzblatt der Natrirforsrher- vereins (Riga, 1896). Forsyth. — On the buried cities in the shifting sands of the Great Désert of Gobi (R. Geo- graphical Society, London, 1876-1877). FosTB, W. KiNG u. A. — Dunes de Z'/«f/e (Memoirs ol' tlie geological survey of ïndia, 1859, 1864 et 1873). Pattl Gerhardt. — Uferdeckungen durch Binsen, Jiohr, Schilf und Weiden, Zeitschrift fiir Bamvesen (Berlin, 1897) ; Handbuch des deutches DUnenbanes (Berlin, Paul Parey, 1900 (riche bibliographie surtout allemande). GiTYADER. — Lutte contre V envahissement des sables dans divers pays (Bulletin de la Direction de l'Agriculture et du' Commerce, Timis, 1904). TiiÉOD. Hartig. — Ueber Bildung und Befestigung der Diinen (Berlin, 1830). HiJBBE. — Der Dûnenbau der Kônigl. Preussischen Regierung (Berlin, Wilgandt, Henipel imd Parey, 1879). Karsten. — Ueber die Warnemiinder Diineupflanzung., Neuen Annalen der Mecklenb- Landivirthschafis-Gesell (Rostock, 1817) ; Mein letztes Worl Uber die Warnemiinder Diinen- Bepfliinzung (Ibidem, 1820). Keilhack. — Die Wanderdiinen Hinterpommerns (Proniethens, 1893). Krause. — Der Diinenbau auf den Ostseekiisten West-Preussens (Berlin, 1850). KuMMER. — Der erste Aufang einer regelrechten Dûnenbefesligung an der preussischen Ostseekiiste und die Sijren Biôrnsche Deukschrift (Berlin, Ernst und Sohn, 1896). LoRiÉ. — Contribution à la géologie des Pays-Bas (V. Les dunes intérieures, archives du Musée Teyler) ; Binnenduinen en bodenbewegingen (Mémoires de- la Société belge de Géologie et Hydrologie. 1893). Maak. — Die Diinen an den West- und ostpreussisehen Kiisten, Kritischeu Bldlicrn. fiir Forst- und Jagdwissenschaft (1865). Meier. — Beschreibung des Tidwilder Flugsanddislriktes auf Seeland, Valerland-Wald- berichten (Altona, 1820). MULLER. — Beschreibung der Kurisrhcn Nehrung, Die fiinfle l'ersammlung des Preuss- Forstvereins (Wehlau, 1877; Kônigsberg, 1882). MXJSCHKBTOW. — Die Konlinental- Sanddiinen oder Barehane {\}p.y\\'iv\\(' îluudschau fiir Geogr. und Statist., 1890). — 947 — CONGRES FORESTIEB \ ON Panxewitz. — Anleàu/if; zuin Aubaii. dcr Sandflàchen int Binnenlande und auf den Strand-Dunen (Marienwerder, 1832). Parrax. — Observations sur les dunes littorales en Algérie et en Tunisie (Bulletin de la Société géologique de France, Paris, 1889-1890). Razeburg. — Die Sandgewàchse der pommeruhen Kiiste (1857). RiSTOTJ. — Les dunes mouvantes d' Aïn-Sefra (Paris, Baillière et fils. 1890). FioLL.\>"D. — Sur les grandes dunes de sable du Sahara (Bulletin de la Société géologique de France, Paris, 1881-1882); Hydrographie et Orographie du Sahara algérien (Ibidem, 1885) ; Géologie du Sahara algérien (Paris, 1890). Sabbav. — Die Diinen der siidwestlichen Heide Mecklenburgs (Rostock, 1897). Samson Scribner. — Land-Binding Grasses, Yearbook of the U. S. Department of Agric. (Washington, 1899). Shaler. — Rôle des dunes contre la puissance d'érosion de la mer (BuUi'tiii .of Geological Society of America, 1894). SiEM.ssEN. — Ueber die sicherste Befestigung und nutzbarste Bepflanzung der Diinen zu Warnemunde, Versammlung der Naturjor. Gesellschafft. (Rostock, 1803). SoKOLOW. — Die Diinen (Traduction allemande du professeur Arzruni Berlin, Springer, 1894) ; Bibliographie des dunes de Russie. SvEN Hedix. — Dans les sables de F Asie (Tradviit du suédois ]iar Ch. Rabot, Paris, F. Juven). Tellier. — jXotes sur la fixation des dunes et la protection des oasi^ dans le sud de la régenre de Tunis (Bulletin de 'la Direction de l'Agriculture et du Commerce, Tunis, 1904). TiTiNS. — Mémoire à la Société des sciences naturelles de Dantzig sur les moyens de fixer les dunes (Leipzig, 1768). \ IBORG. — Beschreibung der Sandgewàchse und ihrer Anwendinig auf der Kiiste von Jûl- land (Kopenhagen, 1789). Wessely. — Der Europàische Flugsand und seine Kultur (Wien. 1873). WiLLKOMM. — Die Diinen JUtlands, Zeitchri.ft fiir Allg. (Erdkunde, 1863). Zernecke. — Der DUnendurchbruch bei Neufahr in der frischen Nehrung (Kônigsberg, 1840). X... — Fixation de sables mouvants en Russie (Publïciiiion du .Ministère impérial russe de l'Agriculture, traduite en allemand par M. Knûpfîeret analysée par G. Huffel dans la « Revue des Eaux et Forêts », Paris, 1904). X... — La Escuela de Guardas (Fixation des dunes du Mexique) (Revista forectal mexicana, marzo de 1910). — 948 TABLE DES MATIÈRES Pages Comité d'Honneui' 3 Comité d'Organisation 5 Comité Exécutif ij Délégués des Puissances 9 Délégués des Ministères 12 Membres du Congrès 1 3 Règlement 37 Programme des travaux 40 Ordre des travaux 43 Lieu des séances 44 BUREAUX ET RAPPORTEtTRS : Première section : Technique forestière ou sylvicuitu:" 5.') Deuxième section : Economie et législation forestières 19') Troisième section : Technolcigie forestière. Commerce et industrie du bois 'i2ô Quatrième section : Grands travaux forestier.-, 593 Cinquième section : De la forêt dans le dévelop|)enicnl du tourisme el l'éducation esthétique des peuples 727 COMI>TE.S RENDUS DES SEANCES Séance généi'ah' vo- tection. Nouvelles mesures à prendre. — Rapport de M. Beauquier. . . 775-778 Discussion : MM. Audebrand, Auscher, Beauquier, Berr de Turique, Bruant, de Clermont, Colmet-d'Aage, Flahault, Gabiat, Hickel, Maige, Lorieux, de Segonzac, Tribot-Laspière, Van de Poil.... 778-795 Pépinières (voir : Petits travaux). Petits travaux forestiers. Fascinage, clayonnage, façonnage de lits, enroche- ment, drainage, enherbsment, reboisement, semis et plantations, essences à ein[)loyer, graines, pépinières. — Rap|iorl de MM. Bernard et Guinier 636-646 957 — COJfGRES FORESTIER Piiges Observations complémentaire.- 646-657 Discussion : MM. de Bélinay, Cardot, Guinier, Leddet, Lemaître, Roth, Tessuer 657-661 Peuplier (voir : Taillis). Pin noir d'Aurtiche (voir : Gemmage du). Pin sylvestre (voir : Gemmage et Champagne pouilleuse). Plans de forêts (voir : Tourisme {Aménagement de forêts en vue du). Plantations ignifuges. — Communication de M. Marclial 185-187 Discussion : MM. Descombes, Emery, Marchai, de Montmorency- Morrès 187-188 Plaques (voir : Tourisme (Aménagement de forêts en vue du). Points de vue (voir : Tourisme {Aménagement de forêts en vue du). Poteaux (voir : Tourisme {Aménagement de forêts en vue du). Poteaux télégraphiques. — Rapport de M. Pelletier de Martres 470-475 Discussion : MM. Artus, H. Barbier, Brion, Madelin, Pelletier de Martres, Poupinel, Pral 475-480 Poutres (voir : Bois équarris). Production forestière dans les divers pays du globe. — Rapport de M. Madelin. 369-383 Discussion : MM. Ch. Guyot, Madelin, Vivier 383-385 Produits accessoires, déchets de bois, utilisation des sciures. — Rapport de M. Bocquet 533-539 Discussion : MM. Bocquet, Ojlin, Horeau, Juilliard, Laval, Poupine!.. 539-541 Propagande en faveur de l'Arbre et de l'Eau (voir : Enseignement sylvicole ft sylvo-pastoral. Q Question sylvo-pastorale (La). — Communication de M. le comte de Roquette- Buisson 666-672 R Reboisement (voir : Petits travaux). ' Facultés de reboisement des divers faciès géologiques. — Communica- tion de M. Larue 662-665 Discussion : MM. Bernard, Caquet, Cardot, Larue, Maître 665-666 Répartition des végétaux ligneux en France. — Rapport de M. Guinier 74- 80 Discussion : MM. Gyprien Girerd, Hickel, Roux 80- 81 Réserves artistiques (voir : Parcs nationau.v). Résines (Industrie des). — Rapport de M. Duchemin 571-574 Restauration des montagnes (voir : Grands travaux). Robinier (voir : Acacia). Routes (Plantations des). — Rapport de M. Gustave Artus 467-469 Discussion : MM. Gazeau, Poupinel, Pral 469-470 Routes (Beauté des). Plantations le long des routes. Liurs avantages. Choix des essences. — Rapport de M. Sinturel 757-760 — 958 — INTERNATIONAL 1913 Pages Discussion : MM. Aiischer, Fiahaiilt, Gabiat, Herinans, Lorieux, Maige, de Sagonzac, Sinturel, de Villemereuil 761-771 Routes forestières (voir : Tourisme (Aménagemeni de forrfs en vue du). Sabotage (voir : Emplois divers du bois). Sciage (Bois de). Outillage, débit, menuiserie, pavé. — Rapport de M. Puteaux. 525-532 Discussion : MM. Horeau, Poupinel, Puteaux 532-533 Sciures (Utilisation des) (voir : Produits accessoires). Sentiers forestiers (voir : Tourisme (Aménagement de forêts en vue du). Séries artistiques (voir : Parcs nationaux). Signes indicateurs (voir : Tourisme {Aménagement de forêts en vue du). Sociétés scolaires forestières (voir : Enseignement sylvicole et sylvo-pastoral). Stations de recherclies,d'expériences et de renseignements (voir : Office fores- tier international). Stations de recherches forestières. — Communication de M. Cuif 366-368 Discussion : MM. Guyot et Vivier 368 Subventions industrielles, — Rapport de M. l^aui Couli'l 484-489 Syndicats forestiers (voir : Ligues). T Tables d'orientation (voir : Tourisme {Aménagement de forêts en vue du). Taillis à faible rendement situés en plaine ou en montagne. Amélioration par l'introduction de résineux. — Rapport de M. Schaeffer 92- 95 . Discussion : MM. Caquet, Cuif, Schaeffer 95-96 Taillis et taillis sous futaie. Allongement des révolutions. Diminution de la proportion des bois de petite dimension. Conversion des taillis et taillis sous futaie en futaie. — Rapport de M. Demorlaine 97-107 Communication de M. Cuif sur la question, et discussion : MM. Caquet, Cuif, de Larnage, de Lesseux, Maître, Mangin 107-116 Taillis (Introduction du peuplier dans les). — Commimicalio.i de .M. Raver- deau 116-117 Discussion : MM. Baudoux, Barbey, dp S^gnnzae 117-118 Tanin (voir : Ecorces). Terres incultes (voir : Campine belge). Torrents (voir : Grands travaux, Dunes, Correction des torrents). Tourbières. Marécages. Leur assèchement et leur mise en valeur par leur reboi- sement. Essences à employer. Mode de plantation. — Rapport de M. Pardé 677-692 Discussion : MM. Barbey, Breton-Bonnard, Dubois, FlahauH, llatt, Herrgott, Mangin ^, Pardé 692-700 Touring-CIub italien (voir : Italie {Les prolilèmes foresfiers en). — 959 — CONGRES FORESTIER Pages Tourisme (Aménagement de l'urûts en vue du). Création. Amélioration des routes et chemins. Sentiers forestiers. — Rapport de M. Thiollier 801-803 Discussion : MM. Chaix, Cochon, Coulon, Dupuich, Gabiat, d'Orlyé, Maige, Thiollier, Van de Poil 803-807 Plaques, poteaux, signes indicateurs, abris, bancs, points de vue, tables d'orientation, etc. Livrets-guides ou plans de forêts à l'usage des tou- ristes. Catalogues des arbres remarquables. ■ — Rapport de M. Gouilly. 807-811 Discussion : MM. Chaix, Clary, Cochon, Coulon, Dumesnil, Dupuich, Gabiat, Gouilly, Lorieux, Maige, d'Orlyé, Thiollier, Van de Poil. 811-816 Transhumance. — Communication de M. Maître R72-673 Discussion : MM. de Bélinay, Cardot, Larue 673-674 (Voir : Améliorations pas/orales). Transport des bois. — Rapport de M. Villame il 3-422 Disrussion : MM. Hollande, du Pré de Saiiit-Maur, Raisin, Villame, Vivier 'i 22-423 Transport des produits forestiers. Annexe E. — Communication de M. P. Leturque ' 900-901 Traverses (voir : Bois équarris). Tunnels (voir : Grands travaux). u utilisation des bois. Bois bruts, rhaulîage, charbon, étais de mines. — Raji- port de M. Edouard Rizier 443-452 Discussion : MM. Caquet. Duchemin, Puupinel, Tortel 452-457 Utilisation des menus bois par les nouveaux procédés chimiques et mécaniques. — Rapport de M. Caquet 457-465 Dismission : MM. Caquet, Poupine!, Raison, Sébastien, de Segonzac... 465-466 V Victoria (Ressources forestières de l'Etat de). Annexe D. — Commimication de M. Peter Me Bride 895-899 Voeux adoptés par le Congrès Première section 852-857 Deuxième section ' «57-863 Troisième section 863-868 Quatrième section 868-871 Cinquième section H71-874 Bibliograi)hi(' 931-948 Réception à l'Hôtel de Ville de Paris 905 Discours de M. Chassaigiie-Goyon, Président du Conseil mnniciftal .. . 905-906 Discours de M. .\ubanel. Secrétaire général de la Préfecture de lu Seine 907 — 960 — INTERNATIONAL 1913 Pages Discours de M. Laurent, Secrétaire général de la Préfecture de Police. 907-908 Discours de M. Billard, Vice-président du Conseil général 908 Discours de M. Del'ert, Président du Congrès 908-909 Discours de M. de Sébille, Représentant de Belgique 909-910 Banquet du dimanche 22 juin 1913 913-925 Discours de M. Ballif, Président du Touring-Clul) de Franc ■ 914 Discours de M. Defert, Président du Congrès 9 14-91 G Discours de M. Berr de Turique, Inspecteur général di-s Mununienls Historiques 916-917 Discours de M. le D"" Auguste Nemours, Ministre de la République de Haïti 917 Discours de M. Chalamel, député, Président du groupe forestier de la Chambre 918 Discours de M. le baron de Hennet, Délégué permancul du -Ministère autrichien de l'Agriculture 918-919 Discours de M. Bouvet, Président de la Société forestière de Franche- Comté et Belfort 920 Discours de M. de Sébille, Représentant de Belgique, membre du Conseil supérieur des forêts du royaume de Belgiqu ■. 921 Discours de M. de Nicolay, Président du Syndicat des propriétaires forestiers de la Sarthe 92 1 Discours de M. de Larnage, Président du Syndicat forestier de Sologne ' 921-922 Discours de M. Changeur, Secrétaire général de la Société pour la protection des paysages de France 923 Discours de M. Tanassesco, Délégué de la Rnumanir 923-92 4 Discours de M. Krarup, Délégué du Danemark 924 Discours de M. Dabal, Directeur général des Eaux et ForC'ls 924-925 Excursion dans la forêt domaniale de Lyons 911-912 Excursion à Grenoble et aux Alpes Dauphinoises (du 22 au 29 juin 1913). . . . 927 Table des Matières 949 961 — Paris. — Imyi L. Pociiy, 52, rue du Château. — lMS-13 UNIVERSITY OF BRITISH CQLUMBIA LIBRARY DATE DUE npT 2 6 1992 ,