CONGRÈS INTERNATIONAL D’ARCHÉOLOGIE PllÉHISTORIftDÏ e t D'ANTHROPOLOGIE. 11-èiB Session, â Moscou, du 1 / u — % 0 août 1892. CONGRÈS INTERNATIONAL D’ARCHÉOLOGIE PRÉHISTORIQUE e I D'ANTHROPOLOGIE. 11-ème Session, à Moscou, oW ] / 13 — 8 / S0 août, 1892. T. I. MOSCOU. Imprimerie de l’Université Impériale 1892 . COMMISSION DE RÉDACTION DES PUBLICATIONS DES CONGRÈS. Président de la Commission: Dumouchel , Jean, inspect. des classes de l’Inst. S-te Catherine, à Moscou. Membres de la section scientifique de la Commission: Anoutchim, Dmitri, professeur, Président de la Com. orgams. du Congrès d’ Anthropologie et d’ Archéologie préhistorique. Ouvarova , Comtesse Pauline, Présid. de la Com. orgams. de l’ex- position anthropologique et préhistorique. Troutovsky, Vladimir, secrétaire de la Société lmp. d Archéologie. SloutsJcy, Serges, secrét.-adjoint de la Société. lmp. d’ Archéologie. Tïkhomirov , Alexandre, professeur, organisateur de la I ère. section. Membres de la rédaction et traducteurs: M. Tastevin, Félix. T-lle. Tzvétaéva , Marie. TABLE DES MATIÈRES. I. Section. — Géologie et paléontologie dans leurs rapports à l’homme primitif. Page. 1 . 8. Nilcitine. Sur la constitution des dépôts quaternaires en Russie et leurs relations aux trouvailles résultant de l’activité de l’homme préhistorique. 1 2. Th. Tschernyschev. Aperçu sur les dépôts porttertiaires en connexion avec les trouvailles des restes de la culture préhistorique au nord et à l’est, de la Russie d’Europo 35 3. O. Clerc. Quelques remarques sur les cavernes de l’Oural, (trad. par M-lle Tzvétaév). 113 4. J. Savenlcov. Sur les restes de l’époque paléothique dans les environs de Krasnoïarsk, gouv. de Ienisséisk, Sibérie (trad. par M-lle Tzvétaév) 121 5. W, Dokoutchaiev. Les steppes russes, autrefois et aujourd’hui, (avec deux cartes dans le texte) (trad. par F. Tastevin et D. Anoutchine) 197 6. R. Anoutchine. Sur les restes de l’Ursus spelaeus et de l’Ovibos fossilis trouvés en Russie 241 II. Section.- Archéologie préhistorique (les kourganes et les go- roditchtschés exceptés). 7. G. Chauvet. Comparaison des industries primitives de France et d’Asie. . 57 8. Lühor Niederle Les derniei-s résultats de l’archéologie préhistorique en Bohême et ses rapports avec l’Europe orientale, (trad. par J. Dumouchel). 75 9. C. Barrïerc-Flavy . Etude sur les sépultures barbares de l’époque Wisi- gothique dans le midi de la France • 86 10. C-te Cassmi, Du néphrite (siouy). (trad. par J. Dumouchel) 95 11. O. Clerc. Sur les prétendus objets en néphrite trouvés dans l’Oural (trad. par J. Dumouchel) 97 12. P-ce Poutiatine. Les traces des morsures sur les ossements des périodes pa- léolithique et néolithique 131 13. R Péréddsky. L’époque paléolithique dans les environs de la ville de Nov- gorod. (trad. par D. Anoutchine) 139 Supplément. (D. Anoutchine) 141 III. Section.— Kourganes et goroditchtschés. Page. 14. A. Spitzine. Les Goroditchtschés à ossements dans le nord de la Russie, (trad. par D. Anoutchine) 115 15. P. Krotov. Gisements d’outils en pierre dans Je district de Iaransk, gouv. do Viatka. (trad. par J. Dumouchel) 1 151 16. B. Pérédolshy. Le „Jalnik“ (nécropole) de Iuricvo. dans Je district de Bo- rowitehi, gouv. de Novgorod, (trad. par M-lle Tzvétaév) 145 17. N. Brandebourg. Sur les coupes de ceinturons des anciens scythes (avec deux dessins dans le texte) (trad.par J. Dumouchel) 109 IV. Section — Anthropologie. 18. M. Topinard. De la race en anthropologie 161 19. N. Gmltchenko. Le poids du cerveau chez quelques peuples du Caucase, s (trad. par D. Anoutchine) ] gg 20. Kollmann. Les races humaines de l’Europe et la question arienne (avec G dessins dans le texte) 249 21. D. Anoutchine. Sur les crânes anciens, artificiellement déformés, trouvés en Russie (avec 4 dessins dans la texte) 263 V. Section. — Ethnographie préhistorique. 22. J. Smirnov. Contributions à l’ethnographie préhistorique de la Russie cen- trale et du nord-est. (trad. par D. Anoutchine) 99 23. N. Troïtzky. Vestiges de paganisme dans la région située entre les cours supérieurs de l’Oka et du Don. (trad. F. Tastevin) 67 24. E. Chantre. Projet de réforme dans la nomenclature des peuples de l’Asie. 171 25 A. Ivmovshy. Quelques données sur les questions: 1) de l’existence simul- tanée de l’usage do la sépulture et de l’incinératiou, et 2) des statues en pierre, nommées „Kamennya baby“. (trad. par D. Anoutchine) 176 26. A. Bogdanov. Quelle est la race la plus ancienne en Russie 1 16 L’Errata sera joint au T. IL Sur la constitution des dépôts quaternaires en Russie et leurs relations aux trouvailles résultant de l'activité de l'homme préhistorique, par M r. S. N i Je i t i n. La question sur le temps do la première apparition et sur l’âge des traces les plus anciennes de l’activité' de l’homme en Russie est étroitement rattachée à l’étude de la constitution de l’origine et des subdivisions des dépôts quaternaires. Monsieur le président du Comité d’Organisation des Congrès m’a fait honneur, en me proposant de Vous exposer, Mrs., mon point de vue sur cette question si intéressante. En acceptant cette propo- sition, je me erois obligé de Vous prévenir que je ne suis aucu- nement spécialiste en archéologie préhistorique; mes connaissances et mes occupations dans le domaine de Vos travaux spéciaux ne sont que très superficielles; ainsi, je m’excuse d’avance, si je commets quelque méprisé sous ce rapport. Ce que je compte communiquer ici n est pas nouveau dans le domaine de l’archéologie préhisto- rique russe, et je me bornerai uniquement aux découvertes déjà connues pour la plupai’t par les travaux d’autres investigateurs. Ayant étudié, comme géologue, les dépôts quaternaires russes, je n ai qu a vous exposer tout ce qui a été fait auparavant concer- nant la question de la constitution et des subdivisions de ces dépôts en Russie et de Vous présenter un aperçu de la répartition, dans ces dépôts, des vestiges reconnus de l’activité de l’homme préhis- torique; — thème, qui se rattache aux connaissances géologiques. On sait que les termes d & période quaternaire ou posttertiaire , ses subdivisions et sa valeur géologique dans la série des autres dé- pôts, sont loin d’être définitivement établis dans la science. Aux dernières sessions du Congrès international géologique, à Londres et à Washington, on a beaucaup débattu ces questions, sans parvenir à un résultat définitif. Je ne prétends pas résoudre ce thème com- pliqué, et je me bornerai à donner une courte analyse de la signi- fication et de l’étendue que je donne à cette terminologie. Sous le nom de période quaternaire ou posttertiaire, je comprends tout le 1 — 2 temps depuis la tin du pliocène jusqu’à nos jours; je divise cette période en deux époques: celle du pleistocene (époque ancienne) et l’époque moderne. La fin du pleistocene est caractérisée, selon moi, par la disparition du mammouth, du rhinocéros et d’autres grands mammifères, à présent disparus des limites de la Russie. Cette subdivision coïncide avec celle de plusieurs archéologues, c’est-à-dire, avee la subdivision en époques paléolithique et néoli- thique. En admettant cette classification, je ne veux pas dire que la limite entre les époques pleistocène et moderne soit nettement tranchée et que le mammouth et le rhinocéros aient disparu subitement sur toute l’étendue de la Russie. Je crois que, parmi les dépôts posttertiaires russes, il y en a dont l’âge ne sau- rait être précisé d’une manière certaine, et je pense aussi que les archéologues ont parfaitement raison d’entendre par l’époque pa- léolithique — l’époque du mammouth, vu que les restes de l’industrie humaine qu’on trouve avec les ossements du mammouth, consistent toujours en outils de silex taillé, — tandis qu’à l’époque néolithique , on voit apparaître, à coté des silex taillés, des outils en pierre polie. Je pense que cette subdivision serait fondée, quand même parmi les restes de mammouth, on découvrirait quelques pierres polies, comme premiers indices d’une industrie plus parfaite. Ce qui caractérise surtout l’époque pleistocène, c’est le grand développement dos glaciers en Europe et (probablement en même temps) dans l’Amérique du Nord, ainsi que tous les phénomènes qui se rattachent à la glaciation. Cependant, il ne faut pas oublier que la période glaciaire et V époque pleistocene ne sont pas des termes de signification identique. L’étude de la, flore et de la faune de quelques dépôts sous-jacents aux formations glaciaires nous obligent de reconnaître à la base du pleistocène, mais en fai- sant partie, les dépôts dits préglaciaires. La glaciation elle-même de ces vastes régions de l’Europe et de l’Amérique du Nord, qui sont à présent couvertes par de vrais dépôts glaciaires (morainiques), ne pouvait commencer en même temps sur toute l’étendue de ces contrées; la progression des glaciers devait être graduelle, ce qui explique l’existence, sous les dépôts morainiques, de dépôts pleistocènes privés de toute trace de l’activité glaciaire. D’autre • part, à l’époque de la retraite finale du glacier, des régions d’une étendue considérable pouvaient être recouvertes, au dessus des dépôts morainiques, par des formations qui n’avaient, rien de commun avec les glaciers recouvrant encore une grande partie de l’Europe. Quant au temps de la disparition du mammouth, du rhinocéros, de l’ovibos et d’autres grands mammifères de l’époque glaciaire et, par conséquent, à la fin de l’époque pleiostocène, c’est une ques- — 3 — tion qui a été traitée par plusieurs investigateurs mais sans résultat définitif. Ce qui est certain, c’est que partout où les dépôts glaciaires sont entièrement développés, au dessus des dépôts morainiques de ce qu’on appelle la seconde glaciation, les restes du mammouth ne se rencontrent pas «in situ», ou y sont du moins extrêmement rares. Le temps du plus grand développement du mammouth et du rhinocéros en Europe correspond à la période dite interglaciale et à la seconde glaciation de l’Europe du Nord. Dans la Russie septentrionale et centrale, qui présente partout une seule moraine, les restes du mammouth et du rhinocéros se retrouvent principa- lement dans les dépôts loessif ormes, les dépôts lacustres anciens et fluviatils recouvrant la moraine, ou les produits de son alté- ration. Ces faits prouvent que les dépôts morainiques de la Russie appartiennent à la première glaciation, et que par analogie avec l’Ouest notre loess et les alluvions anciennes où l’on retrouve le mammouth et le rhinocéros, sont les sédiments correspondant à l’époque interglaciale et de la seconde glaciation. Je ne m’arrêterai pas ici aux subdivisions des dépôts post- tertiaires de l’Europe occidentale et aux dissentiments que Vous connaissez à ce sujet. Je me bornerai à indiquer deux questions dont la solution est importante pour le sujet que je traite. D’abord celle 4es deux glaciations de l’Europe moyenne et puis celle des soi-disant dépôts interglaciaires de l’Allemagne, de l’Angle- terre, de- la Scanie etc. Vous savez, Mrs, que l’idée de deux épo- ques de glaciation (et même de plusieurs, selon quelques investiga- teurs), a été éveillée par la découverte, sur la vaste étendue des pays énumérés, de deux dépôts morainiques, séparés par des couches stratifiées puissantes, dans lesquelles on retrouve parfois de nombreu- ses traces de la faune et de la flore pleistocènes. En même temps, les partisans de cette doctrine affirment que la seconde glaciation a été moins puissante que la première et qu’elle n’a pu couvrir toute la région occupée par cette première et principale glaciation. Vous savez aussi, Mrs., que cette doctrine, adoptée par la majeure partie de ceux qui étudient les dépôts quaternaires, est loin d’être irréfutable. — Je remarquerai d’abord que la supposition de trois et même quatre glaciations particulières, au lieu de deux, indique la possibilité de diverses explications et de divers opinions sur la genèse de ces dépôts interglaciaires; qu’on a démontré récem- ment pour divers pays le peu de solidité des preuves dont on se servait pour affirmer l’existence de plusieurs époques glaciales, sé- parées par des périodes, dont les conditions climatiques ont été toutes différentes. La littérature géologique contemporaine nous fournit quel- ques exemples qui démontrent qn’on s’est trompé, même sur quel- ques profils classiques des dépôts interglaciaires, de sorte que ces profils ont perdu à présent l'importance qu’on leur prêtait auparavant. — 4 — Toutefois, que nous acceptions deux périodes glaciales particu- lières pour l’Europe moyenne, ou bien que nous voulions attribuer les faits observes aux simples phénomènes d’oscillation du glacier 1 existence dans l’Europe moyenne de deux horizons des dépôts mo- rainiques (dont l’inférieur est beaucoup plus étendu que le supé- rieur) est hors de doute; il est certain aussi que, dans les lieux de de'veloppement compatible de deux horizons, ces derniers sont sé- parés par des couches épaisses stratifiées, contenant des restes de faune et de la flore pleistocènes. Partout, où l’on ne voit se déve- lopper que les dépôts morainiques inférieurs, ces derniers sont re- couverts par le loess ou des roches analogues, qui semblent rem- placer les dépôts interglaciaires et ceux de la seconde gla- ciation. En 1885, j’ai entrepris un voyage en Allemagne, dans le but de comparer ces dépôts posttertiaires avec les dépôts correspon- ( ants en Russie. Les résultats de mon voyage ont été publiés alors en russe ’ et plus tard compilés parMr. Sjôgren* ** en allemand et en suédois, de sorte qu ils sont devenus accessibles aux savants de l’Euro- pe occidentale. Entre autre, je constate dans ces compte-rendus une analogie complète entre les dépôts quaternaires russes et les types allemands; à cette différence près, que, sur une vaste étendue de la Russie moyenne et septentrionale, on observe une absence com- plète de traces des dépôts interglaciaires et de la moraine de la seconde glaciation, et que la limite Est de cette seconde gla- ciation doit traverser la Lithuanie et la région Baltique. Il est \iai que dans la littérature spéciale géologique russe, nous ren- controns de temps en temps l’annonce de la découverte de couches m ei glaciaires dans un point ou dans un autre de la Russie cen- trale ou même méridionale. Pourtant tous ces cas ne peuvent être pris au sérieux, selon moi; souvent ils ne sont provoqués que par cette idee fausse que tous les détails des dépôts quaternaires de 1 Allemagne septentrionale doivent être retrouvés partout en Russie - les causes de ces erreurs sont aussi parfois des phénomènes mal coin- pris de 1 oscillation locale du glacier, surtout près des limites de la répartition de la glaciation, tantôt les profils riverains dé- placés et les éboulements envisagés comme profils primaires et intac- tes. En tout cas, ces pseudodécouvertes ont été annoncées par des investigateurs qui n’ont pas eu l’occasion d’étudier les H aciers contemporains, ni les dépôts glaciaires anciens dans les lieux clas- siques de leur développement, ni môme en Russie sur une étendue * Bull. Com. Geol. 1886 N» 3. _** Oefert. Vetensk. Acad. Forliandl. Stockholm 1888 jY» 3 Jahrb Wiener Geol Reichsanstalt. Bd. XL 1890 p. 51. 5 — assez considérable. Des observations réitérées des profils dits inter- glaciaires sur une vaste c'tendue et étroitement relie's au centre finlandais pourraient seules nous persuader de l’importance inter- glaciaire de ces dépôts, ou du moins, prouver leur analogie avec les dépôts correspondants de l’Allemagne. Dans la littérature contemporaine sur les temps glaciaires, il y a une autre question grave, soulevée récemment par Mr. Drude en Allemagne, et qui vient de pénétrer aussi dans la litté- rature russe sur ce sujet. On sait que Mr. Drude ne reconnaît pas le puissant développement continu du glacier sur toute l’étendue de l’Allemagne dans la période glaciaire, et suppose que les glaciers couvraient la contrée en forme de bandes plus ou moins larges, et laissaient libres les points élevées. Ces régions élevées ont pu, selon lui, pendant toute la période glaciaire conserver leur végétation de forêts et ou général leur faune et leur flore, représentant ainsi pour les temps postglaciaires les centres de la répartition de cette flore et de cette faune endémiques. D’ailleurs, la glace elle même du grand glacier continental, dans une grande étendue, a pu, selon Mr. Drude, porter sur sa surface couverte de moraines, une pa- reille végétation de forêts, comme cela vient d’être prouvé poul- ies parties inférieures de quelques grands glaciers de la presqu’île d’Alaska. On a déjà exprimé plusieurs objections sérieuses contre cette idée sur la nature de la période glaciaire dans l’Europe centrale. Quant à la Russie, je dois dire que cette hypothèse se trouve absolument en contradiction avec le puissant développement des dépôts morainiques et des nombreux blocs erratiques sur toutes les hauteurs les plus élevées de la région Baltique et du Waldaï, tandis que les régions moins élévées sont souvent tout-à-fait privées des dépôts morainiques instratifiés, qui sont remplacés par des produits secondaires de ces dépôts remaniés et stratifiés. Le peu de temps ne me permet pas d’analyser ici la possibilité d’un puissant développement des forêts et en général d’une végétation quelconque sur la surface du grand glacier Scandinave — russe. Je dirai seulement que nous manquons de données pour reconnaître sur la surface même de ce glacier quelques couches morainiques considérables, sans lesquelles toute l’hypothèse perd sa raison d’être. Si même l’on pouvait supposer que la végétation avait couvert une petite partie de la surface de ce glacier, ce ne serait qu’une hypothèse gratuite, et qui ne s’appliquerait qu’aux parties ter- minales du glacier. Cela posé, la supposition d'un désert de glace et de neige privé de vie végétale , animale *) et eo ipso de l’homme, pareil * En exceptant sans doute les organismes inférieurs habitant sur les glaces. — 6 — au Groenland contemporain, semble être pour la Russie centrale et nord — ouest des temps glaciaires , la supposition la plus probable puisque qu elle répond à toutes les données géologiques connues. heslimites sud et est de la répartition dugrand glacier Scandinavo- russe peuvent être approximativement définies par les limites de la répartition des blocs erratiques indépendamment du caractère des roches ou ils se trouvent. Mais il ne faut pourtant pas ou- blier qu une pareille coïncidence est approximative: les blocs erratiques et les graviers ont pu être aisément emportés par les eaux du glacier très loin hors du glacier lui-même, et déposés dans les alluvions stratifiées. D’autre part, les dépôts stratifiés aré- nacés ont pu se former à la place du glacier, de ses matériaux morainiques. Les limites de la répartition des blocs erratiques en Russie ont été pour la première fois portées sur la carte géologique par Mr. Murchison, qui envisageait ces blocs comme témoins d’une immense mer diluviale. En 1885, j’avais publié dans les. , à ses pieds, de même que dans les bandes de la vallée de la Néva et du Ladoga, on rencontre souvent les argiles stratifiées (hvmfvig lera (h) recouvrant les dépôts morainiques, et souvent recouvertes à leur tour par les sables su- perficiels. Cette argile, à en juger d’après ses propriétés, est; iden- tique à l’argile marine de la Suède ( Yoldia-lera ), mais personne n’y a jamais découvert de coquilles. Quelle en est la cause? Les investiga- tions n’ont-elles pas été assez complètes, ou bien le bassin marin qui existait vers la fin de l’époque glaciale, a-t-il été privé d’une faune quelconque? Toutes ces questions doivent être résolues par les investigateurs futurs, qui ont encore beaucoup à étudier dans la spacieuse vallée de la Néwa et du lue Ladoga. Nous répéterons — 16 — encore que les nouvelles investigations nous obligent -Mme*» la supposition de la réunion manne des mers Blanche et Baltique VW A CtoceilSoÏTans les parties littorales de cette con- trée il faut encore ajouter (comme en Finlande), les diverses 01 mations des terrasses et des plages anciennes (le) appartenant a 1 P0, B»«n jéTois mentionner ici la genèse originale de la plupart des vallées fluvi utiles de cette contrée; leur construction a ete très soigneusement étudiée, surtout par Mr. IhJimteluKv- N on» av mentionné l’abondance des lacs dans toutes '* y Anré* l-i retraite complète du glacier, évidemment les lacs ont ctu y â?r P lus iSreux encore, mais plus tard l’érosion fluviatile appro- fondit de plus en plus le lit des rivières, dessécha en partie es lacs, ou abaissa considérablement leur niveau, ou enfin par 1 activité de la végétation des tourbières, elle transforma les dépréssions la- custres en dépressions marécageuses; ce qm a pu sans doute s ope rer sans changements dans les conditions physico — orographi- oues et climatiques de la contrée. Cela posé, on comprend le ca- ractère des vallées qui forment un chapelet de bassins successi s, caractéristique pour la plupart des rivières locales. Le mammouth. Quoique les restes des os de et d'autres mammifères éteints n’y soient pas aussi raie, qu en il fonde ils Tinrent cependant comme trouvailles uniques d os et d" dents mal conservés! dont la plupart ont été trouvés t^o en position douteuse ou secondaire dans les alluvions, tantôt sans dication de gisement, dans une roche quaternaire quelconque. Les restes du Bos primigenius et du Cervus tarandus sont plus freque^, et surtout dans les dépôts posttertiaires plus modernes, coi ' tourbières (m). marnes d’eau douce (f) et argiles contemporain , mais toujours sans os de mammouth et de rhinocéros. Tout eda prouve que ces derniers mammifères éteints ne furent que p»S | o’ G rs dans la région Baltique et qu ils y parurent plus tard que H^^tVCsdevons constater d’abord l’absence complète des traces de l’activité de l’homme à 1 epoque glaciale, dan ^ région Baltique. Les plus anciens depots postglacianes e g aussi dépourvus. En examinant les collections es ou ,, nraD lè- et en os de cette région, là, où ces collections sont les p n les et dont les localités et les gisements sont exactement 1 ». Sus ne trouvons aucune raison de reconnaître l’époque paléolithique (pleistocène), vu le caractère ? C -j tail- Les trouvailles simultanées d’outils en pierre P» 1 ' 6 ,, J^mnce que lés à éclats ne peuvent avoir pour notre congrès 1 uni h — 17 — leur attribuent quelques observateurs qui ne connaissent pas sou* vent la subdivision en époques paléolithique et néolithique, unique- ment parce que les outils des deux types se rencontrent simulta- nément. Ainsi, l’homme paléolithique manquant dans la région Baltique, les traces de ses stations à l’époque néolithique y sont nombreuses, mais toutes ces stations, comme nous l’avons dit, appartiennent aux temps postérieurs de l’époque postglaciaire et moderne, et démon- trent en môme temps que l’homme y a apparu avec un degré plus avancé de culture. Je m’arrêterai ici sur trois localités où les restes de l’homme néolithique ont été trouvés dans des dépôts géologiques définis, et qui présentent des types auxquels peuvent être rattachées toutes les autres trouvailles. Les marnes de Kunda en Esihonie. La station de l’homme néolithique de cette localité a été, comme on sait, soigneusement étudiée par Mr. Grewinglc *. Une riche série de diverses traces de l’homme a été trouvée ici dans les dépôts des marnes d’eau douce (f) et des argiles marneuses recouvertes par la tourbière (m); ces dépôts y sont plus jeunes que les argiles arénacées postglaciaires (i), dans lesquelles Nathorst vient de dé- couvrir les restes de la flore polaire. Quant à la définition plus exacte du temps de la formation des couches contenant les traces de l’industrie humaine à Kunda, en admettant que tous les divers restes décrits par Mr. Grewingk viennent du même horizon, (le nom de ce savant nous le garantit), nous arriverons aux consé- quences suivantes: L’homme a vécu ici dans les temps récents de l’époque moderne, quand les conditions physico-géographiques eurent reçu leur caractère récent, la végétation polaire fut remplacée par les conifères et les arbres feuillis tels que: pins, chênes, trem- bles etc. Parmi de nombreux restes de mammifères, de poissons et de mollusques du type contemporain de la région Baltique, nous rencontrons pourtant une quantité considérable de formes éteintes et disparues de cette région, tels que le renne , le Bos pri- migenius, le sanglier. Quoiqu’on rencontre, avec les os de ces ani- maux sauvages, les os de chevaux, de vaches domestiques et de chiens, cependant, la simultanéité de ces derniers avec les premiers et avec les traces de l’industrie humaine est douteuse, selon Mr. Gre- wingk lui même. Il faut observer que parmi les anciens outils de Kunda, les outils en os sont plus nombreux que les outils en pierre, * Voir: Arcliiv fiir Naturk. Liv. Estli — Ivurland, I Sérié Bd. IX, 1 Lief. 1882, et une série d’autres articles et notes publiés dans les éditions locales. 2 18 — Ce qui s’explique par la situation de Kunda près de la mer, et par l’usage qu’on fait de la plupart des outils — comme outils de pêche. L’homme préhistorique de Ladoga. Les stations de l’homme aux bords du lac Ladoga ont été soigneusement étudiées et décrites par Mr Inostrantzev. Les conclusions de cet investigateur et les corrections essentielles de Mr. Poliakov * nous apprennent que l’homme y a aussi vécu dans les temps récents de l’époque moderne et probablement en même temps que la colonie de l’homme de Kunda. Nous avons ici, dans la base l’argile morainique (h) recou- verte d’abord par une mince couche d’argile lacustre (i?) et puis par des sables stratifiés lacustres, intercalés d’alluvions de tourbe (m), parfois recouvertes à leur tour par des dunes récentes. Toutes les nombreuses traces de l’industrie humaine avec les restes de la flore et de la faune se trouvent précisément dans ces sables stratifiés aux alluvions de tourbe déposées, comme démontre Mr. Poliakov, non pas au niveau abaissé, mais au niveau soulevé des eaux du lac (comparativement à celui de nos jours). En considé- rant la flore et la faune, nous trouvons ici une analogie complète avec les conditions de Kunda. Les outils en os et en pierre se rencontrent en quantité égale. Parmi les derniers prédomine la pierre polie; les silex taillés y sont rares. Parmi les traces de l’industrie humaine, on rencontre aussi des restes de poterie. Nous n’avons pas d’autres raisons basées sur les données géologiques spéciales, pour déterminer plus exactement l’âge de l’homme de la colonie de Ladoga que celui de la colonie de Kunda. L’homme préhistorique de Bologoïe. Cette troisième localité très intéressante de la station de l’homme est située dans le centre de la contrée montagneuse du Waldaï, au milieu d’un paysage mo- rainique typique. La localité a été étudiée il y a bien des années par Mr. le Prince Poutiatine, je la connais aussi personnellement, car j’ai assisté à ses fouilles. Ici, nous avons 1a. répétition complète de tou- tes les conditions, géologiques, (de même que de la flore et de la faune), que nous avons vues à Kunda et à Ladoga, nous y trou- vons aussi comme base l’argile morainique (&), à laquelle sont adossés les dépôts stratifiés de sables ( m ) de diverses compacité et grosseur de grains, déposés sur le bord d’un grand lac; il est indubitable que ces couches se sont déposées sous ses eaux au niveau jadis plus haut de ce lac, dont l’abaissement correspond à l’abaissement général des niveaux de presque tous les lacs de la * Inostrantzev. L’homme préhistorique de l’âge de la pierre du Ladoga. St. prsb., 1882. — Poliakov. Beitrage z. Kenntn. des russiscli. Reichs 1885. Bd. YIÏI. - 19 — région Baltique. C’est dans ces sables stratifie's que furent trouves tous les divers objets et les restes paléontologiques qui font partie des riches collections de Mr. Poutiatine. La faune de ces sables présentant, pareillement à celle du Ladoga, la même réunion des formes contemporaines aves celles qui ont déjà disparu de cette localité, est surtout digne d’attention parce qu’elle démontre que les conditions étaient alors non seulement prpehes des conditions polaires, mais qu’elles étaient même plus favorables que celles d’au- jourd’hui; du moins l’abondance en os de sanglier , du JBos brachy- ceros, du B os primigenius, du Myoxus glis, du Castor fiber etc. est difficile à accorder avec la nature contemporaine de la contrée abondant maintenant en forêts de sapins et en marais couverts des mousses d’Oxycoccos, de Betulanana et en général d’une végétation boréale. Ce n’est que le renne qui vient nous surpren- dre parmi les formes de la collection de Mr. Poutiatine. Quant aux outils, on y remarque au contraire que les silex taillés prédo- minent sur les outils polis et enfin, on trouve de la poterie en abon- dance. La prédominance des outils en silex sur les outils polis peut être plutôt expliquée par des causes locales: l’abondance en silex des matériaux erratiques et des calcaires carbonifères sous-ja- cents de la contrée en question. Il faut aussi remarquer que Mr, Poutia- tine, en étudiant les gisements des outils et de la poterie, s’est couvaincu de l’existence de deux horizons divers, et dans les couches infé- rieures, il prétend avoir observé les outils et la poterie d’une indus- trie moins parfaite que ceux des couches supérieures; tout cela démontre l’existence de la station de l’homme de deux différents âges (ou peut être plus), mais en tout cas géologiquement proches. En examinant, sous le point de vue du géologue, les stations de l’homme à Kunda, à Ladoga et à Bologoïé, comme des stations néolithiques, il me paraît que le géologue ne peut résoudre que la question de la limite inférieure du temps de leur formation, qu’il peut dire que l’homme de ces stations n’a pu être plus ancien que tel ou tel âge du quaternaire. En jugeant la puis- sance des couches contenant les traces de l’homme, la puissance des alluvions et de la tourbe qui les recouvrent, en comparant ces alluvions avec le niveau contemporain des lacs, il peut dire que ces traces doivent être attribuées à des temps très reculés, mais les géologues (avec leur méthode) ne sont point en état de déter- miner plus précisément le temps où ces restes ont été déposés, ni la durée qui nous en sépare; la solution de toutes ces questions appartient selon moi complètement au domaine de l’archéologie. 2 * — 20 — Pologne et Lithuanie. Le type des dépôts quaternaires de cette région présente une analogie complète avec les dépôts correspondants de la Prusse, qui y sont soigneusement étudiés. On y voit deux moraines'. I inferieure (b) ordinairement de couleur grise, la supérieure (d) principalement de couleur jaune et brune. Les deux moraines y sont ordinaire- ment séparées par les dépôts puissants stratifiés arénacés et argi- leux (c), appartenant, paraît-il, à l'époque inter glaciale. Comme en Prusse, ces dépôts de l’époque glaciale sont recouverts par divers dépôts, pour la plupart stratifiés arénacés et argileux, appartenant en pai’tie à la fin de l’époque glaciale, en partie aux de dépôts postglaciaires anciens et récents. Malheureusement, il nous manque une description générale et détaillée du quaternaire pour une grande partie de cette région. Nous possédons des ouvrages locaux, parmi lesquels il faut citer ceux de mrs. Grewingk, Be- rendt, Gedroïtz , Siémiradzky etc.; mais, comme il nous manque beaucoup de données particulières, nous ne pouvons en faire le sujet de notre conférence d’aujourd’ hui. Les limites est et sud de la répartition du type quaternaire de la Lithuanie avec ses deux moraines, ne nous sont pas encore connues. Nous rencontrons ce type bien exprimé en Courlande, dans les gouv de Wilno et de Grodno; mais le type de la Russie centrale domine dans la partie est des gouv. de Minsk et de Moguilev. Au sud, la limite du type lithuanien paraît disparaître dans les marais et les sables du Polessié. En tout cas, il faut remarquer ici que la carte géologique de la Pologne et de la Lithuanie, que Mr. Siémiradzky vient de publier en langue polonaise, avec indication de la répartition de divers dépôts quaternaires, est faite (du moins pour la Lithuanie), par un auteur qui n’a pas étudié personnelle- ment cette contrée . Quant aux restes de mammouth et de rhinocéros, qui y sont en général peu nombreux, et enfin aux traces de V industrie humaine primitive dans la région de la Lithuanie, je dois passer ces ques- tions sous silence, vu l’impossibilité dans un discours succinct, de déterminer précisément l’âge géologique de ces trouvailles assez nombreuses. Je rappellerai seulement que c’est dans le gouv. de Kielce en Pologne que fut trouvé le vrai homme paléolithique, et que sa coexistence avec le mammouth, l’ours des cavernes, etc. y est indubitablement prouvée. Russie centrale. J’analyse ici une bande de la plaine russe de la construction la moins coinplique'e du quaternaire glaciaire. En partant du gouv. de Minsk, elle traverse les gouv. de Moguilev, de Smolensk, de Tver, de Moscou, de Iaroslav, de Vladimir, de Kostroma et de Vologda. Cette bande fut le théâtre principal de mes investigations géologiques, publie'es pour la plupart dans les Me'rn. du Comité géo- logique. Ici nous voyons le développement plus ou moins puissant d’une seule moraine 'profonde (b), représentée par l’argile marneuse ou arenacée à blocaux, ordinairement de couleurs brunes. L’accu- mulation de cette argile morainique est la cause des configura- tions montueuses de la contrée, ordinairement privée des effets de phénomènes de dislocation. Les blocaux y sont répartis très improportionnellement, par places l’argile en est remplie; les blocs erratiques présentent alors par places des moraines longitudinales plus ou moins considérables. De grandes étendues de la contrée sont couvertes par cette argile immédiatement sous le sol. Par places, elle est recouverte des salles supérieurs à blocaux (g) gé- néralement non stratifiés qui peuvent être envisagés comme produits du remaniement superficiel des dépôts morainiques, vers la fin de l’époque glaciale. Les dépôts encore plus répandus du pleistocène de la Russie centrale sont les sables inférieurs à blocaux (a) toujours stratifiés, avec les blocs et les graviers plus ou moins roulés. Ce sont les produits indubitables du remaniement des matériaux morainiques parfois par des eaux sous - glaciaires, mais le plus souvent par des courants d’eau produits en avant du glacier, surtout vers le temps de sa transgression ou de sa retraite. Souvent ces sables sont d’un puissant développement, souvent même ils remplacent la moraine et s’étendent sur la surface. Les investiga- tions démontrent que dans les lieux de contact avec la moraine, ces sables se cachent sous la moraine. De là leur nom; mais il ne faut pas en conclure, comme le supposent quelques savants, que ces sables soient nécessairement plus anciens que la moraine, ils peuvent être du même âge, ou même plus jeunes encore, et sur- tout cela s’applique aux grandes étendues de ces sables, qui par une large bande presque continue longent principalement les limites des dépôts du type quaternaire de la Russie centrale. Nous pouvons parcourir ces bandes arénacées presque sans interruption, à partir de la région des forêts (Polessié) du gouv. de Moguilev, à travers la partie nord du gouv. de Tschernigov, la partie ouest du gouv. d’Orel, des gouv. de Kalouga, Toula, le nord du gouv. de Riasan, — 22 — le sud-est de Vladimir, la partie ouest du gouv. de Nijuy Novgorod et la partie est du gouv. de Kostroma. Cette bande arénacée res- semble beaucoup aux formations correspondantes de la Liineburger Haide et encore plus aux formations récentes au-devant des vastes glaciers de l’Irlande. Ces trois formations du quaternaire du centre de la Russie sont, sans doute, soumises à diverses complications loeales; mais elles représentent le type principal de la contrée. Les dépôts plus ou moins locaux préglaciaires des bassins d’eau douce y sont aussi nombreux et dispersés dans toute la contrée. Ces dépôts sont ordinairement pauvres en restes animaux; quant aux restes végétaux assez nombreux, ils n’y sont pas encore étudiés. Les formations loessifères, déposées sur les dépôts morainiques, ont leur répartition principale dans les régions plus méridionales, mais parfois elles pénétrent au loin dans le centre de la Russie, à travers la bande arénacée susdite. Je les ai rencontrées sous la for- me de petits îlots isolés, même dans les environs de la ville de Moscou,— le lac de Pereïaslavl (au nord-ouest du gouv. de Vla- dimir) etc. Ces îlots de loess caractérisent plusieurs plateaux éle- vés, les hauts versants des vallées etc.; on ne saurait préciser l’âge du loess, mais je suppose qu’on peut l’attribuer aux forma- tions de la fin de l’époque glaciale, ou aux dépôts les plus anciens postglaciaires. Il faut remarquer que les lieux de la pénétra- tion du loess vers le nord sont accompagnés d’îlots semblables de «tcliernozème»; quoique le «tchernozème», dans la bande principale de sa répartition, peut être aussi développé sur le sous-sol tout-à- fait différent du loess. Il paraît que dans les localités abaissées et les dépressions, à ces îlots de loess correspondent quelques dé- pôts lacustres anciens recouvrant les dépôts morainiques et en général les formations à blocaux et graviers. Ces dépôts lacustres anciens sont d’une grande importance pour nous, parce qu’ils pré- sentent le gisement principal posé sur l’argile grise. Il est intéressant de signaler que les fouilles de Mr. Poliakov y ont dé- couvert, dans un seul profil, deux couches différentes de l’industrie humaine de l’âge de pierre. On a rencontré dans la couche su- périeure, appartenant à l’époque néolithique et ensevelie dans le tschernozème, outre les outils en pierre taillée et polie, des restes de poterie et des os des mammifères récents. L’autre station ap- partient indubitablement à l’époque paléolithique ; ici, on a trouvé, dans les couches de l’argile grise sous-jacente, de nombreux os de mammouth et des outils exclusivement de silex taillés; pareille- ment dans le gouv. de Poltawa, l’homme, contemporain du mam- mouth, se servait déjà du feu; et les os de mammouth y étaient indubitablement brisés par l’homme. Station à Karatcharowo, près de Mourom,sur la rive droite de l’Oka. La station de l’homme paléolitique, la plus intéressante, a été décou- verte et décrite pour la première fois par l’illustre archéologue russe Mr. le Comte Ouwarov *. Cette station qui a attiré l’attention de plusieurs investigateurs, a soulevé bien des débats et a été plusieurs fois décrite. Karatcharowo est situé au centre d’une localité très Archéologie de la Russie. Vol. I; p. 112. connue en Russie pour ses antiquités appartenant à diverses épo- ques; plusieurs appartiennent aux diverses formations de 1 époque ne'oiithique; mais vu le peu de temps et de place, nous ne les analyserons pas ici, et nous nous bornerons a dire quelques mots d’une trouvaille sûrement paléolithique. Cette trouvaille est surtout intéressante, parce que la masse des os de mammouth, de rhino- céros et de Bos primigenius plus ou moins mutilés et brisés par l’homme, ont été découverts avec les silex taillés de l’industrie impar- faite dans la rive primitive élevée, et précisément dans l’argile loessiforme marneuse recouvrant les restes de 1 argile morainique à blocs erratiques, cette dernière recouvrant a son tour les sables stratifiés à blocaux. Quant à l’argile loessiforme abondant en res- tes de l’industrie de l’homme paléolithique contemporain au mam- mouth et au rhinocéros, elle y présente par sa genèse un dépôt à moitié subaérien, à moité formé par l’action des eaux pluvia- les, en un mot un type de ce que les français nomment depuis longtemps «dépôts de ruissellements». Ces dépôts y ont enseveli les restes, les divers déchets et en général les traces de l’activité ancienne de l’homme, dans les parties supérieures des ravins qui traversent ici les versants de la rive droite de la vallée de 1 Oka. Région des steppes du sud de la Russie, hors des limites de la glaciation. Ce qui est le plus typique pour cette région, c’est le puissant développement du loess, tout à fait identique au loess de 1 Alle- magne du sud et de l’ouest. En étudiant la structure, la position et la faune des mollusques du loess en question, on y peut distinguer parfois comme dans loess du Rhin, deux types différents: le loess typique supérieur à faune exclusivement terrestre et le loess infé- rieur de stratification distincte, sans doute d’origine alluviale, et contenant la faune des mollusques, parmi lesquels on trouve en abondance les formes terrestres et celles d’eau douce. Ce sont ees deux types que l’on confond souvent chez nous, comme dans l’Europe occidentale, et c’est pourquoi on ne s’accorde pas sur la question de l’origine de ces roches. En tout cas, quelle que soit l’opinion des savants sur la genèse du loess typique supérieur, il ne peut pas être envisagé comme le dépôt de la boue glaciaire, s’écou- lant du glacier, et pourtant nous rencontrons de temps en temps des défenseurs de cette théorie. Quelles que soient les dimensions de ces prétendus torrents s’écoulant des glaciers, elles ne suffisent pas à expliquer la position du loess sur les points les plus éleves du — 31 — plateau (dans les gouv. d’Orel, de Koursk et de Kharkov), quia divisé le glacier en deux bandes, le long des vallées abaissées du Dnièpre et du Don. Quant à l’âge du loess typique de cette région et de la précé- dente, il ne peut être qu’approximativement défini, en vue de sa position sur les restes des dépôts morainiques et la présence des os des mammifères éteints. Mais quelle a été la durée de la pério- de de la formation de ce loess? Ne pourrait-il pas se former encore à présent, même dans les steppes sèches de la Russie mé- rédionale, comme il se forme dans les déserts de l’Asie centrale? Nous devons nous borner à poser ces questions, sans pouvoir les résoudre. Dans cette région de la Russie du sud, nous observons sous le loess un puissant développement des dépôts d’eau douce de deux types: l’un à faune lacustre , un autre à faune d'eau cou- rante. Je suis de l’avis de mon collègue Mr. Sokolov, qui regarde ces dépôts d’eau douce comme parrallèles aux dépôts glaciaires des régions plus septentrionales, sous lesquels ils disparaissent par- fois, comme p. ex. dans le gouv. de Poltawa. C’est leur dévelop- pement considérable et non pas le massif du loess lui même qui pourrait, être un indice de la période abondant en eau, qui a dû caractériser la région de la Russie méridionale, tandis que dans le voisinage — au nord — existait le grand glacier. Il faut remarquer que plus près, vers la mer d’Azov, apparaît, entre ces dépôts d’eau douce et le loess typique, un puissant dépôt d’argiles particu- lières rougeâtres très riche en gypse et en sel, probablement les traces de la répartition plus étendue de la mer. Quant au mammouth et aux traces de l’activité humaine , toutes nombreuses et tout intéressantes qu’elles soient pour un archéologue, je n’en connais pas une qui serait assez instructive pour un géo- logue, ou qui aurait pu donner des preuves certaines de l’existence de l’homme paléolithique, comme les faits que nous avons analy- sés dans la région précédente. Région du Sud-Est de la Russie. La région hors des limites de la répartition du glacier, région du puissant développement des terrasses fluviatiles compliquées à l’est de la Volga par l’activité de l’ancienne transgression de la mer Caspienne. Les dépôts des eaux saumâtres du bassin Caspien ancien forment la base des dépôts quaternaires de cette région. Dans ces derniers temps divers ouvrages ont constaté la répartition de ce bassin, d’un côté presque jusqu’ à la ville de Ivazan, et de l’autre au — 32 -- loin vers l’est, jusqu’ aux contreforts de l’Oural. Les ouvra» ges sur la levée géologique de notre Comité ont tracé, avec une exactitude précise, les limites de la répartition de ce bassin; ces limites sont maintenant pour la première fois figurées sur la carte présente; on a constaté la division de ce bassin ancien en deux: le bassin septentrional de Bolganj et le bassin méridional — Caspien proprement dit, reliés entre eux par un détroit près de la ville de Samara. Ce niveau de ce bassin Caspien ancien était au moins 165 — 175 ni. plus haut que le niveau actuel. Quant à l’âge relatif de la trangression en question, nous ne pouvons pour le moment donner une réponse catégorique. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que les dépôts de cette transgression y forment partout la base du quaternaire; mais leur faune, qui n’est pas encore exac- tement étudiée, diffère de la faune actuelle de la mer Caspienne et atteste certains rapports avec la faune des horizons supérieurs du pliocène. Malheureusement, on n’est pas parvenu jusqu’ à pré- sent à observer les rapports entre la formation ancienne de la mer Caspienne et un dépôt quelconque de l’époque glaciaire, de sorte que nous sommes privés de la possibilité de nous baser sur leurs relations batrologiques. Les dépôts caspiens anciens y sont partout recouverts de V argile typique brune des terrasses { luviatiles , passant très rarement au vrai loess, mais souvent cédant la place aux sables. Cette argile des terrasses dépend ordinairement des larges vallées fluviatiles, adossée aux bords de ces vallées, elle disparaît sur les étendues pla- nes des steppes, où très souvent les dépôts saumâtres caspiens se trouvent immédiatement sous le sol. Ordinairement cette argile descend en forme de terrasses à escarpements (surtout le long de la. rive gauche de la Volga et des autres fleuves) vers le lit con- temporain de la rivière. Le nombre de ces terrasses est très diffé- rent, et elles sont produites principalement par la vie de la ri- vière elle-même; ce que j’ai démontré dans mon ouvrage sur la construction et l’origine des vallées des rivières russes *; les plus anciennes d'entre elles sont les plus élevées, tandis que les terrasses basses passent à la vallée récente aux aîluvions contem- poraines. Les parties les plus élevées, et, comme nous l’avons dit, les plus anciennes, des argiles des terrasses et les dépôts arénacés contemporains, abondent en os de mammifères éteints, parmi les- quels dominent le mammouth, le rhinocéros, l’elasmotherium, le bos primigenius etc. qui nulle part en Russie ne se rencontrent en si grande abondance. Ces fossiles ne se rencontrent pas dans * Mem. Acad. Sc. St. Prb. T. XXXII, A» 5. 1884. — 33 - les dépôts des terrasses plus abaisse'es, du moins pas — reposant immé- diatement sur les roches primitives préservées de l’érosion — dans le partie nord-ouest du gouv. d’Arhhangel, au midi du gouv. de Vologda, au-nord du gouv. de Viatka et dans les monts Ourals, à partir du 61-ème parallèle de latitude nord. B) Des couches de la transgression boréale, suffisament caracté- risées plus haut. Ici nous devons dire quelques mots sur le temps de cette transgression et sur les rapports du postpliocène marin avec les formations morainiques. Comme je l’ai dit plus haut, on ne trouve jusqu’ici nulle part de restes deformations morainiques dans la région occupée par la nappe compacte du postpliocène. Néanmoins, nous possédons toute une série d’indices qui prouvent que la glace continentale couvrait aussi toute cette région, mais les matériaux morainiques ons été remaniés dans la suite et pré- cipités de nouveau, formant des couches stratifiées. Dans le nombre des témoignages de ce genre, nous indiquerons seulement l’existence de stries évidentes qui peuvent être observées sur les surfaces po- lies du calcaire carbonifère fraîchement déblayés de leur nappe post- — 54 — pliocène, et sur lesquelles, en dehors des valides de fleuves, ces stries sont orientées dans la direction sud-nord. Un autre phéno- mène, qui peut être expliqué exclusivement par l’agence de la glace continentale, consiste dans la présence d’énormes blocs de granit, de porphyre, de gabbro-diorite et de différents schistes sur les points les plus élevés du Timan (à 300 m. d’altitude); ces blocs gisent immédiatement sur les roches primitives (calcaire car- bonifère, grés dévoniens friables et porphyrites), constituant ces parties du Timan. Je dirai encore quelques mots sur la faune postpliocène ense- velie dans les couches marines décrites. Les formes prédominan- tes de cette faune sont Cyprina islandica, Astarte borealis, Cardium groenlandicum , Cardium islandicum, Mactra elliptica etc; toute cette faune ressemble à la faune actuelle du littoral de Mourman, pré- sente un caractère arctique modéré, et se rapporte d’après M. Herzenstein (conformément à la terminologie de Torell) à la zone hyperboréenne de la région arctique. Dans les régions du sud- ouest, dans le bassin de la Yaga, affluent de la Dvina, nous rencontrons avec les coquilles abondantes de Cyprina islan- dica, le Cardium edule, et d’autres formes d’un caractère indu- bitablement boréal. En général, nous basant sur l’autorité de M. Herzenstein, qui a étudié toutes les collections recueillies du postpliocène marin septentrional, nous devons reconnaître que les conditions physiques de la mer transgressante excluent la vrai- semblance de l’hypothèse de l'existence de la glace continentale descendant vers cette mer. Tout au contraire, nous devons admettre comme plus probable que le glacier n’existait plus au moment du commencement de l’invasion de la mer polaire dans la majeure partie du nord de la Russie, et que l’époque de cette transgres- sion, embrassant une si vaste étendue en Russie, autant dans sa partie européenne que dans le nord-ouest de la Sibérie, corres- pond en général à l’époque de la déposition des argiles et des sables à Yoldia arctica en Suède *. Les couches marines postpliocènes passent tout à fait insensible- ment aux sédiments d’eau douce; comme elles sont pareilles au point de vue pétrographique, il parâit difficille d'établir une ligne de dé- marcation bien définie entre elles. C) Des sables avec des intercalations de gravier et de cailloux, * Il est curieux qu’un connaisseur des couches posttertiares en Suède, comme le haron de Geer, arrive à la conclusion que le maximum de l’envahissement de la mer à Yoldia ne s’accomplissait pas au moment où toute la contrée était enfouie sous le nappe glaciare, mais plus tard. („ Bull Géol. Soc. of America 11 Vol 3, 1891 p. 63). 55 s’étendant au-dessus des argiles marines postpliocènes et contenant des restes de mammouth. Comme je l’ai fait observer plus liant, les couches d’eau douce avec restes de mammouth occupent une position tout à fait analogue au nord-ouest de la Sibérie. Formations recéntes. D) Sables et argiles d’origine fluviale. E) Couches lacustres et marécageuses. Formation de toundra. F) Dunes, développées surtout sur le littoral de la mer polaire. Si les données actuelless ont insuffisantes pour résoudre la ques- tion de la cohabitation de l’homme et du mammouth à l’est de la Russie, nos connaissances à ce sujet paraîtront encore plus res- treintes pour ce qui concerne la Russie septentrionale. Au nord de la Russie, il serait d’autant plus intéressant de résoudre cette question, que les couches à mammouth occupent dans cette région une po- sition paifaitement déterminée, en rapport avec les dépôts de la transgression boréale dont les détails ont été exposés plus haut. Malheureusement, toutes les trouvailles faites jusqu’ à présent des restes de l’âge de pierre se présentent, quant aux conditions géologiques de leur gisement, comme excessivement uniformes, re- posant ou dans des couches fluviatiles, lacustres et marécageuses récentes, ou dans la nappe même de la toundra. Plus haut, nous avons essayé de tracer en quelques mots l’his- toire de l’époque posttertiaire au nord de la Russie et nous avons montré que des conditions favorables à l’existence de l’homme ne pouvaient pas y exister avant le moment où la contrée a été sur-élevée au-dessus du niveau de la mer polaire. A cette époque, le mammouth vivait sans doute au nord, ce que prouvent ses res- tes enfouis dans les couches d’eau douce (lacustres et fluviatiles), tant dans les limites de la Russie d’Europe qu’au nord-ouest de la Sibérie, sous lesquelles se trouvent des sédiments de la trans- gression boréale. Donc la cohabitation du mammouth et de l’homme peut être regardée comme parfaitement probable au point de vue des conditions physico-géographiques du nord de la Rus- sie. Malheureusement, toutes les trouvailles des restes de l’âge de pierre faites jusqu’ à présent par le professeur Stukenberg, Lerkh, Bouteniev, Poliakov et d’autres, dans les gouvernements d’Arkhan- gel, de Yologda et d’Olonetz, correspondent aux couches récentes contemporaines et ne donnent pas de réponse à la question qui nous occupe ici. A peine pouvons-nous nous attendre à trouver, dans ces régions de la Russie septentrionale d’un abord si difficile — 56 et si faiblement habitée, des vastes coupes artificielles au moyen desquelles seules nous pourrions obtenir un matériel plus complet et plus varié, comme par exemple celui qui a été recueilli par le professeur Inostrantzev, lors du creusement du canal de Siass et de S vire, au bord du lac Ladoga. En terminant cet aperçu, je tiens à rappeler encore une fois que mon but était de communiquer, d’une manière aussi succinte que possible, tous les résultats obtenus par les géologues à la suite de l’étude des couches posttertiares à l’est et au nord de la Russie; par contre, je n’ai touché aux questions d’archéologie qu’autant qu il était indispensable pour l’explication de la position géologi- que des traces anciennes de l’homme. Ici se trouve le terme où l’oeuvre du géologue finit, et la question passe sous la compétence de 1 ai chéologue. Le problème de la géologie se borne uniqnement a donner le tableau des couches posttertiaires d’une certaine ré- gion, pour que l’archéologue puisse en profiter dans ses recherches. Si cette tâche du géologue ne peut pas encore être regardée comme achevée dans les districts de la Russie que nous avons décrits, tous les traits principaux existants de la structure de ces couches post- tertiaires peuvent être regardés comme expliqués, de sorte que le développement futur de la question des premières traces de la cul- ture dans ces régions doit passer entre les mains des archéologues. A ces derniers le problème intéressant de dessiner le tableau de la vie de l’homme préhistorique sur ce canevas qui leur est donné par le travail réuni des géologues. Comparaison des industries primitives de France et d'Asie, par M-r. Gustave Chauvet. «Peut-on établir des divisions generales applicables à l’Europe occidentale et à l’Asie, pour les temps préhistoriques et spéciale- ment pour l’époque paléolithique?» En attirant l’attention du Congrès sur cette question, je ne me dissimule pas les difficultés qu’elle présente; je crois que l’heure de la solution définitive n’a pas sonné, que les documents utiles sont encore insiffïsants, incomplets et font même, quelquefois, complète- ment défaut, pour de grandes régions comme l’Asie centrale *. J’écris cette note en province, loin des grandes bibliothèques et des collections publiques d’anthropologie, connaissant seulement, par les courtes analyses des revues françaises, les magnifiques tra- vaux faits en Russie depuis quelques années; aussi n’ai-je pas la prétention de résoudre la question que je pose. Mon seul but est d’en tracer les grandes lignes et surtout de provoquer des observa- tions et des recherches précises, facilitées à l’heure actuelle par les grands travaux des chemins de ter, en voie d’exécution, sur plusieurs points de l’Asie. Les gisements quateniaires ont été très étudiés en France et dans les contrées voisines depuis trente ans; pour ces régions les anthro- pologistes sont, à peu près, d’accord sur une classification régio- nale 1 2 . Au point de vue ethnographique, des points importants paraissent acquis 3 . 1 V oir pour la bibliographie de l’Asie centrale: J. L. Dutreuil de Rhins, l’Asie centrale, 1889. 2 Voir pour la bibliographie du préhistorique français: G. de Mortillet, Le Pré- historique; — Salomon Reinach, Description raisonnée du Musée de Saint-Germain-en Laye, 1889. 3 G. Chauvet. Congrès de Marseille, Association française pour l’avancement des Sciences, 1891. T. I, p. 263. 58 — A. Apparition des principaux éléments industriels de l’âge de pierre, dans l’ordre suivant: 1" Haches chelleénnes, de forme amygdaloïde, larges et épais- ses à la base, pointues à l’extrémité opposée; 2° Racloirs et pointes taillés sur une seule face (types du Moustier); 3° Pointes taillées sur les deux faces, et pointes à cran, (types de Solutré), grattoirs; 4° Grattoirs, burins et fines lames en silex, à dos rabattu; industrie de l’os et du bois de renne; harpons barbelés, javelots et aiguilles en os; gravure sur os et sur bois de renne (types de la Madeleine). Tous les objets de ces quatre catégories, armes et outils, se trouvent dans les alluvions ou dans les grottes, associés aux dé- bris de la faune qu aternaire. 5" Haches en pierres polies, et industrie des dolmens avec les animaux domestiques et la faune actuelle. B. Abandon graduel de ces divers types d’armes et d’outils, dans l’ordre de leur apparition. Persistance de certaines formes comme les grattoirs, les poinçons en os et en silex 4 . Les gisements quaternaires d’Asie sont bien moins connus; dans cette partie du monde, l’attention des explorateurs a été surtout attirée par l’étude des races humaines actuelles, par l’ethnographie, la linguistique, la métallurgie primitive. La période néolithique a fait aussi l’objet de nombreux mé- moires qui nous ont fait connaître les dolmens de Palestine 5 , les kjokkenmoeddings du Japon 6 et de l’Amour 7 , les kourganes de Sibérie qui feront an Congrès l’objet d’une étude spéciale, et ces 4 Pour juger la forme exacte de ces divers objets, voir les cartons que j’ai adressés à l’Exposition, pour être déposés au Musées de la Société des Amis des Sciences Naturelles de Moscou. — Voir aussi les figures données par M. M. Gabriel et Adrien . de Mortillet dans le Musée Préhistorique, 1881. 5 J. H. Miction. Similitude des dolmens de la rive orientale du Jourdain avec ceux de l’Ouest de la France. Bulletin de la Société archéologique de la Charente, 1867. 6 Sir John Lubbock, Sur les anciens instruments de pierre du Japon; Congrès intern. d’arch. préhist. Norwich, 1868, p. 258 à 266. A. W. Franks, Les instruments de pierre du Japon, Matériaux pour l’histoire primitive de l’homme, 1871 p. 541 à 546. Matériaux, loe. cit. 1869, p. 24.— 1879, p. 32.— 1873, p. 92. 1882, p. 7 et. p. 112. Et les divers travaux de M. de Siebold. 7 Analyse d’un mémoire 1 de M, V. Margaritov, dans l’Anthropologie, année 1590, p. i24. — 59 — curieuses stations du Cambodge 8 dont certains objets, tels que les grands disques en schiste et quelques haches polies, se retrouvent identiques dans les sépultures préhistoriques de France. Dans cet ordre d’idées, M. Ernest Chantre a constaté que les types de haches et de poignards découverts en Asie Mineure, à Chypre, dans l’Archipel et dans toute la région européenne de la Méditerranée sont à peu près ceux rapportés de l’Inde 9 . De leur coté les historiens et les archéologues classiques ont trouvé en Asie les origines de la civilisation grecque iu , de 1 émaillerie ", de nos langues ", de nos animaux domestiques ls , des bijoux barbares recueillis dans nos cimetières des Y-e et VI-c siècles " et juspu’aux Contes de Perrault que nos grand’mères aimaient à dire dans les soirées d’hiver et qui auront bientôt disparu de nos souvenirs... étouffés sous l’invasion des journaux à un sou. L histoire et la légende constatent donc les relations fréquen- tes entre l’Europe et l’Asie; mais il s’agit plus spécialement, dans ce rapport, des temps quaternaires. Que savons nous des hommes qui vivaient alors? de leurs ra- ces? de leurs industries? de leurs milieux? Bien des travaux ont été publiés à ce sujet, quelquefois sans préparation suffisante; les termes employés n’ont pas toujours eu le même sens pour chaque auteur et souvent il a suffi qu’une pierre taillée n’ait pas traces do polissage pour qu’elle ait été déclarée.. paléolithique. Dans ces conditions il n’est pas toujours facile de bien juger les découvertes signalées, surtout quand les mémoires explicatifs ne sont pas accompagnés de dessins. Cependant il paraît possible de classer dans l’époque paléoli- thique de nombreuses stations, constatées par des archéologues competents: En Asie mineure: 15 . 8 J. Moura, Le Cambodge préhistorique; Revue d’Etnograpbie, 1882, p. 505 à 525. La bibliographie des travaux sur l’âge de pierre au Cambodge a été donnée en partie par M. E. Cartailhac dans l’Anthropologie n° 6, 1890. p. 641. Ernest Chantre. Age du bronze dans l’Asie occidentale. Bulletin de la Soc. d’anthropologie de Lyon, 1882, p. 215. 10 Ernest Curt.ius, Ilist. grecque; traduction Bouclié-Leclercq T. I. p. VIII. 11 Ernest Rupin, L’émail et l’orfèvrerie émaillée, Limoges, 1890. 13 A. Pictet, Les origines indo-européennes. 13 Dépéret, Soc. anthrop. Lyon. (loc. cit) 1887, p. 43. G. de Mortillet, Origines de la pèche et de l’agriculture, 1890. 14 J. de Baye, Les bijoux gothiques de Kertch, Revue archéologique T. XI 1888 p. 347. Germain Bapst, Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1887, p. 78. 15 Botta, Méra Société géologique de France, T. I, p. 148. — GO Les grottes du Nahr-el-Kelb, renfermant des instruments sem- blables à ceux do nos stations quaternaires, mêlés à des ossements d’animaux, en partie disparus. La Station d’Hanaouch, prés Tyr, avec des silex taillés, types du Moustier ls . Les grottes et abris de Beth-Saour et des sources d’Aïn-el-émir, non loin de Nazareth, ont fourni à l’abbé Moretain une nombreuse collection d’outils et d’armes en pierre dont quelques spécimens paraissent se rapporter à nos types les plus anciens. M-r E. Chantre 17 a signalé dans le N. E. de la Syrie (vallée de la Zilfa) la grotte de Kislar-Seraï creusée à 200 mètres au des- sus de la vallée et dont le sol contient des os brisés associés à des silex types du Moustier; et sur l’Euphrate les stations de Zam- bourg et d’Eukuzdja, avec ossements brisés et silex taillés sur une seule face. M-r. de Morgan pense, cependant, qu’au Caucase aucune trace certaine de l’homme quaternaire n’a été rencontrée; l’industrie com- mencerait par l’état néolithique ,s . D’autres stations, comme celles du Sinaï, sont probablement de cette dernière époque. En Perse, la vallée de l’Abhar a peut-être fourni, dans les couches quaternaires, des débris d’industrie humaine * 9 . En Mongolie, l’abbé Armand David a extrait des pointes de flèches en silex du diluvium quaternaire près de Tul-che-san hao 20 . L’I nde a été plus étudiée, grâce aux grands travaux exécutés par les Anglais; mais que de points obscurs quant à l’âge exact des terrains superficiels, depuis les immenses dépôts de sables, d’argiles et de graviers, situés à près de 5000 mètres d’altitude vers le haut Gange, jusqu’à ces dépôts particuliers: le kunker, le regur, qui sont très probablement quaternaires. Les objets en pierre polie et les monuments mégalithiques y Louis Lartet, Recherches sur la géologie de la Palestine; Annales des sciences géol. T. III et Bulletin de la Soc. géol. France, 2-ème seul. T. XXII, p. 537. D-r, Lortet, Acad. Sciences Paris, 19 Août 1880. G. de MortUlet, Le Préhistorique, p. 2S8, 178. De Quatrefages, Introduction à Fliist. des races humaines p 78. Matériaux, loc. cit. 1866 p. 249, de Saulcy;— 1867; p. 460, Cazalis de Fon- douce— 1869. p. 237. A. Arcelin;— 1873, p. 177;— 1880. p. 439. 18 Le Tour du Monde T. XLI, p. 31; — La revue , l'Homme 11 1886, p. 169. 17 E. Chantre, Nouvelles observations sur l’âge de pierre en Syrie. Bulletin de la Soc. d’anthropologie de Lyon 1882, p. 209. 18 De Morgan, Mission scientifique au Caucase, T. I p. 29. L’anthropologie, année 1891, p. 46. 19 De Nadaillac, Les Premiers hommes I, p. 27. 20 De Quatrefages, Introd. à l’hist. des races humaines p. 78. — 61 — sont au moins aussi* abondants qu’en France !1 ; ils ont fait l’objet de nombreuses publications. L’époque paléolithique est, aussi, largement représentée. Les haches, types de Saint Acheul, ont été recueillies dans les couches fossilifères de la Berbuddah 22 et aux environs de Ma- dras. A une cinquantaine de kilomètres au JJ. O. de cette ville, ces mêmes haches ont été retrouvées dans la pâte des grandes pierres qui forment les cromlechs de la localité. Ces pierres sont en latente, formation spéciale à l’Inde, dont l’âge est difficile à déterminer, mais que M. M. Medlicott et Blanford rapportent au quaternaire 23 . Le colonel Meadows Taylor, qui faisait des fouilles en 1868 aux environs de Nice, a pu constater de visu la parfaite ressemblance des silex magdaléniens des grottes de Mentrtn (France) avec ceux recueillis dans l’Inde centrale par M-r Rivett-Carnae 2 ’. Bien d’autres découvertes d outils et d’armes paléolithiques ont été constatées: au Bengale, sur les bords de l’Indus, dans le Scinde supérieur, dans la vallée de la Krichna; dans la vallée du Go- davery dont la faune contient à coté d’espèces franchement quaternaires, d’autres plus anciennes, pliocènes ou peut-être mio- cènes, d’ après M. Gaudry, comme l'hippopotamus nomadicus et Veleplias insignis. Nous sommes donc ici, tout au moins, à la base des terrains quaternaires 25 . Le Banda, district montagneux du N. O. de l’Inde, a fourni de nombreux instruments de pierre, parmi lesquels des types pa- léolithiques assez communs dans le sud et d’autres types qui n’ont pas d’analogues en Europe 2C . Les cavernes de cette région contien- nent, mêlés aux mêmes outils, des dessins sur pierre à l’ocre rouge, fixés avec des principes gras, semblables à ceux trouvés en Aus- tralie et au Cap de Bonne Espérance et qu’il serait peut-être utile de comparer à ceux présentés par M-r Piette au Congrès de Paris en 1889, provenant de la grotte du Mas-d’Azil (Ariège) 21 . al Godwin-Austin, Revue d’anthropologie, 1872, p. 517. — Revue d’anthropologie, 1874, p. 553; — 1875 p. 337 à 361. — Matériaux, loc. rit, 1868 p. 304;— 1880, p. 263. — J. Fergusson. Les Monuments mégalithiques de tous les pays. — E. Cartailhac, L’âge de la pierre en Asie; Congrès provincial des orienta- listes Lyon 1S78 T. 1 p. 315 à 3 10. 22 De Quatrefages, loc. rit p. 79. Matériaux, loc. rit. 1880 p. 266. 28 Medlicot et Blanford. Manuel de la Géologie de l’Inde (1879). 24 Matériaux, loi;, rit. 1870. p. 77. 25 De Quatrefages loc. rit. p. 78 - Matériaux, loc. rit. 1867, p. 80. 20 Matériaux loc. cit. 1882, p. 503, lettre de M. Rivett-Carnae. A. de Mor- tiliet, L’Homme, année 1884. p. 146, Revue d Ethnographie, années 1883, p. 281. — 62 La Sibérie a-t-elle comme l’Inde son époque paléolithique, ou bien, comme la Suède, n’a-t-elle été habitée que plus tard? C’est dans ces régions du nord que certains anthropologistes ont voulu placer le berceau de l’humanité 2 8 ; d’autres au contraire pensent que la civilisation altaï-ouralienne de l’âge du bronze, révélée par les kourganes, n’a pas été précédée par un âge de pierre. Des fouilles seules peuvent trancher nettement la question. Il semble cependant permis de penser que d’anciens peuples ont précédé dans la région altaï-ouralienne la civilisation décrite par M. Aspelin Ne vienflon pas de trouver dans le gouverne- ment d’Irkoutsk une curieuse civilisation, bien inférieure à celle d’Europe pendant l’époque néolithique, privée d’animaux domes- tiques, et dont quelques-unes des flèches en silex rappellent, par leur assymètrie, les types solutréens D’autres découvertes mériteraient d’être signalées, (elles que: les habitations lacustres trouvées dans le voisinage d’Ekaterinbourg, les amas d’ossements d’Irbit, les cavernes de Mias :iI avec leurs instruments en pierre et en os; les flèches en silex et les poinçons en ivoire de mammouth recueillis dans les alluvions anciennes de la Léna près d’Olekminsk 3î , etc. etc. La Sibérie pose aussi le difficile problème des débris de ma- mouth et de rhinocéros si abondants à l’embouchure des fleuves qui se jettent dans l’océan gla.cial. Cette question posée au Con- grès par M. d’Acy et par Mr. G. de Mortillet, sera traitée par eux avec toute la compétence désirable, je n’ai pas à m’en occuper ici 33 . Toutes ces observations montrent que dans les régions explorées de l’Asie, l’humanité a commencé par un âge de pierre, puisque nous en retrouvons les traces à la base des plus vieilles civilisa- tions h Khorsabad 3< , à Hissarlik 35 , dans les alluvions anciennes E. Cartailhac, Les fouilles de M. Ed. Piettc dans la grotte du Mns-d’Azil, „1’ Anthropologie* n° 2 de 1891, p. Hi. 18 De Quatrefages, loc rit. p. 133. 33 Aspelin, Congrès international d’antlirop. préhistorique de Pesth, t. I, p. 677. 30 Revue d’anthropologie, 1884, p 721, 725 . 31 Matériaux, loc. rit., 1882, p. 498. s - L’Anthropologie, année 1891. p. 83. 33 S. D. Tschersky. Description de la collection des mammifères posttertiaires recueillie par l’Expédition de la Nouvelle Sibérie (analysé dans l’Anthropologie % 1 de 1892). Exploration de la Sibérie par les sections locales de la Société impériale russe de géographie, la revue l’Homme 1884, p. 308; 1885, p. 663. 34 De Nadaillac.. Les premiers hommes I, p. 27. 85 H. Schliemann. Ilios, 1886, cliap. V. — 63 — des fleuves indiens et jusque dans les dalles de pierre qui ont servi à construire les cromlechs de Madras. Mais ces constatations ne nous donnent qu’une idée très vague du synchronisme , de la concordance des époques préhistoriques dans les diverses contrées de l’ancien continent. La ressemblance des armes et des outils est quelquefois un trompe-l’oeil; elle peut résulter de causes bien diverses, difficiles a, reconnaître: ici c’est la filiation des hommes qui a produit l’iden- titc des industries, là c est l’importation, ailleurs c’est une coïn- cidence imposée par la nature des matières mises en oeuvre ou par des besoins identiques agissant dans des milieux analogues. L’évolution industrielle ne s’est pas faite partout de la même façon: il y a eu des reculs, des arrêts de développement; sur certains points des populations sont passées directement de l’âge de pierre à l’âge du fer. Des tribus voisines et contemporaines ont souvent, de nos jours, des moeurs et des industries différentes; d’autres, ou contraire, tout à fait séparées dans le temps et dans l’espace, se ressemblent presque complètement: Les Ostiaks, par exemple 36 , vivent encore en Sibérie, comme nos troglodytes quaternaires de la Yézère et de la Charente avec leurs insruments en os et leurs bridons de renues en corne que des observateurs sérieux rapprochent 37 de ces curieux objets de nos grottes, auxquels, faute de mieux, nous avons donné le nom de «bâtons de commandement». La faune elle même n’est pas toujours un guide sûr pour établir la contemporanéité des gisements. A la même époque la faune diffère selon les contrées. Pour l’Amérique du nord, notam- ment, il est impossible d’établir des coupures coïncidant avec notre quaternaire d’Europe; tout essai de synchronisme est à peu près impossible à établir sur cefte base as . Dans ces conditions on ne peut conclure de la ressemblance au synchronisme. Aussi nos classifications françaises ne peuvent elles, à priori, être appliquées au monde entier. Il parait utile d'établir d’abord des classifications régionales , sans trop se préoccuper des voisins. Les comparaisons et les concordances se feront ensuite, d’elles-même, s’il y a lieu. nl ’ Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. VI, p. 682. Cli. Rabot, Les Ostiaques, les Samoyèdes et les Ziriènes d’après Sommier Revue d’Ethnographie t. VIII, p. 121. 3 -ï ■ L. lies Oi ineaux, Note sur l’usage des bâtons de bois de rennes chez- les populations primitives de l’Europe, Revue d’Ethnograpliie t. VII, p. 34 ,;8 M. Boule, Essai de paléontologie stratigraphique de l’homme, Revue d’anthm pologie, 1888, p. 6 j3. — 64 — Conclusions archéologiques. Il semble cependant que la marche générale de l’industrie a été la même en Asie et en Europe pour les temps préhistoriques 3 \ L’Inde avant d’arriver à la connaissance des métaux paraît avoir passé par des phases qui rappellent de très près nos époques chelléenne, magdalénienne, néolithique. L’Asie mineure commence également son évolution industrielle par la pierre taillée et continue par la pierre polie pour arriver au bronze. Et, bien qu’il y ait quelque doute à ce sujet, la Sibérie paraît avoir vu se développer successivement, chez elle, deux étapes de l’âge de pierre avant l'apparition du bronze. Les autres contrées, la Chine 40 , le Japon etc. sont encore imparfaitement étudiées, mais elles ne donnent pas d’indications contraires à ce développement: toujours l’âge de pierre apparaît dans les vielles traditions, et les flèches en silex, les haches po- lies (pierres à tonnerre) ont un caractère légendaire. Recherches à faire. Ces conclusions sont bien insuffisantes, mais elles démontrent l’impérieuse nécessité de nouvelles recherches, qui pourraient porter sur les points suivants: Fouilles des nombreuses grottes signalées dans la Sibérie, dans l’Inde, dans le Caucase etc. Publication de leurs catalogues illustrés par les musées d’Asie dont quelques uns sont très riches 42 . Etude des livres chinois <3 . Mais ces travaux d’érudition sont d’une mince valeur, en ce qui touche les temps quaternaires. Pour établir une concordance entre nos stations d’Europe et celles d’Asie, il faut avoir une base fixe, pouvant servir de niveau commun , et permettant d’établir un sérieux terme de comparaison. 311 E. Cartailhac. L’âge de pierre en Asie (ioe. cit.). 40 Chevreul. Acad. Sciences Paris, 13 Août 1866. Revue d’anthropologie, 1879. p. 143; 1885. p. 620. Matériaux, 1866, p. 544; — 1870, p. 545; — 1878, p. 439. De Milloué: Bul. soc. anthropologie de Lyon, 1883. 4t Franks. Les instruments en pierre au Japon, Matériaux 1871, p. 545. 4 - Le musée de Minoussinsk a déjà donné l’exemple; l’Anthropologie, année 1890. p. 240. 41 Eugène Simon. Exposé chronologique des principales découvertes d’après les anciens livres chinois. Revue d’anthropologie, 1875. p. 620. — 65 — Cette base fixe pourrait être donnée par les phénomènes glaci- aires qui semblent avoir eu une marche uniforme dans notre hé- misphère. C'est donc par rapport aux formations glaciaires qu’il faudra classer les stations humaines pour établir des synchronismes sérieux. Les champs d’observations ne manqueront pas aux chercheurs 44 pour ce genre d’études, depuis les contreforts de l’Oural et des hautes chaînes du Turkestan, jusqu’à ces vastes terres desséchées de l’Asie centrale 45 dont les bas-fonds devenus des lacs sans issues, comme le Baïcal, indiquent par leurs terrasses successives, l’ancien régime des eaux, comme de grands pluviomètres enregistreurs. Il est indispensable d’avoir aussi de nouvelles fouilles bien étudiées. Mais les fouilles scientifiques, faciles pour les sépultures, les kourganes, les camps et les habitations, deviennent impossibles quand il s’agit des alluvions d’un fleuve ou d’espaces immenses comme les dépôts de loess. Conclusions pratiques. L'oeuvre pratique, urgente pour recueillir des faits nouveaux et des observations utiles, est la surveillance attentive des travaux industriels. Si en Europe depuis trente ans, des hommes aimant sincère- ment nos études, avaient eu mission de surveiller sérieusement les exploitations du ballast employé pour les chemins de fer, nous se- rions tout à fait fixés sur bien des points obscurs de nos époques, clielléenne et moustérienne (sacré). Ce sont surtout les jeunes gens qui se livrent à cet exercice. Parfois, la cérémonie est accompagnée de danses, de chansons et de plaisanteries pas tout-à-fait convenables. Les ré- jouissances se prolongent jusqu’à une heure avancée de la nuit. En revenant à la maison, les femmes emportent la cendre pro- venant du feu sacré. De cette cendre délayée dans de l’eau on fait un breuvage que l’on administre au bétail, principalement aux vaches, afin que, suivant l’expression des paysans, «le bétail soit rassasié et que les vaches vêlent bien». On conserve dans des chiffons une provision de cendre pour l’utiliser dans les maladies du bétail: cette cendre, mélangée à la nourriture du bétail ou délayée dans l’eau qui sert à le laver, est regardée comme un remède. Cette coutume est tellement invétérée que tous les efforts du clergé sont impuissants à la déraciner. IL 11 est probable que la vue du feu produit pas le frottement de deux morceaux de bois a induit les premiers hommes à admettre que le feu était à l’état latent dans le bois même et à adorer dans l’arbre le principe végétatif. On retrouve un souvenir de l’antique culte des arbres dans un dicton qui s’est conservé jusqu’à présent. Parlant d’un homme sans instruction, on dit ordinairement < qu’il a vécu dans une forêt et a prié devant une souche». Ce dicton fait évidemment allusion au passé. L’existence de souches «sacrées» est attestée d’une manière anthentique par des documents écrits. Ainsi, dans le cadastre (Pistsovaïa Kniga) du district de Kachira, rédigé en 1578 — 1579 par le prince Iv. D. Gagarine, on trouve la mention topographique suivante: «village de Tchous- sova sur la rivière Mordvéza, près de la limite du village de Kamenskaïa, vers la «souche sacrée» (sviatova pnia) près du grand bois sacré (zapoviédny)». Le nom de Mordvéza, donné à la rivière, rappelle évidemment que ses bords étaient habités autrefois par la tribu finnoise des Mordves ou des Mordoaunes. On suppose que l’arbre en question, dont il n’était resté qu’une souche «sacrée», devait être un chêne. Près du village de Kroutoé, dans le même district de Kachira, se trouve encore maintenant un chêne sacré; on en trouve aussi dans beaucoup d’autres villages du même district et des autres districts du gouvernement de Toula. Il va sans dire que, à notre époque, le culte des arbres diffère beaucoup de ce qu’il était autrefois; néanmoins, ils sont encore l’objet d’une cer- — 69 taine vénération qui se manifeste par des offrandes consistant en pendeloques de métal, bandes d’étoffe de couleur, rubans, etc. Lorsque dans le voisinage se trouve une source d’eau vive, ce qui est souvent le cas, on construit un réservoir en forme de cu- veau et l’on y jette des pièces de monnaie, des oeufs de poule, etc.; cette coutume existe encore maintenant dans la paroisse du village de Mokhovoë (district de Novosil), et dans celle du village de Lopatkovo dans le district de Krapivny, etc. III. En dépit de la situation géographique de cette région, il n’est pas rare d’y rencontrer, sous les ombrages des arbres touffus, d’énormes pierres de provenance et de formation étrangères au pays. Ce sont des blocs erratiques apportés du nord par les gla- ciers en mouvement. Ces blocs ont été aussi l’objet d’un culte religieux de la part des habitants primitifs du pays, qui ont cru y reconnaître une manifestation de la même force génératrice, le feu. Ce culte affectait diverses formes, suivant l’idée qu’on se faisait de cette force adorée et de ses rapports avec la vie. Considérées comme vestiges de paganisme, les pierres en question sont désignées ici par les noms suivants: «Kone-Kamen» (pierre- cheval), «Svinïa-Kamen» (pierre-porc), «Baran-Kamen» (pierre- mouton), «Bâche» et «Bachikha». Ces deux dernières dénominations appartiennent à une pierre sise près du village de Bacheva, dans le district d’Odoév. «Bâche» n’est qu’une variante du mot tatare «bachi» ou «bakchi» qui signifie chef, maître. Il va sans dire que c’est là une dénomination d’origine relativement récente, se rap- portant à l’époque de la domination tatare en Russie. Ce fait est confirmé par les monnaies arabes des IX-e et X-e siècles et par les monnaies tatares des XlII-e et XlV-e siècles qu’on a décou- vertes en cet endroit. Il est probable que les noms de «Bâche» et «Bachikha» ont remplacé ceux de ou «Svinïa- Kamen» si répandus ici. De même, le nom de «Baran-Kamen» est peu connu et peu usité dans cette région; on le donne quelque- fois a certaines pierres plus connues sous les noms de «Kone» ou «Svinia». Le nom de «Svinia-Kamen» se rencontre fréquemment sur d’autres points de la Russie. On le retrouve notamment dans le gouvernement de Saratov, parmi les tribus de race finnoise, où il sert à désigner quelques blocs erratiques. Dans les concep- tions poétiques des Slavo-Russes, le porc fouillant la terre avec son groin est regardé d’abord comme le symbole de la charrue qui trace les sillons, ensuite comme l’emblème du tourbillon qui soulève la poussière dans les champs et sur les chemins; de plus, la fé- condité prodigieuse du porc le faisait considérer comme l’emblème des forces créatrices de la nature printanière. Dans le gouverne- ment de Toula, le nom de «Svinia-Kamen» est resté attaché — 70 — jusqu’à présent à une pierre sise près du village de Spass-Konino, dans le district d’Aleksine. Du reste, ce monument n’est pas le seul qui se trouve en cet endroit; dans le voisinage se dresse un autre < Kone-Kamen > . Le nom de Konino, donné au village de Spass et à un autre village situé dans la même paroisse, vient certaine- ment d’un qui se trouvait anciennement en ce lieu. Le même nom se trouve accolé à celui de plusieurs autres villages du gouvernement de Toula. Dans la paroisse de Doupny, district de Tcherne, se trouvent deux qui ont donné leur nom à deux villages: Bolchoï-Kone (grand cheval) et Maly- Kone (petit cheval). Ces pierres diffèrent sensiblement de situation et d’aspect. Les unes se rencontrent à l’état isolé sur le penchant de quelque colline; d’autres sont entourées de pierres plus petites, mais de même formation. Les unes ont une forme allongée ou ovale, notamment celle du village de Doupny; d’autres offrent l’aspect de véritables rochers aux parois escarpées et se terminant en saillie, par exemple celle du village de Nikolskoë - Yiazemskoë - Bradinskoë dans le district de Tcherne; d’autres enfin se terminent en pointe, par exemple celle du village de Malinovoë dans le district de Novosil. Cette dernière pierre, qui n’a pas moins de 12% archines (envi- ron 8 mètres) de circonférence, se dresse sur les bords escarpés de la Zoucha, affluent del’Oka, à 5 sagènes (10 mètres) au-dessus du niveau de la rivière. Elle offre des renflements, des creux et des cavités. Mais la plus curieuse de toutes ces pierres est, sans contredit, le situé sur une rive escarpée de la rivière Krassivaïa-Metch, affluent du Don, dans le village de Kozié district d’Efrémov. A proprement parler, ce n’est pas une pierre, mais un groupe de 4 pierres, dont la plus grande repose sur les trois autres, offrant ainsi une certaine ressemblance avec un dolmen; la pierre principale, haute de 2 archines 8 verchoks et longue de 4 arch. 12 ver., est placée à 10 verchoks seulement au-dessus du sol. Ce groupe est entouré d’autres pierres plus petites enfon- cées dans la terre. Ces pierres, dont la nuance est gris-jaune, sont des grès de l’espèce des pierres-meulières. Parmi les légendes qui se rattachent à ce groupe, il faut mentionner le souvenir, encore vivant parmi les habitants du pays, des sacrifices qui avaient lieu autrefois en cet endroit. Par suite, on est amené à se demander à quel ordre de conceptions correspond ce culte des pierres. Si l’on considère que les noms mentionnés plus haut — . Je citerai notamment le village de Spass-Konino dans le district d Aleksine, ou 1 on remarque un «Ivone Kamen» près d’une — 73 — église de la Transfiguration du Sauveur. L’érection à Mtsensk, sur l’emplacement, d’un antique Gorodistché situé sur la rive gauche escarpée de la Zoucha, d’une cathédrale en l’honneur de St. Ni- colas, a sans doute la même origine. Dans l’intérieur on remarque une image de St. Nicolas figurée sur une énorme pierre massive de provenance étrangère; le saint est représenté en pied, tenant un glaive dans une main et dans l’autre une église. 11 s’agit évi- dement ici d’une ancienne pierre sacrée qui a perdu sa destina- tion primitive. L’image du saint défenseur de l’église chrétienne paraît remonter à l’époque de la première victoire rempor- tée par le christianisme sur l’idolâtrie. Cette hypothièse est d’au tant plus vraisemblable que l’on rencontre des pierres semblables ayant conservé leur aspect primitif dans d’autres endroits, et cela même dans le voisinage de Mtsensk, à Nikolskoë-Viazemskoë, à Doupny (district de Tcherne), et à Bacheva (district d Odoev). La construction de l’église de Spass-na-borou (Le Sauveur dans la Forêt) sur une éminence baignée par la Moskva, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la masse, grandiose du Kremlin, a probablemet la même origine. Là, en effet, se trouvait autrefois un < Gorodistché» (campement) finnois situé au milieu de forêts épaisses. Si le culte des pierres a jeté ici de si profondes racines, c’est, sans doute, parce qu’il a été celui des habitants primitifs de la contrée, les Finnois. Des vestiges nombreux prouvent que ce culte était très répandu chez les tribus finnoises, surtout à l’est, dans le gouver- nement actuel de Viatka, où les Tchérémisses adoraient les obejts inanimés, principalement les pierres. La plus fameuse était celle de «Tcheraboulat», située sur les bords de la Nemda, à laquelle on sarcifiait des animaux domestiques, elle a été détruite au com- mencement de ce siècle. L’île de Konevetz située dans le lac La- doga, à l'extrémité occidentale de la région occupée par les tribus de race finnoise, tire son nom d’un «Kone-Kamen» gigantesque. Ce nom a subsisté jusqu’à présent, malgré l’érection en ce lieu, au XIY-e siècle, d’un monastère en l’honneur de la Nativité de la Sainte Vierge. On sacrifiait à cette pierre du bétail et même des chevaux, afin que l’esprit caché dans la pierre ou sous la pierre protégeât les troupeaux qui paissaient dans l’île. Le souvenir de ce culte nous a été transmis par une chronique du XlV-e siècle» De tout ce qui précède nous sommes en droit de tirer les con- clusions suivantes: . , a) Les vestiges de paganisme découverts dans. la région situee entie les cours supérieurs de l’Oka et du Don indiquent l’existence en ce lieu d’un culte du feu, des arbres et des pierres. b) Ce culte se basait sur la croyance à la force purificatrice préservatrice, productrice et vivifiante du feu et à son action sur 74 — la vie individuelle, familiale et sociale des antiques habitants du pays. c) La croyance à cette force et à son action sur la vie s’est modifiée peu à peu sous l’influence des idées chrétiennes, et les tables de sacrifices ont fait place aux autels des églises élevées en l’honneur du Sauveur et de ses saints. d) Le culte des pierres, qui a été si répandu autrefois dans cette région et a laissé des traces si caractéristiques dans les moeurs et le genre de vie des habitants actuels, a été, sans aucun doute, la religion primitive des antiques possesseurs du sol, les Finnois. BIBLIOGRAPHIE. 1) Sneghirev (I.). Fêtes et coutumes superstitieuses du peuple russe. 1837. Liv. I, pag. 15. — 1839. Liv. IV, pag. 70. 2) Passek (Y.). Esquisses sur la Russie. 1842. Yol. V. Coutumes et croyances des Finnois. Pag. 114. 3) Sreznevsky (I. I.). Sanctuaires et cérémonies du culte idolâtre des anciens Slaves. Kharkov. 1846. Cliap. I. § 2, pag. 29. 4) — Recherches sur la culte idolâtre des anciens Slaves. St.-Pétersbourg 1848 Chap. T, § 2, pag. 27. 5) Sakharov (I. P.). Monuments du gouvernement de Toula, pag. 46 — 47. (Extrait des Mémoires de la Section d’Arcliéologie russe et slave de la Société Impériale Archéologique, tome I. St.-Pétersbourg. 1851). 6) Eglise du bourg de Mikoulino-Gorodistclié. M. 1851. Pag. 16—21. 7) Karamzine (N. M.). Histoire de l’Empire de Russie. 6-e éd. St.-Pétersbourg. 1851. Tome II, cliap. XII, pp. 251 — 252. 8) Afanassiev (A.). Idées poétiques des Slaves sur la nature. 1865. T-e I, chap. Xn, pp. 592 et suivantes; chap. XIV, pp. 767—768. 9) Chevelkiue (G.). Excursion au Monastère de la Nativité de Konev. (Extrait du journal „Douchépoliéznoe Tchténie“. 1865, 2-e partie, pages 154 et 159). 10) Khvolson (D. A.). 18 inscriptions tumulaires juives découvertes en Crimée. (Extrait du Recueil des articles relatifs à l’histoire et à la littérature juives, édité par la Société chargée de répandre l’instruction parmi 1er Juifs de Russie. Livre I, fas. I, page 181. St.-Pétersbourg. 1866). 1 1 ) Cadastres de l’Empire de Moscovie au XVI-e Siècle, publiés par la Société Impériale russe de Géographie, I-e part., sect. 2, pag. 1369. St.-Pétersbourg, 1877. 12) Viazemsky (p-ce P. P.). Monastères des Lacs ladoga et Kouben pp. 10 — 11 et 15. St.-Pétersbourg, 1881. 13) Vues du Monastère de Konev, fig. 13 (sans date). 14) Légende sur le „Kone-Kamen“. (Extraite du journal „Siéver“, 1888, JY 1, pp. 17 — 18 et fig. de la page 5). 15) Piasetsky (G.). Récit de l’apparition de l’image miraculeuse de St. Nicolas et de son influence sur les progrès du christianisme dans la ville de Mtsensk. Pages 58 — 59. Orel. 1888. 16) Smirnov (I. N.). Les Tchérémisses. Esquisse historique et ethnographique. Chap. V. Kazan. 1889. 17) Contribution à l’étude de la question des croyances religieuses et du culte des Tchérémisses. (Extrait du journal „Jivaïa Starina" 1891. Liv. III, pages 222-223). 18) Coutume superstieuse du district de Yenev. (Extrait du journal du diocèce de Toula, septembre 1890, JY 18, pp. 204—206, .Y 20, pp. 292—294). Les derniers résultats de l'archéologie préhistorique en Bohême et ses rapports avec l'Europe orientale. par M-r. L ub o r Niederle (de Prague). L’archéologie de la Bohême offre quelques problèmes qui ont de l’intérêt non seulement pour les archéologues du pays, mais aussi pour les savants étrangers, surtout pour nos voisins. Ces pro- blèmes ne sont pas encore résolus, et il serait prématuré de chercher à en donner à présent une solution definitive. Je ne présenterai ici qu’un résumé succint de quelques uns des résultats obtenus par les recherches archéologiques dans notre pays, et j’attirerai l’attention seulement sur quelques points paiti- cuîiers. L’archéologie de la Bohême est encore si peu connue, que je puis espérer que même cet aperçu sera favorablement reçu, d’autant plus que les problèmes dont je veux parler ne sont pas exclusivement tchèques, mais peuvent intéresser aussi les autres pays de l’Europe habités jadis par les Slaves. L’archéologie de la Bohême n’est pas aussi nettement caracté- risée que celle de la Scandinavie, de la Hongrie etc.; ce n est qu’une branche de l’archéologie de l’Europe centrale et, en ^ ge- neral, elle possède peu de traits caractéristiques locaux.. Ce qu elle offre de plus intéressant, c’est qu’elle fournit des matériaux pour résoudre la question de ce qui appartient, ou de ce qui n appar- tient pas aux Slaves dans la culture préhistorique, question qui se présente aussi ailleurs, p. ex. dans l’Allemagne orientale. Ce problème a été chez nous dès l’origine, et est encore jusqu’à nos jours le mobile de tout travail archéologique. On ne cesse de disserter sur ce qui peut être attribué aux Slaves parmi nos antiquités. Le premier travail important sur les antiquités de la Bohême, publié par le célèbre slaviste S. Dobrovsky, à la fin du siècle dernier, traite cette question, aussi bien que les derniers travaux — 76 parus dans notre pays. Seulement, on a change la forme de cette question en se demandant si les Slaves doivent être considères comme habitants autochtones en Bohême, ou non. Mais ici, la conception du caractère autochtone est toute relative, car son principal champion, le Dr. H. Wankel, fait remonter l’apparition des Slaves dans nos pays tout au plus à l’époque de «Hallstadt». Quoique cette question soit l’axe autour du quel tout tourne, ou n a pu réunir jusqu à présent de faits concluants pour sa solution, principalement, sans doute, parce qu’on a peu travaillé chez nous; je n entends pas par la le travail pour ainsi dire mécanique, comme les fouilles, le colleetionnement, le cataloguement des anti- quités, mais l’étude raisonnée des matériaux, nombreux dans notre patrie. L’histoire de l’archéologie de la Bohême de M-r. J. Vocel n’est qu’une brillante et unique exception. Les premiers travaux sur l’archéologie de la Bohème (alors naturellement rédigés en allemand), parurent à la fin du siècle passé. Ch. J. chev. de Bienenberk \ et surtout notre célèbre sla- viste, S. Dobrovsky 2 ont dès lors publié des dissertations importan- tes sur les «Urnengrâber» (champs d’urnes funéraires) et ont dis- tingue ce qui était slave, d’après leur opinion, de ce qui ne l’était pas. Il est vrai que cette classification ne pouvait encore avoir de base solide. Dans la première moitié de notre siècle, Mathias Raima de Jaethenstein, s’est fait remarquer par l’étude critique qu’il a ajoutée à la publication du premier recueil des antiquités préhistoriques de la Bohême 1 * 3 4 ). Dans les années quarante, la science a trouvé un mobile puissant par la fondation de la Section archéo- logique du musée royal de Prague, et la création d’un organe spécial: les < Pamütky archaeologické a mistopisné » (Monuments d’archéologie et de topographie). La section archéologique a été fondée en 1841, par Fr. Pa- lackÿ; les «Pamàtky» ont paru en 1853, sous la rédaction de K. • iuais c est J. Vocel qui a été l’âme de ce nouveau mouvement. Professeur d’archéologie à l'université de Prague, depuis 1850, il avait publié dès 1845, des «Grundzüge der bohmi- schen Alterthumskunde», et il ne cessa pas de travailler jusqu’à la publication, à Prague, de son ouvrage capital: (La Bohême préhistorique) \ 1 „Versucli über einige Alterthümer im Kônigreich Bohmen“. (ïïradec Kralové, 1778—85). 3 „Ueber die Begràbnissart der alten Slave n“ etc. (Prague, 1786). 3 „Bohmens heidnische Opterphitze, Graber und Alterthümer * (Prague 1836) 4 Cet, ouvrage a été traduit en russe par Zaderatsky {H. 3adepamiü, UpeB- irï'.Rmaa ôuTOBaa iicxopia c.ianHiri. noodme h 'lexoEt bt> ocoèeHHoenr, Iücb’b, 1875), — 77 — Ce fut la première époque culminante de l’archéologie en Bo- hême. J. E. Yocel mourut bientôt après (en 1871), et sa mort fut suivie d’une époque relativement stagnante. On découvrit des campements, des nécropoles, comme auparavant, on les décrivit dans les «Pamâtky» mais quant à l’étude approfondie des matériaux, elle était négligée. Il n’y eut plus de second Yocel. Seuls, le Dr. J. Woldrich à Vienne et le Dr. H. Wankel en Moravie, travail- laient avec zèle et succès, mais tous deux se sont spécialisés à l’époque la plus ancienne, au «diluvium». Ce n’est que dans ces dernières années que nous assistons à un nouveau réveil des étu- des archéologiques, et même anthropologiques; mais il y a encore beaucoup à faire et bien des questions à résoudre. Pour donner une esquisse des principaux problèmes des temps préhistoriques de la Bohême, je me permettrai d’exposer d’abord un aperçu succint de ce qui est acquis jusqu’à présent relativement à ces temps lointains. Nous pouvons considérer comme prouvé, quoique depuis peu, que la Bohême et la Moravie étaient habités par l’homme à l’époque paléolithique. On cite dans quelques ouvrages, et notam- ment dans des ouvrages français, comme restes de l’homme à l’époque diluviale de la Bohême, les crânes de «Podbaba» et de «Most» (en allemand «Brüx»). Je me permets de douter de l’impor- tance de ces découvertes, quoique moins de celle du crâne de Brüx. 11 est vrai qu’aucun savant n’a assisté à cette découverte, et, audessus du crâne, on a trouvé des objets appartenant indu- bitablement à l’époque néolithique, (ce qui a motivé l’attaque du Dr. Luschan); mais du moins, l’emplacement de la trouvaille a été étudié «ex post» par Mr. le Dr. Woldrich, et celui qui s’en contente peut maintenir l’authenticité de la découverte. Par contre le crâne de «Podbaba» est très douteux. A «Podbaba», non loin de Prague, il y a plusieurs fours à briques où, dans les couches du limon, on a trouvé plusieurs sépultures, et dernièrement une série de tombes du type mérovingien. Aucun spécialiste, non plus, n’a assisté ici à la découverte du crâne; et, comme on a trouvé quel- ques jours plus tard, dans la même couche, un squelette avec des bracelets de bronze, je crois avoir raison de ne plus considérer le crâne de «Podbaba» comme appartenant à l’époque diluviale. En revanche, d’après l’avis d’un juge compétant, Mr. le Dr. Woldrich, on a fait deux découvertes d’outils en silex et d’autres indices de l’existence de l’homme; la première, dans une fente de rocher à «Sudslavice» près de Wimperk, la seconde, dernièrement, dans le loess de «Lubnâ», (district de Rakovnik), par le professeur Kusla — 78 — Nous avons en Bohême beaucoup de monuments de l’époque néolithique: des stations, des ateliers, des fosses de cendres et des tombes à squelettes. Je ne connais jusqu’à présent aucune décou- verte certaine de monuments mégalithiques. Les tombes se pré- sentent chez nous généralement comme sépultures à squelettes enfouis dans la position accroupie, aux jambes repliées. Le type du crâne est franchement dolichocéphalique, parfois l’index descend au-dessous de tO. Les crânes néolithiques de la Bohême que je connais jusqu a présent, ne sont qu’exceptionellement mésocépha- liques (au dessus de 75), ordinairement dolichocéphaliques. C’était évi- dement la même race qui habilait aussi d’autres contrées de l’Europe à cette époque. On ne peut, jusqu’à présent, affirmer avec certitude qu’une nouvelle population soit venue s’établir en Bohême, avec la nou- velle civilisation de l’âge de bronze. Nous trouvons le même type de crânes dolichocéphaliques dans les tombes à squelettes de l’âge de bronze, surtout dans celles qui forment un groupe caractéristique pour la Bohême, par leur inventaire spécial, ce sont les Unc- tice Griiber (ainsi nommés d’après la nécropole d'Unétice , près de 1 tague), et les Brandgraber (tombes cinéraires), qui ne peu- vent naturellement nous donner aucun signalement anthropologi- que du peuple qui les a creusés. A coté des groupes mentionnés, du type d’Unétice, nous avons en Bohême, remontant à l’âge de bronze, les tombes cinéraires sous les ^ tumuli. Il faut remarquer que ces dernières ne se rencontrent qu’au sud-ouest de la Bohême, où ils passent à l’âge de fer et sem- blent avoir quelques rapports avec les tumuli ( Hügelgràher ) de la Bavière. Je ne puis en rien dire de plus précis, parce que ce groupe de champs funéraires n a pas été encore été suffisament étudié. Mais, ce qui paraît certain, c’est que ces sépultures sont toutes différentes des sépultures du type d ’Unetice, du nord de la Bohême, et, quoi- que ces groupes de tombes n’appartiennent pas tout-à-fait, à la même période, je n’hésite pas à admettre qu’ils sont différents aussi sous le point de vue ethnique, et que chacun de ces groupes a appartenu à des peuples différents, dont l’un habitait le centre et l’autre le nord de la Bohême. Ces sépultures de la Bohême méridionale ont duré plus longtemps que celles du type cVHalstadt et celles de la période de La Tene. A la même époque apparais- sent, dans le nord de la Bohême, deux nouveaux groupes de tom- bes très caractéristiques, ce sont: 1) les tombes à squelletes couchés sur le dos et accompagnés d’armes en fer et de nombreux objets de parure, et 2) les Brandgrâber (Tombes cinéraires), appelées aussi Champs dûmes , très pauvres en armes et en objets quel- conques. 79 — Nous pouvons affirmer avec certitude que le premier groupe appartient a la période de La Tène. Les traits caractéristiques de ces tombes sont les mêmes que ceux des sépultures de La Tène, en Suisse, et présentent quelques rapports avec la civilisation de la nécro- pole de Hallstatt, On désigne ordinairement, chez nous, ce type par le terme de DuJcer Cultur, d’après les trouvailles faites à Duchov (en allemand Dux). Dernièrement, quelques savants ont nié le type de La Tène de ces tombes et les on déclarées d’origine autochtone, j’observerai cependant que les mêmes indices carac- téristiques se retrouvent dans une suite de tombes de la vallée de la Marne (voir: Musée de S. Germain- en-Laye, salle Mil), et sur d’autres points de la France. On ne peut négliger cette ressemblance, et je crois plus pro- bable que ces tombes ont appartenu à un peuple qui a laissé des sépultures pareilles dans l’Europe occidentale, notamment au peuple des B viens. Les Champs d’urnes, mentionnés plus haut, sont beaucoup plus intéressants pour l’archéologie slave. Je n’en parle qu’ici, à l’épo- que de La Tène, mais je crois que leur origine remonte plus haut. Plusieurs de ces nécropoles pouvaient appartenir à la pre- mière période de l’âge de fer (celles de Horiiioves, Osice, Tre- bechovice). A la période de La Tène appartiennent certainement celles de Ménïk, Rèdice, Svijany, Libochovany, Slatenice, en Mo- ravie, et d’autres on en rencontre jusqu’ à la période romaine (du nombre de ces dernières est celle de Dobrihov, nouvellement découverte, qui renferme beaucoup d’objets de fabrication ro- maine et qui descend peut-être an IV-ème siècle après J. C.) et jusqu’ à la fin de la période préhistorique en Bohême en général. Nous trouvons encore des champs d’urnes funéraires jus- qu’après l’introduction du christianisme en Bohême. Les urnes sont placées en longues rangées, sans traces extérieures de sépultures. C’est ainsi que Mr. Woldrich fait descendre au IX-ème siècle la nécropole de la montagne de s-t Jean, près de Netolice. J’en conclus que tous ces champs d’urnes, qui appartiennent aussi géographiquement à la même contrée, le nord-est de la Bohême, ont appartenu au même peuple qui habitait ici depuis la fin de l’âge de bronze jusque dans la période chrétienne. Ainsi, nous avons en Bohême, depuis la période néolithique, principalement 3 groupes de sépultures énigmatiques: les tumuli de la Bohême 5 La définition de la date est très difficile à cause de la pauvreté de ces tom- bes en objets: on trouve de petits vases autour du vase principal); mais dans la cendre même il n’y a ordinairement que des fragments d’épingles et d’anneaux brûlés. Les fibules et autres objets de parure sont très rares. H — 80 — méridionale, les tombes à squelettes de la période La Tène et les champs d'urnes du nord ou du nort-est. Je ferai quelques remar- ques sur la possibilité d’une explication de ces trois catégories de tombes à la fin de mon aperçu. Après la période romaine qui, outre les champs d’urnes de Dobrichov, est encore représentée en Bohême par une suite de tombes isolées contenant des objets de fabrication indubitablement romaine, il faut ranger, chronologiquement, les groupes de sépultures avec les indices de la civilisation dite Mérovongienne. Dans mon mémoire sur les sépultures de la dernière période préhistorique en Bohême, publié l’année passée B , j’ai combattu la nécessité de re- connaître cette période Mérovingienne, ou l’existence d’un peuple caractérisé par cette civilisation, comme celui qui a habité le sud de l’Allemagne et le nord de la France. C’est qu’ on ne connaissait alors que quelques tombes isolées contenant des objets du style mérovingien. Mais depuis, on a découvert une vaste nécropole à squelettes contenant un grand nombre d’objets de ce style, près de Prague, aux environs de Podbaba que j’ai mentionnée plus haut. Cette nécropole n’a pas encore été décrite sous le rapport archéolo- gique; j’ai examiné seulement les crânes provenant de ces sépul- tures et j’ai publié les résultats de mes mensurations dans les Mittheilungen de la Société d’anthropologie de Vienne de l’année courante \ (J’observerai que, parmi les crânes du type pur des Reihengraber, il s’est trouvé un crâne de sexe incertain, qui m’a fait conclure à une déformation artificielle). — Dans ce mémoire j’ai déclaré qu’ à la suite de cette découverte, je me trouvais obli- gé de renoncer à l’opinion que j’avais exprimée dans le travail précité, et d’attribuer la nécropole de Podbaba à un peuple qui a habité les environs de Prague et qui était probablement d’ori- gine germanique. Le type des crânes et le style des objets, comme on n’en trouve pas dans les tombes slaves, ne contredisent pas cette opinion et des données historiques la confirment. Dans la seconde moitié du I-er siècle après J. C. et jusqu’au Xll-ème siècle nous voyons dominer en Bohême des sépultures d’un autre type. Ce sont encore des tumuli avec les indices de l’incinération (Brandgràber), (à Chedobi, près de Câslov, à Plav- nice, à Hlubokâ, etc.) ou des champs diurnes (à Netolice, au Hrâ- 6 Contributions à l’anthropologie des pays tchèques I. Les tombeaux de squelettes de la fin de l’époque préhistorique en Bohême. Prague 1891. (en tchèque). 7 Pas Grabfeld von Podbaba, und der erste künstlicli deformirte Schadel aus Bôhmen. (Wienl872). Extract der Mittheilungen der Wiener anthropologisehen Ge- seltscliaft. — 81 — dek, près de Câslav, à Drazkovice, Zidovice, Dafice, Iezborice, Roudnice, Pardubice, Litomerice), mais en général, nous voyons dominer les sépultures en rangées ( Reihenlestattungsart ) dans le genre de nos cimetières actuels. Les sépultures de ce genre se dis- tinguent, chez nous, par deux caractères principaux: 1) par des anneaux d’argent ou de bronze, recourbés en S à une extrémité' et fixés aux deux cotés du crâne, aux tempes, et 2) par des vases d’un type particulier, faits au tour de potier avec des bords re- courbés et avec des dessins imprimés sur la face externe du fond (cercles, croix, etc.) et des parois ornementées de lignes ondulées sim- ples ou répétées en bandes horizontales. Ces sépultures nous offrent un intérêt particulier. Premièrement, ce sont les plus récentes, souvent même de dates précises, à cause des pièces de monnaie qu’elles ren- ferment, ce qui donne un point de repère certain pour les recher ches archéologiques, et secondement, elles sont sûrement slaves. Les traits qui prouvent l’origine slave sont précisément les anneaux de tempes mentionnés, non seulement parce qu’ils ne se rencon- trent que dans des pays qui ont été habités par des Slaves, comme l’Allemagne orientale, la Pologne, la Moravie et la Russie occi- dentale, mais aussi parce que 'nous avons sur la période où il était d’usage de porter ces anneaux et auquel on rapporte ces sépul- tures, c’est à dire sur la période de VUI-e jusqu’au XH-e siècle, des données historiques qui prouvent que la Bohême était alors ex- clusivement habitée par la population slave. En revanche, le se- cond trait caractéristique de ces sépultures, les vases sus-mention- nés, avec ornements de lignes ondulées, qui ches nous les indiquent comme slaves, ne sont pas slaves par leur origine et leur distri- bution. Je crois que la première forme et l’ornementation de ces vases ont été empruntés à la céramique provinciale romaine, qu’el- les sont venues des provinces du Danube et ont été seulement conservées et développées dans notre pays 8 . 8 D’autres investigateurs ont été de cet avis (M. Much, P. Senf, B. Jelinek etc ). Pour résoudre cette question, j’ai examiné soigneusement les produits de la céramique provinciale-romaine dans les différents musées, et j’ai trouvé que les exemplaires des vases de ce type, quoique faisant défaut en Italie même, se retrou- vaient dans presque toutes les provinces romaines, en plus ou moins grand nombre, comme do juste. Ce type est très rare dans les Gaules (dans toute la collection de S. Germain-en-Laye, on ne trouve que quelques exemplaires provenant des fouilles de mont Beuvray); il est rare aussi en Grande Bretagne (au Musée britan- nique je n’ai trouvé que 8 exemplaires, parmi des centaines de vases romains). Les vases de ce type sont plus nombreux dans les provinces Rhénanes et dans quelques localités de l’Autriche, ainsi p. ex. à Wassering, dans la Basse-Autriche, à Birkel- stein près de Salzbourg, etc. Pour d’autres pays où l’influence romaine a pénétrée, je ne connais que des exemplaires isolés dans des sépultures plus modernes du Caucase. (Comp. une communication publiée dans le T ,Casopis spolecnosti musea Olomückého, — (Revue de la Société du musée d’Olmtitz, en Moravie. 1891. p. 101). 'I — 82 Comme je l’ai dit plus haut, ce groupe de tombes est le plus connu de tous les groupes des temps préhistoriques de la Bohême, sous le point de vue éthnique comme sous le point de vue archéologique; c’est pourquoi, je crois que, pour résoudre l’énigme des anciennes périodes, nous ferons bien de commencer par ce groupe l’étude des temps préhistoriques tchèques pour remonter ensuite dans le passé. On ne l’a pas tenté jusqu’à présent, c’est pourquoi je veux attirer l’attention sur les voies à suivre, les hypotèses possibles et les données fournies par les investigations. Ces tombes sont donc, comme nous l’avons dit plus haut, indu- bitablement d’origine slave. Il s’agit de savoir maintenant si nous pouvons attribuer à la même origine des trouvailles des âges plus anciens? Nos meilleurs historiens (Palackÿ, Tomek, Kalousek, Goll, etc.) ont conclu, en s’appuyant sur des données historiques, que la population slave n’a pénétré en Bohême que dans la première moitié du 1-er siècle après J. C., et qu 'avant l’arrivée de cette popu- lation, le pays a été occupé pendant plusieurs siècles par les Boïens, d’origine gauloise , et par les Markomans, d'origine germanique. Les trouvailles archéologiques confirment cette manière de voir, en ce quelles obligent à reconnaître comme ri appartenant pas aux Slaves, les tumuli de la Bohême méridionale et les tombes à sque- lettes de la période de la Tène. Les preuves sont: pour les premiers leurs rapports avee les tumuli de la Bavière, et pour les secondes leur conformité avec les trouvailles de la Tène en Suisse et avec les tombes gauloises de la vallée de la Marne, etc. Donc, seraient slaves toutes les sépultures des périodes postérieures; les squelettes aux anneaux de tempes et une partie des champs d'urnes (de la seconde moitié du I-er siècle). En opposition avec les données sus-dites de nos historiens, il se forma chez nous une école dite «des autochtonistes», qui af- firme que la population slave de la Bohême était présente dans cette contrée an moins depuis l’époque néolitique, et nie en même temps d’une manière décisive l’existence d’une population germa- nique et gauloise en Bohême et en Moravie. Les deux partis s’appuient sur des arguments plus ou moins forts, mais le premier peut en fournir un nombre incomparablement plus grand. Je ne puis m’arrêter ici aux détails et je me borne à exposer brièvement mon avis sur cette question. J’observerai d’abord une faute dans cette discussion, c’est de considérer l’existence d’un peuple en Bohême comme excluant des Samoyèdes et d’autres peuplades de la Sibérie. Pendant l’hiver, cette construc- tion légère pouvait être recouverte de peaux d’animaux, d’écorce de bouleau, ou de neige. La différence du ancien finnois et de celui d’autres peuplades nomades consistait en ce que la construction conique s’élevait au-dessus d’une fosse creusée dans la terre. De nos jours, les granges des Tchérémisses présentent cette forme; dans les temps passés, les demeures des Lappons avaient aussi cette forme («fosses laponnes* en Carélie). Ces cons- tructions n’avaient pas de poêles; on allumait le feu au milieu de la demeure même. Le poêle, fait d’argile, apparut plus tard; sa forme la plus ancienne est conservée chez les Vogoules. C’est une sorte de grand tuyau, établi sur un bûcher, pour l’issue de la fumée, avec une ouverture de coté pour mettre le bois. Le poêle en briques se présente comme une forme postérieure, empruntée aux Russes. En nous guidant par les données de l’ethnographie et de l’archéologie linguistique, nous pouvons établir pour 1 histoire du développement de la demeure, le schème chronologique suivant (prin- cipalement pour la détermination de l’antiquité des gorodichtclies): 1) Fosses avec traces de bûcher au milieu; 2) demeures sur la superficie du sol avec traces de cheminée ou de poêle en argile au milieu; 3) demeures sur terre avec traces de poêle à briques. La demeure la plus ancienne serait, naturellement, celle qui est offerte par la nature elle-même, — la caverne. Les souvenirs du — 104 — temps où les Finnois profitaient pour leurs demeures des cavernes se retrouvent dans la poésie épique finnoise; chez les Zyrianes d’Ijma, nous trouvons la légende du géant noir Iag-Mort (homme des bois), qui habitait une caverne ouverte du coté de la rivière. Ma note est terminée. Je serai content si les membres du Congrès sont de mon avis sur l’importance de l’ethnographie contemporaine pour la paléo-ethnologie et l’archéologie. Thèses: 1) Les données linguistiques permettent de supposer qu’une partie des restes de la période néolithique de la Russie centrale peut appartenir aux Finnois. 2) Pour la détermination de l’antiquité des gorodichtsches et autres restes des habitations humaines, il faut avoir en vue l’his- toire du développement de la demeure finnoise. 3) L’antiquité des sépultures peut être déterminée, entre autre, par les ossements d’animaux déposés avec le mort. 4) La position du squelette N. — S. peut être regardée, dans la Russie centrale, comme un des indices des sépultures anciennes des Finnois. II. La distribution géographique des tribus finnoises dans la Russie centrale et du nord-est, aux temps préhistoriques. La survivance d’anciennes coutumes et croyances et le mode de vivre, corroborés par les données de l’archéologie linguistique, nous permettent d’établir la classification chronologique des restes de l’antiquité pré-ou protohistorique. Cependant cette classification ne peut pas être regardée comme satisfaisante par le paléoethnologue. Le but de celui-ci est do déterminer à quel peuple se rapportent les restes en question. Nos archéologues, se guidant par les types de trouvailles, distinguent plusieures régions de la civilisation, qu’ils mettent en corrélation avec les régions historiques de la distribu- tion de divers peuples. Ainsi Mr. le comte Ouvarov a établi le groupe des Mériens, le prof. Aspelin — les groupes des Mouromo- Mordouanes et des Permiens. Ces groupes se rapportent cependant aux époques postérieures dans l'histoire des anciens habitants de la Russie centrale et du nord, au période de l’usage du fer. En nous éloignant de cette époque dans le passé, nous arrivons suc- cessivement à la civilisation beaucoup plus simple et plus homo- gène de l’âge de la pierre. La classification typologique des restes de cet âge (d’après les formes des ustensiles) n’est pas encore possible; — 105 l’existence même de cet âge primitif était regardée comme douteuse, il n’y a pas longtemps, par des investigateurs d’autorité. Les fautes de détermination sont possibles, même par rapport à l’âge du fer: d’après les analogies avec les migrations qui ont eu lieu aux époques historiques chez les Tchérémisses, les Votiaks, les Mordouanes, nous pouvons admettre des migrations pareilles pour les temps plus reculés; quelques Mouromiens ou Mériens pouvaient occuper le pays habité auparavant par une autre peuplade. D’autres bases sont nécessaires pour une détermination ethnogra- phique dans ces conditions, et ces bases nous sont données par la géographie et la linguistique, par les noms de lieux et leur analyse. Les noms chorographiques sont les témoins de la langue des habitants disparus du pays. Le gouv. de Moscou est habité à présent, en totalité, par le peuple des Grands-Russes; cependant la plupart des rivières qui l’arrosent portent des noms étrangers, non russes. Ces noms sont les monuments du passé, du peuple ou des peuples qui ont été d’une part déplacés, d’autre part assimilés par les Russes. Les uns de ces noms se rapportent aux lieux ha- bités, les autres— aux rivières. Le premier groupe est le plus jeune dans l’histoire de la civilisation et par conséquent présente une importance moindre pour le paléoethnologue. L’homme a donné les noms aux rivières avant de mener une vie sédentaire, au temps où il rôdait encore sur leurs rives et se nourrissait de poisson. La région de la Russie du Nord habitée par les Lappons et les Sa- moyèdes peut nous servir d’exemple sous ce rapport. La conservation des noms anciens de lieux, nonobstant le changement des populations, a une importance très grande pour la paléoethnologie de la Russie. Les noms géographiques de la Russie centrale et septentrionale forment tout un capital scientifique dont nous commençons seulement à nous servir. Il renferme tous les indices typiques nécessaires au paléoethnologue pour la détermi- nation des monuments de tel ou tel peuple. En comparant ces mille noms de rivières, nous pouvons nous convaincre que ce territoire se divise, en plusieures régions caractérisées par la pré- dominance de différents types de noms géographiques. Commençons notre aperçu par l’extrême orient, depuis les monts Ourals. Sur le versant ouest de l’Oural commencent les rivières qui se divi- sent d’après leurs noms, en deux groupes: 1) les rivières dont les noms se terminent en ia et iogan : Pang-sory-ia, Mudas-iogan\ 2) les rivières avec les terminaisons en vu et chov. Vil-vu., Kos-vu , Ocha-chor, Ara-chor. Le premier groupe s’étend à l’est de l’Oural, dans le bassin de l’Obi, le second nous amène à la Kama et passe à l’ouest de cette rivière: In-va et Ob-va nous ramènent dans le gouvernement actuel de ’V’iatka. Dans la partie-est de ce — 106 — dernier, dans les arrondissements de Glazov et de Malmyclie, nous retrouvons de nombreux noms de rivières avec les terminaisons en ma — Poj-ma, Vil’ -ma, Pij-ma ( Pich-ma ). Les petites rivières et les lieux habités portent ici des noms qui se terminent en chour, raï, loud, gourt. Dans notre traité sur les Permiens, nous avons démontré que la terminaison ma doit être regardée comme une variante de va. Dans la partie occidentale du gouv. de Viatka, au nord des arrondissements de Viatka, d’Orlov et de Nolinsk, plus souvent qu’au sud dans les arrondissements de Kotelnitch et d’Yaransk, on commence à rencontrer à côté de ces noms de rivières, d’autres noms terminés en nga, nlca , n, n: Vondanga, Mirânga, Cliardanga , Neraru Loban. Cette catégorie de noms se répand an loin dans l’ouest, et nous les retrouvons par dizaines dans le gouv. de Kostroma, dans les bassins de la Yetlouga et de l'Ounja, affluents du Yolga, et au S. O. du gouv. de Vologda, dans le bassin du Youg, affluent de la Soukhona, qui par sa ré- union avec la Vytchegda forme la Dvina septentrionale. Beaucoup de ces noms se trouvent dans le bassin de la Soukhona; près de la ville de Totma ils passent dans le gouv. d’Arkhangel, (bassin de la Vaga), puis dans les gouvernements de Novgorod (bassin du lac de Tcharond), d’Olonetz (bassin du lac de Latche); entre les fleu- ves de l’Onéga et de la Dvina septentrionale ils forment une bande qui s’étend jusqu’ à la mer Blanche et pénètre par ses rivages d’une part dons la Lapponie, de l’autre dans la Finlande sep- tentrionale. Tandis que le groupe nord-ouest de noms nous mène du gouv. de Yiatka à la mer Blanche; d’autre part, le groupe sud- ouest commence à la rive droite de la Viatka, dans les arrondis- sements de Kotelnitch, d’Yaransk et d’Ourjoum. Ici, à coté de ter- minaisons en ma et nga nous retrouvons, pour les petites rivières, des noms en anger, et pour les lieux habités en solà , nour, ïal. Le groupe de ces noms passe au gouv. de Kazan, dans les arrondis- sements situés sur la rive gauche du Volga. Sur la rive droite de ce fleuve, dans le gouv. de Kasan, sur le territoire entre la Soura, le Volga et la Sviaga, dans les arrondissements de Kozmo- démiansk, de Tcheboksar et de Tzivilsk, nous rencontrons deux groupes de noms, sans localisation déterminée: a) les noms avec les terminaisons en nar , ner, rapprochées des terminaisons en anger , hier, ener des arrondissements du nord, de l’autre rive du Volga, et b) avec les terminaisons eu sinng , oouch, douch , Jcassg. En des- cendant au sud, dans le gouv. de Simbirsk, nous rencontrons un grand nombre de rivières avec les terminaisons en leï. Ce groupe nous ramène, par les gouv. de Penza, de Tainbov et de Nijni- Novgorod vers l’Oka et vers son confluent avec le Volga. Au nord dans les gouv. de Wladimir, de Iaroslavl et de Kostroma (à l’ouest 107 — de l’Ounja), sur le territoire qu’on assigne aux Mouromièns et aux Mériens, nous retrouvons, à coté de noms de rivières en nga et ma, quelques nouveaux types de noms locaux; dans les noms de rivières: a) ega, oga, b) gda , kkta, sta (avec une voyelle précédente — Soudogda, Soulost’, Voïekhta), dans les noms de vil- lages: bola, bol, (Brem-bola, Kino-bol etc.). Dans la masse de noms, qui ne se rapportent pas à ces types, il doit y en avoir qui ont perdu leur terminaison typique: Vorja, à coté de Vorje-khot' , Chatcha—b coté de Chatche-bol. Ainsi les traces de plusieures po- pulations se sont consei'vées sur le territoire de ces gouvernements. Le service qui peut être rendu par la géographie au paléoethnO' logue se borne à la détermination des régions, caractérisées par la prédominance de tel ou tel type de noms locaux. Plus loin commence le rôle de la linguistique qui donne la détermination ethnographique tant aux types de noms qu’aux régions de leur distribution. Le groupe de noms terminés en ia, iagan, se manifeste comme vogoul-osüak ou de Yougra; le groupe avec les terminai- sons en va, ma chor — comme zyriane-p ermien; le groupe de noms de rivières se terminant en cliour et des noms de lieux habités— en vaï, loud, gourt — comme votiak; le groupe — anger , sola, nour — com- me tchérémis&e ; le groupe — loi, comme morduain . Le groupe des noms de rivières en: 1) nga et 2) litha et bol ne se soumettent pas à une détermination linguistique précise, mais la direction dans laquelle se distribuent les noms du premier groupe au N. O., permet de supposer que ce sont des noms géographiques anciens Jappons, tandis que les noms du second groupe, d’après leur distribution exclu- sive dans la région des anciens Mériens, peuvent être reconnus comme mériens. En disposant des indications données par l’analyse linguistique de noms typiques de lieux, le paléoethnologue peut parler d’une manière plus déterminée de la population à laquelle appartient la totalité des objets qu’il a examinés. Lorsqu’il fait des recherches, par exemple dans le gouv. de Viatka ou de Kostroma, il ne se contentera pas du terme trop vague et peu déterminé dans le sens ethnographique de «Tchoude». D’autre part, il ne regardera pas les objets trouvés comme appartenant indubitablement au peuple qui vit encore dans cette localité, ou qui l’habitait encore dans les temps historiques. Il sera possible de discerner dans le bassin de la Vetlouga deux groupes de monuments pré-et protohistoriques, le plus ancien celui des Lappons, et le plus moderne — des Tchérémisses; dans le bassinde la Viatka, — troisgroupes:celuidesLappons — àl’ouest, et ceux des Permiens et des Votiaks à l’est; sur l’espace entre les rivières: Viatka (N.), Volga (S.), Vetlouga (O.) et Ilète (E.), nous aurons les monuments des anciens Lappons et des anciens Votiaks 108 — et Tchéremisses; au S. du Volga sur le territoire entre l’Oka et la Sviaga, dans les limites du gouv. de Kazan — des anciens Tchéré- misses et des Tchouvaclies (postérieurs); dans le gouv. de Simbirsk et les gouvernements limitropes — des Morduanes. Au N., dans le gouv. de Vologda, nous pouvons admettre les monuments anciens lappons, à l’ouest de la ligne Youg - Soukhona - Dvina; les monuments anciens permiens — â l’est, entre le Youg et la Vytchegda et ceux des anciens Yougres — au N. de la Vytchegda. Sur le territoire des an- ciens Mériens, à coté de monuments mériens proprement-dits, peu- vent se rencontrer les monuments du groupe permien (la région des terminaisons de noms de rivières en ma) et des Finnois occi- dentaux (la région des terminaisons en oga, ega). Thèses: 1) A la catégorie des monuments des époques préhistoriques se rapportent les noms géographiques (noms de lieux). 2) Pour la détermination du peuple auquel appartiennent les objets anciens, il faut avoir en vue les noms des lieux environ- nants, pour les monuments les plus anciens— les noms des grands fleuves. 3) Les noms de lieux de la Russie du Nord et du Centre prou- vent que sa population pré-ou protohistorique a été plus homogène à l’est, dans la région des Permiens et des Ougriens, et plus mé- langée à l’ouest. Sur les coupes de ceinturons des anciens Scythes, par M-r. N. Brandebourg. n C’est de Scytlius, fils d’Héracles, que descendent tous les rois des Scythes, et c’est en souvenir de la coupe d’Héracles que les Scythes portent encore jusqu’à présent des coupes à leurs ceintures". [Hérodote). Le récit d’Hérodote sur la légende des ustensiles en or, tom- bés du ciel sur la terre des Scythes: un soc, un joug, une hache et une coupe, et sur l’ancêtre des Scythes, Héraclès, qui portait une coupe d’or à sa ceinture, peut acquérir quelque réalité, si on le rapproche du témoignage du meme historien sui 1 usage des Scythes du V-ème siècle av. J. C. de porter, en souvenir d’Héra- cles, des coupes attachées à leurs ceinturons. De sorte que, au point de vue de la réalité archéologique, on pourrait se demander si les découvertes des temps modernes n offrent pas d exemples analogues, qui pourraient confirmer les récits d Hérodote sur les coupes de ceinturons? Les coupes devaient-elles être nécessairement en or, comme le prétendent quelques explorateurs contemporains, qui observent en même temps que les fouilles les plus récentes n ont pas fait trouvei un seul exemplaire de ce métal. On ne saurait répondre affirmativement à cette question, d’abord parce que Hérodote no parle que ce l’usage de porter des coupes attachées aux ceinturons, sans en de- signer le métal, et qu’au contraire, de la généralité de cet usage, on doit conclure que ces coupes étaient des ustensiles ordinaires, en argile, car autrement l’usage en aurait été très restreint et ne se serait pas répandu. C’est donc dans ce sens plus général que nous devons chercher les traces de ces coupes parmi les de- couvertes archéologiques modernes. En général, l’existence des coupes en argile chez les Scythes n’est pas douteuse; en effet, le même Hérodote en parle dans les descriptions qu’il fait des cérémonies qui accompagnaient les traités d’alliance et les serments solennels, et l’archéologie — 110 — possède des échantillons de ces ustensiles. Mais la littéra- ture spéciale ne signale pas d’exemplaires du type des coupes qui pouvaient s’attacher aux ceinturons. C’est pourquoi, je me permets d’attirer l’attention des membres du Congrès actuel sur deux trouvailles que j’ai faites personnellement, dans des fouil- les pratiquées ces dernières années dans le gouv. d’Ekatérinoslav et dans celui de Iviev. Ce sont des faits nouveaux qui ont un rapport direct avec la question qui nous occupe. En 1889, en creusant un assez grand kourgane dans les en- virons de Marioupol, j’ai découvert dans le sol, audessous du rem- blai, quatre sépultures peu profondes; dans l’une de ces sépultures se trouvait un squelette humain, et à ses pieds, une tête de cheval et des fragments de poterie; devant la face et la poitrine du sque- lette (il était couche sur le cote droit) étaient rangés: un grand pot élégamment orné, une coupe d’argile, une tête de massue en pierre et une espèce d’épieu applati, en bronze. Comme c est la coupe qui nous intéresse particulièrement pour le moment, nous allons nous y arrêter quelques instants. On voit d après le dessin ci-contre (fig. 1.) que cette coupe repré- sente un vase segmentaire, peu profond, de 16 cent, de diamètre et de 4 cent, de profondeur, sur un petit pied carré qui donne au tout une hauteur de 7 centimètres. Fig. 1. Coupe d’argile, des environs de Marioupol. Extérieurement la coupe est grossièrement ornementée de bandes rouges, et sur l’un des côtés, on remarque un petit manche percé d’un trou destiné évidemment à y passer un cordon, une courroie ou quelque chose dans ce genre. Ainsi, il est évident que le vase était destiné à être suspendu ou rattaché à quelque chose; détail tout particulier, car on ne le retrouve sur aucune autre production de la céramique barbare de cette époque, malgré le grand nombre dejspécimens de ce genre fournis par les fouilles. La forme même de la coupe et les petites dimensions du manche ont évidemment pour but d’e'vitez*, autant que possible, les incon- — 111 — Véniens des ustensiles d’autres types, moins compacts; par consé- quent, il faut supposer des conditions particulières, motivées par une distillation spéciale de la coupe; cette destination pourrait bien être celle d’être suspendue, et non posée, comme les autres usten- siles domestiques. Un autre exemplaire de vase avec une adaptation pareille nous offre un type_différent et beaucoup plus grossier (fig. 2): il a été trouvé pendant les fouilles d’un kourgane du distict de Kiev, en été 1891; mais les conditions de la trouvaille étaient ici tou- tes différentes. Le kourgane ren- fermait des vestiges de sépultu- res dans le remblai et dans le sol, mais nous ne parlerons pas des premières (celles du rem- blai) parce qu’il y a tout lieu de croire qu’elles sont relative- Fig. 2. Coupe des environs de Kiev. ment plus modernes et qu’elles n’ont aucun rapport avec les sépul- tures inférieures (celles du sol), et nous nous arrêterons seulement à ces dernières. Ici, vers le milieu de la base du kourgane, on a découvert des restes éparpillés d’une sépulture; au niveau du sol, ou un peu plus bas, on voyait quelques os humains jetés en désordre, à côté s’ouvrait une fosse profonde (de près de 3 mètres), for- tement bouchée de terre; à peu de distance du fond encore quel- ques petits os humains épars, et tout au fond, un plus grand nombre, parmi lesquels: un crâne, un bassin, les fémurs et d’autres, mais qui ne formaient pas de squelette complet *. A coté de ce tas, se trouvait dans une position normale un vase en argile, ressemblant à un demi-pot très bas, à fond plat, ou à une coupe grossière (11 cents, de diam. et 5 c. de hauteur), avec cette particularité que près du bord supérieur on remarque deux petites ouvertures à jour, évidemment destinées aussi à passer un cordon ou quelque chose de semblable; ces ouvertures ont une surface régulière, unie et cylindrique, ce qui prouve qu’elles ont été percées pendant que l’argile était encore molle. Ainsi ce vase paraît être une variété du même type que le pre- mier, c. à d. qu’il était aussi approprié à être porté suspendu, mais d’une forme plus simple et plus grossière, ce qui correspond du reste au caractère des sépultures; car la première devait appar- tenir à un personnage plus important, à en juger par les autres objets découverts dans la tombe. 1 Ainsi les tibias manquaeint complètement. Les deux exemplaires décrits offriraient un double intérêt si l’on pouvait faire une comparaison quelconque plus précise entre les deux sépultures qui les renfermaient; malheureusement, la se- conde de ces sépultures est tout-à-fait énigmatique. On ne peut pas admettre que cette dernière tombe ait été dérangée par quel- ques fouilles fortuites postérieures, parce qu’elle était très profonde et s’est conservée bien close et que le kourgane n’a évidement pas été touché. Cependant il est difficile de trouver une raison logique de la disposition en désordre des ossements qu elle ren- ferme. On pourrait supposer, peut-être, qu’il y a quelque rapport entre cette sépulture et un squelette trouvé aussi dans le même kourgane au niveau du sol, à 2 mètres de distance de la première, et alors (si ce n’est une supposition trop risquée), ne verrions nous pas dans les os enfouis dans cette tombe, les traces de sacrifices humains? Mais ce n’est toujours qu’une supposition, et on ne sau- rait en aucun cas définir la nationalité à laquelle a pu appartenir cette sépulture. En revanche, l’origine scythique du premier kourgane décrit paraît bien probable, autant du moins que le permet l’état de la question des sépultures des Scythes. La découverte, dans ce kour- gane d’une coupe de ceinturon offre donc un interet tout particulier, vu les indices ethnographiques. En effet, si en réunissant tous les traits caractéristiques des tombes scythiques, ou en comparant les objets trouvés dans cette tombe avec ceux des sépultures reconnues pour appartenir aux Scythes, on pouvait prouver indubitablement son origine, il serait évident que le vase découvert est un échantil- lon des coupes de ceinturons dont parle Hérodote. Malheureuse- ment, la question des Scythes reste encore ouverte, et l’archéologie ne possède pas (dans le plus grand nombre de cas), de critérium indubitable pour reconnaître avec certitude les sépultures scythi- ques, si toutefois les objets découverts ne prouvent pas, par leurs formes typiques, cette origine; en l’absence d objets pareils, il faut se contenter d’une probabilité plus ou moins grande. Tel est le cas de notre découverte, et quoiqu’il y ait beaucoup de raisons pour admettre son origine scythique, nous ne croyons pas pouvoir affirmer la certitude absolue de nos conclusions- L’archéologie préhistorique fait de rapides progrès et peut-être des faits nouveaux, se rapportant à la question qui nous occupe, viendront-ils prouver indubitablement que les coupes que nous avons décrites appartenaient aux descendants du mythique Héraclès; en atten- dant ces preuves, nous nous rapportons au jugement des lecteurs compétents. Quelques remarques sur les cavernes de l’Oural, par M r. O. Clerc. En 1869, j’ai eu l’occasion d’examiner, en compagnie de Mr. L. Sabanéev et de quelques autres personnes une caverne sur la montagne de Sougarnak, près do l’usine de Kychtymsky; en 1881, nous avons examiné avec feu Mr. M. W. Maklakov, une autre caverne sur les bords de la rivière Issète près du village Smo- lino. La première renferme trois chambres, dont la première et peut- être la seconde pouvaient être habitées par l’homme préhistorique, la troisième présente une espèce de puits, qui contient toujours de l’eau, même pendant le temps sec. Autant que je sache, personne n’a encore fait de fouilles dans cette caverne. La caverne de Smolino est située dans la rive abrupte méridio- nale de la rivière Issète et a été probablement ouverte quand le lit de la rivière n’avait, pas encore la profondeur actuelle: une large vallée du côté de l’entrée de la caverne formait paraît- il un golfe de cette rivière, jusqu'au moment où le courant d’eau rompit une barrière qui le retenait et s’écoula en laissant son lit à sec. Ce promontoire calcaire, faisant maintenant partie de la rive abrupte, présente plusieurs couloirs communiquant entre eux et s’inclinant sous divers angles vers leurs entrées. Par son aspect actuel cette «montagne» (ne s’élevant presque pas mainte- nant au-dessus de la plaine) ressemble à une souche creusée par les fourmis. Mr. Malakhov a fait des fouilles soigneuses dans les par- ties principales de cette caverne, mais il est arrivé à des résultats négatifs (voir le compte-rendu préliminaire de Mr. Malakhov présenté à la Société Géographique Russe). Il n’y a qu’une seule caverne de l’Oural qui ait été scientifiquement étudiée et qui a donné des résultats positifs: c’est la caverne de Soukholoje (voir l’article de Mr. Gebauer, dans le Journal des Mines, en russe. 1880). 8 — 114 — Quant aux cavernes de la rivière Serglry, district de Krasno- oufimsk, Mr. Fadéev a étudié il y a trois ans quelques abris sous roches non loin de la source minérale, mais il n’y a trouvé que les ossements de petits mammifères et d’oiseaux. Une caverne plus conside'rable, «la caverne de l’amitié», décrite par Mr. Baranovsky dans les «Mémoires de la Société Ouralienne» 1874, T. II, p. 169, n’a pas été étudiée dans le sens archéologique. La fameuse caverne de Koungour, décrite par plusieurs inves- tigateurs, en commençant par Mr. Lepekhine, n’a été probable- ment jamais habitée, à cause des glaces qui la remplissent ordinai- rement chaque année. Quant à la spacieuse caverne de Kizelov, on n’y a trouvé (non loin de l’entrée) qu’un calcanéum de cheval. Feu Mr. Téplooukhov a reçu une partie du ci-âne de l’Ursus spelaeus (?) trouvée dans la spacieuse caverne de Pachiisk: les fouilles de cette caverne pourraient avoir paraît-il un grand intérêt pour la question de l’origine des objets en argent, dits — «tchoudes». Nous avons entendu parler de quelques cavernes situées dans les domaines de Lasarev et du comte Stroganov (arrondissement des mines de Bogoslovsk): les ingénieurs des mines et les paysans y ont trouvé quelques ossements d’animaux et même des restes de sacrifices des Vogouls (?). Conclusion. Les résultats très intéressants des fouilles faites par Mr. Gebauer dans la caverne de Soukholoj, nous font désirer une étude scientifique des cavernes de l’Oural, qui par les conditions de leur structure et leur situation promettent de fournir des données nouvelles et intéressantss sur les anciens habitants de cette contrée. Les Gorodichtschés à ossements dans le nord-est de la Russie, par Mr. A. Spitsine. La conception que nous avons de l’âge de la pierre et de l’âge du bronze est ordinairement incomplète et exclusive, parce que nous n’avons à notre disposition que très peu d’ustensiles et d’outils de cette époque faits d’autres matériaux que la pierre ou le bronze, par exemple de bois et d’os, qui cependant pou- vaient être les plus répandus. Par conséquent, les trouvailles d’ob- jets de ce genre présentent un grand intérêt, surtout lorsqu’ils sont nombreux. Le plus grand nombre d’objets anciens en os ont été trou- vés en Russie, jusqu’à ces derniers temps, sur les rivages du lac de Ladoga, — dans le bassin de l’Oka, affluent du Volga, et dans la partie du cours moyen de la Kama, aussi af- fluent du Volga f . Les outils en os des deux premières localités ont été rapportés par les investigateurs à l’âge de la pierre, mais ceux de la troisième doivent être attribués à une époque de beau- coup plus récente, notamment à l’époque de la civilisation tchoude qui passe à l’âge de fer. Jusqu’à ces derniers temps, on n’a pas fait en Russie de trouvailles importantes d’outils en os qu’on puisse 1 Cf. Inostrmtsev. L’homme préhistorique de l’âge de la pierre sur les rivages du lac de Ladoga, (en russe). Spt. 1882; Comte A. Ouvarov. Archéologie de la Rus- sie, (en russe). I. 18S2; Teplooukhov. Ueber die prâhist. Opferstâtten am Uralgebirge. Archiv ftir Anthropologie. Bd. XII. • J 8 * — 116 - rapporter à l’âge du bronze, et ce ne sont que les recherches nou- velles, encore inédites, sur les antiquités préhistoriques du bassin de la Kama et de son affluent la Viatka, qui fournissent des don- nées, qui selon nous peuvent jusqu’à un certain degré combler cette lacune. C’était au commencement des années quatre-vingt, que M-r. Ponomarev, archéologue de Kazan, a découvert sur les bords de la Kama, des gorodichtsches très anciens, qu’il a nommes: «go- rodichtsches à ossements», à cause de leur richesse en ossements d’animaux et en outils en os; il a recueilli dans ces campements une très curieuse collection d’objets, formant a présent le meilleur ornement du Musée de la Société d’ Archéologie de Kazan. D autres gorodichtsches de ce genre, sur le parcours de la Viatka, ont été découverts et décrits par moi; en même temps, on a reconnu des campements pareils au delà de l’Oural, sur le fleuve d Irtych (fouilles de Mrs. Florinsky et Kouznetzov), sur la rivière d’Oufa, affluent de la Belaïa qui se jette dans la Kama (par M-r. Pono- marev), dans les environs de Moscou (par M-r. Sizov et aupara- vant par M-r. Filimonov), enfin les objets appartenant à la même civilisation ont été trouvés dans les environs de Kazan (par M-r. Vyssotsky), et il y a quelques indices qu ils doivent se trouver aussi sur les rives des lacs transouraliens (fouilles de M-r. Drou- jinine). Par conséquent, les gorodichtsches à ossements ont été découverts sur une vaste région et leur investigation, par cela même, promet des résultats sérieux et intéressants pour les travaux des archéologues russes. Mrs. les membres du Congrès peuvent se faire une idée de la civilisation de l’époque des gorodichtches à ossements d’après une collection assez complète d’objets, provenant de mes fouilles dans les gorodichtschés de la Viatka, et qui se trouve avec d’autres collections à l’exposition du Congrès. Celui qui me fera l’honneur de jeter un coup d oeil sur cette collection, remarquera, probablement non sans étonnement 1 abon- dance et la diversité des formes des objets en os qui s y trou- vent. Les habitants des gorodichtschés à ossements ont fabriqué en os, quelquefois très dur et bien poli, non seulement des aiguil- les et des flèches, mais aussi des couteaux de diverses grandeurs, des cuillêrs, des hameçons, des harpons, des peignes, des manches pour les couteaux métalliques, des joujoux d’enfants, des perles, — 117 — enfin des marteaux durs et massifs, remplaçant les celts, en somme tous les objets nécessaires et même les objets de parure. Je me permets d’attirer surtout l’attention sur les hameçons, les cuillers, les manches de couteaux, les spatules curieuses de destination in- connue et enfin sur les celts en os. Les marteaux, remplaçant les celts de l’époque du bronze, ont été faits d’os longs, pointus à un bout, et munis de trous sur les côtés pour être fixés à des manches. Comme ornements ou se servait de défenses d’ours, de patu- rons, d’astragales, de petites plaques et de rondelles en argile et en pierre. La technique de ces objets en os, est généra- lement très soignée et parfois remarquable par le fini du tra- vail; tout porte à croire que nous avons là les restes d’une ci- vilisation originale et même assez développée. Les ornements de ces objets, surtout ceux des plus beaux, sont en relief ou gravés, et presque exclusivement empruntés au règne animal. On voit le plus souvent, sur les manches de couteaux et sur les hameçons, la représentation d’une tête d’élan, plus rare- ment— d’une tête du chien, de cochon, d’ours ou de dragon. Les rondelles plates en pierre avec un trou au milieu sont ornées pour la plupart de dessins rectilignes, mais on trouve aussi des spécimens très remarquables avec la représentation d un dragon, dans une pose qui rappelle celle des plaques en cuivre ^ou en bronze) de la Sibérie et d’une plaque provenant de la nécropole d’Ananino sur la Kama, près de la ville d’Elabouga (gouv. de Viatka). L’antiquité des gorodichtschés à ossements est prouvée par la présence, parmi les objets en os, de quelques outils faits en pierre et en bronze. Cependant ces campements sont plus récents que l’époque de la pierre. On trouve dans leur sol quelques rares flèches en silex bien taillées, et des fragments d’outils polis, de marteaux et de ciseaux, mais on n’a pas trouvé du tout de grat- toirs en silex. En revanche, la proximité de l’âge du bronze est indubitable. On a trouvé sur les gorodichtschés à ossements quel- ques celts en bronze avec ornements en zigzag, des petits bouts de flèches en bronze et, très rarement du reste — des petites plaques de ceinturons. On a trouvé même les moules à fondre ces objets et les creusets, mais en même temps on peut se convaincre que les outils en bronze étaient d’une grande valeur pour les habitants de ces compements et qu’ils étaient ordinairement remplacés par 118 — les outils correspondants en os. Les objets en fer n’étaient pas moins rares. On a trouve' des couteaux et des alênes en fer c. à d. les outils les plus ne'cessaires pour le façonnement de l’os; les fers de flèches et de lances n’ont e'té trouvés, que je sache, qu’en exemplaires uniques. On peut pre'sumer d’après la forme des entailles sur les spe'cimens en os, non acheve's, que les habitants de ces campements se servaient encore d’un ciseau e'troit, proba- blement en fer, mais jusqu’à présent on n’a pas trouve' d’outil de ce genre. Outre les objets sus-mentionnés, on a trouvé encore en abon- dance, dans les gorodichtschés à ossements, de la poterie, des frag- ments de vases en argile avec un fond rond et avec une ornemen- tation variée le long. du bord. Les vases ont été faits d’argile, mêlée avec des coquillages, et présentent une assez grande solidité; ils sont de trois dimensions: les plus petits ont jusqu’à 8 centi- mètres de diamètre, et les plus grands peuvent à peine être en- tourés des deux bras; leur forme est peu variée. Il faut encore noter les petites meules de forme ovale, faites du calcaire poreux, qui se trouvent ici en assez grande quantité. A en juger d’après les nombreux ossements et d’après d’autres indices, le mode d’existence des habitants de ces gorodichtschés était éelui d’un peuple chasseur et en partie nomade. Les ossements qu’on rencontre ici le plus souvent, appartiennent à l’élan, puis à l’ours; les os du cerf, du cheval et du castor ne sont pas rares non plus, tandis que les os du cochon, du boeuf, du lièvre, de la loutre, du renard, du loup, de la martre, du chien, du mouton, des oiseaux et des poissons sont beaucoup plus rares. On n’a pas trouvé de faucilles, qui témoigneraient de la connaissance de l’agriculture, et on se servait probablemant des meules pour broyer des racines ou d’autres produits végétaux. Au nombre des indices de l’antiquité reculée de ces gorodicht- chés, on peut ajouter encore l’absence absolue de pièces de mon- naie et d’objets quelconques en argent et en or. La question de la présence d’objets en verre reste encore indécise; la trouvaille de quelques perles de verroterie dans un gorodichtsché à osse- ments est encore un fait, unique. Mais quelle est la forme des goro- dichtschés eux mêmes? Ce sont des emplacements peu considérables, situés sur les hauts promontoires des rivages, et fortifiés du côté 119 " non défendu par la nature, par un rempart en forme de faucille et par un fossé, à l’instar des camps gaulois, dont parle César. D’après leur grandeur insignifiante, et l’absence complète d’eau, ces gorodichtschés ne pouvaient servir comme lieux d’habita- tion permanente pour plusieurs familles et probablement étaient des centres religieux et administratifs. On n’a trouvé dans ces com- pements aucuns restes de sépultures. Je me permets de signaler encore une fois la civilisation assez avancée du peuple auquel appartenaient ces gorodichtschés, ci- vilisation qui nous mène directement à l’époque du bronze. Mais il ne suffit pas de signaler cette proximité, il faut encore montrer auxquelles des antiquités spéciales de l’âge du bronze se rapportent les souvenirs de cette civilisation des gorodichtschés à ossements. Si l’on ne commit pas d’antiquités pareilles, la présence dans ces campements d’objets en bronze peut avoir un caractère accidentel. Je prends la liberté de poser la thèse que les antiquités de ces gorodichtschés à ossements ont une relation très proche à la ci- vilisation dont les restes ont été trouvés dans la nécropole d’Ana- nino, appartenant à l’âge du bronze et située aussi dans la région de la Kama. Il est vrai qu’on ne connait jusqu’à présent que deux objets en os, provenant du cimetière d’Ananino: une flèche et un manche de couteau; en revanche, ceux qui ont été trouvés dans les gorodichtschés à ossements, présentent ou un caractère indéterminé, ou la forme et l’ornement de ceux trouvés à Ananino; même les flèches en bronze, les fers des couteaux et des lances, les pierres rondes à aiguiser, les petites plaques de ceinturons sont identiques. Les marteaux en bronze de la nécropole rappelent les marteaux des gorodichtschés avec les bouts en os; les fragments de poterie, d’après leur forme, leur ornamentation et leur constitution sont semblables. On n’a pas trouvé jusqu’à présent, dans les gorodicht- schés à ossements, de poignards en fer, si communs dans la né- cropole d’Ananino, mais on peut l’expliquer par la destination pacifique des gorodichtschés ou par le défaut de fouilles plus étendues. D’autre part, l’absence dans la nécropole de plusieurs objets qui se trouvent en abondance dans les gorodichtschés à ossements (aiguilles à tricoter, spatules, cuillers, peignes, hameçons etc.) ne doit pas nous surprendre; ce sont tous les objets usuels qui ont pu ne pas trouver place dans le rituel de sépulture. Sans doute je ne me permets pas d’affirmer d’une manière positive que — 120 — la nécropole d’Ananino appartenait au même peuple que les go- rodichtschés à ossements; je n’insiste même pas sur la contem- porainéité des gorodichtschés et de la nécropole; j’affirme seule- ment la ressemblance frappante des outils trouvés dans ces go- rodichtschés avec les antiquités de l’âge du bronze et je me permets d’attirer l’attention des savants sur la valeur des matériaux qui pourraient être obtenus par les fouilles ultérieures de ces campements. 4 Sur les restes de l’époque paléolithique dans les environs de Krasnoïarsk, (Gouv. de lenisséisk, Sibérie), p a r Mr. J. S a v e n 1c o v. La collection de restes de l’époque paléolithique que je pré- sente au Congrès a été extraite d’une couche de loess (terre à briques) contenant des os de mammouth, de rhinocéros et d’autres représentants de la faune post-pliocène, au pied de la montagne Afontova, dans les environs immédiats de la ville de Krasnoïarsk, gouv. de lenisséisk, c. à d. sous le 56° 1' 4" de latitude nord et le 110° 29' de longitude est. On y trouve les os et les outils en pierre à la profondeur de 1,5 m. Les restes de mammouth et de rhinocéros, avec les outils qui les accompagnent, sont ordinairement retirés du fond des carrières pratiquées pour l’extraction de l’argile. Ces carrières n’ont, malheureusement, pas plus de 2,4 m. de profondeur, au dessous de la superficie du sol. Le gisement, la forme et d’autres indices extérieurs des outils de la montagne Afontova prouvent que sur les bords de l’Ie'nisséi aussi, l’âge de la pierre taillée appartient à une époque plus reculée que l’époque néolithique; mais pour se rendre compte de l’âge relatif de ces deux époques, il faut faire un aperçu préliminaire géolo- gique de la vallée de l'Iénisséi dans les environs de Krasnoïarsk. Le niveau de l’Iénisséi a une altitude de 142 m. et la prairie sur ses bords, appartenant à la ville, 151 8 m. au dessus du niveau de la mer. La température moyenne de l’année est de 1, 8° — 2° C., l’isoterme de janvier —20 C, l’isoterme de juillet 20 C. Les indices du printemps, la débâcle du fleuve, l’arrivée des oiseaux, 122 — se rapportent à la seconde moitié' d’avril, l’été est presque deux fois plus court que l’hiver, l’automne commence au mois d’aout, la fin de l’automne a tous les caractères de l’hiver, et dans la se- conde moitié d’octobre, l’Iénisséi est déjà pris par les glaces. L’humidite' moyenne de l’anne'e est env. de 60°/ 0 , la quantité de précipités atmosphériques de 325 mm., et la plus grande quan- tité d’eau qui tombe à la fois, près de 33 mm. Les vents d’ouest dominent, le vent de sud-ouest règne toute l’année, sa vitesse moyenne est de 6 mètres par seconde, le vent de l’ouest est en- core plus violent — près de 7 m. L’Iénisséi fait un arc près de Krasnoïarsk, et coule dans la direction du N. E. (et non du N.), presque à travers la direction principale des roches se'dimentaires. La largeur de la vallée est de 3 -7 km., la coupe longitudinale moyenne de la vallée se dirige vers E. N. E., le talweg s’approche du côté gauche (nord) de la vallée. La hauteur des chaînes riveraines encadrant la vallée ne surpasse pas en moyenne 543 m. de hauteur absolue, et la chaîne riveraine du bord droit se dirige vers l’Est en s’étendant à 21 — 26 km., tandis que la chaîne gauche se termine à 6 — 7 km. de la station qui nous intéresse; plus loin en aval de l’Iénisséi on ne rencontre pas d’élévations considérables. Les versants nord des chaînes riveraines ont 10° — 12", et ceux du sud — deux fois plus. Vers les sommets des chaînes, composées pour la plupart de roches cristallines, (granits, porphyres, etc.) sont adossées les ter- rasses d’érosion qui ont pour base les roches se'dimentaires de l’e'tage silurien supérieur, les marnes rouges dévoniennes et les grès jurassiques. Ces roches sédimentaires s’inclinent vers le N.N.E, l’angle d’inclinaison des roches siluriennes est de 25° — 30", tandis que celui des roches dévoniennes et jurassiques est à peu près de 5" — 10. La terrasse moyenne d’érosion est à peu près de 91,5 m. au dessus du niveau du fleuve; elle est clairement exprimée et considérable- ment développée, mais les terrasses supérieure et inférieure ne sont conservées que par places. La moyenne terrasse d’érosion a par- fois des versants abrupts vers le fleuve et la vallée fluviatile. Ce sont doute les horizons supérieurs des alluvions (couches à blocs, à galets et sables) où étaient enselevis des os de mam- mouth. La largeur moyenne du fleuve, quand il n’a qu’un lit, est à peu près de 682 — 746 m., mais quand le lit est divisé par des îles, la largeur est plus grande (1,5 km.) et près de la ville, elle est de 1,75 km. — 123 La profondeur moyenne du fleuve dans son chenal n’a pas plus de 3 — 3,6 m. La plus grande profondeur est probablement près de 8,5 m. La moindre profondeur du fleuve est 1,5 m. sur les bas-fonds, le long de la ligne réunissant les îles et les bancs de sables. La plus grande profondeur, e( par conséquent la plus grande force destructive, appartient au côté gauche, tandis que la formation des alluvions s’opère près du côté droit du fleuve. La rive gauche est généralement abrupte et composée de roches originaires, la rive droile plus douce est formée d’alluvions; la terrasse supérieure (post- pliocène) longe le plus souvent la rive gauche. Sur la rive droite la prairie (la plaine d’inondation) s’étend sans interruption à 70 verstes, tandis que les prairies de la rive gauche sont souvent interrompues. La différence entre le niveau des eaux basses et celui de la crue n’est pas moins de 4,26 m., mais si l’on prend en considéra- tion les inondations, la différence atteint 6,40 m. L’eau augmente ordinairement quatre fois par an: 1) au printemps— l’eau de neige, — à la fin d’avril et au com- mencement de mai; 2) l’eau de sol, — à la fin de mai, quelquefois au commencement de juin; 3) l’eau des forets— dans la première motié de juin, provenant probablement des sources du fleuve ou de ses affluents, et 4) l’eau pluviale de juillet. Les inondations arri- vent dans les cas où l’eau de sol s’attardant est surprise par l’eau des forêts. L’eau des débordements n’est pas toujours de la couleur ordi- naire jaunâtre, mais quelquefois l’eau de juin ou de juillet a une couleur laiteuse. Il est probable que la quantité de chaux dans les eaux de l’Iénisséi est considérable et varie suivant les saisons, mais jusqu’ à présent on n’a pas encore étudié cette question. La pente du lit du fleuve est approximativement 20 — 25 m. sur 100 km. La vitesse du courant du fleuve pendant les eaux basses et moyennes est de 1,5 — 2 m., mais pendant les hautes eaux la vitesse augmente jusqu’à 2,5 — 3 m. par seconde. L’épaisseur de la glace est de 0,6 — 1 m., la force qui la re- mue est-très considérable — souvent de massifs blocs (jusqu’à 1 m. de longueur) sont rejetés ou même enfoncés sur la rive basse. Souvent les lits anciens du fleuve sont obstrués par les blocs et les cailloux apportés par la glace. Quelquefois, en aval de la ville, la glace s’accumule en amas si considérables que le fleuve est arrêté, 1 Près de la source Gremiatschi, vis-à-vis de l'embouchure de la Basaïkha. — 124 — et alors sur les îles basses devant la ville se forment des tas où les collines de glace atteignent presque six mètres de hauteur. La carte et les profils ge'ologiques peuvent mieux expliquer et d’une manière plus complète les particularités topographiques dans la constitution des versants et du fond de la vallée du fleuve. Les couches des alluvions de la vallée, en commençant d’en haut, s’étagent comme il suit: 1) couche de terre végétale passant sur les versants du nord et du nord-est au sol sous-argileux; 2) loess et alluvion loessiforme, sableux sur les pentes sud et sud- ouest, et argileux sur les terrasses d’érosion et sur les pentes nord et nord-est; 3) sables, cailloux, graviers, souvent intercalés par de petites couches de couleur foncée, jaunâtres et parfois blanches, et 4) cailloux, graviers et sables contenant des blocs erratiques. Les versants et les terrasses de la rive droite, de l’Idnisséi sont couverts de champs cultivés; quant à la rive gauche, son sol ne peut être cultivé que sur la terrasse d’érosion près de la mon- tagne Grémiatschy; plus loin en aval du fleuve, la contrée porte le caractère de steppe et le sol propre à être cultivé s’éloigne du fleuve. Le sous-sol argileux des champs, près de la montagne Gré- miatschy en approchant de la montagne Afontova, devient plus sableux; le loess reçoit plus d’argile et devient loess argileux. La porosité, la présence de coquilles terrestres (Pupa, Hélix, Succinea), la conservation des os etc. démontre l’origine aérienne de ce Joess argileux. L’argile grasse, jaunâtre, propre à être exploitée, recouvre une couche d’argile blanche qui passe insensiblement à une couche sableuse— salifère qui ne peut pas être exploitée pour les briques. Plus loin, en bas, on voit une couche limoneuse, ai’énacée, une cou- che de sables stratifiés, de graviers et une couche de galets et de blocs erratiques déposée sur la roche originaire. Parfois le loess argileux apparaît sur la terrasse fluviatile supérieure en remplissant les dé- pressions, traces des anciens torrents, desséchés du temps de la formation de la terrase supérieure (post-pliocène). La hauteur de l’argile loessiforme commence à peu près à 15 m. audessus du niveau des eaux-basses du fleuve. Il faut noter que dans les horizons supérieurs les os et les outils ne se rencontrent plus. On doit faire des fouilles systémati- ques le long du fond des sections afin de se procurer une quantité plus considérable d’outils des horizons inférieurs du loess. Dans la région qui nous intéresse le lénisséi reçoit deux affluents: la Basaïkha (affluent droit) et la Katcha (affluent gauche); leurs sources se trouvent à 70 — 80 kilom. de l’embouchure, sur — 125 — les versants des collines tourne'es vers le N. et le NE. Outre la rivière Basaïkha, des pentes droites de la valle'e s'e'coulent encore quel- ques sources, mais quant au côté gauche, en aval de l’embouchure de la Katcha, on n’y rencontre pas de. rivières, les ravins s’appro- fondissent principalement grâce aux eaux printanières. Les alluvions du fond de la vallée de l’Iénisséi sont caractérisées par l’absence du loess; il disparaît au pied des pentes de la vallée. On peut distinguer aussi trois terrasses alluviales: 1) La su- périeure, post-pliocène à 15 — 18 m., 2) la moyenne (limite du- débordement) 9 — 12 m., et 3) l’inférieure (le fond du déborde- ment) à 3 — 6 m. au dessus du niveau du tleuve. Quoique ces terrasses se distinguent par quelques particularités pétrographiques, nous nous bornerons à donner l’énumération gé- nérale des alluvions en commençant d’en haut: 1) Couche de terre végétale — à la base des pentes; 2) mince couche argileuse-arénacée de sous-sol; cette alluvion argileuse consolide les sables des dunes; 3) sables des dunes remaniés par les eaux, gris-jaunâtre, quelquefois jaune - blanchâtre et même blanches, surtout dans les lieux des stations anciennes où les os (les déchets de cuisine) abondent; 4) sables stratifiés, souvent cal- cifiés, parfois rougeâtres, intercalés de petites couches de couleurs plus foncées et de concrétions ferrugineuses. La terrasse inférieure ou d’inondation est formée d’alluvions arénacées-limoneuses bru- nâtres; 5) couche à blocaux (terrasse supérieure), couche à galets avec quelques blocs (terrasse moyenne), couche à cailloux (ter- rasse inférieure); en passant aux sables stratifiés, souvent — couches de gravier. Les os de mammouth et de rhinocéros ont été ensevelis dans les alluvions de la terrasse supérieure; ces couches, grâce à leur stabilité, nous renseignent sur le niveau du fleuve à l’époque post- pliocène. Le poids moyen des blocaux = 1 kgr.; les plus grands pèsent jusqu’à 2 kgr. Le volume moyen est 0,41 m. cube. Le poids et le volume des blocaux démontrent clairement que les conditions mé- caniques de l’activité du fleuve ont bien changé. Maintenant le fleuve pendant sa crue a la vitesse de près de 1,5 m. par seconde, c. à d. peut remuer seulement des galets mais pas de blocs. Il est probable que le mammouth et le rhinocéros y ont vécu jusqu’à la formation complète de la terrasse supérieure. Au mo- ment de l’ensevelissement des os de mammouth dans les graviers — 126 — et les cailloux, le niveau de l’Iénisséi devait être au moins 6,4 m. plus haut que celui des inondations actuelles. Le Bos primigenius a certainement vécu jusqu’à la formation de la terrasse moyenne. En considérant le gisement des os de cet animal avec les silex taille's près du village Lodeïky, il faut croire que le niveau d’alors n’était que de 0,6 — 1,2 m. plus haut que celui des plus grandes inondations actuelles. Nous indiquons cette différence des niveaux pendant la formation des terrasses supérieure et moyenne, comme termes approximatifs, uniquement pour nous rendre compte de l’âge relatif des deux épo- ques — paléolitique et néolitique; remarquons cependant que nos indications sont fondées sur les nivellements et l’étude topographe que de la contrée, faits pendant les grandes inondations. La formation des dunes devait commencer après la formation complète de la terrasse moyenne, c. à d. le fleuve a dû appro- fondir son lit pour avoir son niveau actuel. A l’époque néolithique les dunes furent recouvertes par les alluvions argileuses-arenacées; quant à la couche de terre végétale, elle commença à se former surtout à l’époque du bronze. Si l’on pouvait se rendre compte approximativement de la durée nécessaire à l’Iénisséi pour l’approfondissement de son lit et pour l’abaissement correspondant de son niveau, à 1 pied, par exemple, on pourrait donner un tableau chronologique de ces différences de niveaux; mais cette durée de temps est tellement variable pour divers fleuves (700 — 6000 ans d’après Mr. Geikie), qu’il est impossible de s’en servir pour un fleuve si peu connu que l’Iénisséi. Cependant, si l’on prend même le minimum de la durée, on aura 15000 années, passées depuis l’ensevelissement ici des os du mammouth. Toutefois pour faire le tableau chronologique d’un fleuve, il faut supposer que toutes ses conditions ont été toujours les mêmes, ce qui est invraisemblable, même pour la durée rela- tivement courte entre la formation de la terrasse supérieure et le temps présent. Considérons d’abord les conditions climatériques de la vie du fleuve. La position des dépôts subaériens postpliocènes et récents prouve la prédominance des vents de sud-ouest au commence- ment du quaternaire, mais il paraît que l’humidité et la quantité des précipités atmosphériques étaient autres; cela posé, l'activité mécanique du fleuve ne pouvait pas être la même. Mais ce n’est pas le climat seul qui a eu de l’influence sur la force des cou- rants: l’écorce terrestre, en se rétrécissant, provoque les procédés de dislocation, des soulèvements et des abaissements du sol, qui — 127 — peuvent, changer considérablement la force des courants et par con- séquent le durée de l’érosion et du creusement des vallées. Enfin il faut remarquer que la force de l’érosion et du trans- port de ses produits par les eaux du fleuve a dû varier considé- rablement en relation avec les changements de la surface du géoïde en général et avec le raccourcissement ou l’allongement du fleuve à son embouchure. On a déjà rassemblé quelques observa- tions intéressantes sous ce rapport, par exemple sur les parti- cularités des bois flottés anciens (nommés — «bois d’Adam» ou — «de Noé») dans certaines îles non loin de l’embouchure de l lénisséi. En considérant tous ces faits, on sent les difficultés extrêmes d’établir d’une manière précise le tableau chronologique de la vie du fleuve. Mais cela ne nous est par nécessaire, puisque l’âge re- latif des époques néolithique et paléolithique du bassin de l’Iénisséi (pour les dunes, le loess et la terre à briques) nous est connu approximativement. Mais on pourra nous demander 1) si les os des animaux éteints ne viennent pas des alluvions plus anciennes et s’ils ne sont pas mêlés avec les outils en pierre de l’époque plus récente, et 2) si le loess de la montagne Afontova est vraiment d’origine aérienne? Oublions pour le moment la présence dans le loess do co- quilles terrestres, comme Pupa, Hélix, Succinea; oublions la porosité et autres indices caractéristiques de l’origine subaérienne du loess argileux, et supposons que le loess d’ Afontova est d’origine fluviatile et par conséquent formé au niveau le plus élevé c. à d. à l’époque la plus ancienne. Mais que sont donc devenues ces alluvions plus anciennes, d’où le loess a tiré les os de mammouth et les a mêlés avec les restes de l’époque plus récente? Et comment ce transport n’a-t-il laissé aucunes traces sur ces os et sur ces coquilles friables? La formation subaérienne du loess, ensevelissant en même temps les os de la faune postpliocène et les outils, est selon nous la plus probable et ne contrarie nullement les données topogra- phiques et géologiques. L’assortiment et la rétention de la pous- sière atmosphérique doivent être attribués aux forêts qui cou- vraient probablement la contrée en question. Un développement peu considérable du loess au pied de l’Afontova dépend d’une- part de la disparition des forêts, commencée près de la station ancienne et qui continuait pendant les époques suivantes, et de l’autre, par la faible puissance de l’eau des précipités qui assortissait les plus légères parties du loess, c. à d. l’argile, et la précipitait au pied du versant. — 128 Les ossements tirés du loess argileux de l’Àfontova sont main- tenant au nombre de 1500 numéros. Ce sont pour la plupart des fragments, des déchets de cuisine et divers os. En 1885 (quand il n’y avait que 300 numéros), Mr. Czersky y avait défini: Ele- phas primigenius, Rhinocéros tichorhinus, Bos primigenius (Bos taurus var. fossilis), Bos priscus, Equus Caballus, Cervus tarandus, Cervus sp. (probablement C. alces, euryceros, canadensis), Canis sp. On sait qu’à l’époque postpliocène la vallée de l’Iénisséi a été habitée aussi par le Rhinocéros Merkii Jaeg., Ovis Argali, Antilope (Saiga) borealis Czersky, mais il nous paraît que ces animaux manquent dans notre collection, qui n’est pas encore parfaitement étudiée. Pendant les derniers 6 ans, on n’a pas trouvé d’espèces nouvelles; on doit noter cependant le crâne presque entier d’un chien et quelques crânes de la variété à minces cornes du Cervus Tarandus. La plus grande partie des os appartient au renne; le mammouth et le rhinocéros sont plus rares; les os des indi- vidus plus jeunes sont plus fréquents que ceux des adultes. Si même on n’avait pas trouvé d’outils, la présence de l’homme serait constatée par les cassures caractéristiques de grands os de Mammouth, de Rhinocéros et de Bos. Les outils en pierre sont ordinairement faits de fragments des blocs erratiques; l’industrie en est pour la plupart très grossière. La forme des outils est principalement convexe d’un côté, plate de l’autre; les outils taillés de deux côtés sont rares. La plupart des outils en pierre de l’Afontova se rapprochent du type Moustérien, mais quelques uns ressemblent au type Cheliéen. La forme primi- tive des outils est ovale; toutes les autres formes (en amande, en triangle, en croissant etc.) peuvent être considérées comme va- riétés de celle-là. Souvent la côte tranchante entoure tout-à-fait l’outil. Le plus souvent on rencontre les outils avec un épassisse- ment d’un bout, quelqu’uns rappellent le type du racloir. Les dimensions des outils sont entre 80 — 150 mm. de longueur 30 — 90 mm. de largeur et 15 — 40 mm. d’épaisseur. Presque tous les grands outils n’ont pas de poignée. En outre, on rencontre des outils d’une forme irrégulière, et des grands blocs avec les traces de l’usure, qui ont été, paraît-il, employés comme enclume et d’autres comme marteau; il y a des pierres portant les traces évidentes du feu. Dans le sol végétal couvrant le loess de l’Afontova, nous n’avons pas rencontré de traces de l’époque des métaux. Une fois, à la profondeur d’un pied, nous avons trouvé une hache polie et une autre fois nous avons ramassé un bout de flèche de l’époque — 129 — néolithique. Sous le sol à la profondeur de 1,5—2 ni., on ne ren- contrait que des outils de la période paléolithique. Dans le loess argileux aucune trace de poterie. Les outils en os présentent deux formes typiques: l’une aplatie et large (près de 20 mm. de largeur et 6 mm. d’épaisseur), l’autre plus épaisse, arrondie ou rétrécie (près de 16 mm. de largeur, et 8 — 10 mm. d’épaisseur); les côtés étroits de ces outils portent un petit chéneau, et plus souvent deux, pour insertion des petites la- mes de silex tranchantes. Les fragments de défenses de mammouth portent souvent les traces du façonnement par l’homme. Les défenses des bois de renne à deux tronçons ont été employées comme poignées pour les petits outils en pierre; on rencontre aussi des fragments de marteaux faits de bois de renne. Un outil, le plus intéressant, fait de défense de mammouth (malheureusement cet outil est brisé) a la forme d’un poignard massif ou d’une bout de lance. Résumons notre compte rendu préliminaire: 1) Le loess (limon à briques) de la montagne Afontova est d’origine aérienne terrestre. 2) Les os des animaux post-pliocènes et les outils de la cul- ture ancienne sont ensevelis simultanément et se trouvent dans le loess dans leur position primitive' — in situ. 3) La station de la montagne Afontova doit être attribuée à l’époque paléolithique, probablement à sa fin, c. à d. à l’époque du renne. 4) Plusieurs outils de la montagne Afontova, par leur forme et d’autres indices, se rapprochent du type Moustérien, mais il y en a d’autres qui sont proches du type Chelléen. Il faut avouer que les matériaux que nous possédons sur la vallée de l’Iénisséi sont loin d’être suffisants pour tracer l’histoire de cette contrée à l’époque quaternaire. Pour se rendre compte des conditions climatériques du quaternaire de cette contrée, il est indispensable d’étudier soigneusement les terrasses d’alluvions et d’érosion, de déterminer les hauteurs des terrasses postpliocènes et de résoudre la question de la diminution progressive de l’humidité aux époques posttertiaire et récente. Je crois que cette question peut être éclaircie surtout par une étude exacte des lacs et de leur dessèchement. Enfin pour se procurer dos collections plus complètes d’ossements, il est indispensable d’approfondir les car- rières actuelles et d’atteindre les couches d’argile saumâtre et li- moneuse qui se trouvent plus bas, sous l’argile blanche. 9 — 130 — Sans doute, les géologues pourraient aisément rassembler tous les matériaux indiqués, mais ordinairement ils s’intéressent aux formations plus anciennes. Si Mrs. les géologues nous donnaient une instruction pour les recherches de l'archéologie préhistorique dans ses rapports avec la géologie et la paléontologie, ils ren- draient un grand service à l’étude de la préhistoire, surtout dans les régions aussi lointaines que la vallée de l’Iénisséi. Les traces des morsures sur les ossements des périodes paléo- lithique et néolithique, p a r M-r le prince P. Poutiatine. Pendant les fouilles, on néglige souvent de faire un examen scrupuleux des ossements trouvés. Cependaut ces ossements, outre leur propre valeur scientifique, peuvent fournir des renseignements sur d’autres animaux contemporains, car on trouve quelquefois sur leur surface les traces de morsures faites par des animaux, auxquels ils servaient soit d’aliment, soit de moyen d aiguiser leurs dents. Souvent ces marques peuvent prouver et compléter divers faits qu’on était seulement en droit de supposer. Par exemple, la domesticité du cliien se prouve par les os rongés sur l’emplace- ment des stations anciennes des habitants primitifs. Nous trou- vons le fait contraire dans le fouilles de Bologoïé. Les crânes des chiens sont tous brisés et les os dispersés. Il n’y a d’exception que pour le squelette d’un jeune chien, mais il ne pouvait pas être domestique, car le squelette a été trouvé dans la couche la p us ancienne, avec les objets qui rapellent les types Moustenens, e dans les couches au-dessus on ne trouve pas de traces de a o mestieité du chien. Le savant professeur Woldrich, ne connaisant pas ce fait et faisant obligeamment la détermination des ossements trouves a bo- logoié, s’est prononcé avec réserve en disant que ce sont les par- i3â — ties d’un jeune chien, peut être d’un chien domestique. On a cons- taté des faits prouvant que "l’on mangeait du chien dans différentes parties de l’Europe: ou a trouvé des os entamés par des couteaux de silex, des os percés de flèches etc. Les premiers indices de la domesticité des chiens ont été trouvés daus les habitations la- custres. Pendant longtemps le chien n’a pas été réduit à l’état domesti- que; c’était un animal qui errait et chassait comme le loup, partout où il pouvait trouver plus facilement des aliments. L’homme paléolithique et parfois aussi l’homme néolithique abandonnait en chassant une partie du gibier qu’il tuait, il en prenait seulement ce qu’il lui était facile à emporter, mangeait sur place et toutes crues quelques parties du gibier et ne se donnait pas la peine d’emporter les restes de son repas. Le chien suivait l’homme pour manger ces restes, et c’est ainsi qu’il a commencé à s’apprivoiser. Dans les couches paléolithiques des abris sous roches et des grot- tes, ou n’a pas constaté la domesticité du chien. Le savant Rüti- meyer, par exemple, a observé le fait qu’on n’a trouvé sur aucun des os de deux cents perdrix blanches (Tetrao lagopus), découvertes dans 1a. grotte de Thaingen, de marques de morsures de chiens. Dans les kjoekkenmoeddings du Danemark, on ne peut pas affir- mer non plus que le chien ait été apprivoisé; au contraire, il y a quelques faits qui font croire qu’on le mangeait. Les crânes sont presque toujours brisés, probablement pour en extraire la moelle. Les morsures de différents animaux varient selon la manière dont l’animal entame l’os. Dans le «Dictionnaire des sciences anthro- pologiques», il y a un savant article de M-r George de Mortillet, «Morsures» (p. 733), dans lequel sont énumérées les formes des incisions faites par les dents de différents animaux. Quand on espérait découvrir la présence de l’homme, même dans l’Astien et les faluns miocènes tertiaires, il y a eu de grands débats à pro- pos des morsures faites par des poissons carnassiers squaloïdes, qu’on prenait pour des incisions faites par les hommes au moyen d’armes en silex. Nous trouvons presque la même forme aux fissu- res qui se font sur les os longtemps exposés à l’influence du soleil, et qu’on peut aussi attribuer au premier abord au travail humain. Dans la période paléolithique, il y a des exceptions qui n’exis- taient pas dans le néolithique. Il y avait encore pendant cette période, dans l’Europe du sud et d’occident, des animaux presque identiques à ceux de l’Afrique: Hyaena spélaea qui ressemblait à Hyaena crocuta, — Felis spdaea ressemblant au lion etc. Les couches des cavernes, en préservant de la destruction les os, ont préservé — 133 — aussi les os entames par les tandis que les traces de chiens errants et les loups, la période paléolithique. morsures des carnassiers, rongeurs etc., morsures, laissées sur les os par les n’ont pas encore été découvertes dans M-r George de Mortillet nous décrit de la manière suivante la forme des différentes empreintes de dents produites sur les os par les hyènes et les chiens, seuls carnassiers qui rongent les os. «Le chien et l’hyène jouent des dents d’une manière toute differente. L’Hyène saisit l’os qu’elle ronge entre ses deux mâchoires, comme dans an étau; appuyant ses dents d’une manière _ continue, elle produit des empreintes franches, nettes, profondes, suivies. Le chien, au contraire est obligé d’agir à plusieurs reprises, il mordille- aussi les empreintes qu’il laisse sont- elles multipliées et courtes, c es comme un pointillage irrégulier ». (p. 774) Dans la période ou I on se servait généralement d’instruments néolithiques et ou la confection de la poterie a surtout prospéré, les rongeurs sont pour la plu- part les seuls animaux qui laissent des signes de morsures sur les os jetés dans les emplacements occupés par les neolithes, 1 ar exemple, dans les fouilles de la station néolithique de Bologoie on a trouvé des os (astragales etc) de l’élan ( Geryus palmatus Lzersky), avec des traces visibles des morsures faites par des rongeurs, rats d’eau (Arvicola amphibius), campagnol des champs (Arvicola arvalis) etc., et des restes de ces animaux. Il est difficile de déterminer si ces restes étaient employés par l’homme comme nourriture, ou bien si ce sont seulement des os des squelettes dispersés par les suites de causes naturelles. Un trouve souvent aussi des os des rongeurs (arvicolae) dans les tu- mulus. M-r. le général Brandenbourg a été témoin de ce tait: il a pris part à un grand nombre de fouilles avec le regretté docteur L. C. Ivanovski qui, étant membre actif de la Société Archéolo- gique de S.-Pétersbourg, le premier a démontré scientifiquement le contenu des kourganes des gouvernements de Novgorod et cie S.-Pétersbourg. Les traces que les rongeurs laissent sur les os sont joujou ^ deux sillons parallèles faits par deux fortes incisives taillées en ciseau; ces deux traces parallèles ont entre elles un vide ayau . «• forme d’une petite arête. Même des os d’homme sont quelque t o.s entamés par ces rongeurs. M-r. G. de Mortillet a trouve ans dolmens des plateaux calcaires de l’Aveyron des os d homme e renard percés et diversement entamés par de petits rougeurs c e — 134 la famille des arvicoles. Il dit aussi que certains rongeurs (écu- reuils, etc.), sans être carnivores, aiment beaucoup à ronger les os, soit pour manger le résidu, soit tout simplement pour aiguiser leurs dents. Je me range plutôt à cette dernière opinion. Dans les ha- bitations lacustres ou trouve des bois de cerf couverts d’empreintes de dents d’écureuils et de Myoxides; leurs incisives se terminent par une pointe aiguë, et il n’ont pas, comme les autres rongeurs, des incisives en biseau. Les stries faites par les incisives aiguës sont excessivement irrégulières, les unes plus grandes, les autres plus courtes et vice-versa. En les examinant, ou peut se pronon- cer plutôt pour l’aiguisement des dents. A Bologoïé j’ai trouvé des entailles pareilles sur les os et non loin d’eux des mâchoires d’écu- reuil et de loir (Myoxus glis). De même que dans les habitations lacustres, on trouve aussi à Bologoïé des traces de morsures faites sur les os par de petits rougeurs, rats, souris etc. Pour le castor (Castor fiber) dont on a trouvé des os et des dents en assez grande quantité à Bologoïé, je ne peux pas me prononcer définitivement: il se peut qu’on trouvera encore des entailles sur du bois rongé par leurs dents. Les incisions faites par les squaloïdes sur les ossements de Balaeonotus, éveillèrent beaucoup de discussions. II y a encore un fait qui est discutable: quelques os ont l’air d’avoir été rongés par un procès pathologique (ostéomalacie ou rachitisme), et on les prenait pour les os des individus malades. Mais il y a un ver transparent d’eau douce qui ronge le bois dans l’eau. Les habi- tations de l’âge de la pierre étaien t toujours construites près des eaux potables: puits, lacs, rivières, etc. Par hasard les os tombaient dans l’eau, ou bien y étaient jetés, les vers s’en emparaient et les creusaient par leurs passages extérieurs. Aussi en examinant ces os et les morceaux de vieux bois entamés par des vers, on voit qu’ils ont le même aspect. En ce qui concerne les animaux qui font des morsures sur les os et les différentes formes de traces laissées par leurs dents, je dois avouer qu’il y a encore bien des points à éclaircir. Par exemple on a découvert à Bologoïé une omoplate humaine couverte de morsures très difficiles à définir. J’ai exposé cette omoplate avec la mâchoire supérieure d’un crâne humai*i trouvée aussi a Bologoïé. La mâchoire est prognathique, et ses dents correspondent presque entièrement avec les cassures faites par les morsures sur l’omoplate. Deux êtres seulement pouvaient produire des morsures pareilles: l’homme (et c’est le plus probable) et le chien qui mordille les os. Les incisions faites dans l’os sont si nettes qu’elles sont peu conformes aux morsures plus irrégulières 135 — faites par les chiens. Mais dans ce cas, pourquoi l’omoplate au- S2 été rougée par tari Ita - «J *£ dents d’hommes Hérodote, Sh-abon, PHne etc^le cannibalisme existait dan» “ 0 “ trouve lo passage ““in'ansmrodo e ‘(Liv. IV, Melpomène, XXVI) ■ «Les Issedons ‘ensemble ces différentes chai™ ,1s en ^"Xrsquun homme :?:rSr“bCs " « ara. - «gj* «comme la plus heureuse de toutes. Ceux qui meurent de maladie ZÏJTZSZfr™ *■» En Europe leurs vieux parents, ^ «voré les corps. Peut-être -s TrZTttëZ tu» “emWSs 8 “n rb detr.‘eii Jei,x d TaS t Z ÏSSfS p“ ~ ^.^7g4Verl£ r U"l’o;rr que “o- SC” ét e “ép“ les tribus des chasseurs errants de fa ^l’ âge de la pierre qui campèrent aussi à Bologoie. 1) Tous les crânes trouvés à Bologoïé étaient brisés en petits morceaux, comme les os des grands animaux qu on trouve nairement fendus en long pour en extraire la moelle. ,, a tj 1 Miat membre de F Acad, des iucrip. i Histoire d'Hérodote , nouv. ed.par A. F. Miat, mern et belles-lettres. Paris, 1858. — 136 — 2) Le crâne en partie restauré ne ressemble _pas aux crânes scythes mais plutôt aux crânes trouvés en Belgique, Fourfooz 2. 3) Les os humains, brisés pour la plupart, ont été dispersés, et on ^-trouve parfois à de grandes distances des os appartenant à un même squelette. 4) Quelques os de ces squelettes n’ont pu être trouvés jusqu’à présent. 5) Sur quelques os on reconnaît la présence du travail humain: entailles faites probablement avec un couteau en pierre, os polis à l’aide d’un lissoir en grès etc. 6) Les os des squelettes trouvés à Bologoïé appartiennent, à une seule exception près, à des vieillards, ou bien à des enfants et à des adolescents. 7) Les chairs ont été dévorées toutes crues, à la manière des Esquimaux, car ou ne trouve à Bologoïé que très peu d’os enta- més par le feu, et ce n’est probablement que par les feux des foyers. Hérodote dit, dans Melpomène XVIII, oii il parle des Olbiopoli- tes: < L’autre partie (d’Olbiopolites) ocuppe une région qui s’enfonce . Parmi les argiles utilisées pour la poterie, il n’y a qu’une seule, de couleur rougeâtre, qui est locale, toutes les autres ont leurs gisements loin du lac d’Umène. Pendant l’été de 1891, j’ai découvert dans la couche des Kolomtsy une tête d’homme sculptée en os, appartenant à ce qu’il paraît à 1a, figure entière d’une idole. Les yeux font un angle droit avec le nez, qui est d’une longueur démesurée. Afin d’avoir une terme de comparaison, j’ai fouillé quelques kourganes et neuf anciens cimetières, jalniks, abandonnés depuis plus de 200 ans, tous dans les environs de Novgorod. Ces fouil- les m’ont procuré plus de 150 crânes, dont les 7 / 8 ont aussi la forme dolichocéphale. Supplément. Mr. Péredolsky a présenté au Congrès un autre mémoire sur les antiquités des rivages du lac Ilmène et de la rivière de Vol- khov, mémoire très étendu, qui n’a pu être publié dans le volume des travaux préliminaires, mais dont nous nous sommes permis de faire l’extrait suivant. Mr. Péredolsky a découvert les restes de l’âge de la pierre dans la ville même de Novgorod et dans ses environs, ainsi que dans les anciennes provinces (piatiny) de la république de Novgo- rod, celles de Che'lon et de Biéjetsk. La station sur les rives du lac Ilmène et de la rivière de Volkhov, près de son écoulement du lac, le lieu dit les Kolomtsy — mérite surtout l’attention des 142 archéologues. La couche, remplie de restes de l’industrie humaine, a ici jusqu’à 1,75 m. d’épaisseur; elle a pour base ies dépôts gla- ciaires et est recouverte d’une couche de limon à briques, d’une épaisseur de 2 mètres. L’emplacement de cette station occupe jusqu’à un kilomètre carré. Les Kolomsty sont situés sur la rive droite du Volkhov et de la Malaia-Gnilka qui s’y jette sous un angle droit. Cette petite rivière représente un des bras anciens de l’embouchure de la Msta, qui a reculé jusqu’à 4 kilomètres vers le sud. La colline basse des Kolomtsy est inondée presque chaque printemps; quelquefois cependant elle reste découverte jus- qu’à 1,2 mètres de hauteur. De tous les côtés, dans les environs des Kolomtsy, on voit des hautes collines, les unes isolées, les autres — formant des chaînes en arc. La couche avec les restes d’homme est très dure, de sorte que les ouvriers, en la creusant, ne peuvent y enfoncer la bêche que de 12 — 16 centimètres seu- lement, en séparant des couches de 2 — 3 centimètres d’épaisseur. On trouve cependant des places où la couche est humide et par conséquent, plus molle. En travaillant pendant 4 ans, Mr. Pérédolsky a fouillé ici une superficie de 130 mètres en longueur et de 4 à 20 mètres de largeur, dans la direction du sud au nord. La superficie de la couche avec les restes de l’industrie humaine, après l’éloignement de la couche supérieure du limon, se présentait partout unie et, dans la direction du Volkhov et delà Gnilka, elle semble coupée obliquement vers la rivière et recouverte de limon ou de sable sale, provenant des crues du printemps. Dans la couche sale du limon, reposant immédiatement sur la couche avec les restes d’homme, on trouve assez souvent du charbon de bouleau et. de pin, quelquefois aussi de chêne, et sur la superficie elle même — outre le charbon, encore des outils en silex et en schiste, tous de petites dimensions. On ne trouve pas ici de fragments de pote- rie, qui abondent cependant dans la couche même, dans toute son épaisseur, ainsi que les silex, les os, les blocs erratiques, les po- Jissoirs etc. Pendant 4 années, Mr. Pérédolsky a recueilli jusqu’à 35,000 objets, présentant les traces certaines de travail humain, sans compter les éclats de silex et les os brisés. Dans toute la couche sont dispersés des amas de coquilles lluviatiles plus ou moins grands et hauts, quelquefois l’un près de l’autre, quelque- fois séparés à une assez grande distance. On ne trouve ces tas de coquilles ni près de la superficie, ni près de la base, mais seule- ment au milieu de la couche, à la distance à-peu-près de 16 — 24 centimètres de la superficie et de 30 — 40 cent, de la base. Le plus souvent ces amas sont riches en débris de poterie, en outils en os, en lames de silex, en fragments d’os, en dents d’animaux, — 143 — en cailloux et galets etc. On a trouvé même dans ces amas de coquillages les os isolés de l’homme. Quelquefois on trouve les fragments de poterie rangés radialement et ayant au dessus d’eux des fragments d’os, surtout de sanglier et d’élan, mais ja- mais on n’a pu trouver de vases entiers. Entre les coquillages on trouve du charbon, des traces de bois et une fois, on a trouvé de l’écorce de bouleau. Dans toute l’épaisseur^ de la couche on rencontre par places comme des vallons encaissés, pavés de dalles minces de calcaire; dans le voisinage on trouve ordinairement beaucoup de fragments de vases, avec des os et des dents d’ani- maux et de petits blocs de granit, souvent très friables. Toute la superficie de la station est à présent couverte d arbus- tes (le cytise), dont les racines percent la couche du limon et pénétrent dans la couche à ossements, où leurs pousses remplissent quelque- fois les os vides des animaux et de l’homme. Les restes de l’industrie humaine trouvés à Kolomtsy, consistent en: 1) fragments de poterie diversement ornementée; 2) outils en silex de diverses dimensions, depuis la grandeur d’un poing jusqu’à de très-petits, d’un travail tantôt très-grossier, tantôt très soigné; 3) outils en os et en corne, à peine moins nombreux que les outils en silex; 4) plaques de grès de différentes couleurs, qui pou- vaient servir de polissoirs; 5) objets en schiste, haches, ciseaux, flèches, pierres à aiguiser etc.; 6) objets en obsidienne (?) de couleur noire, lilas, laiteuse etc. et morceaux de roches diverses— carniole, jade, agate etc. avec traces de leur emploi par l’homme. Parmi les outils en silex, on peut discerner: a) des lames, qui pouvaient servir de couteaux; b) des grattoirs de diverses formes, taillés d’un, de deux ou de quatre côtés, ayant un bord droit ou arqué etc.; c) des haches — en forme de coins plats; d) des marteaux, faits de galets avec les empreintes de deux côtés pour pouvoir les tenir dans la main; e) des scies, avec le bord dentelé, droit ou concave; f) des bouts de flèches et de lances, quelquefois très gros- siers, quelquefois soigneusement travaillés en forme de feuilles de saule ou de laurier, ou en forme de triangle, avec la base droite, ou concave, ou munie d’un pédoncule pour être attaches, situé au milieu ou plus près d’un bord; g) des alênes ou des perçoirs et d’autres outils d’une destination indéterminée. Les objets en os sont plus uniformes. On peut les classer comme il suit: a) les spatules; b) les bouts de flèches et de lances, e a grandeur de 3 à 8 cent.; c) les alênes et les perçoirs, ) es polissoirs (?); d) les harpons et les hameçons; f) les ciseaux a gouttière; g) les petites haches. Quelques objets mieux travailles sont munis de trous et de stries. — Les cornes, surtout les rameaux des bois d’élan et de cerf, ont été appropriés pour servir de manches de couteaux, de haches etc. Il faut encore signaler quelques plaques munies de trous pour la suspension et des dents (canines) percées de Tours, du lynx, du loup et d’autres animaux. On a trouvé aussi une plaque de mica percée et deux fragments d’un anneau en schiste. Mais l’objet le plus remarquable est un fragment de crâne humain (T os pariétal à ce qu’il paraît), muni d’un trou et ayant servi proba- blement d’amulette. Il a 29,5 mm. de longeur, 15 mm. de lar- geur et 3,5 mm. d’épaisseur. On a trouvé encore deux plaques en os, représentant, Tune une tête d’oiseau, l’autre — une tête d’homme coiffée d’un chapeau (en forme de fez turc), au nez long et au menton pointu. Plusieurs des objets en ossements sont devenus avec le temps très friables et tombent facilement eu pièces. Mr. Péredolsky émet l’opinion que les restes de l’homme et de son industrie qu’il a découverts à Kolomtsy, présentent une ressemblance évidente avec les restes trouvés sur les bords du lac de Ladoga et décrits par le prof. Inostrantzev. C’était évidement la même tribu primitive, qui était du reste sédentaire et, à en juger par quelques indices, avait des relations commerciales avec des pays assez lointains. D’autre part, les crânes de cette popu- lation de l’âge de la pierre présentent plusieurs traits de ressemblance avec les crânes provenant des kourganes du gouv. de Novgorod et en général de la Russie de l’ouest et du sud. Il est probable que le sang de ces chasseurs et pêcheurs de l’âge de pierre, quoique mêlé peut être avec le sang d’autres tribus venues plus tard, a coulé encore longtemps dans les veines de leurs successeurs et coule encore à présent dans celles de leurs descendants lointains. Le „Jalnik“ (nécropole) de luriévo, dans le district de Boro- witchi (gouv. de Novgorod), par B. PérédolsJcy. Monsieur A. Wolkenstein a étudié et décrit les un bois encore jeune, des^ souches et des troncs de chênes brisés, restes d’une ancienne foret détruite par un incendie. Ils ont aussi constaté sur la superficie de cette colline des traces de culture de la terre. En labourant de nouveau cet emplacement, on a trouvé divers objets de civilisation primitive comme: des fragments de pierre, une alêne a crochet (pour tiesseï les souliers d’écorce) en fer, et des grattoirs en fer, qui rappellent les outils dont se servent jusqu’à présent les Tchéremisses pour a fabrication de leurs ruches (?). On peut conclure de ce qui a ete dit que la «Haute-erète» a été habitée par un peuple agriculteur, qui savait aussi tresser des souliers en écorce traits qui donnen lieu de supposer que c’était une tribu finnoise. En effet, le village d’Ostancliourga, situé dans le voisinage, est dans le pays une des plus anciennes colonies des Tchérémisses. On connaît encore des vestiges analogues de civilisation pri- mitive dans la partie septentrionale du district de Iaransk. Par ex entre les villages d’Ochetik et de Kazansk, non loin des contins des district de Iaransk et du gouv. de Kostroma, on voit une colline qui ressemble à un kourgane. Cette colline et le pays en- vironnant étaient couverts de forêts de sapins, qui diminuèrent d éten- due après l’arrivée des colons russes, et surtout pendant ces dernieres années. En labourant cette colline, après l’abatage des bois, es paysans actuels ont trouvé des haches, des faux et des faucilles en fer, ainsi que des marteaux de pierre polie d un^ travail très soigné. En outre, il y avait à l’exposition du Congres archéo o- gique de Iaroslav une hache en pierre, trouvée aussi dans les champs du village de Kazansk. L’énumération sus-dite n’épuise pas la noipenclature de tous les gisements d’outils en pierre dans ce district. On a encore trouve des marteaux en pierre polie, dans les environs de Tzaievosan- 3 A Spitsyne. Nouvelles données pour l’histoire primitive du pays de la Viatka, p. 17. — 156 — tchoursk, près des villages d Oulèche, de Lumpanour, de Choïka, de Yandouchev, de Soza-Kourbatova, de Spornaïa, et dans beaucoup d’autres lieux de ce district. En même temps, on trouve parfois des pierres à aiguiser, de forme oblongue, à faces planes conca- ves et convexes. Elles sont fabriquées en grès-quartzeux, provenant de blocs erratiques; on pouvait s’en servir pour la fabrication de marteaux en pierre de petits blocs. En outre, dans les champs du village de Rousskaia-Rouïa, sur la rivière Rouïa, près des villages de Tabaeheva, de Koulacheva, de Kresty et d’autres, on trouve souvent des pointes de flèches et de lances et des grattoirs eu silex et de nombreux fragments de silex polis qui semblent être des outils inachevés. On trouve également des outils de pierre, comme p. ex. des grattoirs, des couteaux, etc. dans la partie septentrionale de ce district, sur les bords de la Pichma, et ce qui est à remarquer, ces outils se trouvent ici dans des goroditchtchés, mêlés à des ustensiles et objets divers en os, en fer, en bronze, en verre et même en argent. Les goroditchtschés les plus remarquables par la variété des vestiges de civilisation ancienne, sont ceux de Ema- naévsk sur la Pichma, de Nijnévodsk sur la Nemda et de Téréb- zovsk sur Ficha, décrits par Spitsyne et par d’autres. C’est pourquoi je me bornerai à énumérer les objets trouvés dans ces localités. Outre les grattoirs et les couteaux en silex, mentionnés plus haut, trouvés dans les goroditchtschés mêmes et dans les alen- tours, on rencontre ici: des os calcinés, des fragments de poterie ornementée, des pointes de flèches en os, des harpons, des haches et des couteaux en fer, des objets de parure (pendeloques etc.) en argent et en bronze, des perles en verre bleu, des petits disques en argile pour les fuseaux et beaucoup de scories. Malgré les différences qu’on remarque entre les objets conteuus dans les goroditchtschés de la Pichma et ceux des autres lieux ancien- nement habités dans le district de Iaransk, ils ne manquent pas de nombreux traits communs, ce qui nous donne le droit de regarder tous les vestiges signalés ici des anciennes demeures comme à peu près contemporains et appartenant à la même époque des goroditcht- chés. Les anciennes demeures des autres parties du district de Iaransk ne se distinguent des goroditchtschés de la Pichma, que par plus d’uniformité de leurs vestiges de civilisation et par leur caractère plus primitif. Ici, loin de la Pichma et de la Viatka, les orne- — 157 — ments en bronze et en argent, et les autres objets d’une civilisa- tion plus avancée, sont au dernier plan, et la civilisation des ha- bitants de ces lieux est caractérisée par des objets de première nécessité comme: des haches, des couteaux, des faucilles, des taux, des scies, des alênes, des grattoirs en fer, et des pierres pour ai- guiser ces outils. On retrouve en même temps des marteaux, des maillets et des grattoirs en pierre polie. On trouve encore ici, près des lieux anciennement habités, des pointes de llèches et de lances en silex, des couteaux en silex et des fragments de poterie d’argile très grossière. D’après tout cela, nous pouvons nous représenter les anciens habitants du district de Iaransk à un degré très peu avancé de civilisation, mais s’occupant d’agriculture et de chasse, portant des , le représentant supérieur du pouvoir spirituel, et les lamas. Pour d’autres personnes, qui n’ont pas droit à cet honneur après leur mort, le bûcher est disposé plus simplement sur le sol. Après l’incinération, le lama présent à la cérémonie recueille les cen- dres du défunt dans un petit vase de cuivre et les emporte avec lui au monastère. Là il mêle ces cendres avec de d’argile et mo- dèle lui-même, ou fait modeler par quelqu’un d’autre, mais tou- jours par une personne du clergé, la figure du défunt, nommée par les Torgooutes le kochà-tchouloù. Cette dénomination de kochà- tchouloù est donnée aux «babas» en argile faites maintenant, comme à celles en pierre qui ont été faites autrefois. Les «babas» en pierre sont regardées aussi par les Torgooutes comme des images de leurs ancêtres. Chaque Torgooute, en passant devant une de ces «babas», descend invariablement de cheval et fait une prière. Sur a Cf. pour les détails mon «Aperçu d’anthropologie des Torgooutes du Tarbaga- taï“. Supplément au V fasc. du «Journal de la Section d’ Anthropologie de la Soc. des A. d. Sc. nat. etc.“ 1891, p. 23. — 182 — le remplacement des «babas» eu pierre par des statues en argile, les Torgooutes racontent la légende suivante. Il vivait autrefois dans les temps immémoriaux homme nommé Merkyt. (Ce nom est porté à présent par une des tribus-; ou a i fait plus de 450 pesées du cerveau, dans l’Hôpital militaire de Wladicaucase. Les habitants des’gouvernements de la Russie d’Europe (surtout des gouv. de Viatka, de Kliarkov, des gouvernements polonais, de Stavropol etc.), ont donné la majeure partie des matériaux, puis venaient les cosaques du Terek et du Kouban, enfin il y a eu quelques Tatars, Bachkirs, Perses, Grecs, Juifs, Lithuaniens etc. ( 186 — Après la dissection du crâne et de la dure-mère, je séparais du doigt les attaches et j’interceptais la médulle oblongue le plus bas possible, puis le cerveau entier était retiré et déposé sur une planche. La pesée se faisait 15 — 20 minutes après, avec la pie mère, sur une balance plate, vérifiée par moi 2 . Après cela je sé- parais le cervelet avec la médulle oblongue du grand cerveau et je les pesais séparément. Je procédais de meme avec les hémisphères cérébrales, et les moitiés droite et gauche du grand cerveau étaient pesées à part. Il faut remarquer que la somme des poids de deux hémisphères prise avec le poids du cervelet et de la médulle oblongue était toujours plus petite que le poids du cerveau tout entier pris auparavant, avant sa dissection dans les parties indiquées. La différence, variant de 10 à 20 grammes, s’explique par ce qu’en disséquant le cerveau, on ouvre les ventricules céré- braux, le liquide cérébral s’écoule et le poids total diminue. J’indi- que toujours ce poids net sans le liquide cérébral. Outre le poids des différentes parties du cerveau, je mesurais aussi: la taille du sujet, le diamètre longitudinal et transversal du cerveau entier, aussitôt après l’avoir retiré, et les diamètres de la longueur et de la largeur du cervelet (après sa séparation du grand cerveau). Malheureusement les chiffres des diamètres du cerveau total n’ont pas de signification; souvent cos diamètres présentaient des valeurs plus grandes que les diamètres correspondants du crâne. Le cerveau gonflé (oedémateux) et fluide d’un sujet mort d’une inflamation des reins ou d’une hydropisie ventrale, donne des chiffres tout différents de celui du cerveau solide et compacte d’un sujet mort d’une inflammation croupeuse des poumons ou du typhus. Les diamè- tres du cervelet, toujours plus compact que les hémisphères du grand cerveau, présentent une valeur bien plus grande. Je faisais toujours moi-même tant la pesée du cerveau que l’enrégistremeut des chiffres. I. Les Ossètes. La pesée du cerveau a été faite sur 1 1 su- jets du sexe masculin, âgés de 12 à 60 ans, notamment: 12 ans — 1 sujet; 21—1; 22-2; 24—1; 26—1; 27—1; 28—2; 36- 1; 60-1. Le poids miximum était de 1306 gr. (chez un sujet de 26 ans), le poids minimum — de 1541 gr., (chez un sujet de 26 ans.). Comme on a indiqué la corrélation entre la haute taille et le poids plus lourd du cerveau, je présente les chiffres du poids du cerveau à coté des chiffres de la taille. 2 La vérification répétée a montré que la différence de ces indications, lors de , la pesée des cerveaux, variait pour le poids de 1300 — 1500gr. de 0-3 grammes. .Y» N o in, 1. Const. Dourïev 2. Hadji-Oumar Aïlarov. 3. Kasponlate Bakaiiv . . 4. Tsoutsa Sozinov 5. Nafi Botsïev 6. Khotchass Tomaëv. . . 7. Egor Ourtaev 8. Mourzabek Kokkov. . . 9. Afaco Tsalikov 10. Narsaou Dzampov. .. 11. Berezev 187 - Taille. Cerveau entier. Cervelet et mcdulle ob- Age, 168 cm. 1306 gr. longue. 172 gr. 27 » 117 2 » 1362 > 168 » 12 » 164 > 1463 > 194 > 22 > 172 » 1448 » 179 » 36 » 171 » 1486 > 187 > 24 > 168 > 1489 ». 205 > 22 » 169 » 1493 . y 194 » 28 > 172 > 1493 y 179 » 28 » 172 > 1515 y 201 » 21 > 165 > 1523 y 179 » 60 » 166 > 1541 y 198 > 26 > d’oeil sur ce tableau pour voir l’ab- née entre une liante taille et un cer veau lourd. Le poids moyen du cerveau chez les Ossètes — d’après ces 11 pesées,— est de 1465,3 gr., pour la taille moyenne de 168 7 (après avoir exclu Hadji-Oumar Aïlarov, âge de 12 ans, dont la taille de 117 cent, abaisse sensiblement la valeur moyenne). En comparant le chiffre obtenu pour le cerveau < moyen» des Ossètes avec la moyenne de 1473 gr., notée dans mon travail de 1890 3 , nous voyons que la différence n’est pas grande, quoiqu en ce temps là j’avais à ma dispositon 3 cerveaux seulement. Le cervelet se pesait avec la médulle oblongue, vu la difficulté extrême de leur séparation dans une direction determinee et arbitraire, parcequ’ une limite anatomique précisé entie eux, reconnue par tous, est difficile à fixei. Les variations dans le poids du cervelet «ment «« P" 4 » Le poids minimum de 168 gr. a été trouve cher Allatov, âge de 12 ans, et le maximum de 205 gr., chezTomaev, âge de — ans . 3 Matériaux pour l’anthropologie du Caucase. I. Les Ossètes", p. 178 Pour ne pas répéter le tableau précédent, où sont indiques les chiffres du •Sa an* 1 cervelet et de la médulle oblongue, je renvois a la note marginale ces chiffres U arrangés dans l’ordre certain des poids croissants: (voir la page suivante): 188 Le poids moyen — 186,9 gr. Le rapport du cervelet au cer- veau total — 1 : 12,75; du cervelet au grand cerveau — 1 : 14,6. Le grand cerveau. Après la séparation du cervelet et de la medulle oblongue, je divisais le reste, c. à d. le grand cerveau, soigneusement en deux moitiés égales, en disséquant le corps cal- leux par les mouvements seieformes du couteau et en ne reti- rant pas le dernier jusqu’à la disjonction complète. Ainsi les fautes individuelles de la disjonction du cerveau en doux parties descen- dent a, un minimum presque imperceptible. La pesée a montré que chez 7 sujets, les deux moitiés du grand cerveau étaient d’un pou s tout-a-fait égal; chez 2 — la moitié droite était plus lourde, c îez _ autres la moitié gauche. En moyenne, cependant, les deux moitiés ont un poids identique, notamment— 639,2 gr. Voici les chiffres isolés: Moitié droite. 567 gr. 597 » 627 > 642 . J> , 634 > 642 > 657 ) 657 i» 672 » 679 > Moitié gauche. 567 gr. 597 » 642 » 642 » 634 » 657 > 642 > 657 i 672 » 664 , 2. L e s I n g o u c h e s. —Les Ingouchos forment l’une des tri- bus tchétchènes. 11 m’a été possible de peser 15 cerveaux prove- nant de sujets morts à l’Hôpital militaire de Vladicaucase. Le poids du cervelet. Le poids du cerveau. L’Age. Les diamètr longueur. 168 gr. 1362 gr. 12 a. 8,2 C. 172 n 1306 „ 27 „ 8,8 179 179 n rt 1448 „ 1439 „ 36 „ 28 „ 8,0 8,9 7? 179 77 1523 „ 60 „ 8,0 187 n 1486 „ 24 „ 8,2 194 n 1493 „ 28 „ 8,0 194 77 1463 ., 22 „ 8,1 n 198 » 1541 „ 26 „ 9,1 77 201 „ 1515 „ 21 „ 9,0 205 77 1489 „ 22 „ 9,0 77 77 tic largeur. 13.0 ci 12.0 „ 11,5 „ 11.0 „ 10,9 „ 11,3 , 13.0 . 11.0 „ 12,2 „ H ,2 „ 12,8 „ JST Nom. 1. Aïtougaï Aïtougaïev. . . 2. Khasaou Toïmazov. . . . 3. Tossa Kouzgov 4. Djerah Kakhroëv 5. Elbert Velkhiev 6. Djaoutkhan Mousïév. .. 7. Dzalboukhour Mouses- tov . . 8. Chaoukhoul Ekajev. . . 9. Madok Khopïcv. ..... 10. Ghasi-Magoma-Kagher- manov 11. Amazan Uaourbekov. . 12. Zaourbek Tasiev. ....... 13. Souleïman Tsegiev... . 14. Bersa Dzartov 15. Anta Dzoourov Taille. Cerveau. Cervelet et médaillé. Agr. 172 et. 1276 gr. 172 gr. 26 a. 170 > 1299 » 176 > 30 y 181 y 1321 > 1.79 > 22 y 163 » 1325 > 176 y 18 » 164 > 1351 y 157 y 20 y 174 > 13.88 > 194 y 30 y 166 y 1433 y 179 y 28 y 164 > 1433 y 194 y 23 y 168 y 1523 y 23 y 168 y 1422 y 179 y 28 >■ 168 y 1530 , y 186 y 27 y. 186 y 1575 y 186 y 24 >•; 174 y .1594 [y 190 y 27 % . 168 > 1639 y 175 y 30 y 175 y 1695 y 209 y 30 > I Comme dans la série précédente des cerveaux des Ossètes, on ne peut pas remarquer ici non plus une corrélation déterminée, bien marquée entre la haute taille et le lourd cerveau. Ainsi, poul- ie cerveau moindre de 1300 gr. nous avons la taille moyenne -de 171 cent., pour le cerveau de 1300 à 1400 gr. — 170,5 c.; poul- ie cerveau 1400 — 1500 gr. — 166 c.; de 1500—1600 gr. 1 /4 c., de 1600—1700 gr. 171,5 c. D’après l’âge, les cerveaux se distri- buaient ainsi: 18 ans — 1 sujet; 20 — 1; 22 2; 23' '2; 24 1; 26—1; 27—1; 28 — 1; 30—4 sujets. Le poids moyen du cerveau des Ingouches— 1453,6 gr.; la taille moyenne des sujets — 170,4 c. Ainsi le poids moyen du cerveau des Ossètes est plus grand que celui du cerveau des Ingouches. La seconde particularité digne à noter est que, chez les Ossètes, il n’y a pas d oscillations aussi grandes du poids du cerveau que chez les Ingouches, chez lesquels ces variations atteignent un degré considérable, notamment le chiffre de 419 gr. entre le minimum et le maximum du poids, tan- dis que chez les Ossètes — seulement 235 gr. a 5 La pesée du cervelet et du grand cerveau n’a pas été faite, parce que le cervelet n’était pas séparé, et le cerveau entier se .conserve dans de l’esprit de vin. — 190 — Le cervelet a été pesé chez 14 sujets. Son poids moyen est aussi moindre que chez les Ossètes et égal à 182,3 gr. fi . Le rap- port au cerveau total=12,54, au grand cerveau— 14,33. Le grand cerveau des Ingouches pèse en moyenne 1271,6 gr. Sur 14 sujets, les deux moitiés du cerveau étaient égales chez 6; la moitié droite — plus lourde chez 2 et la moitié gauche — chez 6. En moyenne, la moitié droite du grand cerveau avait le poids de 631,3 gr., la moitié gauche — 635 gr. Grand cerveau. Moitié droite. gauche. 1. Aitougaï Aitougaïev, 26 ans. . . 1104 gr. 537 gr. 567 gr. 2. Khasaou Toïmazov, 30 ans 1123 556 > 567 y 3. Djerab Kakhroëv, 18 ans 1149 ■» 567 î- 582 y 4. Tossa Kouzgov, 22 ans 1142 » 575 > 567 y 5. Eibert Yelkhiev, 20 ans 1194 y 597 > 597 y 6. Djautchan Mousïev, 30 ans.... 1194 > 612 y 582 y 7. 8. Chaoukhoul Ekajev, 23 ans. . . . Ghasi - Mahoma - Kaghermanov, 1239 » 612 > 627 y 28 ans. 1243 » 620 > 623 y 9. Dzalbokhour Mousestov, 22 ans. 1254 ) 627 » 627 y 10. Amazan Daourbekov, 27 ans... 1344 » 672 y 672 y 11. Zaouerbelc Tasïev, 24 ans. 1389 » 687 y 702 > 12. Souloïman Tsegiev, 27 ans. . . . 1404 3> 702 > 702 > 13. Bersa Dzortov, 30 ans. . . 1464 » 732 y 732 y 14. Anta Dzoourov, 30 ans. ..... 1486 > 743 y 743 y 6 poids Voici les chiffres du poids du cervelet, î croissants: arrangés dans l’ordre successif dés Poids du cervelet. Les diamètres longueur. du cervelet: largeur- Poids du cerveau. Age 157 gr- 8,0 c. 11,0 c. 1351 gr. 20 a. to 172 n 8,0 „ H.7 „ 1276 „ 26 „ 175 •» 9,1 „ 12.2 „ 1639 „ 30 „ 176 V 7,2 „ 10,2 „ 1299 » 30 „ £3 17G r> 7,8 „ 11,6 „ 1325 „ 18 „ O 179 n 9,0 „ 11,3 „ 1321 „ 22 „ tiO < 179 n 8,0 , 11,7 , 1422 „ 28 „ S 179 î> 8,3 „ 11,0 ■„ 1433 „ 22 „ i— i 18G 51 9,0 „ 12,0 „ 1530 ,. 27 „ 186 >5 8,8 „ 11,6 „ 1575 24 „ c n 190 J* 8,6 „ 12,2 „ 1594 „ 27 „ 194 8,3 „ 11,8 „ 1388 „ 75 30 * H- 1 194 n 9,0 „ 13,3 „ 1433 „ 23 „ Les Tché- 209 n 9,5 „ 12,0 * 1695 „ 30 . 201 55 8,8 „ 12,8 „ 1575 „ 26 _ tchènes. 205 55 8,8 „ 12,6 „ 1489 „ 34 „ — 191 Les Tchétchènes (montagnards). Les diverses communes des Tchétchènes montagnards appartiennent, comme les Ingouches, à la même tribu tchétchène. Descendant rarement de leurs montagnes les Tchetchènes-montagnards sont des rares visiteurs de nos hôpitaux. Il m’est arrivé de peser seulement deux cerveaux de cette tribu. A la taille moyenne de 169,5 c., le poids du cerveau de ces Tchétchènes était de 1532 gr. L’un (Debi Oustarkhanov) présentait la taille de 167 c. et le cerveau — de 1575 gr.; l’autre (Dourdy Sadykov) — la taille de 172 c. et le cerveau— de 1489 gr. Le poids moyen du cervelet=203 gr. (l’un — 201 gr., l’autre— 205 gr.), le poids moyen du grand cerveau — 1329 gr.; la moitié droite, en moyenne, était égale à la gauche, =664, 5 gr. 3. Les montagnards du Daghestan, 3 sujets. Le poids moyen du cerveau — 1340 gr., la taille moyenne 165 c. Taille. Cerveau. Cervelet. Age. 162 c. 1273 gr. 176 gr. 40 c. 169 » 1314 » 180 > 30 » 164 » 1433 » 194 » 24 » Le cervelet. Poids moyen — 183,3 gr. Le grand cerveau. Poids moyen — 1156,6 gr.; 1 hémisphère droite 577, l’hémisphère gauche — 579,6 gr., c. a d. un peu plus lourde que la droite, ce que nous avons déjà vu chez les Ingouches. La moitié droite. gauche. 552 gr. 542 gr. 567 » 567 » 612 > 627 > 4 Le Tcherkesse — 1 sujet seulement, un représentant pur de la tribu d’Adighé, de Tcherkesses dits «de Mozdok», qui se sont convertis au christianisme au siècle passé et ont été établis près de Mozdok — avait été longtemps malade d’une inflammation chronique des poumons. Grand cerveau. 1. Jsa-Mahomed-Ogly 1094 gr. 2. Iladji-Soultan-Ogly 1134 » 3. Ghasan-Ali-Ogly 1239 > 1. Isa - Mahomed - Ogly, aoul Kazi-Koumoukh 2. Hadji - Soultan - Ogly, aoul Zoukra 3. Ghasan-Ali-Ogly, aoul Kazi- Koumoukh 192 — Savva Derbetov — 22 ans. La taille — 171 c., le poids du cer- veau— 1579 gr., le cervelet — 220 gr., le grand cerveau — 1359 gr., la moitié droite -687 gr., la gauche— 672 gr. 5. Les Géorgiens. — 13 sujets, pour la plupart nés dans le gouv. de Tiflis, et tous de la Transcaucasie. La ville de Vladi- caucase était pour eux un lieu d’habitation temporaire. Le poids moyen du cerveau — 1350,4 gr., la taille moyenne — 166,9 c. Taille. Cerveau. Cervelet. Age. 1. Elias Natadze (du gouv. de Tiflis) 164 c. 1183 gr, 160 gr. 27 ans. 2. George Roustevanov (du gouv. de Tiflis) 164 > 1224 » 127 > 65 > 3. George Gholiodze (du gouv. de Tiflis) 165 » 1269 > 172 » 24 > 4. Jsaï Biberidze (de la ville de Tiflis) 176 1314 > 164 » 62 » 5. Laghi Zourabiani (du gouv. de Koutaïs) .... 161 » 1329 » 165 » 40 X 6. Joseph Ramazov (de la ville de Tiflis) 156 » 1362 > 190 » 19 > 7. Jacob Mtsaraoulov (de la ville d’Akhaltsikh) . 169 » 1366 » 202 » 48 8. Gourdja Ivvirkvili (du gouv. de Tiflis) 178 » 1366 » 179 » 30 > 9. Pirouze Latevadze (de l’arr. de Telav, gouv. de Tiflis) 160 ;■> 1456 » 194 > 20 LO. Zakharias Goudjeradze (de l’arr. de Douchète, gouv. de Tiflis) 171. ,5 » 1456 » 194 » 24 S- L 1. Ghorghi-Chvili (de l’arr. de Douchète, gouv. de TiflJis) 171 ,5 > 1530 » 198 * 40 > Le poids moyen du cerveau de la Géorgienne (2 pesées)— 1207,5 gr., à la taille moyenne de 159 c. ,i Taille. Cerveau. Cérvèlet. Age. 12. Mélanie Ghoorghieva (née de la ville de Tiflis). . . . 160 m 1172 gr. 156 gr. 28 ans. 13. Tchila Goudouchaouri (du gouv. de Tiflis) 158 » 1243 » 175 » 25 » 193 Le cervelet. Poids — 176,8 gr., avec les oscillations de 75 gr. de deux côtés; le poids minimum — 127 gr. (chez Roustevanov, âgé de G5 ans), le poids maximum — 202 gr. (chez Mtsaraoulov, âgé de 48 ans.). Le rapport du cervelet au cerveau tot,al=13,0 le rapport Diamètres du cervelet: Cerveau. Cervelet. ^ au grand cerveau— 15,4. Age. 1 . George Rousteva- nov 65 a. 2. Elias Natadze .... 27 » 3. Jsaï Biberidze .... 62 » 4. Laghi Zourabiani . 40 » 5. George Gheliodze. 24 » 6. Gourdja Kvirkhili . 30 > 7. Joseph Rainazov.. 19 » 8. Pirouze Latevadze 20 » 9. Zakharias Goudje- radze 24 » 10. Gorghi-Chvili 40 » 11. Jacob Mtsaraoulov 48 > 1224 gr. 127 gr. 7,5 c. 10,5 C. 1183 y 160 » 7,8 > 11,2 y 1314 y 164 » 7,5 » 11,7 y 1329 » 165 » 9,2 » 13,0 y 1269 y 172 » 7,8 » 11,0 y 1366 » 179 » 7,8 » 11,2 y 1362 y 190 » 8,0 » 12,0 y 1456 » 194 »' 8,5 » 12,5 y 1456 y 194 » 11,5 y 1530 y 198 » 8,9 » 11,8 y 1366 » 202 » 9,0 » 11,2 y Le poids moyen du cerveau de la Géorgienne — 165,5 gr., le rapport au cerveau — 12,8. Mélanie Gheorghieva. . • Tchila Goudouchaouri . . Dirmètres du cervelet. Age. Cerveau. Cervelet. De lon- geur. De lar- geur. 28 1172 gr. 156 gr. 8,4 c. Il, c. 25 1243 > 175 » — — Le grand cerveau a été pesé seulement en 8 , cas. Son poids moyen chez les Géorgiens — 1164,1 gr.; la moitié droite — 582,7, la gauche — 581,4. Dans deux cas seulement les deux moitiés étaient égales entre elles; en 3 cas la moitié droite pesait plus que a gauche, en 3 autres — au contraire — la moitié gauche était la plus lourde. 1. George Roustavanov 2. George Gheliodze . . 3. Elias Biberidze 4. Laghi Zourabïani . . 1097 gr. 537 gr. 560 gr. 1097 y 545 » 552 y 1150 y 582 > 568 y 1164 y 582 > 582 13 y — 194 — 5. Jacob Mtsaraoulov 6. Joseph Ramazov.. 7. Goudja Kvirkvili.. 8. Pirouze Latevadze 1164 gr. 1172 > 1187 » 1262 » 582 gr. 575 > 597 > 642 > 582 gr, 597 » 590 > 620 » Le poids moyen du grand cerveau de la Géorgienne-=1042 gr. La moitié gauche est égale à la droite. 6. Les Arméniens, 12 sujets, pour la plupart nés dans la province de Tersk, quelqu’uns venus de la Transcaucasie. Taille. Cerveau. Cervelet. Age. 1. Nikita Simonov (de Moz- dok) 168 c. 1232 gr. 142 gr. 58 c. 2. Jacob Simonov (de Mozdok) 170 > 1269 > 172 y 30 > 3. Roman Bodlaj aev (de Kizlar) 165 > 1276 y 164 y 21 » 4. Pierre Chochine (de distr. de Piatigorsk) 161 » 1299 y 172 y 32 » 5. Akope Alekov (de Yladi- caucase) 171 y 1321 y 172 y 60 > 6. Ovaness Kazarov (de Chou- cha) 179 > 1351 y 179 » 32 > 7. Karapète Chakhnasarov (de vil. de Karnan, près de Etehmiadzine) 151 > 1359 y 172 > 48 > 8. Abram Ovanessov (de Chou- cha) 169 > 1377 y 160 y 26 » 9. Bogdan Zaloukov (de la prov. de Tersk) 161 > 1407 y 183 y 23 > 10. Arakel Aslaniants 164 > 1471 y 160 > 30 » 11. Jacob Verkalov (elève du progymnase de Vladicau- case) 158 y 1530 y 179 > 18 > 12. Glakha Narimanov (de Ti- flis) 144 y 1545 y 186 > 35 » Le poids maximum du cerveau — 1545 gr. — a été trouvé chez Narimanov, agè de 35 a. et de très petite taille; le cerveau du reste était normal, et ses enveloppes n’étaient pas épaissies. Le poids moyen du cerveau chez les Arméniens=l 369,7 gr., à la taille moyenne de 163,4 c. — 195 — Le cervelet. — Poids moyen — 170 gr.; le rapport au cerveau total — 12,4. Diamètres du cervelet. Age. Cerveau. Cervelet. De lan- geur. De lar genr. ' 1. Nikita Simonov . . 58 a. 1282 gr. 142 gr. 7,2 ! c. 11,0 c. 2. Abram Ovanessov. 26 > 1377 > 160 » 8,5 > 11,0 3 > 3. Arakel Aslaniats. . 30 > 1471 » 160 > 8,4 > 10,8 » 4. Roman Bodlajaev. 21 > 1276 » 164 » 8,0 » 11,0 > 5. Jacob Simonov . . . 30 > 1269 » 172 3> 8,2 > 11,2 3 > 6. Pierre Chochine . . 32 > 1299 » 172 » 8,0 > 12,0 > 7. Akope Alekov .... 60 > 1321 » 172 » 8,5 > 11,8 » 8. Karapete Chakna- sarov 48 » 1359 > 172 $ 9,0 > 11,1 » 9. Ovaness Kazarov . 32 > 1351 » 179 > 8,6 » 12,8 > 10. Jacob Yercalov. . . 18 » 1530 » 179 » 8,7 » 12,0 > 11. Bogdan Zaloukov. 23 2> 1407 > 183 > 8,8 » 11,9 » 12. Glakha Narimanov 35 2> 1545 > 186 > 9,0 » 11,0 > Le grand cerveau. Je n’ai pu peser que 10 cerveaux. Le poids moyen — 1193,6 gr.; la moitié droite, plus lourde, — 600,2 gr., la moitié gauclie— 593,4 gr. Les deux moitiés étaient égales dans 2 cas, la moitié droite était plus lourde dans 7 cas, et la moitié gauche dans 1. 1. Nikita Simonov, 58 a 2. Jacob Simonov, 30 a 3. Roman Bodlajaev, 21 a.. . 4. Pierre Chochine, 32 a.... 5. Ovaness Kazarov, 32 a... 6. Karapète Chakhnasarov, 48 a 7. Abram Ovanessov, 26 a... 8. Bogdan Zaloukov, 23 a... 9. Jacob Yerkalov, 18 a. ... 10. Glakha Narimanov, 35 a.. La moitié grand cerveau. droite. gauche. 1090 gr. 545 gr. 545 gr. 1097 » 552 > 545 > 1112 » 560 > 552 > 1127 > 560 » 567 » 1172 » 590 » 582 » 1187 > 597 > 590 » 1217 » 620 » 597 » 1224 » 612 > 612 > 1351 > 679 » 672 » 1359 > 687 > 672 > Pour conclure, nous donnons, danse le tableau de la page sui- vante, le résumé des chiffres obtenus. — 196 — Les steppes russes, autrefois et aujourd'hui, par M-r. le professeur W. W. DoJcoutchaïev. Si même au temps présent, malgré tout le progrès de la science et de la technique, les hommes 'et -les peuples restent sous l’in- fluence irrésistible et variée de la nature environnante, — • on comprend qu’aux temps préhistoriques presque toute la vie et toute l’activité de l’homme ont été soumises aux puissantes condi- tions physico-géographiques, sous l’influence desquelles l’homme a été obligé de faire ses premiers pas. Mais, s’il est ainsi, il est très difficile et presque impossible de comprendre la vie et l’acti- vité de l’homme préhistorique, représentées principalement par les restes diverss des périodes paléolithique et néolithique, sans une connaissance plus approfondie de cette nature au milieu de la- quelle cet homme existait. Par conséquent, il nous a paru utile et intéressant d’essayer la restauration des steppes de la Russie méridionale d’autrefois. L’article présent renferme cet essai, publié premièrement en russe sous la forme d’une brochure un peu plus détaillée. En vou- lant le compléter, surtout le chapitre qui traite de la distribution des forêts anciennes dans la zone russe de transition entre les forêts et les steppes, j’ai inséré à la fin un tableau comparatif, composé, selon mon idée, par Mr. Ototsky, et indiquant l’aréal des forêts anciennes et actuelles du gouv. de Poltava, qu’on peut regarder comme la contrée typique et centrale de toute la Petite Russie, en même temps que deux petites cartes représentant la distri- bution des forêts d’autrefois et du temps présent dans le même gouvernement, — 198 — I. La dernière page de la géologie de la Russie en général et des steppes russes méridionales en particulier. Par le caractère du climat, le relief et la flore et, probable- ment aussi, par la faune et en partie par les terrains et le sol, nos steppes russes de terre noire forment la suite ininterrompue * de cette grande ceinture de plaines qui fait le tour de l'hémis- phère septentrional et dans la composition de laquelle entrent les desiertos espagnols, les poucsty de la Hongrie et de la région Da- nubienne, les steppes de la Russie d’Europe et de la Sibérie et enfin les prairies des Etats-Unis de l’Amérique du Nord. Jusqu’à présent, les savants, aussi bien russes qu’étrangers, ont divisé nos steppes en trois types: la région de Vabsynthe et des salines, occupant le sud-est de la Russie; celle de la stipe plumeuse et des terres noires, s’étendant sur une longueur de 300 à 400 verstes, au nord de la mer Noire et de la mer d’Asov et enfin la steppe des forêts ou avant-steppe, située principalement le long de la li- mite septentrionale des terres noires. Ses éléments les plus impor- tants et les traits caractéristiques de ces trois types de steppes peuvent parfois se confondre sur un espace relativement peu con- sidérable, sans sortir des limites d’un seul et même gouvernement. Tel est, par exemple, le gouvernement de Poltava, dont la géolo- gie, le sol, la configuration superficielle, les eaux et la flore ont été, pendant ces dernières années, l’objet d’études relativement très détaillées. Aussi, c’est surtout sur cette région que nous avons l’intention de porter notre attention dans la caractéristique de nos steppes. Comme partout, durant la période géologique la plus récente ou époque posttertiaire, le territoire de l’Europe orientale a été occupé soit par la terre ferme, soit par la mer. Mais cette période, époque du mammouth, du rhinocéros et de l'homme préhistorique, se fait remarquer par une particularité très caractéristique, du déve- loppement extraordinaire des glaces continentales, ce qui lui a valu le nom de période glaciaire. Il s’ensuit donc que tous les sédiments post-tertiaires de la Russie, tant par leur caractère général que par leur origine et par les restes organiques qu’ils contiennent, peuvent et doivent être divisés en trois types, adaptés à trois régions de la Russie presque égales et unies entre elles étroitement au point de vue — 199 — génétique. Ces régions sont: a) celles des sédiments déposés soit par la mer seule, soit, à la fois, par la mer et les eaux douces; b) celles des formations glaciaires; c) celles des sédiments terrestres et des eaux douces. Chacune de ces régions, à son tour, se sub- divise en rayons, à savoir. A) Hayons des sédiments marins: rayon septentrional, — bassin du cours inférieur de la Petchora, de la Dvina septentrionale etc.; rayon Aralo-Caspien, dont les sédiments, formant une bande ininter- rompue se rétrécissant vers sa partie centrale et vers le nord, s’allongent vers l’est depuis les collines d’Ergeni et le Volga jusqu’à la Kama et peut être encore plus au nord; rayon de la mer Noire (cette mer peut aussi s’appeler mer de Scythie), dont les formations, en partie dues aux eaux douces et en partie à l’eau de mer, sont disposées le long du rivage septentrional de la mer d’Asov (et vraisemblablement le long de son littoral oriental), du Sivache, du golfe de Pérekop et, plus loin, le long de la mer Noire s’étendent en un ruban, très étroit à l’est, et probablement plus large à l’ouest. Au nord, la mer de Scythie était bornée en partie par des roches cristallines (la dite chaîne du Dnièpre) et en partie par des formations houillères et tertiaires plus récentes. B) Bayons des formations glaciaires : rayon de la chaîne du Timan, occupant presque tout le bassin de la Petchora, principalement son cours supérieur et son cours moyen; rayon de V Oural, étudié jusqu’à présent seulement dans les bassins de la Kosva, de la Tchoussovaïa etc.; rayon du Caucase— glaciers actuels, d'ailleurs beaucoup plus élargis à cette époque; rayon scandinavo-russe , le plus étendu et le mieux étudié. C) Rayons des formations continentales *, c’est à dire, portions de terre ferme les plus anciennes de la Russie (au point de vue du sol et de la phytozoologie): rayon Ouralien,— versant occidental de l’Oural 1 2 et plaines adjacentes jusqu’à la limite (à l’ouest) des sédiments glaciaires et Aralo-Caspiens voisins; rayon du Volga,— rive droite du Volga (gouvernements de Pensa, portions de ceux de Kasan, de Simbirslc et de Saratov et collines d’Ergeni); rayon du Donetz et du Dniepre,— bandes de terre entre les limites méri- dionales du glacier scandinavo-russe et les limites septentrionales de l’ancien bassin de la mer de Scythie; rayon de la Crimée et du nord du Caucase, non occupé par les glaciers. 1 II va sans dire qu’il n’est pas question des couches glaciaires. s A l’exception de l’îlot glaciaire cité plus haut. — 900 — Pour se faire une idée plus nette de tous les types de forma- tions post-tertiaires de la Russie que nous avons mentionnés, il est indispensable d’étudier avec plus d’attention quelques uns des divers rayons de chaque région. Types de formations glaciaires. Le glacier scandinavo -russe recouvrait d’une masse de glace ininterrompue, et dont l’épaisseur variait probablement de 300 à 1000 mètres, presque toute la partie septentrionale de la Russie, ’ les trois quarts de sa partie centrale (à l’ouest) et environ la moitié de la steppe russe proprement dite. A en juger par la distribution de blocs erratiques et de galets du nord, les limites méridionales extrê- mes de son expansion auraient atteint (approximativement du moins) la rivière Styr dans le gouvernement de Volynie, la partie septen- trionale des gouvernements de Kherson et d’Ekatérinoslav et le sud-est de celui de Poltava. De là cette frontière se serait dirigée, en franchissant l’angle nord-ouest du gouvernement de Kharkov, (un peu à l’est de Briansk), vers Pavlovsk dans le gouvernement de Voronèje et vers le confluent du Bouzoulouk et du Khoper. A partir de ce poiut, la limite orientale des blocs erratiques s’élève presqu’en ligne droite vers le nord, le long de la rive droite de la Medvéditza, puis se dirige vers Serdobsk et Saransk, et de là, vers le Volga qu’elle franchit un peu à l’ouest de Vassil- soursk. Si l’on réunit par une ligne brisée imaginaire tous les points que nous venons de désigner, on voit que dans les bassins du Dnièpre et du Don, principalement dans leurs affluents de gauche, c’est a dire à l’endroit où nos steppes méridionales s’abaissent plus ou moins sensiblement (à moins de 100 sagènes au dessus du ni- veau de la mer), le glacier scandinavo-russe s’étendait fort loin vers le sud, sous la forme de deux larges langues. Dans le présent article nous donnerons à celle de l’ouest, qui atteignait presque le 48°, 5' de latitude nord, le nom de langue du Dniepre, et à celle de l’est qui allait presque jusqu’au 50° de latitude nord, celui de langue du Don. Ainsi donc la langue du Dnièpre, grâce à une altitude absolue moindre, dépassait de 150 verstes vers le sud celle du Don. Entre ces langues du glacier s’étendait le haut plateau qui forme aujourd’hui la ligne de partage des eaux, d’une part, entre la Desna et le Dnièpre et de l’autre, entre l’Oka et le Don pro- prement dit; et ce plateau qui s’étend sur une grande partie des gouvernements d’Orel et de Kharkov, sur tout celui de Koursk 201 — et sur la moitié' occidentale de celui de Voronèje, n'a jamais été recouvert par les places. La région élevée (plus de 100 sag.) qui forme le rivage actuel du Volga, autrefois bras de mer, et qui comprend la partie sud-ouest du gouvernement de Kasan, la partie est de celui de Saratov, ceux de Pensa et de Simbirsk presque entiers etc., constituait une autre bande de terre ferme, étroite et longue, s’étendant du nord au sud et bornée à l’est par la mer Aralo-Caspienne et à l’ouest par le glacier. Voyons maintenant quelles sont les traces qu’a laissées ou pu laisser le grand glacier scandinavo-russe. Ce glacier qui s’étendait sur une longueur de plus de mille verstes, du norcî-ouest au sud-est, c’est à dire de la Scandinavie, de la Finlande et du gouvernement d’Olonetz jusqu’à ses limites, dans les steppes du sud et du sud-est, que nous avons désignées plus haut, a détruit , broyé, morcelle, poli et même strié au moyen de ses eaux des centaines de roches variées (massives, sédi- mentaires ou autres, — granits, calcaires, marnes, grès, argiles etc.) gisant sur son passage et a entraîné leurs débris vers des latitudes plus méridionales. Grâce à ce mouvement qui dura cer- tainement des milliers d’années, grâce aussi à l’action physique et chimique de l’air sur ces espèces minérales, l’activité glaciaire a produit les spécimens les plus variés. Nous les diviserons en cinq types: a) débris pierreux des diverses roches, quelquefois arron- dis, parfois même polis; on les désigne sous les noms de blocs erra- tiques, cailloux, graviers, sables à gros grains etc.; b) argiles grossières non striées, non zonées, ordinairement d’un rouge-brun, employées presque partout (au nord et au centre de la Russie) pour la fabrication des briques; c) sables bien striés, souvent fine- ment granulés, la plupart du temps quartzeux, toujours irrégu- lièrement zonés, de couleur variée, le plus souvent blancs ou rougeâtres; d) limon en suspension mécanique, tout-à-fait analogue à celui que transporte maintenant n’importe quel glacier et com- posé d’un mélange assez égal de menus grains de quartz, de filons d’argile, de parties marneuses etc; e) enfin, substances décomposées chimiquement dans les eaux des glaciers, telles que sels divers, carbonates, sulfates, chlorates etc. On peut affirmer d’une manière positive que tous ces types de formations glaciaires existent dans n’importe lequel des glaciers actuels. Ils ont certainement dû exister aussi dans le grand gla- cier scandinavo-russe, et cela en quantité d’autant plus grande que ses dimensions étaient plus considérables. A en juger par le caractère général de l’activité de tout gla- cier, on doit nécessairement admettre que tous les types de forma- tions glaciaires que nous avons indiqués, ont du se répartir d’une — 202 — façon fort inégale sur la superfice du glacier scandinavo-russe. Les plus grossiers de ces matériaux, offrant plus de résistance aux efforts des eaux, se sont accumulés d’une façon naturelle princi- palement dans les régions du nord et du nord-ouest, tandis que les plus fins, que l’eau pouvait plus facilement laver et dissoudre, ont été entrainés au loin vers le sud et vers l’est et souvent même au-delà des limites de la couche de glace. Si l’on admettait les hypothèses suivantes: que la marche du glacier s’est constamment accomplie sur une seule et même espèce minérale, et dans des conditions climatériques et orographiques invariables, qu’une partie des sédiments glaciaires, principalement les sédiments chimiques, n’a pas été emportée à la mer, et enfin que les agents glaciaires (glace, eau etc.) étaient moins variés, on pourrait et on devrait même admettre que les produits du glacier scandinavo-russe se sont répartis à travers la Russie, du nord-ouest au sud-est, suivant la distribution idéale suivante: I-re zone: cailloux des glaciers, gravier et sables grossiers; abon- dance de stries produites par le glacier, de surfaces polies, de sil- lons sur le sol du continent etc. II. Sables les plus variés. III. Argiles à briques grossièi’es et non striées. IV. Dépôts de boue glaciaire. V. Sédiments chimiques. Le nombre des blocs erratiques et leurs dimensions doivent en général diminuer au fur et à mesure du mouvement du glacier du nord-ouest au sud-est. Mais comme la nature est beaucoup plus compliquée et qu’au- cune des hypothèses citées plus haut n’a existé dans son ensemble; comme, en outre, dans l’existence et l’activité de notre glacier, il est indispensable de distinguer au moins deux stades (sans compter les mouvements temporaires, peut être périodiques d’un coté ou de l’autre, en avant ou en arrière), celui de l’avancement et celui du recul du glacier, stades distants l’un de l’autre de plusieurs milliers d’années, au moins pour les régions les plus septentrio- nales, et qui ont dû être suivis par des procès et des produits différents, il est tout naturel que le schéma tracé plus haut doit être rompu, pour ainsi dire, par des milliers d’exceptions les plus variées. Néanmoins le grand nombre des données, d’ailleurs les plus sérieuses, que nous possédons, nous obligent à affirmer que comme réglé, comme expression de l’immense majorité des faits, se schéma est entièrement applicable à la Russie et probablement à tous les autres pays à glaciers. — 203 — Et effectivement, l’immense rayon du glacier scandinavo-russe se subdivise tout naturellement en zones. Ces zones sont les suivantes: a) Zone du nord- ouest de la Russie, comprenant: toute la Fin- lande et les parties voisines des gouvernements d’Arkhangel, d’Olonetz, de Vologda, de Saint-Pétersbourg, de Novgorod, d’Estho- nie et de Pskof, avec la mer Blanche, le golfe de Finlande etc. Toute cette immense étendue, principalement la Finlande et le gouvernement d’Olonetz, pre'sente une suite ininterrompue de champs à blocs erratiques, de chaînes de hauteurs désigne'es sous le nom oesars, selghes, etc. (formées ordinairement de sables gros- siers, de gravier, de cailloux etc.), de sillons glaciaires, de stries, de surfaces polies, de fronts de bélier, d’excavations et d’une foule de lacs et de marais. b) Zone (non cotnposée de terre noire) du centre de la Russie. Cette zone comprend les autres parties des gouvernements cités plus haut, la moitié nord-ouest de celui de Nijni-Novgorod, tout ceux de Kostroma, d’Yaroslav, de Vladimir, de Moscou, de Vi- tebsk, de Mohilev, de Smolensk et certaines parties des gouverne- ments limitrophes au sud et à l’ouest etc., où sont représentées d’une façon plus ou moins spéciale les formations glaciaires suivantes: l/ sables roulés de la surface, peu consistants, non zones, se ren- contrant sporadiquement, 2. argiles à briques d’un rouge-brun grossières, non striées et fortement mélées de sable, et contenant très souvent une foule de blocs erratiques septentrionaux; B. sa- bles erratiques inférieurs, disposés par couches, souvent finement granulés, reposant par places sur un lit de galets et de cailloux. 3) Zone de la terre argileuse loessiforme, à cailloux d’un grain plus ou moins grossier et du loess typique des glaciers à grains tins et complètement homogène la première de ces espèces mi- nérales occupe en général (avec quelques solutions de contimité) les régions les plus septentrionales, situées sur la frontière dite de terre noire septentrionale, et correspondant à certaines portions des gouvernements de Nijni-Novgorod, Vladimir, Tambov, Riazan, Ivalouga, Toula, Orel, Tchernigov etc. vers l’ouest. La seconde occupe les frontières plus méridionales de cette zone, et même, en certains endroits, dépasse les limites de l’ancien glacier. Il va sans dire que toutes ces zones de formations glaciaires se mélangent l’une à l’autre, se fondent, pour ainsi dire, presque insensiblement et d’une manière toute progressive. Ainsi, on sait déjà depuis longtemps que, à mesure qu’on s’avance du nord au 1 Plus tard, quand les limites du loess seront mieux connues, il formera cer- tainejnent une zone distincte, quoique fortement déchiquetée et intermittente, — 204 — sud, le diluvium glaciaire typique (argiles rouge-brun, grossiè- res, etc.) devient de plus en plus souvent loessiforme, la quantité des blocs erratiques et leurs dimensions diminuent, les argiles de- viennent plus friables et plus poreuses, les carbonates plus abon- dants, la couleur rouge s’affaiblit et la terre argileusse loessi- forme se transforme peu-à-peu et par places en loess typique poreux de couleur jaune-clair. Tel est le caractère général des formations glaciaires en Russie. Pour mieux étudier leurs particularités, précisément dans les steppes russes, on peut s’arrêter spécialement au gouvernement de Poltava et au district de Balachov, du gouvernement de Saratov, qui sont justement situés sur les limites extrêmes du glacier scan- dinavo- russe, le gouvernement de Poltava à l’ouest, sur la saillie du Bniepre, et le district de Balachov à l’est, sur celle du Bon. La petite Russie, en général, et le gouvernement de Poltava en parcticulier, sont recouverts de ce même loess fertile qui nour- rit toute la Chine et le Turkestan russe et forme un des sous-sol les meilleurs et les plus caractéristiques de la terre noire russe. Le loess typique, autrement dit terre jaune, est un terre argileuse, marneuse, rarement zonée, de couleur jaune-clair, quelquefois jaune-pâle, de structure tendre, farineuse même, fortement, mais peu profondément poreuse, avec une foule de veines calcaires très fines et ramifiant dans tous les sens, de petits tubes et quelque- fois de concrétions en forme de noix (chatons blancs) formés de la même substance. Cependant en général, il présente une masse assez compacte se divisant, dans les coupes naturelles (sur les berges en pente des rivières, les ravins etc.), en piliers, tours, pi- ques et autres formes parfois très bizarres. Les parties principales qui entrent dans sa composition sont, dans le gouvernement de Poltava, de menus grains de quartz (environ 40%), de l’argile (environ 23%) et des carbonates (environ 11%, au maximum 13,5%). Ce loess recouvre complètement tous les plateaux formant la ligne de partage des eaux du gouvernement de Poltava, d’une couche qui n’a pas moins de 3 sagènes d’épaisseur; cependant dans la partie orientale du district de Constantinograd, dans une partie de ceux de Zienkov et de Krementchoug etc., il devient plus gros- sier, s’enrichit de grains de sable et perd se porosité. Les couches loessiformes, argileuses et sablonneuses, qui recouvrent presque tou- tes les berges en pente douce des ravins et des rivières, ont un caractère sablonneux encore plus prononcé. Outre les restes carbonisés de la végétation herbacée, on ne rencontre ici, parmi les formes organiques fossiles, que des coquilles de mollusques terrestres ou marécageux, des os de ron- — 205 — geurs des steppes, et parfois des fragments de squelettes de castor, de mammouth et de quelques contemporains de ce dernier. Ce n’est que tout récemment que l’on a constaté un fait d’une grande importance, l’existence (districts de Kobéliaki et de Prilouki) dans les couches inférieures du loess typique de blocs et de galets auxquels on ne peut attribuer qu’une origine erratique. En outre, on rencontre assez souvent, dans cette terre jaune, des couches gris-foncé, d’une espèce plus grossière que le loess, riches en grains de quartz et dont l’épaisseur varie de 1 à 7 pieds. Ces couches contiennent de 1 à 3°/o de humus; ça et là elles sont fendillées, et sur les parois de ces fentes se remarquent les dé- pôts blanchâtres des carbonates; en certains endroits on y aperçoit un grand nombre do taches couleur soit de rouille, soit d’un roux ardent, soit d’un gris-bleuâtre, entièrement semblables à celles qui caractérisent quelques formations des marais. A Khmélovo, dans le district de Romny, on y a trouvé un dent de mam- mouth. Cette roche originale, que l’on considérait autrefois soit comme du loess de humus, soit comme de la terre noire ancienne, a été récemment découverte parmi les formations erratiques typiques. Elle doit donc leur être rapportée, car elle a été sans aucun doute formée par des dépôts de boue glaciaire riche en substances orga- niques. Un fait curieux, c’est que cette espèce fait complètement dé- faut dans le district de Constantinograd et que, dans ceux de Pol- tava et de Zienkov, elle ne se rencontre que dans les régions à blocs erratiques ou près de leurs limites. Il est donc évident que le loess de Poltava, comme tous les loess typiques de la Russie, doit être rapporté aux formations glaciaires. S’il en est ainsi, si le glacier a reculé, en général, du sud au nord (et cela ne fait aucun doute), on pourra infailliblement en conclure que les districts du sud et du sud-est du gouvernement de Poltava sont beaucoup plus anciens que ses autres régions, plus anciens au point de vue du sol et de la phytozoologie. Dans presque tout le gouvernement de Poltava (en particulier sur les lignes de partage des eaux), immédiatement au dessous du loess, s’étend un couche d’argile brune, assez grossière, du reste plus ou moins loessiforme. C’est à sa surface que, en beaucoup d’endroits, se trouvent les eaux de source. Sauf les exceptions très caractéristiques des districts de Constantinograd et de Zienkov, et de la partie orientale de celui de Poltava, dans tout le reste du gouvernement cette couche d’argile renferme toujours des blocs erratiques et son épaisseur moyenne est d’environ une sagène et demie. Dans certains endroits, les districts de Kobéliaki, de Kho- 206 — roi etc. par exemple, elle est visiblement me'le'e de sable, et dans les districts de Gadiatch et de Prilouki, elle contient une expèce qu’il est difficile de distinguer du loess. Ici nous devons ajouter que, çà et là, tant parmi l’argile typique à blocs erratiques (dis- trict de Gadiatch) qu’entre cet argile et la marne à eaux dou- ces (district de Zolotonocha), on retrouve la même espèce (boue glaciaire) que dans la partie inférieure du loess, quelquefois même avec des blocs erratiques. L’étage inférieur des dépôts posttertiaires du gouvernement de Poltava se compose d’une marne à grains fins, ordinairement schisteuse, de couleur gris-bleuâtre avec taches d’ocre et d’une épaisseur de six sagènes et plus. Si l’on en juge par la faune, c’est bien là la marne typique à eaux douces remplie par places des mêmes blocs erratiques, et remplacée parfois par des sables à menus grains, marneux et formant quelquefois des couches très fines. Tel est le schéma des formations posttertiaires de la Petite Russie centrale. On a observé d’ailleurs, dans beaucoup de cas, le passage de ces espèces l’une dans l’autre, soit que les marnes à eaux douces se trouvent au même étage que les argiles d’un rouge-brun, soit que le loess se soit déposé sous des forma- tions à blocs erratiques typiques. L’union stratigraphique et pétro- graphique, pour ainsi dire des plus étroites, entre le loess propre- ment dit, l’argile à blocs erratiques et la marne à eaux douces, aussi bien que la nature des blocs et de la faune, obligent à rap- porter toutes ces formations à une seule et même suite de dépôts erratiques quaternaires. Ces formations, déposées sur les limites du grand glacier seandinavo-russe, se trouvent partie en avant, partie au dessous de lui, partie aussi en arrière de la ligne de recul de la nappe de glace. La seule différence qu’il soit possible, pour le moment, d’établir entre eux, consiste en ce que la marne est d’une nature schisteuse plus prononcée et presque constante, et que sa faune a un caractère plus aquatique, tandis que le loess se distingue par sa porosité, sa structure non schisteuse et par sa faune, qui est plutôt terrestre. On doit donc en conclure que la première s’est formée principale- ment dans certains bassins à eaux probablement stagnantes, tandis que le second s’est formé sur la terre ferme recouverte de la vé- gétation de la steppe et, çà et là, de celle des marais; ce qui a dû avoir lieu surtout pendant les débordements glaciaires qui, sem- blables à nos inondations printanières dans la steppe, se répan- daient sur d’immenses étendues et y déposaient leur limon, comme cela a lieu aujourd’hui sur les terrains et les prairies qui avoisi- nent nos xûvières. Il est fort possible que les dépôts de loess se — 207 — rattachent principalement à la période du recul décisif et définitif du glacier, période qui a sans doute été suivie d’une certaine élé- vation de la température et d’une recrudescence de végétation. Du reste, les bassins où se déposait la marne à eaux douces étaient sans doute aussi peu profonds et remplis d’eau stagnante ou à demi-marécageuse; parfois ils n’étaient que temporaires. Quelques uns de ces lacs recevaient d’une façon intermittente, principalemet au printemps et en été, les eaux des ruisseaux et des petits riviè- res glaciaires à courant tranquille, qui charriaient exclusivement de la boue très fine; tandis que les autres recevaient les eaux de torrents rapides du glacier, qui apportaient, outre la fine boue gla- ciaire, de petits blocs erratiques et des galets. Les argiles d’un rouge-brun sont probablement des dépôts du glacier lui-même et, par leur composition comme par leur origine, présentent un caractère pour ainsi dire intermédiaire entre le loess et les marnes à eaux douces. Ceci admis, si l’on considère la masse de poussière demi-orga- nique et de limon que se forment jusqu’à présent sur les plaines de neige (firn) et de glace des Alpes, de la Sibérie etc., il est facile de comprendre la provenance des depots de loess d’humus et leur existence non seulement dans toutes les formations quater- naires du gouvernement de Poltava, mais encore probablement (quoique d’une façon sporadique) dans les couches à blocs errati- ques de toute la Russie. Malheureusement les alluvions à blocs erratiques de l 'aile du Don à l’est sont loin de présenter une semblable précision. Ici, comme on le sait, cette alluvion est formée principalement d’ar- giles sablonneuses d’un gris foncé et d’un rouge brun qui, vu leur habitus général, parfois leur porosité et la grande quantité des carbonates qu’ils contiennent, et la rareté des blocs erratiques que l’on y trouve, peuvent prendre le nom d’argile loessiforme à blocs erratiques. En terminant notre description des dépôts du grand glacier scandinavo-russe, il est nécessaire de constater que, à en juger par le caractère et les conditions de la formation des sédiments glaciaires supérieurs, principalement sur les limites méridionales du glacier, et par les steppes encore vierges çà et là des gouver- nements de Saratov, de Voronèje et de Poltava, la surface primi- tive des régions à loess et des régions analogues se distinguait par une remarquable uniformité, comme une immense plaine. — 208 — Types de sédiments maritimes. Les dépôts désignés sous le nom de dépôts aralo-caspiens s’éten- daient autrefois principalement le long de la rive gauche du Yolga tusqu’à la Ivama et peut-être encore plus au nord. Ces dépôts con- jenant une faune qui vit jusqu’à présent dans la mer Caspienne, composés de sables, d’argiles, de marnes etc., souvent salés ou salés-amères et renfermant souvent du gypse, forment un des sous-sol les plus fréquents des terres noires et de couleur de châ- taigne du sud-est de la Russie. Tels sont les dépôts des en- virons de Samara, oh ils sont représentés par des marnes brunes et gris-bleuâtre (contenant Cardium edule) etc., qui par leur habitus général diffèrent très peu de quelques marnes à eaux dou- ces de Poltava et supportent une excellente terre noire (jusqu’à 11,5% d’humus), bien supérieure certainement à celle qui s’étend au dessus des couches voisines, beaucoup plus anciennes. Un fait non moins caractéristique, c’est que dans cette région du gouverne- ment de Samara, de même probablement que dans toute la ré- gion européenne Aralo-Caspienne, il n'y a aucune trace de loess plus ou moins typique. Les sédiments qui se sont déposés dans l’antique bassin Scythe, c’est à dire dans la zone plus ou moins étroite qui touche la mer d’Azov actuelle, le Sivache, le golfe de Pére'kop et plus loin le nord de la mer Noire, sont incompai’ablemeut plus intéressants pour nous. D’après les recherches de M. Socolof, à la surface, immédiate- ment au dessous de la terre noire, s’étend ici une terre argileuse d'un jaune-brun, ressemblant beaucoup (par son aspect général) au loess, et douée d’une structure poreuse. La seule différence es- sentielle qui existe entre elle et le Joess, c’est quelle contient en abondance du sel et du gypse qui, sous forme de menus cristaux, la pénètrent complètement par endroits. Plus bas et presque partout, on rencontre des argiles rouge- brun et gris verdâtre non schisteuses, se divisant comme le loess en sections verticales, et plus ou moins riches en sel et en plâtre. Dans ces couches, outre de rares ossements de petits mammifères terrestres, on ne rencontre pas d’autres restes organiques. A l’est de Nogaïsk, entre cette ville et Berdiansk, près de Marioupol et de Taganrog, sous les argiles citées plus haut, M. Socolof a réussi à constater l’existence de couches de sables ordinaires à gros grains, gris, brunâtres et schisteux (jusqu’à 15 mètres d’épaisseur), avec filons de graviers, de cailloux et plus rarement d’argile plastique vert-bleu. On y trouve, quoi- — 209 nue rarement, des coquilles de mollusques d’eaux douces actuel- lement vivants ( ünio , Cyclas, Bythinia , Paludwa ) et des os de mammifères tels que Erinaceus europaeus L., Spermophilus aft . mugosaricus Br., Myndes lagurus (?), Arvicola amphibus Lias., Mammouth et Elephas sp. Outre ces sédiments apportés certainement par des eaux cou- rantes M. Socolof a observé dans la partie septentrionale du gou- vernement de la Tauride et à l’est de celui de Kherson, de meme nue dans le district de Novo - Moskva, des dépôts a grains très fins et marneux provenant d’eaux stagnantes de lacs et que que- fois de marais avec restes de Planorhis , Limnea , Succmea, Valloma , Pupa, Buliminus etc. Mais quelquefois, parmi ces formations, on rencontre aussi le loess typique avec coquilles exclusivement Comparant la situation géographique des sédiments sablonneux mentionnés près de Taganrog etc. avec les langues glaciaires du Bnieprc et du Bon que nous connaissons déjà, M. Socolot arrive à la conlusion suivante, qui nous parait très plausible: «11 est, très probable, dit-il, que dans le prolongement direct des ces caps de glace s’avançant, vers le sud, s’établissaient des cours d eau pro- venant de la fonte des masses de glaces et que c est a ses cours d’eau douce que doivent leur formation les couches épaisses de dépôts de sables et de cailloux d’eau douce, que l’on ren- contre sur le littoral septentrional des mers Noire et d Asov». A cela, ce savant ajoute: «du cap de glace de 1 ouest (du Bme- pre), le courant d’eau douce se dirigeait en partie presque direc- tement au sud, vers les limans du Dnièpre, du Boug et de la Be- rezane. tandis que le reste de cette eau s écoulait, selon toute probabilité, par la vallée du Dnièpre. Quant aux courants formes par la fonte de la glace du cap oriental (Bon), il devaient con- tourner à l’est les hauteurs de la chaine du Donetz. Types de dépôts terrestres anciens. Que se passait-il à cette époque sur ces étendues de terre ferme qui n’étaient recouvertes ni par la mer, ni par les glaciers. Toutes les formations superficielles (terrains argileux, argiles sables etc. les plus variés) qui recouvrent ces rayons, se rapportent exclusivement aux dépôts elluviaux en particulier et aux produits des agents atmosphériques en général, de (Mîmww (alluvions s pluviales), dblluvmh (de rivières et de lacs) et d e produits eohens (principale- ment dunes). Des formations de ce genre se rencontrent d une ma- nière sporadique partout, sur toutes les roches originaires possibles. — 210 — Les alluvions pluviales, presque toujours irrégulières, mais par contre souvent lamelleuses, recouvrent d’une couche souvent fort épaisse (jusqu’à sept sagènes et plus) les pentes et les bas fonds les plus divers oh n’existe et où n’a existé aucun bassin constant; leur habitus permet difficilement de les distinguer du loess typique. On peut considérer comme emplacements classiques des alluvions de ravins les environs de Saratov, de Nijni-Novgorod et de Novo- Sendjar, situé sur la Vorskla, hors du rayon des formations à blocs erratiques typiques. Les alluvions fluviales et lacustres, anciennes et nouvelles, ordi- nairement lamelleuses, ainsi que l’indique leur nom, recouvrent les bas fonds le long des rivières et des lacs et contiennent parfois des ossements de mammouth, de rhinocéros et souvent une masse de débris végétaux provenant de formes qui depuis longtemps ont disparu des contrées où on les trouve. Enfin les dépôts éoliens forment principalement diverses colli- nes ou dunes situées le long des bassins soit actuels, soit disparus depuis longtemps et où l'homme préhistorique se plaisait à habiter. Tels sont les sols habituels et uniques de tous les principaux rayons de l’ancienne terre ferme de la Russie. On a remarqué plus haut que les trois grandes régions de la Russie, celles qui ont constitué ces divisions dès le commencement de la période quaternaire, sont reliées entre elles d’une façon gé- nétique; voici les principaux motifs de cette affirmation. M. l’académicien Karpinsky, dans son article «Esquisse des conditions physico-géographiques de la Russie pendant les pé- riodes géologiques écoulées» fait, entre autres, la remarque sui- vante: «Il pout se faire que le maintien du haut niveau de la Caspienne et que l’énorme expansion du bassin Aralo-Caspien, qui en dépend, aient pour motif l’humidité ou l’abondance de sédiments, sans lesquels le développement des glaciers ne pourrait avoir lieu. La plus grande partie des eaux s’écoulant de ce glacier par suite de la fonte devait se porter sur le bassin en question». Tout en partageant l’idée de l’existence à une même époque en Russie du glacier Scandinavo-russe et de la mer Aralo-Caspienne, et du lien étroit qui existent entre ces événements si importants pour la vie de notre pays, nous croyons pourtant nécessaire de faire nos réserves, et d’émettre l’opinion que la plus grande partie des eaux du glacier ne pouvait s’écouler dans le bassin mentionné. En effet, il suffit de se rappeler quelles sont les frontières méri- dionales du glacier, en particulier l’aile du Don et du Dnièpre, pour voir que la plus grande partie de ses eaux devait se diriger — 211 — non pas vers l’est, mais vers le sud, non pas dans la mer Aralo- Caspienne, mais dans la mer Noire, où se déversaient vraisembla- blement, non seulement les courants glaciaires du Don et du Dnièpre, mais peut être aussi ceux du Dniestre, du Boug etc. S’il en a été ainsi, du moins à l’époque de la plus grande activité gla- ciaire en Russie, il est naturel que la, mer Noire, deux fois moins grande (même alors) que la mer Aralo-Caspienne, à l’exemple de celle ci, n’a pu s’empêcher d’accroître son niveau, d’autant plus qu’au début de l’époque quaternaire elle devait être une mer fermée, comme la Caspienne actuelle. Ce trop-plein de notre bassin Scythique, produit par les eaux du glacier, devait avoir pour consé- quences, d’abord le percement du Bosphore et le réunion de la mer Noire avec la Méditerranée, puis la fusion immédiate, peut- être même par un canal assez étroit, des mers Noire et Caspienne, enfin le dépôt des argiles gris-verdâtre, rouge brun loessiformes, jaune-brun et salées, qui sur les bords de la mer d’Azov, du Si- vache etc., recouvrent jusqu’à présent des sédiments sablonneux ayant certainement un lien avec les fleuves glaciaires. Au mo- ment de cette réunion, qui peut être n’a été que temporaire, des mers Mediterranée, Noire et Caspienne, certaines formes animales ont pu émigrer de l’une dans l’autre, ce qui a en lieu en effet. Il est d’autant plus permis d’émettre une semblable hypothèse sur l’existence simultanée de tous les dépôts marins quaternaires de la Russie et du grand glacier Scandinavo-russe, que tous les rayons séparés avec sédiments marins occupent en Russie les ré- gions les plus basses, dont la hauteur absolue atteint rarement 60 sagènes et, le plus souvent, descend beaucoup plus bas. En conséquence, si le continent de la Russie descendait à la hauteur indiquée, les rayons mentionnés se trouveraient de nouveau sous l’eau. En outre, ceci admis, on s’explique facilement cette «humidité de l’air et cette abondance de sédiments, sans lesquelles le dé- veloppement des glaciers ne saurait avoir lieu». Enfin le soulève- ment du continent Russe qui eut lieu plus tard (il coïncida pro- bablement avec le commencement du mouvement de recul du glacier), prouvé effectivement pour quelques régions du littoral du golfe de Finlande, nos frontières maritimes septentrionales et peut être méridionales, explique d’une façon tout à fait naturelle la disposition actuelle des dépôts marins quaternaires, — assèchement indubitable des bassins du sud et peut-être du sud-est de la Russie et recul définitif et fonte du glacier, ce qui, avec la formation ultérieure du réseau de vallées fluviales et de ravins, entraîna l’appauvrissement en eau, non seulement du sud, mais encore du nord de la Russie. 14 * — 212 — Le relief actuel de la Russie et le peu de différence qui existe maintenant entre la hauteur absolue de la Scandinavie septentri- onale, et de la Finlande d’un côté, et de l’autre, de la plaine de l’est européen, permet, difficilement il est vrai, de comprendre com- ment a pu se produire le mouvement du glacier et cela sur une étendue de plus de 1000 verstes du nord-ouest au sud-est, d’autant plus qu’il avait à traverser des dépressions aussi considérables que les golfes de Bothnie et de Finlande, les lacs d’Onéga et de Ladoga, etc. Mais cette objection est facile à réfuter. Si l’on admet une dépression générale de la Russie, de 30 à 60 sagènes, il est évi- dent que les altitudes relatives de ses parties séparées ne change- ront pas; et c’est précisément ces altitudes qui, comme on le sait, influent le plus sur l’existence et le mouvement du glacier. En outre, en supposant que les dépôts glaciaires de la Russie, situés au sud et au sud-est de la ligne formée par le golfe de Finlande, la mer Blanche et les lacs Ladoga et Onega, eussent une épaisseur moyenne de 10 sagènes et recouvrissent d’une manière égale la Finlande et la partie voisine du gouvernement d’Olonetz, ces deux dernières régions s’élèveraient, selon M. Ototsky, de 33 sagènes environ. Sans doute, la moitié environ de la masse totale de nos dépôts posttertiaires ont une origine locale; mais, par contre, anté- rieurement au dépôt des formations glaciaires, la plupart, pour ne pas dire tous les points de la Russie moyenne étaient beaucoup plus bas que maintenant et les formations glaciaires les ont exhaus- sés sans contredit. De tout ce qui précède on peut conclure que, avant l’appari- tion de la période glaciaire, la différence entre les altitudes rela- tives du nord-ouest et du centre de la Russie étaient, dans tous les cas, beaucoup plus considérables que maintenant. On peut admettre également que l’érosion énergique, bien que graduelle, produite par le glacier sur les roches originaires superficielles, principalement au nord-ouest de la Russie, a eu pour résultat la diminution de la puissance d’avancement du glacier. En outre, le glacier, en accumulant sur la route ses propres sédiments, formant une bar- rière dont la masse allait en s’épaississant ça et là vers le sud, a fini naturellement par s’affaiblir, au point de ne plus même pouvoir transporter les marnes meubles à eaux douces, parfois composées de lamelles extrêmement ténues. 213 — II. Relief du sol des steppes et distribution des eaux. A en juger par les conditions de formation du lœss de la Russie méridionale et des sédiments maritimes post-tertiaires, nos steppes ont dû présenter à l’origine l’aspect de plaines sans limi- tes, creusées ça et là par des cavités informes ( lojbiny ), des dépres- sions fermées, etc.; la plupart des rivières et des ravins ( balki ) actuels n’existaient pas encore; par contre les steppes renfermaient, selon toute probabilité, une foule de marais et de lacs tempo- raires différant essentiellement par le type de ceux du nord, qui, pour la plupart, se rattachent à notre région glaciaire du nord- ouest. Nous en trouvons un exemple frappant dans le gouverne- ment de Poltava On sait que le gouvernement de Poltava s’étend du nord- ouest au sud-est, sur une longueur de 300 à 350 verstes et une largeur de 150 à 200 verstes, le long de la rive gauche du Dniè- pre en formant une bande allongée. En examinant la direction de ses principales rivières, la Vorskla, la Soula et le Psiol , et surtout en consultant la carte hypsométrique de A. A. Tiilo, on remarque que l’altitude de cette région décroît avec une progres- sion remarquable de l’est à l’ouest, c’est-à-dire du gouvernement de Kharkov en se dirigeant vers le Dnièpre. Ainsi, dans les dis- tricts de Romny, de Gadiatch, de Zenkov et de Constantinograd, les points culminants ont une altitude de 100 — 180 m. (80 — 89 sa- gènes) au-dessus du niveau de la mer; quelques ilôts détachés at- teignent seuls une altitude de 90 à 99 sagènes; au sud ouest s’éten- dent les districts de Prilouki, de Lokhvitz, de Mirgorod et de Poltava, dont les points culminants ont de 70 — 79 sagènes d’alti- tude, puis le district de Pe'réiaslav et de Khorol (60 à 69 sag.), de Piratine et de Loubua (50 à 59 s.); enfin, plus près encore du Dnièpre (qui les arrose) les districts de Zolotonocha, de Kremen- telioug et de Kobéliaki, à l’altitude générale de 40 — 52 s.; les plaines (poïma) basses sur les îives du Dnièpre ne doivent pas être à plus 30 à 40 sagènes d’altitude. Il est instructif que le dégré du développement des plaines est en proportion inverse avec l'altitude absolue : les districts les plus élevés (celui de Romny, la plus grande partie de celui de Ga- diatch et de Zenkov, presque tout le district de Lochwitz, la partie orientale du disk de Prilouki, de Loubny et des localités isolées des districts de Constantinograd et de Mirgorod) sont coupés par 214 de vallées assez profondes de rivières et couverts d’un grand nombre de ravins (balki) parfois très complexes et ramifiés. Des localités plus ou moins accidentées sont quelquefois plus nombreu- ses que les plaines. En revanche» la partie occidentale des dis- tricts de Prilouki, de Loubny et de Constantin ograd, quelques endroits de celui de Mirgorod et la plus grande ' partie du dist. de Poltava présentent l’aspect de steppes sans bornes, dont les plaines, qui semblent tout à fait horizontales à l’oeil, s’étendent jusqu’à l’horizon. Ce caractère distinctif est encore plus prononcé à mesure qu’on approche de la vallée d’inondation du Dnièpre: la plus grande partie des districts de Péréiaslav et de Kremen- tchoug, celui de Zolotonoclia, la partie méridionale de celui de Khorol et une grande partie de celui de Kobéliaki, peuvent être regardés comme l’idéal de la steppe. Les memes formes de la surface se répètent avec une uniformité et une constance étonnantes, et se succèdent dans le même ordre dans l’une et l’autre moitié du gouv. de Poltava, dans les districts les plus élevés et les plus bas ; toute la différence consiste dans l’étendue de ces formes. Le fait est que le cours septentrional du Dnièpre (relativement au gouv. de Poltava) et les rivières le Soupoï (affluent du Dnièpre) l’Oudaï, la Soula, le Khorol (affluent du Psiol), le Psiol, la Yorskla, l’Ortchic et la Béréstovaïa (affluent de l’Orel) partagent tout le gouvernement en 9 bassins fluviatils, de la composition suivante: a) la rive droite élevée de la rivière (du Psiol, de la Soula, etc.); b) le plateau interfluvial de steppes ; c) une pente douce vers la rivière voisine, qui se termine ordinairement par un ou deux terrasses et plus rarement par des sables de dune; d) la plaine d’inondations, la poïma, dont quelques ilôts isolés ne sont pas cou- verts parfois par les débâcles printannières; e) la rivière avec ses lacs (restes de lits anciens). La rive gauche du Dnièpre a la même constitution, avec cette différence qu’ici les pentes douces vers la rivière voisine et la «poïma:» ont des dimensions beaucoup plus grandes. Si nous ajoutons encore que dans la constitution de tous les seuils de partage des eaux, entrent partout les mêmes roches (le loess, l’argile à blocaux, la marne de l’eau douce etc.), il nous sera facile de comprendre qu’immédiatemont après la formation du loess etc., tout le gouv. de Poltava a du avoir l’aspect d’une plaine de steppe unie qui descendait doucement à la dépression du Dniepre, sans doute beaucoup plus ancienne que les autres vallées fluviales de la contrée en question. Il y a des raisons d’admettre que la dépression du Dnièpre avait existé avant l’approche du glacier, qui pour cette cause précisément s’est étendu ici plus au — 215 sud; mais, ensuite, il a contribué probablement lui-même à l’appro- fondissement ultérieur de son lit, en détruisant des argiles bigarrées et une partie des sables blancs qu’il rencontrait sur son chemin. Des bandes larges de steppes basses à pentes douces s’étendaient alors probablement dans la même direction du N. E. au ». O., à la place des vallées actuelles de la Yorskla, de la Sonia, du Fsiol etc., servant au découlement des eaux du glacier d’abord et plus tard — des torrents de printemps et des pluies. Ces dépressions inclinées primitives, pour ainsi dire — sans rives déterminées, dues exclusivement par leur formation a la structure géologique de la contrée en question, peuvent être comparées aux parties basses des steppes actuelles qui servent, dans l’absence complète de ravins et de vallces fluviales, a 1 écoulement dos eaux de la surface, dans plusieurs localités des districts de Peréiasuw, de Khorol, de Loubny, de Prilouky, de Piriatine et de Zolotonocha. Une de ces plaines basses de steppes, dans les districts de Piria- tine, a jusqu’à 55 verstes de longueur, et 25 ver. de largeur. 11 n’y a pas de doute que des plaines basses semblables existent, et ont existé autrefois, sur toutes les steppes vierges de la Russie, comme dans d’autres contrées. Parmi ces dépressions primitives les, uness ont fermées de tous côtes et présentent des conditions favorables pour la formation des lacs temporaux et des salines; les autres s’unissent, par une rangée de dépressions en forme de chaîne, avec les vallées fluviales, en leur servant parfois de commencement ou de source. Quelques unes de ces dépréssions, grâce a une alti- tude absolue plus considérable et aussi a 1 âge plus ancien de^ la localité correspondante, se sont, couvertes depuis longtemps d’un réseau de ravins qui se transforment à la suite des siècles en ra- vins larges et secs (balki) et mêmes en vallées fluviales, s’enfon- çant parfois à la profondeur de 30 sagènes et plus dans la terre ferme du gouv. de Poltava. La manière de la formation de ces éboulements, ravins etc., de leur croissance et de leur transformation en balki et en rivières a été étudiée par nous dans un travail spécial: «Sur les modes de la formation des vallées fluviales de la Russie d Europe». 1 oui le moment, nous nous permettons de nous arrêter exclusivement sur le fait que les vallées fluviales, ayant des dizaines de sagenes de profondeur et quelques verstes de largeur, n’ont pu se foi mer tout d’un coup, qu’il devait y avoir un temps où le lit de la rivière a commencé à se former, quand il a été constitué d’abord par le loess, puis — par l’argile rouge à blocaux, par des marnes d’eau douce, par des argiles bigarrées et enfin par des sables blancs des argiles glauconites. — 216 Pour le géologue-spécialiste, il suffit de jeter un coup d’oeil sur la forme des vallées fluviales de la plaine russe, et surtout sur les terrasses de leurs rives , pour se convaincre de la nécessité de l’ordre cité de leur développerneut. Ces terrasses (ordinairement trois, quelquefois plus) sont disposées par degrés sur les ri- ves gauches à pontes douces de nos rivières. Donc il devait y y avoir une époque oii le niveau du Dnièpro, de la Vorskla, de la Soula etc. était plus haut que le niveau actuel, de quelques di- zaines de sagènes, — quand tout leur lit se trouvait dans le loess, atteignant seulement les argiles à blocaux, mais non pas les sables et les marnes à eau douce, d’autant moins encore les argiles bigar- rées. La conséquence naturelle d’un tel fait devait être le niveau plus haut des eaux du soul-sol dans le gouv . de Poltava et l’abon- dance des eaux en général. Cependant l’abaissement successif des eaux souterraines n’a pas été dû seulement à l’approfondissement du lit des vallées flu- viales; il a été produit aussi pas V élargissement des vallées sans proportion avec la quantité des eaux actuelles, de sorte qu’une rivière, large d’une ou de quelques dizaines de sagènes, a quel- quefois une vallée large de plusieurs verstes et même de dizaines de verstes. Un tel développement en profondeur et en largeur a dû être suivi souvent par V encombrement du lit, surtout dans le cours bas, par différentes alluvions, par la diminution de la vitesse du courant qui changait le cours direct en zigzags , se divisait eu bras et puis en lacs et marais isolés, se réunissant seulement pen- dant les courtes débâcles. Comme conséquence de ce qui vient d’être dit, l’aire de la vaporisation et de la filtration doit augmenter, et la vie de la rivière s’éteint peu à peu, même si la quantité annuelle des précipités atmosphériques reste la même. Il faut remarquer cependant queues rivières de la Petite Eussie ne peuvent pas toutes se vanter d’un passé florissant , de la force et de l’énergie de leur jeunesse. Plusieurs n’ont eu probablement rien de pareil, n’ont eu ni la période de l’enfance, ni celle de la jeunesse ou de l’adolescence; elles sont nées vieilles , n’ont jamais eu la force de creuser leur lit, même dans le loess. Des pareilles ri- vières n'ont pas, à proprement dire, leur lit propre et des rives déterminées; elles profitaient, et profitent encore des dépressions et des gouttières naturelles faites par le glacier, en les remplis- sant seulement de plus en plus par les alluvions. On rencontre en Petite-Russie beaucoup de petites rivières avec des noms tels que: Vallée seche (Soukhaïa dolina), Orjitsa seche, Lipianka seche, Goltva seche , Sans-eau (Bezvodovka), « Celle gui ne coule pas» (Nc- tetcha); « Celle gui ne bouge pas»-, Bouillée (Rjavets); Pourrie (Gui- — 217 — litsa), ï Née-wveugle » (Slieporod), Salée , Demi-lac , « Marais à cochons* (Svinotope); Les Gués (Brody); ^ Sans- queue* etc. Les rives de ces petites rivières forme'es de loess sont quelque- fois des rives élevées et même abruptes, ce qui témoigne de la force temporaire du courant pendant les débâcles prinlannières et à la suite de fortes pluies de l’été, répétées pendant des siècles et des millénaires. En décrivant quelques restes do la steppe vierge dans la par- tie méridionale du gouv. de Tambov, Mr. Ignatiev fait l’obserwation suivante. «La surface de la steppe est toujours horizontale et par- semée d’une multitude de dépressions peu profondes et arrondies, de différentes dimensions, séparées par de petites élévations peu sensibles. Toute l’eau des pluies et de neigee se ressemble dans ces dépressions, les comble et les transforme en une multitude de pe- tits marais ou de mares, qui durent ordinairement très peu de temps. Quand la neige fond et que le sol devient mou, ces itoares disparaissent; quelques unes restent jusqu’au commencement de mai, mais il y en a peu qui durent jusqu’à la moitié ou la tin de l’été». La végétation se développe en rapport avec ces mares; «les places qui sèchent vite sont couvertes d’herbe, celles qui restent un peu plus sous l’eau — de saules nains et celles qui ne sèchent pas pendant longtemps ou ne tarissent jamais sont entou- rées parfois d’arbres, surtout de trembles». Des dépressions analogues ont été constatées par divers observa- teurs dans les districts de Rylsk et de Somny, sur les Erghenis et dans le gouv. de Kiazan, dans les steppes des districts de Kir- sanov et de Kozlov etc. Enfin, on les a constatées, lors de la der- nière expédition pour l’étude du sol du gouv. de Poltava, dans les districts de Poltava, de Gadiatch, de Romny, de Mirgorod, de Loubny, de Khorol etc. On ne les trouve pas partout, et elles sont beaucoup plus fréquentes et plus profondes sur les sols vier- ges, non-labourés, que sur les vieux champs. La flore de ces dé- pressions diffère de celle des steppes environ ann tes, et se rpproche même parfois de la flore des marais. Mais l’influence la plus évi- dente est exercée par ces dépressions sur les eaux du sol et du sous-sol. «Pendant les hivers neigeux, dit Mr. Ignatiev, — la neige s’entasse dans les dépressions entourées d’arbres ou d’arbustes. Au printemps, quand la neige commence à fondre, l’eau ne se montre pas pendant longtemps sur la surface, parce qu’elle est im- bibée de neige. Par conséquent, une partie considérable de la steppe se débarasse de la neige, avant que l’eau remplissant les dé- pressions, les déborde. En cherchant passage dans les ravins, l’eau rencontre à chaque pas de nouvelles dépressions, et, en les com- blant, perd le temps et la force, de manière qu’elle est engloutie — 218 ' — par le sol avant d’atteindre le plus proche ravin. En résultat, la steppe viei’ge ne présente pas au printemps de courants et de ruisseaux, tandis que sur les vieux champs labourés, ces ruis- seaux courent dans toutes les directions, tapagent, écument et emportent de le terre. Une quantité considérable de l’humus fécond du tchernozème est emportée de cette manière des champs, et il se forme un commencement de réseaux de ravins. En revanche, la steppe vierge ulilise presque toute l’humidité atmosphérique, le niveau de ses eaux du sol est plus haut, les sources sont plus nombreuses et plus constantes, par conséquent la végétation est ici de beaucoup plus fournie, même dans les années exclusi- vement sèches, quand tout à l’entour est brillé par le soleil. Mais le tableau change bien vite si la steppe ou la lbrèt vierge est convertie en champ labouré. Grâce aux instruments d’agriculture d’une part et à l’activité érosive des eaux atmosphériques d’autre part, les dépressions se comblent peu-à-peu, leurs seuils de sépa- ration s’abaissent et la surface du sol s’égalise. La capacité des dépressions devient moindre, de sorte qu’elles ne peuvent plus con- tenir la même quantité d’eau qu’auparavant. Le surplus de l’eau, en passant par des sillons (qui se forment facilement partout, pen- dant les fortes gelées et les chaleurs) se transvase dans les dépres- sions voisines, les comble, se transvase de nouveau etc., jusqu’à ce qu’elle atteigne la pente d’un ravin. Le commencement d’une ravine est fait; avec le temps cette ravine s’agrandit, s’élargit, la dépression formée disparaît, la localité devient accidentée, ravineuse, la neige commence à s’entasser non dans la steppe, mais dans les ravins, le niveau des eaux du sous-sol s’abaisse, et le tout est suivi par les conséquences fâcheuses connues... III. Le sol des steppes; le tchernozème, les sols de forêts, solifères etc. Les sols qui couvrent la surface de la terre d’une couche plus ou moins mince peuvent être divisés en normaux , ceux qui gisent sur le lieu de leur formation et conservent, à peu près, leurs qua- lités primitives, et anormaux , plus ou moins remaniés ou trans- portés sur d’autres places. Les premiers se forment sous l’action réciproque des facteurs suivants: du sous-sol, du climat, des organis- mes végétaux et animaux, de l’âge du pays et du relief de la localité. Là, où ces conditions variées restent les mêmes, les sols sont aussi identiques ; là où elles sont différentes, les résultats de leur acti- vité ne peuvent pas être les mêmes. — 219 — En nous guidant par ces considérations et en nous arrêtant exclusivement aux types les plus importants des sols normaux, nous voyons que dans nos steppes, les types les plus répandus sont les suivants: les tchernoz'emes (terres noires: d’argile, sub-argile, de marne etc.); les sols de forêts (plusieurs types aussi), les terres soliferese t les sables. La constitution, la physique et la géologie de ces sols sont différents, ainsi que leur importance éconotnique-rurale. Le relief, la végétation et l’âge du pays ont une influence ca- pitale sous ce rapport dans la Petite-Russie; c’est pourquoi il faut porter surtout notre attention sur ce côté de la question. On distingue au centre de la Petite-Russie trois types princi- paux du relief: a) las plateaux plains, servant de seuils du partage des eaux; b) les pentes douces vers les rivières et les ravins (balki) et enfin — c) les plaines basses le long des rivières. Par conséquent on rencontre ici trois espèces de sols prédominants, les tchernoz'emes plus ou moins argileux des plateaux, — les tchernoz'emes plus ou moins sableux des valleés et les sables des plaines basses alluviales des rivières. Mais, pendant les que sables et les sols des plaines basses des rivières en général, présentent une uniformité remarquable, de même que leur végétation, dans tout le gouv. de Pollava, comme dans les gouvernement voisins,— les sols de tchernozème diffèrent sen- siblement dans diverses régions. Ayant comparé plus île 500 ana- lyses chimiques, concernant la quantité de la matière organique dans les sols de Poltava, j’ai trouvé que les tchernoz'emes les plus gras et les plus riches en humus se trouvent dans les districts de Constantinograd, de Zenkov, de Poltava etc., où prédominent ies altitudes de 70—90saqenes-, les sols de terre noire les plus pauvres en matières organiques ont été trouvés dans les districts à bas niveau, le long du Dniepre, ceux de Kobeliaki, de Krementchoug, de Zolotonocha. et de Peréiaslav, avec des altitudes de 40 a GO sag'ènes; enfin, les districts moyens par leurs altitudes sont couverts par des sols moyens par rapport à la qualité de leur tcher- nozème. Si nous ajoutons encore que V âge de la moitié orientale du gouvernement de Poltava est plus ancien que celui de la par- tie occidentale ou du Dniépre, il nous sera évident qu’entre les qualités du tchernozème et les altitudes, le relief et P âge de differen- tes régions du territoire en question, il existe un rapport génétique intime. On constate aussi des rapports constants , encore plus évidents, entre les qualités des sols et leur végétation, surtout celle d’autre- fois. Si une forêt d’arbres à feuilles croît sur un sol d’argile, de marne etc., p. ex. sur le loess, l’argile à blocaux etc., et si cette végétation de forêt reste ici un temps assez prolongé, elle agit sur — 220 — la roche du sol et la change, de manière qu’en définitive il se forme un sol spe'cial, aussi constant et caractéristique pour la forêt, que le tchernozème pour la végétation herbacée des step- pes. En comparant ces sols de foret avec les tchernozemes de cette région, nous ne trouvons entre eux aucune différence constante, déterminée et essentielle, ni par rapport à la constitution chimique et minérale, ni au point de vue de leur qualités physico-mécani- ques. Il y a encore moins de différence entre les sols de forêts et les tchernozemes d’après les qualités de leurs sous-sols, ce qui se comprend aisément, vu que les uns et les autres sont déposés par- fois dans un voisinage immédiat, sur le même loess typique ou sur J’argile à blocaux. En revanche, chacun peut discerner d'un coup d’oeil les sols de forêts et les tchernozèmes d’après leur structure extérieure. La différence se voit surtout dans les sections verticales des sols et principalement dans la couche dite de transition , qui com- mence à la profondeur de */ s — 1 pied (ordinairement elle n’est pas labourée) et consiste, pour les sols de forêts, en globules irrégu- lières grises , de la grosseur d'une noix , remplies et couvertes par une substance spéciale, fine, cendrée, dont on ne trouve aucune trace dans le tchernozème de steppe. Si ces sols commencent à être labourés, la couleur des terres de forêts est toujours deux ou trois fois plus claire que celle des terres voisines de tchernozème. En outre, on ne rencontre jamais sous les sols typiques des forêts, dans leurs sous-sols, des taupinières (des trous de taupes, de marmottes et d’autres rongeurs des steppes), et sur leur super- ficie — des kourganes de steppes, qui entourent ordinairement les por- tions anciennes des forêts. Grâce à cette méthode de l'investigation des sols qui permet de résoudre la question des forêts d’autrefois, non seulement par rapport à leur existence , mais aussi à leur aréal, il nous a été possible, à Mr. Gheorgievsky et à moi, de montrer qu’à une époque ancienne, évidement 'préhistorique, les forêts avaient occupé dans le district de Poltava, sur la rive droite, toute de steppes, de la Vorskla, un aréal très considérable, de 40 à 43 verstes en lon- gueur et à peu près de 15 — 17 verstes dans la plus grande largeur. Ces forêts confinaient au nord avec le gouv. de Kharkov, à l’ouest et au sud — avec J es steppes de tchernozème et à l’est elles avoisi- naient la rive haute, abrupte de la Vorskla et leur poïma (plaine basse), couverte par places encore maintenant de forêts. En un mot, les anciennes forêts de la Vorskla ont occupé, autrefois, un aréal de 60 — 70 mille de dessiatines au moins, tandis que leurs restes actuels (près de la Dikanka et la Matcheha) couvrent tout- au plus une aire de 12 — 14 mille dessiatines. — 221 Grâce à ces investigations, nous savons maintenant que les sols des forêts ont occupé dans le district de Poltava jusqu’à 34% de l’aréal total (à présent elles occupent seulement 7%), dans le district de Romny — 28% (maintenant — 9%), dans celui de Loub- ny — 30% (maintenant — 4%) etc. Il est instructif que nous ne trouvons aucunes traces de sols typiques des forêts (avoc la couche des globules grises), et même de sols de transition, de la steppe-forêt, — dans les districts de Kre- mentchoug, de Kobeliaki et de Zolotonocha, nonobstant que ces districts avoisinent la plaine basse du Dnièpre, qui a été couverte de forêts depuis des siècles; en revanche ces districts sont au niveau le plus bas (40—60 sagènes) et ceux de Krementchoug et de Ko- beliaki sont encore riches en salines. En général, on peut affirmer que dans le gouv. de Poltava les sols de forêts ne descendent pas, moins de 65 sagenes à peu près au-dessus du niveau de la mer. Cette altitude avait été une limite fatale pour les forêts anciennes, qu’elles n’ont pas osé dépasser, quoique tout près, sur les plaines basses de rivières (poïmas) et sur les sables voisins, les forêts épais- ses croissaient très bien. Ainsi, entre les qualités des sols d une part et l’altitude et l’âge de la localité d’autre part, il existe ausssi un rapport constant, de sorte que la distribution de ces sols est aussi sujette à des loix strictes. La géographie des plaines salines (solifères) présente une toute autre distribution, dépendant de conditions essentiellement différen- tes. Les sols solifères occupent un aréal très considérable dans le gouv. de Poltava, principalement dans les districts de Kobeliaki, de Krementchoug, de la moitié sud-ouest de ceux de Khorol, de Peréiaslav, et dans les parties voisines de ceux de Prilouky, de Piriatine et de Loubny, — en général dans toute la bande large de steppes du Dnièpre qui ne descend pas à moins de 65 sagenes au dessus de la mer , et n’a pas moins de 40—50 versl.es de largeur, sans compter la pointa du Dnièpre. Ici les sols solifères, intercalés avec les sols d’eau douce et avec les marais demi-salés, occupent par places des aires très grandes, une superficie d’une dizaines do verstes. En revanche, l’aréal des salines diminue avec l’élevaton du pays, surtout dans les districts voisins du gouv, Kharkov. Une saline typique du gouv. de Poltava présente la constitu- tion suivante. Sur 1a. surface est déposé une croûte blanche , mince, très sableuse, et au-dessous une masse-visqueuse en temps humide et presque pierreuse en temps sec, se divisant parfois en deux hori- zons, — celui de dessus — d’une structure colomnaire, moins colorié de humus, et celui de dessous presque totalement noir. Une couche de marne à grains fins (jusqu’à 17% de chaux), d’une grosseur de 5 pieds, d’une formation évidemment récente, très visqueuse à l’état 222 humide et presque pierreuse après le dessèchement — forme ordi- nairement le sous-sol. Encore plus bas git, dans la majorité des cas, le sable blanc quartzeux, parfois plus ou moins calcareux. Les eaux du sous-sol. quelquefois très minérales, se tiennent sur les sa- lines presque toujours dans le sable mentionné, ordinairement à la profondeur d’une sagène, ce qui dépend de l’existence dans le sous-sol profond sableux d’une couche intercalée, assez compacte, cimentée par l’oxyde de fer. Pour en finir avec les sols, il suffit d’ajouter que dans le gouv. de Poltava, comme partout, sur les pentes abruptes des rives droi- tes hautes de rivières (de la Vorskla, de la Soûl a etc.), et en partie le long de leur pied s’étendent des bandes plus ou moins étroites et interrompues, de sols anormaux, envoyant des embranchements nombreux dans la plaine basse (poïma) et dans la steppe. Ici, par- fois sur une dessiatine de surface on peut rencontrer du tcher- nozeme des plateaux (ordinairement remanié), du tchernozeme sableux, du sol solifere, du sable des rivières, et même les sorties du loess, de Vargile à blocaux, des marnes d'eau douce , des argiles bigarrées, et des sables blancs quartzeux , mais plus souvent des mélanges variées de toutçs ces formations. Si nous ajoutons encore les variations in- nombrables du relief, de l'insolation etc., il est facile de se former une idée suffisante de la diversité infinie des conditions naturelles, propres aux pentes des rives hautes de nos rivières. Enfin, pour ce qui concerne les périmas (plaines basses) de ri- vières, elles sont occupées par les sols alluviaux, les plus divers, avec des dépôts de marais et de sables intercalés. Ces derniers, représentant, dans la majorité des cas, les restes des sables blancs tertiaires, passent parfois sur la seconde terrasse et, re- maniés par le vent, forment ici des dunes. En plusieurs places, sur les rives du Dnièpre, de la Vorskla etc., on peut voir que ces sables, maintenant nus et mouvants, ont été recouverts autrefois d’une vé- gétation continue, tantôt herbacée, tantôt même de forêts. Ainsi, il y avait un temps, quand on pouvait passer de Poltava à Kremen- tchoug non par la même steppe aride que maintenant, qui rap- pelle eu quelques endroits le désert de Sahara. IV. La végétation des steppes. La végétation sauvage du gouv. de Poltava se distribue con- formément à la hauteur absolue et à l’âge géologique des localités, au caractère du relief et à la qualité du sol. Elle peut être divisée, — 223 — d’après les nouvelles recherches de Mr. le prof. Krassnov, en deux régions: celle de V ouest , des plaines basses, et celle de l’est , de la partie la plus élevée. Les formations végétales sont caractérisées d’une ma- nière plus tranchée dans cette dernière, tandis que dans la région basse du Dnièpre, elles sont plus mêlées. Les parties les plus élevées ont une llore plus riche et présentent des espèces plus rares; comme cen- tres de la dispersion de ces formes rares, on peut indiquer le dis- trict de Constantinograd, la partie- nord du district de Poltava, et des districts de Zenkov et de Kobéliaki; plus à l’ouest, les formes rares se rencontrent seulement à l’état sporadique et toujours sur les points les plus élevés des districts de Mirgorod, de Romny et de Loubny. Indiquons les traits principaux des différentes formations végé- tales du territoire en question. Les steppes (prairies). Les restes insignifiants de la flore typi- que de steppes, qui couvrait autrefois les plaines de la terre noire du gouv. de Poltava se sont conservés jusqu’à présent. Dans les lo- calités les plus typiques du développement de cette flore, les formes les plus caractéristiques de steppes (Stipa peunata, St. capillata, Campanula sibirica, Falcaria Rivini, Gypsophila paniculata etc.) sont devenués beaucoup plus rares, même que dans les points ha- bités du gouv. de Nijni. Des bandes étroites entre les anciens champs abandonnés, des kourganes, épargnés encore par la charrue du laboureur, des pentes abruptes de ravins et de vallées fluviales, dans les districts du Dnièpre, et quelques arpents de la steppe vierge, conservés par hasard et qui attendent chaque année leur dispari- tion définitive,— voilà ce qui est resté de la flore riche et bien ca- ractérisée qui attirait autrefois des hordes de nomades. Les steppes décrites si poétiquement par Gogol seront bientôt aussi éloignées de la réalité contemporaine, que la Setche cosaque, en aval des rapides du Dnièpre. La seule localité, où se sont conservées par places les steppes vierges, se trouve dans la partie la plus orientale du district de Constaninograd, dans les propriétés de M-r. Stroukov et Bezak. Ici, jusqu’à présent, au milieu de la steppe sèche, vaste, infinie • — croit la Stipa peunata, haute jusqu’à la cein- ture de l’homme, et la Caragàna frutescens, l’Amygdalus nana et le Prunus chamaecerasus forment de vastes buissons très épais, qui résistent avec succès au bétail et a 1 homme; ici ou voit encore une multitude de marmottes, on rencontre l’Otis tarda et le boback préhistorique. A l’exception de deux ou trois chaumières de bergers, qu’on apperçoit à l’horizon, et de quel- ques rares kourganes de steppes, sur les points les plus élevés, l’oeil ne voit ici rien qui puisse fixer l’attention. Il n’y a ni _ 224 — rivières, ni lacs, ni villages, ni collines, ni même de ravins, — sur des dizaines de kilomètres, et quelquefois jusqu’à 1 horizon. En décrivant les steppes-vierges (semblables) du gouv. de Tam- bov, Mr. Ignatiev fut frappé par la multitude d’exemplaires d’une même espèce végétale. Parfois, la steppe apparaît de loin recou- verte d’un tapis si épais de certaine plante qu’elle semble exclure tout autre végétation, tantôt elle est couverte de taches lilas,— ce sont les fleurs des Anémones; tantôt on voit des grandes taches azur — ce sont les Myosotis etc. Il est remarquable que dans ces steppes vierges, même dans les années particulièrement sè- ches, la récolte du foin ne donne pas moins de 80 pouds par arpent. , Une végétation herbacée encore plus puissante revêt, u apres les descriptions de M-rs. Middendorf et Krassnov, les steppes vierges de la Baraba et de l’Altaï. Sur les limites nord et est de la Baraba, Middendorf a vu des steppes, oh on pourrait se plonger dans une iner d’herbes... Le Sedum, le Mélampyre, le Mil- lefeuilles, la rose (1, 5 m. de hauteur) et plusieures autres plantes sont tellement entrelacées par le Latyrns et d’autres plantes grim- pantes, que c’est avec peine que vous pouvez faire cent pas à travers cette épaisse verdure. Au dessus de ce feutre d’herbes se font voir les têtes rouges de la Sanguisorba, — les têtes rouges et jaunes des hautes Syngenesiae, l’ortie, dont les pointes sont plus hautes que la taille d'un homme les bras levés, — le Heracleum qui a jusqu’à 2, 2 m. de hauteur etc. Il n’y a pas de doute qu’un épais tapis végétal semblable couvrait autrefois toute la. superficie du gouv. de Foltava. Les vieux paysans racontent que les herbes étaient alors comme dés arbres, que la stipe plumeuse et autres plantes atteignaient a la hauteur de la poitrine et même de la tête d’un homme debout, et que ha rosée était alors si abondante qu’elle coulait comme de l’eau... « Au commencement de l’automne, cette mer végétale depéi’it peu à peu, les herbes s’inclinent et s’entrelacent. Pendant 1 hiver, la neige les presse définitivement contre le sol, seulement quelques tiges les plus vigoureuses s’élèvent encore au dessus de ce feutre. L’année suivante pousse une nouvelle génération, qui a le même sort, et. ainsi de suite. Au bout de quelques années la steppe vierge prend l’aspect suivant.: toute la surface est couverte par les tiges mortes à différents degrés de décomposition, la couche inférieure, la plus vieille, presque décomposée, repose sur le sol, ou plutôt sur l’humus formé par l’herbe entièrement décomposée; la couche des tiges des générations postérieures, qui ne se sont pas encore arrachées de leurs racines, recouvre les couches plus vieilles et les empêche d’être emportées par le vent. L’immobilité de tout ce tapis — 225 — mort est garantie encore plus par la végétation nouvelle qui pousse partout à travers, pendant l’été». Cette description caractéristique de l’observateur competent des steppes de Tambov rend compte de la formation de notre terre noire; elle est confirmée par les observations que nous avons faites postérieurement sur les steppes du gouv. de Poltava. Le fait de l’existence sur les steppes vierges du même feutre végétal que dans les forêts vierges change essentiellement la question du procès de l’accumulation de l’humus dans la terre noire et éclaircit en même temps l’économie des eaux d’autrefois dans les régions des steppes de la Russie. Il paraît d après les obser- vations de Mr. Ignatiev, que pendant l’hiver le sol de la steppe vierge gèle probablement à une moindre profondeur et que pen- dant le printemps il dégèle beaucoup plus tard que dans la steppe fauchée ou mise à nu d’une autre manière. Secondement, sur les steppes vierges, grâce à l’existence d’un feutre végétal friable et d’une végétation abondante pendant l’été d’une part, et au relief caractéristique des steppes d’autre part, l’eau de printemps et des pluies est retenue beaucoup plus que sur les champs, tertio, il est évident, d’après les expériences de l’agronome Izmailsky, que les différents sols absorbent l’eau du printemps et des pluies d au- tant plus et la font évaporer d’autant moins que la structure de ces sols se rapproche de la grenue des sols vierges du tchernozème des steppes. De là résultent plusieurs faits importants, dont nous n’indiquerons que deux. Sur la steppe vierge on n’apercevoit pas de grands courants d’eau ni au printemps ni après les pluies, tandis que sur les champs labourés les grandes torrents se précipitent et coulent dans toutes les directions. Sur les steppes à stipe plumeuse qui n’ont jamais été labourées, les ravins et les fondrières se forment très lentem - nt. En un mot, la végétation vierge des steppes a dû avoir la meme influence que les forêts sur l’économie des eaux. Mais s il en est ainsi, -remarque justement Mr. Izmailsky, -il n’est pas necessaire d’admettre le changement du climat dans la région des steppes, pour expliquer: a) la moindre quantité d eau dans le so ccl tb ît^ion et b) les mauvaises récoltes produites si souvent par la sécheresse, parce que le changement seul de la qualité de la sui ace i es steppes d’autrefois, grâce à leur défrichement et à leur condensement à cause du pâturage des troupeaux de brebis et d autre bétail, a nu changer complètement le degré d’humidité de ce sol. «Je crois, conclut l’auteur cité, -que la steppe d'autrefois avec sa végétation gigantesque a dû avoir pour la contrée la même influence que celle qu’on attribue aux forêts». 15 — 226 Les forêts des steppes et des rivières. Les forêts constituent dans le gouv. de Poltava une formation végétale fondamentale et pro- bablement, aussi ancienne que les steppes à stipe plumeuse. Ce- pendant, avant d’essayer la restauration de l’aire des forêts, il faut dire quelques mots sur l’état actuel de la question des forêts en général, d’autant plus que cette question est posée souvent d’une manière peu précise et peu scientifique. Premièrement, il faut distinguer deux types de la végétation de forêts: les forêts des vallées de rivières et les forêts des plaines sèches de steppes. Les premières, celles des vallées, croissent dans les conditions excep- tionnelles quoique partout uniformes et tout autres que celles des steppes voisines, de sorte que ces portions de forêts n’ont aucun rapport avec la question des forêts dans la région des steppes. Déjà Mr Schrenk et dernièrement Mr. Kilman ont constaté que les forêts s’étendent par les vallées de rivières jusqu’à la région de la toundra du nord. On sait depuis longtemps que, même au milieu du Sahara, on rencontre des arbres partout où il y a de l’eau. On sait aussi que les fleuves tels que le Dniestre, le Dnièpre, le Don, le Volga inférieur, l’Oural, puis le Salado dans la Plata, le Nil blanc et la Khora en Afrique etc. sont couverts d’arbres sur leurs rives, même là, où tout autour à des dizaines de kilomètres s’étendent les steppes et même les déserts. On peut citer, comme l’exemple le plus frappant sous ce rapport, la célébré Hylée d’Hérodote (bande de forêts le long du Dnièpre) qui a porté plusieurs savants à supposer que nos steppes du sud étaient autrefois couvertes partout de forêts jusqu’aux rivages de la mer Noire et de la mer d’Azov. Ainsi, on comprend qu’expliquer l’existence des forêts dans les vallées de rivières n’est pas la même chose qu’expliquer leur absence ou leur apparition sur les steppes sèches voisines ; ce sont deux phé- nomènes tout différents, qui peuvent exister l’un sans l’autre, — en tout cas les forêts de rivières sans les forêts de steppes. Ce qui arrive souvent dans le gouv. de Poltava. La flore des forêts de rivières présente partout un caractère très mêlé ; c’est un mélange très varié de formes locales et venues d’autre part, — de la végétation des marais, de la steppe, des prés, — de représentants des espèces à feuilles et de conifères, d’arbres très hauts et d’arbustes de petite taille, même de plantes solifères, tous dans les groupes les plus bizarres et les plus inconstants. Cette particularité se comprend aisément; ici, sur les bords des rivières, presque toutes les conditions physiques de la vie des plantes, p. ex. le sol, l’humidité, l’insolation etc. changent rapidement, même à petites distances... En revanche, après avoir étudié ces changements sur un point quelconque de la vallée, on peut être sur qu’en 227 somme les mêmes conditions se répètent dans toute la vallée, sou- vent sur une étendue d’une dizaine de dégrés de lafidude. Grâce à ces conditions particulières et à l’abondance des sols riverains (principalement — sables et alluvions marécageuses), de l’eau, surtout au printemps, les forets de rivières ne sont guère sous la dépendance des conditions climatériques locales et se distin- guent d’une manière frappante des forêts de la steppe sèche voi- sine. C’est ce qui a été prouvé par le prof. Krassnov pour le gouv. de Poltava. D’après les raisons mentionnées et en considérant la distribu- tion contemporaine de la végétation de forêts dans les vallées de rivières, on peut affirmer positivement, surtout en vue de plusieurs données historiques indubitables, que dans les temps préhistoriques toutes les vallées de rivières de nos steppes, au moins toutes celles dont les commencements se trouvent dans la région des forêts de la Russie, ont été révêtues par une végétation de fo- rêts mêlées, jusqu’à la mer Noire et la mer d’Asov. Il suffit de rappeller l’existence indubitable autrefois de la Hylée d’Hérodote, à l’embouchure du Dnièpre et des forêts de l’isthme de Pérékop. Mais ces forêts, nous le répétons, peuvent n’avoir aucun rap- port à la flore des steppes et déserts voisins, qui pouvait être la même depuis des temps immémoriaux... Pour comprendre le caractère de la forêt-steppe , ou de la zone du passage entre la région des forêts et celle des steppes, il faut porter son attention sur les forêts de steppes qui croissent au milieu de plaines sèches , sans eau, — il faut y étudier les con- ditions de la vie végétale et puis tacher de reconstruire la région ancienne, — on pourrait dire naturelle — de la distribution de ces forêts, et c’est ce que nous essayerons de faire par le suite poul- ie gouv. de Poltava. Un exemple classique de forêts semblables qui existent encore, ce sont les forêts de la DilcahJca (à peu près 2000 dessiatines) qui appartiennent au prince de Ivotchou- bey et se trouvent dans le district de Poltava, limitées de trois cotés par la steppe de terre noire et du quatrième par la rive droite et élevée de la rivière Vorskla. Les conditions orographiques et géologiques de la localité en question sont typiques pour la steppe; la même plaine remarquable, le même loess caractéristique du sous-sol, la même profondeur des puits; ce n’est qu’à la distance de 1 — 2—3 verstes de la rive escarpée de la Vorskla, que recom- mencent les collines, les éboulements, les ravins, et sur leurs fentes les argiles rouge-brunes (sans blocs erratiques), les marnes d’eau douce, puis les argiles bigarrées de différentes couleurs et enfin les sables blancs quartzeux. 15 * — 228 — D’après le caractère général de la flore, le forêt de la. Dikanka peut être divisée en deux moitiés: la partie occidentale, nommée foret de Nicoïaïev, voisine des steppes de terre noire et située sur la plaine tout à fait unie, et la moitié orientale , voisine de la VorsJcla, plus élevée et plus accidentée. Les espèces dominantes de la forêt de Nicoïaïev sont: le chêne (Quercus pedunculata et— sessiliflora), l’érable (Acer platanoides, eflusa, suberosa), Acer ta- taricum, le Irène, Salix caprea, 1 i lia europaea et très rarement le peuplier, Populus tremula; le bouleau est tout à fait absent et on rencontre rarement un pommier ou un poirier sauvage', enfin, comme rareté extrême, on peut voir quelques exemplaires du charme (Carpinus Betulus). Toutes ces espèces, à l’exception de l’Acer tataricum, se pré- sentent comme des arbres aux tiges très hautes , avec des couronnes de feuillage admirablement développé, qui forment pendant l’été des tentes épaisses de verdure, où chante et gazouille toute la journée un essaim d’oiseaux innombrables. Jusqu’en 1888, on pouvait y voir des souches de chênes, ayant plus de 2 mètres de circonférence. Mentionnons ici que, dans ces dernier temps, Mr. Evarnitsky a rencontré beaucoup plus au sud, sur l’île célèbre de Khortitsa (la Sètche des Cosaques, en aval des rapides du Dnièpi-e) une souche de chêne, ayant jusqu’à 3 mètres de circonférence. Le même auteur raconte que, dans le forêts de la Samara, affluent du Dnièpre, se sont encore conservés «des pins ayant 4 mètres de circonférence et des chênes— jusqu’à 6 mètres». Ces forêts s’étendent sur les deux rives de la rivière à la distance de 100 verstes et consistent en chênes, pins, érables, l'rênes, tilleuils etc. Dans les forêts de la Samara, que connaissait déjà Bauplan, on a trouvé une corne du Bos primigenius. Des arbustes à hauteur d’homme et parfois tout-à-fait impé- nétrables se développent à l’ombre des grands arbres de la forêt de Nicoïaïev, et sont un autre trait caractéristique de la forma- tion des forêts à larges feuilles. On recontre parmi ces arbustes les espèces suivantes: le noisetier (Corylus Avellana), le bonnet de prêtre (Evonimus europaeus, Ev. verrucosus), le Cornus sangui- nea, et sur les lisières: des Crataegus oxyacantha, le prunellier (Prunus spinosa), l’églantier (Rosa eanina) et la Rhamnus cathar- tiea. Tous ces arbustes forment plutôt la. lisière de la forêt, le bas étaqe qui se conserve ordinairement après l’abatage des bois et qui renforce encore plus l’ombre produite par les abres, de sorte que sur le sol ainsi ombragé ne peuvent croître que quelques rares espèces d’herbes qui ne peuvent pas supporter l’action immédiate des rayons solaires. — 229 — «En passant à la partie riveraine de la forêt, — dit Mr. Krassnov, nous rencontrons un changement considérable dans le caractère de la végétation. Le charme, qui ne se rencontre guère plus à l’ouest, commence ici peu-à-peu à être l’espèce dominante dans la forêt et même déplace tous les autres arbes. Les tiges, grises et droites, atteignent jusqu’à 1,5 mètre de circonférence. Sur la rive escarpée de la Vorskla, la végétation de la forêt devient plus complété : ici on rencontre Dentaria, Vinca minor, Allium ursinum, Trifolium procumbens, rares dans d’autres localités du gouverne- ment; plus bas, sur les pentes sableuses, croissent: Pulmonaria azurea et Stachis germanica, et dans les ravins — les fougères: Pteris aquilina, Cystopteris fragilis et Polypodium. Les arbustes et la vé- gétation herbacée sont ici moins épais que dans la partie occi- dentale des forêts de la Dikanka>. D’après les observations du même savant, le type décrit des forêts de steppes se retrouve dans toutes les parties centrales du gouvernement, dans les districts de Poltava, de Mirgorod, de Loch- vitsy, de Khorol et de Loubny. Partout, la forêt s’appauvrit en formes dans la direction de la steppe; au contraire, elle atteint la majeure abondance de formes en approchant de la rive haute de la rivière, et parmi ces formes se rencontrent les espèces rares , qu’on ne trouve pas dans les autres districts. Eu considérant tout celà, Mr. le prof. Krassnov conclue que dans les parties E. et K. E. du gouv. de Poltava, qui sont plus élevées et plus anciennes dans le sens géologique, la végétation d’arbres prospère surtout sur les rives hautes des rivières et des ravins, où l’humidité s’imbibe des couches sous-jacentes. Ici, nous rencontrons la plus grande quan- tité de formes végétales de la forêt; ce sont, paraît-il, les centres de la distribution de la forêt, d’où elle se propageait vers les seuils du partage des eaux, en emeublissant le sol par ses racines et en formant la couche caractéristique de la couleur des noix. Les forêts de steppes se trouvent de nos jours exclussivement dans les districts dont la hauteur absolue ne s’abaisse pas au dessous de 130 mètres. Dans le district de Poltava, leur aréal occupe 3 %) dans celui de Romny — 7 u / 0 , dans celui de Loubny 2,7 °/ n de la surface totale. Au contraire, dans les districts de Ko- beliaki, de Krementchoug, de Zolotonocha etc., en général dans les steppes dont la hauteur absolue est moindre que 130 mètres, nous ne rencontrons aucune trace de forêts contemporaines des steppes. C’est d’autant plus instructif qu’à coté, le long des rives du Dnièpre, de la Vorskla, de la Soula, du Psiol et d’autres ri- vières, les forêts épaisses florissaient depuis des temps immémo- riaux, et par places se sont conservées même à présent, en formant quelquefois, sur la corniche des hauts rivages escarpés, des murs — 230 — de forêts, tranchés comme avec le couteau et qui se voient au loin de la steppe. Mais ordinairement, derrière ce mur commencent les kourganes, les trous de taupes et la terre noire typique. — les indices les plus sûrs des steppes anciennes. Ce mur pousse des reje- tons, ou des langues dans la direction de la steppe, seulement le long des ravins et à de petites distances. Un fait encore plus instructif pour nous, c’est, comme nous l’avons dit plus haut, qu'il n’y avait pas de forets anciennes, dans ces temps préhistoriques aussi bien qu’à l’époque historique, dans plu- sieurs districts le long du Dnièpre (de Kobeliaki, de Krementchoug, de Zolotonocha, de Piriatine etc.), en somme, dans toutes les steppes du gouv. de Poltava, pas plus hautes que 130 métrés au dessus du niveau de la mer, malgré le voisinage immédiat de quelque’unes d’entre elles avec les forêts riveraines du Dnièpre et d’autres ri- vières. Les forêts anciennes, comme on peut le voir sur la carte du gouv. de Poltava, ne formaient jamais une bande continue ou un vaste territoire, mais étaient dispersées, comme maintenant, par petites bandes et par ilôts isolés, sur les rives hautes de la Vorskla, de la Soula, du Psiol, du Khorol, de l’Oudaï et d’autres rivières, où, d’une coté, elles rejoignent les forêts riveraines, et de l’autre, à la distance de 1 — 10 verstes, sont remplacées par les steppes infinies de terre noire. Comme lieu classique pour l’étude des conditions orographiques et géologiques des lieux des forêts ancien- nes, peuvent servir les environs immédiats de la ville du Poltava (à 5—10 verstes de tous les cotés), sur l’emplacement de laquelle s’élevaient autrefois d’épaisses forêts, qui ont laissé des traces indu- bitables de leur existence sous la forme des sols typiques de forêts, qu’on peut constater dans chaque fossé de la ville. Ainsi le caractère d’îles, que présentent les forêts de la Petite- Russie dans la zone de la transition ou de V avant-steppe, est un phénomène tout-à-fait naturel et non pas accidentel ou temporel; on doit en chercher les causes uniquement dans les particularités physiques de la contrée, agissant constamment , et dans son passé géologique, mais non dans l’influence présumée des nomades, qui brûlaient, dit-on, les forêts, et encore moins dans leur abatage contemporain. Ce phénomène, — le caractère d’îles des forêts de l’avant-steppe de la Petite-Russie, — est aussi ancien et aussi conforme aux loix de la nature qu’un autre fait très instructif, consistant en ce que, dans le gouv. de Poltava, à coté de la flore typique de la steppe à Stipa peunata et de la flore non moins typique des forêts, on rencontre parfois sur une étendue considérable — la végétation solifère des absinthes, appropriée aux steppes salines mentionnées plus haut. Ce voisinage est d’autant plus curieux, qu’on a constaté récemment — 231 dans la même avant-steppe, près de Kharkov, de Voronège, de Bobrov, etc. l’existence de marais à mousses, avec la flore qui se rapproche de celle des toundras du nord... La flore des salines du gouv. de Poltava n’est pas encore étudie'e en détail cmnine elle le mérite. On sait seulement qu’elle est très typique et rappelle la végétation des salines humides du gouv. d’Asrakhan. Les salines se rencontrent seulement dans les steppes lasses du Dnièpre; dans les localités hautes de plus de 150 métrés, on ne les trouve jamais. La même obserwation a été faite par d’autres investigateurs dans les gouvernements d’Orenbourg, de Tcliernigov, dans la contreé de l’Oural et en Sibérie, de sorte que ce phénomène doit être regardé comme général, et sous la dépen- dance des conditions de leur formation et de leur existence. Quatre grandes formations végétales existent ainsi Vune à coté de Vautre , dans notre avant-steppe: la formation des forets, celle des steppes, — des salines et des marais-toundras. Nous sommes accou- tumés de rencontrer l’une de ces formations dans le nord froid et humide, sur les bords de l’océan glacial; l’autre — dans l’intérieur de l’Asie, privé de précipités presque pendant des années entières. Eu même temps, nous avons vu que toutes ces formations végétales occupent dans notre région de l’avant-steppe des lieux déterminés, auxquels s’applique une somme entière de particularités physiques et géologiques, comme: l'âge de la contrée, son relief ] ses sols, ses eaux souterraines etc. Comment pouvons nous expliquer ce voisinnage original de la saline, de la forêt, de la steppe et même de la toundra? Le climat n’a-t-il aucune signification dans la distribution de la végétation? La brillante hypothèse de Nehring sur le changement successif de la toundra en steppe et en forêt, n’est elle pas fondée, ou ne peut- elle pas être appliquée à la Russie? En un mot, comment pouvons nous comprendre et expliquer l’existence de la zone de V avant-steppe? En laissant à une autre fois l’examen de ce problème intéres- sant et de la question générale qui s’y relie, sur la signification du climat pour la végétation et vice-versa, je me bornerai ici à in- diquer seulement l’influence puissante que devaient avoir les forêts des steppes sur l’économie des eaux dans la région en question. Les faits suivants méritent surtout notre attention sous ce rapport. Les forêts, même les petits bocages ont de l’influence sur la quantité et sur la hauteur des eaux du sous -sol. Cette augmentation de l’humi- dité dans le sous-sol, dépendant de ce que les arbres retiennent plus de neige et de l’eau qui en provient, produit une abondance de sour- ces, nourrit les marais, les lacs, les rivières, et préserve les champs de la mauvaise influence de la sécheresse de longue durée. En même temps, les forêts défendent la localité pendant l’été du vent chaud — 232 — desséchant de l’est et arrêtent le mouvement des sables et l'érosion du sol. Le blé et l'herbe prospèrent mieux , même dans les années sèches, sous la protection des haies vives et des plantations de bois. L’aréal des forêts dans le gouv de Poltava étant autrefois beaucoup plus vaste qu’à présent, il n’est pas difficile de se figurer quelle diffé- rence profonde a du exister entre l’état des eaux souterraines et des rivières alors et maintenant. v. La faune des steppes. Les formes animales des steppes les plus typiques sont, d’après les données de Mr. le prof. Nicolsky, les suivantes Parmi les mammifères , habitent exclusivement dans les steppes: le hérisson Erinaceus auritus, Pall., le Corsak, Canis corsac.L. (entre le Volga et le Don); la marte sarmatique — Foetorius sarmaticus,Pall.;le bobak — Arctomys bobac, Pall; les marmottes — Spermophilus guttatus,Temm., Sp. musicus, Men., Sp. rufescens, Wagn.; le criquet — Cricetus fru- mentarius, Pall., Cr. accedula Pall. (entre le Volga et l’Oural), le terrassier — Fillobius talpinus, Pall., le rat-taupe — Spalax typhlus, Pall.; la gerboise — Alactaga (Dipus) jaculus, Pall., Al. acontion, Pall. (entre le Volga et le Don), le Myodes lagurus Pall.; le lièvre nain — Lagomys pusillus (maintenant seulement sur !e parcours de d’Oural); la saïga — Antilope saïga (entre le Volga et le Don, dans la steppe des Calmouks). Dans la classe des oiseaux sont caractéristiques pour les steppes 1 - Saxicola isabellina, Rüpp. (le bas-Volga), Anthus campestris, L., Melanocorypha sibirica, Gin.; Mel. tatarica, Pall.; Calandrella brachydactyla, Leisl., Cal. pispoletta, Mel. Aquila inogilnik, Gm., Hierofalco sacer, Gm., Perdrix cinerea, Lath., Grus Virgo, L., Otis tarda, L, Ot. tetrax, L., Glareola melanoptera, Nordm., Chettusia gregaria, Pall.; de reptiles: Eremias arguta, Pall., Elaphis sauromates, et El. dione, Pall. Mais nous avons vu que dans l’avant-steppe, les forêts occupent une place importante à côté de la steppe à la Stipe plumeuse. Dans 1 Ici nous ne parlons que de la Russie d’Europe seulement jusqu’au fleuve de l’Oural. Les montagnes de la Crimée ne sont pas prises en considération. • Les oiseaux aquatiques sont exclus. — 233 — ces îles de foi’êts se tiennent 3 4 : le lynx, Felis lynx L. *, la marte des forêts— Mustel a martes, Briss., la marte à gorge blanche, Mustela foina, Briss., le castor- Castor liber, L. (presque extirpé), le Loir, Myoxus glis, L., Myoxus nitela, Wagn., M. avellanarius, Gm., 1 écu- reuil — Sciurus vulgaris, L., le chevreuil — Capreolus capreolus, L., le cerf — Cervus elaphus, L. (dans les forêts de la Crimée habite l’espèce sibérienne: C. maral, Ogilby.) et l’élan Cervus alces, L. (rarement dans les gouv. de Kiev, de la Volhynie et de Icher- nigov). Du reste, il faut ajouter que la plupart des espèces de la Rus- sie méridionale habitent dans les steppes , aussi bien que dans les forêts ; telles sont parmi les mammifères : le hérisson — Ennaceus éuropaeus. L., la musaraigne — Crossopus fodiens, Pall., Crocidura araneus, Schreb., Cr. leucodons Herm., le desman Myogale mos- chata- L., (bassin du Don et du Volga), le talpe-Talpa éuropaea, L , (hormis la Crimée), le blaireau— Meles taxus, Schreb., le pu- tois — Foetorius putorius, L., l’hermine — Foet. erminea, L.,la belette Foet. vulgaris, Briss., la petite loutre-Foet. lutreola, L., la loutre — Lutra vulgaris, Erxl., le loup — Canis lupus, L., le renard C. vulpes, L., le lièvre blanc — Lepus timidus, L., le lièvre gris L. europeus, Pall., le Sminthus vagus, Pall., les criquets — Cricetus phae- us et Cr. arenarius, Pall., le rat — Mus decumanus, Pall. et. M. rattus, L., les souris — Mus musculus, L., M. hortulanus, Nordrn., M. sylvaticus, L. (habite aussi dans les forêts), M. minutus et M. agrarius, Pall.; les campagnols — Hypudaeus amphibius, L., Ar- vicola. arvalis et socialis, Pall., A. glareola, Schreb.; le san- glier — Sus scrofa, L. (dans les forêts et les roseaux des embou- chures de rivières). De reptiles ; les lézards — Lacerta stirpium, L., L. viridis, L. (hormis la Crimée), L. vivipara, Jacq.; Anguis fragi- lis, L., Pseudopus apus, Pall., Coronella laevis, Laur., la couleuvre Tropidonotus natrix, L,, T. hydrus, Pall.;— Lamenis trabalis, Pall., Coluber quadrilineatus, Pall., C. Aesculapii, Host., la vipère Vi- pera berus, L., la tortue — Cistudo lutaria, Mars.; la grenouille Rana esculenta, L., R. muta, Laur.; Alites obstetricans, L. (dans la Podolie, mais pas plus à l’est); Pelobates fuscus, L., Bom- binator igneus, Laur., Hyla arborea, L., le crapaud — Bulo vulgaris, Laur., B. viridis. L.; le triton-Triton cristatus, Laur., 3 Les cliauves-souris sont exclues. 4 L’ours, Ursus arctos se rencontre rarement dans les districts septentrionaux des gouv. de Kiev, de Tcliernigov et de la Volhynie, mais c’est déjà la région des forêts et non pas l’avant steppe. ;234 — Tr. taeniatus, L. Pour ce qui concerne les formes exclusives de steppes, il tant noter que maintenant elles ne se rencontrent, pour la plupart, que sporadiquement, en 2—3 espèces ensemble seule- ment, mais il y a des localités retirées où vivent encore plusieurs de ces représentants de la faune de steppes. Ainsi, dans les step- pes sur le parcours du Khopère, dans le district de Balachov, on rencontre simultanément: Oüs tarda, Ot. tetrax, le busard des steppes, le rat-taupe, la gerboise, la marmotte bigarrée et la mar- motte ordinaire, celle-ci en si grand nombre (par milliers d’exem- plaires) quelle a fait naître une branche d’industrie spéciale— celle des marmottiers. Ces localités retirées disparaissent cependant rapidement de la surface de la Russie méridionale et plusieurs des formes sus-men- tionnées dépérissent évidemment, du moins dans les steppes de l ouest de la Russie d’Europe. Ainsi, la saiga, qui habitait encore la Petite- Russie du temps de Bauplan et même de Pallas ne se rencontre plus maintenant que dans les steppes entre le Volga et le Don; dans la première moitié du XVII siecle, Bauplan a vu une multidude de hobaJcs entre les rivières de la Sonia et du Soupoï (dans le disetricts de Zolotonocha et de Piriatine), maintenant il en reste plus qu’une dizaine de familles de ces rongeurs près des sources de la rivière Orèle; le petit lièvre a passé définitivement de l’autre côté du Volga; le Bos primigenius a disparu; le cerf-élaphe est extirpé etc. Les autres formes ont sans doute changé les régions de leur distribution géographique, en reculant plus à l’est et au sud dans les lieux moins habités et plus déserts. VI. Le climat des steppes. D’après les nouvelles recherches de Mr. Baranovsky, le climat de la région centrale des steppes de la terre noire est caractérisé par les traits suivants. La température l’humidité et la quantité des précipités tant de l’été que de lapériode végétale sont, en moyenne presque partout les mêmes, ou à peu près. Les pluies de l’été pré- dominent et le nombre des jours pluvieux est: dans les bassins du Dniestre et du Dnièpre— 88, dans les bassins du Don et de l’Oka 112 et de l’autre côté du Volga— 108. Malheuresement, l’auteur a laissé de côté l’importante question des changements du climat, — 235 — du reste difficile à élucider, vu le petit nombre d’observations faites. On peut faire quelques pas vers la solution du ce problème seule- ment par l’étude des changements du climat sur la surface du globe en général et par la combinaison de diverses données de l’histoire naturelle, de l’économie rurale et surtout de la géologie, La première voie a été essayée dans le travail si connu de Mr. le prof. Brückner — «Klimaschwankungen seit 1700>, où l’auteur a pris en considération, non seulement les données de la mé- téorologie (température, précipités, pression atmosphérique), mais aussi les mouvements du progrès et du regrés des glaciers actuels, les oscillations du niveau des lacs, les termes de la débâcle et de la congélation des rivières, même l’époque des vendanges etc. Il résulte de ce travail que le climat du globe est soumés à des oscillations périodiques : pendant plusieures années de suite, la tem- pérature moyenne de l’année de la surface de la terre est au des- sus de la normale; puis commencent les sécheresses dans les pays du climat continental (il tombe seulement les % de précipités en comparaison avec les périodes humides); enfin suivent les années, dont la température est au dessous de la normale, et alors le climat des pays continentaux devient plus semblable au climat maritime. La durée de ces périodes est en moyenne de 35 l / s années. 11 résulte des mêmes données que la Russie du S. E. et la Sibéiûe sont entrées maintenant dans la période chaude et sèche. Mais cette périodicité ne peut être admise qu’ avec des réser- ves et des exceptions nombreuses. Brückner lui-même témoigne que les oscillations sus-dites se justifient seulement pour les 80% de la superficie totale du globe. D’autre part, Mr. Wrangel a fait la remarque que les conclusions de Brückner n’approchent qu’ap- proximativement de la vérité; ainsi l’hiver de 1879 dans l’Europe centrale est regardé comme l’un des plus froids, tandis que l’hi- ver suivant, de 1880, était extraordinairement doux. Enfin (et c’est la remarque la plus importante), si même la périodicité des oscil- lations, admise par Brückner, et la courte durée de ses périodes pou- vaient être expliquées, d’une manière conjecturale par les causes cosmiques, — par les changements corrélatifs dans la source même de la chaleur, dans la radiation du soleil, alors même on ne pourrait pas les comprendre sous le point de vue tellurique, parce qu’elles sont en contradiction avec le caractère et la marche des phénomènes les plus variés, tant dans la vie de notre planète (phénomènes géologiques) que, paraît-il, de celle de ses habitants, des plantes et des animaux. On sait que la durée ordinaire de la plupart de ces phénomènes est comptée par siècles et par mil- — 236 — lénaires; d’autre part, le caractère de ces phénomènes présente une constance et une succession remarquables (pas d oscillations), la tendance vers un but unique, — dans le cas en question (ma - heureusement) vers le dessèchement séculaire de la plaine de 1 Eu- rope orientale, comme aussi celle d’autres nombreuses contrées... Pour donner une idée approximative de la durée de la période, pendant laquelle pouvaient avoir lieu les changements principaux de la nature de nos steppes, mentionés plus haut, rappelons les faits suivants: Dès le temps d’Ascold et de Dir (865), d’Oleg et de Constantin Porphyrogénète, ainsi que plus tard, pendant la période de la Sètclie des Cosaques, les navires des Russes, monoxylles a font plat qui contenaient tout au plus de 300 à 500 pouds, étaient obli- gés de se décharger pour passer les rapides du Dnièpre, ou étaient traînés simplement le long de la rive. D’après le témoignage de nos annales, c. à d. il y a plus de 1000 ans, la limite entre la région des forêts et des steppes passait approximativement là oii elle passe encore maintenant. Déjà au Xl-me siècle, la Russie a souffert de mauvaises récoltes (et de famines) produites par les sécheresses. Le peuple même a donné, sans doute longtemps avant le com- mencement des levées géodésiques du siècle actuel, des noms signi- ficatifs à plusieures rivières du gouv. de Poltava, comme, la ■ seche (soukhaïa), la putride (gnilaïa), celle qui ne coule pas (netetcha), née aveugle (sleporod) etc. Du temps d’Hérodote, c. à. d. cinq siècles avant J. Ch., les steppes tout à fait privées de forêts s’étendaient au nord de la mer d’Azov, à la distance de 400 — 500 verstes. On a constaté pendant les dernières recherches agronomiques dans le gouv. de Poltava, que dans la région des sols de forets , par conséquent dans la région des forets anciennes aussi, on ne trouve aucun hourgane , aucune tombe ancienne, tandis qu e es sont dispersées par centaines dans la steppe de la terre noire voisine. Il est évident que du temps de la construction des kourganes, les forêts existaient déjà, et cependant les kourganes eux-mêmes, au moins en majeure partie, se rapportent à la période préhistorique, et quelques uns même à l’âge de la pierre. Le fait suivant indi- que peut-être, un âge plus ancien encore pour les forêts en question. On a constaté, même dans le gouv. de Nijni-Novgorod, que les trous de taupes ne se trouvent jamais sous les sols typiques des forets, quoique les herbes de steppes et la terre noire passent ici par pla- — 237 — ces beaucoup plus au nord que les sols des forêts. A quelques ex- ceptions près, on n’a pas rencontre ces passages caractéristiques des animaux fouisseurs sous les sols des forêts du gouv. de Poltava. Ce fait se comprend aisément: les marmottes, les bobaks et autres rongeurs sont les habitants des steppes et pas des forêts; ils l’étaient auparavant comme ils le sont aujourd’hui. Et vraiment, il suffit de visiter la steppe de la terre noire ou la steppe des kourganes du gouv. de Poltava, pour voir des centaines de taupinières dans le premier ravin venu, si ses parois sont mises a nu du gazon. Cependant on a constaté des localités dans la steppe où on peut observer successivement: dans le sous-sol — les trous de taupes, au dessus— la terre noire typique, et sur la surface— les forêts. Pour- quoi alors ne trouve-t-on rien de pareil sous les sols des forêts de notre pays de Poltava, lorsque tout autour s’étendent encore les steppes infinies de terre noire avec une quantité considérable de rongeurs? Pourquoi ne retrouvons-nous pas ici ni taupinières, ni terre noire? On ne peut donner qu’une seule réponse: c’est que dans la ré- gion des sols de forêts de Poltava, les forêts ont apparu au moins simultanément (si ce n’est avant) que la végétation de steppes', autre- ment dit, les sols des forêts ne sont pas plus jeunes que le tchernozeme voisin. Et quant à. l’âge respectable do ce dernier, il résulte du fait bien connu que presque tous les kourganes de nos steppes avec les restes grecs, scythiques et même de l’âge de la pierre, sont cons- truits de la même terre noirel Voilà pourquoi on ne peut regarder comme trop hardis des investigateurs qui donnent à notre tcher- nozème une antiquité de 4 — 7 mille ans minimum. Mais on peut jeter un regard encore plus loin dans la profon- deur des siècles. Notre géologue vénéré, Mr. le prof. Féofilaktov, a découvert pendant les années soixante-dix, dans la vallée de^ la rivière Oudaï, distr. de Loubny, gouv. de Poltava, à la base d un rivage ancien, des dépôts (probablement 1 alluvion des ravins), contenant des ossements du renne et de six individus (au moins) du mammouth, avec de nombreux outils en pierre, très grossièrement taillés. Ce fait, de même que la conservation remarquable de quel- ques os de mammouth et la carbonisation des autres ne permettent pas de douter que l’homme a habité dans la Petite-Russie en meme temps que le mammouth et le renne, ces deux représentants typi- ques de la période glaciaire. Une trouvaille semblable a etc laite par Mr le prof. Antonovitch dans les environs du Kamenetz-Po- dolsk, et par le feu comte Ouvarov, près du v. Karatcharov, à 2 verstes de Mourom; dans cette dernière localité, plusieurs os de — 138 — rhinocéros et. (le mammouth ont. été brisés par l’homme de l’âge de la pierre, qui a laissé ici, sur la place de la stalion la plus ancienne de la Russie, une multitude d’outils en silex de l’époque paléolithique, des restes de loyers etc. vs co> ©' c6> C/5 P* P c/5 Ainsi, il est évident que l'homme a été le témoin de V existence du grand glacier scandinavo-russe près de la ville de Poltava, et aussi à la distance de quelques 100 — 180 verstes de Zaritzine et de la mer Aralo-Caspienne , qui s’étendait presqu’aux portes de Sa- — 239 — ratov, de Samara et, peut être de Kazan. Il a été le témoin im- médiat de la formation de nos rivières et du peuplement de îa terre ferme, délivrée peu-à-peu des glaciers et de la mer, par les or- ganismes du monde végétal et animal... Combien de choses instructives et grandioses pourrait nous raconter l’homme de l’âge de la pierre, ce contemporain du mam- mouth et de l’époque glaciaire, s’il eut commencé plutôt à aimer et à étudier la nature de sa patrie! — 240 — ~-OÎ>OGOGO a> 2. On” —- * CD P O O o ,3 CD £3 *3 Ct» CD 3 (Ï*t3 PS®' gP^2. CD •*2.^3 CD» C~ 77, P, Ct> CP 2 -S-o, ST-e cj œ en ^ co ^ CD r-*- , — ► •— 1 3 v» 5 C w ET. _ a CJ 2 — “ i— • . CO ~-J *3 “®>® ?-5®S S- CO ^ g 1 2. 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Les restes de l’ours des cavernes (Ursus spelaeus), si communs dans les dépôts postpliocènes, surtout dans les cavernes de la France de l’Allemagne méridionale, de l’Autriche et d autres pays de l’Europe occidentale, sont relativement très rares dans les li- mites de l’Empire russe. Cela peut provenir d’une, part de 1 in- suffisance des recherches et d’autre part de la rareté des cavernes en Russie; on sait que la majeure partie des restes de cette es- pèce a été trouvée dans les cavernes et les grottes dont 1 Ursus spelaeus se servait comme de lieux de refuge. Mais on a décou- vert un assez grand nombre de cavernes en Sibérie, tant occiden- tale qu’orientale, où on a trouvé, quelquefois aussi, des restes d un grand oui’S, sans pouvoir cependant identifier ces restes avec ceux de l’Ursus spelaeus. C’est toujours l’ours commun (l’Ursus arctos), parfois de très grande taille, mais sans les signes caractéristiques (dans la forme du crâne et dans la dentition) de 1 ours des caver- nes \ Evidemment, cette dernière espèce n’a pas pu se propagei dans l’Asie du nord et diffère sous ce rapport de la Hyaena spe- laea, dont les restes ont été constatés depuis longtemps, au moins dans la Sibérie occidentale (dans les cavernes de 1 Altai), pai M-rs Pander et Zembnitsky. Pour ce qui concerne le b élis spe- 1 Quoique M-r. Eicliwald décrive quelques restes de l’ours provenant des cavernes de l’Altaï (dans les vallées des rivières Tcliarouche et Khanhar, qui appartiennent au bassin de l’Obi), comme appartenant à l’Ursus spelaeus, l’étude plus detaillee et plus approfondie, faite par M-r. le prof. Brandt et par Czerski, a constate l’ab- sence de l’ours des cavernes parmi les espèces de la faune postpliocène de la Sibérie. 16 — 242 — laea, nous disposons encore de très peu de données sur ses restes trouvés en Russie. Il est probable que quelques os, attribués à cette espèce eteinte et trouvés en Sibérie, appartiennent au tigre actuel (Felis tigris). Une trouvaille très intéressante a été faite par la dernière expédition de M-rs. Bunge et Toll vers l’embouchure de la Léna et sur les îles de la Nouvelle-Sibérie. On a rapporté, parmi les ossements rassembles dans cette région de l’extrême Nord, quelques restes qui ont été identifiés par Czersky (Tchersky) comme appartenant au Felis tigris. Un fémur provient de la rivière Iana et plusieurs os du pied de l’île de Liakhov. Le degré de la con- servation de ces restes et la condition de la trouvaille dans le bassin de l’Iana ne permettent pas de supposer qu’ils ont été ap- portés de loin, du sud, d’autant moins, qu’on a trouvé en même temps des restes de la Saïga (Colus Saïga), du cerf (Cervus ca- nadensis, var. maral) du Bison priscus, du cheval sauvage et d autres animaux, indiquant aussi des conditions climatériques au- tres que maintenant et une végétation beaucoup plus riche et plus variée des forets et des steppes. On sait que le tigre habite encore à présent la Sibérie, mais beaucoup plus au sud "(de 18—20 dé- grés de latitude), notamment dans le bassinée l’Amour, d’où il fait parfois des migrations jusqu’au versant sud de la chaîne de Stano- voï (55 1. n.). On l’a rencontré aussi près de l’usine de Nertchinsk, mais les récits d’autrefois (cités par Brandt et Humboldt) qu’on a obtenu des peaux de cet animal provenant des bords du lac Baïcal, de l’Angara supérieure, des sources de la Léna et même des environs de Balagansk, plus au nord qu’Irkoutsk, c. à d. sous la parallèle 53° 43' N., doivent être regardés comme des fables ou les produits de quelque malentendu,' vu que les expédi- tions de M-rs Radde, Polialtov et Czersky n’ont pas pu confir- mer ces laits, et Mr. Czersky, spécialement, après avoir étudié les archives du Musée d’Irkoutsk, n’a trouvé aucun indice de la provenance des exemplaires du tigre d’autre part que de la con- trée de l’Amour *. Une autre région de la distribution actuelle du tigre dans la Sibérie se trouve à l’Ouest, dans la contrée de l’Al- f ai, jusqu’à Boukhtarma à l’est (102° long. E.) et jusqu’à Barnaoul au nord (53 " par. N.), où il pénètre du Sud, du côté du Turkestan. Cette région est séparée de celle de l’Est (de l’Amour) par un intervalle de 35" de longitude, dans lequel le tigre ne se trouve 2 Cf. Czersky, Description de restes des mammifères posttertiaires rassem- blés par l’Expédition delà Nouvelle-Sibérie. 1885 — 86. Spt. 1891. En russe. Supplé- rnéut au LXV vol. des Mém. de l’Ac. Imp. des Sciences. 243 — pas dutout sous les mêmes latitudes. Mais à l’époque postpliocène, ce carnivore occupait évidemment un aréal beaucoup plus vaste et sa rencontrait avec quelques autres formes de la zône des forêts et avec les espèces polaires de l’Ovibos moschatus, Gulo luscus, Lemmus obensis etc. On a indiqué les restes de l’ürsus spelaeus parmi les ossements provenant de quelques cavernes de l’Oural; ainsi, Mr. Malakhov les a indiqués parmi les restes trouvés dans la caverne de Mïass (avec les restes d’Alces, d’Equus et de Castor) et Mr. Ghebauer— dans la caverne de Soukholoje. Mais ces auteurs n ont pas donné les raisons sur lesquelles ils ont tondé 1’identification de. restes fragmentaires, et il est peu probable que cette identification ait été basée sur des indices certains. Les restes que jai pu voir moi - même, (tant au musée d’Ekaterinbourg, que parmi ceux qui ont été apportés à Moscou) appartiennent tous à l’ours commun. 11 n’y a pas de preuves non plus pour l’identification, comme appar- tenant à l’ürsus spelaeus, des restes d’ours mentionnés par le prof. Rogovitch, parmi ceux qui ont été trouvés dans le gouv. de Kiev et près de Novgorod-Séversk (gouv. de Tchernigov). J’ai entendu par- ler aussi d’un squelette d’ours, identifié avec 1 Ursus spelaeus, trouve dans la région de la chaîne du Donetz, mais les détails de cette trouvaille ne me sont pas connus. Les restes indubitables de l’ours des cavernes, trouvés jusqu’à présent en Russie, proviennent, que je sache, seulement de trois localités de la Russie méridionale. L’une de ces localités a été décrite depuis longtemps: ce sont les mines de Neroubaï, à 12 13 kilomètres d’Odessa, où Mr. le prof. Nordmann a trouvé, dans les dépôts postpliocènes, plusieurs représentants de la faune des forêts, sur le lieu où, pendant les temps historiques, il n’y avait que des step- pes 3 . L’autre trouvaille a été faite plus a l’Ouest, dans les cavernes du gouv. de Kielz, où Mr. le comte Zavisza (et aussi Mrs. Roemer et Grube) ont trouvé des os de cette espèce avec les restes du mammouth, du renne, du bison, du cheval, de la hyène et du grand chat es cavernes, ainsi que de quelques restes des espèces boréales, comme le glouton, le lemming etc. et des traces de l’homme de 1 époque paléolithique (outils en pierre et en os) 4 . Comme il a été démontré 3 Nordmann. Palacontologie Südmsslands. 1858. 4 Comte J Zawisza. Recherches archéologiques en Pologne, 1878—79 (en polonais). Wars. 1879, et dans les „Mém. de la Soc. d’Anthr. de Paris. “ T. IY. 16 * — 244 — par les recherches postérieures de Mr. Ossovsky, dans les cavernes de la meme contrée, situées de l’autre côté de la frontière russe, en Autriche (Gahcie), ces restes de l’époque paléolithique présen- tent une assez grande similitude avec ceux trouvés dans plusieurs cavernes de la h rance, par exemple dans la forme de flèches fa- çonnées de bois de renne, de quelques objets de parure en os etc., quoique on n ait pas trouvé ici de dessins gravés (représentations ■du renne, du cheval etc.), dont on a tant d’exemples sur les bois (le renne travailles, trouvés en France. La troisième localité, où on a pu constater l’Ursus spelaeus, se trouve dans la Transcaucasie de l’ouest, dans le gouv. de Koutaïss, district de Charopan. Ici, dans le bassin de la rivière Kvirila les chercheurs du minerai noir de mangan (pirolusit) ont découvert une caverne (caverne de Rgani), dans laquelle Mr. l'ingénieur des mines Bernatsky a fait des fouilles et a trouvé beaucoup d’os- sements, dont une grande partie a été envoyée par lui à la So- ciété Impériale Archéologique do Moscou. La caverne se trouve dans le calcaire de la formation crétacée supérieure, qui est recou- verte par les couches du grès tertiaire, intercalées de petites vei- nes du minerai noir de mangan. Parmi les ossements qui m’ont été envoyés pour les déterminer, j’ai trouvé beaucoup d’os d ours, dont plusieurs n’ont pu être distingués de ceux de l’ours ordinaire, mais il y en avait d’autres d’une grosseur beaucoup plus grande qui ont dû appartenir évidemment à l’Ursus spelaeus Malheureusement, il n’y avait parmi ces os aucun crâne: mais en revanche, il y avait plusieurs dents canines, la dernière molaire intérieure et deux fragments des mandibules qui avaient tous les caractères de celles de l’ours des cavernes, et les mandibules sur- tout ne présentaient aucune trace des premières praemolaires Outre les ossements de l’ours, j’ai pu identifier plusieurs os (molaires,' veitèbres, humérus, metacarpus, astragalus, calcaneus, phalaneues) comme appartenant au cerf (Cervus elaphus), qui habite, comme on sait, »e Caucase jusqu’à présent; un fragment d’une mâchoire du renard et— ce qui mérite surtout l’attention,— deux fragments d une mandibule de l’homme, appartenant à la partie antérieure de cet os avec les alvéoles pour les incisives, les canines les pré- molaires et avec la. première molaire gauche, qui est assez usée et indique un âge avancé du sujet. L’aspect de cet os est aussi ancien que celui des autres, mais il ne présente aucun indicé d’or- ganisation inférieure. Le menton est développé, l’épine mentale interne bien accusée, et la forme de l’arc dentaire, ainsi que les alvéolés ne présentent rien d’anormal, aucun de ces indices qu’on — 245 — a constaté, par exemple, sur les mandibules célèbres de la Nolette (en Belgique) et de la caverne de la Chipka (en Moravie). Plusieurs ossements de la caverne de Rgani sont fendus et brisés, mais il n’y a pas d’indices qu’ils aient été fendus par l’homme. Les os sont si friables, ont tant de fentes qu’ils tombent en pièces sous une pression modérée. Mr. Bernatsky crut y avoir trouvé des traces du feu, mais les taches noires qui s’y trouvent doivent être expliquées tout autrement et proviennent évidemment du minerai noir de mangan des couches tertiaires au dessus, dont de petites parti- cules pouvaient être entraînées par l’eau et déposées ensuite sur les os dispersés dans la caverne. Mr. Bernatsky a envoyé aussi quelques fragments d’ossements provenant de couches tertiaires avec les veines du minerai de mangan, (ces fragments se rattachent, selon moi, aux côtes de quelque espèce de Cétacées), et aussi un grand fragment de silex (73 mm. de longueur, 62 mm. de lar- geur et 39 mm. de grosseur) de forme triangulaire tout couvert d’une croûte de pirolusit. La présence de ce fragment de silex dans les couches à minerai prouve, d’après Mr. Bernatsky, qu’il a été apporté, parce que les silex ne se trouvent pas naturellement dans ces couches, mais sont communs dans le calcaire de la for- mation crétacée. Mais ce morçeau de silex ne présente pas de traces du travail humain; c’est simplement un rognon de silex, de forme triangulaire avec les angles arrondis, dont on trouve souvent des échantillons dans les couches de craie 5 . En tout cas, la trouvaille des restes de l’Ursus spelaeus dans la caverne de la Transcaucasie occidentale avec les traces de l’homme est un fait assez intéressant. Combinée avec les faits déjà connus antérieurement sur la présence de cette espèce dans les cavernes de la Pologne et dans les couches de Neroubaï, près d'Odessa, il indique que l’Ursus spelaeus a été un des membres de la faune postpliocène du Caucase et de la Russie méridionale et que, dans deux localités au moins, dans la Pologne occidentale et la Trans- caucasie orientale, il a été le contemporain de l’homme. Le boeuf musqué, relégué à présent dans la région de l’Amé- rique boréale, a été répandu autrefois, comme on le sait, beau- 5 Les restes de l’ürsus spelaeus dans la Transcaucasie ont été décrits par moi dans le „Bulletin des Naturalistes de Moscou", 1867 p. 216 et 374, dans deux articles rédigés eu allemand. — 246 coup plus au sud et habitait non seulement dans l’Amérique du nord, mais aussi en Europe et en Sibérie. Dans un travail que j’ai publié il y a quelques années, dans le «Journal de la section de Zoologie de la Société Impériale des Amis des sciences natu- relles G , j’ai indiqué tous les points, tant en Europe, que dans l'Empire russe, où on a trouvé les restes de l’Ovibos fossilis * 7 , en même temps que j’ai décrit un nouveau crâne, trouvé, il y a une dizaine d’années, sur les bords de la Léna, en amont de la ville de Ki- rensk, c. à d. près delà 57° 47' par. N. et conservé maintenant dans le Musée Zoologique de l’Université de Moscou. Ce crâne est remarquable par sa conservation; outre la plus grande partie du crâne facial, il a conservé ses cornes en entier, tandis qu’ ordinairement on trouve seulement les tronçons osseux des cornes. Cela prouve que le crâne a été trouvé d°ans le sol gelé, où peuvent se conserver non seulement les cornes, mais aussi les parties molles (la peau et les chairs), comme cela est prouvé par les trouvailles en Sibérie des cadavres de mammouths et de rhino- céros. Les points les plus méridionaux des trouvailles de restes de l’Ovibos fossilis, sont situés dans le district d’Ovroutch, gouv. de la Volhynie, à peu près sous la 51-me parallèle. C’est beacoup plus au nord que les points les plus méridionaux de la distribution géographique de cette espèce dans l’Europe occidentale, où on a trouvé ses traces jusqu’à la 47-me parallèle N. (Langenbrunn) et même jusqu’à la 45-me (Gorge d’Enfer, en Périgord). On peut admettre comme certain que l’homme a été le contem- porain du boeuf musqué fossile en Europe, vu que les restes de cette espèce se trouvent dans les mêmes alluvions et dans les mê- mes conditions que les restes du mammouth, du rhinocéros etc. et de l’homme postpliocène. On peut même donner quelques preu- ves plus directes de la contemporanéité de cette espèce avec l’homme. Ainsi Mr. le prof. Schafhausen a pu constater quelques égratignu- res produites, paraît-il, intentionellement sur le fragment d’un crâne trouvé près de Coblenz, dans les argiles de Moselweiss, mais ces traces d’un prétendu travail intentionné sont assez pro- blématiques. Une preuve plus concluante est donnée par la trou- vaille des os brisés du boeuf musqué dans quelques cavernes (Gorge d’Enfer etc.), en même temps que des outils en pierre et en os de l’époque paléolithique. On peut mentionner aussi un fragment Vol. VI, livre 3. 1890, avec une planche (phototypie) et 2 dessins dans le texte. 7 On a décrit, dans ces dernières années, les restes de FOvibos fossilis, trouvés à Vitebsk. — 247 d’os, trouvé dans la caverne de Thayngen, prés de Scliafliouse et sur lequel est représentée en relief une tête qui paraît être celle d’un boeuf musqué s ; cependant ce dessin dans l’absence d’autres preuves, ne peut pas être concluant, d’autant moins que, dans cette caverne, on n’a pu trouver d’os de l’Ovibos, mais bien ceux du mammouth du rhinocéros, du felis spelaea, du renne, du glouton, du lagomys etc., ainsi que des restes de l’homme paléo- lithique. Quoique les restes de l’Ovibos fossilis se trouvent tissez souvent en Sibérie, jamais jusqu’à présent on n’a pu découvrir quelque partie du cadavre de cet animal avec la peau et le poil. 11 est possible cependant que l’on découvre de ces restes avec le temps, vu qu’on a découvert déjà des parties de cadavres des trois es- pèces postpliocènes en Sibérie. L’une de ces trois espèces est le mammouth, dont un cadavre entier a été découvert près de l’embouchure de la Léna, d’où Mr. Adams, envoyé (au commencement de ce siècle) par l’Académie Impériale de St.-Pétersbourg, a rapporté le squelette et des par- ties de la peau, du poil et même de chairs desséchées. On a fait des découvertes pareilles aussi dans les vingt dernières années, mais comme entre la découverte du cadavre et l’arrivée des per - sonnes envoyées, il se passait ordinairement un laps de temps assez considérable (une année et même plus), pendant lequel l’air, l’eau et quelquefois aussi les animaux et l’homme (les tribus de chas- seurs du Nord) continuaient leur oeuvre de destruction, on n’a pu sauver pour la science que quelques restes isolés. — L’autre es- pèce, qui a été sous ce rapport privilégiée par la nature, est le Rhinocéros tichorhinus, dont deux têtes et quelques parties des pieds sont maintenant conservées au Musée de l’Académie de St.-Péters- bourg. L’une de ces têtes a été apportée au siècle dernier par Pallas, l’autre a été trouvée il y a une quinzaine d’années et décrite premièrement par Czersky. Une description plus détail- lée a été donnée ensuite par l’académicien Schrenk, qui a décrit cette tête comme appartenant à une autre espèce des Rhinocéros fossiles, notamment au Rh. Merkii. Cette assertion cependant n’a pas été admise par tous les paléontologues, et d’après les nouvel- les observations de Mr. Czersky, qui a pu disséquer en partie la 8 Merle, Der Hohlenfund im Kesslerloche bel Thayngen. Zür. 1875. T. VII Rïitimeyer , Die Knochenhohle von Thayngen, dans PArchiv für Anthropologie, VIII, 187(5. — 248 peau sur le devant de la mandibule et étudier le symphyse du menton, cette affirmation ne peut pas être soutenue, de sorte que 1 opinion la plus probable est toujours celle qui reconnait cette tete comme ayant appartenu à un Rhinocéros tichorhinus. Dans ces derniers temps, on a découvert aussi quelques restes du ca- davre de la troisième espèce fossile, du Bison priscus, notamment une jambe (avec le pied) couverte de peau et de poil. Ce fragment a été découvert sur les rives de la Iana et se trouve maintenant aussi au Musée de 1 Académie de St.-Pétersbourg. Le poil, conservé par places, est égais et ressemble au poil d’hiver, il est long de 50 mm. et rappelle par sa couleur le poil du zoubre (Bison europaeus), tandis que les proportions des os des extrémités sont, d’après Gzersky, plus semblables à celles du Bison americanus. Les races humaines de l'Europe et la question arienne, p a r M. S. K o II m a n n. La question de l’origine des races européennes est entrée dans une nouvelle phase de son existence, depuis que l’étude des langues, de l’histoire et de l’anatomie des races ont simultanément cherche à approfondir ce grand problème. Les opinions sont, à vrai dire, très divergentes, comme une petite vue d’ensemble le prouve au premier coup d’oeil: JBlumenbach et Cuvier ont, comme ou le sait, transporté le berceau des européens des hauteurs de 1 Ararat dans les va lees du Caucase; ils ont voulu chercher la patrie des races asiatiques dans l’Himmalaya. Ce fut certes le résultat d’une haute érudition géographique et ethnographique, qui permit à Peschel de taire descendre des hauts plateaux du Caucase, non seulement les Euro- péens, mais encore une partie de la race asiatique. L’idée d’une origine commune des Indo-Germains s’accrédita bientôt, mais la patrie qu’on leur avait assignée leur fut contestée dès l’origine. C’est alors que sous les auspices de l’illustre savant d’Oxford l’on émit à ce sujet une toute nouvelle théorie; Max. Müllef cio y ai en effet avoir trouvé la patrie primitive des Ariens sur les nves nais santés de l’Oxus et de l’Iaxartes 1 2 . 1 Peschel 0. Yôlkerkunde, 3-te Aufl. Leipzig. 1876. 2 Plusieurs savants illustres, s’occupant spécialement de l'etude des langues et l’histoire des peuples, se rangèrent à l’opinion de Max. Muller , ainsi: Lassen , j>oÿÿ, Pott, Jacob Grimm, Prichard, V. Helm et d autres encore. 250 — Mais, se basant sur de nouvelles études, d’autres savants vou- lurent transporter la patrie des Ariens, de l’Asie centrale en Europe et spécialement dans l’Europe centrale. (Cuno et Posche). Enfin depuis 1883, c’est à la Scandinavie du Sud que semble revenir 1 honneur d avoir été le point de départ de la race ari- enn e. lenka va meme jusqu’à dire que le type blond dolicho- céphale des habitants de l’Europe pourrait suffire, lui seul, à le esignei comme arien, et qu’il faut, d’après les témoignages mul- tiples de la linguistique et de l’histoire, placer son berceau dans le JNord de notre continent. D’autre part, le même auteur fait remonter en Asie l’origine des populations brachycéphales et brunes si répandues en Europe. De cette manière d’envisager les choses, surgit pour la pre- mière lois, me semble-t-il, la pensée que la population d’Europe possédé une double origine: les blonds sont autochthones, les bruns des émigrés d Asie, ’ Avec cette théorie recommence une période de vives discus- sions, dont la fin n’est point encore à prévoir. Les débats ont été amenés en effet sur le terrain si difficile de la valeur spécifique des races humâmes européennes. Penlm, Lapouge et d’autres veu- lent dénoncer les dolichocéphales d’Europe comme une race plus elevee, ayant fait dans les temps préhistoriques déjà de notables progrès. On leur attribue une capacité de culture et une force d expansion sans bornes. Toutes ces idées ont été combattues; G. Taylor * * 4 , Mortillet, Uj- falvy " et d autres prennent en effet partie pour les brachycéphales bruns D apres leur opinion, ce serait à ces derniers seulement qu il faudrait attribuer la haute cullure intellectuelle, en particu- lier [a conception artistique incarnée dans les Grecs et les Romains. Les dolichocéphales blonds devraient, d’après ces derniers au- teurs être placés à un rang bien inférieur. - Penlm. Die Herkunft der Arier. Wien, 1886, it N-os 4—5. 1891. ' - - — 4 Taylor Can. I. The origin and primive Seat of the Aryans Journ 4nHn- Jorat. London, 1888. Vol. XVII, p. 238. y Journ ’ Anthr > '* Ujfalvy, E. Aus dem westlichen Himalaja, Leipzig BrokhaiK îssa Revue d’Anthr. 1879. p. 5 u. 489. ' mounaus. 1883, und — 251 Ce coup d’oeil, bien qu’imparfait, prouve cependant suffisam- ment, combien sont divergentes les opinions que les savants ont sur l’origine et sur la valeur de différentes races de notre vieille Europe. Il faut attendre d’études plus approfondies encore la solution de ce problème, dont les données sont si contradictoires. Nous trouvons en effet dans le domaine de l’anatomie des races quelques nouveaux faits, qui ont une importance capitale pour l’Anthropo- logie en générale. Il vaut la peine'de s’arrêter tout d’abord aux observations statis- tiques, qui ont été faites sur la taille ou sur la couleur des yeux, des cheveux, de la peau 6 . Des études dans ce sens ont été faites dans la plupart des pays d’Europe et, comme elles se sont étendues sur 15 millions d’individus environ, elles forment déjà une base solide et respectable pour toutes les questions qui se rattachent à l’anatomie des races. Le résultat de ces observations a été de prouver qu’il se trouve dans le Nord de l’Europe, une population d’hommes blonds , qui sont descendus dès longtemps dans les pays méridionaux du con- tinent. Cette race blonde a une taille remarquablement élevée. La population] brime de l’Europe se rencontre de préférence dans le Sud, de là, s’avançant vers le Nord, elle s’est répandue dans tout le continent. Ainsi les deux races ont pénétré partout. Tous les peuples sont tellement pénétrés de bruns et de blonds, que leurs représentants se trouvent dans chaque village. La combinaison des deux différents types est du reste très avancée puisque nous trouvons: en Allemagne les 54% des mélanges. > Autriche > 57% » » » Suisse > 63% > » Les représentants des deux types vivent donc depuis longtemps côte à côte, et se sont mélangés depuis des siècles. Il me semble un peu difficile de dire laquelle de ces races a le plus d’impor- tance dans la marche de la civilisation. « Broca. Recherches et Mém. Soc. d’Anthrop. T. I, p. 1, 1859. — T. III, p. 147, 1866. Yirchow, B. Arcli. fur Anthrop. 1885, in 4°. Mit. 5 Karten, Vir- chow, B. Sitzunsgh. d. Berliner Acad. 1885. — 252 — Par l’examen raisonné des formes de la face et du crâne tout entier, 1 on a pu arriver à déterminer exactement la durée de cette union étroite et du mélange des deux races. Nous rencontrons en effet sur notre continent: 1. Les Dolichocéphales. 2. Les Me'saticéphaîes. 3. Les Brachycéphales. tvni y i T, M&ahcephales et regardons seulement les le P nmnhrp ÎÎ/r 3 ' J 7“’ que dans la P^^ation actuelle le nombre des Brachycéphales est en excès, mais il est au moins viaisembJabie quil le soit déjà depuis des milliers d’années, sans doute pas au meme point que maintenant. Une recherche approfondie pour le 4°, 5°, 6 e et 7 e siècles apres J — C. a donné à ce sujet de précieux résultats. Dolichocéphales Brachycéphales (Me'saticéphaîes. 21 , 9 % 42,7% 35,4%). Ce petit tableau me semble avoir une valeur incontestable, pmsqu il nous enseigne que l’on n’a jamais trouvé, même dans I époque néolithique, un seul type isolé: les deux races sont tou- jours ensemble et les Brachycéphales sont en excès. D’après les registres de l’éminent savant Broca \ on a trouvé dans les grottes de Baye en France les crânes de trois differentes races cl Europe, soit: i Les Dolichocéphales 22 7°/' Les Brachycéphales , 27*2 °/° Les Me'saticéphaîes 50, *0% Les 3 types ont donc, dès l’époque néolithique, vécu côte à côte, et ui ope semble ainsi avoir été habitée depuis des milliers d’années par ces types. b Dans de telles circonstances, il me parait bien difficile de ré- soudre la question sur l’importance d’une de ces races dans le domaine de la culture intellectuelle, d’autant plus que l’époque Broca (voyez Topinard. Revue d’Anthropologie de Paris. 1886, p. 1 à 193, — 253 — de laquelle nous parlons est l’âge de la pierre polie. Dès lors les races ne se sont plus jamais séparées, elles ont toujours vécu en- semble, comme les tombeaux de tous les âges nous le prouvent. Il est impossible, même avec une assurance approximative, de pouvoir préciser lequel était, à cette époque, le plus ou le moins doué. Cette difficulté s’accroit encore considérablement quand on songe que nous avons à faire en Europe à 4 types différents au moins. Ni les Dolichocéphales, ni les Brachycéphales ne représentent en effet un type homogène. Il faut compter en tous cas deux types différents de dolichocéphales et deux types différents de Brachycé- phales \ Il se distinguent par cela, que les uns ont la face haute allongée (Fig. 1, 3, 5), tandis que les autres l’ont large et basse (Fig. 2, 4, 6). Les premiers, les Leptoprosopes, ont un indice facial de plus de 90° et un indice maxillaire de plus de 50°; le nez leptorrhinien, les orbites hypsiconches (mégasèmes), le palais leptostaphylin, les pommettes et les arcs zygomatiques serrés et cryptozygeres chez les types à face large, Chamaeprosopes, l’indice facial est de moins de 90", l’indice maxillaire de moins de 50", le nez pla- tyrrhinien, les orbites chamaechonches (microsèmes), le palais bra- chystaphylin), les pommettes et l’arc zygomatique saillants plié- nozygues. Beaucoup de savants ont déjà nettement distingué ces types différents de la partie faciale du crâne, mais dans chaque pays ils leur donnèrent des noms différents basés sur l’ethnologie. Par là même, leurs remarques devenaient difficiles à comprendre, et furent dès lors à peine relevées. Grâce à l’introduction de noms purement anatomiques, l’on a écarté des malentendus, et beaucoup des craniologues reconnaissent aujourd'hui que nous nous trouvons en présence de 4 types au moins, qui ont vécu et vivent encore ensemble en Europe: 8 Kallmann, I Beitrâge zu einer Kraniologie der europiiischen Viilker. Arcli f. Anthr. Bd. XIII, u. Bd. XIV. — 254 1) les Dolichocéphales leptoprosopes, 2) > Dolichocéphales chamaeprosopes, 3) > Brachycéphales leptoprosopes, 4) les Brachycéphales chamaeprosopes. Et maintenant, s’il y a des savants qui veulent que ce soient les Dolichocéphales, qui nous aient transmis leur culture intellec- Fig. 1. Européen leptoprosope vu de face. tuelle, il y en a d’autres qui prétendent au contraire, que ce sont les Brachycéphales. Il est donc très incertain encore, si c’est aux ancêtres de types leptoprosopes ou aux ancêtres de types chamae- prosopes, que revient cet honneur insigne. Depuis la période néo- lithique, tous ces types habitent l’Europe et c’est à tous les quatre qu’il revient probablement. Tous les types sont donc, autant au moins que nous avons pu sonder leur nature intellectuelle, égale- — 255 ment bien doue's. Ce serait bazarde', certes, que de vouloir assi- gner à l’un ou à l’autre une prééminence intellectuelle. La capa- cité crânienne des européens et le volume de leur cerveau ne donnent pas le plus léger point de repère pour un tel triage, il n’en donneront pas davantage pour l’âge de fer, celui du bronze ou celui de la pierre. Fig. 2. Eropéen cliamaeprosope vu de face. Il en est à très peu près de même pour la valeur des rensei- gnements, que l’on donne au sujet de l’émigration des races euro- péennes hors de l’Asie. Il a paru dernièrement un ouvrage sur l’Ethnologie des Indes britanniques, ouvrage qui a une grande valeur scientifique. L’on a fait des mesures anthropométriques sur plus de 6000 individus, et ces recherches, opérées sur une si grande échelle, ont donné le résultat suivant. 256 — Fig. 3. Européen leptoprosope vu du profil. la peau est semblable à celle des nègres, doivent entrer en ligne lorsque l’on s’occupe de l’immigration européenne, 2) Il en est de même du type mésorrhinien, brachycéphale, de taille moyenne et à la face largement prognathe. Il faudrait ad- s Risley H. — The etudy op Ethnologie in Indiatourn. Anthr. Imt. London, pebr. 1891. p. 235. H. Risley H. H. — The tribes and castes op Bengal. Vol. I. p. XXXI. Les observations de Mr. Risley ont été comfirméès par M. Schmidt E. Globus. Bd. 61. M. 2 n. 3. 1892. La population des Indes se compose, d’après Misley s , de o ty- pes différents: 1) D’un type platyrrhinien, dolichocéphale, d’une taille peu élevée, à la peau couleur café-noir, à la face large et au profil prognathe. — Personne ne voudra prétendre que ces Hindous, dont — 257 — mettre sans cela, qu’ une partie de ce type se fût transformée en Brachycéphales leptoprosopes, et que l’autre partie fût restée la même quant à la forme de la tête et de la face, mais que la couleur de sa peau eût changé. Il est très improbable que de pareilles transformations se soient opérées chez les races humaines depuis la période néolithique. Les Fig. 4. Européen chamaeprosope vu de profil. recherches faites de nos jours sur l’influence des milieux ne per- mettent pas de conclure à une transformation complète de la partie faciale du crâne, comme cela aurait dû être le cas ici, si les Brachycéphales, dont la figure est allongée, devaient descendre des Hindous à face large. Mais pendant que l’on rencontre ces deux types au centre et au Nord des Indes, nous en trouvons un tout différent dans le Pendjab et dans les pays qui le touchent au Nord-Ouest: 17 — 258 — C’est le type dolichocéphale leptorrhinien, orthognathe; la taille est haute, la figure étroite et allongée. Seuls, les représentants de ce type là, dont la ressemblance est si parfaite avec celui des européens méridionaux, pourraient être représentés comme des parents de la population de notre con- Pig. 5. Européen leptoprosope. tinent. Seulement ce n’est pas un type blond ni brachycéphale, il est brun et dolichocéphale. On peut donc le prendre en consi- dération dans l’immigration des dolichocéphales leptoprosopes, mais non pas dans celle des dolichocéphales chamaeprosopes. C’est ainsi que l’espoir de trouver en Asie les ancêtres des types européens s’est évanoui de nouveau. Quoiqu’il en soit, il serait faux, me semble-t-il, de mettre en doute les résultats si caractéristiques des linguistes, qui sont arri- vés à prouver les liens unissant les langues indo-européennes. — 259 — La communauté de moeurs et de pensées profondes, comme on les rencontre dans les traditions, dans les mythes et dans le langage des peuples, conduisent évidemment a un lien intellectuel commun. Il y a une ressemblance frappante entre les traditions et les contes de la Scandinavie à la Grèce, de la Perse et de 1 Hindou- stan. Les fables que les mères françaises, grecques, persanes ou indoues racontent à leurs petits enfants, sont, dans leurs traits ge- neraux les mêmes; et dans ces premiers essais de poésie nationale l’on retrouve partout le même sentiment et l’on ressent la meme impression. Il n’y a personne qui mette en doute la vérité de ces décou- vertes linguistiques, personne, qui nie l’existence de rapports étroits — 260 — entre les tangues indo-européennes, rapports, qui se perdent hélas, dans la nuit des temps. Néanmoins toutes les tentatives de découvrir une parenté di- recte entre les races ont échoué jusqu’ici, et l’on n’est point en- core parveuu à élucider cette question, que la science n’abandon- nera certes pas avant d’avoir trouvé la solution définitive. Pour le moment, nous ne pouvons, je crois, qu’ enregister les résultats suivants: Grâce aux études asiatiques et éclairés par elle, les historiens parviennent à fixer le berceau de la culture intellectuelle, et recherchent, grâce à la langue et aux coutumes communes, les tribus jadis proches parentes; mais avec cela l’on n’arrive qu’à la preuve d’une parenté intellectuelle , mais non à une origine ou à une descendance physique communes. C’est bien d’Asie que partit la renaissance intellectuelle des différents peuples européens, mais d’après les connaissances anthro- pologiques que nous avons de ce continent, ce n’est pas dans son sein que nous devons chercher le berceau de nos races. Jadis, lorsque les mythes, les contes et les fables commencè- rent à faire le tour du monde, le mouvent intellectuel les porta d’Asie en Europe; de nos jours le char a été retourné: une foule d’idées et de théories nouvelles, émises par nos savants et par nos grands hommes d’Etat, se frayent un chemin du coté de l’Orient. Ce que nous avons reçu jadis, nous le rendons maintenant avec les intérêts: culture intellectuelle, éducation, arts, métiers, tout, jusqu’aux nouvelles formes de la société humaine, jusqu’aux nou- velles conditions sociales. Et cette grande oeuvre, c’est une poignée d’hommes résolus qui 1 accomplisunt vis-à-vis de 600 millions d’hommes. Cette pièce imposante, qui se déroule depuis 300 ans sous les yeux de nos ancêtres et sous les nôtres encore, doit être, d’après mon opinion, la reproduction fidèle de celle qui a commencé sous la période néolithique. A cette époque reculée, comme maintenant encore, ce n’était pas, je présume, la population toute entière d’un continent qui se — 261 — mettait en route, mais de petits groupes d individus intrépides, d’audacieuses expéditions lointaines, dont les membres disparais- saient sans laisser de traces, d’un continent ou le flot humain se renouvelle sans cesse. Mais ce sont leurs pensées, leur savoir, leur science, leurs métiers, leurs principes qui sont restés immortels. Il y a encore une raison qui nous défend de faire descendre nos types européens des races de l’Inde orientale; c est 1 insensibilité de nos races humâmes vis-à-vis des influences extérieures. Les signes particuliers a telle et telle tribu restent ineffaça- bles, malgré les changements de milieux. Les qualités physiologiques peuvent changer peu à peu pendant le cours des siècles, mais le caractère propre à une race ne peut être modifié ni par les vallées, ni par les montagnes, pas plus par- les chaleurs du sud, que par les frimas des pays septentrionaux, en tout cas, pas au point où il faudrait en arriver ici: c’est à dire que nous soyons les descendants des peuples de 1 Inde. C’est pourquoi j’ai exprimé depuis quelques années déjà, l’o- pinion que plusieurs types émigrèrent du pays d’où sortit l’huma- nité primitive, pour aller peupler les différents continents. Dans cette première période de voyage, commença 1 acclima- tion des races à leurs continents respectifs, et c’est alors que se développèrent les marques distinctive sdes Européens, des Asiatiques et des Africains s . Depuis cette différenciation, les races sont restées dans un état d’invariabilité physique absolue; on peut donc les appeler des types définitifs. C’est ainsi seulement, que nous pouvons expliquer comment il se fait que nous rencontrions dans tous les continents les Dolicho- céphales avec les Brachycéphales et les Leptoprosopes, quand bien même chaque type porte toujours sur lui la marque distinc- live d’un autre continent que celui où il se trouve. Espérons donc que, quant à l’origine des peuples de 1 Europe, le congrès international de Moscou va nous ouvrir de ce cêté là aussi, de nouveaux horizons. 11 Komllann. Zeitschr. p. Etlinol. Berlin, 1889. s. 40. 262 Résumé. 1) Il est nécessaire de distinguer en Europe au moins quatre types différents. 2) Les types subsistent tous, sans aucun doute, depuis la pé- riode néolithique. 3) Ils ont (la preuve en est dans les cavernes et dans les sé- pultures) toujours vécu les uns avec les autres et se sont mé- langés. 4) Dès lors la culture intellectuelle européenne est un produit commun de ces types. 5) Il n’y a qu’un seul type d’Asie que nous puissions consi- dérer comme parent direct des types européens, a savoir le type dolichocéphale leptoproposn. Ceci n est qu’une simple supposition, basée sur quelques don- nées insuffisantes. Ce fut probablement d’Asie que partit la Renaissance intellec- tuelle de l’Europe, de même que le contraire se passe de nos jours; mais il n’est pas encore admissible que le berceau, d’où sortit l’humanité européenne, se soit trouvé sur ce continent. Depuis la période néolithique, les types européens sont des ty- pes définitifs" Sur les crânes anciens, artificiellement déformés, trouvés en Russie, par B. Anoutchine. La Russie méridionale, surtout la Crimée est, comme on sait, un pays privilégié en Europe pour les trouvailles de crânes arti- ficiellement déformés. Nous devons aux savants étrangers, Mrs. Du- bois de Montpéreux, Rathke et Meyer, la première description (dans les années 1833 — 1850) de crânes de ce genre, trouvés pies de Kertch. Mr. Rathke surtout a reconnu la similitude de ces crânes avec quelques autres, également déformés, provenant de l’Amérique et a ressemblé les passages des auteurs anciens (Hip- pocrate, Pomponius Mêla. Pline etc.), qui ont parlé des Macro- céphales, comme d’un peuple qui habitait quelque part à l’est de la Grèce et avait l’habitude de déformer les têtes des en- fants. Mais jusqu’à l’apparition du mémoire de K. E. von-Baer (1860), ces crânes macrocéphales ont été peu connus des savants; la preuve en est que Gosse p. ex. n’en parle pas dans son savant traité sur les déformations artificielles du crâne, paru en, 1S55. Yon Baer a décrit trois crânes de ce type, les a comparés avec quelques crânes semblables, trouvés en Autriche (décrits pa.i e- tzius et par Fitzinger), et en Savoie, et a émis 1 opinion que tous ces crânes avaient dû appartenir aux Avares, comme 1 avait amrme avant lui Fitzinger pour ceux trouvés en Autriche. Mais depuis 1860, on a fait tant de trouvailles de crânes pareils, en Russie comme dans l’Europe occidentale, et parfois dans les pays où. les Avares n’ont jamais pénétré, qu’il a fallu renoncer tout-à-fait a la suppo- sition gratuite de Mr. Baer. — 264 En 1887, j’ai publié un mémoire ', dans lequel j’ai décrit et mentionné tous les anciens crânes artificiellement déformés trouvés (jusqu’en 1887) tant dans l’Europe occidentale, que dans différentes parties de l’Empire Russe. Pour ce qui concerne les crânes pro- venant de la Russie, j’ai donné les mensurations de 7 crânes de Kertch (macrocéphales), d’un crâne d’Inkerman, d’un crâne pro- venant d’un kourgane à l’embouchure du Don, d’un autre prove- nant d’un kourgane sur les bords de la Sal, dans la province du Don; d’un 3-ème trouvé près de la ville de Rostov, d’un 4 ème de l’autre côté du Yolga, non loin de la ville de Samara; de 4 crânes trouvés dans les tombes près de l’Elborous, dans le pays des Tatars-Karatchaï, dans le Caucase central, et de 5 crâ- nes de la nécropole de Samtavro, près de Mtskhet, dans la Trans- caucasie. En somme — 20 crânes anciens déformés, provenant de différentes parties de la Russie méridionale, de la Crimée et du Caucase et conservés au Musée Anthropologique de l’Université de Moscou. J’ai comparé tous ces crânes par rapport à leurs formes et aux conditions de leurs trouvailles et, en prenant aussi en consi- dération quelques autres crânes semblables, conservés dans d’autres musées russes ou décrits par d’autres savants, j’ai discuté la ques- tion de l’antiquité de ces crânes et de leurs relations aux «Macro- céphales» d’Hippocrate et d’autres auteurs classiques d’une part, et aux divers peuples du commencement du Moyen-âge d’autre part. La conclusion à laquelle je suis arrivé était que l’usage de la déformation artificielle du crâne a dû être répandue depuis les temps très anciens (temps d’Hippocrate au moins), surtout dans la Transcaucasie (quelques crânes de Samtavro) et peut-être aussi en Crimée (quelques crânes de Kertch), mais que la majeure partie des crânes anciens déformés trouvés tant en Russie que dans l’Europe occidentale se rapporte aux siècles de beaucoup moins re- culés, notamment aux II — VIII après J. Ch. et peut-être même aux X— XIII siècles. Quelque part au Caucase, en Crimée, en Asie Mineure et en France — cet usage se pratiquait encore au siècle passé et s’est conservé, à un degré plus faible, même jusqu’à pré- sent. Pour ce qui concerne la question des nationalités, je suis arrivé à la conclusion que c’étaient des peuples barbares qui pratiquaient cet usage, mais non des Scythes (encore moins les anciens Hellènes), et que partout probablement cet usage, adopté * I). Anoutchine. „Sur les crânes anciens, artificiellement déformés, trouvés dans les confins de l’Empire Russe “ dans les „ Comptes rendus “ de la Section d’ Anthro- pologie de la Soc. des Amis des Sc. natur. etc. 1887. Avec 19 dessins dans le texte. — 265 — par divers peuples indo-européens et turcs, n’a pas été l’apanage de tous les membres des tribus, mais seulement de quelques la- milles ou de quelques individus privilégiés des deux sexes. Enfin, i’ai comparé les crânes mncrocéphales de Kertch avec les têtes de quelques statuettes grotesques et phalliques, d’un style grossier, façonnées en argile et trouvées dans les catacombes de Kertch des première siècles de notre ère. Quoique les conditions détaillées de leurs trouvailles soient restées le plus souvent inconnues, on pou- vait présumer que ces statuettes grotesques étaient dues au travail de quelque peuple barbare qui était venu en Crimée au commen- cement de notre ère et avait subi quelqu’influence de l’art et de la civilisation helléniques Les têtes de ces statuettes sont remar- Fig. 1. Crâne marcocépliale de Kertch quables par la grandeur de leurs nez et de leurs oreilles et par leur front fuyant, rappelant celui des macrocéphales. Dans les cinq dernières années, le nombre des crânes artificielle- ment déformés s’est considérablement accru dans nos musées. J’ai pu acquérir pour le musée anthropologique plusieurs crânes macioct- phales de Kertch et j’ai reçu pour le même musée, de la part de M-me la comtesse Ouvarova, une série de crânes du meme type, provenant des fouilles de nécropoles dans le pays des Ossètes au Caucase. Cette série a montré la grande propagation de l’usage de la déformation du crâne dans le Caucase central, dans les temps anciens, notamment dans des premiers siècles du Moyen-âge, — 266 — probablement jusqu’au VlI-e ou VlII-me. En même temps, quel- ques fouilles, faites par Mr. Kosciuczko sur l’emplacement de l’ancienne ville de Chersonèse (près de Sévastopol), ont donné Fig. 2. Crâne macrocépliale trouvé à 7 v. de Samara. aussi des crânes déformés, dans des conditions qui jettent quelque lumière sur leur date. De ces crânes (au nombre de 6, dont 1 Fig. 3. Crâne trouvé près de Rostov, sous le lit du Dnièpre. s’est brisé aussitô), trois ont été trouvés dans une catacombe gros- sièrement construite et bouchée par du limon visqueux, et trois dans des tombes situées l’une près de l’autre, en une rangée avec des 267 — tombes grecques de l’époque romaine, qui se rapportent aux II — III siècles après J. Ch. Parmi les objets trouvés près de. crânes dé- formés, — -il n’y .avait que trois paires de boucles d'oreilles en argent, en forme d’anneaux ornés de pandeloques à 14 facettes. Une boucle .a été dorée et ses facettes sont incrustées de quatre grenats coni- ques orientaux. Le point le plus à l’est, où on a trouvé en Russie des crânes artificiellement déformés, est la station Kriaje, sur la ligne du che- min de fer d’Orenbourg, à la distance de 7 verstes de la ville, de Samara, dans la direction de Syzrane. Ce crâne, d’une déforma- tion très accusée et rappelant tout-à-fait les macrocéphales de Kertch, a été trouvé accidentellement par les ouvriers qui creu- saient du sable pour le chemin de fer, et en même temps que Fig. 4. Figures grotesques en argile, avec la tête déformée, trouvées à Kcrtcli. d’autres squelettes, dont les crânes cependant sont tombés en pièces, Non loin du crâne déformé gisait le squelette d’un cheval, un sabre en fer et une boucle d’oreille, en forme d’anneau auquel pendait un petit cube en or. Pour la question de l’ancienneté des crânes déformés, la trou- vaille d’un crâne de ce type, faite près de la ville de Rostov, lors des travaux pour la construction d’un pont de chemin de ter sur le Don, présente beaucoup d’intérêt. Le crâne (sans partie faciale) a été trouvé à la profondeur de B sagènes (6 mètres) au dessous du niveau du fond de la rivière, dont la profondeur atteint ici jusqu’à 5 sagènes (10 mètres); il est tout-à-fait noir 268 et présente la déformation du meme type que les crânes de Kertcli, quoique un peu moins accusée. L’épaisseur de la eouclie de 6 mètres qui couvrait le crâne peut donner quelque idée de son ancienneté. Si nous admettons que le fond de la rivière s’ex- hausse annuellement de 0,5 cent., nous aurons 1200 ans, passés depuis l’immersion de ce crâne. Mais il est probable que l’accumu- lation des dépôts au fond des rivières ne se fait pas d’une manière aussi rapide. Le crâne est remarquable par la largeur de l’apo- chyse nasal de l’os frontal (30 mm.) qui indique la largeur cor- respondante de la racine du nez et du nez lui-même. Quelle est la race la plus ancienne de la Russie centrale? Par Anatole Bogdanov, professeur de l’Université de Moscou. Il y a juste 25 ans que j’ai publié dans les Bulletins *) de notre Société des Amis des Sciences naturelles mes premières recherches sur la craniologie de la population préhistorique de la Russie centrale, ou plus exactement — du gouvernement de Moscou. Mon matériel se composait de 140 crânes et de 15 squelettes, trouvés par moi ou par mes élèves et amis, surtout Fedschenko et Saen- ger, que la science russe a eu le malheur de perdre sitôt. Deux ans de travaux et de fouilles des tumuli ont été consacrés à la restauration, si non du tableau, au moins de l’esquisse, surtout des caractères physiques de la population du gouvernement de Moscou, mais aussi un peu et de son entourage paléoethnographique, d'après les objets trouvés dans les tumuli. Les conclusions auquelles je suis arrivé à l’époque de l’apparition de mes „Matériaux sur la popu- lation du période des tumuli dans le gouvernement de Moscou* sont les suivantes: 1) A l’époque des Ivourganes, nous trouvons dans le gouverne- ment de Moscou au moins deux races, dont le croisement est évi- dent, mais dont parfois on trouve des types primitifs assez purs. L’une de ses races était robustes, avait une large et longue tête, un visage allongé et, d’après quelques échantillons, — les cheveux blond-foncé. L’autre, plus petite est plus grêle, appartenait à un peuple brachycéphalique, ayant le visage plus court, la tète plus large et plus courte, le cheveux châtain. Des les tumuli du gou- vernement de Moscou, j’avais réuni dans ma collection 56,4% crânes dolichocéphales ou plutôt subdolichocéphales et 22,7% subbrachi- céphales, la brachycéphalie vraie et prononcée étant rare (5,6%). 2) La distribution des dolichocéphales et des brachycéphales n'était pas la même dans toute l’étendue du gouvernement: les localités placées au soud-ouest de Moscou présentaient plus de crânes doliehcéphaliques du plus pure type, plus de vrais do- lichocéphales que celles de l’est et du sud-est. Prés de Moscou même on été trouvés les crânes de deux types. *j HsBÈcrifl 06m. JIioC. Eot. t. 4-ii. MaTepia.ua j.m AHTponoaorin Kypramaro ne- pioja BT> Mockobckoh rySepaiii. 1867 r. 1 2 3) Les ci’ânes du type dolichocéphale, ayant les os plus épais, se conservaient en général mieux, que les crânes brachycépha- liques. 4) En mettant de coté l’hypothèse de M. Tscherkov, le quel considérait les tumuli de Moscou comme des restes des Variago- Russes, nous avons sur leur origine deux théories: 1) finnoise, de historiens Karamsine, Soloviev, Béliaev et Hatzouk, admettant que le territoire de la Russie centrale était occupé autrefois par des peuplades finnoises; 2) de Baer, qui, ayant étudié quelque crâ- nes des tumuli de Moscou et n’en trouvant pas de ressemblants aux crânes finnois, regardait les ossements trouvés dans le gou- vernement de Moscou comme appartenant à une race ancienne, dis- parue. Baer a remarqué aussi que les crânes des tumuli de Moscou sont du même type que ceux qu’on trouve dans la Russie méridio- nace, mais qui n’y sont pas très répandus. M. M. Soloviev et Bé- liaev, d’après des donnés historiques, acceptent les Slaves comme un peuple habitant des temps préhistoriques l’arrondissement de Moscou à coté des Finnois primitifs, mais n’ayant aucun rapport avec les restes trouvés dans les tumuli de Moscou. A la fin de mon travail, j’ai exposé les motifs qui m'ont amené presque au même point de vue que celui de Baer, et je l’ai exprimé nettement appelant la population ancienne de Moscou— la race des Kourganes (ou des tumuli) et en présentant quelques considérations qui prouvent que le crâne des Kourganes n’est par un crâne finnois. L’exposition etnographique de Moscou, d’après mon premier projet, accepté par les fondateurs de la Société des Amis des Sciente3 natui’elles, devait être anthropologique, mais en commençant à réaliser le projet nous dûmes ceder la place principale à l’Ethnographie, pour des raisons très pratiques et très dignes d’attention, que nous présenta le professeur N. Popov. Si l’Anthropologie en Russie, après 25 anneès écoulés, peut à présent sons crainte de manque de matériel organiser une exposition an- thx-opologique, il n’en était pas de même en 1867, et nous devons, beaucoup de reconnaissance au regretté Nil Popov pour avoir de- mis l’exécution de cette exposition à une époque plus rapprochée de nous, en 1879. Notre Société, en acceptant en 1867 comme drapeau principal et officiel l'Ethnographie, n’a, pas négligé tout à fait l’An- thropologie et a travaillé à la réalisation d’une sérieuse section d’Antbropologie à l’exposition de 1867. Je crois, qu’ après la section anthropologique de l’exposition universelle de 1867 à Paris, notre section craniologique a été la première à figurer en public en qua- lité de musée anthropologique spécial. L’exposition de 1867 jeta les fondements sérieux tl’un musée anthropologique tx l’Université de Moscou et d’une chaire d’Anthropologie: c’était un travail préparatoire au proget qui amena la chaire d’Anthropologie en 1872 et le musée antlii'opologique en 1879. Si les collections craniologiques de l'expo- sition ethnographique de 1867 n’étaient pas très grandes, au moins elles donnèrent un intèi’essant matéi'iel pour la craniologie des tumuli des gouvernements de Moscou, de Ivalouga, d’Jai’osslav, de 3 Minsk, de Sibérie. L’étude comparative de ces collections cranio- logiques m’a conduit à la. conclusion suivante: les crânes des tu- muli de Sibérie diffèrent du type du crâne tumulaire de Moscou, ainsi que des crânes trouvés dans le gouvernement de Jaroslav et de Minsk. La même race dolichocéphalique habitait de Moscou à Minsk et à l’époque des kourganes elle y était prépondérante. Pour résoudre la question de la distribution de cette race kourgani- enne dans les localités plus éloignées de Moscou et de la relation de cette race avec la race brachycéphalique, il fallait de nouveaux matériaux, qui se^ sont fait attendre assez longtemps, jusqu’en 1877^ 1878, jusqu’ à l’époque de l’exposition anthropologique de 1879. Cette, exposition avait un but spécial : celui de réaliser par rap- port à l’Anthropologie ce qui n’avait été cju’ ébauché en 1867, à 1 exposition Ethnographique de la Société, c’est à dire la fondation d’un Musee anthropologique à l’Université de Moscou et la continua- tion des travaux sur la craniologie de la période des kourganes en Russie. Le plan clés fouilles des kourganes m’a été confié et plusieurs autorités scientifiques dans les recherches préhistoriques ont donne au Comité de 1 exposition leur temps et leur expérience. Ce qui nous occupait le plus en ce temps — était de nous procurer des matériaux pour la distribution géographique en Russie, au pé- riode des kourganes, de cette race dolychocéphalique prédominant dans les tumuli de la Russie centrale, et pour prouver son exis- tence dans la Russie méridionale comme l’avait prévu et indiqué de Baer. La question a été résolue premièrement par les fouilles de M. Samokvassov, auquel je dois une reconnaissance cordiale et chaleureuse. Il fut un temps où mes efforts pour faire quelque chose pour la craniologie de la population préhistorique de la Rus- sie étaient regardés par les uns avec indifférence et par les plus généreux — avec un sourire bienveillant et une conviction intime que ces études n’auraient aucun résultut sérieux, car, pour eux la craniologie, avec ses moyennes et ses mensurations, n’était pas quelque chose de sérieux et de vraiment scientifique. Si la statisti- que dans les questions sociales est sujette en général à des objec- tions serieuses, que, pouvait donner la statistique craniologique, quand les savants n’etaient pas encore d’accord sur la valeur des mensurations et les manières de les faire? Est ce que le croise- ment des races, commencé depuis les temps préhistoriques, n’a pas confondu les caractères anthropologiques? Les personnes plus iras- cibles et d’un tempérament cholérique appelaient dédaigneusement les études craniologiques— „folies“, „schwindlerei“, et lui donnaient d’autres qualifications tout aussi peu aimables pour le craniologue. Dans ce temps, j’ai eu la bonne chance de rencontrer dans deux per- sonnes un appui amical et énergique: c’étaient le professeur Béliaev, s’intéressant spécialement à la question des populations de la Rus- sie, en sa qualité d'historien, et M. le professeur Samokvassov com- mençant alors ses fouilles des kourganes, dont les résultats fructueux pour la science sont à présent bien connus de tous les spécialistes et dont la collection constitue un des ornements du Musée historique 4 de Moscou. M. Samokvassov a fait don à notre Société d’une belle collection de crânes provenant de ses fouilles dans diffe- rentes localités de la Russie, que j’avais le droit de décrire. Deux de ces collections surtout m’ont été d’une grande utilité pour réclairssissement de quelques questions, très importantes pour le but que je poursuivais: c’est la collection des crânes des tumuli du gouvernement de Poltava, contenant des restes de la population nommée „Scythes“, et celle des ltourganes de Soudja, du gou- vernement de Koursk. J’ai décrit ces collections en deux artic- les publiés dans les travaux de l’exposition anthropologique de 1879 *). Voici les conclusions auquelles je suis arrivé en étu- diant les collections de Samokvassov, et plus tard celles de quelques autres personnes s’occupant de l’étude des ltourganes de la Russie méridionale: 1) Les crânes des tumuli de Soudja présentent une très rare et remarquable exception parmi les collections provenant de la fouille des kourganes de Russie, parce qu’ils forment une série homogène, ce qui permet d’admettre avec beaucoup de raison que ce sont les restes d’une seule râce, très pure au point de vue an- thropologique. 2) Tous les 23 crânes appartiennent à la râce dolichocéphale, vu que 19 d’entre-eux sont de vrais dolichocéphales et 4 sous- dolichocéphales, et ces 4 crânes n’appartenaient qu’a 3 femmes et à un enfant. 3) La dolichocephalie est occipitale, mais la Conformation de la région frontale est très gracieuse et ne présente pas les indices de difformités ou de sauvagerie. q j Jjgg crânes ne présentent aucun caractère caractéristique pour la race mongolique. Je crois que j étais dans 1 erieui en trouvant alors des ressemblances entre ces crânes et les crânes des peuplades ouralo-altaïens , comme je le montrerai ensuite. Pous moi, cette trouvaille de Samokvassov était vrai ement un appui moral dans mes doutes: elle montrait qu’en Russie on pouvait trouver des localités contenant des restes de population très pure, très homogène dans ses caractères anthropologiques. J’ai fait faire des copies de ces moulages, ainsi que des autres crânes de la race dolichocéphalique de Russie et je les ai donne au Muséum d’Histoire naturelle de Paris, â la Société anthropologique de la Grande-Bretagne, au Musée anthropologique de Berlin et à quelques autres. Parmi les crânes trouvés dans le gouvernement de Mos- cou (les crânes de Podolsk donnés par Gatzouk) et dans celui de Jaroslav, j’en ai rencontré plusieurs qui ressemblaient par 1’ habitus et tous les détails aux crânes de Soudja trouvés par M Samok- vassov. , . Une autre collection du professeur Samokvassov a ete décrite par *) Kypramae ’iepena oô.'iacTH npeBHttXT> CiBepaH*. CynmaHCKoe j,iHHBoro.iOBoe HaceieHie na piitt Ilcai. AHTpon. B&icTaBua 1879, t. Il, CTp. loi l y4 - 1 sbbct. 06m,. JIk>6. EcTecTB. t. XXXI 1879 r.). moiclans le même recueil de F «Exposition Anthropologique 11 de 1879*), ainsique les crânes de la même province et de la même époque, offerts a notre Société par le prof. Antonovitsch, de l’Université de Kiev, et par AI. Kibaltschtisch. En tout j’avais 41 crânes, dont 29 avec le type masculin très évident. La grande majorité de ces crânes présentait la plus grande ressemblance avec ceux de la Russie centrale: 34 ci’ânes, c’est à dire 79.31%, étaient dolichocé- phales et, pour la plupart, de vrais dolichocéphales. Les bracliyo- céphales n’étaient représentés que par 4 crânes (13,79%), e f ü n ’y avait que trois mésocéphales (6.83%)- D’après les donnés archéo- logiques, M. Samokvassov divise les tombeaux ou se trouvaient ces crânes en trois grouppes: les tombeaux Scythes, les tombeaux des Slaves et les tombeaux n’appartenant ni a l’une, ni a l’autre catégorie. Au point de vue craniologique le même type prédominait dans tous ces tombeaux de toutes categories, et la plupart des crânes était de dimensions assez, considérables. Ces faits m’ont conduit aux conclusions suivantes: 1) Dans le gouvernement de Poltava, dans tous les tombeaux dont j’avais eu des crânes à ma dispotition, le même type dolicho- céphale prédomine. La différence consiste en ce que dans quel- ques localités, la population était moins homogène et comptait un peu plus de brachycéphales. 2) Dans les kourganes dits „Scythes“, la proportion des bra- chycéphales était plus grande que dans les autres, mais en général dans une faible proportion. Les crânes brachycéphales de ces kourganes ne présentaient pas des caractères spéciaux de la race mongolique, mais dans quelques crânes dolichocéphales, la largueur plus grande de la face et la largeur du nez accusaient un mélange avec la race mongolique. 3) Les kourganes des Scythes ne présentent pas, par leurs carac- tères craniologiques, de différences avec le type généralement ré- pandu dans les kourganes de la Russie centrale. L’illustre Baer l'avait déjà remarqué et il a indiqué dans sa collection des crânes dits „Scythes“, un mélangé des dolichocéphales avec les brachy- céphales . 4) Ces donnés mènent à la conclusion que le terme «Scythe 11 n’exprime pas une unité anthropologique, mais seulement géogra- phique et ethnographique. Depuis, j’ai eu l’occasion d’avoir sous la main une autre col- lection de crânes des tumulis, provenant du même gouvernement de Poltava, qu’a étudié craniologiquement un de mes collègues du Musée Zoologique de l’Université de Moscou. Il a trouvé le même type prépondérant et est arrivé aux mêmes conclusions que moi. La prépondérance dans les tumulis de ce type dolichocéphalique de la Russie préhistorique que j’ai décrits dans mes «Matériaux pour *) 0 MCirHiax’b CKHeo-capsiaTCKoi 3jioxh bt. no.ïTaBCK(m ryfîepHÎn h o KpaHiojtorin CKiieoBi,. AHTpono.ior. BHCTaBtta t. III, CTp. 263—279. (II3B. 06m,. Jtio6. EcTecTB. t. XXXV. 1880). 6 la période kourganienne du gouvernement de Moscou", et sa grande distribution géographique en Russie, a été confirmée par les études des collections de différentes localités de la Russie centrale et oc- cidentale, entre autres— par les études sur les habitants préhisto- riques du gouvernement de Tver *). C’est surtout à notre émi- nent archéologue, le créateur du Musée de Tver, M. Jisnevsky, que je dois la prémiere belle collection de crânes des tumuli de ce gouvernement, provenant des fouilles de M. Stscheglov, Stscher- bakov et Grosdov. Cette collection a été augmentée plus tard par les crânes provenant des fouilles de M. Tschahine et de Kelsiev. Toute la collection se composait de 41 crânes, dont 30 présentaient le type dolichocéphalique (73%; 56% de vrais dolichocéphales); il n’ y avait que 17% de brachycéphales et 9. 75% des mésocéphales. Les dolichocéphales ont une grande ressemblance avec les crânes de la populatiou préhistorique de Moscou. Dans les kourganes plus rapprochés des frontières du gouvernement de Smolensk, on trouve une population plus mélée, semblable à celle qui habitait au pé- riode des kourganes le territoire de ce dernier, ou j’ai trouvé **) dans une série de dix crânes: 3 dolichocéphales, 3 mésaticéphales et 4 brachycéphales. Nous voyons aussi une prépondérance évidente des dolichocé- phales dans les populations kourganiennes des gouvernements de Tschernigov et de Jarosslav. Les kourganes du gouvernement de Tschernigov ***) sont d’autant plus intéressants que d’après l'opinion de quelques archéologues: 1) ils appartiennent à une seule race; 2) qu’on les tient pour les kourganes Slaves et, notamment, appar- tennant aux Sévérianès; 3) qu’ ils se trouvent dans une contrée très tranquille, qui n’a pas été une arène des changements ethnologi- ques à l’époque des kourganes, plusieurs des quels y ont été trouvés dans des localités situées loin des routes suivies pendant les migrations de differents peuplades. Vu ces conditions, je tenais beaucoup à connaitre si la population des kourganes Tschernigo- viens présentait un type bien défini et homogène et s’il présen- tet la brachycéphalie qu’on regarde comme un trait caractéristique du crâne slave. Outre les crânes kourganiens de ce gouverne- ment, j’avais quelques crânes des tombeaux des anciennes églises. L’étude de ces crânes (30 crânes des tombeaux et 43 des kour- ganes) a montré que dans la population kourganienne nous avons 81% de dolichocéphales, 14%, de brachyocéphales et 5% de mésocéphales. Les crânes des anciens tombeaux n’ont donné que 23% de dolicocéphales, mais 53% des brachycéphales et 23% des *) ^OHCTopH'îecKie TBepirrane no paCKOmtaMT. KypraHOBB. AniponoHonraecKaa BH- CTaBKa, T. III, CTp. 382—392. (II3BÉCT. 06m. JI 106 . ECTeCTB. T. XXXV, 1882). **) OnncaHie BypranBHXT> vcpenoBt CiioaeHeKOfl ryOepHin, naxoj.am.HxcH bt, Kpa- nioHor. coSpamn 06m,. X 106 . Ect. Amponoior. BHCTaBKa, t. 2-B, CTp. 38—50. (I 13 B. 06m. JTro 6 . Ect. t. XXXI, 1878). ***) KypraHBue aurreM ClmepaHCKofi 3eitura ho pacKOHKaM’b bb UepHiiroBCKOii ry6epHin. Amponoa. BHCTaBKa t. III, CTp. 350—361. (IIsBiciia 06m- JItoO. Ectbctb. t. XXXV, 1882 r.). 7 mésaticéphales. Les détails de l’étude des collections de M. M. Samokvassov et Kibaltchitch m’ont amené aux conclusions sui- vantes: 1) Les kourganes du gouveimement de Tschernigov, étudié par M. Samokvassov, appartiennent à une race dolicho céphalique et étaient en majorité caractérisés par des caractères différents de ceux de la population dont les restes ont été trouvés dans les cim- metières des anciennes églises du Xll-e et XlII-e siècles et chez la quelle la brachycéphalie prédominait. Mais cette race primitive n’était par éteinte, car parmi les crânes des tombeaux plus modernes on trouve aussi des dolichocéphales. 2) Les crânes de la race dolichocéphalique présentaient plus d’ho- mogenité que ceux de la population brachycéphale. Plus près de Tschernigov, la brachycéphalie est plus prononcée que dans les lo- calités lointaines où la proportion des dolichocéphales est plus grande. 3) Les crânes dolichocéphales du gouvernement de Tschernigov ressemblent à ceux qui ont été trouvés dans les kourganes des gouvernements de Kiev, de Poltava et de Moscou. Une célébrité mérité ont acquis les recherches classiques sur les Meriens de M. le comte Ouvarov, qu’on peut appeler de droit, avec M. von Baer, l’un des premiers fondateurs de l’Anthropologie des populations koui'ganiennes. En faisant des fouilles considérables dans le gouvernement de Jaroslav, il collectionnait aussi les crânes des tumuli, surtout ceux du gouvernement de Jaroslav. N’etant pas spécialiste dans les questions de l'histoire naturelle de l’homme, M. le comte Ouvarov ne voulait pas entreprendre lui même les re- cherches craniologiques et anthropométriques et il a donné sa collec- tion, d’après son dire plus d’une centaine de crânes tumulaires, à quelques spécialistes et il n’a put après retrouver ces crânes. Il ne lui en restait que quelques-uns étudiés par le professeur Landzert de S.-Pétersbourg. La description de ces cinq crânes a été publiée dans l’ouvrage sur les r Meriens “ du comte Ouvarov. Parmi ces cinq crânes le prof. Landzert a trouvé 3 dolychocéphales, 1 subdo- licocépliale et 1 subbrachycéphale. Le terrain des kourganes de Jaroslav, devenu classique après „Les Mériens“ du comte Ou- varov, a surtout excité ma curiosité et, grâce à la Section d’ Anthro- pologie de notre Société des Amis des Sciences naturelles, ainsi qu’ au Comité de l’exposition anthropologique de Moscou de 1879, j'ai pu étudier 15 crânes du district de Mologa et de Pereiaslav du gouvernement de Jaroslav (fouilles de M. Sabanéev et Kelziev), 58 crânes du district d’Ouglitsch (fouilles de Mm. Kelziev, Ou- sebakov et Kerzelli), 9 crânes des kourganes du district de Ry- binsk et 3 de Rostov. J’avais en somme 70 crâne tumulaire du gouvernement de Jaroslav, qui ont donné 66% des dolichocéphales, 18% de mesaticéphales et 16% des brachycéphales (des vrais bra- chycéphales 3.57%)- Si nous prenons, non pas la somme de tous les crânes des tumulis du gouvernement entier, mais la population des differentes localités kourganiennes de celui ci, nous verrons que 8 la dolychocephalie, dans la plupart de cas, va jusqu’à 70% et plus; dans ce dernier cas il y avait trop peu des crânes pris dans la même localité pour avoir le droit de s’appuyer beaucoup sur ces chiffres. Ayant étudié en détail les mensurations, nous avons fait les conclusions suivantes: 1) Dans les kourganes Mériens et autres du gouvernement de Jaroslav, nous voyons prédominer le même type que nous avons rencontré à Moscou, à Poltava, à Tschernigov, à Tver. Dans les differentes localités citées nous rencontrons ce type quelquefois très prédominant et très pur et dans d’autres localités — plus ou moins mêlé, mais comparativement bien peu, et surtout, paraît-il, parmi les crânes féminins. 2) Vu que le même type prépondérant se trouve dans la Russie méridionale, dans les tumulis de Kiev et Poltava, dans la Russie occidentale, à Minsk et Vitebsk, et au Nord — dans les gouverne- ments de Tver et Novgorod; vu que dans les kourganes de la Rus- sie méridionale, il se retrouve quelquefois dans les tumulis, regardés comme les plus anciens et ne conservant que des objets en pierre; vu que dans la Russie orientale, à l'Ost de Moscou, le type brachycéphale paraissait alors jouer un grand rôle, il est na- turel d’admetre que le type dolichocéphale du territoire du pays des Mériens provenait du SO. de la Russie et non du NE. Cette conclusion a été confirmée par la remarque du comte Ouvarov, que la limite SO. du territoire des Mériens est difficile à tracer d’après les faits archéologiques. 3) Comme les faits historiques le montrent, le pays des Mé- rieus était principalement sous l’influence des Bolgares de Ka- zan et. de la population de Novgorod, il était désirable d’avoir des faits craniologiques des kourganes de ces provinces. Pour étudier ces questions, notre collection craniologique de l’exposition anthropologique donnait, comparativement, d’assez bons matériaux. Pour 1 etude de crânes de la population des anciens Bolgares, j’avais une collection provenant des fouilles de M. P elzam, faites dans les différentes localités des anciens „Bol- gari“, que j’ai décrite dans une étude spéciale*). En tout, j’avais de M. Pelzam 36 crânes propre a être étudier. Vu que plusieurs anciens historiens, comme Jakout et Ibn-Fozlan régardent les an- ciens „Bulgari“ pour la capitale des Slaves au pays de Nord lointain et que M. Ilovaisky, un de nos éminents historiens russes, pense que „les Bolgai’es de la Ivama étaient des Slaves (une branche des Slaves de Bolgarie, laquelle a perdu, sa nationalité au milieu des peuplades finno-tatares)“, les aborigènes du pays, j’ai taché d’avoir les crânes vrais de Bolgares slaves contemporaints et des peuplades dites „finno-tatares“ comme les Tschouvasch, intéressants pour moi sous d’autres points de vue. La collection des crânes Bol- gares, provenant des fouilles des anciens cimetières en Bolgarie et *) iKHTe.ii! ÆpeBHiix'b Bojrap'b no KpaHioiomnecKHM’i npii3HaKasn.. Am-pon. BHCTaBKa. T. III, CTp. 365—377. (HsBiiCT. 06m. JL 106 . Ect. t. XXX V, 1882). 9 Roumelie (21 crânes) a été offerte au Comité de l’exposition an- thropologique par un éminent médecin et ornithologue russe M. Radakov, habitant les pays des Balkans pendant la dernière guerre d'Orient. M. le professeur A. Ivorotnev a fait don au Comité d’une autre belle collection (10 crânes) de Bolgares la quele complétait la première, parce qu’elle a été faite par lui à Bucharest, sur des indi- vidues connus comme de vrais Bolgares et qu’elle a été préparée au laboratoire anatomique de Bucharest, avec l’aide de M. le professeur d’anatomie pathologique, le Dr. Scliraber. Les crânes des Tschouvaches ont été reçus de M. Pelzam, alors conservateur du Musée zoologique de l’Université de Kazan, qui les à trouvés dans un ancien cimetière Tschouvaschien (45 crânes) et de M. de M. Aboutkov de Simbirsk (5 crânes), aussi d’un ancien cimetière Tschouvaschien. Par rapport à l’ancienne population des Bolgares de Kazan, nous avons 19 dolichocéphales (dont 13 de vrais dolicho- céphales) 5 mésaticéphales et 8 brachycéphales (dont 2 de vrais brachycéphales). Vu que mes mensurations sur les crânes provenant du Tourkestan *) et décrits dans le voyage de Fedschenko ont mon- ré qu ils sont brachycéphales, j’en conclus que l'influence des peii- ple sde l’Asie, surtout du Tourkestan, avait peu d’effet sur la population des anciens ,,Bolgari“, même s’il est prouve que cette brachycéphalie des Tourkestaniens provenait souvent de la défor- mation ethnographique: en ce cas l’influence des coutumes devait aussi régner a ..Bolgarr 1 avec l’influence de la râce. Les crânes de Bolgares contemporains ont donné le même résultat: la pré- pondérance de crânes dolychocéphales. Comme ils proviennent de localités très éloignées l’une de l’autre (les Bolgares de Roumélie et ceux du Danube), il est intéressant que le résultat est le même: chez les Bolgares de Roumélie, il y a 60% de dolichocé- phales (10% de brachycéphales et 30% de mésaticéphales) et chez les Bolgares du Danube — 65% de dolichocéphales (25% de bra- chycéphales et 10% de mésaticéphales). J’ai eu en ma possession un crâne du XI — éme siècle provenant de Serbie et donné par M. le professeur Beliaew: il avait une grande ressemblance avec le plus purs dolichocéphales des tumulis de Soudja (g. de Koursk, fouilles de Samokvassov), de Moscou (quelques crânes de Podolsk, gouv. de Moscou, fouilles de M. Gatzouk), de l’âge de pierre du gouvernement de Novgorod (fouilles du professeur Iuostranzev). Ces crânes avaient une homogenité évidente, ce qu’on ne peut pas dire des crânes des Bolgares, qui ont souvent des difformi- tés, le front fuyant et une conformation grossière en comparaison des crânes typiques dolichocéphales et subdolichocéphales trouvés dans les kourganes de la Russie centrale et méridionale. En même temps les crânes de Bolgares ne se distinguent des crânes de Turques *) AHiponoMeTpHiecKia aawÉTKH OTHOCHTernHo TypitecTancKHx'b HHopoweBt, ct. 11. üyTeinecTBie bï> TypitecTaH'B A. H. ^ejiveHKO . (HaBicT. 06m,. JIfo6. EcrecTB. t XXXIv' 1888). 10 — et même de ceux des Juifs, que j’ai eu grâce à l’obligeance de M. Radakov. Les crânes des cimetières Tschouvasch.es sont aussi dolychocéphales (54% des dolychocéphales dont 22% des vrais do- lychocéphales), et 10% des brachycéphales, dont 2% sont de vrais brachycéphales. Les conclusions générales auxquelles je suis arrivé en étudiant les sus-dites collections, sont: 1) La population des anciens „Bolgari“ de Kazan était dolycho- céphalique (dolychocéphale et sous-dolychocéphale). Il est intéres- sant que, d’après nos mensurations, ainsi que d’après celles d’autres anthropologues qui ont étudié les Bolgares des Balkans, ces derniers sont le plus dolychocéphales de toutes les populations dites Slaves et étudiées au point de vue crâniologique. 2) Si l’on prétend que la brachycéphalie est un caractère pré- dominant des crânes Slaves, la population de la Bolgarie et de la Roumélie ne peut pas être prise pour des Slaves, ce qui serait inadmissible. Ainsi, la brachycéphalie des Slaves pour la période préhistorique n’est pas prouvée et les Slaves en réalité provenaient de souches dolichocéphaliques. 3) Les crânes des anciens „Bolgari tc de Kazan présentent un plus grand nombre de faces larges, mongoloïdes, que les crânes des Bolgares du Danube et de la Roumélie, et sous ce rapport avaient plus de ressemblance avec les crânes Tschouvasches. 4) Si les données craniométrique ne présentent aucune objection serieuse à l’hypothèse de 1a, parenté ethnologique de la population de „Bolgari tt de Kazan et de celle du Danube et de la Roumélie, d’autre part ils ne sont pas assez caractéristiques et définitifs pour l’affirmer avec certitude. Comme complément de ces investigations, j’ai étudié les crânes des kourganes pré-ouraliens, que notre exposition de 1879 a reçu de Mm. Zograf et Nephédov *). M. Zograf a fait des fouilles dans le gouvernement de Perm, district de Schadrinsk, sur le fleuve Issète, et a collectionné 22 crânes pouvant être mesurés. Comme point de comparaison, j’ai pris les crânes provenant des cime- tières Baschkires du gouvernement d’Oufa, reçu de M. Nephédov par le comité de l'exposition, 17 crânes. Ces crânes Baschkirs étaient d’autant plus intéressants que les kourganes préouraliens se trou- vent dans le pays des Baschkirs. Enfin" la collection se complétait par 8 crânes provenant du cimetière qu’on prend pour un lieu de repos des Khans de Nogaït et des personnes de leur suite. Les kourganes permiens ont donné 25% dolichocéphales, 50% des brachycéphales et 25% de mesatieéphales , c’est-à-dire qu’ils montrent la prédominance d’une population toute autre que dans les tumulis de la Russie centrale et méridionale. Les crânes per- miens présentaient pour la plupart une face large, mongolique, pareille à celle qui a été trouvée dans les kourganes de Tobolsk par M. Malakhov, que j’ai décrit aussi dans une étude spé- *) Kypranm>ie npiypa.iMu.i no pacKonKaan. rr. 3orpa({>a h Ile^eflOBa. Ampon. bh- CTaBKa, t. III, dp . 279 — 300. (II3bèctîh 06m. .Iio6. Ectbctb , t. XXXV, 1880). — 11 — ciale *). Ces crânes avaient l’aspect tout-à-fait mongolique, très large de face, avec les pommettes proéminentes et une nez large, mais d’après les mensurations ont donné 2 dolichocéphales, 2 mé- saticéphales et un brachycéphale. Celà provenait d’un très grand développement des crânes en longueur. Les Baschkirs ont été étu- diés par Mm. Maliev et Ujfalvy. Ce dernier a trouvé chez les crânes des Baschkirs d'Orenburg et d'Oufa 65,38% de brachycé- phales, M. Maliev— 71,43%, et moi 65% de brachycéphales et 33° 33 des mesaticéphales. Ainsi de toutes les mensurations craniologi- ques il résulte: que la majorité de la population Baschkire appar- tient aux brachycéphales. D’après les traditions historiques, le pays des Baschkirs était habité auparavant par les Tschoudes, aux- quels ont succédé plus tard les Baschkirs. Un archéologue et histo- rien très compétant a fait des recherches dans le gouvernement d’Olonetz au pays de l’ancienne Tschoude (E. B. Bapcom., o pac- KOiiKax r b Bn lîpioHTCKofi UyflH. AnTponojror. BwcTaBKa , t. II, CTp. 117-122, 1871 r.), et en a rapporté des crânes. Ces crânes, dit il ressemblent aux crânes Mériens (c’est à dire dolichocéphaliens) à tel point qu’on les prendrait pour ces derniers. Ainsi, si les Tschoudes étaint les aborigènes du pays des Baschkirs, la présense des crâ- nes dolichocéphales parmi les brachycéphales des kourganes du pays préouraliens s’explique facilement. Après m’ être formé une ideé de la distribution du type doli- ehocéphalique des kourganes de Moscou, j’ai commencé la deu- xième série de mes études, dans le but de comparer craniologi- quement les populations des kourganes de différentes localités de la Russie avec celle qui lui a succédée dans les périodes suivantes. J’ai fait ces études sur les crânes de Moscou, Novgorod et Kiev, comme localités où il y a eu le plus de perturbations ethnologiques et d’où je pouvais me procurer un matériel systématique pour mes travaux. La collection des crânes provenant des anciennes cimetières de Moscou **) du XYI-ème jusqu’au XAUII-ème siècle, quand la sépulture dans la ville près des églises a été défendue, se compo- sait de 120 crânes, trouvés dans les terrains des anciennes cime- tières de la ville. Je dois ici exprimer encore une fois ma plus vive reconnaissance au clergé de Moscou, qui depuis les chefs su- périeurs jusqu’aux simples prêtres, m’aidaient sympatiquement dans mes tentatives, me donnaient des indications historiques et me fournissaient des crânes intéressants pour l’étude s’ils s’en trou- vaient dans leur diocèse. C’était dans le commencement des mes étu- des, quand, même parmi les personnes civilisées, mes tentatives rencontraient tout autre chose que de la sympathie et des encou- ragements. Dans la collection de 120 crânes, il n’y avait que *) KypraHHbie ^epena Tapcicaro oicpyra To6ojiï.ckoh ryCepHia. Amponoiior. bh- cTaBKa, t. II, CTp. 263—273. (IlaBtcT. 06m. .1 io 6. Ectcctb. t. 2, 1878 r.). **) ^epena H3t CTapHxB MOCKOBCKaxt MasSami. Anipon. BiicTaBKa t. II, CTp. 330— 333. (Ü 3 BÈCT. 06bj. .ïk> 5. EcTeciB. t. XXXI, 1879). 12 19.65% de dolichocéphales et 52.99% des brachyocéphales. Quel- ques années plus tard, une autre collection de crânes a été formée et étudiée, et elle donna les mêmes résultats. Dans un article sur les anciens habitants de Kiev **) j’ai étudié une sérié de crânes, peu nombreuse, mais qui présentait un inté- rêt tout spécial, vu qu elle provenait de fouilles d’archéologues très connus, de M-m Samokvassov, de professeur Antonovitsch et de Kibaltschitsch. Parmi les crânes, donnés par M-rs Samokvassov et Antonovitsch, il y en avait de provenant des sépultures de l’âge de la pierre, car dans les tombeaux de ces crânes on n’a trouvé que des outils en os et en pierre-, ce sont: les crâne de Gamav- nia sur le Dnièpre (dolichocéphalique) et ceux de Wischgorod (2 crânes) près de Kiev, appartenant, d’après M. Antonovitsch, au plus anciens kourganes de la contrée. Un de ces derniers crânes était dolichocéphalique, l’autre mésaticéphale. De la période du bronze j’avais un crâne de Korsava, subdolichocéphalique. De la période dite de transition, ont put être étudiés: 1) des crânes du village de Gatnoë, dont l’un présentait le type dolichocéphalique et l’autre subdolichocéphalique, et 2) 2 crânes dont 1 des tumulis de Selitschevo (Kibaltschitch) et 1 de la Kitaevskaia poustine (Antonovitch). Le dernier était subdolichocéphalique et le premier un vrai brachycéphale. Les crânes, appartenant, d’après la clas- sification de M. Samokvassov, à l’époque „Slave“, ont été trouvés dans les tumulis de Rossava, du district Kanevsky (19 crânes), dont 9 dolichocéphales (6 vrais), 2 mésaticéphales et 7 brachycé- phales (parmi eux 2 du type féminin et 2 crânes d’enfants). Les crânes des anciens cimetières de Kiev du IX-ème au XlII-ème siècle ont donné 1 dolichocéphale, 1 mésocéphale et 3 brachycéphales. Ceux de XII et XIII siècles (collections d’ Antono- vitsch et de Kibaltschitch)— 7 dolichocéphales, 4 mésocéphales et 3 brachycéphales. Les crânes du XVII— XVIII siècles, provenant des mêmes collections,— 2 dolichocéphales, 1 mésocéphales et 2 bra- chycéphales. En somme, nous avons dans la collection entière du gouvernement de Kiev (51 crânes)— 49% dolichocéphales, 17,65% mésaticéphales et 33,33% brachycéphales. D’après les périodes chronologiques, nous avons des dolichocéphales: 75% à l’epoque de l’âge de pierre et des plus anciens kourganes (12,50% des bra- chycéphales); a l’époque dite „Slave“ — 50% des dolichocéphales (38,88% brachycéphales); des cimetières— 40% des dolichocéphales, 36% de brachycéphales et 24% de mésaticéphales. Depuis le temps les plus anciens, le nombre des dolichocéphales diminue et la fré- quence des types brachycéphales et mésaticéphales augmente. Du gouvernement de Novgorod, j’avais pour l’étude *) de la population de cette province plus de 100 crânes, donnés au Co- *) 4P eBH i e KieBJAHe no hxb nepenaarb n MonuaMï., erp. 305 — 319. AsTp. bu- CTaBKa T. III. (IÎ3B-I3CT. 06m,. .Ik)6. Ect. t. XXXV, 1880). **) ^tpeBHie HoBropoflnu bb hxt> qopenaxi. AiiTpoiiOJi. BbicTaBita, t. III, erp. 162 — 475. (IlBBÈrria 06ra,ecTBa Iio6. EcxecTB. t. XXXV, 1882 r.). 13 — mité de exposition Anthropologique de 1879 par Mm. Wolkenstein (ils, le R. P. Bogoslovsky et Madame A. M. Raievsky. Cette col- lection se composait de 12 crânes trouvés dans le village „d’Ou- schersky“ près de Novgorod; R. P. Bogoslovsky pense que ce kour- gane est le tombeau d’un chef de la période païenne. Les 17 crâ- nes ont été trouvés dans un kourgane avec les objets du Xll-ème siècle. Le groupe de kourganes Kümentovsky a donné 5 crânes, que M. Bogoslovsky regarde comme ayant appartenu à des guer- riers, morts pendant les guerres avec Livoniens du XlII-ème au XH -ème siècle. Le kourgane de Gorzi, du district Staraïa-Roussa, a donné 33 ci'âues, probablement aussi des guerriers. La collection de 8 crânes de M. Wolkenstein provient de l’ancien cimetière nom- meé „Jalniki“, et la collection de 41 crânes— d’un cimetièi'e plus moderne de Volotovo, près du Novgorod. L’étude m’a donné les résultats suivants: 1) le point central, local, des dolichocéphales vrais— sont les kourganes des environs de Nov- gorod, ainsi que ceux du district de Louga; dans les autres loca- lités on ne trouve que des subdolichocéphales. 2) La population kourganniene brachycéphale se rencontre, comme groupe pré- dominant a V aidai et à Staraïa Roussa, ainsi que dans les anci- ens cimetières de Novgorod. 3) Les dolichocéphales sont les repré- sentants de la plus anciennes population, mais dans la collection entière des crânes de Novgorod ils ne forment que 30%, tandis que les brachycéphales, nouveau-venus dans le pays, atteignent 49%. 4) Si la plus ancienne population de Novgorod se composait des Slaves, leur crâne devait être dolichocéphalique et avoir les mêmes traits caractéristiques que les crânes des tumulis de la Russie centrale et méridionale, se qui confirme l’opinion de Poescli qui dit que le vrai type des Slaves primordiaux était représentée, sous le rapport craniologique, par la dolychocéphalie et non par la brachycéphalie, comme on le pense ordinairement. Dans les groupes des crânes kourganiens que nous avons passé en revue jusqu’à présent, nous avons partout trouvé que le type dolichocéphalique prédominait d’autant plus que l’époque de la construction des kourganes était plus ancienne, et que dans les plus anciens kourganes on ne trouve assez souvent que les dolichocéphales. Au contraire, dans la Russie orientale, dans le pays des Basehkyrs, la brachycéphalie a prédominé depuis la période kourganienne. Mais voilà que nous rencontrons deux gouverne- ments dans les quels les kourganes présentent un tel mélangé de dolichocéphales, mésaticéphales et de brachycéphales, dans chaque localité étudiée craniologiquement, qu’on ne peut arriver à aucune autre conclusion que celle que ces contrées ont été habités depuis longtemps par une population très mélangée. Une des ces con- trées est le gouvernement de Pétersbourg, exploré par Mm. Iva- novsky et Brandenbourg: j’ai eu près de 100 crânes provenant de leurs fouilles, tellement mélangés que je ne pouvais arriver à aucune conclusion précise, peu-être vu le petit nombe des crânes. L’autre est le gouvernement de Smolensk, dont les kourganes — 14 — m’ont fourni 11 crânes des kourganes de Youkhnov et 4 crânes de Dorogobouj (collection de M. Kerzelli et de Madame Tscheby- schova). Les fouilles des kourganes de Dorogobouj ont donne 4 crânes de dolychocéphales, dont trois de vrais et 1 brachy- céphales avec une physionomie mongoloïde, à pommettes saillan- tes. De 11 crânes de Youkhnov, il y a 4 dolychocéphales, 4 bra- chycéphales et 3 mésaticéphales *). J’avais à ma disposition quelques crânes de l’âge de pierre, que j’ai décrit dans deux articles: 1) „Sur les crânes de l'âge de la pierre trouvés jusqu’à présent en Russie 1 * n 2) „L’homme de l’âge de la pierre". Le premier de ces deux articles a été publié dans le Bulletin de la Société des Amis des Sciences naturelles de Moscou **), et le second dans la Monographie de M. Inostranzev ,, L’homme préhi- storique de l’âge de la pierre sur les rivages du Lac de Ladoga 44 ***). La collection du prof. Inostrantzev m’avait donné dix crânes propres à être étudiés en détails et elle présente un vif intérêt pour la science, vu que grâce aux travaux de M. Inostranzev, l’homme pré- historique de Ladoga peut-être étudié, avec tout son entourage ethnographique et faunistique. Dans chacun des trois groupes de crânes qui ont été trouvés à différents niveaux, nous voyons la doliehocéphalie (6 crânes de dolichocéphales vrais et 4 de subdo- lichocéphales); mais ces séries des crânes ne présentent pas une homogénité des autres caractères, pareille à ce que nous avons trouve dans les crânes kourganiens de Soudja, de Podolsk et de quelques autres localités de la Russie centrale et méridionale. C’est surtout dans les caractères de la face, et principalement dans les crânes du type féminin, que règne la variabilité. La grandeur et la capacité des crânes de l’âge de pierre de Ladoga étaient moindre que celle de crânes kourganiens; la conformation de la partie frontale était aussi à un degré moins élevé: les fronts etaint fuants et peu développés. Les conclusions auxquelles je suis arrivés par rapport aux crânes de Ladoga sont les suivantes: 1) le plus anciens type craniologique du territoire de Peters- bourg était doliehocéphalie, et il présentait des traits évidents de parenté avec le crânes kourganiens de la Russie centrale et méridionale. 2) Depuis les plus anciens temps connus, nous voyons les doli- chocéphales prédominer dans la population de la grande et de la petite Russie, et ces dolichocéphales doivent être reconnus abori- gènes de ces localités. *) 1. KypraHHue aepena Cuo-ieHCKOH ry6epmn. Amp. BUCTaBsa, t. 2, CTp. 38—50. (H3B-ÈCTÎa 06m,. Æioô. EcTecTB. t. t. XXXI, 1878 r.). 2) Kt KpaHioionH CMoaeHCKiixi KypranHMxi aepenoBi. Aicrpon. BacTaBKa, t. IV, erp. 71 — 74. (IÎ3B'6ct. 06m. .Ira 6. EcTecTB. t. XLIX, 1886). **) 0 Hepenaxi KaMeHHaro BtKa, nanaeHBHxi bï. Poccia. AaTpon. BacTaBKa t. IV, CTp. 102 — 108. (IÎ3B-ÉCT. 06m. Hro6. Ectcctb. t. XLIX), 1886. ***) UejioBtKi KaMeHHaro Biaa. Cm. A. A. IlHOCTpanijeBa „HoucTopaBecKiii Beao- b’Èkt, KaMeHHaro Bluta no6epeacta lanoatcsaro 03epa“, IleTepô. 1882 r. Kpoui Toro, mob 3aMtTKa o HeaOBljK'fi KaMeHHaro BÈKa HOMimeHa 6s.m bi „TpyjaxT. ÛeTep6yprcKaro Cit3j,a EcTecTBoacnHTaTeJieS" 1879 r. 15 — 3) Si c’est vrai, les grands russes sont les descendants de ces aborigènes-, de même, les bolgares slaves dolichocéphales sont les descendants de leurs ancêtres du même type craniologique. Une autre collection de crânes de l’âge de la pierre m’a été donnée à étudier par M. le comte üuvarov, qui les a trouvés dans le gouvernement de Jaroslav, au pays des „Mériens“, près du village Outkino. Tous les crânes étaient dolichocéphaliques et ne différaient par aucun caractère important des crânes tumulaires des mêmes localités. Le crâne de l’âge de la pierre trouvé par M. Samokvassow à Gamarnia, gouvernement de Poltava, présentait aussi la dolichocéphalie et la ressemblance avec les crânes des kour- ganes. De 16 crânes de l’âge de pierre, nous avons 11 dolichocé- phales et 4 brachycéphales, trouvés dans la collection de M. Ino- stranzev. Ce fait a un intérêt spécial, vu que, comme je l’ai re- marqué plus haut, dans les anciens konrganes et cimetières des environs du gouvernement de Petersbourg et sur les frontières du gouvernement de Novgorod, nous voyons, comme le montrent les collections de Mm. Ivanovsky et de Brandenbourg, une po- pulation melée depuis une époque très reculée. C’est près du Ladoga que l’homme le plus ancien de la Russie centrale a été trouvé parmi la population brachycéphalique. La brachycépha- lie se rencontre dans les temps anciens plus souvent parmi les crânes du type féminin, ce qui permet de supposér que ce par les mariages que la population dolichocéphalique primordiale a perdu sa pureté anthropologique. Enfin j’ai taché de me procurer des crânes du Nord de la Rus- sie, de la Crimée et du Caucase et de autres localités, provenant des tumulis et des anciens cimetières. La collection de M. Saenger, contenant une série de 8 crânes, a été trouvé dans un „Gorodische“ de Schenkoursk du XII — XIY-ème s., et une autre, de 11 crânes, sur la rive de la Mer Blanche (3iiMHifl 6epen>) à Solotniza, lo- calité où Saenger a trouvé aussi une fabrique d’instruments de pierre taillée, et qui a été décrite dans les procès verbaux du congrès des anthropologues à Moscou, en 1879 ■*). Une troisième collection de 8 crânes a été formée à Solotniza supérieure, dans le même gouvernement, par M. Saenger et pro- venait des cimetières chrétiens. Eh bien, toutes les trois séries ont donné le même résultat: la prépondérance des brachycépha- les, une population très hétérogène, rappelant la population des kourganes étudiés par Mm. Ivanovsky et Brandenbourg. Les kourganes du pays Mordovien, **) c’est à dire des gouver- nement de Nijni-Novgorod (6 crânes des fouilles de M. Gazisky et Droujkine) et de Kassimov (fouilles de M. Nephedov, 39 crâ- nes) ont donné: dans la première série (Nijni-Novgorod) une gran- *) O aepenaxi. h3t> Kiaj.fiiim'b CiüjepHoii Poccia. Ampon. BMCTaBita t. IV, xacTt nepBaa, CTp. 90—92. Il3Bt5CTia Oôm. 1h)6ht. EciecTB. t. XLIX 1882. **) O KypraHHÏIXl OÔHTaTeJMXT. MopSOBCKOlî 30MJtH H KaCHMOBa. AHTpOB. BH- CTaBtta, t. III, CTp. 382—387. ÏÏ3B. 06m;. 1io6. Ectbctb , t. XXXV, 1882. 16 — de prépondérance des dolichocéphales et dans la deuxième (Kas- simov, gouv. Riazan) deux groupes tout-à-fait différents. L’un est en tout ressemblant aux kourganes de Nijni-Novgorod, c’est à dire qu’il contient la même race typiques kourganienne, et l’autre con- tient les brachycéphales (subbrachycéphales). Nous n'avions à notre disposition que 5 crânes des kourganes du pays des cosaques du Don, donnés au Comité de l'exposition anthropologique par M. Krilov * *); deux de ces crânes étaient dolichocéphaliques et 3 bra- chy céphaliques, c’est à dire appartenaient à une population très mixte, cet a quoi on devait s'attedre, d’après les notions histori- ques que nous avons sur la population et 1a. marche de sa for- mation dans ce pays. Nous trouvons aussi le même mélange des deux types de la collection provenant des cimetières de l’ancienne Chersonèsc, en Crimée: sur 24 crânes il y en a 7 dolichocéphales et 12 brachycéphales. Les crânes d’inkermann (6 crânes) sont tous brachycéphales. Nous avons eu 3 crânes de Kertch — tous doli- chocéphales, dont 2 dolichocéphales vrais. Enfin j’ai étudié **) une collection des crânes du Caucase, trou- vés par Mm. Kerzelli, Philimonov et Felitzine. Ce dernier adonné un crâne de dolmen, présentant le caracterè mésocephale. Un crâne d'un tombeau de l’âge du bronze est subdolichocéphale. La collection des kourganes de la province Terski (19 crânes), fouil- lés par M. Iverzelli, ont donné 75% de dolichocéphales, et seule- ment 25% de brachycéphales. Au contraire, les kourganes de Vladicaucase ont donné 50% de brachycéphales et seulement 25% de dolichocéphales, mais la collection était peu nombreuse (4 crâ- nes). Parmi les peuplades actuelles du Caucase, nous trouvons des races brachycéphaliques (les Abkhasiens) et les populations do- lichocéphaliques (les Natoukhaizi). IL En présentant dans ce rapport une liste si détaillée de mes étu- des sur les crânes préhistoriques de la Russie, j'ai eu pour but: 1) De montrer que la question soulevée dans ce rapport a été étudiée sérieusement, avec l’aide d’un assez riche matériel rassem- blé pendant plus de 15 années sur un plan assez vaste, avec beaucoup de sacrifices de temps et de bonne-volonté. Des circon- stances tout exceptionnelles (les expositions ethnographique et anthro- pologique) m’ont permis, non seulement d’obtenir les fonds nécessai- res pour les fouilles, mais aussi le concours des tels autorités scientifiques dans les questions du préhistorique de la Russie comme Mm. le comte Ouvarov, Philimonov, Samokvasov, Antonovitsch, Ivanovsky, Brandenbourg et autres cités plus hauts. *) ttepena B3t> Ephmckhkï. moth», XepcOHeca n HHKepMana h h3ï KypranoBb BoficKa floHCKoro. AH'rponoji. BMCTamca, t. 4, CTp. 123 — 146. Il3BicT. 06m Jlw6 . EcTecTB. t. XLIX, 1886. *) 0 BepenaxT. H31. IwiBKa3CKiixi joibiieHOBTi h 0 BepenaxT> 1131 . KaBna3CKiix , L xyp- raHOBi, h MorMï.. Ahtpoii. BbicTUBKa, t. III, CTp. 419 — 434. IIsbIsct. 06m. JIioôut. EcTecTB., t. XXXV, 1882. 17 — 2) De démontrer que mes études préliminaires ont été faites sur les matériaux provenant des localités les plus intéressantes de la Russie, au point de vue de la paléoethnologie. On peut juger comme on veut les résultats auxquels je suis arrivé dans mes conclusions, mais, j’espère qu’on reconnaîtra qu’un matériel, comme celui qui se trouve à présent au Musée anthropo- logique de Moscou et qui était l’objet de mes etudes, est quelque chose de solide. Les conclusions générales auxquelles je suis arrivé ont été donnés dans un de mes derniers articles craniologique: „sur la craniologie des kourganes russes 1 ', dans la note „sur les kourga- nes de la province des Casaques du Don et des cimetières anci- ens de la Grimé*. Voilà ce que je disais en 1886: 1) Est ce un pur hasard que, depuis la partie occidentale du gouvernement de Moscou jusqu’au gouv. de Novgorod et d’Olo- netz au Nord, de Tschernigov, Moguilev, la Galicie et l’Allemagne a 1 Est et jusqu’à Poltava et Kiev au Sud, on trouve partout la prépondérance du type dolichocéphalique, variant bien peu, bien conformé, ayant une imposante capacité, et la partie frontale bien modelée? 2) Est-ce hasard seul qui a fait qu’en groupant les crânes par périodes successives, depuis les plus anciens temps jusqu’à l’époque contemporaine, j’ai trouvé partout, à Novgorod, à Kiev et à Mos- cou etc., les crânes les plus anciens dolichocéphales, quelquefois exclusivement et le plus souvent prépondérants? Est ce par ha- sard, qu’en passant aux tombeaux plus modernes, depuis le XV siècle, nous voyons la diminuation de la quantité des dolichocé- phales et la prépondérance des brachycéphales? 3) Est-ce par hasard aussi que dans les tombeaux anciens du gouvernement de Pétersbourg, ainsi que dans quelques districts du gouvernement de Novgorod, nous rencontrons depuis le temps le plus ancien, depuis l’âge de la piei’re, des crânes d’un type tout à fait autre que les crânes caractéristiques pour les kourga- nes de la Russie centrale? Est ce hasard que, de Moscou en Ori- ent et jusqu'à l’Oural et la Sibérie (Tobolsk), nous trouvons les kourganes des brachycéphales? 4) Est-ce hasard que dans les gouvernements de Moscou, de Smolensk, de Riasan, du Don, nous n’avons dans quelques loca- lités que les séries des dolichocéphales et dans d’autres un tel mélange de caractères, que la caractéristique craniologique de ces contrés devient impossible? N’avons-nous pas les notions histori- ques que dans ces localités, plus que dans d’autres, le mélange était possible, vu qu’elles se trouvaient ou sur les grandes rou- tes des migrations, ou sur la limite de la distribution des races différentes ? 5) Est-ce hasard qui montre dans les tombeaux, appelés «Scythes 11 , la plupart des crânes ressemblant tout â fait au dolichocéphales dé la population kourganienne de la Russie centrale? Est-ce par ha- sard qu’on ne trouve dans les kourganes de la Russie centrale, 2 18 et dans les tombeaux de la Russie méridionale, les crânes mon- goloïdes qu’accidentellement, tandisque que dans les kourganes de Tobolsk et des pays préouraliens — ils abondent et souvent prédo- minent? 6) Est-ce que les donnés archéologiques sur les circonstances de ensevelissement, sur la forme des tombeaux, sur le type des objets trouvés etc., ont plus de stabilité que les donnés anthropologi- ques? Les objets et les ornements, les ustensiles et les armes etc., peuvent être achetés par un peuple à un autre et nous savons par les faits précis qu’ils ont été apportés par les marchands pré- historiques de contrées lointaines. Est ce que nous ne trou- vons pas même dans la description des peuples de la Russie, publiée au XVIII siècle, plusieurs exemples de ce que la construc- tion des tombeaux et les rites funéraires variaient chez les mê- mes peuples suivant la position sociale du défunt, sa richesse et, quelquefois, suivant les conditions locales du séjour temporaire du tribu? Pourquoi regarda- 1- on ces indices comme plus concluants, plus scientifiques, plus appropriés aux considérations dites scien- tifiques, que la forme du crâne qu’on ne peut faire venir dans un pays, comme on importe les ustensiles et les objets d’ornements, à vo- lonté, qu’on ne peut pas même changer d’après la mode et l’arrivée des marchands ambulants? Ces faits ne jouissent-ils pas d’une plus grande sympathie uniquement parce qu’ils sont plus faciles à grouper, parce qu’ils sautent aux yeux, parce qu’ils sont plus intéressants pour la masse, et non parce qu’ils sont plus scienti- fiques? Ce qui a été dit alors, en 188(1, je le pense aujourd’hui, mais je dois ajouter, pour etre juste, que la cause de cet état de choses ne se trouve pas exclusivement dans les tendanetes des archéolo- gues, qui naturellement préfèrent leur science dans les questions historiques ou préhistoriques. Les craniologues doivent convenir qu’ils sont pour beaucoup en ce que les données de leur science n’ont pas acquis une importance scientifique qu'ils méritent. Est-ce qu’ils ne cherchaient pas quelquefois ce qui n’existe pas, comme par exemple le type general des crânes slaves? Il n’y a ni crânes sla- ves, ni allemands, ni français, car ces notions, comme le de- montre dans son rapport M. Topinard, sont des notions d’un tout autre ordre: la race n’est pas la nationalité. Est-ce que les cra- niologues sont d’accord sur leurs méthodes de mensuration et ne sont ils pas les premiers à nier les résultats des mensurations, si elles ne sont pas faites d'après leurs principes? Est-ce qu’on travaille sur des crânes bien déterminés par rapport à la race? Ainsi, je crois de mon devoir d’exprimer franchement ma conviction, que dans les questions concernant les populations préhistoriques l’ Anthropo- logie doit servir comme fondement principal, et si ce n’est pas le cas, cela ne dépend que des anthropologues mêmes. La Russie présente sous ce rapport un pays très favorable aux recherches craniologiques, concernant les périodes préhistoriques. Sa population peu dense, même aujourd’hui, était encore plus clair- 19 semée dans les temps préhistoriques. Excepté les grandes routes, qui étaient en ces temps représentées par les grandes fleuves, les populations vivaient tranquilles et sans grands changements au milieu de leurs vastes forêts et de territoires peu habités. Il y a quelques années, comme l’ont annoncé les journaux, on a décou- vert en Sibérie quelques villages que personne ne connaissait jusque là et dont les habitants ne connaisaient personne non plus. Les cloîtres de Roskolniki (Skity), nous donnaient encore, il y a quel- ques années, un exemple de cette vie préhistorique, tranquille, pri- mitive. Voilà, pourqu’oi nous pensons que les nombreux matériaux fournis par les kourganes de la Russie présentent un intérêt non seulement local, mais général au point de vue de l’anthropologie: nous y trouvons des populations très pures dans quelques locatités, ayant bien conservé leurs traits primitifs. Ayant consacré plus de 15 annés à une idée fixe — l’étude des dolichocéphales préhistoriques de la Russie, j’ai fini ma tâche et j’attends le jugement des spécia- listes sur les résultats obtenus. Ce que j’ai entendu dire d’eux jusqu’à ce moment sur ce sujet n’etait pas très encouragent. On me disait que la dolichocéphalie n’est pas un caractère vraiment fondamental et n’est qu’un accessoire de second ordre. On m’a objecté que j’ai mis dans un même groupe tous les dolichocéphales et qu’il y a do- lichocéphalie des differents types. En indiquant dans mes tableaax la variété des indices nasaux, orbitaires et autres, on voulait me prouver que les dolichocéphales de différents pays peuvent avoir eu des origines différentes. Je pense avec M. Kollmann que les brachycéphales et les dolichocéphales ne présentent que deux sections principales: les longues faces (Leptoprosopes) et les larges faces (Chamaeprosopes), existant depuis un temps immémorial en Europe. Mais je trouve encore, qu’en Russie: 1) il existait des localités dans lesquelles, à l’epoque des kourganes du IX — XV siècles, vivaient exclusivement de purs dolichocéphales à longues faces et 2) que ces longues faces, d’après les documents que nous avons, appartenaient à la population primitive, représentant les aborigènes de la plus grande partie de la Russie. Plusieurs anthropologues étrangers se sont intéressés à ma col- lection et ont voulu avoir des moules de mes dolichocéphales. Je leur ai présentés les séries de crânes tumulaires de la Russie, et ce sériés se trouvent à présent au Musée de Berlin, de Paris, de Londres etc. Un des anthropologues éminent de l’Allemagne, en voyant mes crânes m’a écrit qu’ils ressemblent excessivement aux crânes trou- vés dans les tombeaux anciens de l’Allemagne méridionale (Rei- hengràber). Un anthropologue distingué de Suède a trouvé qu’ils ressemblent aux anciens crânes suédois. En parcourant plusieurs fois les musées de l’Europe, j’étais frappé par la ressemblance des crânes, trouvés en Allemagne et appartenant aux préhistoriques de ce pays, avec les nôtres kourganiens, et cela a été un peu la cause de ce que dans les dernierès années je me suis abstenu d’études craniologiques: j’étais sous l’influence de ce fâcheux raisonnement, que si l’histoire nous montre tant de peuples divers en Russie et 2 * — 20 — dans l’Europe occidentale et que si la craniologie ne reconnaît qu’un très petit nombre de types, c’est que les études craniologiques ne suffisent pas pour la solution des problèmes ethnogênétiques. Ce n’est qu’après la publication des travaux les plus récents sur l’origine des peuples en Europe et surtout après les généralisations de M. Kollmann qui me paraissent les plus justes, que je suis arrivé, aux conclusions que j’ai l’honneur de soumettre à la bienveillance du Congrès d’Anthropologie et d’Archéologie préhi- storique de Moscou: 1) Nous voyons dans la Russie centrale et méridionale de nombreux tumulis, restes d’une population pacifique (on a peu trouvé d’armes de guerre dans les kourganes, et c’est principa- lement sur des territoires situés aux frontières "de l'habitat des do- lichocéphales), plus homogène que dans les autres pays européens explorés. Cette population est plus favorable à la solution des ori- gines de la population actuelle au point de vue anthropologique, que les peuplades habitant les autres territoires européens qui ont subi plus de péripéties sociales, même dans les temps préhistori- ques. C’est en Russie qu’on peut trouver, et qu’on a trouvé, les plus nombreux restes des races primitives pures ou très peu mé- langées (Soudja, Podolsk, Minsk, Poltava, Jarosslav). 2) Ces localités kourganienes, présentant l’homogénité de la population dolichocéphalique, si on les étudie au point de vue de la stratification chronologique, pi-ouvent: que ce n’est que dans les périodes plus rapprochés de nous que la brachycéphalie commença à jouer un rôle important, et d’autant plus que nous approchons de notre époque (Moscou, Novgorod, Kiev, Poltava). 3) Le territoire de ce peuple dolichocéphale primitif est très distinctement limitée au Nord, eu Orient et au Sud par les kourga- nes avec une population tout a fait brachycéphalique, ou présen- tant ce type en prépondérance. La limite du S. O. n’existe pas: en Galicie, dans l’Allemagne du Sud et du Nord, en Suède, nous ren- controns le même type dans les anciens tombeaux, que. dans ceux de la Russie centrale et méridionale. 4) Si les historiens et les archéologues distinguent plusieurs peuples differents, habitants les differentes localités de la Russie, Scythes, Polianes, Drevlianes, Mériens etc., ils ont parfaitement raison à leurs point de vue de l’ethnographie préhistorique et de la linguistique, mais ils ont tort s’ils tendent à démembrer le peuple primitif, anthropologiquement un, en peuplades d’origine différente depuis les temps préhistorique, car, avec leurs multipli- cité de peuples, ils rendent incompréhensible le sens de la marche de la fornmtion de la Russie des „Grands-russes tt , et attribuent à des causes accidentelles ce que provient de la nature anthropologique des éléments primitifs de la population de la. Russie. Je ne trouve que chez notre doyen des historiens et des archéologues, M. Jean Zabeline, quelques pensées qui s’accordent avec mon point de vue. Dans un de ses travaux classiques M. Zabeline dit, que l’histoire russe préhistorique serait plus compréhensible si les historiens pouvaient — ‘21 oublier les differents noms qu’ils trouvent dans les chroniques et ne pas leur donner une importance qu’ils n’ont jamais eu en réalité. 5) Ce peuple aborigène de la Russie était dolichocéphale, avait la tête bien conformée, le front bien dessiné, pas fuyant, la fâce lon- gue; très probablement, ce peuple ressemblait aux types des Scythes que M. Zabeline a décrits dans son ouvrage et qu'il m’a permis de reproduire dans mon article sur les crânes des Scythes. Dans les kourganes ou tombeaux plus anciens, on trouve la vraie dolicho- céphale plus prononcée que dans les kourganes plus modernes, ou à la vraie doliehocéphalie se mele la soubdolichocéphalie. Je regarde les dolichocéphales et les soubdoliehocéphales comme appartenant à la même race primitive. Si on compare les crânes bien confor- més des dolichocéphales kourganiens de la Russie centrale et mé- ridionale aux crânes des kourganes situés sur les frontières du territoire des dolichocéphales, c’est à dire aux brachycéphales de Petersbourg, de P rm, du Don etc. on comprend que ces dolicho- céphales pouvaint s’assimiler les brachycéphales environnents et former une race centrale, une race dominante. 6) Vu que ces dolichocéphales, en Occident et au Nord, se ren- contrent dans les autres états Européens, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède, probablement le Danemark, j’ai pensé que le nom qui convenait la mieux à leur histoire est celui d’européens primitifs dolichocéphales et leptoprosopes. Quelques soient les différences des peuples européens de l’Europe centrale et orientale, ils ont plus de ressemblance entre eux dans les tempéraments, les traits du visage et autres caractères anthropologiques, qu’avec les peu- ples du Sud, qui proviennent d’une toute autre race préhistorique. On comprend ces ressemblances, quand on pense à l'unité de la po- pulation primordiale dolichocéphale qui se répandait depuis la Suisse jusqu’en Suède, depuis la Baltique jusqu’à la Russie orien- taR, jusqu’à Oural. Si on revise de nouveau a ce point de vue la question des „Urfinnen a , „Urdeutschen a , „Urslaven'“, „Urdànen a , i*Urschweizer“ etc. on troiivera toujours que dans les temps les plus anciens ces „Urvolker a aux dernières limites préhistoriques se confondraient en un „Ureuropaer a . dolichocéphale kourganien, longue face. 7) D’après les impressions que j’ai eu de l’etude des crânes de nos kourganes, je crois que les dolichocéphales leptoprosopes et les dolichocéphales cbamaeprosopes de M. Kollmann n’ont, pas eu en réalité la même signification paléogénétique. Il y a de vrais doli- chocéphales chamaeprosopes primordiaux, mais 'en Asie, chez les mongoliens et non pas eu Eui’ope. En Asie nous voyons la dolicho- céphalie avec un type de la face tout à fait caractéristique par ses traits mongoliques. Les dolichocéphales chamaeprosopes européens de M. Kollmann me paraissent être le résultat du mélangé avec les brachycéphales ou des variations produites par les moeurs et les conditions d’existence, variations, que j’appelerai, en me servant de l’expression de M. le professeur Virchov „ races pathologiques 11 . 22 Les dolichocéphales leptoprosopes sont pour moi une race primitive, une race ancienne, stable, et les dolichocéphales chamaeprosopes ne sont que les dérivés de cette race, que les variations physio- logiques ou même pathologiques dans le sens de M. Yirhov. 8. Cette race primitive des dolichocéphales leptoprosopes de la Russie se subdivisa avec le temps en peuplades differentes et acquit des traits mixtes et differents, en habitant différentes localités, en subissant différentes influences. La localisation plus ou moins grande des formes organiques amène toujours la création de variétés stab- les et caractéristiques. La meme race, vivant au centre du pays, dans des localités peu accessibles aux invasions, et sur les frontiè- res, côte à côte avec les races d’une autre origine ou sur les grandes routes des invasions, présentera après quelques générations des variations assez tranchées même dans la structure du corps. Les habitants des plaines, des forêts, des bords des grandes rivières, des pays situés près de la mer ou pleins de montagnes etc. pro- duiront avec le temps des variations très saillantes, surtout si à ces différences des conditions physiques s’ajoutent encore les différences d’idiomes, de rites, de coutumes, de civilisation. Voilà pourquoi d’une même race dolichocéphale primordiale se sont for- mées avec les temps les différentes peuplades que les historiens ont en le droit dénumérer, les Polianes, les Drevlianes, les Kri- vitschi, les Sévérianes etc. Si nous prenons en considération l’origine de ces noms mêmes, nous voyons qu’ils désignent des variétés d’existence (champs, forêts, les gens du Nord). Le peuple dolichocé- phale primitif appelait les peuples parlant une langue étrangère en occident „niemetz“ le muet, et ceux qui ont eu une origine diffé- rente: „Tschouds“— étranger ou étrange. Je pense même que le nom de „Variagues“ appartenait à la même categorie de la nomencla- ture etnographique populaire et signifiait simplement „le Vauriens 1 ' „BopnmKn“ , parce que leizr métier était de guerroyer et de piller. Le nom de Scythe était un désignation géographique et pas un nom de race. Les „Mériens“ présentent un type d’une culture spé- ciale et d’une culture très remarquable, mais pas une race, pas un peuple, comme le prouvent les crânes kourganiens. Les grands russes ont si bien assimilé les races dites finnoises, non pas parce qu’ils étaient eux mêmes des finnois, mais parce que les peuplades finnoises et le habitants de la Russie centrale provenaient d’une même race primitive dolichocéphale. 9. La prépondérance de la brachycéphalie, qu’on remarque en Russie depuis les temps historiques et qui s’imprime de plus en plus avec le temps n’est, pas, d’après moi, un résultat exclusive du mélangé avec les peuples brachycéphales. Cela avait lieu dans les premiers temps de l’histoire, quand régnaient en dictateurs les influences organiques des races; mais avec les progrès de la civi- lisation commence une autre série d’influences, qui a joué un grand rôle dans l’histoire des peuples et pourra en avoir encore un plus grand dans l’avenir, parceque les conditions de civilisation amènent nécessairement avec le temps l’augmentation du brachycéphalisme. — 23 — Chez, les sauvages, nous voyons un front fuyant, l’occiput saillant, les points de l’attache des muscles très grossiers, les arcs orbitaires très développés. Ces caractères s’effacent avec la civilisation, avec une vie plus réglée, plus assurée: le front augmente en hauteur et en largeur, la partie occipitale de la tête prend une meilleure con- formation, le diamètre transversal s’accroit, la longueur de la tête diminue, ou plutôt la proportion de ce diamètre diminue par rap- port à la largeur du crâne. Le dolichocéphalisme s’éteint de plus en plus en Europe et les têtes deviennent plus grandes, plus bel- les. Est ce que les plus grands chapeaux des classes civilisées doi- vent être attribués seulement aux mélanges, et ne voyons nous par d’autres facteurs plus évidents qui amènent ce résultat? 10. Enfin d’où sont venus ces dolicoeéphales de la Russie cen- trale? Du Caucase — non, car il ne faut pas oublier que la mer Caspienne, la Mer Noire et le Baïkal ne faisaient qu’un dans les temps pas trop lointains par rapport aux conditions qui ont rendu possible l’habitation de 1a. Russie centrale. Dans les kourganes de la Sibérie et surtout dans ceux des pays préouraliens, nous trou- vons les brachycéphales depuis les temps anciens. D’après les don- nées actuelles, il est peu d’accord avec les faits acquis que les dolichocéphales soient venus de l’Ourale et d’Asie. 11 est plus pro- bable que les dolichocéphales sont venus en Russie du Danube, ou nous trouvons, même à présent, la dolichoeéphalie prépondérante dans les populations actuelles. Ils ont passé premièrement en sui- vant le Dniepre dans la Russie Blanche, puis ils ont pénétré jusqu’à Novgorod, et jusqu’en Suède. C’était le courant du Nord. En même temps il y avait probablement un courant oriental, par Minsk, Jarosslav, Moscou, et occidental, par la Galicie, la Visla et le Danube. Messieurs, ces conclusions vous paraîtront peut-être très har- dies, très prématoires; mais ce n’est pas le désir de dire quelque chose de paradoxal et sautant aux yeux qui me guide sous ce rapport. Peut-être suis-je un peu trop épris de ces dolichocéphales que j’ai trouvés il y a plus de 25 ans à Moscou et que j'ai retrou- vés depuis dans des limites géographiques si vastes. Quand on tra- vaille des années sur la solution d’un problème, il est naturel de désirer se rendre compte à la fin des résultats obtenus, de vouloir les systématiser sous un point de vue général. J’ai longtemps at- tendu de tirer des conclusions générales de mes etudes, recueillant simplement et modestement les faits, pour avoir quelques droits à votre bienveillante attention. Je ne parle que des faits que, bien ou mal, j’ai étudiés moi même. Voilà pourquoi je ne me permets de rien dire sur un autre grand peuple primitifc de l’Europe— sur les brachycéphales, venus du Sud de l’Europe. Voilà pourquoi, je ne parle pas aussi de la population préhistorique de la France, où ces brachycéphales ont joué un si grand rôle, avant de le jouer dans l’Europe entière. Pour moi, il y a deux courants distincts des — 24 — influences brachycéphaliques sur la population dolicho céphalique primordiale de l’Europe centrale et de la Russie: celui de la race touranienne et mongolienne dans la Russie orientale, et celui de la race des brachycéphales du Sud, originaire des pays méditer- ranéens. Mon but n’était, que l’éclaircissement des questions con- cernant la population kourganienne de la Russie, son influence et ses relations avec la population actuelle. Si j’ai touchés des ques- tions générales, ce n’est que dans des limites très restreintes et à propos de détails qui ne permettaient pas de laisser de coté ces généralités.