LITE TEE CNET EPS CHENE EEE site CEST HET RECETTE ï is 4 trtsities set DOC OPENTER TEEN PTMETETE HR utalsiaicta CHEN TEEN TETE TE sis rsserses fsimettalate tneiiinimireut sisisisie feieis DOTE GOUT DPTETETETITETEN rt : î ci : Pass faites si n Gratoseini TH siriatsiet lataigiennt “ist simisiaie TPE CETTE EE CRE FREE NERO Ses n Siiiissilast : LEE GE AH RETEEEE HIER CRETE CETTE TE laimtiinust Didimitimier SEsssie ste Etrènems j ” (HE EHR HAE 23 EME rer sis tale sist PH ” CONGRÉES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Le livre 5e trouve aux Librairies suivantes : PARIS , Lance , libraire, rue du Bouloy , n° 7. ROUEN, Nicéras PÉRIAUx. E. Frère. CAEN, Mancez. DOUAI : BETREMIEUX. LILLE, VanarerE fils. BRUXELLES, BerrnorT, Mayer et SOMMERHAUSEN. LONDRES, Waicriam PicreriNG , 57; CHancery Lane. Poitiers. — Imprimerie de F.-A. SAURIN. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. Seconde Session, TENUE A POITIERS, EN SEPTEMBRE 1834. POITIERS , F.-A. SAURIN, IMPRIMEUR-ÉDITEUR , RUE DE LA MAIRIE, N° 10. 1835. CE volume paraît dix mois après la session du Congrès scientifique de France, qu'il est chargé de faire connaître à fond, et presqu’au moment de se rendre à la session suivante. Cette circonstance, qui n’est point du fait de celui qui écrit ces lignes, exige pourtant, de sa part, une explication qui sera de plus un avis utile pour les réunions futures. Comme à Caen, le secrétaire général et les secré- taires de sections ont été chargés de la rédaction du compte-rendu des séances, et une commission de révision , pour la rédaction définitive, a été indiquée et composée de tous les membres du bureau du Con- grès et des bureaux des sections en résidence à Poi- tiers. Mais beaucoup de secrétaires-rédacteurs se sont trouvés disséminés sur le sol de la France; on leur a envoyé les épreuves à corriger, et cette opération a pris, pour quelques-uns, jusqu’à quinze jours, trois semaines, un mois et plus. Ainsi l'impression du compte-rendu s’est trouvée excessivement en retard , lorsque l’imprimeur n'avait pris qu'un mois afin (vi) d’être en position de mettre sous presse. Dès lors, on le sent, il y aura nécessité à l'avenir de faire corriger les épreuves dans la ville même où s’imprimera le vo- lume ; autrement on tomberait dans l'inconvénient qu'on vient d'indiquer et qu’il faut surtout éviter. Inutile, du reste, de faire remarquer la force de ce volume, double pour le nombre des feuilles, et quadruple et plus à cause des caractères, de celui du compte-rendu du Congres de Caen. Je ne dirai rien non plus du nombre et surtout de l’importance des questions traitées dans la réu- nion de Poitiers; mais, en parcourant la table des matières, que j'ai cru devoir faire raisonnée, on trouvera avec facilité et dans quelques instans toutes les indications à ce sujet. Je crois avoir aussi amé- lioré la ste des membres du Congrès , en donnant, à la suite du nom de chaque membre, l'indication des pages ou il est question de lui. De cette manière, on peut connaître facilement les divers rôles que se sont assignés les membres du Congrès, et chacun, qu’on me passe cette expression triviale, a ainsi à sa suite son bagage académique. Je l'ai dit dans mon discours de clôture, et je le répéterai ici : une institution de l’espece de celle des Congrès doit grandir en marchant ; rester station- naire, c'est perir. Mais il y a eu progrès sensible, (wi) sous lous les rapports, dans la session de Poitiers, comparée à celle de Caen qui n'était qu’un début. Espérons, et nous n’en doutons même pas, que la réunion de Douai l’emportera encore sur celle de Poitiers. Alors l'institution des Congrès scientifi- ques, importée en France par mon jeune et savant ami M. de Caumont, sera définitivement constituée, et il en résultera, pour la science et le pays, des avantages d'une grande importance. En effet, si la force morale d’un homme isolé est parfois très- grande , une agglomération d'hommes instruits, travaillant dans le même but, est vraiment immense. Poitiers, 6 juillet 1835. Le Secrétaire général de la 2e session du Congrès scientifique de France, De la Fontenelle, PR rit à à , £ Te dat dd F u 7 En e Ha LESC | Ch FTCER L'ér nue 1oû" À ï Ê | "TR # k, | ; _ 3 : SDS & ; € E en COTON: + À NE te : : DATES Ji Pr d ; d is . \ : : . ” : AY PR HA r … hé ja 5 - ST RES RSS ee MTS ui CONGRES DE FRANCE. Seconde Gession, TENUE A POITIERS, EN SEPTEMBRE 1834. ARRÊTÉ POUR LA TENUE ANNUELLE DU CONGRÈS ET LA SESSION DE 1834. À la première session du Congrès scientifique de France, tenue à Caen , en juillet 1833, il avait été pris, dans la séance générale du 24 dudit mois , l’arrêté dont la teneur suit : ART. ie. Un congrès scientifique annuel sera tenu dans les principales villes de la France... Arr.u. Le congrès de 1834 aura lieu à Poitiers, dans la première quinzaine du mois de septembre. Art. nt. M. de la Fontenelle de Vaudoré (de Poitiers) est prié de vouloir bien se charger des fonctions de secrétaire-général du congrès de 1834. ART. 1V.. Il sera immédiatement imprimé, à un très-grand nombre d'exemplaires, un compte-rendu des séances du congrès de 1833, tenu à Caen, pour être adressé aux membres qui l’ont composé , aux sociétés savantes et littéraires, et le surplus être mis en vente par les soins de la commission de rédaction, qui restera chargée de la comptabilité du présent congrès et en rendra compte à la future réunion. Art. v. La rédaction du compte-rendu mentionné ci-dessus . est con- fiée à une commission composée du secrétaire-général du congrès, et des secrétaires de sections en résidence à Caen. - La même commission est chargée de l'exécution des mesures arrêtées parde congrès. fs (2) CIRCULAIRE DU SÉCRÉTAIRE-GÉNÉRAL DE LA SECONDE SESSION DU CONGRÈS. Conformément à cet arrêté, A. de la Fontenelle , secrétaire- général de la seconde session du Congrès , a adressé la circu- laire dont on va donner le texte , à tous les présidens des so- ciétés savantes et littéraires de France, aux recteurs des aca- démies, aux proviseurs des colléses royaux et aux chefs de plu- sieurs autres compagnies. De plus, des invitations individuelles furent envoyées aux membres et correspondans de l'Institut de France, aux membres de la première session du Congrès, et à un très-grand nombre de notabilités scientifiques , littéraires ou sociales. Poitiers, le juillet 1834. LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE, SECRÉTAIRE- PERPÉTUEL DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE POITIERS; DES SOCIÉTÉS DES ANTIQUAIRES DE FRANCE, DE NORMANDIE ET DE MORINIE, DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE UNIVERSELLE, DE LA SOCIÉTÉ POUR L'HISTOIRE DE FRANCE, DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE NORMANDIE , DES SOCIÉTÉS ACADÉMIQUES DANGERS, BOURBON-VENDÉE, CAEN, CHERBOURG, ÉVREUX, NANTES, ORLÉANS ET ST-QUENTIN; DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE ROUEN, DES SOCIÉTÉS D'AGRICULTURE DE CAEN ET DE NIORT ; CONSERVATEUR DES MONUMENS HISTORIQUES EN POITOU , CORRES- PONDANT DE LA COMMISSION DES ARCHIVES DE LONDRES POUR LA MÊME PRO- VINCE, DIRECTEUR DE LA Revue Anglo-Francaise, Erc. A Monsieur le Président de la Societé académique de (ou à Monsieur ) Monsieur , L'année dernière, un jeune et savant Normand, M. de Cau- mont, correspondant de l’Institut, eut l’heureuse idée d’im- porter en France l’institution des Congrès scientifiques annuels, qui avait déjà produit en Allemagne les effets les plus heureux La réunion de Caen, quoique annoncée peu de temps à l’a- vance , fut nombreuse, 200 savans et littérateurs y assistèrent. (3) Le Congrès scientifique de France se trouva dès-lors constitué ; la seconde session fut indiquée comme devant tenir à Poitiers, dans la première quinzaine de septembre 1834, et l’on me fit l'honneur de me nommer secrétaire- général de cette future assemblée, en me chargeant d’aviser aux mesures préparatoires pour faciliter sa tenue. Pour une tâche aussi importante, j'ai pris des conseils de mon savant prédécesseur , M. de Caumont , de quelques autres notabilités scientifiques des diverses provinces du royaume et de plusieurs savans de la localité. Je vais donc vous faire con- naître les dispositions préliminaires arrêtées pour la seconde session du Congrès scientifique de France. 1° Le Congrès de 1834 ouvrira à Poitiers , le dimanche 7 septembre prochain, à midi; sa durée sera de 8 à 10 jours. 2° Comme le Congrès précédent, l'assemblée sera divisée en six sections, dont trois d’entre elles restent les mêmes qu’au Congrès de Caen. Les membres du Congrès seront répartis dans ces différentes sections , suivant les études auxquelles ils se seront livrés ; on pourra se faire inscrire dans une ou plusieurs sections. 3° Pendant la tenue äu Congrès, une partie de la matinée sera af- fectée aux assemblées de sections, et le surplus du jour, jusqu'à l'heure du diner, sera destiné aux assemblées générales. L’indication exacte de l’ordre du travail sera distribuée à chaque membre du Congrès, en même temps que la carte d’entrée. 4° Il y aura, au Congrès de Poitiers, un concours de charrues et autres instrumens aratoires. Une matinée sera encore destinée à une course, dans laquelle on discutera, sur place, la question relative au déluge et à ses résultats géologiques. Enfin, dans une ou plusieurs promenades archéologiques, les divers monumens de Poitiers, dont plusieurs sont du plus grand intérêt, seront successivement examinés ; on constatera leur genre d'architecture, on recherchera la date de leur construction , et on indiquera, sur chaque édifice, les faits histo- riques qui s’y rattachent. 5° Pour donner de l’ensemble aux travaux du Congrès, et en obtenir des résultats plus importans, on a jugé convenable de poser les prin- cipales questions à traiter, et c’est surtout sur elles qu’on est invité à se préparer. Au reste, d’autres matières seront aussi discutées, et ce n’est qu'une sorte de priorité qu’on a entendu établir pour quelques sujets. : | (4) 6° On va donner ici la division en sections , les noms des secrétaires des sections, dont le choix devait être fait à l'avance, et poser les questions principales à débattre, et sur lesquelles on fixe particuliè- rement l'attention des personnes convoquées pour le Congrès. PREMIÈRE SECTION. Sciences physiques , mathematiques et naturelles. MM. N. Boubée, professeur de géologie à Paris, et Chauvin, professeur d'histoire naturelle à la faculté de Caen (1). — 1° Rechercher si le globe a subi ou non une invasion générale de la part des eaux, et déter- miner, sous le rapport géologique, quels ont été les circonstances et es résultats de ce cataclysme ? — 2° Quelle est l’origine des aérolithes? — 3° Quelle est la cause des brouillards secs ? Ont-ils quelque influence sur l’économie animale et sur la végétation? et, dans le cas de l’afür- mative, indiquer cette influence. — 4° D'où provient la diminution qu'on remarque depuis vingt ans environ, dans le nombre des sources et dans la masse d’eau fournie par chaque source ? — DEUXIÈME SECTION. Agriculture, commerce et industrie. Secrétaires, MM. le docteur Joslé, secrétaire du comice agricole de Poitiers (2), et J. Jozeau, secrétaire- perpétuel de la société d'agriculture de Niort. — 1° Rechercher l’in- fluence de la nature géologique du sol sur le degré de fertilité des terres , et sur la nature des amendemens à leur approprier ? — 2° Quel serait le meilleur système de baux à adopter dans l'intérêt de l’agricul- ture? —3° Quelle est l'influence de Fimpôt sur le sel, relativement à l'emploi de cette substance, soit comme amendement pour les terres, soit comme destinée à faire partie de la nourriture des bestiaux ? — 4° Rechercher uu moyen économique et efficace de conserver les grains pendant plusieurs années sans altération ?— 5° Jusqu’à quel point paraît fondé le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base les prairies artificielles, de diminuer la masse relative et surtout la qualité des céréales? — 6° Rechercher quels seraient les moyens de réduire, dans l'intérêt du commerce et de l’agriculture, le taux de l'intéret de l'argent? — Troisième secrion. Sciences médicales. Secré- taires, MM. le docteur Hunault de la Peltrie (d'Angers), et le docteur Lucien Gaillard , professeur à l’école secondaire de médecine de Poitiers. — 1° Rechercher l’état actuel de la science relativement au magnétisme animal] ? — 2° Rechercher l'état actuel de la science relativement à la phrénologie ? — 3° Doit-on admettre des lésions de fonctions sans lésions (1) M. Chauvin n'ayant pas pu se rendre au Congrès, on a désigné en sa place M. de Brébisson (de Falaise ), naturaliste. (2) M. Joslé fils s'étant trouvé indisposé, un peu avant l'ouverture du Congrès, il a 6 remplacé par M. Babault de Chaumont fils, juge au tribunal de première instance de Poiliers, (5) d'organes? — 4° Quel sens doit-on attacher à ces expressions fèvres putrides , fièvres malignes ? — 5° Peut-on toujours expliquer l’action des médicamens sur l’économie animale ? — QUATRIÈME SECTION. 4r- cheologie et histoire. Secrétaires, MM. À. Deville (de Rouen), et le baron Chaudruc de Crazannes (de Figeac) (1):— 1° Etablir à quelle époque et dans quel pays l’ogive a pris naissance? Rechercher dans quel temps elle a commencé à prévaloir dans les différentes provinces de la France et dans les États voisins ?— 2° Quelles furent les variations dans la manière d’inhumer les morts, dans toute l’étendue du royaume, depuis l'établissement des Franks jusqu’à la fin du xve siècle? — 8° Etablir l’origine et la cause des croyances de féerie; et quelle fut leur influence sur la littérature du moyen âge et des derniers siècles ? — 4° A quelle cause peut-on attribuer l’imputation faite héréditairement à quelques familles d’être adonnées à la sorcellerie et à la divination? — 5° Rechercher l’état des lettres en Aquitaine, à la fin du 1ve siècle, et essayer de le mettre en comparaison avec l’état des lettres, dans les provinces voisines, à la même époque?— 6° Quels seraient les moyens les plus propres à employer pour obtenir la découverte de tous les monumens celtiques et romains, sans exception, qui couvrent le sol de la France, et d'assurer leur conservation ? — Cinquième secrion. Litte- ralure, beaux-arts et philologie. Secrétaires, MM. F. Châtelain, homme de lettres à Paris, et Hippeau, professeur au collége royal de Poitiers (2). — 1° Quelle est aujourd’hui la meilleure manière d’enseigner l’histoire ? — 2° Rechercher l'influence de la littérature allemande sur la litté- rature française ? — 3° Quel est le genre d'architecture monumentale le plus appropré à notre climat , à notre culte et à nos mœurs ? — 4° Quel est, dans l'intérêt de l’art dramatique, le meïlleur mode d’organisation et d'administration des théâtres ? — SIx1ÈME secrion. Sciences morales et législation. Secrétaires, MM. le comte de Beaurepaire-Louvagny (de Falaise), ancien ministre plénipotentiaire (3), et Foucart, professeur à la faculté de droit de Poitiers.— 1° Déterminer les avantages et les inconvéniens de la taxation du pain et de la viande de boucherie, généralement en usage dans les villes? — 2° Rechercher quelle serait la meilleure législation relativement aux chemins vicinaux ? — 3° Déter- (x) Les deux secrétaires indiqués pour la quatrième section n'ayant pu se rendre au Congrès, on a indiqué en leur place MM. de la Saussaye ( de Blois) et de la Pilaie (de Fougères ). (2) M. Hippeau ayant été retenu à Paris, lors de l'ouverture du Congrès, on a désigné à sa place M. Mazure , professeur de philosophie à Poitiers. (3) L'état de maladie de M. de Beaurepaire a obligé de nommer, comme l’un des secrétaires de la sixième section, M. Isidore Lebrun, homme de lettres à Paris. (6) miner les avantages et les inconvéniens de l'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les travaux des routes ? — 4° Dans l’état actuel de nos mœurs, y a-t-il lieu de maintenir la légi- timation par mariage subséquent, non admise dans la législation an- glaise? — 5° Les condamnés à un emprisonnement de moins d’un an peuvent-ils être soumis au régime pénitentiaire; et s’ils ne peuvent pas y être soumis, l’emprisonnement à courte durée offre-t-il plus d’avan- tages que de dangers? — 6° Déterminer quels ont été les résultats de la suppression, dans certaines localités, des tours placés à l'entrée des hospices, pour recevoir les enfans abandonnés? — 7° A quel degré la direction suivie par la philosophie allemande, depuis Leibnitz jusqu’à nos jours, a-t-elle été favorable aux progrès de l'esprit humain? 7° La rétribution de chaque membre du Congrès est fixée à 10 fr. M. F. Bouriaud , négociant et trésorier de la Société Académique de Poitiers, remplira les fonctions de trésorier du Congrès. 8° Le premier jour, après les discours d'ouverture, on procédera à l'élection du président et des deux vice-présidens. Le lendemain, au matin, on fera choix, dans chaque section, d’un président et d’un vice-président. La seconde session du Congrès scientifique de France s’an- nonce comme devant être plus nombreuse encore que la pré- cédente. Des savans et des littérateurs de la capitale et des diverses provinces de la France ont exprimé déjà l'intention de s’y rendre ; des étrangers de marque comptent aussi y assis- ter. On sent l’heureuse impulsion qui doit résulter d’une réu- nion périodique de savans , destinée à convertir le monopole d’une centralisation permanente, dans une centralisation trans- portée successivement d’un point à un autre. Ainsi les Congrès annuels iront chercher , jusque chez eux, les savans empêchés par l’âge ou par leur position sociale d’entreprendre de longs voyages. Combien d'hommes, amis de l’étude, qui, sans une pareille institution, ne se seraient jamais rencontrés, et n’au- raient pu dès-lors s’interroger réciproquement sur des points qu’eux seuls peut-être étaient en position de résoudre? Or, ceux qui s’occupent d'ouvrages scientifiques de longue haleine, savent combien des renseignemens ainsi échangés peuvent être utiles à la confection de tels travaux ! ar se (ag, (@) Vous êtes instamment invité, Monsieur, ainsi que les Membres de la Société que vous présidez » à envoyer une dé- putation pour assister à la seconde session du Congrès scientifi- que de France; et si, comme j'ai lieu de l’espérer, vous accédez à cette invitation , je vous prie de m'adresser le plus tôt possible, et par lettre affranchie, Yindication des membres de votre compagnie qui voudront la représenter au Congrès. Il est en effet nécessaire de pouvoir connaître à l'avance le nombre des Personnes que cette solennité scientifique réunira à Poitiers. Aussi le nom détchaque a ü Congrès sera inscrit sur un registre , avec indication de n éro, et on transmettra à cette adresse les nouvelles instructions qu’on croira probable- ment convenable d'adresser plus tard. De plus, on indiquera un logement à chaque étranger qui exprimera le désir d’en trouver un tout prêt pour le recevoir à son arrivée. Si vous comptez vous préparer sur une ou plusieurs des questions posées , en indiquer d’autres faire des propositions Où communiquer un travail quelconque, il serait bon de m'en donner avis, d'ici à la mi-août. Ces indications adressées à l'avance faciliteront nos travaux, en nous permettant de les suivre avec plus d'ordre, et en économisant un temps qui, le Congrès commencé, nous sera précieux. J'ai l'honneur d’être, Monsieur , Votre très-humble et obéissant serviteur , DE LA FONTENELLE. (x) Au lieu de cet alinéa, il y avait, pour les invitations individuelles, le passage suivant : « Vous êtes instamment invité à assister à la seconde session du Congrès scientifique de France; et si, comme j'ai lieu de l'espérer ; vous accédez à cette invi- tation, je vous prie de m'adresser votre adhésion le plus tôt possible, et par lettre affranchie. I] est en effet nécessaire de pouvoir connaître à l'avance le nombre des membres que cette solennité scientifique réunira à Poiliers. Aussi le nom de chaque adhérent au Congrès sera inscrit sur un registre, avec indication de numéro, et on transmettra à cette adresse les nouvelles instructions qu’on croira probablement con- venable d'adresser plus tard. De plus, on indiquera un logement à chaque étranger qui exprimera le désir d'en trouver un tout prêt pour le recevoir à son arrivée. » : e U . ï * vi, 24 ; + — + : L . , ] u x à j nie € 15 È | y ”. PET Ni OUVERTURE DE LA SECONDE SESSION DU CONGRÈS. Aujourd’hui dimanche , 7 septembre 1834, les membres inscrits pour siéger à la seconde session du Congrès scienti- fique de France, se sont réunis dans la salle de la Bibliothèque de la ville de Poitiers , à midi, heure fixée par les lettres de convocation. M. de la Fontenelle de V'audoré , nommé secrétaire-général de cette session , à la première session, tenue à Caen, en juillet 1833, ouvre la séance par le discours suivant : « Messieurs, » Appelé par la confiance de la première session du Congrès scientifique de France à préparer cette seconde session , j’é- prouve une satisfaction bien vive en élevant la voix, le premier, au milieu de cette assemblée littéraire, scientifique et agricole, où tant de provinces françaises sont représentées. Poitiers, cette ville éminemment classique , dont l’antique renommée de ses professeurs, de son barreau et de sa magistrature, a tou- jours fait l'éclat, s’enorgueillit, dans ces jours si heureux pour elle, de voir consolider dans son sein une institution com- mencée daus cette terre du nord des Gaules, où les hommes du nord de l’Europe, en se frant à toujours (1), par suite de la cession d’un roi frank (2), firent apparaître tout-à-coup une civi- (x) Je répète cette expression énergique, prise dans les vieux-documens , et employée au Congrès de Caen, par un savant normand , M. Galeron (de Falaise). (2) On veut parler ici du traité de Saint-Clair-sur-Epte , de l'année o11, consenti 2 dd) lisation avancée par le temps, en échange de ces mœurs sauvages à l’aide desquelles ils avaient dominé la population indigène des Gaules. » Mais si, dans ces temps éloignés, les progrès dans la socia- bilité furent l’apanage des descendans des fiers et impi- toyables compagnons de Rollon, il est aussi à remarquer qu’à l’époque où nous vivons , moment de travail intellectuel pour l'espèce humaine, le pays qui fut autrefois la province de Normandie, se place au premier rang , pour l'impulsion donnée à presque toutes les branches des connaissances hu- maines. Voyez quelle émulation règne parmi ces nombreuses sociétés littéraires et scientifiques de l’antique Neustrie. S’agit- il de l'étude de l’histoire , de l'étude de l'archéologie , histoire des temps primitifs et constatation des monumens de toute espèce, il nous faudrait citer toutes les compagnies savantes de cette province , et au premier rang apparaissent la société des antiquaires de Normandie , l'académie et la société d’ému- lation de Rouen, et la société académique de Cherbourg. Veut- on savoir ce qu’on a fait pour l’histoire naturelle, il faut consulter les volumes et les atlas de la société linnéenne de Normandie. Les deux académies de Rouen , l’ancienne société d’Evreux, l'académie Ebroïcienne, publient des recueils, sorte de revues où se trouvent des morceaux de haute littérature. Pour l’agriculture , la société centrale d’agri- culture de Rouen , et la société d'agriculture et de commerce de Caen , impriment particulièrement l’impulsion aux bonnes cultures et aux bons procédés d’économie rurale , à ces fertiles contrées. Enfin l'association Normande , qui réunit par un lien commun tous ceux qui désirent concourir à ce qui est bon et utile pour les cinq départemens de la Seine-Inférieure , de l'Eure, du Calvados, de la Manche et de l'Orne , s'occupe de cette science que nous avons appelée, au Congrès de Caen , par Charles-le-Simple. Du reste, M. Deville, dans une savante dissertation insérée "dans le 6me vol. des Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, établit suffisamment que toute la Normandie actuelle ne fut pas cédée à Rollon et aux Nor- mans de la Seine, et que la Bretagne fut concédée aux Normans de la Loire. (11) PEconomie sociale. Que Von ne s'étonne donc pas que du nord de la France puisse venir pour nous la lumière. C’est de là, en effet, qu’est partie l’étincelle brillante qui , dans le premier Congrès scientifique et annuel de France, a commencé à donner aux études un essor jusque-là inconnu. Remarquons ici que nous sommes loin de répudier les fruits portés par des Congrès partiels pour le territoire , ou pour les sujets traités. Nous assignons à l’institution dont nous ouvrons aujourd’hui la seconde session , un caractère particulier , celui de réunir , chaque année , sur un point différent de cette belle terre de France , les hommes de science répandus sur toute la surface du territoire , pour débattre et éclaircir les questions les plus importantes des différentes branches des connaissances humaines. Ainsi le Congrès tenu à Douai, pour la Flandre , Artois et la Picardie, n’a été qualifié que de Congrès provincial, et il nous a adressé des questions à résoudre, par des députés spéciaux qui figurent dans cette enceinte. Aussi le secrétaire général du Congrès méridional , en nous adressant le volume des travaux de cette réunion , s’exprimait dans les termes suivans qu’il est bon de mentionner ici : « Nous n’avons point voulu, dit-il, » faire schisme et nous séparer du grand mouvement national » qui a commencé à Caen , et qui passe maintenant par Poi- » tiers , pour faire le tour de la France. Nous avons seulement » voulu hâter le développement scientifique , artistique et » industriel de notre pays, qui, à tort ou à raison , a été souvent accusé de se montrer stationnaire ou rétrograde. Le Ÿ Congrès méridional ne peut et ne doit être qu’un satellite du ÿ Ÿ Congrès national , de même que le midi lui-même n’est » qu'une fraction, bien belle il est vrai, de notre grande » unité française (1). » | » Si je voulais mentionner tous les fruits que doivent produire les Congrès scientifiques , j'aurais beaucoup à m’étendre et je prendrais trop sur un temps qui doit nous être précieux. Je me bornerai à noter de nouveau ici l’heureuse impulsion qui doit (x) Lettre de M. Léonce de Lavergne, secrétaire général du Congrès méridional, à M. de la Fontenelle, secrétaire général du Congrès de Poiliers, en date 4: »5 août 1834. (12) résulter d’une réunion périodique d'hommes amis de la science, réunion destinée à convertir le monopole d’une centralisation permanente , celle de Paris , dans une centralisation portée suc- cessivement d’un point sur un autre point. Je l’ai dit en convo- quant pour cette réunion : « Les Congrès annuels iront chercher » jusque chez eux les savans empèchés par l’âge ou par leur » position sociale d'entreprendre de longs voyages. Combien » d'hommes, amis de l’étude, qui, sans une pareille institution, » nese seraient jamaisrencontrés, et n'auraient pu, dès lors, s’in- » terroger réciproquement sur des points qu’eux seuls peut-être » étaient en position de résoudre? Or, ceux qui s'occupent » d'ouvrages scientifiques de longue haleine, savent combien » des renseignemens ainsi échangés peuvent être utiles à la » confection de tels travaux. » » Qu'il me soit permis de dire que j'ai ressenti cet avantage inappréciable d’un rapprochement d’hommes de sciences , opéré par le fait de la tenue d’un Congrès. En effet, ce fut avec la session de Caen que je commençai l’année dernière la publi- cation d’un ouvrage périodique et essentiellement historique , je veux parler dela Revue Anglo-Française (1). Or, ce fut à Caen, parmi ceux qui figuraient avec moi au Congrès, que je trouvai des collaborateurs instruits qui m'ont été du plus grand secours pour ma publication. » Mais la première session du Congrès scientifique a produit des fruits d’une tout autre importance qu’il faut indiquer ici. Qu'on lise la circulaire du ministre de l'instruction publique relative aux bibliothèques des villes, et on y verra consignés nombre de points sur lesquels la réunion de Caen avait attiré l’attention du gouvernement. Espérons donc que ceux sur les- quels nous nous arrêterons dans cette session , obtiendront un aussi heureux résultat. » Ce n’est pas seulement le ministre de l'instruction publique (5) Ge Recueil trimestriel sera au courant à la fin de 1834. IL formera tous les ans un gros volume in-8o, orné de lithographies, et contenant la matière de 3 vol. in-8° ordinaires. Le prix de l'abonnement est de 15 fr. par an. On s’obonne à Poitiers, à la librairie Saurin, et à Paris, à la librairie Lance , rue du Bouloy, ne #. (18 ) qui a tiré parti des résolutions adoptées dans notre première réunion. Nous avions émis le désir de voir se former, dans toutes les localités importantes, des musées destinés à recevoir les antiquités locales. M. le préfet du Cher a arrêté la création d’un pareil établissement à Bourges, et les objets doivent être déposés dans un hôtel dont le nom historique rappelle le néso- ciant le plus habile qu’ait produit la France, celui qui aida, par l'emploi patriotique de ses trésors, à la délivrance de notre sol du joug de l'étranger , et l'homme persécuté par le roi qui lui devait en partie son royaume : nous voulons parler de Jac- ques Cœur (1). Dans cette Normandie où l’on doit aller aujour- d'hui chercher des exemples , un musée d’antiquités s’est aussi formé à Rouen , sous les auspices du savant M. Achille Deville (2) que nous regrettons tant de ne pas voir au milieu d’une assem- blée qui aurait tant gagné à le posséder. » Si c’est dans une contrée si riche en souvenirs que la Nor- mandie, dans une ville aussi ville d’études que Caen, qu'a commencé l'institution des Congrès scientifiques annuels, et s'occupant de toutes les branches des connaissances humaines, que l’on ne s'étonne pas qu’en franchissant une partie du sol de la Frauce, on soit arrivé, pour une seconde session , dans l'an- cienne Âquitaine , dans le Poitou et nominativement à Poitiers. Notre ville, on peut le dire, est le chef-lieu intellectuel de l'Ouest de la France. Souvenirs pour souvenirs, nous dirons que lorsque les autres provinces des Gaules étaient dans les té- nèbres , l’Aquitaine brillait d’un vif éclat par la splendeur de ses écoles , et une question qui se rattache à cette proposition sera traitée devant vous. A la dislocation de l’empire romain , ce colosse aux pieds d’argile , une nation gothique avait fondé un royaume dont le sol que nous foulons était la citadelle avancée. Mais arrivèrent des barbares du nord qui terrassèrent (x) I n’est peut-être pas sans intérêt de rappeler ici que Jacques Cœur fut prison- nier à Poitiers et à Lusignan, et que ce fut dans cette dernière localité qu'on lui pro- nonça l'arrêt inique qui le privait de sa liberté et de ses biens. (2) L'infatigable M. Deville , auteur de l'Histoire de Saint-Georges de Bocherville, de l'Histoire de Château-Gaillard et des Tombeaux de Rouen, vient de publier encore l'Æistoire du château et des sires de Tancarville. (OA Alarik et sa puissance. Alors succédèrent les ténèbres à une ci- vilisation avancée pour le temps. Mais c'était là la consolidation dans lès Gaules d’un empire puissant et qui devait vivre des siècles ; et, de la fusion de deux peuples, les Franks et les Gau- lois, se forma la nation française. C’est dans les champs de Vau- clade(1), jusque-là non clairement indiqués, et non loin du point où nous nous trouvons , que s’opéra ce prodige ; et c’est de là, on peut le dire, que date l'existence réelle du grand peuple. Un peu plus tard, ce n’était plus le temps des invasions si ha- bituelles des peuples du nord, l’attaque venait alors du midi ; une multitude de Sarrasins arrivait non-seulement pour con- quérir les Gaules, mais même pour les occuper et s’y fixer. Karles-Martel, le maire du palais d’Austrasie , et le duc d’Aqui- taine, Eudes, anéantirent cette horde musulmane dans Îles champs de Poitiers (2), et la croix l’emporta sur le croissant. En- suite, l’Aquitaine, grâce au génie de ses ducs , nos comtes de Poitou (3), sortit encore de la barbarie pour arriver à un haut degré de civilisation comparative ; Poitiers fut renommé par ses écoles, comme il l’avait été plusieurs siècles auparavant ; et quand la domination anglaise , qui pesait d’un grand poids sur nos contrées, vint à s’anéantir par suite des victoires des généraux de Charles VIT, précisément à l’époque où Poitiers était la véri- table capitale du royaume de France, cette même ville, en ces- sant d’être la capitale politique de l'État, fat en quelque sorte le point central des études, en France. Des milliers d’écoliers de toutes nos provinces et de l’étranger même abondaient dans nos murs , et les notabilités scientifiques de l’époque étaient venues s’instruire sur les bancs de nos écoles (4). (1) On ne peut trop s'étonner de voir presque tous les historiens placer cette bataille à Vouillé, localité bien éloignée du campus Vaucladensis, qui est Voulon, et du campus Mogotensis de Hincmar, qu'on retrouve dans MEUGON. Ces deux lieux, rap- prochés du Clain, sont dans une direction presque opposée à Vouillé. (2) Un Anglais fixé à Caen, M. Spencer Smith, a invité le Congrès à préciser le lieu où fut livrée cette mémorable bataille de 732. (3) Nous allons publier, d'ici à quelques mois, le rer volume d'une Æistoire des rois et ducs d'Aquitaine et des comtes de Poitou. (4) Nous avons cité, à une autre époque, les de Thou, les Harlay les Chiverny les Thiraqueau et les Brisson, (15) » Nous avons voulu mettre en rapport des données histori- ques d’un grand intérêt , avec des données historiques d’une bien plus haute portée encore. En rappelant ce qu'étaient devenus les descendans des hommes du nord de l’Europe fixés en Neustrie et le degré de civilisation auquelils parvinrent si promptement, nous n’avons pas voulu laissé ignorer que l’Aquitaine, même notre Aquitaine du nord dont Poitiers était le chef-lieu, d’abord annexe indépendante de la monarchie française , duché d’abord , royaume ensuite, duché encore , fut non-seulement civilisée à un haut degré, à plusieurs époques, mais fut encore une terre de liberté et de franchises; les villes eurent une existence politique et ce qu’on appelait des priviléges , ce qui n’était autre chose que l’abnégation du ser- vage , tandis que la plupart des villes d’outre-Loire ne par- vinrent à cet état de choses que bien plus tard, et par suite de concessions de nos rois. » Après avoir ainsi établi notre position comparative au moyen âge et revenant à la position de choses actuelle, pouvons-nous, nous Poitevins ou Aquitains du nord, nous indiquer dans une position aussi avancée dans les sciences et dans la littérature que la Normandie? En revendiquant l'éclat de notre barreau et en le mettant hors de cause, nous conviendrons que nous devons offrir la palme à la contrée si bien représentée à cette assemblée, car il faut être. juste avant tout. Mais nous irons chercher des modèles dans cette même province qui a fait un accueil si gracieux aux représentans du Poitou au Congrès de Caen; dans ce pays dont les habitans se plaisent à rappeler les anciens liens qui l’unissaient au nôtre. IL est encore un autre lien , c’est le commun enthousiasme pour l'étude. En effet l'impulsion est donnée, en Poitou , avec cette session du Congrès, et à l’aide de la création d’une société des antiquai- res de l'Ouest (1): à raison de l’émulation, résultat de deux a) Cette société a pour but la recherche, la conservation et la description des Mo- numensiet des Documens historiques des pays compris entre la Loire et! la Dordogne. Cette diyision naturelle a été aussi long-temps une division politique , l'Aquitaine du Nord. Aussi les grands vassaux du comte de Poitou étaient tenus, envers lui, à un service militaire pendant quarante jours, mais seulement de Ja Loire à la Dordogne. (16) sociétés savantes dans le même lieu , les travaux scientifiques n’en prendront que plus d'importance. Espérons donc , assu- rons même que, nous aussi, nous serons bientôt en progrès pour l'exploitation de la riche mine que notre sol offre à exploiter aux hommes studieux. » Après avoir ainsi payé, Messieurs , un tribut à mes études favorites, en vous occupant des points fondamentaux de notre histoire, je me bornerai à quelques mots sur l'esprit que nous apportons tous dans cette enceinte. Je lai dit, lépo- que où nous vivons est une époque de progrès; les hom- mes entièrement stationnaires, s’il en existe encore dans le mouvement qui nous entraine, sont eux-mêmes forcés de l'avouer. D’un autre côté , par suite des événemens surprenans et capitaux d’un demi-siècle en arrière de nous, Paris est de- venu plus que la capitale ordinaire d’un État; c'est, sous le rapport intellectuel, un centre d’action envahissant pour le surplus de la France. Or, on a senti généralement qu’il était temps de se mettre hors de tutelle, qu’on passe l'expression. On a jugé qu'à l'instar d’un pays voisin, de la Germanie, actuellement si stadieuse , il fallait annuellement se réunir sur un point donné et différent, pour s’entendre sur des questions et pour éclaircir de concert des diflicultés scientifiques et so- ciales. Le premier essai fait à Caen a eu des résultats, je lai prouvé. Travaillons pour que la réunion qui s'ouvre aujour- d’hui soit également féconde , et elle doit l'être plus que l’autre encore, puisque nous avons l'expérience d’une première session. » Au Congrès de Caen, Messieurs , on n’avait point pensé d’abord que l'économie sociale püt entrer dans l’ordre des tra- vaux, parce qu'on craignait que cette science, du reste du premier intérêt, püût soulever parfois des opinions religieuses et politiques, susceptibles de diviser des hommes’ de bonne foi, mais d'opinions politiques diverses, réunis pour s'entendre sur un terrain neutre, et non pour aller chercher de nouveaux sujets de division, aujourd’hui si communs. Cependant une section spéciale fut créée pour cette science à notre première C7) session; cette mème science et la législation, qui se tiennent essentiellement, constituent aujourd’hui, d’après le travail du comité préparatoire , une même section dont l’impor- tance est extrême. Toujours est-il qu’en ayant les uns pour les autres la déférence d’hommes qui veulent s'entendre dans cette enceinte, tout en marchant au dehors sous des bannières di- verses , nous devons mettre de côté , avec soin , toutes les ques- tions irritantes. Tenons donc avant tout à ce point fonda- mental, si nous voulons perpétuer une institution dont les avantages sont incalculables. » Oui, nous avons le malheur, Messieurs, de vivre dans un temps de discordes civiles ; et le seul fait de pouvoir, en se réunissant, faire une trève momentanée à nos sujets de division, est un pas fait vers un rapprochement entier que, vu l’état des choses, nous ne pouvons espérer que du temps. Reportons- nous donc à une autre époque , au moyen âge , où au lieu de polémiques écrites, de propos acérés, le sang laissait journelle- ment des traces des débats humains. Dans ces temps éloignés, la religion chrétienne, dont le signe mystérieux a plus fait pour la civilisation que toutes les institutions humaines , venait , à certaines époques , suspendre les hostilités des hommes, par la trève de Dieu. Aujourd’hui , c’est le règne de l'intelligence, du raisonnement; et les Congrès scientifiques, dont les résultats futurs doivent être des progrès dans toutes les sciences, peuvent avoir aussi un résultat actuel : c’est d'établir une trève poli- tique dans une réunion nombreuse , en plaçant ceux qui y assistent sur le terrain neutre de la recherche de la vérité. » Nous nous bornerons, Messieurs, à ces données générales, sans vous rappeler les immenses travaux dont vous avez à vous occuper, dans le peu de jours assignés à votre réunion. Mais une classification des matières à traiter, préparée déjà , va être terminée , à l’aide des secrétaires de sections , que la mis- sion, toute de confiance , qu’on nous avait accordée à Caen, nous faisait une obligation d'indiquer. L'ordre , en pareil cas, diminue sensiblement le travail. Soyons avares du temps, préparons dans les sections ce que nous avons à examiner, 7 9 (18) pour en terminer là la plus grande partie , et ne reporter à l'assemblée générale que ce qui est vraiment digne de cette solennité. Alors nous pourrons arriver à un résultat satisfaisant; une session aussi fructueuse en facilitera une autre qui pourra l'être plus encore , et l'institution des Congrès scientifiques se consolidera de plus en plus. » Obligé , par la position que m'avait assignée la réunion de Caen , d'ouvrir cette belle et solennelle réunion , à laquelle je suis glorieux d’avoir attaché mon nom , je ne puis qu’avouer mon iosuflisance , en protestant pourtant de mon zèle. Mais une voix plus éloquente que la mienne est là pour redire aux étrangers à notre ville, qui viennent nous apporter le tribut de leur savoir , le gré que nous leur savons , nous, habitans de cette terre du Poitou , d’être venus apporter tant d'éclat à cette assemblée. Qu'il me soit au moins permis de le leur dire le premier , en laissant à l'orateur habile qui va me suivre, la tâche, pour lui si facile, de l’exprimer bien mieux , mais non avec plus de conviction et plus de franchise. » A la suite de ce discours, A. Boncenne , président de la so- ciété académique et du comice agricole de Poitiers , prend la parole et s’exprime ainsi : « Messieurs, » Je ne pouvais mieux sentir le prix des suffrages qui m'ont appelé à la présidence de la société académique et du comice . agricole de Poitiers , que dans cette solennité où j’exerce l’ho- norable privilége de vous offrir l'hommage de notre reconnais- sance, au nom d’une cité fière d’avoir été choisie pour la seconde session du Congrès scientifique de France. » Ce fut à pareille époque , le 7 septembre de l’année 1579, que s’ouvrirent les grands-jours de Poitiers pour le fait de la justice : on y vit venir les illustrations de la magistrature, du barreau et des lettres, Achille de Harlay et Barnabé Brisson , Étienne Pasquier et Pierre Pithou, Antoine Loisel et René Chopin, Scévole de Sainte-Marthe, Rapin et Scaliger. Ces maîtres en tout savoir ne furent pas toujours occupés de plai- (19) doiries et d’arrêts : ils ae dédaignèrent point d épancher leur immense érudition du xvi: siècle, dans les jeux poétiques qui mirent en si beau renom les muses poitevines. » Aujourd’hui, vous venez tenir les grands-jours de la science, et, comme autrefois, nous ne manquerons ni d’hôtes célèbres, ni de belles discussions , ni d’utiles leçons. » La capitale du Poitou , qui fut aussi, pendant Les premières années du règne de Charles VIE, la capitale du royaume , était digne de la distinction que vous lui avez accordée. La réputa- tion de ses écoles remonte aux temps les plus réculés, et nos efforts tendent constamment à ne point déroger. » Sur notre sol couvert des débris dé l’antiquité, vous trou- verez de beaux restes à décrire, des inscriptions à recueillir , des mystères à dévoiler, des coutumes à expliquer , us amphi- théâtre, des aquéducs romains à reconstruire , des monumens qui suppléent au silence de l’histoire, et qui sont comme une évocation des générations ensevelies, comme la statistique mo- rale de ces anciens jours où l'architecture du moyen âge rami- fait ses riches caprices dans d’innombrables détails, en faisant de chaque pierre l'expression d’une pensée. L’archéologie s’est faite indispensable flambeau de la philologie. - » Je suis heureux de trouver ici l’occasion de rendre grâces aux Antiquaires de Normandie, pour leur généreux concours à la conservation de notre temple de Saint-Jean. Ils ont jeté avec nous le cri de guerre contre les démolisseurs , et cet échantillon précieux de l'architecture gallo-romaine est resté debout pour attester l’imposante autorité de notre alliance. » La poésie aquitanique eut son berceau à Poitiers. Le comte Guillaume fut le premier de ceux qui se piquèrent de composer en langue provençale, car elle était alors regardée comme la plus belle de l’Europe, et nos vastes foyers autour desquels on oyait tant parler d’armes et d’amour, répétèrent le refrain des ballades de Richard-Cœur-de-Lion , de ce héros qui légua son cœur à la Normandie et ses entrailles au Poitou. » N'est-ce pas encore un titre à l'honneur que vous nous faites, Messieurs, que cette sympathique prévision de vos (20 ) vues qui nous à guidés dans nos voies d'améliorations et de progrès ? » Des comices agricoles sont établis dans tous les arrondisse- mens, et dans une grande partie des cantons du département de la Vienne. Placée au centre , la Société d'Agriculture com- munique aux comices les observations et les découvertes qu’elle puise dans les riches mémoires des compagnies savantes qui correspondent avec elle : ainsi la théorie éclaire la pratique, et l'expérience vient à son tour redresser les systèmes. » Nous possédons une collection d’instrumens aratoires per- fectionnés : nous les avons exposés dans ces concours de char- rues que vous avez si vivement recommandés dans la première session du Congrès. Toutes les sciences, tous les arts viennent aujourd’hui apporter leur tribut à la mère nourricière de l'État : toutes les émulations , tous les rangs se confondent dans ces épreuves dont chaque nature de sol devra tirer de si grands avantages ; et la palme agricole n’est plus d’un moindre prix que la couronne académique. » Nous avons entrepris la statistique du département : cette tâche est une attribution toute naturelle des sociétés savantes. Du travail de chacune d’elles, dans le rayon qu’elle embrasse, sortirait l’accomplissement de cette immense opération , qui seule peut faire apprécier avec exactitude toutes les ressources de la terre et de l’industrie. Si , chaque année, on ajoutait à ce grand livre un chapitre supplémentaire, pour les améliora- tions et les changemens survenus dans les différentes parties dont il se compose, on pourrait suivre pas à pas les dévelop- pemens successifs, rassembler et comparer facilement les mé- thodes et les faits. » Ainsi, nous avons tâché de préparer nos contrées à rece- voir la semence de vos idées. » Me sera-t-il permis d'indiquer à vos méditations un sujet auquel se rattachent à la fois la prospérité de l’agriculture et l'extinction de la mendicité ? » La Hollande et la Belgique se sont vues forcées de suppléer à l'insuffisance des institutions de charité et des aumônes qui (21) ne font qu’accroitre le nombre des pauvres, par une création qui s'appuie sur le travail et sur la morale. On à pensé que le moyen le plus sûr d’atteindre le but, était de fonder des colonies agricoles dans les landes abandonnées de quelques provinces. Le général Vandenbosh , chargé d’en tracer le plan, les a divisées en colonies libres et en colonies forcées. Les mendians sont répartis dans les colonies forcées : on emploie les longues soirées d’hiver à leur donner l'instruction reli- gieuse. Leurs mœurs se sont améliorées; et, chaque année, il en est beaucoup qui se rendent dignes d’être émancipés, et de devenir fermiers du terrain qu’ils ont défriché. » Le docteur Laurent de Versailles et M. Huerne de Pom- meuse ont écrit sur les colonies agricoles. Ils ont donné le détail des constructions et des règles qui ont été adoptées pour ces établissemens. » Quelle immensité de terres à assainir , à défricher, à culti- ver , depuis les vastes et stériles plaines de l’Armorique, jus- qu'aux Landes de Gascogne ! Il existe encore en France cinq millions d'hectares que le soc de la charrue n’a jamais tou- chés. Si le gouvernement en affectait d’abord cinquante mille aux colonies forcées, il obtiendrait une économie de cent cin- quante francs par an, pour chacun des mendians ou vagabonds qu’il y placerait et qui croupissent aujourd’hui dans les mai- sons de détention. Au bout de quinze ans, l'État se trouverait propriétaire de cinquante mille hectares de terres mises en bon rapport. Et croyez-vous d’ailleurs que ce ne serait pas un beau dédommagement pour quelques avances, que de fermer cette hideuse plaie de la mendicité, et de faire rayonner la civilisa- tion sur des pays presque sauvages ? » Peut-être estimerez-vous, Messieurs, qu'il serait bon de rattacher au système des colonies agricoles l'examen des ques- tions relatives aux enfans trouvés. Vous aurez à remuer là des abus et des crimes. Les hôpitaux se remplissent d’enfans sans mères , et les ménages ont des pères sans enfans. » La ville où s’est tenue la première session du Congrès, a offert à votre admiration un des plus beaux établissemens que (22) le zèle d’un homme ait pu fonder , avec les seules ressources de la charité chrétienne et la constance de ses travaux. Je ne sais rien de plus attachant et de plus instructif que les détails que vous a donnés le vénérable chef du Bon Sauveur, sur le régime de sa maison, sur le traitement des aliénés, sur l’en- seignement des sourds-muets , et sur les merveilles de sa dac- tylologie. Vous trouverez ici, dans des proportions moins grandes , une institution où les sœurs de la Sagesse apprennent aussi aux sourds-muets l’art de recevoir et de communiquer l'expression de la pensée; et je m’assure qu’une visite à l’hos- pice de Pont-Achard de Poitiers ne sera ni sans intérêt , ni sans charme, même pour ceux qui connaissent la maison du Bon Sauveur à Caen. » Plus exigeantes envers elles-mêmes , plus puissantes et plus bienfaisantes que jamais, les sciences veulent se rendre plus populaires et plus familières avec toutes les classes. Une bonne méthode qui répande l'intelligence des opérations auxquelles l’homme est obligé de se livrer dans le cours de sa carrière, des procédés qui abrègent la durée des études primaires au profit des agriculteurs, qui ajoutent deux ou trois années à la vie utile de l’homme : voilà ce qu’il importe de rechercher et de propager. « Que le moindre paysan puisse posséder une » bible et la lire , disait Georges III en Angleterre. » Le vœu de notre Henri IV n’était que la conséquence de celui-là. » Si je m'en rapporte aux annonces que les journaux ont publiées , il en est parmi vous, Messieurs, qui se disposent à nous entretenir des routes à rainures. C’est par les grandes routes que les civilisations s’avancent : quel pas ne devra-t-elle pas faire quand , sur notre sol, se seront étendus les chemins de fer ! Les grandes directions de ces canaux solides , accessibles dans tous les temps, en dépit des calmes et des tempêtes , sur lesquels les chars roulent sans secousse comme un traîneau sur la glace d’un lac, changeraient en bénédictions les plaintes héréditaires de villes qui, comme la nôtre , gémissent d’âge en âge sur l’inertie des eaux où elles se mirent. Il vous appartient, Messieurs, de hâter le complément du système des routes à (23) rainures, d'en expliquer les avantages , de dissiper les hésita- tions , et d'animer les esprits par la puissante influence de vos lumières. Dites ce qu'ont fait en ce genre les associations an- glaises; dites-nous l’élévation prodigieuse des actions émises pour l'établissement des chemins de fer ; dites combien se vend aujourd’hui , à la bourse de Londres , une action qui fut pri- mitivement de cent livres ! » L'économie sociale méritait la place que vous lui avez assi- gnée. De violentes disputes ont agité autrefois les économistes ; mais aujourd’hui les faits si bien observés, si bien constatés, si bien décrits, doivent sortir du domaine de l'opinion , pour entrer dans celui de la vérité. Toutefois, c’est encore un devoir auquel il faut se soumettre de bonne grâce, que celui de démontrer l'évidence, de combattre des objections futiles, de redresser des raisonnèmens faussés, et de faire l’éducation de ceux qui ont aimé mieux nier la science que l’étudier. » Je prie que vous me pardonniez, Messieurs, si, interrogeant le programme dé vos travaux, j’ai risqué par un indiscret em- pressement de tenir quelques-unes de vos pensées. Peut-être ai-je cédé par instinct au besoin d’être éclairé d’avance sur la nature du mouvement qui nous porte en avant. Ces laborieuses préparations sont-elles pour consolider, pour perfectionner l'édifice social ; ou pour le reconstruire en entier , et lui creuser de nouveaux fondemens ? Sommes-nous dans une de ces crises où la société se refait en se déchirant ? Et notre sort aura-t-il été de naître dans un temps de souffrance et de transition, entre une civilisation épuisée et une civilisation provisoire ? » Non; et c’est votre témoignage que j’invoque, il n’est pas vrai que tout soit au pire, et qu’il faille tout renverser pour tout refaire. Les systèmes perdent leur puissance quand ils font abstraction des mœurs et des idées; et, comme on l’a fort sagement remarqué , cette application de la métaphysique à la politique a été déjà assez fatale aux peuples modernes. » Vous l’avez dit, Messieurs, vous êtes assemblés pour dis- cuter les intérêts de la science, pour travailler au perfectionne- ( 24) ment des connaissances humaines , et arriver, par cette voie, au plus grand bien-être de la société. » En ce moment, des Congrès scientifiques se réunissent à Stuttgard , à Édimbourg ; le roi de Wurtemberg va donner une grande fète aux naturalistes d'Allemagne : on citera le Congrès de Poitiers, en parlant de ces solennités et de leurs résultats. Votre adoption nous associe à l’honneur de votre nom. Vous nous laisserez d’utiles enseignemens, et des souvenirs qui ne s’effacent point. Notre contentement serait au comble, si, durant ces jours où va se consacrer la douce intimité de nos relations, vous pouviez vous laisser aller à croire que vous êtes encore chez vous. » Ensuite M. le secrétaire-général appelle au bureau , comme président provisoire, M. Cauvin (du Mans }, qui se trouve le doyen d’âge des membres présens. Puis M. le président d'âge et M. le secrétaire-général désignent, comme scrutateurs, trois membres du Congrès, étrangers à la ville de Poitiers ; ce sont MM. de Givenchy ( de Saint-Omer ) , Lair (de Caen ) et le D° Guépin ( de Nantes ). Le bureau provisoire ainsi entièrement formé, on procède à un scrutin par le résultat duquel M. de Caumont ( de Caen) , correspondant de l’Institut , et secrétaire de la société des anti- quaires de Normandie, est nommé président de cette session du Congrès scientifique de France. Par suite d’un autre scrutin , MM. Boncenne, doyen de la faculté de droit, président de la société académique et du comice agricole de Poitiers, et Jullien ( de Paris ) , homme de lettres et fondateur de la Revue encyclopédique, sont nommés vice-présidens. Le bureau définitif prend place. M. de Caumont , président , adresse à l'assemblée une courte allocution , et invite les mem- bres du Congrès à se faire inscrire dans les sections auxquelles ils veulent s'attacher, en avertissant qu’on peut, à volonté , être inscrit dans une ou plusieurs sections. MM. les secrétaires indiqués pour les sections procèdent sur-le-champ à cette in- scription. (25?) M. le secrétaire-général fait connaître la division en sections, et l’ordre de tenue des séances pour les assemblées générales et pour les réunions de sections , ainsi que le tout a été arrêté dans plusieurs réunions préparatoires, et notamment dans une assemblée tenue le 5 de ce mois, et à laquelle ont assisté un grand nombre de membres du Congrès, soit de Poitiers , soit étrangers à cette ville. Le Congrès adopte ce classement , ainsi que l’ordre de travail dont la teneur suit : DIVISION EN SECTIONS. ire section. — Sciences physiques , mathematiques et naturelles. 2% —— — Agricullure, industrie et commerce. 3 —— — Sciences médicales. 4% —— — Archéologie et histoire. 5e —— — Littérature, beaux-arts et philologie. Ge —— — Sciences morales et legislation. ORDRE DE TRAVAIL. — HEURES DE RÉUNION. Section n° 2.— AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE, de 6 heures et demie à 8 heures du matin. — Dans la salle de la Societé acade- mique. Section n° G.— SCIENCES MORALES ET LÉGISLATION, de 8 heures à 9 heures et demie. — Dans la salle de l’École de droit. Section n° ir.— SCIENCES PHYSIQUES , MATHÉMATIQUES ET NATURELLES , de 9 heures et demie à 10 heures et demie.—Dans La salle de La Societé academique. Section n° 4.— ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE , de 11 heures et demie à une heure. — Dans la salle de l’École de droit. Section n° 5. — LITTÉRATURE , BEAUX-ARTS ET PHILOLOGIE, d'une heure à 2 heures et demie. — Dans la salle de la Societé académique. Section n° 3.— Scrences MÉDICALES , de 1 heure à 2 heures et demie. — Dans La salle du conseil de l'École de droit. Séance generale du Congrès, de 2 heures et demie à 5 heures et demie. — Dans la grande salle de la Bibliothèque de la ville (1). (x) L'indication des heures de réunion contenait de plus la note suivante : Il y aura une table commune , pour les membres du Congrès, à l'hôtel des Trois- Piliers , dans une salle particulière, à cinq heures et demie précises. Pour être admis aux séances du Congrès, il est essentiel de présenter sa carte d'entrée, ( 26 ) Le Congrès arrête, sur la proposition de M. le président , que le bureau et Les secrétaires de sections indiqués se réuniront, dans la soirée , pour faire la répartition des mémoires et des propositions entre les différentes sections. Il est aussi arrêté que demain matin , chaque section , avant de commencer ses opérations, constituera son bureau , par la nomination d'un président, d’un vice-président et de deux secrétaires définitifs. Pour avoir une carte d'admission, en échange de la lettre de convocation , il faut s'adresser à M. Bouriaud, négociant, trésorier du Cosgrès scientifique de France, rue Neuve. 7 Ceux qui ont des propositions à faire ou des points à traiter, sont invités à en donner l'indication, sans délai, au secrétaire. général, pour qu'il en puisse falre le classement et la distribution aux sections. EE COMPOSITION DES BUREAUX. ASSEMBLÉES GÉNÉRALES. Président. — M. pe Caumont (de Caen) X, correspondant de l’Institut (académie des inscriptions et belles-lettres }, di- recteur-fondateur de l'association normande , directeur-in- specteur-général de la société française pour la conservation et la description des monumens historiques, secrétaire de la société des antiquaires de Normandie | membre de plusieurs autres sociétés savantes, françaises et étrangères , directeur de la Revue Normande, etc. 1°® Wice-président. — M. Boncenxe (de Poitiers) #, doyen de la faculté de droit de Poitiers, président de la société aca- démique et du comice agricole de la même ville, membre de la société des antiquaires de Normandie. 2° Vice-président. — M. Jozzren ( de Paris), membre de plusieurs sociétés savantes , françaises et étrangères , fonda- teur de la Revue Encyclopédique. Secrélaire-général. — M. 5 La FonreneLce pe Vauponé ( de Poitiers) $4, conservateur des monumens historiques du Poitou , correspondant de la commission des archives d’An- gleterre pour la même province, inspecteur divisionnaire et membre du conseil général de la société pour la conserva- tion et la description des monumens historiques , secrétaire perpétuel de la société académique de Poitiers, vice-prési- dent de la société des antiquaires de l'Ouest, membre de plusieurs autres sociétés savantes, directeurde la Revue À nglo- Française , etc. Trésorier. — M. F. Bourraun, trésorier de la société acadé- mique de Poitiers , etc. (28 ) SECTIONS. de secrion. — DBciences phusiques, mathématiques et naturelles, Président. — M. Desvaux ( d'Angers) , membre de plusieurs sociétés savantes, directeur du Jardin des plantes d'Angers, . etc. Vice-président. — M. DB La Pyrate ( de Fougères), membre de plusieurs sociétés savantes , etc. Secrétaires. — M. N. Bousée (de Paris) , professeur de géo- logie, membre de plusieurs sociétés savantes , directeur de V'Echo du monde savant, etc. M. pe Brenissox ( de Falaise ) , membre de plusieurs sociétés savantes , etc. 2e secrion. — Agriculture, Sudustrie et Commerce. Président. — M. Larr ( de Caen ) S& , secrétaire-perpétuel de la société d'agriculture et de commerce de Caen , membre de plusieurs autres sociétés savantes , etc. V'ice-président. M. le président Barsaucr De La Morre ( de Poitiers) # , membre de la société académique de Poitiers, eic. Secrétaires. — M. J. Jozeau (de Niort), secrétaire-perpétuel de la société d’agriculture des Deux-Sèvres, correspondant du conseil d'agriculture, membre de plusieurs autres sociétés savantes, etc. M. Basauzr pm Cuaumoxr fils ( de Poitiers }, membre de la société académique de Poitiers , etc. 3e SECTION. — Déiences médicales. Président. — M. le D' x za Mansonniëre ( de Poitiers ), ( 29 ) membre de la société académique de Poitiers , ‘ancien pro- fesseur à l’école secondaire de médecine de la même ville, etc. Vice-président. — M. le D° Guérin ( de Nantes }, membre de plusieurs sociétés savantes , etc. Secrétaires. — M. le D'° Howauzr DE La PeLrrre ( d'Angers). M. le D: Lucrex Garzrarp ( de Poitiers), membre de la s0- ciété académique de Poitiers, professeur à l’école secondaire de médecine de la même ville, etc. 4 secrion. — Archéologie et Sistoire, Président. — M. Aucuis ( de Melle), député des Deux-Sèvres, membre de plusieurs sociétés savantes , etc, Vice-président. — M. ne Givencur ( de Saint-Omer) , secré- taire-perpétuel de la société des antiquaires de Morinie, membre de plusieurs sociétés savantes, etc. Secrétaires. — M. pe La Saussaye ( de Blois )}, membre de plu- sieurs sociétés savantes , bibliothécaire honoraire de la ville de Blois , etc. M. 0e za Pyzaie ( de Fougères ), membre de plusieurs sociétés savantes , etc. 5° secrion. — Sitiérature, Beaux-Arts et Philologie. Président. — M. Ismore Lesrun ( de Paris ) , membre de plusieurs sociétés savantes , etc. Vice-président. — M. Guerrx-Crampneur (de Poitiers) #, avo- cat, membre de plusieurs sociétés savantes , etc. Secrétaires. — M. F. Cuatezain ( de Paris), homme de let- tres, membre de plusieurs sociétés savantes , etc. M. A. Mazure (de Poitiers), professeur de philosophie au collége royal de Poitiers, membre de plusieurs sociétés sa- vantes , etc. (207) 6° secrion. — Sriences morales ct Législation. Président. — M. Boncenxe ( de Poitiers) %#, doyen de la fa- culté de droit , etc. , etc. Vice-président. — M. Nicras Garzrarp ( de Poitiers ) , avocat- général , membre de la société académique de Poitiers. Secrétaires. — M. Foucarr (de Poitiers) , professeur de droit administratif, membre de plusieurs sociétés savantes , etc. M. Isipore Lesrun ( de Paris ), etc. , etc. TRAVAUX DES SECTIONS. PREMIÈRE SECTION. Griences mathématiques, physiques et naturelles, PREMIÈRE DIVISION. SCIENCES MATHÉMATIQUES, PHYSIQUES ET GÉOLOGIQUES. SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Cauvix (du Mans), doyen d'âge, et ensuite de M. pe LA Pyzaie (de Fougères) (1). MM. Desvaux , directeur du jardin botanique d’Angers, et de la Pylaie, de Fougères , naturaliste, sont, par le résultat du scrutin , nommés président et vice-président de la section. MM. N. Boubée, professeur de géologie à Paris, et de Bre- bisson , botaniste à Falaise, sont maintenus, par acclamation, dans les fonctions de secrétaires : le premier pour les sciences mathématiques, physiques et géologiques , et le second pour les sciences botaniques et zoologiques. L'un des secrétaires fait connaître les sujets de lecture et de (x) Pour les sections, comme pour les assemblées générales, on a retranché ici les détails d'administration intéricure et les autres points d'intérêt du moment. Il en est de même, en général, des hommages d'ouvrages aux sections, la liste de cette biblio- thèque devant former une division particulière. (32) discussion qui ont été proposés jusqu’à ce jour, afin que la section soit ainsi fixée sur l’ensemble et sur la nature de ses travaux. M. le président annonce que demain il sera donné lecture du mémoire de M. Boubée, sur le creusement des vallées a plusieurs étages, embrassant la question des aérolithes et celle du grand déluge des géologues ; et qu'après ce mémoire serait appelée la discussion relative aux brouillards secs. — Enfin on propose que la promenade d'histoire naturelle et de géologie soit fixée à Jeudi prochain, et que l’on puisse y consacrer toute la matinée, depuis sept heures du matin jusqu’à une heure. La question de l'influence géologique du sol sur le degré de fertilité des terres cultivées, présentée par la section d’agri- culture , pourrait être également discutée dans cette prome- nade. On se réunirait à sept heures précises du matin, sur la place d’Armes. ‘ SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. DesvAux (d'Angers). M. Noël Dargi ( de Meung-sur-Loire } annonce avoir dé- couvert une mine de fer hydroxidé très-riche en or et argent; il demande qu’une commission soit nommée pour assister à des essais qu’il ferait en présence des commissaires , dans Le but de faire constater sa découverte. Plusieurs observations sont faites à ce sujet par divers mem- bres de la section. Les uns font remarquer qu’on ne connaît pas encore l'or et l'argent, ensemble réunis dans le fer hydro- zidé ; d’autres , que déjà M. Noël Dargi ayant adressé à l'Académie des sciences de Paris des échantillons d’une mine dans laquelle il prétendait trouver une proportion considérable de platine, d’or, etc. , il a été reconnu , par l'analyse de l’école des mines , qu’en eflet il y a des traces de ces métaux dans le minerai analysé, mais rien qui approche des proportions an- noncées par M. Dargi ; rien qui puisse avoir aucune importance (33) industrielle. On ajoute qu'il faut éviter de compromettre Îa dignité du Congrès dans des questions qui peuvent être juste- ment regardées comine suspectes: D'autres membres font observer que le but des Congrès est d'admettre tout ce qui peut éclairer la science , l'industrie , et contribuer en Lt ot manière à la prospérité des divers points de la France ; qu’il n’y aurait donc aucun inconvénient à nom- iner une commission chargée d'examiner avec soin le minerai, avant qu’il soit livré à l'analyse; que , sans être sur les lieux et sans assister à l’extraction du minerai, les commissaires sau- ront sans doute reconnaître toute falsification , s’il en existait ; et que si , par le fait, la découverte est réelle ; elle mérite d’être puissamment encouragée . M. le président désigne MM. Mauduyt (de Poitiers), Rivière {de Bourbon-Vendée), et Boubée (de Paris), pour prendre connaissance de cette question ; le Congrès n’entrera en rien dans cette affaire qu'après le rapport de la commission nommée. M. Nerée Boubée lit un mémoire sur le creusement des vallées à plusieurs étages. Voici les conclusions de ce mémoire : 1° On peut distribuer les vallées qui sillonnent le globe en deux grandes sections : les vallées d’érosion et les vallées de dislocation. On peut distinguer, dans les vallées de dislocation, des vallées de fendiilement et des vallées de soulèvement; et , dans les vallées d’érosion , des vallées sans élages et des vallées à plusieurs étages. Ce mémoire n’a eu pour objet que de pré- senter quelques observations sur les vallées à plusieurs étages, gui sont d’ailleurs les plus grandes et les plus nombreuses. 2° On trouve des vallées à plusieurs étages sur toutes les parties da globe , et elles offrent toujours des caractères sem- blables et constans, qui permettent d'établir entre elles les mêmes comparaisons , les mêmes rapprochemens , et qui dé- notent qu’elles ont toutes une même origine, qu'elles dépendent toutes d’un même mode d’érosion. 3 Le nombre des étages n’est pas le même dans toutes les vallées, mais le premier ou le supérieur est toujours et incom- parablement plus grand que tous les autres. (34) 4° Chaque étage est comparable à un lit de rivière , et il est recouvert, par-dessous la terre végétale, ou pêle-mêle avec ee, de gravier , comme le lit d’un fleuve. 5° La largeur des étages augmente de linférieur au plus élevé , et le volume moyen du gravier de chaque étage s'accroît dans le même rapport; de telle sorte que l'étage inférieur, ou le plus rétréci, a le moindre gravier, tandis que l'étage supé- rieur , ou le plus élargi, offre le gravier le plus gros et le plus pesant. G° Ces divers étages paraissent ne pouvoir être attribués qu'à l'érosion des eaux, et leurs formes et leurs dimensions nous représentent Les cours d’eau qui les ont remplis ; d’où il résulte que nos grandes vallées ont été occupées par des fleuves beau- coup plus volumineux que ceux qui les arrosent aujourd’hui , et que ces anciens fleuves ont éprouvé plusieurs diminutions successives dans le volume de leurs eaux. 7° Le premier étage de ces vallées, celui qui est le plus élevé et en même temps le plus élargi, et dont la largeur est même disproportionnée, dans toutes les vallées, à la largeur des autres étages, ne saurait être attribué qu'à un déluge général résultant de l'irruption violente des mers sur les continens. 8° La réalité d’un tel déluge, que prouveraient suffisamment les étages de nos vallées et leur direction généralement paral- lèle , ne saurait plus être mise en doute, lorsque se réunissent encore, pour le démontrer, soit la dispersion des blocs trrati- ques , Soit l'accumulation des pierres roulées sur toutes les parties du monde, et à des élévations que les eaux communes n’ont pu jamais atteindre, soit le dépouillement des matières premières que l’on trouve rassemblées en dépôts inépuisables au milieu des sables et des cailloux de transport, soit le nivellement des grandes contrées formées de roches dues et de couches plus ou moins verticales , soit enfin les traces de dislocation que les ro- ches conservent encore à l’extérieur, sans que la masse inté- rieure en soit affectée. 9° À ces preuves, qui sufbraient chacune pour attester la réalité d’un cataclysme général, se joignent trois autres cir- (35) constances qui leur donnent un nouveau degré de certitude, et permettent d'apprécier la cause, le mode et l'origine du cata- clysme. C'est d’une part la disparition de plusieurs races de grands animaux, à l’époque de ces dépôts diluviens; eh second lieu , le gisement des débris de ces animaux dans les régions les plus froïdes du globe, tandis qu'ils durent habiter les zones les plus chaudes; et en troisième lieu, l'apparition des aérolithes à la même époque, aérolithes dont la terre n’a cessé de recevoir depuis lors de nouveaux fragmens , tandis qu’elle n’en avait point reçu jusqu’alors. 10° Quant aux étages inférieurs, ils sont dus évidemment à l’action des eaux post-diluviennes. Les sources naturelles de ces grandes eaux, qui ont dû être jusqu’à cent fois plus volumineuses que celles des fleuves actuels, peuvent se prendre dans l’évapo- ration très-grande qui dut avoir lieu sur le globe après l’inon- dation générale, dans le déversement d’un grand nombre de lacs formés momentanément lors du grand cataclysme , et enfin dans ces soulèvemens de montagnes, qui ont dû amener de grandes inondations locales sur divers points du globe. Plusieurs membres témoignent l'intention d’opposer diverses considérations au mémoire de M. Boubée; mais l'heure avan- cée oblige à remettre la discussion à demain, et de rattacher à cette séance la lecture des mémoires relatifs aux aérolithes. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M: Desvaux (d’Angers). Plusieurs personnes demandent des renseignemens sur l'iti- néraire de la course projetée pour demain. Après discussion, on choisit la direction de Civray , comme offrant des coupes où les terrains du Haut-Poitou s’observent facilement, et où l’on voit même le lias et le sol granitique, terrains en quelque sorte exceptionnels, où règnent presque exclusivement les formations jurassiques. Le Congrès provincial de Douai propose, par l'organe de ( 36 ) M. de Givenchy (de St-Omer), que le Congrès de Poitiers généralise, pour la France entière , l'émission d’un vœu adopté pour le département du Nord. Il est ainsi conçu : Le gouvernement est invité d'imposer aux exploitans de houillères, comme condition de leurs concessions, l'obligation de communiquer , avec un soin spécial, les résultats de leurs sondages et creusemens , en tout ce qui peut intéresser la connaissance géognostique plus parfaite des gisemens de houille et du terrain carbonifère en général. Gette proposition est adoptée sans discussion. L'ordre du jour appelle la réponse au mémoire sur le creu- sement des vallées par les eaux diluviennes. Pour répondre aux aperçus particuliers énoncés dans le mémoire de M. Boubée, tendant à établir un cataclysme dilu- vien avant toute époque historique, M. Desvaux (d’Angers) expose un ensemble de vues cosmogoniques et géogéniques , intitulé De l'impossibilité physique d’un déluge universel, tel que généralement le conçcoivent les géologues , hypothèse qui se trouve développée dans la statistique naturelle de Maine-et-Loire. M. Desvaux soupçonne bien qu’il y a eu primitivement une grande masse d’eau à la surface du globe ; mais, selon lui, cette eau s’y était déposée paisiblement, alors que la terre se fut assez refroidie pour que les vapeurs se trouvassent condensées, et à une époque à laquelle les montagnes ne pouvaient exister. M. Desvaux admet cependant à cette époque deux chaînes de montagnes opposées , allant d’un pôle à l’autre, et produites par soulèvement. La combinaison graduelle de l’eau, pour former les masses minérales successives, pour entrer comme partie constituante dans les diverses corps organisés marins qui se multiplièrent en forme et en nombre à l'infini, déter- mina, selon M. Desvaux , une diminution successive dans les eaux, dont la surface ne pouvait être agitée que par les orages, et le fond par les courans sous-marins. Dans son opinion, les orages, les cours d’eaux qui se formèrent sur les terrains primi- tifs , creusèrent les premiers fleuves et promenèrent les maté- raux des terrains primitifs dégradés, ou granites de seconde formation , et plus tard ceux des terrains de transition, produits (87 ) des prenuers , mais abondamment mélangés de débris d'ani- maux marins. M. Desvaux ne reconnaît pas de bouleversemens généraux , mais quelques cataclysmes locaux , et une formation graduelle, continue , sans secousse, des corps naturels de toutes sortes, sauf quelques vallées, quelques soulèvemens partiels, et les volcans. Les blocs erratiques se sont trouvés placés hors de leur gisement le plus naturel, parce que la diminution des eaux ayant occasioné un plus grand nombre de cours d’eau, à raison des surfaces mises à nu , les grandes et pre- -mières vallées, devenues des plateaux, ont été déchirées par les eaux et les cailloux roulés ; les blocs erratiques ont paru être déplacés par des cataclysmes , lorsqu'ils n’y étaient que par un effet tel qu’en présentent nos gros torrens actuels. M. Boubée essaie de réfuter les points principaux de ce mé- moire ; qui ne lui paraît pas établi sur des faits déterminés avec précision. M. Guépin (de Nantes) cite des blocs transportés à quatre lieues de leurs gisemens , qu’il a observés au-delà de Pontivy, en Bretagne ; mais il ne peut non plus admettre un cataclysme universel. L’auteur du mémoire attaqué rappelle que toute la question est de savoir, sans formes vagues : si le fait d’un déluge général est chose possible, si on peut prouver qu’un tel phénomène ait jamais eu lieu , et si l’on ne peut en assigner la cause physique. Quelques membres, entre autres M. l’abbé Gaillard (de Poitiers), témoignent leur crainte que l’examen d’une telle question ne froisse les opinions religieuses, en attaquant les faits ou les croyances consacrées par l’histoire et par la tradi- tion, relativement à la succession des races humaines. M. l'abbé Cousseau (de Poitiers) fait observer que l’E- glise n’oblige pas à croire que le déluge ait été absolument universel. - M. Nerée Boubée rappelle ce qu’il a fait remarquer dans son mémoire, que le déluge des géologues, dont :l s’agit, est tout autre que le déluge mosaïque, qu'il est bien antérieur à l'apparition de la race humaine sur le globe ; que toute con- (38) sidération historique , morale et religieuse doit être complète- ment écartée de cette discussion. Le déluge des géologues n’est qu’un fait dont la découverte résulte de l'observation des choses , comme la plupart des faits géologiques ; comme eux, il est susceptible d’étude et de dé- monstration ; on peut en retrouver la date géologique, la cause, le mode d’action , et tous les résultats. Quelques autres membres proposent d’écarter cette discus- sion, comme n'étant pas susceptible d’une solution précise et immédiate ; mais M. Rivière fait observer qu’une telle consi- dération est entièrement contraire au but des Congrès ; que les questions susceptibles d’être résolues sans peine et avec certi- tude , comme un problème de géométrie, doivent être simple- ment étudiées, dans le cabinet, par les hommes spéciaux ; mais que les questions difhciles, et surtout celles qui peuvent paraître insolubles , sont précisément celles qui doivent être mises en discussion dans un Congrès où le concours de toutes les lumières et de toutes les opinions pourra toujours les éclaircir , quelquefois même les résoudre. La majorité décide que la discussion relative au déluge sera continuée. SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834 (1). Présidence de M. Desvyaux ( d'Angers ). La lecture du procès-verbal de la séance du 10 donne lieu à une réclamation. M. l'abbé Cousseau observe qu’en deman- dant qu’on n’établisse point, sans limitation, comme fait M. Desvaux, qu’un déluge universel est impossible, il ne parle point précisément dans les intérêts de la religion , qui n’oblige point à croire à un déluge absolument universel quant à l’es- pace , mais qu’il parle dans les intérêts de la discussion même. En niant le déluge universel, on nie un fait qui peut être prouvé non-seulement par des preuves géologiques, mais aussi, (1) Le rapport sur la promenade géologique de la veille sera inséré dansle compte rendu dela séance générale du Congrès où il a été lu. (3) comme tous les faits, par des preuves historiques. La section n’entendant point discuter celles-ci » il faut donc poser autre- ment la question , et s’en tenir à la discussion du mémoire de M. Boubée. M. de Caumont fait hommage de la Carte géologique du dé- Partement de la Manche , dressée par lui en 1825, 1826 et 1627, et dont la gravure vient d’être achevée en 1834. M. le secrétaire communique, 1° le prospectus des Monogra- Phies de tous les genres de coquilles univalves marines, par M. Du- clos, et annonce avoir vu avant son départ les premières plan- ches de cet ouvrage magnifique et dispendieux ; 2° le prospectus du Comptoir minéralogique et géologique, tout récemment fondé à Paris , à l'instar de celui que M. Le baron de Léonhard dirige à Heidelberg. Ce nouveau comptoir contribuera sans doute beaucoup au progrès des sciences géologiques en France, parce qu’il procurera à bas prix des collections exactes de ro- ches et de minéraux dont les professeurs du Jardin des Plantes ont vérifié les types. C’est M. Danhauser > naturaliste allemand, qui a fondé à Paris cet utile établissement ; 3° enfin, le prospectus du Cours complet d'études géologiques par des lecons et par des voyages de M. Boubée. Il n’y avait encore aucun ouvrage élé- mentaire , progressif et complet, pour l'étude de la géologie; cet ouvrage paraît devoir remplir cette lacune, Trois volumes , un tableau et quelques livraisons des volumes suivans sont déjà publiés. à Un mémoire de M. Brillouin, sur les ossemens fossiles trouvés à Pons, en janvier 1834 , et un échantillon de brèche osseuse recueillie dans cette localité, offert par M. Moreau (de Saintes), sont renvoyés à l’examen de MM. Rivière et Boubée, qui sont chargés par M. le président de faire un rap port à ce sujet. M: Vernial adresse une Proposition relative à des observa- tions météorologiques, que les employés des télégraphes seraient chargés de faire dans tous les postes télégraphiques. Gette proposition sera soumise à l’examen de la section. | ( 40 ) L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la question du déluge universel. M. Mauduyt fait observer que vu l'importance de la question et l'insuffisance de moyens pour la discuter convenablement , il faudrait la renvoyer à la prochaine session du Congrès. Ce renvoi, quoique contraire à la délibération prise dans la séance précédente, portant que la discussion serait continuée, est adopté par la majorité. M.Babault de Chaumont litson mémoiresurles aérolithes. Dans ce mémoire, l’auteur commence par réfuter opinion de ceux qui supposent que les aérolithes sont des corps lancés par les volcans de la lune , ou de tout autre astre. Il ne peut admettre que les corps planétaires abandonnent une partie de leur matière: car, s’il en était ainsi, leur masse diminuant , leur puissance d'at- traction devrait diminuer aussi et entraîner dans le système planétaire de funestes perturbations. M. Babault de Chaumont cherche ensuite à prouver que les aérolithes ne peuvent être les débris d’un astre brisé. D'abord, dit-il, les comètes ontune mar- che régulière et ne peuvent se heurter contre les corps planc- taires. Les aérolithes offriraient des matières mconnues sur notre globe, si elles venaient d’un astre étranger... L'auteur croit donc que les aérolithes sont des productions de notre globe, lancées par les volcans à degrandes hauteurs, mais jamais à des hauteurs telles, qu’elles puissent se soustraire à l'attraction de la terre , et passer dans un autre système. Enfin , M. Babault de Chaumont ne se dissimulant pas les difhicultés qui peuvent lui être opposées, déclare que ce n’est qu’avec la plus grande méfiance qu’il hasarde une théorie pour expliquer les aéro- lithes ; qu’au surplus la puissance du Créateur ne doit pas être limitée par nous dans les bornes étroites de notre intelligence. M. Desvaux fait remarquer à l’auteur de ce travail , que les aérolithes offrent un ensemble de caractères tout particuliers, et tels qu’on n’a retrouvé nulle part sur le globe de masse naturelle qui puisse leur être comparée. M. Boubée, admettant avec M. Babault de Chanmont que (41) les aérolithes ne peuvent provenir d’éruptions volcaniques de la lune ou de toute autre planète , démontre , par de nombreuses considérations de physique et de géologie, que les trois autres points du mémoire sont empreints de graves erreurs. Mais l’auteur paraît croire que la démonstration de M. Boubée repose sur des hypothèses gratuites ; il oppose à ces hypo- thèses une foi vive dans la puissance du Créateur... Plusieurs membres signalent des faits ou des observations tendant à établir que les aérolithes sont lancées par les vol- cans de la terre. M. abbé de Rochemonteix cite notamment une éruption d’un volcan de la Nouvelle-Grenade, en 1811, qui lança dans les airs des globes enflammés. Des bâtimens qui croisaient entre la Martinique et la Grenade, eurent beaucoup à souffrir des pierres lancées par le volcan, et, en outre, un navire anglais qui se trouvait sur les côtes de Surinam ( à 80 lieues environ de la Grenade) , reçut des pierres volcaniques qu'on attribua au mêmé volcan. M. Hunault de la Peltrie pense que les aérolithes résultent de condensations électriques. Enfin, M. de la Pylaie croit, d’après l’exémple des météores de La Rochelle et de Quimper, que; dans quelques circonstances, les aérolithes peuvent se for- mer, tantôt dans les hautes régions de l'atmosphère, et tantôt dans une résion inférieure, dans un centre orageux, par l'effet de circonstances particulières. L'opinion populaire que la foudre tombe en pierres , lui semble encore confirmer ce mode de formation. M. Boubée rappelle les aérolithes de plus de 60 mille kilo- grammes pesant , qu’on ne saurait considérer comme produites par les matières volatiles rassemblées dans l’atmosphère , et insiste sur ce que les aérolithes n’offrent aucun des caractères dont les matières volcaniques sont toujours empreintes, pour éloigner l'idée que ces pierres puissent venir des volcans. La suite des lectures et des discussions relatives aux aéro- lithes est remise à la séance du lendemain. ( 42 ) SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence, de M. DEsvaux (d'Angers ). L'ordre du jour appelle encore la question des aérolithes. IE est d’abord donné lecture d’une lettre de M. Vallot (de Dijon), qui, après avoir indiqué un grand nombre d'erreurs de fait anciennement commises par des hommes qui ont regardé comme tombés du ciel, des plantes, des minéraux , des pétri- fications, etc., met en doute s’il existe de véritables aéro- lithes, s’il tombe réellement des pierres sur le globe. Quoique écrite par un homme qui jouit dans la science d’une réputation honorable, cette note excite une improbation générale. Par une seconde lettre , M. de Suriray-Delarue réclame, comme sa propriété, la réfatation qu'il a faite de toutes les opi- nions émises sur les aérolithes, réfutation dont M. de Saint- Amans avait rendu compte dans un rapport académique, et que M. Jouannet paraît avoir attribué au célèbre natura- liste agénais, dans l'éloge qu’il en a publié, Après avoir combattu toutes les opinions imaginées pour expliquer le phénomène des pierres tombées du ciel, M. de Suriray se résume et conclut que l’origine des aérolithes est peut-être un problème insoluble. Une discussion s'engage entre MM. Babault de Chaumont et Rivière sur la question de savoir si la lune étant supposée pouvoir lancer des produits de ses volcans avec une force seule- ment quadruble de celle d’une pièce de canon de 24, la terre ne pourrait pas , de même ;, avec une force plus grande, lancer dans la lune des pierres envoyées par ses volcans. M. Boubée fait observer que le véritable sujet à discuter est celui-ci : savoir, si les aérolithes sont des productions ap- partenant à notre terre elle-même , ou si elles lui sont étran- gères. Personne ne proposant de soutenir ni d’attaquer l’une de ces deux propositions, on conclut à ce que; selon le vœu émis (43 ) par M. Babault de Chaumont, les savans de France et de l'é- tranger soient invités à réunir le plus d’observations de faits et à les communiquer à la 3° session du Congrès. Une notice sur les mines et houilles du bassin de la Vendée, par M. Mercier, directeur des exploitations houïllères de cette contrée , est renvoyé à l'examen de MM. Garran, Legentil et Rivière. La proposition faite par M. Vernial relativement à l’établis- sement d’instrumens météorologiques dans les postes télé- graphiques, est discutée et approuvée ; et Le secrétaire demeure chargé de formuler cette proposition pour la:soumettre à l’ap probation du Congrès. SÉANCE DU DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Desvaux ( d'Angers). M. Rivière fait un rapport sur le mémoire adressé par M. Brillouin sur les ossemens fossiles trouvés à Pons , en janvier 1834. L’auteur décrit les circonstances de la caverne; maiss'avouant étranger aux études géolopiques et paléontologiques , il ne donne point de détail qui , sous le rapport scientifique , ajoute rien à ce qui a été déjà publié par MM. Dorbigny père, Chau- druc de Crazannes, et l'abbé Gaboreau , supérieur du sémi- naire de La Rochelle. M: le secrétaire communique une notice adressée par M. Beaussire aîné, membre du conseil général de la Vendée, sur la découverte de deux squelettes humains dans les bancs d'huîtres de Saint-Michel-en-lHerm ; et il fait observer que quoique l’auteur se déclare entièrement étranger aux sciences géologiques, cela ne l'empêche pas de proposer, dans sa notice, une théorie nouvelle sur le déluge. MM. Alcide Dorbigny et Lesentil-Laurence font observer que le dépôt de Saint-Michel-en-l'Herm est très-moderne, qu’il ne date peut-être que des temps historiques , etque des détails ( 44 ) très-satisfaisans ont été publiés sur ce dépôt par MM. Chau- druc de Crazannes, Fleuriau de Bellevue, Reboul, et tout nou- vellement encore par l'Echo du Monde Savant (n° 19), à l'oc- casion de la découverte des squelettes humains. Toutefois M. le président renvoie, selon l’usage, le mémoire de M. Beaussire à l’examen d’une commission , et il désigne à cet effet MM. Rivière et Boubée. L'ordre du jour appelle la question de la diminution des sources. M. le secrétaire lit deux notes adressées à ce sujet. L'une, de M. Fleuriau de Bellevue, est relative à des observa- tions eudiométriques faites à Courçon et à La Rochelle pendant une série de 41 années. Elle est ainsi conçue : Notice sur la diminution des sources depuis quelques années , dans l’ancien Poitou et dans l'arrondissement de la Rochelle; par D. FLeuRIAU DE BELLEVUE, correspondant de l’ Académie des sciences. Parmi les questions qu’on soumet d'avance au Congrès scientifique, qui doit se réunir le 7 septembre 1834 à Poitiers, on trouve la sui- vante : a D'où provient la diminution qu’on remarque, depuis 20 ans envi- » ron, dans le nombre des sources et dans la masse d'eau fournie » par chaque source? » Cette question m'a rappelé qu’on se plaint aussi de pareïlle diminu- tion dans l’arrondissement de la Rochelle, mais seulement depuis peu d'années; et, pour m'en rendre compte, j'ai consulté d’abord les re- gistres que je possède de 41 années d'observations des quantités de pluie tombées à la Rochelle, de 1777 à 1793; et dans le canton de Courcon, de 1810 à 1833 inclusivement (1). J'ai vu qu’en effet il est tombé beaucoup moins de pluie depuis 20 ans, que dans les 21 années qui les précèdent (sur ces registres) ; mais que la différence en moins appartient presque tout entière aux neuf dernières années , ainsi que le prouvent les relevés suivans : La moyenne de la première période de 21 ans, finissant en 1813, a LEO AUS. JON INT TIRE A HpoUCT SHOT Celle des 11 années, de 1814 à 1824 inclusive- ment, qui l’ont suivie, a étéde............. 124 2 5 D'où résulte une différence de...... 6 4 {:) Les premières observations ont €té faites par feu M. Seignette, conseiller au prés dial de La Rochelle : celles du canton de Courçon, à Ja Vallerie, à 5 lieues nord- (45) Aifférence beaucoup trop faible pour expliquer la cause de la diminution des sources qui aurait eu lieu pendant ces onze aunées. Si donc il est bien constaté que cette diminution remonte réellement, dans le haut Poitou, à environ 20 ans, nos observations ne sauraient en donner l'explication. Mais en .comparant les neuf dernières années, celles de 1825 à 1833 inclusivement , aux 32 années qui les ont précédées, finissant en 1824, nous trouvons , pour ces 32 années , 146 jours de pluie, qui ont pro- OR no cos u none sde ct ROuGeS din la x. terme moyen, tandis que les 9 dernières n’ont PIQUE 116 TOUrS Et... 21 ce tae see soso Qi 1 7 D'où résulte une différence de 30 jourset de.. 3 3 7 Or cette dernière quantité, équivalant à près de 14 pour cent de moins que celle des années précédentes , suflirait déjà pour rendre rai- son d’une partie de la diminution des sources. Mais il y a plus : il faut considérer que les observateurs ont recueilli toutes les quantités de pluie, jusqu'aux fractions de ligne, et que probablement un tiers à peine de ces quantités pénètre assez profondément dans la terre pour fournir à l’aliment des sources ; car , pendant la plus grande partie de l’année, l’action du soleil, des vents et de la végétation, fait bientôt disparaître les produits de cette multitude de pluies médiocres qui ne baïgnent, pour ainsi dire, que la surface du terrain, et dont la somme est très-considérable. In'yaici, pour ainsi dire, que les grandes chutes d’eau, des mois d'octobre, novembre et décembre, qui peuvent atteindre les profon- deurs, par leur poids, leur durée, et le peu d’évaporation qu’elles éprouvent ; et, comme ce sont précisément ces chutes qui ont manqué dans les années dont il s’agit, comme les pluies ont été, dans ces trois mois , de 0,27 au-dessous de la moyenne antérieure, ainsi que-le montre le tableau suivant , nous croyons qu'on peut, sans exagération , estimer à environ 30 pour cent la perte que les sources de notre contrée ont faite , pendant ces neuf dernières années, sur le terme moyen des pluies qui les alimentaient précédemment. est de cette ville, par feu M. de Monroy, de 1810 à 829 ; et elles sont continuées, à Courçon mème , par M. Vincent, greffier de la justice de-paix. J'ai fait aussi ces obser- rations pendant les quatre années de 1781 à 1784. + © ‘sx ‘A L S& Ï|1LL “2 RTE LAC U) hcs ‘SIT *2l *stour 14 TS “SION SUAINUHG @ SI SINNIAON Ce) + = L [3 Ge Li 66 | » 2 L L | « |L { 6 0€ | 8 98 L g rc « |r SGC] 1 SE | y CE “sex | “8 l'onod | ‘Si “Si “tr -uusfou-uue9p[e101| 294 | *AON "O0U19 TI -50x "AI ne 9 6] Er ele. FE « JG 81 =|2"8 : Et ‘8 “sioux 104 V'T 4 SION SUAINAUd G SHG SINNHIAON + “oigmquo oguue ans °/ ‘d FF 9p Said op aouap pq # er lose | a cr | 4 #1 | L LT | & 68 | 6 61 ece les lscger|gre |#zr | € 1e |6G6r ‘8 SIT ‘Bu ‘3 Et "ail *81t 0 |l'ad0s | ‘nov | ‘rrng | ‘um£ | ‘TN |‘THAV 6 £E 8 81 “ail *saeIl 8 81 € GG EN “TA? LR TF ILES ee SA Rise s Es rs: _— | G 91 L Sè *sousi] ‘Auef + + *SOUUE S91QIMI9P 6 S2P POP awaxnoq ‘SOQUUE SAIQNMId &E S9p 2pPOYA 21904 ee ————————————————————— *SOIQTUIOP 6 S0Œ **SQpUUE 78 S0Œ SAINNAAON ‘SAGOIUAX AG SALUOS XAAG SIG AVATAVL (47) On voit donc que les neuf premiers mois de la deuxième période n'ont éprouvé qu’une diminution de 1 ligne 4 x par mois, ou de6 5/3 pour 0/0 sur ceux de la première ; tandis que les trois derniers mois (qui peuvent alimenter les sources ) en présentent une de 9 lignes # x ou de 27 pour 0/0. Quoi qu’il en soit, c’est un fait remarquable que la durée de cette pé- riode de diminution dans la quantité de pluie; il est donc intéressant de chercher à connaître sur quelle étendue de pays elle a eu lieu, et quelle conséquence il en est résulté, non-seulement sur le volume des sources , mais aussi sur la végétation , et sur la santé des hommes et des animaux. Je crois inutile de donner ici le détail des observations antérieures à l’année 1824, que je viens de citer, parce qu’on les trouvera consi- gnées, par mois et par années , jusqu’en 1828, dans les Annales de Chimie et de Physique de 1829 (tom. 42, p. 360), avec quelques re- marques de M. Arago, à qui je les avais adressées. Je me bornerai à donner la quantité moyenne générale des 41 années observées jusqu’en 1833 inclusivement. Cette quantité ne se trouve que de 23 pouc. 8 lig. 7 x à raison de l'influence des neuf dernières : mais comme l'équilibre se rétablit tôt ou tard dans la nature, on doit croire que cette moyenne sera, dans quelques années » de 24 pouces ou de 65 centimètres. Ajoutons aussi que les extrêmes sont 37 pouces # lignes et 18 pouces 2 lignes. Une seconde notice est adressée par M. Roi, ancien magis- trat, habitant de La Rochelle, qui recherche la cause de la diminution des sources dans le mouvement de l'industrie mo- derne, dans le creusement de nombreux canaux ; dans le des- séchement des marécages , dans le soin qu’on a pris de récurer les rivières, d’en élargir ou d’en redresser le cours, Ces tra- vaux , dit M. Roi, ont eu généralement pour résultat un écou- lement plus libre et plus facile des eaux vers les rivières et les fleuves qui les portent à la mer » et on ne s’est pas assez mis en peine de retenir les eaux que lagriculture réclame impérieusement et qui alimentent abondamment les sources. M. Hunault de la Peltrie, qui déjà à la première session du Congrès avait le premier attiré l'attention des observateurs Sur le fait de la diminution des sources » en signale de nou- velles preuves, et indique, entre les causes probables , la divi- sion des propriétés, coupées maintenant en tous sens par des + (48) tranchées plus où moins profondes, qui ne peuvent que dé- truire un grand nombre de sources. Le fait de la diminution des pluies lui paraît en outre également incontestable. MM. Desvaux, Mauduyt, Legentil, Rivière , de la Pylaie, signalent de nombreuses observations locales qui prouvent que le fait de la diminution des sources n’est pas seulement propre au Poitou , mais qu’il se remarque aussi dans un grand nombre d’autres provinces. M. Desvaux insiste surtout sur la diminution ‘observée dans le volume des eaux de la Loire ; par tous les riverains. M. Boubée fait remarquer que le fait étant bien reconnu, il s'agit de l'expliquer. Cette diminution des sources peut dé- pendre ou de la diminution des eaux pluviales , ou de mo- difications survenues à la surface du sol, ou enfin de la com- binaison de ces deux causes. Si la diminution des pluies est réellement telle que Pindiquent les observations hydrométri- ques communiquées par M. Fleuriau de Bellevue, c’est-à-dire de près d’un tiers, il n’en faudra pas davantage pour résoudre toute la question ; mais de semblables observations sont habituellement faites sur beaucoup de points, et nulle part on n’a encore énoncé une différence aussi notable dans les moyennes des pluies. Toutefois, et sans élever le moindre doute sur l'exactitude des observations faites à La Rochelle , on peut inviter les observateurs connus , et les directeurs des divers observatoires de France et de l'étranger, de vouloir communi- quer, à la prochaine session du Congrès, le relevé des moyennes obtenues dans leurs localités respectives. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Dssvaux (d'Angers )- M. Boubée demande à ajouter au procès-verbal de la séance précédente quelques réflexions relatives à la question de la diminution des sources. Dans le cas où les observations hy- drométriques des divers points de France et d'Europe con< (49 ) firmeraient les observations faites à la Rochelle , qui portent à 27 pour 100 , pour les neuf dernières années , la diminu- tion des pluies qui alimentent les sources , il n’en faudrait pas davantage pour résoudre complètement la question. Mais une diminution d’un tiers dans la masse des pluies paraît chose absolument improbable à M. Boubée , qui , posant le cas où les moyennes hydrométriques des divers observatoires n’ac- cuseraient que des variations peu importantes, recherche quels seraient les moyens d’expliquer le fait de la diminution des sources , signalé de toutes parts. Il fait d’abord remarquer que les sources peuvent paraître diminuer beaucoup , tarir même complètement, sans qu’il y ait cependant rien de changé dans la quantité d’eau qui circule sur la surface du sol; en effet, il est tout naturel que les sources diminuent et s’épuisent si les eaux qui les alimentaient s’ouvrent de nouvelles issues. On remarque et on signale les sources qui tarissent ou qui décroissent, et on n’observe pas, on ne signale pas celles qui augmentent, ou celles qui apparais- sent sur des lieux où il n’en existait pas. En second lieu , la masse d’eau qui depuis quelques années nous est fournie par les puits artésiens déjà si multipliés , est évidemment enlevée, pour quelques localités particulières , à la somme des eaux qui sont accordées à la circulation générale. Les travaux de des- séchement, d'irrigation et de canalisation , détournent évidem- ment, comme le fait remarquer M. Roi, une grande quantité d’eau qui précédemment devait être répartie dans les sources. Les tranchées opérées sur tous les points pour les routes nou- velles, pour les travaux de mines et de carrières de plus en plus multipliés, sont autant de solutions ouvertes au milieu des cou- ches terrestres qui retiennent les eaux des sources ; ce sont autant de points d'écoulement nouveaux. Il serait donc facile d'expliquer la diminution des sources, lors même que les ob- servations hydrométriques des divers points de France et d’Eu- ropeviendraient à ne pas confirmer celles qui nous sont commu niquées de La Rochelle, et qu’on pourrait attribuer, le cas échéant , à quelque imperfection des instrumens employés. 7 ( 50 ) Après ces modifications et additions faites au procès-verbal , M. le secrétaire annonce une invitation faite à tous les auteurs d'ouvrages scientifiques d’en adresser quelques exemplaires pour concourir à l'érection d’un monument scientifique à Geor- ges Cuvier. Un grand nombre de ces circulaires ont été remises à M. le secrétaire-général du Congrès, pour qu'il veuille bien les faire distribuer à la séance générale. M. de la Pylaie présente quelques échantillons de roche re- cueillis aux environs de Fougères, et on invite M. Boubée à en donner les noms. Ce sont des échantillons de phyllade macli- fère, de diorite amphibolique , de granit commun avec no- dules de granit à très-petits grains, et en outre des fragmens de lave pyroxénique recueillis dans l’île de Sain où ils sont rejetés par l'Océan. Une lettre de M. Jouannet, sur la prétendue caverne à osse- mens de Pons, est lue par extrait. M. Boubée est chargé de l'examiner. Voici un extrait de cette lettre : J'ai vu ce dépôt, il est sur la craie. Ce n’est point une caverne, mais un bassin irrégulier, recouvert seulement de quelques pouces de terre. Comme, au moment de la découverte , on rencontra, au dessous des ossemens , quelques pierres adventices, on crut à l’existence d’une ca- verne , mais pareilles pierres de transport se trouvent aussi mêlées au dépôt lui-même. D'ailleurs elles appartiennent à la craie, à celle même qui supporte le dépôt et forme le mamelon dans lequel les eaux char- rient ces débris. Vous savez déjà, mon cher confrère , qu’on y a dé- terré des dents d’hyènes, de mamouths , des mâchoires de tigres, de lions, de grands cerfs, et une foule de débris de chevaux, de bœufs et de petits rongeurs fort étonnés de se trouver en pareïlle compagnie. Les restes de ces nombreux témoins d’une révolution de date inconnue sont réunis et soigneusement conservés à la mairie de Pons. D’autres ont été voiturés à Saintes, d’autres disséminés et perdus pour l’étude..…. (1). L'ordre du jour appelle la question des brouillards secs. MM. l'abbé de Rochemonteix et l'abbé Gaillard signalent, comme un fait, l'odeur entièrement analogue à celle qui s’exhale (x) Voir à la fin du volume la lithographie de la localité , avec les explications qui y sont jointes, (51) de l’écobuage des champs, que présentait le broüillard observé à Poitiers , les 25 et 26 mai 1834. M. de la Pylaie dit avoir constamment observé des brouil- lardssecs, vers l’époquedes solstices d’été, soit en Bretagne, soit en d’autres parties de la Frauce ; il lui paraît que leur appari- tion coïnciderait avec la floraison des céréales. M. l’abbé Cous- sault fait remarquer que quelques personnes se demandaient aussi à Poitiers si le brouillard n’était pas un résultat de la flo- raison des céréales. M. Hunault de la Peltrie énonce avec doute quelques idées à ce sujet. Il croit d’abord que la théorie des brouillards secs doit se lier à celle des aérolithes. Il penserait même qu’il doit y avoir une très-grande analogie de composition entre ces deux choses, encore problématiques , et que les brouil- lards ne sont qu’un acheminement aux aérolithes , lesquelles ne résulteraient que d’une forte condensation de la matière des brouillards secs, condensation opérée par l'électricité ou par d’autres agens. M. Boubée fait observer qu'avant d’émettre une opinion sur une question scientifique quelconque, il faut avoir à pro- duire quelques faits à l'appui; que rien n’est plus facile maintenant que d'analyser l’air et de reconnaître jusqu'aux moindres atomes des matières qui peuvent y être contenues ; que, dans l'intérêt de la science et dans celui de la publication du Congrès, il importerait d’écarter toute opinion qui, n'étant pas établie sur des bases certaines, pourrait paraître appar- tenir plutôt à l’époque où la science était toute entière dans des opinions hasardées, qu’à l’époque actuelle où la science est toute dans le calcul des phénomènes certains et dans l’observa- tion précise des faits. Cette observation est appuyée par divers membres. Néan- moins M. Hunault de la Peltrie exprime le désir que son “opinion soit consignée au procès-verbal. M. Isidore Lebrun , président de la 5° section et secrétaire de la 6°, ayant été empêché de prendre part aux travaux de la section des sciences physiques et naturelles , a résumé dans (52) la note ci-après, des faits et des remarques d’un grand in- térêt : Le 16 mai 1933, après un temps beau et chaud jusqu’à trois heures de l’après-midi, un brouillard sec, venant du nord-ouest, enveloppa bientôt le Calvados, et très-probablement d’autres départemens de l'Ouest. A quatre heures et demie il était si épais, qu’à dix pas on n'apercevait rien : il dura jusqu’à la matinée du lendemain ; puis il re- parut une, deux nuits, toujours pénétrant et froid. On lui a attribué . la perte de la floraison des pommiers, qui promettaient une récolte aussi riche qu’elle a été nulle. Or, du 11 au 14 du même mois, le nord amé- ricain, au moins tout le bassin du Saint-Laurent et Terre-Neuve fu- rent couverts presque constamment d’un semblable brouillard : les arbres à fruits prêts à fleurir furent également dépouillés de leurs bou- tons flétris. Dans toute la province du Bas-Canada , la récolte en grains fat très-médiocre, même les patates manquèrent, quoique le seul mois de juillet eût eu quelques jours de brusques changemens atmosphéri- ques. — Ce brouillard ne doit pas être confondu avec les noirceurs , phénomène que l'on dit encore particulier aux parages du Saint-Lau- rént, et qui y devient de plus en plus rare. En plein jour l'obscurité se fait aussi profonde qu’à minuit : le givre pénètre dans les apparte- mens les mieux fermés, s’y attache à tout, aux murs et meubles qu’il blanchit. Après quelques beures d’une seconde nuit , le jour reparaît. Le tome 2? Transactions of the literary and historical Society of Québec, 1831, cite comme les noirceurs les plus mémorables, celle du 16 octobre 1783 qui enveloppa Québec et Montréal, et le brouillard du 3 juillet 1814 qui couvrit tout le golfe et Terre-Neuve. L'arrivée des premiers navires d'Europe est un événement trop con- sidérable dans ces pays pour qu’on n’en recueille pas avec soin les dates. Il résulte d’un tableau des arrivages à Québec , pendant les 22 dernières années, que huit s’opérèrent du 24 au 30 avril; les plus re- tardés, le 13 et 20 mai. Cette année 1834, l'hiver ayant fini dès mars sans débarrasser entièrement de glace le Saint-Laurent , le premier arrivage de la mer s’est effectué le i mai. L'observation a reconnu que ce fleuve, moins capricieux et s’encaissant de plus en plus, a acquis en- core de la profondeur depuis l’origine de la colonisation du Canada. On remarque généralement que la température, dans l'Amérique du nord, adoucit son âpreté hivernale, surtout qu’elle devient moins su- jette à ces variations brutales, qui, suivant Volney, amenaient en un même jour le froid glacial de la Suède et la chaleur des tropiques. La cause en a été dite par Macchiavel, qui, du reste, n’a fait que répéter les écrits des anciens. L'observation de tous les pays, c’est qu’à mesure ( 53 ) que les défrichemens s’exécutent, que les établissemens s'étendent, le climat aussi s'améliore, se fait comme une température moins irrégu- lière. Sénèque et Pline lui-même ne semblent pas accepter le fait rap- porté par Théophraste, qu'en Crète, après la ruine d’Arcadia , les sources tarirent , et qu’elles reparurent quand la culture du sol fut re- prise.— On se souvient que pendant les premières semaines d'octobre dernier, des jours d’un froid saisissant firent déjà apparaître en France les volières d'oiseaux qui émigrent du Nord : une température aussi prématurée et d’autres pronostics vulgaires firent appréhender, dans le nord américain, de subir un très-dur hiver. Cependant sur les bords des lacs ou mer du Canada, comme sur ceux du Rhin et de la Loire, le mois de novembre fut superbe et chaud ; la gelée ensuite n’y a pas été opi- niâtre. Jusqu'ici les essais de Météorologie comparée n'ont pas tous été très- satisfaisans. Ce serait loin du continent de l'Europe, du sol uni et déjà apauvri de la France, par-delà l’Atlantique, qu’il conviendrait de se livrer à des observations continues ; et il faudrait les faire simultané- ment dans les deux hémisphères. La science malheureusement est encore privée de bien des moyens pour nouer et entretenir des correspon- dances actives et sûres. Aussi aux États-Unis , on forme aisément des sociétés académiques ; mais obtenir d’elles des travaux réglés , des obser- vations précises et concordantes , c’est chose très-difficile. Ainsi est passé sans avoir été bien examiné, un météore non moins brillant qu'une aurore boréale, et qui, le 14 novembre 1833, de 4 heures jusqu'à l’ap- proche du jour, réveilla et effraya , par ses détonations et jets de fusées, partie des populations qui habitent depuis Philadelphie et Pittburg jus- qu’au lac Ontario. Cependant l'étude de la météorologie comparée peut profiter beaucoup au commerce d’abord et à l’agriculture. Les théories vagues n’ont plus de valeur , les sciences elles-mêmes demandent à seconder l’industrie. Mieux informé de l’état des saisons dans ce nord américain qui alimente une partie de l’Europe de ses pêcheries et déjà de ses grains, le com- merce retarderait ou hâterait ses armemens pour Terre-Neuve. Il s’expo- serait moins à des chances contraires , il subirait moins d’avaries et de naufrages. Comme il lui importe de bien savoir que la saison , fût-elle la plus favorable pour la pèche sur les bancs, ne permet pas aux na- vires français d'y faire plus de deux voyages , tandis que les bâtimens de la Nouvelle-Écosse et des provinces voisines en exécutent jusqu’à huit. À la fin de novembre dernier ceux-ci tenaient encore la mer. Un mémoire de M. Rivière sur une nouvelle nomenclature (54) atomo-chimique est renvoyé à l'examen de MM. l'abbé Gail- lard , le docteur Carré et Félix Garran. M. Rivière lit une promenade scientifique en Vendée , dans laquelle, au milieu d’un récit pittoresque, sont indiqués les roches de la contrée , les plantes et les insectes les plusrépandus, etles gisemens des matières exploitables. Suit l’extrait de ce travail : Extrait de la partie scientifique d'une promenade en Vendee ; par M. RIVIÈRE. A l'O. de Bourbon, la surface du sol présente une multitude d’ondu- lations se dirigeant généralement du N. N. O. au S.S. E. Le terrain supérieur est composé d’un schiste argileux jaune sale, formant avec l’eau une pâte boueuse. Ce terrain contient une assez grande quantité de cailloux anguleux et arrondis, principalement de quartz hyalin, lai- teux, enfumé et différemment coloré par l’oxide de fer très-répandu dans la contrée. Le schiste argileux repose sur le mica-schiste , le talchiste, le gneiss, ou enfin sur des roches qui proviennent de la décomposition de roches granitiques et avec lesquelles elles se confon- dent plus intérieurement : j'examinai facilement cette dernière nuance à la Brossardière, à une demi-lieue O. N. O. de Bourbon. Des coupes ont été faites es cet endroit , et on y voit le granite commun traversé par des filons de pegmalite dans lequel se trouvent de jolies feuilles de mica-argentin, et quelquefois aussi de la tourmaline. Le feld-spath, dé- composé en certaines parties, offre un kaolin trop impur et trop gros- sier pour être utilisé avec avantage. Dans le même lieu et les environs , les sources sont très-nombreuses et forment plusieurs mares dont une seule mérite de fixer l’attention du naturaliste relativement à la zoologie et à l’hydrophitologie. Une de ces sources est regardée comme contenant du carbonate de fer en dis- solution, et par conséquent comme précieuse pour la thérapeutique. Antérieurement à cette promenade j'avais vérifié le fait. Voilà le ré- sultat de mes observations, ainsi que de mes expériences. L’eau laisse sur son passage une matière irisée, provenant de la décomposition de substances organiques ; c’est cet indice trompeur qui a fait pres- sentir la présence du fer. Le fond du bassin, construit depuis que la société de Bourbon court y chercher guérison ; est recouvert d’une couche de boue renfermant une grande quantité d’oxide de fer. L'hydro-ferro-cyanate de potasse , ainsi que la teinture de noix de (55 ) galle, employés convenablement avec les acides sulfurique, azotique, le chlore, l’ammoniaque, m’ont fourni des précipités abondans. Les mêmes réactifs m'ont montré des traces d’oxide de fer avec l’eau trou- blée du bassin ; mais avec l’eau déposée ils n’ont rien produit, après plusieurs jours d'opération. De sorte que je .crois que l’eau de cette source et de plusieurs autres contient réellement du carbonate de fer, lorsqu'elle est encore dans les entrailles de la terre; que l’acide carbonique se dégage par les fissures aussitôt qu’il en trouve la faci- lité ; que l’oxide de fer se dépose sur les parois des canaux souterrains, à l’orifice des conduits, et que le reste est charrié au fond du bassin extérieur; qu’enfin, après une longue suite de pareilles actions , les canaux finissent par être comblés et offrent ensuite des veines ferru- gineuses. Au reste, il est possible que le carbonate de fer s’y rencontre par intermittence, et que dans un mois, un an, un siècle, il y repa- raisse en abondance. Tout autour, la vue de la campagne est vraiment pittoresque : ici est un coteau aride, où ne croissent que les genêts, les lichens, les fou- gères , les bruyères , les ronces, et sur lequel le soc n’a jamais passé; là est une plaine dorée par l’épi à mille grains, et où le coquelicot , la nielle des blés trouvent à peine une place pour végéter: puis, entre ce coteau de landes et la riche plaine, se cache un pré qu’embellit une infinité de marguerites , de soucis , de boutons d’or, de primevères, de violettes , de cardamines, l’arum maculatum , etc. , négligemment ar- rosés par des ruisseaux qui n’ont aucune marche régulière. Pourachever ce tableau romantique , le chêne, le pin arrêtent les rayons du soleil dans leur trajet ; on voit aussi le lierre, le chèvre-feuille s’entrelacer, se pencher comme pour atteindre la lumière qu’ils se disputent. C’est assis auprès d'un de ces arbres que le poète se sent inspiré et chante une divinité! Quant à moi, oubliant la poésie et les rêves creux, je cherchais des variétés d’hélix , de limaces , sous les haïes qui ferment toutes les propriétés, et qui , de loin, donnent au pays l'aspect d’un immense bosquet. Ces haies sont formées le plus souvent de. chênes- . verts, de houx, de chèvre-feuilles des buissons, d’aubépine, de genêts gigantesques. Après avoir poursuivi ma route à l'O. pendant une demi-heure , j'arrivai au bord d’un vallon dont la direction est du N. N. O. au S.S, E. Des deux côtés je vis le granite recouvert seulement par uné roche provenant de sa décomposition sous l'influence des eaux. Dans tous les environs, le granite; le gneiss, le kaolin , le quartz hyalin à demi trans- parent sont presqu'à fleur de terre; des masses de ces roches s'élèvent même au-dessus du sol en certains endroits. Je ne trouvai pas de diffé- ( 56 ) rence jusqu'aux Fontenelles. En ce lieu il existe une source d’eau mi- néfale tenant en dissolution du carbonate de fer. Dans le petit réservoir on aperçoit des bulles d'acide carbonique monter jusqu'à la surface du liquide ; sur la paroi extérieure l’eau laisse, en passant, de l'oxide jaune de fer; enfin l'analyse m'a démontré évidemment que l’eau de cette source tenait en dissolution une grande quantité de carbonate de fer. La température de cette eau était d'environ 14 centigrades. Non loin de là est un bois où le botaniste doit aller étudier les plantes du pays. Le terrain, jusqu’à trois lieues O. de Bourbon, est à peu près de même nature que ceux que nous venons d'examiner. Quelquefois on rencontre des amas de quartzite graphitifère. Je remarquai un amas assez considérable de cette matière à deux cents pas O. N. O. de Ia Re- nelière , village situé sur la route des Sables. J'observai aussi, à des distances indéterminées les unes des autres, des masses de granite, de gneiss, de quartzite de différentes couleurs qui apparaissaient au-dessus de la terre végétale. A une lieue E. S. E. de la Mothe-Achard, j'at- teignis un plateau formé de schiste phylladique fibreux et satiné , et de schiste argileux massif de diverses couleurs. La botanique ne piqua pas long-temps ma curiosité. En revanche , je chassai quelques insectes , parmi lesquels des mélolonthes , des cétoines, l’éteuchus , le paon de jour, le deuil, la belle-dame , l’argus , l’argyme , etc. Près de la Mo- the-Achard se trouve un bassin de terreau de bruyère. A une petite distance O. S. O. de ce bourg, les schistes que nous avons vus avant d’y arriver , disparaissent pour faire place à un schiste argileux jaune rouge, dans lequel je remarquai de l’oxide de fer schisteux et quelquefois même de la sanguine. Le sol présente un grand plateau dont les roches dominantes sont le schiste argileux dont je viens! de parler , un schiste siliceux ou jaspoide, coloré à l'extérieur par l'oxide rouge de fer, et un schiste phylladique noirâtre. Un petit vallon sépare ce plateau d’un autre assez grand et formé généralement de schiste argileux jaune-blanc et jaune-rouge. Ce dernier plateau est terminé par quelques ondulations dues à des érosions. À trois quarts de lieue des Sables-d'Olonne est le coteau de pierre levée qui se dirige du N. N. O. au S.S. E. Le terrain inférieur est com- posé de gneiss, de mica-schiste recouvert de schiste argileux mêlé de quartz de diverses couleurs, de poudingues dont le ciment est de l’ar- gile , du sable, de l’oxide de fer, etc. La côte N. O. des Sables-d'Olonne est généralement formée d’un gneiss à feld-spath blanc et mica noir avec des filons énormes de pegmalite graphique ( granite hébraique ) , recouvert de dunes de sable quartzeux, contenant une quantité considérable de petites coquilles , (57) dont les espèces dominantes sont les patelles , les cérites, les porte- laines, les buccins, les pétoncles et quelques fragmens de petits articulés, etc. La coupe n° 1 représente : 1° au-dessus, les dunes; 2° immédiatement au-dessous, le gneiss traversé par des pegmalites renfermant quelque- fois du mica hexagonal ; 3° en avant , la plage formée de blocs de mêmes roches détachées par la mer et de galets roulés, principalement de quartz hyalin, de quartzagate, de calcédoine, de cacholong, de pétro- silex, de quelques rognons de silex pyromaque empâtés dans le cal- caire, etc. La direction des couches est de l'E: à l'O. avec une très- petite inclinaison plongeant vers le N. Comme la pluie me contrariait beaucoup , et qu’en outre je désirais assister à l’arrivée des barques des pêcheurs , je rentrai aux Sables en traversant la plaine d'Olonne, formée d’alluvions et entièrement dé- nuée d'arbres. C’est dans cette plaine où se trouvent des dépôts de tourbe et un bassin de calcaire moderne, dont la superficie apparente est d’une demi-lieue carrée. Dans la même plaine, l’eau de la mer re- monte très en avant par le port des Sables: aussi a-t-on mis à profit cette circonstance, en établissant des marais salans ; et, de loin, les du- nes, les marais, des milliers de tas de sel, quelques villages donnent au pays un aspect particulier. En résumé, je regarde la contrée dont il vient d’être question comme ayant pour base un terrain primitif, d’un côté se confondant avec celui du pays déjà examiné, et de l’autre se perdant dans la mer. Je pense ensuite que la mer couvrait autrefois toute la plaine, et qu’elle s’est retirée peu à peu en apportant des alluvions; qu’en se retirant elle a laissé des bassins , les uns remplis de coquilles, ce qui a donné naissance aux bassins calcaires ; les autres ne renfermant que de l’eau, et où ont crü des végétaux, qui les ont comblés, et qui ont ainsi pro- duit les amas de tourbes ; qu’en dernier lieu les vents ont apporté du sable, des coquilles, etc., ce qui a formé les dunes. Je présume, en outre, que la plaine sera à sec dans un certain temps, si les causes telles qu’elles sont aujourd’hui continuent leurs effets. Poissons qui se rencontrent ordinairement sur les côtes de la Vendée : turbot, sole, raie, squale, esturgeon, congre, aiguille, barbue, mer- lus, merlan, lieu, grondin, tacaud, mulet, surmulet, loup, mages poule, lune, targeur, plie, flet, dorade, sardine, etc. Mollusques : guignettes, patelles, moule, sourdon, lavignon, vénus, solen, aliotide, pholade, taret, sèche, porcelaine, buccin, pétoncle, cérite, etc. Articulés : crabes, araignées , homard, crevette, poupart, hermite, salicope, etc. 8 (58) Rayonnés : méduse, coraline, étoile, oursin , actinie, etc. Les algues les plus répandues sont : ceramium en pinceau, id. spoñ- giosum , éd. plumosum, id. coccineum ; fucus laceratus, éd. vesiculosus, id. saccarinus, id. kaliformis, id. sanguineus, id. racemosus, id. lin- gulatus ; ulva articulata, id. lactuca , id. compressa, id. palmata, id. pavonia , id. diaphana, id. intestinalis, etc. En quittant la ville des Sables, au S.etS. E., s'étendait devant moi une plage entièrement formée de sable quartzeux, et, derrière, des dunes à peu près de même nature que celle de la côte N. O. Après un quart d'heure de marche, je rencontrai un gneiss porphyroïde, à feld-spath rose et à mica variant du noir au blanc. Cette roche se perd dans la mer ; l’eau, par une longue action , décompose le feld-spath ; et, comme il se trouve accidentellement un peu de quartz, il en résulte une es- pèce de mica-schiste ; néanmoins il est facile de reconnaître que c'est le gneiss qui, par une telle opération, est passé à cet état. La mer ayant ainsi modifié la roche, en sépare ensuite les feuillets, détache des morceaux, et les transforme en galets. Dans des fissures du gneiss on voit beaucoup d’oxide de fer, surtout l’oxide rouge argileux. La coupe n° 2 représente : 1° au-dessus , les dunes ; 2° immédiatement au- dessous, le gneiss ; 3° la plage formée de sable quartzeux et de galets roulés, semblables à ceux de la côte N. O. Plus j'avancais vers le S. E., plus la plage était formée de galets et de blocs détachés. A trois quarts de lieue ‘des Sables, je trouvai, dans le gneiss, des pegmalites, avec de très-jolis cristaux de tourmaline , quelquefois flambeltiformes ou palmiformes. Ma récolte faite, je me diri- geai vers des filons de pegmalite graphique , extraordinairement puis- sans ; j'en détachai facilement de fort beaux cristaux rhomboïdaux de feld-spath. Bientôt après j'apercus des veines de quartz cristallisé et co- loré en rouge par l’oxide de fer, des morceaux de fer oligiste attenant à l’oxide rouge, et un peu plus loin des amas de fer hydraté en géodes tapissées de sulfure de fer d’un jaune d’or; enfin, du quartz à crête de coq. À une petite distance S. de St-Jean, je vis le terrain composé ainsi qu’il suit : 1° de dunes ; 2° d’une roche friable , formée d'argile , d’oxide de fer, avec des cristallisations de quartz irisé, et une quantité consi- dérable de petites coquilles fossiles, dont les espèces dominantes sont les pholadomies, les gryphées virgulées et les bélemnites; 3° d’une marne très-argileuse; 4° de gneiss. Je suivis la côte, et je ne remarquai pour terrain inférieur que des gneiss et des mica-schistes jusqu'à l’Essart. En ce dernier lieu on dé- couvrit , il y a cinquante-six ans, sur les bords de la mer , une mine de (59) sulfure de plomb argentifère. J1 se forma de suite une société pour son exploitation, et ses premiers essais furent encourageans, puisqu’une partie de minerai contenait 0,48 de plomb et 0,0093 d'argent. Plusieurs puits furent creusés, des bâtimens furent même construits ; mais l’in- habileté des directeurs de l’entreprise fit croire que le minerai n’était pas abondant, de sorte que les associés abandonnèrent l’exploitation en 1785..On: voit encore les ruines des bâtimens, ainsi que l’ouverture d’un puits; et c'est à l'inspection de ces restes que j'ai reconnu que les travaux avaient été mal dirigés. A la mine, le terrain présente (voyez la coupe n° 3): 1° les dunes; 2° un calcaire siliceux-appartenantà l’assise supérieure du lias, tantôt assez tendre, disposé en couches horizontales ; tantôt très-dur , ren- fermant beaucoup d'empreintes de coquilles fossiles, souvent. cristalli- sées,, et dont les espèces principales sont les bélemnites, les plagios- tomes, les pectinites, etc.; 3° une roche entièrement siliceuse, d’un gris noir, à cassure concoïde , renfermant des géodes tapissées de cris- taux de quartz de couleurs magnifiques, en bancs légèrement inclinés au S., et reposant immédiatement sur le gneiss, qui est lui-même en couches très-inclinées vers le N. O. C’est dans la roche siliceuse qui forme aussi la plage, avec le gneiss et d'énormes blocs d’un grès fin, gris-verdâtre , qui doit être lié au hornstein , que se trouvent les filons métalliques. Ils sont presque tous parallèles et séparés les uns des au- tres par des veines de quartz eristallisé et coloré en rouge:par J’oxide de fer provenant de la décomposition des pyrites. Les filons métalli- ques:sont ordinairement de l’épaisseur de deux pouces. Ils paraissent ne point diminuer en se perdant dans leur gangue ; je crois en outre qu'ils se prolongent dans le gneiss. On peut, armé seulement d’un marteau, ramasser des échantillons sans gangue, de l'épaisseur d’un pouce,.et colorés ordinairement en jaune pâle par le-sulfure de fer. On obtient ensuite , en cassant les gros filons, des «espèces de géodes métalliques, tapissées de cristaux de sulfure-de plomb et d'argent, de sulfure de fer et de fer hydraté, de quartzijaune, blancet bleu ; de sorte que l’ensemble ;offre les couleurs les plus belles. D’autres fois c’est une/substance métallique de la.couleur de l’étain, ou de l'argent, ou du plomb ;:enfin , plus .on casse, plus on est embarrassé dans le choix. Lorsque la marée :est basse, .en descendant près de la vague et en se -placant.de manière à regarder l'E. , on suit de l’œil les différens filons qui se perdent dans la roche siliceuse du continent. À une petite distance dela mine.et sur la côte, le terrain se modifie un peu, mais après il ne change plus que pour passer au terrain ooli- tique inférieur. Ainsi on voit : 1° les dunes; 2° en couches presque ( 60 ) horizontales, un calcaire argileux contenant plusieurs oxides de fer, surtout de l’oere jaune; ce calcaire devient de plus en plus siliceux et de plus en plus dur, à mesure que les couches sont plus inférieures : c'est aussi dans ces parties où j'ai remarqué les dendrites les mieux caractérisées ; 3° au-dessous, la roche siliceuse de la mine avec des ga- lets; 4° enfin, le gneiss très-incliné au N. ©. Du côté de Talmont, je ne remarquai que des roches granitiques, ainsi que des schistes et du lias ; puis j’entrai dans des marais dus à des érosions de rivières qui versaient leurs eaux dans la mer, et dont le principal moteur avait été l'Océan. A Jard, le terrain est formé de dunes, de calcaire jurassique, oolite inférieure, en couches horizontales, contenant quelquefois du carbo- nate de chaux limpide et prismatique, et remplies de coquilles fossiles dont les espèces les plus abondantes sont les ammonites , les nautiles, les térébratules, les bélemnites, avec beaucoup de pyrites de fer. A St-Vincent, je ne trouvai aucun changement. La coupe no 4 re- présente : 1° les dunes; 2 le calcaire précédent; 3° la plage recou- verte principalement de débris du terrain calcaire, et dont quelques- uns paraissent appartenir aux étages supérieurs à l’oolite inférieure. Les oiseaux qu'on voit en plus grand nombre dans les marais d’Angles, sont : l’alouette des prés, le pluvier à collier, le pluvier doré, le guignard, le courlis, le barge, la mouette, différens vanneaux, etc. A une demi-lieue N. d’Angles, l'oolite inférieure fait place au lias formé d’un calcaire très-argileux rouge-bleu et contenant une quantité considérable de gryphées, surtout la gryphœa arcuata (Lamarck) ou incurva (Sowerby), de bélemnites, de plagiostomes, de pectinites, d’encrines , etc. Un peu plus loin, au lias succèdent des talchistes (talkschiefer), des mica-schistes, des schistes argileux et des roches granitiques. Le géologue étudiera ces diverses roches entre Angles et les Moutiers-les-Mauxfaits. Dans les environs de Nesmy, sur le terrain primitif, je distinguai des traces d’un cataclysme diluvien. Le sol montre un grand nombre de petites vallées , dont la direction est du N. N. O. au S. S. E. Le creu- sement de ces vallées figure plusieurs étages, dont la coupure est due à une action érosive très-puissante , et d’une époque antérieure à l’appa- rition de l’homme sur le globe. C’est surtout en suivant la vallée dans le fond de laquelle coule la rivière de l’Yon, que les caractères dilu- viens sont sensibles. Là , le sommet des coteaux est couvert de graviers, de cailloux roulés, qui laissent cependant à nu des masses de mica- schiste ( glimmerschiefer ), de gneiss et granite, de sorte que le sol semble avoir été frappé d’une stérilité éternelle. Sur les versans se (81) trouvent des blocs erratiques disposés dans le sens de la vallée. Ces blocs sont des roches de quartzite grenu avec géodes, tapissées de cristaux de quartz hyalin , de quarzite lamellaire avec jaspe rubané, de jaspe com- mun, de quartzite avec des veines remplies de fer hydraté et sulfuré, etc. Plus bas sont accolées des bandes de cailloux roulés qui diminuent de volume à mesure que l’on descend ; la terre végétale aussi est for-- mée d’un mélange de plus en plus compliqué, et par suite le sol devient de moins en moins aride jusqu’au fond de la vallée, qui jouit d’une gracieuse fertilité. En gagnant la route de Bourbon à Bordeaux, le gneiss ainsi que le mica-schiste dominent. A une lieue S. de Bourbon, un gneiss globu- lifère, d’un gris tirant sur le bleu, paraît en couches inclinées au N. Dans sa partie inférieure il se confond avec le granite, et dans la partie supérieure il passe insensiblement au mica-schiste, qui constitue le plateau sur lequel est situé Bourbon. s Aux Coux (voyez la coupe n° 5), le terrain est composé : 1° d'une couche peu épaisse de terre végétale, formée de schiste argileux et de roches arénacées ; 2 d’un gneiss altéré qui se perd plus loin sous le mica-schiste ; 3° d’un granite fin, gris-bleu, fort joli, et traversé par des pegmalites avec mica, et souvent avec tourmaline. Ces pegmalites donnent lieu tantôt à un granite porphyroïde, à quatre et cinq sub- Stances ; tantôt à un kaolin sablonneux et ferrugineux , mais qui néan- moins pourrait fournir de la porcelaine assez belle. Près du petit bourg , le mica-schiste qui a remplacé le gneiss passe à un schiste phylladique , tabulaire , pailleté, globulifère , ensuite à une phyllade ondulée et satinée. Toutes ces roches se dirigent de l'O. à l'E., et plongent au N. ou N. N. O. sous des angles compris entre 50cet 70°; la phyllade ondulée se confond à l'E. avec des stéaschistes, des schistes chloriteux , et au N. avec un schiste argileux (schistus fragilis), un schiste alumineux sous lequel gît un grès quartzeux, celluleux, et un muca-schiste fin, bien développé au Pont-Rouge sur la route de Saumur. À une lieue N. de Bourbon je trouvai (voyez la coupe ne 6) au-dessous d’un schiste argileux contenant des oxides de fer, principalement de la sanguine tendre, du carbure de fer ou plombagine et un quartzite graphitifère ( ampélite graphique, zeichenschiefer }. De ce côté, le schiste argileux, lemica-schiste , les quartzites sont très-répandus. Il nest pas rare aussi de voir des effets évidens d’un cataclysme di- lüvien. La promenade de M. Rivière renferme une foule d’autres observa- tions en géologie, zoologie et botanique. Par exemple , il a remarqué (62 ) que des plantes spéciales aux pays méridionaux sont acclimatées en Vendée ( comme dans le département de la Vienne), et que plusieurs, annuelles, bisannuelles dans d’autres contrées, sont vivaces, princi- palement sur la côte. Cette promenade est en outre accompagnée d’une carte géologique, de vues, de coupes géologiques et de dessins de monumens historiques. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Desvaux (d'Angers). Quelques observations suivent la lecture du procès-verbal, et il est adopté. M. Rivière fait deux rapports ; l’un sur la notice de M. Beaus- sire , relative au dépôt de Saint-Michel-en-l'Herm. Cette notice n’ajoutant rien à ce qui a été publié par MM. Fleuriau de Bellevue, d’Orbigny, Reboul, Chaudruc de Crazannes , et tout récemment par l’Echo du Monde savant (n° 19), il n’y aurait pas d'utilité à l’insérer dans le procès- verbal. Le second rapport fait connaître un mémoire de M. Mercier sur les mines de la Vendée. En voici l'analyse : Le bassin houiller de la Vendée repose à stratification transgressive sur les schistes de transition. Ce bassin, situé à 2 myriamètres au N. 0. de Fontenay, forme une zone de 2 myriamètres 112 de longueur-sur une largeur de 12 à 1500 mètres ; mais l’inclinaison rapide des :cou- ches fait présumer qu’il atteint une grande profondeur. Le bassin affecte la forme dite en bateau. La direction générale des couches est de l'O. N.0. à l'E. S.E.; elles plongent sous l’un des versans au S. 5. ©. et se relèvent sous le versant opposé. Leur inclinaison varie entre 50° et 70°. Sept couches de houille, bien distinctes, ont été reeonnues:par des travaux exécutés dans la concession de Feymoreau et de la Bouffrie. La houille de toutes les couches est de l'espèce dite schisteuse, elle est homogène, elle contient peu de pyrites et. est très-bitumineuse , elle brûle avéc une flamme vive et brillante, et produit un très-bon cok , dont-la teneur en cendres varie de 4et 6 pour cent ; enfin.elle peut soutenir la concurrence des houilles étrangères sous le rapport de la qualité. Les souches de combustibles sont séparées par des bancs plus ou (63 ) moins épais de grès, de poudingues, de schiste bituminifère et d’ar- gile schisteuse à empreinte de roseaux, de bambous » d’esquisetacées et de fougère. Cette argile passe fréquemment à un véritable minerai de fer carbonaté lithoïde dont la teneur en métal varie entre 15 et 30 pour cent. Le schiste bituminifère se trouve en feuillets contournés ; il est d’un noir foncé, brûle avec beaucoup de flamme et contient des rognons ovoïdes de fer lithoïde et d’une substance charbonneuse pulvérulente qui jouit de la propriété de décolorer les liquides. Au sentiment de la commission, le mémoire de M. Mercier a été écrit sous l’empire d’une conscience et d’une sagacité dignes de tout éloge ; mais il est regrettable que l’auteur n’ait joint aucune coupe à sa notice. Du reste, les échantillons présentés sont de bonne qualité, et tout porte à croire que cette exploitation sera, pour les contrées voisines, une source de prospérité durable (1). M. Félix Garran (de Saint-Maixent), au nom d’une com- mission, fait un rapport très-favorable sur un mémoire de M. Rivière, ayant pour titre: Vowvelle Nomenclature atomo- chimique. La section a demandé l'impression entière du rapport qu’on va donner ici. Messieurs, M. Rivière dans son mémoire commence par faire l’histoire (:) Le Mémoire de M. Mercier doit être imprimé en entier à la fin de ce volume. Voici la note des échantillons joints au mémoire de M. Mercier. Catalogue des échantillons envoyés des mines de houille de la Vendée. No rex. Faymoreau ( Vendée ). Grès schisteux de transilion ; support du terrain houiller. — No 3. Périgné (Deux-Sèvres ). Poudingue siliceux alternant avec les mar- bres.— No 3, Périgné ( Deux-Sèvres ). Calcaire marbre , variété rose, — No 4. Périgné (Deux-Sèvres ) Calcaire marbre, variété brune. — No 5, Faymoreau ( Vendée). Grès houiller psammite. — No 6. Puy-de-Serre ( Vendée ). Grès houiller avec baryte sul- fatée. — No r. Faymoreau ( Vendée). Poudingue au centre du terrain bouiller. — No 8. La Croizinière ( Vendée ). Fer lithoïde converti en hydrate à l'affleurement de la couche no’4.— No 9. Faymorcau (Vendée ). Fer carbonaté lithoïde. = No 10. Fay- moreau ( Vendée). Schiste bitumineux. — No 11, Faymoreau ( Vendée). Argiles à empreinte du terrain houiller. (3 échantillons ). — No 12. Faymoreau ( Vendée }- Caoutchouc fossile du terrain houiller, — No 13, Faymoreau ( Vendée ). Houille de la couche no 3.— No 14. Faymoreau ( Vendée ). Argile réfractaire. — No :5. Périgné ( Deux-Sèvres ). Griphée, plagiostome et bélemnite du calcaire marneux. ( Lias étage supérieur ).— No 16. Foussay ( Vendée). Calcaire marneux. (Lias étage supérieur ). — No r3. Coulonges-les-Royaux ( Deux-Sèvres ) Oolite supérieure. — No 18. £a Jo!- lière ( Deux - Sèvres )- Argile à foulon, de la formation argilo -jaspoïde. ( Oolite moyenne ).— No 19. Kaolin de Scillé ( Deux-Sèvres ).—No 20. Magné (Deux-Sèvres). Fer hydraté de Ja formation argilo-jaspoide. ( Oolite moyenne ), (64) de toutes les nomeñclatures chimiques, à partir de celle de Guyton- Morveau jusqu’à celle de Berzélius. Vous savez qu’en France la nomen- clature guytonienne s’est conservée presque intacte, tandis que dans le nord de l’Europe les nombreux élèves du savant suédois ont adopté celle de leur maître. Mais même celle de Berzélius laisse baucoup à désirer. M. Rivière essaye de la remplacer par une autre plus en harmonie avec la science. : Il adopte la classification de Berzélius pour les corps simples, eten présente le tableau en commençant par le plus électro-négatif, l’oxi- gène, et finissant par le plus électro-positif, le potassium. Il divise les corps composés en acides , oxides, astatides, asta- tures , alliages, amalgames et sels. Il appelle acides des corps composés électro-négatifs, aigres, rougis- sant les couleurs bleues végétales. Lorsque l’oxigène est le corps acidifiant , les acides qui en résultent sont nommés oxacides ; lorsque c’est un autre corps , tel que le soufre, sulfacide. Si les deux composans ne forment qu’un seul acide , on énonce les deux premières syllabes du nom du corps le plus électro-négatif en les faisant suivre du nom de l’autre corps, que l’on termine en eux. Ainsi pour désigner l’acide résultant de la combinaison du carbone et de l’oxi- gène, qui est le seul formé par ces deux corps , on dit acide carboneux. Quand deux corps forment plusieurs acides de la même composition, mais en proportions différentes, le premier ou le moins composé s’ex- prime comme dans le cas précédent , et les suivans en faisant pré- céder le nom du corps électro-négatif des mots sesqui, bë, bisemi qui indiquent qu'ils contiennent une fois et demie, deux fois, deux fois et demie plus de principe électro-négatif que le premier. Exemple : acide sulfureux , acide sesqui-sulfureux, acide bi-sulfureux, acide bisemi- sulfureux. M. Rivière aurait pu continuer à dire acide tri-sulfureux , quadri- sulfureux pour les acides contenant trois , quatre fois plus de principe électro-négatif que le premier ; mais il préfère remplacer la termi- naïison en eux par celle en ique. Il dira donc acide sulfurique comme dans l’ancienne nomenclature , acide bi-sulfurique pour les acides de trois, quatre proportions d’oxigène , afin que la dénomination de cer- tains acides reste la même. L'auteur appelle oxides des corps composés électro-positifs, insipides ou acres, doués des propriétés contraires à celles des acides, et par con- séquent ramenant au bleu les couleurs végétales rougies par les acides. (65) Pour exprimer les oxides , il suit la même méthode que pour les aci- des, excepté qu'il remplace le mot acide par celui d’oxide. Ex. oxide féreux, oxide sesqui-féreux, oxide bi-féreux, oxide bisémi-féreux, oxide férique , oxide bi-férique. 11 nomme asfatides des corps composés, qui ne sont ni acides, ni oxides, pouvant quelquefois jouer le rôle d’électro-négatifs , résultant de la combinaison des corps électro-négatifs entre eux , et dans lesquels les rapports atomiques sont les mêmes que dans les acides correspon dans. Pour exprimer un astatide, on énonce d’abord les deux premières syllabes du nom du corps le plus électro-négatif auquel on donne la terminaison ide, puis on fait suivre le nom de l’autre corps en le va- riant comme pour les acides et les oxides. Ex. sulfñide phosporeux, sul- fide sesqui-phosphoreux, sulfde bi-phosphoreux, sulfide bisémi- phosphoreux, sulfñide phosphorique. I] nomme as{atures des corps composés qui ne serapportent à aucun de ceux déjà examinés, pouvant cependant quelquefois jouer le rôle d’électro-positifs , résultant de la combinaison de corps électro-négatifs avec des, corps électro-positifs , et dans lesquels les rapports atomiques sont-les mêmes que dans les oxides correspondans. Les astatures s'expriment de la même manière que les astatides; il sufhit de remplacer le nom de l’astatide par celui de l’astature, et de donner à ce dernier la terminaison ure. Ex. sulfure oreux, sesqui-sul- fure oreux, sulfure bi-oreux, sulfure bisémi-oreux, sulfure orique, sulfure bi-orique. Je ne m’arrête pas aux alliages et aux amalgames. Je passe de.suite aux sels. L'auteur appelle sels des corps composés résultans de la combinaison des acides ou astatides avec des bases salifiables. ILentend par bases salifñables les corps pouvant neutraliser plus ou moins les acides et les astatides. Pour désigner les sels, on énonce d’abord l'acide ou l’astatide en changeant sa terminaison en ie sieMe est en eux, et en afe si elle est en ique ; puis on fait suivre le nom de l’oxide ou de l’astature ; de plus on supprime de de l’astatide , re de lastature. Ainsi, on dirait bi-sulfite féreux pour désigner le sel qui résulterait de la combinaison de l'acide bi-sulfureux avec l’oxide féreux ; sulfate bi-féreux, pour désigner le sel qui résulterait de la combinaison de Vacide sulfurique avec l’oxide bi-féreux ; sulfi-phosphorite férique, pour indiquer le sel qui résulterait de l’astatide sulñde phosphoreux avec l'oxide férique; azotate sullu-tri-oreux , pour désigner le sel qui ré- 9 ( 66 ) sulterait de la combinaison de l'acide azotique avec l’astature, sulfure tri-oreux. Il reste le cas où dans le sel la quantité d'acide ou de base vient à varier : alors M. Rivière emploie des mots tirés de la langue grecque , ne pouvant répéter sans confusion ceux qu'il a déjà employés et qui ont une étymologie latine. Ces mots sont : hémiolio, deuto , deute misso , trilo ; mots qui veulent dire un et demi, deux, deux et demi, trois; plaçant ces mots devant l'acide ou l'astatide , ou devant la base, suivant que c’est l'acide ou la base dont il faut exprimer les proportions. D'après cela on dirait deuto-sulfate féreux , pour désigner le sulfate féreux dans lequel la quantité d'acide serait double de l’oxide féreux ; et sulfate deuto-biféreux, pour distinguer le sulfate biféreux dans lequel la quantité d’oxide biféreux serait double de l'acide sulfurique. Quant aux sels plus compliqués on agirait d’une manière semblable. M. Rivière a composé un tableau synoptique des différens corps que comprend la chimie minérale : dans ce tableau ils sont désignés par les noms nouveaux qu'il propose, et en regard sont placés les noms de Thénard et Berzélius. Il est fâcheux qu’il ne l'ait pas apporté, il aurait beaucoup facilité l'intelligence de cette nomenclature. Les principaux avantages de cette nomenclature sont que les noms des corps composés expriment la nature des élémens et leurs proportions atomiques, et qu’ils permettent de nommer plusieurs corps composés qui ne l'avaient pas été jusqu'à présent. Conclusion. — Votre commission , Messieurs , regrette de n’avoir pas eu plus de temps pour approfondir la nouvelle nomenclature atomo - chimique de M. Rivière. Après le peu d’instans qu’il lui a été possible de consacrer à l'examen et à la discussion de cette nomenclature , elle s’est séparée sous l’im- pression suivante, | Que cette nouvelle langue chimique réunit la simplicité à l’exactitude et qu’elle parait être l'expression fidèle de la science actuelle. Le rapport sur le minerai aurifère dont M. Dargy avait demandé à constater la richesse, par voie d'analyse, en pré- sence d’une commission nommée à cet effet, n’a pu être fait, parce que M. Dargy, après avoir déposé des échantillons, avait quitté Poitiers, pour aller rassembler ses appareils et ses moyens d'essai. M. Dargy n’est arrivé à Poitiers qu’hier au soir très tard. Il n’aurait pu être procédé à l’analyse qu’au- jourd’hui même ; mais M. Largy annonce que son opération (67) exige au moins six heures. Les fonctions obligées de la ply- part des membres de la commission et la clôture des séances ne permettent pas à la section de sanctionner le rapport qui pourrait être fait ; il a été décidé que la commission ne devait plus s'occuper de cette analyse au nom du Congrès, mais qu'on inviterait M. Dargy à soumettre ces opérations à la So- ciété d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers. Du reste, la commission ayant examiné avec soin les échantillons produits par M. Dargy, a reconnu que le fer hydraté vif aurifère se compose en effet de rognons ou nodules de fer hydraté, contenant beaucoup de grains de sable et des paillettes de mica, pouvant repré- senter géologiquement des sables aurifères qui auraient été agglutinés en rognons par des infiltrations abondantes de fer hydroxidé ; qu’ainsi, il ne seraït pas contraire aux règles ordinaires de la minéralogie géo- gnostique que ce fer contint des paillettes d’or, comme il contient des paillettes de mica et des grains de quartz, et qu’il pourrait même s’y trouver toute sorte de minéraux divers, tels que ceux qui accompagnent ordinairement l'or dans les sables diluviens ; savoir, du platine, de l'argent, des topazes, des émeraudes, des diamans même; que néan- moins un examen attentif, à la loupe, de plusieurs morceaux cassés dans ce but , n’a fait découvrir rien de semblable, et que l’approche du bar- reau aimanté n’y a décelé non plus aucune trace de fer oxidulé ni de fer titané, qui cependant caractérisent presque toujours les sables aurifères ; qu’ainsi l’on doit admettre à priori qu’il peut y avoir de l'or et de l’argent dans ce minerai, comme l’annonce M. Dargy, mais que l’on a toutes raisons de craindre qu’il ne s’y en trouve que de bien faibles quantités. Des échantillons d’une autre mine, présentés par M. Dargy, ont offert une galène ou plomb sulfuré à grandes facettes avec baryte sulfuré, dans une gangue quartzeuse, ressemblant ainsi à la plupart des mines de plomb, et pouvant contenir une proportion variable d'argent, comme il est tout-à-fait ordinaire. Ces mines sont situées auprès de Champagne-Mouton , dans la Charente. M. Nérée Boubée lit la relation de la promenade géologique faite jeudi dernier, et qui n’avait pu être complètement rédigée pour la séance du lendemain. Cette rédaction est adoptée , et la section demande qu’elle soit insérée en entier dans le volume des travaux du Congrès (1). (x) Voir la relation de cette promenade au Compte-rendu des séances générales du Congrès. (68) A l’occasion de cette lecture, M. Desvaux (d'Angers) fait ob- server qu’il a distingué minéralogiquement les silex des ter- rains jurassiques de ceux des terrains de transition ; qu’il ré- serve pour Les derniers le nom de silex corné, qu'il nomme les premiers silex caillou, et que cette distinction est entièrement partagée par M. Brongniart. Il désirerait que ce terme fût substitué à celui de silex corné , dans la relation de la prome- nade géologique. M. Boubée répond qu'il est admis par tous les géologues que les formations jurassiques sont caractérisées par le silex corné; que M. Brongniart, sans doute pour se conformer à l'usage, emploie aussi, dans tous ses ouvrages , cette dénomi- nation; qu’ainsi il craindrait d'adopter, dans sa relation, une expression qui n’est pas encore introduite dans le langage des géologues. M. le président exprime à la section tout le prix qu’il attache à l'honneur d’avoir présidé ses travaux. MM. Cauvin et l'abbé Cousseau expriment, à leur tour, à M. le président et aux membres du bureau , les remercimens que leur votent, d’une commune voix, les membres de l’assemblée. Le President de La Section , DESVAUX (d'Angers). Le Secretaire de La Section, pour les Sciences mathematiques , physiques et geologiques , Le Vice-President, Nérée BOUBÉE. DE LA PYLAIE (de Fougères ). Cu) SECONDE DIVISION. SCIENCES BOTANIQUES ET ZOOLOGIQUES. PREMIÈRE SUBDIVISION. BOTANIQUE. SÉANCE DU 9 SEPTEMBRE 1834 (1). M. de Caumont lit un aperçu concernant une publication importante sur les hydrophytes de la Normandie , que va - mettre au jour M. Chauvin, professeur d'histoire naturelle au collége royal de Caen. Ce travail , auquel les connaissances prouvées de l’auteur donnent une garantie de succès , renfermera au moins autant d'espèces que M. Gréville en a produit dans le British Flora, collection qui peut être regardée comme représentant avec exactitude les richesses hydrophytologiques de la Grande- Bretagne, pays où l’étude de l4/gologie est cultivée avec le plus de soin. =9i M: Chauvin , après une phrase caractéristique latine appli- quée à chaque espèce, donnera une description naturelle et surtout comparative, propre à faire distinguer les espèces qui ont des afhinités. (1) Voir le surplus des travaux de la section dans la première division et dans la seconde subdivision de cette seconde division. (70) Pour ne pas se borner aux hydrophytes marines et d’eau douce que possède la riche province de Normandie, M. Chau- vin place à la fin de chaque genre , sous forme d’appendice , l’énumération des espèces françaises qui ne se trouvent point en Normandie , de sorte qu’à l’aide de cette addition , on aura une idée de l’ensemble de l’hydrophytologie de la France entière. Un certain nombre de planches sont destinées à représenter les espèces nouvelles non encore figurées. M. de Caumont rappelle en outre la belle collection d’hy- drophytes desséchées que publie M. Chauvin depuis huit ans, et qui, en sept fascicules, renferme déjà 175 espèces. M. le président exprime, au nom de la section , le désir de voir bientôt paraître ce travail, qu’on doit regarder comme de- vant avancer en France la connaissance de l’hydrophytologie , de cette partie si importante de la cryptogamie. SÉANCE DU 10 SEPTEMBRE 1834. Madame Cauvin offre une collection de plantes desséchées, peu communes, qu’elle a récoltées dans les départemens de la Sarthe, de la Manche , d’Indre-et-Loire et de la Vienne. Les plus remarquables sont les Peltaria alliacea L. , Senebiera pin- natifida Dc., Amarantus retroflezus L. , Polygonum laxiflorum Weihe, Lagurus ovatus L. , etc. SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1834. M. de Brébisson rend compte de ce que l’excursion quia occupé la matinée de la veille, a présenté d’intéressant sous les rapports botaniques et zoologiques. « Qu'il nous soit permis aujourd’hui, dit-il, de soumettre à la section les faits principaux de nos observations, trop rapides du reste pour of- frir rien de complet sur les productions des localités que nous avons parcourues. » Toutefois, l'examen de ces contrées a eu d'autant plus de prix pour FT.) nous qu'il est venu confirmer des opinions que nous avions émises, il y a quelques années , et qui ont été publiées dans les mémoires de la Société Linnéenne de Normandie, sous ce titre : Coup d'œil sur la ve- gétation de la Basse-Normandie, considérée dans ses rapports avec Le sol et Les terrains. Ici, aux environs de Poitiers, les plantes norman- des propres à nos terrains secondaires, se représentent exactement dans les mêmes conditions. Pour donner plus de poids encore à ces obser- vations qu'il serait si précieux de répéter sur tous les points de notre royaume, nous citerons l’intéressant mémoire de Mme Cauvin, que nous avons été chargés d'examiner, et qui donne un tableau compara- tif des plantes croissant à Pontivy, dans un sol recouvrant des roches primordiales, et des plantes qui se trouvent aux environs du Mans, sur Les terrains secondaires. » Les Globularia vulgaris L., Teucrium montanum L., que nous avons vus en abondance sur un coteau près de Saint-Benoît, sont pro- pres à cette formation géologique. Nous y avons recueilli, parmi les mousses, un joli champignon, que Mme Cauvin a reconnu pour être une variété du Cantharellus undulatus Fr. » C’eüt été surtout sur les roches de Passe-Lourdin , si la saison eût été moins avancée, que nous aurions fait la récolte la plus abondante. Là, dirigés par M. Delastre, nous avons trouvé les PAyllirea latifolia L., le Micocoulier ( Celtis australis L.), V Acer monspessulanum L., et le charmant Capillaire de Montpellier (Ædiantum Capillus-V'eneris L.), tapissant les parois de plusieurs grottes qui renferment en outre, parmi _ des touffes d’une mousse peu commune, le Weissia verticillata | Schw., une plante nouvellement connue, appartenant à la famille des | Algues; elle a été récemment publiée, par Mademoiselle Libert, dans le premier fascicule de ses Cryptogames des Ardennes, sous le nom de Inoconia Micheli Lib. Elle est figurée dans Micheli, t. 90, f. 8. Une autre algue gélatineuse, du genre cahos de Bory-Saint-Vincent, enduit plusieurs points de l’intérieur de ces grottes, qui servent aussi de refuge à quelques phalènes rares. » Sur la crête de cette chaîne de rochers, nous avons remarqué le Linum strictum L., et le Buplevrum aristatum Bartl., espèce qui a été prise par plusieurs auteurs pour le B. odontile L. » En nous rapprochant de Ligugé , nous avons vu sur les murailles l'Æypnum strigosum Hoffm. Bientôt la découverte de l'Umbilicus | pendulinus De. , plante particulière aux terrains primordiaux, nous eût | démontré leur présence, si déjà nos confrères géologues ne l’eussent | annoncée, en signalant une belle roche de protogyne. C’est près de là (72) encore qu'on à recueilli l'Andryala integrifolia 1, le Buplevrum tenuissimum L., et l'Ononis Columneæ A. » En revenant vers Poitiers, nous avons rencontré, sur une colline exposée au midi, parmi les rochers, les Helianthemum apenninum De. , Centaurea crupina L.; et dans les champs voisins, les Campanula erinus L., Artrolobium scorpioides De., et Crucianella angusti- folia 1. » Dans ces diverses localités, nous avons remarqué un grand nombre d'insectes de l’ordre des orthoptères ; et parmi plusieurs espèces d’Acri- dium que nous avons prises, nous croyonsqu’une ou deux pourraient être nouvelles pour la France. » On dépose sur le bureau un phénomène végétal fort cu- rieux, c’est une portion de tige de vigne munie de deux ra- meaux dont l’un porte une grappe de raisin muscat noir , tandis que l’autre est chargé d’une grappe de même espèce , mais à fruits blancs (1). Un examen scrupuleux de cette branche bifurquée prouve que ce jeu de la nature est dû au hasard ,.et non produit par. la greffe ou quelque autre supercherie d’hor- üculture. On cite quelques faits semblables comme ayant déjà eu lieu dans les environs de Poitiers. SÉANCE DU 13 SEPTEMBRE 1834. M. de Brébisson, au nom d’une commission désignée par la section, présente un rapport concernant un mémoire de Mme Cauvin, sur la végétation comparée des environs de Pontivy et du Mans, localités dif- férant surtout sous le rapport géologique. Les environs de ces deux villes, explorés avec soin par Mme Cauvin, lui ont fait reconnaitre qu'une différence non moins lranchée existait dans la végétation de ces deux contrées. Les observations de cette dame portent sur plus de 200 espèces de plantes. Pour faire saisir l'importance de ses considérations, il sufhra de présenter deux listes : l’une, des plantes propres aux ter- rains primordiaux de Pontivy, et qui ne se retrouvent point aux enyi- rons du Mans; l’autre, comprenant les plantes des terrains secondaires, (t) La branche de vigne à élé offerte au Congrès par Mme Mangin d'Oins, née Robert de Boisfossé. Elle élait accrue sur un pied de vigne planté très-anciennementb dans le jardin de sa maison, rue Barbat, à Poitiers. On se propose de vérifier si, par la suite, ce phénomène se reproduira. (73) étrangères au sol de Pontivy, et qui croissent dans le Maine. Nous ne citerons que les plus caractéristiques. PONTIVY. LE MANS. (Terrains primordiaux.) ( Terrains secondaires.) Corydalis claviculata Dec. Thalictrum minus Z. Viola palustris L. Anemone pulsatilla Z. Silene Anglica Z. Papaver Rhœas Z. — nutans Z. —— Argemone Z. Lychnis sylvestris Hope. Cardamine amara L. Spergula subulata Sw. Alyssum calycinum Z. Lotus angustissimus Z. Iberis umbellata Z. Lupinus angustifolius Z. Reseda lutea Z. Tormentilla reptans Z. Parnassia palustris L. Sedum Anglicum Æuds. Saponaria officinalis ZL. Galium harcynicum Weig. Cucubalus bacciferus Z. Chrysanthemum segetum Z. Rhamnus catharticus Z. Vaccinium myrtillus Z. Sanguisorba offcinalis Z. Sibthorpia europæa L. Buplevrum rotundifolium Z. Primula grandiflora Zam. Primula officinalis Jacq. Asphodelus albus #illd. Teucrium botrys L. Globularia vulgaris Z. Orchis simia Lam. — ustulata Z. Ophrys apifera $. — myodes Jacgq. SÉANCE DU 14 SEPTEMBRE 1834. On entend un rapport de M. de Brébisson sur un Aperçu sla- tistique de la végétation du département de la Vienne, par M. Delastre, sous-préfet de Loudun. « En lisant, dit le rapporteur , l’intéressant mémoire de M. Delastre dont vous nous avez chargés de rendre compte, nous avons éprouvé un vif sentiment de regret de ce que les limites de nos procès-verbaux n’en permissent pas l'insertion entière (1). Ce travail, plein de faits précieux (:) A raison de l'importance % ce travail, on le donnera en entier à la fin du volume. 10 (74) et d'observations judicieuses, ne peut que perdre beaucoup par une froide analyse ; aussi nous est-il pénible de vous rappeler, par une aride nomenclature, la description pittoresque et si poétique dont la lecture a eu hier tant d'intérêt pour toute la section. » Vingt ans d’explorations botaniques, réitérées dans les diverses par- ties du département de la Vienne, ont mis M. Delastre à même de former une collection à peu près complète des végétaux de ce département. » Il porte à 1,200 le nombre des plantes phanérogames de cette partie du Haut-Poitou ; 1,500 espèces de cryptogames ont été observées ou recueillies par lui. 11 a dessiné celles dont la contexture délicate ou la ténuité ne permettaient pas la conservation en nature ; mais la récolte difiicile des plantes de cette division , l’époque de l’année à laquelle elles se développent, lui font penser qu'il en est un certain nombre qui a dû échapper à ses recherches, et qu’il peut porter à 300, sans s’écar : ter beaucoup de la réalité. » L'organisation géologique de cette partie de la France , dit M. De- lastre, y favorise au surplus le développement de la plupart des plantes naturelles aux départemens voisins. Ainsi, tandis que la végétation plus . particulière aux terrains primitifs du Limousin s’avance au sud-est du Haut-Poitou jusqu’à Plaisance, l’Ile-Jourdain et Availles; au nord-est, le versant de la-Vienne, dont les tufs calcaires forment le fond poreux, présente au botaniste la plupart des plantes du bassin de la Loire. Entre ces deux zones extrêmes, le calcaire jurassique qui sert de base à toute Ja portion centrale de notre département, se couvre d’une végétation analogue à celle de l'Indre, et d’une grande partie de la Charente et des Deux-Sèvres. » M. Delastre signale plusieurs arbres ou arbustes des provinces mé ridionales qui croissent dans ce département. Ce sont les Quercus ilex L., et Cerris L., Phyllirea latifolia L., Rhamnus alaternus L., Acer monspessulanum L., et Celtis australis L. » Mème observation pour les plantes suivantes : Centaurea seri- dis L., Linum strictum L., Chelidonium hybridum L., Anethum graveolens L., Coriandrum testiculatum L., Drepania barbata Desf., Ruta graveolens L., Lepidium petræum L., Sisymbrium asperum L., Lupinus angustifolius L., Xeranthemum inapertum WN., Symphytum tuberosum L., Malva nicæensis All., Pimpinella dioicaL., Arenaria cinerea Lam,, Astragalus monspessulanus L., Momordica elate- rèum L., Polycnemum arvense L., Teucrium montanum L., Linaria pelisseriana De. , etc. » Le Geranium tuberosum, que l'on croyait particulier à la flore de Marseille, se retrouve à Poitiers. L'Ulmus effusa W., assez (75 ) rare partout, est mêlé aux ormes ordinaires des promenades de Loudun. » La liste suivante comprend le reste des phanérogames dicotylédones rares observées par M. Delastre : Zsopyrum thalictroides L., Denta- ria bulbifera L., Seseli annuum L., Linaria pyrenaica Dc., Cam- panula patula L., Corydalis claviculata Dec. , et bulbosa De., Hypericum lienarifolium Dc., Alyssum montanum L., Ononis mi- nutissina L. et striata Gouan. , Scabiosa sylvatica L., Aconitum lycoctonum L., Rosa sempervirens L. et stylosa Desv., Chlora sessi- lifolia Dc., et un Cüirsium nouveau, peut-être use hybride du C. tuberosum Lam. et du C. anglicum Huds. » Parmi les monocotylédones, on remarque les Polypogon mons : peliense Dc., Melica ciliata L., Echinaria capitata Dec. , Ægilops elongata Kall., Avena longifolia Thore., Carex humilis Leyss., C. arenaria L. et gynobasis Will., Fritillaria meleagris L., Scilla umbellata Ram., Allium alpinum L., Epipactis nidus-avis Sw. ct ensifolia Sw., Limodorum abortivum Sw. » Le jonc maritime, si commun dans les marais saumâtres des envi- rons de Brouage et de Marennes, couvre de ses souches traçantes certaines parties des marais de la Briande entre la Cabane-Brûlée et Anvaux, canton de Moncontour. Comment cette espèce a-t-elle pu s’ac- climater à une aussi grande distance des bords de la mer, dont elle ne s’écarte pas ordinairement? C’est une de ces particularités qu'il serait difcile d'expliquer. » Viennent ensuite les cryptogames. Parmi les fougères, M. Delastre cite les Zdiantum capillus-veneris L., Asplenium septentrionale L., et Osmunda regalis L. » Le département de la Vienne renferme un petit nombre de mousses et environ 220 lichens. La forêt de Châtellerault est riche en variétés de Cenomyce. » La section des champignons renferme à elle seule plus de 1,000 espèces. On trouve près de Loudun le Clathrus cancellatus L., et en grande abondance le Phallus impudicus L. » Le genre Agaric, si nombreux, si difcile à étudier, offre à l’art cu- linaire une vingtaine d'espèces comestibles de saveurs variées ; mais on ne consomme guère, dans le pays, que les plus communs, tels que l’4- garicus edulis Bull., qui se vend sous le nom de Champignon rose , V A. mousseron Bull., à odeur de farine, le faux mousseron (4. tortilis Dc. ), V4 procerus Scop., connu sous le nom de Cluseau, et l'Oronge (4. aurantiacus Fries.), fatale à l'empereur Claude, la plus exquise de toutes les espèces de ce genre. (76 ) » On emploie également en cuisine plusieurs bolets, qu'on désigne indifféremment sous le nom générique de ceps. » Les Hydnes hérisson , corail et sinue' sont aussi des alimens agréa- bles qui ne contiennent aucun principe malfaisant. » Trois espèces nouvelles de ce genre, découvertes par M. Delastre dans les environs de Châtellerault , ont été consignées par M. Persoon dans la 2° section de sa Mycologie européenne ; ce sont les Zydnum pachyodon Pers., H. fragrans Del., et H. dichroum Vers. Ce dernier a une odeur analogue à celle de la Trigonelle. » On compte encore au nombre des espèces comestibles du départe- ment les Xelvella mitra Bull., A. elastica Bull. , et le H. monachella Fries, espèce omise dans toutes les flores de France; les Morchella esculenta Pers. , et semi-libera Dc., et enfin le délicieux Tuber cibarium Sibth., et le 7’erpa digitaliformis Pers. » M. Delastre termine sa revue par des considérations sur les hydro- phytes, sur leurs modes de développement et de reproduction si ex- traordinaires, qui, dans quelques espèces, présentent des rapports si intimes avec les animaux, qu'il est difficile d'établir les limites qui doivent séparer , dans ce point, le règne végétal et le règne animal. » Une algue nouvelle qui doit appartenir à la tribu des Céramiai- res, a été découverte par M. Delastre, attachée aux pierres d’une cas- cade du Poitou. » M. de Brébisson fait une proposition tendant à engager les botanistes qui se rendent aux Congrès scientifiques à apporter avec eux les plantes qu’ils auraient découvertes, afin qu'après avoir été l’objet de l'examen d’une commission , les noms de ces plantes soient consignés dans les procès-verbaux. _ Ilest reconnu depuis long-temps que le meilleur moyen d’avoir une bonne flore française serait de créer un her- bier des plantes de la France ; et c'était pour arriver à ce but que l'administration du Muséum d'histoire naturelle de Paris fit, il y a environ cinq ans, un appel aux botanistes français pour les engager à envoyer les plantes de leurs contrées respec- tives. Quelques botanistes , mais en petit nombre , répondirent à cette invitation ; et les collections qu’ils ont envoyées offrent trop peu d’ensemble pour présenter un grand intérêt. Le peu de succès de cette première tentative doit mème faire craindre (77) que l’on ne soit bien long-temps avant d'en obtenir quelques résultats importans. Outre l'incertitude où se trouvent les naturalistes sur le parti que l’on pourra tirer de leurs envois, il est encore plu- sieurs causes qui contribuent à arrêter leurs communications. Quelques-uns possèdent des échantillons trop peu nombreux des plantes rares qu’ils ont découvertes, pour avoir assez de dévoñûment pour s’en dessaisir dans l’intérèêt général ; d’autres, éloignés ou peu connus, ignorent l’appel qui leur a été fait, ou ne savent comment y répondre. M. de Brébisson regarde le moyen de communications mo- mentanées dont il démontré les avantages, comme le plus propre à obtenir une bonne flore française, par la masse de documens que présenteront les mémoires des Congrès au bout de quelques années. * M. Mauduyt demande que la proposition s’étende à tous les objets d'histoire naturelle. La section , se rangeant à cet avis, décide que la proposition sera ainsi formulée : « Engager les naturalistes qui se rendront aux Congrès scientifi- ques , ou qui y adhéreront , à mettre sous les yeux des membres de la section d'Histoire naturelle, les objets nouveaux qu'ils auront décou- verts en France, ou les espèces rares non encore indiquées dans les lieux où ils les auront recueillies, afin que l’on puisse consigner en- suite dans les procès-verbaux des séances la liste de ces découvertes, après un sérieux examen. » Cette proposition, d’abord adoptée par la section, l’a été ensuite par le Congrès en séance générale. M. de Brébisson communique une sorte de fac simile d’une publication qu'il va mettre au jour sur les hépatiques de la France. À des échantillons desséchés de ces plantes seront joints une description et des dessins représentant grossis les détails des organes difliciles à apercevoir ou qui se détruisent par la dessic- cation. Cette collection sera publiée par fascicules ou décades in-8°, renfermant chacun dix espèces. On y trouvera plusieurs jungermannes nouvelles pour la (78) flore française, telles que les Jungermannia sciacea Hook , J. at- tenuata Lindenb. , J. Dicksonit Hook , J. spinulosa Dicks. , J. minutissima Engl. Bot, etc. M. Rivière annonce qu'il a dressé des tableaux synoptiques des productions naturelles de la Vendée , sous les rapports bo- taniques et zoologiques. Il espère, au moyen de ses travaux sur la géologie et avec quelques promenades scientifiques qu’il compte publier , donner une idée à peu près complète de l’his- toire naturelle de la Vendée. M. de Brébisson, qui s’occupe d’un travail sur les plantes cryptogames utiles, soumet une des nombreuses applications aux arts que peut oftrir cette classe de végétaux. Il a découvert, il y a déjà plusieurs années, que la chair des champignons tubéreux, appelés Bolets ou Polypores, pou- vait être employée pour formér des estompes qui remplacent avec avantage celles en papier, en peau ou en liége, dont se servent ordinairement les dessinateurs. Ces nouvelles estompes sont moins dures que celles en pa- pier, plus faciles à tailler en pointe fine que celles en peau, et leur contexture homogène ne présente jamais ces points li- gueux et anguleux qui, dans les estompes en liége, sont sujets à déchirer le papier sur lequel on dessine. Celles que présente M. de Brébisson sont faites avec le poly- pore du bouleau. SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1834. M. Desvaux rend compte d’un travail ingénieux sur la bota- nique, de M. le docteur Palustre, de Niort , déposé momen- tanément dans la salle du Musée, où il a été examiné avec intérêt. « C’est une sorte de cadre de jardin botanique en miniature, dit M. Desvaux, au moyen duquel on peut se faire une idée facile et prompte des distributions habituelles de ces sortes d’établissemens. Une surface de deux mètres carrés composés de plusieurs planchettes pouvant se rapprocher ou s'éloigner, est trouée régulièrement, ainsi que vous avez pu le voir, et porte des sortes de chevilles de bois pour- (7) vues, au sommet, d’une fissure pouvant recevoir une carte sur laquelle est écrit un nom de classe, de famille ou de genre. Dans ce travail de M. le docteur Palustre, nous avons vu un moyen de pouvoir, dans les maisons d'instruction , mettre une sorte de jardin botanique sous les yeux, au défaut de l'avoir à sa proximité; mais en supposant toujours que l'étude des plantes de la Campagne où des jardins entrerait dans les moyens d'application de ce jardin botanique artificiel. » M. de la Pylaie fait hommage d’un paquet de plantes cu- rieuses desséchées, recueillies par lui dans les environs de Fougères. Cette collection renferme de belles variétés de fougères , telles que l'Aspidiun lobatum Willd , À. aculeatum E. B., 4. fragile Sw., Blechnum spicans Sm., etc., un échantillon: du Pteris aquilina L. , long de près de 8 pieds, enfin un Aira que M. Desvaux rapporte à l 4. parviflora Rich. M. de la Pylaie signale encore une espèce d’Arenaria, qu'il a trouvée à l’île de Noirmoutiers. Elle est voisine de V4. media L., mais elle lui semble devoir en être distinguée. SÉANCE DU 16 SEPTEMBRE 1834. M. de la Pylaie donne la note suivante sur une mousse rare dont le genre a été long-temps douteux. « IL est une mousse, dit-il, sur laquelle je dois fixer un moment voire attention, c’est l’espè ce dont M. de Candolle a fait son Fonti- nalis JulianaSav., contradictoirement à mes observations. Cette plante n’a d'autre analogie avec les Fontinales que son habitation sous les eaux limpides et paisibles , mais la texture de son feuillage est utricu- laire comme celui des jungermannes , et non réticulé ainsi que dans les mousses : du reste il en est ainsi du groupe entier des Dicranum ou Fissidens Hedw., à feuillage distique, et qui se compose des Fis- sidens taxifolium , Bryoïdes, Ædianthoïdes, etc., dont j'ai composé mon genre Skitophyllum sur le caractère du dédoublement des feuilles qui n'existe que chez ces seules espèces de mousses. Le nom de Fissi- dens a dû être rejeté comme exprimant un caractère commun à tous les Dicranum , dont lés dents sont aussi fendues. » Quant à la mousse qui nous occupe, elle appartient à mes Skito - phylles par le port et par le dédoublement des feuilles. C'était sur cette considération , bien prépondérante, que j'avais associé la mousse des ( 80) ‘ fontaines aux autres espèces , qui toutes aiment les lieux frais et om- bragés. » Depuis la publication de mon travail (1814), j'ai trouvé à l'île d'Ouessant cette mousse remarquable fructifice, dans une fontaine si- tuée près du bourg, vers le commencement de juin. Elle a été retrouvée avec ses urnes par M. et Mne Cauvin, à Pontivy, et par M. Desportes , à Aron (Mayenne). » J'ai observé à l’île d’Ouessant que ces urnes, tout aussitôt qu’elles sont à maturité, se séparent avec leur pédicule de la plante qui les a produites et viennent flotter à la surface des eaux : elles s’y trouvaient par myriades, pour ainsi dire en forme de poussière, à la superficie de la fontaine de l’ile d'Ouessant, où je fis cette singulière observation, laquelle nous rappelle la 7allisneria. » J'ai constaté avec le microscope que le péristome de cette mousse est simple, à dents libres, bifides , caractères de la fructification de mes Skilophylles, tandis que les Fontinales ont un péristome double. Enfin je ferai observer que cette plante étant surtout armoricaine, se trou- vant plus commune en Bretagne et dans les départemens voisins , que dans le reste de la France, devait plutôt conserver le nom de Sküilo- phyllum fontanum , que celui de Fontinalis Juliana Sav., sous lequel l’a reproduite M. de Candolle. » (81) mm mms dt) SECONDE SUBDIVISION. ZOOLOGIE. SÉANCE DU 10 SEPTEMBRE 1834 (1). M. de la Pylaie communique un bocal renfermant, ävec quelques poissons, une espèce ou variété de couleuvré voisine de la vipérine, mais qui en diffère par plusieurs ca- ractères. M. Desvaux fait observer que lui-même a reconnu plusieurs variétés de la couleuvre vipérine. M. de la Pylaie, après avoir passé en revue les couleuvres assez nombreuses des environs de Fougères, dont quelques- unes, malgré leur innocence, sont l’effroi du pays, cite une salamandre peu commune qu’il a rencontrée près de Rennes , et qui, d’après sa description; doit se rapprocher de la sala- mandre marbrée ($. marmorata Latr. ) MM. Mauduit et Rivière sont chargés d’examiner tes com- munications. SÉANCE DU 12 SEPTEMBRE 1834. M. Mauduit , au nom de la commission chargée d’étudier les animaux offerts par M. de la Pylaie, rend compte ainsi du ré- sultat de ses observations : « Nous avons reconnu, dit-il , que les lamproies qui font partie des objets offerts, sont l’une le Petromyzon de rivière, et l’autre l’'Ammo- cète-Lamproyon ({mmocætus branchialis Dunier.), quise trouvent (1) Pour les autres travaux de section, voir ce qui concerne l'autre division et sub- division. 11 (8) généralement répandus dans nos rivières et ruisseaux, et qui ont été décrits par M. Millet, dans sa Faune de Maine-et-Loire. Les autres pois- sons contenus dans le bocal sont les Cobitis tœænia L., Cottus Gobio L., et deux petits Cyprins très-communs dans nos rivières. » Si les poissons nous offrent peu d'intérêt sous le rapport de leur rareté, il n’en est pas de même de la couleuvre qui est renfermée dans le même bocal. Elle nous a paru digne de fixer l'attention. En effet, si cet individu n’est pas une espèce nouvelle dans l’ordre des Ophidiens, il est au moins une variété bien tranchée de la couleuvre vipérine; car, après l'avoir examinée ponr tâcher de la rapporter à quelques-unes des couleuvres décrites par les auteurs que nous avons consultés, tous nos efforts ont été inutiles, et nous ont laissés convaincus qu’elle mé- ritait d’être mentionnée. » Voici la description qu’en donne M. de la Pylaie : » Couleuvre à 4 séries de taches, Coluber quadriserialis Dlp. ; sa longueur est de 20 pouces et son corps gros de 18 lignes en diamètre. C’est une des espèces parées des couleurs les plus belles; son ventre est d’un joli rose-clair comme orangé, et si lisse qu’il brille au soleil comme l’orvet ( Ænguis fragilis L.) Le dos et le haut des flancs sont ornés de 4 séries de taches noires arrondies, toutes distinctes et bien marquées dans la jeunesse. Sa tête offre comme caractère dis- tinctif deux larges chevrons noirs, contigus, en forme d’X , qui ont con- couru à faire prendre cette espèce pour une vipère. » Ce reptile est assez commun aux environs de la ville de Fougères (Ille-et-Vilaine), où le peuple le considère comme l’aspic et le dé- signe par ce nom, sous lequel il classe tous les reptiles dangereux. Celui-ci est regardé dans le pays comme un des plus redoutables ; mais l’absence des crochets à venin prouve qu’il est innocent comme toutes les autres couleuvres. » M. Mauduit met sous les yeux des membres de la section un bel individu de la Couleuvre glaucoïde (Coluber glaucoïdes Maud. ) qu'il a découverteil y a plusieurs années dans ce pays. Il l’a décrite dans les mémoires de la Société académique de Poitiers. Cette espèce est aussi mentionnée dans la Faune de Maine-et-Loire. SÉANCE DÙ 13 SEPTEMBRE 1834. M. de Caumont lit une note de M. Chesnon, principal du col- lége de Bayeux ( Calvados), qui s’est spécialement occupé de l’histoire (83) maturelle de la Normandie. Outre les plantes, les insectes, les miné- raux, ilest parvenu à recueillir et classer presque toutes les espèces de quadrupèdes et d'oiseaux indigènes. 11 en a formé un cabinet qui se compose uniquement d'espèces de Normandie, et le nombre en est con- sidérable. On remarque comme très-rares : Le gobe-mouche à collier. — Le merle rose ou martin roselin. — Le crabier de Mahon. — Le héron pourpré. — Le butor blongios. — Le grand plongeon du Nord. — Le pétrel ou oiseau de tempête. — Le pétrel de Leach. — Le pétrel puffin. Un squale nez, pris à Avranches ( Calvados), fait aussi partie de sa collection. « M. Chesnon professe lui-même un cours d'histoire naturelle pour les élèves de son collége; et à l'appui de la théorie générale, il démontre, dans le cabinet même, sur les espèces classées d’après la méthode de Cuvier, et réunies en assez grand nombre pour donner des notions po- sitives. 11 publie, en ce moment, le résumé de ses lecons sous le titre d'Essai sur l'histoire naturelle de la Normandie ; ouvrage dans lequel après les notions préliminaires et réellement élémentaires d'histoire vaturelle mises à la portée des commencçans, il décrit méthodiquement les espèces particulières à la Normandie, et au moyen de tableaux analytiques généraux il dispose les élèves à l'étude de l’histoire natu- relle générale. Cet ouvrage pourra servir à propager et répandre le goût de cette étude, par le soin que l’auteur a eu de joindre aux noms scien- tifiques les noms vulgaires, et de plus des morceaux choisis de Buffon et de nos poètes, moyen qui ôte la sécheresse des ouvrages purement didactiques. » M. Babault de Chaumont fait remarquer que le pétrel puflin a été aussi tué aux environs de Poitiers , il y a quelques an- nées. Il cite en même temps le grand-fou de Bassan ( Sula major Briss.) , comme ayant été observé dans le département de la Vienne. SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1834. On examine avec beaucoup d'intérêt une grande quantité de dessins de poissons parfaitement exécutés par M. de la Pylaie. On y reconnaît les deux lamproies que ce naturaliste avait of- fertes dans la séance du 12. Ces dessins, au nombre de 350 , sont accompagnés d’un pro- drome ichtyologique manuscrit. ( 84 ) M. le docteur Follain , à Granville (Manche), a adressé un mémoire intitulé : Vouvelle Classification des mollusques et de leurs coquilles. L'auteur de cet ouvrage divise les mollusques en quatre grandes coupes auxquelles il donne des noms nouveaux, les Angiostomes , les Cricosiomes , etc. | SÉANCE DU 16 SEPTEMBRE 1834. M. le docteur Allonneau , de Poitiers, qui prépare un tra- vail sur les névroses des organes digestifs , en lit un extrait qui offre un fait intéressant sous le rapport de l’histoire natu- relle, et qu'il a été à même d’étudier pendant sa pratique mé- dicaie. « Une jeune fille avait contracté dès sa première jeunesse l'habitude de boire des eaux croupissantes des mares et des fossés, et ce qui, chez elle, d’abord fut une fantaisie, se convertit ensuite en un goût décidé. Après une succession de phénomènes fort variés, cette fille éprouva des hoquets, des spasmes et des crampes ‘d'estomac qui ne tardèrent pas à se convertir en abondans vomissemens. » En examinant les matières liquides rejetées, M. Allonneau y vit flotter des myriades de corpuscules ovoïdes, et d’autres en forme de vers s’y agiter en tous sens. L'examen de ces êtres le convainquit qu’ils ne pou- vaient appartenir aux versintestinaux ordinaires, et bientôt il reconnut que c’'étaient des œufs et des larves d’un diptère , le cousin commun ( Culex pipiens L.) Le résultat de ses observations ne lui permet pas de douter que les premirs états de développement de cet insecte n’#ent eu lieu dans l'estomac de la jeune fille. Des larves conservées dans le milieu où on les avait trouvées ont passé à l’état de chrysalide au bout de 18 jours, pour se transformer enfin en insectes parfaits 9 jours plus tard. Après le récit de ce fait curieux, l’auteur de cette notice rapporte Vanalyse chimique qu’il a faite des substances liquides rejetées , et termine par une revue des vers intestinaux de l’homme et de quelques animaux. Le Président de la Section, DESVAUX (d'Angers ). Le Secrétaire de la Section, pour les Sciences botaniques et zoologiques. Le Vice-Président, DE Brezisson (de Falaise). De LA PyLair (de Fougères ). (85) DEUXIÈME SECTION. Agriculture, Industrie et Commerce (1). SÉANCE DU LUNDI 7 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Gauvin, doyen d'âge, et ensuite de M. Lam (de Caen). La section s’occupe de l’organisation de son bureau. Par le résultat du scrutin , M. Lair , secrétaire perpétuel de la société d'agriculture et de commerce de Caen , est nommé président ; et M. Barbault de la Mothe, président à la Cour royale de Poi- tiers et membre de la société d'agriculture , belles-lettres , sciences et arts de la même ville, est élu vice-président. MM. Jozeau, secrétaire perpétuel de la société académique d'agriculture des Deux-Sèvres ; et Babault de Chaumont, juge au tribunal de première instance de Poitiers, membre de la société académique de la même ville , sont maintenus dans'les fonctions de secrétaires qu’ils remplissaient d’une manière pro- visoire. Les travaux ont été ouverts par une proposition faite par M. Bobin , industriel recommandable et cultivateur distingué , propriétaire de la ferme de la Miletterie, située à une demi-lieue de Poitiers, route de Limoges. M. Bobin a de- mandé à la section de fixer pour l’un des jours de la tenue du (x) Afin d'éviter aux lecteurs un rapprochement pénible, pour réunir des discussions éparses dans plusieurs séances et ayant pour objet la même question, on a présenté dans un même résumé tout ce qui a été dit sur la même nature, dans le cours des diverses séances, ( 86) Congrès , un essai de plusieurs instrumens d'agriculture nou- veaux et perfectionnés. L’honorable membre ajoute qu’il vient de recevoir la charrue Rozé avec avant-train , et il a offert sa ferme de la Miletterie pour théâtre de cet essai. Quelques explications ont eu lieu entre plusieurs membres de la section sur les moyens d’exécution de cette proposition. Ensuite la section a arrêté que le dimanche 14 septembre, à 7 heures précises du matin, il y aurait, dans les champs de la Milet- terie , un essai de charrues et autres instrumens aratoires nou- veaux concurremment avec les anciens instrumens, et qu’il y aurait aussi un essai du semoir de M. Hugues ( de Bordeaux }, que la société d’agriculture de Poitiers venait de recevoir peu de jours avant, et qu’elle s’est empressée de mettre à la disposition de la deuxième section du Congrès. Il a été également re- connu que cette séance en plein champ ne dérangerait en rien les travaux des autres sections du Congrès. Une commission composée de MM. Auguis, député; Nicias Gaillard , avocat-général à la Cour royale de Poitiers ; et Jul- lien (de Paris) , auxquels se sont réunis les membres du bu- reau, a été nommée pour examiner les diverses questions , les différens mémoires et les propositions renvoyés par le bureau central à la deuxième section du Congrès , ou présentés à la section elle-même , afin de déterminer l’ordre du travail. Cette commission , dans une réunion du soir, a rempli la tâche dont elle avait été chargée , et l’ordre du jour a été fixé pour les séances à venir. Cette mesure était indispensable pour donner de l’ordre et de l’ensemble aux opérations. La séance étant ouverte, M. Babault de Chaumont de- mande la parole : « Les bonnes méthodes de culture ne peuvent s'étendre, l’agriculture ne peut s'améliorer et se perfectionner que par le concours des agri- culteurs et des cultivateurs, des propriétaires et des fermiers ou colons. Peu de propriétaires font cultiver par eux-mêmes leurs terres ; la ma- jeure partie livrent leurs domaines à des fermiers pour prix en argent, ou à des colons pour prix en portion de fruits. La nature des baux en usage a donc la plus grande influence sur les progrès de la bonne agri- culture. (87) » De là cette question soumise au Congrès par le programme général : Quel serait le meilleur système de baux à ferme à adopter dans l'intérêt de l'agriculture? Cette question n’est qu'une suite d’un exposé fait par M. Henri Cellier , de Blois , au Congrès de Caen, sur l’avan- tage pour l'agriculture des baux à long terme ; exposé qui avait donné lieu à une proposition adoptée par le Congrès de Caen, qui engageait les sociétés d'agriculture de France à s'occuper activement des moyens de répandre dans la pratique l'usage des baux à long terme. » Cette matière avait donc eu le temps d’être préparée, et la question doit être maintenant débattue en connaissance de cause. » M. Barbault de la Mothe à fait un rapport abrégé sur un mé- moire présenté sur cette question par M. Verger ( de Nantes ); le rapporteur pense qu’il y à lieu d'inviter M. Verger à donner lecture du mémoire. « On ne peut, dit M. Verger, attendre d’un fermier qui peut être contraint d'abandonner sa ferme tous les trois, six ou neuf ans, qu’il fasse les avances, et qu'il commence les entreprises que nécessite une bonne agriculture. La’ chèreté des nouveaux instrumens ; les sommes qu’il faut dépenser, soit en amendememens et engrais, soit en achats de bestiaux ; le nombre d'années qu’il faut pour établir un bon assolement ; tout s’oppose à ce que le fermier à court terme adopte un mode de culture dont les avantages ne sé font ressentir qu'après plusieurs années. Les baux à long terme sont donc le seul moyen d'encourager le fermier à faire de bonne agriculture. L’Angleterre en a depuis long-temps senti l'utilité : les baux y sont quelquefois de 30 et 40 ans. » Pour encourager les baux à long terme, et concilier l’intérét des _propriétaires et fermiers, M. Verger propose plusieurs moyens, no- tamment la stipulation d’un prix de ferme augrnentant d'époque en époque, et dans la proportion de l'augmentation présumée des produits de la ferme mieux exploitée; une invitation au gouvernement de di- minuer les droits d'enregistrement pour les baux à long terme, ou tout au moins de ne percevoir ce droit que par portion et chaque année ; mention dans les journaux de la localité, du nom des pro- priétaires et des fermiers qui auront consénti des baux à long terme ; une récompense honorable à celui qui aura rendu quelque service important à l’agriculture; enfin la création de banques particulières ou départementales qui fourniraient à un taux très-modéré des avances aux Cultivateurs. » Les diverses propositions contenues au mémoire de M. Ver- (88 ) ger ont été discutées : celle relative aux banques a été ren- voyée pour être examinée lors de la discussion d’une question analogue qui sera traitée postérieurement. MM. le docteur Guépin, le général Dubourg , Eugène Lelong, Béranger (de Paris), Chatelain (de Paris), Nicias Gaillard, Verger , Babault de Chaumont , et Simon ( de Nan- tes ) ont pris successivement la parole. La section a reconnu que les baux à long terme étaient un moyen efficace de favoriser les progrès de l’agriculture ; Que la stipulation d’un prix de ferme croissant à époques détermi- nées et en proportion de l'augmentation du produit de la ferme , était un moyen d'exécution qui satisfaisait aux intérêts du propriétaire comme à ceux du fermier ; Que la diminution du droit d'enregistrement, ou une perception par annuité , serait un encouragement. La section a arrêté que eette proposition : Les baux à long terme sont un moyen efficace de favoriser Les progrès de l’agriculture , serait présentée au Congrès réuni en assemblée générale. SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834, Présidence de M. Lam (de Caen). La marche ordinaire des travaux de la section devant con- duire à communiquer à la réunion générale du Congrès les propositions arrêtées par la section , il était nécessaire que l’assemblée générale püt être mise à même de délibérer en connaissance de cause sur ces propositions , il était nécessaire de transmettre à cette assemblée générale un rapport assez détaillé des débats et des discussions qui pouvaient avoir précédé chaque proposition importante. M. Nicias Gaillard a donc proposé, dans cette séance, que chaque fois qu’il serait traité d’une question importante, M. le président nommât ur membre de la section, présent à l’assemblée , qui serait chargé de faire à la réunion générale le rapport dont la nécessité venait d’être reconnue. Cette proposition mise aux voix a été adoptée à l'unanimité. ( 89 ) L'ordre du jour appelle la discussion sur une question pro- posée au programme de M. le secrétaire général du Congrès , ainsi formulée : Quelle est l'influence de l'impôt du sel relativement à l'emploi de cette substance comme amendement pour les terres, ou comme des- tinée à faire partie de la nourriture des bestiaux ? M. Nau de la Sauvagère ( de Paris) a été nommé par M. le président pour faire, en assemblée générale, le rapport de la discussion qui va suivre. | M. Béranger (de Paris) demande que l’on ajoute à cette question celle de l’influence de cet impôt sur la richesse du pays. M. Fradin (de Poitiers) fait observer que cette consi- dération rentre dans la question générale. M. le général Dubourg.— « On refuse à l’agriculture un pri- vilége, un avantage que l’on accorde à l’industrie , puisque celle-ci obtient le sel sans payer de droits , ce qui donne lieu à de grands abus que ne peut prévenir la surveillance la plus active. Je pense donc qu’il serait bon d’appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité de diminuer ou de supprimer en entier l'impôt de la portion de sel qui serait employé aux besoins de l’agriculture. » M. Chanlouyneau (d'Angers) a parlé de plusieurs tentatives faites pour combiner le sel destiné à l’agriculture avec quel- ques substances qui le rendissent impropre à la consommation alimentaire de l’homme , sans lui enlever la propriété de servir comme amendement ou engrais , et dans les autres besoins de l’agriculture ; mais ces tentatives n’ont eu aucun succès. M. Desvaux (d'Angers) a donné connaissance de plusieurs moyens employés, de plusieurs combinaisons chimiques es- sayées dans le même but, mais toutes inutilement, Cependant M. Desvaux pense qu’on y parviendrait à l’aide d’une combi- naison de sulfate oxidé d’alumine trituré avec de l’hydrochlo- rate de soude à la dose d’un vingtième. Cette combinaison semblerait devoir empêcher qu'on ne détournât le sel pour d’autres usages que pour les amendemens et même pour la nourriture des bestiaux. 12 | ( 90 ) M. le docteur Guépin (de Nantes) a éprouvé, sur un sel sophistiqué que l'on voulait exempter de l'impôt, que ce sel pouvait être remis en état de servir encore aux besoins alimentaires de l’homme , malgré que cette sophistication résultât d’un amalgame du sel avec les substances les plus ré- pugnantes. L'agriculture, continue l’orateur , n’est donc pas sur la même ligne que les autres industries, à raison d’une impossibilité non vaincue. Il remarque qu’il serait sans nul doute possible de diminuer l'impôt du sel , sans diminuer la recette que produit cet impôt ; une consommation plus grande, un usage plus varié établiraient bientôt la compensation : en effet , avant l'impôt du sel, la consommation était beaucoup plus considérable; il passait sous les ponts de Nantes, avant cet impôt, une quantité de cette substance triple de celle qui y passe aujourd’hui; les registres de la douane confirment cette assertion. Un membre, rappelant la discussion dans les termes de Ja question , remarque qu’il faut examiner d’abord , si le sel peut être avantageusement employé comme amendement dans les terres , ou dans la nourriture du bétail. M. le général Demarçay a la parole. Après quelques con- sidérations sur le poids des impôts indirects , et laissant de côté la question de savoir si Le sel a une action sur la végétation, question déjà à peu près résolue , M. Demarçay considère l'impôt du sel comme extrêmement onéreux pour l’agriculture, parce que cet impôt est de capitation , la consommation alimen- taire étant la même pour chaque homme. Le sel a été avanta- geusement employé dans la nourriture du bétail, surtout des animaux ruminans. Quant à l'emploi du sel comme engrais ou comme amendement , la question n’est sans doute pas suffi- samment éclaircie par l’expérience , il peut être dangereux de la trancher. De tout ce qu’il vient d’énoncer, M. le général Demarçay conclut que l’impôt du sel n’est pas d’une grande influence relativement à l’agriculture. M. le docteur Guépin : « Le sel était autrefois très-employé comme engrais dans les départemens de la Loire-Inférieure , (91) des Côtes-du-Nord , du Finistère , du Morbihan. L'impôt du sel a considérablement restreint cet usage. » M. Simon ( de Nantes) cite l'exemple de M. Robin , agri- culteur dans le département de la Loire-Inférieure , qui em- ploie avec succès le sel comme engrais dans les terres légères et crayeuses. M. Chanlouyneau (d’Angers) cite l'exemple de M. Ganneron qui a employé le sel avec succès, comme engrais au pied de la vigne, à la quantité d’un double décalitre par are (une boisselée, mesure d'Angers). Cette épreuve, plusieurs fois répétée, a fort bien réussi , tant pour labon- dance que pour la qualité du vin. Le sel, continue M. Chan- louyneau , est souvent employé pour améliorer les foins terrés, c’est-à-dire souillés de terre et de poussière , par suite des in- ondations qui auraient précédé de trop près la coupe des prairies de rivage. Cet emploi a lieu en mettant le foin par couches superposés, avec une légère quantité de sel semée entre les couches ; on laisse le foin fermenter avec le sel. Enfin M. Chanlouyneau ajoute que l’usage du sel est très-avantageux quand on nourrit le bétail de fourrages verts ou de racines ; le sel empêchant la météorisation qui suit quelquefois ce genre de nourriture. M. Jérémie Babinet (de Lusignan ) a aussi cité plusic irs faits qui prouvent les bons résultats du sel employé à amé- liorer les terres. Les habitans des côtes ramassent avec soin les plantes marines qui croissent sur les bords de la mer, ou qu’elle rejette sur ses rivages. Ils les étendent dans leurs champs , sur lesquels elles n’agissent que par le sel qu’elles contiennent. M. Fradin (de Poitiers). — « Les plantes marines contien- nent cinquante pour cent de sel dans leur composition; ii ne peut donc être douteux que ce ne soit par Îe sel qu’elles agissent sur les terrains sur lesquels elles sont étendues. Il serait nécessaire de faire sur divers points des expériences com- paratives. » M. de la Pylaie (de Fougères) cite l'exemple des terres de ‘ile de Noirmoutiers, qui ne reçoivent jamais d’autres amén- (92) demens que les plantes marines que l’on y répand , et qui ce- pendant conservent toujours une grande fécondité. Des éclaircissemens et des débats qui précèdent, résultent les propositions suivantes : L'emploi du sel, comme amendement des terres, est avantageux ; L'emploi du sel est utile pour la nourriture des bestiaux ; Conséquemment l'influence de l'impôt sur le sel est nuisible à l’agri- culture. Ces propositions , mises aux voix par M. le président , ont été adoptées par la section, qui arrête qu’elles seront présentées x à la séance générale du Congrès de ce jour. Sur la proposition de M. Aimé Fradin, la section émet le vœu que le gouvernement soit invité à délivrer aux Sociétés et Comices agricoles une certaine quantité de sel exempte de taxe, pour faire sur divers points de la France des expériences comparatives sur cette substance considérée comme amendement. M. le président à mis aux voix cette proposition, qui a été adoptée par la section pour étre présentée à la séance gé- nérale. Le Congrès de Caen avait entendu, l’année dernière, avec beaucoup d'intérêt , un Mémoire de M. le comte Borgarelli d’Yson, sur le mauvais état des chemins wvicinaux; il avait signalé le mal : le remède lui avait paru devoir être très- coûteux , mais l'avantage à recueillir était immense. Le Mé- moire de M. le comte d’Yson était un appel à l’opinion publique , dont les Congrès scientifiques s’attacheront toujours à être les consciencieux interprètes. Get appel a été entendu. La matière a été soumise aux méditations de la seconde sec- tion , dans une question proposée par le général Dubourg, et ainsi formulée par M. Barbault de la Mothe, vice-président de la section : Quels sont les moyens lesplus avantageux, sous les rapports d’éco- nomie, de promptitude et de solidité, à employer pour la construction , la réparation et l'entretien des chemins vicinaux ? M. Nicias Gaillard a été nommé pour faire à la séance géné- rale le rapport de cette discussion. (93) Après une courte analyse de la loi du 28 juillet 1834 et des lois antérieures sur la matière , M. Nicias Gaillard examine le Mémoire de M. le comte d’Yson, que cet auteur avait adressé au Congrès de Poitiers. M. Gaillard en signale quelques par- ties remarquables, dans lesquelles l’auteur fait une critique judicieuse de la législation actuelle : et repousse la prestation en nature. M. le général Dubourg a la parole. Il fait part à la section de plusieurs faits dont la connaissance est pour lui le fruit de l'étude qu’il a faite des mœurs et du caractère des habitans de la campagne. Il prétend qu’il suffira de convaincre le villageois du bénéfice certain et prochain qui résultera pour lui de Famélioration des chemins vicinaux , pour qu’il contribue volontairement à la dépense de la construction et des répara- tions de ces chemins. « Une instruction claire et précise, dit-il , écrite dans un style que tous puissent comprendre, les convain- crait bientôt de l’utilité de bonnes voies vicinales , et de suite vous aurez les fonds nécessaires ; mais surtout faites attention à employer ces fonds avec à-propos et économie, et à être exact dans le compte à rendre à l'habitant de la campagne : le villageois est défiant et observateur. » M. le docteur Guépin. —« Les machines industrielles , telles que chemins et canaux, sont extrêmement utiles. Le canal du Languedoc, dès avant 1789, avait, pour trente millions de capital , augmenté de 25 millions le revenu social du Midi de la France , dont cinq millions pour la diminution des frais de transports , et vingt millions pour la plus value des terres voisines. En Bretagne l'établissement de chemins vicinaux double quelquefois la valeur des propriétés qui les avoisinent. C’est une illusion que de compter sur la bonne volonté ou sur la conviction du paysan, pour en obtenir l'argent nécessaire à la confection des chemins vicinaux. L'administration de ces chemins doit être confiée à des commissions spéciales , tant pour le classement que pour la confection , l'entretien et les réparations ; la dépense en doit être prise sur tous , puisque tous y trouvent leur avantage. Les fonds nécessaires ne peuvent (94) être demandés qu’à l'impôt , à l'emprunt ou à l'amortissement dont une partie serait détournée pour cet objet : cependant l'impôt serait nuisible à la classe pauvre , l'amortissement serait préférable ; quant à l'emprunt , il ne peut présenter les mêmes inconvéniens pour les chemins vicinaux que pour la guerre par exemple. La guerre est toujours ruineuse et n'apporte aucun bénéfice , tandis que les emprunts en faveur de l’industrie sont avantageux et reproduisent promptement les capitaux. » M. Fradin (de Poitiers ). — « Une bonne statistique de la viabilité urbaine et rurale serait nécessaire pour décider la question , qui se divise en question d’arts et en voie d’exécu- tion. Examinons seulement ce dernier rapport. La commune , le canton , l'arrondissement et le département doivent fournir l'argent nécessaire aux chemins vicinaux, parce qu’ils profitent tous de l’avantage produit par ces chemins. La contribution de chacun doit être en proportion de l'avantage obtenu par chacun. Les fonds doivent être fournis par voie d'impôt ou par voie d'emprunt ; on observera même que l'emprunt devant être rendu par l'impôt , l'emprunt doit être de suite préféré, en divisant toutefois le travail de manière à rendre la charge moins onéreuse aux contribuables. La prestation en nature est à tort repoussée , sous prétexte qu’elle a de la ressemblance avec la corvée , avec laquelle elle n’a aucune analogie puis- qu'elle n’est point établie arbitrairement , et qu’elle n’est que la représentation d’une somme d’argent , en laquelle l’imposé est libre de la convertir , s’il le juge à propos. Cependant il faut convenir que le mode de la répartir a donné lieu à beau- coup d’abus de la part d’administrateurs mal habiles ; il serait possible d’en citer des exemples incontestables. Quant à l’em- ploi des fonds, au classement des chemins vicinaux entre eux, enfin à l'administration de cette partie du domaine com- mun , elle devra être confiée à une commission particulière , composée de propriétaires et de fermiers, pris en dehors de l'administration municipale mais de la localité , et particuliè- rement d'hommes de l’art qui seraient en rapport avec les con- dt mt tits (95 ) seils municipaux d’arrondissement et de département. Cette commission pourrait être chargée de tout ce qui concerne la confection , la réparation, l’entretien et la conservation de ces chemins , de la répartition suivant leur rang et les besoins de la viabilité ; les lois et règlemens de police sur cette matière seraient remis en vigueur , les contraventions de toute es- pèce étant depuis quelque temps presqu’entièrement sans répression. » Le général Dubourg insiste sur la nécessité d’éclairer les paysans sur l'avantage des chemins vicinaux. M. Verger ( de Nantes) dit que le paysan sera toujours plus disposé à fournir son travail que son argent. M. Nicias Gaillard fait observer qu'il existe sur cette matière un projet de loi dont M. Auguis a connaissance. Cet honorable membre est invité à donner quelques renseignemens à la sec- tion sur ce projet. M. Auguis (de Melle) expose l’état actuel de la législation sur la matière ; il signale les défauts de la loi du 28 juillet 1824, qui se manifestent surtout dans son mode d’exécution, duquel est résultée dans la plupart des départemens une application vi- cieuse. Il pense qu’un 40° des contributions en cas ordinaire, et un 20° en temps extraordinaire, sufliraient aux communes pour la dépense des chemins vicinaux. « Ce ne sont pas, dit-il , les » ressources qui manquent pour les chemins vicinaux , mais il » en faut faire un meilleur emploi. L'intérêt de chaque pro- » priétaire à la bonne viabilité doit être la base du taux de la » contribution aux dépenses qu’entraine l'entretien de cette » viabilité ; c’est donc la propriété ou l'impôt foncier qui doit » contribuer, c’est le seul moyen de faire disparaître l’iné- » galité qui résulte de la loï du 28 juillet 1824 , dont partie » des charges retombent avec trop de poids sur les ouvriers » des champs. M. Auguis indique aussi quelles sont les amé: » liorations que le nouveau projet de loi soumis à la discussion » des chambres apporte à l’ancienne lésislation. Il prétend que » des sommes moindres que celles fournies par les rôles des » prestations en nature, dressés dans les diverses communes, (96) » pourvoiraient aux dépenses des chemins vicinaux ; enfin » M. Auguis prétend que l'intention des législateurs de 1824 » n’avait point été de soumettre aux obligations de la loi les » communes qui ont leurs octrois. » M. Thiaudière ( de Gençay ) lit un projet de règlement sur les chemins vicinaux. M. de Givenchy : « La loi de 1824 n’a point apporté remède au déplorable état des chemins vicinaux, qui sont depuis long- temps l’objet de l'attention du gouvernement. Le projet de loi présenté par M. Vatout aux chambres , tend à remettre aux mains de commissions particulières le soin de tout ce qui con- cerne les chemins vicinaux ; ces commissions seraient établies par circonscriptions plus ou moins étendues, sous la surveil- lance des préfets et sous-préfets. Ce projet de loi est au surplus très-compliqué dans ses rouages, beaucoup d’administrateurs ruraux ne pourront la mettre à exécution. M. de Givenchy voulant donner un exemple à imiter, parle de l'administration des wathringues ou surveillans des eaux , qui existent dans les départemens du Nord et du Pas-de-Calais. Cette administration est établie sur les belles plaines formées par l'ancien Sinus Itius , devenu une des plus fertiles parties de la France, et qui possède les communications vicinales les mieux entretenues. C’est au moyen de ces watbringues que des canaux de dessé- chement et des routes en cailloutis se sont établies et s’entre- tiennent. Les arrondissemens de cette localité, notamment ceux de Saint-Omer et de Dunkerque, sont partagés en sections de dix à quinze communes ; les trente propriétaires plus impo- sés dans chaque section élisent une commission gratuite de cinq membres , pris dans leur sein , et qui se renouvellent par cin- quième chaque année par la même voie d'élection. Gette com- mission a sous ses ordres un caissier etun conducteur detravaux, payés par elle. Elle examine les travaux à faire soit aux chemins, soit aux canaux de desséchement. Le travail de la commission est soumis à une enquête de commodo et incommodo , affiché pendant un mois dans chaque commune de la section ; toutes les observations sont consignées au procès-verbal ;. enfin il est 7.) soumis au préfet du département dont dépend la section ; seu- lement alors le travail approuvé est exécuté. Une loi spéciale autorise les deux préfets du Nord et du Pas-de-Calais à ajou- ter aux contributions directes de leur département le nombre de centimes additionnels reconnu nécessaire , par suite du rapport de la commission des Wathringues sur l'évaluation et le devis des dépenses. » M. Nicias Gaillard. « La communication qui vient de nous être faite par M. de Givenchy présente sans doute beaucoup d’in- térêt ; je pense cependant qu’il importe de considérer la ques- tion sous un point de vue plus général. Quoi que puissent faire les lois sur cette matière, elles n’auront jamais qu’à opter entre les prestations en nature et les prestations en argent. Faut- il préférer l’un de ces moyens à l’autre, et quel est alors le pré- férable? Faut-il au contraire les employer concurremment ? — La prestation en nature, telle que l’a organisée la loi de 1824, présente de grands inconvéniens; non qu’il faille l’assimiler aux anciennes corvées, dont la charge , arbitrairement réglée, portait exclusivement sur le pauvre, c’est-à-dire sur celui qui était moins en état de la supporter ; mais il est difficile de la faire acquitter également et exactement. La législation actuelle n'offre aucun moyen coercitif contre ceux qui refusent de l’ac- quitter ; et les conseils municipaux sont libres de faire ou de ne pas faire, suivant qu’il leur plaît : aucune autorité supé- rieure ne peut , aujourd’hui, vaincre leur mauvaise volonté ou leur indifférence. Il faut donc, ou supprimer entièrement les prestations en nature, ou les régler par un autre système de législation. » Restent les prestations en argent. Je ne partage pas l’opi- nion de ceux qui pensent qu'il faut abandonner les communes à elles-mêmes, sous le prétexte que l’entretien des chemins vicinaux n’intéresse qu’elles, et qu’elles en profitent seules. Si toutes les communes comprenaient bien leurs intérêts, et si toutes étaient suffisamment riches, il n'y aurait point à se mêler de leurs affaires. Mais on sait qu’il y en a un grand 15 (98 ) nombre qui sont privées de ressources suffisantes. Il faut donc venir à leur secours , et, tout en utilisant leurs revenus parti- culiers, joindre à ce qu’elles ont ce que l'État et les départe- mens peuvent leur donner. D'ailleurs , il n’est pas exact de dire que les communes seules gagneront à l'amélioration des che- mins vicinaux. L'agriculture en général, de même que l'in- dustrie et le commerce , auront leur part de ces avantages. L’intérèt de tous se trouve ici dans l’intérêt de chacun. » M. Lair ( de Caen) a observé que les routes royales, à une époque peu reculée, étaient dans le plus mauvais état ; que cependant elles ont été successivement améliorées , en les divisant en plusieurs classes et en y travaillant suivant leur rang d'utilité. La même opération à l'égard des chemins vicinaux aurait le même résultat, en confiant à des com- missions les soins de surveillance, de répartition et de con- servation. M. Lair pense aussi que l'impôt seul peut être em- ployé à fournir les fonds nécessaires à cette partie des besoins des communes. M. Fradin reprenant la parole : « Au point où est arrivée la discussion, il faut admettre queles fonds de l'Etat doivent venir en aide pour la dépense à faire aux chemins vicinaux; qu’il ya lieu de combiner ces ressources avec celles que peuvent fourrir les communes elles-mêmes ; que la prestation en na- ture doit être rejetée ou n’être admise que pour une très-petite partie et dans une juste proportion avec les ressources des con- tribuables, et essentiellement rachetable ; qu’enfin l'adminis- tration de ces chemins doit être remise à des commissaires dépendans- de l'autorité , ayant des rapports avec les divers conseils des communes d’arrondissement et du département, sous linspection du préfet. » M. de la Pylaie (de Fougères) : « La première amé- lioration à apporter aux chemins vicinaux des pays de bocage, est de les découvrir par la suppression des branches d’arbres qui, en y conservant une humidité nuisible, en accélèreraient la dégradation. Il existe dans la Bretagne une grande quan- a (9%) tité de ces chemins, qui n’éprouvent jamais l'influence du soleil , qui sont créusés à plusieurs pieds au-dessous du niveau du sol voisin, et qui forment des mares ou des bourbiers qu’on ne franchit qu'avec difficulté et souvent beaucoup de danger. Cet ébranchage, continue M. de la Pylaie, est tel- lement nécessaire , que le voyageur ne peut suivre ces che- mins que le corps entièrement couché sur son cheval, au risque d’être renversé. Une prompte réforme est nécessaire dans ces chemins. » M. de la Pylaie exprime encore l’avis que le villageois ne se refusera pas à la prestation en nature, aimant mieux donner son temps que son argent. La discussion sur les chemins vicinaux étant d’une très- haute importance , et rentrant aussi dans les attributions de la sixième section , la seconde à pensé qu’une réunion de ces deux sections serait avantageuse. En conséquence , les deux sections réunies ont, dans une séance du même jour, 11 $ep- tembre, continué la discussion. SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE ; 1 HEURES DU SOIR. 2me el 6e Sections reunies. Présidence de M. BonceNNE , premier vice-président du Congrès et président de la 6e section. M. Nicias Gaillard , comme rapporteur ; 4 fait à l'assemblée un résume de ce qui a été dit sur la matière dans la séance qui a précédé. Ce résumé ne serait ici qu’une répétition inutile de ce qui vient d’être rapporté ; passant ensuite à l’état actuel de la question , M. Nicias Gaillard continue : « En définitive, il s’agit d'indiquer les moyens de se procurer les fonds où le travail nécessaires , pour avoir , en plus ou moins de temps , une bonne viabilité vicinale. A qui serà commis le soin de classer les chemins vicinaux? Qui veillera à leur entretien? Qui ré- “(100 ) partira les fonds affectés à cet usage, et comment même se procurera- t-on ces fonds ? Les avis se partagent : les uns proposent un emprunt, les autres préfèrent un impôt levé dans une juste proportion avec les ressources des contribuables; d’autres parlent de tirer des fonds de la caisse d'amortissement. D'une part on a prétendu que la commune seule devait subvenir à cette dépense ; d'autre part on a soutenu que l'arrondissement , le département et l'Etat devaient y contribuer. Quelques orateurs repoussent la prestation en nature, parce qu’elle est mal organisée par la loi , et mal appliquée par ceux qui sont chargés de l’exécuter ; d’autres au contraire ont pensé que la presta- tion en nature venait au secours des villageois qui aimaient mieux donner leur travail et celui de leurs animaux que de se démunir de leur argent; et que si la prestation en nature présente quelques abus dans son exécution , il faut seulement corriger ces abus, soit qu’ils touchent au mode de répartition, soit qu’ils se glissent dans la ma- nière dont la prestation doit être fournie. Quant à l'administration de ces chemins, quelques membres ont proposé de la remettre à des commissions prises dans les conseils communaux , d'arrondissement ou de département, sous la surveillance du préfet : d’autres veulent des commissions entièrement indépendantes et n'ayant avec l’autorité administrative que des rapports purement oflicieux, des communica- tions libres. Il en est qui proposent de former ces commissions par voie d'élection, et qui veulent établir, à cet effet, dans les arrondis- semens , des circonscriptions particulières. Tel est, dit en finissant M. Nicias Gaillard, l’état de la discussion sur la question proposée aux deux sections réunies. » M. Desvaux ( d'Angers) a observé que « dans un grand nombre de communes les chemins vicinaux sont fort mal en- tretenus , tandis que dans d’autres ces chemins sont au con- traire dans le meilleur état possible ; différence que l'orateur attribue au zèle, à l’activité, à la bonne administration de certains maires qui savent attirer la confiance de leurs ad- ministrés ; tandis que d’autres, officiers mal habiles, peu actifs , peu zélés, n’obtiennent aucunement cette confiance. De là M. Desvaux conclut qu'une bonne administration mu- nicipale , telle qu’elle devrait toujours être, obtiendrait fa- cilement de la persuasion les fonds nécessaires à la réparation des chemins vicinaux. » (101 ) M. Béranger insiste en faveur de emprunt pour faire les fonds de la dépense qu’occasioneront les chemins vicinaux. La capitale, dit-il, fournirait les fonds aux départemens. Ce prèt serait un lien de plus entre les diverses parties d’un grand Etat. M. Boncenne , président des deux sections réunies , ramène en deux mots la question à ses plus simples termes : Moyen de se procurer des fonds ; administration. M. Godefroy (de Lille ) , ancien sous-préfet , rejette comme absolument ineflicaces les moyens de. persuasion ; il rappelle un temps où l'autorité était facilement et promptement obéie : empereur connaissait peu de retard dans l’exécution des lois rendues par son gouvernement; aujourd’hui l'influence de l'autorité décroît tous les jours ; il faut donc, même dans les intérêts de la nation , trouver des moyens qui s'accordent avec l’état de choses actuel. « Le villageois sans contredit, con- tinue-t-il, tient moins à son travail qu’à son argent ; la pres- tation en nature ne doit donc pas être entièrement repoussée ; mais elle doit être utilement combinée avec l'impôt en argent, et elle sera toujours rachetable. La loi de 1824 sera doncrectifiée en ce point ; au moyen de l’impôt combiné avec la prestation en nature, et des fonds dont les communes pourront dis- poser sur leurs revenus particuliers , on obtiendra l'argent et le travail nécessaires pour les chemins vicinaux. » Quant à l'administration de ces chemins, M. Godefroy donne des aperçus qui seront exposés plus bas. M. de la Fontenelle regarde que la première opération à faire ést un bon classement des chemins vicinaux. M. Orillard, avocat à Poitiers, présente quelques réflexions qui rentrent dans l’opinion de M. Godefroy. M. Jullien (de Paris) propose. d'émettre le vœu qu'il soit fait un petit ouvrage en forme de manuel, pour éclairer les habitans des campagnes , sur le besoin et l’avantage des che- mins vicinaux, sur la méthode: la plus avantageuse de les construire ; de les réparer et de les entretenir; afin, dit ( 102 ) M. Jullien, qu’une fois bien convaincu de l’avantage d’avoir de bonnes voies vicinales, chacun d’eux püt y travailler avec succès. SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1884, 7 HEURES DU SOIR. Qme et Gme Seclions réunies. Présidence de M. BoncenNe, premier vice-président du Congrès et président de la 6m< section. Sur l'avis ouvert par M. Boncenne, l’assemblée invite M. Godefroy à formuler une proposition qui puisse être sou- mise à l’acceptation des deux sections réunies, et être présentée à la séance générale du Congrès. M. Fradin (de Poitiers) développe de nouvelles considéra- tions sur la matière ; il parle de rejeter en entier la prestation en nature. M. Godefroy et M. Fradin lisent chacun un aperçu sur les points principaux à résoudre, d’après les débats qui vien- nent d’avoir lieu. L'examen des deux projets de proposition est renvoyé à une commission composée de MM. le général Dubourg , Eugène Lelong et Bourgnon de Layre.: SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834, 10 HEURES DU MATIN. Qme pl Gme Sections reunies. Présidence de M. BoNcENNE, premier vice-président du Congrès et président de la 6e section. La commission des chemins vicinaux , après avoir examiné les travaux de MM. Godefroy et Fradin , a fait, dans une séance ( 103 } subséquente , par l’organe du général Dubourg, son rapport ainsi qu’il suit. Le général Dubourg croit devoir lire d’abord les deux pro- jets de propositions formulées par MM. Godefroy et Fradin, chacune d’elles pouvant fournir de bons matériaux pour le règlement projeté par le gouvernement. Voici la proposition de M. Godefroy : Pour arriver à des moyens efficaces de mettre en état dé viabilité les chemins vicinaux , le point de départ peut être la loi de 1824 ; cette loi offre des dispositions bonnes et utiles. Elle crée, comme ressources, 1° la prestation en nature limitée à deux journées de travail ; 2 le vote de cinq centimes communaux. Comme l’eflicacité dépend souvent de la célérité, elle donne au préfet le droit d’homeloguer le vote des prestations et des cinq centimes, sans recours aux ordonnances royales et aux conseils de préfecture ; le droit de prononcer sur les acquisitions, aliénations et échanges au-dessous d'une certaine valeur, comme aussi de vider les différends, lorsque les communes ne sont pas d'accord sur le degré d'intérêt respectif à tel ou tel chemin. Il faut ajouter à cela un moyen d'action et de coercition; où le prendre ? L'autorité des maires n’est pas sufhsante, ou elle est paralysée par maintes circonstances locales ; ils ne sont pas placés assez haut : les préfets etles sous-préfets le sont trop, en ce sens qu'ils ne peuvent surveiller de loin l’ensemble de l'exécution ; les conseils d’arrondisse- ment et de département ne s’assemblent qu'annuellement et pendant quelques jours, d’ailleurs ils n’ont pas de caractère exécutif. Il faut une commission ou syndicat chargé de constater l'intérêt respectif des communes, de classer les travaux, de maintenir leur ordre successif, de suivre leur exécution. Ce dernier rouage essentiel mettra tout en mouvement. t Ressources. — Deux journées de prestation en nature par an, ra- chetables en argent , exécutées par tâche ; Cinq centimes additionnels ; Les votes des prestations en nature et les cinq centimes n'ayant be- soin que de l'autorisation du préfet ; Fonds commun départemental fait sur les ressources ordinaires du département , et au besoin un votespécial de trois centimes additionnels ( 104 ) départementaux , que le conseil général distribuera comme encoura- gement et secours. Action. — Division de l'arrondissement en sections , dont l'étendue sera réglée en raison des circonstances de population , d'importance des travaux et des ramifications des voies vicinales intéressant plu- sieurs communes. Les chemins utiles à une seule commune resteront dans les attributions ordinaires des maires ou du conseil municipal. Par section , un syndicat de cinq propriétaires que choisira le préfet parmi les plus imposés , et dont feront de droit partie les membres du conseil municipal élus par les cantons auxquels appartient la section. Le syndicat fera d’abord le classement des chemins, qui devra être approuvé par le conseil général. Il réglera dans quel ordre les travaux seront exécutés , les évaluera , prononcera sur le degré d'intérêt de chaque commune, et réglera en conséquence son contingent, le tout sous l'approbation du préfet. Il dirigera et poursuivera l'exécution des travaux avec le concours des maires et assisté d’un agent-voyer assermenté; il sera chargé de mettre les retardataires en demeure et verbalisera , etc., etc. Il pourra établir des cantoniers assermentés partout où il le jugera convenable, Les communes mises en demeure par le syndicat soit de fournir leur contingent ; soit d'exécuter leurs travaux, le préfet fera dresser d’oflice les rôles de prestations en nature et de centimes, et chargera le syndicat de faire exécuter les travaux. Juridiction.— Les acquisitions, aliénations, échanges, expropriations au-dessous de trois mille francs, seront prononcés par les conseils de préfecture ; les empiétemens réprimés provisoirement par le même conseil, sauf débat ultérieur, pour la propriété, devant les tribunaux ; les contraventions de petite voirie déférées aux juges de paix. S'il y a discord entre deux communes au sujet de travaux pour lesquels elles doivent s'entendre, le préfet prononcera, assisté de deux membres du conseil général que cette assemblée aura désignés d'avance dans la dernière session. Le projet présenté par M. Fradin est ainsi conçu : Le Congrès émet l'opinion que la meilleure législation relative aux chemins vicinaux ou ruraux, parce qu’elle lui paraît la plus propre à en assurer la confection et l’entretien avec justice, économie et soli- dité , est celle 19 Qui en consacrera la classification , en chemins communaux allant d’un hameau à un autre et les rues d'un village ; en chemins cantonaux communiquant entre les chefs-lieux de communes limitrophes et les ( 105 ) chefs-lieux de canton; en chemins d'arrondissement communiquant des chefs-lieux communaux aux chefs-lieux d'arrondissement ; 2? Qui en confera la classification et la surveillance aux conseils d'arrondissement et de département , avec le concours des autorités locales, particulièrement des conseils municipaux ; 3° Qui repoussera comme voie d'exécution la prestation en nature, source d'abus, espèce de capitalion qui grève le pauvre : on la conser- vera tout au plus comme facultative, à l’égard de ceux qui voudraient se racheter de l'impôt par ce moyen ; 40 Qui répartira les frais de confection et d’entretien par la voie de l'impôt , suivant la classification entre les communes , les aggloméra- tions de communes formant l'arrondissement ; 5° Qui affectera au budget de l'État une réserve de l'impôt général et particulier s’il est possible , parce qu’il est équitable que toutes les natures d'impôt concourent à la dépense dont il s’agit, la viabilité étant utile à tous ; le décime établi comme subvention de guerre, pour être distribué suivant l’avis des conseils d'arrondissement et de dépar- tement entre les communes dénuées de ressources: 60 Qui établira pour l’adjudication des travaux la libre concurrence et la publicité pour le compte-rendu de la dépense; To Qui contiendra des mesures efficaces pour prévenir la détériora- tion de ces chemins. Après avoir donné lecture des propositions de MM. Godefroy et Fradin , le général Dubourg ajoute que la commission, ayant reconnu dans l’une et dans l’autre des vues utiles, et dont la méditation plus mürie pourrait donner au gouverne- ment le fondement de bonnes dispositions législatives, ne pouvant d'autre part en extraire une proposition simple et susceptible de discussion et d'adoption ou de rejet, a cru devoir se borner à conclure à ce que l’assemblée des deux sections , prenant en considération les deux projets , engageât les deux auteurs à leur donner le plus de publicité possible, mê.ne à les remettre en temps utile sous les veux des cham- bres; enfin, à ce que les deux sections réunies recommandassent ces deux projets à l'attention et anx méditations du Congrès. Cette proposition de la commission , mise aux voix, a été adoptée. 14 ({ 106 ) SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. 2me Section. Présidence de M. Lam (de Caen). Parmi plusieurs mémoires adressés à la deuxième section du Congrès par diverses sociétés savantes; le bureau a remar- qué une communication faite par la Société d’agriculture de St-Omer , département du Pas-de-Calais, transmise par M. de Givenchy, ayant pour objet un engrais dit de Damart , du nom de l’auteur qui a trouvé le moyen d’ôter à certains engrais leur mauvaise odeur. Quelques membres de la section ont pensé que l’on ne pouvait enlever aux engrais leur odeur fétide sans leur enlever une grande partie de leur eflicacité. Un autre mémoire de la même société fait ressortir les avantages des comices agricoles, et exprime le vœu que ces associations se multiplient sur tous les points de la France où elles pourront être organisées. La section a réuni ses vœux à ceux de la So- ciété de St-Omer. M. de Givenchy a proposé de rechercher quels sont les moyens les plus propres à répandre l'instruction agricole parmi la jeunesse française , et spécialement parmi les jeunes gens appelés à habiter les campagnes, à diriger les travaux de la culture. M. de Givenchy désire qu’il soit rédigé dans un style simple, clair et précis, des manuels qui contiendraient les prin- cipes fondamentaux de l’agriculture; il pense que l’on pourrait donner à ces manuels la forme d’un catéchisme, comme il Va vu pratiquer en Allemagne et en Prusse. A cette occasion M. Desvaux dit qu’il a rédigé un ouvrage de ce genre, qui a été tiré à un grand nombre d'exemplaires , et dont plusieurs éditions sont déjà épuisées. M. Babinet avait également sou- levé cette question dans une proposition qui n’a pu être dis- cutée , n’étant pas venue à temps à l’ordre du jour. L'ordre du jour appelle l'examen de la question suivante : Jusqu'à quel point paraït fondé le reproche fait au nouveau mode (107 ) de culture, ayant pour base les prairies artificielles , de diminuer la masse relative et surtout la qualité des céréales. M. Joslé, docteur-médecin , secrétaire du comice agricole de Poitiers, a dit qu’au premier aperçu l’emploi d’une plus grande quantité de terrain en prairie artificielle restreint nécessairement la quantité de terres consacrées à la culture des céréales ; que de là semblerait résulter la diminution de la quantité de ces dernières productions ; mais en considérant l’amélioration que ces terres reçoivent de la culture en prairies artificielles , et le produit en céréales que l’on en obtient lorsqu’elles sont rom- pues, on sera convaincu que ce genre de culture loin de di- minuer effectivement la masse des céréales l’augmente au contraire. Il faut cependant, pour arriver à cet heureux résul- tat, employer un assolement réfléchi et bien approprié à la nature du terrain qu'on exploite; il ne faut point mettre en prairie artificielle une terre épuisée par plusieurs autres cultu- res, ni rompre une prairie artificielle vieille et épuisée depuis long-temps faute d’engrais ou d’amendemens, pour y mettre de suite du blé sans y jeter des engrais; ce serait manquer le but et tendre à diminuer la quantité des céréales. « Il semble reconnu par tous, continue l’orateur, que le froment est en effet d’une qualité inférieure quand il est provenu d’un dé- frichement d’une prairie; surtout si c’est d’une prairie ancienne et sur laquelle on n’a pas d’abord, après qu’elle a été ouverte, cultivé aucune espèce de semence, ne fût-ce que du trèfle qu’on ne laisserait subsister qu’une année. » M. Babault de Chaumont prétend que cette mauvaise qua- lité du grain provenu d’un défrichement se manifeste dans le blé recueilli sur les défrichemens de brandes ou bruyères, parce que ces terres nouvellement ouvertes et que l’on nomme essarts, ayant été incultes trop long-temps, ont une trop grande force de végétation ; alors la paille est grosse , roide , pleine et peu propre à la nourriture du bétail ; le grain du froment est terré, glacé, ce que quelques contrées du Poitou nomment aillati , et d’une écorce plus épaisse. Dans le commerce ce blé est ordinairement repoussé. On évite aisément cet inconvénient ( 108 ) en employant, la première année, la terre défrichée à la culture de la pomme de terre , ou à quelque autre production qui de- mande plusieurs façons de binage ou sarclage ; la quantité des céréales est de beaucoup augmentée par la culture des prai- ries arlificielles. M. Eugène Lelong rapporte un fait qui confirme cette der- nière assertion. M. Fournet de Marsilly , membre du comice agricole de St- Savin, pense que la qualité est en raison inverse de la quantité, qu’ainsi il y a compensation. M. Roy (de Melle) reconnaît que le système des prairies arüficielles exerce la plus heureuse influence sur l’abondance des récoltes en céréales, et que dans l'arrondissement de Melle (Deux-Sèvres) , On n’a jamais remarqué que la qualité en eût subi quelque altération. M. Fouquet père , envoyé du comice agricole de Mirebeau (Vienne) , parle des bons effets obtenus par un hersage éner- gique donné au froment, au printemps, sur un rompis de prairie artificielle. MM. de Fayole, Bobin et Bonnin ont également déclaré qu’ils n’avaient jamais remarqué que les blés récoltés sur des rompis de prairies artificielles aient été d’une qualité inférieure, et qu’ainsi que la distinction en avait été faite plus haut , il ne fallait pas confondre les rompis de prairies artificielles avec les défrichemens de brandes ou landes. M. Jozeau (de Niort) dit qu'ayant adopté depuis 30 ans le système des’ prairies artificielles sur un domaine dont le fonds est argilo-calcaire, et qu'ayant réduit de plus d’un tiers l’éten- due des terres semées en céréales, il a cependant obtenu un résultat plus avantageux , ayant récolté une quantité de grains supérieure à ce qu’il recueillait avant sa nouvelle méthode ; la qualité du grain en était si peu altérée, qu'ayant fait semer l’année dernière une espèce de froment de Flandre dit blanc- zée, à la suite immédiate du rompis d’un sainfoin qui était à sa onzième année sur un terrain calcaire (groie) , il ya recueilli une moisson de dix-neuf pour un , et d’une telle qualité , que (109 ) tout le grain en a été vendu au-dessus du cours ordinaire ; un plant de colza qui avait d’abord été semé sur ce terrain , et qui était trop épais, fut enfoui lors de l’ensemencement du blé. D'après ces divers renseignemens qui ont été généralement reconnus pour vrais, la section consultée a adopté les deux propositions suivantes : 1° Le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base les prairies artificielles, de diminuer la masse relative des céréales , n’est pas fondé ; 2° Le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base les prairies artificielles, de diminuer la qualité des céréales, n’est pas fondé. La section arrête également que ces deux propositions adoptées seront soumises à la sanction de l'assemblée générale du Congrès. M. Jérémie Babinet (de Lusignan) a déposé sur le bureau des feuilles de nicotiana agrestis | ou tabac cultivé par M. Ri- vault fils, de Venours, commune de Lusignan. La grandeur et la vigoureuse végétation de ces feuilles, qui ont été détachées d’une plante qui n’a recu qu’un labour ordinaire, prouvent que sans les obstacles mis à la culture de cette production, elle réussirait parfaitement dans les départemens de l'Ouest. M. Aimé Fradin a présenté une proposition tendante à presser la rédaction d’un nouveau code rural, ou tout au moins la réunion en un seul recueil des diverses lois et règlemens sur la matière qui sont aujourd’hui en vigueur. La section ayant adopté cette proposition et arrêté qu’elle sera soumise à la réunion générale , le texte en sera reproduit dans l'analyse des travaux de la séance générale. Un mémoire sur la carie des grains et sur les moyens de l'éviter a été présenté à la section par M. Lhuillier-Duché, doc- teur-médecin de Poitiers. Le préservatif est , suivant M. Lhuil- lier-Duché, une dissolution de sulfate de cuivre dans l’eau. M. Desvaux, chargé du rapport de ce mémoire , ajoute que plusieurs faits de cette nature ont déjà été recueillis. La section a pris en considération le document fourni par M. Lhuillier. (110 }) SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Lair (de Caen). Dans un mémoire sur la navigation de la Loire, M. de la Pylaie a fait sentir la nécessité urgente d’un canal latéral de la Loire , par lequel on éviterait les dangers des bancs de sable et des débâcles de glaces ; on remédierait encore par le canal latéral , à l'inconvénient de la diminution des eaux, qui man- quent presque entièrement en été. Que si l’on ne pouvait quant à présent réaliser cette entreprise, il serait au moins possible de continuer le canal commencé , qui irait du port de Pornic au lac de Grand-Lieu, où une grande masse d’eau fournirait une gare naturelle pour les bâtimens marchands, et même pour les vaisseaux de l'Etat , dans les momens où les gros temps viennent fermer l’entrée de la Loire. Cette entreprise est facile à achever, et la dépense en serait vite récupérée. Quant au moyen employé à Nantes pour forcer les eaux à re- creuser le lit de la Loire , moyen qui consiste à construire dans le lit même des murailles à pierres sèches , ce moyen est in- suffisant. La section prend en considération le mémoire de M. de la Pylaie. Cet objet de haut intérêt a aussi été abordé par M. Verger (de Nantes), qui a lu un mémoire sur la navigation de la Loire, duquel sont résultées deux propositions formulées ainsi qu’il suit : 1° Sans entrer dans l'examen des moyens d'exécution, la section émet le vœu que des travaux soient incessamment entrepris pour améliorer le canal de la Loire, soit par un canal latéral, soit par toute autre voie, soit pour établir un chemin de fer de Nantes à Orléans ; 2° Et si ces grands travaux ne pouvaient avoir lieu, la section émet le vœu que des études soient faites pour la canalisation du Loir, dont la ligne pourrait être poussée à une petite distance de Rambouillet , où un chemin de fer viendrait réunir ce canal à Paris. La section consultée a adopté ces deux propositions, et CAT arrêté qu’elles seraient soumises à l'assemblée générale du Congrès. M. Guépin lit une notice sur l'utilité d’un chemin de fer de Nantes à Poitiers; l'avantage qui en résulterait serait immense. M. Guépin énumère les diverses cités et les différens bourgs de la Vendée qui profiteraient des avantages de ces voies de com- munication ; elles diminueraient , dit l’orateur , l'influence du presbytère et du château, tout-puissans encore dans ces belles contrées. Il demande en conséquence : . Que le Congrès recommande aux conseils généraux et des arrondisse- mens de la Loire-Inférieure , de Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Vienne, et aux conseils d’arrondissemens et de départemens, aux économistes, aux ingénieurs, et à tous ceux que cet objet peut intéresser, l'étude d’un chemin de fer de Nantes à Poitiers. Gette proposition mise aux voix a été adoptée, et il a été arrêté qu'elle serait transmise à la réunion générale du Congrès. M. Desvaux. « L’une des causes qui empêchent le plus puis- samment l'usage général des nouveaux instrumens aratoires, est le prix dont sont toujours ces nouveaux instrumens ; le petit cultivateur n’ose risquer une pareille somme sans être assuré du résultat ; le gros propriétaire voit de grandes avances à faire , puis la difficulté dans les réparations de ces instru- mens , et la vieille routine gagne toujours autant de temps , qui est perdu au préjudice des bonnes méthodes. » M. Desvaux avait depuis long-temps été frappé, comme tout le monde, de ces divers inconvéniens qui s’attachaient aux instrumens de la nouvelle agriculture ; il avait, dans la séance du 10 septembre, présenté un mémoire sur la nécessité de créer un instrument de labour, simple, qui püt être facilement construit par le plus grand nombre des cultivateurs , qui pût aussi , au moyen de légères modifications , être propre à toute espèce de terrains , dont le prix ne s’élèverait pas à plus de 15 à 30 fr., et qui cependant püût produire un aussi bon labour que les charrues perfectionnées des meilleurs cultivateurs de notre époque. M. Desvaux désire que le gouvernement propose (112) un prix assez considérable pour celui qui exécuterait cet instrument. M. le président Barbault de la Mothe avait été chargé de l'examen de ce mémoire , et de la proposition qui en résultait. M. Barbault ayant fait à la section son rapport sur le mémoire de M. Desvaux , la discussion s’ouvre. M. Joslé observe que le prix des nouveaux instrumens d'agriculture , surtout des charrues , provient de la main- d'œuvre, et non de la valeur des matériaux employés à leur construction , quelques-uns étant presque entièrement en bois. M. Aimé Fradin modifie la proposition de M. Desvaux , en demandant seulement que les sociétés et comices agricoles soient appelés à porter leur attention sur cet objet. M. Jozeau, discutant sur la meilleure forme à donner aux charrues , pense que l’avant-train est utile. M. Bobin de la Miletterie croit au contraire que si l’avant- train n’est pas nuisible , il est au moins sans utilité. M. Babault de Chaumont pense que le mérite principal des nouvelles charrues étant dans la perfection du versoir, ce serait faire un grand pas que d’obtenir des cultivateurs qu'ils adaptent au moins ces versoirs à leurs charrues impar- faites. La section a arrêté que la proposition de M. Desvaux, modifiée par M. Fradin, sera recommandée à l'attention et à la sollicitude du Congrès ; cette proposition a été ainsi for- mulée : Le Congrès considère qu’il est d’un haut intêrèt d'inviter les sociétés et les communes agricoles de France à proposer un prix à l'inventeur d’un araire du prix modéré de 18 à 30 fr., d’une construction solide, simple et facile, réunissant aux avantages des autres instrumens ara- toires pour le bon ameublissement des terres, celui de convenir à tous les sols, en changeant seulement la dimension des parties. Cette proposition a été adoptée. (118) SÉANCE DU DIMANCHE 1# SEPTEMBRE 1834, TENUE A LA MILET- TERIE. É Présidence de M. Lam (de Caen). Dans toutes Les sciences et en agriculture surtout, la pratique doit être jointe à la théorie ; on s’exposerait autrement à bien des mécomptes. La deuxième section du Congrès ayant ac- cepté l'offre faite, dans une de ses premières séances, par M. Bobiu, c’est sur la ferme de la Miletterie , située route de Poitiers à Limoges , appartenant à cet agriculteur, que le 14 septembre , et par la plus belle matinée, la section s’est réunie en séance champêtre pour éprouver quelques instrumens ara- toires. Des moyens de publicité avaient été employés pour appeler à cette épreuve tous les cultivateurs des environs ; la réunion était nombreuse ; une grande quantité de charrues de toutes sortes, soit nouvelles, soit anciennes, modifiées, étaient exposées à l'examen des amateurs d'agriculture. Une charrue nouvelle , 'la charrue Rozé, était surtout l’objet de la curiosité publique. M. Bobin, qui l'avait nouvel- lement reçue, s'était empressé de la mettre à la disposition de la section. Un autre instrument dont la réputation est encore plus étendue, le semoir et le sarcloir de M. Hugues, avait aussi été remis à la section par la société d'agriculture de Poitiers, qui l’avait reçu au moment de l'ouverture du Congrès, et n’avait encore pu en faire usage. M. le président de cette société avait obtenu de M: Hugues que son moniteur, M. Goddard, vint lui-même diriger le premier emploi de ce semoir. Tout con- courait à donner de la solennité à cette conférence publique de la pratique et de la théorie. D’autres instramens, tels que l’ex- térpateur , la houe à cheval , le rayonneur, la herse-Maronel ou tricycle aux longues dents de fer sur des montans en bois, et pouvant creuser la terre plus ou moins profondément au moyen de hausses ajustées exprès, ont été aussi mis en œuvre ou soumis à l'examen. Enfin trois araires du Poitou aux- quels on avait adapté des versoirs en bois contournés com- 15 (114) me ceux des charrues nouvelles, prouvèrent combien il serait facile d'améliorer cet araire, et à peu de frais; ces derniers instrumens furent présentés par M. Nicolas, agriculteur du canton de Gençay ; le prix en serait à peu près de 30 fr. Tous les autres instrumens appartenaient à M. Bobin et ve- naient de sa ferme de la Miletterie ; une grande partie y ont été fabriqués (1). M. Joslé , secrétaire du comice agricole de Poitiers, a été chargé de faire à la section, dans la séance de demain, le rapport circonstancié des opérations qui ont eu lieu dans cette journée. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Lair (de Caen). A cette séance, M. Babault de Chaumont demande qu'il lui soit permis d'adresser, au nom de la deuxième section, des remercimens à M. Bobin pour la complaisance avec laquelle ila mis à la disposition des commissaires de cette section , ses terres, ses attelages et ses gens de service ; ceux-ci, par leur activité , leur intelligence et leur expérience dans la manière dont ils manœuvrent les nouveaux instrumens, ont prouvé que M. Bobin, sentant bien toute l’étendue de la mission d’un bon agriculteur, ne se borne pas à faire exécuter des instrumens aratoires , mais qu’il forme aussi des bras pour les mettre en œuvre. M. Lair a dit qu'il était porteur d’une médaille que la so- ciété d'agriculture de Caen adresse au Congrès de Poitiers, pour qu’elle soit remise, à titre de récompense et comme encou- ragement, à celui qui, par des services rendus, soit à l’agricul- ture , soit au commerce , soit à l’industrie , aura mérité cette marque de distinction. M. Lair propose donc de faire remettre à M. Bobin, tout à la fois agriculteur et industriel , en séance (x) M. Bobin livre au plus juste prix toutes les espèces de charrues qu'il fait fabri- quer. Il ne fait point de ces fournitures une spéculation commerciale , mais seulement un acte d’obligeance toute dans l'intérêt de l’agriculture. (115) générale et par M. le président même du Congrès , cette mé- daille, comme un encouragement et un témoignage de consi- dération. Cette proposition est adoptée par acclamation ; en conséquence , il est arrêté que M. le président du Congrès sera prié d’offrir , à la séance générale , la médaille à M. Bobin. M. Joslé, dans son rapport , s’est exprimé comme il suit : « Messieurs, le bureau de la section d'agriculture du Congrès m'a fait l'honneur de me choisir pour vous rendre compte de ce qui s’est passé hier à la ferme de la Miletterie, dans l'essai des diverses charrues ét autres instrumens aratoires qui a été fait. N'attendez pas de moi un style correct et châtié; ces réflexions ont été écrites currente calamo, je vous demande votre indulgence. » Dans notre réunion, nous devons constater une fois encore la su- périorité tranchée des nouveaux instrumens aratoires perfectionnés, et faire de nouvelles expériences sur certains points controversés de mécanique agricole; nos observations d’hier pourront servir à porter de nouvelles lumières dans les esprits chancelans encore dans leur conviction. » Nous ne pouvions faire d'expérience sur un très-grand nombre de charrues ; mais celles qui étaient à notre disposition réunissent à peu près tous les systèmes aujourd’hui connus. Nous pourrions déduire de nos dernières observations des conséquences applicables à beaucoup d’autres. Nous dirons même que nos expériences ont eu principalement pour but de constater la différence de labourage entre la charrue ou araire simple , sans avant-train , et les charrues munies de ces acces- soires. » L'objet de nos premières observations est une charrue Rozé avec avant-train, établie d’après le système américain, c’est-à-dire dont le soc est superposé sur le versoir, avec lequel il s'adapte, et y est fixé au moyen de deux boulons. Tout le corps de la charrue n’est composé que de trois pièces en fonte : le soc, le versoir et le sep. Ce dernier , disposé de manière à offrir le moins de surface pour les frottemens, est placé de champ, et ne touche horizontalement la terre que par un point fort étroit. Avec le versoir est fondue une pièce montante per- pendiculairement , faisant corps avec lui, qui sert d’étançcon en avant pour fixer le corps de la charrue à l'age; c’est à l’extrémité antérieure de cet age qu'est placé le petit avant-train de la charrue, ce qui est d’une simplicité remarquable; une pièce de bois de 20 pouces environ de largeur est fixée transversalement sur l’age au moyen d’un simple boulon. Cette pièce de bois est percée, à chaque extrémité, d’une mor- (116) taise perpendiculaire, dans laquelle viennent se loger deux crémail- lères en fer, auxquelles sont adaptées les roues de l'avant-train. Sur la pièce de bois sont fixées deux clavettes qui passent dans les trous des crémaillères et qui permettent d'élever ou d’abaisser l’age de la char- rue , ou de fixer une roue plus bas ou plus haut que l’autre, à la vo- lonté du laboureur, et selon que l’exigent les circonstances du Jabou- rage. Le régulateur de celte charrue est fort, très-solide et très-fixe ; je ne m’arrête point à le décrire. » Celle charrue a été mise en action par un attelage de deux forts bœufs, conduit par un ouvrier exercé. Le Congrès doit à l’obligeance d’un de ses membres, M. de la Massardière, la communication d’un dynamomètre qui a servi puissamment à la précision de nos observa- tions. J'aurais également à vous parler des nombreuses obligations que la section doit à l’obligeance de M. Bobin, si déjà le secrétaire de la section ne Jui en avait hier, en séance générale, témoigné toute notre gratitude. » Enfin le travail a commencé : les deux premiers sillons ont été tracés sans l'instrument indicateur de la force de traction; ce n’est qu’à la seconde tournée que cette force a été mesurée. La profondeur du labour était de 15 à 18 centimètres ; la largeur de la bande de terre enlevée était de 21 centimètres, dans une terre peu forte à raison de sa nature sableuse, mais offrant cependant une consistance moyenne. La force moyenne de traction avec le coutre et l’avant-train a élé de 330 kilogrammes, ou 660 livres; sans le coutre, il y a eu une légère différence en moins; enfin , sans coutre et sans avant-train , la charrue réduite ainsi en simple araire perfectionné, donne , pour moyenne ré- sistance au tirage, 230 kilogrammes ou 460 livres. » Voilà des chiffres ; ils doivent être concluans, et démontrer, sans autres raisonnemens, combien J’avant-train fait perdre de forces à l’attelage. Maintenant le labour est-il plus parfait avec des charrues à roues qu'avec l’araire simple ? Chacun de nous a pu observer qu'il n’y avait aucune nuance de différence entre ces deux labours , et que même l’ouvrier conduisait avec plus de facilité la charrue devenue araire, que lorsqu'elle était munie de son avant-train. Et d’ailleurs, y eût-il quelque différence, elle ne peut jamais compenser l’avantage que nous avons reconnu dans le tirage ; il est vrai de dire que le système d’a- vant-train n’est pas le même dans la charrue Rozé que dans les autres. Mais nous verrons tout à l'heure dans la charrue Grangé que , malgré que l'effort de pression soit bien allégé par la puissance des leviers, le dynamomètre a marqué des chiffres encore plus forts, et en eflet cet avant-{rain Rozé donne encore moins de tirage que les autres. Je le (M7 y regarde déjà comme un commencement de suppression de cet accessoire, et comme une nuance de transition pour amener les entêtés à l’araire simple. » En général, le travail de la charrue Rozé, avec ou sans avant- train, m’a paru offrir toutes les conditions d’un bon labour ; la raie est bien ouverte et la bande de terre bien retournée, le fond du sillon bièn égal; la charrue en araire a de l’aplomb et de l'assiette en terre, et présente l'avantage de pouvoir recevoir des socs en fonte qui coûtent un franc vingt-cinq centimes, ce qui est fort à consi- dérer. N » La seconde charrue essayée a été confectionnée dans les ateliers de M. Bobin, montée entièrement d’après le système de M. Rozé avec le même régulateur, mais ayant pour corps de charrue des fontes de Mondon, forge du Berry ; l'effort de traction, terme moyen, a été à peu près le même que celui de l’araire Rozé, c’est-à-dire de deux cents à deux cent cinquante kilogrammes. Mais il faut dire que le laboureur ne prenait pas autant de largeur de raie , et qu’il fouissait peut-être un peu plus profondément que le conducteur de la première charrue. Du reste, bon labour, terre bien ameublie, bien retournée, mais la raie un peu moins nette et un peu moins large. . » Enfin, les dernières expériences ont été faites avec la charrue Grangé. Cet instrument a déjà eu tant de célébrité dans le monde agri- cole, que la description en serait superflue. Son effort de tirage au dynamomètre a été de 300 à 350 kilogrammes ou 600 à 700 livres, ce qui est déjà un grand inconvénient, comparaison faite de cet instru- ment avec ceux dont il vient d’être parlé, dont l'effort de tirage n’est que de 200 à 250 kilogrammes. La complication de ses leviers et de son avant-train ne peut non plus soutenir la comparaison avec la simplicité de l’araire. Le labour qu'elle fait est bon ; mais, malgré qu’eMe doive marcher seule , il est certain que quand elle sort de sa direction, il est difficile de l'y faire rentrer; enfin elle est difficile à régler, elle prend une bande de terre dont on ne peut pas aisément fixer la dimension. Soit inexpérience des conducteurs , soit autre cause, des trois labours qui ont élé faits, celui de la charrue Grangé a été le plus irrégulier ; il ne faut cependant pas en induire que ce soit un mauvais instrument. Dans un pays où l’on se sert habituellement d'énormes charrues à avant-train , celle-ci a dû produire un bon effet. Mais l’araire simple paraîtra toujours préférable à toute autre complication , parce qu'avec cet araire convenablement modifié, selon la nature des terres , On peut exécuter toutes sortes de labours avec le moins d’efforts possible. » Au travail des charrues a succédé celui du semoir de M. Hugues. (18) Cet instrument a déjà, aussi lui, fait grand bruit en France, et je le crois destiné à opérer une grande révolution partout où des impossi- bilités matérielles ou sociales ne s’opposeront pas à son emploi. Je ne prétends pas discuter ici la question de savoir si les semences au se- moir sont plus avantageuses qu’à la volée, parce que je sortirais des bornes que je me suis tracées. Maïs je dois dire que l'instrument de M. Hugues m'a paru fonctionner parfaitement bien, et que tous les semoirs que j'ai vus jusqu’à présent ne m’avaient donné qu’une idée fort imparfaite de ce qu’on pourrait faire avec de tels instrumens. Je ne vous ferai point une description de celui qui a fonctionné hier ; elle ne donnerait point une juste idée de l'instrument que M. Goddart, moni- teur envoyé par M. Hugues, vient de vous faire connaître avec détail. Vous avez pu voir avec quelle fixité il marche, comme la graine est bien placée et régulièrement espacée , exactement recouverte dans la terre , et que malgré que le hersage du terrain n'ait pu, à cause de la sécheresse , s’opérer aussi régulièrement qu’on aurait pu le désirer, sa marche a été très-régulière et sans entraves. Le conducteur a mis en- viron vingt minutes à ensemencer huit ares. Cette expérience , incom- plète quant ‘aux résultats ultérieurs , a sufñ cependant pour montrer la marche franche , bardie et efficace de l'instrument : c'était le point capital à démontrer. » Plusieurs herses de diverses constructions ont aussi fonctionné. Nous en avons remarqué une à roues dont l'effet doit être fort éner- gique dans des terres préparées. L’extirpateur , la boue à cheval, le rayonneur ont pu être examinés par les nombreux assistans à cette solennité agricole , qui devra, je l'espère, donner une nouvelle impul- sion à notre agriculture, grâces aux honorables hôtes qui sont venus nous éclairer de leurs lumières. » Je regrette, Messieurs , que le temps m'’ait pressé si fort dans ma rédaction, et qu’il me force à borner là mon récit et mes courtes obser- vations; malgré tout, je crains encore d’avoir trop long-temps occupé vos précieux momens. » Ce rapport terminé, la discussion s’est élevée sur les consé- quences à en tirer. M. Joslé repousse entièrement l’usage de lavant-train des charrues, comme augmentant la résistance de l'instrument, en rendant sa direction plus difficile et éle- vant aussi son prix. M. Bobin partage entièrement son opinion. MM. de Fayole et de la Fontenelle (de Poitiers). né tendent que dans les terres fortes et pierreuses il est impossible (119) de supprimer l’avant-train, que d’ailleurs l’araire simple est plus difficile à conduire que la charrue à avant-train , et qu'il est moins aisé de trouver des ouvriers qui labourent à la perche que des ouvriers qui labourent à la charrue. M. Babault de Chaumont observe que le plus grand incon- vénient du labourage sans avant-train, quand on se sert de l'areau du pays, est qu’un ouvrier peu expérimenté peut blesser les animaux de trait avec la pointe du soc ; mais que ce danger disparaît avec les charrues nouvelles , dont le mode d’attelage éloigne assez les animaux de tire pour qu’ils ne puissent jamais être atteints par le soc. Plusieurs autres membres donnent leur avis contre les char- rues à avant-train. M. Lair ( de Caen) pense que les charrues à avant-train devront toujours être conservées dans les fortes terres de la Normandie. La section consultée croit ne devoir pas prendre de déci- sion sur un point de discussion qui n’est pas encore suscep- tible de recevoir une solution positive; et qu’il suffit de con- stater le fait matériel qu’une charrue sans avant-train offre moins de résistance qu’une charrue à avant-train. L'idée de lier l’une à l’autre les parties diverses qui con- stituent la force publique, surtout celles destinées plus parti- culièrement à maintenir l’ordre et la police intérieure, a fait naître le projet de donner aux gardes champêtres une organisation plus régulière. M. Laubier ( de Melle ) a donc fait une proposition tendante à ce résultat , dont l'effet serait d'obtenir de ces agens un service plus actif et plus régulier. M. Nicias Gaillard demande la parole sur cette proposition. « Les améliorations que la proposition tend à consacrer, dit-il, ont souvent été sollicitées; si l'institution des gardes champêtres n'a pas, jusqu’à présent , porté les fruits qu’on en devait espé- rer, cela tient aux vices que la proposition signale, en indiquant les moyens d’y remédier. » Vous voulez qu’un homme remplisse ses devoirs , faites ( 120 ) d'abord qu'il ait intérêt à les remplir. Si donc il est possible d'élever la somme modique allouée aux gardes champêtres, ce sera une première garantie pour la société, et, pour eux, un premier moyen de défense contre les tentations que trop sou- vent ils ont à vaincre. Il leur sera plus facile de repousser ce qu'ils gagneraient à ne pas faire leur devoir, quand ce qu’ils recevront pour le faire suflira à leurs besoins. » Mais il importe surtout d'organiser une surveillance active et de tous les jours, Les procureurs du roi, que la loi donne comme surveillans aux gardes champêtres, sont trop au- dessus d’eux : les maires sont mieux placés ; mais l'expérience a prouvé qu’il y avait de leur part beaucoup de négligence et de faiblesse. IL faut une surveillance particulière, une sub- ordination hiérarchique, une discipline en quelque sorte militaire. Une institution qui réunirait tous les gardes cham- pêtres d’un canton en une brigade commandée par le garde champêtre du chef-lieu , aurait, sous ce rapport, les avan- tages qui manquent à l’organisation actuelle. Elle produirait aussi cet excellent effet de mettre de l'unité dans les opéra- tions; chaque brigade agirait, au besoin, comme un seul homme. » C’est à une telle organisation que nous devons tous les ser- vices que rend la gendarmerie. Détruisez ses compagnies , ses. brigades, divisez les gendarmes par commune , sans supérieur immédiat, sans aucun lien de discipline, l'institution perdra toute sa force. » Les motifs qui me font approuver la proposition , me con- duisent même à l’étendre. Comme au-dessus des gardes cham- pêtres des communes , elle établit un brigadier au chef-lieu de canton; de même, je voudrais au chef-lieu d’arrondissement un homme plus élevé en dignité , qui aurait tous les brigadiers de l’arrondissement sous ses ordres. L'organisation des gardes champêtres suivrait aussi les divisions administratives; et la surveillance , partant de plus haut , assurerait contre les bri- gadiers eux-mêmes les garanties déjà acquises contre les sim. ples gardes. ( 121 ) ï Quant à cet homme plus élevé en dignité, ilexiste déjà : le lieutenant de gendarmerie aurait sous ses ordres les gardes champêtres de l'arrondissement ; et ces deux institutions qui, considérées sous le rapport de la police judiciaire, concourent au même but, se trouveraient rattachées l’une à l’autre par leur organisation. » Par suite de ces observations et d’un amendement de M. Fradin, la proposition est ainsi formulée : Le Congrès, reconnaissant que l’organisation actuelle des gardes champêtres s'oppose à ce qu’ils puissent rendre tous les services qu’on était en droit d'attendre de cette institution , notamment dans l'intérêt de l’agriculture, émet le vœu qu’il y ait un garde champêtre par chaque commune ; Qu'il reçoive un traitement plus élevé ; Qu'il y ait au chef-lieu de chaque canton un brigadier sous les or- dres et la surveillance duquel soient placés tous les gardes champêtres du canton , et que les brigadiers de chaque canton soient eux-mêmes sous la surveillance et les ordres du lieutenant de gendarmerie de l’ar- rondissement. 3 La section a également arrêté que cette proposition sera pré- sentée au Congrès en séance générale. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Lair (de Caen). Des remercimens ont été adressés par M. le président à M. Goddart, moniteur envoyé par M. Hugues, pour la ma- nière lumineuse dont il a expliqué; à plusieurs reprises, dans diverses séances , le mécanisme du semoir Hugues, et la ma- nière dont il faut l’employer. Un mémoire sur un nouveau procédé de vinification a été présenté à la section par M. Élie Dru (de Parthenay). M. Jo- zeau (de Niort), chargé de l’examiner, en a fait le rapport, dans lequel il a expliqué quels nouveaux moyens ont été ima- ginés par M. Elie Dru pour obtenir une fermentation plus favorable à la qualité du vin; ces procédés sont consignés dans 16 (122) un ouvrage imprimé et répandu par M. Elie Dru , il est mu- tile de s’y arrêter plus long-temps. La section a arrêté qu'il serait fait au procès-verbal mention honorable du mémoire. M. Desvaux , chargé du rapport d’un mémoire de M. Lhuil- lier-Duché, docteur-médecin à Poitiers, ayant pour objet le chara, a remis sur le bureau une note écrite de laquelle il résulte que le chara a été l’objet de renseignemens plus ou moins exacts, de relations plus ou moins exagérées ; quel- ques auteurs ont pensé que c'était une espèce de crambé. Mais alors disparaissent les qualités merveilleuses que l'antiquité lui attribue. IL serait donc assez curieux de faire, ainsi que le dé- sire M. Lhuillier-Duché , de nouvelles recherches pour recon- naître la plante qui nous représente aujourd’hui le chara des anciens. M. Jullien (de Paris), après avoir fait sentir que les monts- de-piété qui ont été institués dans le principe pour le soulage- ment des malheureux, sont au contraire, par la mauvaise di- rection qui leur est donnée, la cause de leur ruine, propose au Congrès d'adopter cette proposition : « Le Congrès appelle l'attention du gouvernement et des amis de l'humanité sur la situation actuelle des établissemens connus sous le nom de monts-de-piété , et sur la nécessité d'en extirper les nombreux abus qui corrompent cette institution. » La proposition ainsi formulée est adoptée, et a été soumise à la sanction de l'assemblée générale du Congrès. Une notice de l’académie royale des sciences, arts et belles- lettres de la ville de Caen, extraite d’une séance publique du jeudi 17 avril 1834, présidée par M. Lair , a été offerte par ce dernier à la deuxième section du Congrès. Cette notice a pour objet le moyen éprouvé depuis long-temps de conserver pen- dant quelque temps, dans les champs, au moment de la mois- son, et après qu’il est coupé, le blé sans qu'il se gâte, lors même qu'il y aurait beaucoup de pluie. Ce moyen est de le mettre en meulettes : la notice indique la manière d’opérer. Cet ouvrage est assez répandu. La section ordonne mention honorable au procès-verbal. (183 ) La section a terminé ses travaux en s’occupant d’un sujet d’une haute importance pour l'agriculture et l’industrie. IL s'agissait d'examiner quels seraient les moyens de diminuer , en faveur de l'agriculture et du commerce , le taux de l’intérét de l'argent. En annonçant que l’ordre du jour appelle l’examen d’une question touchant d’aussi près à la prospérité d'une grande portion de la population, M. Babault de Chaumont à ‘dit qu’il existait en France une grande masse de numéraire dont on ne trouvait que très-difficilement l'emploi ; que cette abondance d’argent en aurait dû faire baisser l'intérêt, mais qu’elle n’avait produit qu’une élévation extraordinaire dans le prix des propriétés immobilières, dont la valeur tout-à-fait hors de proportion avec les revenus que ces propriétés produisent, rend de plus en plus nécessaire la diminution du taux de l’ar- gent resté en circulation. Car, si la grande augmentation dans la valeur des immeubles devient favorable aux progrès de l’agri= culture, ce ne sera qu’autant que les propriétaires, et surtout les agriculteurs, trouveront facilement, et à un intérêt modéré, les moyens de faire les avances souvent nécessaires pour mettre les terrains en état de produire, et pour subvenir aux pertes imprévues. Enfin, relativement au commerce, quand le prix de tout ce qui en fait l’objet éprouve une baisse considérable, ne serait-il pas juste et nécessaire que l'argent , représentatif de tous objets de commerce, subit aussi une diminution dans l’in- térêt qu’on en retire? L'agriculture et le commerce trouveraient donc un avantage à ce qu’il fût imaginé un moyen de baisser le taux de l’intérêt de l'argent. Pour y parvenir, il faut trouver, pour le prêteur, garantie et bénéfice modéré ; pour l’emprun- teur, facilité pour fournir cette garantie et arriver à se li quider. Plusieurs propositions ont été faites par divers membres de la section. Le général Dubourg a pensé qu’il fallait établir , par circon- scriptions assez bornées , des banques prêtant à un taux peu élevé. Deux projets ont surtout fixé l’attention de la section ; l’un (124) de M. Bouriaud, négociant à Poitiers, dont voici l'extrait : Banques locales établies sur des bases dont les principales sont la création d'actions , non-seulement en numéraire, mais en sommes tri- ples en valeurs hypothécaires, produisant un intérêt relatif. — Ces ban- ques , dont le chef-lieu serait celui du département, seraient confiées à des directeurs et à des comités de surveillance nommés par les action- naires eux-mêmes ; elles seraient autorisées à mettre en circulation des billets payables à vue avec endossement ; il y aurait unité dans la confection de tous les billets de banques départementales ; elles escomp- teraient les papiers du commerce offrant les garanties exigées. Leurs bénéfices se composeraient d’une légère commission sur les comptes , sur l'argent prêté, et du profit de leurs billets en circulation. Pour favoriser l'établissement de ces banques , le gouvernement serait in- vité à renoncer aux droits d'enregistrement , ou tout au moins à con- sentir à leur réduction, et à abréger en faveur de ces banques les for- malités pour la vente des propriétés qui leur seraient données en hy- pothèques. La caisse d'amortissement pourrait, avec toute sécurité, ouvrir un crédit aux banques départementales, qui toutes correspon- draient entre elles, ainsi qu'avec la banque de France. M. Bouriaud , en déclarant qu’il n’a fait que modifier un projet présenté aux chambres en 1828, peuse que ces banques faciliteraient les opérations du commerce, aideraient à l’agri- culture , utiliseraient des fonds oisifs, et augmenteraient ceux qui sont en circulation; ainsi tout éprouverait l’heureuse in= fluence que recevraient le commerce et l’agriculture. M. Fournet-Marsi!ly observe que dans son projet M. Bou- riaud a plus songé aux commerçans qu'aux propriétaires et aux agriculteurs, à ceux qui prètent qu'à ceux qui sont forcés d'emprunter. Il croit devoir envisager la chose dans ses rap- ports avec les besoins de la petite propriété, et venir au secours de ceux qui , n’ayant que peu de gages à donner, trouvent aussi peu de crédit. Après avoir successivement représenté toutes les chances malheureuses que peut courir le propriétaire, soit par la perte de ses récoltes par des accidens imprévus, soit par la perte de ses bestiaux, etc. , et celles plus nombreuses encore qui peuvent accabler le commerçant qui, dans sa plus grande détresse, doit encore conserver l'apparence de la prospérité pour conserver la confiance ; après avoir parcouru les diverses (125) manières d'emprunter, et qui se réduisent à trois principales, M. de Marsilly formule ainsi sa proposition : Le Congrès pense que pour obtenir sur l'intérêt de l'argent une réduction progressive, il serait utile que le gouvernement intervint dans les besoins du propriétaire de la manière suivante : Chaque emprunteur devrait fournir sur ses biens, en vertu de titres obligatoires ou de rentes , une inscription égale à la somme qu’il rece- vrait, sans qu’elle püt dépasser les trois-quarts de l'estimation cadastrale de ces biens. La somme lui serait comptée en billets de banque, dont il paierait les intérêts à son percepteur, par douzième , à raison de quatre et demi pour cent par an. Ces billets payables au porteur chez le receveur général , provien- draient d’une banque territoriale qui serait établie dans les bureaux du receveur général ; ils porteraient un talon où quelques lettres ini- tiales signaleraient le contrat dont ils représenteraient la valeur; le talon resterait déposé à la recette générale. Le signalement de chaque billet émis serait envoyé à tous les employés des finances du départe- ment. Les contrats, gages de l'emprunt, rédigés en forme négociable, se- raient négociés à raison de quatre pour cent par an, à des capitalistes qui toucheraient leurs intérêts par trimestre chez le receveur général. Dans le cas où l’emprunteur ne remplirait pas ses engagemens, et que l'on serait forcé de faire vendre ses biens, on pourrait appliquer à cette opération la loi relative aux objets d'utilité publique. L'enregistrement réduirait ses droits proportionels à un droit fixe pour tout ce qui concérnerait l'exécution de l’ensemble de la propo- sition. M. Eugène Lelong appuie la proposition de M. Bouriaud, en demandant seulement que les banques départementales ne prêtent pas hors le département, à raison des frais que pour- raient plus tard occasioner ces placemens à des distances très- éloignées, M. Jullien (de Paris) combat cette dernière opinion, en disant que ce serait établir entre les départemens une division contraire à l’union qui doit exister entre les parties d’un même État. M: Nicias Gaillard. « Le projet de M. Marsilly a des inconvé- biens qu’il est facile de signaler, mais il repose sur une idée ( 126 ) qui paraît devoir servir de base à toute théorie du crédit. Joindre dans les transactions la célérité à la sûreté ; imprimer au billet au porteur qui court de main en main, toujours exi- gible, toujours payable , le sceau d’une garantie hypothécaire , tel est l’un des plus importans problèmes à résoudre dans l'in- térêt de toutes les branches d’industrie. M. de Marsilly a cher- ché la solution de ce problème ; sous ce rapport son projet se recommande à l'attention publique. Un bon principe reste, malgré les difficultés d’exécution qui peuvent le rendre mo- mentanément inapplicable ; d’autres l’appliqueront. Ce qu'il faut surtout ne pas se lasser de signaler, ce sont les formes si lentes, si embarrassées de nos lois sur l’expropriation. Celui- là fera beaucoup pour la facilité des emprunts, qui trouvera un moyen simple et prompt d'arriver à la réalisation du gage hy- pothécaire. » M. Auguis préfère le projet de M. Marsilly parce qu’il entre plus dans les intérêts de l’emprunteur , et que ses moyens d'exécution sont plus simples et moins compliqués, par con- séquent d’une exécution plus prompte que celui de M. Bou- riaud. M. Aimé Fradin fait, sur ces deux projets, une proposition qu’il formule ainsi : « Le Congrès, considérant que le projet de M. Bouriaud et celui de M. de Marsilly, ayant pour objet la diminution du taux de l’intérêt de l’argent dans l’intérêt de l'agriculture et du commerce, contiennent des vues utiles qui appellent de sérieuses méditations avant d’être adoptées, re- commande ces deux projets à l’attention du gouvernement, des sociétés agricoles et industrielles de France, et du prochain Congrès. » Cette proposition a été admise par la section, qui a arrêté qu’elle serait reportée à la séance générale du Congrès. Le temps s'était écoulé avec une étonnante rapidité ; il n’en restait plus à la section pour se livrer à de nouveaux objets de travaux, malgré que son portefeuille eût pu lui fournir encore d’abondans matériaux. Plein d’une grave et touchante émotion , M, Lair (de Caen), président, a exprimé à l’assem- (127) blée combien il éprouvait de regrets de voir arriver le moment de terminer la dernière séance , et de clore cette session de la deuxième section du Congrès. « L’aménité de vos procédés , a dit M. Lair , les nobles égards et les bienséances observées dans les débats si pleins d'intérêt qui ont eu lieu dans le sein de cette réunion, laisseront un long souvenir qui sera pour moi d’un grand prix. Recevez mes remercimens de m'avoir confié la tâche de diriger , comme président , les travaux qui vous ont occupés ; vous l’avez rendue aussi facile qu’agréable. Et vous, Poite- vins, votre accueil m'a séduit; je me suis cru toujours au milieu de mes compatriotes , je me suis cru Poitevin. » M. Aimé Fradin, au nom de la deuxième section , a remercié M. Lair de la manière honorable dont il avait conduit les opé- rations de cette section. « Votre expérience nous a guidés, a dit M. Fradin, votre raison nous à éclairés; vous avez, par votre modération, su retenir nos débats les plus vifs, dans les limites d’une polémique avouée par la bienséance et l’urbanité. Si vous vous êtes cru Poitevin, c’est que votre cœur a deviné que les Poitevins vous réservaient dans leur cœur la place d’un compatriote. » M. le président a ensuite déclaré solennellement la clôture de la session pour la deuxième section du Congrès. Les Secrétaires de la Section, Le President de la Section, J. J. JOZEAU (de Wiort). P. A. LAIR (de Cuen). BABAULT DE CHAUMONT , Le Vice-President , (de Poitiers). BARBAULT DE LA MOTHE, (de Poitiers). ( 128 ) TROISIÈME SECTION. Sciences Médicales, SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. le docteur Jozry, doyen d'âge. Par le résultat du scrutin, MM. Levieil de la Marsonnière (de Poitiers) et Guépin (de Nantes) sont nommés président et vice-président de la section. MM. Hunault de la Peltrie (d'Angers) et Lucien Gaillard (de Poitiers) sont maintenus dans les fonctions de secrétaires. On s’est occupé de quelques travaux préparatoires, et ensuite la séance a été levée. SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. M. le président de la section ouvre la séance par le discours suivant (1) : « Messieurs, en vous renouvelant l'expression des sentimens que m'inspirent les suffrages dont vous m'avez honoré, je vais vous sou- mettre en peu de mots l’opinion que je me suis faite de la tâche que nous avons tous à remplir. Pour appeler à notre aide le plus de lumières possible sur les principes d’une science à l'étude de laquelle chacun de nous a consacré sa vie, nous devons rechercher avec empressement, accueillir avec intérêt tous les documens , toutes les pensées qui peu- (1) On a mis en petit-texte tout ce qui a élé extrait {extuellement des mémoires ou notes Jus en séance par les membres de Ja section. (129) vent nous conduire à ce but. Il n’est pas toujours facile d'avancer à coup sûr. Qui peut vous dire, Messieurs, le nom de celui à qui se trouve réservé le bonheur de faire faire à la science un pas de plus ? Qui peut le deviner tout d’abord? Souvent une opinion qui paraît vaine ou erronée est un degré qu’il faut franchir pour arriver à la dé- couverte d'une vérité. N’est-il pas vrai que pour parvenir à mettre les erreurs derrière soi, il faut presque toujours les traverser? Il serait donc souvent désavantageux de rejeter avec trop de promptitude-et de pré jugé tout travail , toute proposition , toute vue qui ne présenteraient pas, au premier abord, ce grand degré d'utilité ou d’évidence que nous pourrions désirer. Écoutons avec attention ,» €t attendons de réflexions long-temps müries, et de l'épreuve -du temps, la solution de ques- tions qui nous paraissent encore enveloppées d'une trop grande obscurité. » M. Simon (de Nantes ) donne lecture d’un mémoire sur le magnétisme animal ; la section de médecine a entendu avec intérêt la lecture de ce mémoire, qui comprend des considéra- tions philosophiques, des recherches historiques et des obser- vations extraordinaires. M. Simon demande pour le magnétisme un examen dégagé de toutes préventions. Il réclame un plus ample informé pour cet étrange et inexplicable sujet , qui lui semble mériter l’at- tention particulière de tous les hommes véritablement amis du progrès. Sans assumer en aucune manière la responsabilité des assertions plus ou moins hardies contenues dans ce mé- moire , la section de médecine pense qu’il renferme assez de recherches curieuses pour intéresser tous les membres du Congrès; elle propose à l’assemblée générale d’en entendre la lecture. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. On passe à la discussion de la question suivante proposée dans le programme du Congrès : Doit-on admettre des lésions de fonctions sans lésions d'organes? M. Thiaudière (de Gencay). «Aujourd’hui toutes les études commencent 17 ( 130 ) par l'anatomie ; on débute par remarquer les différences qui existent en- tre l’état normal et l’état anormal, et l’on fait toutes sortes d'efforts pour soumettre les groupes de symptômes aux altérations matérielles, telles qu’on les rencontre dans les cadavres, c’est-à-dire pour trouver l’ex- plication des symptômes dans les lésions matérielles des organes. Quant à moi, j'attache l'importance première, dans les maladies, aux faits vitaux, aux phénomènes de réaction vitale ; je crois que toute la médecine est là, et que le plus souvent l'anatomie pathologique vient pour compléter l’histoire de la maladie plutôt que pour en éclairer le diagnostic et la thérapeutique : je finis par où les anatomo-pathologistes commencent. Les anatomo-pathologistes décrivent longuement l'histoire de la gastrite aiguë , de la gastrite chronique et du cancer d'estomac. Mais, pour eux qui n’admettent pas de maladies sans altération d'organes , ils nieront l'existence de la gastralgie, et de cette maladie si com- mune chez les femmes, que l’on est convenu d'appeler tout simplement des maux d'estomac, faute d'expression technique qui indiquât mieux sa nature. Pour ce qui regarde les maladies du poumon , s’ils inscrivent dans leur cadre nosologique la pneumonie , la pleurésie , la phthisie et la gangrène pulmonaire, que feront-ils de l'asthme, et comment distingue- ront-ils physiquement la coqueluche de la bronchite? Si l'anatomie pathologique leur explique parfaitement le mécanisme de la formation de l'anévrisme du cœur, l’hypertrophie, la péricardite ou l’hydro- péricarde, contesteront-ils l'existence de ces palpitations nerveuses qui sont si communes ? S'ils se rendent parfaitement raison de l’apoplexie, de l’encépha- lite, de l’hydrocéphale, peuvent-ils en dire autant de la folie, de l’é- pilepsie, etc.? S’ils démontrent les traces de la péritonite et de toutes les variétés de l’entérite, diront-ils que les coliques ne sont pas de simples lésions de fonctions P Ainsi un organe peut être gèné dans l'exercice de ses fonctions, et cependant ne pas offrir de lésions matérielles. 11 est même des cas où l’on peut considérer , ainsi qu’on l’a dit, le corps humain comme un seul et grand organe dont la faiblesse ou la vigueur se compren- nent dans une vaste unité. L'homme sain qui meurt de décrépitude, l'animal asphyxié, en présentent des exemples ; on peut y ajouter l’épui- sement total de certains hommes : scrutez avec soin chaque organe | en particulier, aucune lésion essentielle ne s’y fait remarquer ; maïs | l'ensemble ne présente pas les conditions de la santé. La mort de | Benjamin Constant, en 1830, fut attribuée à une sorte d’affaissement M E A ( 131 } général, car l’autopsie cadavérique la plus exacte et la plus minutieuse ne fit découvrir aucune altération d'organes. L'école anatomique faisant toujours dépendre les symptômes des al- térations de la structure des organes, elle est conséquente avec ses principes en déclarant qu’on ne peut les faire cesser qu’en faisant ces- ser l’altération organique de laquelle ils dérivent; mais combien de fois les malädes resteraient sans soulagement, si l’on attendait, pour leur porter remède, d’avoir mis à découvert une lésion organique appré- ciable ? Et que répondre à ces médecins qui s’imaginent avoir rendu impossible toute objection , en disant que souvent les lésions physiques qu'ils ont soupconnées disparaissent complètement en même temps que l’action organique cesse ? N'est-ce pas, de leur part, échapper lestement à une difiiculté qu’il leur paraîtrait dificile de résoudre sérieusement ? L’observateur impartial doit s’en tenir à ce qui est; il sera moins bril- lant sans doute , mais à coup sûr plus utile. Je conclus en disant que si j’admets des lésions de fonctions avec lésions d'organes, je reconnais aussi l’existence de lésions de fonctions sans lésions d'organes. » M. Barot (de Gençay). « La question qui nous occupe offre un vif intérèt sous le rapport de la thérapeutique. Car lon doit approprier la médication aux lésions physiques, quand elles existent ; au contraire, quand elles n’existent pas, la thé- rapeutique doit être purement expérimentale. Plusieurs lésions des fonctions gastriques, surtout celles que l’on appelle L:- lieuses , et qui cèdent si facilement à l’emploi des vomitifs , semblent exister sans aucune lésion physique appréciable. En pareil cas, le vomitif fait même disparaître d’autres maladies qui étaient produites par les premières; et, dans ces maladies sympathiques , il est encore impossible d'admettre aucune altération organique, puisqu’elles cèdent si promptement à l’action d’un remède qui agit loin d’elles. Beaucoup de modifications fonctionnelles relatives à l’âge , au sexe, aux idiosyncrasies ; beaucoup de dispositions épidé- miques ou constitutionnelles, existent sans aucun changement physique appréciable dans les organes. On doit donc résoudre la question par l’aflirmative. » M. Roy (de Melle). « Les faits rapportés par M. Barot sont loin de fournir la conclusion qu'il en a tirée; en effet, nous (182) voyons que pour guérir ces maladies il emploie des moyens qui agissent énergiquement sur l’estomac. Pourquoi un vo- mitif ne pourrait-il pas modifier d’une manière avantageuse certaines altérations physiques de la muqueuse gastrique ? Toutes les affections de l’estomac ne sont pas des inflamma- tions , et beaucoup d’entre elles peuvent céder à des remèdes autres que les antiphlogistiques. D'ailleurs, dans toutes les maladies , lorsque le malade vient à succomber, on trouve toujours des altérations organiques qui peuvent expliquer la mort. » M. Pingault fils (de Poitiers). « La chaleur, le froid, la sécheresse, l'humidité, l'électricité, le magnétisme, enfin tous les corps extérieurs , modifient d’abord les tissus orga- niques , soit pour entretenir la santé par des excitations néces- saires, soit pour déterminer diverses maladies, lorsque leur action est plus grande ou moindre qu’elle ne devrait être. S'il survient des dérangemens dans les fonctions , c’est donc consécutivement à des causes qui ont altéré le tissu vivant; on ne saurait concevoir la chose autrement, et dans tous les cas on peut remonter par l'analyse au point de départ de l'affection que l’on a sous les yeux. » M. Hunault de la Peltrie (d'Angers). « La question qui nous est soumise ne pourra jamais être résolue d’une manière abso- lue et complète, attendu l’impossibilité où l’onse trouvetoujours de poser les véritables limites qui séparent l’état normal de l'état pathologique. Les variétés de conformation relatives à l’âge, au sexe, aux idiosyncrasies, sont si nombreuses, que les médecins les plus expérimentés sont souvent très-embar- rassés pour décider si un tissu qui est mis sous leurs yeux se trouve sain ou altéré. Certains organes, comme le cerveau , les nerfs, les vaisseaux sanguins, nous offrent fréquemment des difficultés de cette nature. » M. Orillard (de Poitiers ). « Nous convenons que des lésions graves de fonctions , la mort même , peuvent survenir sans que nous puissions découvrir des lésions d’organes : voilà un fait bien constaté par les travaux contemporains. Mais de ce que (133) nous ne découvrons rien, devons-nous conclure que rien n’est altéré dans des organes dont la structure intime nous est tout- à-fait inconnue ? : Ramenons la question à ces termes : Pouvons-nous con- cevoir des lésions de fonctions sans lésions d’organes? Mais la fonction n’est que l’organe en action; elle ne peut en être sé- parée, et ne saurait être affectée isolément ; elle n’est pas plus possible sans l'organe que le mouvement sans le corps qui se meut , et si l’on fait une abstraction, ce ne peut être que dans l'expression et nullement dans le fait. La digestion ne sera jamais que l’estomac digérant. Ainsi, point de fonction sans organe , impossibilité absolue de lésion de fonction sans lésion d’organe. Mais bien souvent l’imperfection de nos moyens ainsi que la ténuité des altérations ne nous permettent pas de constater les lésions organiques, qu’en bonne logique nous de- vons nécessairement supposer. » M. St-Georges Ransol (de Lucon). « En s'adressant directement aux faits, on trouve que beaucoup de maladies peuvent exister sans lésion or- ganique, c’est-à-dire sans altération physique du tissu des organes : ainsi la manie, le délire nerveux, la céphalée, l’épilepsie, sont des affections purement vitales du système cérébral. Les affections spasmodiques de l'estomac, des intestins, ne paraissent le plus souvent liées à aucune lésion physique. Le scalpel ne peut jamais nous faire découvrir le siége des affections périodiques , et les altérations qu’elles laissent parfois dans les organes ne nous donnent point la raison des phénomènes qui les accompagnent. Le choléra doit être considéré comme une névrose universelle , accompagnée d’une décomposition particulière du sang qui est le résultat de l’action virulente du miasme cholérique. M. Brous- sais a commis des erreurs graves en établissant la théorie de cette ma- ladie sur des autopsies cadavériques; les lésions physiques que l’on rencontre ne sont que des effets d’état spasmodique qui concentre les fluides à l’intérieur. » M. Lucien Gaillard ( de Poitiers). « Nous devons éviter de nous abandonner à l'impulsion des théories , et de prendre nos suppositions pour des réalités. Si l’on veut raisonner avec exac- titude ,on ne doit pas dire : On trouvera plus tard des lésions que nous n’apercevons pas en ce moment ; ou bien : On doit ( 134 ) croire qu'il existe des altérations physiques, quoique nous ne puissions les saisir. Dans une question de fait, nous devons nous baser uniquement sur les faits, tels que nos moyens ac- tuels nous permettent de les voir et de les juger. Or, il résulte de ce qui a été observé par la majeure partie des membres, que dans beaucoup de cas on ne trouve aucune altération physique dans un organe dont les fonctions ont été troublées d’une manière plus ou moins grave. Ceci s’explique facilement. Si nos organes exercent des fonctions, ce n’est point assurément à cause de leurs propriétés physiques et chimi- ques, c’est par le moyen d’une puissance inconnue dans sa nature, que nous appelons la vie. Pourquoi donc la vie ne pourrait-elle donc pas se trouver augmentée , diminuée, mo- difiée, sans que les qualités physiques fussent altérées ? Quelle différence anatomique trouvons-nous entre l'organe vivant et celui qui vient de mourir ? » La question proposée a été modifiée en ces termes : Peut-il exister des lésions de fonctions sans lésions appréciables d'organes ? La majorité de la section répond par l’aflirmative. SÉANCE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEvIEIL DE LA MARSONNIÈRE. M. Thiaudière présente à la section une certaine quantité de sang, provenant d’une saignée qu'il a faite à un individu atteint de fièvre cérébrale, et offrant quelques particularités relatives à sa prompte dessiccation. L'ordre du jour appelle une des questions renvoyées au Congrès de Poitiers par le Congrès de Gaen; elle est ainsi for- mulée : Inviter les médecins à faire savoir au prochain Congrès s’ils ont re- marqué quelques modifications dans la marche, les caractères extérieurs et les vertus préservatrices de la vaccine. (135) M. St-Georges Ransol (&e Luçon). « En 1829, plusieurs in- dividus vaccinés quelques années avant , ont été atteints de la petite-vérole, et je pense que la vaccine ne peut préserver que pendant un espace de temps limité. » M. Arlin. « Ceux qui ont vacciné il y a plus de vingt ans , et qui continuent cette opération encore aujourd’hui, ne trouvent aucun changement dans les caractères et les vertus de la vaccine. La véritable éruption vaccinale préserve constam- ment de la variole. Mais lorsque l’éruption est irrégulière ou incomplète , alors elle n’est plus préservatrice ; c’est ce qui a pu induire plusieurs fois en erreur ceux qui ont observé la variole sur des individus que l’on croyait avoir été vaccinés. » M. Bonnet partage la même opinion. M. Guépin (de Nantes). « Tous les ans, à Nantes, on peut observer plusieurs cas de variole chez des individus bien vaccinés; malgré ces exceptions qui pouvaient exister autre- fois comme aujourd’hui, dans la majorité des cas la vaccine préserve très-bien de la variole. » MM. Quotard , Orillard , Abribat , développent des opinions analogues, fondées sur des observations qui leur sont parti- culières. M. Pingault fils (de Poitiers). « Tout le monde sait que la variole , dans quelques cas, peut attaquer deux fois le même individu ; il n’est donc pas étonnant que la vaccine, que l’on pourrait regarder comme une variole supplétive, n’offre pas plus de certitude sous ce rapport que la variole elle-même. Quelques faits exceptionnels ne sauraient infirmer la règle gé- nérale, appuyée sur l'expérience journalière et sur un très- grand nombre de faits. » M. Barrilleau. « Il serait facile de confondre les cicatrices de la fausse vaccine avec celles de la véritable éruption, surtout quand elles sont récentes. Cependant il existe des ca- ractères spéciaux qui permettent d'établir une différence entre ces cicatrices, quand on y met l'attention convenable. Dès- lors , quand ces caractères existent chez des individus ui ont (136 ) la variole, on ne peut nier qu'ils n'aient eu précédemment une véritable vaccine. » M. Bas (de Poitiers). « Ayant vacciné un enfant, j'ai suivi sur son bras tous les développemens d’une véritable vaccine. Deux ans plus tard, le même enfant a été, sous mes yeux, atteint de la variole. Ainsi je ne doute pas que la variole ne puisse quel- quefois se développer chez les individus vaccinés. Ces faits font exception à la règle générale. » M. Collinet, pharmacien ( de Poitiers). « On voit souvent des enfans vaccinés rester plusieurs jours en contact avec des malades affectés de la petite-vérole, et n’en être pas atteints, ce qui démontre l'efficacité actuelle et persévérante du virus vaccin. » M. Roy ( de Melle). « Dans tous les cantons où l’on vaccine beaucoup, bien qu’il reste toujours un bon nombre d’indi- vidus qui ne sont pas vaccinés, on ne voit jamais d’épidémie de variole, tandis qu’autrefois elles étaient très-communes. » M. Hunault de la Peltrie d'Angers). « On a fait à Paris des recherches multipliées pour retrouver le cowpox, virus originel de la vaccine; elles ont été sans résultat. Néanmoins des ob- servations faites à Angers en 1825, et à Paris en 1834, con- fivment tout-à-fait l'opinion déjà émise que dans la majeure partie des cas la vaccine préserve très-bien de la varioie, cette règle générale ne pouvant être infirmée par quelques exceptions. » La section adopte la solution suivante : La véritable vaccine préserve le plus souvent de la variole; mais, dans quelques cas rares, les individus vaccinés peuvent être atteints par la variole. SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE, La section de médecine s'occupe de la question suivante : Combien de temps peut vivre le fœtus après la mort de sa mère ? (184 ) M. Barrilleau (de Poitiers). « La question n’est point suscep- tible d’une solution précise , parce que bien des maladies dif- férentes peuvent faire périr la mère et décider en même temps la mort plus ou moins rapide de l’enfant. A la suite des mala- dies chroniques, des fièvres graves avec altération profonde des liquides et du système nerveux , on peut croire que la mère et le fœtus, atteints long-temps d’avance de la même maladie, suc- combent en même temps. Au contraire, le fœtus peut survivre quelque temps, lorsque la mère est subitement privée de la vie par une hémorragie , une syncope , une asphyxie, etc. » M. Lucien Gaillard (de Poitiers). « Le fœtus contenu dans le sein de sa mère se trouve dans des circonstances bien différentes de celle d’un enfant qui serait asphyxié. Il est accoutumé au contact et à la chaleur du liquide au milieu duquel il nage ; il n’a point encore éprouyé le besoin de respirer, et sa circulation ressemble beaucoup à celle du poisson ; des faits récemment publiés prouvent même qu’elle dépend moins qu’on ne le pensait de la circulation de la mère. M. Gaillard indique quatre opérations césariennes faites après la mort de la mère, les quatre enfans ont été extraits vivans. » M. Pingault fils (de Poitiers). « Il y a quelques mois, une femme de la campagne ayant succombé très-promptement à une attaque d’apoplexie loin de tout secours médical , des té- moins ont remarqué que l'enfant âgé de huit mois qu’elle por- tait dans son sein, s’agitait encore plus d’une heure après la mort de sa mère. » M. Orillard (de Poitiers). « Le fœtus possède une vie indé- pendante qu'il peut conserver pendant un certain temps après la mort de sa mère. J'ai vu un enfant extrait vivant du sein de sa mère vingt minutes après la mort de celle-ci. J’ai aussi à ma connaissance qu’un fœtus a fait sentir des mouvemens pen- dant environ trois quarts d’heure dans le sein de sa mère. » M Arlin (de Poitiers). « On doit distinguer les différentes causes qui peuvent déterminer la mort de la mère, car elles amènent plus ou moins rapidement la mort du fœtus. En général , il faut se hâter de pratiquer l'opération après avoir 18 ( 188 ) constaté, par les moyens usuels, Ja mort de la mère. » M. Thiaudière (de Gençay ). « Vu la difficulté d’assigner un délai précis , on doit pratiquer l’opération césarienne , à quel- que intervalle de temps que l’on soit appelé après le décès de la mère, à moins qu’il n’y ait déjà quelque signe de décompo- sition. » M. Piorry (de Chauvigny). « Une raison qui doit nous enga- ger à pratiquer l’opération, c’est que l'enfant est souvent beau- coup plus robuste que la débilité et l’état maladif de la mère ne semblent le faire présumer. » M. Hunault de la Peltrie (d'Angers). « Les faits apportés dans la discussion ont déjà éclairé la question ; c’est par des observations nombreuses faites dans diverses circonstances , qu’il sera possible d’obtenir des résultats plus précis. » La section adopte la proposition suivante, rédigée par M. Quotard : La question ne peut être résolue d'une manière absolue ; seulement il est constant que la vie du fœtus peut se prolonger après la mort de la mère, mais d’une manitre variable et qui ne saurait être pré- cisée. SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEviEIL DE LA MARSONNIÈRE. Quel sens doit-on attacher à ces mots : fièvre putride, fièvre maligne ? M. St-Georges Ransol ( de Lucon). « Quoique le mot putride ait été exagéré pendant plusieurs siècles par les écoles galéniques , il n'est pas moins vrai de dire que dans certains cas, et même dans des épidémies , le sang est affecté d’un état putride, ou, si l’on veut, d’une dissolution morbide. Cet état de décomposition vitale des fluides se trouve indubi- tablement dans les fièvres appelées putrides par les anciens et adyna- miques par l’école de Pinel. La noirceur de la langue, la fétidité ex- trême et même insupportable des selles, des urines et des sueurs, les escarres qui surviennent aux jambes , aux reins, l’état gangréneux des vésicatoires, les plaques noires dont ia peau est couverte dans quel- (139) ques endroits, tout prouve qu'il existe une altération spéciale du sang et même une décomposition chimiquetrès-avancée, puisque les cadavres tombent rapidement en putréfaction. En 1829, pendant l'été , la variole produisit dans le village de Curzon et autres communes , des ravages effrayans , surtout sur les enfans. Le caractère de cette affection varioleuse consistait dans une dissolu- tion très-marquée du fluide sanguin, puisque le corps des malades était couvert de taches noires, qu’il y avait des hémorragices par le nez, les intestins et la vessie. On ne pouvait s'approcher des malades sans dés- infecter les appartemens par des fumigations antiseptiques. L'état va- rioleux était compliqué d’une fièvre vraiment puatride. Le traitement composé d’acides végétaux, minéraux, et même de camphre et de quina, me réussit dans plusieurs cas où je fus appelé. Toutes les personnnes qui furent traitées par la méthode de Broussais périrent sur-le-champ. Sous la domination de Pinel, qui professait le système de Brown, les fièvres dites adynamiques ou plutôt putrides étaient plus communes par l'abus du quinquina et des excitans. S'ily a des maladies organiques, on ne peut contester qu'il existe des maladies qui dépendent d’une altération particulière des fluides. Les bubons pestilentiels , les boutons varioleux, les éruptions morbilleuses, scarlatineuses , érysipélateuses, les dépôts laiteux après les couches, voilà autant d'états maladifs qui prouvent que le foyer morbide réside principalement et réellement dans les différens fluides. Je regarde comme . bien prouvée l'existence des fièvres putrides. Le système nerveux, dans son ensemble, est susceptible d’être dérangé dans ses mouvemens réguliers et de s’abandonner à toute espèce d’a- nomalies, comme on le voit dans les affections vaporeuses , sans que les autopsies cadavériques puissent nous faire connaître, en plusieurs cir- constances , une lésion physique des nerfs ou des centres nerveux qui rende raison des phénomènes morbides. Pourquoi , dans les maladies aiguës, le système nerveux ne serait-il pas atteint d'une excitation vive qui troublât les fonctions cérébrales et celles des autres viscères ? On observe dans les fièvres rémittentes pernicieuses un désordre des plus violens, qui se caractérise par des convulsions, un délire furieux, et même par des symptômes tétaniques. Cependant dans ces fièvres,. on n’osera jamais dire qu’il existe.une inflammation de la moelle épi- nière et de l’encéphale, puisque le quinquina administré à propos ré- tablit le calme dans toute la machine. Ne serait-il pas aussi logique de soutenir que cette irritabilité nerveuse peut exister avec le type con- tinu, ce que l’on a coutume d’appeler fièvre maligne? Cette fièvre se caractérise par-le trouble des facultés mentales, le pouls pétit, serré , (140) un abattement profond des forces motrices , sensitives, des traits al- térés , des yeux tantôt mornes, tantôt hagards ou peignant la fureur. L'utilité des antispasmodiques, des calmans, des toniques pour le traite- ment de ces maladies, vient encore confirmer le diagnostic, et ce serait une grande erreur de confondre ces maladies avec les inflamma- tions qui peuvent se montrer dans les différens organes. » M. Quotard (de Poitiers). « Les expressions fièvre putride, fièvre maligne , sont tout-à-fait propres à induire en erreur le praticien sur le véritable caractère de ces maladies. Nous ne de- vons plus aujourd’hui sacrifier aux théories des humoristes et des vitalistes, qui ont inventé les dénominations, mais recourir à la saine observation des faits. Les principaux symptômes de ces affections , comme la soif, la noirceur et la sécheresse de la langue , la tension et le gon- flement douloureux de l'abdomen , la diarrhée fétide , la pros- tration des forces , la fréquence et la dureté du pouls, la cha- leur et la sécheresse de la peau, indiquent une irritation intense de la membrane muqueuse intestinale. Souvent à ces phéno- mènes viennent se joindre une céphalée très-vive, l’agitation, le délire , la carphologie, etc., symptômes bien connus de l'inflammation du cerveau. L’autopsie confirme les prévi- sions du médecin , car on rencontre toujours des lésions nota- bles dans les organes qui, pendant la vie, ont donné des signes de souffrance. Aussi il serait utile de remplacer les expressions de fièvre putride ou maligne par celles de gastro-entérite et de gastro-entéro-encéphalite ; laissant, du reste, à chaque mé- decin, le droit de se guider dans le traitement d’après ses observations et son expérience. » M. Guépin (de Nantes). « Les solidistes s’exagèrent l’impor- tance des lésions organiques ; quelques injections plus ou moins colorées ne sauraient avoir la puissance qu’on leur ac- corde , et très-souvent les liquides peuvent être primitivement et principalement affectés, comme le prouvent l’altération du sang qui se perd par les hémorragies, la fétidité de toutes les excrétions , la tendance de toutes les parties à se gangrener sous l'influence des moindres causes. » (141) M. Pingault fils (de Poitiers). « Tous les auteurs de système ont assigné aux fièvres putrides et malignes des causes diverses; mais l'observation clinique démontre que ces maladies résul. tent toujours d’une lésion de la membrane muqueuse gastro- intestinale. » M. Hunault de la Peltrie (d'Angers). « Le choléra, que nous avons eu malheureusement l’occasion de si bien observer , doit nous servir à résoudre l’importante question des fièvres. Le phénomène capital du choléra était une altération du sang , et cette altération était généralement si grave , que dans les pre- miers temps de l'épidémie , elle foudroyait tout d’un coup les malades. Mais lorsque l'épidémie a commencé à perdre de son intensité , à la suite des Premiers symptômes survenait une : période marquée par une sorte de réaction dont tous les écri- vains ont signalé , dans le temps , la ressemblance parfaite avec la fièvre putride ou typhoïde. On se rappelle que plusieurs journaux publièrent, en même temps, que le typhus avait rem- placé Le choléra dans les hôpitaux de la capitale. Cette remar- que conduit naturellement à rapporter les phénomènes graves des fièvres à l’altération du sang que l’on peut toujours consta- ter, plutôt qu'aux lésions physiques très-variables que l’on rencontre dans divers organes. » M. Boynet {de Poitiers }. « Les fièvres putrides et malignes doivent plutôt être rapportées à une altération des fluides e qu'à des lésions organiques qu’on ne trouve pas constam- ment. » M. Orillard ( de Poitiers ). « Les fièvres dites putrides ou ma- lignes ne peuvent être considérées comme des gastro-entérites, ou bien il faudra admettre que ce sont des gastro-entérites complètement différentes de celles que nous connaissons ; et alors pourquoi confondre sous une même dénomination des maladies essentiellement opposées par leurs causes, leur pronostic, leur traitement et les résultats des nécropsies ? Les causes de la gastro-entérite exercent toutes une action plus ou moins directe sur l’estomac et les intestins ; agens mécaniques ou chi- miques , le plus souvent elles déterminent une irritation qui devient la source des irradiations secondaires, (142) Dans les fièvres putrides ou malignes , les causes agissent plutôt sur l’ensemble de l’économie, affectant d’une manière plus marquée deux systèmes partout répandus, le système de la circulation et celui de l’innervation. Ce sont de longues privations, de mauvais alimens, l'air des grandes villes pour les sujets non acclimatés, les excès des veilles ou du travail intellectuel, certaines constitutions épidémiques, toutes les affections morales tristes, etc. Sous l'influence long-temps continuée d’une de ces causes, ou sous celle de plusieurs réunies, le sang paraît s’appauvrir; moins riche en fibrine et en matière colorante, il tombe plus facilement en dissolution; moins vivifant, il excite moins les divers organes : trop long-temps surexcité, le système nerveux peut tomber dans l’affaissement , ou conserver un surcroît d'activité qui sera le caractère le plus important et le plus grave de la maladie. Lorsque l’économie se trouve ainsi modifiée, une gastro-entérite peut se développer et hâter l'apparition des symptômes putrides où malins; mais alors cette gastro-entérite n’est là qu’une cause occasionelle, et nullement la cause déterminante, encore moins le point de départ d’une affection tout-à-fait spéciale. Bien des gastro-entérites existeront sans cet appareil de symptômes, et le plus souvent ces mêmes symptô- mes de fièvres putrides ou malignes se retrouveront sans qu’il existe aucune trace de gastro-entérite ; nous les voyons se développer, dans certaines phlébites, à la suite de quelques grandes opérations, et toujours c’est dans le sang et les nerfs qu’il faut rechercher leur spé- cialité incontestable. Je ne puis ici exposer les symptômes des gastro-entérites et ceux des fièvres putrides, et je dois me borner à marquer leurs principales différences. Dans la gastro-entérite , le malade accuse, vers la région de l’estomac et celle de l'abdomen, une douleur plus où moins vive; et l'exploration de ces parties, confirmant les troubles fonctionnels , fait évidemment reconnaître une phlegmasie gastro-intestinale. Dans les fièvres putrides, le malade frappé de stupeur et présentant un faciès tout-à-fait caractéristique, ne sait point indiquer ses souffrances, c’est en vain qu'on le sollicite, il répond presque toujours que rien ne lui fait mal, et si vous palpez avec soin l’abdomen, vous ne découvrez le plus souvent qu’une légère tension, un degré de météorisme plus ou moins prononcé. La douleur pourra être éveillée sur divers points ; mais elle ne sera ni bien constante ni caractéristique d’une véritable inflammation. Les fièvres putrides ou malignes sont presque toujours plus graves que les gastro-entérites , et cela en raison des modifications puissantes déjà éprouvées par la constitution, au moment même où semblent se ————_——————— (143) développer les premiers symptômes. Quand une gastro-entérite com: mence, il n’y a encore qu’une affection locale ; l'influence sur l’écono- mie ne vient que secondairement , et le mal peut être combattu à son point de départ. Dans les fièvres , au contraire, la masse du sang, l’in- nervation, sont puissamment modifiées , bien avant que des symptômes locaux se.soient manifestés; les affections locales ne sont que secon- daires , accidentelles, et tout-à-fait sous la dépendance de la modifica- tion générale qui fait leur caractère et leur gravité. Combattez une gastro-entérite par les émissions sanguines générales et surtout locales, usez de la diète, des boissons émollientes, des to- piques de même nature, et vous obtiendrez le plus souvent d’heureux résultats ; détruisant le premier foyer d’irritation, vous enlevez le mal à son origine. Il en est autrement dans les fièvres putrides ou malignes ; si ces moyens sont quelquefois utiles dès le début pour combattre un état de pléthore ou des congestions d’organes, n’en usez que modéré- ment, et sachez y renoncer bientôt, sous peine d'augmenter l’affaiblis- sement qui doit survenir, de favoriser la prédominance de l’innerva- tion , et d'enlever à la constitution la ressource de crises salutaires, malheureusement trop rares. C’est dans ces fièvres qu'il faut le tact médical le plus éclairé et un esprit dégagé de tout système, pour établir une saine interprétation des causes et des symptômes , et pour l’indica- tion curative; tour à tour vous aurez à vous applaudir de la méthode antiphlogistique ou de l’expectation, de la révulsion ou de l’emploi des toniques. Je ne puis qu’'établir les faits, forcé de renoncer aux détails. La nécropsie établit encore de grandes différences entre les gastro- entérites et les fièvres putrides ou malignes : dans les premières, se rencontrent sous toutes les formes et en divers points des traces évi- dentes d’inflammation ; dans les secondes, vous trouverez plutôt des congestions que de véritables inflammations , et ces dernières ne seront jamais que secondaires. La lésion la plus constante, c’est l’engorgement, avec ulcération , des plaques de Peyer; le siége de ces ulcérations, leur forme, l’état de la muqueuse qui les avoisine, indiquent que c'est moins à l'intensité de l’inflammation qu’à une maladie tout-à-fait spéciale qu’il faut rapporter leur origine. Le cerveau est plutôt gorgé de sang.que réellement enflammé , et semble, comme tous les organes parenchymateux ou membraneux, plus imbibé d’un sang de moindre consistance que dans son état normal. Enfin, tous les symptômes putrides ou malins ont pu exister, et l’autopsie ne faire découvrir au- cune altération appréciable. Je crois donc pouvoir conclure de tout ce qui précède, que les (144) fièvres putrides ou malignes diffèrent essentiellement de la gastro- entérite, et doivent reconnaitre pour caractère principal une altéra- tion profonde du sang et du système nerveux, sous l'influence de laquelle peuvent se développer des lésions tout-à-fait secondaires, et nullement caractéristiques. » M. Jolly ( de Poitiers). « On a dit dans cette discussion, en par- lant des fièvres adynamiques et ataxiques , qu’il fallait toujours être clair, précis, intelligible dans les diverses dénominations qu'on em- ployait en médecine. Nous sommes parfaitement de cet avis; mais se montre-t-on bien tel qu’on le désire, toutes les fois qu’on se'sert du nom gastro-entérite ? Nous ne le pensons pas. En effet ces deux mots réunis sont tantôt appliqués à certaines affections légères de l’estomac et des intestins, qui se terminent le plus souvent de la manière la plus heu- reuse , par l'emp loi des plus faibles moyens thérapeutiques ; tantôt aux maladies les plus graves, caractérisées par une série de symptômes qui annoncent une altération profonde dans les organes et les fonctions, et surtout dans l’innervation. Quelle différence énorme dans ces deux espèces de maladies ! Néan- moins , elles sont désignées souvent sous le nom de gastro-entérite , sans faire attention si l’une est légère et l’autre grave, si dans la pre- mière le malade récupère promptement la santé et si dans la seconde il succombe. Il nous semble que dans ces deux circonstances il y a défaut de clarté et de précision , que la dénomination employée n’exprime pas, d’une manière bien intelligible , l’état des organes qui sont spécialement - affectés, qu’elle ne fait pas connaître le caractère des symptômes, l’é- tendue et la gravité du mal. Qu'un médecin dise à-un de ses coliègues que tel individu est atteint d’une gastro-entérite : ce dernier médecin comprendra bien que le canal intestinal est affecté; mais il ne saura certainement pas si la maladie est grave ou légère, si elle est à son début ou à sa dernière période. Sous ce rapport, on s’entendrait mieux, si on se servait des anciens noms de fièvre bilieuse, muqueuse, adynamique et ataxique , et même de ceux qu'on employait dans un temps bien plus reculé, je veux parler des fièvres putrides et malignes, car ces expréssions donnéraient de suite une plus juste idée de la nature des symptômeset de la gravité de la maladie. Si la maladie n’est pas toujours la même, si elle se montre avec plus ou moins d'intensité suivant ses périodes, si les agens thérapeutiques doivent être modifés à mesure qu’elle avance vers sa terminaison , afin (145 ) d’en prévenir l'issue funeste ou au moins de l’éloigner , pourquoi ne pas mettre en usage certaines qualifications qui peindraient de suite à l’es- prit la nature et la gravité du mal? I1 nous semble qu’il serait avantageux d’ajouter le mot adynamique au nom de gastro-entérite, toutes les fois que cette maladie serait carac- térisée par l’enduit noirâtre de la langue, l’état fuligineux des dents et des gencives , la fétidité de l’haleine, de la transpiration et des déjec- tions alvines, le délire taciturne , la faiblesse et la fréquence du pouls, l’anéantissement des forces , l’état de stupeur et de somnolence, enfin par tous les symptômes qui annoncent une prostration marquée et réelle des organes et des fonctions de l'économie. On lui donnerait au contraire le nom de gastro-entérite ataxique toutes les fois que l’affection abdominale serait accompagnée de troubles et de désordres dans les organes et les fonctions , susceptibles de se modifier fréquemment, en passant avec rapidité et alternativement d’un état d’excitation à un état d’affaissement. En effet, dans cette maladie on observe , entre autres symptômes, que la face est vultueuse , la langue rouge et sèche, le ventre tendu , les déjections alvines nulles, le pouls fort et fréquent, les mouvemens brusques, le délire violent. Bientôt après, des phénomènes différens se manifestent et succèdent aux premiers : la figure devient pâle, la langue est humide et moins rouge, le pouls faible et déprimé, les forces abattues, les urines et les évacuations alvines fréquentes et involontaires ; le délire est léger ou il cesse entièrement, les organes des sens sont insensibles à toutes les impressions. Ici, comme dans la gastro-entérite adynamique, nous ne regardons les phénomènes cérébraux que comme sympathiques. S'ils n'étaient pas tels et s'ils dépendaient d’une méningite ou d’une céphalite qui com- pliquerait la gastro-entérite, rien de mieux que d’accorder alors à la maladie le nom de gastro-entéro-encéphalite qui lui a été donné par l’auteur de la médecine physiologique. Ces dénominations de gastro-entérite adynamique et de gastro-en- térite ataxique ne seraient pas, selon nous, sans importance. En faisant connaître d’une manière précise le fâcheux caractère des symptômes, le siége de la maladie , les lésions pathologiques, elles indiqueraient jusqu’à un certain point les modifications que devraient subir les mé- thodes de traitement. | Ces dénominations pourraient-elles être remplacées par celles qui indiquent seulement le siége de la maladie et ses caractères anatomi- ques ? Nous ne le pensons pas. Aussi n’avons-nous parlé ni de la fièvre entéro-mésentérique ni de la dothinentérie. 49 ( 146 ) D'après les observations recueillies jusqu’à ce jour, est-il facile de dire d’une manière précise et absolue quel sens on doit attacher à ces expressions fièvres putrides , fièvres malignes? Non sans doute, parce que les divers auteurs qui ont parlé de ces fièvres n’ont pas été toujours d'accord sur leurs causes, leur nature et leur siége ; ils en ont plus ou moins rembruni le tableau suivantles phénomènes qu’elles ont présentés et leur issue heureuse ou funeste. » M. Lucien Gaillard (de Poitiers). «La question me semble ren- fermer deux termes, 1° la dénomination fièvre ; 2° la qualification putride ou maligne, car la fièvre pourrait exister sans être ni putride ni maligne. Il est utile d'apprécier séparément la valeur de ces deux expressions si anciennes et encore aujourd’hui si obscures. Ne pouvant donner à cette immense sujet tout le développement dont il serait susceptible , je me contenterai de formuler inon opinion en courtes propositions. 1° Le mot fièvre , quoique banni par M. Broussais et l’école anatomique , est resté dans le langage médical ; 2° Ce mot est parfaitement compris dans la pratique, il ex- prime pour nous la réunion de certains phénomènes morbides ; ce groupe n’est ni artificiel ni variable; peu de maladies sont aussi constantes dans leurs symptômes que la fièvre: qu’elle soit primitive ou secondaire, continue ou intermittente, bénigne ou grave , ses caractères essentiels subsistent toujours ; 3° La plupart des auteurs qui ont écrit sur la fièvre, tout en variant sur son étiologie , se sont toujours accordés en ceci ;, qu’ils ont chacun rapporté à une cause unique cette réunion de symptômes : ainsi Broussais à la cardite, les humoristes à l’ef- fervescence des liquides , les vitalistes à un effort conservateur .de la nature; 4° Les hypothèses de Galien, d'Hoffmann , des humoristes et des vitalistes, sur la cause essentielle des fièvres , ne peuvent être reçues aujourd’hui ; 5° IL est impossible d'admettre avec M. Broussais (r) que la fièvre soit une cardite primitive ou provoquée par une lésion locale quelconque , par les raisons suivantes : (x) Examen prop. rt, 112, 113; Boisseau, p. 5:23; Pyrétol Roche et Sanson, p. 63, etc., etc. "AT A. Les recherches anatomiques ne montrent jamais cette lésion du tissu du cœur. 1 B. Les études cliniques ne font point voir que le tissu et les fonctions du cœur soient plus gravement affectés dans les fièvres les plus graves, comme cela devrait être. €. Il est impossible de rapporter le désordre qui se mani- feste dans toutes les fonctions à une congestion sanguine , pro- duite mécaniquement par l'accélération des battemens du cœur; parce que très-souvent Les contractions sont faibles , incomplè- tes , à peine accélérées. 6° La fièvre ainsi isolée des théories auxquelles on a voulu la subordonner , se montre à nous comme une affection spé- ciale, bien caractérisée par ses symptômes , qui peut naître primitivement et se produire indépendamment de toute af- fection locale appréciable , ou être provoquée par une lésion organique quelconque , plaie , abcès, pneumonie, dothinen- térie , etc. ; 7° Il résulte des propositions précédentes que les expres- sions f£évre putride , fièvre maligne , ont servi et peuvent encore servir à qualifier certaines formes particulières de la fièvre grave , pourvu que l'on ne prenne pas à la lettre leur sens métaphorique. » SÉANCE DU DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. La section adopte la proposition suivante rédigée par M. de la Marsonnière : Les mots fièvre putride, fièvre maligne, ne doivent pas être pris à la lettre. Ces dénominations inventées par les anciens, ainsi que celles adoptées par les écoles modernes, ne sont nullement l'expression fidèle des caractères de ces maladies, dans lesquelles s’observent également des lésions de tissus organiques, des altérations dans les fluides et dans le système nerveux. ( 148 ) On passe à la question suivante proposée par M. Hunault de la Peltrie : Quelle est la part d'influence des institutions sociales et politiques, et des constitutions physiques et médicales, sur la multiplication in- contestable ainsi que sur la nature du suicide en France? Quels se- raient d'autre part les moyens à proposer pour remédier à de telles calamités ? M. Lucien Gaillard (de Poitiers) examine l’état de la so- cicté avant 1789 et de nos jours. « Les commotions politiques qui bouleversent si fréquemment toutes les existences, la constitution actuelle du gouvernement qui favorise le déve- loppement des ambitions les plus effrénées, doivent être re- gardées comme des causes bien puissantes de suicide. D’un autre côté , les idées morales et les croyances religieuses aflai- blies n’opposent plus une barrière suflisante au délire des passions. » M. Orillard (de Poitiers ). « La littérature actuelle tend à égarer les imaginations impétueuses et ardentes des jeunes gens , en leur offrant un avenir brillant et mille images sé- duisantes qu’ils ne sauraient jamais atteindre : cruellement trompés par la réalité, ils s’'abandonnent facilement au désespoir qui les conduit au suicide. On peut remarquer que certaines manières de se suicider, comme l'asphyxie par la vapeur du charbon , la strangulation, le poison... , Ont eu parfois une sorte de succès demode,ou, pour mieux dire, se sont propagées par la contagion de l’exemple. IL serait à désirer que l’éduca- tion füt plus positive, et que l’on se gardât de bercer les jeunes gens d’espérances chimériques ; il faudrait bien aussi se garder de donner une publicité dangereuse aux faits de suicide. » M. Thiaudière (de Gençay ). « Indépendamment des causes morales, il faut prendre en considération la prédominance actuelle des constitutions nerveuses qui rendent certains indi- vidus facilement impressionnables. Il seraitconvenable, dans l’é- ducation des enfans, de joindre aux travaux intellectuels des exercices gymnastiques destinés à développer la force maté- rielle du corps. » (149 ) M. Barrilleau. « En France, comme partout, les révolutions ont donné un nouvel essort aux passions, les commotions politiques ont occa- sioné une tension morale funeste ; la vie ne suit plus son cours ordi- maire, elle semble se précipiter. Les intérêts privés se heurtent sans cesse ; le mérite et le savoir ne semblent plus des conditions pour arriver aux places, aux honneurs ; on veut franchir les distances, on veut ar- river au pas de course. De ces passions sans frein résultent des bies- sures morales profondes, des mécomptes, des regrets, du désespoir, enfin le suicide. D’autres causes encore mènent au suicide : ainsi les écrivains qui dé- clament continuellement contre la société et ses institutions , les spec- tacles où l’on représente le vice sous l'apparence de la vertu, où la détermination du suicide est prise comme le seul et unique moyen de se soustraire aux conséquences funestes des passions. On a remarqué, dit M. Barrilleau , qu’il en est du suicide comme de quélques monomanies, qu’il se propage par imitation; et il cite à l'appui de cette opinion les exemples des filles de Milet, la fréquence des suicides à Rouen en 1806, à Versailles en 1793. 11 blâme à cet égard les journaux politiques de porter à la connaissance de tout le monde non-seulement le fait simple du suicide , mais encore les cir- constances qui l'ont produit et accompagné. Toutes ces causes , dit-il, bouleversent les existences et les idées et conduisent au suicide. Pour prévenir cette tendance funeste à la société, il faudrait 1° faire une loi pénale contre le suieide ; et, pour justifier son utilité, il cite des lois qui ont produit des résultats avantageux chez les an- ciens : ainsi une loi de Ptolomée défendit sous peine de mort d’en- seigner la philosophie de Zénon ; à Milet le sénat ordonna d’exposer une des femmes qui se pendraient ; à Athènes la main du suicidé éfait brülée séparément du corps ; une loi de Tarquin privait de sépulture le corps des suicidés ; en Angleterre les corps étaient jetés à la voirie; nouvellement le roi de Saxe a ordonné que les corps seraient portés aux amphithéâtres de dissection; 2 soigner l’éducation de telle sorte que la morale et la religion en soient les principales bases ; 3° mettre un frein à la licence des spectacles et réprimer les doctrines immorales et pernicieuses journellement propagées par la presse. » SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. M. Hunault, sans reproduire les considérations données précédemment sur l'influence que les institutions sociales et ( 150 ) politiques peuvent avoir sur le suicide, s'attache à développer l’action des constitutions physiques et médicales. Ainsi plu- sieurs observateurs citent des épidémies de suicide sans aucune cause morale appréciable. Nous avons eu occasion de voir, à l’époque du choléra, une frénésie homicide s’emparer des popu- lations égarées. M. Fourreau , médecin à Paris, a adressé au Congrès l'observation très-détaillée d’une monomanie homi- cide , causée par la présence des vers dans le tube intestinal ; l'expulsion des vers rétablit immédiatement le moral du malade. On a encore vu de jeunes enfans, appartenant aux classes opu- lentes de la société , chercher avec une effayante opiniâtreté des moyens de destruction. On doit en conclure que la coïncidence de plusieurs causes physiques et morales peut contribuer au développement de la manie du suicide. M. Hunault regrette l'existence des asiles religieux, où chacun pouvait aller cacher, loin du monde, ses chagrins et son désespoir. On voit trop souvent les infortunes privées traînées au grand jour de la publicité , et le malheur lui-même n'est pas une propriété inviolable. Il serait utile d'établir des maisons de refuge , environnées , comme autrefois, d’un im- pénétrable secret. M. Quotard. « On doit reconnaître que la presse tombe par- fois dans de ficheux écarts, mais il est impossible de soumettre les œuvres littéraires et les pièces de théâtre à une surveillance spéciale. Cette mesure, proposée par quelques personnes, est tout-à-fait imcompatible avec les principes fondamentaux du gouvernement actuel. IL vaudrait mieux s’occuper de perfec- tionner le système d’éducation, car il est facile de modifier dès l'enfance les dispositions morales, et de les porter vers le bien. » M. S. Doucet (de Loudun) donne des détails sur le suicide dans les différens âges et les différens sexes, et sur les causes qui peuvent le déterminer. Un grand nombre d’indivi- dus , surtout de jeunes étudians , éprouvent dans diverses cir- constances le désir de mettre fin à leurs jours, mais le plus souvent la réflexion ou de nouvelles impressions empêchent GORGE. ) l’accomplissement de ces projets. « Les suicides, dit M. Doucet, étaient plus nombreux chez les anciens que chez les modernes; on doit y réunir tous les individus qui ont, pour une cause quelconque , politique ou religieuse, fait le sacrifice de leur vie. » M. Thiaudière (de Gençay). « On doit établir une grande différence entre Les individus qui font un sacrifice volontaire de leur vie à leurs convictions religieuses , morales ou politiques, et ceux qui se donnent volontairemement la mort. L'une de ces actions peut être souvent admirable, l’autre ne saurait jamais l'être. » M. Thiaudière insiste sur Ja nécessité d’une éducation solide. M. Levieil de la Marsonnière (de Poitiers ). « L'état atmos- phérique de l'Angleterre porte naturellement au suicide. Le vent du nord-est porte vulgairement , en Grande-Bretagne , le nom de vent des perdus. X1 faut noter que le choléra s’est aussi développé dans l'aire parcourue par ce vent de nord-est. Plu- sieurs membres avaient pensé que l’hypocondrie portait au suicide ; M. de la Marsonnière a vu tous les hypocondriaques profondément attachés à la vie ; ils s’entourent de mille soins, multiplient autour d’eux les précautions les plus minutieuses, et la conservation de leur existence est Pour eux un sujet con= tinuel d'inquiétude. Au contraire, les mélancoliques sont sou- vent dégoûtés de la vie et disposés à se détruire. On voit certains individus dont l'imagination est vide , le cœur impressionnable et Le jugement superficiel ou incomplet, qui ne savent ou se poser , qui ne peuvent se donner un but raisonnable , l’attein- dre et s’y arrêter. Ceux-là sont particulièrement disposés à détruire leur vie pour terminer des agitations dont ils n’ob- tiennent aucun résultat. » Après une discussion dans laquelle sont entendus MM. Bar- rilleau , Quotard , Thiaudière, etc. la section adopte la pro- position suivante : Les institutions sociales et politiques, les constitutions physiques et médicales, par un concours funeste et simultané, ont eu leur part d'influence dans la multiplication incontestable des suicides en France. ( 152 ) Quant aux moyens préventifs, on peut indiquer : 1° un bon système d'éducation ; 2° quelques dispositions pénales; 3° l'établissement de maisons d’asile. SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. Le 15 septembre, à 7 heures du soir , la section s’est réunie extraordinairement pour examiner une proposition qui lui à été faite sur l’organisation médicale. MM. Jolly , Barrilleau , Chabot, Alloneau , Arlin , Palustre, Bonnet et de la Marsonnière, prennent la parole sur cette im- portante question. Ils démontrent les nombreux inconvéniens de l’état actuel , et développent divers moyens d'y apporter remède en modifiant les diverses lois, mal coordonnées entre elles , qui régissent l’enseignement médical et l’exercice de la médecine. La section reconnaît l’urgence d’une nouvelle organisation qui concilierait à la fois les intérèts de la société et ceux du corps médical; mais, considérant : 1° qu'il lui est impossible d'élaborer en peu d'heures un plan complet d'organisation mé- dicale ; 2° que plusieurs projets ont déjà été développés par des sociétés savantes , notamment par l'académie royale de médecine et par l’association des médecins de Paris , elle se 1 borne à émettre le vœu que Le gouvernement veuille bien s'occuper le plus promptement pos- sible de la nouvelle organisation depuis long-temps promise au corps médical. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE. M. Thiaudière (de Gençay) présente un Mémoire sur l'éta= blissement d'un corps de médecins légistes. « L'exercice de la médecine légale, dit M. Thiaudière, exige une (153) grande variété de connaissances et d’études spéciales auxquelles se livrent un petit nombre de médecins ; cependant les magistrats ap- pellent souvent le premier médecin qui se trouve disponible, ou le plus rapproché du lieu de l'événement. Le médecin qui a fait un rapport médico-légal nè peut paraître en justice qu'en qualité de simple témoin , et, sa déclaration une fois re- cueillie , le ministère public et le défenseur ont seuls la parole. Ega- lement étrangers l’un et l’autre à la médecine légale, c’est sur elle cependant qu'ils s'appuient pour tirer des preuves de la vérité des faits qu'ils avancent , et c’est sur d'aussi faibles bases que les jurés sont obligés d’asseoir leur conviction. k _Je voudrais qu'il fût nommé près de chaque cour royale un medecin general du roi, ayant, dans le ressort de la cour, sur les medecins du roc et leurs substituts , la même autorité que les procureurs généraux sur les procureurs-du roi et leurs substituts. Je voudrais qu’il fût nommé près de chaque tribunal de première in- ‘ stance un 7rédecin du roi, ayant pour les affaires de sa compétence la même autorité que le procureur du roi pour les siennes. Je voudrais qu’on instituât près de la justice de paix de chaque can- ton, un mredecin du roi, substitut de celui qui résiderait au chef-lieu de l'arrondissement. Tous ces fonctionnaires , dans l’ordre hiérarchique, auraient mission de constater par des rapports tous les faits du domaine de la méde- cine légale. Les médecins du roi feraient d'office ou ordonneraient toutes les recherches propres à éclairer leur conviction. Lorsqu'une affaire serait portée à la cour d'assises, le médecin du roi siégerait au parquet et soutiendrait l'accusation avec le ministère public. L'accusé choi- sirait pour sa défense un médecin qui discuterait dans son intérêt les faits de médecine légale. » , M. S. Doucet (de Loudun). « Il est tout-à-fait impossible d'établir une hiérarchie de médecins exerçant une magistrature spéciale , en dehors des juges d'instruction et des tprocureurs du roi. Comment régler les attributions , la compétence et les devoirs de ces fonctionnaires ? Comment concilier les droits de cette nouvelle autorité avec ceux de l’ancienne? I} n’est pas da- yantage nécessaire qu’un seul médecin soit exclusivement chargé de touslesrapports de médecine légale. C’est aux magistrats char- gés de l’instruction à choisir ceux qui par leur moralité et leurs connaissances offrent les meilleures garanties, » 20 (154) M. Bonnet (de Poitiers). « Entre deux pouvoirs indépendans qui agiraient dans la mème cause , il y aurait inévitablement une rivalité et une confusion d’attributions, nuisibles à la chose publique. Sans établir cette magistrature médicale , on pourrait nommer des médecins spécialement chargés des affaires de médecine légale. » M. Barrilleau (de Poitiers), « Au lieu d'établir des titres et des distinctions , il faut au contraire maintenir l'égalité dans le corps médical et laisser la carrière ouverte à tous ceux qui sont capables de la parcourir. Un très-grand nombre de médecins possèdent des connaissances suflisantes, et tous ont soutenu, en faisant leurs études, un examen sur la médecine légale ; il est juste de les appeler successivement à remplir des fonctions ho- norables sans doute , mais fort pénibles à cause du travail auquel doit se livrer celui qui veut remplir convenablement ses fonctions; Il serait inconvenant de faire argumenter deux mé- decins l’un contre l’autre , et de mettre ainsi la science en cause devant les juges , les jurés et le public. Le médecin doit pa- raître en justice comme un arbitre intègre, impartial, pur de tout soupcon ; il ne doit jamais jouer le rôle plus ou moins passionné d'avocat ou de ministère public. Que pourraient comprendre les jurés à des discussions scientifiques , et quelle confiance pourraient-ils accorder à des principes ainsi mis en question par ceux qui sont chargés de les expliquer ? Aujour- d’hui , lorsque le médecin donne des conclusions claires, posi- tives et bien motivées , elles servent généralement de base à la déclaration du jury. » * M. Malapert (de Poitiers). « Les légistes sont tout-à-fait incompétens dans les questions de science , et ils ont abso- lument besoin dans ces occasions d’appeler les hommes spé- ciaux. » M. Quotard (de Poitiers ). « La législation actuelle est suffi- sante , et le médecin obtient toutes Les facilités désirables pour arriver à la connaissance de la vérité. » M. Palustre (de Niort) approuve la proposition de M. Thiau- dière sous le rapport de la nomination de médecins légistes , ( 155 ) tous les médecins n’étant pas également propres à faire et à défendre un rapport de médine légale. M. Boynet (de Poitiers). « Le médecin qui serait exclusive- ment chargé de toutes les affaires de médecine légale pourrait avoir l'air d’être influencé par accusation , avec laquelle il se trouverait si souvent en rapport ; il vaut mieux que le travail soit divisé en plusieurs. » M. Hunault de la Peltrie (d'Angers). « Le mémoire de M. Thiaudière contient deux propositions : la. première de constituer une magistrature médicale ; les raisons développées par plusieurs préopinans montrent qu’elle est inexécutable; la seconde d’établir des médecins légistes , cette proposition pré- sente beaucoup d’inconvéniens. Après ceux déjà signalés , on doit encore noter que les magistrats chargés de la poursuite des affaires criminelles, doivent être libres d’associer à leurs tra- vaux ceux qui ont obtenu leur confiance. Ce serait un tort d’exclure des cours d’assises un grand nombre de médecins qui peuvent s’y montrer avec honneur. » La section consultée décide qu’il n’y a pas lieu d’adopter la proposition de M. Thiaudière. La clôture du Congrès n’a point permis à la section d’en- tendre et d'examiner plusieurs autres communications qui lui ont été faites; elle doit mentionner celles qui lui ont été annoncées ou déposées dans ses archives. 1° Vote sur l'état et les appreciations théoriques et pratiques de la lithotritie dans les provinces, par M. Hunault de la Peltrie. 2° Ænalyse de calculs urinaires, par M. Collinet, pharmacien. 3° Histoire d'un singulier corps étranger introduit dans le rectum, nouveau procédé opératoire pour son extraction, par M. Thiaudière, docteur-médecin. 4° Memoire sur la fondation d'hôpitaux dans tous les'chefs-lieux de canton de la France, par M. Thiaudière , docteur-médecin à Gencçay. 5° Remarques faites sur un mélange d'éther sulfurique et d'une sub- stance végétale ; par MM. Desroziers , professeur de chimie au Collége de Poitiers, et Malapert, pharmacien. 6° Mémoire sur l’action des médicamens , per M. Saint-Georges-Ransol, de Lucon. Parmi les questions qui n’ont pu être discutées, quatre surtout paraissent offrir une importance particulière. La sec- (156) tion de médecine les recommande à l'examen du Congrès qui doit s'ouvrir à Douai, en septembre 1535. 1° Oninvite tous les médecins, savans et observateurs quelconques, à fournir au Congrès prochain tous les matériaux qu’ils possèdent sur Jes constilutions physiques et médicales de leurs localités, avant, pen- dant et depuis l'invasion du choléra-morbus. (M. Hunault de la Peltrie). 2° On invite les médecins et tous ceux qui s'occupent d’études physiologiques à rechercher et à signaler les avantages que l’on pourra retirer de la phrénologie pour le perfectionnement de l'éducation. (M. Jullien ( de Paris }! 3 La vie est-elle de nature différente dans chacun des êtres qui sont compris dans le mot monde, ou bien est-elle semblable et seule- ment distribuée en plus ou en moins ? (M. S. Doucet ( de Loudun). 4° La maladie de Pott, par ses terminaisons telles quelles, ne laisse- t-elle pas chez les individus qui en ont été atteints, des infrmités assez graves, des troubles, des perturbations, des perversions organiques et fonctionnelles assez profondes, pour que cette maladie ait droit d’être considérée comme une cause d’exemption spéciale de tout service mi- litaire quelconque, et par conséquent d’être inscrite comme telle dans nos cadres médico-légaux, où elle n'existe en ce moment qu'implicite- ment? (M. Hunault de la Peltrie), M. Duval, de l’Académie royale de médecine de Paris, a adressé à la section un mémoire rempli d'observations inté- réssantes sur la structure et la vitalité des dents. Il en déduit les conclusions suivantes : « Souvent les molaires sont tellement usées , qu’au lieu d’être tuber- culeuse, leur face triturante est lisse et polie par l'effet de la détrition. On y distingue parfaitement , comme après la coupe transversale d’une dent, les aspects sous lesquels se présentent ses substances dures ; l’un appartient à l'émail qui est très-blanc, le second à la substance osseuse que je désigne sous le nom d’ostéodonte , et le troisième à cette partie qui , sous forme de zone circulaire et de couleur de corne , se trouve entre ce dernier et l’émail , et que j'appelle dictyodornte. Si avec la pointe d’un cure-dent d'acier ou d’une sonde on touche une de ces parties, l'émail ne donne aucun signe de sensibilité, l'ostéodonte quelquefois un peu, mais le dictyodonte beaucoup et plus souvent. Ces faits étant prouvés, il ne peut plus y avoir de doute sur la sensibilité des substances dures des dents, et vivunt et sentiunt. » M. le docteur Fourreau de Beauregard , médecin des hôpi- (157) taux militaires de Paris, a fait part au Congrès d’une observa- tion intitulée : ÿ Histoire d'une monomanie homicide causée par les vers intesti- naux , et guérie par les vermifuges. — Remarques sur la présence des vers dans les cadavres du plus grand nombre des aliénés. — In- duction à tirer de l'existence constante du tœnia dans les intestins du chier et du chat, animaux sujels à la rage spontanée, pour re- chercher si l'irritaliou produite par Le tœænia n’est pas la cause de La rage, qui est la folie du chien, et qui est ainsi appelce en langue anglaise. Rapport présenté à la section par M. Guépin (de Nantes). Messieurs , le professeur d'hygiène de la faculté de Montpellier , le docteur Ribes, vous à adressé un mémoire difficile à analyser , en ce qu’il n’est lui-même qu’une analyse rapide d’un plus grand ouvrage que l’on pourrait appeler examen des doctrines médicales. Pénétré depuis long-temps des divergences de l’école de Paris et de celle de Montpellier , notre savant confrère à voulu y mettre fin: Pour arriver à ce résultat , il fallait nécessairement posséder une conception médicale qui ne niât ni le vütalisme du midi, ni l'organicisme du nord, qui pût s’accommoder à la fois des travaux des spiritualistes et de ceux des matérialistes, qui permit d'envisager l’homme aussi bien dans son unité que dans la multiplicité de son être. Cette conception la voici : l'économie humaine doit être envisagée comme une association de parties, dans laquelle il faut savoir distinguer des intérêts généraux et des intérêts particuliers. 11 envisage aussi l’homme et son milieu comme associés pour produire de concert les phénomènes de la vie. Pour lui , la vie n’est ni un combat, ni une ré- sistance; les deux aspects de l'homme sont unis : il n’y a plus deux principes en nous, mais deux ordres de qualités appartenant au Corps vivant ; l'homme n'est plus passif dans le milieu qui le presse. Partant de cette conception, le professeur de Montpellier se pro- pose de prouver l'impuissance actuelle de toutes les doctrines médi- cales , et de montrer en même temps dans le passé l'utilité et la né- cessité de chacune d'elles. 11 réduit d’abord toutes les doctrines à deux, le spiritualisme et le matérialisme médical. Or, il prouve sans peine que toutes se ramè- nent aisément à l’un ou à l’autre de ces dénominateurs. II montre aussi comment tout s’enchaïne en médecine, et comment chaque principe fondamental de notre art renferme en lui une hy- giène , une thérapeutique » une pathologie spéciale ; ce qui prouve en (158) passant qu'il ÿ a nombre de médecins spiritualistés qui procèdent à la manière des matérialistes et sont ‘inconséquens avec eux-mêmes, et nombre de médecins matérialistes qui appartiennent au contraire à l’école de Montpellier et sont spiritualistes dans leurs actes. Arrivant à l'examen des doctrines, notre savant confrère montre dans Socrate la puissance intellectuelle qui fait révolte contre la théo- logie païenne et la détruit. Socrate ne commence pas la révolution, il l'achève, il termine l’œuvre de Pythagore et d’Anaxagore en écrasant la mythologie par la philosophie. — Nous sentons, disait-il , en nous, une faculté pensante ; c’est une substance non appréciable aux sens ; c'est l'âme qui embrasse et dirige le corps, comme la divinité embrasse ef dirige l'univers. En même temps la médecine passe de l’état religieux à l’état philo- sophique, et les deux écoles philosophiques, nées de Socrate, se divisent le monde médical. Ces deux écoles ont pour chefs Platon ét Aristote. Platon étudie le monde dans l’homme. Aristote arrive à l’homme par le monde. Long-temps ‘ces deux doctrines se combattent : la première conduit au Sspiritualisme, la seconde au matérialisme; mais avant de subir cette transformation, elles passent par Alexandrie où l’éclectisme s'établit comme résultat nécessaire d’une lutte dans laquelle leur impuissance avait été constatée. Sous l'influence du christianisme, on vit proclamer que l'âme est une substance spirituelle à laquelle le corps est soumis. L'homme devint alors , pour les médecins , le produit de l'union de deux causes , l'âme et le principe vital d’un corps ou ensemble de parties qui en était l’in- strument. Par suite, la physiologie se trouvait distincte de la psyco- logie, l'étude du principe vital supérieure à celle de anatomie; la cause active avait ses lois en opposition à celles de la matière. L'hygiène de cette doctrine avait pour but le perfectionnement de l'âme et le mé- pris du physique. En nosologie H y avait des affections de la cause efliciente et des maladies des organes. Les symptômes et les altérations anatomiques étaient des effets ; toute affection était générale, car elle intéressait la cause qui lui était unie. En thérapeutique le médecin était subordonné à la nature, qui seule guérit; il se proposait toujours pour but de modifier la cause efficiente. Le chirurgien , dans la hiérar- chie, était inférieur au médecin, comme la matière à l'esprit. L'action thérapeutique était expliquée par les sympathies et non par l'absorption, etc., etc. La réaction matérialiste contre la théologie chrétienne a lieu d'a- bord par Paracelse et Vanhelmont, et elle se termine à Broussais , en ms (159 ) empruntant successivement à la science la couleur de ses diverses périodes. Ainsi sont professées d’abord les doctrines des esprits animaux, des fermens acides et alcalins. Les sécrétions sont envisagées comme de vé- ritables fermentations. Mais il ne sort de cette réaction rien de bon dans la pratique ; aussi bien Rammazini, Sydenbam et autres » ne suivent- ils aucune doctrine. Après cette forme du matérialisme médical, on voit apparaître celle qui veut faire de l’homme un être mécanique soumis aux lois de la dynamique et explicable par elles, où les solidistes prédominent né- cessairement. Le vilalisme des sthaliens , le vitalisme des demi-sthaliens, l’orga- nicisme et les forces réactives , la doctrine des propriétés vitales, et l'école anatomique , occupent ensuite l’auteur , et le conduisent jus- qu'à nos jours, où il s'arrête. Je ne suis point d'avis, Messieurs , de demander la lecture en séance générale du Mémoire de M. Ribes, et cependant j'en partage les opi- nions, et cependant je suis arrivé à la même conséquence par une autre voie. Il a suivi la méthode platonicienne , tandis que je suivais la méthode aristotélienne et que j'arrivais à l’homme par l'étude du monde extérieur, ou plutôt à l’unité par: l'étude de la multiplicité. Comme lui, en un mot, je crois à la vie universelle , à l'unité de loi et de plan dans le monde. Mais est-il possible que notre réunion se prononce en une séance sur une question qui, telle qu’elle est posée , résume tous les travaux , toute la vie intellectuelle de M. Ribes ; qui, telle que je la poserais , si j'avais mission pour changer le terrain de la discussion, résumerait aussi toutes les études que j'ai pu faire depuis six années ? Je vous proposerais plutôt de déclarer que le Mémoire du docteur Ribes est d’une haute importance, et qu'il ÿ aura lieu de s’en occuper dans les Congrès subséquens. ; Les Secrétaires de la Section, Le President de la Section, HUNAULT DE LA PELTRIE _ LEVIEIL DE LA MARSONNIÈRE (d'Angers). (de Poitiers ). Lucien GAILLARD (de Poitiers ). Le Vice-Président, È GUÉPIN (de Nantes ). ( 160 ) me —— a QUATRIÈME SECTION. Archéologie et Histoire. SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Cauvix ( du Mans ), doyen d'âge, et ensuite de M. Aucuis ( de Melle) (1). La séance est ouverte sous la présidence d’âge de M. Gauvin (du Mans ). MM. de la Saussaye (de Blois ) et Grille de Beu- zelin ( de Paris) remplissent les fonctions de secrétaires provi- soires. M. Auguis ( de Melle } est nommé président de la section ; M. de Givenchy (de Saint-Omer) est appelé à la vice-prési- dence; MM. de la Saussaye et Grille de Beuzelin sont con- servés comme secrétaires ; M. de la Pylaie ( de Fougères) est appelé aux mêmes fonctions, sur la résiliation de M. de Beuzelin. M. le président donne connaissance des diverses communi- cations faites à la section , qui comprennent : 1° des réponses aux questions déterminées à l’avance par la lettre de convo- cation ; 2° des propositions nouvelles faites par plusieurs mem- bres du Congrès ; 3° des hommages d'ouvrages et de mémoires manuscrits où imprimés. La section décide : 1° que les réponses aux questions posées par le programme seront lues lorsque ces mèmes questions (x) M. de la Saussaye a tenu la plume aux différentes séances de la section et rédigé le compte-rendu, sauf pour les séances des 11, 12 et 13 septembre; celle partie du travail appartient à M. de la Pylaie. (161) seront traitées en séance; 2° que les propositions nouvelles et les mémoires manuscrits seront classés par le bureau, selon le . degré d’intérêt qu’ils pourront présenter , afin d’être soumis successivement à l’examen de la section toutes les fois que l'ordre du jour d’une séance se trouvera épuisé; 5° que les ouvrages ou mémoires imprimés seront mentionnés au procès- verbal. L'ordre du jour adopté pour la séance du lendemain est : 1° l’examen d’une proposition de M. Pattu de Saint-Vincent , relative à une description historique des monumens de France: 2° la discussion sur l’origine de l’ogive, indiquée par la lettre de convocation. SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834, Présidence de M. Aucuis (de Melle). M. Pattu de Saint-Vincent ( de Mortagne) présente et dé- veloppe la proposition suivante : « Provoquer dans la France des collections de vues exécutées par » les plus habiles artistes, réunissant tout ce qui est beau, dans tous les genres, de facon à donner une idée exacte de nos provinces , à » recueillir les souvenirs, à faire connaître les monumens qui sy » trouvent. — Ces vues seraient accompagnées d’un texte historique et » archéologique. — Éviter, autant que possible, que ces collections soient » dépendantes les unes des autres; mais que chacune fasse un tout com- » plet. — Travailler sur un même plan et sur une même échelle , afin » néanmoins que les diverses collections puissent se réunir et former > » un ensemble régulier.— A cet effet, arrêter un plan qui serait adressé » aux diverses Sociétés savantes. » > Après avoir entendu quelques objections présentées par MM. Grille de Beuzelin et de La Saussaye , la section , sans adopter la proposition de M. Pattu de Saint-Vincent , décide qu'elle sera cependant insérée au procès-verbal. L'ordre du jour appelle la discussion sur l'origine de l’ogive et sur l’époque à laquelle elle s’est introduite en France et dans les états voisins. 21 (162) M. de la Pylaie expose qu’il a observé à l’île de Noirmoutiers une ogive dans une construction qui remontait au vru‘ siècle, et, ce qui est très-remarquable, sous une autre ouverture construite à plein cintre et en claveaux étroits. Cet antiquaire a encore retrouvé à l’Ile-Dieu le système ogival dans les voûtes inférieures dè la tour de l’église Saint-Sauveur, tandis que les fenêtres de la partie supérieure de l'édifice ont, par leur plein cintre, le caractère des constructions du x° au xr° siècle. M. de la Pylaie conclut de ces observations que, dans diverses loca- lités, l’ogive a pris naissance fortuitement du besoin de donner une extrême solidité aux constructions , parce que, d’après cette forme, tout le poids , au lieu de reposer sur la courbure centrale de l'arc , retombe sur les parties laté- rales. M. le président donne lecture d’une communication de M. Shweighauser de Strasbourg , qui considère la question sur l’origine de l’ogive comme des plus difficiles à résoudre, et avoue que malgré toutes ses recherches, il èst encore loin d’avoir atteint un résultat satisfaisant. IL rappelle que des ogives ont été observées dans des monumens du vi: siècle , dans la baie de Subiaco , près de Rome , et qu’on en a trouvé dans les cryptes des plus anciennes églises de Paris, qui remontent , comme on sait, aux premiers temps de la monarchie française. Il cite celle du nilomètre du Kaire et celles du Saint-Sépulcre, renouvelé au xr° siècle , comme ayant pu servir de modèles. Il parle , d’après Stieglitz , des édifices construits en Saxe dans le style ogival, et que cet auteur attribue au x° siècle. L'église de Mayence , la cathédrale de Strasbourg offrent aussi des ogi- ves dans leurs parties les plus anciennes. D’après d’autres exem- ples encore , M. Schweighauser pense que le style ogival n’a complètement prédominé que dans le xm° siècle , cette forme n'étant que comme fortuite et isolée avant cette époque. Il cite encore l’église d’'Haguenau et surtout celle d’Altorf , renouvelée à la fin du xrr siècle , où l’on voit des ogives très-grossières à côté d’arcades romanes d’un style très-perfectionné. M. de la Pylaie fait observer qu’il y aurait ainsi beaucoup s ( 163) d’analogie entre cet édifice et l’église Saint-Sauveur, visitée par lui à l’Ile-Dieu. Sur la remarque de M. de Caumont, qu’il a vu beaucoup d’exemples de substructions, et qu’il est quelquefois impossible de rien conclure de ce qu’une arcade ogivale en supporte une à plein cintre, M. de la Pylaie répond que la construction , à la même époque, de la partie inférieure et de la partie supérieure de l’église Saint-Sauveur est bien évidente, et que l'habitude qu’il a d'observer les anciens édifices lui permet de l’affirmer positivement. M. André ( de Bressuire ) reconnaît aussi l’extrême difficulté qu'il y a à préciser l’époque des constructions où les deux styles sont ainsi mélangés. Cet antiquaire cite un exemple remarquable à l’appui de son opinion. IL a vu à Thouars une tour dont le sommet était roman , tandis que la partie infé- rieure était de style ogival ; le sommet a été construit sous Louis XIII, par un architecte qui s’est plu à faire un trompe- l'œil avec tant de perfection qu’il faut une grande habitude d'observation pour s’en apercevoir. M. Grille de Beuzelin signale la différence qui existe entre logive observée isolément et le style ogival. Il pense que l’ogive a pu se rencontrer et s’est rencontrée en effet dans beaucoup de monumens à plein cintre ; mais que le style ogival proprement dit est sorti tout entier des spéculations de quelques docteurs placés à la tête des grandes associations libres fondées en Allemagne. Leurs pensées d’art et les artistes qui les exécutaient se sont répandus dans l’Europe, et l’ar- chitecture à ogive s’est établie concurremment avec celle à plein cintre. M. de Beuzelin a remarqué , en Allemagne sur- tout, que c’étaient des moines architectes qui élevaient les édifices du dernier de ces deux styles, et des architectes laïques qui construisaient les monumens jogivaux. Ainsi l’église de Saint-Kunibert à Cologne , achevée après le commencement du Dôme, est entièrement à plein cintre , tandis que le Dôme est tout ogival. Les mêmes ouvriers, à la même époque, ne pouvaient exécuter des travaux d’art si différen$. L'opinion de (164) M. de Béuzelin serait que le style ogival est sorti des opé- rations algébriques des savans allemands affiliés aux sociétés dés francs-macons. x M. le président lit une communication de M. Dusevel ( d'Amiens }, où il établit que dans l'Amiénois, le Ponthieu, le Vimeu et le Santerre, qui forment aujourd’hui le dépar- tement de la Somme, le style ogival ne l’a emporté complète- ment sur le style roman que vers l’an 1220, époque de la fondation de la cathédrale d'Amiens. M. de Caumont a souvent eu lieu d'observer la rivalité des deux architectures, signalée par M. Beuzelin ; il a vu, dans lés Pyrénées, üne église romane du xv° siècle. M; de Caumont engage M. de la Fontenelle à donner quelques explications sur l’ancienne église de Charroux, située près de Poitiers , et qui ,Vient d’être détruite. M. de la Fontenelle n’a pu tirer aucune donnée satisfai- sänte de l’examen qu'il à fait de cet édifice , reconstruit en tout ou en partie à plusieurs reprises différentes. M. le secré- taire général parle aussi de l’église de Saint-Généroux, qu’il a visitée en 1833 avec M. Ludovic Vitet , et dans laquelle ils ont trouvé plusieurs points de ressemblance avec le temple Saint- Jean de Poitiers, quoique ce dernier édifice doive être beau- coup plus ancien que le premier; car, lorsque saint Généroux vint bâtir sa cellule à l'endroit où fut depuis construite l’é- glisé actuelle, ce lieu était entiérement désert, au dire des anciens documens historiques. M. Foucaït ( de Poitiers). « [l faut chercher l’origine du style ogival, non dans les spéculations architecturales ; mais dans les besoins des populations. Les toits plats que l’on remarque sur les édifices de tradition romaine convenaïent parfaitement aux climats méridionaux; mais ils ne pouvaient opposér uné barrière suffisante aux pluies et aux neïges des contrées du nord , et de là vint la nécessité de leur donner une pente plus rapide. Peu à peu les toits aigus remplacèrent les toits plats, et on les appliqua même aux anciennes cons- téüctions lorsque l'usage en fut devenu général ; ce fait se re- ( 165 ) marque bien facilement sur les pignons des anciennes églises romanes , notamment sur celui de l’église de Savenières , près d'Angers. Get exhaussement des toits dut amener celui des voûtes , et Le style ogivai résuita des efforts que l'on fit pour trouver une forme plus élancée et plus forte en même temps, qui püt répondre à l'introduction d’un nouveau système de couverture plus élevé et plus lourd que le précédent. L’ogive serait donc originaire des climats septentrionaux ; elle aurait commencé par les voûtes des édifices , aurait envahi successi- vement les fenêtres, les portails et les ornemens , et serait devenue , en un mot, le générateur d’un nouveau style archi- tectural. Cette origine de l’ogive explique tout naturellement pourquoi les édifices ogivaux sont plus communs dans le noïd que dans le midi de l’Europe. » M. Eusèbe Castaigne (d’Angoulème ). « Je pense que pour discuter avec fruit la proposition dont la section est occupée , il suffirait de demander à chacun des antiquaires du Congrès ce qu'il a observé à ce sujet dans le pays qu’il habite. En con- séquence , entrant dans la question pour ce qui regarde mon département, je puis affirmer que l’ogive y était inconnue au commencement du xr° siècle. Je citerai pour exemple la ca- thédrale d’Angoulème, dont la façade, construite en 1120, est toute à plein cintre, ainsi que celles d’un grand nombre d’églises de ce diocèse, bâties vers la même époque sur le plan de la basilique épiscopale. Toutefois, j’ai remarqué, dans cette cathédrale et dans la petite église de Roullet , un léger angle curviligne aux cintres qui séparent les voûtes. J'ai vu aussi, parmi les ruines de l’abbaye de la Couronne , fondée en 1171, des voûtes en ogive placées au-dessous des fenêtres romanes, ét j'en conclurai : 1° que c’est dans les voûtes , et dans un but de solidité, que l’ogive a pris naissance; 2° qu’un léger angle curviligne commence à se faire sentir dans lés votes vers le quart du xn° siècle ; 3° que vers les trois quarts du même siècle cet angle est déjà très-aigu; 4° que ce n’est que Vers la fin du xn° siècle que l’ogive à été admise comme embellissenrent dans les portes et les fenêtres. » ( 166 ) M. André regarde comme bysantine l'architecture de la cathédrale d’Angoulème , et pense que la lutte de styles n’a pas eu lieu entre l’architecture romane, qu'il appelle gallo- romaine, et Varchitecture ogivale; mais entre celle-ci et l’archi- tecture bysantine. L'heure avancée force la section de remettre au lendemain la suite de la discussion. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Auceuis ( de Melle). L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l’origine delogive. M. Moreau ( de Saintes) pense que l’ogive parut dans les monumens religieux ‘avant l’époque des Croisades. Il établit ses opinions d’après l’examen qu'il a fait de plusieurs églises de la Saintonge, citées dans la charte de fondation de l’abbaye de Saintes , datée de 1047. Dans toutes ces églises l’ogive est mélangée au plein-cintre. Il reconnaît toutefois que le style ogival ne prévalut qu'après la première croisade. On continua encore en Saintonge de construire des églises dans le style ro- main jusqu'à la fin du xr° siècle. L'église de l’abbaye de Saintes, dont la façade a beaucoup d’analogie avec celle de Notre-Dame de Poitiers, offre dans son étage supérieur le plein-cintre avec des ornemens du xn° siècle, et dans sa partie inférieure des ogives du xi°. M. Lecointre (d'Alençon ) espère trouver la solution de la question dans l'examen des plus anciens monumens du Poitou, où l’ogive est entrée dans le système d’architecture. Il cite le portail de Notre-Dame de Poitiers, celui de Civray, la salle des Pas-Perdus du Palais de Poitiers, la cathédrale de la même ville, etc. Examinant d’abord dans quelle partie des édifices l’ogive a commencé à être employée systématiquement , il lui semble démontré que c’est dans les fausses portes, les arcades basses, les arceaux de voûte, et non dans les fenêtres; ce qui dé- (167) truit le système présenté par M. Foucart, système qui tombe, d’ailleurs, devant les nombreux exemples d’églises à plein-cintre aussi élevées que les plus hautes cathédrales à ogives. Passant ensuite à l'examen des monumens de la province , il montre l’ogive adoptée dans l'architecture, comme simple aco- lyte duplein-cintre, dans diverseséglises dont il ne peut donner la date précise par les documens historiques qui ne parlent de ces monumens que dans le xn® siècle ; mais, en comparant leur achitecture avec celle des édifices antérieurs et posté- rieurs , il détermine la fondation de ces églises au commen- cement du xn° siècle. M. Lecointre examine ensuite les événemens de cette époque, et s'arrête surtout à la croisade de Guillaume IX , duc d’Aqui- taine, comte de Poitou. Il attribue à l'influence que ce prince lettré exerça sur son siècle, la révolution subite et de peu de durée qui s’opéra dans le Poitou et une partie de l’Aquitaine au commencement du xn° siècle ; révolution qui produisit le portail de Notre-Dame de Poitiers, celui de Civray, l’octo- gone de Montmorillon, le portail de Notre-Dame de Parthe- nay, etc. ; révolution au milieu de laquelle parut l’ogive, qui cependant fut long-temps encore, en Poitou, simple compagne du plein-cintre qu’elle devait détrôner. Le plein-cintre do- mine encore dans l’église Saint-Pierre, fondée dans la seconde moitié du xue siècle par Henry Plantagenet et Aliénor, sous l'inspiration de l’école normande plus sévère que l’école poi- tevine, et l’ogive ne commence à prévaloir en Poitou que vers 1230. Passant en revue les divers ornemens architectoniques nou- veaux qui paraissent en même temps que l’ogive, M. Lecointre s'arrête à plusieurs d'entre eux qui lui semblent apportés de l'Orient et reproduits sous l’influence du génie poétique de Guillaume IX. Tels sont : les zodiaques de Lusignan et de Civray , les statues de femmes nues, entortillées de serpens qui leur sucent les mamelles ; et qu’on voit à Montmorillon , à St- Jouin-de-Marnes et ailleurs; les frontons triangulaires coupés ( 168 ) de St-Jouin-de-Marnes et de Notre-Dame de Poitiers, celui , surtout , si remarquable de Civray, qui lui semblent une imi- tation de ceux des temples grecs, type ingénieux adepté par - le christianisme pour représenter la divine Trinité. Il demandesi la concomitance de l’introduction de ces ornemens dans le sys- tèmearchitectural avecl’introduction de l’ogive n’est pas une forte preuve en faveur de l’opinion qu’il défend ; surtout si, comme M. Schweighauser l’a avancé , l’ogive était employée dans les constructions du Saint-Sépulcre qui, plus que tout autre mo- nument de l'Orient, dut attirer l'attention des croisés, se graver dans leurs souvenirs et se recommander à leur imitation. En finissant, M. Lecointre réfute l'argument tiré du re- tard de l’emploi du style ogival dans le midi de la France , dont les populations , accoutumées aux grands monumens du peuple-roi, perpétuèrent avec un religieux respect les tradi- tions des arts de Rome, dont le plein-cintre conservait le type dégénéré. M. l'abbé Gibault( de Poitiers) serait tenté d’attribuer l’o- rigine de l’ogive aux Gaulois, habitués à vivre au milieu des bois, et qui auraient cherché à imiter l'effet du croisement des hautes branches des arbres qui forme la voûte des forêts. Il préfère cependant l'opinion qui fait venir le style ogival de l'Orient, à la suite des croisés. M. Chanlouyneau ( d'Angers) réfute la première de ces deux opinions par l’examen de l'architecture des Gaulois avant et après la conquète des Gaules. M. l'abbé Gibault déclare se rattacher de préférence à l’ori- gine orientale de l’ogive. où : M. de la Fontenelle revient sur l'observation qu'il a déjà faite au sujet de la diffigulté de tirer des données positives du style architectural des églises les plus anciennement fondées , en raison de leurs différentes reconstructions. Il ajoute qu’en France et en Angleterre on s'occupe beaucoup maintenant de la question de l’origine de l’ogive; que M. Gally-Knight (de Londres) a notamment fait parcourir la France par un dessinateur, grand connaisseur en architecture ( M. Joseph ( 169 ) Woods, de Lewes dans le canton de Sussex) , pour prendre les vues des monumens que le savant antiquaire anglais croit propres à éclaircir le problème à résoudre (1); il pense donc que des renseignemens précieux ‘pourront être réunis d’ici à quelque temps, et qu’il serait bon de remettre cette question à la session du Congrès de 1835. M. de Beuzeliu rappelle la différence qu’il a déjà établie entre l’ogive employée isolément , comme ornement , ou concurrem- ment avec le plein-ceintre , et l’ogive considérée comme style architectural , et il demande que l’on ajoute, dans la proposition présentée pour le Congrès de 1835 , au mot ogive , ceux : et de style ogival. La proposition de M. de la Fontenelle est adoptée dans la forme suivante : A raison de la difficulté que présente l’origine de l’ogive et du style ogival, inviter les antiquaires à relever tous les monumens qui peuvent aïder à la solution de la question. Ces documens seraient apportés à la prochaine session du Congrès , qui se trouverait peut-Ëtre en position d'émettre une opinion en pleine connaissance de cause. M. Lecointre demande que les antiquaires aient soin d’in- diquer exactement quelle était la place de logive dans les édi- fices où elle aura été observée. La section adopte cette adjonction à la proposition de M. le secrétaire général. L'ordre du jour étant épuisé, M. de la Pylaie donne quelques explications verbales sur le monument de Karnac qu’il a récem- ment exploré, et dont il soumet un nouveau plan à la section. « Ce monument a été toujours mal jugé et mal décrit. On n’a voulu voir dans les quatre groupes principaux dont il se com- pose, et quelques autres pierres éparses, qu’une suite non in- terrompue primitivement et projetée ainsi sur plus d’une lieue d’étendue, depuis le bourg de Karnac jusqu’au petit bras de mér qui arrive au bourg de la Trinité, où s’arrête tout le sys- tème. Mais on n’a pas pris garde que quatre groupes princi- (x) Voir à ce sujet la Revue anglo-française , t. 11, p. 244. On y donne des détails sur les monumens dessinés par M. Joseph Woods. 22 (170 ) paux sont essentiellement caractérisés et distincts entre eux, commençant chacun par de grandes pierres, hautes de 7 à 9 pieds, et se terminant, en décroissant graduellement , par des blocs hauts de 2 à 3 seulement. Une distance considérable sépare ces quatre groupes, ces quatre phalanges de nombreux menhirs. » Une autre considération importante résulte de ce que le premier groupe à l’ouest se rattache immédiatement à un crom- leac’h ovale ; que la deuxième phalange se trouve précédée de deux menhirs , placés là comme deux chefs un peu à l’écart ; que le troisième groupe semble dépendre d’un grand dolmen de Ja classe des Roches-aux-Fées ; qu’enfin la dernière phalange est accompagnée d’une aire spacieuse , de forme carrée , dont la turcie est garnie de menhirs sur quelques points. A l’en- droit que l’on peut regarder comme son terme définitif, on remarque deux ou trois autres dolmens, de grandes dimensions, sur la crête des hauteurs littorales qui dominent le petit bourg de ia Trinité. Différens auteurs ont mentionné la butte Saint- Michel , tumulus situé près de la première phalange occidentale ; mais personne n’a encore signalé l’autre éminence tumulaire située près de la dernière phalange, vers l’orient, le #4mulus de Kercado, mot qui signifie maison , habitation du Sauveur. ». Il doit résulter de ces données que Les différentes opinions émises sur la destination du monument de Karnac ne sauraient être admises. Il ne pouvait être un mallus , ou lieu d’assemblées civiles ou religieuses , puisque des différences de niveaux con- sidérables s’opposent à ce que tout un peuple puisse s’y con- certer à la fois sur ses intérêts, ou bien y suivre de point en point une cérémonie religieuse. Il faut le récuser comme monument funéraire, vu le peu de profondeur du sol sous la généralité de ces menhirs ; comme campement , à cause de la proportion décroissante des pierres verticales qui ne pouvait offrir partout la hauteur convenable pour appuyer des tentes ; comme l’emblème d’un serpent, parce que la disposition des pierres en quatre groupes distincts rend cette conjecture la plus invraisemblable de toutes. Il vaudrait peut-être mieux (171) reconnaître, dans ces quatre groupes, un emblème des quatre saisons; dans le haut tumulus de Kercado , une éminence con- sacrée au soleil; dans la butte Saint-Michel, une autre consacrée peut-être jadis à la lune. En un mot, on ne doit voir dans les pierres de Karnac qu’un monument érigé au culte des astres. SÉANCE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aueuis (de Melle). M. le président annonce à la société l'hommage de onze ouvrages concernant l’archéolosie. Après l'indication de ces ouvrages, M. Guépin (de Nantes) communique à l’assemblée ses curieuses et savantes observa- tions sur les caractères de la race bretonne prototype, sur la race poitevine , et la petite peuplade du bourg de Batz, près du Croisic. « La grande question des races humaines , dit-il, a pris une impor- tance nouvelle depuis qu’il a été prouvé par;Édwards que les races qui ne se mêlaient pas ou ne se mêlaient que peu à d’autres conservaient leur individualité. ? » Cette question, je ne prétends pas la résoudre ; mais j'ajouterai quel- ques matériaux à ceux qui existent , et je provoquerai de toutes mes forces à ce que l’on fasse pour d’autres contrées l'étude que j'ai faite pour la Bretagne , étude que je compte compléter, et que , sans la de- mande de M. de Caumont , je n’eusse pas soumise au Congrès. » L'histoire nous apprend que les Kimri, les Cimbres, les Bretons sont une seule et même famille. Avant nos historiens modernes, La Tour-d’Auvergne avait mis cette vérité hors de doute. Mais la déno- mination de Bretons n'appartient qu’à une partie des habitans de la Petite-Bretagne. » Ces hommes sont parfaitement représentés dans quelques dessins de feu Perrin. Leur buste est long , leur nuque assez large , leur tête développée , le crâne est épais et dur à briser, les yeux sont inclinés fortement vers l'angle interne comme ceux des Tartares, les pommettes font saillie, les bosses frontales proéminent ; la partie latérale anté- rieure de la tête est très-développée dans le lieu que Gall assigne à l’i- déalité, la partie antérieure l’est moins; la partie supérieure laisse proéminer la fermeté; la partie postérieure indique, d’après Gall, les (172 ) penchans à la querelle, à la destruction ou à la cruauté, à la discré- tion, et surtout l’amour-propre et le désir de l’approbation. Le diamètre antéro postérieur est moins développé proportionnellement que le dia- mètre transversal. Ces caractères physiques correspondent assez au ca- ractère moral. Les Bretons sont braves, ils aiment la guerre, les femmes, la gloire et la poésie ; leur entêtement est extrême. I1 suffit pour expli- quer, par sa réunion à l’amour-propre, la persistance de leurs mœurs et de leurs coutumes » Les Bretons ou Kimri parlent la langue scythique, s’il faut en croire La Tour-d’Auvergne, Le Deist de Botidoux et Le Brigant. Leur langue contient d’ailleurs, à l'état de racines, une foule de mots qui se retrou- vent dans l’hébreu et les langues orientales, dans le grec et même dans le latin. » Ce sont eux qui ont importé le druidisme dans nos contrées, et l’on peut en suivre à la trace leur épanchement d'Orient en Occident, au moyen des dolmens et des menhirs qu'ils ont laissés depuis l'Arménie jusqu’à Carnac, où existe le plus beau des monumens druidiques. Tous les noms de fleuves et de montagnes les plus anciens appartiennent aussi à la langue bretonne. », Les Kimri ont conservé des chants populaires et des airs nationaux. Les chants ñne sont guère antérieurs aux 12°, 13e et 14° siècles. Les airs sont communs, quelques-uns du moins, aux Bretons du pays de Galles et aux Bretons de l’Armorique, ce qui prouve une plus haute antiquité. Chose assez remarquable encore, tous les lieux , tous les hommes cé- lèbres dans ïes romans de la Table-Ronde appartiennent aux Kimri de la province de Bretagne. » On trouve au bourg de Batz, dans la Loire-Inférieure, une race que je regarde comme croisée; elle ne parle pas le breton pur; on l'envisage généralement comme le produit de Saxons et de Bretons; elle est plus élevée de taille que la race bretonne, et ne possède qu'incomplètement ses caractères physiques ; leurs cheveux sont plus blonds, leur peau plus blanche, leur barbe autrement disposée, leur tête autrement faite ; ainsi l’idéalité se trouve beaucoup moïns déve- loppée , tandis que le diamètre perpendiculaire a plus de développe- ment. Cette race se perd d'ailleurs chaque jour par son union avec la race vendéenne. » Celle-ci a les cheveux noirs, la tête ronde. La doctrine de Gall lui assigne, pour qualités morales, la persévérance, le sentiment de la propriété, la discrétion, la circonspection, la combativité, la des- truction, c’est-à-dire tout ce qui constitue une peuplade essentielle- ment guerrière, Les Vendéens ont, comme les Bretons, le diamètre la- (178 ) téral très-développé ; mais les pommettes sont moins saillantes, et les yeux n’ont aucunement l’inclinaison que j'ai signalée chez les Kimri, inclinaison remarquable qui se trouve à Nantes sur les quatre grandes statues du tombeau du duc Francois II et sur les seize petites statues du même monument, dont l’auteur Colomb était né à Saint-Pol en Basse- Bretagne. » M. Mangon de la Lande lit ensuite un mémoire pour la con- servation des monumens répandus sur le sol de nos divers départemens, où il insiste principalement sur la nécessité d’une association générale pour prévenir leur destruction. M. le président invitant la société à présenter ses observa- tions au sujet des articles éd es concernant cette as- sociation, et des mesures à prendre pour la conservation des antiquités, M. Verger (de Nantes) pense qu’on devrait déclarer NATIONAUX ceux qui méritent ce titre en raison de leur impor- tance. Comme M. Mangon de la Lande avait indiqué qu’on devait s’adresser , pour la connaissance de ces monumens , aux sociétés locales , M. de Caumont déclare qu’elles n’ont commu niqué que des documens insuffisans, et qu’il vaudrait mieux s'adresser spécialement aux archélogues des divers départe- mens. M. Mangon de la Lande dit, en opposition à M, de Cau- mont, qu’il croit plus avantageux de s'adresser aux sociétés savantes elles-mêmes , parce qu’elles savent s’attacher tous les hommes d’un mérite connu , en les invitant à former une commission spéciale pour l’archéologie. La première de ces deux propositions est adoptée par la société. M. Verger ayant proposé d'inviter le gouvernement à ac- quérir par expropriation les monumens déclarés nationaux, cêtte proposition paraît impraticable à M. André. M: Godefroy (de Lille), voulant concilier le droit de propriété avec la conservation des monumens déclarés d’intérét national, propose de faire décider par le gouvernement qu’il n’y serait fait aucun changement, sans l’assentiment d’une commission établie par le ministère, (174) M. le président cite , en exemple, l’église de St-Bertin , dé- truite à St-Omer , malgré les injonctions des autorités locales pour sa conservation. M. de la Pylaie rapporte que les blocs de granit les plus re- marquables des monumens de Locmariaker et de Carnac, malgré leur célébrité, furent notés pour être employés À la construction des écluses du canal de Bretagne, et que ces mo- numens ne doivent leur conservation qu’à la distance et à la difficulté du transport de ces pierres magnifiques jusqu’aux chantiers de construction ; que tous les dolmens et meubhirs placés sur les rives du canal ont disparu, et qu’on a surtout à regretter la destruction d’un dolmen dont la table offrait le moule en creux d’un homme , comme si cette concavité eût été destinée à recevoir une victime humaine pour les sacrifices : c’est une perte irréparable , puisqu'on n’en connaît plus aueun autre de ce genre en Bretagne. Près de la ville de Fougères, ajoute-t-il, des menhirs fort remarquables, accompagnés de leurs sternates, qui se trouvaient presqu’au pied du bois de Mont-Bêleu (Mons-Beli) , ont été brisés en 1828, pour le cail- loutage de la route de Laval, malgré ses recommandations à M. Deslandes, alors sous-préfet de la ville. Il cite encore les réparations inconsidérées faites au bas des deux courtines qui joignent les tours de la porte d’entrée du château de la ville de Brest, travail par suite duquel on n’aperçoit plus, pour ainsi dire, la construction romaine qui forme la base de ces mu- railles ; les réparations mal dirigées faites dernièrement à l’é- glise ou temple de St-Jean de Poitiers, monument qu’on peut classer au nombre des plus curieux ; enfin l’état de dégradation le plus déplorable et toujours croissant où se trouve le château de la ville de Fougères, dont certaines parties des murs d’en- ceinte l’emportent en beauté sur les murailles de la ville d’A- vignon , considérées comme les fortifications les plus belles de toute la France. Dans un rapport à ce sujet à la société royale des Antiquaires de France, où il signalait combien il était urgent d’arrèter cette destruction de nos monumens , il rappela encore que le (175) plus grand, le plus connu des dolmens de France, la Rocnr- aux-Fées, près de Rennes, avait failli d’être employée, en 1828 , pour bâtir une grange !!! M. André (de Bressuire) cite une chapelle de Louis XII , en gothique à dentelle, d’une délicatesse exquise, livrée à un marchand de bois. M. de Caumont déplore de son côté et signale au Congrès plu- sieurs actes de vandalisme. Les bas-reliefs et Les sculptures anti- ques qui avaient été réunis par MM. de Crazannes et Moreau dans un modeste local appartenant à la ville de Saintes, ont été, on ne sait pourquoi , délogés de cet emplacement malgré les ré- clamations et les plaintes du conservateur. Ils sont depuis deux ans relégués honteusement sous une espèce de hangar , acces- Sible à tout venant, dans la'cour du même édifice ( l’ancien doyenné du chapitre, qui renferme la bibliothèque ). M. de Caumont insiste sur la nécessité pressante de prendre enfin des mesures efficaces pour la conservation des édifices , et de s’opposer aux destructions qui désolent les provinces. Il an- nonce qu'il s’est entendu avec les antiquaires les plus instruits de diverses parties de la France, pour la création d’une nou- velle société qui prend le titre de Société pour la conservation des monumens historiques. Il donne des détails sur l’organisation et les travaux de cette compagnie , dont il a déjà fait distribuer les statuts aux membres du Congrès. M. de Givenchy, vice-président, propose que le Congrès témoigne dans son procès-verbal, de la manière la plus for- melle, l’indignation qu'il a éprouvée en entendant le récit des actes multipliés de vandalisme qui lui ont été signalés, en sorte qu'ils deviennent une énergique protestation contre de pareils actes de barbarie, exécutés dans un temps où de toutes parts l'esprit national se porte vers l’étude de l’histoire du pays ; Protestation qui doit tendre à ergager le gouvernement à pren- dre des mesures fortes et promptes pour éviter le mal. Gette proposition reçoit de l’assemblée une sanction générale. M. Foucart pense qu'il faudrait créer , d’après l'invitation du Congrès, une commission pour la conservation des monu- (176 ) mens de France, dont le centre serait à Paris, et qui serait adjointe à celle des travaux publics. Cette mesure reçoit l’ap- probation de l’assemblée. M. l'abbé Cousseau (de Poitiers) a la parole pour la lecture d’un mémoire sur l’état des lettres en Aquitaine, vers la fin du 1v° siècle. « Il dit, en commencant , qu'ayant pris des notes sur la question pro- posée, il avait bientôt vu son sujet prendre une extension qui l'avait décidé à renoncer à ce travail; mais que M. le secrétaire général y ayant fait allusion dans son discours d'ouverture, pour ne pas tromper l’at- tente du Congrès, il a tracé rapidement un tableau abrégé de l’état de la littérature en Aquitaine, à l’époque indiquée dans le programme. » Après avoir montré avec quelle facilité les Gaulois adoptèrent la langue et la littérature de leurs vainqueurs, il prouve par de nombreux témoignages qu’ils disputèrent souvent avec succès la palme de l’élo- quence aux Romains eux-mêmes. IL indique ensuite ce grand mouve- ment intellectuel qui, de Marseïlle et des provinces du Midi, s'étendant de proche en proche jusqu'à l’Aquitaine, sembla se concentrer dans cette province, vers la fin du 1v- siècle. » Nulle époque plus brillante, dit-il, pour la littérature gauloise. Jamais nos écoles n’eurent une plus grande renommée ; jamais il n’en sortit, dans un aussi court espace de temps, un aussi grand nombre de personnages distingués par la culture de l'esprit. Nous connaissons en- core aujourd’hui les noms et Les titres de plus de soixante hommes de lettres sortis de l’Aquitaine pendant ce seul demi-siècle. Après 1400 ans de révolutions diverses , si fatales pour la plupart des monumens de l'antiquité, nous possédons des ouvrages de douze auteurs de cette même province, qui attestent encore aujourd’hui avec quel zèle et quel succès elle a cultivé les lettres dans ces temps reculés. » M. l'abbé Cousseau recherche ensuite les causes de ce grand mouve- ment littéraire, concentré, en quelque sorte, pendant un demi-siècle, dans une province de la Gaule. IL indique les mœurs douces et polies des Aquitains et leur caractère moins rebelle à la civilisation romaine, d’après Ammien Marcellin et Salvien ; il indique aussi le caractère et les habitudes de leurs vainqueurs, presque tous personnages connus dans les lettres romaines, qui les cultivaient jusque dans les camps, qui aimaient à en répandre le goût parmi la jeunesse des provinces conquises ; mais surtout l'intérêt puissant qui poussait toutes les ambi- tions naissantes vers les études littéraires. « L'entrée à tous les emplois militaires et civiis, au sénat même, fut (177) accordée, avec le droit de cité, aux provinces de la Gaule, et l’élo- quence était la voie la plus sûre pour parvenir à ces hautes dignités. De là cette ardeur universelle pour la culture des lettres ; de là ces écoles nombreuses établies dans les villes principales, où les maîtres dans l’art de bien dire voyaient accourir une multitude innombrable d’auditeurs. Sans parler des écoles du Midi, incontestablement plus an- ciennes, celle de Trèves, dotée par les empereurs des plus magnifiques priviléges, jouissait au loin d’une grande réputation. » Mais elle n’atteignit jamais la renommée que celle de Bordeaux dut toujours au mérite éminent de ses professeurs. C'était dans cette illustre école de l’Aquitaine que les empereurs venaient chercher un Ausone pour instruire leurs enfans, un Patère, un Arbore, un Minervius pour les faire monter dans les chaires de Rome et de Constantinople. Par eux, l'éloquence gauloise devint célèbre dans tout le monde f omain. Les hommes les plus distingués dans tous les genres se glorifiaient d’avoir étudié sous de tels maîtres : Symmaque, entre autres, le dernier orateur qu'eut le sénat de Rome, élève de Minervius, était grand partisan de l’éloquence gauloise, et se croyait redevable de la sienne à ce vieux pro- fesseur aquitain. » Sans doute cette éloquence était loin d’égaler celle des orateurs des derniers temps de la république , et la Gaule ne l’emportait que sur les Romains dégénérés. Le siècle du goût était passé depuis long-temps ; l'enflure du style avait remplacé la noble simplicité des anciens : au lieu de ces harangues graves et sévères qu'inspirait l'amour de la patrie et un vif sentiment de ses dangers, on entendait ( et c’étaient là les grands sujets de l’éloquence) de fades panégyriques où le vain éclat des phrases servait à cacher le vide des pensées , et où un orateur, disons mieux , un parleur sans âme, sans conviction, n’ambitionnait que l'ar- gent des maîtres et les applaudissemens des esclaves. Engagée dans ces voies honteuses , l’éloquence était perdue sans retour. » Mais tout-à-coup une grande révolution s’opéra dans l'esprit de la littérature, et je ne vois aucun lieu du monde où elle soit mieux marquée que dans notre Aquitaine. C’est là une époque solennelle, di- gne de l'attention des historiens vraiment philosophes, féconde en in- structions solides pour tous les hommes généreux qui s'occupent en ce moment de régénérer notre littérature. » Le christianisme avait pénétré dans nos provinces vers la fin du ue siècle, éclairant les esprits d’une lumière nouvelle, élevant les âmes à une hauteur plus nouvelle encore. A l’incrédulité universelle {càr alors on ne croyait à rien, ni à la religion, niau pouvoir, ni 29 (178) à Ja liberté, ni à la vertu ), aux doutes immenses qui fatiguaient le vieux monde romain, le christianisme substitua une conviction, une foi qui opéra des prodiges en tout genre. Pendant quelque temps , les combats qu’eut à soutenir cette foi furent des combats de sang , et les fidèles ne surent que mourir. Mais quand l’orgueil leur déclara une autre guerre et souleva des erreurs capables de ruiner le fondement, la vérité trouva d’ardens défenseurs qui confondirent cette fausse science. » Elle n’en eut point de plus célèbre dans tout l'Occident que saint Hilaire de Poitiers, homme vraiment extraordinaire, dont l'influence sur la littérature de ce siècle fut prodigieuse, dont les écrits, selon le témoignage d’un contemporain ( saint Jérôme), furent répandus, dès son vivant, aussi loin que le nom romain lui-même. Hilaire était un élève de la philosophie grecque ; il avait cherché dans tous ses sys- tèmes le repos de l'esprit et du cœur , sans pouvoir le trouver. IL se hasarda de le demander au christianisme , et bientôt sa conviction, fruit d’études consciencieuses ( c’est ici que ce mot convient), fut por- tée à un si haut point, que les menaces de l'exil et de la mort n’y pu- rent rien changer. Certes, un beau talent animé par une telle foi ne pouvait manquer d'atteindre à une haute éloquence. Qu'on lise le pre- mier de ses livres contre les Ariens, ses requêtes à l’empereur Con- stance , et surtout cette terrible invective Tempus est loquendi où la plus sainte indignation s'échappe en traits de feu : on y trouvera , sans doute, une énergie souvent outrée, des locutions rudes, un style dur et quelquefois barbare. Mais que font des nœuds à une massue, si ce n’est d’en accroître le poids? Combien devaient pälir, devant ces pro- ductions étincelantes du génie irrité, les déclamations des rhéteurs à gages, les froids discours des panégyristes payés! Faut-il s'étonner si la jeunesse généreuse les abandonna pour entrer dans les nouvelles voies que lui tracaient ces véritables maîtres de la forte éloquence. » L'école de Poitiers datait du rue siècle. Bien que de ses professeurs nous ne connaissions qu'Anaslase et Rufus , dont le nom revient sou- vent dans les épigrammes d’Ausone, professeur d’une école rivale, on ne peut douter qu’elle n'ait puissamment contribué à répandre le goût des lettres dans notre contrée. Le nom de saint Hilaire est déjà pour elle un titre glorieux. Mais elle ne tarda pas à être éclipsée par une autre école qui se forma auprès de ce nouveau maître. La réputa- tion de l’évêque de Poitiers attira de toutes les parties de la Gaule, auprès de lui, de nombreux disciples. Le plus célèbre, sans doute, fut ce jeune officier ( saint Martin ) qui à l’âge de trente-deux ans quitta le monde, parce que le monde ne suflsait pas à son ambition, et (179) qui alla fonder à Ligugé (1) le plus ancien monastère de tout l'Occident. On est accoutumé à ne voir en lui qu'un thaumaturge , et on s’étonnera peut-être de l'entendre citer comme un grand orateur. Cependant rien n’est plus certain : Sulpice-Sévère, bon juge en éloquence, atteste avec serment qu’il n’a jamais entendu un langage plus fort, plus pur et plus riche. » M. l'abbé Cousseau cite ensuite plusieurs évêques de l’Aquitaine renommés par leur éloquence. Mais, ajoute-t-il, ce n’était pas l’éloquence seulement qui fleurissait dans cette province. Tous les genres de litté- rature y étaient cultivés. Sulpice-Sévère écrivait l’histoire avec une pureté et une gravité qui lui ont valu le surnom de Salluste chrétien. La poésie surtout faisait à cette. époque les délices de nos ancêtres. Formés la plupart à l’école d’Ausone, les poètes du temps s’essayaient dans tous les genres. Rutilius Numatianus écrivait en vers son voyage de Rome à Poitiers ; Sanctus déplorait dans l’églogue les maux causés par les ravages des Barbares, et saint Paulin, le véritable représentant de la poésie chrétienne à cet âge, s’efforçait de l'appliquer aux sujets même qui semblaient lui devoir être le plus étrangers. » M. l’abbé Cousseau cite son épithalame de Julien , embelli de plu- sieurs traits touchans de l'Écriture. Il cite aussi son élégie sur la mort d’un enfant , mais surtout ses épîtres à Ausone et à un jeune homme nommé Jovius, pour l’engager à puiser ses inspirations dans les dogmes chrétiens plutôt que dans les fables du paganisme. Il voit dans cette correspondance poétique une idée vraie de la lutte curieuse entre la littérature païenne expirante et la littérature chrétienne qui cherchait à la remplacer. Mais bientôt toute culture des lettres disparut dans l’A- quitaine ravagée par les Barbares. Toutefois quelques étincelles du feu sacré de la science se conservèrent dans les monastères de Ligugé, de Saint-Hilaire, de Saint-Jouin.et de Saint-Maixent, pour éclairer de nouveau les mêmes contrées , dans des temps plus heureux. » M. André ( de Bressuire). — « Dès le ue siècle, Poitiers comptait des écoles florissantes ouvertes à la jeunesse gauloise. Mais au 1v° siècle elles prirent le plus grand développement. Le grammairien Ammonius Anas- tasius y professait les belles-lettres, et le rhéteur Rufus l’éloquence. Le poète Ausone, qui se plaisait à oublier ses faisceaux et sa chaire cu- rule dans une charmante maison de campagne qu’il possédait dans les champs poitevins , employait ses loisirs à lancer contre les professeurs de Poitiers de mordantes épigrammes. Les beaux esprits de Rome mé- prisaient la littérature gauloise, qu’ils traitaient de barbare et d’étran- (:) Petit bourg situé à une lieue de Poitiers; il a été visité par une seclion du Congrès. ( 180 ) gère. Cependant le nom seul des auteurs sortis des écoles poitevines peut les faire apprécier. Rutilius, dont l'itinéraire offre plusieurs morceaux de poésie pleins de force et d'image, était Poitevin et avait étudié à Poitiers. Palladius, fils d'Exuperantius, préfet des Gaules, parent du poète Rutilius, et son compatriote, a laissé un savant traité d'agriculture. L'Aquitaine jouissait alors d’une célébrité remarquable , surtout au milieu de la barbarie qui commencait à couvrir les Gaules” C'était presque le seul foyer de lumières qui répandit quelques clartés. » À la fin du 1v° siècle il se fit un mouvement assez remarquable. Le christianisme, devenu la foi générale , absorba la littérature apportée par la civilisation romaine, et les belles-lettres devinrent exclusive- ment chrétiennes. Des querelles de polémique religieuse agitèrent tous les esprits, lorsque les doctrines d’Arius, venant à se répandre dans les Gaules, opérèrent une division dans la foi. L’arianisme était la religion de la cour impériale,et une foule d’évêques l'avaient embrassé.Ils niaient l'égalité et la consubstantialité du Père et du Fils, prétendaient que le Christ n'existait point de toute éternité, et qu’il avait été tiré par son Père du nombre des créatures. Ces discussions théologiques occupaient alors tous les esprits, et des docteurs de l'Église avaient passé dans les masses. À la tête du parti opposé aux subtilités des opinions ariennes, se trouvait Hilaire , évêque de Poitiers, qui, par ses talens et son élo- quense , devint une des colonnes de la foi catholique. Comme il est le type de la littérature"dogmatique de la fin du 1v< siècle, il est nécessaire d’en parler avec détail. » Hilaire était né à Poitiers, de parens d’une condition élevée, qui ne négligèrent rien pour son éducation, mais l'instruisirent dans les prin- cipes du paganisme. Après avoir terminé ses études, il abandonna les erreurs dé ses pères pour la foi chrétienne. Sa science et ses vertus frappèrent les Poitevins , qui l’élurent pour leur évêque. » Un concile s'assembla à Milan pour juger les doctrines d’Arius ; mais les évêques courtisans les avaient d'avance décidées orthodoxes.Lorsque Hilaire voulut ouvrir la bouche, on étouffa sa voix par des, injures, on s’écria qu’il ne fallait pas accorder le rang d'évêque à cet homme qui avait été condamné et déposé par son supérieur ecclésiastique. Hilaire se retira désespéré , et les prélats écrivirent à l’empereur Constantius que l’évêque de Poitiers était un perturbateur qui n’aspirait qu’à faire naître des schismes. L'année suivante, au concile de Béziers , Hilaire déploya la même fermeté sans plus de succès. Enfin, Constantius, irrité de son opiniâtre résistance, animé d’ailleurs contre lui par les insinua- tions de Saturnin , évèque d’Arles, chef de l’arianisme dans les Gaules, l'exila dans le fond de la Phrygie, pour enlever aux catholiques d'Oc- ( 181 ) cident un défenseur aussi redoutable. Hilaire employa le temps de son exil à composer plusieurs traités et divers ouvrages contre les Ariens, et les remit à Constantius, qui n’en fit aucun cas. Hilaire perdit toute mesure , et déclama avec la plus grande véhémence contre l’empereur. L’écrit qu'il fit à cette occasion est un des plus curieux monumens de cette polémique äpre et sauvage qui caractérisait les discussions théo- > logiques de cette époque. En voici un extrait remarquable : « Les ministres de la vérité doivent la dire. Si je calomnie, que l’in- famie soit mon partage; mais si je ne fais que montrer l'évidence au grand jour, alors j’use de mon droit et je reste dans les limites de la liberté et de la modestie apostoliques. Mais peut-être me ju- gera-t-on téméraire d'appeler Constantius un antecbrist..... Non, ce n’est pas témérité, mais fidélité; déraison | mais raison ; fureur, mais franchise. » Je te crie, Constantius, ce que j'aurais dit à Néron, ce que Dé- cius et Maximinus auraient entendu de ma bouche : tu combats contre Dieu, tu sévis contre l'Église , tu persécutes les saints, tu hais les ministres de la parole divine ; tu détruis la religion, tyran, non de la terre, mais du ciel; voilà ce que tu as de commun avec eux. — Reçois maintenant ce qui t'appartient en propre : tu es un chrétien imposteur, un nouvel ennemi du Christ, le précurseur de l’antechrist, l'artisan de ses mystères d’abomination. Tu étouffes la foi, vivant contre la foi; tu es le savant des profanes et l’ignorant des fidèles. Tu gratifies les méchans d’évêchés et en dépouilles les bons ; tu plonges les prêtres dans les cachots, et ne fais servir ton armée qu’à la terreur de l’Église. Tu contrains les synodes occiden- taux, et pousses de force leur foi vers l’impiété. Après avoir ren- fermé tous les évêques dans une seule ville, tu les épouvantes par tes menaces , les affaiblis par la faim, les fais périr par le froid et les dépraves par ta dissimulation. Quant aux Orientaux , tu jettes la division parmi eux, tu séduis les simples, tu excites les intrigans, perturbateur de la vieillesse et profanateur de la jeunesse. » Ta cruauté nous refuse une mort glorieuse. Par une recherche nouvelle, tu triomphes au nom du diable et persécutes sans mar- tyre. Néron, Décius et Maximinus, nous devons plus à votre cha- rité ; par vous, nous avons vaincu les démons, et le sang précieux des martyrs répandu dans l’arène a rendu témoignage à la vérité... Mais toi, le plus cruel des cruels, tu nous donnes ces tourmens de plus et cette faveur de moins ; 6 le plus scélérat des hommes, pour- quoi prives-tu les pécheurs du pardon et les confesseurs du mar- tyre ? Tu te glisses en caressant , tu égorges au nom de la religion, (182) » Lu poursuis tes impiétés, ct, apôtre menteur du Christ, tu étéins » Ja foi du Christ. Mais c’est là ce que t'a appris l'ennemi des hommes, » ton père : vaincre sans danger, égorger sans glaive, persécuter sans » infamie, haïr sans soupcon, mentir sans intelligence, professer la » foi sans lavoir, flatter sans bonté, faire ce que tu veux sans mani- » fester ce que tu veux.— Homme, tu prétends corriger Dieu; cor- » ruplion, régler la vie; ténèbres, éclairer la clarté ; infidèle, pré- » cher la foi; impie, professer la piété; profane, troubler l'univers. » — Sous fa peau de brebis, nous te découvrons, loup rapace ; si je » mens, tu es la brebis ; mais si je dis vrai, tu es l’antechrist. » » À ce torrent d'étranges invectives, l'empereur n’opposa que le silence et dédaigna de se venger. » Cependant un grand concile fut convoqué à Séleucie; Hilaire ÿ parut et parla avec tant de force pour la doctrine catholique, que les partisans d’Arius, effrayés, le firent renvoyer dans son diocèse. » A revint à Poitiers précédé d’une immense réputation, et y fut bientôt environné d’une foule de disciples de tout sexe et de tout âge, parmi lesquels on remarque saint Martin, saint Benoît , les trois frères Saint Jouin, saint Mesme et saint Maixent, sainte Florence et sainte Triaise, et une foule d’autres qui tous parvinrent aux premières digni- tés de l’Église. Après un voyage en Italie pour y combattre l’arianisme, il retourna dans sa patrie, et la mort l’enleva au milieu des soins qu'il donnait à son troupeau , qui conserva toujours sa mémoire. » Quels qu’aient été les écarts de saint Hilaire et l’exagération de son zèle, il serait injuste de méconnaître en lui un docteur comparable aux plus fameux Pères de l’Église d'Orient. L'impulsion qu’il donna aux lettres ecclésiastiques, qui, à partir de cette époque, constituèrent toute la littérature, est véritablement immense , et si alors l'Aqui- taine jouit de quelque célébrité, c’est à lui qu’elle le doit. M. l'abbé Cousseau rappelle les circonstances au milieu des- quelles fut écrite l’invective citée par M. André, et l’odieux caractère que déploya l’empereur Constance dans sa persécu- tion contre les catholiques. Il dit que, pour apprécier le zèle de St Hilaire et décider s’il manqua ou non de mesure, il ne faut pas considérer seulement la hardiesse de son langage , mais aussi ce que demandait la nécessité des temps. Il fait *emarquer, par rapport aux expressions dont la dureté choque notre politesse moderne, que cette dureté était autorisée , jus- qu'à un certain point, par les mœurs anciennes : qu'on en ( 183 ) trouve des exemples bien plus étonnans dans les orateurs grecs et latins. « Mais, ajoute-t-il en finissant, si St Hilaire, après avoir écrit cette terrible invective dans toute la chaleur d’une sainte indignation , avait senti iui-même que son zèle l’avait peut-être emporté au-delà des bornes du respect dû à la majesté d’un souverain , lors même qu’il se fait tyran ; s’il avait tenu son écrit secret pendant la vie de Constance , et ne l’avait publié que lorsque ce prince étant tombé dans le domaiue de l’histoire, on ne lui devait plus que la vérité; qui oserait accuser St Hi- laire? Qui n’admirerait plutôt tant de modération jointe à une si noble intrépidité? Or, c’est ce qu’affirme expressément St Jérôme , auteur contemporain , dans son catalogue des écrivains ecclésiastiques. » Cette discussion est suivie d’un mémoire intitulé : Précis sur lIle-Dieu (partie Archéologique) , par M. de la Pylaie. Cette île, selon l’auteur , ne'peut tirer son nom que de celui de IxsuzA Dei, l’Ile-de-Dieu, comme l’appellent encore tous les habitans de la côte vendéenne qui se trouve en face; elle dut'être primitivement un collége de ‘druides, comme l’île de Sain ou Sein et le rocher du Mont- Saint-Michel : étant le séjour des ministres de la divinité , elle devint elle-même sacrée aux yeux du peuple, et ce futen conséquence l’Ile-de- Dieu. Aujourd’hui c’est encore le Sauveur du monde qui est le patron de l’église de la paroisse primitive. L'île, dit M. de la Pylaie, est remplie de monumens druidiques ; le rocher de granit qui compose le fonds du sol les forme tous: il y a des Peulvans, des Sériales ou pierres par alignemens, trois Dolmens; le plus remarquable est celui qu’on nomme PIERRE-PLANCHE-A-PIERRE ; la roche aux Petits-Fradets et la Pierre-du-Tonnerre; celui-ci était simple, tandis que les deux autres sont à système croisé. Je ne puis dans cet aperçu rapide, dit l’auteur, que signaler les pierres de Tabernande, la roche Vire-Trois-Tours, le système singulier du chiron de la Chau- dière, constituant une espèce d'enceinte; les roches du Grand-Fou- geroux , les alignemens du chiron du Grand-Rochefort, le Trumeriau ( petit éwmulus ) de la Grande-Marie, la pierre de St-Martin , le CÉPHA- LODE nommé la Grand'-Mère à Jean Chiron; les grandes roches de * Kerdifouaine et du moulin de la Meule (roles ); deux tombelles avec le cercueil superficiel formé latéralement de pierres disposées comme (184) nos châsses en bois, eñ manière de coin tronqué ; la Roche-aux-Fras, la pierre de Bon-Conseil ; des alignemens où les pierres, par une ex- ception sans exemple , sont placées transversalement ; enfin un cycLurE ou enceinte ovale , terminée par un alignement en forme de queue pour ce singulier monument. Cette île renferme quelques autres rochers où pierres druidiques , mais moins importantes que celles que nous venons de mentionner ; il est à remarquer que cette multiplicité se trouve sur un sol qui a à peine deux lieues de longueur, sur une de largeur ; on distinguait par le nom de Gruzalands les habitans de la partie sud , et par celui de gens de la Fouras ceux de la partie septentrionale, toute couverte jadis d’une épaisse forêt , sans doute de chènes-verts. M. le président communique une note relative à deux co- lonnes milliaires qui existent auprès de Chauvigny, départe- ment de la Vienne. M. Aubert fait observer, au sujet de ces monumens , qu'il serait à désirer qu’elles fussent transportées au Muséum de Poitiers (1). ; M. Eusèbe Castaigne dépose sur le bureau trois médailles, l'une de Dioclétien, la seconde de Maximien et la troisième de Constance-Chlore ; elles sont toutes avéc la même face et avec le même revers, de sorte qu’elles n’ont absolument que le nom de changé !!! M. Castaigne, tout en reconnaissant que ce cas rare de plusieurs pièces, ayant la même tête avec des noms différens , a été déjà reconnu sur quelques monnaies de France, pense qu’il n’a jamais été remarqué dans la série nu- mismatique des empereurs romains, SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aucuis ( de Melle). La séance est ouverte à 11 heures et demie. M. de Caumont dépose sur le bureau le premier numéro du Bulletin monumen- tal dont il vient de commencer la publication. (x) Les colonnes, qui appartenaient à M. Faulcon, ont été offertes par lui à la Societé des Antiquaires de J'Ouest ; elles font partie aujourd'hui de la collection de cette Société. ( 185 ) M. Godefroy donne ensuite lecture de la proposition sui- vante , émise par le Congrès provincial de Douai : Mettre au concours une histoire de la province, relatant avec fidé- lité et impartialité les principaux événemens , les mœurs et usages, les monumens; suivie d’un précis sur l’histoire naturelle du pays: cet ouvrage devrait être rédigé de manière à être mis entre les mains des jeunes gens, pendant les dernières années de leurs humanités. M. de Godefroy. émet le vœu que toutes les sociétés savantes de la France exécutent un pareil travail, qui formera le complément indis- pensable de l'éducation locale. Le président répète cette proposition, qui reçoit l’appro- bation de toute l'assemblée. M. de Godefroy lit la deuxième proposition émise par le Congrès de Douai : c’est ia résolution qu'il a prise d’après le vœu du Congrès de Caen , que chaque province eût un élève à l’école de la bibliothèque nationale de Paris, où le gouveruement fait faire un cours sur la lecture et l’é- tude des anciennes chartes et manuscrits ; cette entreprise serait le plus puissant moyen de concourir au progrès de la diploma- tique. M. de Givenchy donne de nouveaux développemens à ces propositions pour la Société des antiquaires de la Mori- nie , dont il est député ; elles sont mises à l’ordre du jour de demain. | M. le président fait observer que ces développemens sont de nature à être consignés dans le procès-verbal du Congrès de France. Cette proposition est adoptée. M. de Godefroy signale les avantages qui ont résulté de l'étude des anciennes écritures , des travaux des bénédic- tins , etc. ; puis , déplorant les pertes irréparables qu’on a faites par l'ignorance de la valeur de ces précieux matériaux , il rap- pelle que nos anciennes chartes ont été brülées en 1793, em- ployées à faire des gargousses , et que ce qui en reste est à Vabandon ; que des hommes instruits en ont recueilli de pré- cieux lambeaux disséminés dans le commerce. M. de la Pylaie cite la perte des anciens titres que possédait la ville de Fougères, et dont quelques-uns contenaient , au rapport de son père, ex-maire, de précieux documens pour l'histoire du pays et de toute Y'Armorique. Ces chartes fu- 24 ( 186) rent brûlées , jetées dans la rue par l’armée vendéenne. Tout disparut; mais jai le plaisir , ajoute-t-il , d’annoncer au Cor- grès qu’une quarantaine de titres concernant cette contrée limitrophe de trois provinces, viennent d’être découverts dans un grenier de la mairie, à Mortain, par M. Léchaudé d’Anisy ; plusieurs autres chartes concernant le Mont-St-Mi- chel, et contenant toute espèce de documens historiques sur ce célèbre monastère, même un gros volumen composé par les chartes de fondation des anciens monastères de l'Angleterre ; des lettres de St Bernard à St Guillaume, abbé de Savigny ; quelques autres chartes concernant l'Angleterre , etc., etc. Et ce véritable trésor historique était là, pêle-mèle avec des dé- combres, ou enfoui dans la poussière et détérioré par l'eau d’une toiture mal entretenue. M. le président signale aussi l’odieuse dilapidation qui a eu lieu au dépôt des chartes de la bibliothèque nationale , depuis 1816 à 1830, intervalle durant lequel tous ces manuscrits fu- rent vendus par charretées : qu’heureusement le gouvernement est parvenu à en retrouver déjà une certaine quantité, etqu'ila pris tous les moyens possibles pour en assurer la conservation. Il ajoute de nouveaux détails relativement à l’ordre , au clas- sement à établir dans les chartriers ; il cite en exemple le dépôt précieux , si riche , de la Tour de Londres, dont tout le con- tenu est inventorié ; il ajoute que le gouvernement français a fait continuer , depuis quelques années, les travaux sur les an- ciens titres et manuscrits de la bibliothèque nationale , travail qu'avait suspendu la révolution de 1789, et déclare qu'avec un ordre de classement et de surveillance bien observés , on évite- rait toute soustraction. M. de Godefroy expose la marche suivie à ce sujet par le gouvernement : les archives départementales sont sous la garde du préfet, sous la surveillance du secrétaire-général, qui s’en décharge sur un employé spécial. Dans quelques départemens , les conseils généraux ont senti la nécessité de placer à la tête de ce dépôt un archiviste capable, et voté des fonds pour ses honoraires. ( 187 ) M. de Givenchy fait observer qu'on préviendrait la dila- pidation des archives, en appliquañt une griffe ou timbre sur chaque pièce; qu'on pourrait même employer un timbre sec. Selon M. Babinet, le moyen le plus efficace pour prévenir les soustractions dans les dépôts d’archives, est la prompte pu- blication du catalogue des titres les plus impôrtans que ces archives contiennent. Il rejette pour ces titres l’apposition d’un timbre, d’une griffe, à cause de l’état ordinairement mutilé de leurs bords. M. de Godefroy propose de créer des archivistes départe- mentaux et municipaux ; ces archivistes rédigeraient des ca- talogues exacts dont les doubles seraient envoyés à Paris ; une commission centrale en ferait le dépouillement et en publierait les résultats. Les archivistes départementaux seraient obligés de faire des cours publics de diplomatique. M. le président met aux. voix cette proposition qui est adoptée. | M. de la Pylaie communique ensuite verbalement ses re- cherches archéologiques à l’île de Noirmoutiers, qui ont eu des résultats d’un haut intérêt. Là il a rencontré l’osive re- montant à l’année 840 ; des arcs ogivés à claveaux presque modernes placés sous un arc parallèle à claveaux étroits, en pierres plates , ainsi qu'aux voûtes romaïnes et romanes ; un Dormen remarquable à la pointe de l’'Herbaudière , ayant un système croisé en forme de transept , pour ainsi dire , ainsi qu’on les observé dans le pays de Retz, ër Agro Ratiatensi ; le petit MENMIR DE PIERRE-LEVÉE Vers le bas de la butte de Pé- lavé (Mons-Abbatis) et quelques autres monumens druidiques sur cette butte; la Rocue-Parte-au-Drasce , et dans son voi- sinage quelques grandes PIERRES GisANTES , du côté du sud ; au nord-ouest de cette localité, un menir isolé au milieu des champs ; enfin la Rocwe-Grézarn, entre l'Herbaudière et l’abbaye de la Blanche , appartenant à un système druidique en ruines, et que la tradition rapporte avoir été traînée là par trois chats rouges. Dirigeant ses recherches du côté: de PAwse-n0-Vierr ; qu’on considère comme la partie la plus an- (188 ) ciennement habitée de l'ile, cet archéologue-naturaliste y voit encore les restes d’un autre DOLMEN près du village; il y retrouve des briques romaines, tegulæ lamatæ, lateres , etc. ; quelques débris de murailles de l’ancienne église de Saint- Hilaire, dont la construction, par le ciment , lui paraît remon- ter à peu près au temps des Romains; alors cette anse pro- fonde, aujourd’hui fermée par une dune considérable, était le port romain , au fond duquel était construite, un peu dans les terres, la CmaprLLE-DE-SarntT-ANDrRÉ , en petites pierres cubiques , ou méruto-lapide, avec cordons de briques interpo- sés : tout le sol adjacent est rempli de morceaux de briques, de tuiles. M. de la Pylaie y a même rencontré un fragment de vase en terra-campana. M. le président termine la séance par la lecture des obser- vations de M. le marquis de Le Ver, sur l’époque où l’on a cessé d'employer les tuiles romaines. SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aucuis ( de Melle). A] La séance est ouverte à onze heures et demie. Lorsqu'on arrive, pendant la lecture du procès-verbal , à l’article qui signale les odieuses dilapidations des archives de la biblio- thèque nationale sous la restauration, M. de Lastic déclare que le gouvernement n’en est pas coupable , qu'il n’y a donné la main en aucune manière, et qu’elles ne proviennent que de l’infidélité de gardiens subalternes , excités par l'attrait du bénéfice qu’ils faisaient en vendant ces parchemins quatre à cinq sous la livre ; il déclare que dès que l'autorité en fut instruite , il fut pris les mesures les plus sévères pour les ré- primer , et demande que son observation soit relatée dans le procès-verbal. — Adopté. M. Auguis, président, lit une lettre par laquelle M. Boînot, maître de pension à Châtillon-sur-Sèvre , annonce qu’on a découvert en 1828, dans un jardin situé sur la pente de la colline sur Jaquelle la ville est (189 ) bâtie, du côté du S.-0., quatre fosses à la suite l’une de l'autre, dans une direction du N. au S.-O., pratiquées dans le rocher, ayant trois pieds de diamètre à leur orifice, sept à huit pieds de profondeur et aufant de diamètre. Elles avaient été creuséés au marteau et présen- taient la forme de ponnes à lessive. Les deux premières avaient , sans doute, été découvertes déjà, car on les trouva remplies de pierres et de décombres; mais la troisième contenait une excellente terre végétale, au fond de laquelle était un yase à trois anses; celle du milieu se trouvait trois fois plus large que les deux autres. Ce vase, haut seulement de huit à dix pouces , avait le ventre subitement évasé comme nos pots à l’eau. 11 fut trouvé debout, rempli de la même terre dont la fosse était pleine : un trou qui exis- tait au fond , fut considéré comme provenant d’une fracture , puisque les éclats se trouvaient enlevés de dedans ‘en dehors. La fosse renfer- mait en outre quelques morceaux de charbon, dont la forme annonçait qu'ils provenaient d’un brasier. On a découvert encore dans la même ville de Châtillon, sur le som- met de la colline, ainsi que sur ses pentes, un assez grand nombre de fosses pareilles ; mais M. Boinot n’a pas eu connaissance qu’on en eût rencontré dans la vallée. Dans la fosse d’où fut extrait le vase que nous avons décrit ci-dessus, il y avait un ou deux fragmens de poterie fort minces, d'une terre assez fine, et un morceau de cuivre long de 8 à 10 lignes, ayant la forme d’un bout de lacet. La même lettre annonce qu’on a aussi fait la découverte, à Maulé- vrier, petite ville du département de Maine-et-Loire, de tombeaux assez nombreux, creusés dans le rocher, de manière à laisser une plus petite place pour la tête, qui était tournée vers le nord. Près de celle-ci était placé un petit vase rempli de charbon et contenant en outre une pièce de mon- naie. Ces tombeaux étaient pratiqués dans le champ du Prieuré, atte- nant au jardin du presbytère. Comme on a trouvé dans le même lieu des pièces du moyen âge et des pièces romaines, M. Boinot n’a pu savoir positivement de quelle époque étaient celles qu'on rencontra dans les vases remplis de charbon. M. de la Pylaie rappelle, au sujet de la découverte de ces vases funéraires, qu’on en a rencontré d’analogues tout ré- cemment à Laval, au mois d’avril dernier ; ils étaient au nombre de trois, en terre grossière, rougeâtre, graveleuse, hauts de quatre pouces et un peu resserrés sous leur orifice. Du reste, ils ressemblent assez par leur structure à des pots à feu de petites dimensions , seulement leur orifice est plus large ; ( 190 ) chacun d’eux est muni d’une anse et d’un bec peu saillant au côté opposé de son ouverture. Deux de ces vases ont le bord supérieur plat ; le dernier le présente obliquement ascendant : leur base, dans tous, est un peu plus étroite que leur ouver- ture. Ces trois vases sont d’un travail srossier ; ils ont été trouvés dans un caveau de l’église St-Thugal, fort ancienne, à six pieds de profondeur au-dessous du sol; là, ils entouraient un cercueil en plomb , à bords épais de deux lignes, et porté sur deux tréteaux en fer : ceux-ci se trouvaient tellement dé- tériorés par la rouille , qu’on les eût facilement rompus. Ces vases offrent, en dedans, la trace d’une espèce de terre noi- râtre , ou de noir animal, ou d’encens brülé : ils ont été re- cueillis et déposés au muséum départemental par M. Meslay, auquel M. de la Pylaie doit ces renseignemens. M. de la Pylaie indique encore au Congrès une urne gauloise découverte en 1833 , aux environs de Fougères, au bourg de Louvigné , près de la frontière de Normandie ; elle est haute de dix-sept cen- timètres et demi; son orifice large de onze centimètres , le ventre de cinquante-huit, et la base seulement de vingt-quatre: le bord de son ouverture a quinze millimètres d’épaisseur ; elle diffère des précédentes , parce qu’elle n’a point d’anse. Cette urne est faite d’une terre graveleuse fort grossière et très-fragile. On la découvrit le 7 mai en creusant les fondations d’une maison , à cinq pieds de profondeur. Deux autres urnes pareilles se trouvaient dans le même en- droit, au nord de celle-ci, et placées à trois pieds de distance, environ, les unes des autres. On ne put les retirer du sol à cause de leur fragilité. Elles étaient remplies, comme celle que nous venons de décrire, d’une cendre noire mêlée de dé- bris d’ossemens : dans un de ces vases on rencontra un morceau de fer dans un état extrème d’oxidation; 1l était même comme vitrifié. En outre on a découvert, dans un champ voisin du bourg , une pièce d’or fort mince, avec une croix au revers, avec les armes de France et d’Angleterre. On voit, au côté op- posé, deux figures , entre lesquelles se trouve le mot pax , sous ( 191 ) lequel cinq rayons partent de la circonférence. La légende est Henricus Der crarTia Francorum Er ANGLIÆ REx. Comme cette pièce paraît être de 1427, elle se trouverait alors relative au mariage de la fille d'Isabeau de Bavière et de Charles VI , avec le fils de Henri , qui fut appelé Henri V, roi de France et d'Angleterre. M. de Givenchy, député au Congrès par la Société des anti quaires de la Morinie , de concert avec M. de Godefroy, autre député de cette Société, présente les observations suivantes de la part de cette Société : Première observation, présentée par les députés de la Société des Antiquaires de la Morinie, au nom deicette compagnie, sur le dix- neuvième vœu du Congrès de Caen, émis par suite de la proposition de M. Deville. ( Voyez Congrès de Caen, pag. 140 et 266.) La Société adhère, de fous ses vœux, à celui qu'ont émis les membres de la première session , tenue à Caen (1), sur la proposition de M: Deville; mais elle désire qu’en attendant l’époque où le ministre pourra envoyer des élèves de l’École des Chartes dans tous les dépar- temens, ou au moins dans tous. les chefs-lieux des anciennes provinces, il soit donné des ordres pour que les documens historiques, provenant d'anciennes corporations qui ont cessé d'exister, soient réunis au chef- lieu de l’arrondissement dans lequel se trouvent les dépôts actuels de ces documens, dépôts qui, pour la plupart, sont tellement mal tenus, que les archives se détériorent de jour en jour; qu’une fois réunis, ces documens soient confiés à la garde d’un bibliothécaire instruit et digne de confance, qui les préserve de toute détérioration ulté- rieure, et s'occupe, autant que ses loisirs le lui permettront , à les mettre en ordre et à les cataloguer (2). Cette proposition se rattache à une autre qui avait été déposée sur le bureau et adoptée par la section; en conséquence, les députés, pour ne pas abuser des momens de l’assemblée , se bornent à deman- der qu’il en soit fait mention au procès-verbal pour constater qu’ils se sont acquittés de leur mandat. (x) Voyez le Compte-Rendu de la première session du Congrès scientifique de Fr Faso tenue à Caen, p. 140 et 266. (2) Ce vœu a été rempli par la mesure adoptée par M. le ministre de l'instruction publique, dans sa circulaire du 15 décembre 1834, et par la création d’un comité cen- . ral des archives dans son ministère , ayant des correspondans dans tous les dépar- temens. (192 ) Cette proposition est adoptée par la section. Deuxième observation, faite par les mêmes, sur le vingt-unième vœu du Congrès de Caen, émis sur la proposition de M. Isidore Lebrun (1). La Société des Antiquaires de la Morinie, comprenant que la pro- position de M. Lebrun tendait à faire entrer l'étude de l'archéologie dans les cours d’humanités, a chargé ses députés de développer les inconvéniens qu’elle y trouvait ; entre autres , celui d’embrouiller les idées des jeunes humanistes , en leur présentant l’histoire comme tou- jours douteuse et sujette à discussion, ce qui devait naturellement tendre à les dégoûter de cette étude. M. Isidore Lebrun déclare que telle n’a point été son inten- tion; qu'il se bornait à demander au Congrès d’émettre le vœu que l’Université mit entre les mains des élèves de seconde et de rhétorique, un manuel élémentaire d’archéologie pour les familiariser avec cette science et Leur en inspirer le goût. Les députés satisfaits de cette explication, qui rentre tout-à- fait dans l’esprit des observations de la société , se bornent à en demander la mention au procès-verbal. Cette proposition est adoptée. Troisième observation, présentée par les mêmes députés, au nom de la même Société, sur le vingt-deuxième vœu émis par le Congrès de Caen, sur la proposition de M. Isidore Lebrun ( page 144 (2). La Société partage l'avis de M. Lebrun, tendant à demander la for- mation de musées dans les chefs-lieux de départemens ; mais elle croit devoir s'élever contre le projet d’ôter aux grandes villes, chefs-lieux d'arrondissement, le droit de former des musées ou de conserver ceux qu’elles auraient établis ; elle demande Ja modification du vœu émis par la session de Caen. M. Lebrun répond que son intention n’était point d’attaquer des droits acquis par la possession , surtout dans des grandes villes. Boulogne, par exemple, possède un musée beaucoup plus riche que la plupart des chefs-lieux de département, et il y aurait injustice à transporter ces richesses à Arras , d'autant plus que Boulogne a fait de très-grands sacrifices pour ce mu- (x) Voyez le Compte-Rendu du Congrès de Caen, p. 143 et 268. (2) Pag. 244 et 268. ( 193 ) sée. M. Lebrun n’a prétendu s'opposer qu'à la formation de petits musées dans les petites villes, bien qu’elles fussent chefs- lieux d'arrondissement; et il pense que dans l'intérêt de la science il serait plus convenable, dans ce cas, de centraliser tous les objets d’arts au chef-lieu du département. Les députés demandent l'insertion au procès-verbal de cette explication. — Adopté. Quatrième observation, présentée par les mêmes députés , au nom de la même Société, sur le vingt-unième vœu du Congrès de Caen, émis par suite de la proposition de M. de la Saussaye (1). La Société adhère de tous ses vœux à celui qu'a émis l'assemblée de Caen, mais elle désirerait lui donner plus d'extension, 1° En invitant les Sociétés savantes à ne point s'arrêter, dans la pu- blication des médailles, au xmre siècle, mais de la continuer jusqu’aux temps modernes, et d’y faire entrer la description des jetons, mereaux, monnaies de cuir et de métal. 2° Elle désire surtout que la deuxième session du Congrès invite les Sociétés savantes et les numismates isolés à ne point se borner à décrire les médailles qui parviendraient à leur connaissance, parce qu’elles existent matériellement, mais à rechercher dans les archives et dans tous les documens historiques qui seraient à leur portée, les médailles, monnaies , dont l’existence y est constatée, bien qu'on n’ait pas pu par- venir à en retrouver des pièces matérielles. Pour faire comprendre mieux la pensée de la Société des Antiquaires de la Morinie, les députés citent l'exemple suivante : Un de ses membres a découvert, dans des documens authentiques , la preuve que l’on avait frappé, à Saint-Omer, une monnaie obsidio- nale de bas aloi, lors du siége soutenu par cette ville contre Louis XI; cependant il n’est à la connaissance de personne qu’on ait retrouvé une seule de ces pièces, circonstance que les mêmes documens expli- quent par le soin religieux que le magistrat de Saint-Omer a mis à re- tirer cette monnaie de la circulation pour la remplacer par de bon argent. L'existence constatée de cette monnaie est intéressante, car elle recule, d'environ quarante ans, l'usage connu de cette sorte de monnaie. j En résumé, la Société désire qu’on rédige une histoire monétaire qui ne soit plus basée seulement sur les pièces existantes matériellement, mais que ces mêmes pièces soient considérées comme dé simples preuves (1) Voyez p. 148 et 269. 25 (194) de faits constatés par des documens. Par ce moyen, les monumens numismatiques ne seront plus les seuls élémens de l'histoire monétaire, et serviraient de preuves matérielles aux faits déjà constatés par des documens. La section après avoir entendu le développement de cette pensée, en adopte l’esprit , et en renvoie le vœu à l’assemblée générale. M. de la Saussaye déclare qu’il est très-partisan de l'extension donnée par MM. les députés de la Morinie, à la proposition qu'il s’applaudit d’avoir présentée au Congrès de Caen ; mais il doit faire remarquer qu’elle a été rendue de la manière la plus infidèle , à la page 269 du Recueil des travaux du Congrès, consultée par MM. les députés. On peut vérifier son assertion à la page 148 du même Recueil, où cette proposition se trouve insérée textuellement aux procès-verbaux de section. SÉANCE DU DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aucuis ( de Melle). M. le président donne communication de lÆ/bum de Mail- lezais , recueil de plans et de dessins originaux de l’ancienue abbaye de Maillezais, et de tous les détails d’architecture qui s'y rapportent, exécutés par MM. Briquet, Arnaud et Baugier (de Niort). La section accueille avec beaucoup d'intérêt ces documens curieux , et exprime le désir qu’ils soient présentés , par leurs auteurs , en séance générale. L'ordre du jour appelle la discussion des quatrième et troi- sième questions proposées par le programme , et dont la section a décidé la réunion à la séance de la veille; savoir : A quelle cause peut-on attribuer l'imputation faite héréditairement à quelques familles d’être adonnées à la sorcellerie et à la divination ? — Etablir l’origine et la cause des croyances de féerie, et quelle fut leur influence sur la littérature du moyen âge et des derniers siècles. M. le président donne lecture de deux réponses à la pre- mière de ces deux questions par MM. Chaudruc de Crazannes (de Figeac) et Ganel ( de Pont-Audemer ). ( 195 ) M. de Crazannes commence par établir la vérité de cette proposition que dans les campagnes on croit généralement qu'il y a des familles adonnées héréditairement à la sorcellerie, et il affirme qu’il n’y a pas un canton des Gaules qui n’ait son Mæris, parcourant les campagnes transformé en loup, et sa Canidie, faisant des conjurations, vendant des philtres, jetant des sorts. Ces personnes sont un objet de crainte, on évite leur rencontre, et elles ne peuvent s’allier qu'aux familles sous le poids de la même accusation. M. de Crazannes pense que toute l’érudition qu'il serait facile de faire à ce sujet est inutile, et la ques- tion, selon lui, se réduit à des termes bien simples; car rien n’est plus naturel, en effet, que de voir supposer que les enfans héritent des qualités comme des secrets de leurs pères. Il ne doute pas, du reste, qu'a mesure que l'instruction pénétrera dans les campagnes , ces croyances ne diminuent graduellement , et que le métier de sorcier ne finisse par disparaître. Voici l’opinion de M. Canel : « Au x1xe siècle, nous avons la contagion des suicides ; dans d’autres temps, c’était la contagion de la danse Saint-Guy, de la lycanthropie , de la sorcellerie, etc. Les hommes qui se trouvaient entraînés dans le torrent des possédés le devaient à leur organisation physique. Si ces hommes ont laissé des enfans, il est probable qu’ils leur auront transmis leurs prédispositions à subir les mêmes influences. Ces hommes, isolés des autres par la frayeur qu’ils inspiraient, étaient confirmés, par cela même, dans la fausse opinion qu’ils étaient sorciers. Si cette conviction venait à cesser chez eux, comme ils étaient toujours repoussés par la réprobation de la foule , pour se venger de leur isolement , ils devaient chercher à en- tretenir la crainte qu’ils inspiraient, en continuant à se dire sorciers, et l'imputation de sorcellerie se sera perpétuée dans quelques familles, de la même manière que s’y perpétuaient les états, les métiers, etc., de la même manière que l’on rendait les enfans moralement respon- sables des crimes de leurs pères , préjugé qui ne s'éteint que difficile- ment ; et l’imputation de sorcellerie faite héréditairement à quelques familles n’est donc autre chose que l'application longuement prolongée de l’ancien adage : Tel père, tel fils. » M. André (de Bressuire). « En se livrant à l'examen des causes de sorcellerie portées devant les tribunaux du moyen- âge , et des condamnations prononcées contre les sorciers, on trouve une trop grande masse de faits pour ne pas croire à un fonds de vérité dans les imputations dont ils étaient l’objet. Assez souvent leurs ayeux étaient arrachés par la violence des (196 ) tortures ; mais souvent aussi ils étaient dégagés de toute con- trainte. Il ne faut pas s’exagérer les effets du magnétisme animal; mais ne pourrait-on pas y rattacher ce don de seconde vue, dont les sorciers se prétendaient doués, et au moyen duquel ils se transportaient dans’les espaces imaginaires et se mettaient en communication avec les esprits invisibles ? Il faut aussi remarquer qu'il y a toujours eu plus de sorcières que de sorciers. Les femmes sont plus impressionnables par ces in- fluences ; et, lorsqu'on lit les détails singuliers du sabbat et les plaisirs étranges qu’elles y goûtaient , ne serait-on pas tenté d'attribuer tout ce qui se passait dans ces bizarres réunions, à des affections hystériques développées par ce moyen? On racontait comme réel ce qui r’avait lieu que dans une imagi- nation égarée par l’état extraordinaire où l’on se trouvait. Au surplus, ce n’est qu'avec une extrême réserve que des opi- nions de cette nature peuvent être émises, ce n’est que sous la forme d’un doute qu’on doit les soumettre aux lumières du Congrès. » M. de la Fontenelle ne partage pas l'opinion de M. André, et pense qu’il n’y a aucun fonds de vérité dans les faits de sor- cellerie que nous ont transmis les tribunaux du moyen-âge. Il ne croit pas au magnétisme animal , et , par conséquent , à aucun des effets qu’on lui attribue. Il ne peut, cependant , s'empêcher de regarder comme une chose extraordinaire les nombreux jugemens des personnes accusées de sorcellerie et les condamnations résultant de leurs aveux, quoique la plu- part de ces aveux fussent obtenus par les tortures. Il signale comme un fait très-singulier la croyance qu'avait le célèbre Bodin (d’Angers), au pouvoir des sorciers ; cet homme , d’une grande instruction et d’un esprit extrêmement élevé , donnait des louanges à un juge parce qu’il faisait exécuter les sorciers sans attendre le résultat du recours en parlement. Beaucoup de personnes , dit M. de la Fontenelle, croyaient donc à la sorcellerie, et certaines gens se croyaient eux-mêmes sor- ciers. Il parle, à ce sujet, de la persuasion où était Ri- chard-Cœur-de-Lion qu'il était sorcier, disant de lui-même (197) qu'il venait du diable et qu'il relournerait au diable ; et l'opinion générale était que la famille des Plantagenet était adonnée héré- ditairement à la sorcellerie. On racontait comment cette ac- cusation pesait sur elle depuis le mariage de l'un de ses membres avec une princesse qui ne pouvait assister jusqu’à la fin du saint sacrifice de la messe , et qui s’en allait toujours au moment de la consécration; on assurait qu’un jour où l’on essaya de l'arrêter par son manteau, elle le laissa entre les mains de celui qui le retenait et s’envola à travers un des vitraux de l'église. La maison de Lusignan, à raison de sa descendance de Merlusine (1), sorcière au plus haut degré, passait aussi pour être une famille de sorciers. M. de la Fontenelle cite encore un fait assez récent, puisqu'il date du xvit siècle : un vicaire général de Poitiers ayant prêché un jour contre la croyance aux sorciers, et s'étant élevé contre les condamnations in- justes qui en résultaient, on en tira la conclusion qu’il était sorcier lui-même , et le malheureux prêtre fut jugé et brûlé comme tel. M. de la Fontenelle dit qu’en Poitou la croyance à la sor- cellerie et à sa transmission héréditaire est encore si forte, qu'aucun paysan, si pauvre qu'il soit, ne voudrait s’allier à une famille accusée de sorcellerie , quelque honorable que fût sa conduite et quelque grande que füt sa fortune. Plusieurs personnes ont pensé que ces familles descendaient des drui- des , qui se livraient, comme on sait , à la magie et à la divi- nation ; mais M. de la Fontenelle a peine à croire à cette ori- gine, qui lui semble trop éloignée. Sans la rejeter entièrement, il croirait plutôt que les familles accusées aujourd’hui de se livrer héréditairement à la sorcellerie descendent de ces peu- plades qui, sous le nom d’Egyptiens, de Bohémiens, etc. , commencèrent à se répandre en France vers le xrv° siècle , et (1) Il'faut écrire ainsi ce nom et non pas Mellusine, comme on le fait généralement. Le nom de Merlusine, comme le peuple le prononce avec raison, signifie mère des Lusignans. Noir à ce sujet mes notes: sur le mémoire relatif à cette fée, rédigé par M. Babinet ( de Lusignan ), et inséré dans les Mémoires de la Société académique de Poitiers. ( Note du secrétaire-général du Congrès.) (198 ) dont quelques débris seront restés dans le pays, s'y seront mariés, et auront laissé des enfans qui auront continué ou qui auront été accusés de continuer les pratiques auxquelles se li- vraient presque exclusivement leurs pères. M. Grille de Beuzelin { de Paris). « La conservation intacte d’une race ne peut pas résulter seulement du mariage de ses descendans entre eux; mais il faut encore l’observance d’une religion particulière , comme on le remarque à légard des Juifs, par exemple. Or, cette condition n’existe pas pour les descendans des Bohémiens. On doit se rattacher à l'opinion de M. André, quant aux faits extraordinaires que nous a légués l’histoire de la sorcellerie. Beaucoup de choses qui, à des époques anciennes , paraissaient surprenantes, ne le seraient plus, maintenant que les connaissances sont plus avancées; et on pouvait tirer alors un très-grand parti de l’électricité et du magnétisme pour produire des effets prodigieux , tels que ceux, par exemple, qui figurent dans l’histoire des sociétés secrètes. » M. de la Fontenelle trouve que M. de Beuzelin n’a pas traité la question, dont le but est de rechercher à quoi tient l’impu- tation faite héréditairement à certaines familles d’être adon- nées à la sorcellerie, quoique rien dans leur conduite actuelle ne puisse rendre vraisemblable cette imputation. Abordant ce dernier point, il revient à l’opinion qu'il a déjà émise , en y ajoutant de nouveaux développemens. M. Chanlouyneau (d'Angers) raconte quelques faits qui ten- draient à prouver que la croyance à la sorcellerie commence à s'affaiblir beaucoup dans les campagnes. M. de la Fontenelle soutient que dans le nord des Deux- Sèvres et dans le bocage de la Vendée , et même dans la Bre- tagne et l’Anjou, de ce côté-ci de la Loire, on croit toujours, parmi les populations de la campagne, que la sorcellerie, dans certaines familles, se transmet héréditairement. Dès-lors il est utile de rechercher d’où vient cette opinion. M. de la Saussaye affirme que les mêmes croyances subsis- sent encore dans le Pays-Chartrain. Quand une fille , née de ( 199 ) parens chez lesquels la sorcellerie passe pour être héréditaire, épouse un jeune homme dont la famille n’est pas sous le poids du même reproche, on est convaincu que c’est par l'effet d’un charme, d’un philtre, en un mot d’un sort qu'elle a jeté sur lui. M. Abel Pervinquière (de Poitiers). « Tout en reconnaissant l'exactitude des faits curieux rapportés par M. de la Fonte- nelle, on ne peut être de son avis sur l'origine qu’il donne aux sorciers, car les conciles sévissaient contre eux long-temps avant l'arrivée des Bohémiens en France. Au surplus, cette croyance aux sorciers était répandue partout , notamment en Espagne où l’inquisition les faisait brûler impitoyablement , même à des époques assez rapprochées de nous. Elle est éga- lement constatée par des monumens législatifs assez remar- quables ; les anciennes coutumes de Hainaut voulaient que les sorciers et sorcières, traités en qualité de mineurs ( comme entachés de lèpre spirituelle ), fussent nourris et entretenus aux dépens de la commune. » M. Pervinquière apprend à la section qu’on vient de re- trouver une grande partie de la procédure dirigée contre le malheureux Urbain Grandier. Parmi ces pièces, qui sont dans la possession d’un habitant de Poitiers, se trouvent les lettres autographes qu'il écrivait à sa mère peu de temps avant de mourir. Elles sont pleines, tout à la fois » d’onction et de fermeté , et on ne peut les lire sans en être vivement at- tendri. M. André. « Les accusations de sorcellerie pouvaient n'être pas toujours dénuées de fondement, et l’erreur provenait seu- lement de ce qu’on attribuait au monde matériel un ordre de faits et des scènes qui ne se passaient que dans le monde im- matériel. Le nombre des individus punis pour sorcellerie est fort considérable, et ne peut s'expliquer que par la faculté d'i- mitation qui, à cette époque, constituait une véritable épi- démie. On pourrait citer, comme exemple de ces imitations épidémiques du moyen-âge, la danse St-Guy, les lycan- thropes, les confréries de flagellans , et une association qui, au xtve siècle, se forma dans le Poitou sous le nom de Gallois ; ( 200 ) les hommes et les femmes qui la composaient, couraient nus à travers champs, par les plus grands froids, et tombaient gelés dans les campagnes. On connaît, dans le siècle dernier , les convulsionnaires de St-Médard. Ne pourrait-on pas croire que différens phénomènes résultant de l’organisation physique se développent tout-à-coup, dans des cas donnés, pour être ensuite suspendus indéfiniment, et que s'ils ne reparaissent pas , c’est que les mêmes circonstances physiologiques ne se représentent plus? C’est ainsi que la manie des suicides se pro- page et s'éteint; elle se multiplie maintenant d’une manière effrayante. La prédisposition organique de certains indiviaus aux perceptions attribuées aux sorciers pouvait effectivement se transmettre héréditairement au moyen-âge. Cette succession s’est aflaiblie peu à peu avec la décroissance du mal; mais l’imputation existe encore aujourd’hui par tradition, quoique la cause qui y a donné lieu soit complètement anéantie. » M. Grille de Beuzelin ne croit pas aux sorciers du moyen- âge; sa véritable opinion est que rien ne se trouve en dehors de la nature, mais que l’on ne connaît pas encore toutes les formes qui peuvent se présenter dans les organisations humai- nes. Il rapporte , relativement à cette manie du suicide qu’on a signalée, ce qui se passa , sous l’Empire , dans un régiment où elle s'était développée de la manière la plus grave; on ne put faire cesser le mal qu’en transplantant dans d’autres régi- mens les jeunes soldats que leur constitution faible ou lym- phatique semblait prédisposer plus particulièrement à la contagion. M. de Beuzelin cite aussi plusieurs des faits extraor- dinaires que peut produire l’extase, et parle d’une femme qui, dans l’état extatique , subit , dans un des hôpitaux de Paris, une opération très-douloureuse sans donner le moindre signe de souffrance. M. l'abbé Cousseau (de Poitiers). « Avant d'émettre un avis sur la question , je dois combattre fes assertions de MM. André et de Beuzelin, qui attribuent les faits de sorcellerie à des facultés naturelles inconnues. Je ne crois pas, comme eux, qu’il faille étendre si loin les limites de ces facultés. Bien qu’il soit _——_— ( 201 ) difficile d’assigner le point précis auquel la nature peut aller, on sait positivement qu’il est des choses auxquelles ses forces ne peuvent atteindre; par exemple, savoir ce qui se passe actuellement à cent lieues d'ici, s’élever dans les airs sans aucun secours extérieur, et autres choses qui, si elles pou- vaient être naturelles et par conséquent deveuir communes , renverseraient l’ordre physique et moral du monde. Si donc on reconnaît de pareils faits ( et icijen’entends ni les admettre ni les combattre ), je crois qu’il faut en chercher ailleurs l’ex- plication. On peut attribuer, suivant les circonstances, plu- sieurs causes diverses aux réputations héréditaires de sorcellerie : un fait extraordinaire , une première imputation calomnieuse, etc. Quant à l’origine druidique, pour certaines familles, elle ne me paraît nullement invraisemblable; je ne vois aucun obstacle à cette transmission de mauvais renom, à travers une si longue suite de siècles , les populations se croyant toujours intéressées à garder de ces hommes réputés dangereux. Cette opinion pourrait être appuyée de quelques passages d’un concile tenu du temps de Charlemagne, où les évêques placent la sorcellerie parmi les observances superstitieuses des anciens Gaulois. » M. de la Saussaye (de Blois) partage l’opinion de M. l'abbé Cousseau , relativement à l’origine druidique de la sorcellerie. On sait que les druides et les druidesses se livraient à toutes les pratiques de la magie et de la divination, et rien n’em- pêche de croire que , rentrés dans la vie civile, leur réputation se soit perpétuée héréditairement et soit arrivée jusqu’à nous , comme les pratiques superstitieuses, d’origine gauloise, qui ont encore lieu, dans nos campagnes , auprès des pierres, des arbres et des fontaines. L'origine de la sorcellerie doit remonter ainsi, dans tous les pays, jusqu’aux premiers ministres du culte, qui, aux époques barbares, ont été partout des magiciens ou ont passé pour tels. M. de la Saussaye pense que c’est aux mêmes sources qu'il faut chercher l’origine des croyances de féerie; et tout le monde connait quel rôle elles ont joué dans la littérature du; moyen- 26 ( 202 ) âge, et surtout quelle a été l'influence de la nôtre sur celles des états voisins. Sortie du sol plus complètement gaulois de notre Brétagne , par les romans de la Table-Ronde, elle fournit tout le merveilleux de nos grands poèmes nationaux, connus sous le nom de Chansons de geste, et imités de toute l’Europe ; et sa plus belle part de gloire, peut-être, est d’avoir animé lés imimortelles fictions du Tasse et de l’Arioste. Cette source de merveilleux n’a jamais été entièrement abandonnée, et le retour marqué que fait maintenant la littérature vers le moyen- âge lui promet encore un avenir brillant dans l’empire de la fiction , tandis que les populations des campagnes continue- ront long-temps encore à croire à la réalité des faits attribués à la féerie et à la sorcellerie, et au pouvoir des êtres surnaturels que ces croyances ont enfantés. M. Verger (de Nantes), sans nier l'influence que le drui- disme a pu avoir sur la naissance de la sorcellerie en France, croit qu’elle est due principalement à la propension naturelle de tous les hommes pour le merveilleux. En effet, à toutes les époques et chez tous les peuples, il y a eu des sorciers de différens noms. Il ne pense pas que l’exercice de la sorcellerie se soit constamment perpétué dans la même famille. Il est à sa connaissance que, dans plusieurs départemens de l'Ouest, les hommes qui l’exercent encore , sont descendus de parens qui ne l’exerçaïent pas. Ce sont , pour la plupart , des malheureux, des gens sans asile, et qui ont d'autant plus d'influence qu'on les voit souvent rôder dans les campagnes pendant la nuit. Il cite plusieurs faits relatifs à ce sujet. La continuation de la discussion est remise au lendemain. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aucuis (de Melle). La discussion sur les questions de la sorcellerie et de la fée- rie est continuée. M. l'abbé Cousseau apporte à l'appui de l'opinion qu’il avait ( 203 ) émise la veille , un passage curieux du concile tenu à Leptine en 743, condamnant ceux qui recourent aux deyins et aux sor- ciers , et comprenant cette superstition parmi les restes du pa- ganisme gaulois , c’est-à-dire le druidisme. Le concile rappelle les forêts, quas NIMID AS vocant , les sacrifices qui se font sur les pierres, le culte de Mercure, mis ayant celui de Jupiter. « N’est-il pas vraisemblable, dit M. l'abbé Cousseau, que ces devins ou sorciers étaient les descendans des anciens druides, qui continuaient ou qui passaient pour continuer le même métier de divination auquel leurs pères étaient incontestablement a donnés, et que cette persuasion se sera perpétuée pendant la longue suite de siècles qui s’est écoulée depuis. » M. Mangon de la Lande (de Poitiers). « Je ne crois pas que les sorciers descendent des druides. Je ferai remarquer en outre la différence qu’il y avait entre le druidisme et le paganisme gaulois qui ne devait être , à l’époque citée , que les restes du polythéisme romain. Les doctrines du druidisme avaient disparu de bonne heure, en raison de l’analogie du dogme d’un Dieu unique qui les rapprochait du christianisme , et qui favo- risa singulièrement son introduction dans les Gaules. Il faut éviter de confondre deux choses fort distinctes : le druidisme ancien , conservé dans sa pureté primitive; et le paganisme gaulois des bas-temps , qui devait être le polythéisme antique, ou bien encore le druidisme , mais défiguré par l'introduction de plusieurs des divinités et des dogmes apportés par les Ro- mains. » M. l'abbé Cousseau. « Loin de chercher à contredire la distinc- tion établie par M. de la Lande entre le druidisme et le paga- nisme gaulois , je citerai à l’appui de son observation les opi- niors de quelques Pères de l'Eglise qui ont reconnu et vanté le mérite de la doctrine des druides , et particulièrement les pa- roles remarquables d’Origène, qui a dit des druides que la Gaule et la Bretagne avaient été préparées au christianisme par leurs er- seignemens. Mais cela, néanmoins, ne peut empêcher de croire qu'après la conversion des druides au christianisme, leur répu- tation de devins et de magiciens n’ait continué pour eux et leurs ( 204 ) descendans , et je crois que l’origine de l’imputation de sorcel- lerie héréditaire peut remonter à ce haut point d’antiquité où les Gaules ont adopté la religion chrétienne. » M. André perse qu’il faut modifier en quelques points les assertions de M. de la Lande ; et par exemple , on doit , dit-il, tenir compte de la différence qui existait, à l’époque de la décadence du polythéisme, entre les croyances populaires et celles des hommes éclairés qui le professaient , et qui ne voyaient plus dans les nombreuses divinités de la mythologie antique que des personnifications des divins attributs d’un Dieu unique, comme celui des chrétiens et des druides. Sur l’observation de M. le président, que, quelle que soit l'issue de la discussion sur l’origine de la sorcellerie, la question né pourra pas recevoir , sans doute , de solution positive , la section adopte la proposition qu’il fait de ne continuer la dis- cussion que sur la troisième question : Etablir l’origine et la cause des croyances de féerie , et quelle fut leur influence sur la littérature du moyen-âge et des derniers siècles. M. le président donne lecture de deux réponses à cette question , envoyées par MM. Chaudruc de Crazannes et Canel. M. de Crazannes rattache l’origine des croyances de féerie à celle de l’origine des superstitions en général, et cite d’abord une opinion qui lui a été communiquée par M. Schweighauser sur les fées en par- ticulier. M. Schweighauser pense qu’il y a de l’analogie entre les fées et les Parques appelées quelquefois 7’ates, et que l'imagination des Gaulois a développé l’idée primitive en y ajoutant de nouvelles fictions. Selon lui, on peut encore les rapprocher des Normes de la mythologie scan- dinave , qui sont également des sortes de Parques et aussi les déesses des trois divisions du temps : passe, present et futur. M. de Crazannes ajoute que les descendans des anciens Aquitains qui habitent les campagnes croient encore aux fées, et qu'ils préten- dent les rencontrer quelquefois, le soir, vètues de robes blanches, ordinairement au nombre de trois. Passant à l’étymologie du nom de fée, il lui semble venir du mot fata, relatif à l’art de prédire l'avenir que la superstition leur accorde. Il pense qu’elles pouvaient encore être les mêmes que les divinités champêtres ou déesses maires, ma- trones, elc.; matres, mairæ, matrones, dominæ , campestres. I ( 205 ) est remarquable que César donne aux druidesses le nom de matres-fa- miliäs. Ces déesses sont toujours représentées au nombre de trois, dans les monumens découverts dans les Gaules, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Le nom de filardières , que portent les fées dans la Sain- tonge , favorise l'opinion qui fait remonter leur origine aux Parques ; elles sont vieilles comme elles, et, comme elles, elles jettent aussi des sorts. Une autre opinion , très-séduisante selon M. de Crazannes, les fait remonter à l’époque du gouvernement des femmes dans les Gaules et dans la Germanie, et les'fées seraient la tradition des drui- desses, des Velléda, pythonisses politiques, religieuses et guerrières. La fécrie, la sorcellerie et la magie, dit M. de Crazannes , ont joué un grand rôle dans le moyen-âge , et même jusqu’au xvue siècle, dans les ouvrages de nos poètes et de nos romanciers. Après la chute du polythéisme et des fictions mythologiques, la féerie et ses deux sœurs furent le grand arsenal des machines épiques et la source du merveil- eux où puisèrent l’Arioste, le Tasse et leurs imitateurs. Cette dernière ressource ayant enfin manqué aux poètes , l'épopée est devenue comme impossible. M. Canel ne s'occupe que de l’origine des croyances de féerie. Selon lui, lorsque la religion spiritualiste de Jésus-Christ vint supplanter le paganisme matériel, tout devint symbole autour d'elle. Procédant par voie d'enthousiasme et d’exaltation , elle placa l’homme entre la terre, sa patrie d'aujourd'hui, et le ciel, sa patrie de demain. L'esprit hu- main , essentiellement borné dans son essor, ne peut pas toujours tendre vers l'idéal et l'infini. Si, à force d’exaltation , il franchit ses li- mites, bientôt il retombe d'autant plus bas qu’il s’est élevé davantage, et il passe, par compensation , du sublime au grotesque. C’est ce qui lui est arrivé quand le christianisme l’eut retenu quelque temps en dehors des affections de ce monde. Et alors le grotesque, contre-poids de l’exaltation sublime, joua un rôle immense. C’est lui qui créa toutes les fictions du moyen-âge, depuis les dragons et les gargouilles jus- qu'aux fétes des Fous et des Anes, depuis les cornes du diable jusqu'à la baguette des fées. Personne ne réclamant la parole sur la question , la discus- sion est fermée. M. Mangon de la Lande demande à lire un conte en vers sur un sujet qui se rattache à la discussion qui vient d’avoir lieu, car il s’agit d’une croyance populaire sur le pont d’An- zème (département de la Creuse) , dont on attribue la construc- ( 206 } tion au diable. La demande de M. de ja Lande est accueillie, et sa lecture entendue avec intérêt. M. Verger raconte à ce sujet une anecdote, relative aussi à un Pont du-Diable , situé près de Mayenne. La section adopte une proposition de M. de la Fonterelle, et décide qu’elle sera soumise à l'approbation du Congrès. Cette proposition est ainsi conçue : Le Congrès émet le vœu qu’il soit formé dans chaque département une commission choisie par le gouvernement parmi les membres des Sociétés savantes pour former un vocabulaire de tous les mots, non français ou surannés, employés par le peuple dans cette contrée. 11 serait, de ces vocabulaires particuliers, fait un vocabulaire général qu'on imprimerait aux frais de l'État, et dans lequel on joindrait à chaque mot l'indication du pays où il est en usage. M. le marquis Le Ver (d’Yvetot) demande le renvoi au Con- grès de 1835 de la proposition suivante : Déterminer à quelle époque a cessé l'emploi des cordons de grandes 3 briques et des tuiles à rebord dans la construction des édifices des Gaules. Après quelques observations, le renvoi est prononcé. M. Le Ver demande encore le renvoi au Congrès de 1835, d’une autre proposition relative à la détermination du lieu où César s’embarqua pour aller soumettre la Grande-Bretagne , et qu’il désigne sous le nom de Portus Iccius. M. Le Ver rend compte des différentes opinions que les savans ont déjà émises sur ce sujet, et pense que les seules qui méritent une discus- sion sérieuse , sont celles qui placent le Portus Iccius à Wissent ou à Boulogne, dans l’ancienne Morinie, et aujourd’hui dans le département du Pas-de-Calais. 1] propose donc de restreindre la question à ces deux localités. Après une discussion à laquelle ont pris part MM. de la Fontenelle, Auguis, de Givenchy, etc. , la section décide que la question sera étendue d’une manière générale, et sera pré- sentée dans la forme suivante : La seconde session du Congrès propose à la troisième session de re- ( 207 ) chercher et même de fixer, s’il est possible, Ja position du Poritus Tccius. Une proposition envoyée à la section par M. le baron Chau- druc de Crazannes est lue et adoptée sans réclamation. Elle est ainsi conçue : Le Congrès sollicite de M. le ministre de l'instruction publique une décision pour ordonner l'impression, soit en entier, soit par extrait, soit par analyse, des mémoires sur les antiquités nationales, adressés à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, notamment depuis 1819, et le concours pour les trois médailles. M. Thibaudeau (de Poitiers) communique à la section un rapport intéressant sur un grand nombre de monumens du dé- partement de la Vienne. Sur la demande de M. de Givenchy, le renvoi de ce rapport à la Société française pour la conservation et la description des monumens historiques est prononcé. M. de la Saussaye donne communication de la première partie d’un ouvrage qu'il se propose de publier sur les anti- quités de la Sologne blésoise. La section charge M. Grille de Beuzelin de faire un rapport, en séance générale, sur cette communication. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Aucuis (de Melle). M. de la Saussaye lit un rapport, au nom de la section, sur la promenade archéologique du 13 septembre (x). M. l'abbé Gibault lit à la section un mémoire sur l’endroit où s’est donnée la bataille entre Clovis et Alaric, qui anéantit la domination des Visigoths en Aquitaine , et acheva de réduire toutes les Gaules sous l’empire du roi des Francs. Ce mémoire n’est pas seulement le résultat des recherches de l’auteur, de ses visites solitaires sur les lieux qui furent témoins de ces grands {1) Voir le récit de cette promenade au Compte - Rendu des Assemblées générales du Congrès. ( 208 ) événemens ; il est encore le compte rendu d’une excursion scientifique faite par lui, en compagnie du savant et respectable évêque d'Orléans, Mgr de Beauregard, de MM. l'abbé Taury et Joseph Barbier, dont le Congrès doit tant regretter l'absence, et de feu M. Barbier père, ma- gistrat très-versé dans les antiquités de son pays. C’est le système tracé par Mgr de Beauregard, après cette excursion solennelle, que M. Gi- bault vient exposer, avec de légers dissentimens sur des points où il n'a pu s’accorder avec le savant prélat. Grégoire de Tours , Frédégaire, et nos plus anciens historiens, pla- cent le champ de bataille où succomba Alaric, à dix milles de Poitiers, sur les bords du Clain. Et ce champ de bataille, que Clovis donna à l'abbaye de St-Hilaire, ils s'accordent à le nommer Campus Vauclu- densis, Campus Voclavis. L'analogie du nom de Vouillé avec le mot 7’aucladensis, et l’exis- tence de quelques retranchemens dans cette paroisse, ont fait adopter cette localité par la plupart des auteurs, comme ayant été le véritable théâtre du désastre des Visigoths. Mais les anciennes chartes ne dési- gnent Vouillé que sous les noms de Volliacum, Vohec, qui n’ont aucun rapport avec le mot 7’ocladensis ; mais cet endroit ne réunit ni la proximité du Clain , ni la distance de dix milles à partir de Poitiers; mais sa chapelle, bien que propriété ecclésiastique (elle dépendait du chapitre de Ste-Radégonde), n’apparténait point à l’abbaye de Saint- Hilaire. Enfin les retranchemens de Vouillé, par leur disposition, n’ont pu convenir ni à Clovis ni à Alaric. M. l'abbé Gibault croit que le mot 7’aucladensis n’était point un nom spécial de localité, mais bien un nom générique composé des mots latins vallem claudere; que le lieu du combat était donc une vallis clausa, une vaucluse en français, si ce nom, dans notre langage, n’avait pas perdu sa généralité. Après avoir passé en revue les divers lieux où l’on a placé la bataille, et prouvé, en les décrivant avec un style pittoresque, qu'ils ne réunis- sent point les conditions exigées par les récits des anciens historiens et par le mot Vaucladensis ; après avoir dit que l'historien du Poitou, Thibaudeau, n'avait osé, tout compétent qu’il était dans la matière, résoudre cette question, M. l'abbé Gibault retrace ainsi, mais avec de longs développemens, les détails de l'expédition de Clovis, d’après le système de Mgr de Beauregard : « Clovis était parti de Blois, il avait traversé la Sologne et la Tou- » raine, et s'était avancé jusque sur la Vienne coulant du midi, se » réunissant au nord avec le Clain, au lieu que l'on nomme Cenon. » Ses rives formaient de vastes plages, sur lesquelles les deux ennemis ( 209 ) » devaient se craindre l’un l’autre, et s’observer. Clovis pouvait » craindre en effet, s’il dégarnissait la rive et les campagnes voisines » de la Vienne, que son ennemi n’envabhit ces points, et d’être conquis » lorsqu'il allait conquérir. Alaric , de son côté, avait intérêt de con- » server libres les chemins du midi, de peur que son ennemi ne le sé- » parât de ses possessions, de ses braves de l'Auvergne, de ses autres » provinces , et des secours qu’il pourrait recevoir de son allié naturel » Théodoric; et il se tenait encore dans la ville de Poitiers. » Le fier Clovis brüle d’atteindre son ennemi; mais il lui faut, dans les plans de l’illustre auteur du système, remonter la Vienne jusqu’à Lussac. Arrivée à Lussac, son armée trouve le pont brisé , et elle doit chercher un endroit où le fleuve paraisse guéable. « Nous n’avons rien » dit, ajoute M. l'abbé Gibault, du gué de la Biche. Bouchet le place » près de Civaux , et Mgr de Beauregard adopte sa version d’après des » traditions locales. Pour moi, je crois plutôt à Grégoire de Tours, » auteur naïf, inimitable, presque contemporain ; qui semble indiquer » Cenon. » Le roi des Francs, après avoir passé la Vienne, ramène ses troupes » à la recherche d’Alaric, chassant devant lui les postes que le roi » visigoth aurait pu disséminer dans la campagne ; et, se dirigeant en- » suite par les lieux inoccupés de Verrières, Gencay, Maigné, il arrive » à Sichar, d’où il peut considérer l’immense vallée close de tous » côtés par ses tertres élevés comme des redoutes, semblable à un » vaste cirque que le Clain divise, comme s’il voulait, maître souve- » rain du camp, assigner à chacun des rivaux son terrain pour com- » battre. Clovis ne néglige point les hauteurs de Sichar, situées à » l’ouest du champ de F’auclade, que bientôt la victoire et la pieuse » reconnaissance proclameront Champagné- Saint - Hilaire (Campus » pugnæ Sancti Hilarii). Il jette ses avant-postes jusques dans Voulon, » et fait rafraichir sa cavalerie dans cette belle prairie d’Anché, dont » le Clain baise avec amour les riches tapis de verdure. » De son côté, le roi des Visigoths, inquiet des mouvemens de son » ennemi, craignait également et d’être rejeté sur Poitiers et de tenter » la voie du midi que Clovis lui coupait à Voulon. L’attendra-t-il dans » Poitiers, nouvellement fortifié des débris de colonnes et de tombeaux » romains, dans ces vastes casemates des remparts qui n’ont point » fléchi sous le poids des siècles et que l’antiquaire va encore explorer » sans crainte ? Prendra-t-il le chemin de l’ouest, plus long, et où il » peut craindre d’être coupé? Passer sur le corps de son ennemi, c’est » la résolution du désespoir ; il la prend, marche sur Mougon ( Campus » Mogotensis), franchit le gué de Piedgrignoux ( Peregrinorum}, s’a- ds ( 210 ) » vance vers Bapleresse, traverse la plaine où s'élève la Motte de- » Ganne; mais le roi Franc l’attendait, le reçoit, le repousse, ou » plutôt le jette dans la plaine close de Champagné, où il avait choisi » ses positions, le combat et le triomphe. » Tel est le plan de Mgr de Beauregard; fout y est présenté dans un ordre possible et rappelle les principaux points de cette vaste scène. Cependant M. l’abbé Gibault ne saurait l’'admettre complètement. Faire attendre en repos l’impétueux Clovis, faire attaquer le prudent Alaric, c’est intervertir les rôles ; aussi, reprenant en sous-œuvre le travail du savant prélat, croit-il devoir hasarder quelques modifications et pré- senter la version suivante : a Alaric apprend dans Poitiers que Clovis a passé la Vienne à un » gué inconnu et non gardé. Surpris par cette nouvelle inattendue, il » veut se joindre aux troupes qu'il attend de l’Auvergne, il évacue » Poitiers et marche sur le midi. Mais l’impétueux roi des Francs, » avide de combats, a, par une course rapide , prévenu la retraite » d’Alaric; ilest déjà aux bords du Clain avec son avant-garde , pour » lui barrer la route, harceler sa marche, la retarder par des engage- » mens partiels. Mougon , ce Campus Mogotensis où Hincmar à » placé la bataille, et dont le nom dit assez le passage des Goths, » Mougon dont la belle fontaine montre encore de grands restes des » travaux du peuple-roi , est le théâtre d’un premier combat. Cepen- » dant Alaric tient tête aux assaillans, pendant que son armée franchit » le gué de Piedgrignoux , se reforme et s’écoule sur la voie du midi. » Andillé, Alonnes, Bapteresse, voieut de nouvelles rencontres, de » nouveaux succès de Clovis, que monumentént encore et les débris » des monastères que le vainqueur y fonda, comme pour y dessiner ses » marches victorieuses, et les restes des membres gigantesques, les » grandia ossa des races germaniques que le soc et la bêche y décou- » vrent chaque jour aux regards terrifés. » Enfin Clovis a réuni ses forces; comme un vaste réseau, son armée » entoure, resserre son rival ; il peut cesser de batailler en camp vo- » lant et présenter de pied ferme le front à l'ennemi. Alaric s’est re- » tranché à Sichar, Clovis a occupé Voulon, et, aux pieds de Sichar, » Champagné ouvre sa vaste et profonde vallée. Clovis a donné le » signal, ses guerriers se sont élancés, déjà le prince Théodebert a » signalé son arrivée; la rivière qui le sépare du. camp est couverte » de ses soldats ; déjà ils ont attaqué le pied de la montagne. On les voit gravissant sur la colline; mais quels efforts pour en atteindre les hauteurs! Les mesurer de l’œil ne pouvait être d’un lâche, les emporter était d’une armée de héros, mais déjà les Francs étaient des 1 L2 (211) Français. Le camp tient peu. Frances et Visigoths s’y battent pêle- » mêle. Ceux-ci tendent à se reformer sur les revers du camp. La » grande vallée les recoit et se remplit. Les armées se rangent. L'oi- » seau timide s’est envolé, tout ce qui a vie a fui; ïl ne reste que » l’homme, que l’homme et le combat. La mêlée est au comble, ils » triomphent, ils périssent, ils chantent leurs lais de mort, ou font » entendre de leurs voix puissantes les cris de triomphe et de gloire. Les chefs vont cà et là , animent , rétablissent le combat. Alors Clovis apercoit son rival, pousse à lui, l’atteint, le renverse. Rapide comme l'éclair, il n’est vu que de deux guerriers qui, d’un mouve- » ment commun, le frappent de leurs lances. Mais sa solide armure a » résisté, les coups glissent impuissans , et le prince, achevant sa vic- » toire, porte le coup de mort à son rival. Les cris de triomphe frap- » pent les airs. Les collines profondes, les bois épais et solitaires ou- » vrent leurs asiles au guerrier malheureux, le recoivent sous leurs » ombres et protègent sa marche fugitive vers une autre patrie, pen- » dant que de Mougon à Sichar, dans toutes ces vallées profondes » rougies du sang des Visigoths, la victoire écrit en lettres immortelles : »n Campus V’aucladensis. » # LI M. Redet, élève de l’école des chartes, archiviste à Poitiers, lit la note suivante sur Les Archives du département de la Vienne : Un membre de cette section a communiqué}, dans une des dernières séances , une proposition émise par le Congrès provincial de Douai, et tendant à pourvoir à la conservation des archives dans les pro- vincès. Ce vœu ne pouvait manquer d’être favorablement accueilli dans cette assemblée ; vous avez , Messieurs, écouté avec un vif intérêt les développemens donnés par M. de Godefroy à la proposition qu'il était chargé de vous transmettre, et vous avez approuvé les moyens avisés pour parvenir à réaliser un but dont l'importance est si vivement sen- tie aujourd’hui. L’ardeur avec laquelle on se livre aux recherches historiques sollicite des mesures promptes et actives pour arrêter les funestes ravages que le vandalisme et l’insouciance ont successivement exercés. Il faut se hâter de ramasser tout ce qui a échappé à la destruction ; le moindre délai peut être cause de la perte d'un manus- crit, d'un titre à jamais regrettable ; il faut tout classer et inventorier, pour qu'il ne se perde rien de ce qui pourrait servir à jeter quelques nouvelles lumières sur les points encore mal débrouillés de notre his- foire. Plusieurs villes sont heureusement restées en possession de dé- pôts considérables qui, malgré les injures du temps et des révolu- (212) lions , sont encore à même de fournir d’abondans et de précieux do- cumens à ceux qui s'occupent de l'étude du moyen-âge et de nos antiquités nationales. Poitiers peut se vanter à bon droit d’être, sous ce rapport, avantageusement partagé. E£ c’eût été pour moi un véri- table plaisir de vous détailler les richesses que renferment les archives du département , si j'en avais eu une connaissance suflsante. Mais il Y a trop peu de temps que le soin m’en a été confié , pour que j'aie été à même d'apprécier toutes les ressources qu’on peut en attendre. Ce qu'il m'a déjà été permis de constater, c’est qu’il s’y trouve un nombre considérable de chartes d’une haute antiquité ; plusieurs datent du vine siècle; j'en ai déjà réuni cinquante à soixante des deux siècles suivans ; la plupart proviennent des anciennes abbayes de Saint-Hilaire et de Nouaillé. Nouaillé était dans l’origine une église dépendante de l’abbaye de Saint-Hilaire. Aton , abbé de Saint-Hilaire, y établit la règle de saint Benoît, et chargea Hermenbert du soin de gouverner la nouvelle communauté. Charlemagne approuva cette fondation, et son fils Louis, roi d'Aquitaine, lui accorda des dons et des immunités. Les archives possèdent deux diplômes de ce dernier prince en faveur de l’abbaye de Nouaillé. Par le premier, qui est de l'an 794, il confirme la fon- dation faite par Aton, et accorde plusieurs priviléges aux religieux; par le second, ïl leur fait don d’une rente de vingt sous, et leur confirme les priviléges qu’il leur avait précédemment octroyés. Ce se- cond diplôme est en très-mauvais état ; il est tout rongé sur le côté droit et à sa partie inférieure, de manière qu'il n’y reste point de vestige de la date. Il n’est guère possible de remplir cette lacune avec précision ; il est à observer seulement que Charlemagne étant appelé Dominus imperator, le diplôme n’est pas antérieur au mois de décembre de l’an 800, époque où il fut couronné empereur. Aton , abbé de Saint-Hilaire, fut ensuite évêque de Saintes ; il était revêtu de cette double dignité lorsqu'il fit donation de deux terres à l’abbaye de Nouaillé, comme on le voit par la charte qu'il souserivit au mois de mars, la 31° année du règne du roi Charles, c’est-à- dire en 799. Le Gallia christiana a publié cette charte , mais en ob- servant à tort qu'Alon érigea Nouaillé en abbaye en 799, puisque le diplôme de Louis, roi d'Aquitaine, de l'an 794, a pour objet la confir- mation de cette fondation. Il nous reste du même monastère une charte plus ancienne encore que les trois précédentes ; elle est datée de la douzième année du règne de Charles, c’est-à-dire de 780 ; à cette épo- que, Nouaïllé n’était encore qu’une église desservie par quelques reli- gieux de Saint-Hilaire, qui cependant y vivaient en communauté , (213 } puisque ce lieu est qualifié de monastère dans la charte dont il s’agit. Elle a pour objet un échange entre Hermenbert, chef de cette commu- nauté, et Aper, abbé de Saint-Hilaire. Le plus ancien monument que j'aie trouvé aux archives, jusqu’à pré- sent, est un diplôme de Pépin-le-Bref, confirmant les privilégés de l'abbaye de Saint-Hilaire. 11 est remarquable , comme la charte d’Aton dont j'ai parlé plus haut, par une écriture minuscule très-nette et très-régulière. Quoiqu'il porte l'empreinte des injures du temps, et que l'humidité y ait occasioné plusieurs taches, on parvient à le lire tout entier. Ce qui lui ajoute un double intérêt, c’est qu'il est daté de Poitiers : Data ir mense julio anno xvn regni nostri Pictavis civitate. Cette année-là, en 768, Pépin, après avoir victorieusement terminé ses campagnes contre son infatigable adversaire le duc d’A- quitaine, passa à Poitiers pour retourner au centre de ses états; il mourut la même année à l’abbaye de Saint-Denis. Je ne m’étendrai pas sur les autres diplômes des rois de la seconde race. L’un, de Charles-le-Simple, de l'an 915, est bien conservé; il confirme un échange de terres fait entre Rainulfe, comte de Poitou et abbé de St-Hilaire, et Garnier, chanoine de Saint-Pierre. Il ne porte point demonogramme; mais il était revêtu de la signature du chancelier et du sceau royal dont on ne voit plus que la place. Parmi les chartes du xe siècle, il y en a plusieurs des comtes de Poitou. Je ne citerai que celle de Guillaume-Fier-à-Bras, faisant do- nation à l’abbaye de Nouaillé de l’église de St-Sauveur, en Aunis, avec les terres qui en dépendaient. Elle est datée de la seconde année du règne de Robert, et commence par la formule si usitée dans ce siècle : Mundi ierminum adpropinquante. Du reste, elle n’aurait rien de particulier qui méritât d’être signalé, si elle n’avait donné lieu à quel- ques difficultés diplomatiques qui furent facitement résolues par l’il- lustre Mabillon. La lettre qui contient les explications de ce savant bénédictin, écrite et signée de sa main, est déposée aux archives et annexée à la charte qui les avait motivées. Les raisons de douter qu'on opposait à l’authenticité de ce titre , consistaient en ce qu’il n’était pas revêtu de sceau, que les souscriptions étaient toutes de la même main , et que l’an 2 du règne de Robert , Guillaume IL n'existait plus. Cette dernière difficulté était la plus sérieuse. D. Mabillon répond que Guillaume-Fier-à-Bras mourut en effet l'an 993, et que Robert n’a succédé à son père qu’en 997, mais qu’il avait été déclaré roi du vivant de son père, dès le commencement de l’an 988 ; et ainsi la deuxième année de son règne concourait avec l'an 989, époque où le duc Guil- laume était encore en vie. La seconde partie de la lettre renferme des (214) observations précieuses sur l'usage de l'indiction romaine. Ces expli- cations avaient été demandées par l’abbé de Nouaillé, dont le monas- tère était uni à l’illustre congrégation à laquelle appartenait D. Mabil- lon. Sa réponse est datée de Paris, du 17 août 1701. Plusieurs titres de ce même siècle, ayant pour objet des donations , des ventes ou des échanges, sont précieux par les renseignemens géo- graphiques qu'ils fournissent. Quelques-uns sont des contrats de vente de serfs et de serves, rédigés dans le latin barbare du temps. Une charte datée de la 10° année du règne d’Eudes, nous apprend qu’un certain Ingelard vendit pour quatre sous une serve qu’il recommande de la manière suivante : Ancilla jure nostra nomine Adaltrudim, non fura, non iecliva neque cadiva, sed in Dei mente et omne corpore sana. Les chartes de date reculée, rédigées en francais, méritent d’être recueillies avec soin , elles peuvent donner lieu à d’utiles recherches. Il ne s’en est pas encore rencontré aux archives , qui soient antérieures à la seconde moitié du xure siècle. Le langage qui y est employé se rap- proche beaucoup de celui qui était usité dans les provinces situées de l’autre côté de la Loire , et on voit que ce n’est point un dialecte de la langue romane parlée dans les provinces du midi. Un accord entre l'abbé de Nouaillé et l’abbesse de la Trinité de Poitiers, au sujet d’un droit de pâture , est daté de l’an de l'Incarnation mil et dous cent seyxante et seis le jeodi après le dyomeine que Len chante Oculi mei, c'est-à-dire du 24 mars 1267, car alors l’année commencait à Pâques. Un acte de donation en latin prouve qu’en l’an 1008 on était déjà dans l'usage de commencer l’année à Pâques dans ce pays. Les archives du département se composent, pour une bonne partie, des chartriers des anciennes abbayes et autres communautés religieuses qui se sont trouvées comprises dans la circonscription actuelle du dé- partement de la Vienne. Mais les archives du grand prieuré d’Aqui- taine n’y tiennent pas une place moins considérable ; elles sont formées de la réunion des titres de plus de cinquante commanderies de l'ordre de Malte disséminées dans le Poitou , la Touraine, l’Anjou , le Maine, le Perche, la Bretagne, FAunis , la Saintonge , l’'Angoumois , le Péri- gord , le Limousin et le Berry. Elles sont en assez mauvais ordre , et il faudra beaucoup de temps pour les ranger d’une manière convenable. Outre ces deux grandes classes , communautés religieuses et comman- deries de l’ordre de Malte, il faudra en établir deux autres , dont l’une comprendra tous les registres et papiers qui se rattachent à l’ancienne intendance de la province; et l’autre , les titres provenant de plusieurs maisons nobles et autres pièces particulières. C'est à l’abbaye de Nouaillé et au chapitre de Saint-Hilaire que nous devons les titres les ( 215 } plus précieux par leur antiquité. Les chartriers des abbayes de Mon- tierneuf, Saint-Cyprien, Sainte-Croix, la Trinité, des chapitres de Notre-Dame-la-Grande, Sainte-Radégonde, Saint-Pierre-le-Puellier, sont aussi fort riches en chartes du moyen âge. Ceux de l’évèché et du chapitre de Saint-Pierre sont volumineux et doivent renfermer des pièces qui ne seront pas sans intérêt pour l’histoire de la province. Après un aperçu aussi rapide , je ne me flatte pas d’avoir donné une idée exacte de ce qui compose le vaste dépôt de la préfecture, et je suis encore trop peu avancé dans la tâche de longue haleine qui m’est imposée, pour que les résultats auxquels j’ai pu arriver jusqu’à ce jour, soient dignes de l’attention du Congrès; je me féliciterai seulement d’avoir saisi l’occasion de lui signaler l'importance des archives dont Poitiers est en possession. M. le président donne communication d’une proposition envoyée par M. Spencer-Smith, et que la section est forcée d’ajourner à l’époque du Congrès de 1835. Cette proposition est ainsi formulée : Déterminer la topographie du champ de bataille où les Arabes , sous la conduite d’Abdérame, furent défaits, en 734, par les Français, sous leur duc Charles-Martel. La section décide que la proposition suivante , de M. Dupuis- Vaillant (de Poitiers), sera soumise à l’approbation du Con- grès : Le Congrès émet le vœu qu’une Commission, composée de quatre membres de la Société des Antiquaires de l’Ouest et de quatre membres de l’Académie de Poitiers , soit chargée de s'entendre avec M. le conser- vateur des monumens du département de la Vienne, pour rendre au temple St-Jean sa forme primitive, et faire disparaître les construc- tions modernes qui détruisent le caractère architectural de ce précieux monument. 4 Sur la demande de M. de la Saussaye, la section décide que les mémoires manuscrits qui lui ont été envoyés, et que le terme des travaux du Congrès a empêché de lui être commu- niqués, soit en entier, soit par extrait, seront mentionnés à la suite du compte-rendu de ses travaux. Voici les titres de ces mémoires : 1° Coup d'œil sur le Poitou et son Histoire, par M. d’Assailly (de Niort) ; ( 216 ) 2 Le Parlement de Niort, ou Influence du vote de l'impôt sur la nationalité des provinces de l'Ouest, par M. Babinet { de Lusignan); 3° Renouvellement de la guerre entre Charles F et le prince de Galles, par M. Babinct (de Lusignan) ; 4° Essai historique sur la domination des Romains et des Wi- sigoths en Aquitaine, et particulièrement dans le pays des S'antons, par M. Massiou (des Sables-d'Olonne) ; 5° Mémoire sur une Mosaïque et une Inscription trouvées dans la commune de Marboué, près Chäâteaudun, par M. Le Jeune ( de Chartres ) ; G Mémoire sur la Chaire-au-Diable, par M. Verger (de Nantes ). Les Secretaires de la Section, Le Président de la Section, DE LA SAUSSAYE (de Blois). AUGUIS (de Melle). DE LA PYLAIE (de Fougères). Le Vice-Président, L. DE GIVENCHY (de St-Omer). ( 217 ) CINQUIÈME SECTION. Littérature et Beaux-Arts. SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Juzuien (de Paris), et ensuite de M. IsiporE LE BRUN (de Paris). À une heure la séance est ouverte. M. Jullien ( de Paris }, doyen d'âge , occupe le fauteuil. MM. F. Chatelain ( de Paris ) et À. Mazure ( de Poitiers } remplissent les fonctions de secré- taires. On procède au scrutin secret pour la nomination des prési- dent et vice-présidens. MM. Isidore Le Brun (de Paris) et Guerry-Champneuf (de Poitiers }, ayant obtenu la majorité des voix , sont proclamés, le premier président , et le second vice-président. MM. les secrétaires font observer que leur nomination ne pouvant être que provisoire, il est nécessaire de procéder à un nouveau scrutin. La section les maintient par acclama- tion. M. Isidore Lebrun prend place au fauteuil et remercie l’as- semblée des suffrages dont il a été l’objet. Le bureau est définitivement constitué. Lecture est donnée par M. le président des diverses propo- sitions présentées à la cinquième section. M. Pattu Saint-Vincent (de Mortagne, Orne) propose au Congrès de faire un appel à tous les membres des sociétés sa- vantes de nos départemens pour la publication des vues des 28 ( 218 ) principales villes de France. On y joindrait les costumes des diverses localités et un texte explicatif. Ces dessins pourraient être livrés à très-bon marché; les artistes qui en seraient chargés se rendraient sur les lieux , et ne demanderaient que d’être défrayés pendant leur séjour dans les diverses villes dont ils devraient reproduire les monumens; et s’il y avait des bénéfices , ils seraient employés à offrir des exemplaires de cette collection aux bibliothèques et aux sociétés savantes. M. Grellaud ( de Poitiers) engage l’auteur de la proposition à vouloir bien la résumer par écrit. M. F. Chatelain s'attache à démontrer qu’une publication aussi peu chère qu’on la propose , et tirée seulement à trois cents exemplaires , est chose impossible ; il cite les frais né- cessités par la belle entreprise de l'Ancien Bourbonnais , cette œuvre gigantesque à laquelle coopèrent , sous la direction de M. Achille Allier, vingt artistes, les premiers entre leurs égaux , et il regarde comme inexécutable le projet de publier pour toute la France un pareil ouvrage auquel s’associeraient seulement quatre artistes , quel que fût d’ailleurs le mérite de ces artistes. MM. David de Thiais (de Poitiers) et Isidore Le Brun ap- puient l’opinion de M. F. Chatelain par d’autres motifs. Ils font voir que la proposition pourrait , à l'insu de son auteur , sug- gérer l’idée d’une spéculation de librairie , et qu’il importe au Congrès d'éviter de prêter son appui même à l'apparence d’une telle spéculation. M. le président demande si la proposition est prise en con- sidération. La section se prononce pour la négative. M. de Gaumont (de Caen) demande à présenter une propo- sition sur l’organisation des sociétés savantes en France ; il réclame la priorité pour cette question , dont le Congrès de Caen n’a pu s'occuper l'an dernier , faute de temps. M. de Caumont voudrait voir se former en France vingt grandes académies provinciales de première classe , ayant cha- (219) cune pour ressort plusieurs départemens , et divisées au moins en quatre sections indépendantes les unes des autres , ayant leurs bureaux distincts , et publiant séparément leurs mé- moires. Un règlement unique régirait tous les instituts provinciaux ; un plan de travail uniforme serait adopté pour tous. Ils auraient pour leurs travaux le même mode de publication et le mêine format. M. de Caumont regarde comme une des causes de l’inertie et du peu d'utilité des sociétés savantes , la difficulté que lon éprouve à se procurer les mémoires qu’elles publient , et qui restent trop souvent ignorés. Il désirerait, pour obvier à ce grave inconvénient , que chaque société eût, à Paris, un dépôt de ses mémoires, et surtout que ce dépôt füt fait chez le même libraire , afin d’en faciliter l’acquisition aux hommes studieux. En conséquence , l'honorable membre invite le Congrès à ex- primer le vœu que toutes les sociétés de province fassent dé- poser leurs publications chez un libraire de Paris (1). Une telle mesure s’accorderait d’ailleurs avec celle que vient de prendre M. le ministre de l'instruction publique , en demandant à ces sociétés un exemplaire de leurs mémoires, afin de faire rédiger chaque année un rapport généralsur leurs travaux, et de les faire sortir, par ce moyen, de l’état d’isolement et d’oubli dans lequel elles sont tombées. M. de Caumont ne désire pas que cette proposition soit dis- cutée cette année, mais il insiste pour qu’elle soit enregistrée dans les procès-verbaux , afin que les personnes qu’elle inté- resse puissent la méditer. M. F. Chatelain appuie fortement la seconde partie de la proposition de M. de Caumont : un centre à Paris où vinssent aboutir tous les rayons intellectuels de la province lui sem- blerait une création heureuse ; c’est une pareille idée qui Pa porté à fonder l'Office Littéraire, où toutes les Revues dépar- tementales se donnent, pour ainsi dire, rendez-vous. Mais, (:) M. Lance, libraire à Paris, rue du Bouloy, no 7, est déjà dépositaire des mémoires de plus de trente académies ou sociétés savantes des provinces. ( 220 ) sans entrer dans le fond de la discussion sur la première partie de la proposition de M. de Caumont, il croit y découvrir, au lieu d’un effort tenté vers la décentralisation intellectuelle si désirable, un moyen au contraire de renforcer la centralisa- tion parisienne. Les vingt académies de province ainsi consti- tuées lui paraîtraient vingt satellites gravitant autour d’un centre unique, l’Institut de France. Il faudrait peut-être craindre également, ainsi que le fait observer M. Devaux (d'Angers) , de mettre l’esprit d'intelligence eu régie. La section, consultée par M. le président, décide que la proposition formulée par M. de Caumont sera insérée au pro- cès-verbal. SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834, Présidence de M. Isinore LE Brun (de Paris ). L'ordre du jour appelle la discussion de la question sui- vante : Quelle est aujourd’hui la meilleure manière d’enseigner l'histoire ? Après une courte discussion sur la position de la question, M. Auguis (de Melle) explique que l’auteur a dû sans doute entendre qu’on examinerait si l’on continuerait à suivre les anciennes méthodes historiques, ou les doctrines répandues en Italie par Vico, et en Allemagne par Herder. M. Cardin (de Poitiers ) dit que l’enseignement de l’histoire doit nécessairement varier avec la différence des documens sur lesquels elle s'appuie. Des événemens qui se sont succédé sur la surface du globe, les uns ne peuvent être étudiés qu’à laide des souvenirs épars laissés par les anciens et par les monumens : c’est là l’histoire conjecturale et primitive. Les événemens qui ont suivi sont appuyés sur des documens authentiques, mais peu nombreux , et l'obscurité qui, dans la première période, couvrait l’histoire tout entière , subsiste encore sur les détails. Enfin, les événemens qui sont moins éloignés de nous sont ( 221 ) riches en renseignemens de tout genre ; mais il reste d’autres difficultés pour déterminer les caractères des personnages his- toriques et la nature des faits et des intrigues politiques qui s’y rattachent. Il ajoute que l’enseignement de l’histoire diffère encore suivant qu’on a pour objet l’histoire générale ou des histoires spéciales, telles que celles des affaires diplomatiques, de la marine, des événemens militaires, etc., etc. M. de la Fontenelle ( de Poitiers) pense que le mode d'écrire l'histoire, présenté par M. Thierry, doit être adopté préféra- blement à tout autre système , et il ajoute à l’appui de cette opinion de nombreux développemens. Il cite M. Sismonde de Sismondi comme étant un modèle à suivre. Arrivant à l’obser- vation faite par un membre, si le mode d’enseigner l’his- toire doit être le même que celui de l'écrire, il déclare que dans son opinion ces deux modes se lient l’un à l’autre. Après une assez vive discussion à laquelle prennent part MM. Choisnard, David de Thiais, Cardin, Isidore Le Brun, Mesnard fils et André , la section engage le bureau à lui pré- senter , à sa prochaine séance , une rédaction plus précise. On passe à la discussion de la question suivante : Quel est le genre d'architecture monumentale le plus approprié à notre climat , à notre culte et à nos mœurs ? M. F. Chatelain lit un mémoire sur ce sujet; écartant ce qui a rapport aux mœurs, il résume la question dans cette pensée : « L’architecture de la renaissance paraît réunir mieux que toute autre les qualités en harmonie avec les besoins du siècle présent. » Plusieurs membres réfutent ces conclusions. M. Godefroy (de Lille) regarde l'architecture de la renaissance comme celle d’une époque de transition ; elle est trop indécise pour servir de type. M. F. Chatelain fait observer que, dans les beaux-arts, comme dans la littérature, notre époque est aussi une époque de transition ; que par cela même qu'il y a indécision marquée dans le genre d'architecture monumentale , il serait peut-être bon de lui en assigner un. (222 ) M. David de Thiais combat cette opinion. « L'artiste, dit-il, ne retrouvera des inspirations puissantes et fécondes , l’art ne s’élè- vera désormais à de véritables conceptions monumentales, qu’au moment où les sociétés qui gravitent vers la régénération pour- ront enfin se reposer dans le sein de la paix et de la véritable liberté. Aux jours de transition, les artistes peuvent et doivent tenter des essais plus ou moins fructueux, mais sans atteindre la véritable limite de l'art, le grand et le beau. » M. André (de Bressuire) rappelle que la condition de l'homme vivant en société est toujours l'amélioration de son bien-être, que son état n’est pas de rester stationnaire ; qu’ainsi toutes les époques sont des époques de transition, et que, si l’on at- tendait les jours dont a parlé le préopinant , on ne produirait jamais rien. M. David de Thiais reproduit cette pensée que l'architecture subira forcément des transformations comme la société ; il lui semble évident qu’à l’époque où les chemins de fer seront établis, tous les lieux où se rencontrera la multitude, temples, places publiques, écoles, devront être nécessairement beaucoup plus vastes et sur des proportions plus larges. On entend encore plusieurs membres, entre autres MM. Mes- nard fils, Isidore Le Brun et André. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isipore Le Brun ( de Paris). La discussion continue sur la question de l’architecture mio- numentale. M. le président donne lecture de la réponse à la question en discussion envoyée par M. A. Canel (de Pont-Audemer), qui n’a pu se rendre au Congrès, en faisant remarquer la coïnci- dence qui existe entre cette réponse et les idées émises dans la séance d'hier par M. David de Thiais. La note de M. Canel est ainsi conçue : « S'il est vrai que l'architecture soit une traduction faite en pierre des idées qui vivent dans un peuple , comme il y a chez ( 223 ) nous des idées grecques mêlées à des idées du moyen-âge, il en résulterait que notre architecture devrait résumer l’archi- tecture des Grecs et celle du moyen-äge. Mais peut-être n’est-il pas possible à notre époque de se faire une architecture, tor- turée qu’elle est dans le travail d’un pénible enfantement. Au milieu du choc des idées différentes qui se croisent , rien de normal ne peut s'établir ; tout est transitoire. Nous ne laisserons à nos descendans que des matériaux : eux , ils bâtiront. À mon avis, dans nos jours d'épreuves, nous ne pouvons pas plus avoir d'architecture nationale que de littérature nationale. Nous ne faisons que préparer l'avenir par nos discussions, celles du Congrès ne seront pas perdues. » M. F. Chatelain dit que cette coïncidence n’existe pas moins entre les conclusions du travail qu’il a eu précédemment Fhon- neur de soumettre à la section , puisque M. Canel pense que notre architecture devrait résumer celle des Grecs ét celle du moyen-âge , ce qui serait à peu près la même chose que l’ar- chitecture de la renaissance, adaptée plus spécialement encore à l’actualité de nos mœurs et à notre climat. Du reste, M. F. Chatelain regarde la question telle qu’elle a été posée comme à peu près insoluble ; il demande qu’elle soit reportée au pro- chain Congrès. Si une solution n’est pas donnée en 1835, au moins des observations seront-elles présentées , qui pourront être d’une grande utilité pour nos architectes. Cette proposition étant appuyée par plusieurs membres, la section décide que la question sera ainsi formulée pour le pro- chain Congrès : Quel est le genre d'architecture le mieux approprié à nos mœurs et à notre climat ? M. le président, au nom de la commission chargée de la révision de la question sur la manière d’enseigner l’histoire, présente la rédaction suivante : Quelle est la meilleure manière de communiquer aux jeunes gens les notions historiques ? M. Simon (de Nantes} n’adopte pas cette rédaction, qu'il regarde comme trop vague. Il soumet à la section des observa- (224 ) tions imprimées, extraites d’une brochure publiée à Nantes, par M. Richelot , professeur d’histoire à l’école primaire de Nantes, et il pense que la question serait mieux posée ainsi : Quel doit être l’enseignement de l’histoire ? Sera-t-il le même dans les colléges royaux et communaux, dans les écoles primaires supé- rieures, dans les institutions militaires et dans les petits-séminaires ? Cet enseignement variera-t-il dans les villes où l’histoire sera en- seignée, selon leur position et selon leur spécialité ? Plusieurs membres combattent cette rédaction. M. Bon- cenne croit que la question serait simplifiée en la posant ainsi : Quelle est la meilleure manière d'enseigner l’histoire selon l’âge et suivant le degré de l’instruction de l’élève ? Cette nouvelle rédaction donne lieu à diverses observations. M. Jullien (de Paris) demande que le Congrès exprime le vœu que désormais les professeurs d'histoire s’attachent à faire ressortir la marche et les progrès de l’esprit humain. « Assez long-temps les princes et les conquérans ont eu le privilége ex- clusif d'appeler sur eux l'attention toute particulière du profes- seur d’histoire ; le moment est arrivé d’envisager cette science sous le rapport de l’industrie et du mouvement intellectuel des masses. Telle doit être désormais la philosophie de l’his- toire. » Sans chercher à réfuter les paroles du préopinant, M.F. Chatelain dit que, selon son opinion , le Congrès ne doit pas tracer une marche à nos professeurs d'histoire avant d’avoir suffisamment étudié leur manière d’enseigner ; il croit que la solution de cette question devrait être laissée au Congrès pro- chain. D'ici là, dit-il , avertis par la discussion soulevée à ce sujet, plusieurs membres présenteraient des idées plus fixes et moins hasardées. Cette opinion est appuyée par MM. Mazure et Boncenne. Un grand nombre de membres demandent l’ordre du jour. La section consultée passe à l’ordre du jour. Un mémoire intitulé : De l Art et de la mission des Artistes, ( 225 ) avait été annoncé au Congrès. Ce mémoire n'ayant pas été présenté, M. David de Thiais demande la parole sur le sujet même du mémoire. Il dit, en substance, que dans les jours de transition où nous vivons, jours que le scepticisme dévore, l’art n'existe plus, à proprement parler. L’art, en effet, ne peut trouver les élémens de la perfection que dans la foi, l'inspiration fécondée par l'étude et la liberté couronnée par la paix : or, notre époque doute d’elle-même et du monde; elle est dédaigneuse des lon- gues veilles et des infatigables travaux ; elle s’agite enfin dans toutes les angoisses qui lui déchirent le sein. Au milieu de si funestes circonstances, l’art ne sait donc où se poser ; il se fati- gue en de pénibles et vains essais, bientôt il retombe sans force, ne pouvant se soutenir dans les sublimes régions où le génie complet peut seul élever un trône durable, C’est que dans un moment où tout jeune homme, cherchant à se faire une belle place dans le monde, prend ses caprices pour de la volonté et sa fougue déréglée pour de l'inspiration , il ne peut rien naître de sain et de vigoureux, rien qui soit véritablement marqué au coin de l'avenir. L’art est spécialement destiné à moraliser les hommes , et l'artiste trop souvent s’efforce de ne leur présenter que des tableaux hideux et des images obscènes. Un tel état de choses ne saurait durer. Il est temps de donner de nobles en- couragemens au génie laborieux qui se consume dans les veil- les, tandis que la médiocrité orgueilleuse spécule sur l'ignorance ou la faiblesse du public. « Vengez donc, dit en terminant l’orateur , vengez, Messieurs , celui qui souffre et ne se plaint pas : hommes de science et de talent qui tenez aujourd’hui vos assises pour le plus grand accroissement du progrès social, pro- noncez une parole de consolation, un mot d'encouragement, et que le poète, que le véritable artiste retrouve, en entendant votre voix , l’énergie qui fait persévérer, et l'espérance qui fait oser de grandes choses. » Un membre fait observer que la littérature est divisée en deux camps, et qu’il ne convient peut-être pas au Congrès de se porter juge; qu’appeler des encouragemens sur une école 20 ( 226 ) ce serait flétrir l’autre école ; et que, malgré l’immoralité d’une certaine littérature , il convient peut-être mieux de ne pas s’immiscer dans ces débats pour ne point renouveler la vieille querelle du classique et du romantique. M. Duplesset (de Poitiers ) défend l'espèce de littérature qualifiée d’immorale. Il est des époques , dit-il, ou quelquefois la moralité se trouve dans une œuvre qui contient d’ailleurs des passages peu décens. M. David de Thiais dit qu'une tolérance universelle lui semble devoir exister, en littérature surtout ; il désirerait donc que le Congrès s’abstint de flétrir cette littérature obscène, dont il est loin d’ailleurs de se montrer partisan; mais il insiste pour l'émission d’un vœu tendant à une régénération littéraire dont le besoin est vivement senti par tous les bons esprits. M. Fradin (de Poitiers) fait remarquer le danger pour les mœurs qu'offre la scène actuelle ; il propose Ia rédaction sui- vante du vœu à émettre : Le Congrès voit avec regret le genre adopté par la littérature scénique actuelle, et particulièrement l’immoralité des tableaux mis en scène ou exposés aux carrefours. M. Boncenne (de Poitiers) ne veut point être complice de ces ménagemens. Îl ne peut y avoir de critique trop vengeresse pour flétrir cette nouvelle école du vice, cette littérature éva- porée, échevelée , toute redondante d’épithètes ivres , toute suspendue dans le vague du non-sens. Faut-il attendre qu’à force de donner au vice de fausses couleurs, les corrupteurs rendent vraies leurs monstrueuses suppositions ? M. F. Chatelain se range de l'avis de M. Boncenne. Le Congrès , selon sa conviction , est trop haut placé pour se con- tenter d’un timide appel au blâme. Il doit avoir le courage de formuler nettement son opinion , et ne pas craindre , alors que toute morale est mise en problème, les futurs sarcasmes d’une école déjà tombée devant le mépris public , et qui s’est suicidée à force de méfaits. Attendu Yheure avancée, et sur la demande de plusieurs membres, la section décide que demain, à l'ouverture de la 4C:227 ) séance, les membres seront invités à présenter une rédaction nouvelle qui puisse résumer la discussion de ce jour. M. le président invite M. Verger (de Nantes) à donner à la section des détails sur les peintures récemment découvertes dans la cathédrale de Nantes. Dans le mois dernier, dit M. Verger, il fut décidé que des réparations seraient faites au chœur de la cathédrale de Nantes. L'architecte chargé des travaux, afin de peindre sur un fond solide , fit gratter les voûtes et les murs. On allait commencer à peindre, quand l’architecte, en examipant le plafond, crut apercevoir les indices de caissons. Un artiste qui l’accompagnait crut en même temps reconnaître un doigt, puis une main. On fit nettoyer, et au lieu de caissons on découvrit le cadre d’un grand tableau, puis le tableau lui-même, représentant la transfiguration. Cette peinture ne manque pas de mérite; la figure de Moïse est d’une assez belle expression et passablement conservée. La figure du personnage principal est tout-à-fait endommagée, celle d’Elie l’est moins. Ce dernier offre des raccourcis bien dessinés. Sous ia seconde arcade on a dégagé un second tableau telle- ment détérioré , qu’on n’a pu en deviner le sujet. À chaque extrémité de ces deux tableaux pendent des mé- daillons entourés d’ornemens qui représentent des armoiries. Deux d’entre eux portent les armes de France. Un autre est mi-parti aux armes de France , et mi-parti aux armes d’une autre nation. Nous avons cru distinguer des léopards, cepen- dant nous ne pensons pas que ce soient les armes d’Angleterre. On pourra le reconnaître quand le travail sera achevé. Ces deux tableaux ne sont point d’Errard , suivant l'avis de nos artistes. Cette découverte attira plusieurs amateurs et peintres, et alors les renscignemens affluèrent. On se souvint qu'avant notre ré- volution le chœur était décoré des peintures de Charles Errard , et qu’il avait surtout décoré la coupole du sujet de la descente du St-Esprit sur les apôtres. On se mit à l’œuvre et on essaya de retrouver ce grand tableau. On dégagea bientôt trois belles (228 ) têtes d’apôtres. L'un d’eux fut mis entièrement à découvert, moins un bras. Au-dessous de la coupole et de chaque côté des deux fenêtres qui éclairent le chœur, on découvrit encore quatre grandes statues de quatre Pères de l'Eglise. Elles sont placées dans des niches dont le bas est un cul-de-lampe, et le dessus est sur- monté de rinceaux dans le genre de Michel-Ange. Ces dernières peintures sont en grisailles , et aussi de Charles Errard. Les choses étaient dans cet état quand on appela M. le pré- fet et M. le maire. Ges deux fonctionnaires firent suspendre les travaux, et demandèrent à Paris qu’on leur envoyât un artiste habitué à ces sortes de restaurations. M. le ministre a ré- pondu , nous a-t-on dit, qu’il allait charger M. Abel de Pujol de ce travail. Voici comme on raconte la disparition de ces peintures. En 1793, alors que Carrier , d’odieuse mémoire , régnait à Nantes, tandis qu’un nommé Renard en était le maire, il fut ordonné par l’une ou l’autre de ces autorités de faire disparaître les signes religieux de la cathédrale. Le peintre couvrit la dé- coration du chœur d’une couche de peinture blanche. Carrier crut qu'on éludait l’ordre par un simple badigeonnage, il commanda sous peine de mort qu’une seconde couche füt de suite posée. Pour parodier le ciel on peignit en bleu , et plus tard ce temple devint celui de la déesse Raison. En 1820 , une autre décoration fut ajoutée à ces deux couches. Charles Errard est né à Nantes en 1606. On ne connaît rien des particularités de sa vie ; on sait seulement qu’il était un des douze anciens qui, en 1648, se réunirent pour former l’aca- démie de peinture et de sculpture. En 1666, étant recteur de cette académie, il fut nommé di- recteur de celle de Rome, que créa alors Colbert. Il y passa le reste de sa vie, moins cependant un voyage de deux ans qu'il fit à Paris’, en 1653. Il mourut à Rome en 1689, âgé de 83 ans. Charles Errard était aussi architecte; c’est sur ses dessins qu'a été bâtie l’église de l’Assomption , à Paris. Ce monument, ( 229 ) qui a des défauts majeurs, renferme aussi de grandes beautés. On doit ajouter qu’Errard ne fut point présent à l'exécution de ce monument, et que par suite il ne put relever beaucoup de défauts. La section, par l'organe de son président, remercie M. Verger (de Nantes) de sa communication. Hommage est fait d’une brochure imprimée portant ce titre : Projet d'une nouvelle organisation des théâtres dans les dépar- temens. ; M. le président renvoie cette brochure à l’examen de M. Robin (de Poitiers). La section décide que vendredi elle s’occupera des questions sur les theâtres , et samedi de celles sur l’enseignement. SÉANCE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isivorg Le Brun (de Paris), et ensuite de M. GUERRY- Cuamrneur (de Poitiers ). M. le secrétaire général du Congrès fait connaître à la sec- tion que les travaux de l’école de dessin de Poitiers sont de- meurés dans le local de l'exposition, où ils pourront être visités par les membres du Congrès. Il ajoute qu’il existe dans la chapelle des dames de Sainte- Croix une collection de petits tableaux flamands, donnés autre- fois par un prince de Nassau à la supérieure de Sainte-Croix. M. le secrétaire général pense qu'il serait bon que cette col- lection fût visitée par une députation de la section de littéra- ture et beaux-arts pour en faire le sujet d’un rapport, s’il y avait lieu. Il y a aussi chez un amateur qui a habité long-temps Paris, M. de Jousserant , une précieuse collection de tableaux , que la section aura la facilité de visiter , si elle le désire (1). La section remercie M. le secrétaire général de sa commu- nication. (x} Ges deux collections ont été examinées par une! députation du/Congrès. ( 230 ) L'ordre du jour rappelle la rédaction du vœu à présenter sur la direction qui doit être imprimée à la littérature. ‘ M. David de Thiais propose la rédaction suivante : Le Congrès émet le vœu que la littérature, tout en revêtant la forme qui paraîtra la plus convenable au développement de l’art et de la so- ciété, abjure toutefois, quant au fond, les doctrines immorales et les honteuses pensées de spéculation et de vénalité. Le Congrès, sans prétendre imposer aucune loi, ni favoriser exclu- sivement aucun système, désirerait vivement voir les beaux talens qui président aujourd’hui aux destinées de la littérature se mettre eux- mêmes à la tête d’une réforme que tout rend désormais éminemment nécessaire. Au point de vue du Congrès de Poitiers , l’art est avant tout destiné à moraliser les hommes et à préparer sans secousse la grande régéné- ration humanitaire ; il applaudirait avec bonheur aux études conscien- cieuses, aux œuvres empreintes d’une foi pure, d’une haute morale, et d’une véritable inspiration ; il espère donc que sa pensée sera com- prise et que l’art reprendra son rang dans le monde. M. Duplesset lit quelques observations en réfutation de l’o- pinion émise dans la séance précédente. Il croit qu'un vœu du Congrès en pareille matière serait une dangereuse indiscré- tion; que si on peut reprocher de nombreux défauts à la littérature que l’on a qualifiée d’immorale , il ne faut pas ou- blier qu'il n’y a pas de lumière sans ombre. Il conclut à ce qu’on attaque la forme et non le fond, et surtout qu'on ne flétrisse pas plus une littérature qu’une autre. M. Mesnard fils (de Poitiers ) regarde ce vœu comme inutile. Après avoir entendu sur la question MM. David de Thiais, Béra , d’Assailly, de la Liborlière, Isidore Le Brun, M. le président donne une nouvelle lecture du premier paragraphe, et se dispose à le mettre aux voix. M. Jullien ( de Paris) propose d’amender ainsi le premier paragraphe : Le Congrès émet le vœu que la littérature, tout en revêtant la forme qui paraîtra la plus convenable au développement de l’art et à son but moral et social, s’abstienne toutefois, quant au fond, des doctrines oo ( 231 ) licencieuses et immorales , et se dégage de l'esprit de spéculation et de vénalité qui trop souvent déshonore ses productions, quelles que soient les écoles et les genres auxquels elles appartiennent. M. David de Thiais déclare se réunir à l'amendement de M. Jullien sur le premier paragraphe. L’amendement est adopté. M. le président met aux voix le second paragraphe de la proposition. Un membre fait observer que le paragraphe qu'on vient d’adopter renferme les deux derniers paragraphes de la pro- position primitive. Un autre membre insiste pour que ces deux paragraphes soient mis aux voix. Îls ne sont point adoptés. L'ordre du jour appelle la discussion de la question suivante présentée par M. F. Chatelain : Examiner si l'institution de l’Académie de France à Rome, fondée par Colbert, répond encore aux besoins de notre époque. M. Chatelain donne de nombreux détails sur l’Académie de France à Rome et sur sa direction. Il la montre se com- posant de vingt à vingt-cinq pensionnaires , administrée par un artiste qui prend le titre de directeur, dont les appoiu- temens sont de six mille francs, qui a carrosse à livrée royale, une table de six couverts , la possession et jouissance des ap- partemens du palais, un secrétaire-bibliothécaire dont le traitement est de deux mille francs avec le logement et la table. Il s'attache à démontrer que dans un moment où de sages écono- mies dans l'administration gouvernementale sont le vœu de tous les bons esprits, il est bien d’éveiller l’attention publique sur cette académie, qui n’a d’académique que le nom et qui est une véritable. sinécure. Les fonctions du directeur ne consistent qu’à presser l’exécution des travaux exigés par le règlement, qu'à donner ou refuser des congés aux pensionnaires , à leur payer leur pension, à veiller à l’entretien du mobilier et des bâtimens , à poser le modèle dans l’école publique de l’acadé- mie, et à passer les marchés pour les fournitures. La présence du directeur de l’école de Rome est si peu nécessaire dans la ( 232 ) capitale du monde chrétien, que notre Horace Vernet a pu aller improviser des chefs-d’œuvre à Alger et à Anvers sans que l’école s'aperçût, pour ainsi dire , de son absence. Il montre les élèves logés très-mesquinement , n’ayant que des locaux fort petits, et forcés de louer à leurs frais des ateliers plus vastes lorsqu'ils veulent faire un grand tableau. Il blâme la contrainte qui leur est imposée de vivre dans l'intérieur du palais, et cela moyennant trois francs par jour qu'on leur retient ; il fait voir qu'au moyen d’une autre retenue qu’on leur fait subir encore pour le cas de leur retour en France, ils reçoivent net soixante-dix francs par mois qui doivent servir à leur entretien et aux frais de modèle. M. Chatelain entre dans divers détails sur les règlemens de l'académie; il s'attache à démontrer combien , après avoir pu être excellens en 1666, ils sont aujourd’hui un perpétuel non- sens. L’académie de Rome n’a et ne peut avoir d'influence par elle-même sur le talent de nos jeunes artistes, puisque sa direction est entièrement en dehors de l'art. Pourquoi grever le budget d’un fardeau inutile? L'argent employé à défrayer si largement l'académie de Rome, s’il était ajouté aux encoura- gemens à donner aux artistes, ne serait-il pas beaucoup mieux employé dans l'intérêt des arts et de ceux qui les cultivent ? Pourquoi entraver l’essor du génie des artistes par des règle- mens tracassiers , véritable anomalie dans le siècle présent, et qui sont mème contraires à la saine morale, puisqu'ils im- posent aux lauréats l'obligation expresse de ne point se marier avant l'expiration de la pension quinquenvale ? M. Chatelain cite, à l'appui de l’inutilité de l'exil à Rome, les derniers envois dé cette école généralement d’une grande faiblesse. M. Chatélain examine quel était l’état de la France , sous le rapport de l’art, en 1666 , ce qu’il est aujourd’hui , et en tire la conclusion que l’école de Rome est une superfétation; il se résume en demandant qu’il plaise au Congrès de manifester le vœu de voi sapprimer l'institution caduque de l’Académie de Rome, en laissant toutefois aux artistes, avec la faculté d’aller camper dans les lieux où les portera leur génie, lin- (235 ) tégralité de la pension quinquennale qui leur est accordée. La proposition étant prise en considération , M. Duplesset dit qu’il regarde l'institution de l’Académie de Rome comme une institution utile aux progrès de nos artistes. M. Isidore Le Brun fait observer que les derniers envois de l’école de Rome sont loin d’être satisfaisans , cependant il ne se prononce pas pour sa suppression. Peut-être il est possible , par une autre voie, de remédier aux abus signalés. M. Fradin pense que la solution de la question aurait plus d'importance aux yeux de la science, si elle était préparée par l'émission d’une opinion de gens spéciaux. Le Congrès devrait éviter de la traiter. On demande la révision du règlement de l’Académie de Rome. À ses yeux , cette question est mesquine pour un Congrès scientifique. La conservation de l’école de Rome ne peut entraîner pour l'Etat qu'une dépense au plus de quelques mille francs qu’absorbent les frais d'administration ; mais n’y a-t-il aucune compensation ? Le beau ciel de l'Italie, qui a inspiré le génie des Michel-Ange et des Raphaël, et la vue des grands monumens de Rome, ne jetteront-ils aucune semence dans l’âme de nos artistes ? M.F. Chatelain répond que l'élève devenu lauréat pourra , s'il le veut, rester pendant cinq ans à Rome. Il dit que la question est tout-à-fait de la compétence du Congrès, et sur- tout d’une section qui porte pour titre distinctif : Beaux-arts ; qu’au surplus la presse, à plusieurs reprises , a éclairé la dis- cussion; que cette institution est devenue un abus. À toutes les époques , dans tous les pays, ce ne sont point ceux qui profitent des abus qui sont les premiers à les signaler et à demander qu’on les détruise. M. Grille de Beuzelin (de Paris) se réunit à cette opinion. Il a long-temps séjourné à Rome, et il a pu entendre les artistes manifester le désir de voir détruire les entraves qui les tiennent garrottés. Il croit pouvoir affirmer qu'Hoïace Vernet lui-même a sent toute l’inutilité de l'institution qu'il dirige, et que de- puis six ans, sa voix provoquant des réformes, n’a pas été entendue. 30 (234) La discussion est fermée. M. le président lit la proposition eu ces termes : Le Congrès émet le vœu de voir supprimer l’Académie de France à Rome, comme n'ayant plus le degré d'utilité qui a présidé à sa création. Il verrait avec satisfaction que la pension quinquennale qui est ac- cordée par le gouvernement aux lauréats, leur fût intégralement con- “servée, avec faculté d’aller visiter sans entraves les lieux où les appel- lerait l'instinct de leur génie. La section décide que ce vœu sera soumis à lassemblée gé- nérale. M. Isidore Le Brun est remplacé au fauteuil par M. Guerry- Champneuf, et il développe la proposition suivante : Le Congrès émet le vœu, pour la propagation du goût, pour le progrès des études archéologiques et dans l'intérêt des artistes, que ceux-ci se livrent de plus en plus à des investigations dans les dépar- temens. « Les études et les travaux artistiques, dit M. Isidore Le Brun, sont-ils ce qu’ils devraient être? Une petite ville, pour avoir un palais de justice, doit consentir à la construction d’une co- lonnade avec fronton : quant à des salles spacieuses, bien distribuées , d’accès facile, l'architecte ne s’en met pas plus en peine que de raccorder son œuvre avec le site et l’étendue du terrain, avec les habitations voisines. Il en est souvent de même pour les bas-reliefs. Qu'un conseil de département veuille ho- norer , par l'érection d’une statue, la mémoire d’un savant ou d’un guerrier illustre, ce vote généreux ne sera pour le sculp- teur qu’une occasion de faire du nu ou de la draperie, et s’il permet à un bout de costume moderne de se montrer, il exagèrera l’ampleur du manteau obligé. Rennes et Nérac doivent accepter et payer ce que des artistés conçoivent et arrangent dans leurs ateliers à Paris. Les peintres aussi voya- gent peu; cependant , maîtres de leur travail , ils sont libres de compliquer ou de modifier les sujets mêmes qui leur sont indiqués. C’est à leur goût et à leur talent à tout disposer pour accuser constamment un caractère de nationalité. Aux expositions du Louvre, le public enfin est délivré des Grecs et ( 235 ) des Romains ; mais on s'aperçoit tout d’abord que parmi plus de 2,000 toiles encadrées, à peine cinquante expriment une idée saisissante : on connaît à l’affluence des curieux les quel- ques tableaux qui , malgré un faire parfois défectueux , rendent des pensées morales, philosophiques, ou des faits bien français. Le public manifeste incessamment, sinon un goût toujours sain, au moins la volonté que le théâtre et les beaux-arts concourent à son instruction historique , en lui retraçant les mœurs , usages et costumes de ses pères ; et la plupart de nos villages, certains arrondissemens conservent beaucoup encore des xvi° et xvni° siècles. Cependant l’archéologie, désolée des ravages du temps et des dévastations , appelle souvent en vain des artistes de talent qui rendraient plus connues et plus chères les antiquités monu- mentales de la France. Quelques anciennes provinces sont privilégiées par ceux des artistes qui voyagent. À chacune des dernières expositions, on a compté de 60 à 80 vues et sujets appartenant à la Normandie ; la Bretagne , l'Auvergne et le Dauphiné ont eu ensemble presque autant de tableaux ou li- thographies. Mais comme si les beaux sites de la Loire eussent retenu les artistes, deux chevaux de la race poitevine et l’am- phithéâtre de Saintes ont été les seuls sujets empruntés aux départemens situés entre cette rivière et la Garonne. Les pein- tres et dessinateurs, plus empressés à entreprendre des voyages, ne réclameraient pas en vain, dans les principales localités, les conseils d’habitans très-occupés de tout ce qui se rapporte à l’histoire de leur pays : ils ne s’exposeraient plus à copier des vues de villes qui n’en sont que la caricature ; car il ne manque pas de lithographies faites d’après des tableaux qui ont repro- duit des édifices curieux , mais gisans parmi des masures et dans des quartiers hideux ; et cela est exposé , vendu avec l’in- seription //ille de ***, Les arts de dessin, long-temps occupes exclusivement d’orner et d’embellir les châteaux des riches, doivent accomplir leur haute mission d'éclairer le peuple; et, pour l'instruire , il est nécessaire que les artistes voyagent, lob- servent ailleurs que dans la capitale et les grandes villes. » M. Simon (de Nantes) regarde cette proposition non conme ( 236 ) mauvaise en elle-même, mais comme parfaitement inuule. Les Eugène Deveria, Deroy, Duval Le Camus, étaient ces jours derniers parcourant la Bretagne ; de tous côtés la France voit arriver dans les départemens les artistes de la capitale, qui viennent y étudier les localités diverses : les artistes que réunit en ce moment Poitiers, dit l’orateur , prennent aussi de nom- breux croquis; et d’ailleurs pourriez-vous forcer les artistes à voyager ? M. Isidore Le Brun dit que c’est un vœu qu’il émet, et qu’un vœu n’est pas un ordre. Il a cité des faits précis, qu’il est facile de vérifier par l'examen d’édifices publics nouvellement con- struits, de gravures qui sont colportées dans les départemens, et par la comparaison des livrets des expositions au Louvre. Déjà il a félicité {a Revue Anglo-Frangaise d'avoir révélé , par quelques dessins, que le Poitou et les provinces adjacentes contiennent des sites et des monumens bien dignes d’occuper le talent d'artistes habiles. La proposition de M. Isidore Le Brun étant appuyée, est mise aux voix et adoptée. SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. Présidence de MM. Isinore Le BruN et GUERRY-CHAMPNEUF. La section s'occupe d’une rédaction nouvelle sur le vœu ten- dant à imprimer une marche plus saine à notre littérature, l'assemblée générale lui ayant renvoyé la rédection primitive comme incomplète. Plusieurs rédactions, présentées par MM. David de Thiais, Ch. d’Assailly, Foucart, Sainte-Hermine, Duplesset, et Jullien ( de Paris), sont tour à tour lues par M. le président , et don- nent lieu à une nouvelle discussion. Sur la proposition de plusieurs membres , une commission spéciale est nommée pour présenter, séance tenante, une rédaction définitive. Cette com- mission , composée de MM. Jullien , d’Assailly , Duplesset, Foucart et David de Thiais, se retire immédiatement pour se livrer à ce travail. ( 237 ) La discussion est renvoyée au lendemain. M. Isidore Le Brun demande à développer une proposition par lui faite et qui était portée à l’ordre du jour d’hier. Il cède le fauteuil à M. Guerry-Champneuf. M. le président donne lecture de cette proposition : Le Congrès est d’avis que, dans ce siècle de l’industrie , il est instant que les expressions principales de la technologie soient employées, reproduites fréquemment , mais avec goût et suivant leur véritable ac- ception, par l’enseignement classique et dans les ouvrages à l'usage des gens du monde. M. Isidore Le Brun développe ainsi sa proposition : « Notre langue s’est formée principalement d'après les études clas- siques faites sur l’antiquité. Mais les anciens connurent impar- faitement les arts , ils les méprisèrent; encore au siècle de Justinien la pratique en était abandonnée aux esclaves. Si ja- mais l’on composait une technologie grecque ou latine , excepté Théophraste, Pline et Sénèque , les autres écrivains procure- raïent peu d'expressions et de renseignemens. Les manœuvres nautiques qu’ils ont décrites çà et là dans leurs œuvres, sont encore pratiquées par les matelots de la Méditerranée orien- tale ; mais la plupart des poètes grecs et latins n’ont guère demandé à l’industrie d’autres comparaisons que celles tirées de l’art du potier, du foulon, du barbier. — Inutile de citer Horace, Boileau , qui autorisent l’emploi de mots nouveaux pour exprimer des choses nouvelles. Le langage est fait pour la communication des idées ; pour la transmission des con- naissances. Combien d’expressions créées ou admises par né- cessité depuis l'établissement du régime constitutionnel ! Alors que les progrès des arts de l'industrie sont rapides , constans , universels , la langue et le style doivent s’empresser d’ado- pter leurs expressions principales. Le temps est passé où les rhéteurs frappaient d’improbation tout ce que le style élevé, noble ; réputait trivial ; les académies cherchent à se faire comprendre même du peuple : la période et la comparaison sont en discrédit. Cependant le manque d’études technolo- giques se fait remarquer fréquemment dans les ouvrages pé- ( 238 ) riodiques , dans les comptes rendus des expositions de l’in- dustrie : les écrivains et les lecteurs ne comprennent pas les mécaniciens ; ou bien la conversation s’empare d’expressions vagues, qu’elle détourne de leur véritable acception , et qui ne peuvent ainsi procurer des idées précises des choses. Sans doute, il faut que le goût soit sévère sur l'admission des expressions de la technologie, sévère dans l’emploi des com- paraisons qu’il lui emprunte ; afin qu’elle ne hérisse pas le langage de mots barbares ou dont l’étymologie serait obscure. Jamais la littérature dite maritime ne parviendra à faire recevoir l’argot des gabiers, quoique la langue de la nation la plus puissante par sa marine ne dédaigne pas tous leurs termes. Mais il s’agit des arts savans , de luxe, usuels, de ceux dont le voyageur s’empresse de visiter les fabriques, d’examiner les produits ; et beaucoup de leurs expressions indiquent des faits, expliquent des procédés. » M. Castaigne (d’Angoulème) rejette la proposition, quoiqu'il n’en désapprouve pas l'intention. Il croit apprécier bien les beautés et la richesse de la langue grecque , mais il lui semble qu’elle a déjà trop fourni de mots techniques dont la significa- tion propre échappe aux gens du monde. M. Cerdin (de Poitiers) fait observer que c’est surtout chez une nation dont la langue n’est pas susceptible de mots com- posés et indicatifs des élémens de l'idée à exprimer, qu'il est utile de répandre la connaissance de la technologie. Il ajoute que c’est à la régularité et à l'exactitude du système de com- position des mots, dans la langue allemande’, que l’on doit l’avantage, dans les pays où elle est parlée, de pouvoir for- muler des expressions techniques intelligibles pour tous : d’où il résulte que les livres de science y sont beaucoup plus ré- pandus qu’en France. M. Ch. d’Assailly (de Niort) s'oppose à la proposition. Des inots empruntés à chaque spécialité d’état ne peuvent qu’en- traîner dans la langue des inconvéniens nombreux , une véri- table confusion ; le temps seul peut introduire graduellement les expressions techniques de science , d'art et d'industrie, ( 239 } M. Maynard fils trouve la rédaction de la proposition un peu obscure ; il propose de lui substituer celle-ci : Le Congrès émet le vœu que la connaissance de la technologie soit plus généralement répandue. { M. Fradin dit qu’à l’état de civilisation où nous sommes rendus , des notions élémentaires sur les sciences et les arts industriels doivent faire partie de toute bonne éducation ; l'historique des arts occupera probablement quelques-unes des leçons de nos professeurs d'histoire dans les divers degrés d’en- seignement. La technologie s’introduira donc par cette voie. M. Auguis s'oppose à l'introduction du vocabulaire de cer- taines professions , telles que celles de boulanger, de perru- quier, dans la langue parlée ou écrite. Les termes employés par chaque état sont un véritable argot, incompréhensible pour la masse de la nation; il importe de ne pas transporter dans le langage ordinaire le patois de chaque classe de la société. Si les écrivains de l'antiquité n’ont pas employé plus fréquem- ment des expressions technologiques , c’est qÜ'ils ne le vou- laient pas : le goût le leur défendait , et Pline lui-même dut lui obéir. M. Isidore Le Brun. « Pline l’ancien nous a conservé beaucoup de ces expressions tirées de la pratique des arts et de l’'a- griculture par des peuples étrangers à l'Italie. Si Virgile, si Tite-Live n'ont pas, à l'exemple d'Homère et d’'Hérodote , nourri leurs ouvrages d’expressions technologiques, c’est à des motifs que le goût lui-même ne peut admettre > qu’il faut s’en prendre. Les poètes du siècle d’Auguste décèlent inces- samment leur désir de pouvoir parler des arts de l'industrie ; en comparant Martial, Catulle, Horace et J uyvénal avec Clau- dien, on jugera que celui-ci a su profiter de la pratique, plus connue de son siècle ; du tissage , de la broderie , de la fabri- cation , ct aussi de l’art de la navigation. — L’honorable pré- opinant à cru pouvoir citer largot des perruquiers et bou- langers. Précisément la 6° section du Congrès s’occupe en ce moment de la taxation du pain , et quelques-uns de ses mem- bres sont allés chez des boulangers Pour recueillir des rensei- ( 240 ) gaemens, D’autres discussions , une foule d’affaires , diverses fonctions publiques rendent nécessaires la connaissarice précise ét l'emploi fréquent des expressions technologiques. Et la proposition dit technologie générale ; elle ne parle pas de vo- cabulaire spécial à chaque état. Les salons retentiront d’ex- pressions multiples et parfois très-vagues à l’usage des dilet- tanti, et ce serait souiller le langage que de s’éntretenir de machines ! Lequel de nos poètes contemporains a composé jusqu'ici une description complète et vraiment classique de l'emploi de la vapeur, cette invention qui prépare pour les temps nouveaux une révolution presque égale à celle qu'a produite la découverte de l’imprimerie? On dit la littérature frappée de stérilité , et elle n’a pas encore traité de l’industrie, puissance désormais inséparable de la civilisation. » L’amendement proposé par M. Maynard est adopté. M. David de Thiais, au nom de la commission nommée au commencement de la séance , présente la rédaction suivante, qui a obtenu l’assentiment de la commission : Attendu que la nécessité d’une réforme littéraire , dans le sens de la morale et des vrais intérêts de la civilisation, est également sentie par la saine partie de la nation et les hommes éminens de notre lit- térature , quel que soit le genre ou l’école auxquels ils se rattachent : Le Congrès émet le vœu de voir s’opérer cette réforme importante. SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isipore LE BruN ( de Paris ). L'ordre du jour est l'examen de cette proposition : prop Quel est, dans l’intérèêt de l’art dramatique, le meïlleur mode d’orga- nisation et d'administration des théâtres ? Après un rapport succinct de M. Robin, lecture est faite par M. Jullien du mémoire suivant adressé au Congrès par M. Mi- chelot, ex-sotiétaire du Théâtre-Français et professeur hono- raire du conservatoire : TE ( 241 ) Vote sur la chute du Théâtre-Francais esur les moyens de le relever. Je m'étendrai peu sur les considérations qui se rattachent à l’exis- tence politique du Théâtre-Francais, ces considérations sont suffisam- ment comprises par tous les bons esprits. La chute de ce théâtre est la conséquence forcée de deux révolutions qui ont entraîné à la fois ce qu'elles devaient réédifier sur de meilleures bases, et ce qu’elles de- vaient être impuissantes à; reconstituer ; tant il est impossible que le pouvoir gouvernemental, même bien intentionné, défasse et refasse tout en un demi-siècle ! Je m'étendrai plus longuement sur l’état moral du théâtre, parce qu'il intéresse davantage la classe à laquelle s’adres- sent mes réflexions. Dans son genre, la Comédie-Francaise fut l’établis- sement le plus prospère de l’Europe. Il est un de ceux qui contribuè- rent à l'amélioration des mœurs en général , et à l’urbanité des salons en particulier. En fondant une des plus grandes gloires nationales , la Comédie-Française devint, sans inspirer de jalousie à personne, l’admi- ration de l’Europe entière. C'est à compter de 1793, de pénible mémoire, que près d’elle , autour d'elle, dans sa ville natale, l'envie, la médiocrité et la haine du beau ont ébranlé ses fondemens. Le personnel qui la composait alors échappa, comme par miracle , aux malheurs des temps, et on la vit de nouveau surgir et jeter un dernier rayon de gloire à l'ombre tutélaire d’une puissance dont le génie comprenait et fécondait tout. Elle succomba enfin pour ne plus se relever, quand elle fut considérée comme une simple entreprise commerciale , et abandonnée comme telle au sort de toute industrie mercantile. Tout le monde alors put pénétrer dans ce sanctuaire, réservé jadis à un petit nombre d’élus. Des auteurs sang * litiérature, des acteurs sans traditions , assaillaient depuis vingt ans le temple qui leur était fermé. Ils triomphèrent enfin ; mais ils s’enseve- lirent sous les ruines de ceux qu'ils avaient vaincus. Le résultat de cette lutte devait être ce qu’il est. Des esprits judicieux avaient dit et publié que l'abandon de l'opinion publique, et par suite le mépris de ce qu’elle avait tant estimé, seraient le terme de cette prétendue réno- vation de l’art. Dans cet état de choses, la Comédie-Francaise n’exerçant plus d’in- fluence sur la littérature et les mœurs, il fut facile de prévoir ce que deviendrait la langue, abandonnée aux plus déplorables excès, et la politesse d’un peuple fondée précisément sur la clarté, la pudeur et l'élégance de cette même langue. Depuis ce moment, les législateurs du langage ont perdu leur tribune publique, et, à l'avenir, les lois de l’Aca- démie ne passeront plus le seuil de sa porte. 31 ( 242 ) La partie éclairée-de la nation vit ce désastre, en gémit, et sa plainte n’a pu trouver d’écho dans le pouvoir, parce que le pouvoir lui-même subit encore, après vingt ans, l'influence des opinions de ceux qui ont imposé aux autorités successives la chute du Théätre-Français, comme un des gages de leur confiance. Cependant quelques hommes placés assez haut, et assez profondément touchés de la perte qu’ils n’osent avouer qu’en silence et en secret, ont essayé quelques remèdes. De l'argent a été donné, mais l'argent ne guérit que le mal des dettes ; il ne constituera jamais la gloire des arts. Le pouvoir , entraîné par ses engagemens, ne pourrait pas même ostensiblement remettre aujourd’hui le théâtre sur des bases honorables; car il ne peut imposer à son tour aucune saine doctrine au public, sans être attaqué dans ses bonnes in- tentions. En voici la cause : Le goût du théâtre est descendu trop bas dans les classes peu éclai- rées, et ces classes veulent et imposent leur théâtre partout. Cela ex- plique assez comment elles ont envahi les places que les amateurs instruits s'étaient réservées au Théâtre-Français. Sera-Ce ce même pu- blic, aujourd’hui possesseur des bancs du théâtre, où il faut lui parler sa langue, parce qu’il ne comprend qu’elle, qui restituera à la nation le titre d’arbitre du goût en Europe? Non; il conduira le théâtre dans l’abîme, où ses habitudes et son ignorance le tiennent encore plongé. Il y a loin de lui au peuple d'Athènes, que le législateur éclairait au flambeau des arts de l'imagination. Le nôtre, élevé tout entier au per- fectionnement de l’industrie , à l'accroissement de son bien-être indivi- duel, travaille sans cesse, de son intelligence et de ses mains, à accroître nos jouissances matérielles et les siennes. Cette tâche est assez belle pour qu’il s’en contente; mais, en général, les jouissances de l'esprit contribuent bien plus à nous fâire aimer la vie que nos meubles et nos alimens, et les œuvres du goût et du génie ne peuvent prospérer que sous l'influence d’un autre ordre d'idées, que sous le patronage intellectuel des sommités sociales. Périclès, Alexandre, Auguste, Léon X , Élisabeth, Louis XIV et Napoléon, attestent cette vérité. Ce qu'un seul a fait dans son temps, l'intelligence collective peut le faire dans le nôtre. Le théâtre est loin d’être ce qu’ont pensé, depuistrente ans, ceux quien ont eu la haute administration. J'en excepte l’auteur du décret de 1807, qui seul l’a compris, comme je l’ai dit plus haut. Les tourmentes révolu- tionnaires lui ont fait prendre, à deux époques différentes , une direc- tion politique exclusive. Les partis se le sont tour à tour arraché pour le combattre; voilà la cause de l'erreur où sont tombés les hommes chargés de l’administrer, et qui a détourné le théâtre du but de son institution primitive, ( 243 ) Voici ce qu'est le théâtre, ou, pour mieux dire, ce qu'il était et ce qu'il doit être dans une nation civilisée : une école complémentaire de ceux qui ont recu une éducation complète. Le théâtre est un institut. qui modifie à leur insu , et en les charmant, ceux qui sont en état de le comprendre. Il n’apprend rien de positif, comme les sciences, l’histoire, le monde et les mœurs ; il est le beau idéal de tout cela, ou il manque son but. Il est le rêve poétique de tout ce qui est vrai, sans jamais des- cendre à la vérité absolue, pour laquelle il n’est point nécessaire qu’il existe, puisqu'elle est partout sans lui. Le grand rôle que joue Le théâtre, dans une nation, est dans l’art sublime de lui montrer la nature à tra- vers un prisme enchanté, afin qu’elle vive dans la pensée publique, plus belle qu’elle n’est en effet, sans cesser d’être elle-même. C’est avec cette poésie que l’imagination soutient notre amour des choses de la vie, dont nous ne sommes que trop souvent désabusés dans notre existence positive ; c’est par cette poésie que nous aimons mieux nos semblables et que nous devenons meilleurs. Les nations qui n’ont point de théâtre, ont l’opium. La raison et les lumières de l'Occident lui ont fait admettre la plus efficace de ces deux nécessités. Mais la Muse, qui donne des jouissances si pures, défend l'entrée de son temple à toute profanation. Or, plus le théâtre s’im- pose d’entraves, plus il atteint le but élevé de ses plaisirs et de ses lecons. Les peuples qui ont dû une grande part de leur civilisation au théâtre, avaient instinctivement cette opinion. C'était aussi celle de notre France, depuis 1650 jusqu’en 1814. Sous un autre rapport, il y a peut-être quelque ingratitude à cette même nation d’avoir brisé la tri- bune où les premières idées d’affranchissement se sont fait habilement entendre , où les plus courageux combats ont été livrés aux préjugés qui enchaïnaient le monde. Mais quand les œuvres qui doivent honorer une nation sont créées , suffisent-elles pour nos besoins et nos jouissances ? Non; car Molière, Corneille, Racine et tant d’autres célébrités, sont dans La bibliothè- que et dans la mémoire de beaucoup de monde, et semblent y être stériles, ou du moins, n’y laisser que le regret de ne pas les voir vivre de leur vie naturelle. L'action est donc aussi nécessaire aux productions du génie, qu’une belle âme semble l'être au corps le plus parfait. Nous sommes aujourd’hui arrivés à ce point de perversité du goût, que les chefs-d’œuvre sont ineïtes dans nos mains. La vie dont ils se revêtaient est éteinte. Point de théâtre possible , cependant, si cette vie ne renaît pas de sa cendre : car ce ne sont point les œuvres qui ont vieilli; elles seraient encore jeunes de gloire et de beauté, si elles passaient par des bouches dignes d’elles. Ainsi, le théâtre est ( 244 ) tout entier dans la manière d'exécuter ses chefs-d'œuvre. Le théà- tre, c’est l'acteur, ou pour mieux dire, c’est l’œuvre devenue vivante de la vie de l'acteur. Si ce dernier est réduit, comme de nos jours, à Vétat de machine parlante, de presse façonnée à débiter toutes les erreurs, où s'engage une littérature qui ne connaît de lois que celles de la licence et de l'oubli de toutes les convenances; s’il ne reçoit ses inspirations que des derniers degrés de la société; si son tribut d’éloges ne lui vient que des applaudissemens à gages et des spéculateurs jour- nalistes, son retour à la dignité de son art est impossible, et le théâtre , qui est tout par lui, est perdu sans retour. Il faut l’'abandonner alors , et le laisser descendre jusque dans les jeux du cirque, où le début de sa barbarie l’entraîne. Mais, si l’on comprend encore que de l’excès du mal peut renaître le bien, un effort sera fait par cette élite de la na- tion, toujours prête à se dévouer pour son bien-être et pour sa gloire. : Le titre d'acteur est une dignité théâtrale, qui n’est méritée qu'autant que l'acteur, indépendamment des facultés particulières qu’il tient de la nature, a fait de profondes études de son art, et que toute son éducation théorique reçoit son complément pratique pendant des années, du meilleur, du plus sûr et du plus infaillible des maîtres, le public ÉcLAIRÉ. C’est à lui qu'est départie cette tâche, et non à tout autre. On ne fait plus d'acteurs, depuis que ce public d'élite est déshérité du droit de juger, et que ses arrêts ne sont plus la loi du vulgaire; depuis que sa pudeur et le sentiment de sa dignité lui ont interdit le droit de se mêler d'affaires dans lesquelles l’éntrique , la cupidite et le charlatanisme étaient intervenus. 11 s’est contenté de protester par sa retraite et son silence, contre ces trois plus grands ennemis des arts et des artistes. Pour retrouver un jour des acteurs, voici ce qu'il faudrait faire. Choisir, parmi les jeunes gens qui se sentent appelés aux arts d’imita- tion, ceux qui , par un sentiment qui honore leur jugement , regrettent la perte d’un théâtre qu’ils n’ont point même vu, et dont ils souhaitent le retour par un noble instinct d’ambition littéraire. Après leur avoir donné l'instruction traditionnelle, qui ne tient plus, en France, qu'à un fil déjà prêt à se rompre, leur faire pratiquer le grand art de bien dire , appliqué à la grâce des convenances et à la noblesse du maintien, dans des représentations jouées devant un publie spécial. Un public de mauvais goût a le triste privilége de eréer nécessaire- ment des acteurs de mauvais goût. L'effet contraire est produit par une assemblée de personnes distinguées. Voici comment se donne la meil- leure des lecons que puisse recevoir un artiste, même fort dans la ( 245 ) théorie de son art. Une telle assemblée, par le seul aspect de sa décence et de sa bienveillance, révèle aussitôt à l’acteur un profond senti- ment de ses devoirs. De ce premier effet naît, au sein de la crainte, un excessif désir de plaire, et tous les efforts de son imagination :sont d’abord réglés, pesés avec une extrème réserve. À cette lecon, sa sensi- bilité s’exalte à un tel degré, que le silence même de l’auditoire l’in- struit de ce qu’il fait bien et de ce qu’il fait mal, d’une manière plus sûre que le bruit des applaudissemens ou celui des sifflets. Chaque épreuve renouvelée lui donne fortement à penser, et fait changer en passion ce premier désir de plaire à des juges dont il s’est fait de jour en jour une si grande idée. Son intelligence, sans cesse irritée, se développe au milieu des anxiétés de cette passion. Le doute, ce sen- timent qui naît de l'amour pur et qui est le plus grand ami du savoir, l'instruit chaque jour en lui montrant qu'il ne sait rien encore. Par ce moyen, le but principal qu'on se propose est atteint. L'art le plus secret et le plus difficile est révélé, et les talens distingués ne tardent pas à éclore. Il faudrait le concours de quelques centaines de personnes d’un goût pur et éclairé, amis de la saine littérature, de la raison et de la morale publique, pour former cette association privée qui rendrait à l’art toute sa dignité. Les familles des associés partageraient les plaisirs qu'elles ne peuvent plus aller chercher dans les établissemens publics, sans s’exposer souvent à rougir. Des étrangers distingués seraient ad- mis ou invités à ces solennités dramatiques. Deux ou trois ans de re- présentations de ce genre feraient surgir un ensemble compact de sujets qui serait véritablement l’œuvre du public, et dont la mation entière lui saurait gré. Cet ensemble serait le véritable fruit qu’on re- cueillerait , car c’est lui qui est l’art, et non les talens isolés ou sé- parés entre eux par des contrastes choquans qui, loin de servir à les faire valoir, diminuent chaque jour leur mérite. Ce patriciat des beaux-arts-suppléerait à l'impuissance trop réelle de l'autorité, qui ne pourra qu'encourager de ses vœux le succès d’une telle entre- prise. - Sans doute on ne tardera pas à envier l’entrée d’une réunion choi- sie, et chacun briguera l’honneur d’en faire partie : mais c’est à en maintenir la première fondation que le succès de l’avenir sera attaché. Rien en soi! n’est plus inoffensif que cette aristocratie de l'esprit, dont les arts de goût s’entourent pour conserver leurs titres de noblesse. Elle est du genre de celles auxquelles un peuple civilisé ne renonce pas, parce qu’elle est toute de politesse et de formes sociales, parce qu'elle ne touche qu’à la surface et jamais au fond des institutions ( 246 ) politiques. D'ailleurs la liberté, qui est pour tous, ne peut donner aux uns le droit de flétrir les arts, sans donner aux autres le droit de les honorer. “Si ces réflexions peuvent réclamer quelque intérêt de la part des personnes auxquelles elles seront soumises, l’auteur de cette note don- nera le plan sur lequel il serait facile de fonder un théâtre normal au sein d’une société privée, d’un cercle de haute société, dont le siége serait au centre de la capitale, et qui réunirait en même temps les agrémens et les avantages que présente d'ordinaire ce genre de réu- nion. M. Robin fait un rapport sur la brochure intitulée : Proyet d'une nouvelle organisation des théâtres dans les départemens, et une discussion s'engage sur la question à l’ordre du jour. MM. David de Thiais, Simon, Robin, Duplaisset et Isidore Le Brun sont entendus , et ensuite la section passe à l’ordre du jour sur la question elle-même. La section émet le vœu que M. Théodore Pavie (d'Angers ) soit entendu demain , en séance générale , pour donner un précis du voyage qu’il vient de faire dans l'Amérique du sud. L'émission de ce vœu sera présentée aujourd’hui à l'assemblée générale. : M. Jullien ( de Paris) lit une pièce de vers de Mile Elise Moreau { de Coulonges), intitulée : Dernier Chant. Cette lecture est écoutée avec intérêt ; la section décide qu'il sera fait mention, dans le procès-verbal , des remercimens adressés par elle à Mlle Elise Moreau. Deux propositions sont déposées sur le bureau, l’une de M. Grille de Beuzelin ( de Paris ) et l’autre de M. Cardin (de Poitiers ). La première est ainsi conçue : Proposer, pour tous les chefs-lieux?de département, la construction de galeries couvertes, décorées intérieurement de peintures à fresque représentant les traits principaux de notre histoire qui se sont pas- sés sur le territoire du département avec des inscriptions explicatives des dates, et les portraits des hommes célèbres du département avec quelques mots de notices biographiques ; L, ( 247 ) Dans le but, i° de populariser la connaissance des principaux faits de notre histoire ; 2° de favoriser les études des artistes ; 3° de faire sortir de l'oubli la peinture à fresque , cet art si particulièrement mo- numental. Une galerie du même genre serait construite à Paris et décorée des faits principaux de notre histoire générale de France. SÉANCE DU DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isipore LE BRUN (de Paris). L'assemblée entend la lecture d’une fable intitulée : Le Chat et les Souris , par M. Doussin , conservateur de la Bibliothèque de Poitiers. M. de Lastic-St-Jal lit ensuite une pièce de vers, portant ce titre : L’fndécision du Siècle, envoyée au Congrès par M. Al- phonse Le Flaguais ( de Caen). La section vote des remerchnens aux auteurs de ces deux pièces de vers, et décide que mention en sera faite au procès- verbal. La discussion est reprise sur la proposition de M. d’Assailly (de Niort). M. Chatelain croit qu’à cette proposition se rat- tache celle de M. Hippeau , formulée dans le compte rendu du Congrès de Caen , et que la priorité doit être acquise à cétte dernière proposition. En l'absence de M. Hippeau ( de Poitiers ), M. le président lit, dans le compte rendu du Congrès de Caen, et l’exposé des motifs, et la proposition elle-même. Cette proposition est ainsi rédigée : Le Congrès exprime le vœu : 1° Que l’enseignement des colléges ne soit qu’une continuation, sans double emploi, de l’enseignement primaire supérieur , lequel suffirait aux jeunes gens qui ne se destineraient pas aux professions savantes, et servirait de point de départ à ceux pour lesquels une instruction clas- sique serait nécessaire ; 2° Que l’enseignement des colléges, ainsi débarrassé des élémens des connaissances nécessaires à tous, et qui, dans l’état actuel, allant ( 248 ) de pair avec les langues anciennes , entravent la marche des études, ne comprenne que l’étude, devenue alors spéciale, de ces langues , plus le développement plus étendu des sciences dont l’enseignement intermé- diaire n'aura donné que des élémens ; 30 Enfin, que les facultés, recevant les jeunes gens ainsi préparés pour les hautes études, présentent le complément des études scienti- fiques et litéraires, et que les inscriptions prises à ces cours supérieurs soient obligatoires , selon leur spécialité, comme cela existe déjà pour le droit et la médecine, à tous ceux qui aspirent aux professions libé- rales et aux hautes fonctions publiques. M. de Ste-Hermine ( de Niort) demande l’ordre du jour sur cette question. On doit plutôt s’occuper de celle de M. d’As- sailly, qui d’ailleurs est toute différente, et qu'il importerait de résoudre d’abord. M. Jullien (de Paris) dit que la question ne lui paraît pas posée d’une manière satisfaisante ; elle devrait se réduire à l'émission d’un vœu tendant à ce que l’enseignement füt libre. M. Guerry-Champneuf (de Poitiers } fait d’abord observer que la liberté de l’enseignement est promise par la Charte, et que par conséquent c’est un droit acquis, sur lequel on ne pourrait appeler les discussions du Congrès, sans entrer dans le domaine de la politique. M. Guerry ne s’occupera donc que des moyens de corriger le système actuel de l’enseignement ; et, sur ce point encore, il ne proposera que des réformes faciles et peu nombreuses : çar il ne faut pas renverser l'édifice en cherchant à le réparer. La méthode des colléges lui paraît vicieuse. Dès qu’un enfant sait un peu lire et écrire, on lui met entre les mains une grammaire latine , on lui fait réciter des règles abstraites qu’il est incapable de comprendre. Il ne sait encore ni le français ni le latin, et on lui fait traduire du latin en français, et, qui pis est, du français en latin. Enfin on l’exerce continuel- lement sur des mots, avant qu'il ait pu acquérir aucune idée juste sur les choses. Il résulte de là que la plupart des élèves se dégoûtent de la science avant de la connaître, avant même d’en soupçonner les avantages. Ils passent d’une classe à l’autre; ( 249 ) ils font ce qu’on appelle leurs études ; mais ils né rapportent dû collége aucune instruction solide , et, une fois qu'ils en sont sortis, ils n’ouvrent plus ces anciens auteurs , qu’on n’a pas su leur faire apprécier. Cependant ils se présenteront dans les écoles de droit ou dé médecine; 1ls y prendront dés grades, car on n’osera pas les refuser après dix ou douze ans d’études classiques; et ils de- viendront médecins et juges, aux dépens de qui il appartiendra. Cet abus ne peut être attaqué ‘que dans sa racine, en refusant l'entrée des colléges aux enfans qui n’auront pas prouvé leur aptitude par des études préliminaires. Les femmes n’appren- nent pas le latin , mais elles apprennent bien le français main- tenant ; et il n’est pas rare de voir des jeunes filles de dix à douze ans qui le savent parfaitement , tandis que souvent les jeunes gens qui ont passé dix ans au collège ne savent même pas l'orthographe. Qu'un enfant ne commence l'étude des langues mortes qu’a- près avoir appris sa propre langue , les élémens de la géographie et de l’histoire , l’arithmétique , en un mot tout ce qui s’en- seigne dans les écoles primaires supérieures ; qu’il ne soit admis au collége qu'après avoir subi un examer sérieux sur ces ma- tières , qui sont parfaitement à sa portée : il aura alors dix ou douze ans, un peu plus ou un peu moins selon ses dis- positions naturelles ; son esprit aura été convenablement pré- paré; son intelligence sera développée; il aura des notions exactes sur les peuples dont il va lire les livres ; n’est-il pas évident que ses progrès seront plus rapides , plus sûrs, et que les études classiques en deviendront plus fortes ? Quatre ou cinq ans sufliront pour les langues mortes , et on les saura mieux qu’à présent. Mais ce changement si utile, si indispensable, qui l’entreprendra? Ne demandons pas à l’université d'essayer toutes les nouvelles méthodes qu’on lui propose ; ces expé- riences seraient trop périlleuses. Mais elle peut, sans le moindre danger, supprimer les basses classes , qui sont de créa- tion très-moderne, et décider qu’à l'avenir il faudra savoir le français pour commencer le latin dans ses colléges. L'industrie F7 92 ( 250 ) particulière, à qui on aura laissé plus de latitude, fera le reste: il s’établira de bons instituteurs privés, pour donner aux en- fans ces connaissances préliminaires qu'on néglige trop aujour- d'hui. Chacun d’eux choisira la route qui lui paraîtra la meil- leure pour arriver à ce but ; on ne demandera plus à un enfant où il aura étudié, mais ce qu'il aura appris ; et les méthodes se perfectionneront peu à peu. La part de l’enseignement officiel serait assez belle dans ce système; il aurait donné l'exemple, il servirait de modèle , et les examens préparatoires lui conser- veraient une grande influence sur toutes les écoles privées. M. Béra (de Poitiers) dit qu’il est nécessaire d’établir une distinction entre les colléges royaux et les colléges commu- naux. M. Foucart ( de Poitiers ) fait observer que la nécessité d’une réforme universitaire est généralement sentie, que depuis plusieurs années les hommes spéciaux s’en occupent, et que tout porte à croire qu’une loi sera bientôt présentée aux cham- bres sur cette matière importante. « Mais , ajoute-t-il , on est loin d’être d’accord sur les modi- fications à apporter au régime actuel ; il y a, sur ce point, des systèmes bien différens soutenus par des hommes très-capables et appuyés de raisons très-fortes. Ainsi, M. Guerry-Champ- neuf voudrait qu’on ne commencât le latin qu'après avoir ap- pris le français ; j'ai entendu des hommes pratiques soutenir le système opposé. M. Guerry voudrait que les élèves ne fussent admis aux colléges que lorsqu'ils auraient déjà acquis des connaissances assez étendues ; des hommes également éclairés pensent au contraire qu’il y aurait plus d'avantage à ce que les enfans reçussent les premiers élémens dans les établis- semens où ils complèteront leurs études, parce qu'on pourrait beaucoup mieux coordonner l’enseignement. » Je n’entends point porter un jugement sur ces questions , qui ne me sémblent pas de nature à être résolues dans une discussion improvisée ; je signale seulement leur importance , et je fais observer que la proposition de M. Guerry , qui peut d’ailleurs être fort bonne, est incomplète parce qu’elle ne ( 251 ) porte que sur une partie de l’enseignement; je crois qu’elle doit être consignée dans les procès-verbaux , mais seulement à titre de renseignement , et que la section ne peut voter sur une pro- Position qui n’est qu’un fragment de système et qui pourrait ne plus être en harmonie avec le système complet que l’on croi- rait devoir adopter. » M. d’Assailly regarde la proposition de M. Guerry comme une proposition nouvelle. M. Guerry-Clhampneuf pense qu'il ne faut pas trop embras- ser à la fois; que s’il se trouve un seul changement facile à opérer , il faut le saisir, une première amélioration en ame- nant une seconde. L’honorable membre cite nombre de professions qui peu- vent se passer de la connaissance des langues anciennes. Il serait urgent de supprimer dans les colléges depuis la o° jusqu’à la Ge, et peut-être même la 5e, pour n’admettre dans ces colléges , après examen satisfaisant , que les jeunes gens qui se destinent aux hautes études universitaires ; et qui auraient montré la capacité qu’elles exigent. M. d'Assailly, après s'être rangé de l'opinion de M. Fou- cart, dit que le Congrès doit réclamer la liberté d’ensei- gnement, comme un des besoins les plus impérieux de la France. | M. Foucart. « La liberté d’enseignement est consacrée par la charte, le Congrès n’a donc point à voter sur un principe qui est désormais hors de toute contestation. » M. d’Assailly. « Mais ce principe n’est point appliqué. » M. Foucart. « L'on n’a pu faire immédiatement après la révo- lation de 1830 toutes les lois promises par l’art. 65 de la charte; et, en attendant que des lois nouvelles soient votées, il faut bien appliquer les anciennes, pour ne pas tomber dans l'anarchie. Déjà les promesses de la charte ont été exécutées, relativement à l'instruction primaire, par la loi du 28 juin 1833, que l’on s’accorde , sans distinction d'opinions politiques, à considérer comme la meilleure de toutes celles qui ont été rendues sur cette matière. | (252 ) » L'enseignement des colléges royaux et l’enseignement supérieur sont encore régis par les décrets de l’empire et les ordonnances de la restauration. J’avouerai sans peine que le principe de la liberté d'enseignement n’y est pas assez res- pecté; mais il faut reconnaître que, dans la pratique, l’adminis- tration n’use qu'avec la plus grande réserve des droits que lui confère la législation actuelle, et qu’en fait tout homme rem- plissant certaines conditions de capacité et de moralité a le droit d'ouvrir un établissement où l’on enseigne tout ce qui est enseigné dans les colléges royaux. Sans doute il est à désirer que le principe de la liberté d’enseignement soit or- ganisé par des lois; j’unis mes vœux, sur ce point, à ceux du préopinant; mais je ne crois pas que le principe lui-même puisse être l’objet d’un vote. » Revenant à la proposition de M. Guerry, je dirai qu’il est à craindre qu'un examen subi par de très-jeunes enfans, à une époque où leurs dispositions naturelles ne sont pas encore dé- veloppées, n’éloigne des colléges royaux un grand nombre d’enfans qui, plus tard, à l’aide du travail , auraient fait des sujets distingués. » M. Guerry-Champneuf soutient qu’on doit mettre un peu haut les conditions d'admission; que c’est le seul moyen de préparer les élèves à de bonnes études. M. Cardin appuie l'opinion de M. Guerry. Dans les ouvrages des anciens , il ne suflit pas de la connaissance de la langue, il faut encore l’étude de l'histoire ; il est nécessaire de l’ap- prendre d’abord avant d’étudier les langues anciennes. Si les Romains étaient encore existans, si leur civilisation était encore la nôtre , l'étude de leur langue serait facile , il n’y aurait aucun inconvénient à permettre cette étude au premier âge ; mais la civilisation , les mœurs des Romains sont une étude qui complique d’autant les difhicultés de leur idiome; on ne doit donc permettre de telles études à la jeunesse qu'après l'y avoir convenablement préparée. M. d’Assailly demande que sa proposition , tendant à ré ( 253 ) clamer la liberté de l’enseignement , soit d’abord mise aux Voix. M. Guérinière (de Paris) dit que la proposition de M. Guerry est une proposition particulière ; que celle de M. d’Assailly, au contraire étant plus générale, il convient de lui donner la priorité. M. Nicias Gaillard ( de Poitiers). « On insiste pour que le Congrès demande la liberté de l’enseignement. Nos lois sont allées au-devant de ce vœu. Elles ont proclamé en principe que l’enseignement seraig libre. Déjà ce principe a été mis en action, quant à l'instruction primaire ; il le sera de même dans les autres parties de l’enseignement , à une époque et sous des conditions qu’il faut laisser à la sagesse du législateur le soin de déterminer. » La proposition de M. Guerry me semble donc être la seule qui soit véritablement en discussion. » Je ne révoque point en doute l'utilité de l'étude des langues anciennes; mais je suis de l’avis de ceux qui pensent qu’on pourrait employer moins de temps à les apprendre, et cependant les apprendre mieux. Que la durée de l'instruction soit plus courte, mais qu’elle soit mieux remplie; qu’au lieu de prélever huit années sur l’enfance, au profit du grec et du latin, on n’admette à cette étude qu’à l’âge où les progrès de l'intelligence a rendront plas facile et plus profitable alors nos enfans sauront mieux les langues:anciennes, dont ils n'auront pas eu le temps de se dégoûter avant d’avoir pu les comprendre ; et ils emploieront ces trois ou quatre années qu’on leur rendra à des études plus en rapport.avec leur âge. » Je partage donc, sur plusieurs points, l’épinion développée par M: Guerry. Sa proposition se rapproche beaucoup du plan tracé par La Harpe, en 1791, dans le Mercure de France, et qui se trouve à la suite de son: Cours de Littérature. La Harp#pensait, aussi lui , que rien n’est moins accessible à l'intelligence des enfans que la métaphysique de la grammaire et de la syntaxe. Il demandait qu'on ne fût admis dans les colléges, pour y étudier les langues , qu’à l’âge de neuf ans, (254) après avoir reçu, pendant cinq années, dans les premières écoles, l'instruction morale et religieuse, et y avoir appris la lecture , l'écriture, l’arithmétique, la géographie, surtout celle de la France, et les élémens de l’histoire, dont il voulait qu’on mèlàt l’étude à celle de la géographie. » Les premières écoles de La Harpe devaient être , comme les colléges , établies et entretenues aux frais de l’administra- tion. M. Guerry semble abandonner exclusivement les siennes à l'industrie particulière. Le principe de la liberté de l’en- seignement veut qu'il y ait des écoles privées à côté des écoles publiques , et qu’on soit libre de préférer les unes aux autres : il w’exige rien de plus. Il convient à tous les systèmes que l'Etat ait, à chaque degré de l’enseignement , des maîtres et des méthodes. Là où l’enseignement est libre, on n’a plus le droit , sans doute , d’imposer aux pères de famille des institu- teurs qu’ils n’ont pas choisis. Mais l'Etat reste toujours chargé de l’éducation publique. Les hommes auxquels il délègue ce soin peuvent n’avoir pas besoin de priviléges ; tout bon citoyen doit désirer qu’il leur suffise de la persuasion des bons exem- ples et de ce légitime moyen d'influence qu’assurent les lumières et la probite. » De cette manière , les écoles publiques , loin de nuire aux écoles privées , leur seront utiles en leur inspirant une salutaire émulation. Elles vaudront par le bien qu’elles feront et par celui qu’elles feront faire. » M. Guerry voudrait qu’on ne püt être admis dans les col- léges qu'après un examen constatant qu’on possède les con- naissances qui se donnent dans les écoles primaires supérieures; c’est-à-dire, outre l'instruction morale et religieuse, la lecture , l'écriture, les élémens de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures (toutes choses que com- prend l'instruction primaire élémentaire) , les élémens de la géométrie et ses applications usuelles , spécialement le dessin linéaire et l’arpentage , des notions des sciences physiques et de l’histoire naturelle applicables aux usages de la vie, le chant, les élémens de l’histoire et de la géographie , et surtout \ ( 255 ) de l’histoire et de la géographie de France. ( Art. 1°", loi du 28 juin 1833. ) » Peut-être est-ce beaucoup exiger d’un enfant, surtout si on lui ouvre les colléges aussitôt qu’il aura accompli sa neu- vième année , ainsi que le propose La Harpe. Les enfans ont, sans doùte , une facilité étonnante et surtout une admirable mémoire ; mais il vaut mieux qu’ils sachent bien que beau- coup. La variété dans les sujets d’étude est un puissant attrait pour lesprit; mais ne serait-il point à craindre qu’en allant trop souvent d’une matière à une autre, lenfant ne s’attachât à aucune, et qu'on ne lui fit tout perdre pour avoir voulu lui donner trop ? » La proposition me semble devoir être modifiée sous un autre rapport. Je la trouve trop absolue. » On sait à quel point les intelligences sont diverses, et combien les enfans sont loin d’avoir pour toutes les études la même aptitude et le même goût. Il en est en qui l’on reconnaît, de bonne heure , de grandes dispositions pour les lettres , et qui, soit répugnance naturelle, soit incapacité relative, ne réussiront jamais dans les sciences. Faudrait-il donc interdire à un enfant l'étude du grec et du latin parce qu’il ne possède- rait pas les élémens de la géométrie, ou bien parce qu'il dessinerait où chanterait mal ?..... Je veux qu’il soit permis de lui enseigner ce qu’il apprendra bien, quoiqu'il ne sache pas ce que , d’après la tournure particulière de son esprit, il a pu et peut-être dû mal apprendre. » M. l’abbé Cousseau ( de Poitiers) apprécie la proposition de M. Guerry, tout en manifestant la même crainte que M. Nicias Gaillard. M. Isidore Le Brun dit qu’il faut composer avec l'adolescence; qu’on passerait , sans doute , sur la faiblesse des réponses sur une partie des études primaires , si d’ailleurs l'élève donnait des indices de capacité. Il ajoute que le père de famille qui s’abuse souvent et qu’il est si aisé d’abuser sur ce qu’on ap- pelle vocation , serait éclairé , par l'examen , sur l'aptitude de son fils à exercer un jour telle ou telle profession. — L'examen ( 256 ) pour passer d’une école dans une autre , comme pour monter de classe en classe, est le plus puissant moyen d’application et d’émulation : il est bien d’y former même le jeune âge. Jus- qu'ici l'examen a peu produit ce qu’il doit procurer. Devenu ridicule sous les anciennes universités, il fut aussi rendu trop facile dans les écoles centrales et les premiers lycées : c’est par les écoles de haut enseignement qu’il s’est manifesté. Ce qu’il serait instant d'empêcher, même quant à l'instruction secon- daire, ce sont les leçons préparatoires, telles que la spéculation mercantile en a établi; véritable auxiliaire de la paresse, qui improvise en quelques semaines , et moyennant un salaire dé- battu , des gradins universitaires. M. Guerry-Champneuf iasiste sur la nécessité de n’admettre, dans les colléges, que des enfans arrivés à un certain âge, et re- connus capables sur les différens objets de l'instruction pri- maire. M. Maynard père ( de Poitiers) donne quelques détails sur les écoles primaires ; il résulte de ces explications que la cou- naissance du dessin linéaire est une chose si facile à acquérir dans Le jeune âge, que l’enfant y sera nécessairement formé au moment de l’examen. M. Nicias Gaillard : « Je n’ai pas songé à contester l'utilité du dessin linéaire. Je l’ai seulement pris pour exemple, ainsi que le chant et la géométrie , afin de prouver que l'admission de l'enfant à l'étude des langues anciennes ne devait pas dé- pendre d’un examen constatant qu’il possède tout ce qui con- stitue l'instruction primaire supérieure. » M. Guerry ajoute que le dessin est une sorte d'écriture utile dans beaucoup de professions, et qu’il serait presque honteux de l’ignorer , dans un temps où il s’enseigne dans toutes les écoles primaires des villes. M. le président engage M. Guerry-Champneuf à formuler son vœu, et met aux voix la rédaction suivante qui est adoptée : Le Congrès exprime le vœu que les enfans ne puissent être admis dans les colléges de l’université, pour y étudier les langues anciennes et (257) suivre l’enseignement secondaire, qu'après un examen constatant qu'ils possèdent les connaissances qui se donnent dans les écoles primaires du degré supérieur. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isinore Le Brun (de Paris). M. le vicomte de Lastic-Saint-Jal (de Niort) a la parole pour un rapport sur le mémoire présenté par M. le comte Raoul de Croy, au nom de la société libre des beaux-arts, mémoire qui contient l’examen de cette question : Quel est le meilleur mode de propager les beaux-arts ? M. le vicomte de Lastic-Saint-Jal analyse rapidement ce mémoire. « Il faut aux beaux-arts, dit l’auteur, des encoura- gemens en rapport avec nos mœurs et notre situation sociale, si nous voulons que leur effet soit durable. Il leur faut une existence plus intime, plus liée avec la nôtre. Nos monumens sont à conserver et à embellir, des trésors y sont enfouis ; on ignore la valeur des objets les plus curieux. En rattachant le goût des arts à des bases certaines, on consolidera leur existence. Mais pour que ce goût se propage, descende jusqu’à la classe populaire , il est nécessaire de mêler l'intérêt à l'étude. Des rapports plus fréquens avec le public sont indispensables pour atteindre ce but; ils s’établiraient par des expositions annuelles, par des moyens de débouchés mieux combinés et moins étroits. Ces encouragemens ouvriraient des voies de propagation indépendantes du gouvernement. » L’honorable rapporteur conclut à ce que, vu la clôture pro- chaine des travaux du Congrès de 1834, la section renvoie au Congrès prochain la solution d’une question aussi impor- tante. Cette proposition étant adoptée, il est décidé que la ques- tion sera mise au programme des travaux du prochain Congrès. M. de Ste-Hermine ( de Niort) propose l'adoption de ce vœu: 33 ( 258 ) Le Congrès scientifique de France émet le vœu que les départemens aient désormais une plus large part dans la distribution des fonds qui sont accordés, chaque année, au gouvernement pour encourager les sciences, les arts et les leltres. Il pense qu’il faut activement favoriser le mouvement intellectuel qui se manifeste sur tous les points de la France, et seconder ainsi l'établissement de nouveaux centres de civi- lisation, destinés à détruire les fâcheux effets du monopole que la capitale a long-temps exercé sous ce rapport. Après avoir entendu les développemens donnés par M. de Sainte-Herimine, la section adopte ce vœu et décide qu’il sera porté à l’assemblée générale. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la proposition de MM. d’Assailly et Hippeau. M. Hippeau ( de Poitiers) reproduit les principaux argu- mens qui ont décidé le Congrès de Caen à porter au Congrès suivant la proposition dont il est l’auteur ; il regarde comme une chose indispensable de coordonner les trois enscignemens qui se donnent en France , et développe la nécessité de cette réforme. M. d’Assailly ( de Niort ) demande que le vœu par lui exprimé dans la séance d’hier soit mis aux voix; il est ainsi formulé : Le Congrès exprime le vœu que le principe de la liberté d’enseigne- ment soit mis en pratique, le plus promptement possible, comme un des besoins les plus impérieux de la France. M. Hippeau propose la rédaction suivante : Le Congrès émet le vœu que le gouvernement présente, le plus tôt possible , la loi qui doit régler la liberté de l'enseignement. Après un débat auquel prennent part MM. Foucart, Isidore Le Brun, Hippeau , Chatelain, Grellaud et plusieurs autres membres, la rédaction de M. Hippeau est mise aux voix et adoptée. L'ordre du jour appelle la proposition de M. d’Assailly, portant : 1o Que le gouvernement établisse dans chaque chef-lieu d'académie, ct notamment à Poitiers, des chaires pour l’enseignement supérieur des sciences et des lettres ; ( 259 ) 2% Que tout docteur de l’une de ces facullés ait droit d'enseigner concurremment avec les professeurs en titre ; 30 Que les inscriptions prises, en suivant les cours des professeurs non rétribués, donnent droit aux diplômes des divers degrés, après examen subi dans la forme actuelle. M. d’Assailly développe sa proposition. Il examine si la liberté d'enseignement existe en France; il la voit bien en théorie, mais il la cherche en vain dans la pratique. A l'étranger, au contraire, elle n’existe pas en théorie, elle n’est pas écrite dans la loi, mais elle existe en pratique. L’orateur cite l'Al- lemagne où les soldats de fortune de la science , qui vivent de la science comme les militaires de leur épée, ont la faculté d'arriver à l’enseignement , après l’accomplissement d’une for- malité qui n’a rien que de superficiel. M. de la Liborlière (de Poitiers) dit que lors de la forma- tion de l’Université, il existait, dans toutes les académies , des facultés des lettres, mais que vu le manque d’élèves, on a sup- primé ces facultés comme une charge inutile pour l'État. M. Grellaud (de Poitiers) est d’avis de multiplier les centres de lumières ; il lui semble utile de réunir, aux mêmes lieux, les différentes parties de l’enseignement, et cela même dans l'intérêt des savans qui composent une Université , et qui en- tretiendront mieux encore le foyer de la science. La question financière ne doit pas être envisagée, quand un avantage moral la rend tout-à-fait secondaire. M. Abel Pervinquière ( de Poitiers) approuve une partie de la proposition de M. d’Assailly. Il relève l’assertion de l’ho- norable membre sur l'Allemagne. Il ne suffit pas, dans cette contrée, d’être docteur pour faire un cours, le docteur est obligé préalablement de soutenir un acte. La proposition de M. d’As- sailly paraît à M. Pervinquière beaucoup trop générale. Ou peut suivre l’exemple des universités allemandes, mais n’aller pas au delà. M. Guerry-Champneuf voudrait que l’enseignement des let- tres et des sciences fût complet dans nos vingt-sept académies , ou au moins dans celles qui ont déjà une faculté de droit ou de ( 260 ) médecine. Ainsi les jeunes gens ne seraient plus obligés d’aller achever leurs études à Paris, où ils sont environnés de tant de dangers; et nos provinces ne pourraient qu’y gagner sous tous les rapports. M. d’Assailly soutient qu’en Allemagne les docteurs ne sont pes obligés de subir un examen, mais bien seulement d’en- voyer une dissertation; que cette obligation est purement de forme; que les cahiers soumis sont rendus immédiatement, revêtus du visa du recteur. Il invoque à ce sujet le témoignage de M. Cousin, qui a publié récemment un rapport sur les écoles d’Allemagne. M. Hippeau fait observer que si toutes les facultés étaient réunies dans une même ville, les professeurs n'auraient pas d’auditeurs. M. Foucart. « J’adopte en principe les deux premières par- ties de la proposition de M. d’Assailly. » Il serait fort important qu'il existât dans les départemens, et surtout dans les villes où il y a une réunion nombreuse de jeunes gens, un plus grand nombre de chaires du haut énsei- gnement. On a dit que des chaires de cette nature avaient déjà existé, et qu’on avait été obligé de les supprimer faute d’au- diteurs. Sans rechercher si la faute venait des professeurs ou des auditeurs , je dirai qu’on avait eu le tort de créer des fa- cultés complètes, ce qui était très-coûteux et ce qui donnait lieu à l'établissement de chaires qui sont peut-être bien placées à Paris, mais qui n’ont pas un intérêt assez général pour les départemens. Il faudrait donc créer des chaires de science, de littérature ou d'histoire, suivant les besoins des localités ; ainsi à Poitiers, où il existe une faculté de droit et une école secondaire de médecine, des chaires de haute littérature , d'histoire , de physique et de chimie, seraient suivies avec beaucoup d'intérêt et de fruit par un grand nombre de jeunes gens, et je ne doute nullement que les professeurs , s’ils étaient à la’ hauteur de l’enseignement des facultés, ne réunissent autour d’eux un auditoire nombreux. » Je crois aussi qu’il sérait bon qu'il y eût, en dehors des ( 261 ) facultés de droit , des cours libres professés , non par des licen- ciés, mais par des docteurs. Les professeurs des écoles de droit s’en applaudiraient eux-mêmes dans l'intérêt de la science ; les professeurs libres, n’étant point obligés de proportionner leurs lecons au temps d'étude exigé par les règlemens uni- vérsitaires, pourraient, comme cela a lieu dans les Univer- sités allemandes, s'appliquer à traiter à fond les matières les plus importantes du droit : ainsi, par exemple, l’un d'eux pourrait consacrer un cours de quelques mois à étudier le sys- tème hypothécaire ; un autre approfondirait les successions, ou bien encore traiterait une matière spéciale, non comprise dans l’enseignement des facultés , telle que la loi sur le nota- riat , etc. Ces privat-docenten ; comme on les appelle en Alle- magne ; ayant ainsi les moyens de se former à l’enseignement, fourniraient d’excellens professeurs aux facultés de droit, lorsque des chaires seraient mises au concours. L'enseignement privé deviendrait ainsi le noviciat de l’enseignement public. Maïs encore ici je ferai observer que la faculté qu’on réclame existe en fait, et qu’un simple licencié peut obtenir la per- mission de professer , qui n’est guère refusée aujourd'hui ; toutefois il serait bon que le droit d’enseigner fût organisé par une loi qui prescrirait les conditions que devraïent remplir les privat-docenten. » En m'unissant à M. d’Assailly sur ces deux points, je combats la liberté qu’il réclame, pour les jeunes gens, d'étudier où ils voudraient , ou plutôt de ne pas étudier du tout. Ici j'ai pour moi la pratique de tous les jours et la connaissance du caractère des jeunes gens; s’ils ne sont pas forcés de se livrer à l'étude, ils ne le font pas: D’après les règles universitaires, les étudians sont obligés de suivre les cours, et ils ne peuvent être admis aux examens si, pendant leur temps d'étude, ils ne l’ont pas fait avec assiduité. Les certificats d’étude émanés des pro- fesseurs particuliers seraient complètement illusoires, car il est bien certain que celui-là aurait le plus d'élèves qui serait le plus facile à accorder des certificats ; et il vaudrait mieux sup- primer une vaïne formalité, que d'introduire une règle dont le ( 262 ) seul résultat serait d'augmenter le nombre des certificats de complaisance , déjà trop nombreux dans la société. » Mais, dira-t-on, les examens sufliront , et les professeurs de faculté pourront toujours repousser les incapables. Je répon- drai que , si les jeunes gens peuvent se dispenser de fréquenter les écoles de droit, ils resteront chez eux ; cela sera beaucoup plus économique. Puis, quand il sera question de passer des examens, ils liront quelques livres qu’ils ne comprendront pas, ou bien prendront quelques lecons des praticiens du lieu : or, il n’en est pas de l’enseignement du droit comme d’un ensei- gnement élémentaire; on trouvera à peu près dans toutes les villes un homme qui enseignera les élémens du français , du latin, des mathématiques ; mais où ira-t-on chercher des professeurs de droit? La pratique du barreau et de la magistra- ture , qui absorbe ordinairement ceux qui s’y livrent, ne donne pas les qualités requises pour l’enseignement du droit ; le pro- fessorat dans cette matière exige des études longues et spéciales. Vous aurez donc des jeunes gens qui croiront avoir appris quel- que chose , et qui viendront à vingt ou vingt-cinq ans prendre des grades pour lesquels ils seront tout-à-fait incapables, » Qu'’arrivera-t-il alors? Ils seront repoussés par les profes- seurs, et, déjà parvenus à un âge avancé , il leur sera impossible de recommencer des études mal faites ; quelquefois du grade qu’ils voulaient prendre dépendait leur avenir , et leur établis- sement est manqué. Si la sévérité des professeurs n’est pas à l'épreuve de ces considérations, voilà des hommes incapables qui entreront daos le barreau ou dans la magistrature. Et qu'on ne se fasse pas illusion , le plus grand nombre des jeunes gens sera dans ce cas; si l’on a besoin de preuves, que l’on consulte l'expérience et qu’on demande à nos anciens ce qu’étaient, avant la révolution de 1789, ces facultés de droit dans lesquelles les étudians qui voulaient être admis aux grades, prenaient le même jour douze inscriptions en faisant douze faux , et subissaient une thèse dont les argumens étaient communiqués. Cependant ces facultés étaient composées d'hommes honorables : mais l’abus était tellement enraciné , ( 263 ) qu'il ne leur était pas possible de ne pas s’y soumettre. Voilà où nous reconduirait le système de M. d’Assailly , en abolissant les règles qui ont fait des études du droit quelque chose de sérieux. » M. le président lit le premier paragraphe de la proposition de M. d’Assailly, paragraphe qui se trouve ainsi rédigé : Le Congrès émet le vœu que le gouvernement établisse , dans chaque chef-lieu d'académie qui possède une faculté de droit ou de médecine, des facultés pour l’enseignement supérieur des sciences et des lettres. M. Isidore Le Brun fait observer que des décrets ont bien pu créer des facultés, mais non leur procurer des auditeurs, même gratuits ; en outre, que des cours de belles-lettres auraient fort peu de corrélation avec les études médicales, et que du moins il conviendrait de rédiger ainsi le paragraphe : pour l’en- setgnement supérieur des sciences ou des lettres. Ce paragraphe , ainsi rédigé , est mis aux voix et adopté. Le deuxième paragraphe donne lieu à une discussion. MM. Hippeau , Abel Pervinquière, Foucart et F. Chatelain ; demandent qu’il soit inséré dans ce paragraphe une garantie de capacité. MM. d’Assailly et Guerry-Champneuf combat- tent cette demande comme inutile, attendu que le grade ne doit être conféré qu’à ceux qui ont fait preuve de capacité, et que d’ailleurs un docteur incapable, s’il s’en trouvait, n'aurait pas d’auditeurs. Le deuxième paragraphe, mis aux voix » n’est pas adopté. Le troisième paragraphe, n’étant que la conséquence du premier , n’est pas mis aux voix. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Isinorx Le Brun ( de Paris ). M. le président lit la proposition de M. Cardin ; elle est ainsi conçue : Inviter le gouvernement à faire rédiger, sous la direction de l’In- Stitut, un dictionnaire historique de la langue française, indiquant, ( 264 ) par des citations tirées des manuscrits des divers siècles, l’altération de sens et de forme des expressions, et déterminant ainsi le caractère inhérent à la langue française et celui qu'a pu lui imprimer plus tard l'influence de la littérature ancienne et étrangère. M. Cardin. « Le projet que je présente se lie d’une manière intime avec les collections des historiens de France , des or- donnances de nos rois, des chartes et traités de paix ou d’al- liance , et avec l’histoire littéraire de France : là sont consignés les souvenirs politiques , législatifs et littéraires de la nation ; ils seraient incomplets si ne venaient pas s'y joindre ceux des opinions successives qui ont eu cours parmi elle et des modifi- cations de sa vie privée. Ce dictionnaire devrait donc offrir, sur chaque mot, l'indication des plus anciens manuscrits où il se trouve employé, et celle des variations de sens et de formes par lesquelles il a passé, pour arriver à sa valeur actuelle. Des citations, puisées dans les écrits émanés des différens siècles, établiraient avec exactitude et précision quelle a été la chaine des idées attachées successivement à chaque terme , et quelles altérations matérielles il a subies, jusqu’à ce qu'il ait revêtu sa forme actuelle. On pourrait ainsi nettement distinguer le caractère essentiel de la langue francaise et résultant du peuple qui l’a formée, de celui qu’elle a reçu depuis la renais- sance des lettres, de l’influence de la littérature ancienne et étrangère. Les premiers matériaux de ce travail existent dans les écrits de Sainte-Palaye, Bréquigny et Mouchet. Il serait facile au gouvernement de joindre à cette collection qu’il pos- sède déjà, les manuscrits dépositaires des recherches du savant Charles Pougens. On complèterait les documens nécessaires , en chargeant 1° la commission de l’Institut à laquelle a été dévolu le soin de publier des notices sur les manuscrits de la Bibliothèque royale; 2° celle qui s'occupe de la rédaction du Dictionnaire de la langue usuelle ; 3° les chefs et les élèves de l'Écoles des Chartes , les archivistes des départemens et des villes, de faire passer, tous les six mois, à la commission de rédaction du dictionnaire historique de la lanoue française, un état des passages où ils auraient rencontré des expressions, 7: ( 265 ) soit inconnues jusque-là , soit employées dans une signification ou sous une forme différente. Semblable appel serait fait aux savans qui $e livrent à des études analogues. » M. Nau de la Sauvagère ( de Paris) pense que ce travail est à peu près inexécutable. Il cite l'Académie, chargée depuis cent ans de faire un dictionnaire de la langue française , dic- tionnaire qui n’est pas à la veille d’être achevé. M. Isidore Le Brun croit que le travail démandé par M. Car- din rentre dans une proposition faité par M. de la Fontenelle à une autre section, proposition tendante à faire recueillir les mots anciens, afin d’en déterminer l’étymologie, le sens primitif, et les acceptions trivialés qu’ils ont subies. M. Cardin répond que la proposition de M. de la Fontenelle a un tout autre but , celui de recueillir ceux des mots des pa- tois dé France qui sont étrangérs à la langue régulière , et non de simples altérations de ceux admis par elle, ét d’ac- quérir ainsi des renseignemens précieux sur l’origine dés di- verses racés qui habitent le sol. Cé projet se rattache à l’histoire primitive des Gaules, tandis que la proposition , discutée dévant la 5° section, se rapporte au moyen-âge, à ses lois, à ses mœurs, et à l'interprétation des documens qui les con- statent. M. de la Liborlière ( de Poitiers) fait observer que pour mettré à fin un tel travail , il faudrait tout d’abord ressus- citer les congrégations des Bénédictins. M. Cardin réplique que les collections de nos historiens et celles de nos lois n’exigent pas de moindres soins , et l’on n'a pas cessé pour cela de s’en occuper; que d’ailleurs ces travaux se lient tous les uns aux autres, et que la conservation des monumens historiques et. législatifs n’atteindrait nulle- ment le degré d'utilité qui en doit résulter, si en même temps on ne réunissait pas tous les moyens d’en obtenir une intelligence exacte et complète. La proposition , mise aux voix, est adoptée. La section décide , sur l'observation de M. F. Chatelain, que la proposition de M. Grille de Beuzelin, relative aux 54 { 266 ) beaux-arts {1), fera partie du programme du Congrès de 1835. M. le président lit cette proposition de M. Jullien ( de Paris ) : Engager les membres du Congrès et tous les membres des sociétés savantes et littéraires à vouloir bien transmettre au prochain Congrès une indication précise des sociétés de ce genre qui existent dans leurs départemens respectifs , du nombre des membres dont elles se compo- sent, de la nature de leurs travaux, et des mémoires ou comptes-rendus qu’elles publient. M. Jullien expose combien il importe que le prochain Con- grès puisse avoir sous les yeux une statistique détaillée et complète des associations consacrées aux sciences, aux lettres et aux arts, qui existent en France, puisque ces sociétés sont les élémens primitifs et nécessaires de la formation des Congrès scientifiques. Cette proposition est adoptée. La section entend la lecture d’une pièce de vers sur le Con- grès, composée par M. l’abbé Auber : elle applaudit au talent de l’auteur , et décide qu’une mention honorable de cette lecture sera faite au procès-verbal. (:) Voir le procès-verbal du 13 septembre. Les Secretaires de la Section, Le President de la Section, F. CHATELAIN (de Paris). ISIDORE LE BRUN (de Paris). AD. MAZURE (de Poitiers ). Le Vice-Président, GUERRY-CHAMPNEUF (de Poitiers ). ( 267 ) * SIXIÈME SECTION. Sciences Morales et Législation, SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Lai (de Caen), doyen d’âge, et ensuite de M. BoNCENN# (de Poitiers ). La section a procédé à l’organisation de son bureau, qui s’est trouvé ainsi composé : Président , M. Boncenne ( de Poitiers ), avocat , doyen de la faculté de droit ; vice-président, M. Nicias Gaillard , avocat- général à la Cour royale de Poitiers ; secrétaires, M. Isidore Le Brun (de Paris), homme de lettres ; M. Foucart (de Poitiers), avocat, professeur à la faculté de droit. Il a été convenu ensuite que les mémoires manuscrits en- voyés au Congrès seraient remis à des commissaires désignés par le bureau , qui les examineraient et en feraient le rapport. Le bureau à été chargé aussi de classer les différentes questions qui devaient être discutées. La discussion s’est ouverte immédiatement sur la question suivante : Déterminer les avantages et les inconvéniens de la taxation du pain et de la viande de boucherie, généralement en usage dans les villes ? M. Guépin (de Nantes) pense que la solution de la ques- tion peut varier suivant les localités; qu’il est impossible de la résoudre dans ce moment, à cause de l'absence de docu- mens statistiques ; il faut , avant tout , avoir ces documens : ( 268 ) nous devons donc émettre le vœu que le gouvernement les rassemble afin qu’on puisse y chercher des raisons de dé- cider. M. Guerry-Champneuf ( de Poitiers). « La question a déjà été résolue par le fait dans plusieurs villes importantes. Ainsi la taxation du pain a été supprimée à Reims, et depuis cette époque le pain y a diminué de prix. Du reste, je reconnais que les renseignemens statistiques nous manquent, et jap- puie le vœu de voir le gouvernement les recueillir et surtout leur donner de la publicité. » M. Isidore Le Brun ( de Paris). « Le défaut de taxation du pain serait très-préjudiciable aux ouvriers, qui presque toujours achètent leur pain à crédit ; il les mettrait à la discrétion des boulangers. Je pourrais citer pour exemple les pêcheurs de Dieppe qui, vivant à crédit une partie de l’année, sur le produit à venir de leur pêche , seraient souvent obligés d’engager par avance tout ce produit , si le prix du pain n’était pas taxé. » La concurrence, il est vrai, ferait naturellement baisser le prix; c’est ce qui est arrivé à Arras, où la taxation ayant été abolie , le prix du pain a été diminué d’un dixième. » M. Bourgnon de Layre ( de Poitiers ). « Le gouvernement d’ailleurs peut prendre des précautions pour les temps de disette. » M. Guerry-Champneuf. « On peut éviter le danger d’une trop grande élévation dans le prix, au moyen de mercuriales qui serviraient à déterminer ce qui serait dû aux boulangers, après une fourniture faite à crédit pendant un certain temps. » Plusieurs membres. « Mais ce serait la taxation sous un autre nom. » M. le président. « La taxation est la fixation d’un prix au- dessus duquel il n’est pas permis de vendre. La mereuriale est une base résultant du prix moyen des denrées, à l’aide de laquelle on peut déterminer ce qui est dù pour une fourniture. » M. Grellaud (de Poitiers). «Il me semble que la solution de la question actuelle dépend de la solution d’une question préju- dicielle. Les bouchers et les boulangers exercent un monopole ; ( 269 ) ne serait-il pas convenable d'examiner, avant tout, si ce mono- pole doit subsister? » Plusieurs personnes répondent qu’on ne discute la question que dans l'hypothèse de la non-existence du monopole. M. Laurence ( de Poitiers ). « Le droit de fixer le prix de la viande et du pain appartient au maire comme chef de la cité. C’est un droit municipal que nul autre que lui ne peut mieux exercer, parce que nul autre ne connaît aussi bien les besoins des habitans. » On fait observer que e’est précisément là le point en dis- cussion , et que le droit dont il s’agit n’est nullement de l’es- sence du pouvoir municipal. M. Guépin (de Nantes) demande que le gouvernement soit prié d'indiquer les effets probables de labolition de la taxe , et que le Congrès signale aux Congrès subséquens la né- cessité d’une enquête sur les avantages et les inconvéniens de la taxe du pain et de la viande. M. de Caumont ( de Caen). « Gette enquête se fait dans ce moment. Le conseil municipal de Caen a été appelé par le gouvernement à discuter la question; après une délibé- ration très-approfondie, il a été d’avis de la conservation de la taxe. » M. Guerry-Champneuf demande que le gouvernement soit prié de donner la plus grande publicité à cette enquête. M. G. Lecointre-Dupont { d'Alençon) se joint à M. Guerry pour qu’on émette le vœu de la publicité , et demande en outre que l'enquête détermine d’une manière positive quels ont été les effets de l'abolition de la taxe dans les villes où elle a eu lieu, dans quelles circonstances elle a été opérée, si le pain était cher ou à bon marché, etc. M. Bérenger (de Paris). « La taxation du pain et de la viande a d'immenses avantages dans les villes populeuses. Je citerai , pour exemple , Paris ; la consommation de la capitale est telle, que son approvisionnement ne peut jamais aller au-delà de huit jours. IL pourrait se faire que des accidens imprévus paralysassent tout-à-coup les moyens de subsistance , ce qui ( 270 ) arriverait souvent si l'administration ne prenait pour l’appro- visionnement de la ville , et pour la vente du pain à un prix modéré, des mesures combinées avec beaucoup de sagesse. Ces mesures ont pour effet sans doute d'augmenter le prix du pain; mais cet inconvénient est bien compensé par la sécurité dans laquelle se trouve la population ouvrière. Ouvrier moi- même, je préfère payer le pain quelques centimes de plus et ètre certain de n’en pas manquer. » Le mème effet est produit par la taxation de la viande ; le prix en est augmenté , mais la viande est de meilleure qua- lité et l’approvisionnement est assuré. Je pense donc que le Congrès doit décider qu'il n’y a pas lieu, quant à présent, dans les villes populeuses , telles que Paris, Lyon, Rouen, etc., de supprimer la taxe dont les légers inconvéniens sont bien compensés par les avantages qu’elle procure. » M. Guerry-Champneuf ( de Poitiers). « Reims est une ville populeuse et manufacturière , et cependant l'abolition de la taxe n’y a produit que des avantages. » M. Bérenger. « L’exemple est mal choisi, car Reims a été souvent le théâtre de soulèvemens , il en existe même un dans ce moment. » M. Guerry-Champneuf. « Il faudrait prouver qu’il est occa- sioné par le défaut de taxation , ce qui n’est pas. » M. Babinet (de Lusignan ). « On a parlé tout à l'heure de la nécessité de l’approvisionnement. Mais la suppression du mo- nopole et de la taxe n’empêcherait pas que le gouvernement ne prit des mesures pour assurer l’approvisionnement. Par exem- ple, il pourrait toujours‘obliger chaque boulanger à avoir en magasin un certain nombre de sacs de farine. » M. Pattu de St-Vincent ( de Mortagne, Orne ). « On a cité tout à l'heure ce qui a lieu dans la capitale , mais il faut ob- server que Paris est une ville tout exceptionnelle, régie par des règlemens administratifs particuliers ; il ne faut donc pas la citer pour exemple dans une discussion générale. » M. le général Dubourg ( de Paris ). « Lorsque des habitudes sont anciennes, on éprouve toujours de grandes inquiétudes (ea) quand il est question de les abandonner. Je ne crois pas que ces inquiétudes soient fondées dans cette circonstance , et je puis citer, pour Le prouver, un exemple qui doit être ici d’un grand poids. La population de Londres est plus considérable que celle de Paris; eh bien! à Londres il n’y a pas de taxa- tion. Le pain est vendu , non pas comme chez nous avec une forme déterminée, mais en morceaux et au poids ; de telle sorte que l'acheteur n’est jamais trompé sur ce point. Londres renferme une classe ouvrière très-nombreuse , qui vit souvent à crédit comme la nôtre, et qui ne souffre pas cependant du défaut de taxation : elle a même sur la nôtre l'avantage de ne pas être trompée sur Le poids. Il serait à désirer que l'usage de Londres fût adopté chez nous. » Plusieurs voix. « On a toujours ledroit de faire peser son pain. » M. Dubourg. « Mais on ne le fait pas, et l’ouvrier qui prend son pain à crédit n’oserait pas l’exiger , parce que le boulanger refuserait de lui livrer du pain sans argent. » SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Boncenne (de Poitiers). L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les avantages | et les inconvéniens de la taxation du pain et de la viande. M. le général Dubourg pense que la question a été suffisam- ment discutée. M. Simon ( de Nantes } demande lajournement pour toute décision. M. Nicias Gaillard. « Je m’oppose à l’ajournement. La question est d’un intérêt actuel et présent. On nous a dit que M. le ministre du commerce l’avait soumise aux conseils mu- nicipaux; c’est maintenant qu’elle est à l'étude, qu’il faut l’examiner. Il serait singulier qu’on attendit pour la discuter qu'elle eût été résolue. » Jusqu'ici on n’a guère attaqué que le monopole; mais le monopole n’est pas en discussion. En quoi la taxation du (272) pain ressemble-t-elle au monopole? Dire qu'on ne vendra pas au-dessus d’un certain prix, ce n’est pas dire qu'il n’y aura que certaines personnes qui vendront à ce prix. La taxe du pain peut s'appliquer à tous les systèmes ; et loin qu’elle sup- pose des priviléges , des exclusions , elle sera surtout néces- saire si le premier venu peut être boulanger , car c’est alors plus que jamais qu’on aura besoin dés garanties qu’elle pré- sente. » Je ne crois pas que l’Assemblée constituante ait été cou- pable de ménagemens et de faiblesse pour le monopole. On trouve généralement qu’elle lui a fait une assez rude guerre. C’est elle cependant qui, en mème temps qu’elle délivrait l’industrie et le commerce de leurs entraves, autorisait la taxe du pain et celle de la viande de boucherie par un texte for- mel (1). » Ne nous laissons donc pas abuser par les mots, et ne con- fondons pas, dans la mème proscription, des choses essentiel- lement différentes. » La question, telle que je l’envisage , se réduit à des idées bien simples. Il convient généralement que l'administration n'intervienne pas dans les transactions particulières. Chaque citoyen est présumé capable d’administrer sa fortune et de défendre ses intérêts. J’admets ces principes, mais j'y réclame une exception : je soutiens qu’il n’en est pas du pain comme des autres marchandises. » Voyez ce qui se passe ordinairement entre le marchand et le consommateur. L’un essaiera peut-être de vendre la cliose demandée plus qu’elle ne vaut réellement, l’autre de l'acheter moins qu’elle ne vaut ; mais les prétentions d’abord éloignées se rapprochent , et l’on se rencontre bientôt à ce point inter- médiaire où le marchand gagne encore à vendre, sans que le consommateur perde à acheter. Là finit le débat, et ce débat est sans danger. » S'agit-il, en eflet , de ces choses seulement agréables qui (1) Art. 36 de Ja loï du r9 juillet 1700. | | < | } ( 273 ) plaisent sans être utiles, le marchand doit craindre, s'il exige trop , que l’acheteur, effrayé par le prix, ne trouve facile de s’en passer ; et si le marchand , au contraire, en homme qui connaît l'empire des choses frivoles, en exagère le prix et les vend plus qu’elles ne valent, c’est un tribut qu’il lève sur le riche qui cherche à dépenser sa fortune , ou sur la médiocrité vaniteuse. L'autorité publique n’a point à s’en mé- ler. Elle n’est pas chargée de diminuer le prix du superflu ; elle a pour devoir d’assurer à chacun le nécessaire. » Il ne suffit pas que la chose demandée svit utile , néces- saire même selon les conditions , pour que l'autorité publique doive intervenir. S'il y a lutte, ce n’est point ordinairement une lutte inégale dont il faille s’inquiéter. Les intérêts oppo- sés s’y contre-balancent. Si le consommateur a besoin d’ache- ter, le marchand a besoin de vendre. Il sait bien que , s’il prétend à de trop gros bénéfices, on ira prendre ailleurs la marchandise qu’il surfait, ou telle autre qui en tiendra lieu. S'il arrive qu'il réussisse dans ses prétentions excessives, ce sera pour l'acheteur une perte purement accidentelle, ordinaire- ment de peu de conséquence, et que presque toujours sa fortune le mettra en état de supporter facilement. » Mais s’il s’agit d’une chose dont le besoin soit à la fois tellement général que nul n’en soit exempt ; tellement urgent qu’il veuille être satisfait aussitôt qu’il se fait sentir; tellement absolu qu'il ne souffre pas d’équivalent ; besoin de tous les jours, inévitable comme s’il était imprévu et contre lequel il n’y ait pas à se prémunir; sl s’agit du pain !.......….. Est-il vrai que tout soit égal entre celui qui lachète et celui qui le vend , qu’il doive être permis à chaque partie de faire sa con- dition la meilleure possible, et que l'administration, qui veille au non de la société , n’ait qu’à laisser faire? Cela est-il vrai quel que soit l’acheteur, riche ou pauvre? quel que soit le temps , temps d’agitation ou de calme , temps de disette ou d’abondance ?......... Si j'ai posé la question exactement, j'ai déjà prouvé la négative. 4 ( 274 ) » Le riche aura toujours du pain ; la question ne le touche guère. C’est le pauvre surtout qu’elle intéresse. » Le pauvre trouvera-t-il dans la concurrence un moyen de défense suffisant contre la cupidité du boulanger ? Mais il n’est pas toujours maître de choisir. La mère de famille, qui a ses enfans à garder, ne peut guère aller chercher son pain de chaque jour, chez un boulanger éloigné de sa maison. Elle court chez le boulanger voisin, et, comme ses enfans l’at- tendent , elle donnera tout ce qu’elle a, s’il le faut, plutôt que de ne pas leur apporter le pain qu’elle leur a promis. » Le pauvre est souvent obligé d’acheter son pain même à crédit. Croit-on qu’alors il soit bien hardi à en discuter le prix? Le boulanger lui fait une grâce , même en lui vendant trop cher. Qu’est-ce pour lui que ja liberté du choix, le bienfait de la concurrence? S'il porte ailleurs sa pratique, son créancier , qui de suite s’en apercevra , viendra le menacer de le poursuivre. N'est-ce pas une loi prudente que celle qui fixe d'avance un prix qu'il ne pourrait pas débattre ? » La taxe est donc toute dans l'intérêt du consommateur, et surtout du consommateur pauvre. Elle ne dit pas à celui qui achète : Voilà un prix au-dessous duquel vous ne pourrez pas acheter. Elle dit à celui qui vend : Voilà un prix au-dessus du- quel vous ne pourrez pas vendre. » Gette considération répond à ceux qui prétendent que sans la taxe, le pain serait moins cher, parce qu’alors on en débattrait le prix, et que le boulanger aimerait mieux ré- duire son bénéfice que de n’en faire aucun en ne vendant pas. La taxe, en effet , n'empêche point ceux qui trouvent qu’elle est trop élevée d’essayer d’acheter au-dessous. On parle de concurrrence ; mais, sous ce rapport, la concurrence existe. Comment se fait-il, si la taxe assure au marchand de gros bénéfices, qu’il ne se trouve pas des boulangers moins acha- landés qui vendent au-dessous pour avoir des pratiques, ga- gnant moins, mais gagnant encore ? Cela ne se fait guère ce- pendant; et c’est une preuve que l’administration, qui possède ( 275 ) tous les élémens nécessaires pour fixer exactement le prix du pain, et qui doit veiller, dans l'intérêt de la sûreté publique, à ce qu'il soit, autant que possible, à bon marché, ne lui donne pas une estimation supérieure à sa valeur véritable. » Et d’ailleurs ne vaudrait-il pas mieux payer le pain un peu plus cher et l’avoir meilleur ? Quand le boulanger verra qu'on marchande et qu’on prétend payer le pain moins qu’il ne vaut, il baissera le prix aux dépens de la qualité. Il n’y perdra pas, lui, croyez-le bien; peut-être même y ga- gnera-t-il plus que tout à l’heure. Le consommateur seul y perdra, car il aura du pain mauvais et malsain. L'économie qui nuit à la qualité est, en tout, une économie mal entendue; mais elle est bien autrement dangereuse quand elle s'applique à l’aliment indispensable ! » Jusqu'ici j'ai traité la question en général. Mais que sera- ce dans les temps de disette ? On sait à quels désordres peut donner lieu la cherté du pain. Dans les temps d’agitation po- pulaire , elle est souvent la cause et presque toujours le pré- texte des émeutes. Laissez alors les boulangers fixer arbitrai- rement le prix du pain, vous ne tarderez pas à recueillir les fruits de votre innovation imprudente. » Le peuple n’est pas toujours juste envers l’administration ; le malheur surtout le rend défiant. Cependant il est difficile qu’il se persuade que des hommes placés à la tête de la cité pour en défendre les intérêts, des hommes honorables qu’il est accoutumé à respecter, cherchent de gaîté de cœur ou par une connivence criminelle à aggraver la misère publique. Mais le pauvre sera bien autrement hostile au boulanger , s’il croit que c’est à lui qu’il doit s’en prendre de la cherté du pain ! Même dans les temps calmes, mème lorsque le boulanger suit la taxe au lieu de la faire, le pauvre, obligé de lui donner chaque jour le peu qu’il gagne, se plaint et l’accuse. Que sera-ce lorsqu'il saura que le prix est laissé à la discrétion du boulanger? Tout lui deviendra suspect. Le marchand ven- drait le pain au-dessous de ce qu’il lui coûte, qu’on l’accu- serait encore. Que de querelles, que de troubles n’amènera ( 276 ) pas ce froissement continnel d'intérêts opposés, cette lutte de jour en jour plus vive ! On n’a pas voulu que l'autorité pu- blique intervint pour prévenir les désordres ; elle sera obligée d'intervenir pour les réprimer. » Laissez, au contraire, à l'administration le soin de taxer le pain; dans les temps d’abondance, quand l’ouvrier trou- vera dans le salaire de son travail de quoi nourrir sa famille, le prix du pain, toujours en rapport avec celui du blé, assu- rera au boulanger le profit modéré qu’il a droit d'attendre de son industrie. Cet avantage légitime le dissuadera de chercher un gain déshonnête dans l’altération du pain. La surveillance d’ailleurs sera plus facile et devra se montrer plus sévère , car la qualité sera déterminée aussi bien que le prix, et le boulanger n'aura plus cette excuse qu'il lui faut du pain de toute qualité pour en avoir à tout prix. Arrive-t-il une di- sette ? c'est le temps des sacrifices. L'administration taxe le pain au-dessous de ce qu'il vaut ; mais en même temps les gre- niers d’abondance ou les caisses publiques s’ouvrent pour te- nir compte au boulanger de la différence. L'administration seule y perd, ou plutôt je ne puis dire tout ce qu’elle y gagne, car combien n’a-t-elle pas prévenu de désordres et sou- lagé de malheureux ! » C'est donc avec grande raison que depuis si long-temps, et peut-être de tout temps, la taxe du pain a été établie en France. On peut voir combien d'ordonnances (1) ont été ren- dues sur cette matière avant la révolution de 1789. J'ai dit qu’en 1791, en même temps qu'on détruisait tout ce qui avait apparence du monopole , on conservait la taxe du pain. De- puis , nos lois (2) criminelles l’ont sanctionnée en prononçant des peines contre ceux qui vendraient au-delà. À toutes les époques, elle a donc été reconnue utile. À quoi jugerions-nous qu'elle ne l’est plus ? » Quant à moi , je suis de l'avis de la législation ancienne, (1) Juillet 1372, septembre 1429, 1565, 1555. (2) Code du 3 brumaire a 1w. Code de 1810, modifié par la hoi dn 28 avril 1822, art. 479, no 6. (277 ) je suis de l'avis de la législation nouvelle ; je suis de l'avis du passé , je suis de l’avis du présent. Je vote pour le maintien de la taxe. » M. Babinet ( de Lusignan') examine la taxe dans l'intérêt du pauvre. D’après des renseignemens qu’il a recueillis d’un boulanger, un hectolitre de froment rend 140 livres de pain. Soit son prix brut 11 fr. 20 cent. , autres frais 1 fr. 42 cent. ; la vente du pain, son, braise, produirait 14 fr. 85 cent. Donc un profit de 16 à 18 pour 100 , alors que les industries les plus heureuses n’en procurent d'ordinaire que de 15 p. 100.— Craindrait-on une coalition de la part des boulangers : Elle est peu vraisemblable , car les classes riches des consom- mateurs fixeraient pour les autres le prix du pain en raison de sa qualité. On donne lecture à la section du mémoire suivant, rédigé sur la question en discussion, par M. Garnier (de Melle). Messieurs, vous avez à examiner Ja question de savoir s'il convient de continuer à soumettre le pain à la taxe de l'autorité administrative , ou si, au contraire, il est préférable d'abandonner aux boulangers et aux consommateurs le soin de débattre le prix de gré à gré. Cette proposition, si simple dans ses termes, mérite d’être étudiée avec recueïllement. La décision à prendre soulève des difficultés de plus d’un genre. La taxe du pain généralement admise ou généralement re- jetée, peut réagir sur l’agriculture, le commerce ; elle peut devenir une cause de paix ou de perturbation dans la cité. Au simple énoncé de conséquences aussi étendues, vous pourriez penser qu’en adoptant l’un ou l’autre système, j'ai cédé à trop d’entrainement ou à trop de défiance: aussi, pour ne pas mériter un semblable reproche, je vais m'imposer le devoir de résumer , avec une égale fidélité, tous les argumens que j'ai trouvés pour et contre la taxation du pain. Nous avons à choisir entre deux systèmes, savoir : une liberté sans limites qui favorise une concurrence excessive, ou bien les entraves d’une taxe qui rétrécit cette même concurrence , mais qui donne des gages de sécurité. Chacune de ces opinions a trouvé des censeurs et des apologistes : dès-lors, et quel que soit le parti que vous adoptiez, vous êtes certains d’avoir pour vous des autorités respectables. Toutefois, nous devons vous dire, avec sincérité, que la plupart des publicistes ( 278 ) paraissent ennemis très-prononcés de la taxe, et partisans d’une entière liberté. Hs vont jusqu'à soutenir , 1° que la taxe du pain repose , le plus sou- vent, sur une base fausse ; 2° qu'elle est sans utilité, sans résultat ; 3 qu'elle est nuisible à l’État et aux particuliers. Je vais présenter le développement succinct de ces trois propo- sitions. 1° Base fausse de la taxe. — Aucune loi, aucune puissance ne peut fixer la valeur précise d'aucune chose , parce que cette valeur dépend d’une infnité d’autres valeurs, d’une foule de circonstances , les unes morales , les autres matérielles et toutes variables. Toutes les valeurs dépendent de la rareté ou de l'abondance, de la proximité ou de l'éloi- gnement de l’objet apprécié, de la difficulté ou de la facilité du trans- port, des craintes ou des espérances, des variations des saisons ou des accidens de la nature. Toutes ces circonstances agissent et réagis- sent avec tant de rapidité et d'incertitude, qu’il devient comme im- possible de fixer, avec une véritable précision, la valeur positive d’une chose, pendant une heure. Relativement au prix du blé constaté chaque semaine pour arriver à formuler la taxe du pain , n'est-il pas constant que la fixation des va- leurs est tout-à-fait variable? C’est à l'issue des marchés que l'autorité administrative dresse ses mercuriales; mais il n’existe que trop de moyens de procurer une baisse ou une hausse artificielle des grains. Il est difficile de réprimer ces fraudes auxquelles, aussi quelquefois, vien- nent se joindre des hasards qui concourent accidentellement à donner le change sur la valeur du blé. Souvent il ne faut qu’un petit mouve- ment de la malveillance, que le cri de quelque femme imprudente, pour donner l’alarme et produire une augmentation dans les prix. C’est, néanmoins, sur cette fausse base que le pain sera taxé. Il est comme impossible d’atteindre les fraudeurs, parce que l'intérêt public est moins actif pour se défendre, que l'individu privé n’est entreprenant pour faire son bien propre, en trompant ses concitoyens. 2 La taxe est sans utilité, sans resultat. — Aucune loi n’empé- chera un homme d’acheter, au-delà du prix établi, ce que la nature ou le découragement de l’industrie ou du commerce aura rendu plus rare , ou l'opinion plus précieux. La taxe n’empêchera pas les vendeurs d’accorder des préférences à des acheteurs que le désir d'acquérir ai- guillonne. Les acheteurs d’une contrée pourront établir des valeurs différentes de la taxe, lorsque des circonstances morales ou matérielles les exciteront à faire des offres supérieures. Enfin, si par leur nature le pain et la viande pouvaient être conservés long-temps, croyez-vous ( 279 ) que les citoyens ne paieraient pas au-dessus de la taxe, pour amasser des provisions en cas de disette? Il y aurait alors des traités de gré à gré, et toutes parties s’inquiéteraient fort peu et de la police et des mercu- riales. En effet, la taxe ne convenant pas , le consommateur se trouve- rait n'avoir besoin de rien, ou irait s'approvisionner ailleurs ; et, de son côté, le fournisseur prétendrait qu’il n’a pas de marchandises à livrer. 30 La taxe est nuisible et dangereuse. — Déclarez que la taxe est abolie : ce sera un hommage rendu à la liberté, qui s’empressera de vous en témoigner sa reconnaissance. Une émulation salutaire, une activité nouvelle , la concurrence enfin , s'établiront entre tous les boulangers de la même ville. Chacun d’eux se hâtera de fabriquer au plus bas prix possible , afin d’avoir un plus grand débit. Cette rivalité de tous les jours et de toutes les heures tournera au profit de la classe indigente : il s’agit pour elle de l'intérêt le plus vif et de tous les in- stans. Le pauvre tient peu à ce que les objets de luxe ou d’un usage moins fréquent se vendent plus ou moins cher ; mais il est naturel qu’il désire , avec ardeur , un abaissement dans le prix du pain. La taxe s’y oppose. Dégagez les boulangers de cette entrave : ne les placez pas sous un droit exceptionnel : que l'exercice de leur industrie ne soit pas plus limité que celui des autres fournisseurs , leurs voisins ; et bientôt, par suite de la concurrence librement ouverte, vous verrez arriver progressivement un abaissement assez considérable dans le prix du pain. Presque toujours , la taxe n'est utile qu'aux boulangers , et elle est préjudiciable aux consommateurs. Dans les années de disette , elle peut amener la disparition factice des blés , afin de décider l'autorité à or- donner un surhaussement dans le prix du pain. Ce sera un triomphe pour les accapareurs; l’écoulement de leurs provisions sera assuré, parce que leur avidité aura épié un besoin qu'il faut satisfaire à l'instant, mais au prix que leur cupidité aura marqué au temps de l'abondance. Dans le système de la taxation , l’alternative pour le peuple est de man- quer de pain ou de le payer beaucoup au-dessus de la valeur réelle. Que s’il arrivait que dans une localité on taxât le pain et qu’on ne le taxàt pas dans la localité voisine, le commerce deviendrait floris- sant là où il trouverait plus de liberté ; et ce , au grand avantage du pays libre qui profiterait de l'abondance et de l'apport des denrées que l'intolérance aurait chassées d’ailleurs. En jetant les yeux sur l’histoire de nos contrées , quels enseignemens y trouvons-nous? 3 Nos rois avaient restreint le commerce des grains par les édits les ( 280 ) plus sévères. Lorsqu'ils ont eu la force de les faire exécuter, comme en 1669, la misère du peuple a été extrème : cela est arrivé à d’autres époques ; au contraire, sous Henri IV, la nation vécut dans l’abon- dance : Sully avait rendu la liberté au commerce des grains, avait brisé toutes les entraves qui furent rétablies depuis, pour disparaître enfin en 1789. Sous l’infortuné Louis XVI, Turgot, alors intendant du Limousin, s'apereut que les boulangers possesseurs d’un privilége exclusif et su- jets à la taxe , en abusaient pour porter le pain au-dessus de son prix naturel; il leur concéda la faculté de vendre au prix qu'ils voudraient, et aussitôt le prix baissa , parce que les communes rurales, à une dis- tance même de cinq lieues, apportaient à Limoges un pain fait libre- ment, et par conséquent à meilleur marché. Voici, sur ce point, quelle est la doctrine de Montesquieu : « Le prince ou le magistrat ne peuvent pas plus taxer la valeur des » marchandises, qu'établir par une ordonnance que le rapport d’un à » dix est égal à celui d’un à vingt. L'empereur Julien ayant baissé le » prix des denrées à Antioche y causa une affreuse famine. » En définitive, l’affranchissement de la taxe est une conséquence de la liberté; pour violer le principe, pour entraver telle ou telle in- dustrie, pour fonder une exception, il faudrait de bien puissans motifs : et encore serait-il indispensable de rétablir la règle générale, aussitôt que la raison d'exception aurait cessé d'exister ; mais où peut-on la rencontrer , lorsque nous venons d'établir que la taxation du pain repose sur une base fausse ; Qu’elle est sans utilité, sans résultat ; Qu'elle est nuisible et préjudiciable. N'est-il pas plus rationnel de lever , d’abolir les entraves de la taxe ? Aussitôt, il y aura émulation , activité nouvelle, et la concurrence amènera un abaissement de prix profitable à la classe indigente. Après avoir établi ce qu'il y avait à dire eontre le régime de la taxe, je vais rechercher ce qui militait en faveur de son maintien. En toutes choses, il faut faire la part des hommes et des circon- stances. Avant 1789 , il existait d'énormes abus ; on les attaquait par deux motifs, principalement par devoir, et peut-être aussi un peu par amour-propre. | Par devoir , parce que c’est une obligation de conscience de consacrer ses efforts , ses facultés à opérer le bien du pays où à détourner le mal qui l’opprime. Par amour-propre, parce qu'il faut bien le dire , tous les hommes ont un peu ou beaucoup d’orgueil; et cette passion incessante n’esl (281 ) pas médiocrement satisfaite, lorsqu'elle trouve occasion de distribuer le blâme où la critique. Cette censure , justement exercée , est un de- voir qu'il est méritoire et quelquefois courageux de remplir; mais aussi combien de fois cette même censure est-elle inique , partiale , ou tout au moins exagérée ! Il arrive aussi que le désir d’une vaine popularité s'empare de cer- tains hommés , même parmi les plus habiles : il les a bientôt conduits hors du vrai et du praticable. 4 Ces principes posés, je dois dire que j'ai été moins touché par les argumens des publicistes contraires à l'établissement de la taxe; et j'ai osé croire qu'ils avaient pu céder à l'entraînement, à la séduction, ou enfin même à des vues non désintéressées. { Je me suis encore demandé si les publicistes qui, comme nous, n’ont pas vu les deux systèmes en action, émettraient aujourd’hui les mêmes opinions qu'il y a 50 ans, qu'il y a 100 ans. Si l’on dit, tous les jours, autres temps, autres mœurs ; il y a mème raison de dire, autres temps, autres lois. Par exemple, en la commune de Loudun, on cou- pait le nez ou les oreilles à celui qui volait ou embluit certaine pièce de bétail : ceci n’est plus dans nos mœurs, cela commence à devenir incroyable. Si les lois ont changé selon les temps, à plus forte raison les opinions et les doctrines qui sont de moindre valeur ont dû éprouver de notables changemens. Dès-lors, est-il bien certain qu’en présence des faits qui se sont succédé depuis 1789, les publicistes d'autrefois émissent aujourd’hui les doctrines qu’ils ont professées ? Une autre remarque est à faire. Autre chose est de raisonner en théorie, autre chose est d’administrer ou de mettre en pratique. Par exemple, n’existe-t-il pas une foule d’u- topies qui séduisent , qui entraînent au, premier aperçu ; que si vous en essayez l'application, vous reconnaissez qu’il y a impossibilité ou préjudice ? Ces réflexions préliminaires , Messieurs, ont pour objet de vous dé- fendre de l'impression vive qu'a pu exercer sur vous l'opinion émise par des publicistes habitués au respect de leurs nombreux lecteurs. En résultat , je pense qu'il est sage de maintenir la taxe du pain, et voici sur quels motifs j'appuie cette détermination : D'abord, ne croyez pas que nous voulions établir un privilége, ce serait une sorte d'anachronisme moral : rien n’est plus opposé à nos mœurs politiques actuelles. Sous l’ancien régime, au temps des mai- trises et des jurandes, il fallait se soumettre à certaines épreuves ou conditions pour exercer l’état de boulanger : aujourd’hui, rien de sem- blable n'existe, et la taxe du pain ne s'oppose nullement à ce que 36 ( 282 ) vingt personnes au lieu de dix exercent demain l’état de boulanger dans notre commune ; cependant cette limitation du nombre de ces fournisseurs n'aurait rien d’extaordinaire parmi nous : il est une foule de professions plus ou moins relevées dont le nombre des titulaires est circonscrit ; par exemple , les notaires, avoués, commissaires-priscurs, huissiers, débitans de tabac, etc., etc. Un tarif fixe leurs droits et honoraires : c’est une taxe utile pour que les citoyens ne payent pas au-delà de ce qui est dù ; c’est une mesure utile pour ces fonction- naires , afin que ceux d’entre eux qui sont plus désintéressés où plus riches ne puissent détruire la clientelle de leurs collègues, en bais- sant le prix de leurs honoraires. Ainsi, en ce qui touche certaines pro- fessions il y a donc véritable privilége, en ce sens qu’il n’est permis qu'à quelques-uns, et moyennant encore certaines conditions, de rem- plir certaines places ; au contraire , il est loisible à tous d’exercer , de- main , l’état de boulanger. Si les boulangers sont forcés de vendre tous au même prix, il n’en est pas moins vrai qu'une concurrence utile et sans péril peut s'ouvrir entre eux : en effet, celui-là vendra le plus qui livrera le pain le meilleur, le mieux manipulé. Sous l'empire de la taxe , il y a donc libre concurrence, émulation, désir de mieux faire que le voisin , afin de vendre davantage. Sans doute, cette concurrence serait plus étendue , s’il était permis de vendre à tous prix ; mais veuillez apercevoir quelles en seraient les conséquences. D'abord , le blé est à vil prix, à prix médiocre, ou bien il a une valeur désespérante pour le malheureux. Dans les deux premiers cas, le blé étant à bas prix, l'absence de la taxe qui a amené une concurrence excessive , produit des résultats bien minimes : dans l’abaissement , la différence entre les prix des boulangers sera d’un demi-centime, au plus , par livre. Sans doute, c’est un avantage; mais il en est de cette question comme de toute autre, elle a deux aspects, qu’il faut examiner avec une attention égale. Maintenant, le blé est très-cher : l’homme qui a des besoins est ap- pelé à débattre le prix de sa subsistance avec le fournisseur; alors , par la force des choses , et à moins d’une vertu presque surhumaine, il est facile de prévoir quel sera le résultat du débat. Celui qui a faim offre peu d'argent ; le boulanger trouve qu’il y a perte, ou que le bé- néfice est trop médiocre ; il est à craindre que les pauvres, unis par les liens d’un malheur commun , excités en secret par des artisans de troubles, ne se rér“issent , ne s’'ameutent à la porte du fournisseur qui ( 283 ) lient à son prix : alors ce n’est plus de quelques centimes ou de quel- ques pains qu’il s'agira ; c'est de la tranquillité de la ville entière. Si, au contraire, le blé étant cher, le pain est assujéti à la taxe, ce n’est plus un débat particulier qui s'engage corps à corps entre le fournisseur isolé et une multitude inquiète et égarée : c’est un règle- ment à modifier ou à maintenir entre l'autorité administrative et l’uni- versalité des citoyens. Or, la différence est grande, entre les deux genres de débat. Le boulanger, maître du prix du pain , ct qui ne veut pas vendre à perte au pauvre qui a besoin, doit évidemment êlre le plus faible dans cette lutte, où il paraît toujours avec défaveur, comme sollicitant un bénéfice dans un instant dedisette. Quand il, y a taxe, l'administrateur averti par sa sollicitude naturelle, par les réclamations des boulangers ou des consommateurs, et par les rapports de ses agens, a déjà eu le temps de prendre toutes ses mesures ; il a recours à des exhortations paternelles, ou bien à l’abaissement du, prix : en déses- poir de cause , il invoque l'appui de la force publique, dont il peut user avec d'autant plus de prudence qu'il a été prévenu en temps utile. Lorsque des hommes qui ont reçu le bienfait d’une éducation soignée, qui ont puisé dans la bonne société des habitudes de délicatesse et d'honneur, se portent cependant à des actes déshonnêtes pour ajouter encore quelque chose à une position sociale déjà fort avancée, com- ment pouvez-vous espérer que le pauvre qui a recu peu d'instruction , qui a fréquenté des lieux où les bons enseignemens sont rares, sera enclin à respecter la propriété ou l’industrie de celui qui refuse de lui fournir , au prix qu’il en offre, le pain qui lui est indispensable pour prolonger la triste existence de sa famille? Il est par trop évident qu'il y a risque, presque certitude de perturbation, si la valeur du pain est fixée de gré à gré par le fabricant isolé et les consommateurs assem- blés, dans ces crises déplorables, où l’on s'inquiète, s’effraie , où l’on se rend coupable sans songer au lendemain. On a beaucoup parlé des heureux avantages offerts par une con- currence sans limites aucunes. On peut répondre aussi qu’elle. ouvre la porte à de bien grands abus. Avec la taxe , le prix est fixe ; il y à excitation à mieux confectionner pour vendre davantage que celui qui manipule moins bien. La taxe étant abolie, les prix peuvent être baissés à l'infini; alors , pour vendre beaucoup et ne pas y perdre, le boulanger aura, intérêt à fabriquer avec des farines insalubres qui retiennent l’eau, en plus grande abondance que les farines de bonne qualité. Ce genre de fraude est signalé par le Journal des Connaissances Utiles, pags 14,,annéc ( 284 ) 1833. N'a-t-on pas à redouter l'introduction du sulfate d'alumine, sorte d'abus sévèrement puni par le tribunal de la Seine ? Le boisseau fournit 40 livres de pain : il est facile d’en tirer 50 li- vres, en manipulant la farine avec de l'eau de lessive, qui ne s’éva- pore guère à la cuisson. Cette fraude a été constatéé en faisant bouillir du pain, en y jetant un papier bleu de tournesol, lequel a pris bientôt la couleur verte; ce qui a révélé la présence d’un alkali, lessif ou autre. S'il était vrai que l'absence de toute taxe pût amener une dimi- nution dans le prix du pain, comme on le soutient vainement ; pensez-vous que le sort des ouvriers en deviendrait meiïlleur? En 1740, en Angleterre il y eut disette, mais le travail ne manqua pas ; dans cet hiver difhcile, les ouvriers payèrent des dettes contractées dans des années d’abondance. Je ne rappelle ce fait qu'avec une dis- crète réserve. Laissez subsister la taxe, laissez ouverts, surtout , vos ateliers de charité. Maintenant , Messieurs, j'arrive à vous parler des coalitions di- verses qui peuvent surgir à la suite de la disparition de la taxe. Elles sont assez variées : Coalition pour ne pas fournir de pain ; Coalition pour hausser ou baisser le prix outre mesure ; Coalition de quelques boulangers pour contraindre quelques-uns d’entre eux à cesser d'exercer leur industrie. En suivant leurs propres inspirations ou en obéissant à des voix en- nemies de l’ordre public, les boulangers peuvent s'entendre et dé- clarer qu’ils ferment leurs ateliers ; l'alarme est aussitôt répandue. On les excite à fournir du pain, ils augmentent les prix, et cette augmentation est encore adoptée comme un bienfait. Cette manœuvre n'aurait pu avoir lieu avec le système de la taxe, qui suit une marche ascendante ou descendante d’après le prix variable des grains. Ensuite, la surveillance journalière de l'autorité administrative fixant les mer- curiales eùt été un obstable insurmontable. Les boulangers peuvent aussi se coaliser pour surhausser le prix du pain : ils y sont engagés par leur intérêt privé, comme aussi par les sourdes menées de ceux qui vivent de troubles et d’émeutes. Le sou lèvement des masses , au moyen de la hausse du prix du pain, ne peut avoir lieu que fort difficilement avec le système de la taxe et la surveil- lance qu’elle entraîne. Dans des cas donnés , heureusement fort étrangers à la petite ville de Melle, la malveillance a un intérêt pressant à faire fermer des ateliers pendant quelques heures ou quelques jours ; ce temps suffit pour opérer ( 285 ) un mouvement, Alors, il ne s’agirait que d’une somme d’argent donnée à quelques boulangers qui fourniraient le pain à si bas prix que les métiers seraient mal suivis ou abandonnés. Autre genre de coalition. Par exemple , neuf boulangers exercent à Melle , ville que j'habite. Prêtez à six d’entre eux, plus riches que les trois autres, l'intention coupable de se coaliser pour abaisser le prix du pain ; il arrivera que dans cette lutte inégale les trois fournisseurs moins aisés seront obligés de fermer leur magasin. Quant à la fixation du prix du pain, voici quelle est la doctrine en- seignée par le Journal des Connaissances Utiles , écrit pourtant dans des sentimens de libéralisme et de progrès. Le prix du pain se compose : 1° Des frais fixes, ou à peu près, de manutention et d'établissement ; 2° Des frais variables , du prix de la farine ; 3° Du bénéfice du boulanger. Plus le blé est cher, plus le magistrat doit restreindre ce bénéfice, sauf à indemniser le boulanger des sacrifices qu’il lui impose dans la disette, par plus de latitude dans les années d’abondance. C’est avec ce système de compensation sagement appliqué par l'autorité munici- pale, que si la baisse est plus insensible, la hausse dans le prix est moins sentie par les indigens. Je sais que les abus n’en sont pas plus respectables parce qu’ils sont plus anciens : au contraire, dans ce cas, je pense qu'il y a plus grande nécessité de les détruire parce qu'ils ont fait plus de mal. Aussi nous ne venons pas vous dire : Laissez subsisterune taxe abusive parce qu’il y a long-temps qu’elle existe; mais nous venons vous sou- mettre diverses observations. Sous l’ancien régime , le pain et la viande étaient taxés, et de plus , toutes les denrées et diverses marchandises. En 1789 , et dans le développement immense d’une liberté qui n’était pas bien comprise, toutes les taxes furent abolies. Cet essai ne fut pas heureux. D'un grand excès on se précipita dans un excès contraire. Vint la loi du maximum. Notre district de Melle fit imprimer le sien sur 32 pag. in- quario. Ce tarif énonce le prix de plusieurs milliers d'objets, même d'un fouet de bergère estimé six sols deux deniers. Les commercçans furent ruinés; l'abus fut reconnu. On comprit qu'il y avait un moyen terme entre des taxes trop multipliées et l'abolition de teute espèce de taxe. Aujourd’hui, l’art. 30 de la loi du 22 juillet 1791, titre 1+, est en- core la législation vivante : on y lit qu'il est défendu de taxer le vin, le blé, ni aucune espèce de denrées ; que seulement le pain et la viande pourront être taxés. ( 286 ) Or, cette disposition législative a été rendue, en grande connais- sance de cause, après l'expérience profondément sentie de Fun et de l’autre système; c'est après le maximum, c’est après son abolition , c’est après de douloureux souvenirs que nous continuons à ordonner la taxe du pain. Ainsi, ce n’est pas par respect pour une vieille insti- tution que nous vous proposons de la maintenir : loin de là, c’est à la suite d’un double essai, d’une double expérience de l’un et de l’autre système que nous déclarons nous décider en faveur du maintien de la taxe. En me résumant, mes motifs, pour décider ainsi, sont fondés sur les considérations qui suivent : La taxe du pain n’est pas prononcée en haine de la liberté : la liberté ne peut avoir d’ennemis raisonnables ; la liberté, compagne insépa- rable de l’ordre et de la discipline , ennemie irréconciliable de l’arbi- traire et de la licence, repoussant toutes sortes de servitudes, excepté l'esclavage de la loi, trouverait un million de bras pour la défendre, si elle était vraiment attaquée. Chacun est intéressé à sa conservation ; elle est la sauvegarde de tous : ce n’est pas supprimer la liberté que de régler l’un de ses innombrables effets. Mais si la liberté, ainsi définie, n’a pas d’ennemis, il en est bien autrement des gouvernemens et de l’ordre public : diverses passions sont déchaînées, et, à défaut de justes motifs, tout peut servir de pré- texte ou de moyens pour tenter d'opérer un bouleversement. Or, nous avons établi qu'au moment de la cherté des blés, et le prix du pain étant arbitraire , quatre genres de coalition étaient à redouter : Coalition pour ne pas fournir de pain; Coalition pour produire la baisse, en haine de l’agriculture, du commerce et des fournisseurs; Coalition pour amener la hausse, afin d’exciter la classe pauvre à commettre des désordres ; Coalition des boulangers riches pour réduire à l’oisiveté leurs con- frères qui ne peuvent supporter la baisse du prix. Que, dans les grandes villes, les boulangers portent le pain à un prix trop élevé, il arrivera que plusieurs ménages se mettront à fabri- quer eux-mêmes : les boulangers fermeront leurs magasins ; le gouver- nement perdra le produit de leurs patentes, et se trouvera embarrassé en face de cette multitude d'artisans sans travail et qui se troublent plus vite qu'ils ne calculent. La taxe du pain est une entrave, cela est vrai; mais au moins elle a pour motif, ou, si vous le voulez absolument, pour excuse, cette im- mense considération, qu'avec elle il y a plus grande chance de main- tenir l’ordre et la sécurité dans la cité : salus populi, lex suprema. ( 287 ) Au contraire, nous voyons une foule de monopoles , d'exclusions ou de priviléges, qui n’ont à peu près d'autre cause que l'intérêt du fisc : L'administration de la poste aux lettres; L'administration de la poste aux chevaux ; La vente de certaines substances ; La vente des poudres et salpètres ; La vente du papier timbré; Le débit des tabacs ; L'exploitation des bois et forêts; L'exploitation des mines , etc., etc. Ainsi, moyennant certaines conditions, il n’est permis qu'à un nombre limité de personnes de se livrer à l'exercice de certaines in- dustries. La taxe du pain, au contraire, ne s'oppose point à l’augmentation du nombre des boulangers : elle ne s’oppose pas non plus à ce que l’é- mulation et la concurrence s’établissent utilement entre eux, puisque, malgré l’uniformité'des prix, celui-là aura le plus de débit qui livrera les subsistances les plus saines, les mieux manipulées. Laissez aux boulangers la faculté de donner le pain à tous prix, il arrivera que pour ne pas y perdre et supporter la baisse, quelques- uns d’entre eux seront excités à faire des fraudes et préparations nui- sibles à la santé. Du reste, la taxe du pain n’a pas seulement la sanction des temps anciens ; l’article 479 du Code pénal de 1810, révisé le 28 avril 1832, établit que seront punis d’une amende de 11 à 15 francs les boulan- gers qui vendront au-delà de la taxe. Autre considération. — Abolissez la taxe, il arrivera que dans une foule de localités où il n’y a qu’un seul boulanger, il faudra vous sou- mettre à payer le prix marqué par sa cupidité; il y aura plus d’éco- nomie à se plier à son arbitraire qu’à aller s’approvisionner au loin. La taxe, faite par une administration active et consciencieuse, éta- blira une sage compensation. Par ce moyen, le prix moins abaissé dans les années d’abondance sera bien moins élevé dans les années de cherté ou de disette. — Cette balance observée est une garantie pour la classe indigente. Avant de terminer ce mémoire, dont votre bienveillance pour moi aura excusé la longueur, qu'il me soit permis de vous appeler à faire une étude attentive de la lettre de M. le ministre du com- merce, qui, à l’âge de trente-quatre ans, a publié des ouvrages fort estimés en économie politique. Sa lettre révèle deux pensées fort distinctes. ( 288 ) D'abord, comme théoricien ou philosophe, il est évident mille fois qu'il est partisan de l'abolition de toutes taxes. Ensuite, comme homme politique , comme associé au gouvernement, comme obligé de mettre sa doctrine en pratique, il semble reculer devant elle, il est embarrassé dans l'application de ses propres prin- cipes , il se livre à une foule de réflexions ayant pour but de demander ou de conseiller le maintien de la taxe. C’est que dans ces matières on juge moins avec son imagination et sa pensée native qu'avec son expérience et les devoirs de sa position sociale. Autre chose et de voir une vérité, autre chose est de la mettre en pratique. Quelques personnes conseillent un essai qui consisterait à sup- primer la taxe, à l'instant même, en déclarant qu’elle pourrait être rétablie. Cette tentative, exécutée dans le moment où nous sommes, ne mettrait à découvert qu’un côté de la question. Aujourd’hui le pain est à bas prix;ilest vrai que la classe pauvre obtiendrait peut-être, par semaine , le bénéfice de quelques centimes : mais la cherté des blés revenant, et l’abolition de la taxe permettant toute hausse de prix, vous entendriez des cris improbateurs bien plus universels que ne l’au- raient été les témoignages de satisfaction à l'instant de la suppression de la taxe. Pour prendre un parti, j'ai consulté les hommes du métier, et no- tamment les neuf boulangers de la ville de Melle. La question leur a été présentée sous ses deux faces : trois fois le pour et le contre a été débattu devant eux. Deux fois , il leur a été représenté que la peur était une mauvaise conseillère , que le trouble qui l'accompagne empèchait de voir les objets sous leur véritable aspect. Trois fois voici quelle a été leur réponse à l'unanimité : Nous demandons le maintien de la taxe pour ne pas être égorgés dans nos maisons. Quant à la taxe de la viande, Ce n'est pas un objet de nécessité première ou indispensable; je pense qu'il y aurait lieu à abandonner aux bouchers et aux consom- mateurs le soin d’en débattre le prix de gré à gré. Quant à la taxe du pain, Il serait sans doute plus conforme aux principes de liberté d’abolir toute taxe du pain; mais en présence d’un état de choses qui laisse subsister des entraves plus gènantes et moins utiles, et dans la crainte des funestes conséquences qui pourraient résulter de la suppression , j'estime qu'il est sage de maintenir, au moins provisoirement, la taxe du pain. — Une enquête, des renscignemens statistiques, pourront EE nn. —- ( 289 ) fournir les moyens de prendre une décision contraire, ultérieu- rement (1). M. Pathus de Saint-Vincent combat la taxe du pain et les mesures prises par l'administration relativement à la bou- langerie. « Le point le plus important, c'est la concurrence ; et dans beaucoup de villes elle est fort limitée. Avec la liberté, le pain sera meilleur : il est mauvais par le fait même du monopole actuel. La concurrence à la fois amène le bas prix et empêche toute coalition. Quant aux substances malfaisantes qu’elle ferait employer pour baisser le prix, elles seraient faciles à reconnaitre. » M. le général Dubourg fait observer , relativement aux cal- culs de M. Babinet, que ce n’est pas 140 livres de pain que rend l’hectolitre de bon blé , mais 150 et même 160. (x) M. Roy, ancien magistrat à La Rochelle, a adressé la note suivante: Le pain ne peut être comparé à aucun autre objet de consommation. Ce n’est pas seulement parce qu'il est de première nécessité, mais aussi c’est que dans chaque lo- calité son débit journalier est constamment le même; car on ne peut pas le suppléer, ai en faire de provision. Cette certitude d'un même débit chaque jour doit porter les boulangers à se con- certer, lorsqu'il n'y a pas de taxe, pour que le prix soit uniforme aux diverses va- riations du prix du blé. Il est plus convenable que cette uniformité de prix résulte d’une taxe qui repose sur des bases sagement arrêtées. Si l'accord qui ne pourrail manquer de régner entre les boulangers, trouvait quelque dissident, ce serait sans influence sur la masse; son débit n'irait pas au-delà de ce qu'il pourrait confectionner ; et, s’il y avait un prix favorahle, ce ne serait presque pas au profit des classes indigentes et ouvrières. Celles-ci vont elles-mêmes chercher leur pain; et cette nécessité, qui renaît pour elles chaque jour, les oblige d’aller chez les boulangers qui sont à leur proximité, et où elles peuvent trouver quelque crédit que ne leur donnerait pas celui qui, dans le paiement comptant , voudrait avoir une indemnité du moindre prix. L'avantage de la concurrence, relativement au débit du pain, est une illusion; cetle concurrence existe de droit sous l'empire d’une taxe, puisqu'on peut vendre au-dessous, et on use bien peu de cette faculté. Un établissement en grand pourrait offrir un résullat favorable; mais, dès que le prix du blé éprouverait une hausse prononcée, on verrait la fabrication cesser ou le pain se rapprocher du prix commun. C'est dans ces circonstances que se ferait surtout sentir le besoin d’une taxe, car la cupidité des uns, la pénurie de moyens des autres, livreraient la consommation jour- nalière à un arbitraire dangereux. La fabrication serait tenue réellement ou en appa- rence au-dessous du besoin, pour avoir un prétexte d'exiger un plus haut prix, et la tranquillité publique serait incessamment compromise. Dans ces temps difficiles, si le peuple supporte impatiemment une taxe légale et motivée, que serait-ce d'une fxalion de prix qui lui paraîtrait arbitraire et exagérée ? 37 ( 290 ) M. Abel Pervinquière lit la circulaire du ministre du com- merce , citée à la séance précédente par M. de Caumont. « Il faut , dit-il, rendre à chacun la justice qui lui est due ; cette cir- culaire contient véritablement toutes les prévisions désirables, et désigne avec précision les renseignemens à recueillir, afin de remédier aux vices du mode de taxation. » Saisi de cette cir- culaire par M. le préfet de la Vienne, le conseil municipal, dont M. Pervinquière est membre , s’est décidé pour le main- tien de la taxation. Sa délibération a été approfondie et ap- puyée de recherches historiques. « Si le parlement de Toulouse, par un arrêt de 1562, abolit toute taxe , il ne tarda pas à la rétablir; et le conseil munici- pal de Paris , en 1791, se prononça pour son maintien. Le pain estune marchandise, mais d’une nécessité actuelle et pressante : le moindre débat sur son prix produit des discussions fà- cheuses , et peut amener, surtout dans les temps de disette, de graves désordres. » — L’orateur cite quelques faits; puis, examinant les modes d'évaluation de la taxe du pain, il dit qu’à Poitiers, où l’on a suivi long-temps le système de la compensation, l'autorité s’est formé un type régulateur et invariable d’après un tableau dont les bases sont : 1° le prix du blé par double décalitre , double boisseau usuel, hecto- litre et quintal métrique; 2° taxe du pain blanc, du demi- blanc, comparativement au prix du blé ; 3° produit des issues pour le pain blanc et le pain de sa fleur, d’après le prix du blé et la taxe du pain; 4° frais de mouture, de fabrication, bénéfice alloué au boulanger par hectolitre de blé : le tout calculé dans une proportion graduée , et eu égard à la quan- tité de pain de chaque espèce que le boulanger s’oblige de con- fectionner. M, Pervinquière ajoute, qu’attendu que les consi- dérations qui ont déterminé le conseil municipal de Poitiers peuvent être modifiées par des circonstances propres à cer- taines localités, il pense que la section manquant d’élémens divers ne doit pas se prononcer absolument sur la question ; pourquoi il se réunit à l'opinion de MM. Guépin et Guerry- Champneuf. # (291 ) M. David de Thiais cite la petite commune de Neuville, où avec la taxe le pain se vendait cher, où depuis sa suppression il est meilleur et coûte moins cher qu’à Poitiers. M. Béranger ne croit pas la question assez approfondie, car elle attaque ou concerne toutes les sortes de monopoles. La clôture est adoptée. Sur la proposition de M. Béra ( de Poitiers ), la section sépare la question de la taxe du pain de celle de la taxe de la viande. Sur la première question , la section adopte l’ajournement comme n'ayant point de renseignemens suffisans pour se pro- noncer, et elle émet le vœu que le gouvernement rende public le résultat des recherches provoquées par la circulaire de M. le ministre du commerce. La question de conservation de la taxe de la viande est mise aux voix et résolue négativement. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. BONCENNE. M. Jullien (de Paris) demande que la section ajoute à son titre les mots économie sociale. IL résulte des explications données par quelques membres que la section entend comprendre dans la généralité de son titre l’économie sociale. On décide qu'il ne sera fait aucune addition au titre, mais qu’on fera mention dans le procès- verbal de cette explication. M. Béranger (de Paris) dépose sur le bureau le mandat qui lui a été donné par plusieurs ouvriers et ouvrières , bourgeois et bourgeoises, au nom desquels il se présente au Congrès. Ce mandat, contenant l'indication de plusieurs questions à discuter , est renvoyé au bureau chargé d’en faire la clas- sification. M. le président propose de prendre en considération la pro- position suivante de M. Abel Pervinquière : (292 ) Je propose au Congrès d'émettre le vœu : 1° Que M. le garde des sceaux enjoigne , par l'entremise des procu- reurs généraux, à tous les juges de paix du royaume, de rechercher dans les diverses communes de leurs cantons , au moyen d'enquêtes ou autrement, les usages locaux auxquels le Code civil se réfère ; 2° Que les procès-verbaux des juges de paix de chaque ressort de Cour royale, ainsi que copie certifiée des documens écrits qu'ils au- ront pu recueillir, soient renvoyés à une commission composée de cinq jurisconsultes choisis dans la ville où siége la Cour, pour mettre ces matériaux en ordre et dresser un tableau fidèle des usages constatés ; 3° Que tous ces tableaux ainsi dressés soient ensuite réunis en un seul et même volume et imprimés aux frais du gouvernement. Après quelques observations de M. Béra , qui propose 1° de laisser au garde des sceaux le choix des moyens à em ployer pour faire l’enquête, 2° de faire examiner les procès- verbaux par les tribunaux de première instance’, la proposition de M. Abel Pervinquière est prise en considération. Une seconde proposition de M. Abel Pervinquière est ainsi conçue : Le Congrès émet le vœu : 1° que M. le ministre de l'instruction pu- blique fasse faire chaque année un catalogue exact des ouvrages et des dissertations les plus remarquables qui sont publiés par les juriscon- sultes allemands, et adresse un exemplaire de ce catalogue aux écoles de droit et aux principales bibliothèques de France ; 2° Que, par les soins de ce même ministre, il soit établi à Paris un dépôt de ces ouvrages, afin que l’on puisse se les procurer facilement ; 3° Que sous les auspices et la direction d’un jurisconsulte éclairé on traduise , aux frais du gouvernement , ceux de ces ouvrages écrits en langue allemande qui seront d’une haute importance et d’une utilité reconnue. M. le général Demarçay trouve la proposition trop res- treinte ; il voudrait que l’on proposât de charger les sociétés savantes de faire un tableau de tous les livres écrits sur les dif- férentes sciences , et de réviser ce tableau tous les cinq ans, afin de le mettre au courant des progrès que les sciences au- raient pu faire dans l'intervalle. De cette manière, les hommes qui sont éloignés des foyers d’instruction et de lumière sau- raient où puiser les connaissances qu'ils voudraient acquérir ( 293 ) L'on fait observer que c’est là une proposition nouvelle , et Von invite son auteur à la formuler par écrit et à la déposer sur le bureau. L'ordre du jour est la discussion des questions relatives aux chemins vicinaux et à l'emploi des troupes à la confection des tra- vaux d'utilité publique. M. le général Dubourg fait un rapport sur un mémoire de M. Bonnin, cultivateur à Lizant , relatif à l'emploi de l’armée aux travaux d'utilité publique. Ce mémoire contient d’abord des considérations sur l’avantage qu’il y aurait, pour la moralité des troupes, à remplacer Voisiveté des garnisons par d’utiles travaux. Ces considérations récoivent l’approba- tion de M. le rapporteur, qui critique ensuite le système de l’auteur, dont le résultat serait de mettre les soldats à la dispo- sition des entrepreneurs , en ne leur donnant qu’un supplé- ment de paye de 5o cent. par jour. Si la coopération des troupes aux travaux d'utilité publique procure des avantages pécuniaires , il faut que ces avantages tournent au profit de l'Etat. M. Simon demande la priorité pour la question de l'emploi des troupes aux travaux d'utilité publique, et il fait précéder la discussion de la lecture du règlement que vient de publier, sur ce sujet, M. le ministre de la guerre. Comme ce règlement ne pourra être applicable qu’au printemps prochain, les obser- vations de la section pourront être faites en temps utile. M. Thiaudière combat l'emploi des troupes par deux consi- dérations qu'il se contente d'émettre sans développement : 1° si l’on emploie les troupes à la confection des routes et qu’on en ait besoin pour faire la guerre , les routes resteront in- achevées ; 2° les soldats enlèveront le travail et le salaire des ouvriers. M. Simon. « Il y a dans ce moment 312 lieues de routes stra- tégiques à faire dans les cinq départemens de l'Ouest ; ces routes sont de la plus haute importance. Eh bien! il est reconnu qu'on est dans l'impossibilité de réunir dans ces départemens une quantité suffisante d’ouvriers. Lorsqu'il a (294 ) été question de creuser des canaux, on avait besoin de 1,500 ouvriers par département, on n’a jamais pu en réunir que 800. Il résulte de cette pénurie de travailleurs une augmen- tation dans le prix de la main-d'œuvre, non-seulement pour les travaux publics, mais aussi pour les travaux de l’agriculture et de l’industrie. » La réunion d’un grand nombre d'ouvriers étrangers au pays offre de très-grands inconvéniens; lorsque les travaux sont terminés , il faut les licencier, ce qui se fait très-difficilement. Quelques-uns restent dans le pays et se livrent au vagabon- dage ou au brigandage. Les ouvriers qui manqueraient d’ou- vrage , par suite de l'emploi des troupes, auraient toujours la ressource d’entrer dans l’armée ; mais cela n’est point à crain- dre , car il y a maintenant des travaux immenses à faire, et dans l’Ouest ce sont les bras qui manquent. Si on n’emploie pas les troupes , jamais les routes , si nécessaires au pays, ne seront exécutées. » Sous le rapport moral, l’emploi des troupes aux travaux publics offre les plus grands avantages. Les garnisons sont des écoles de corruption. Les soldats , rentrés dans leurs foyers, ne portent que trop souvent dans les campagnes une double contagion morale et physique qui produit les effets les plus désastreux. Des occupations continues sauveraient les jeunes soldats de tous les dangers de l’oisiveté et conserveraient à la fois leurs mœurs et leur santé. » On sait aussi que des idées fausses sont trop souvent répan- dues parmi les soldats ; ils considèrent en général le travail comme étant au-dessous d’eux : il importe de détruire ce préjugé et de réhabiliter en quelque sorte le travail. D’un autre côté , il faut respecter la susceptibilité de l'esprit mili- taire et ne pas imposer aux troupes le travail comme une corvée; il faut le poétiser, pour ainsi dire, en leur montrant le résultat de leurs travaux comme un but glorieux pour elles : on y parviendrait en plaçant sur les routes des monumens qui porteraient inscrits les numéros des régimens auxquels elles seraient dues. ( 295 ) » Enfin, l'emploi des troupes aux travaux publics prouverait aux ouvriers l’avantage de vivre en commun sur les lieux mêmes des travaux , puisque les soldats qui vivent en corps, sont logés, nourris et habillés pour trente-neuf centimes par jour. » M. Thiaudière répond que la pénurie des ouvriers, sur un point donné, n’est pas un obstacle à la confection des routes, parce que les ouvriers émigrent facilement d’un pays dans un autre quand ils savent trouver de l'ouvrage. C’est ce qui ar- rive chaque année à l’époque de la moisson, et ce qui arriverait, sans doute, dans l'Ouest, si on y commençait les routes pro- jetées. & M. le général Demarçay pense que la question est d’une haute importance , et reproche au ministère de l'avoir tran- chée seul et sans le secours des Chambres. « Deux questions , dit l'honorable général, doivent être examinées. A-t-on le droit d'employer l’armée à des travaux d'utilité publique ? Est-il de l’intérét public de le faire ? » La société , par l'organe de ses législateurs , a le droit de demander aux citoyens tous les sacrifices essentiels au bien public. Si on allait au-delà , si on imposait des sacrifices qui ne fussent pas motivés par le bien public, il y aurait abus ; il pourrait y avoir tyrannie. Quelle est la mission de l’armée ? De défendre le pays contre les attaques extérieures ; je dis contre les attaques extérieures , parce que l’armée n’est jamais appelée qu’accidentellement à maintenir la tranquillité inté- rieure : c’est l’œuvre habituelle de la garde nationale. Il ré- sulte de ce principe qu’en temps de paix l’armée ne doit con- server sous les drapeaux que les hommes dont l'éducation militaire n’est pas terminée ; tous les autres doivent être ren- voyés dans leurs foyers. Exiger des soldats autre chose que le service militaire, les obliger, lorsque le motif de l’instruc- ton ne les retient plus sous les drapeaux , à se livrer à des travaux pénibles , c’est exiger d’eux sans nécessité un nouveau sacrifice , c'est leur imposer une charge que la loi ne leur im- pose pas. ( 296 ) » J'arrive maintenant à la question d'intérêt. Tousles hommes qui se sont occupés de travaux savent que le bon marché est dû à la libre concurrence des entreprises ; les travaux faits par des individus qui n’y auraient aucun intérêt reviendraient certainement plus cher que ceux faits par des entrepreneurs. D'ailleurs beaucoup de soldats, employés à des ouvrages qui ne seraient pas de leur goût, résisteraient et travailleraient le moins possible; les uns manqueraient de bonne volonté, d’autres manqueraient d’adresse, et le plus grand nombre ferait ainsi de mauvais ouvrage. Ajoutez à cela la détérioration des habits qu’il faudrait renouveler aux frais de l'Etat, et vous verrez que gos routes vous reviendraient plus cher d’a- près ce système que d’après le système actuel. » IL faudrait nécessairement établir des campemens pour que les troupes ne fussent pas obligées de faire tous les jours de longues routes. Mais les campemens sont nuisibles à la santé des soldats; lisez les journaux , ils nous parlent tous les jours du grand nombre de malades des camps de Saint-Omer et de Compiègne. Le campement prolongé des troupes ne doit avoir lieu qu’autant que les circonstances les plus impérieuses l’exigent. Si nous étions dans la position des Romains qui étaient obligés , pour maintenir la population d’un pays con- quis, d'établir des camps au milieu d'elle pendant 10 ou 20 ans , il serait bon d'employer en même temps les troupes à la confection des routes; mais nous ne sommes pas dans le même cas. Nos places fortes ne sont pas non plus ce qu’é- taient les châteaux féodaux du moyen-âge ; une embuscade cachée dernière un buisson suflisait souvent pour enlever la forteresse et le souverain. Il fallait alors dans ces châteaux des garnisons habituelles. Aujourd’hui nous n’avons pas à craindre qu’on prenne par surprise nos places fortes. Douai, Lille, Arras sont fortifiées de telle sorte, que leurs populations sufhi- sent dans les temps ordinaires pour les garder. » On a examiné la question sous le point de vue de la mo- ralité des soldats: Je conviens que la vie des garnisons est mauvaise, que les soldats y contractent de funestes habitudes ; (297) mais j'en conclus qu’on doit les renvoyer chez eux quand il n’est plus nécessaire de les retenir sous les armes pour leur donner l'instruction militaire. On peut d’ailleurs consulter l'expérience. Il n’est jamais venu à l’idée d’un administrateur en Angleterre, où cependant la civilisation est bien avancée, d'employer les troupes à la confection des routes. » M. le général Dubourg. « C’est qu'il n’y a pas en Angleterre plus de 30,000 hommes sous les drapeaux. » M. le général Demarçay. « C’est précisément l'exemple que j'indique à la France. Nous jouissons de la paix ; tout porte à croire qu’elle ne sera pas troublée; il est donc convenable de ne conserver que très-peu d'hommes sous les drapeaux. » L’orateur répond ensuite à l’objection tirée du manque d'ouvriers, en disant que cela provient de ce que des travaux considérables n’ont pas lieu assez souvent. Quand les travaux se multiplieront , les ouvriers se multiplieront également , et les prix que la concurrence avait fait monter d’abord éprou- veront ensuite une diminution. M. Béranger. « Il est question d’employer les soldats à des travaux d'utilité publique. Cela est-il possible ? cela est-il né- cessaire ? Il semble bien difficile de déterminer un soïdat à quitter ses armes pour prendre une pioche et une brouette ; c’est là une des conséquences de cet honneur militaire dont on parlait tout à l’heure. Je me contente ici de signaler ce fait, en livrant son appréciation aux hommes qui se sont occupés de l'étude du cœur humain. Mon intention est d'examiner la ques- tion dans ses rapports avec la position de la classe ouvrière. » Les ouvriers , Messieurs , sont aujourd’hui dans un état de malaise très-grand ; sur quelques points de la France leur position est déplorable : à Lyon, les ouvriers gagnent à peine 15 à 20 sous par jour; cela n’est point suffisant pour l’entre- tien de leur famille. Tout récemment , à Reims, des ou- vriers égarés sont sortis de la ville et se sont retirés sur leur Mont-Aventin. Il faut porter remède à tant de maux; ce re- mède, on le trouve dans l'augmentation du travail, du produit et de la circulation. 38. ( 298 ) » Il y à donc ici une question de grande production générale ; c’est la question qui se présente sans cesse, lorsque l’on traite ces matières. IL existe chez nous beaucoup de forces perdues; beaucoup d'hommes vivent dans une oisiveté soit forcée , soit volontaire; voilà le mal auquel il faut remédier. IL faut une production abondante ; il faut que toutes nos forces soient consacrées à l'obtenir. » Cela posé, je dirai : Pourquoi ne pas organiser les travail- leurs en armée pacifique ? Si on licenciait un régiment , ne pourrait-on pas lui proposer de se livrer à des travaux d’uti- lité publique? Eh bien, ne peut-on pas également organiser un régiment de travailleurs volontaires qui se porterait là où ses services seraient nécessaires ? » On a objecté la diminution du salaire dans les lieux où il existe une grande réunion d’ouvriers ; mais c’est un mal nécessaire et d’ailleurs passager. S’arrêter à cette considéra- tion , ce serait rendre impossibles tous les grands travaux, ce serait sacrifier l'intérêt public à l'intérêt privé. » Une autre considération me frappe encore : la classe pauvre est essentiellement morale ; ce qui le prouve , c’est ce mou- vement ascensionel vers le bien qu’elle suit depuis un grand nombre d'années. Mais il faut reconnaître aussi qu'il existe parmi les ouvriers des habitudes vicieuses ; les uns ont un esprit d'indépendance exagéré , les autres se livrent à des pas- sions dangereuses : il faut détruire toutes ces habitudes , ou plutôt les empêcher de naître. Dans les armées il y a moins d'habitudes vicieuses que parmi les ouvriers, parce qu'il semble que dans un corps organisé chaque individu est respon- sable des fautes des autres ; de Ïà naît un esprit de corps qui tourne à l’avantage des bonnes mœurs. » Il faudrait créer quelque chose de semblable pour les ouvriers, qui n’ont entre eux aucun lien commun ; car la réu- nion dans les ateliers est plutôt un sujet de jalousie et d’envie que de noble émulation. Je forme donc le vœu que si on ne peut faire entrer larmée dans les travailleurs , on essaie de faire entrer les travailleurs dans l’armée ; si on y parvient on | | | | | | | | | ( 299 ) aura résolu l’un des problèmes les plus difficiles des temps modernes. » SÉANCE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. BoNCENNE. M. Bonnin fait remarquer que c’est par erreur que, dans le rapport sur son mémoire, M. le général Dubourg a con- sidéré comme moyen proposé le concours des troupes sous la direction des entrepreneurs, tandis que l’auteur n’a pré- senté ce moyen que subsidiairement , attendu que sa propo- sition principale est l’emploi de l’armée sous la direction immédiate d’agens du gouvernement. — Le procès-verbal est adopté. M. le président donne lecture du mandat donné à M. Bé- ranger. Cette pièce est ainsi conçue : « Nous, soussisnés, ouvriers et ouvrières , bourgeois et bourgeoises, roturiers et roturières , Savans ou artistes , faisons savoir à tous , que Charles-François Béranger , notre camarade et notre ami, né à Paris le 26 septembre 1798, ancien ouvrier horloger et présentement homme de lettres, nous a exposé son intention de se rendre au Congrès scientifique qui doit avoir lieu à Poitiers, département de la Vienne, le 7 septembre prochain , afin d’y faire diverses propositions , toutes dans l’in- térêt du progrès social, et parmi lesquelles il nous a signalé les suivantes : » 1° Appeler l'attention des hommes politiques de tous les pays du monde sur la nécessité de supprimer graduellement les douanes ; elles sont l’un des liens les plus forts qui enchai- nent les peuples ; indiquer en même temps les mesures propres à rendre cette suppression facile , tout en ménageant les droits acquis et les positions faites ; » 2° Appeler l'attention des hommes politiques de la France sur les finances municipales et leur mode de perception, qui 38* ( 300 ) établit autant de douanes particulières qu'il y a de villes ayant un octroi ; » 3 Signaler la grande lacune qui existe dans l’enseigue- ment, et appeler l'attention sur la nécessité d’établir au moins une école pratique d’arts et métiers, et une d'agriculture par arrondissement ; » 4° Signaler le décroissement rapide et vraiment effrayant du prix des salaires, et surtout des salaires des femmes ; » 5° Signaler la nécessité, pour les gouvernemens , de s’oc- cuper sérieusement et le plus tôt possible de l’éducation des femmes ; » 6° Signaler l’urgence qu’il y a de créer des institutions propres à faire cesser l'hostilité des ouvriers contre les chefs d'industrie, et réciproquement , soit par l'établissement d’un syndicat de maîtres et d’ouvriers dans chaque ville, soit par celui de conseils de prud'hommes, soit par celui de caisses de secours et de prévoyance ; » 7° Appeler l’attention de tous sur le nombre toujours crois- sant des enfans trouvés, et signaler quelques-unes des causes de cette plaie des gouvernemens modernes, avec les moyens propres à la rendre moins saignante et moins cruelle. » Nous soussignés, nous avons trouvé bons le désir et la pensée de notre ami , et, afin qu’il pût exécuter son dessein nous l'avons prié d’être au Congrès scientifique de Poitiers notre représentant; nous l’avons autorisé à y parler en notre nom ; et nous avons voulu faire les frais de son voyage , au moyen d’une contribution volontaire que plusieurs de nous se sont imposée, suivant leurs moyens. Que Dieu le conduise et l’éclaire (1) ! » Fait à Paris, le 31 août 1834. » (1) Le comité de rédaction, en se conformant aux intentions de la majorité des membres du Congrès, a supprimé la fin du mandat donné à M. Béranger, qui a uniquement trait à la politique, sans aucunement approuver le surplus.de cette ( 301 ) Suivent les signatures, parmi lesquelles on trouve celles d’un assez grand nombre de femmes , celles de deux rédacteurs principaux d’un journal quotidien de Paris, celles de plusieurs hommes de lettres et d’un grand nombre d'ouvriers. M. le président annonce que l’ordre du jour est la suite de la discussion sur l'emploi des troupes aux travaux d'utilité publique. M. Guerry-Champneuf demande la clôture de cette discus- sion, en se fondant sur ce que le gouvernement a pris une détermination qu’il ne convient pas au Congrès de discuter. M. Nau de la Sauvagère. « Il s'agit, non d’eloge ou de critique, mais de l'examen d'avantages ou d’inconvéniens. Le Congrès est bien en droit d’émettre une opinion ; il faut donc continuer la discussion. » M. le général Dubourg se propose de réfuter l'opinion émise par M. le général Demarçay, qu’il regrette de ne voir pas à la séance, — « Le gouvernement, a-t-on dit, n’a pas le droit d'employer les troupes à des travaux publics. Mais son droit d'appeler les jeunes gens au service militaire contre l’étranger, n’est pas tellement limité, qu’il doive, en temps de paix , les laisser exposés à l’oisiveté et à l’immoralité. L'histoire dément une telle restriction , puisqu’elle montre les troupes partout employées pour le service et l’avantage du pays. — Sans doute il vaudrait mieux qu'à l’expiration du temps nécessaire pour l'instruction du soldat , il fût renvoyé dans ses foyers ; mais puisque la chambre des députés n’a pas prononcé sur.ce sujet, puisque le militaire instruit reste sous le drapeau , il faut l’oc- cuper à des travaux utiles, l’arracher aux habitudes vicieuses dela caserne, L’instruction militaire , -d’ailleurs , peut être ac- quise en quelques mois. Beaucoup de soldats savent les états de serrurier, de menuisier : 1l faut utiliser leurs bras. Ceux: qui ignorent toute profession remueraient de:la terre sous la con- duite de sous-oficiers. » pièce, ni reconnaître que des individus, non appelés à un Congrès scientifique , aient le, droit d'y envoyer un délégué. ( 302 ) L’orateur présente quelques observations critiques relatives au règlement du ministre de la guerre ; il pense que la haute paye attribuée aux soïdats travailleurs doit être employée en partie à leur procurer une nourriture plus abondante et plus substantielle , et que le reste doit leur être remis seulement à l’époque de leur congé. « On a présenté , continue-t-il , le campement comme nui- sible à la santé des soldats. Cette objection est bien faible dans un pays dont les armées ont visité tour à tour Madrid et Mos- cou , et ont acquis trop de gloire peut-être par des conquêtes faites au prix de tant de fatigues. La nation serait-elle donc dégénérée ? Non sans aucun doute. Tous nos soldats ne sont pas fils de pairs de France; ils sont habitués de longue-main à la fatigue, et ne la redoutent pas. Jamais nos armées ne jouirent d’une santé meilleure que dans les marches forcées; elles bra- vaient les plus mauvais temps , éprouvaient toutes les priva- tions. — La mesure proposée susciterait , dit-on, des mur- mures. Il faut le dire , peut-être une des habitudes de notre nation, c’est de murmurer : mais après tout on obéit, et c’est là l'essentiel. D'ailleurs un chef qui a su prendre sur ses soldats l’ascendant qu’il doit avoir, sait toujours bien se faire obéir.— L'exemple cité de l’Angleterre ne prouve rien, puisque son armée n’est que de 30,000 hommes au plus. D'ailleurs elle em- ploie des soldats à des travaux dans ses colonies : en ce moment la garnison d’'Halifax ( Nouvelle-Ecosse) est occupée à faire une route. » M. le vicomte de Lastic-Saint-Jal (de Niort) ne veut pas examiner la question par rapport seulement aux départemens de l'Ouest, parce que ce serait rendre la discussion politique , et peut-être irritante. C’est de plus haut et de plus loin qu’elle veut être envisagée par des hommes éclairés qui , dégagés de toute passion, consacrent leurs lumières et leurs pensées au bien-être et à l'amélioration sociale de toute la France. « L’em- ploi des troupes aux travaux publics lui semble contraire , 1° aux intérêts de l'Etat ; 2° à ceux des contribuables ; 3° aux intérêts de la classe ouvrière et indigente ; 4° attentatoire aux ( 303 ) droits et à la liberté des citoyens ; 5° dangereux pour la santé et la vie des soldats ; 6o enfin , inexécutable. » Le premier besoin d’un Etat est d’avoir une armée bien exercée , bien disciplinée , toujours prête à voler à son secours dans quelque circonstance que ce soit. Or une armée répartie par fractions , occupée de travaux grossiers, pénibles et pro- longés , ne perdra-t-elle pas de cette prestesse, de cette pré- cision nécessaires pour les manœuvres? La discipline ne s’é- nervera-t-elle point par cette séparation d'individus destinés à marcher comme un seul homme à la voix d’un chef unique ? On a dit que l’oisiveté des garnisons contribuait à la corrup- tion du soldat. D'abord , la majeure partie de la journée est absorbée par des exercices variés et successifs. Mais aux champs, le soldat apportera ses inclinations de débauche, il cherchera à séduire des filles , des femmes , jusque-là vertueuses : il par- viendra à propager le mal dans les campagnes , sans que son intensité diminue dans les villes. — Des jalousies entre les corps militaires surgiront de toutes parts. La cavalerie, par exemple , exceptée de la mesure , deviendra la partie privi- légiée de l’armée ; l'infanterie seule sera condamnée aux tra- vaux forcés. De là, des haines qui entraîneront des désordres À des collisions , des malheurs irréparables peut-être. » L'armée absorbe une forte part du budget ; sa réduction deviendra désormais impossible , et il faudra une haute paye à l'officier, un nouvel équipement au soldat : nous savons ce que coûtent les fournitures de ce genre ; il faudra aussi des outils et instrumens qui d'ordinaire sont à la charge des en- trepreneurs. Je ne fais qu’indiquer ces points si bien dévelop- pés hier par M. le général Demarçay. Qui donc supportera cet énorme surcroît de dépense ? Les contribuables. » Tous les esprits s’occupent d'améliorer le sort de la classe indigente, de celle si intéressante des ouvriers : il faut leur laisser des travaux à exécuter. J’ai vu les canaux construits en Bretagne pour rendre navigables l’Oust et le Blavet , exécutés en partie par des émigrans accourus de diverses provinces du centre. Pendant la campagne ils économisaient de quoi sub- ( 304 ) venir à l’existence de leurs familles durant la saison rigoureuse. Et jamais je n’ai appris , ainsi qu'il a été dit hier , que les ou- vriers étrangers au Morbihan se soient transformés en brigands : je n’en ai jamais vu un seul traîné devant les tribunaux. — Les ouvriers , a-t-on dit, se reporteront sur l’agriculture; mais ce ne sont pas les bras qui lui manquent, c’est l’argent , indis- pensable aux défrichemens des landes, au dessèchement des marais. » Ou l’on augmentera les rations de vivres , et voilà de nouvelles dépenses ; ou-elles resteront ce qu’elles sont , et des maladies surviendront en grand nombre. La conquête d’Alger fournit une preuve récente de l’insalubrité des camps pendant la nuit. Et c’est harassé , mouillé par la sueur ou par la pluie, que le soldat travailleur rentrera sous la tente. Auprès de chaque chantier il faudra établir une ambulance considérable. Rappelons-nous l’aquéduc Maintenon et les milliers desoldats qu'il dévora, » Hier , il a été dit que si les Romains avaient exécuté d’im- menses travaux , c'était pendant un campement de longues années , nécessité par l’obligation d’être là pour maintenir les populations conquises. Aux yeux de quelques-uns , les habitans de l'Ouest seraient-ils done assimilés aux Gaulois ? — Les devoirs de l’armée sont tracés , ses droits aussi sont écrits , ils existent, et je maintiens que c’est porter atteinte à la liberté des citoyens que de les condamner arbitrairement aux car- rières. En France, l’armée se compose d'hommes pris in- distinctement dans toutes les classes , dans tous les rangs de la société. IL faudra donc transformer en pionniers et en ter- rassiers les conscrits des villes, étrangers à ce genre de tra- vaux. Ce serait ajouter à la charge du devoir , une charge bien plus onéreuse pour eux que pour ceux des campagnes. » M. Bourgnon de Layre (de Poitiers), vu l'absence de M. Demarçay, dont il s'était préparé à réfuter l'opinion , se borne à exposer le principe constitutionnel qui domine même les considérations de moralité et d'économie. Ce principe, c’est qu'avant d'être appelé sous les drapeaux, le soldat est enfant ( 305 ) de la patrie , et qu'après son licenciement il devient citoyen, qualité qu’il doit avoir méritée par son service même. Or le travail est le moyen puissant de le maintenir incessamment dans les devoirs que lui imposera le beau titre de citoyen. M. Barbault de la Motte (de Poitiers) signale quatre inconvé- niens principaux qui résulteront du projet. « Un grand nombre de jeunes gens ont des habitudes et un état de constitution qui les éloignent des travaux pénibles, Toute l'infanterie deviendrait pionnière , subissant la peine employée contre les indisciplinés : l’armée se croira avilie. — On fournira aux tra- vailleurs d’autres habillemens , mais ce supplément sera insuf- fisant, etla dépense de son entretien s’accroîtra beaucoup pour le budget. Il 1’y a qu'une certaine quantité de travail ; ce que l’on fera exécuter par le soldat, sera autant d’enlevé à la classe qui ne peut vivre que par le travail. — Toujours les ouvrages entrepris aux frais de l'Etat sont les plus coûteux. Et il faudra façonner des outils, construire des chariots ! Combien d’in- strumens brisés ! Ce seront autant de bonnes fortunes pour les fournitures scandaleuses ! » M. Brochain (de Poitiers), tout en se prononçant contre la permanence des armées , vote pour l'emploi des troupes aux travaux d’utilité publique. « Le soldat est retenu 7 ans au service, et 2 années lui suffisent bien pour s’instruire. Que faire le reste du temps , si ce n’est de s’abandonner au vice? Dans un corps débile il peut y avoir une volonté puissante , jamais dans un être corrompu. — Cependant les travaux publics sont une tâche imposée à l’armée : une simple ordonnance ne peut la prescrire , il faut une loi. Avec un gouvernement constitu- tionnel , refuser d’obéir à une mesure adoptée par les repré- sentans élus de la nation, ce serait refuser de s’obéir à soi-même. IL est possible que des sociétés d'entrepreneurs exécutent avec plus d'économie les ouvrages ; mais l'intérêt en présence de la morale ne peut jamais prévaloir, et c’est de mora- lité qu’il s’agit. Nous ne sommes plus au temps où le soldat de la révolution ou de l’empire , rentrant mutilé , honoré dans ses foyers, y propageait Les sentimens généreux : à présent c’est 59 ( 306 ) usé par 7 ans d’immoralité ou au moins d’oisiveté que le soldat retourne auprès des siens.—A cause des inconvénieus du passage subit d’une vie désœuvrée à un travail actif et pénible , il fau- drait établir une sage graduation. On ne prit aucune précaution sous Louis XIV : aussi l'exemple de l’aquéduc si meurtrier de Maintenon n’est pas à citer. Quant aux Romains , leurs soldats, toujours sous le coup de la discipline, étaient retenus dans un même campement pendant plusieurs années. » La clôture est demandée. M. Guépin ( de Nantes) s’y oppose, la question n'étant pas encore assez examinée. —« Déjà, dit:il, le gouvernement a de grands ateliers , et je puis aflirmer que nulle part on ne produit aussi bien et à meilleur marché. Pourquoi n’en organiserait-il pas d’autres sur une plus vaste échelle ? Voyez ceux d’Indret. On y confectionne tout bien et à bas prix ; les machines qui en sortent sont égales ou presque égales à celles de l'Angleterre. Et sûrement il y a toute possi- bilité pour créer dans l’armée un corps de travailleurs. Alors on n'aurait plus à objecter que l’homme militaire serait froissé. L’impôt du sang est le plus grave sans doute, mais il y a aussi l'impôt du travail. Il ne faut plus que le soldat se croie une machine à fusil. Dans ce corps de travailleurs , il y aurait des troupes de menuisiers , de serruriers, etc. Ce corps de mili- taires-ouvriers serait hiérarchisé, et précisément il le serait par le travail même. Un pont est à construire : viennent les compagnies de pionniers, de terrassiers, de maçons, etc. ; viennent aussi les musiciens afin de poétiser le travail. — Certes l'esprit d’opposition perdrait de son activité , s’affaiblirait , si l’on comprenait bien ce que peut être l’organisation en corps des travailleurs. Le règlement ministériel qui paraît n’est point parfait; un de ses défauts, c’est de laisser le soldat sous le. commandement de chefs souvent moins aptes que lui pour le travail. Dans l’enrégimentation, au contraire , les plus ha- biles seraient les conducteurs, et les meilleurs ouvriers sont aussi les plus moraux. » Les soldats dans les campagnes ne porteraient pas plus d’im- moralité qu'il y en a : laissés dans les villes , ils contractent plus (307) aisément les habitudes du vice. La moralité manque partout, il est trop vrai, mais c’est à cause du manque général d'éducation. — On appellerait concurremment les indigens à la confection des travaux publics : la classe des ouvriers n’en souffrirait donc pas de préjudice. La concurrence doit être le principe de ces entreprises. La restauration n’en voulut pas ; toutefois on doit reconnaître que plusieurs de ses travaux ont été bien exécutés, et dans un grand but d'utilité, par exemple le canal de Bretagne. — On a objecté l'hiver, le mauvais temps auquel le soldat serait exposé. C’est encore un motif pour l’enré- gimentation ; car des hommes de science veilleront mieux à sa santé. Le contact de l’ouvrier avec l’ouvrier ; sans autre but que la tâche et le salaire , sert souvent l'immoralité plutôt que l'émulation : pour ces hommes aussi l’enrégimentation de- viendrait un bienfait. » M. Béranger. « Avant la clôture , qu’il me soit permis, à moi qui ai été ouvrier , de répondre à ceux qui ont objecté que les travaux sur les routes seraient une aggravation des fatigues de la vie militaire. Visitez l'atelier souvent obscur et humide, à l'air bientôt vicié, et où la contraction obligée du corps est la première peine. Il est des sortes d’états qui contraignent l’ou- vrier à rester quelquefois jusqu’à i7 heures par jour dans la même position. Le campement, en pleine campagne, serait pour lui comme un lieu de délices. » M. le président pose ainsi la proposition : Le Congrès est d'avis qu’il y a plus d'avantage que d’inconvénient dans l'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les travaux des routes. Cette proposition est adoptée par la section , à la majorité de 31 voix contre 10. SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Nicias Gairrarp ( de Poitiers ). La séance est ouverte à 8 heureset demie. M. Le Brun donne. lecture d’une partie du procès-verbal qui est adoptée. ( 308 ) Une difficulté s’élève sur la manière dont a été posée hier ka proposition de M. Guépin. Cette proposition paraît, à plu- sieurs membres, conçue d’une manière trop générale , parce qu’il semblerait en résulter que M. Guépin étend son organi- sation de corps de travailleurs, non-seulement à l’armée, mais encore à tous les ouvriers. M. Hunault de la Peltrie ( d'Angers ) fait observer que ce serait résoudre ainsi indirectement une question d’organisation sociale de la plus haute gravité ; ce que la section n’a pas eu l'intention de faire, puisqu'il ne s’agissait que de l'emploi de l'armée aux travaux publics. M. Guépin formule de nouveau sa proposition en la restrei- gnant aux militaires. On décide que la proposition sera discutée à son tour. L'ordre du jour est la discussion de la question suivante : Déterminer quels ont été les résultats de la suppression , dans cer- taines localités, des tours placés à l'entrée des hospices , pour recevoir les enfans abandonnés ? M. l'abbé Gaillard ( de Poitiers } annonce qu’il examinera d’abord la question sous ses rapports physiques. Il soutient en fait que la suppression des tours dans plusieurs localités a aug- menté la mortalité des enfans exposés. IL cite à l’appui de sa proposition les détails statistiques suivans : « Les tours d'arrondissement ont été supprimés dans le dé- partement de la Vienne, à dater du 1°" janvier de cette année. Pendant les mois de janvier, février et mars , sur 71 enfans qui ont été exposés , 22 sont morts ; depuis le 1° janvier jus- qu'au 10 septembre , 139 ont été exposés, et 52 sont morts. Si je prends les 3 années 1830, 1832 et 1933 , je trouve que terme moyen , sur 146 expositions il y a eu 17 morts. Donc la mesure qui vient d’être prise a augmenté des deux tiers la mortalité des enfans trouvés. » Si maintenant on examine le terme moyen de la vie de ces enfans, on trouve qu'il est de 7 jours pour les 22 qui sont morts cette année ; tandis que la vie moyenne des 146 morts ( 309 ) dans les années précédentes, était de 10 ou r1 jours. Il y a donc eu aussi diminution de la vie moyenne. » La raison en est bien simple: c’est que les enfans sont apportés de très-loin, qu’ils souffrent beaucoup en route, sur- tout dans la saison rigoureuse ; quelques-uns sont apportés demi mourans. D'un autre côté, le nombre des enfans exposés dans le tour unique de Poitièrs , étant beaucoup plus considé- rable qu'auparavant , le nombre des nourrices devient insufli- sant ; la modicité du prix qu’on leur alloue en éloigne un grand nombre, de telle sorte que plusieurs enfans meurent par défaut de nourrice. On est aussi obligé d’accepter toutes les nourrices qui se présentent, ce qui compromet souvent la santé des enfans. » Il est un autre inconvénient non moins grand, c’est l’aug- mentation des infanticides; un magistrat de la Cour m’assure que leurnombre est augmenté cette année. Il est triste de le dire, mais c’est un fait prouvé par la statistique, le département de la Vienne est le premier pour le grand nombre des infanticides. » La fermeture des tours empêchera--t-elle la naissance des enfans naturels? Non, certainement; dans les pays où il n’y a pas de tours , il y a bien moins d’enfans exposés , mais il y a autant d’enfans naturels. Dans les pays protestans, par exemple, leur nombre est considérable ; ainsi, en Prusse on en compte 76 sur mille, tandis qu’en France il n’y en a que 69, et à Naples 48. ( Annales d'hyg. publ. , n° 32.) » Plusieurs causes concourent à augmenter le nombre des enfans exposés. Il y a des départemens où l’on tient beaucoup à l'honneur ; le nombre des enfans exposés y est très-considé- rable. C’est ainsi qu’à Poitiers , en 1826 , sur 119 enfans na- turels il y a eu r19 expositions. Depuis 1825 jusqu’à 1829, sur 660 enfans naturels il y a eu 626 expositions. À Strasbourg, au contraire, où il existe un grand nombre de filles mères , on n’attache pas une aussi grande idée de déshonneur à cet état, et les expositions sont moins fréquentes. » La seconde cause est la pauvreté. Dans notre département, où il n’y a que peu de trayaux industriels , une fille serait fort (310 ) embarrassée pour nourrir son enfant; elle n’aurait d'autre res- source que de se livrer à la mendicité. Si elle le gardait auprès d’elle , tout le monde connaïtrait sa faute , et elle serait plus exposée à de nouvelles séductions. Que les tours soient sup- primés , et cette fille tuera son enfant. A Cholet , où les tours n’ont jamais existé , il y a un véritable massacre d’enfans. » Ainsi, je suis opposé à la suppréssion des tours, parce qu’elle augmente la mortalité des enfans, empêche de trouver des nourrices, expose aux infanticides, livre à la mendicité etau va- gabondage les enfans gardés par leurs mères. Le moyen de dimi- nuer le nombre des enfans naturels n’est pas la suppression des tours, mais la propagation des idées religieuses. IL me serait facile de prouver par des chiffres que dans des paroisses très- nombreuses où la religion est honorée et observée, il n’ya point ou il n’y a que très-peu d’enfans naturels. Enfin il ne faut pas oublier, lorsqu'on se plaint de l’augmentation du nombre des enfans naturels , qu’elle est une suite nécessaire de l’augmen- tation de la population. » M. Boncenne ( de Poitiers). « Une raison particulière me détermine à prendre la parole. Il convient à un membre du Conseil général de la Vienne, dont on vient d’attaquer la réso- lution, de prouver que cette résolution a été prise après de mûres considérations , et que l'essai que l’on a fait de la sup- pression des tours d'arrondissement n’a pas produit les résultats désastreux qu’on lui attribue. » L'orateur, avant d’entrer dans la discussion de la question, jette un coup d'œil sur l’histoire de la législation relative aux enfans trouvés. « L'empereur Valentinien imposait aux parens l'obligation de nourrir leurs enfans. Unusquisque sobolem suam nutriat, quod si exponendam putaverit , animadversioni quæ constituta est subjacebit. Necare videtur non solüm is qui partum perfocat , sed is qui publicis locis exposuit. » Ces principes furent long-temps en vigueur. Ce fut en 1204, pour la première fois, que le fils d’un comte de Montpellier institua l’hôpital du Saint-Esprit destiné à recevoir les enfans trouvés. En 1445, Charles VII rendit une ordonnance portant ( 311 ) que l’hospice du Saint-Esprit, à Paris , ne devait servir qu’aux orphelins légitimes ; on quêtait à la porte de la cathédrale pour les enfans trouvés. Les motifs de l'ordonnance de Charles VII sont fort remarquables ; il y est dit que si l’on obligeait l'hôpital à recevoir les enfans trouvés il ÿy en aurait trop, « parce que moult de gens feroient moins de difficultés de eux » abandonner à pescher, quand ils verroient que tels enfans » bâtards seroient nourris et qu’ils n’en auroient ni charge » ni sollicitude. » » En 1552, un arrêt du Conseil chargea les seigneurs du soin des enfans trouvés ; mais c'était pour eux une charge fort lourde ; ils n’exécutèrent pas les obligations qui leur étaient imposées. Les enfans étaient abandonnés et périssaient en grand nombre, lorsque saint Vincent de Paule réchauffa la charité publique par son éloquence toute chrétienne et parvint à fon- der de nouveaux hospices ; mais saint Vincent de Paule , tout en cédant à une juste compassion , n’aurait certainement pas voulu adopter des mesures qui n'auraient eu d’autre résultat que de favoriser et d'augmenter les abus : car il ne s’agit au- jourd’hui que de savoir si l'intérêt de la société , Si le ména- gement qu'on doit aux deniers des contribuables n’exigent pas que l’on cherche un moyen de supprimer les facilités lais- sées à beaucoup de personnes de se procurer les jouissances physiques du mariage en se débarrassant des enfans. » Un décret du 25 frimaire an vn portait que les enfans naturels seraient recus dans tous les hospices et élevés aux frais du gouvernement ; mais les abus toujours croissans mo- _ tivèrent le décret du 18 janvier 1811. Ce décret distingue les enfans trouvés, les enfans abandonnés, les orphelins pauvres. Les enfans trouvés sont ceux qui, nés de pères ou de mères inconnus, ont été trouvés exposés dans un lieu quelconque , ou portés dans les hospices destinés à les recevoir. Les enfans abandonnés sont ceux qui, nés de pères ou de mères connus, et d’abord élevés par eux ou par d’autres personnes à leur dé- charge, en sont délaissés sans qu'on sache ce que les pères et mères sont devenus, ou sans qu’on puisse recourir à eux. (312) Les orphelins sont ceux qui, n'ayant ni pères ni mères , n’ont aucun moyen d'existence (1). » Les enfans trouvés sont mis à la charge du gouvernement et du département tout ensemble. On distingue les dépenses intérieures et les dépenses extérieures : les dépenses intérieures, c’est-à-dire celles de layette et entretien, etc., sont à la charge des hospices ; les dépenses extérieures , dans lesquelles sont compris les frais de nourrice , sont à la charge du gou- vernement et subsidiairement des hospices. 4,000,000 francs sont consacrés à ces dépenses ; maïs les revenus des hospices et ces {,000,000 fr. sont devenus insuffisans à cause de l’ac- croissement du nombre des enfans trouvés, et parce que des gens mariés portent leurs enfans aux hôpitaux. Il a fallu avoir recours aux centimes facultatifs. Tel a été l’accroissement des dépenses pour le département de la Vienne , qu'il y a sept ou huit ans elle n’excédait pas 30,000 fr. , tandis que cette année on lui a consacré 62,000 fr. » Le conseil général , touché du sort des enfans trouvés et désirant aussi ménager l'argent des contribuables , a recher- ché les moyens de diminuer les dépenses sans s’écarter de la charité chrétienne. IL s’est entouré de tous les renseignemens; il a consuité entr’autres le prospectus de M. de Gouroff, Français au service de la Russie, Ce prospectus , qui contient le résumé d’un ouvrage plus considérable qu’il annonce et qui n’a pas encore été publié , établit en fait qu’il ’y a d’hospices à tours que dans les pays catholiques, qu'il n’y en a pas dans les pays protestans, où cependant l’on ne voit pas que leur absence ait des inconvéniens. En 1756, le parlement de Londres avait ouvert des hospices à tours ; quatre ans après il les supprima, et aujourd’hui les enfans sont élevés par leurs père et mère , et ils sont reçus ensuite dans des maisons de travail. Voilà quelle est en Angleterre la charité nationale. IL en résulte qu’à Londres où la population est de 1,250,000 âmes, il n’y a eu, depuis 1819 jusqu’en 1824, que 151 enfans ex- (x) Déeret du 19 janv., art. 1 ,2, 56. ( 313 ) posés; à Paris, où la population n’est que de 800,000 âmes, le nombre des enfans exposés dans le même temps a été de 25,277. Il n'y avait pas de tours à Mayence avant 1811; depuis 1789 jusqu’à cette époque 30 enfans ont été exposés. Napo- léon y fonda un tour; il avait ses raisons pour cela, car la loi mettait les enfans trouvés à la disposition de l'État, dès l'âge de 12 ans. Ce tour fut ouvert le 7 novembre 1811 jus- qu’en 1815, que le grand-duc de Hesse-Darmstadt le ferma. Pendant cet intervalle de trois ans 716 enfans ont été exposés. Voilà des faits que personne n’a contestés. La conséquence de ces faits est que l'existence des tours augmente le nombre des expositions. » On a objecté au système adopté.par le conseil général de la Vienne , l'augmentation de la mortalité. Il est reconnu que la mortalité est bien plus grande parmi les enfans élevés dans les hospices, que parmi les enfans élevés par leurs père et mère. Les causes nécessaires de cette mortalité sont faciles à signaler. Lorsqu'une malheureuse fille est en- ceinte, elle ne soigne pas sa santé comme le ferait une femme , heureuse d’être mère ; elle cherche à dissimuler son état par des vêtemens serrés; quelquefois même, ce qui est affreux , mais ce qui n’est que trop fréquent , elle prend, pour se procurer l'avortement, des drogues qui produisent toujours des effets funestes pour elle et pour son enfant. Des ouvrières , des domestiques se livrent habituellement à des travaux pénibles. Il n’est donc pas étonnant que la mortalité des enfans qui ont souffert dans le sein de leur mère soit aussi considérable. » On a dit que l'augmentation de la mortalité provenait de la fatigue, du froid , du voyage. Je ne fais ici qu'émettre l’opinion des médecins que nous avons consultés: ils ont déclaré que la fati- gue ne devrait faire périr les enfans que dans Le premier ou dans le second jour de leur arrivée; or, la plus grande partie de ces enfans sont morts après quinze jours, trois semaines, et jusqu’à trois mois; ce n’est donc pas la fatigue qui les a tués. Qui ne sait d’ailleurs que les enfans nés à Paris sont très-souvent trans- 40 (314) portés à des distances de 20 , 30 , 40 lieues? Il y a bien moins loin des extrémités du département à Poitiers. Il y a d’ailleurs des moyens commodes de les apporter ; et, à ce sujet, je vous demande la permission de citer un fait qui nous a été révélé au conseil général par l’un de ses membres , et qui prouve l'abus que l’on fait des tours. » Dans ia voiture publique qui menait M. M... de Mont- morillon à Poitiers, se trouvait une femme qui conduisait à l’hospice un enfant nouveau-né ; elle dit aux voyageurs qui l’entouraient que la mère de cet enfant était domestique, que son père était aussi domestique dans la mème maison ; que leur maîtresse, qui était contente de leurs services, ne voulait pas qu'ils se mariassent , et qu’elle ne voulait pas non plus garder l'enfant qui l’embarrassait ; c’est par cette raison qu’on l’en- voyait à l’hospice, et c’est ainsi, Messieurs, que les fonds du gouvernement et des départemens servent à favoriser de honteuses spéculations. » Revenant à l’objection, je dois dire que le conseil général a pourvu à ce que la santé des enfans apportés de loin ne souf- frit pas; il a fait des fonds pour qu'il y eût à demeure, à l’hospice, quatre nourrices toujours prêtes à donner le sein aux enfans, et à satisfaire à leurs premiers besoins jusqu’au moment où ils seront placés en nourrice à la campagne. » On a prétendu que le nombre des infanticides serait augmenté. Cette objection tombe devant un fait: à Givray il n’y a jamais eu de tour , et cependant si vous consultez les ar- chives criminelles de la Cour de Poitiers, vous verrez que l’ar- rondissement de Civray est un de ceux qui produisent le moins de ces sortes de crimes. Je sais que l’on allègue que les enfans naturels de Civray sont portés à Montmorillon. C’est d’abord un fait douteux ; mais, en l’admettant comme prouvé, il en résulterait toujours que l’obligation de porter les enfans dans un arrondissement voisin, ne donne pas lieu à des infan- ticides. C’est aussi ce que confirment tous les résultats de la statistique. L'exposition d’ailleurs n’a-t-elle pas aussi ses dangers ? On a vu des individus qui apportaient des enfans , (315) oublier de tirer la cloche du tour, et des enfans laissés là péris- saient avant d’être admis dans l’hospice. » Je viens de prouver que la mesure adoptée par le conseil général n’a pas d’inconvéniens, il faut maintenant parler de ses avantages. Le premier sera de réprimer des abus qui cho- quent la morale et la religion, et qui sont funestes à l'Etat. Il arrive fréquemment qu’une femme mariée expose son enfant , vient ensuite se proposer pour nourrice, et reçoit un salaire pour remplir une obligation que la nature lui im- pose. À Châtellerault, où il n’y avait pas de tour, les enfans étaient présentés à l’hospice avec un billet d'entrée du maire : c'était là méconnaître complètement l'esprit de l'institution. Dernièrement un maire, dans l'arrondissement duquel les tours ont été supprimés , écrivait au préfet de ce département qu'il le priait de suspendre l’exécution de la mesure, jusqu’à ce qu’une jeune fille de sa commune qui était enceinte , fût ac- couchée , parce qu’il lui avait promis de placer son enfant dans l’hospice. » Voulez-vous voir maintenant les bons effets de la suppression des tours? Voici un fait positif: dans la ville de Châtellerault , dont je parlais tout à l'heure , une fille venait d’accoucher ; elle était décidée à mettre son enfant à l’hospice : lorsqu’elle sut qu’elle ne pouvait le placer à Châtellerault, et qu’elle serait obligée de se séparer de son enfant , elle ne voulut pas y consentir ; elle le garda pour l’élever. » IL est important , Messieurs, de faire passer dans l’économie sociale ce principe de morale, qu’une mère doit toujours nourrir son enfant. Nous devons donc adopter tout ce qui peut tendre à rendre l'exposition difficile. Il importe que ce faux sentiment d'honneur dont on a parlé soit détruit, et qu’on attache du déshonneur plutôt à l'exposition , qu’à l’éducation d’un enfant naturel. » Le moyen que nous avons indiqué n’est pas le seul; il en est, un autre qui déjà a été employé avec succès. On s’est aperçu, comme je le disais tout à l'heure , que des femmes mariées, ou. non, déposaient leurs enfans à l’hospice pour les reprendre. (316) ensuite en qualité de nourrices, et pour les élever aux frais de l'Etat. En 1829, on proposa , afin de faire cessér cet abus, de transporter les enfans dans un département voisin, et de prendre ceux de ce département en échange. Cette mesure eut un grand succès ; les expositions diminuèrent de moitié. Mais des obstacles nombreux s’élevèrent; de toutes parts on jeta les hauts cris : on dit que cela faisait de la peine aux nourrices qui avaient déjà reçu les enfans ; on dit aussi que nous avions envoyé des enfans sains, et que ceux qu’on nous avait donnés en échange étaient rachitiques et malsains. La règle qui avait déjà produit de si bons résuitats fut abandonnée. On pourrait la ré- tablir aujourd’hui , et elle concourrait, avec la suppression des tours d'arrondissement, à diminuer le nombre des expositions. » M. Boncenne termine son improvisation en exprimant le vœu que les communes soient obligées de participer aux dé- penses des enfans trouvés , avec l'Etat et les départemens. « Les communes alors seraient intéressées à ce qu’il y en ait moins; une surveillance plus exacte serait exercée , et la morale pu- blique y gagnerait. » SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834, AU SOIR. Présidence de M. Nicias GaicLar» (de Poitiers ). M. Bouriaud lit les observations suivantes : Comme administrateur des hôpitaux de Poitiers, comme tuteur des enfans trouvés, je croirais manquer à mes devoirs si, oubliant mon insuffisance, je ne réclamais pas la parole pour présenter quelques observations sur la question importante qui vous est soumise. M: Boncenne vous a dit avec raison qu’il fallait distinguer les enfans irouvés des enfans abandonnés ; il vous a dit que les enfans trouvés étaient ceux qui, nés de pères et de mères inconnus, ont été trouvés exposés dans un lieu quelconque, ou portés dans les hospices destinés à les recevoir. Les enfans abandonnés, au contraire, sont ceux qui, nés de pères et de mères connus, et d’abord élevés par eux ou par d’autres personnes , à leur décharge , en sont délaissés sans qu’on sache ce que les pères et mères sont devenus ou sans qu’on puisse recourir à eux. Cette classification , qui résulte du décret du 19 janvier 1811, (317) établit, entre les enfans trouvés et abandonnés , un mode différent d'admission dans les hospices ; aussi, comme la question à traiter ne peut concerner que les enfans trouvés , il me semblerait rationnel de la formuler en ces termes : « Déterminer quels ont été les résultats de la suppression des tours placés à l'entrée des hospices pour recevoir les enfans trouvés, suppression qui a eu lieu dans certaines localités. » La réunion de faits particuliers pouvant contribuer à fixer votre opinion sur les avantages ou sur les inconvéniens de la suppression des tours d'exposition, je crois devoir vous faire connaître quels ont été les résultats de cette mesure dans le département de la Vienne. Elle a été funeste aux malheureux enfans, sans qu’on ait atteint le but qu'on s'était proposé : c’est une vérité que je désire pouvoir vous démontrer; puissé-je vous faire partager ma conviction, et atténuer dans vos esprits l'impression qu'a dû y produire le savant orateur auquel j'ai l'honneur de répondre! Jusqu'au commencement du xvue siècle, les enfans abandonnés étaient exposés dans les rues et sur les places publiques ; on en faisait un objet de commerce, on les vendait à des mendians qui les ache- taient pour les faire servir à exciter la commisération des passans ; le prix de ces enfans était fixé à vingt sous. Enfin , en 1638, Vincent de Paule, si justement appelé le père des malheureux, parvint à faire cesser cet abominable trafic. Des maisons charitables furent établies par les soins de cet ami de l'humanité, peu à peu le sort de ces enfans infor- tunés s’améliora , et, pour éviter le danger des expositions sur la voie publique , on établit devant les portes des églises des coquilles en marbre où l’on placait les enfans qu’on voulait exposer. Plus tard, les tours d’exposition ont remplacé ces coquilles qui ne garantissaient pas les enfans de l’intempéric des saisons. Enfin, au xvue siècle, le sort des enfans trouvés n’avait plus rien de semblable à ce qu’il avait été dans les siècles antérieurs ; tout semblait leur promettre appui et pro- tection ; on les désigna sous le nom d’enfans de la patrie, et les lois des 27 frimaire et 30 ventôse an v attestent l’intérêt puissant qui s’atta- chait à eux. Pourquoi ces sentimens de charité et d'humanité n’existe- raient-ils donc pas au xixe siècle? En proposant la fermeture des tours dans plusieurs arrondissemens, le conseil général de la Vienne (on vous l’a dit) a voulu faire un essaë pour arriver à des économies qui lui semblaient indispensables. En rendant une justice méritée aux membres de ce conseil, je sens combien il leur à été pénible d’être forcés à adopter une semblable mesure , je sens quelle violence ont dû se faire des pères de famille pour voter un essai qui nécessairement compromettait l'existence de malheureux en- (318) fans. Mais la nécessité commandait cet énorme sacrifice, il a fallu Jui obéir, et nous devons plutôt plaindre que blâmer ceux qui ont été obligés de s’y soumettre. Le seul tour de Poitiers a donc été conservé; qu’est-il résulté de cette décision dont l’exécution n’a eu lieu qu’au 1+ janvier 1834? Ici, Messieurs, les chiffres me fourniront des argumens irrésistibles contre la fermeture des tours d'exposition. En effet, suivant le compte moral de la commission administrative des hospices de Poitiers, depuis 1808 jusqu’à 1833, la moyenne proportionnelle des enfans exposés à l'Hôpi- tal-général s’est élevée à 113 1/25 dans le même espace de temps, c’est- à-dire de 1808 jusqu’à 1833. La mortalité pour les enfans du pre- | garcons comme 1 est à 58. mier âge a été. . . . . . . . .f filles comme 1 est à 19 1/4. Comme la mesure de la réduction des tours dans le département de la Vienne n’a eu d’effet qu’à dater du 1e janvier 1834, et qu'aujourd'hui nous ne sommes encore arrivés qu’au neuvième mois de cette année, je vais vous présenter un tableau comparatif des expositions et de la mortalité des enfans depuis le 1+ janvier jusqu’au 10 septembre inclu- sivement, pendant les années 1832, 1833 et 1834. Du 1+ janvier jusques et y compris le 10 septembre 1832, il a été exposé 99 enfans. Du 1 janvier jusques et y compris le 10 septembre 1832, il est mort 14 enfans. Du 1« janvier jusques et y compris le 10 septembre 1833, il a été exposé 83 enfans. Du 1er janvier jusques et y compris le 10 septembre 1833, il est mort 18 enfans. Du je janvier jusques et y compris le 10 septembre 1834 , il a été exposé 139 enfans. Du 1er janvier jusques et y compris le 10 septembre 1834, il est mort >? enfans. Il résulte de ce tableau, extrait fidèle du registre des expositions et de celui des décès, que, lorsque tous les tours du département étaient ouverts, la moyenne des expositions était de 91 enfans, et la moyenne de la mortalité de 16 enfans ; tandis que, dans le même espace de temps, depuis qu’un seul tour existe dans le département , le nombre des ex- positions est augmenté de plus de moitié, et que la mortalité, au lieu de 1 sur 6, est aujourd’hui presque de 1 sur 2. Le conseil général de la Vienne, en réduisant les tours d’exposition , avait pour but d'arriver à des économies ; mais qu’il me soit permis de révoquer en doute les avantages pécuniaires fondés sur cette mesure; ( 319 ) bien loin de là, si elle est maintenue, non-seulement le nombre des expositions ne diminuera pas, mais encore qu’arrivera-t-il de la con- centration des tours dans le seul chef-lieu du département? Les filles- mères, forcées d'exposer leurs enfans à 8, 10 et 15 lieues, ne pouvant fournir aux frais de transport , et ayant, du reste, intérêt à cacher leur honte et leur déshonneur, finiront par faire ces expositions dans un lieu public, voisin de leur habitation. Alors , d’après la loi, le maire de la commune devra constater l'existence des enfans et les fera porter à l'hospice destiné à les recevoir ; ces frais retomberont donc à la charge des communes. Quand bien même des économies seraient pos- sibles, pourraient-elles jamais balancer le résultat moral de la conser- vation de nos semblables ! Avant l'existence des tours, l’infanticide comptait de nombreuses victimes, c’est un fait positif. Cependant on vous a dit qu’à Civray, sous-préfecture de la Vienne, les infanticides sont inconnus, et qu’il n’y à jamais existé de tour. Je crois cette assertion exagérée, mais je n'ai point de documens à cet égard. Seulement j'observerai que cet ar- rondissement est le moins populeux de la Vienne, et que, jusqu’au 1: janvier 1834, l’hospice de Montmorillon recevait les enfans trouvés de Civray. On vous a dit que l’effrayante mortalité qui s’est fait remarquer à l’hospice de Poitiers, depuis 1834, ne devait pas être attribuée aux fa- tigues auxquelles les enfans naissans étaient exposés (principalement pendant la nuit) pour arriver au tour unique du département de la Vienne. C’est là une erreur et la suite d’une fausse indication donnée à la dernière session du conseil général. Sur 52 enfans ,; 30 sont morts à l'Hôpital-général et non pas en nourrice, les 1 » 2, 8, 4 et 5me jours de leur exposition, avant même qu’on ait eu le temps de leur procurer une nourrice, Car la difficulté d’en trouver s’augmente au fur et à mesure du nombre toujours croissant des expositions. Dans cette pré- voyance, le conseil général a voulu qu’en 1835 ; Quatre nourrices fus- sent constamment attachées au dépôt; mais, pour fournir à cette dé- pense, il n’a pu voter qu’une somme de 40 fr. pour chaque nourrice. Cette excellente idée ne pourra donc pas recevoir son exécution à cause de l'insuffisance de cette allocation. On vous a dit encore, par suite de renseignemens inexacts, qu’il suflisait de porter à l’hôpital des enfans abondonnés pour qu’ils y fus- sent admis. Mais on ignore donc que l'admission des enfans abandonnés est {oujours subordonnée à l’autorisation des préfets. Un autre abus vous a été signalé : on a prétendu qu’un enfant porté par sa mère à l’hospice de Poitiers y avait été accueilli sans difiiculté, ( 320 ) et que cette admission avait eu lieu au moment même de la dernière réunion du conseil général. Ayant eu connaissance de ce fait, je l'ai vérifié moi-même, et j'ai acquis la certitude qu'aucune exposition n'avait été faite à lPépoque indiquée. Du reste, pour faire cesser le scandale des enfans allaités aux frais de l’État par leurs propres mères, la commission administrative des hôpitaux de Poitiers a rédigé l'ar- ticle 278 de son règlement particulier dans les termes suivans : « Les » nourrices ne peuvent être agréées qu'après avoir justifié de l'existence » ou de la mort de leur enfant dernier né. » Cette mesure peut bien ne pas arrêter la cupidité d’une mère décidée à exposer son enfant, mais, du moins, elle lui ôte tous moyens de l'obtenir comme nour- risson. Une fille qui devient mère, vous a-t-on dit, contracte l'obligation de pourvoir à l'existence de son enfant, rien ne doit la soustraire à ce devoir. Mais cette obligation, ce devoir, peuvent-ils toujours être remplis ? N’est-il pas des exceptions à cette loi naturelle ? Avant toutes choses ne faut-il pas du pain? D’un côté, l'honneur et la réputation ; de l'autre, la misère et le dénûment n’y mettent-ils pas des obstacles invincibles ? Si tous moyens étaient enlevés d'échapper à cette flétris- sure publique, combien de dangers menaceraient ces malheureux en- fans, témoignage vivant de la honte de leurs mères ? Elles vivent seules, sans ressources , abandonnées, c’est là leur punition; c’est aïnsi qu’elles expient, zon pas leur crime, comme on vous l’a dit, mais leur faiblesse. La société et l'humanité doivent donc se réunir pour donner appui et protection à leurs enfans infortunés. On a prétendu que les échanges d’enfans de département à départe- ment avaient produit des résultats avantageux, et que l'échange fait en 1828 dans la Vienne avait diminué de moitié les expositions. Ces résultats avantageux n’ont été que momentanés ; des expositions nou- velles remirent bientôt à la charge de l’État les enfans qu’on avait voulu soustraire à l'échange. Toujours est-il que ces malheureux en- fans furent décimés par suite de cette mesure meurtrière. Quant à la diminution des expositions, c’est une erreur; loin qu’elles aient été réduites à moitié à l’époque de l'échange de 1828 dans le département de la Vienne, je vois, au contraire, peu ou point de variations dans le chiffre des expositions. En effet, à Poitiers, en 1827 il y a eu 143 ex- positions, en 1828 il y ena eu 129, en 1829 il y en a eu 122, et en 1830, 147; et, quand bien même ( ce qui n’est pas) l'échange de 1828 eût produit une diminution dans le nombre des expositions, cette mesure devrait encore être rejetée comme contraire au bien-être des enfans. ( 321 ) Je me hâte de terminer, car cette discussion a quelque chose de pé- nible et d’affligeant. En me résumant , je dirai : la réduction des tours dans le département de la Vienne à été funeste aux enfans, sans appor- ter ni économie dans les dépenses , ni diminution dans le nombre des expositions ; aussi j'estime que, tant dans l'intérêt de l'humanité que dans l'intérêt de la morale, cette mesure ne peut trop tôt être ré- voquée. Néanmoins, comme mes observations ne reposent que sur les ré- sultats de ce qui a eu lieu pendant neuf mois au plus dans les seuls hôpitaux de Poitiers, j'émets le vœu que le gouvernement soit invité à recueillir et à publier tous les renseignemens propres à éclairer cette question si digne de son attention. Enfin, dans ma conviction intime, je ne crains point d'affirmer que le seul et le plus puissant moyen de remédier à cette plaie sociale, c'est de répandre l'instruction morale et religieuse parmi le peuple , endui inspirant l'amour du travail. M. Simon exprime l’affliction profonde que lui cause la discussion d’une question sur laquelle l'humanité ne permet aucun doute. « Maintenant qu’il est prouvé par des détails statistiques que la suppression des tours a été une mesure mortelle à un grand nombre d’enfans, comment peut-on ké- siter à blâmer énergiquement cette suppression ? » On a cité la législation romaine! mais où trouver des lois plus injustes que celles qui assuraient le droit de vie et de mort au maître sur son esclave, au père sur son fils ? Imitons dans la législation des anciens peuples ce que la raison et l’hu- manité avouent , et n’allons pas nous approprier des lois qui révoltent la nature. » La mère doit nourrir son enfant, dit-on, en s’armant d’un axiome de rigoureuse morale. Oui sans doute, mais c’est quand elle peut le nourrir. Jetez les yeux sur la société. Dans les mariages , la femme vaqueaux soins du ménage, elle nourrit, elle élève son enfant, pendant que l’homme , employant uti- lement cette supériorité de forces qu'il a reçue de la nature , gagne à la sueur de son front de quoi faire vivre sa famille. Maïs comment voulez-vous qu’elle se suffise à elle-même et à la malheureuse créature qui vient de naître, cette fille du Pauvre que son séducteur a abandonnée et que le monde re- 41 ( 322 ) pousse? Et cependant elle est moins coupable que nous, qui l’avons trompée! — On cite l'exemple de l’Angleterre; mais nous n'avons pas , nous , la taxe des pauvres. Qu’on fasse qu’il n’y ait plus d’enfans qui aient besoin de la pitié publique, je consentirai à la suppression des tours ; jusque-là, je demande qu'on les conserve. » M. David de Thiais est d’avis de conserver les tours, non pour donner une prime d’encouragement à la corruption, mais parce que cette corruption est un fait actuel que la société est appelée à subir jusqu’à des jours meilleurs. « Il existe un principe sacré que nul homme ne peut répudier sans crime : c’est que tout être qui a reçu la vie doit la conserver. Ce serait un étrange remède à employer contre la corruption, que de con- damner à mort les fruits infortunés de cette corruption, dont ils sont innocens. Puisque cette plaie sociale nous dévore au- jourd’hui, par suite de l’ignorance des masses , de nos longues guerres et des différentes phases de nos révolutions, tâchons , pour le présent, de trouver des procédés qui ne seront , après tout , que des palliatifs. Mais , pour l'avenir, moralisons le peuple, enscignons-lui ses devoirs envers lui-même et la société ; répandons le bien-être dans ses rangs , et le problème sera résolu. » Il est plus de 10 heures , la séance est levée. SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. Nicias GairrarD (de Poitiers ). M. le docteur Guépin donne lecture de la note suivante, ex- traite d’un mémoire que M. Duchätelier , président de la so- ciété d’émulation de Quimper, l’a chargé de remettre au Congrès. « Les enfans trouvés (il s’agit du département du Finis- » tère) s'élèvent jusqu’à 1,600, et leur dépense s’est accrue, » de 1811 à 1831, de 55,600 à 119,000 fr. ; un hospice avec des » expositions s’éleva, de 1797 à 1831, de 12 et 15 à 140. Il est ( 323 ) » constant, d’ailleurs , qu’un tiers environ des enfans exposés » sont des enfans légitimes. Il est constant, d’une autre part, » d’après les comptes officiels de la justice , que le nombre des » infanticides ne diminue point proportionnellement à lélé- » vation des expositions. L'institution des tours doit-elle être » maintenue? Et, pour des infanticides que l’on n'arrête point, » faut-il accorder une prime aux vices qui conduisent les » familles à abandonner leurs enfans ? En résumé, hospices » ordinaires et hospices d’enfans trouvés ne s’entretiennent » qu’à l’aide de prélévations exorbitantes sur les centimes ad- » ditionnels ; c’est du pain et de la paille qu’on doune à ces » malheureux en frappant des contributions , mais d’avenir » point. » M. Guépin déclare partager l’avis de M. Duchâtelier ; il pense qu’il est important de supprimer les tours, la mendicité et plus tard les hospices ; mais que ces suppressions ne doivent avoir lieu que lentement, et lorsque l’état de la société les aura rendues possibles. 11 repousse les raisons tirées du droit romain qui ont servi à appuyer la suppression immédiate, en disant que l’ancienne société ne présente aucun rapport avec la société actuelle. « Le christianisme a posé une pensée nouvelle qui a pris la place de la pensée du paganisme. Une mère doit, sans doute, nourrir son enfant, mais c’est quand elle peut le nourrir , et la société n’a pas le droit de la tenir dans le cas contraire. » On a reproché aux jurés, dit M. Guépin, d’avoir trop d’indulgence ‘pour les infanticides. Cette indulgence est natu- relle; car presque toujours les malheureuses femmes aux- quelles ce crime est reproché ne sont pas les plus coupables. C’est à leurs séducteurs , surtout, que l’on doit adresser les re- proches les plus grands. Quelle est l’histoire de ces femmes ? elles sont d’abord séduites, et c’est trop souvent par des hommes de notre classe, qui les abandonnent ensuite comme les instrumens d’un plaisir satisfait; plongées dans la misère , leur intelligence s’obscurcit, elles perdent les sentimens les plus naturels et commettent un crime dont elles ne comprennent. ( 324 ) pas toujours l’étendue. IL n’est donc pas étonnant qu'on use quelquefois d’indulgence à leur égard ; mais on ne sauraittrop flétrir les séducteurs qui sont les causes premières de ces crimes. » M. Guépin donne incidermmment quelques renseignemens relatifs à l’eflet produit sur les enfans par le froïd. Il pense avec le docteur Edward que le refroidissement étant très-prompt chez eux, il peut arriver souvent qu'ils meurent de froid. Re- prenant ensuite la discussion principale, l’orateur émet cette opinion qu’on doit tendre à la suppression de tous les établis- semens de bienfaisance, non pas en les supprimant brusque- ment , mais en les rendant inutiles; il pense qu’on n’arrivera à ce but que par une organisation sociale qui assurera à tout le monde l'existence physique et l’éducation. « Quels que soient les moyens qu’on emploie, qu'il s’agisse d’associations indus- trielles , de colonies agricoles, ou de tout autre mode plus ap- proprié aux besoins et aux idées d’un pays, peu importe, pourvu que l’avenir et l’éducation de tous soient assurés; alors, mais seulement alors, 6n pourra supprimer les tours. » M. Nicias Gaillard, ne pouvant prendre part à la discussion, croit devoir du moins présenter à la section les renseignemens que lui ont adressés MM. les procureurs du roi des arrondis- semens de Civray, Montmorillon et Loudun. Il n’a point encore reçu ceux qu’il à deraandés à M. le procureur du roi de Châtellerault. « Même avant la suppression votée par le conseil général de la Vienne, il n’y avait point à Civray de tour destiné à recevoir les enfans trouvés. Ces enfans étaient déposés dans le tour de Poitiers ou dans celui de Ruffec ( Charente ). » Depuis Le 1°" janvier 1829 jusqu’au 1° janvier 1834 , il y a eu cing infanticides dans l’arrondissement de Civray, savoir : un en 1829,un en 1830, deux en 1832, un en 1833. Dans le même espace de temps, il y a eu deux expositions, l'une dans un lieu solitaire, Vautre dans un lieu non solitaire. Depuis le 1% janvier 1834 jusqu’au 1° septembre de la même année , il a été commis un infanticide, et deux homicides par imprudence (325 ) ou négligence, d’enfans nouveau-nés. Souvent on est obligé de qualifier ainsi de véritables infanticides. » Dans l'arrondissement de Montmorillon il existait un tour. 28 enfaus y ont été reçus en 1824, 8 en 1825, 11 en 1826, 13 en 1827, 12 en 1828,0 en 1829, 14 en 1830, 9 en 1831, 18 en 1832, 17 en 1833. Depuis le 1° janvier 1829 jusqu’au 1er janvier 1834 , cinq infanticides ont été commis dans cet ar- rondissement. On n’a eu à y juger, pendant ces cinq années, ni expositions dans des lieux solitaires ou non solitaires, ni avor- tement ou tentative d’avortement , ni homicide par :mprudence ou négligence d’enfans nouveau-nés. Depuis le 1° janvier 1834 il n’a été commis, dans cet arrondissement, aucun deces crimes ou délits. » Dans l’arrondissement de Loudun, où il existait aussi un tour , 21 enfans ont été reçus à l’hospice en 1825, 21 en 1826, 14 en 1827, 20 en 1828, 18 en 1829, 11 en 1830, 20 en 1831, 22 en 1832, 22 en 1833. Depuis le 1° janvier 1829 jusqu’au 1 janvier 1834, deux filles ont été inculpées d’avortement ; mais il est intervenu , dans ces deux affaires, des ordonnances de non-lieu. Une fille , accusée d’infanticide, a été acquittée par la cour d’assises de la Vienne. Une autre affaire de la même nature est restée sans poursuites, le crime ne paraissant pas constant. » Depuis le 1° janvier 1834, époque de la suppression du tour de Loudun , quatre enfans ont été déposés à la porte de l’hospice de cette ville. On les y a reçus; mais trois sont morts. Le quatrième est dans un état de langueur qui fait craindre pour ses jours. Depuis 1829 jusqu’à 1834, il y avait eu une ex- position dans un lieu solitaire ou non solitaire. » En 1828, les enfans de l’hospice de Loudun furent échangés avec ceux d’un autre arrondissement. Ils étaient alors au nombre de 104. 77 furent retenus par leurs nourrices ou ré- clamés jpar différentes personnes. » M. Brochain ( de Poitiers ). « La question , telle qu’elle est formulée, se réduit à une question de statistique; je crois qu’elle doit être étendue et qu’elle mérite d’être discutée d’une ( 326 ) manière plus générale: Mon intention est de rechercher quelles sont les causes des naissances illégitimes, pour essayer d’en di- minuer le nombre, si cela est possible. Ges causes se réduisent à une seule, Ze célibat. Tel est le vice de notre organisation sociale , que pour qu’un jeune homme se marie, il faut qu’il ait un état fait, c’est-à-dire qu’il soit arrivé à peu près à sa 30° année; d’un autre côté, la loi du recrutement enlève à la société et voue au célibat, pendant 7 années, des hommes dans la force de l’âge. La nature n’entre point dans toutes ces considérations; de là , des désordres déplorables. » Le moyen de diminuer ces désordres serait de favoriser le mariage. D'abord, il faut que les soldats ne soient retenus sous les drapeaux que pendant le temps rigoureusement néces- saire pour le service militaire et pour leur instruction. En second lieu, il faudrait que les célibataires fussent placés dans une position plus défavorable que les hommes mariés ; il fau- drait, pour cela , n’admettre dans les emplois et dans les fonc- tions publiques que des hommes inariés; alors le inariage pourrait être contracté plus tôt qu'aujourd'hui , alors il y aurait moins de scandales, alors on pourrait supprimer les tours. Mais, jusque-là, on ne peut le faire sans danger , et sans con- damner à la mort des enfans qui ont droit à la vie. » On a cité hier la loi romaine qui obligeait les parens à nourrir leurs enfans, et défendait les expositions ; mais il faut dire dans quelles circonstances cette loi a été rendue. Sous Constantin, les expositions étaient très-fréquentes , l'em- pereur les défendit ; mais , en même temps , pour prévenir les infanticides , il permit aux parens pauvres de vendre leurs en- fans au moment de leur naissance, avec la faculté de les ra- cheter plus tard , s'ils le pouvaient. Les successeurs de Con- stantin prohibèrent l’exposition et la vente, mais en autorisant les pères et mères qui ne pourraient nourrir leurs enfans à mendier avec eux. Il ya donc toujours eu, à côté de l'obligation de nourrir les enfans, un moyen de venir au secours de ceux qui ne pouvaient remplir cette obligation. » Il est arrivé, je le sais , que des femmes mariées ont porté (327 ) leurs enfans à l’hospice , et se sont présentées ensuite pour les nourrir : c’est là un abus auquel il a été remédié; aujourd’hui une femme n’est admise comme nourrice qu’autant qu’elle justifie de l’enfant dont elle est accouchée. » M. le docteur Barilleau répond à plusieurs faits cités dans la séance d’hier pour appuyer la suppression des tours. « Il a été prouvé , par les calculs de M. l'abbé Gaillard, que la mortalité est augmentée depuis cette suppression ; cela, quoi qu’on en ait dit, tient au froid et à la fatigue que les enfans éprouvent en route. S'ils ne meurent pas tous dès le premiér jour, c’est qu'il y en a de plus ou moins robustes ; quelques-uns succom- bent sur-le-champ, d’autres survivent quelques jours. Il faut observer que les enfans ne voyagent pas dans le département aussi commodément qu'à Paris : on les amène ici, presque toujours le soir ou la nuit, dans des paniers qu’on porte à cheval; il n’est donc pas étonnant que le froid et la fatigue les fassent périr quand ils font une longue route. » L’orateur trouve trop faible la somme votée pour les nour- rices qui devront rester habituellement à l’hospice. Il répond ensuite à ce qu'on a dit sur l'inconvénient des tours, où des enfans seraient morts de froid parce qu’on n’aurait pas sonné pour avertir les personnes de l’hospice. Il fait observer qu’à Poi- tiers ce danger n’est pas à craindre, parce que la porte du tour, qu'il faut nécessairement ouvrir pour déposer l'enfant , agite une sonnette dont le bruit suffit pour éveiller les gardiens. C'est une précaution qu’il serait à désirer que l'on prit partout. « Les mères, sans doute, doivent nourrir leurs enfans, mais il faut pour cela qu’elles en aient la possibilité. Il est souvent plus avantageux pour les enfans d’être élevés dans un hospice que dans leur famille ; ainsi à Poitiers les enfans trouvés sont toujours facilement placés comme domestiques. » M. le général Demarçay félicite le Congrès d’avoir posé la question de suppression des tours. « C’est, dit-il, un progrès que cette question puisse être discutée aujourd’hui; car, il y a quelques années, personne peut-être n’aurait osé la soulever. » L'orateur déclare qu'après avoir long-temps partagé l’opi- ( 328 ) nion commune , il est arrivé naturellement à l'avis contraire, et que son opinion sur ce point a été confirmée par l'ouvrage de M. Gouroff et par ce qu’il a vu dans les pays étrangers ; ainsi, à Aix-la-Chapelle, où nos codes sont encore en vigueur, il n’y a point de tours , etil n’y a pas plus d’infanticides qu’ailleurs. La question, ajoute-t-il, ne paraît douteuse que chez les peuples catholiques, car chez les peuples protestans elle est résolue depuis long-temps, et l’on serait fort étonné dans ces pays d'entendre demander si les mères doivent ou non nourrir leurs enfans. L’honorable général reproduit les argumens qui ont été développés à l'appui de l'opinion qu’il défend. SÉANCE DU SAMEDI SOIR 13 SEPTEMBRE 1834 Présidence de M. Nicras GaiLLARn (de Poitiers). Un membre opine pour que chaque fille enceinte soit obligée de déclarer son état à la mairie, sinon qu’elle soit punie cor- rectionnellement. M. Guerry-Champneuf (de Poitiers). « Tout le monde reconnaît la gravité du mal et la nécessité d’y porter remède. Mais d’accord sur le but , on se divise sur les moyens : c’est que les faits ne sont pas connus. » L’orateur examine succes - sivement tous les remèdes proposés dans la discussion. « 1° La suppression des tours. Les préopinans ont beau- coup parlé de la suppression de trois tours dans le départe- ment de la Vienne; mais personne n’a pu dire si elle a eu du moins l’avantage de diminuer le nombre des expositions. Quant aux inconvéniens de la mesure , il est difficile de ne pas conclure des chiffres cités par MM. l’abbé Gaillard et Bou- riaud qu’elle a compromis la vie des enfans trouvés, en éloi- gnant le lieu de lexposition. Ce n’est pas la première fois qu'on à remarqué que ces transports à de longues distances, faits sans aucune précaution, sont funestes aux enfans. Un arrêt de règlement du Conseil d’état du 10 janvier 1779nous apprend qu'il venait, chaque année, à la maison des enfans trouvés de (329) ; Paris plus de deux mille enfans nés dans les provinces éloignées de celte capitale, et qu’ils ‘souffraient tellement d'un pareil transport , que plus des trois quarts périssaient avant l’âge de trois mois. En conséquence , l’arrêt ordonna à tous ceux qui trouveraient des enfans abandonnés de les remettre à des nourrices ou à L’hospice le plus voisin. Ainsi la nouvelle expé- rience est pleinement d'accord avec l’ancienne. » Mais ces tours, si multipliés, ne sont-ils pas une sorte d'encouragement au libertinage qu'ils servent à cacher ? Au- cun document digne de foi ne le prouve. Il y a toujours eu des enfans abandonnés. Le Code théodosien et le Code de Justinien contiennent plusieurs dispositions qui les concernent. En France, plusieurs maisons charitables s’établirent, pour les recueillir, dès les premiers temps de la monarchie. Il est vrai, comme l’a rappelé M. Boncenne, que l’hospice du Saint-Esprit ou des Enfans-Bleus w’était ouvert qu'aux enfans légitimes de Paris. On n’y recevait pas, dit un ancien auteur, les enfans trouvés par la ville ou nuilamment jetés à val les rues. Mais cette exclusion n’empêcha pas qu'il n’y eùt alors beaucoup d’enfans trouvés : seulement ils périssaient de faim et de misère à val les rues. Si quelques-uns échappaient , c’é- tait pour devenir l’objet d’un honteux trafic. On les vendait à des mendians , qui s’en servaient pour exciter la compassion publique , ou à des faussaires , qui les substituaient fraudu- leusement à de vrais enfans de famille, quelquelois morts par leur fait. D’autres, plus coupables encore , les achetaient pour répandre leur sang dans des opérations magiques... Le prix de ces malheureuses victimes descendait souvent jusqu’à vingt sous !...... Tels sont les abominables désordres qui allu- mèrent le zèle de saint Vincent de Paule. Le mal existait donc avant les hospices et les tours : qui oserait aflirmer qu’il ne survivrait pas à la suppression de ces asiles ? » 2° Echange des enfans entre deux départemens voisins. Cette mesure , essayée en 1828 , dans le département de la Vienne, fut abandonnée dès l’année suivante. Quels en ont été les effets? Le rapport du préfet au conseil général ( session de 42 (330) 1834) constate que les frais, qui s'élevaient à 723,000 fr. , tombèrent immédiatement à 32,000 fr. Mais on n’y voit point si le nombre des expositions diminua. On explique d’une ma- nière assez vraisemblable cette réduction subite de la dé- pense : c’est que les nourrices , à qui on redemandait les en- fans qu’elles élevaient , pour les transporter dans un autre département , aimèrent mieux renoncer à tout salaire que de s’en séparer et-de Les exposer aux dangers d’un long voyage. Ainsi le nombre des enfans resta le même, malgré la dimi- nution de la dépense ; et les administrateurs des hospices de Poitiers assurent que l'échange fit périr un dixième des enfans. D'un autre côté, cette mesure, repoussée à Poitiers, vient d’être prise, cette année, dans plusieurs départemens , et notamment dans celui de Maine-et-Loire. Il est fâächeux que, dans une matière aussi grave, les conseils généraux man- quent de direction , et que l’expérience d’un lieu soit perdue pour les autres. On conçoit que les dangers du transport puis- sent être écartés par de sages précautions, et qu’alors l’é- çhange présente quelques avantages : mais avant de l’approu- ver entièrement , il est indispensable de savoir quels en ont été les résultats , partout où il a été adopté. » 3° Mettre les dépenses à la charge des communes. I] faudrait éviter de rien faire qui ressemblât de près ou de loin à la taxe des pauvres. La règle proposée s’observe en Angleterre, et elle y a produit les plus déplorables abus. Un des honorables préopinans { M. le général Demarçay) n’a vu dans les hospices et les tours qu’un préjugé des pays catholiques ; il a dit que les étrangers , s’ils nous entendaient discuter si long-temps sur une pareille question, prendraient de nous une opinion peu favorable... Un exemple fera voir si c’est nous qui avons à gémir de notre situation morale. L'Angleterre est un pays protestant qui n’a pas de tours pour les enfans trouvés. Eh bien! le nombre des enfans illégitimes y est beaucoup plus consi- dérable qu’en France, et l’entretien de ces enfans coûte plus cher aux communes que nos hospices. Il résulte d’une enquête parlementaire faite tout récemment et publiée cette année ( 331 ) même , que sur vingt mariages qui se contractent , dans les classes inférieures , il yen a dix-sept à dix-neuf qui sont pré- cédés de la grossesse , et que pour tout dire, en un mot, la chasteté des femmes , dans ces classes , est une chose inconnue , A nonENTITy (un néant). » Après avoir cité plusieurs faits de ce genre, tirés de la même enquête , M. Guerry ajoute qu'on ne trouve heureusement rien de semblable en France, et que par conséquent nos mœurs et nos institutions valent mieux que celles de nos voisins. » 4° Forcer les mères de nourrir leurs enfans. La plupart ne le pourraient pas. Et d’ailleurs, quelle éducation, quels exemples leur donneraient-elles ? Elles en feraient des men- dians, de mauvais sujets , tandis que , dans les hospices, ils recoivent ou peuvent recevoir une bonne éducation. Plusieurs familles , a-t-on dit , se déchargent du devoir de nourrir leurs enfans légitimes en Les exposant. S'il en était ainsi (et jusqu’à présent il est permis d’en douter ), il faudrait plaindre les parens en qui l'excès de la misère étoufferait à ce point les sentimens de la nature : car c’est le plus cruel de tous les sacrifices. Il serait facile de prendre des précautions admini- stratives pour prévenir cet abus. Mais peut-on interdire aux parens légitimes cette triste ressource , ce remède extrême des hospices , qu’on offre aux parens illégitimes ? Il semble que ce serait accorder une prime au libertinage. » Au surplus, que gagnerait-on à forcer les filles d’avouer publiquement leur faute ? Est-il bien avantageux d’étouffer en elles tout sentiment de pudeur ? En vaudront-elles mieux , quand leur honte sera divulguée, et n’est-ce pas leur fermer tout retour à la vertu ? Personne , sans doute, ne croit à la pureté des mœurs du peuple de Paris pendant les années qui suivirent 17093. Cependant , et malgré le désordre qui régnait alors , ou plutôt à cause de ce désordre , le nombre des expo- sitions diminua sensiblement. Il y en avait eu , de 1789 à 1792, 5,419 par an , terme moyen. Il n’y en eut que 3,579 par an, de 1793 à l'an 1x. L'ordre reparut à cette époque; et de l’an x ( 332 ) à 1813 , le nombre moyen des expositions remonte à 4,949 {1). Le même document prouve encore que le chiffre de la dépense n’est pas un indice bien sûr pour apprécier la moralité d’une époque. La proportion des enfans morts dans l’hospice fut de 0,31 dans la première période , de 0,73 dans la seconde , et de 0,16 seulement pendant la troisième. IL est clair que, même en supposant égal le nombre des expositions , la dépense était moindre, quand les trois quarts des enfans mouraient en bas âge. Mais c’est là une déplorable économie ; et on doit féliciter l’hospice de Poitiers de ne lavoir pas faite. » 5° Répandre l'instruction. L’orateur pense que l'instruction sans une bonne éducation , sans une éducation religieuse avant tout , n’améliore point les mœurs. « La statistique a prouvé jusqu'ici que les départemens les plus éclairés sont en même temps ceux où il se commet le plus de crimes , où il naît le plus d’enfans illégitimes (2). D’autres recherches ont prouvé que la prostitution de Paris se recrute principalement dans les mêmes départemens. » L’orateur est bien éloigné de blämer l'instruction populaire. IL a toujours cherché au contraire à la propager. Mais il ne voudrait pas qu’on y attachât trop d’es- pérances. L'examen de ces divers moyens n’a prouvé qu’une chose , selon M. Guerry-Champneuf : c’est que l’expérience manque totalement , que les faits ne sont pas connus , et qu’il est urgent de les recueillir. « Mais on ne doit pas s’occuper exclusivement des enfans trouvés. Les informations seraient incomplètes, si elles mem- brassaient pas tous les enfans illégitimes : car e’est là la source du mal. Le terme moyen des naissances illégitimes est, en France , de 68,302; ce qui supposerait , d’après la loi de la population , plus de 2 millions d’enfans naturels existans, si la mortalité n’était pas plus grande dans cette classe que dans les (2) Rapport fait au conseil général des hospices de Paris, par un de ses membres. 1816. (2) PF. l'Essai de statistique morale de M, Guerry (de Tours). ( 333 ) autres. Que devient cette masse d’êtres isolés qui n’ont jamais connu les liens de famille? Le gouvernement seul peut le con- stater d’une manière certaine à l’aide des registres de l’état civil. Les actes de décès indiquent les prénoms , nom , âge, profession et domicile de la personne décédée , les prénoms et nom de l’autre époux, si cette personne était mariée, ou veuve , etc. Que ces renseignemens soient relevés avec soin , et on connaîtra le sort des enfans illépitimes parmi nous. Ces relevés seront faciles. Ils peuvent se faire dans les communes, ou dans les greffes des tribunaux de première instance. Dans ce dernier cas , et en supposant que le nombre des décès soit égal à celui des naissances (68,302), chaque arrondissement n'aurait à relever que 158 décès. » En résumé , d’après l’orateur , le seul fait qui soit constant dans cette discussion présente la suppression des tours comme dangereuse pour la vie des enfans ; et c’est une raison décisive pour revenir provisoirement à l’ancien état de choses. Mais il lui paraît nécessaire de préparer les élémens d’une solution définitive de ce problème difficile, en recueillant le plus tôt possible les renseignemens énumérés dans la proposition dont il donne lecture (1). M. Wakefed (2). « Messieurs, bien que la question dont il s’agit puisse être rétrécie quand l’on se borne à demander si la suppression de certains tours destinés à recevoir, dans quelques arrondissemens de ce département , les enfans abandonnés, est avantageuse ou non, c’est une occasion , pour un étranger comme moi, de présenter son opinion relativement à lutilité ou aux inconvénieus d’un établissement destiné à recevoir ces mêmes enfans. Je suis même bien plus disposé à entrer dans l’examen de la question, depuis qu'un des orateurs a présenté l’état moral de l'Angleterre comme différent de ce que je pense qu'il est, et je désire présenter quelques observations en réponse à ce qu’il établit. Mais, d’abord , permettez-moi de (x) Voir le texte de cette proposition dans le procès-verbal de la séance générale du . septembre. (2) Ancien membre de la Chambre des Communes. M. Wakefeld est auteur d'une Statistique de l'Irlande, en 3 vol. in-o. ( 334) narrêter un moment sur la distinction que l’on fait ici entre les enfans trouvés et les enfans abandonnés; ces derniers sont souvent des orphelins ou des enfans de criminels, il n’ya point de secret attaché à leur paternité. L'Etat est obligé de pourvoir à leurs besoins; mais cela doit se faire ouvertement , et leur existence n'entre point dans la question de l'établissement des- tiné à recevoir des enfans qui sont nés de parens inconnus, d’une manière secrète et clandestine, » Je demanderai maintenant la permission de dire que c’est une grande erreur de supposer qu’il n’existe point d’établis- semens de ce genre en Angleterre. L'hôpital des enfans trouvés de Londres ( faundling hospital) est une des plus magnifiques institutions de charité de notre pays. Il fut fondé, il y a une centaine d'années environ, par un homme qui laissa pour son entretien des sommes considérables. Aujourd’hui, ces sommes produisent un grand revenu , augmenté encore par des souscriptions particulières, et cet hôpital est administré par des gouverneurs nommés par les souscripteurs; il n’a d’ail- leurs aucun rapport avec le gouvernement ; mais il n’a point de tour où la mère puisse déposer l'enfant sans être connue. Il y en avait un autrefois, mais il a été supprimé. La mère, ou quelque personne de bonne réputation , est obligée d’apporter l'enfant; l’enfant est marqué ; la mère ou ses amis peuvent le venir voir une fois par semaine , à ce que je pense, et elle peut ensuite le réclamer quand elle a le moyen de l’entretenir; de cette manière , il n’y a point entre la mère et l'enfant de sépa- ration inraturelle. L'hôpital est souvent remboursé des frais ‘d’entretien de l'enfant par la mère , à qui il est rendu. Et un pareil hôpital, bien que l’on puisse dire qu’il encourage le vice , n’en est pas moins, à mon avis, une bénédiction pour mon pays ; et l’adoption de cet état de choses , dans les hô- pitaux de France, serait reconnue extrèmement avantageuse. » Je ferai observer , en outre, qu’à Dublin il y avait encore tout dernièrement un immense établissement de cette espèce, aux frais du gouvernement , et un tour y était ouvert nuit et jour pour recevoir les enfans. Le parlement, dans ses dernières ( 335 ) sessions , a refusé de voter un seul shelling pour le soutenir ; il fut prouvé , en effet , que la mortalité était si grande que cet établissement faisait plus de mal que de bien. En outre, il y a quelques années, des femmes furent condamnées à mort parce que s’étant chargées de porter des enfans du nord de l'Irlande à l’hospice des enfans trouvés (si je me le rappelle bien, on leur donnait trois guinées pour chaque enfant) , et le tour ouvert rendant inutile un certificat de dépôt de l'enfant, il fut prouvé qu’elles n’avaient pas été loin pour déposer ces malheu- reuses créatures ; elles les avaient jetées dans une houillère bourbeuse. Avant que ces femmes dénaturées fussent exécu- tées, elles reconnurent que cette pratique durait depuis grand nombre d’années. Ainsi, l'hôpital se trouvait être un encoura- gement à l’infanticide ! » Maintenant, relativement à la moralité de notre popula- tion , le préopinant (1) a établi qu’il ya à peine une fille chaste dans les classes inférieures ; et il a conclu , de ce dérèglement de mœurs, que la plus grande partie des enfans des pauvres devaient être des bâtards. Il a lu, à ce sujet, un extrait d’un ouvrage qui donne l’analyse d’un rapport d’une commission du parlement relativement aux lois sur les pauvres ; mais je dési- rerais savoir si le passage qu’il a lu est extrait du rapport des commissaires, ou de la déclaration de quelque personne appelée à déposer devant le comité. Dans ce dernier cas, ce ne serait que l'opinion d’un individu; dans le premier, bien que beau- coup de respect soit dü au comité , je ne puis admettre ces conclusions. » Qu'il y ait en Angleterre de fréquentes atteintes aux bonnes mœurs dans les classes inférieures , je suis prêt à l’admettre ; mais que cette absence de chasteté produise une bâtardise gé- nérale, non-seulement je ne me borne pas à le nier, mais je demande à établir hautement qu’au contraire elle conduit au ma- riage. Paley a dit que l'honneur est un sentiment que mal à pro- pos nous croyons exister seulement chez nos égaux, et que nous (1) M. Guerry-Champneuf. ( 336 ) appliquons rarement aux classes laborieuses ; mais j’affirme que dans cette classe l’opinion dominante est que l’homme qui a des liaisons avec une femme, innocente avant qu’il lait séduite, est obligé de l’épouser ; et aie preuve de cela, c’est qu’il ar- rive rarement dans les campagnes qu’une fille ait des enfans dont le père ne soit pas célibataire , et ce père , comme on le dit, se dispose , à la St-Michel ou à une autre époque, lorsqu'il a les moyens de s'établir, à faire d’elle sa femme légitime. Le mariage célébré, on oublie la première faute, qui n’était peut-être que l’effet d’une erreur d’un moment. L'enfant n’est point illégitime; et bien que sa naissance, qui arrive peu de temps après le mariage, prouve des liaisons antérieures, il n’en résulte pas moins que leur union est légitime. La fille devient une bonne épouse , une tendre mèré, et sa conduite ultérieure la rend un membre respectable de la société. » Comparez maintenant cela avec la tentation offerte à l’homme par la proximité d’un hôpital ! La réparation offerte à la femme n’est point le mariage, mais la facilité de porter l'enfant à l’hospice et de cacher le déshonneur de celle qui lui a donné le jour. Quelle tentation pour les hommes mariés de satisfaire leurs passions au prix de l’innocence des femmes! Cependant il y a ici des hommes qui argumentent en faveur des tours , pour écarter toutes les difficultés qui gêneraient l'admission des enfans. Dans un pays où il y a des hôpitaux de cette sorte, les hommes s'appuient sur l'intérêt qu'ont les femmes de cacher leurs fautes. Ce n’est ni l'intérêt de l’homme, ni celui de la femme , ni celui de la famille de celle-ci, de déclarer le père de l’enfant. Le tour et ses cruelles consé- quentés sont le remède à tout cela. Chez nous, où il n'existe pas de tours, le mépris public suivrait l’homme qui ne répa- rerait pas s2 faute par le mariage ; et quant à l'homme marié, s’il ne voulait pas pourvoir à l'entretien de la mère et de l'enfant , il aurait de la peine à vivre dans le lieu où sa con- duite serait connue , tant l’animadversion publique se pronon- cerait hautement contre lui. » Et il arrive si rarement parmi nous que le père soit un (337 ) homme marié, que je ne saurais trop insister sur l’éloigne- ment qu’un établissement de cette nature donne pour le ma- riage. Et je ne m’appuierai pas ici sur mon opinion person- nelle. Comme plusieurs de vous, sans doute , ont lu les Mémoires de lord Byron par Moore, ils doivent se rappeler les lettres que le poète écrit à son homme d’affaires à l’abbaye de Newstead. Un jeune meunier, qui n’était pas sans fortune, fermier de lord Byron, avait séduit une personne de sa pa- roisse. Je cite de mémoire ; mais voici le fond de la lettre du poète : « J'espère que ce mariage ne sera point considéré comme une punition par le jeune meunier; mais c’est la puni- tion à laquelle sont soumis les gens de sa condition , et s’il n’épouse pas la fille, chassez-le du moulin : je ne veux pas qu'il reste sur mes domaines. » » Ainsi l'usage et l’opinion publique s'unissent chez nous pour rendre le mariage la conséquence de la séduction; et en réalité, dans la plupart des cas, le mariage suit tout naturelle- ment. Le préopinant s’est trompé en pensant qu’il y a ou qu’il y ait jamais eu en Angleterre une loi pour obliger le séducteur à épouser la fille séduite enceinte. Seulement, d’après une loi dernièrement rapportée, la mère était obligée de déclarer sous serment le père de son enfant (to swear the child). La paroisse était alors et est encore maintenant obligée de soute- nir la mère et l’enfant. Les overseers (1) des pauvres, pour économiser les fonds de la paroisse, poursuivent l’homme pour garantir à la commune les dépenses que peut-être elle sera obligée de supporter. Si cela arrive à un homme qui n’a pas le moyen de payer, il peut être envoyé en prison ; si c’est un célibataire, ce qui est le cas le plus ordinaire , il pro- pose parfois lui-même d’épouser la fille, et ainsi l'enfant n'est pas illégitime. Et c’est cela que le préopinant appelle obliger au mariage par la loi ? J'ai toujours été opposé, par di- verses raisons, à cette déclaration de paternité, de la part de la (1) Surveillans, administrateurs de la paroisse. 43 ( 338 ) femme ; et à la Chambre des Communes, où j'ai eu l'honneur de siéger , je ne me suis pas levé pour la défendre. » Le préopinant, en comparant la moralité des deux pays, a blâmé celle de l’Angleterre. Loin de moi, qui ai reçu en France l'hospitalité et un bienveillant accueil, de mettre en doute la moralité de ses habitans ; mais je dois soutenir que, malgré l'absence prétendue de chasteté de nos femmes dans leur jeunesse, notre population rurale est morale. Je dis même que l’overseer des pauvres qui, pour économiser les fonds de la paroisse, proposerait de séparer la mère et l'enfant, si le mariage ne s’en est pas suivi, serait réprimandé par le ma- gistrat et peut-être même maltraité par le peuple. » Ainsi, lorsqu'une fille est enceinte, et que le père ne veut ni l’épouser , ni subvenir à ses besoins , la maison de travail de la paroisse devient son asile. Dans cette position , la loi n’anéantit pas le premier sentiment gravé par la nature dans le cœur d’une femme ; l’atfection de la mère pour son enfant n’est point détruite; celle-ci continue à nourrir de son lait l’être malheureux à qui elle a donné le jour. » Je ne suis pas surpris des relevés statistiques relatifs à la mortalité que l’on a remarquée ici parmi ces pauvres en- fans. Pensez-vous que leur mort serait arrivée de la sorte, si ces enfans avaient été avec leur mère? C’est votre tour qui a fait que la grand’mère , la tante, la sœur aînée ou quelque autre membre dénaturé de la famille, a entrepris un long trajet pour aller jeter le pauvre enfant dans ce même tour. Sans l’hospice, à l'entrée duquel on le trouve , quelques-uns de ses parens auraient peut-être élevé l’enfant. La mère probablement ne s’en serait pas même séparée, car les sentimens maternels s’éteignent difficilement. » J’affirme , quoi qu'il en soit, qu'il n’y a point de loi, point d’usage, point d'économie de finance qui doivent jamais séparer la mère de l'enfant. Si le Dieu de la nature a donné le lait au sein de la mère , comment un étranger ose-t-il en arracher l’enfant ? Eh quoi! pouvons-nous oublier le jugement ( 339 ) de Salomon, ce grand juge du cœur humain ! Pouvons-nous oublier comment il sut découvrir les sentimens d’une mère, et établir un jugement d’une équité éternelle, sans autre guide que ce lien si fort et si saint! Les milliers d'années qui se sont écoulés depuis n’ont pas affaibli le tribut d'hommage payé à cet acte, qui prouve dans celui auquel on le doit une si grande connaissance du cœur humain. Mais ici je me sens em- porté par le cri de mon cœur. Où trouver un homme qui n’at- tache pas de prix à l'affection de la femme ? Si ce monstre existait, il serait indigne d’avoir inspiré ce tendre sentiment ! N'est-ce pas là cette grande consolation que la suprême sagesse qui nous a créés tous, nous a offerte pour compenser les maux de la vie? Et que faites-vous avec vos tours? Vous donnez à l'homme la facilité d'abandonner le sexe le plus faible au moment de la détresse, d'envoyer à l'hôpital le fruit de leur amour, quand il est probable que de l’hôpital il ira bientôt droit au cimetière ! Quels sentimens vindicatifs ne doit-il pas créer dans la femme, non-seulement contre le père de l’enfant , mais encore contre ceux de ses parens qui ont emporté l’enfant ? Car, permettez- moi de me reporter plus bas que la haute position assignée à l’homme dans ce monde : quel est l’animal qui se laisse impu- nément enlever ses petits ? En me reportant aux lois civiles, je dirai que c’est presque toujours un homme de la même con- dition que la femme, qui est le père de l'enfant. Evidemment, s’il n’en est pas ainsi, il ne peut pas, pour cette raison , épouser la femme. Pour épargner son argent , vous bâtissez un hôpital pour recevoir le fruit de sa débauche; mais alors , au moins , conservez l'enfant, et qu’il soit un témoignage vivant contre lui. L'opinion publique interviendra , et alors il sera contraint de pourvoir à l'entretien de l'enfant. Dans tous les cas pareils , la dépense faite par l'hôpital peut être économisée; et la barbarie d’un hospice d’enfans trouvés n’a pas seulement des effets sur l'enfant : l'esprit de vengeance dont j'ai déjà parlé a dénaturé le cœur de la femme , et par suite de cela, elle se déprave, et enverra sans remords , plus tard, d’autres enfans à l’hospice. De toute façon , votre législation la laisse seule, abandonnée, , ( 340 ) chassée de la société ; elle est la seule personne stygmatisée par son déshonneur. » Le préopinant nous assure qu’en Angleterre , les femmes font une spéculation sur les enfans dont elles accouchent , qu’elles jurent un enfant à un homme, puis à un autre, et qu’ainsi chaque serment et chaque enfant lui procurent le ma- gnifique revenu de deux shellings par semaine. Cela doit être une exception au système général. La paroisse juge peut-être que deux shellings par semaine lui coûtent moins que ne Jui coûterait l’entretien de la famille dans la maison de travail ; mais, croyez-moi, on a peu d'exemples de femmes mères de plu- sieurs énfans illégitimes : il existe une loi en vertu de laquelle elles peuvent être emprisonnées pour un an. Un magistrat serait blâmé d’infliger cette peine à une jeune femme pour sa pre- mière faute ; mais si l’on amenait devant lui une femme en- durcie , qui eût eu successivement plusieurs enfans , je vous assure qu’elle serait bientôt arrivée en prison. En outre, il faut encore considérer ici l’âge de la femme : les femmes d’un cer- tain âge et d'une certaine instruction qui ne gardent pas leurs enfans , mais qui les envoient à l'hôpital, si elles étaient obli- gées de les garder , s’observeraient , et les enfans ne verraient pas le jour. Tous ces enfans admis dans le tour causent au dé- partement une dépense inutile qui n'aurait jamais été sup- portée que par l'hôpital lui-même. Mais est-ce qu’il n’y a que les femmes d’une seule condition qui aient des enfans illégi- times? Fielding, peintre fidèle de la nature, a fait de son Tom Jones un bâtard ; or, toutes les femmes qui ont un enfant n’ont pas un chevalier Weston pour l’élever. IL est bien plus pro- bable qu’il aura pour patron le tour de lhospice. » On a parlé encore de la somme considérable qui est payée chaque année par la ville opulente de Nottingham pour l’entre- tien de ses enfans illégitimes. Sous ce rapport, Nottingham res- semble à toutes les autres villes manufacturières ; les femmes s’y rassemblent dans les manufactures , tombent dans la mi- sère et donnent naissance à des enfans illégitimes. Les voisins qui , dans les comtés agricoles , s'occupent bien plus que dans ( 341 ) les villes des détails de chaque famille, exercent une sorte de surveillance, et contribuent à amener des mariages , ce qui arrive pas aussi fréquemment dans une grande ville maru- facturière. Je ne doute point qu’à Nottingham ce ne soient les habitans payant les taxes qui se plaignent de l'allocation heb- domadaire que les mères reçoivent; mais n'oubliez pas que l'allocation est un système plus économique que celui de la maison de travail , où la mère doit être reçue aussi bien que l'enfant. Les manufacturiers qui ont fait des fortunes considé- rables, en exploitant l’existence des femmes de cette classe, ne devraient pas se plaindre de la dépense; leurs établissemens ont été élevés , les manufactures créées pour leur gain , et ils de- vraient être les derniers à condamner la dépense des enfans dont la naissance est due aux nombreuses réunions qu’ils ont appelées autour d’eux. Mais je ne puis penser sans plaisir que jamais personne n’a songé à élever un hospice comme un moyen de diminuer la dépense , pour recevoir l'enfant seul et sans sa mère. Relativement à Londres, immense cité remplie de luxe et de misère , les femmes , je le sais , sont trop cor- rompues pour avoir des enfans illégitimes dans la même pro- portion que les femmes de l’intérieur du pays ; elles en ont à peine le temps. La perte de leurs mœurs les fait promptement arriver dans nos rues , où l’on voit toujours une foule de prosti- tuées. Ces malheureuses , promptement frappées par la misère et attéintes de maladies , abruties par livrognerie , finissent souvent prématurément leur carrière. On ne peut douter qu’il n'y ait là un grand nombre d’enfans illégitimes ; mais il n’y a point de registres qui le prouvent. L’admirable système adopté en France pour l'enregistrement des actes de l’état civil , vous permet d’établir le nombre de ces enfans pour la ville de Paris ; et ce nombre, comme renseignement stati- stique , ne saurait être comparé avec les cent et quelques enfans qui, à Londres, ont été déposés , dans le cours de l’année , à la porte de personnes que , d’après leur réputation d'humanité , la mère criminelle a supposé devoir prendre soin de son enfant. » Je me résumerai en considérant un tour placé à l'entrée ( 342 ) d’un hôpital d’enfans trouvés comme une mauvaise mesure sous le point de vue économique , puisque ce tour est surtout ce qui encourage au libertinage, et donne lieu à l'existence de ces enfans abandonnés dont le nombre va toujours en aug- mentant en France. Je considère, en outre, ce tour et l’hô- pital lui-même comme une mauvaise institution sous le point de vue philanthropique, puisqu’elle cause la mort de beau- coup d’enfans. Le tour est une facilité donnée aux mauvaises mœurs ; si vous en placiez dans toutes les paroisses, vous finiriez peut-être par anéantir le mariage, ou par le réduire grandement dans les classes pauvres. L’hospice absoudra l’homme de toute responsabilité, il éteindra les meilleurs sentimens du cœur humain. Oui, c’est le secret du tour ouvert sans cesse qui amènera tous ces maux. Ce que je blâme, c’est la faculté ac- cordée au père et à la mère de cacher leur faute et d’étouffer leur honte; et je pense avec le philanthropique Susmilch, le philosophique Malthus et avec lord Brougham, qu’un hôpital d’enfans trouvés, et un tour ouvert sans cesse, ne peuvent être qu'un grand malheur pour un pays. » Le discours de M. Wakefield est accueilli par de nombreux applaudissemens. M. le président s'adressant à M. Wakefied : « Monsieur , les applaudissemens que vous venez de recevoir sont la preuve la plus flatteuse du plaisir que l’assembléea pris à vous entendre. Vous avez heureusement triomphé des difficultés que vous op- posait une langue étrangère, et nous pouvons maintenant juger de ce que vous saviez être à la chambre des communes.» M. Béranger ne veut présenter que quelques considérations. « Certes, les administrations départementales éprouvent de grands embarras pour faire face à leurs dépenses. Mais la suppression des tours est-elle le seul moyen de trouver des éco- nomies ? En morale, c’est une cruauté. » L’orateur propose qu’une enquête soit faite sur l’accroissement du nombre des enfans trouvés. « Jusque-là , une décision de la part du Congrès serait sans effet, et n’amènerait aucune amélioration dans l’état des enfans, » ( 343 ) M. Boncenne produit de nouveaux argumens en s'appuyant sur des documens statistiques puisés dans les archives du dé- partement de la Vienne. Il ajoute : « Les partisans des tours approuvent donc l'exposition des enfans. Eh bien ! ouvrez tous les hospices aux enfans trouvés, il faudra que les villes pour- voient à leur entretien. Les taxes des habitans seront augmen- tées , et vous grèverez d’autant les contributions de l’honnète ouvrier qui, au prix des privations qu’il s'impose, garde auprès de lui ses enfans , et les élève avec le fruit de son travail. Les délibérations des conseils municipaux et départementaux ne sont pas tellement secrètes, qu’on ne sache les embarras que l'administration éprouve pour faire face aux dépenses. Allez prendre part à leurs discussions, vous les verrez accablés de demandes qui sollicitent des secours. Il leur faut pourvoir à l'entretien des chemins et des rues , à la réparation des ponts : ils n’en ont pas fini avec la viabilité ; ils doivent accorder des allocations pour les écoles primaires, pour l'institution des sourds-muets , pour des bourses à l’école vétérinaire, à celle des arts et métiers, des beaux-arts, pour les bâtimens publics, etc. , etc. Eétudiez la question sous le rapport financier , et ne vous hâtez pas de la résoudre par le sentiment. Quant aux réclamations de la philanthropie, le Code civil répond en pri- vant les enfans naturels, même reconnus, d’une portion de la succession de leurs pères et mères, afin de flétrir les liaisons illégitimes. » Par rapport au département de la Vienne , la mesure prise n’est qu’un essai ; l’année entière est nécessaire pour l’épreuve. La section ne peut , sur une aussi grave question , émettre un avis précis : elle doit en renvoyer l’examen approfondi au pro- chain Congrès. Que si elle vote pour la réouverture des tours, qu’elle se prononce du moins pour les échanges des enfans d'arrondissement à arrondissement, et entre des départemens limitrophes. Et, pour le cas trop présumable d'insuffisance de fonds, que la section émette un vœu afin que les communes soient obligées d’y contribuer. » M. Boncenne termine sa réplique, de laquelle on ne peut ( 344) donner ici qu'un aperçu, par des considérations très-re- marquables sur la nécessité de multiplier partout les salles d'asile. M. Lemercier ( de Poitiers ) conteste l'application des docu- mens cités par le préopinant pour les exercices 1827 et 1828 dans les divers arrondissemens de la Vienne. M. Lemercier ne consentirait à la suppression des tours qu’autant qu’il y aurait des moyens pour moraliser les masses : autrement , mieux vaut avoir à entretenir des hôpitaux que des prisons. Et d’ailleurs quelle majorité dans le conseil général de la Vienne a prononcé en faveur de l'essai ? la mesure n’a été emportée qu’à une seule voix , 15 sur 14, et contrairement à l’avis unanime du conseil d'arrondissement de Poitiers, dont M. Lemercier était pré sident. La discussion est close. — M. le docteur Barilleau demande que l’on pose la question de savoir si la mesure a été ou non désastreuse.—M. Guépin et M. Boncenne proposent l’ajourne- ment jusqu’à la publication par le gouvernement de documens généraux dont le Congrès est entièrement dépourvu. M. Guerry-Champneuf demande la division par rapport aux enfans trouvés et illégitimes. M. Isidore Le Brun fait remarquer la distinction à faire entre les salles d’asile et les tours : encore bien qu’en multipliant les premières on puisse espérer de parvenir à la suppression de la plupart des autres. Déjà depuis plusieurs années , des départe- mens , la Sarthe par exemple, n’entretiennent plus de tours que dans leurs chefs-lieux. MM. Pontois, Béra et d’autres membres demandent la priorité pour la proposition d’ajournement. M. Lemercier s’y oppose , et soutient que c’est à la proposition du programme que la priorité doit être accordée. Après une discussion fort animée sur la position de la ques- tion , la section décide : 1° Que la suppression des tours d'arrondissement a produit des effets désastreux dans les localités où elle a eu lieu ; ( 345 ) 2° Que la proposition d’enquête faite par M. Guerry sera soumise à l'assemblée générale du Congrès ; 3° Que les communes doivent contribuer à la dépense néces- sitée par les enfans naturels ; 4° Qu'il est à désirer que des salles d’asile soient établies en grand nombre. La séance est levée à 10 heures. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. BoNGENNE. Après la lecture et l'adoption du procès-verbal, M. le pré- sident fait observer qu'il existe entre ses mains plusieurs propositions que le temps ne permettra probablement pas de discuter. Il en est cependant quelques-unes dont l'utilité est tellement évidente , qu’il suffirait de leur simple exposé pour qu'elles fussent adoptées. En conséquence, M. le président propose d’en donner lecture , de voter sur celles qui ne seront l'objet d'aucune observation , et de mettre les autres à l’ordre du jour pour qu’elles soient discutées si le temps Île permet. La section, suivant la marche tracée par M. le président , adopte sans discussion les cinq propositions suivantes : lo Inviter le gouvernement à faire dresser, pour les notaires, un larif général et uniforme, ainsi qu’il a été fait pour les avoués et les huissiers, en 1807. ?° Solliciter l'abrogation du décret du 20 février 1809, en ce qu'il attribue à l’État la propriété des manuscrits qui existent dans les bi- bliothèques des départemens , des communes et des autres établissemens publics. | 30 Émettre le vœu, sans entrer dans les moyens d'exécution, que des travaux soient incessamment entrepris, soit pour améliorer le cours de la Loire, soit pour créer un canal latéral, soit enfin pour établir un chemin de fer entre Nantes et Orléans. 4° Considérant combien il importe de favoriser les idées d'ordre et d'économie et les moyens de bien-être individuel, émettre le vœu que les caisses d'épargne et les banques de prévoyance soient propagées 44 ( 346 ) dans toute la France, et que le gouvernement, par des publications réitérées, fasse sentir aux classes laborieuses tous les avantages qu’elles en peuvent retirer. 50 Inviter le gouvernement à hâter, le plus possible, l'impression et la publication de la copie du manuscrit des Assises de Jérusalem, retrouvée en 1829, et surtout du second volume de ce manuscrit, con- tenant la Cour des Bourgeois. L'ordre du jour est la discussion de la question relative à la propriété littéraire , qui a été présentée par M. Le Brun. Après un exposé de l'importance de cette matière, il exa- mine ainsi qu'il suit les différentes mesures législatives qui jusqu'ici ont été employées. « Assimilant les productions des lettres et beaux-arts aux œu- vres des autres industries et aux biens ordinaires, on a proposé d’en rendre la propriété à tout Jamais héréditaire. D’autres ont dit que les auteurs avaient une double famille, leur descendance et le public, dont les intérêts seraient bien conciliés par la re- connaissance exclusive de cette propriété en faveur des parens, pendant un certain temps. Il eût été judicieux d'ajouter que le génie créateur , qui a toujours été très-rare , devient pres- que impossible dorénavant; que le savoir laborieux , même les talens élevés, travaillent véritablement sur un fonds commun à toute société policée et lettrée. Dans le monde intellectuel qui rejette toute limitation, quelles bornes déterminer? » En Angleterre, le droit exclusif d’un écrivain n’a pour durée que 13 ans. Chez nous, ce droit a été déclaré, par la loi de 1793 (19 juillet), non-seulement viager, mais transmissible aux héritiers , qui , toutefois , ne pourraient en jouir que pendant ro ans , depuis le décès de l’auteur. Heureux ceux qui recueil- lent par succession des œuvres posthumes , car un décret de l'an x leur en accorde la propriété pour toute leur vie , à la condition de les publier à part des autres ouvrages de leurs auteurs , devenus propriété publique. Et ce domaine réputé national enrichira des libraires spéculateurs ; les orphelins et leurs mères veuves n’en retireront rien autre chose que de la célébrité pour un nom qui rendra leur infortune plus (347) pesante! Un décret de 1810 daïgna, parmi des dispositiens plus despotiques les unes que les autres , garantir la propriété littéraire à l’auteur et à sa veuve pendant leur vie, si les conven- tions matrimoniales de celle-ci lui en donnent le droit , et à leurs enfans pendant vingt ans. Ainsi le législateur admet une vocation littéraire , pressentie avant le mariage, et il ne con- sidère pas que les gens de lettres, en général célibataires , ont pour soutien ; dans la vieillesse , le plus souvent des colla- téraux. » D’après les lois de 1791 et 1703 , les enfans et veuves d’au- teurs dramatiques n'avaient Ja jouissance exclusive de leurs œuvres que pendant cinq ans. Une pétition réclamant contre eette inégalité de temps avec les ouvrages littéraires ; fut re- poussée par la chambre des députés , session de 1822. » Enfin on annonça que d’une commission de savans et litté- rateurs, la plupart distingués , il allait émaner un projet de loi qui serait un monument glorieux pour le règne du prince d’a- lors: C'était en 1825, le 12 décembre : jusqu’au 5 mai suivant, cette commission tint 18 séances , de 4 à 5 heures chaque. La transmission à perpétuité dans la famille fut rejetée, et l’on dé- cida que les enfans conserveraient la propriété exclusive pen- dant cinquante ans, aussi bien pour les œuvres de littérature en général et dramatiques, que pour les ouvrages d’art et de musique. Ce projet, en 16 articles , est resté non avenu. » Cela montre quelles difficultés obstruent la matière ; et le projet , fort imparfait , ne proposait aucun moyen de défendre la propriété, du vivant même de l’auteur. Comment aussi assi- miler avec un ouvrage scientifique , laborieusement composé pendant de longues années, souvent durant toute une existence, des œuvres d'inspiration soudaine , qui paraissent non-seule- ment dans une librairie, mais sur des théâtres, devant des milliers de spectateurs qui se renouvellent sans cesse , que la mode adopte et la renommée exalte , dont chaque repré- sentation est lucrative pour l’auteur, et qui, de ville en ville, sont soutenus de tous les moyens des autres arts ? » Plutôt que de s'étendre dans l'avenir, la réputation pour les ( 348 ) savans et des littérateurs , même célèbres, se raccourcit , et ce n’est pas seulement à cause de la manière dont certains individus l’exploitent. Y eût-il encore des conceptions neuves et des décou- vertes, peu après leur mise en circulation , elles perdent de leur vigueur : tant le mouvement intellectuel est devenu accéléré , indépendamment de la foule des imitateurs qui jamais ne s’est jetée avec autant de rapacité sur tout ce qui n’est pas usé. » Que le droit à la propriété littéraire soit viager ou transmis- sible pour un tiers , pour une moitié de siècle , l'essentiel est d’abord d’en assurer la jouissance ; et il a à lutter incessam- ment contre la contrefaçon et le plagiat. » On demanderait en vain à la législation actuelle ce qui con- stitue le pillage déhonté, ou seulement adroit , mais de toute la souplesse qui est propre à la pensée pour se modifier. Vingt mille mots ajoutés au dictionnaire de l’académie n’ont pas empêché qu'une édition nouvelle n’ait été confisquée : tandis que des passages de Pinkerton , formant 270 pages , mais épars dans les x1x volumes de Malte-Brun , ont été déclarés tout au plus un cas de plagiat. Et des magistrats de la Cour de cassa- tion ont professé que le commentaire attaché au texte d’un auteur, même vivant, n’est bien qu’un acte ëmmoral, seulement justiciable de l'opinion et des journaux. » D’autres procès ont prouvé que pour trouver le caractère de la spoliation par la contrefaçon, il faut combiner des dispo- sitions d’un règlement de 1618, un arrêt de 1682, puis un édit de 1686 , encore des arrêts de 1777 et de 1778; enfin la loi de 1793 qui définit la contrefaçon , la réimpression ; n’im- porte le caractère et le format, d’un ouvrage entier, ou en grande partie. » Cette loi prononçait contre le contrefacteur ia confiscation , et pour indemnité elle accordait au véritable propriétaire une somme équivalente au prix de 3,000 exemplaires de l'édition originale : de la part du débitant, l'indemnité à payer était égale au prix de 500 exemplaires. — Pénalité mal graduée, car ce sont les vendeurs qui encouragent les contrefacteurs ; trop forte parfois contre ceux-ci; car une édition de luxe, ( 349 ) avec gravures , etc., perd moins à être réimprimée à bas prix qu’une édition jordinaire ; puis il est arrivé que des réim- pressions ont été faites dans la présomption que les auteurs étaient morts. » Le 5 février 1810, parut le fameux décret impérial contre l'imprimerie et la librairie. Ce qu'il appelait garanties des auteurs consistait , art. 42, à ordonner la confiscation de l’é- dition ou des exemplaires contrefaits, au profit de l’auteur ou de ses ayant-cause; et, art. 43, à renvoyer pour les dom- mages-intérêts à l'arbitrage du tribunal correctionnel où crimi- nel, selon les cas et d’après les lois. — Au même moment, car la présentation du 2° ch. du tit. 2, liv. 3 du Code pénal, se fit le 9 février, le législateur, confondant les atteintes à la propriété littéraire avec les contraventions aux règlemens sur les maisons de jeu et les délits des fournisseurs , assimilait, (art. 426), quant au débit, les ouvrages contrefaits en France et ceux contrefaits à l'étranger ; et, par l’art. 427, il prononcé l'amende de 100 fr. au moins, de 2,000 fr. au plus, qui n’est pour le débitant que de 25 à 500 fr. ; réservant le produit des confiscations pour le propriétaire, qui est renvoyé, pour le surplus de son indemnité, à se pourvoir par les voies ordinaires. Il n’y avait point encore d'emprisonnement : un simple décret du 14 décembre 1810 le prononça, en appliquant Varticle 287 du même Code au cas d'introduction en fraude du droit de 150 fr. par 100 kilogr. infligé aux livres imprimés à l’étranger. » Telle est encore la législation en matière de propriété lit- téraire. On croit la favoriser par l'arbitrage d’un tribunal cor- rectionnel , quand ses juges les plus compétens devraient être un arbitrage ou jury mi-parti d'auteurs et de libraires ou imprimeurs. » Mais depuis que la presse a recouvré de la liberté, le commerce a acquis beaucoup d'extension, et les atteintes à la propriété se sont agravées. Sürement les libraires de Paris ne demanderaient plus, comme en 1817, le maintien du ( 350 ) simple droit de 150 fr., par quintal métrique, sur tous les ou- vrages français réimprimés à l'étranger , après les contrefaçons commises avec tant d’audace chez un peuple voisin , enhardi qu’il est dans cette piraterie par son incapacité pour rien produire : encore les pirates sont mis au ban de toutes les nations , et les libraires belges trouvent facilement , dans la France même, des complices pour le débit de leurs contre- façons. » Outre les commis-voyageurs qui , comme les colporteurs , commettent sciemment et avec le plus d’activité la vente des contrefaçons faites en France ou à l'étranger, les éditeurs souvent lèsent Les droits des auteurs. Ceux-ci ne peuvent joindre leurs plaintes à celles des souscripteurs ; et quand eux où leurs héritiers rentrent dans leur propriété , elle est détério- rée , perdue par les fraudes des libraires qui ont publié une ou plusieurs éditions. Car les auteurs qui se prêtent à la su- percherie d’éditions multiples en sont dupes eux-mêmes. On a vu des éditeurs ,; après avoir capté la confiance d'écrivains naturellement assez faciles, négliger une publication parce qu'ils avaient plus de profit à en exploiter une autre , sur un sujet semblable ou différent. » Sans doute, le respect est dû avant tout à la liberté du com- merce, principalement à la liberté de la presse, indispensable pour répandre les connaissances. Si des écrivains indignes trom- pent les libraires, il est juste qu’ils soient condamnés à toutes les indemnités à raison de leurs fraudes. Mais les fabricans dont les produits sont annoncés au rabais, ne souffrent que des préju- dices faibles où nuls ; tandis que l’homme de lettres pour qui la réputation est tout , qui lui sacrifie sa santé, $a fortune , son existente , est exposé à voir, avec son livre malheureux , son nom proclamé sur les places publiques, dans les prome- nades, par les journaux. Il est discrédité , et cela par son édi- teur qui, souvent après avoir retiré un bon lucre de son mar- ché, expose ainsi à l'encan le rebut d’une édition, des exemplaires incomplets, ou bien la passe de quelques cen- ( 351 ) taines d'exemplaires qu'il s’est ménagés avec un imprimeur déloyal ; autre préjudice à la propriété que certains impri- meurs commettent presque impunément, quand ils travaillent pour compte d'auteur. » Le nombre des exemplaires pour le dépôt légal doit être pris en considération. Quant aux souscriptions faites au nom d’un ministère, c’est un encouragement honorable , ce peut être aussi le fait de la faveur et de l’intrigue : ainsi seraient absorbés des fonds pris dans le trésor public et votés en faveur des ouvrages les plus utiles et dans l'intérêt des bibliothèques publiques. » Un mal s'aggrave quand on n’yapporte pas de remède. Des commissions ont proposé des réformes jugées inefficaces : n'est-ce point parce qu’elles ont compliqué une matière déjà très-difficile? On a considéré semblablement les ouvrages de littérature et de science, et les œuvres de musique et de dessin , ? comme si l'association des auteurs dramatiques ne prouvait pas qu’eux-mêmes ils reconnaissent leurs intérêts bien distincts des droits des autres écrivains. La presse quotidienne et pé- riodique réclame aussi des dispositions spéciales pour son droit de propriété. » Le Congrès scientifique voudra bien examiner s’il ne doit point comprendre la propriété littéraire parmi les matières sur lesquelles il exprime moins un jugement qu’il ne désire appe- ler l'attention du public, si les dispositions suivantes sont acceptables : La propriété exclusive d’un ouvrage de littérature ou de science appartiendra , après le décès de l’auteur, pendant trente années à ses enfans et à sa veuve, pendant vingt ans à ses ascendans ou autres héritiers. Nonobstant toute cession plus prolongée, l'éditeur ne jouira de cette propriété que durant dix ans, au cas où il se trou- verait des héritiers collatéraux et des descendans qui rentreraient en possession de l’ouvrage pour dix autres années, ou des enfans et veuve dont le droit exclusif ne durerait pas plus de vingt années, Ces dispositions sont applicables aux œuvres posthumes. Le plagiat existe, lorsque, sans le consentement exprès de l’auteur, (352 ) un livre conlient des citations où emprunts apparens, formant en- semble une feuille par volume de cinq feuilles et au-dessous , deux feuilles par volume de plus de vingt feuilles.— Le dédommagement sera égal aux prix cumulés de cinq cents exemplaires du livre pillé et du livre fait par suite de ce plagiat. Ce dédommagement pourra être d’une valeur double pour usurpation de titre ou de nom d’auteur. La contrefacon pour moins de la moitié d’un ouvrage sera pas- sible, à chaque volume, d’une indemnité double de celle ci-dessus : cette indemnité sera quadruple pour contrefaçon de plus de Ja moilié. Toute édition , tous exemplaires poursuivis pour plagiat ou contre- facon , seront en outre adjugés à l’auteur ou ayant-droit. Le débit d'exemplaires contrefaits en France donnera lieu à une indemnité égale au prix de l'édition originale à 1,000 exemplaires ; de la moitié pour le cas de plagiat. Ces indemnités seront d’une valeur triple pour le débit, si la contrefacon ou le plagiat ont été commis hors le royaume. M. Abel Pervinquière. « Le mémoire de M. Le Brun con- tient des choses fort utiles, il contient aussi des propositions qui sont susceptibles de grandes discussions ; le temps qui nous reste nous permettrait à peine d’effleurer la matière, qui est fort importante. Je crois donc qu'il doit suffire aujourd’hui de prendre acte des propositions de M. Le Brun, et d’appeler lat- tention du Congrès futur et du gouvernement sur la matière.» M. Babinet. « M. Le Brun voudrait que les ouvrages en- trassent dans le domaine public au bout d’un certain temps. Je ne puis adopter cette proposition ; je crois que la propriété d’un ouvrage est un droit aussi sacré que la propriété d’un champ, que cette propriété doit rester à l’auteur et à ses héritiers d’une manière incommutable, à moins qu’ils ne consentent à s’en dessaisir eux-mêmes. La seule objection qu’on pourrait ici adresser, c’est que les auteurs seraient ainsi maîtres de tenir leurs ouvrages à un très-haut prix, en ne faisant qu’un petit nombre d'éditions ; mais cela n’est point à craindre, car il est dans l'intérêt de la fortune de l’auteur, aussi bien que dans l'intérêt de sa réputation, de vendre son ouvrage moyennant PER EEE ( 353 ) un prix modique, parce qu’il en débitera plus d'exemplaires. » MM. Bourgnon de Layre et Béranger demandent que la question soit recommandée au gouvernement , au Congrès prochain , et à toutes les personnes qui s’occupent de législation et de littérature. Cette proposition est adoptée. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. BoNCENNE. La première proposition, par M. Deloynes, avocat, pour multiplier les banques d'épargne, est adoptée. Deuxième proposition. Le Congrès exprime le vœu que l'art. 155 du Code d'instruction criminelle, qui prescrit aux grefhers des tribunaux de simple police de tenir note des dépositions orales des témoins, et . que l’art. 189 du même Code rend applicable aux tribunaux de police correctionnelle, soit modifié en ce sens que les présidens des tribunaux correctionnels soient tenus de dicter eux-mêmes aux grefñers les dé- positions des témoins dans toutes les affaires susceptibles d'appel. La discussion à laquelle prennent part MM. Pontois, André, Bourgnon de Layre, Nau de la Sauvagère , Garnier, signale les inconvéniens graves qui résultent fréquemment du mode prescrit par les articles précités; et, d’un autre côté, les diffi- cultés en raison de la multiplicité des affaires et du grand nombre des témoins, de pratiquer le moyen présenté par la proposition. — Le renvoi au prochain Congrès est adopté. Troisième proposition. Le Congrès émet le vœu que le gouvernement présente le plus tôt possible aux chambres une loi abrogative de la loi du 3 septembre 1807, sur la fixation de l'intérêt de l'argent. Cette proposition n’est pas admise. Le bureau de la section d'agriculture vient siéger par suite du renvoi de la question sur les chemins vicinaux, dont la sixième section avait été également saisie. M. le général Du- bourg fait le rapport sur les bases proposées par la commis- sion (1). (x) Voir à la section d'agriculture, p. 92 et suiv. 45 ( 354 } La sixième section reprend la suite de ses travaux. Le Congrès émet le vœu que l’article de la loi du 28 avril 1816, qui fait des charges de notaires, avoués et autres officiers ministériels , une propriété mobilière, transmissible moyennant un prix , soit abrogé, sauf à déterminer des mesures transitoires pour ménager les droits ac- quis sous l'empire de la loi abrogée. Le renvoi au prochain Congrès est prononcé par la section, qui n’entend rien préjuger sur le fond de cette proposition. M. Jullien présente une proposition qui est écartée par l’ordre du jour. Elle est ainsi conçue : Inviter les amis du bien public , dans les chefs-lieux de département et dans les grandes villes, à former, de concert avec les autorités mu- nicipales de chaque localité, des sociétés d’édilité et de salubrité, qui auront un conseil central destiné à s'occuper des mesures concernant l'assainissement et l’embellissement des villes, le bon entretien et la libre circulation de la voie publique, et surtout l’extinction progressive de la mendicité. L'amélioration du régime pénitentiaire est à l’ordre du jour. M. Nicias Gaillard , chargé d’examiner plusieurs mémoires adressés au Congrès sur cette question , a la parole : « Messieurs, vous n'avez chargé de vous rendre compte d’un mémoire adressé au Congrès par M. Henri Richelot, de Nantes, mémoire qui a pour titre : De la nécessité d’une ré- forme du système pénitentiaire fondée sur une nouvelle science de l’homme. » Ce mémoire contient , à côté de quelques idées vraïes et convenablement exprimées , des doctrines dangereuses qui se- raient de nature à compromettre la cause que défend l’auteur, si cette cause ne pouvait pas être autrement défendue. » S'il était vrai que pour réformer la théorie des lois pé- nales il fallût déclarer la guerre au christianisme, et sacrifier, en allant bien plus loin encore, le grand principe de la liberté humaine, la cause de la réforme serait une cause désespérée. IL n’en est pas ainsi. On peut chercher à adoucir les lois sans attaquer une religion qui les a , la première , adoucies ainsi que les mœurs; et rien n’est moins contraire aux doctrines ( 355 ) qui tendent à prévenir les crimes et à réformer les criminels que la liberté, sans laquelle tout essai d'amélioration serait évidemment inutile. » Les réformes que l’auteur veut introduire dans la légis- lation ne peuvent donc que gagner à être examinées indépen- damment de ses doctrines métaphysiques. Nous verrons d’a- bord ce qu'il propose; nous jugerons ensuite le système qu’il donne pour fondement à ses propositions. » L'objet du mémoire est d'établir qu'il est nécessaire de modifier la théorie des lois pénales en y remplaçant l'idée de la répression par celle de la réformation : modification importante qui doit en amener beaucoup d’autres dans la pratique. » Un temps viendra où les progrès de la civilisation per- mettront de briser l’arme désormais inutile du châtiment. Ce temps est encore éloigné ; mais si l’on ne peut abolir immé- diatement les peines, on peut du moins les diriger vers Le seul but qu’elles doivent atteindre , l'amélioration du coupable, et supprimer celles qui châtient et ne corrigent pas. » Ainsi plus de peines à perpétuité, si ce n'est pour ces cri- minels incurables, ces hommes-monstres qui apparaissent de loin en loin; car pour ceux-ci « on doit les enchainer comme » on ferait des tigres. La conservation de Fordre social passe » avanttout. » » L'auteur nous laisse le soin d'appliquer ses principes aux autres peines établies par nos lois. » Mais ce n’est pas assez de déterminer le but que les peines doivent atteindre et de les diriger vers ce but. Guérir le mal, est bien ; le prévenir , est beaucoup mieux. Ce qu’il faut, c’est une bonne hygiène morale qui consistera surtout à améliorer progressivement le sort des classes pauvres, à élargir l’ordre social, à donner autant que possible satisfaction à toutes les natures. « Ainsi deux choses, continue l’auteur , l'éducation » morale dispensée à tous et l'amélioration des conditions » sociales , voilà le vrai moyen d’extirper le crime. » (356) » Un tel résultat paraîtra peut-être plus désirable que fa- cile à obtenir. Je sais beaucoup d'hommes qui pensent que les peines resteront toujours nécessaires , et qui ne voient pas dans l'avenir ce point brillant qu’on leur signale comme in- diquant l’époque où la société pourra être impunément désar- mée. Mais ceux-là même qui n’ont pas cette foi vive de l’auteur dans la perfectibilité humaine, ne peuvent qu’applau- dir aux efforts qui ont pour objet de diminuer le nombre des crimes et de rendre les peines plus utiles par la mise en pra- tique d’un bon régime pénitentiaire. Je ne connais pas de plus louable et de plus noble étude ; mais j'ajoute qu’il n’en est pas où il soit plus facile de se laisser égarer par ces idées absolues qui faussent la vérité en l’exagérant. » Il est, sansidoute, incontestable que l'amélioration du con- damné est l’un des principaux objets que doivent se proposer les lois pénales ; mais il n’est pas vrai que ce soit le seul. Le but vers lequel toutes les lois doivent tendre , c’est le main- tien de l’ordre dans la société. L'auteur lui-même le reconnaît. Or, pour concourir à ce but, il faut que la peine agisse à la fois sur Le coupable et sur ceux qui seraient tentés de l’imiter : 1 sur le coupable, en le réformant de manière à ce qu’il n’y ait rien à craindre de son retour dans la société , et c'est ce qu'il faut demander au système pénitentiaire ; sur les êtres vicieux que l'amour du bien ne suffirait pas pour retenir , en les intimidant par ie spectacle de châtimens plus ou moins sé- vères , mais toujours justes et proportionnés au délit, et en entretenant cette conviction salutaire que la violation du de- voir trouve sa punition dès ce monde. » Le principe de la réformation , qui est celui de l’auteur, cesse donc d’être vrai aussitôt qu’il devient exclusif. Il en est de même du principe contraire , le principe de l’intimidation. Il faut les combiner. Ils ne sont vrais que l’un avec l’autre. Si vous les isolez, vous faites d’un des élémens du système le système tout entier, et vous ne pourrez, sans danger ou sans inconséquence, mettre en pratique vos incomplètes théories. (357) » Quant aux moyens de diminuer le nombre des crimes, les meilleurs sont , sans doute, ceux que propose l’auteur, l'éducation morale dispensée à tous et l'amélioration des condi- tions sociales; pourvu que, ne séparant pas des choses insé- parables , on ne prétende pas enlever à la morale son fonde- ment et sa sanction, et que sous prétexte de travailler à l'adoucissement du sort des malheureux , ‘ce qui est en effet la première obligation du pouvoir et de la richesse , on n’aille pas envenimer leurs maux en les abusant de l'espoir d’un bien-être imaginaire , et qu’on se garde surtout de les en- flammer de cette ambition impatiente et jalouse qui, pour trouver la place qu’on lui a follement promise, agiterait inces- samment la société. » Ce que nous avons analysé jusqu'ici tient peu de place dans le mémoire de M. Richelot. L'auteur s’est principalement atta- ché à développer son système sur les causes et la moralité de nos actions. » Ge système est fondé sur une nouvelle science de l’homme. La vérité qui sert de base à cette science nouvelle , c’est la né- cessité des actes. Le libre arbitre n’est qu’une mieillerie scolas- tique, un dogme décrépit. Il est faux que l’homme ait la faculté de vouloir ou de ne pas vouloir une chose par un acte de volonté libre. L'homme est soumis à une double influence à laquelle il ne peut échapper : « Deux choses, dit l’auteur, » l’organisation ou les facultés innées, l'éducation ou l'influence » du milieu, voilà toute la vie de l'individu, voilà les deux » sources uniques de ses sentimens , de ses pensées et de ses » actes, ou, pour tout résumer en un mot, de sa moralité. » Or, il est incontestable que personne ne s’est donné ses agens » ou son organisation , et que personne n'a fait non plus le » milieu dans lequel il s’est développé. Le libre arbitre n’a » donc rien à faire avec la moralité... Il n’y a pas de libre » arbitre pour l’homme. » » Voilà le fondement de cette nouvelle science qui s’éla- bore et qui doit opérer une rénovation sociale. Il ne faut donc ( 358 ) plus voir dans les criminels des êtres libres qui, pouvant faire le bien, ont volontairement fait le mal ; des êtres responsables à qui on a le droit de demander compte de la détermination qu'ils ont prise, parce qu’ils pouvaient ne pas la prendre. Il faut voir en eux des organisations inférieures, arriérées , des constitutions faibles , des santés délicates en morale, ou quelquefois des organisations morales très-fortes qui succombent au crime par un concours de circonstances particulières, comme on voit des constitutions physiques très-robustes succomber à des mala- dies accidentelles. » Je ne crains pas de le dire, Messieurs, si de telles maximes étaient vraies , il faudrait en gémir. Quelles tristes révélations elle nous aurait faites cette nowelle science de l'homme ! » Je croyais être libre. Cette liberté dont j'avais la con- science , je la reconnaissais dans la faculté qui est en moi de comparer , de délibérer , de choisir (1), de vouloir ou de ne pas vouloir , de faire ou de ne pas faire. Chaque jour, à cha- que instant de chaque jour, j'usais de ce don précieux. Je me sentais , je me voyais libre ; je n’étais pas plus certain de mon existence même que de ma liberté. Eh bien! ce senti- ment intime, ce témoignage que je me rendais à moi-même dans chacune de mes pensées, dans chacun de mes actes, m'’abusait. J'invoque en vain, selon la belle expression de Tacite, la conscience du genre humaine ; le genre humain se trompait avec moi. La liberté est un mensonge. Cest à la nécessité qu’il faut croire. Oui! il n’est rien de ce que fait l’homme , qu’il puisse faire autrement qu’il ne le fait. » Et pourtant l’homme examine , apprécie , se décide ! ka pensée est donc indépendante de son objet puisqu'elle le juge (2) ; elle a donc sur lui une pleine supériorité... Non, répond l’auteur. Ce que vous prenez pour liberté de choisir , (1) Qui conçoit, veut, asit, est libre en agissant. (VOLT.) (2) Bossuct, — ( 359 ) west, de votre part, qu’incertitude, irrésolution , ignorance. Il n’est pas vrai que de deux actions contraires vous soyez libre de préférer l’une à l’autre, selon la détermination de votre esprit. « Il vous faut prendre parti pour la ve tu ou pour le » vice, suivant que votre organisation morale, double résultat » de la nature et de l'éducation , a plus de tendance vers l’un » ou vers l’autre. » » Mais si le coupable n’avait pas le pouvoir d’éviter le mal, d’où vient qu’il se le reproche ? Qu'il nous arrive un malheur, ce sera pour nous une consolation de songer qu’il était inévi- table. Le chagrin qui nous vient de la mort d’un ami, de la perte accidentelle de notre fortune , n’est-il pas différent de la douleur que nos fautes nous font ressentir? Si nous apercevons en nous quelque imperfection naturelle , notre amour-propre pourra ensouffrir; mais nous ne serons pas assez déraisonnables pour nous la reprocher. Si, au contraire, nous commettons une mauvaise action , notre conscience nous accuse, nous con- damne. Qu'est-ce donc que ce remords qui nous poursuit et que nous voudrions pouvoir étouffer ?...….. Le remords , répond l’au- teur , n’est que le résultat du préjugé. Nous sommes satisfaits ou mécontens de nous-mêmes , selon que nous croyons avoir bien ou mal fait, parce que, dominés par les fausses doctrines qui nous ont été enseignées , nous nous imaginons qu’il y avait pour nous liberté d’agir autrement. Nous rougissons d’une chute morale , comme nous sommes honteux de notre peu de cou- rage , de la faiblesse de notre intelligence , en un mot de toute infériorité. Voilà tout ce qu'il y a dans le remords ; le libre arbitre n’y est pour rien. » Est-ce à dire que dans ce système il n’y a plus ni bien, ni mal?...... Non, le bien et le mal existent encore. « Il y a des » crimes , comme des douleurs corporelles , ce sont des faits » palpables et visibles. » Seulement il faut s'entendre. Tout relève de l’idée de progrès. « Les faits progressifs, voilà le bien ; » les faits rétrogrades , voilà le mal... L'homme le plus moral » est celui qui aime le plus ce que nous concevons comme le » but social, c’est-à-dire l'amélioration de la race humaine , ( 360 ) » ou plus spécialement de la classe la plus nombreuse et la » plus pauvre, et qui y travaille le plus activement... Par » cette définition, la morale sort des langes de l’ancien dogme. » Le renoncement aux biens de la terre , aux jouissances de la » chair qui était devant lui une des grandes vertus, n’en fait » plus partie... Etre moral , c’est aimer ses semblables et leur » être utile... Le criminel, c’est l’homme d’une moralité » faible... , c’est l’homme qui n’aime pas le bat social, » » J'en ai dit assez , Messieurs , pour vous mettre à même d'apprécier les doctrines de l’auteur du mémoire. Vous n’at- téndez pas que , pour les combattre, je vienne répéter ici ce qu'ont écrit sur la liberté humaine tant d’illustres philoso- phes. Le système que M. Richelot présente comme nouveau , est une vieille erreur mille fois réfutée. IL est bien tard pour chercher à la rajeunir. » Qu'importe, si l’on admet le principe de la nécessité des actes , qu’on attribue cette nécessité à des causes différentes ? L'auteur distingue avec soin son système de celui des fatalistes ; mais il est indifférent qu’on préfère le destin des païens , la fa- talité des musulmans , ou bien les penchans innés et le milieu de l’auteur du mémoire, si , dans tous ces systèmes , la volonté de l’homme se trouve également asservie , enchaînée. C’est ma liberté qui m'importe, et non pas le nom qu’on voudra donner à ce prétendu esclavage dans lequel tout mon être mw’aflirme que je ne suis pas. » Il n’a donc pas sufhi à M. Richelot de chercher ailleurs que certains partisans de la nécessité , la cause ou le principe de cette force par laquelle il soutient avec eux que l'homme est invinciblement dominé , pour éviter Les inconséquences D'un dogme absurde à croire, absurde à pratiquer , et pour conjurer les dangereux effets qu’il ne pourrait man- quer de produire, si, pour le malheur des hommes, il venait jamais à triompher du sentiment universel qui le repousse. » Qui pourrait se laisser prendre aux subtilités à l’aide des- quelles l’auteur s’eflorce de concilier l’existence du bien et du mal avec un système qui l’exclut ? Votre nouvelle science, dites- ( 361 ) vous , ne détruit pas le devoir ; seulement elle le déplace. Au lieu de faire consister la vertu dans le renoncement aux biens du monde , aux jouissances de la chair , vous appelez vertueux l'homme qui aime ses semblables et qui leur fait du bien. Je pourrais vous répondre que toutes nos obligations ne sont pas euvers nos semblables, et que Dieu aussi veut être compté. Choisir arbitrairement entre les devoirs pour sacrifier les uns aux autres, c’est affaibli ceux-là même qu'on prétend con- server. Combien elle serait imprudente cette morale nouvelle qui , s’applaudissant de ses concessions , et croyant se fortifier par ses faiblesses, convierait les passions les plus fougueuses au partage du cœur humain, comme si ces passions tyranniques se contenteraient d’une demi-victoire, comme si /a charité (x), seule vertu qu’on veuille bien reconnaitre , serait assez forte pour disputer à leur ruineuse exigence ce qu’elle aurait en vain promis au malheur !..…... Mais qu'importe où vous placiez la vertu ? du moment que vous la reconnaissez , votre système ne peut plus se soutenir. » Pourquoi l’homme qui fait du bien à ses semblables vous paraît-il digne d’éloge, s’il n’était pas libre de n’en pas faire? Jai de l'argent, je sais quel parti j'en puis tirer, et tout ce qu’il promet de plaisir à mes caprices , de jouissances à mes passions. Eh bien! je me l’enlève à moi-même pour le donner à ce malheureux dont il pourra adoucir les souffrances. Je fais ainsi, selon vous-même , une bonne action. Je me sens heu- reux de l'avoir faite, j’en serai d’autant plus heureux qu’elle m’aura plus coûté ; et l’estime des hommes viendra se joindre à ma propre estime, à laquelle je dois surtout tenir. Voilà la vertu , voilà ses efforts, ses sacrifices, voilà sa récompense. » Mais quelle inconséquence n’y aurait-il pas à me louer d’une chose que m'a imposée la nécessité qui me subjugue ? Comment comprendre la vertu sans volonté? Si je suis soumis, dans mon organisation morale , à des lois aussi impérieuses , aussi invariables que celles qui gouvernent la nature inanimée; (x) Caritas generis humani. 46 ( 362 ) si , au lieu de cet être doué de sentiment et de raison qui s’ap- partient à lui-même, iln’y a plus en moi que l’esclave irres- ponsable des dispositions que j'apporte en naissant et de Vim- pression que font sur moi les objets extérieurs, je pourrai bien encore être utile ou nuisible à mes semblables, selon les ca- prices de cette organisation dont je suis le jouet ; mais, dans ces mouvemens indélibérés , dans ces actes sans moralité, il n’y aura ni sujet de blâme , ni sujet d’éloge. Je n'aurai pas plus de mérite à être utile que le blé à nourrir les hommes et le fleuve à fertiliser les campagnes. » On ne comprend donc pas ce que veut dire l’auteur quand il parle de estime que méritent certaines organisations morales et du mépris que méritent certaines autres. Estime , ou mépris , pourquoi, si l’homme n’est pas plus libre que la plante qui végète , que la matière qui suit les lois éternelles du mouve- ment? Vous comparez l’homme moral à l’homme physique. Eh bien ! vous ne trouvez pas qu’un homme est digne de mé- pris parce qu'il est malade, digne d’estime parce qu'il se porte bien. On ne blâme ni ne châtie un enfant , dit Bossuet , d’être boiteux ou laid; mais on le châtie d’être opimätre, parce que l’un dépend de sa volonté et que l’autre n’en dépend pas. » Les mots vertu et crime, eslime et mepris , récompense et peine, n’ont donc plus de sens dans le langage de l’auteur. Et la confusion des mots ne vient qu’à la suite de la confusion des idées. Que reste-t-il de vrai désormais ? Qu'est-ce que la justice humaine sinon une inutile cruauté , une dérision san- glante? Et la justice divine? (1) Le remords , l’auteur le dé- clare, n’est plus qu’un préjugé; mais ce n’est pas seulement le remords. Qu'est-ce que l’âme (2)? Qu'est-ce que la vie à venir? (1) Dans les cieux, sur la terre, il n’est plus de justice, ( Vozrt. ) (2) L'auteur semble avoir répondu à cette question dans le passage suivant : « Quand nous nous servons de ce mot ( organisation ), il faut toujours se rappeler que nous entendons l'homme tel qu’il est o1ganisé, et non point une matière qui appartiendrait à un je ne Sais quoi, âme, pur esprit, qui serait l’homme. L'organisation morale de l'homme, c’est donc l'homme envisagé sous son aspect moral. » 2 en ——— ( 363 ) Qu'est-ce que Dieu lui-même? Tout s'écroule dans ce monde et dans l’autre. « Désolant système , pourrions-nous dire avec J.-J. Rous- » seau , qui renverse, détruit , foule aux pieds tout ce que » les hommes respectent !.... Ils ôtent aux aflligés la dernière » consolation de leur misère , aux puissans et aux riches le » seul frein de leurs passions; ils arrachent du fond des » cœurs les remords du crime, l’espoir de la vertu, et se » vantent encore d'être les bienfaiteurs du genre humain! » Jamais, disent-ils, la vérité n’est nuisible aux hommes : » je le crois comme eux , et c’est, à mon avis , une preuve que » ce qu'ils enseignent n’est pas une vérité. » » Il ne sert de rien d’opposer ici, comme le fait l’auteur , les découvertes des phrénologistes. L’homme a des prédispo- sitions, des instincts: personne ne le nie, et les moralistes n'ont pas attendu pour le reconnaître, que Gall et Spurzheim aient cru pouvoir indiquer dans notre conformation cérébrale le siége de chacun de nos penchans. On ne peut non plus contester l'influence du climat , des institutions, de l'exemple. Mais , ce qui n’est pas moins incontestable, c’est que cette influence n’est pas irrésistible. L'expérience ne le prouve-t- elle pas assez, et faudrait-il citer tant d’exemples de penchans naturels modérés, d’habitudes vicieuses corrigées , de passions invincibles en apparence , vaincues cependant par une volonté ferme et constante? Que l’homme , qui est à la fois corps et esprit, soit entièrement indépendant des causes physiques, cela n’est pas. Mais qu’il en dépende absolument, qu’il leur soit tellement asservi que sa volonté n’en puisse jamais triom- pher; voilà qui est moins encore. — Les hommes gâtent toutes les vérités. Qu’y a-t-il qui n’ait été corrompu par l’exagération des conséquences ? » Mais voyez jusqu'où peuvent aller nos erreurs! L'auteur prétend démontrer que la doctrine du libre arbitre est con- traire aux progrès des sciences politiques et morales, parce que , selon cette doctrine, les actions humaines dépendant du caprice des volontés individuelles, n’ayant entre elles aucune ( 364 ) relation , échappant à toutès les prévisions , il est impossible de les ramener à des règles générales sur lesquelles on puisse fonder une science de l’homme. » Getté erreur accuse une singulière préoccupation. » Je pourrais d’abord répondre que s’il est vrai que le libre arbitré soit le seul moyen d’expliquer les innombrables diffé- rencés qui se manifestent dans les pensées et dans les actions des hommes, il est déraisonnable de nier le libre arbitre , car il est impossible de ne pas reconnaître ces différences. Mais est-il vrai que si, au lieu de trouver une lumière dans son intelligerice, une force qui lui est propre dans sa volonté, l’homme était dans une dépendance servile de son organisa- tion physique, cette diversité s’effacerait ? Non sans doute. Les prédispositions $e diversifient à l'infini , soit par leur nature, soit par leur intensité. Il en est de l’homme physique comme dé l’homme moral. Tous les individus se rapprochent par des traits généraux de conformité ; mais ils s’éloignent par des dissemblances infinies dans les détails. » Je sais bien que l’organisation physique n’est qu’un des élémens de l’homme, tel que M. Richelot le fait. Mais loin de s’adoucir , ces différences primitives se développeront par Îles circonstances non moins variables de temps, de lieux , d’hom- mes et dé choses, qui forment le milieu dans lequel vit chaque individu , et, de génération en génération, elles deviendront plus vives et plus profondes. » C’est bien alors que vous pourrez cramdre que le type- homme ne se pérde au milieu de tant d’individualités de plus en plus diverses. Cominent ramènerez-vous à des principes constans , à cette règle unique que vous voulez ‘donner pour fondement à votre science , ces phénomènes toujours chan- geans ? s Si, au contraire , ne muütilant pas lhonime que Dieu a fait, vous lui laissez la raison ét la conscience , tous ces êtres que tant de différences éloignaient toat à l’heure'se trouveront rapprochés par au Viëen commun. Vous w’obtiendrez pas saus doute une uniformité qui n’est pas dans l'ordre de la nature ( 365 ) ni dans celui de la providence, mais vous aurez un moyen d'action, un point d'appui certain, une règle pour l'éducation des enfans et pour le gouvernement des hommes. » N'est-ce pas un avantage pour celui qui veut travailler à éclairer, à améliorer ses semblables, que de trouver en eux un sentiment vif, profond , universel du bien et du mal, qu'il pourra toujours invoquer , auquel il pourra rapporter tous ses préceptes comme à une règle infaillible? Chose étrange, que , pour éclairer les hommes, il fallût les dépouiller de leur intel- ligence, et, pour les améliorer , de leur conscience et de leur liberté ! » Et pourquoi ces dangereux systèmes? Que peut-on en attendre? A quoi sont-ils bons? » L'auteur s’est proposé d'indiquer les moyens de prévenir les crimes et de rendre les peines profitables à ceux qui les subissent. Sous le premier rapport , il demande l’éducation morale dispensée à tous et l'amélioration des conditions sociales ; sous le second, un système pénitentiaire qui réforme les con - damnés. » Mais quel est le but de tout système pénitentiaire , si ce n’est d’exciter dans le cœur du criminel le repentir d’avoir mal fait, et, par-là , le désir, la résolution de bien faire? Et vous croyez que le meilleur moyen pour atteindre ce but , c’est de persuader au condamné qu’il n’a pas agi volontairement, et qu'il sera dans l’avenir, comme il l’a été dans le passé , le jouet d’une double et invincible puissance qui rend tous nos actes nécessaires ! » Vous voulez qu’on dispense à-tout'le monde le bienfait de l'éducation morale. Maïs est-ce un ‘bon système d’éducation morale que celui qui ôte à nos actions leur moralité ? Celui-là encourage-t-il à la vertu :qui :la .dépouille de :ses honneurs ? Gelui-là fait-il haïr le crime qui le relève de son ignominie ? Est-il bien certain que si je suis imbu de cette idée qu’il me faudra toujours céder à V’irrésistible attraction de mes pen- chans et de mon éducation, je n’en serai que plus courageux etoplus ferme dans les luttes journalières de la vie ? ( 366 ) » Et es conditions sociales, il faudrait pour les améliorer enlever aux malheureux les croyances qui les consolent et les soutiennent !..….. Ah ! si ce n’était au nom commun de tous les hommes, ce serait au nom de ceux qui souffrent que je repous- serais ces désolantes maximes. Les amis de l'humanité auront beau faire , il ne restera que trop de pauvres et d’infortunés. Qu'’à ceux-ci du moins on veuille bien laisser ce qui leur aide à porter leur fardeau ! » Il faut donc rejeter les doctrines de l’auteur comme fausses et dangereuses. IL faut les rejeter encore comme contraires au but qu’il a voulu atteindre. » Tel est l'avis de votre rapporteur. » M. de Godefroy demande que la section exprime le blâäme que lui paraissent mériter les doctrines qui servent de base au mémoire de M. Richelot. Il est répondu que la section partage , à eet égard, l'opinion émise par son rapporteur. M. Nicias Gaillard continue son rapport. « Messieurs , le mémoire que nous a adressé M. Marquet- Vasselot, directeur de la maison centrale de Loos, est extrait d'un ouvrage inédit intitulé : Examen critique des diverses théories pénitentiaires ramenées à l’unité d’un système ap- plicable à la France; il forme le chapitre 7 de cet ouvrage. L’au- teur y traite particulièrement de l'application de l'unité de système à toutes les catégories de détenus. » MM. Livingston, Dumont et Jullius ont écrit qu’on ne doit soumettre au régime pénitentiaire que les condamnés les plus coupables , les autres ne restant pas assez long-temps privés de leur liberté pour qu’on puisse espérer de les réformer. M. Vas- selot pense au contraire que l’on doit appliquer le système pénitentiaire à tous les condamnés, en variant le mode de réforme selon la gravité des faits dont ils se sont rendus cou- pables , et la durée de l’emprisonnement. » Les faits qualifiés délits supposent souvent autant de per- versité que les faits qualifiés crimes. Pourquoi , d’ailleurs, si les condamnés qui n’ont commis que de simples délits sont ( 367 ) moins coupables , aux yeux de la morale comme aux yeux de la loi, attendrait-on que leur perversité se füt accrue pour essayer d’y porter remède? Chose étrange , qu’on ne fût digne des soins du réformateur que lorsque les progrès de la corrup- tion auraient déjà rendu tout essai de réforme inutile ! » On dit : Les condamnés pour délits resteront-ils assez long-temps dans les maisons pénitentiaires pour s’amender?... La question n’est pas là. Restent-ils assez long-temps dans les prisons ordinaires pour achever de s’y corrompre? Voilà ce qu’il faut se demander. Or, l’affirmative n’est pas douteuse. » Il n’est pas nécessaire de fonder et d'entretenir à frais énormes autant de pénitenciers que nous avons de prisons. Les principaux élémens du système pénitentiaire sont faciles et peu coûteux. Les millions effraient; mais pour établir dans les prisons un régime salutaire, il n’est pas besoin de millions. » L’instruction morale et religieuse , un ordre exact, une discipline sévère , la propreté, le travail, le silence , voilà en quoi consiste principalement le régime pénitentiaire. On peut l’appliquer , quoique dans des proportions différentes, à toutes les prisons. » De cette manière ; il étendra à tous les condamnés son heureuse influence , réformant les uns, empêchant du moins les autres de se pervertir davantage. » Telles sont les idées que développe l’auteur, idées utiles en ce qu’elles tendent à débarrasser le système pénitentiaire de cet apparat, de cette sorte de solennité coûteuse qui en arrête les progrès, et à le ramener à des mesures simples, faciles et pourtant efficaces. » M. le rapporteur rend aussi compte d’une lettre de M. Char- les Lucas , inspecteur-général des prisons, sur les améliorations àintroduire dans les maisons centrales de détention. Cette lettre, écrite à M. le rédacteur en chef de la Gazette médicale , et pu- bliée dans ce journal , a été ensuite imprimée à part, et l’auteur en a adressé un exemplaire au Congrès. « M. Charles Lucas sy occupe plus particulièrement de la maison centrale de Limoges. L'état sanitaire de cette maison ( 368 ) avait été signalé sous des rapports peu satisfaisans par M. Fer- rus, au nom de la commission chargée par l’Académie de l’exa- men des causes de la mortalité dans les prisons , et de la recherche des moyens d'y remédier. M. l'inspecteur général des prisons examine à son tour le rapport de M. Ferrus. » Cet académicien avait proposé deux ordres de moyens pour améliorer l’état sanitaire des maisons centrales : les uns com- muns à toutes , les autres propres à chacune en particulier. » Les principaux moyens généraux indiqués étaient une nourriture plus abondante et plus substantielle ; des vêtémens plus en rapport avec l’état de la température; le chauffage des chambres ; l’adoption du système des fosses mobiles et ino- dores ; la séparation des lits. » M. Lucas fait remarquer que la plupart de ces moyens ont déjà été adoptés dans la maison centrale de Limoges. Quelques autres vont y être prochainement introduits. Il en est cependant qu’on ne peut admettre qu'après un examen spécial et appro- fondi, par exemple la distribution générale et journalière du vin. « Car, dit M. Lucas, on doit toujours combiner le régime » intérieur des prisons de manière à n’y pas introduire un » système alimentaire qui devienne une insulte à la probité » malheureuse, et peut-être une prime d’encouragement au » crime. » » Ces moyens généraux ne sont pas sans doute suffisans pour déterminer une complète amélioration sanitaire dans la maison centrale de Limoges. Mais il n’en faut pas conclure, avec M. Ferrus, que cette maison doive être abandonnée. Le mal, pour être grand, n’est pas incurable. » Ce mal vient de deux sources principales : 1° la situation topographique et atmosphérique de la maison centrale de Li- moges ; 2° certaines causes prédisposantes communes à toutes les maisons centrales, mais qui y font plus ou moins de ra- vage. » Sous le premier rapport , la maison centrale de Limoges se trouve sans doute dans une position fort désavantageuse. Placée dans une vallée, sur les bords de la Vienne, dans un — mm ( 369 ) pays humide et brumeux , elle a beaucoup à souffrir du froid et des brouillards. Cependant des moines de Saint-Maur, qui habitaient la maison avant 1789, s’y portaient tout aussi bien qu'ailleurs. Un pensionnat de demoiselles, qui s’y établit de- puis, n’eut point non plus à se plaindre de l’insalubrité atmo- sphérique. Et, depuis 1815 jusqu’en 1820, époque à laquelle la maison fut habitée par des femmes détenues, son état sanitaire était si satisfaisant, qu’elle reçut les éloges de l'administration. ». L'expérience prouve donc que l'influence pernicieuse des lieux et de la température peut être utilement combattue; et, si la mortalité s’est accrue pendant quelques années, cet ac- croissement , qui a cédé depuis plusieurs mois aux soins de l'administration locale, était dû surtout à certaines causes pré- disposantes. » M. Charles Lucas s’est convaincu , d’après des observations multipliées , que les raisons diverses de la mortalité dans les prisons peuvent être ramenées à la classification suivante : ». 19 Influence de la vie cloîtrée des prisons et de la durée des détentions ; » 22 Influence des circonscriptions des maisons centrales sous le rapport des divers départemens dont leur population se compose ; » 3° Influence de la nature des divers travaux ; »_4° Influence du produit de ces travaux et du produit des secours du dehors, comme moyen supplémentaire d’alimen- tation ; » 6° Influence de la destination mixte des bâtimens des pri- sons pour les détenus des deux sexes ; » 6° Influence des dortoirs en commun ; » 7° Influence des âges ; ». 8 Influence des punitions. » Après avoir ainsi classé les causes générales de la morta- lité dans les prisons , l’auteur examine l'influence de chacune d’elles, notamment en ce qui regarde la maison centrale de Limoges. ». La vie cloîtrée des prisons a toujours des effets pernicieux ; 47 (370 ) mais ces effets varient dans leur intensité , selon les habitudes antérieures et le sexe des condamnés. Ainsi les habitans du nord , habitués à la vie sédentaire des manufactures, souffrent moins du régime des prisons que les habitans du centre et du midi , habitués à l'air libre de leurs champs. Ainsi, les femmes formées de bonne heure aux occupations tranquilles du mé- nage , supporteront plus facilement l’emprisonnement , que les hommes auxquels il faut du mouvement et de l’exercice. » Cette dernière différence est surtout fort sensible dans la maison centrale de Limoges ; l’auteur le prouve par des chiffres. Effrayé du petit nombre de condamnés qui survivent après dix années de détention, M. Lucas pose en principe que la peine de dix années d’emprisonnement est inadmissible. « Elle équi= » vaut, dit-il, à 5 d’une condamnation à mort pour les » hommes, et à environ À pour les femmes. » » Une telle proportion peut être exacte pour la maison cen- ‘trale de Limoges ; mais nous ne pensons pas qu’elle puisse être érigée en règle générale. Aussi M. Lucas n’opère-t-il que sur les chiffres que lui fournit l’état de situation de la maison de Limoges. » On n’a pas fait assez d'attention , en déterminant la cir- conscription des maisons centrales, aux différences d’habitudes atmosphériques , alimentaires, agricoles ou industrielles qui existent entre les départemens. Des huit départemens dont Li- moges recoit les condamnés, la Dordogne et la Charente-Infe- rieure sont ceux qui diffèrent le plus , sous les rapports qu’on vient d'indiquer, de la Haute-Vienne ; au contraire, l'Indre est celui qui en diffère le moins. Aussi est-ce parmi les condamnés de l'Indre qu'il y a eu le moins de décès pendant les années 1831, 1832, 1933; et c’est parmi les condamnés de la Dor- dogne et de la Charente-Inférieure qu’il y en a eu le plus pen- dant le même espace de temps. » La nature des diverses industries a toujours une grande influence sur la santé ; c’est surtout dans les maisons de déten- tion qu’il en est ainsi. Les hommes de service sont ceux que la mortalité y atteint le moins , à cause de l’exercice salutaire C (371 ) que leurs fonctions leur permettent de prendre. Au contraire g on voit mourir dans des proportions effrayantes les trameurs et les ouvriers qui travaillent à la mécanique à laine, les uns parce qu’ils n’exercent pas assez leurs forces, les autres parce qu'ils en dépensent trop. » IL faut aussi considérer ce que gagne par jour le détenu, car « le prix de sa journée indique la mesure des supplémens » alimentaires qu’il peut se procurer. » Mais il importe peu, sous ce rapport, que l’argent dont dispose le détenu provienne de son travail ou des secours qu’il reçoit de sa famille, Ces deux élémens veulent également être appréciés. Un tableau comparé du nombre des décès avec le prix de la journée ; selon chaque industrie, et ce que les détenus reçoivent de leur famille, prouve que c’est parmi ceux qui gagnent et reçoivent le moins qu’il y a le plus de décès. » Mais il ne faut pas seulement considérer les circonstances, en quelque sorte matérielles, desquelles on peut extraire des résultats réductibles en chiffres. Il est des causes morales qui influent sur la mortalité autant et plus que celles qui ont été relevées jusqu'ici. De ce nombre sont la destination mixte des bâtimens d’une même prison pour les détenus des deux sexes, et les dortoirs en commun. Laissons ici parler M. Lucas lui-même : Si rigoureuse que soit la séparation , l’idée seule du voisi- » nage d’un sexe exalte chez l’autre les passions, allume les » désirs, et éloigne des sens ce calme si nécessaire pour accli- » mater le corps et prédisposer l'esprit du détenu à l'influence ». de la vie sédentaire et de la discipline intérieure des pri- » sons. » Quant aux dortoirs en commun, les inconvéniens en sont immenses : « Je n’ai pas ici à démontrer en chiffre ces » inconvéniens, dit M. Lucas, mais un jour je les démontrerai » en faits recueillis et en récits entendus de mes propres » oreilles, car mon habitude est d’i inspecter les prisons non- » seulement de jour, mais de nuit, afin d'observer par moi- » même, à l'insu des détenus et des gardiens, ce qui s’y dit et » ce qui s’y fait. C’est là pour l'observateur le moment le plus (372) » instructif, celui qui lui fait mettre le doigt sur la plaie de » nos prisons la plus urgente à fermer. Je n’oserais dire ce que » je sais; mais je puis affirmer sans crainte d’être démenti » par tous les hommes qui connaissent sérieusement les mai- » sons centrales, qu’il n’est rien de plus funeste à la santé des » détenus que les enseignemens , les exemples et les pratiques » du libertinage des dortoirs en commun. » » C’est sur les hommes qui sont dans la vigueur de l'âge que le Libertinage des prisons fait le plus de ravages. Le plus grand nombre meurt de 20 à {o ans. Parmi les femmes, c’est de 4o à 60 ans, époque de leur âge critique , que la mort sévit davantage. » La dernière influence signalée par M. Lucas est celle des punitions. La peine du cachot est souvent funeste à la santé du détenu. Les cachots, en effet, sont humides et froids ; ils man- quent de ventilation. Les détenus n’ont pas assez de l’unique couverture qu’on leur y laisse. Ils y sont au pain et à l’eau. Aussi la sortie du cachot est-elle presque toujours suivie de l'entrée à l’infirmerie. » Après avoir signalé le mal et reconnu les causes aux- quelles on doit principalement Le rapporter, l’auteur cherche le remède. » Il propose d’abord de supprimer les condamnations à dix ans et au-dessus de détention dans les maisons centrales. « Il » est plus facile de vivre vingt ans dans un bagne que dix dans » une maison centrale. » » Sila maison centrale de Limoges avait, comme quelques autres , une ferme qui en dépendit, il serait bien de faire cul- tiver cette ferme, sous la surveillance des gardiens, par ceux des détenus qui sont parvenus à la dernière période de leur peine. « Le besoin d'agriculture, dit M. Lucas , est si impérieux » parmi une notable partie de cette population (la population » de la maison centrale de Limoges), que le plus grand bien- » fait qu'on ait pu accorder à la section des réclusionnaires, a été l'autorisation , à raison de son nombre peu élevé et de l'étendue de son préau , d'établir des jardins au pourtour des # Y » » » (373) arbres et des murs des préaux, où ils cultivent des fleurs et des légumes. » Eh bien ! nulle ou la propriété n’est plus sévèrement respectée : jamais une plainte qu’une laitue ou une rose ait été enlevée, dans cette maison où le vol est pourtant malheu- reusement si fréquent ; et pourtant ce n’est pas le désir de la convoitise qui leur manque, car j'ai vu un détenu payer une rose deux livres. » Les mutations de propriété , par exemple, sont assez fré- quentes, et elles changent de mains sans bureaux d’hypo- thèques , de notariat et d’enregistrement , avec une rapidité qui semble résoudre, dans la maison centrale de Limoges, la grande question de la mobilisation du sol. Il y est véritable- ment monétisé. Voilà pourtant des voleurs qui établissent entre eux des règles d'échanges, basées seulement sur un principe qui ne pourrait avoir cours dans la société , le prin- cipe de la bonne foi. » Tous ces petits jardins qui longent les murs du préau n’en sont pas seulement un ornement agréable, mais émineém- ment utile à la discipline. Pour arriver aux murs et y faire la moindre tentative d'évasion , il faudrait marcher sur cette terre labourée , sur ces légumes, sur ces fleurs qui devien- draient aussitôt d’irrécusables dénonciateurs pour l'œil de la surveillance. C’est ainsi qu’en s’entourant de fleurs les détenus ont créé à la discipline de nouveaux gardiens qui n’ont pour eux que le don heureux de s’en faire aimer. » » Après ce gracieux tableau qu’on n’espérait pas rencontrer ici, M. Lucas continue d’indiquer les moyens qu’il croit pro- pres à diminuer la mortalité. » Il demande qu'on retranche de la circonscription de la maison centrale de Limoges, la Dordogne et la Charente- Inférieure ; » Qu'on supprime l'atelier de la mécanique à laine et qu'on réduise de beaucoup le nombre des trameurs ; .-» Qu'on n’admette dans les maisons centrales que des tra- vaux qui procurent aux détenus des ressources sérieuses, et (374) qu’on leur distribue avec discernement l'argent que leur envoie leur famille ; » Qu'on évacue les femmes de la maison de Limoges sur une autre maison , mesure projetée par l’administration depuis plusieurs années ; » Qu'on s’empresse d’adopter le système cellulaire de nuit et de supprimer ainsi les dortoirs en commun ; » Que la peine du cachot soit remplacée par le confinement solitaire qui, « par la nécessité du silence et la possibilité du » travail , présente toute l’efficacité nécessaire dans la nature LA de la punition et toute l’élasticité désirable dans la durée , CA sans recourir à une prolongation de régime diététique qui attaque les organes digestifs et compromette la santé des » détenus. » w » Si à ces mesures générales on en ajoute quelques autres, telles que la précaution de mettre des cadenas aux pompes afin que les détenus ne puissent y aller boire quand ils ont chaud, le soin de remplacer le vinaigre par l’eau-de-vie dans l’eau distribuée pour boisson aux détenus pendant l'été, et surtout l'établissement d’une salle de convalescence où ceux qui sortent de l’infirmerie puissent rester quelques jours avant de se re- mettre au régime ordinaire de la prison, l’auteur ne doute pas que la maison de Limoges n'offre bientôt un état sanitaire de plus en plus satisfaisant. » Je crois exprimer fidèlement les sentimens de l’assemblée en remerciant, en son nom, M. Charles Lucas de l’envoi qu’il a bien voulu faire au Congrès. M. Lucas est un des hommes qui se sont le plus occupés des théories pénitentiaires et de leur application. On peut discuter quelques-unes de ses opinions, on peut désirer , par exemple, de s’éclairer davantage sur l’u- tilité de la suppression de l’emprisonnement décennal ; mais il y a beaucoup à gagner à suivre M. l’inspecteur-général des prisons dans sa pratique journalière. L'expérience vaut mieux que les spéculations. » La question à l’ordre du jour est ainsi rédigée : Dans l’état actuel de nos mœurs, y a-t-il lieu de maintenir la légi- —————— EE _— = . ( 375 ) timation par mariage subséquent, non admise dans la législation anglaise ? M. N. Gaillard. « Il me semble qu'aucune objection ne peut s’élever contre la légitimation par mariage subséquent admise par nos lois. Aussi n’est-ce point à elle que s’adressent les reproches des jurisconsultes anglais, mais bien à la légiti- mation telle qu’elle était établie par le droit romain et par le droit canonique. D’après ces lois, on pouvait légitimer un enfant naturel long-temps après le mariage, ce qui donnait lieu à des abus que signale Blakstone. La sagesse de nos mo- dernes législateurs a purgé l'institution des abus auxquels elle pouvait donner lieu ; il ne nous reste que le bien qu’elle peut produire. » À l'appui de son opinion, M. Gaillard dépose le mémoire suivant , rédigé par lui. Après avoir fait l’histoire de la légitimation par mariage subséquent chez les Romains , et reconnu , avec Bochmer (r}, que cette institution ne fut point introduite dans l'intérêt des enfans (2) , mais dans un intérêt d’ordre public et pour aholir indirectement le concubinat (3), l’auteur du mémoire continue ainsi : (x) Dissertation de legitimatione ex damnato coitu natorum. (2) En effet, les enfans naturels ( liberi naturales), c'est-à-dire les enfans nés d'une concubine ( ex concubinatu ), n'étaient point confondus avec les enfans nés d’un com- merce passager ( spurit). Le concubinat était un véritable mariage autorisé par les lois. Comme le mariage légitime, il était contracté pour toute la vie: individuam vitæ consuetudinem continens. Seulement la femme n'avait pas, dans cette union, le titre de justa uxor, et les enfans qui en naissaient n'avaient pas les droits de famille. Du reste, ils n'étaient entachés d’aucune note d’infamie, et, sous plusieurs rapports, leur condition était meilleure que celle des enfans légitimes, justi Liberi. (Boehmer, no vi. Pothier, Contrat de Mariage, n° 7.) Ainsi ils étaient sui Juris , tandis que les enfans légitimes étaient alieni juris. Soumis à la puissance paternelle dont les droits allaient jusqu’à mettre en gage, vendre, et même tuer le fils de famille; ne gagnant rien pour lui-même et n'acquérant que pour Son père qui pouvait disposer, selon son caprice, des choses qui lui étaient ainsi acquises, et qui, à sa mort, les laissait également à tous ses enfans, ir communem hæreditatem; celui qui était né ex justis nuptüs n'avait pour dédommagement que le droit de succession, droit dont l'enfant naturel lui-même n'était pas toujours privé, puisque son père pouvait, jure veteri, l'instituer héritier dans son testament. La légi- timation était donc, dans la réalité, plus avantageuse aux pères qu'aux enfans. (Boehmer , n° vit.) (3) Aussi les constitutions des empereurs ne permettaient-elles de légitimer que les (376 ) « Telle était la légitimation romaine. On voit qu’elle ne s'appliquait pas aux enfans nés d’une uvion illégitime, mais seulement à ceux qui devaient le jour à un mariage reconnu par la loi, quoique moins solennel que es justes noces, et qui ne différait guère d’elles que par l'intention : Concubinam ex sol& animi destinatione æstimari oportet. L. 4, ff. de Concubi- natu. (Pothier, Contrat de Mariage, n° 9 ; d’Aguesseau , Dis- sertation sur les Bätards , tom. 6, pag. 535.) » Cette légitimation cessa d’être en usage avec le concubinat qui, interdit d’abord aux personnes mariées par Constantin , fut prohibé généralement par la Novelle 91 de l’empereur Léon-le-Philosophe. ( D’Aguesseau , loc. cit.) » Le droit canonique ne pouvait établir une différence en faveur d’un commerce qui ne se recommandait que par la con- tinuité des désordres. Il conserva la légitimation par mariage subséquent ; mais, par un changement que commandait l’a- bolition du concubinat , tous les enfans nés ‘hors mariage pu- rent être légitimés ; aussi bien ceux qui étaient nés d’un commerce passager avec une prostituée ( meretrix ) que ceux qui devaient le jour à une union illégitime plus durable. Cest cette légitimation que notre ancien droit français avait empruntée au droit canonique. Notre nouveau Code (art. 231 ) l’a conservée en la modifiant. _» Elle a toujours été considérée comme favorable aux bonnes mœurs. C’est pour ce motif, et non point à cause de l’autorité des décrétales en elles-mêmes, que nos pères l’avaient admise (1). » Aucune réclamation ne s’élèva , au Conseil d'état, contre la proposition de maintenir la légitimation par mariage sub- séquent. On discuta quelques articles accessoires ; mais le enfans naturels nés au moment où elles étaient promulguées, et non point ceux qui viendraient à naître par la suite, de peur d'encourager le concubinage qu’elles voulaient détruire. (x) Les décrétales, dit Pothier, Contrat de Mariage, n° 4x2, n'ont aucune autorité en France, surtout sur une matière telle que la légitimation des enfans qui tient à Vordre politique , et n'est, en aucune manière, de la compétenee de Ia puissance ec- clésiastique ; mais l'équité et la faveur que ces principes renferment nous les ont fait adopter. (377) principe ne souffrit aucune contestation et fut de suite admis. » On connaissait bien cependant les dispositions des lois anglaises sur ce point. « Les lois anglaises, disait M. Por- » talis ( Disc. prélimin. du projet de Code civil, pag. xxxv ), » n’admettent point la légitimation par mariage subséquent ; » elles regardent cette sorte de légitimation comme capable » de favoriser la licence des mœurs et de troubler l’ordre des » familles. En France , on a plus consulté l'équité naturelle » qui parlait en faveur des enfans , que cette raison d’état qui » sacrifie tout à l'intérêt de la société générale... Nous » n'avons pas cru devoir changer cette disposition que l’é- » quité de nos pères semble nous avoir recommandée , mais » nous avons rappelé les précautions qui l’empèchent de de- » venir dangereuse. » » Au nombre de ces précautions , la commission plaçait la disposition qui ne permet la légitimation qu'à l'égard des enfans reconnus avant le mariage ou par l’acte même du ma- riage : disposition sage qui remédie aux inconvéniens que la légitimation avait dans l’ancien droit français, où la reconnais- sance pouvant être faite aussi bien depuis qu'avant le ma- riage, et la recherche de la paternité étant permise, les familles restaient dans une continuelle incertitude , et pouvaient être incessamment agitées par des réclamations scandaleuses , de nature à compromettre l'honneur des femmes, la paix des ménages , la fortune des citoyens et la tranquillité de la société. ( Disc. prélim. , p. xxxv. Discussion au Conseil d’état du cha- pitre de la légitimation. Rapport de Duveyrier , p. 106.) » La légitimation , utile autrefois , a-t-elle cessé de l'être ? Doit-on, dans l’état actuel de nos mœurs , préférer la légis- lation anglaise qui la repousse à la législation française qui l'admet ?.... . » Il faut d’abord reconnaître que, dans la plupart (1) des Etats modernes, la légimation par mariage subséquent a un (1) Le concubinat paraît s'être conservé en Allemagne sous le nom de mariage de la main gauche ou de mariage «d marganiticum donationem. Voir Merlin, Répert., à ce mot. 48 (378) degré d'utilité qu'elle ne pouvait avoir chez les Romains. » Nous avons vu que la légitimation romaine était, pour les enfans naturels, d’un avantage au moins fort douteux (x). Chez nous , au contraire , la légitimation est pour eux le bien- fait le plus signalé. Elle leur rend un nom, une famille , un patrimoine , tous les honneurs , tous les avantages de la légi- timité. En échange de ce qu'ils reçoivent, ils ne donnent rien, si ce n’est que, comme tous les enfans légitimes , ils sont soumis à la puissance paternelle à laquelle la simple recon- naissance eût sufli pour les soumettre, et qui n’est, chez nous, qu'un pouvoir bienfaisant et protecteur. » Sous un autre rapport , la loi romaine reconnaissant le concubinat, cette union n'avait rien de déshonnête et qui blessät la morale publique , aucune tache que les justes noces fussent destinées à eflacer. Au contraire , dans nos mœurs épu- rées par la religion chrétienne, le concubinage n’est plus qu’une débauche ; et la loi est bien loin de le consacrer. En rendant à l’enfant un état, la légitimation par mariage sub- séquent produit donc cet autre avantage de faire cesser des désordres réprouvés par la morale et par la loi, de donner à une femme flétrie les moyens de réparer ses fautes par une conduite digne du titre d’épouse qu’elle va prendre , et de porter le père au mariage par la tendresse qu’il a pour des enfans à qui il peut ainsi rendre tout ce que le malheur de leur naissance leur a enlevé. » À d’aussi puissans motifs quelles sont les raisons qu’op- posent les défenseurs de la législation anglaise ? Blackstone les développe ainsi, chap. xvr, n° 17 : « Le but principal du contrat matrimonial est d’engager les » conjoints à protéger , entretenir et élever les enfans qui en » proviennent ; et il paraît que cette vue est mieux remplie en » légitimant les enfans nés après le mariage que ceux qui sont » nés auparavant : 1° parce qu’il est très-incertain que l’enfant » soit de l’homme que l’on croit être son père , au lieu que, … (1) Junge Heineccium de Nuptiis. Aussi exigeait-on le consentement des légitimés. Ergù æquissimum est ejus consensum accedere. (379 ) » dans une union légale, la loi assure la légitimité de » l'enfant et indique quel est celui qui doit en prendre soin ; » 2° parce que , d’après les lois romaines , un enfant pouvait ». rester bâtard ou être légitimé à la volonté des parens , par » un mariage qu'ils contractaient ex post facto, et, par-là, ils » ouvraient la porte à la fraude et à la partialité que nos lois » ont pris soin de prévenir; 3° parce que , d’après ces mêmes » lois, un homme pouvait rester bâtard jusqu’à l’âge de 40 ans » et être ensuite légitimé par le mariage de ses parens, ce qui » le frustrait des droits de protection et d’entretien qui consti- » tuent principalement le but du mariage ; 4° parce que, comme » les lois romaines ne limitaient pas de temps , ne fixaient pas » de terme pour reconnaître les bâtards et n’en bornaient pas » le nombre , il pouvait s’en trouver jusqu’à douze qui, vingt » aus ou plus après leur naissance, pouvaient parvenir ainsi à » Ja légitimation : ce qui était un grand découragement pour le » mariage, dont le but principal est non-seulement de produire » des enfans , mais encore des héritiers légitimes. » » Tels sont les motifs que donne Blakstone. Il ajoute : « C’est sans doute en parlant de ces motifs que les pairs refusèrent , au parlement de Merton, de porter une loi pour légitimer les enfans nés hors mariage. » » Ces raisons ne nous paraissent point de nature à faire douter des avantages de la légitimation. Il est juste d’ailleurs de reconnaître que ce n’est point la légitimation , telle que nous l’avous aujourd’hui, qui est attaquée par le publiciste anglais, mais la légitimation romaine et celle que le droit ca- nonique avait adoptée. La sagesse de nos législateurs modernes a corrigé les vices de l'institution. Il ne nous ‘reste que le bien qu’elle peut produire , sauf les inconvéniens inséparables de toute institution humaine , inconvéniens qui ne doivent pas arrêter le législateur lorsque le bien l'emporte de beaucoup sur ie mal. » Il est sans doute incontestable, comme le dit Blak- stone , que le but du mariage est mieux atteint quand ïl en ( 380 ) nait des enfans légitimes par le seul fait de leur naissance , que lorsqu'on ne le contracte que pour légitimer des enfans déjà nés. Mais la question n’est pas de savoir s’il vaut mieux naître bâtard que légitime , ou si le concubinage est préfé- rable au mariage. C’est précisément à cause de l’honneur qui s'attache au mariage et de la faveur qu’il mérite, qu’on lui donne le pouvoir d’effacer la tache de la bâtardise et de ra- cheter le scandale de la débauche. Bien que ce soit en haine du mariage que la légitimation ait été introduite, elle ne s’o- père que par le mariage. Elle le/favorise donc; elle se sert, pour y inviter , du moyen le plus puissant , l'affection que la nature a placée dans Le cœur de l’hommeñpour ses enfans. » Quand le jurisconsalte anglais signale la légitimation par mariage subséquent comme propre à encourager la débauche, nous croyons qu’il se trompe. Ce n’est pas parce que les lois permettent de légitimer les fruits d’une union condammable, que des passions aveugles s’y laissent entraîner. Les enfans qui naissent de la débauche devraient toujours rester notés de bâtardise, qu’il n’y en aurait pas moins de débauchés, car les passions, les faiblesses resteraient les mêmes; et ce ne serait pas le malheur à venir d’enfans qui peuvent même ne pas naître qui arrêterait ceux que la morale et la religion ont en vain essayé d’arrêter. » S'il n’est pas donné aux lois d'empêcher le libertinage , elles sont sages de chercher du moins à en diminuer la durée, et de fournir le moyen de le réparer. Il y a surtout incontes- table sagesse à demander ce moyen au mariage qui venge ainsi son injure, au mariage qui vient après la débauche pour la purifier, au mariage qui le plus souvent n’aurait pas lieu si cet effet de légitimation qu’une saine politique réclame aussi bien que l'humanité, n’y était pas attaché. » C’est donc une grande erreur que de considérer la légiti- mation comme contraire au mariage. Ce n’est pas elle qui fait qu’on ne se marie pas au moment où l’on se livre à la débauche ; c'est elle qui fait qu’on se marie pour la réparer. ( 381 ) Oez la légitimation , les bâtards resteront bâtards , les concu- bines concubines , le désordre se perpétuera. Vous aurez des enfans illégitimes de plus et des mariages de moins. » Mais, dit Blakstone , c/ est incertain que l'enfant soit de l'homme que l’on croit son père. Cela est vrai, et c’est une des raisons pour lesquelles la recherche de la paternité est inter- dite. Il ne faut pas permettre qu'un enfant vienne réclamer les effets d’une légitimation que n’a pas voulu lui conférer l'homme qu’il dit être son père ; nous ne sommes point de ceux qui voudraient que la légitimation fût produite de plein droit par le mariage. C'était un des abus de l’ancienne légis- lation , et nous l'avons déjà indiqué, ainsi que le mode par lequel la loi nouvelle l'a prévenu en exigeant, pour que le mariage légitime l’enfant naturel, que celui-ci ait été reconnu par les époux antérieurement au mariage, ou qu’il le soit par Vacte même de célébration. Get abus supprimé, l’objection tombe. Car si l'incertitude de la paternité doit être opposée à l'enfant qui revendique son père , elle ne peut l’être au père qui reconnaît son enfant. La loi doit s’en rapporter à lui, sur- tout si l’époque de la reconnaissance n’est pas suspecte, et s'il n’est plus permis , du moins quant aux effets attachés à la légitimation, de reconnaïtre utilement après le mariage. » Qu'importe , après cela , qu’un enfant puisse rester bâtard ou étre légitimé, à la volonté de ses parens, ex post facto? Un enfant peut aussi rester bâtard, ou être simplement reconnu, à la volonté de ses parens , ex post facto, et son état sera bien différent. Faudrait-il, parce qu'il se peut qu’un père ne fasse pas également pour ses enfans ce que la nature lui commande envers tous, qu'il ne lui fût permis d’être juste envers aucun d’eux? Ici , ce que l’on donne à l’un n’est pas enlevé aux au- tres. Car, que la légitimation ait lieu ou non en faveur de celui-là, ceux-ci, dans les deux cas, n’auront rien. Quant aux enfans qui pourront naître du mariage, de quoi se plaindraient- ils , eux qui doivent leur naissance à ce mariage même, qui n’a été contracté que pour légitimer leurs frères aînés? Cüm gratias agere cs posteriores debcant quorum beneficio ipsè sunt justi filit , ( 382 ) et nomen et ordinem consecutr. (Loi 1"° C. de naturalibus liberis.) » Je ne vois qu’un intérêt ( car je suis peu touché de celui des héritiers collatéraux quand je le trouve en opposition avec celui des enfans), je ne vois, dis-je, qu’un intérêt digne de considération, qui soit compromis par la légitimation : c’est l'intérêt des enfans que l’un des époux ou tous les deux ont pu avoir d’un précédent mariage. Ces enfans souffrent, incontes- tablement, de l’arrivée dans la famille d'individus que l’on avait considérés jusque-là comme y étant étrangers. Mais cet intérêt, que compromettent d’ailleurs tous les seconds ima- riages, n’est pas assez puissant pour contre-balancer les avan- tages de la légitimation. Le cas qu’on suppose se présentera d'ailleurs beaucoup plus rarement que le cas contraire. » Je crois inutile de m’arrêter à réfuter les autres argumens du publiciste anglais. Qu'est-ce que celui-ci par exemple : Un homme peut rester bâtard jusqu'à 4o ans et étre ensuite légitimé par le mariage de ses parens? Vaudrait-il mieux pour lui rester bâtard toute sa vie?.... Mais il est frustré ainsi des droits de protection et d'entretien qui constituent principalement le but du mariage. C’est sans doute un malheur pour lui d’avoir été privé des soins dont le premier âge a besoin. La légitimation ne peut pas faire qu’il n’ait pas été abandonné par ses parens et qu’il n'ait pas eu à souffrir de cet abandon ; mais du moins elle répare ce malheur, autant qu’il est possible. Elle met un terme à cet abandon; et, puisque le passé n’appartient plus à personne , elle améliore au moins le présent et l’avenir. » Autre difliculté! Les lois n’ont pas fixé le nombre des enfans qu’on peut légitimer. Z{ pourra donc s’en trouver jusqu'à douze qui , vingt ans ou plus après leur naissance , parviendront à la légitimation, ce qui est un grand découragement pour le mariage. » Nous avons déjà répondu que la légitimation est favorable au mariage, loin de lui nuire. « Le peuple qui n’a point adopté » Ja légitimation par le mariage subséquent, disait le tribun » Duveyrier dans son discours au corps législatif , affecte donc » de croire que la réforme est l'aliment du désordre, et le (383 ) » repentir l'attrait du vice ! » Qu'importe qu'il y ait plus ou moins d’enfans légitimes ? Plus le scandale est grand, plus il est urgent de le réparer. Plus il y a de malheureux, plus on doit être pressé de leur porter secours. » Concluons donc que la légitimation n’a pas perdu l’utilité qui l'avait fait admettre dans le droit canonique et dans notre ancien droit francais; que , loin de là, les nouveaux légis- lateurs l’ont améliorée, et qu’elle est, dans son état actuel, à l'abri des reproches qu’on pouvait lui adresser autrefois. » Si la législation anglaise ne l’a pas admise, cette insti- tution lui manque. C’est à elle de nous l’emprunter, et non point à nous d’y renoncer parce qu’elle ne l’a pas. Ce n’est pas le seul emprunt que Angleterre ait à faire à notre législation civile. Nous sommes riches de ce côté, et nous avons de quoi lui rendre avec usure tout ce que sa législation criminelle nous a prêté. » M. Abel Pervinquière. « La question posée ne peut faire dif- ficulté aux yeux des hommes raisonnables. Si l’Angleterre n’a pas admis la légitimation par mariage subséquent, la cause en est sans doute dans la répugnance qu’elle a toujours manifestée pour le droit romain, dans lequel se trouve le principe de cette sorte de légitimation. Aujourd’hui encore, l’étude du droit romain est singulièrement négligée en Angleterre. » M. le président. « Puisque les reproches faits à la léoiti- imation ne portaient que sur des inconvéniens qui n’existent plus , la question posée dans la circulaire n’offre plus d’intérêt, et ne peut, par conséquent, être mise aux voix. » M. Grellaud. « Je suis parfaitement de l'avis de M. le pré- sident : aussi mon intention n’est-elle point de parler sur la question posée, mais de signaler une incohérence qui existe dans notre droit relativement à la légitimation, et de proposer au Congrès d’en solliciter la réforme. » L'article 331 du Code civil porte qu’on ne peut légitimer par mariage subséquent les enfans incestueux. Cette disposi- tion n’est applicable que dans le cas où le mariage peut avoir lieu avec dispense entre parens ou alliés. Sous l’empire du (384) Code civil , le mariage ne pouvait avoir lieu avec dispense , qu'entre oncles et nièces, neveux et tantes ; une loi du 16 avril 1832 a autorisé aussi avec dispense le mariage entre beaux-frères et belles-sœurs. IL semble tout naturel que la conséquence du mariage, dans ces trois cas, soit la légitimation des enfans qui sont nés auparavant; cependant les Cours royales et la Cour de cassation ont repoussé cette légitimation, en se fondant sur l’art. 311 qui la prohibe en cffet formelle- ment. Un pétitionnaire appela sur cette difficulté l'attention de la chambre, qui parut décidée à faire droit à sa proposition. Mais M. le président Dupin dit que l’on devait considérer la légitimation par le mariage subséquent des parens ou alliés , comme étant de jurisprudence ; qu’ainsi il était inutile de s’ar- rêter à la proposition; et la chambre, sur cette allégation, passa à l'ordre du jour. M. le président Dupin était dans l’er- reur , tous les arrêts sont là pour le prouver; et, depuis cette discussion , la Cour d’Orléans a jugé contrairement à la légi- timation. Il serait donc utile que le Congrès émît le vœu de voir cesser une anomalie aussi choquante. » M. Abel Pervinquière. « La proposition qu’on vient d’im- proviser ne me paraît pas devoir être adoptée. Plusieurs articles de notre Code ont donné lieu à des difficultés très-sérieuses sur lesquelles la Cour de cassation elle-même a varié d’une manière déplorable. Il n’est pas rare de trouver sur telle question 10 arrêts pour et 10 arrêts contre. Notre Code n’est donc pas en- core assez connu , pour qu’on se permette de le modifier. Voilà pourquoi je vois avec peine toutes ces lois nouvelles qui tendent à morceler ce bel ouvrage, et à nous rejeter dans cette confusion qu'il avait eu pour but de faire cesser. Avant d’y porter la main, laissons la jurisprudence s’asseoir et la doc- trine le fixer. » M. Godefroi fait observer que la question est très-délicate , et mérite d’être approfondie : il ne voudrait pas qu’on tranchät aussi promptement une difhculté qui parait avoir arrêté les législateurs et les Cours souveraines. M. Abel Pervinquière. « J'insiste pour que la proposition ( 385 ) soit rejetée. La question relative aux mariages des beaux-frèr es avec leurs belles-sœurs , des oncles avec leurs niëces, a été di- versement résolue par les législations qui nous ont précédés. Autorisés au siècle de Metellus et de Brutus , ils cessèrent de l'être ensuite, puisque Claude fut obligé de faire porter un sénatus-consulte pour épouser Agrippine. Théodose abrogea le sénatus-consulte ; mais l’empereur Bazile autorisa de nouveau ces mariages, qui, plus tard, furent encore défendus par Anastase. » Si notre Code civil, tout en Les prohibant, a donné au gou- vernement le droit de les permettre pour des causes graves, entre les oncles et les nièces, et si la loi du 16 avril 1832 lui a aussi conféré celui de lever, pour les mêmes motifs , les prohibitions de l’article 162 , il ne faut pas en conclure qu'il y ait désaccord entre ces dispositions législatives et celles de l’ar- ticle 331 , d’après lesquelles les enfans incestueux ne peuvent être légitimés par mariage subséquent. Jamais on n’a mis sur la même ligne les enfans naturels et les enfans incestueux. La faveur accordée aux uns ne doit pas s’étendre aux autres ; ce serait porter une atteinte grave à la morale que de donner à ceux qui ont un commerce incestueux, l'espoir de légitimer un jour les fruits de cette cohabitation criminelle. Aussi n’y a-t-il lacune sur ce point ni dans le Code civil, ni dans la loi de 1832. Si, sous l'empire de ces lois, le mariage subséquent ne légitime pas les enfans incestueux , c’est que le législateur ne la pas voulu , etil a eu raison de ne pas le vouloir. Lisez la circulaire rédigée par le garde des sceaux pour la mise à exécution de la loi de 1832, vous y verrez que, dans l'esprit de cette loi , il ne faut pas invoquer comme un titre l’existence antérieure d’un commerce scandaleux , et que la faveur accordée à de pa- reils motifs serait un encouragement donné à la corruption des mœurs. Les causes graves qui doivent faire accorder des dispenses , sont, par exemple, l'intérêt des enfans légitimes d’un premier mariage , qui retrouveraient dans un oncle ou un beau-frère la protection d’un père, dans une tante on une belle-sœur les soins d’une mère , ou bien encore la nécessité 49 ( 386 ) de conserver un établissement ou une exploitation dont la ruine blesserait des intérêts importans à ménager. Ces exemples , cités dans la circulaire , ne sont pas les seuls. Toutefois , il est certain que jamais on ne doit prendre en considération l’exi- stence des enfans nés du commerce incestueux avant le ma- riage. C’est un malheur pour eux, sans doute ; mais les pères sont ainsi punis dans la personne de leurs enfans ; et l’expé- rience a appris que c’est surtt à des peines de cette nature qu'ils sont sensibles. Otez dale sa flétrissure , et bientôt vous verrez se produire les abus les plus révoltans. » Après quelques nouvelles observations de MM. Grellaud , N. Gaillard et Foucart à l'appui de la proposition , elle est adoptée dans les termes suivans, pour être soumise à l’assemblée générale : Le Congrès émet le vœu que l’article 311 du Code civil soit modifié en ce sens, que les enfans nés d’un oncle et d’une nièce, d’un beau- frère et d’une belle-sœur , puissent être légitimés par le mariage subsé- quent, quand le mariage vient à être autorisé. Cette séance, la dernière de la section , est levée à 10 heures et demie, sans que la section ait pu s’occuper de plusieurs mémoires qui lui ont été adressés tardivement. Dans ce nombre .se trouve le commencement du travail de M. Couppey (de Cherbourg), sur la législation anglo-normande. Les Secrétaires de la Section, Le President de la Section, FOUCART (de Poitiers). BONCENNE ( de Poitiers). ISIDORE LE BRUN (de Paris). Le Vice-Président, N. GAILLARD (de Poitiers ). ( 387 ) ASSEMBLÉES GÉNÉRALES. SÉANCE DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 1834 (1). Présidence de M. ne Caumonr (de Caen). M. le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Un membre demande la suppression du titre de seconde session du Congrès scientifique de France , et qu’on se borne à la dénomination de Congrès de Poitiers. M. le secrétaire général insiste pour le maintien du titre ; porté a procès-verbal, de seconde session du Congrès scientifique de France. Le titre de Congrès scientifique de France a été pris à la réunion de Caen, et on s’est constitué pour une pre- mière session , et la seconde, indiquée à Poitiers, est celle qui tient aujourd’hui. Du reste, M. de la Fontenelle n’entend point nier l'existence et l’action des autres Congrès ; mais l'institution fondée à Caen l’a été pour toute la France , pour toutes les branches des connaissances humaines, et avec la condition de se reproduire chaque année, en se portant d’un point sur un autre point. C’est donc un caractère particulier, qui a dû faire adopter une dénomination spéciale. 4 M. le D° Guépin (de Nantes ) est aussi pour la conservation du titre porté au procès-verbal ; mais il rappelle l'existence du Congrès de Nantes , le premier qui ait été tenu en France, et les Congrès de Clermont , de Toulouse et de Douai. Toutes ces réunions ont été d’un grand avantage pour le progrès , et il faut espérer que le Congrès scientifique de France, dont les (x) La première séance, ou séance préparatoire, se trouve en tête de ce volume, page 0. ; ( 588 ) sessions futures seront sans doute plus nombreuses encore , aura une action marquée dans l’intérêt de l'espèce humaine. La rédaction du procès-veabal est approuvée. M. le président appelle successivement les secrétaires des diverses sections , pour faire connaître les travaux du matin. MM. Boubée , Babault de Chaumont, Lucien Gaillard, de la Saussaye , F. Chatelain et Foucart, secrétaires des 1", 2°, 3°, 4°, 5° et 6° sections , rendent compte de ce qui s’est passé dans leurs sections respectives, notamment pour l’organisation des bureaux. M. le secrétaire général fait choix , parmi la nombreuse cor- respondance qui lui est parvenue, de plusieurs lettres de divers hommes remarquables qui avaient le projet d'assister à la se- conde session du Congrès scientifique, et qui n’ont pu l’exécuter. Parmi eux sont MM. le baron de Reyfflemberg , recteur de l’université de Louvain , le docteur Bowring , chargé par l’Angleterre de recueillir les documens pour préparer un traité de commerce entre cette puissance et la France , de Ponger- ville, membre de l’Institut, de Lasteyrie, ete. Dans la lettre de M. le baron de Reyffemberg se trouve l’indication du Congrès scientifique du royaume des Pays-Bas , dont la première session doit se tenir en août 1835, et à laquelle les membres du Congrès scientifique de Poitiers sont invités à assister. Vient ensuite la liste des personnes qui, ne pouvant se rendre à la session du Congrès , y ont adhéré. M. le secrétaire général fait ensuite le dépouillement de tous les onvrages offerts au Congrès. M. Castaigne, bibliothécaire à Angoulême, lit une Ode sur le Congrès de Poitiers. L’assembiée décide que cette pièce sera imprimée sans délai pour être distribuée à ses mem- bres (1). M. Boubée fait connaître la résolution prise par la 1° section, pour une promenade géologique, qui aurait lieu jeudi pro- chain, dans la matinée ; ea même temps la section d’archéologie pourrait examiner les monumens historiques de Poitiers. (x) Gette pièce sera imprimée à la suite du compte-rendu des séances générales. ( 389 ) M. le secrétaire général rappelle en cet instant qu’il a été fait, à la 1° section, une autre proposition pour un essai d’instrumens aratoires à la Milletterie, dimanche prochain , à sept heures du matin. Ces courses de sections pourraient avoir lieu , sans préjudice des séances des autres sections. Ces propositions, mises aux voix , sont adoptées. M. Lair (de Caen) fait connaître au Congrès un événement malheureux arrivé dans cette viile. Des ouvriers tombés d'un échafaud ont été grièvement blessés. IL propose de faire à l'instant une quête pour venir au secours des victimes de cet accident. La proposition est adoptée avec enthousiasme , et la quête faite, à l’instant même, par MM. Lair (de Caen) et Béranger (de Paris), homme de lettres et ancien ouvrier , a produit 231 fr. 85 c. , dont le trésorier a fait recette. Une seconde quête sera faite demain , pour les membres non présens aujourd’hui. SÉANCE DU MARDI 9 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. »Ex Caumowr (de Caen). M. Verger (de Nantes ) demande qu’on fasse au procès- verbal mention du mandat donné par un grand nombre d’ou- vriers à M. Béranger, pour assister au Congrès, ce fait lui paraïssant avoir de l'importance. Sur l’observation de M. Isidore Le Brun que ce mandat a été envoyé à une section, à raison des questions y indiquées, et qu’il faut attendre que la section ait prononcé , la réclamation de M. Verger n’a pas d’autre suite. MM. Boubée , de Brébisson , Jozeau , Lucien Gaillard , de la Saussaye, Chatelain et Isidore Le Brun, secrétaires de sections, font connaître au Congrès les travaux de la matinée, dans leurs sections respectives. M. le secrétaire général donne l'indication de plusieurs ou- vrages imprimés, dont les auteurs font hommage au Congrès. Il présente ensuite le résultat du compte rendu des recettes ( 390 ) et des dépenses de la première session du Congrès, tenue à Caen , en juillet 1833. Tous les paiemens opérés, et le volume des travaux de cette réunion publié, il est resté en caisse une somme de 5o fr., apportée de Caen à Poitiers, et dont M. le trésorier de la seconde session a fait recette. La section d'agriculture ayant pris une résolution pour qu’un mémoire de M. Verger (de Nantes ; sur les baux à long terme füt lu en séance générale, cette lecture a lieu. Analyse du Mémoire de M. Vercer sur les baux à long terme. « Quel serait le meilleur système de baux à adopter dans l'intérêt de » l’agriculture ? » Tous les esprits méditatifs sont aujourd’hui unanimes pour recon- naître que l’agriculture a besoin d’encouragemens. Comme première base de toute prospérité, comme nourricière du genre humain, elle a certainement droit à un intérêt tout particulier. On doit s'étonner que l'art le plus ancien de tous, que celui pratiqué par le plus grand nombre des hommes, soit si lent dans ses progrès, et qu'il reste tant à apprendre à ceux qui le professent. Nous trouvons plusieurs causes à ce fâcheux état de l’agriculture. 10 Le défaut d'instruction spéciale chez la plupart de nos culti- vateurs. Les écoles ayant jusqu'ici été limitées à l'enceinte des villes , l'habitant des campagnes a été privé de leur bienfait ; 2° La pauvreté des parens a été le plus souvent une cause pour ne pas envoyer leurs enfans en pension. Ils n’ont pu les faire profiter des avantages de l’externat, par la même raison ; 3° L'homme des champs ayant, à force de travail et d'années, formé son éducation agricole dans la ferme qui l'avait vu naître, ayant plutôt retenu une certaine routine appropriée à chaque champ, que classé des principes dans sa tête, s’est trouvé fort désappointé quand il a changé de terrain ; 4° Le fermier, éclairé par une longue expérience, s’est refusé à mettre en pratique les améliorations dont 1l avait le sentiment, par deux raisons qu’il est important de faire disparaître : 19° la certitude de travailler pour le naître; 20 par le manque de capitaux ou d’a- vances. Si ces deux plaies de l’agriculture n’existaient pas, le fermier serait encore très-probablement arrêté dans ses progrès par le peu de bénéfice de l’agriculture. Pourquoi l’agriculture , comparativement avec toutes les autres in- dustries , fait-elle des bénéfices si restreints? C’est une troisième ( 391 ) question que nous nous proposons d'examiner très-succinctement. Nous avons dit qu'il était urgent de faire disparaître la certitude qu'a le laboureur de travailler pour le propriétaire, quand il se livre à des améliorations. L’avidité et l’égoïisme qui nous possèdent tous, plus ou moins, justiñent la défiance du labourenr ; il faut donc le mettre à l'abri de cette crainte et de l’avidité du propriétaire. Nous ne voyons pas de meilleur moyen que les baux à longs termes. En effet, donnez à un cultivateur habile un baïl emphytéotique, de vingt-un ans par exemple; vous verrez cet homme employer toutes les ressources de son art pour produire le plus possible. Il regardera désormais la ferme qu’on lui abandonne pendant vingt-un ans, comme la sienne, et il agira en conséquence. Aujourd’hui, on lui donne un bail de cinq, sept ou neuf ans au plus. 11 sait que le propriétaire en attend l’expiration avec impatience, pour lui faire payer une augmentation, en dépit de toute la nonchalance qu’il a mise à ses travaux; mais il sait aussi que cette augmentation sera double, s’il a rendu sa terre plus productive. Au moment où il allait jouir du fruit de ses sueurs et de son savoir , Le maître le surcharge d’une nouvelle somme. De là , insouciance, apathie, découragement ; de là, état stationnaire de cette noble branche de l’agriculture, cette source si puissante , si énergique de la richesse des peuples. Comment vaincre l’avarice des propriétaires et les engager à donner de longs baux? Aux gens avides il faut de l'or; c’est donc là le seul appât auquel ils puissent se laisser prendre. Nous proposons 1° de di- minuer les droits d’enregistrement , en raison directe de la longueur des baux; 2° pour satisfaire aux intérêts des propriétaires , ce baïl de vingt et un ans porterait une augmentation de prix au bout de sept ans, et une seconde au bout de 14 ans : ces augmentations seraient calculées sur les améliorations dont la terre serait susceptible ; 3° de réserver, dans les prix accordés à l’agriculture par le gouvernement et par les conseils généraux, une médaille d'honneur ou une somme en argent aux premiers propriétaires qui exhiberaient de pareils baux dûment enregistrés. Une mention honorable serait aussi faite dans les rapports annuels des sociétés savantes du département. Si les baux à longs termes sont de nature à faire prospérer l’agricul- ture, ce que nous croyons fermement, les propriétaires de terre de- vraient se prêter de bonne grâce à cette mesure, car ils retireront une part avantageuse de l’augmentation de valeur du fonds. Nous avons dit que la seconde raison du défaut de progrès de l’agriculture , c'était le manque de capitaux. En effet, nous voyons la presque totalité de nos fermiers de la Bretagne n’ensemencer que ( 392 ) le cinquième, le sixième et quelquefois le dixième de leurs terres, parce qu'ils n’ont pas les avances nécessaires pour acheter des ani- maux , des outils, et surtout des engrais. Nous ne nous étendrons pas longuement sur ce fait, parce que nous sommes convaincus qu'il ne laisse aucun doute dans les esprits. Quel serait le moyen d'obtenir les capitaux que réclame l’agricul- ture ? À une industrie dont les bénéfices sont bornés , il faut un in- térèt modéré. Nous ne voyons pas de meilleur moyen que les banques départementales. Ces établissemens, plus rapprochés de nos cam- pagnes, pourraient obtenir plus facilement les renseignemens qui leur seraient nécessaires. Elles accorderaient crédit plutôt à la moralité qu'à la richesse, en prêtant aux cultivateurs qui, pour la plupart, sont pauvres, mais grands travailleurs. Ce crédit serait un encoura- gement à la bonne conduite et à la bonne culture. Avec des capitaux, le cultivateur achètera de bons outils, des animaux d’espèce conve- nable à sa terre, des engrais en quantité suflisante, et ne serait plus obligé de vendre sa récolte, dans un moment inopportun, soit pour sa- tisfaire à ses besoins , soit aux exigences d’un propriétaire trop rigou- reux. De là dériveront des bénéfices plus considérables, de là un cou- rage et une énergie qui manquent généralement à nos laboureurs, désespérés qu'ils sont de leurs faibles bénéfices. Il est assez ordinaire que les bénéfices que donnent les engrais , ajoutés à ceux que produit la ferme, donnent un bénéfice de 10 à 20 pour cent , et souvent 25 à 30 fr. Supposez qu’un fermier ait un crédit de 1000 fr., à 4 pour cent , et qu’il les emploie en engrais ; il aura donc un bénéfice de 100 à 200 fr. en plus pour 40 fr. de dépense. Mais cent francs de bénéfice en plus que le résultat ordinaire, c’est une fortune. Nous ne parlons ici que pour mémoire de l'amélioration des chemins et canaux; c’est un besoin tellement senti, que la demande des tra- vaux qu'ils exigent est dans la bouche de tout le monde. Il est encore indispensable que nos propriétaires se décident à donner à leurs fermiers des logemens plus sains et plus vastes. La santé est pour le pauvre laboureur la première source de fortune. Si elle lui manque, il n’y a plus pour lui que misère et désespoir. Dans la plupart de nos métairies, une pièce carrée de 18 à 20 pieds sert d’abri à six ou huit individus. Qu'un d’entre eux soit atteint d’une ma- ladie contagieuse , et voilà toute la famille, sinon malade , au moins exposée à l'être, et cela dans une chambre qu’on ne peut abandonner aux malades , où lejouret l’air ne se renouvellent que par la porte. Si de l’homme nous descendons aux animaux et aux récoltes , nous ( 393 ) trouvons le même dénûment. Si par ses travaux et ses prairies arti- ficielles le cultivateur augmente ses élèves, il n’a pas où les loger, etses récoltes sont exposées à la pluie et à la gelée. Avec des entraves aussi sérieuses , l’agriculture se débat et languit , et pourtant elle-ren- ferme en elle-même tous les germes de bonheur et de prospérité. Elle ne demande qu’à marcher et à répandre ses trésors. L’égoïsme, fort mal entendu, lui ferme toutes les issues. Nous demanderons encore, pour encourager lepremier des arts, que l'on distribue des prix annuels, sinon par commune, au moins par canton, à ceux qui auraient produit les plus belles récoltes ou élevé les plus beaux animaux. Les prix varieraient suivant les localités , et seraient donnés solennellement, soit un jour en foire, soit le jour de la fête patronale du lieu. Pour des services signalés, pour une découverte importante, nous voudrions que l’on instituât une décoration spéciale , mais qu’on ne la prodiguât pas, pour qu’elle produisit plus d’effet. Nous ne sommes pas partisan de ce genre de distinctions , mais puisque ce moyen d’en- couragement est dans les mœurs du pays, nous sommes d’avis de le mettre en usage pour arriver à notre but. Nous voyons encore, dans ces encouragemens et ces honneurs , le moyen d'arriver à un résultat fort utile, celui de retenir à la cam- pagne une foule de bras qui viennent encombrer nos villes manufac- turières. Ces hommes sans instruction et sans moyens de subsistance, dans les jours de crises, ne font que surcharger l’industrie au lieu de lui être utiles. En demandant que des banques départementales soient établies pour avancer des capitaux à l’agriculture et à la petite industrie, en de- mandant surtout que l'intérêt ne fût que de 4 p. 0/0 par an, nous pen- sons bien qu’on nous objectera que peut-être les banques ne voudront pas prêter à un taux si bas, pour de petites sommes , et que si les ban- ques s’y refusent , les particuliers ne le feront pas non plus. Les banques assigneront leurs frais à couvrir surtout les risques à courir avec des gens qui ne possèdent rien, c’est-à-dire que leurs bras et leur industrie. Nous proposons de donner aux prêteurs une sécurité, un gage qui lève toutes les difficultés. Nous demandons qu’une loi affecte pour gage aux prêteurs à 4 p. 0/0 et au-dessous, et à ceux-là seulement , les récoltes du fermier emprunteur. Les capita- listes seraient privilégiés au préjudice du propriétaire et de l'État. Le prêt, de cette manière, serait facilité, et son remboursement assuré, On ouvre la discussion sur la proposition faite d’émettre un 5o ( 394 ) vœu pour l'adoption des baux à long terme de quinze à trente ans , proposition admise par la 2° section. M. le général Demarçay demande la parole, pour faire quelques observations sur les propositions émises dans le mémoire de M. Verger. M. le général Demarçay. « Les intentions de l’auteur du mé- moire sont bonnes, ce sont celles d’un homme instruit et d’un bon citoyen. Néanmoins, il existe dans ce travail une idée gé- nérale et dominante, qu’il est utile de combattre. Je veux parler de l’avidité reprochée aux propriétaires, à l’encontre de leurs fermiers. Cette idée est fausse ; s’il y a avidité , elle ne peut être imputée aux propriétaires. Ceux-ci sont généralement plus instruits que leurs fermiers. Or, c’est de l'instruction que partent les sentimens élevés. Aussi , tous les hommes éclairés demandent-ils le bienfait de l'instruction pour les classes inférieures. » Je viens à la question posée , et je dirai que s’il y a intérêt de la part de toutes les parties de faire-des baux à long terme , ce mode de transaction sera généralement adopté. Mais la plupart des fermiers n’en voudraient pas ; on leur offrirait des baux de cette espèce, et ils seraient refusés. » Dira-t-on que c’est l’absence de capitaux qui paralyse l’a- griculture, qui empêche les fermiers de rechercher ou d’ac- cepter les baux à long terme ? La réponse est que les capitaux ne manquent nulle part, pas plus en France que dans les au- tres parties de l’Europe. » Cest l’habileté pour employer utilement ces capitaux qui manque. Qu'on trouve le moyen de les utiliser , et alors ces mêmes capitaux ne manqueront pas plus pour l’agriculture que pour les autres industries. » Récompenses. — Les récompenses peuvent être utiles , si on rémunère les résultats heureux : j’entends parler ici d’un pro- duit net obtenu. » Mais que sont les fermes-modèles? Voyez celle de Gri- gnon, où l’agriculture est perfectionnée au dernier point, où toutes les bonnes méthodes sont en usage. Les dépenses ex- ( 395 ) cèdent les recettes , et pourtant il n’y a pas de fermage à payer. » Voyez la ferme de Roville, champ d’expérience de M. Ma- thieu de Dombasle, l’un des hommes que je respecte le plus : là encore on est en perte. » Plutôt que d’envoyer des élèves dans de pareils établis- semens, où ils apprendraient à faire de l’agriculture perfec- tionnée , mais avec perte réelle , je préférerais les placer chez des fermiers des contrées où on cultive le mieux; en Flandre ct en Alsace, par exemple ; là, ces jeunes gens apprendraient à cultiver , et bien et avec profit. » La théorie en agriculture est bonne ; mais elle cause, par- fois, bien des erreurs, bien des mécomptes. La presse a pu- blié, à l’époque où nous sommes, tous les bons systèmes de culture. » Les sociétés d’agriculture sont utiles. La société centrale d'agriculture de Paris l’est surtout beaucoup : mais elle con- tient plus de savans, de naturalistes, de chimistes, que de véritables agriculteurs de pratique. Or, la pratique, en agri- culture , vaut mieux que la théorie; c’est pourquoi je préfère aux sociétés d'agriculture les comices agricoles , composés de propriétaires-cultivateurs et de fermiers riches et instruits, comme par exemple le comice de Meaux. » Privilége du préteur , à l'encontre du propriétaire. — Cette partie de la proposition de M. Verger me paraît injuste et dan- gereuse. Dans l’état de choses qu’il propose, que resterait-il aux propriétaires ? À peu près rien. Alors ceux-ci se verraient con- traints, pour assurer leurs fermages, à prendre des mesures con- servatoires contre leurs fermiers, et ces mêmes mesures devien- draient essentiellement préjudiciables aux fermiers eux-mêmes. » En agriculture , ce qu’il faut surtout, c’est de l’ordre ; il manque généralement en France. Cependant, il faut avouer qu’on est en progrès, sous ce point de vue. » Améliorations dans les constructions. — Les fermiers n’en tireront pas généralement le parti convenable. Par exemple , ils placeront mal leurs fumiers , et de manière à rendre les ha- bitations malsaines. I] faut attendre, en cette partie, une amé- ( 396 ) lioration de linstruction qu’il est nécessaire de donner aux fermiers. » Enregistrement. — C’est une bonne question , mais c’est réellement une question de finances. Aussitôt que le ministre pourra baisser le chiffre du taux de l'enregistrement des baux , il fera une chose utile. » Banques départementales. — Le taux de 4 pour 100 proposé est trop élevé. Du reste, le taux de l'intérêt de l'argent doit être libre. C’est le moyen de le faire baisser. En Hollande, les 2 172 pour 100 sont montés, à une époque , à 113. » L'établissement de banques nombreuses qu’on vous pro- pose est une institution qui pent offrir des dangers. L’Angle- terre, le pays le plus riche du monde, a peu de numéraire cir- culant, mais il a beaucoup de papier. Avec un milliard de numéraire, ce pays profite des intérêts de 15 à 20 milliards , montant de son papier-monnaie en circulation. Du reste , plus une nation est riche, plus'elle est exposée aux révolutions et aux crises financières. Une mode vient détruire le placement d’un article de fabrique. De là , une crise, des banques manquent, des existences qu’on croyait assurées sont en péril. On peut , à ce sujet, citer encore l’Angleterre pour exemple. La question proposée me semble donc extrêmement délicate. On peut croire, en général, que l'établissement de banques peut être utile, mais cette utilité est balancée par de graves inconvéniens, et aussi il me semble qu’en pareille occurrence on doit agir avec une grande circonspection. » M. le docteur Guépin (de Nantes). « L’instruction, lorsqu'elle n’est pas jointe à l'éducation, n’est pas favorable à la pro- priété. J’établirai exactitude de ma proposition par les calculs existans dans la statistique morale de la France. Dans le pays où il ya le plus d'instruction sans éducation , là il se commet le plus de crimes , et surtout de crimes contre la propriété. » Il me semble que les exemples donnés par le précédent orateur , relativement aux fermes-modèles, ne sont pas exacts. Du moins, je püis dire que dans la ferme du Grand-Jouan , ( 397 ) près de Nantes , on a obtenu de bons résultats, même sous le rapport du produit net. » Je défendrai la société centrale d’agriculture de Paris. Je conviens que parfois elle a donné des formules susceptibles d’être critiquées ; mais, en général, ses enseignemens ont eu de l'utilité. » Quant aux capitaux nécessaires pour l’agriculture, en con- venant qu’il en existe beaucoup, je soutiendrai que les fer- miers les obtiennent difficilement. Pour les avoir, il faut offrir des sûretés qui sont hors de la portée de ceux qui auraient besoin de ces mêmes capitaux. Cependant ils sont nécessaires pour le progrès de l’agriculture. Les banques donneront la facilité. de faire arriver ces capitaux entre les mains des fer- miers. Donc l'établissement des banques est nécessaire dans l'intérêt de l’agriculture. Ces précédens posés, je m'étonne qu’on s’oppose à l'établissement des banques locales. » M. Babault de Chaumont rappelle que la seule question sur laquelle la 2° section ait statué, est celle des longs baux, et que les autres questions qu’on vient de traiter n’ont point eu de solution préliminaire. M. Verger défend les propositions émises dans son mé- moire, et attribue la prospérité de l’agriculture en Flandre à la masse des capitaux dont les fermiers ont la disposition. Il cite pour exemple un fermier de cette contrée , avec laquelle il a eu des relations. En regard de ce tableau, M. Verger place l’état précaire et malheureux de fermiers, dans certaines portions de la Bretagne , ne possédant que quelques mauvaises pièces de bestiaux. « Malgré tout ce qu’on pourra prétendre, » dit M. Verger en finissant, je soutiendrai que c’est à l’é- eo » goïsme des propriétaires, à leur avidité qui les porte à trop » pressurer leurs fermiers, à vouloir élever leurs fermages hors » des proportions convenables, qu’on doit attribuer la détresse » des cultivateurs, et par suite l’état précaire de l’agriculture et le défaut de progrès en cette partie. » M. Babault de Chaumont trouve de l'inconvénient dans les baux à long terme, en ce qu’ils pourraient empêcher l’établisse- 5 ( 398 ) ment de la petite propriété , en rendant plus difficiles et plus rares les ventes en détail. Il attaque, à ce sujet , ce qu’a dit M. le docteur Guépin. M. le docteur Guépin répond que son système a été mal compris et rendu par ceux qui l'ont attaqué. La proposition relative à encouragement à donner aux baux à long terme, telle qu’elle a été admise par la 2° section, après un léger débat sur la position de la question, est mise aux voix et adoptée. M. le président Barbault de la Motte, vice-président de la 2° section, rappelle qu’on a‘demandé une diminution du droit d'enregistrement pour les baux à long terme, et il croit que c’est en effet le moyen de les encourager. M. Mangon de la Lande ( directeur de l’enregistrement pour le département de la Vienne). « On a réduit le tarif de l’en- registrement des baux à un taux très-bas. On croyait que, dans cette position de choses, il y aurait eu plus de baux enregis- trés. Il en a été tout autrement. » L'ordre du jour, demandé sur cette dernière proposition , est mis aux voix et adopté. M. le président Barbault indique une autre proposition ad- ditionnelle à celle des baux à long terme. IL s’agit de baux de vingt-un ans, avec augmentation de prix au bout d’une première période de sept ans et d’une seconde de quatorze ans. Un membre trouve de l'inconvénient dans ce mode. M. le conseiller Lelong fils croit que la clause d'augmentation progressive, augmentation fixée dès le commencement du bail, sera également favorable au propriétaire et au fermier ; il conclut , par suite, à l'adoption de la proposition. M. le général Dubourg. « Il suffit de poser la résolution relative aux longs baux, sans en examiner les clauses, qu’il faut laisser à débattre entre les propriétaires et les fermiers. » M. Cardin. « Il existe en Basse-Bretagne un usage, je veux parler de celui relatif aux domaines congéables. Cet usage se rapproche; assez du mode de baux qu'on voudrait faire pré- valoir. Il faudrait donc peut-être admettre cette législation. \ ( 399 ) Néanmoins je trouve qu’elle a un inconvénient ; et le mieux serait de fixer l'augmentation progressive dès le principe. » M. le général Demarçay , en reconnaissant pour vrai ce qui a été dit par M. Lelong, indique l'exemple d’un propriétaire qui tirant 500 fr. d’une métairie , ne paraît pas décidé à la vendre. Cependant, pour augmenter son aisance , il consent à céder ce domaine, pour 20 ou 25,000 fr., à son fermier. On croirait, au premier aperçu, que celui-ci va se ruiner. Point du tout ; il cultive comme propriétaire différemment de sa manière de cultiver comme fermier, et son aisance augmente. M. de [a Fontenelle fait remarquer que les longs baux, avec la clause d'augmentation progressive du fermage , sont devenus nécessaires depuis l'introduction de la culture des prairies artificielles. Pour les luzernes surtout , il faut, dans beau- coup de localités, l’emploi de capitaux assez considérables pour opérer, et du temps pour se récupérer des avances faites. M. Le président Barbault continue à énoncer les propositions accessoires à celle des longs baux. On ne s'arrête pas à celle qui tendrait à accorder des récompenses. Il en est de mème de celle relative aux constructions , quoi- que son auteur l’ait maintenue. Quant aux prix à décerner pour les meilleures récoltes et les plus beaux animaux, il est reconnu que ce soin est dévolu aux comices agricoles. Pour une décoration spéciale à accorder à ceux qui se se- raient distingués comme agriculteurs,on décide que les services en,cette partie rentrent dans la classe générale des services rendus à l'Etat et sont susceptibles des mêmes récompenses. Plusieurs agriculteurs distingués ont obtenu la décoration de la Légion-d’'Honneur, M. Mathieu de Dombasle par exemple. Par le résultat des décisions qu’on vient d'indiquer, la ré- solution relative aux baux à longs termes demeure adoptée , sans dispositions additionnelles. M. Isidore Le Brun, secrétaire de la 6° section, indique , ( 400 ) comme renvoyée à l'assemblée générale, la question relative à la taxe du pain et de la viande, dans les villes. M. Boncenne, président de cette section, rend compte de ce qui s’est passé, à cette même section, relativement à la ques- tion. En définitive, on a adopté la résolution qu’an vœu serait émis pour la suppression de la taxe de la viande, et qu’il devait y avoir un plus ample informé pour la taxe du pain. M. le docteur Thiaudière croit qu'il ne faut pas supprimer la taxe de la viande indistinctement partout ; il faut distin- guer , suivant lui , entre les grandes et les petites villes. M. André parle aussi sur la question. M. Boncenne pense que ces observations auraient dû être présentées à la section. M. Desvaux dit que dans les petites villes où la viande est taxée, le prix réel de cette marchandise est souvent au-dessous de la taxe. La résolution de la 6° section, mise aux voix, est adoptée. M. le président fait connaître la proposition de la Société de Médecine , pour la lecture, en assemblée générale , d’un mé- moire de M. Simon ( de Nantes), sur le magnétisme animal. L'heure étant trop avancée, cette lecture est renvoyée à demain. SÉANCE DU MERCREDI 10 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. pe Caumowr (de Caen). Après la lecture du procès-verbal, M. le secrétaire général donne l'indication de divers ouvrages dont les auteurs font hommage au Congrès, et fait connaître plusieurs nouvelles adhésions. MM. Boubée, de Brébisson, Babault de Chaumont , Hu- nault de la Peltrie , de la Saussaye , Chatelain et Foucart, ren- dent compte des travaux de la matinée, dans les sections dont ils sont secrétaires. M. le président lit une proposition faite par le Congrès pro- ( 401 ) vincial de Douai et admise par la 1° section. Élle est ainsi conçue : Le Congrès scientifique de France invite le gouvernement à imposer aux exploitans de houillères, comme condition de leur concession, l'obligation de recueillir avec un soin spécial, et de communiquer les résultats de leurs travaux et de leurs sondages, en tout ce qui peut concourir à la connaissance plus parfaite des gisemens de houille et du terrain carbonifère en général. M. de la Fontenelle fait observer que les exploitans de mines de houïlle sont dans l’habitude de communiquer aux ingé- nieurs des mines et aux élèves des mines qui voyagent pour leur instruction , les renseignemens dont il est question dans la proposition. Il assure qu’on agitainsi pour les houillères de la Vendée, dont il est l’un des concessionnaires. Néanmoins il ne s’oppose point à ce que le Congrès prenne une résolution à ce sujet. La proposition mise aux voix est adoptée. M. le président fait connaître une résolution prise par la deuxième section , après avoir décidé deux questions dont elle est la conséquence. Voici le texte du renvoi à l'assemblée générale : Première question. Le sel est-il un amendement utile pour la terre ? Oui. Deuxième question. L'emploi du sel est-il utile pour la nourriture des bestiaux ? Oui. Le gouvernement est invité à mettre, exempte d'impôts, une cer- taine quantité de sel à la disposition des sociétés et comices agricoles, pour faire des expériences comparatives sur l’emploi de cette substance comme amendement. M. Nau de la Sauvagère , au nom de la deuxième section , fait le rapport suivant : Votre section d'agriculture, industrie et commerce, avait à exami- ner la question suivante : « Quelle est l'influence de l'impôt sur le sel, relativement à lJ’empioi » de cette substance, soit comme amendement pour les terres, soit » comme destinée à faire partie de la nourriture des bestiaux? » Cette question a déjà été agitée hors du Congrès; elle a trait à l’amé- lioration de l’agriculture ; elle est donc d’un intérêt général. Br ( 402 ) Avant de décider si l'impôt sur le sel était sans effet pour l’agricul- ture ou lui était nuisible, à raison de l'élévation du prix qui empêche l’agriculteur d'en faire un usage habituel, votre commission avait à examiner si le sel était utile, soit comme amendement pour les terres, soit pour la nourriture des bestiaux. Quant à cette seconde partie de la question, aucune difhculté sé- rieuse ne s’est élevée ; des faits eoncluans ont été cités en faveur de l’afirmative ; il paraît prouvé que, pour les ruminans en particulier, l'emploi du sel, dont la médecine vétérinaire fait usage avec succès dans plusieurs maladies de l’estomac des animaux, avait l'avantage d’exciter les fonctions digestives de cet organe et produisait constam- ment des effets salutaires, notamment sur ceux que l’on engraisse et que par conséquent on nourrit beaucoup sans les faire travailler. Un fait, cité par M. Desvaux, a démontré que l’emploi du sel avait encore, pour l’agriculture, d’autres avantages. C’est relativement aux foins terreux et vasés, par suite du déborde- ment des rivières, au printemps. Ces fourrages sont nuisibles et répu- gnans pour les bestiaux. Avec une addition de sel , on les fait aisément consommer. Votre section a donc été d’avis unanime que le sel était utile à la nourriture des bestiaux. Quant à la question de savoir si le sel était utile à l’agriculture, comme amendement des terres , deux opinions se sont prononcées. Les partisans de la première ont prétendu que le sel ne pouvait avoir aucune influence sur le plus ou le moins de fertilité des terres ; que telle avait été l'opinion des anciens, qui semaient du sel sur les lieux qu’ils condamnaient à rester stériles ; que telle était l'opinion de Pline; que telle était aussi l'opinion des expérimentateurs modernes les plus habiles qui étaient du même avis, notamment MM. Arthur Young, de Dombasle et Gay-Lussac. Ils en concluaient que le sel était inutile à l’agriculture , comme amendement. 11 leur avait été répondu d’abord que la cérémonie dans laquelle les anciens jetaient du sel sur les terres qu’ils dévouaient à la stérilité était toute religieuse, et que si l’opinion des anciens pouvait avoir quelque influence sur la question, elle serait contre eux, puisque saint Paul fait dire par Jésus-Christ aux Apôtres : « Vous êtes le sel de » la terre, et si vous l’abandonnez elle deviendra stérile. » Ensuite, que les expériences d’un ou de plusieurs individus isolés ne pouvaient prévaloir contre celle de tout un pays, qui paraît beaucoup plus pro- bante; qu'en Normandie, et surtout en Bretagne et dans le Bas-Poitou, l'emploi du sel, comme amendement, est d’un usage immémorial , no- ( 403 ) tamment dans les pays non soumis au droit de traite, l'établissement des grandes gabelles en ayant interdit l’emploi a les pays qui y étaient assujétis ; que des recherches faites dans les archives de la ville de Nantes, il résulte qu'autrefois il passait annuellement sous les ponts de cette ville 300 mille tonneaux de sel dont une grande partie était employée comme amendement par les riverains de la Loire et de ses aflluens , et qu'aujourd'hui 25 mille tonneaux, au plus, remontent cette rivière : que dans le Poitou, sur la côte des Sables, les habitans recueillent avec soin les varechs rejetés par la mer, que ces varechs contiennent 50 p. 100 de parties salines et sont employés en trop grande quantité pour qu’on puisse attribuer à une autre cause que ces sels la fertilité qu'ils donnent au sol ingrat du pays ; qu’à la vérité l'emploi du sel devait être fait avec discernement, mais qu'il produisait de bons effets dans les terrains calcaires, connus sous le nom de terrains brälans, en y entretenant une humidité salutaire aux plantes. On a cité, en outre, les faits suivans : M. Desvaux connaît un propriétaire de l’Anjou qui, pendant douze années consécutives , a amendé ses vignes avec du sel, à la quantité d'un boisseau par boisselée, et a obtenu chaque année une récolte beaucoup plus considérable que ses voisins, et de qualité bien supé- rieure. Dans le territoire de Fougères , l'emploi du sel, avant l'établissement de l'impôt, donnait de fort belles récoltes ; depuis l'impôt les proprié- taires ont dû baisser les prix des baux, ou s’obliger à fournir le sel aux | fermiers, ce qui revient au même. La majorité de la section a trouvé ces faits concluans, et a décidé que l'emploi du sel était utile à l'amendement des terres. Cependant, quel est le degré de cette utilité? Quels sont les moyens de tirer de cet emploi le meilleur parti possible ? Quelles sont les na- tures de terre où il serait le plus avantageux ? C’est ce qui n’a point paru assez bien établi à votre section; elle a pensé que des essais com- paratifs pourraient seuls donner, sur ces questions, des solutions posi- tives, et que le gouvernement ne se refuserait pas, sans doute , à faire jouir des avantages de la suppression de l'impôt , ainsi qu’en jouissent déjà les fabriques de soude, les agriculteurs qui voudraient se livrer à ces essais ; en conséquence , elle a décidé à l'unanimité que le gou- vernement serait invité à procurer aux comices agricoles les moyens de faire des essais comparatifs sur l'emploi du sel, et que les co- mices agricoles étaient mieux en position pour les faire que des parti- culiers isolés. M. Isidore Le Brun fait quelques réflexions sur la proposi- ( 404 ) tion , et indique un fait qui, au premier aperçu, parait assez extraordinaire. À Vichy, les bestiaux qu’on a mené abreuver aux sources salées, ne veulent plus ensuite boire d’eaudouce. La proposition mise aux voix est adoptée, après quelques explications données par M. Babault de Chaumont. M. Béra pense qu’il faudrait mettre aussi aux voix les ques- tions qui précèdent la proposition. M. de Caumont, président , répond que le compte rendu des travaux du Congrès expliquera suffisamment quel a été l'esprit de la détermination prise. M. Boncenne répond plus positivement à la réclamation de M. Béra, en disant que la question décidée a pour considérant nécessaire la reconnaissance de ce point important que le sel est utile pour la nourriture des bestiaux. M. Nau de la Sauvagère parle dans le même sens. Cette discussion n’a pas d’autre suite. On passe à la lecture d’une proposition de M. Abel Pervin- quière , adoptée par la sixième section et renvoyée par elle à l'assemblée ; elle est ainsi conçue : Inviter M. le garde des sceaux à enjoindre, par l’entremise des pro- cureurs généraux, à tous les juges de paix du royaume, de rechercher dans les différentes communes de leurs cantons, au moyen d’enquêtes ou autrement, les usages locaux auxquels le Code civil se réfère. Les juges de paix, pour constater les usages ruraux, appelleront les hommes employés habituellement comme experts dans leur canton, et, pour les cas rédhibitoires, ils auront recours aux artistes vétérinaires, aussi de leur canton. Les procès-verbaux des juges de paix de chaque ressort de Cour royale, ainsi que copie certifiée des documens écrits qu’ils pourraient recueillir, seraient renvoyés à une commission composée de cinq juris- consultes, choisis dans la ville où siége la Cour, pour mettre les ma- tériaux en ordre et dresser un tableau fidèle des usages constatés. Ces tableaux, ainsi dressés, seraient ensuite résumés en un seul et même volume, et imprimés aux frais du gouvernement. M. de la Fontenelle fait connaître qu'il a indiqué à lAsso- ciation Normande , l’année dernière , l'importance d’un pareil travail, et qu’il l’a entrepris, depuis plusieurs années, pour ( 405 ) le ressort de la Cour royale de Poitiers, et notamment pour les trois départemens composant l’ancienne province du Poitou. Mais comme le concours de l’autorité est utile pour obtenir tous les renseignemens nécessaires, afin de ne rien omettre , il appuie la proposition. M. André croit qu’on doit se borner à poser le principe, sans prescrire au gouvernement les moyens d’exécution. M. Boncenne répond qu’on peut, en semblable circonstance, donner au gouvernement des avis qu’il peut suivre ou ne pas suivre. M. Béra. « La rédaction de la proposition me paraît devoir être changée. IL faudrait charger de ce travail, outre les juges de paix, les tribunaux de première instance, dont les membres offrent une plus grande masse de lumières encore que les juges de paix , et consulter les avocats et les avoués. » M. Abel Pervinquière. « On sent généralement l'utilité de ma proposition, et je n’ai donné qu’une simple indication pour les moyens d’exécution. Je ne crois pas les avoués très-aptes à s’occuper du travail dont il s’agit. Les magistrats d’appel peuvent au contraire donner d’utiles renseignemens, parce qu’ils sont obligés de statuer souvent .ur des aflaires dont la solution est déterminée par des usages locaux. Par exemple, il n’y a que quelques semaines, la deuxième chambre de la Cour royale de Poitiers a décidé que les noyers, dans les environs de Loudun, devaient être plantés à neuf pieds de dis- tance du terrain d'autrui. Quant aux juges de paix, je les crois plus instruits pour les usages de localité que les juges de première instance , d'autant mieux que ces derniers sont sou- vent étrangers au pays où ils sont placés. Ensuite les juges de paix me paraissent avoir plus de temps et de facilité pour faire le travail que j'indique. » M. de la Fontenelle. « Pour arriver à la confection du Code de localités dont on vient de parler , on trouvera dans cer- taines parties des documens complets. Par exemple, pour la pêche dans les rivières, il y a dans chaque département un règlement dressé par le préfet, revu par le conseil général et ( 406 ) approuvé par le gouvernement. Quant aux usages ruraux, il me semble qu’ils doivent être recueillis par les juges de paix, en ayant le soin d'appeler les experts de leurs cantons. Sur des questions que j'ai adressées à des juges de paix de la Vendée, quelques-uns d’entr’eux , notamment celui de Montaigu, ont agi ainsi. Pour les cas rédhibitoires , les artistes vétérinaires peuvent donner d’utiles renseignemens. » M. Fradin pense que les juges de paix sont plus aptes qu’au- cuns autres fonctionnaires à dresser les procès-verbaux , objet de la proposition. Chaque jour des questions d’usage se ter- minent sur leur médiation. Ils en entendent parler plus que qui que ce soit. Ce fait est tellement avéré, que fréquemment les avocats et même les magistrats supérieurs les consultent sur ces points. M. Grellaud ne croit pas que le travail qu’on propose ait l'importance qu’on lui suppose. Ces documens une fois re- cueillis n’auront point force de loi, et n’empêcheront point les procès sur les questions qui s’y rattachent. Du reste, peu d'articles , dans le Code civil, renvoient aux usages de localité. M. Abel Pervinquière. « Je soutiens que quand les usages de localité seront bien constatés, il y aura peu de contestations à leur sujet. C’est l'incertitude sur les points de droit qui occasione les procès. On a tort de dire que peu d’articles du Code civil renvoient aux usages locaux. C’est là une grande erreur. Ils sont au contraire assez nombreux. Je citerai de mémoire l’article 648, pour la vaine pâture ; l’article 671, pour la distance à laquelle les arbres doivent être plantés; l’article 674 , pour la distance et les ouvrages requis pour cer- taines constructions ; l’article 1648 , pour la durée de l’action rédhibitoire ; l’article 1736, pour le délai qu’on doit observer en donnant congé, lorsqu'il s’agit d’un bail sans écrit; les articles 1745 et 1758, pour la durée des baux ; l’article 1759, pour la tacite réconduction ; l’article 1777, pour les logemens et facilités qui doivent être laissés au fermier entrant; et enfin l'article 17798, pour les pailles et engrais que doit laisser le ( 407 ) fermier sortant. Je pourrais encore en citer d’autres qu'il faudrait rechercher; mais il me semble que les indications que je’ viens de donner suflisent. » La proposition mise aux voix est adoptée. M. Lair continue la quête cominencée hier , et obtient une somme de 28 fr. 75 c. qui est, comme l’autre, déposée entre les mains de M. le trésorier. M. le président annonce qu’il va être donné lecture d’un mémoire de M. Simon (de Nantes) , sur le magnétisme animal, renvoyé par la troisième section à l’assemblée générale. Avant de faire cette lecture, l’auteur annonce qu’il a réduit son mémoire , sur la demande de la section. Analyse du Mémoire de M. C.-G. Simon, de IVantes, sur le magne - tisme animal. Il importe peut-être moins de donner une analyse complèle de ce mémoire que de faire ressortir l’idée principale de l’auteur. Cette idée, la voici : De tout temps les novateurs ont été persécutés; aujourd’hui les persécutions ont changé de nature. Le sarcasme, le ridicule, voilà les armes employées de nos jours ; armes terribles, qui tuent une pensée nouvelle plus sûrement que ne le faisaient autrefois les prisons et les échafauds. Le magnétisme animal n’a pas été plus favorisé que les autres doctrines. Poursuivi depuis Mesmer jusqu'à nos jours, il semble par cette raison être resté principalement entre les mains de charlatans, de fripons ou d'hommes immoraux qui ont abusé de l'influence mysté- rieuse qu'il mettait entre leurs mains. Pour faire cesser ces coupables abus, il est à désirer que la pratique du magnétisme soit affranchie des sarcasmes qui l'ont poursuivie jusqu’à ce jour, añn que des hommes honorables , des hommes de science puissent se livrer consciencieuse- ment , sans crainte et sans mystère, à l'étude d’une faculté extraordi- naire, dont l'emploi paraît offrir, suivant des autorités dignes de f£;, de grandes ressources à la thérapeutique. Maintenant nous abordons le mémoire de M. Simon. Après avoir donné un résumé succinct de l’histoire du magnétisme animal jusqu’à nos jours, l’auteur s’appuie sur l’autorité de MM. Bour- dois de la Motte, Fouquier, Guéneau de Mussy, Guersent Itard , J.-J. Leroux, Marc, Thillaye et Husson, membres de l’académie de méde- cine, qui, après cinq années d’études et d'expériences consécutives sur le magnétisme animal, présentèrent les 21 et 28 juin 1834, en sa fa- ( 408 ) veur, le rapport qui leur avait été demandé par cette compagnie (1). Fort d’un pareil témoignage, M. Simon établit dans son mémoire des faits nouveaux observés par lui. Ces faits, rapportés avec simplicité et bonne foi, sont trop curieux pour que nous ne les consignions pas ici. Nous allons laisser parler l’auteur lui-même. « Durant tout l’hiver dernier ( 1833-1834), ayant eu le bonheur de rencontrer dans une jeune bonne que je désignerai sous le nom de Félicie , une somnambule d’une lucidité parfaite , nous avons pu, quelques-uns de mes amis et moi, observer la plupart des faits signalés dans les écrits des magnétiseurs. » Nous avons accumulé le fluide magnétique sur un plateau de verre soutenu sur l'estomac de Félicie, au point d’effrayer cette jeune fille, à laquelle le fluide magnétique se présentait sous l’apparence d’une flamme prête à la dévorer. Les yeux bandés, Félicie faisait la partie de cartes sans jamais se tromper sur leur valeur. Elle lisait dans l'esprit de son magnétiseur. À ma première visite, qui eut lieu pendant son sommeil , elle dévoilait mon caractère, décrivait mes traits, mon phy- sique, mes vêtemens el mes gestes, et toujours ses yeux étaient cou- verts d’un épais bandeau. Une autre fois, renfermée dans la maison, elle disait ce que je faisais seul à l'extrémité d’un grand jardin et dans les ténèbres d’une nuit obscure. » Souvent nous lui fimes voir la lanterne magique pendant son som- meil magnétique, et alors elle nous décrivait sans hésiter les person- nages bigarrés que nous faisions passer derrière le verre de la lanterne. » Folle de la musique, dès que les cordes d’un piano résonmaient, Félicie, naturellement lente et apathique , éprouvait une exaltation soudaine ; religieuse et grave si les tons étaient graves et solennels, folle extravagante si l’air était bouffon. À la volonté du magnétiseur, elle entendait les sons de l’instrument ou cessait de les percevoir. Un soir nous la conduisimes en esprit dans l’intérieur de la salle de spectacle qu’elle n’avait jamais visitée. Elle nous en fit une exacte des- cription. Pour elle les loges étaient de petites grottes. Tout d’un coup elle se prit à bondir de joie sur son siége, et s’écria : Ah! le rideau , le rideau se lève! je vois des arbres, c’est comme une forêt ou comme un jardin. Voilà dans ce jardin un monsieur habillé en berger qui lève les bras en l’air. » Nous réveillâmes Félicie à l'instant, dix minutes après j'étais au (x) Rapports et discussions de l'académie royale de médecine, sur le magnetisme animal , publiés par M. P. Foissac, D. M. P.— A Paris, chez Boullière, libraire de l'académie royale de médecine, rue de l'École-de-Médecine, n° 13 bis. ( 409 ) spectacle ; on donnait le Rossignol , et la troisième scène commencait: Des faits anologues se sont représentés plusieurs fois. » Toutes les fois que Félicie était en état de somnambulisme, l’in- sensibilité des organes s’est déclarée. Ni les piqüres d’épingle, ni les pincons, ni les chatouillemens d’une barbe de plume, ni les odeurs les plus pénétrantes , n’avaient alors la moindre action sur ses sens. Tou- jours l'oubli des phénomènes obtenus pendant le sommeil magnétique a suivi le réveil, sauf les cas où son magnétiseur lui avait recommandé spécialement le souvenir de quelque fait particulier. » C’est à l’aide du magnétisme que le médecin de Félicie, qui suivait avec nous ces expériences , a pu la guérir d’une double affection mor- bide assez dangereuse pour alarmer ses maîtres. Moi-même j'ai guéri en un instant, par le magnétisme, une de mes parentes tourmentée d’un violent mal de tête. » Étant à Paris il y a quelques mois, j'ai conduit chez le docteur Chapelain , connu pour ses traitemens magnétiques, un de mes oncles, frappé de cécité depuis huit années. La somnambule avec laquelle il fut mis en rapport, reconnut parfaitement son mal et ordonna un trai- tement tout-à fait rationnel. Les personnes qui ont été à même d’ob- server des faits magnétiques n’ignorent pas qu'il s'établit constamment une relation sympathique entre un somnambule et le malade qui le consulte. Dans le cas présent, les yeux de la somnambule furent mo- mentanément paralysés dans les mêmes circonstances que ceux de mon oncle. Après les premières passes qui devaient la réveiller , ses pau- pières se soulevèrent à demi, mais son œil droit restait terne et fixe, l'œil gauche était un peu plus ouvert et moins terne. Enfin, elle ne recouvra l'usage parfait de la vue qu'après quelques minutes d’efforts de la part du magnétiseur. On observera que mon oncle, qui a perdu entièrement l’usage de l’œil droit, est encore légèrement sensible de l'œil gauche à l'éclat de la lumière. » Mes relations avec le docteur Chapelain m'ont mis à même de voir chez lui madame N.... qu'il a guérie d’une affection cancéreuse par la seule influence du magnétisme animal. Cette dame, filleule de Napo- léon , fille d’un vieux général, aujourd’hui pair de France, ne s’était soumise au traitement magnétique que d’après les conseils de son mé- decin ; l’un des membres les plus distingués de la faculté de médecine de Paris. Pendant sa convalescence , et étant en état de crise, elle écrivit au docteur Chapelain, qu’elle n’appelle plus que son sauveur; une lettre de remercimens, avec des circonstances qui méritent d’être signalées. » Lorsque madame N.... voulut écrire, elle saisit une plume métal- 52 ( 410 } lique qui se trouvait sur le bureau du docteur Chapelain ; mais le fer ayant la propriété de produire quelquefois de légères convulsions chez les somnambules, la main de madame N...., soulevée par petites sac- cades, n’écrivait que des mots à demi formés, sans que cette dame eût conscience de ce qui arrivait. Le docteur Chapelain, témoin de ce fait, et en pénétrant la cause, lui ôta le papier et la plume des mains, en lui disant qu’elle n'avait fait que griffonner des lignes inintelli- gibles, qu’il fallait recommencer, et écrire avec plus de soin et d’at- tention. Il lui mit en main une plume ordinaire et une nouvelle feuille de papier, et alors madame N.... put à son aise exprimer sa gratitude dans une lettre fort nettement écrite , et que le docteur Chapelain conserve précieusement avec l'essai infructueux qui l'avait précédée. » A la suite de ces faits, M. Simon signale un événement extraordinaire qui eut lieu au mois de juillet 1833 , dans une maison d'éducation de Clermont en Auvergne. Mais cet événement pouvant s'expliquer par les lois ordinaires du somnambulisme cataleptique, la section de méde- cine en à ordonné le retranchement, pour ne pas abuser des instans du Congrès ; nous n’avons donc point à nous en occuper ici. « À Paris, reprend plus loin M. Simon , à Paris où tant d'exemples éclatans ont enfin dissipé une partie du nuage, les vérités magnétiques n’excitent plus le sourire; mais là encore cependant , et en province surtout, la malveillance et l’entêtement leur opposent toujours de rudes obstacles à vaincre. Il est malheureux que cet état de choses s’op- pose à l’étude publique du magnétisme, et permette au charlatanisme seul d'exploiter une faculté merveilleuse, dont il importerait tant que la pratiqué ne fût confiée qu’à des hommes de l’art agissant publique- ment, et capables de rectifier, par leurs connaissances médicales , les erreurs , les caprices ou la mauvaise foi des somnambules. » D’aussi sages conclusions ne pouvaient manquer d’être accueillies par des hommes éclairés , dégagés ‘de préjugés et de toute idée rétro- grade ; aussi le Congrès s'est-il empressé d’en consigner l'adoption dans ses procès-verbaux, sans rien préjuger sur la question posée dans son programme. Cette question tait ainsi conçue : « Déterminer l'état de La science relativement au magnétisme animal. » M. Simon lui-même déclare que de nouveaux faits, que des expé- riénces plus multipliées sont nécessaires pour être réunis, coordon- nés et former un corps de science, qui ne peut s'établir que sur des lois bien déterminées. C’est aux hommes d'étude à s’occuper d’un pareil travail , avec zèle et avec un sincère amour de la vérité. La fin du mémoire de M. Simon est consacrée à démontrer la possi- bilité d'user avec avantage du magnétisme animal, pour le traitement ( Ai } des fous , des idiots et des monomanes. Le Congrès ne pouvait se pro- noncer sur une pareille question. C’est une brillante hypothèse que le temps seul et l’expérience confirmeront ou détruiront. M. Desvaux émet une observation relative à une opinion de M. de Jussieu. M. le docteur Guépin fait une réclamation relative au mé- moire , ou à ce qui s’est passé lors de la présentation de ce document à la section de médecine. M. le docteur Roy attaque le mémoire de M. Simon. Il ne nie pas complètement le magnétisme animal , car lui-même a magnétisé , mais il croit qu’on en a exagéré l’effet. En magné- sant , on met un individu dans un état de souffrance qui ne lui fait pas éprouver le désir de revenir dans la même position. Croire que dans l’état indiqué , on peut savoir tout ce qui se passe , même dans des lieux où on n’a jamais mis le pied , est une doctrine qu’on doit trouver extraordinaire pour une époque de science, comme celle dans laquelle nous vivons. M. le docteur Thiaudière ne nie point entièrement les résul- tats du magnétisme , maïs il croit qu’on les exagère. M. le docteur Guépin est d’avis qu’il faut, sur une matière aussi grave, recueillir beaucoup de renseignemens, pour décider plus tard en pleine’connaissance de cause. M. le docteur Jolly propose une formule. La discussion terminée , la proposition suivante est adoptée : Le Congrès émet le vœu que tous les faits et documens qui peuvent conduire à la solution de la question relative au magnétisme animal, soient recueillis par les sociétés savantes et médicales, par les savans et par les médecins. M. Lair lit une notice sur M. de Chênedollé , ancien inspec- teur général de l’université, membre de la première session du Congrès , et mort il y a peu de mois. Vote sur M. pe CHËNEDOLLÉ, par M. FRÉD. VAUTIER, professeur à la Faculté des Lettres de Caen. Notre pays vient de faire une perte qui ne manquera pas d'y être vivemént sentie sous plus d’un rapport. (412) M. de Chènedollé vient de mourir à Burcy , près de Vire, le ? dé- gembre 1833, à peine âgé de 63 ans. M. Lioult de Chênedollé , issu d’une famille noble de notre Bocage, naquit dans ces temps qui devaient bientôt enfanter la révolution de 1789 , et sa jeunesse fut en butte à tous les orages que l’implacable ter- reur de 1793 déchaîna sur tous ceux de sa caste. M. de Chènedollé dut chercher un asile dans l’émigration. M. de Chènedollé avait fait d'excellentes études au célèbre collége de Juilly; les lettres furent , sinon sa ressource, au moins sa consola- tion et son délassement dans le long exil aux terres de l'étranger. C’est à cette époque que d’heureux hasards le mirent en rapport avec quelques autres fugitifs de la France , dont la plupart ont obtenu plus tard un renom illustre ; de ce nombre furent l’éloquent et sage Fontanes, le piquant et ingénieux Rivarol, le Protée de la prose française , Château- briand , etc. , etc. Entre les étrangers , le célèbre Klopstock est celui avec lequel il se lia de la manière la plus intime, et à l'amitié duquel il attacha le plus “haut prix. La Hollande, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, sont les contrées qu’il parcourut ; il se complut à les étudier tour à tour. Dès ce temps, M. de Chênedollé versifait de longs et beaux mor- ceaux de poésie descriptive, pleins d'images et de verve, conçus à la vue de quelque grand tableau de la nature, ou fournis par une mé- ditation sur la condition morale ou intellectuelle de l’homme; quel- quefois suggérés par l’idée d’un passage éloquent de Buffon ou de Bernardin de Saint-Pierre, ou encore par un trait rapide et profond de Pascal ou de Rivarol. Ces ébauches furent le germe de son poème du Génie de l'Homme, poème du genre de ceux de Delille, ayant les qualités et les défauts des chefs-d'œuvre du modèle ; souvent plus énergique et moins maniéré, mais aussi moins constamment pur, et encore plus faiblement lié dans ses détails. Des jours de calme avaient succédé aux tempêtes; la France, lasse d’anarchie, s'était réfugiée dans le despotisme légal , qu’elle se réjouis- sait de voir exercé avec sagesse au nom de la gloire et du génie, et dans le sens des intérêts nationaux. Alors tout ce qu’il y avait de sensé dans l’émigration dut comprendre qu'il ne lui restait d'autre res- source que de se rallier le plus tôt possible au nouveau gouvernement du pays. Fontanes était rentré en France, et il y jouissait déjà de la haute confiance du maître : son influence ne tarda pas à y rappeler le jeune (413) Chènedollé ; et lorsque peu après il fut placé à la tête du nouveau corps enseignant, un de ses premiers actes fut de donner à son jeune ami une chaire de littérature latine à l’Académie de Rouen; il le des- tinait dès lors à des fonctions plus éminentes, et il se plaisait à le dire publiquement. Les circonstances de la Restauration qui firent passer le pouvoir universitaire en d’autres mains, ont contrebarré en ce point, comme presque partout, l’accomplissement de ses vues. Ce n’est que depuis quelques années seulement, que nous avons vu M. de Chènedollé nommé aux fonctions d’inspecteur général des études , et durant dix-huit ans à celles d’inspecteur particulier de l’Académie de Caen. . Lorsque M. de Chênedollé rentra en France, son Génie de l'Homme y fut publié, et recut du public un très-honorable accueil ; on se plut à voir dans cette composition, moins un ouvrage fait, qu’un riche et noble échantillon de ce que l’auteur pouvait faire un jour sur un sujet choisi à sa convenance : quelques voix puissantes prononcèrent le mot d’épopée. Alors la France croyait encore à l'épopée ! Le jeune poète ne déclina pas cette haute mission, et bientôt il fut assez généralement connu qu'il s’exerçait sur le grand et beau sujet de la prise de Jérusalem par Titus , sujet fort étranger sans doute à ce qu’on appelle nationalité francaise , mais qui, Comme la Jérusalem délivrée et le Paradis perdu, et même encore la Messiade, eût pu y suppléer par un caractère pro- fond et frappant de nationalité chrétienne, et dans lequel il se propo- sait de mettre en contraste les deux grands tableaux des pompes du judaïsme et des restes insensés du paganisme romain. En 1802, M. de Chénedollé, distrait un moment de ses grands tra- vaux , donna, sous le titre d'Etudes Poétiques , un volume de poésies lyriques , qui auraient pu produire un certain effet, si les premières Méditations de Lamartine, qui venaient aussi de paraître, n’en eussent trop puissamment détourné l'attention du public ; quelques-unes de ces petites pièces étaient plus ou moins connues d’avance.et avaient été composées pour les concours des Jeux floraux. Dans l’avant-propos de cet essai, M. de Chênedollé parle de son poème de Titus comme d’un ouvrage en état de paraître prochaine- ment, et arrivé à peu près au point où la mesure de son talent pouvait se porter. Il serait fort à désirer que le manuscrit en füt livré à l’im- pression, ou du moins confé à quelques-uns de nos grands dépôts lit- iéraires , où il ne courût pas risque d’être détruit. M. de Chénedollé avait été un professeur des plus distingués , possé- dant également bien, et dans de grands détails, la connaissance des, littératures latine et française ; il y avait à cet égard beaucoup à pro (414) fiter dans sa conversation. IL fut un des bons esprits qui, avec cinq ou six autres, placés un peu plus bas dans la hiérarchie , ont le plus contribué à introduire dans notre académie les vrais principes de la bonne traduction. M. de Chènedollé a été de plus un excellent inspecteur, un chef bienveillant et plein d’obligeance, un homme de bien, de la piété la plus sincère, du caractère le plus recommandable, et du commerce le plus sûr. M. de Chènedollé laisse une famille nombreuse et digne d’un grand intérêt. Sa perte a été sentie à Vire comme un malheur public; et on peut dire à la lettre qu’elle a mis toute cette ville en deuil. M. de Chênedollé était né le 4 novembre 1769. Il avait été mis à la retraite, au mois d'avril 1833 , après 23 années de service dans l’enseignement. SÉANCE DU JEUDI 11 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. ne Caumowr (de Caen). M. Boubée , secrétaire de la première section , rend compte à l'assemblée de la course géologique du matin. Promenade géologique du jeudi 11 septembre 1834. « La section des sciences physiques, mathématiques et natu- relles du Congrès de Poitiers , avait décidé qu’une promenade dont le but principal serait d’étudier la constitution géogno- stique du bassin du Clain et les faits qu’il présente à l'appui du déluge des géologues, aurait lieu le jeudi 11 septembre. » Réunis à six heures du matin , environ cinquante membres du Congrès se mirent en marche sous la direction de MM. Bou- bée et Delatre. On sortit de la ville par la porte de Saint- Cyprien. à » À peine on a franchi Le pont, qu’on observe successivement les assises en stratification horizontale du calcaire jurassique inférieur , et celles du calcaire jurassique moyen qui leur est immédiatement superposé. On voit au-dessus une couche puis- sante de fragmens calcaires entassés, une grande abondance ( 415 ) de silex corné qu’on trouve également disséminé au milieu de la terre végétale dans les champs cultivés, et qui représente la formation supérieure du terrain jurassique. » Parvenus au haut du plateau , nous observâmes trois circon- stances propres à démontrer le passage de grandes eaux sur la contrée : 1° Le creusement de la vallée du Clain, que l’on ne sau- rait attribuer à l’action des eaux actuelles; 2° la dispersion de cailloux roulés, de roches étrangères au plateau, notamment de jaspe , de quartz hyalin qu’on y trouve en petit nombre; 3° la dénudation des silex cornés et le brisaillement des calcaires au-dessous de la terre végétale, phénomène qui s’observe sur- tout à la sortie de St-Benoît dans l’escarpement de la nouvelle route. Ceci pourrait être attribué , il est vrai, à l’action inces- sante des eaux pluviales qui , s’infiltrant sous la terre végétale, dissolvent le calcaire et laissent à nu les silex, et aux gelées d’hiver qui peuvent fendre et brisailler les roches calcaires; mais l’action des grandes eaux , qu’atteste déjà la présence des galets précités , se révèle encore dans la grande quantité de ces silex dénudés , dans leurs formes usées, dans leur disposition , les plus gros étant communément à la partie inférieure , et dans le mélange de sable et de galets, soit au milieu de ces silex, soit au milieu des débris calcaires entassés. » Après St-Benoît , les roches de Passe-Lourdin, qui font partie du terrain jurassique moyen, se présentent à la surface du sol et dans la partie la plus élevée, toutes percées d’une mul- titude de cavités qui donnent à ces roches l’aspect de la pierre meulière ; mais en examinant de plus près leur nature et la forme de leurs cavités, on reconnaît que ces roches sont calcaires et que les cavités sont presque toutes dirigées verticalement. Une disposition à peu près semblable s’observe dans les lieux les plus élevés des Pyrénées, dans ceux où les neiges séjour- nent long-temps sur le calcaire, ce qui semble indiquer que c’est à l'érosion lente des eaux qu’il faut attribuer cette dispo- sition. Toutefois ces cavités sont pour la plupart très-régulières ; elles rappellent les cavités que les folades et autres mollusques térébrans savent se creuser dans le roc qu'ils habitent. Une (416) discussion s’éleva à ce sujet, et l’on convint que si l’interven- tion des animaux perforans peut être justement invoquée dans ce cas, l’action postérieure des eaux actuelles n’a pas moins contribué à altérer, à défigurer même le premier travail des mollusques marins, en élargissant leurs loges et en corrodant les parois intérieures jusqu’à les rendre pour la plupart mécon- naissables . » Dans ce même lieu, les escarpemens de la vallée offrent l’en- trée d’une petite grotte creusée à la partie inférieure du terrain médio-jurassique , grotte qui n'offre au géologue aucune par- ticularité remarquable, mais qui, résultant d’un éboulement intérieur, présente à la voûte la forme ordinaire d’un cône sur- baissé. Quelques archéologues, qui la veille avaient inutilement consacré une séance entière à la recherche de l’origme de l'ogive, en retrouvant les traits les plus caractéristiques dans la forme naturelle de cette voûte d’éboulement , déclarèrent gaîment que là, sans aucun doute, était la mère-ogive. » Dans le bas de la vallée, et après avoir dépassé la fontaine, on trouve le calcaire à l’état de dolomie ; mais on remarque qu’il n’est dolomitique que par parties. Du reste, on ne peut reconnaître la stratification des couches dolomitiques , ni s’as- surer si, dans ce point, elles sont toujours horizontales. » De ce lieu on se porta vers une tranchée faite dans la route, au milieu d'un dépôt de cailloux roulés, dont la majeure partie, formés de quartz hyalin et de quartz laiteux , appartiennent aux terrains primordiaux. Quelques-uns cependant sont des jaspes et des silex cornés. On remarque au milieu de ce dépôt des blocs erratiques de poudingue , dont les galets de quartz, de jaspe et de silex sont réunis par un ciment ferrugineux. La nature de ces galets permet d'indiquer l’âge de ce poudingue, et de le rapporter à la formation crayeuse , tandis qu’il n’a été détaché de son gite originaire et entrainé jusque dans ce lieu que par les eaux puissantes du cataclysme diluvien. Ces blocs et ces nombreux cailloux roulés , étrangers au pays, at- testent encore le passage des grandes eaux qui purent creuser ( 417 ) le large bassin au milieu duquel le Clain roule aujourd’hui ses paisibles ondes. » On se dirigea de là vers le Pont-Verron, où l’on trouva de très-beaux fossiles, caractérisant une nouvelle formation , celle du lias : tels que le pectenlens , la gryphéa armata , des bélem- nites , des térébratules , un nautile de grande dimension , des ammonites , des trigonies, des nucules, etc. Mais on n’eut pas le temps d’en rechercher toutes les espèces, et c’est à une se- conde course qu'a faite sur les mêmes lieux M. le comte de Vibraye que l’on doit une partie de ces indications. » On vit encore avec intérêt une dolomie granulaire, contenant des rognons de silex noir et des fossiles nombreux. On ne peut douter que cette dolomie n’ait été d’abord un calcaire ordinaire qui n’aura été changé en dolomie qu'après la formation même des silex. » Non loin de là, près de la rivière, on vit ces mêmes roches s'offrir en couches fortement inclinées, et faisant avec l'horizon un angle d'environ quarante degrés. Cette position , que nous n'avions pas encore observée, nous fut expliquée par la décou- verte de plusieurs affleuremens d’une roche de porphyre rou- geâtre à cristaux de feldspath blanc. Au milieu de ce massif porphyritique se voit un filon de quartz mêlé de jaspe et de filets de calcédoine. Ce quartz hyalin, rose sur quelques parties, paraît être manganésifère et annoncer peut-être dans ce filon quelque matière métallique; du reste les dolomies se multiplient aux alentours du Port-Séguin. On les voit couronner la partie supérieure des collines. Elles sont horizontalés et se rapportent à la formation jurassique moyenne et inférieure , comme tous les: calcaires de la contrée. Cette stratification horizontale des formations jurassiques démontre leur formation postérieure au soulèvement du porphyre, tandis que l’inclinaison des couches du lias assigne à ce dernier terrain une existence an- térieure à l'apparition de ces produits volcaniques des âges anciens du globe. Cependant on peut observer le passage des calcaires jurassiques à la dolomie en plusieurs points du por- phyre, même à de grandes distances de cette roche; ce qui 53 (418) nous fit supposer que, même après l’éruption et la poridification du porphyre, il avait continué à se dégager, sur ce point, des eaux ou des gaz chargés de magnésie qui avaient dû produire dans les calcaires cette altération remarquable, » En approchant de Ligugé, nous vimes les terrains primor- diaux se développer à droite et à gauche de la rivière et prendre sur la rive droite un aspect imposant. Nous vimes d’abord , et comme faisant suite au porphyre, une belle protogyne à grandes lames de feldspath rose , avec talc argentin et quartz translucide. Cette protogyne offre assez exactement l'aspect du granit dont est formé l’obélisque de Luxor. » Un peu plus loin le talc paraît passer insensiblement au mica , et la roche plus solide et moins altérée devient un véri- table granit. Nous remarquâmes les formes massives de ces roches primordiales qui , fissurées en tous sens et divisées par grands blocs, sont néanmoins privées de toute stratification , caractère général des roches granitiques. » Le plus beau temps nous accompagna dans notre promenade, et il s'établit entre tous une franche cordialité. Telle est d'ail- leurs la première pensée des Congrès scientifiques. Combien d'hommes s’occupant des mêmes études qui ne se seraient ja- mais rencontrés, si de semblables occasions ne leur eussent permis de se communiquer leurs pensées, leurs observations et leurs découvertes? À Ligugé, un déjeuner tout improvisé nous fat offert avec beaucoup de grâce par Mme Laurence, et il fut joyeusement accueilli. » M. l’abbé Piet, qui nous conduisait à Ligugé, nous y fit voir les restes du premier monastère des Gaules, où l’évèque de Tours reçut les enseignemens de saint Hilaire. Nous visitâmes aussi, dans le même village, la tour célèbre où fat enfermé Rabelais, et dans laquelle on suppose qu’il a composé son Pentagruel. » Nous renconträmes à Ligugé un bloc de granit gris qui parut être étranger à la localité et constituer un bloc erratique, ce qui fut une confirmation de toutes les considérations que cette course nous avait déjà permis de réunir pour attester sur | | | : | | | ( 419) le Poitou le passage d’eaux puissantes, dont l’éloignement des chaines de montagnes ne permet de rattacher le cours à aucun des phénomènes dont l’histoire ait conservé le souvenir. » L’heure de la séance générale nous rappelait à Poitiers; en. repassant à Passe -Lourdin , MM. les directeurs du séminaire , membres de la section, qui avaient fait avec nous toute la course géologique, nous firent les honneurs de leur campagne de Mauroc, et à trois heures nous étions déjà rassemblés dans le lieu des séances. » M. Babault de Chaumont présente le tableau des travaux du matin pour la deuxième section, dont il est secrétaire. Cette mème section a arrêté qu’elle se réunirait ce soir , à 7 heures, avec la sixième section , pour examiner la question relative aux chemins vicinaux. MM. Lucien Gaillard, de la Pilaye , Chatelain et Isidore Le Brun, présentent l’analyse de ce qui s’est passé aujourd’hui, dans les 3°, 4°, 5° et 6° sections dont ils sont secrétaires. M. le secrétaire général donne lecture de lettres écrites par Mlle Elisa Mercœur, MM.Jules Lechevalier (de Paris) et Ches- non (de Bayeux}, qui expriment le chagrin qu’ils éprouvent -de ne pouvoir pas prendre part aux travaux du Congrès. Il fait ensuite connaître le titre de divers ouvrages dont l'hommage vient d’être fait à l'assemblée. M. le président donne lecture d’une proposition faite par M. Mangon de la Lande , et adoptée par la cinquième section, qui l’a renvoyée à l’assemblée générale ; elle est ainsi for- mulée : Le Congrès émet le vœu pour qu'il soit formé en France, sur les points les plus importans, des sociétés archéologiques spéciales et in- dépendantes. M. Chanlouyneau explique que cette expression erdépendantes doit s’entendre en ce sens , que ces sociétés ne dépendraient pas les unes des autres. Il croit aussi qu’il ne faut point fixer un chiffre pour le nombre des sociétés archéologiques à établir ; d’abord on avait proposé d’en porter le nombre de 15 18 au plus. D ( 420 } La proposition , mise aux voix , est adoptée. Il est ensuite fait lecture d’une rédaction qu’on croit d’abord être une proposition de M. de Givenchy à reporter à l’as- semblée générale, et ayant pour but de flétrir , dans lopinion publique, l’avidité des démolisseurs qui ont privé la France de ses plus beaux monumens ; mais après quelques obser- vations de MM. Foucart et Nicias Gaillard , et la déclaration de M. de Givenchy que cette rédaction n’était destinée qu’à être portée au procès-verbal de la quatrième section, sans faire le sujet d’une proposition , la discussion, sur ce point, n’a pas d’autre suite. Vient une proposition de M. Foucart , adoptée et renvoyée à l’assemblée par la quatrième section. Le Congrès supplie le gouvernement de faire rechercher et acheter à l'amiable les monumens importans pour l’art et pour l’histoire qui sont entre les mains des particuliers. Il est supplié, également, d’ordonner qu'aucune réparation ne puisse être faite aux monumens antiques , appartenant , soit à l'État , soit aux départemens, soit aux communes, soit aux particuliers; qu'aucune destination nouvelle ne puisse leur être donnée, qu'aucun d’eux ne puisse être détruit, sans que les ministres dans le département desquels se trouvent ces monumens aient pris l'avis, 1° des sociétés savantes du pays, s’il en existe; 2° de la société autorisée par le gouver- nement pour la conservation des monumens anciens ; 3° et des inspec- teurs généraux des monumens. M. Foucart donne quelques explications sur sa proposition. On voulait dépouiller les propriétaires des monumens sans les indemniser ; 1l a pensé que cette dépossession ne pouvait avoir lieu ainsi sans injustice. Après y avoir réfléchi, il a réduit même sa proposition qui allait jusqu’à exiger une autorisation pour réparer , ce qui aurait été attentatoire au droit de pro- priété. | M. le général Dubourg croit qu’il n’est pas convenable d’im- poser des entraves aux propriétaires de monumens. M. Foucart , dans la crainte qu’on ne voulüt étendre le mot monument à des médailles ou autres objets de cette dimension , propose d’employer l'expression monument d'architecture. (421) M. André craint qu’on ne puisse pas entendre par ces mots les monumens celtiques qui sont entièrement bruts. Un membre répond que les monumens celtiquessont, malgré ce qu’on peut dire, monumens d'architecture , de l’enfance de l’art. La proposition, formulée avec la rectification et l'addition faite en dernier lieu par son auteur , est mise aux voix et adoptée. M. le président fait connaître à l'assemblée une proposition de M. David de Thiais adoptée par la cinquième section , et renvoyée par elle à l’assemblée générale. Elle est conçue dans ces termes : Le Congrès exprime le vœu que la littérature, tout en revêtant la forme qui paraîtra la plus convenable au développement de l’art et à son but moral et social, s’abstienne toutefois, quant au fond, des doctrines licencieuses et immorales, et abjure l'esprit de spéculation et de vénalité qui, trop souvent, inspire et déshonore ses produc- tions, à quelque école qu’elles appartiennent. M. Foucart croit qu’on devrait inviter l’auteur de la pro- position à la préciser davantage. M. David de Thiais. « Je réponds à la qualification de vague donnée à ma proposition par M. Foucart. La rédaction d'un semblable vœu, qu’il est bon pourtant d'exprimer, présente de la difficulté. On ne peut , en effet, attaquer ni une école, ni des noms propres. Le vague est donc une nécessité dans la circonstance. Le Congrès scientifique, qu’on a dit être une sorte ‘de concile, a mission pour flétrir en général une littérature immorale et de mauvais goût ; mais une trop grande précision aurait peut-être de l’inconvénient. D'abord la proposition était plus étendue, mais elle a été restreinte par la section. M. Jul- lien se propose de reproduire la partie qui n’a pas eu l'adhésion de la section , et alors le tout se trouvera mieux coordonné. » M. Jullien ( de Paris ) soutient en effet que la rédaction pre- mière de la proposition est préférable à la rédaction réduite , adoptée par la cinquième section. ( 422 ) M. Boncenne demande le rejet de la première partie de la proposition , et l'adoption de l'avis de la section. M. de Caumont, président, fait remarquer qu'il ne peut mettre aux voix une proposition non adoptée par une section , ou non renvoyée par elle à l'assemblée générale. M. Nicias Gaillard croit aussi que cette première partie ne peut être admise. À raison de la difficulté de la rédaction , le Congrès renvoie la proposition à un nouvel examen de la cinquième section. M. le président fait connaître une proposition de M. F. Chatelain, adoptée par la même section, et renvoyée par elle à l'assemblée générale. IL en donne lecture dans les termes suivans : Le Congrès émet le vœu de voir supprimer l’Académie de France à Rome, comme n'ayant plus le degré d’utilité qui a présidé à sa création. Il verrait avec satisfaction que la pension quinquennale qui est accordée par le gouvernement aux lauréats leur fût intégralement conservée, et que la facilité leur fût laissée d’aller visiter sans entraves les lieux vers lesquels les appelle l'instinct de leur génie. M. F. Chatelain développe les motifs de sa proposition dans les termes suivans : Messieurs, examiner si l'institution de l'Académie de. France à Rome, fondée par Colbert, répond encore aux besoins de notre epoque? telle est la question que j'ai l'honneur de vous soumettre, et elle me paraît une des plus importantes qui puissent vous occuper. C’est, en effet, une question vitale d’émancipation pour nos artistes. Mon intention , en appelant vos lumières pour la résoudre, n’est pas toutefois de faire des utopies, de bâtir dans le vague un nouveau mode d'encouragement à donner aux beaux-arts; je veux seulement dérouler à vos yeux les abus graves de cette école de Rome, qu’un long séjour dans la capitale du monde chrétien m’a permis d'examiner dans ses détails comme dans son ensemble. J'espère vous faire partager ma conviction que la suppression de l’école de Rome serait le plus puissant encouragement à donner aux jeunes artistes destinés à maintenir dans notre France le culte du beau, de ce culte qui, je l'espère, malgré la mobilité qu'on nous reproche , sera chez nous impérissable. Vous me permettrez donc de vous donner quelques détails sur FAca- démie de Rome. ( 423 ) L'Académie de Rome, fondée par Colbert en 1666, située dans l'ancien palais de l'ambassade florentine, se compose de 20 à 25 pen- sionnaires. Elle est administrée par un artiste, qui prend le titre de directeur. Ses appointemens sont de six mille fr. I] a’Carrosse, laquais à livrée royale, un couvert pour six Personnes, la possession et jouissance des appartemens du palais, et un secrétaire-bibliothécaire dont le trai- tement est de 2,000 francs, avec le logement et la table. Voici les fonctions du directeur : Il presse l'exécution des travaux exigés par le règlement ; il donne ou refuse des congés aux pensionnaires, il leur paie leur pension; il veille à l’entretien du mobilier et des bâtimens ; il pose le modèle dans l'école publique de l’Académie; il fait enfin tous les marchés pour les fournitures alimentaires de l’école. Les fonctions du directeur sont si peu importantes, quant à la néces- sité de son séjour à Rome, que notre Horace Vernet , directeur actuel ; a pu aller improviser des chefs-d’œuvre à Alger , à Anvers, et être ab- sent pendant les deux tiers d’une année sans qu’il en soit résulté d’in- convénient pour l’école. Le matériel de l’Académie se forme d’une galerie fournie de beaux plâtres, où les étrangers ont quelquefois la faculté d'étudier pendant le jour , et où les pensionnaires choisissent à volonté des types pour leurs travaux d'atelier ; d’une bibliothèque d’un assez bon choiïx ; enfin, d’une école pour l'étude de l’homme vivant, où les pensionnaires ne vont jamais, parce qu’en effet il est un degré de talent qui permet de trouver fort maussade le maniement de l’estompe et la pose acadé- mique. Les frais de moulage de statues antiques nouvellement découvertes, les illuminations et fêtes du palais sont portés au budget de l’Académie et l’'augmentent considérablement. Les élèves sont logés fort mesquinement; leurs ateliers sont petits. Aussi les grands tableaux qu'ils exécutent sont-ils faits dans des lieux loués à leurs frais. On exige qu’ils se nourrissent dans l’intérieur du palais, et on leur retient, à cet effet, trois francs par jour. C’est à leur estomac à s'arranger pour avoir toujours l'appétit d’un petit écu ; et comme on leur fait encore une retenue pour le cas de retour en France ( mesure sage d’ailleurs), ils reçoivent net 70 fr. par mois, qui servent à leur entretien et aux frais de modèle. J'oubliais de vous dire que les sections réunies de la classe des beaux-arts, consultées il y a à peine deux mois sur la question de savoir si un lauréat envoyé à Rome pouvait ou non se marier pen- dant le temps de sa pension quinquennale, se sont prononcées pour (4% ) la négative. Le célibat est donc une des conditions indispensables du règlement. Les peintres, sculpteurs et architectes ont carte blanche, la pre- mière année, pourvu qu'ils restent à Rome. La seconde et la troi- sième année, ils sont tenus d'envoyer à Paris une étude : pour les premiers, c’est une étude de nu, d’après nature, proportion ordi- naire, avec défense expresse d’oser plus; pour les derniers, c'est un chapiteau au lavis et des ruines de temples exactement mesurées. La quatrième année, on exige une espèce de tableau et de statue. ” Les architectes alors voyagent ; et lorsqu'au terme de leur exil les pein- tres et les sculpteurs exécutent enfin , ceux-ci une statue de marbre , ceux-là un tableau d'histoire , les architectes produisent la restauration de quelque grand édifice antique, dont souvent on ne retrouve que quelques vestiges de fondations. Le pensionnaire qui s’est soumis aveuglément et avec une exactitude servile à toutes ces conditions, sans être moins avancé qu’en entrant à l’école de Rome, reçoit les complimens de l’Institut , et obtient, à son retour, des travaux du gouvernement. Celui qui s’est écarté de la loï est abreuvé de dégoûts; celui qui rompt tout-à-fait son ban , perd une année de sa pension. Observons que dans un pays où on ne se présente nulle part les mains vides, où d’ailleurs on est séparé de sa famille, le pensionnaire ne peut retrouver ses compatriotes que dans une espèce de cercle, lieu de réunion générale ; que c’est pour lui un nouveau sujet de dé- pense, que dès-lors ses 70 fr. deviennent insuflisans , et que toutes ses économies se trouvent absorbées par l’étude annuelle que preserit le règlement. Qu'arrive-t-il de cet état de choses ? Pour trouver dans ce travail les moyens de grandir son art, le pen- sionnaire est réduit à chercher à faire des portraits. S'il en trouve à faire, il passe dix mois de l’année à ce genre d'occupation lucratif plutôt qu'utile à son avancement, et ne pense à la composition qu’il doit envoyer pour obtempérer au règlement prescrit, que juste au moment où le temps est à peine nécessaire pour jeter à la hâte sur la toile le morceau voulu. Mais, je l’avouerai, le pensionnaire de Rome trouve rarement des portraits à faire , parce que, entre autres circon- stances peu favorables, les princes romains sont maintenant aussi pauvres en éçus, qu'ils, sont riches en titres, et que d’ailleurs ce mot de pensiongaire dont: on:salue les élèves, fait croire aux étrangers que . ces jeunés artistes ne sont que des écoliers. Or, faute. de-mieux, ils se laissent aller aux délices de la Capoue (425 ) moderne , dorment , chassent, croquent des ruines, pochent des pay: sages , et, quand ils peuvent obtenir un congé de quelques mois , sai- sissent , avec le plaisir de l’esclave qui rompt ses fers , l’occasion qui s'offre à eux de se jeter dans de folles dépenses, au moyen d’avances qu’on leur refuse rarement pour les empècher de contracter des dettes usuraires. Le remède à tous ces inconvéniens, on le trouvera quand on le voudra bien. Le voici en peu de mots : Ce serait, en accordant la pension quinquennalé, de prescrire un voyage en Italie, d'exiger une preuve quelconque de l'emploi des encouragemens distribués par le gouvernement , et prélevés, comme tout ce que dépense un gouvernement , sur la fortune publique. On indiquerait, par exemple, Venise, Florence, Rome, Milan, Naples, où se trouvent des œuvres remarquables ; les villes de la Flandre ne seraient pas négligées , car toutes renferment des chefs-d’œuvre; notre France, dont tant de localités sont peu connues, devrait enfin être l’objet de recherches, mais on laisserait les jeunes lauréats libres de camper où bon leur semblerait. Outre l’économie qui résulterait de la suppres- sion de l'académie de Rome , cette mesure aurait pour effet de dégager le génie des entraves dont on le tient enlacé, de procurer aux artistes pensionnaires une activité qui est l'élément où l'imagination se re- trempe; enfin elle leur permettrait de vivre à meilleur compte, et par conséquent d'employer plus d'argent à l’étude de leur art. Les paysagistes que l’on envoie de temps en temps à Rome ne con- naîtraient plus un seul ciel, une seule végétation. L'Espagne, l’Ecosse, l’Allemagne,, nos Pyrénées, produiraient sous leurs pinceaux de nou- veaux types, et le monde artiste comme le monde de nos cités'y ga- gnerait;, l'un,en réputation, l’autreten jouissances: À l'appui de ces considérations, j'aurai l'honneur, Messieurs, de vous représenter que lorsque Colbert fonda l’académie de France à Rome , cette ville regorgeait de chefs-d'œuvre , et que quelques célè- bres artistes y vivaient encore : la France, au contraire , n’avait alors presque pas de ressources pour les arts; point de musées, point ou peu de, monumens ; de plus les élèves étaient très-faibles, c'était les en- voyer réellement sur la terre classique. Aujourd’hui tout est changé. Paris est décoré de monumens admirables ; notre galerie du Louvre n’a point sa pareille. Toutes les statues antiques ont été moulées , et nous en possédons les épreuves ; enfin une multitude d'hommes de talent , venus pour la plupart de nos départemens, et qui résident dans la capitale de la France , se donnent les uns aux autres une émulation toujours renaissante. La Rome de nos jours , au contraire, a perdu ou 54 ( 426 ) vendu la moitié de ses chefs-d’œuvre ; sa pauvreté ne permet pas au talent d'y croître encouragé; ses édifices nouveaux sont marqués au coin du mauvais goût ; et son premier peintre, que vous me permettrez de ne pas vous nommer , ne pourrait lutter avec nos pensionnaires, la plupart déjà hommes de talent quand on les envoie dans la capitale des États Romains. Quel est donc le résultat véritable d’un tel état de choses ? Le voici : pour le pays, c’est une forte et folle dépense; pour les élèves, une chaîne pénible et quelquefois funeste. Soumis à des règlemens qui entravent l'essor de leur génie, privés d’émulation , harcelés par les conseils que de loin leur donnent leurs anciens maîtres, ils vivent d’ennui, et ne rapportent souvent dans leur patrie que ce qu'ils en avaient emporté, de la facture d'école , et rien de plus. Au reste, l’inutilité de cet exil est aujourd’hui presque universel- lement reconnue. Tous les monumens d'Italie ont été mesurés à satiété, et leurs ornemens moulés avec soin. Les architectes peuvent donc se former le goût sans sortir de Paris. Nos sculpteurs, grâce aussi au moulage , n’ont pas besoin de s’expatrier pour étudier les belles statues antiques. Les peintres seuls ont intérêt à voir les fresques de Michel- Ange et de Raphaël, et quelques autres ouvrages de maitres. Mais cet intérêt se réduit à peu, de chose, quand on pense que la gravure en a reproduit l'esprit, et que le temps en a détruit l'effet; donc, à la rigueur, la vue des gravures peut suflire. Reste le beau ciel de l’Italie ; mais pour le contempler à son aise faut-il cinq ans ? Et d’ailleurs, nous le répétons, envers l'artiste qui sera porté par son génie particulier à rendre les beaux effets d’une nature germanique, remplira-t-on le but de la vocation spéciale , en lui imposant pendant un lustre le pèleri- nage exclusif de Rome et de Naples ? Messieurs , croyez-le, si nous parvenons à trouver un mode plus rationnel d'encouragement à donner aux artistes, les arts produiront ‘encore des chefs-d'œuvre. Eh bien! je crois que la suppression de l’école de Rome amènerait au but désiré, et que le libre arbitre laissé aux jeunes artistes serait fécond en résultats heureux. Je me résume: sima proposition est appuyée et prise en considération, je désire qu’il soit demandé au Congrès de manifester le vœu de voir supprimer l'académie de France à Rome, en conservant toutefois inté- gralement aux lauréats la pension quinquennale accordée aux vain- queurs des concours annuels. Dans le cas contraire, Messieurs, où les idées que je viens d'émettre et les débats qui pourront en être la suite, ne porteraient pas la con- viction dans vos cœurs, si j'ose m'autoriser d’un précédent consacré par la section qui m'écoute , je demanderais que le procès-verbal men- (427) tionnât et la question que j'ai l'honneur de lui soumettre et quelques- uns des développemens dans lesquels je viens d’entrer , afin d’en faci- liter l'étude au Congrès de 1835. M. le général Dubourg. « Un Congrès scientifique demande la suppression d’une académie, et de la section des beaux-arts part directement un vœu pour la suppression de l’école de Rome. Un tel événement doit étonner , au moins au premier aperçu. Mieux vaudrait, il me semble, demander, non la suppression de l’académie , mais la révision de son rè- glement. » M. Nau de la Sauvagère. « Il ne faut pas supprimer l’école de Rome, mais améliorer seulement ses règlemens. Ces mêmes règlemens sont mauvais; mais comme ils sont anciens , on n’a pas osé y toucher. La réunion des élèves sur un point, à Rome ; est une excellente mesure; autrement ces jeunes gens seraient comme perdus dans cette grande ville. Gette agglomération d'élèves dans la ville éternelle, vaut mieux que de les envoyer voyager seuls, après la fin de leurs études à Paris. Ils ont besoin de voir et d’étudier le beau ciel de VItalie et ses monu- mens. Supprimer un établissement aussi ancien, aussi utile que l’école de Rome, serait une mauvaise mesure ; il faut se borner, je le répète, à réviser les statuts de cet établis- sement. » M. d’Assailly est d'avis aussi, non de détruire l’école de Rome, mais d'améliorer les règlemens de cette institution. M. le docteur Guépin pense qu’on ne doit pas tenir dans des entraves , pareilles à celles qui existent , des élèves arrivés à près de trente ans. Il faut les laisser voyager , pour leur per- mettre de donner l'essor à leur génie. M. Grille de Beuzelin adopte entièrement , comme artiste , Vopinion de M. le docteur Guépin. « Dans l’état actuel des choses, dit-il, un artiste de l’école de Rome est, à 28 ans, à peu près caserné, on peut le dire, dans un palais de cette cité, sans pouvoir en sortir qu'avec de grandes difficultés. Mais mieux vaudrait lui permettre d’aller étudier successi- vement dans les autres villes, d'Italie , et d’aller admirer les ( 428 ) chefs-d’œuvre qui existent dans d’autres contrées, et notam- ment en Hollande. Des peintres paysagistes seraient beaucoup mieux qu'à Rome sur d’autres points qu’il serait aisé d’indi- quer ; aussi , quantité de jeunes peintres distingués out refusé d’aller à l'école de Rome. Des notabilités de notre époque, de la Roche et de la Croix, n’y ont pas mis le pied. La suppression de l’école de Rome est donc une mesure utile, » M. le général Dubourg persiste à croire que cet établissement doit être conservé. M. le docteur Guépin. « Le moyen-âge a produit des cé- lébrités qui n’ont pas vécu un seul instant sous le ciel de V'I- talie. C’est un mauvais moyen que d’obliger les élèves qu’on envoie là à se borner à faire des copies. En agissant ainsi , on enchaîne leur génie. » M. David de Thiais. « Le monde entier appartient à l'artiste; il faut donc lui donner les moyens de voyager, en lui indi- quant une station à Rome, comme utile au développement de son génie. Mais il est préjudiciable au progrès de l’art de le détenir là, pendant plusieurs années. » M. Boncenne. « Le gouvernement peut imposer, à une pension qu’il accorde, une condition qu’il juge utile. L’aca- démie de Rome concourt au progrès des beaux-arts en France ; il faut donc maintenir cette institution , sauf à modifier son rè- glement, puisqw’il contient des dispositions qui paraissent avoir des inconvéniens. » M. Chatelain. « Je ne reviens pas sur les motifs que j'ai donnés à l'appui de mon opinion, et qui, du reste, ont été reproduits de nouveau par d’autres membres du Congrès. Je me borne à dire que, d’après ma proposition , les lauréats continueraient à avoir une pension pendant cinq ans, et qu'ils auraient de plus l'avantage d’aller la dépenser à volonté dans les divers lieux où leur génie les entraïînerait. » M. Nau de la Sauvagère. « Les pensionnaires de l’école de Rome obtiennent facilement des congés pour aller à Naples, à Florence et ailleurs. Les inconvéniens signalés n’existent donc pas. L'école de Rome a rendu de grands services , et la ( 429 ) supprimer serait un mauvais moyen d'améliorer. Si on ne rejette pas la proposition, il faut tout au moins la renvoyer à la prochaine session du Congrès. » M. Isidore Le Brun. « Cette question est d’une importance immense , et la décision que vous allez prendre aura un grand retentissement. En tout cas, il faudrait obliger les élèves de l’école de peinture à envoyer quelques tableaux en France. » M. André croit la question mal posée. Il lui semble qu’on doit seulement inviter le gouvernement à examiner si les rè- glemens de lécole de Roine répondent bien aux besoins de l'art. On propose l’ajournement. M. le docteur Guépin, qui croit aussi la question mal posée, en demande le renvoi à la commission, pour avoir une nouvelle rédaction. M. Grille de Beuzelin pense pareillement que la question est mal formulée. L’ajournement à la prochaine session du Congrès est mis aux voix et rejeté. M. André donne lecture de sa rédaction. M. Chatelain s'oppose à ce qu’elle soit mise aux voix. « L’inutilité de l’école de Rome est généralement reconnue , particulièrement par les journaux. Pourquoi retenir les élèves à Rome pendant cinq ans? S'ils sollicitent des congés, qu'ils obtiennent parfois, c’est pour être rendus momentanément à la liberté , et ne plus subir une retenue de trois francs qu’on leur fait chaque jour , pendant leur séjour à Rome. » La discussion étant close, M. le président met aux voix la proposition de M. F. Chatelain, qui est adoptée par le Congrès. M. le président fait lecture d’une autre proposition venant de la 6° section, et ainsi établie : Le Congrès émet l'avis qu’il y a plus d'avantages que d’inconvéniens à employer les troupes aux travaux d'utilité publique et particuliè- rement aux travaux des routes. M. Abel Pervinquière demande la parole. ( 430 ) Un membre prétend qu'étant membre de la section, M. Per- vinquière ne peut plus parler sur la proposition , dans l’as- semblée générale. M. Nau de la Sauvagère s’oppose à ce qu’on adopte un pareil précédent. Rien n'empêche le membre d’une section de parler, dans l’assemblée générale, sur une question venant de cette même section. Attendu l’heure avancée , la discussion est renvoyée à demain. M. le président anuonce que la quatrième section fera une course archéologique , dans l’intérieur de la ville , pendant la matinée de samedi prochain. Le rendez-vous est à six heures, sur la place Royale. SÉANCE DU VENDREDI 12 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. »E Caumonr (de Caen). MM. Boubée, de Brébisson , Babault de Chaumont, Jo- zeau , Lucien Gaillard , de la Pilaye , F. Chatelain et Foucart, secrétaires de sections , entretiennent l’assemblée de ce qui s’est passé , le matin même , dans leurs sections respectives. M. le secrétaire général proclame les noms de plusieurs personnes qui adhèrent au Congrès. Il indique les titres de divers ouvrages déposés sur le bureau. M. le président donne lecture de la question restée en dis- eussion à la dernière séance. La proposition de la section est ainsi formulée : Le Congrès croit que l'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les travaux des routes, offre plus d'avantages que d’inconvéniens. M. Jullien pense qu'il faut poser la question entière en finissant la formule par ces expressions : Aux travaux publics et notamment aux travaux des routes. M. Boncenne , président de la 6° section , fait un rapport sur | { l | ( 431 ) ce qui s’est passé à sa section lors de la discussion de la proposition ; il résume les opinions émises de part et d’antre. M. Lucien Gaillard ( de Poitiers) pense que la mesure est bonne en elle-même, mais il ne la croit pas possible. « On ne pourrait point occuper les soldats à des travaux d'art, pour lesquels il faut des hommes spéciaux, mais seulement à des travaux de terrassement. Or , si l’armée se compose en partie d'hommes sortis des rangs des cultivateurs , il est aussi beau- coup de soldats qui , avant de défendre la patrie, figuraient parmi lés ouvriers sédentaires des villes. Ceux-ci seraient in- habiles à manier la pioche et la bêche. S'ils adoptaient forcé- ment ce genre de travail , ils perdraient la série d’habitudes qui auraient été adoptées primitivement par eux, et ce déclasse= ment ne serait pas sans inconvénient. D'après ces données , il semblerait donc convenable de laisser les soldats à leurs occupations habituelles , sans avoir la prétention d’en faire des travailleurs. » M. le docteur Guépin ( de Nantes). « Les travaux entrepris pour le compte de l'Etat sont aussi bien exécutés, et à moins de frais peut-être , que ceux faits pour des particuliers ; et je citerai à ce sujet l'établissement d’Indret. L'économie serait bien plus grande encore si les soldats étaient chargés de ces travaux. Venant à la question elle-même , je dirai que les habitans des campagnes sont pour beaucoup dass le chiffre de l’armée. Aussi bien que les habitans des villes ; ils apprennent promptement le métier de soldats ; et alors il faut donner à ces hommes, dont la destinée-est de rentrer dans la société pour s’y livrer à la culture de la terre, des babitudes de travail et les moyens de subvenir à leur subsistance et de devenir utiies comme citoyens. Il faut leur donner aussi en même temps des habitudes de mo- ralité. Or, l’homme qui travaille est moral , et au contraire celui qui se livre à l’oisiveté prend des habitudes vicieuses. Façonnons donc le corps des défenseurs de la patrie en leur donnant à la fois des habitudes de travail et de moralité. » M. le général Demarçay. « Pour bien discuter une question, il faut être un homme pratique. Au lieu de cela , chacun à tort ( 432 ) et à travers, sans études préliminaires , avec une sorte de hauteur ou même de morgue qu'il est inutile de qualifier , s’ingère de vouloir porter un jugement souverain sur les ques- tions les plus difficiles, dans les recueils périodiques et même dans les feuilles quotidiennes. » Je viens à la question. Il faudrait peut-être douter relati- vement à sa solution, si la France devait avoir toujours sur pied une armée de {00,000 hommes. Mais telle n’est pas notre position. Le désarmement est inévitable ; le chiffre de notre armée doit même être inférieur à 200,000 hommes , parce que notre intérêt le veut ainsi, et que le besoin d’une réduction dans nos dépenses se fait vivement sentir. Je me suis occupé beaucoup de la question. J’ai remis au ministère, il y a déjà long-temps , un mémoire sur ma spécialité , dans lequel la question était traitée à fond. Beaucoup des améliorations que J'ai proposées ont été adoptées. J’ai été contredit, violemment même ; ce qui m'étonne le plus, c’est que les personnes qui se disent le plus libérales souflrent la contradiction plus difficile- ment que les autres. » Je n’entrerai point dans les détails de l’organisation de Parmée , cela me mènerait trop loin ; je me bornerai à ce qui s’applique positivement et d’une manière logique à la question posée. » Ma pensée est qu’on doitréduire , autant que possible , la durée du service militaire. S'il était besoin de 500,000 hommes sous les armes, il faudrait que le service , s’il était possible, fût réduit à cinq ans. Tel était le projet du maréchal Soult, lors- qu'après l’Empire on s'occupa , une première fois, de la loi du recrutement ; et J'étais alors de la commission, Mais on offrit sept ans au ministère, et il ne pouvait qu'accepter cette pro- position, puisque c'était un moyen d’avoir plus de soldats vieillis sous les drapeaux. » Le temps nécessaire pour l'éducation des soldats est moins long qu'on ne pense, il est surtout réduit pour les soldats français. Mais comme mesure d'économie et pour compléter ( 438 ) promptement les cadres, il est bon que chaque régiment re- crute dans la contrée où il est en garnison. » Une nation doit, autant que possible, restreindre son état militaire, en temps de paix. Mon avis est que 120 à 150,000 hommes peuvent suffire à la France. Je ne pense pas qu'on veuille augmenter l’armée pour ie plaisir de lui faire entreprendre des travaux publics. » Je m'adresse à une assemblée éclairée, mais non spé- ciale, et je crois que ces détails doivent lui suffire; mais si je m’adressais à une réunion spéciale, je me livrerais à bien d’autres développemens. » M. le général Demarcay soutient ici la proposition que l'emploi de l’armée aux travaux des routes ne devait pas avoir lieu par ordonnance. A ce point de son discours, il est interrompu , et on dit, de plusieurs côtés, qu’il traite une question politique, dont le Congrès ne peut ni ne doit s’occuper. M: Simon ( de Nantes ). « La loi sur les routes stratégiques préjuge , par son titre, qu’elles seront faites avec l'emploi des troupes. » M. le général Demarçay continuant : « Je- m'adresse ici à M. le docteur Guépin, et je soutiens que les:travaux entrepris par le gouvernement coûtent plus et sont moins bien exécutés que ceux qui sont le résultat de l’industrie particulière ; j'ai pour moi l'expérience, et j’invoque des résultats. (ci l'ora- teur donne des indications.) Je réponds à un système, et je veux établir que l’industrie particulière fournit à meilleur marché et donne de meilleurs produits que les articles que lé gouverne- ment fait confectionner pour son compte. D'ailleurs, voyez l'Angleterre, elle est supérieure à la France pour les arts; et là le gouvernement s'adresse aux particuliers pour en obtenir tout ce dont il peut avoir besoin. » Je finirai par dire que je ne pense guère que ce soit sous les drapeaux que les soldats pourront acquérir des habitudes de moralité. Gest dans la vie de famille que les hommes , une 55 ( 434) fois libérés du service militaire , pourront revenir à des habi- tudes de moralité qui seront précieuses pour la société. » M. F. Chatelain demande le rappel au règlement. Il croit que quand il y a eu discussion générale dans une section, on ne peut reproduire les mêmes argumens , et en détail, dans l'assemblée générale. La clôture est demandée. M. Jullien ( de Paris) parle contre la clôture. La clôture , mise aux voix , est rejetée. M. Charlouyneau { d’Angers) soutient l’utilité de l'emploi des troupes pour les travaux des routes, et spécialement il établit la nécessité de cet emploi pour le département de Maine-et-Loire, en faisant connaître la difficulté de trouver assez de bras pour exécuter tous les travaux ordonnés par le gouvernement , pour cette contrée. M. le général Demarçay croit que la question est mal posée. M. Bourgnou de Layre demande que la question soit enfin mise aux Voix. M. le président donne lecture de la formule adoptée par la sixième section , et la met effectivement aux voix. Une première épreuve est douteuse. Une seconde l’est également. Alors on demande le renvoi au lendemain , et cette proposi- tion est adoptée. SÉANCE DU SAMEDI 13 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. ne CAuMonr (de Caen). Avant la lecture du procès-verbal, M. de Godefroy demande la parole pour une motion d’ordre, et M. le président la lui accorde. M. de Godefroy. « L’intention des membres du Congrès est de constater l’état de la science et d’activer ses progrès. Nous voulons mettre de côté tout ce qui pourrait nous diviser, en nous rappelant sur le terrain de la politique. Or, je me suis ( 435 ) aperçu que la discussion relative à l'emploi des troupes, pour les travaux des routes, avait eu de l’âpreté. Il m'a semblé qu’une préoccupation politique avait dominé quelques opinions. Alors, je me suis dit , je dois abandonner la question, et le Congrès doit prendre aussi ce parti. C’est là, à mon avis, une question vitale pour des réunions comme la nôtre, qui doivent être essentiellement non politiques. Plutôt que d’en aborder qui aient ce caractère, il convient mieux de rester en arrière. Je demande donc qu’il ne soit pas donné d’autre suite à la discus- sion relative à l’emploi de larmée pour les travaux des routes. » Un membre. « Hier la question fut mise aux voix, et il y eut deux épreuves douteuses. Aujourd’hui elle se présente de nou- veau , et elle doit être vidée. » M. Jullien ( de Paris). « Le vote d’hier nous a fait éprouver un sentiment pénible. La grande division qu’il a constatée fait connaître que le point à décider occasione de l'irritation. Par voie de conciliation, je crois donc devoir proposer, sur la question , l’ordre du jour, ainsi motivé : Le Congrès, après une discussion approfondie et prolongée sur les avantages et les inconvéniens qui peuvent résulter de l'emploi des troupes aux travaux publics, et notamment à la construction des routes ; considérant que le gouvernement a déjà pris l'initiative de cette mesure pour assurer la prompte exécution des routes stratégiques qui doivent être ouvertes dans les départemens de l’Ouest ; qu’il con- vient d'attendre les résultats de ce premier essai, pour avoir une opi- rion mieux éclairée par l'expérience, sur la question délicate et im- portante qui a été débattue ; que le partage des opinions sur ce sujet, entre des hommes également animés de vues du bien public, prouve qu'il y aurait imprudence et précipitation à exprimer un vœu positif, dans un sens ou dans un autre; passe à l’ordre du jour ainsi motivé, et renvoie la même question à l'examen du prochain Congrès, qui aura de nouveaux faits et un commencement d'expériences pratiques sur lesquels il pourra appuyer sa décision. M. Henri de la Rochejaquelein. « La question me semble devoir être écartée. Elle a une actualité qu’il faut éviter. Nous ne sommes pas ici pour fairé de la politique; évitons-la au ( 436 ) contraire, quand nous le pouvons, puisqu'elle perpétue nos divisions. » 2) M. de la Fontenelle. « Je prends la parole comme secrétaire général du Congrès. Lorsqu’en réunion préparatoire des ques- tions ont été posées , nous avons cherché à éviter toutes celles qui paraissaient susceptibles de froisser des opinions religieuses et politiques. Aussi, nous n'avons posé la question de lem- ploi des troupes. aux travaux publics , et particulièrement aux travaux des routes, que sous le point de vue général. Mais la discussion qui a eu lieu hier lui a donné un autre aspect. En effet , quelques membres du Congrès en ont fait une question politique, et on Fa examiné , notamment sous le point de vue des routes stratégiques. de l'Ouest. Ainsi je me balance pas à dire qu’il vaut mieux abandonner la discussion, même au point où nous en sommes rendus. Mettons ainsi de côté tout ce qui pourrait établir des divisions entre nous , et assurons la tenue des Congrès futurs, qui ne peuvent exister qu’en dehors de la politique. » M. Nau de la Sauvagère. « Il faut considérer la question sous le point de vue général , et non sous le rapport de la poli- tique. Les chambres s’assembleront bientôt ; elles traiteront la question , et c’est dès-Jors une obligation pour nous de l’exa- miner scientifiquement. S'il y à eu division dans le Congrès, il faut l’attribuer uniquement à l'importance du point à décider. I est en effet très-grave, et c’est un motif de plus pour lui donner une solution. » M. Auguis. « Entre deux épreuves, on ne peut adopter une autre proposition, et nommément l’ordre du jour. Ce serait une chose inouïe dans les fastes des assemblées délibérantes. » M. le docteur Guépin. « Une opinion qui va succomber par le résultat d’un scrutin demande l’ordre du jour pour éviter un échec. Ce mode de procéder ne peut être admis. » M. de la Fontenelle. « Ce n’est pas une opinion sur la ques- tion , qui demande un ajournement. Je le prouve en disant que moi aussi je suis pour l’emploi dés troupes aux travaux des routes, et pourtant je viens appuyer l’ordre du jour, parce ( 437 ) que la question , par suite de la discussion , est devenue irri- tante , sous le point de vue politique. » M. Arnaudeau (de Laon) appuie la proposition de M. de Godefroy, et se livre à quelques développemens à ce sujet. M. le général Dubourg: « H est de règle qu'entre deux épreuves on ne peut plus demander l’ordre du jour. » M. Nau de la Sauvagère. « Le Congrès ne s'occupe pas de questions purement politiques, cela est convenu ; mais si l’on voulait enlever à ses discussions ce qui, de près ou de loin, touche à la politique, il faudrait supprimer la section des sciences morales , et bientôt l'institution même du Congrès. » M. Henri de la Rochejaquelein. « Cette question étant de- venue essentiellement politique , je persiste à croire qu’il faut la mettre de côté. » L'assemblée paraissant se décider pour la mise aux voix de la question, M. Foucart expose l’avis adopté à la sixième sec- ton. Il ajoute qu’il croit qu’on doit voter par boules blanches et noires. Quelques membres demandent qu’on vote au scrutin secret et écrit. M. Auguis prétend qu’il y a de l'inconvénient à voter par oui ou par non, parce que le contrôle est plus difficile. Un membre répond que €’est le mode de procéder de la chambre des pairs. Enfin on se décide pour le scrutin écrit et secret , et on y procède. Pour en opérer le dépouillement, M. le président appelle au bureau , en qualité de scrutateurs, MM. le docteur Guépin (de Nantes) et Nau de la Sauvagère ( de Paris). Le scrutin donne les résultats suivans : Sur 161 bulletins , nombre égal à celui des votans , on trouve pour la résolution 87 votes, contre la résolution 67 votes, pour l’ordre du jour 4 votes, pour l'emploi momentané : vote, et 2 billets blancs. En conséquence , la résolution de la sixième section est adoptée däñs les termes suivans : Le Congrès émet l'opinion suivante : ( 438 ) L'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les travaux des routes, offre plus d'avantages que d’inconvéniens. M. le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier , dont la rédaction est approuvée. MM. Boubée, de Brébisson, Babault de Chaumont, Hu- nault de la Peltrie, de la Saussaye, Chatelain et Foucart exposent, dans un cadre étroit, les travaux du matin , dans les sections dont ils sont secrétaires. On rappelle l’essai d’instrumens aratoires qui doit avoir lieu demain matin, à 7 heures, à la ferme de la Milletterie, sur la route de Limoges. M. le secrétaire général fait connaître de nouvelles adhé- sions au Congrès, et donne les titres de quelques ouvrages qui lui sont encore adressés. M. le président donne lecture d’une proposition de M. le docteur Guépin, adoptée par la sixième section et renvoyée par elle à l'assemblée générale. Le Congrès approuve la formation en France d’un corps spécial de travailleurs volontaires, tirés de l’armée et enrégimentés : il serait composé des divers corps d’états qui peuvent coopérer à des grands travaux publics. Cette proposition , mise aux voix , est adoptée. Il est ensuite fait lecture d’une autre proposition adoptée par la cinquième section , et relative aux voyages des artistes. M. Foucart croit la question mal posée. « Les artistes sen- tent tous le besoin de voyager , et il est inutile de le leur rappeler. S'il était question de demander des fonds pour les mettre en position de faire cette dépense , alors il y aurait lieu d'examiner la proposition. » M. Boncenne. « C’est un conseil qu’on donne aux artistes. Je demande l’ordre du jour. » L'ordre du jour, mis aux voix , est adopté , et par suite la proposition est rejetée. M. le président annonce qu’on va s'occuper de la propesi- tion de M. David de Thiais, venant de la einquième section, déjà présentée une première fois à l’assemblée générale, et ( 439 ) renvoyée par elle pour avoir une nouvelle rédaction et une modification. M. Jullien ( de Paris) donne lecture de cette rédaction faite par une commission dont il est le rapporteur ; elle est ainsi conçue : Le Congrès, en appelant l'attention des amis des lettres et de la mo- rale publique sur l'état actuel de la littérature et de la critique litté- raire en France, croit devoir flétrir d’un blâme énergique les produc- tions bizarres et monstrueuses, ou licencieuses et immorales , quels que soient les genres et les écoles auxquels elles appartiennent. Il s'élève également avec force contre l'esprit exclusif de spéculation, de cupidité et de coterie, qui détourne l'art du but moral et social qu’il doit se proposer. Il émet le vœu que les écrivains consciencieux, doués d’un talent supérieur , qui exercent une influence naturelle sur la direction donnée aux travaux littéraires, tout en respectant le libre développement des esprits, s’attachent à encourager, soit par leur exemple, soit par la sincérité et la sévérité de leurs jugemens, les inspirations pures et désintéressées , les fortes études, les œuvres empreintes d’une convic- tion profonde , et fassent ainsi servir les lettres et les arts, constamment ramenés à leur noble destination, à préparer sans secousse la réforme progressive et la régénération de l'humanité. M. H. de Ste-Hermine fils. « La Proposition qu’on vient de lire me paraît au moins mal formulée. Elle est même, à mon avis , tout-à-fait insuffisante. C’est pourquoi je propose la rédaction suivante : Le Congrès croit devoir exprimer le profond dégoût que lui inspire l'immoralité qui flétrit un grand nombre de productions littéraires de notre époque. Il émet le vœu qu’à l'avenir les écrivains » Quelle que soit l'école à laquelle ils appartiennent, ne s’écartent jamais des règles imposées par le goût et par le sentiment instinctif des convenances. Il appelle à concourir à la prompte réalisation de cette réforme si néces- saire, tous les hommes qui pensent que la mission des arts doit être de travailler toujours à moraliser l'humanité. M. Duplaisset. « Cette nouvelle rédaction offre le même vague que la précédente. » On demande à aller successivement aux voix sur les deux rédactions. ( 440 ) La rédaction de la commission, mise aux voix, est rejetée. On met ensuite aux voix la rédaction de M. de Ste-Hermine ; elle est adoptée. M. le président fait connaître une proposition de M. le docteur Guépin , adoptée à la deuxième section et renvoyée par elle au Congrès. La rédaction est comme il suit : Le Congrès recommande aux conseils généraux et aux conseils d’ar- rondissemens de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire, de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Vienne, aux économistes, aux ingénieurs, et à tous les habitans que cette contrée peut intéresser , l'étude d’un che- min de fer de Nantes à Poitiers. M. Arnaudeau (de Laon) croit que la proposition , ainsi rédigée , ne présente qu’un conseil sur lequel on ne peut pas délibérer , et il ne voit point de motifs à l'appui. M. le docteur Guépin dit que les motifs de la proposition ont été développés devant la section. M. Boncenne , président de la sixième section, expose aussi que ces mêmes motifs ont été entendus et adoptés par la commission. M. de la Fontenelle. « Les termes de la proposition sup- posent l'utilité du chemin de fer de Nantes à Poitiers. En effet , cette utilité est évidente. Des motifs à ce sujet, donnés en assemblée générale, ne feraient qu’allonger la discussion , sans aucune utilité. » Un membre propose d’ajouter à la fin de la formule pro- posée , ces mots : Dont l'utilité est évidente. Cette addition est adoptée. La résolution est ensuite mise aux voix et adoptée. On passe à une proposition de M. Aimé Fradin , adoptée par la deuxième section , et ainsi conçue : ‘ Convaincu que les garanties d’ordre et de protection publique of- fertes à la propriété, par une sage codification des droits, des usages et des délits ruraux, contribueraient à la prospérité de l’agriculture, le Congrès exprime le vœu qu’un projet de Code rural soit soumis, le plus prochainement possible, à la délibération des chambres. M. Nicias Gaillard propose de supprimer le prologue qui (44) précède la résolution , et ce retranchement est approuvé. La proposition, ainsi réduite dans sa rédaction, est mise aux voix et adoptée. Vient une proposition de M. Desvaux , adoptée par la deuxième section. Le Congrès considère qu'il est d’un haut intérêt pour l'agriculture d'inviter les sociétés agricoles de France à proposer un prix à l’ins venteur d'un araire sans avant-train, d’un prix modéré (de 18 à 30 fr.), d’une construction solide, simple et facile, réunissant aux avantages des autres instrumens aratoires pour le bon ameublissement des terres, celui de convenir à tous les sols, en changeant seulement la dimension des parties. Cette proposition est adoptée sans discussion. Une autre proposition venant de la quatrième section, et ayant pour but un vœu pour que l’enseignement de la techno- logie soit plus généralement répandu , est adoptée après l'échange de quelques mots d’explication. M. le président annonce que sur l'avis des commissions , et sauf l’agrément du Congrès , on entendra demain, en séance générale , M. Théodore Pavie (d’Angers) sur les résultats du voyage qu'il vient de terminer dans l'Amérique méridionale ; et que lundi, aussi en assemblée générale, M. d'Orbigny rendra compte d’un séjour de huit ans en Amérique. Le Congrès adopte cet ordre du jour, et, sur la proposition de M. le président , il est arrêté que quelques dames seront admises à ces séances, sur des cartes spéciales , délivrées par M. le trésorier. SÉANCE DU DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. nE Caumonr (de Caen). | Il est fait rapport des travaux.des sections, dans la mati- née, par MM. Boubée, de Brébisson, Babault de Chaumont, Lucien Gaillard, F. Chatelain et Isidore Le Brun, secrétaires. 56 ( 442) M. de la Saussaye , secrétaire de la 4° section , rend compte, dans les termes suivans , de la promenade archéologique faite dans l’intérieur de la ville de Poitiers. Promenade archéologique dans l’intérieur de la ville de Poitiers. La section d'archéologie et d'histoire ayant décidé qu’une promenade archéologique aurait lieu le samedi 13 septembre, les membres de la section, accompagnés de plusieurs autres membres du Congrès, se sont réunis à six heures du matin sur la place d’Armes, d’où ils sont partis sous la conduite de MM. de Caumont et de la Fontenelle, pour visiter les mo- numens les plus remarquables de la ville de Poitiers. Cette visite faite rapidement et tumultuairement, en quélque sorte, ne pouvait présenter, sans doute, des résultats bien complets ; mais il n’a pas paru sans intérêt de recueillir, dans une rela- tion, les principales réflexions qu'ont fait naître, parmi les membres de la section, les différences de style observées sur les monumens et servant à caractériser les diverses époques de l’art architectural. Saint-Porchaire. — La tour du portail de cette église est tout ce qui reste de l’ancien édifice : les autres parties appartiennent au style du xvr° siècle, et n’offrent pas d'intérêt. M. de Caumont fait remarquer les trois ordres d’arcades romanes qui décorent le mur, les modillons variés qui sou- tiennent les corniches, l’emploi de l’opus reticulatum qui se montre dans quelques-unes de ses parties ; en un mot , tous les caractères de l’architecture religieuse de la fin du xr° siècle au commencement du xr1°. M. de la Fontenelle fait connaître à la section que le plus aucien titre connu, relatif à St-Porchaire, date de la fin du x siècle, quoique la fondation de cette église passe pour être beaucoup plus ancienne. On l’a fait en effet remonter, sans doute à tort, jusqu’à 580. M. de la Saussaye appelle l'attention de la section sur les LU ( 443 ) chapiteaux des colonnes du portail. L'un d’eux , à gauche, offre l'inscription LEONES , qui n’est peut-être pas inutile pour l'explication des animaux en relief que le sculpteur a voulu représenter. Sur le chapiteau droit il fait remarquer un sujet déterminé parfaitement par la légende d’un médaillon renfer- mant une figure debout, vêtue d’une tunique, et occupant le milieu du chapiteau. Voici comment il a cru devoir lire cette inscription : f HIC DANIEL DOMINO VICIT COETYM LEONINVM. Elle est remarquable par l’emploi simultané de lu romain et de Y M semblable à un w minuscule renversé; ce qui fait voir combien sont douteux les signes tirés de la forme des lettres, pour déterminer la date d’une inscription du moyen- âge. La section recommande à l'attention de la Société des Anti- quaires de l'Ouest un bas-relief fort mutilé situé au dessus du portail, et dont il serait encore possible de reconnaître les traits principaux avant qu’une dégradation plus complète l'ait totalement anéanti ; la section engage également la même so- ciété à relever une inscription que l’on aperçoit sur le contre- fort gauche de la tour. Nous entrons dans ces détails parce que cette église n’a pas encore été décrite, et que Dufour, historien le plus ré- cent du Poitou, a pris la figure encadrée dans le médaillon du chapiteau de Saint-Porchaire pour celle d’un clerc revêtu de son aube, et la légende qui l'accompagne pour un verset de l'Écriture. Saint-Hilaire-le-Grand. — M. de la Fontenelle fait connaître à la section que l’église de St-Hilaire est fort ancienne ; qu’elle existait lorsque Clovis alla combattre Alaric ; car Grégoire de Tours raconte qu’un globe de feu , suspendu au haut de cette église, dirigeait l’armée de Clovis pendant sa marche. Si ce globe de feu était un signal donné à l’armée des Franks par les chrétiens orthodoxes qui désiraient leur succès, il aura pu être aperçu des environs de Voulon { Campus V'aucladensis) et des environs de Mougon (Campus Mogotensis), points sur kesquels il est aujourd’hui démontré qu’eut lieu la mémorable ( 444 ) bataille qui mit fin au prémier royaume de la Septimanie , ct à la domination des Wisigoths dans cette partie de la France. L'église de Saint-Hilaire fut abattue ét reconstruite plusieurs fois depuis cette époque. Le style de l'édifice actuel rappelle parfaitement celui du x° au xr° siècle. M. de la Foutenellé fait observer que, commencée par Adèle d'Angleterre , femme d’Ebles-le-Manzer, comte de Poitou, par les soins de son archi- tecte Gaultier Coorland , cette église ne fut terminée que par Agnès de Bourgogne, troisième femme de Guillaume TT, comte de Poitou et duc d’Aquitaine ; sa dédicace date du 1°" novembre 10/9. Une grande portion de la nef a été démolie pendant la révo- lution, et beaucoup de débris gisent encore sur la place qui entoure l’église. M. de Caumont pense que les antiquaires de l'Ouest devraient faire enlever de très-beaux chapiteaux, dont le volume est plus considérable que dans la plupart de ceux du x° siècle qu’il a observés. M. de Caumont appelle l'attention de l'assemblée sur le fronton triangulaire du portail latéral, dont la partie infé- rieure annonce une reconstruction du xvi° siècle, et pense que les petites statues qui décorent ce fronton doivent être fort anciennes. M. de Caumont consulte la section sur plusieurs chapiteaux de colonnes qui décorent l’église, et dont le travail large et hardi est très-remarquable, et diffère beaucoup de celui des autres chapiteaux qui les avoisinent. Il cite l'opinion de M. Le Prévost sur des chapiteaux analogues à ceux-ci, observés par lui en Normandie, dans des monumens de la même époque que église St-Hilaire, et que ce savant archéologue croyait provenir d’édifices plus anciens. M. de la Saussaye pense que les chapiteaux , comme tous les autres ornemens si variés qui décorent les églises , étant exécutés par plusieurs artistes qui travaillaient à la fois, ces différences ne tiennent souvent qu'aux divers degrés d’habileté dés uns ét des autres , ou au style des différentes écoles qui les avaient formés. a ( 445 ) M. de Gaumont indique à la section l’épitaphe mutilée d’un abbé de St-Hilaire qui vivait au xve siècle. La pierre qui sup- porte cette épitaphe est encastrée dans le mur latéral gauche de l’église. M. de Boismorand fait voir à la section un fragment d’in- scription fort curieux par son antiquité, puisqu'il se rapporte aü temps de Charles-le-Chauve. La pierre sur laquelle est cette inscription a été placée à contre-sens dans un mur bâti avec les débris de la partie de l’église qui a été détruite. La section pense qu’il serait important de l’ôter d’un lieu où elle est exposée tous les jours à être mutilée. Les principales choses remarquées dans l’intérieur de l'église sont : les grandes colonnes isolées qui ferment le chœur du côté de l’abside, des chapiteaux wrnés de sujets en relief, l’é- pitaphe d’un doyen de St-Hilaire, mort vers la fin du x° siècle, et surtout une pierre tumulaire de forme cylindrique, dont les ornemens rappellent le style de la décadence de l’empire. On ne sait rien de positif sur ce tombeau, attribué à saint Hilaire ou à sainte Abre ; sa fille. L'Amphithéâtre. — Avant d'entrer à l’amphithéâtre , M. de la Fontenelle fait remarquer de grandes colonnes isolées, à chapiteaux grossiers, semblables à celles du chœur de église St-Hilaire, et qui sont restées de l’église St-Nicolas. Près de là on aperçoit un des vomitoria de lamphithéâtre antique de Poitiers. L'assemblée entre dans le jardin qui occupe mainte- nant l'arène da cirque; elle se disperse sur l'emplacement du proscenium et des gradins , et gravit la partie la plus élevée des ruines , d’où l’on distingue parfaitement la forme elliptique du monument, souvent interrompue , surtout de l’un des côtés longs , par différentes constructions modernes. Deux arcades de la partie supérieure de l’édifice , qui était à deux étages seule- ment , sont encore debout; le revêtement des murailles, en cubes de petit échantillon { de minuto lapide ), se voit encore daïis plusieurs endroits. M. Foutart donne des explications curieuses sur cet édifice et sur un acquéduc qui fournissait peut-être jadis les moyens ( 446 ) de transformer en naumachie l'arène du cirque, dont le sol est maintenant enterré de plus de 15 pieds. M. Dupuis donne, à l’aide d’un plan dressé par lui, des ren- seignemens très-précieux sur la forme primitive du monument, et sur les divers détails de sa distribution intérieure et exté- rieure. Une vue d’ensemble de l'édifice, présentée par MM**, complète les documens divers soumis à l’examen de la section. Église des Carmélites. — On a remarqué dans l’église des Carmélites un tombeau fort ancien en forme de bas-relief, représentant une statue couchée, dont la tête a été mutilée, et entourée de plusieurs figures debout, dont les têtes ont toutes été également mutilées, pendant les guerres de religion sans doute. Le style du monument a paru se rapporter à celui du xr° siècle. On n’a aucun renseignement précis sur le per- sonnage à qui ce tombeau a été destiné, On l’attribue dans le pays à sainte Abre ; Besly le prend pour celui d’Adèle d’An- gleterre, femme du comte Ebles-le-Manzer ; et Dufour l'indique comme celui de Herloc, autrement Heloys, ou Adèle, fille de Rollon , premièr duc de Normandie, et femme de Guillaume- Tête-d’Étoupes, comte de Poitou. Quoi qu'il en soit, ce mo- nument, très-curieux , mérite d’être examiné avec soin. Temple Saint-Jean. — Arrivés à l’ancienne église connue sous le nom de Temple Saint-Jean, parce que plusieurs anti- quaires n’ont voulu y voir autre chose qu'une construction païenne, les avis des membres de.la section ont été fort par- tagés sur la détermination de l’usage auquel ce monument avait été destiné. On sait qu’il faut écarter dans l’appréciation de son architecture, la nef ajoutée vers le xu° siècle, et, selon quel- ques-uns même, l’abside actuelle , et ne considérer que le bâtiment oblong à deux pignons ornés d’un genre de décoration qui se rapporte sans aucun doute à l’époque du bas-empire. Les différentes opinions émises jusqu'ici ont été successivement reproduites , mais particulièrement celle qui regarde le Temple Saint-Jean comme le tombeau païen de Claudia V'arenilla , dont la pierre tumulaire a été transférée de cette église dans la ( 447) cathédrale , et celle qui vent que ce soit le premier baptistère de la ville de Poitiers, comme semble l'indiquer le: bassin octogone que l’on suppose avoir servi à donner le baptème par immersion. L'examen des questions d’art qui se rattachent à ce monu- ment curieux , que le zèle des antiquaires vient d’arracher au vandalisme qui le menaçait , nous entraînerait dans une dissertation qui serait trop en dehors des bornes d’un simple rapport. Nous terminerons donc, en consignant l'opinion particulière que nous avons émise : c’est que le temple de St- Jean, quelque attribution que l’on veuille reconnaître, est évi- demment de construction gallo-romaine ; qu’il appartient à la décadence de l'empire et à une époque où dominait à Poitiers la religion chrétienne, dont le signe se trouve répété sur les deux pignons du monument. La destination primitive du tem- ple St-Jean comme baptistère, adoptée par M. de Caumont, nous semble évidemment la meilleure, et nous paraît suffisam- ment prouvée par la découverte du baptistère octogone, et la tradition conservée dans le nom du patron de l’église et dans le cérémonial de l’église de Poitiers , cérémonial qui remonte au xru° siècle , et qui prescrivait à l'évèque de baptiser chaque année, au samedi saint, deux garçons et une fille dans l’église de St-Jean. La Cathédrale. — La cathédrale est un beau monument de l'architecture romane de transition , où cependant le plein cintre domine encore. C’est dans cette église qu’a été déposée la belle pierre tumulaire en marbre blanc qui occupait , dit- on, le milieu du pavé du temple St-Jean. Son inscription, en caractères d’un très-beau style, a été publiée plusieurs fois. Sainte-Radégonde. — M. de la Fontenelle nous apprend que l’église de Ste-Radégonde fut élevée sur le tombeau de la reine des Francs , et qu’elle fut reconstruite plusieurs fois, comme la plupart des anciennes églises. La date de la consécration de l'édifice actuel remonte à l’an 1099. M. de Caumont fait remarquer le style de la tour carrée du porche , qui répond bien à l’époque du xre siècle, et la forme ( 448 ) octogone de sa partie supérieure qu'il reconnait comme une tradition du style byzantin. Un portail du xvr siècle a été plaqué contre la base de la tour; M. de Caumont fait observer les formes prismatiques des sculptures qui caractérisent ce style. Sous la voûte du porche on remarque, dans des niches, à droite et à gauche de l’entrée , deux bas-reliefs représentant , l’un une figure d'homme assis, et l’autre une figure de femme debout; ces figures paraissent appartenir, selon M. André et plusieurs autres, à une époque qui ne nous a pas semblé toutefois antérieure à la construction qui précéda immédiate- ment celle que nous voyons aujourd’hni. M. Grille de Beuzelin indique la différence d'époque qu'il remarque entre l’abside et la nef, et qui est reconnaissable à un retrait fort marqué dans la largeur de ceile-ci. Le rond- point du chœur est décoré de colonnes isolées , comme dans les autres églises de Poitiers déjà visitées, et les chapiteaux sont décorés de feuillage et de figures en relief. On remarque, sur les modillons de la partie de la nef qui avoisine le porche, des grotesques et des obscenu. La belle voûte de la sacristie fournit à plusieurs membres de la section, des observations intéressantes sur l'architecture de transition. Une crypte très-simple , ou pour mieux dire un caveau étroit , renferme le tombeau de la patrone de l’église, couvert d’une multitude de cierges, et au dessus duquel sont suspendus un grand nombre d’ex-voto. Ste Radégonde est honorée du culte tout particulier que les HARRIS rendent de préférence aux saints locaux. La question de savoir si le sarcophage en marbre noir, à couvercle ‘prismatique , qui se voit dans la crypte, est bien le même dans lequel fut inhumée Ste Radégonde , est l’objet d’une discussion. M. de Caumont et plusieurs autres sont pour l’affirmative , et citent les tombeaux trouvés dans les démaoli- tions de l’église de Ste-Géneviève de Paris. MM. André et de la Saussaye citent ceux trouvés à St-Germain-des-Prés, dont les couvercles étaient plats, et pensent que la forme prisma- ( 449 ) tique fut employée beaucoup plus tard qu'au vr* siècle. Vieille enceinte de la ville. — M. l'abbé de Rochemonteix nous fait voir , dans un jardin de la Grand’rue , les restes d’une muraille d'enceinte d’une grande épaisseur , et remarquables par l'emploi de ces assises de grandes briques qui se voient d'ordinaire dans les murs romains. Les petites pierres de revé- tement ne sont pas taillées , et semblent annoncer un travail de la décadence. MM. André et de la Saussaye pensent que si - l'existence d’une ancienne enceinte wisigothe à Poitiers était démontrée , cette muraille pourrait bien en avoir fait partie. M: de la Fontenelle soutient que cette enceinte a véritable- ment existé, et il annonce qu’il le démontrera dans son travail sur le premier royaume de la Septimanie. Eglise de Montierneuf. — Selon M. de la Fontenelle, la con- struction de cette église fut commencée en 1066 ou 1060. Elle fut fondée, ainsi que son monastère, par Guillaume-Gui- Geoffroy, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, fils de Guil- laume-le-Grand et d’Agnès de Bourgogne, sur un emplacement qui était alors hors de la ville de Poïitiers. Le fondateur de cet édifice fut enterré, en 1086, au milieu de la nef. Son tombeau, que lon voit maintenant à droite de cette même nef en entrant, a été refait tout récemment et n'offre pas d'intérêt : cette res- tauration est due à M. l'abbé Gibault. La dédicace de Péglise, faite par le pape Urbain IH, est du 26 janvier 1006. Ces diffé- rentes dates, qui sont appuyées de pièces authentiques, rendent très-intéressante l’étude de l'architecture de cette église. Une partie de la nef ayant été détruite, elle a été refaite postérieu- rement ; aussi le portail est moderne, et la portion supérieure de l’abside date du xurre siècle. Tout le reste de l'édifice de la même. époque se fait remarquer par une noble et élégante sim- plivité; il est très-élevé ; l'architecture en est à plein cintre, à l'exception des galeries supérieures, en ogives primordiales. On y remarque un dôme surbaissé , les colonnes grosses et rapprochées les unes des autres qui entourent le chœur , et la décoration générale des chapiteaux qui n’est fournie que d’un rang d’arcs. Une inscription placée dans le mur, à gauche du 57 ( 450 } chœur , indique la consécration, en 1086, de l'autel de la Vierge et de ceux des apôtres St Jean et St André. La section n’a pas oublié de signaler à la réprobation de tous les amis de l’art l’épais badigeon qui recouvre les murs de la jolie église de Montierneuf. Château des Comtes de Poitou. — M. de la Fontenelle fixe l'attention de la section sur les débris de l’ancien château des comtes de Poitou ou château de Clain-et-Boivre , à la réunion de ces deux rivières, et rappelle qu’il fut construit par Jean, duc de Berry et comte de Poitou , en 1375. Cet édifice devint plus tard, lors de la retraite du Dauphin, depuis roi, sous le nom de Charles VIT, le palais de la cour de France. Ainsi que M. de la Fontenelle l’a dit ailleurs, et que son savant ami M. l'abbé Gibault l’a exprimé éloquemment (1), ce fut le séjour , pendant que les Anglais occupaient Paris, de l'héritier de Charles VI, de son épouse, la vertueuse Marie d'Anjou, d’Agnès Sorel, du connétable de Richemont, de Dunois, de La Hire, de Xaintrailles, de Tanneguy du Chastel, de Barbazan, et de tant d’autres braves qui illustrèrent cette époque, où les provinces françaises de ce côté-ci de la Loire furent enfin délivrées du joug de l’étranger. Mais on craint de s’arrêter aujourd’hui dans un lieu si plein de nobles souvenirs ! Il a été en dernier lieu voué à l’infamie, on l’a affecté aux sacrifices humains de notre temps; c’est en un mot là où se font les exécutions. ... Quel poignant contraste ! La Prévôté. — Plusieurs parties du vieil hôtel de la Prévôté ont été heureusement conservées jusqu’aujourd’hui. Quoique sa façade soit lourde, on aime à y retrouver le style si pitto- resque de l'architecture du xv° siècle. Dans la cour , il y a un portique soutenu par quatre colonnes fort remarquables , dont les arêtes prismatiques, qui en forment la décoration, tour- nent en spirales le long de leur fût. Eglise Notre-Dame. — Arrifée à l’église Notre-Dame, l’as- (1) Au commencement du premier volume de la Revue Anglo-Française. La pre- mière lithographie de ce recueil donne une vue du château de Clain-et-Boivre, d’après le dessin fait, en 1747, par Beaumesnil, correspondant de l'académie des inscriptions. (451) = semblée reste long-temps à admirer sa brillante façade, et à en expliquer les divers détails. On ne connaît point la date de la construction de l’église Notre-Dame; on sait seulement , dit M. de la Fontenelle, qu'Eustachie de Berlay-Montreuil, femme de Guillaume-le-Gros, comte de Poitou , ÿ fut inhumée vers l'an 1038. Ceux qui ne voulaient pas reconnaître l'emploi de l’ogive avant la première croisade, pensaient qu’à l’époque de cette in- humation il n'y avait que le corps principal de l’église qui fût bâti, et que le portail ne l'était pas encore. Ce portail est en effet très-remarquable par la forme ogivale des deux fausses portes; mais on sait très-bien aujourd’hui que cette forme était usitée accidentellement avant les croisades » et qu’une ogive d'ornement ne constitue pas le style ogival. M. de la Saussaye fait remarquer que le style de l’église Notre-Dame est de tradition byzantine ou de la décadence, qu’il paraît bien évidemment dans les formes du fronton triangulaire de la fa- çade, dans la multitude comme dans la richesse des ornemens, Les souvenirs de l'architecture byzantine, qui paraissent peu dans les monumens du nord et d’une partie de l’ouest et du centre de la France , se rencontrent de plus en plus à mesure que l’on approche du midi. La section l’a déjà observé dans le dessin de l’église d'Angoulême, communiqué par M. Castai- gne, et il devient commun dans les monumens du Bas-Lan- guedoc et de la Provence, pays plus complètement romains autrefois , et où les traditions artistiques de l'antiquité durent se perpétuer plus long-temps , comme celles du langage et des institutions. M. de Godefroy a souvent remarqué des frontons à pans coupés , comme celui de Notre-Dame, dans les églises bâties par les Lombards ; il cite particulièrement St-Michel de Pavie. La section recommande à la Société des Antiquaires de l'Ouest une description complète de la curieuse église de Notre-Dame. Les groupes de figures, les costumes, les monumens même sculptés sur la façade sont très-curieux à étudier. Plusieurs légendes bien conservées ; Qui accompagnent les groupes , n’ont Pas encore cté publiées. ( 452 ) Le Palais. — L'origine du palais remonte à l’époque du gouvernement de Julien dans la Gaule. Détruit par les barbares et reconstruit depuis à plusieurs fois différentes, il Jui reste encore aujourd'hui une grande salle très-remarquable comme monument d'architecture civile. Le style de sa décoration en galeries feintes se rapporte à l’époque de transition, mais les formes plein cintre y dominent encore. Il est aisé de voir que la façade de cette salle est une reconstruction du xiv: siècle. Elle est due à Jean, duc de Berry et comte de Poitou, ainsi que la belle façade cachée par les maisons de la rue des Cordeliers et de la rue du Marché. Cette façade, inconnue même de beaucoup d’habitans de Poitiers, est ornée de statues fort bien exécutées , qu'il serait bon peut-être, pour en assurer la conservation, de placer dans le musée des antiques de la ville de Poitiers. La section termine ici sa promenade archéologique. Frappée de la richesse des souvenirs d'histoire et d’art qui se rattachent aux monumens qu’elle venait de visiter , elle a décidé que les différentes observations auxquelles ils ont donné lieu pourraient être discutées en séance, et que l’on devrait parler aussi des moyens de conservation , mieux entendus, que semblent exiger quelques-uns d’entre eux. M. le président propose que, vu l’heure avancée , on ne s'occupe pas de toutes les propositions adoptées par les sections, mais qu’on entende M. d’Orbigny qui doit donner un aperçu de ses voyages dans l'Amérique méridionale, et M. Briquet, pour la présentation de l’album de Maillezais. Cet ordre du jour est adopté. Il est fait lecture d’une proposition de M. de Brébisson, amendée par M. Mauduyt et approuvée par la première section. Elle est ainsi conçue : Le Congrès engage les naturalistes qui se rendront à ses prochaines sessions, ou qui y adhéreront, à mettre sous les yeux des membres de la section d'histoire naturelle les objets nouveaux qu’ils auront décou- verts en France, ou les espèces rares non encore indiquées dans les lieux où ils les auront recueillies, afin que l’on puisse consigner en- ( 453 ) suite , dans les procès-verbaux des séances, la liste de ces découvertes après un sérieux examen. Aucun membre ne demandant la parole, la proposition est mise aux voix et adoptée à l'unanimité. On passe à l'examen d’une autre résolution venant de la même section , et ainsi formulée : Vu le besoin d’avoir, sur un grand nombre de points, des moyennes thermométriques et barométriques et des observations météorologiques certaines, le Congrès émet le vœu que le ministre de l’intérieur choi- sisse quelques postes télégraphiques, dans les lieux où l’on possède le moins d'observations semblables, pour y établir un baromètre, un thermomètre, un électromètre, un hydromètre, et un registre consacré -aux indications journalières de ces instrumens, que les employés de ces télégraphes seraient chargés d'annoter avec un soin tout particu- lier , et d’après les instructions précises qui leur seront données à cet effet. Après une courte discussion relative à l'emploi des instru- mens, la proposition est mise aux voix et adoptée. M. le président lit une proposition faite par M. Guerry- Champneuf et approuvée par la cinquième section, qui la renvoyée à l'assemblée générale. Elle est ainsi formulée : Le Congrès exprime le vœu que les enfans ne puissent être admis dans les colléges de l’Université pour y étudier les langues anciennes et suivre l’enseignement secondaire , qu'après un examen constatant qu’ils possèdent les connaissances qui se donnent dans les écoles pri- maires du degré supérieur. M. Simon ( de Nantes) ne croit pas que la proposition soit admissible. Il vaudrait mieux que les classes inférieures des colléges fussent sur le même pied que les classes élevées des écoles primaires supérieures. M. Simon fait aussi connaître la position particulière de la ville de Nantes , où arrivent un grand nombre d’enfans des colonies et de l'étranger, sans instruction première, et qu’on met aussitôt au collége. L'adoption de la proposition aurait donc , pour la ville qu'habite l'honorable membre, de graves inconvéniens. M. Isidore Le Brun. « La proposition n’exciut pas la con- ( 454 ) currence de cet enseignement entre les colléges et les écoles primaires supérieures. » M. Deloynes. « Les inconvéniens signalés par M. Simon existent, nonobstant ce que vient de dire M. Le Brun, L’en- seignement primaire supérieur dans les colléges est donc nécessaire. » M. Guerry-Champneuf. « Les écoles primaires supérieures n'existent pas encore , et la proposition veut qu’on ait fait des études indiquées , sans dire dans quelle école. » La proposition mise aux voix est adoptée. M. d’Orbigny lit un rapport sur ses voyages dans l'Amérique méridionale, pendant huit ans, et énumère les résultats qu’il a obtenus. Le Congrès a daigné penser qu’un exposé de mes courses et de mes découvertes en des contrées dont plusieurs sont encore totalement in- connues , ne serait pas sans intérêt. Quelque flatté que je fusse de son appel , si je n’avais consulté que mes forces, j'aurais pu craindre d'y répondre ; mais, confiant en son indulgence , mon zèle me soutiendra dans l’acquit d'une tâche difficile. Je dirai ce que j'ai vu , sans jamais viser à l'effet, convaincu que la vérité, la simplicité, qui furent tou- jours les premières vertus d’un voyageur, sont aussi, plus que jamais, au siècle où nous vivons, le premier gage de ses succès et le plus sûr garant de sa gloire. Le Congrès, sans doute, a déjà senti que le peu d’instans qui m'est accordé ne me permet de lui offrir qu’une esquisse des plus rapides de mes explorations transatlantiques dans le cours de huit années. Il sait, d’ailleurs, qu’une vaste publication qui se prépare sous les auspices d'un ministre, ami des sciences , renfermera tous les détails de l’expé- dition , sous tous ses rapports historiques, géographiques, ethnolo- giques et d'histoire naturelle. Je croirai donc avoir, en ce moment, répondu au vœu du Congrès et rempli la tâche qu’il m'impose, si je parviens à répandre quelque intérêt sur les principales étapes de cette longue’ campagne scientifique d’un jeune audacieux, que son amour pour la science et pour la patrie ont arraché de ses foyers, et que la Providence y ramena heureux et fier de pouvoir déposer à leurs pieds les premiers tributs de ses efforts. Parti de Brest en juin 1826, en qualité de naturaliste voyageur , avec la mission d'explorer les états de Buenos-Ayres, du Chili et du Pérou, sous les divers points de vue de l’histoire naturelle et de ses applica- À ( 455 ) tions , j'arrivai à Rio de Janeiro, au commencement du mois d’août de la même année. J'épargne à mes auditeurs l’histoire de mon séjour au Brésil et même à Montevideo , où une observation barométrique , prise par des officiers ignorans pour un levé du pays, hostile aux intérêts des oc- cupans, faillit compromettre tout l'avenir de ma mission, en ne me permettant de poursuivre mon voyage et de me rendre à Buenos- Ayres qu’en janvier 1827. Je ne séjournai que quelques jours dans cette dernière ville, empressé de m’embarquer sur la rivière du Parana, pour gagner les frontières du Paraguay. Je remontai cette immense ri- vière sur une étendue de plus de trois cent cinquante lieues. A cette distance de son embouchure, ses eaux majestueuses coulent encore dans un lit de près d’une lieue de largeur ; ses bords et les îles nom- breuses dont il est semé, s’ornent de vastes forêts , où les élégans pal- miers viennent entrelacer leur léger feuillage à celui de mille autres arbres de tout genre, le plus souvent couverts de lianes, dont les fleurs au printemps émaillent de pourpre et d’or ces guirlandes natu- relles.' J’eus lieu de reconnaître, dès-lors, combien sont infidèles nos cartes les plus accréditées de cette partie de la république argentine , surtout en ce qui concerne la grande lagune d’Ibera , dont elles dou- blent gratuitement l'étendue , et qu’elles reportent, d’ailleurs, d’un degré trop à l’ouest; sans parler de plusieurs rivières, telles que celles de Corrientes, de Bateles et de Sainte-Lucie, dont le cours y est tracé tout-à-fait à faux; erreurs que mes observations personnelles et les lumières que j'ai dues à M. Parchappe, savant aussi modeste que distingué, m'ont permis de corriger sur mes Cartes avec beaucoup d’autres non moins graves. Dans ce voyage, qui ne se prolongea pas moins d’une année, j'ai parcouru successivement les provinces de Corrientes et des Missions ; et, après avoir pénétré au milieu des hordes sauvages qui peuplent le grand Chaco, et dont j'ai pu observer de près les mœurs diverses en vivant presque toujours de leur vie, je suis rentré sur le terrain de la civilisation européenne par les provinces d’Entre-Rios et de Santa-Fé. De retour à Buenos-Ayres, les guerres intestines qui déchiraient l’état, depuis la signature de la paix avec les Brésiliens, me mettant dans l’impossibilité de traverser sans danger le continent, pour me rendre par terre au Chili ou au Pérou, je me décidai à partir pour la Patagonie, cette terre mystérieuse , où si peu d'Européens peuvent se vanter d’avoir vécu, et dont le nom seul avait encore quelque chose de ( 456 ) magique. Je n'y rendis par mer à la fin de 1828, et j'y séjournai huit mois. Mes recherches s’y firent d’abord assez paisiblement, quelque pénible qu'il soit de parcourir un pays des plus arides, où le manque d’eau se fait sentir à chaque pas, au sein de déserts uniformes et sans fin; mais les Indiens cessèrent bientôt de vivre en bonne intelligence avec les colons. Les nations Puelches, Aucas et Tehuelches ou Patagons, tout-à-coup insurgées sans motif connu, se coalisèrent contre la co- lonie naissante du Carmen, sur le Rio-Negro, où je m'étais réfugié dès les premières attaques; et je fus obligé de me joindre momenta- nément aux habitans pour contribuer à la défense commune. Indépendamment de plusieurs observations importantes sur la géo- logie du pays, dont les formations présentent une analogie frappante avec celles du bassin de Paris, j'ai recueilli bon nombre d'obser- vations curieuses sur les trois nations indigènes de ces parties australes. Le gigantesque fantôme de ces fameux Patagons de sept à huit pieds de haut, décrit par les anciens voyageurs, s’est évanoui pour moi. J'ai vu là des hommes encore très-grands sans doute, comparati- vement aux autres races américaines, mais qui, pourtant , n’ont rien d'extraordinaire, même pour nous ; çar , sur plus de six cents individus observés , le plus grand nombre n’avait que cinq pieds onze pouces de France , et je crois pouvoir évaluer leur taille moyenne à cinq pieds quatre pouces. Peut-être la manière dont ils se drapent avec de grandes pièces de fourrure expliquerait-elle l’ancienne erreur. Dans tous les cas , nul doute que mes Patagons ne soient la nation qu'ont vue les premiers navigateurs; car eux-mêmes m'ont assuré qu'ils faisaient tous les ans des voyages aux côtes du sud , et qu’ils ne connaissaient , à la pointe de l'Amérique, d'autre nation que celle qui habite la Terre de Feu. Qui le croirait ? témoin de leurs cérémonies religieuses , j'ai retrouvé, chez plusieurs de ces hordes les plus sauvages , des images, grossières il est vrai, mais pourtant fidèles, des rites si poétiques des anciens Grecs. J'ai vu leur Pythie , au milieu des plaines, entourée d'un vaste cercle d’Indiens silencieux , leur interpréter , l'œil en feu, les oracles du Gualichu ( génie du mal et du bien), et leur prophétiser des vic- toires. J'ai vu des purifications superstitieuses célébrer, dans chaque famille , instant marqué par la nature pour la puberté des jeunes Indiennes ; j'ai, comme chez quelques autres peuples, vu massacrer, sur la tombe d'un Patagon, tous les animaux qui lui avaient appartenu pendant sa vie; brûler les vêtemens de toute sa famille ; et sa veuve, barbouillée de noir, attendre , avec ses enfans dénués de tout, que quelques parens daignassent lui jeter les lambeaux qui doivent la cou- ( 457 ) vrir : faits qui, tous , avec beaucoup d’autres , ne paraïtront sans doute pas indifférens aux moralistes et aux philosophes, jaloux de recueillir, sur toute la surface du globe, les traits distinctifs de l'humanité, sous quelque forme qu’ils se présentent. Revenu pour la seconde fois à Buenos-Ayres, je retrouvai PA pays dans l'anarchie la plus complète ; et l'impossibilité bien reconnue de gagner le Chili par le continent, me détermina à m’y rendre en dou- blant le Cap Horn. A peine arrivé au Chili, au commencement de 1830, la guerre civile, non moins animée qu’à Bucnos-Ayres, me fit prendre le parti de tenter un voyage dans la Bolivia (ancien Haut-Pérou), où tout deväit me faire espérer , de la part du gouvernement, une bonne réception et des moyens de poursuivre mes voyages. Cobija, le port actuel de Bolivia , m'offrit l’aspect imposant des chaînes volcaniques dont il se couronne; puis je débarquai à Arica, république du Pérou, où je commençai mes voyages par terre. J'observai d’abord le versant occidental des Andes. La suite d’un sol aride, sablonneux, ne m'y offrit que de la géologie. La nature, en ces lieux, n’a rien fait pour embellir les vallées : tout y est l’ouvrage de Part ; et si, parmi ces déserts de sable, l’œil se repose, par inter- valles, sur un terrain planté d’oliviers, de figuiers, de grenadiers et de bananiers, l’éclat de cette végétation factice n’est dû qu’à l’action combinée de mille canaux qui, à des jours et à des heures fixes, vien- nent lui donner ou lui rendre la vie. Telle est toute la partie du Pérou située à l’ouest des Andes. | Je gravis ensuite, par des ravins affreux, le sommet des Andes. Là, bien loin de rencontrer une seule crête ressemblant à celles que re- présentent les cartes , je me trouvai sur un immense plateau où s’élè- vent , de distance en distance, des montagnes volcaniques qui n’affec- tent aucune direction suivie. Là, partout, une nature aride, une sécheresse affreuse et une raréfaction de l'air, telle que je m'en sentis très-douloureusement affecté. J'arrivai sur le versant opposé du plateau , que marquaït une chaîne intermédiaire entre le plateau particulier des Andes et le plateau gé- néral des Cordillères. Une. vue admirable se développait là de toutes parts à mes yeux : à l’ouest et au sud-ouest, les sommets imposans du plateau des Andes; au nord-est, la Cordillère orientale, plus haute encore et plus continue; et des pointes déchirées, couvertes de neige, semblant s’humilier devant l’Ilimani et le Sorata, ces géans des Alpes américaines, qui dominent ds leurs fronts orgueilleux la région des hivers éternels. Je descendis ensuite sur un autre plateau qui est encore à près de 53 (458) douze mille pieds au dessus du niveau de la mer..Ce plateau sépare les Andes de la Cordillère que j'appelle orientale. L'espace compris entre ces deux chaînes principales peut être de trente lieues, et conserve le même aspect. C'est sur cet immense plateau , fort étendu au nord ét au sud, que se trouvent les plus nombreuses populations de Bolivia et du Pérou; ce qui tient, sans doute, au grand nombre de Ilamas et d’alpacas qu’il nourrit. C’est aussi sur ce plateau remarquable que s'é- tend l'immense lac de Titicaca, si fameux par les anciens temples du soleil et de la lune , ouvrage des Incas, dans les îles dont il est semé. Plus tard, j'ai parcouru, dans tout leur développement, les rives escar- pées de ce même lac, si riches en souvenirs de l’histoire ancienne du Pérou. Ce plateau, et surtout les environs de la Paz, furent pendant quel- que temps le théâtre de mes recherches. J'ai corrigé, sur le gisement de cette ville, une grave erreur consacrée par toutes les cartes, sans même en excepter celles de Brué, bien qu’assurément les moins fautives pour l’Amérique. La Paz n’est pas située sur le versant oriental de la chaîne, mais dans un immense ravin du sud-ouest de la Cordillère, sur le grand plateau. Au commencement de juillet 1630, toujours marchant à l’est, je gravis le sommet de la Cordillère orientale; et là s’offrirent à mes yeux, d’un côté les montagnes arides du grand plateau, où le ciel, pendant neuf mois de l’année, garde invariablement la même pureté ; de l’autre, des nuages amoncelés, toujours se maintenant à quelques mille pieds au dessous du lieu de mon observation, et qu’on prendrait pour les flots d'une mer en furie, quand ils se heurtent contre les pointes abruptes des montagnes; pénétrés d’ailleurs, de loin en loin, par les points culminans de quelques pics qui figurent assez bien des îles : mais que ces nuages viennent à laisser entre eux quelques inter- valles , l'œil alors tout d’un coup plonge dans une profondeur immense sur les pics couverts de bois qui couronnent les chaînes parallèles. Il est plus facile de sentir que de rendre la sublimité d’un tel spectacle. Ces nuages, de plus, déterminent une zone distincte, et signalent, pour les parties inférieures , le commencement d’une végétation com- parable, à tous égards, à la végétation la plus riche et la plus variée de la zone tropicale. Je m’avançai jusqu'aux montagnes déchirées qui forment le versant oriental de cette chaîne, descendant alternativement du lit des rivières au sommet des chaînes; et, dans ce long et pénible voyage, j'ai re- connu qu'aucun des immenses et nombreux torrens de ce versant ne sont marqués sur les cartes, et qu’une confusion des plus grandes, ou ( 459 ) des espaces entièrement vides, y tiennent le plus souvent lieu des ac- cidens variés dont est rempli le pays entier. Ces lieux reproduisent, mais avec plus de luxe encore, la poempeuse végétation des environs de Rio de Janeiro ; une humidité chaude y couvre de plantes magni- fiques même les rochers les plus escarpés. Je remontai, près de Cocha- bamba , la même Cordillère, et suivis une longue série de montagnes arides dont la pente m'amena dans les belles plaines boisées où se trouve la ville de Santa Cruz de la Sierra. Cet intervalle de cent vingt lieues est aussi peu connu que le reste. J'ai passé de grandes rivières qui n'existent pas sur les cartes, et les systèmes de versans m’y paraissent surtout des plus faux. J'étais déjà à trois cents lieues de la mer; mais, voulant connaître aussi les lieux peuplés seulement par les indigènes, je résolus de pé- nétrer plus avant dans l’intérieur des terres habitées ; et, à la fin de la saison des pluies, qui interrompt toute communication, je repris ma marche vers l’est, en traversant une forêt dont l’épais feuillage couvre une étendue de plus de soixante lieues de largeur, est et ouest, et dans laquelle on chercherait vainement d’autres hôtes que les ja- guars ou tigres d'Amérique. J’arrivai ainsi dans la province de Chi- quitos, que je parcourus en tous sens, jusqu’à la rivière du Paraguay et à la ville de Mato-Grosso du Brésil. La province de Chiquitos a plus de douze mille lieues de superficie. J'y ai trouvé, sinon dans toute sa splendeur passée, du moins encore intact dans ses formes et avec tous ses caractères primitifs, le gouver- nement qu'y avaient jadis établi les jésuites, gouvernement encore inconnu et bien mal apprécié, malgré tous les écrits dont il a été l’objet, et qui sut, par une patience dont il serait difficile de se faire une idée, réunir et rallier en dix villages, sous les mêmes lois et sous l'empire d’un idiome identique, dix-sept nations bien distinctes, par- lant chacune une langue différente. Les Chiquitos, chrétiens seulement de nom, ont conservé la plupart de leurs anciennes superstitions. Il est curieux d’en voir les souvenirs se mêler, le plus innocemment du monde, aux cérémonies les plus austères du culte catholique. J'ai été frappé du contraste de gaïté et d’insouciance qui les dis- tingue des taciturnes habitans du grand Chaco, non moins que de l'extrême bizarrerie de quelques-uns de leurs jeux nationaux, et entre autres, d’une espèce de jeu de paume qui s'exécute avec la tête, sans le secours des mains. Une singularité des plus piquantes, et caractéristique d’une des lan- ( 460 ) gues du pays, c'est que la plupart des substantifs se désignent par un mot différent, en raison du sexe de la personne qui parle. Au milieu de ces vastes et sombres forêts, qui séparent les immenses provinces de Chiquitos et de Moxos, dans un vaste territoire marqué comme inconnu sur nos meilleures cartes, coule une rivière également ignorée, quoique navigable, et dont les bords, enrichis d’une végéta- tion aussi active que brillante, sont habités par une nation de celles que nous appelons sauvages, nation aussi inconnue en Europe que le sol qu’elle foule, mais qui n’en pourrait pas moins servir de modèle à beaucoup de peuples civilisés. Ce sont mes chers Guarayos, réalisant en effet, en Amérique, par une hospitalité franche et loyale, par les mœurs simples des temps primitifs, le rêve poétique de l’âge d’or. Chez ces hommes de la nature, que l'envie ne tourmente jamais, le vol non plus n’a pas pénétré ; le vol, cette plaie morale des civilisa- tions les plus grossières comme les plus parfaites ; le vol , regardé presque comme une vertu par leurs plus proches voisins, les Chiqui- tos ; et, au milieu même des missions, où la corruption des mœurs est à son comble, on aime à retrouver chez leurs femmes une pudeur, une conduite exempte de reproches. Là, j'ai vu de respectables vieil- lards à longue barbe, caractère singulier parmi les races américaines , qui sont généralement imberbes ; vrais patriarches du désert, vêtus d’une longue robe, faite de l'écorce des arbres de leurs forêts. Bien différent des serviles néophytes des missions des jésuites, qui ne par- lent que le front baissé vers la terre et les bras croisés sur la poitrine, le Guarayo , fier de la liberté dont il jouit, marche la tête haute, se présente avec assurance, et, tout en vous traitant comme son égal, se regarde comme bien supérieur aux autres Indiens, qu'il méprise parce qu’ils sont voleurs! Aussi prévenans que fiers, les chefs de cette noble nation venaient tous les jours interroger mes vœux pour les prévenir. J'ai vu toutes leurs cérémonies religieuses ; je les ai entendus, dans leurs hymnes solennelles enrichies d'images riantes et gracieuses, in- viter les oiseaux d’alentour à venir égayer le feuillage, et prier les fleurs de s'épanouir, pour fêter avec plus d'éclat le £amoi (le grand- père), leur dieu bienfaisant, qu'ils adorent sans le craindre, parce qu’il préside à l'abondance des récoltes sans jamais punir les cultiva- teurs. Dans l’immense province de Moxos, au nord-est du Haut-Pérou, plus de collines granitiques , plus de grès comme dans Chiquitos ; mais bien des terrains extrèmement plats, en partie inondés par un dédale de rivières. Là vivent, divisés en dix nations distinctes et parlant des ( 461 ) langues diverses, des peuples, tous navigateurs, qui connaissent par- faitement les moindres détours de leurs canaux naturels, journellement parcourus d'eux sur de longues pirogues formées d’un seul tronc d'arbre creusé par le fer et par le feu; je les ai souvent employées dans mes reconnaissances de la province entière, et je leur dois les matériaux d’une refonte intégrale des cartes de cette partie du sol américain. De Moxos, qui conserve la température chaude et humide de sa latitude, je voulus remonter au sommet de la Cordillère orientale, afin de parcourir successivement, jusqu'aux neiges, les différentes zones d'habitation des plantes et des animaux. Je remontai alors le Rio Cha- paré, jusqu’au pied des derniers contreforts des Andes, où vivent les Yuracarès. Là, au sein des forêts les plus belles du monde, où, à la hauteur de deux ou trois cents pieds au dessus du sol, les rameaux d'arbres immenses viennent s’enlacer en voûtes de verdure impéné- trable aux rayons du soleil, au dessus de palmiers gigantesques eux- mêmes, protégeant à leur tour une végétation des plus élégantes et des plus variées ; là, parmi ces tableaux de l’aspect le plus majestueux, l’homme sauvage s’est cru l'être le plus heureux et le plus privilégié ; ses idées ont grandi avec la nature. Les Yuracarès , en effet, possèdent une histoire sacrée assez étendue et remplie des idées les plus origi- nales sur la création du monde et sur l’origine des nations, le tout mêlé de fictions les plus gracieuses, souvent analogues à celles du riant polythéisme des Grecs. Ainsi, par exemple , une jeune fille parvenue à l’âge dés passions, rève seule au sein des vastes forêts; elle s’y plaint à l’écho des bois du malheur de sa solitude. Son œil s’y fixe avec attendrissement sur un bel arbre chargé de fleurs purpurines. S'il était homme, elle l’aime- rait.…. La jeune fille pleure, soupire, attend, espère... Elle espère, ét ce n’est pas en vain... L'amour lui devait un prodige : l'arbre devint homme ; il devint homme, et la jeune fille est heureuse. Ces Yuracarès, doués d’une imagination si exaltée, n’ont pas moins d’orgueil que d’exaltation. Ils menacent le ciel de leurs flèches quand il tonne, bravant ainsi jusqu’à la divinité. Maà curiosité était encore bien loin d’être satisfaite ; et, des lieux que je viens de décrire, on m’eût vu m’élever, bientôt après, de ravin en ravin, jusqu'à Cochabamba, passant tour à tour d’une zone torride à une zone tempérée, et de cette dernière à celle des neiges. Je ne tardai pas à revenir à Moxos , me frayant un chemin sur un autre point du versant de la Cordillère orientale, dans le but de vérifier mes premières observations ct de reconnaître le point de partage du ( 462 ) grand versant du Rio-Beni et du Mamoré, fait important pour la géo- graphie. De Moxos je revins à Santa-Cruz, et de Santa-Cruz je passai à Chu quisaca, capitale de Bolivia, distante de cette ville de cent trente-six lieues. Je revins ensuite à la Paz après avoir visité Potosi, lieu dont la richesse est proverbiale ; et de la Paz enfin, repassant pour la dernière fois la Cordillère des Andes, après avoir exploré trois ans toutes les parties de la république de Bolivia, je me trouvai sur la côte du Pérou, où je m'embarquai le 25 juillet 1833 pour la France, en passant par les ports d’Arequipa , de Lima et du Chili. Dans cette absence de huit années, j'ai parcouru quatorze mille sept cent quatre-vingts lieues, y compris mes voyages par terre, sur les rivières et par mer, et j'ai vu l'Amérique méridionale en sens divers, du 11e au 43e degré de latitude australe... (1). M. Briquet lit un rapport sur l’album de Maillezais, qu'il a formé de concert avec MM. Arnauld et Baugier, et jette un coup d’œil historique sur ce célèbre monastère du Bas-Poitou. Messieurs , les fouilles que nous avons entreprises à Maillezais ne sont point achevées. Tous les débris de la cathédrale ne sont point dessinés. Le plan du terrain fouiilé ne nous est encore parvenu que rapporté à une échelle trop resserrée pour le développement des dé- tails d'architecture. Le temps nous a manqué pour mettre la dernière main à l’œuvre que nous avons commencée. Je vais donc, au nom de mes deux collaborateurs, MM. Charles Arnauld et Baugier, vous présenter seulement un rapide apercu de l’histoire de l’abbaye de Maillezais, ce qui servira à peu près de texte explicatif aux feuilles de notre album. L'ile de Maillezais est située dans le Bas-Poitou ( département de la Vendée), entre l’Autise et la Sèvre. Cette île, autrefois couverte d’é- paisses forêts , est aujourd’hui entièrement défrichée et d’une rare fer- tilité. Sa plus grande longueur est de 4,000 toises. A l'extrémité ouest de l’île, et sur un terrain élevé, on voit les ruines de l’abbaye; ce monastère était tout à la fois une maison religieuse et un lieu forti- fié. L'église avait au moins 40 toises de long. L'architecture de la nef et des deux tours du nord-ouest avait seule conservé son cachet d’an- (:) Ici se trouvaient d’amples détails sur la précieuse collection formée par M. Al- cide d'Orbigny, dans l'Amérique méridionale. On a cru que ces détails, reproduits dans le prospectus du grand ouvrage du voyageur, pouvaient être supprimés sans inconvénient. ( 463 ) tiquité. Le chœur et les chapelles appartenaient au style ogival le plus pur. Vous trouverez dans notre album : 1° le plan de l’église avec l’in- dication des tombeaux, du puits et de la fonderie des cloches que nous avons découverts dans son enceinte; 2 des pierres tumulaires dessi- nées , entre autres celle de Goderan , quatrième abbé de Maille- zais et évêque de Saintes, mort le 6 août 1074. Nous avons trouvé dans son tombeau une inscription sur plaque de plomb, l'extrémité dé son bâton pastoral en argent et sa bague abbatiale en or. C’est l’abbé Goderan qui excita le moine Pierre à écrire la chronique de Mail- lezais , ouvrage qui nous a été conservé par le P. Labbe, les Bollan- distes et Mabillon ; 3° plusieurs vues de la partie nord de l’église, du château, du palais de l’évêque, de la geôlerie, et du caveau où Con- stant d’Aubigné faisait battre fausse monnaie ; 4° une foule de débris dont la découverte est due à nos fouilles, et qui, je pense, doivent fournir une série de sculptures depuis le onzième siècle jusqu’au quin- zième. Vous remarquerez, Messieurs, un chapiteau orné d’entrelacs, trouvé au centre d’un énorme pilier dans lequel il avait été jeté comme une pierre brute de maçonnerie, et l’intérieur d’un tombeau qui remonte à une haute antiquité. Dans ce tombeau nous avons trouvé deux vases curieux, dont l’un en terre, percé d’un trou latéral, était rempli de charbon, et l’autre, en étain, avait un couvercle de même matière. L'abbaye de Maillezais fut fondée à Saint-Pierre-le-Vieux avant 990, par Emma, duchesse d'Aquitaine, et son époux Guillaume-Fier-à- Bras. L'église de Saint-Pierre a été détruite et présente peu d'intérêt; cependant elle est dessinée dans notre album. Le duc Guillaume mou- rut en 994. Son fils donna aux moines toute l’île de Maillezais. Il fit raser le château qui avait été antérieurement bâti pour protéger l’île contre les incursions des Normands, et il en destina l'emplacement à la construction d’un nouveau monastère. Cet édifice, bien différent de l’ancien qui n’était que de bois, fut remarquable par l'étendue des bâtimens. 11 fut brûlé en 1082. La paroisse de Lié doit son origine à un moine italien, au commen- cement du xI° siècle. Ce moine guérit d’une maladie violente le duc d'Aquitaine, Guillaume V, et demanda pour récompense la permission de bâtir une chapelle et une cellule dans la forêt de Maillezais. Cette permission lui fut accordée , et il fit construire la chapelle de Notre- Dame-de-Lié, Une feuille de notre album est consacrée à cette église. Vers 1225, Geoffroy de Lusignan détruisit l’abbaye et dispersa les ( 464 ) moines. Quelques années après, il répara tous les dommages qu'il avait causés à ce monastère. L'abbaye de Maillezais fut , plus tard, érigée en évèché. Le premier évêque, Geoffroy de Ponnerell, fut sacré le 29 novembre 1317. Cepen- dant la mer, qui dans ces temps reculés se brisait contre les murs de l’abbaye, s'était retirée et avait formé des marais dont les exhalai- sons viciaient l’air et rendaient Maillezais inhabitable; le bourg était devenu désert, les évêques n’y résidaient plus. L'église avait été dé- truite pendant nos dissensions civiles; le monastère, ruiné par le feu et les boulets , n’offrait plus d’asile aux moines. Le siége épiscopal fut, par ces causes, d’abord transféré à Fontenay-le-Comte , par bulle d’Ur- bain VIIL, en date du mois de janvier 1631. Louis XIV fit changer cette décision, et l'évêché fut définitivement transféré à la Rochelle par bulle d’Innocent X, en date du 14 mars 1648. Le vandalisme a achevé la destruction de l’abbaye; il a brisé les ogives et les pierres, abaissé les tours, anéanti les flèches : des bâtimens entiers ont disparu. Il existe au milieu du bourg de Maillezais une église évidemment construite à la fin du xie siècle, d’abord sous l’invocation de saint Ri- gomer, puis sous l’invocation de saint Nicolas : les détails d’architec- ture de la facade sont curieux ; ils sont reproduits avec soin dans quel- ques feuilles de notre album. La notice que je viens de lire, Messieurs, est bien incomplète. Mais nous n'avons pu nous décider à vous présenter une chronique de Maillezais , et nos idées sur tel ou tel point d'histoire ou d'architecture, avant d’avoir recueilli le plus grand nombre des documens encore en- fouis sous le sol de l’abbaye. Nous ne devons pas oublier les quelques monnaies que nous avons découvertes. Vous remarquerez, Messieurs, que la partie à droite de la sortie était seule debout, et que pour mettre le pavé à nu , il a fallu remuer 400 toises carrées de terre, fouiller à six pieds au dessous du pavé pour découvrir les tombeaux. Le puits trouvé dans l’église a été fouillé à la profondeur de 32 pieds. On passe à la suite de la discussion des propositions. M. le président fait lecture de la résolution adoptée par la sixième section , et relative à la suppression des tours, pour les enfans trouvés , dans les hospices. Suit la formule de cette résolution : 19 Le Congrès déclare que la suppression des tours d'arrondissement ( 465 ) a produit des effets désastreux dans les localités où elle a eu lieu ; 20 11 émet le vœu que le gouvernement procède à une enquête, re- lativement aux questions qui se rattachent aux enfans trouvés ; 3° Il émet également le vœu que les communes soient appelées à contribuer aux dépenses relatives aux enfans trouvés ; 4° Enfin , il émet aussi le vœu que des salles d'asile soient établies en grand nombre. M. Nicias Gaillard croit qu’il fant diviser la proposition , qui se compose de plusieurs parties distinctes. M. Boncenne. « La discussion à la section, avant la résolu- tion adoptée, a été très-longue. Plusieurs membres du Cor- grès, notamment MM. Guerry-Champneuf et Guépin, étaient, comme moi, de l'avis de l’ajournement. On aurait cru qu'il devait être mis aux voix le premier; point du tout : la majorité donne la priorité à la question principale, et alors on décide que la suppression des tours a eu un mauvais résultat. Puis la question principale ainsi décidée, on revient à l’ajournement, en demandant une enquête sur un point de fait qu’on avait avant déclaré constant. Ensuite, devant la section, et cette Opinion à été appuyée, j'ai demandé le concours des com- munes pour le paiement des frais qu’occasionent les enfans trouvés et la création de salles d’asile. Jai aussi insisté sur un échange d’enfans trouvés entre arrondissemens. Si on veut ici donner la priorité au fait principal, il y aura une longue dis- cussion. (est ce qui fait que je demande le renvoi à demain. » M. Nicias Gaillard. « La dernière question , relative à l’é- change des enfans, a été rejetée par la section. Il est donc inutile d’en entretenir le Congrès. » M. Lelong fils. « Si on voulait demander un simple renvoi à demain, il était inutile d’entrer dans tous les détails qui vous ont été donnés. » | M. Brochain rend compte de ce qui a été décidé par la sec- tion. « En suivant l’ordre qu'on a indiqué, dit-il, elle a suivi un mode rationnel. Je m'étonne de la manière avec laquelle on à critiqué l’ordre suivi dans la délibération. » La continuation de la discussion sur ce point est renvoyée à demain. 59 ( 466 ) M. le président annonce que les membres du bureau du Congrès et des bureaux des sections se réuniront ce soir, à huit heures, pour discuter des questions d’un intérêt général pour le Congrès, et qui ne rentrent dans les attributions d'aucune de ses sections. La séance est levée. SÉANCE DU LUNDI 15 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. ne Caumonwr (de Caen). MM. Boubée, de Brébisson et Babault de Chaumont, se- crétaires de sections , rendent compte de ce qui s’est passé , le matin , dans leurs sections respectives. M. Babault de Chaumont a notamment fait connaître que M. Lair ayant prié la 2° section d’accepter une médaille en argent de la société d'agriculture et de commerce de Caen, pour en faire l'hommage à un agriculteur distingué , la section a cru qu’elle devait être offerte à M. Bobin , membre du Con- grès , tant à raison des bons exemples en agriculture qu'il a donnés sur sa ferme de la Milletrie, que comme témoignage de gratitude, à raison de l'essai d’instrumens aratoires que le Congrès vient de faire sur cette même ferme. La proposition de la 2° section étant approuvée , M. le pré- sident remet la médaille à M. Bobin , qui remercie l'assemblée de ce témoignage honorable. M. Lair présente ensuite à M. Boncenne , premier vice-pré- sident du Congrès et président de la Société académique de Poitiers , une médaille d’argent de l’académie de Caen , et le prie d’en faire la remise à un littérateur distingué. M. Boncenne offre cette médaille à Mile Elise Moreau (de Coulonges). MM. Lucien Gaillard , de la Saussaye, F. Chatelainet Fou- cart , secrétaires de sections , énumèrent les travaux de ce jour dans leurs sections respectives. ( 467 ) M. le secrétaire général donne l'indication de plusieurs ouvrages dont on fait hommage au Congrès. M. de Caumont, président , rend compte de ce qui a été ‘arrêté à l'unanimité, hier au soir, dans la réunion du bureau du Congrès et des bureaux des sections , pour la fixation du lieu où se tiendra la 3° session du Congrès , de l’époque de son ouverture et les dispositions accessoires , ainsi que pour l’im- pression du compte-rendu de la présente session et l’apure- ment des comptes” Par suite de ce rapport , l’arrêté suivant est mis aux voix et adopté. Le Congrès scientifique de France arrête ce qui suit : ARTICLE PREMIER. Conformément à l'arrêté qu’il a pris à Caen, le 24 juillet 1833 , portant qu'il tiendra chaque année une session dans une des principales villes du royaume , et successivement d’une ville dans une autre, la troisième session du Congrès aura lieu dans la ville de Douai , département du Nord. Arr. Il. Cette troisième session du Congrès scientifique de France s'ouvrira du 5 au 10 septembre 1835. Arr. III. M. de Givenchy , député du Congrès provincial de Douai , est prié de vouloir bien accepter les fonctions de secrétaire général de la troisième session du Congrès scientifique de France. Art. IV. M. le secrétaire général de la troisième session du Congrès est chargé de prendre toutes les mesures convenables , pour assurer la tenue de cette session. Il est invité notamment à s'entendre avec la société centrale académique de Douai, à indiquer des secrétaires pro- visoires de sections , à rédiger et à distribuer les lettres de convoca- tion ; à former un comité préparatoire dont il prendra l’avis pour la rédaction d’un règlement provisoire , pour la division en sections, et pour arrêter les questions à soumettre à la décision de cette troisième session du Congrès , outre celles qui pourront rester à décider , la pré- sente session terminée , et celles qui seraient rédigées par les Congrès provinciaux. Arr. V. Il sera immédiatement imprimé, à un grand nombre d’exem- plaires, un compte rendu détaillé des séances de la deuxième session du Congrès et des séances de ses sections, pour en être adressé un exemplaire à chacun des membres qui y ont assisté ou adhéré, et aux sociétés savantes qui se sont mises ou qui se mettront en communi- cation avec le Congrès. ( 468 ) Arr. VI. La rédaction du compte rendu mentionné ci-dessus est confiée à une commission composée du secrétaire général, et des mem- bres du bureau du Congrès et des bureaux de ses sections , en rési- dence à Poitiers. La même commission est chargée de l’exécution des mesures arrêtées pour cette session du Congrès, et de l’apurement des comptes. L’ex- cédant des recettes sera reporté à la troisième session dù Congrès à Douai. M. Foucart lit un fragment de la relation d’un voyage de M. Théodore Pavie ( d'Angers) dans l'Amérique méridionale. Tandis que les sages républiques de l'Amérique du nord, fidèles, malgré quelques faibles secousses, au lien de leur union, grandissent avecunein- croyable rapidité, en richesses, en commerce, en population ; tandis que leurs déserts, dont le silence et la solitude seront peut-être regrettés du poète, se changent rapidement en florissantes habitations ; tandis que généreuses et hospitalières, ces belles provinces ouvrent à l’envi un asile de paixet de liberté aux industries de tous pays, aux émigrans de tous climats , il existe, à l'extrémité de l'Amérique méridionale, de chétives républiques, fières et haineuses, jalouses de tout ce qui est étranger , appauvries et s’appauvrissant encore de jour en jour, heu- reuses d’une apathique oisiveté, comme si l'effort inoui qu’il leur a fallu faire pour chasser l'Espagnol de leurs rivages avait épuisé toute leur énergie physique et morale. À peine libres, elles s’ennuyèrent d’être unies; le congrès général des douze provinces, s’occupant de l’organisation et des intérêts universels du pays, gênait les vues ambi- tieuses de ces généraux, fatigués de la paix. En séparant , en isolant les unes des autres ces républiques naissantes , c'était fonder autant de dictatures auxquelles chacun d’eux se crut le droit d’aspirer. Le parti de l'Union, deux fois vainqueur dans ces trop célèbres batailles qui ensanglantèrent les plaines de Cordova , succomba enfin : et du jour où le pouvoir et la force passèrent entre les mains de ces soldats par- venus qui tournèrent contre la patrie ces hordes de Gauchos qui s'étaient illustrés pour elle, chaque province, comme au temps de la féodalité, devint rivale et ennemie de sa voisine ; et ce ne fut plus, dans toute l'étendue de ces vastes républiques, qu’un horrible brigandage , de perpétuelles dissensions , et de ces haines envenimées qui prennent si vite racine chez ces descendans des Espagnols, dont le caractère est exagéré encore par un climat brülant. La richesse de ces contrées ne consiste guère, dans la partie méri- dionale du moins, que dans d'immenses troupeaux errant en liberté, ( 469 ) quoique portant tous la marque d’un maître, dans ces plaines connues sous le nom de Pampa , dont on ignore les bornes, et qui vont se perdre jusque dans les déserts de l’Indien indépendant de la Pata- gonie. Le Gaucho , homnie des campagnes, n’a pour toute occupation que le soin de ces troupeaux : il passe sa vie à cheval, dort sur les cou- vertures dont il compose l’équipement de sa monture, et vit, du reste, comme l’Indien, à cela près qu’au lieu d’égorger un cheval pour boire son sang et dévorer sa chair palpitante, il fait rôtir au feu de son bi- vouac le morceau de bœuf qui compose sa nourriture presque exclu- sive. Le Gaucho est sobre, infatigable ; s’il part pour une longue route, il pend à sa selle une tranche de viande séchée au soleil : peu lui im- porte le pain, qui est pour lui un objet de luxe dans plus d’une pro- vince; toutes ses fatigues seront oubliées pourvu qu'il puisse, au campement du soir , accompagner sa cigarette du maté favori, qu’il hume avec tant de délices ; breuvage particulier à ces climats , et qu’on pourrait appeler l’opium de l'Amérique. La vie errante du Gaucho , toujours armé, ressemble en plusieurs points à celle de l’Arabe ; mais il n’a pas, comme celui-ci, cette tendresse touchante pour le cheval, compagnon deses fatigues ; il déchire ses flancs à coups d’éperons, dont les molettes ont jusqu’à trois pouces de diamètre; et quand la pauvre bête toute sanglante tombe de lassitude , il l’abandonne, ou daigne parfois l’achever d'un coup de couteau. Pour de pareils hommes, la guerre est un jeu, presque un besoin ; et c’est toujours avec avidité qu’ils saisissent l’occasion de se réunir à un chef, souvent sorti du milieu d'eux, pour se précipiter sur les villes, piller, saccager , enlever les troupeaux. On pourra facilement se figurer quel carnage fait dans un jour une troupe de ces bandits affamés, quand on saura que le plus grand bonheur du Gaucho en campagne est de choisir , dans un bœuf, un morceau privilégié qu’ils font rôtir avec le cuir, quitte à abandonner le reste aux vautours et aux condors, dont les nombreuses volées suivent à la piste ces armées destructives. $ Les dissensions civiles avaient donc déjà singulièrement appauvri la contrée, quand survint en 1831 une sécheresse désolante ; et la seule province de Buénos-Ayres, arrosée de ruisseaux trop faibles , perdit à cette époque environ deux millions de têtes de bétait, bœufs et chevaux. Que l'on joigne à cela les déprédations des Indiens , qui, dans les pro- vinces de Santa-Fé, Cordova , San-Luis et Mendoza, s’avancent inso- lemment jusqu'aux portes des villes, confians qu'ils sont dans l’affai- blissement d’un peuple rongé de haines intestines ; et non contens d'enlever les troupeaux , d’incendier les maisons , emmènent en escla- ( 470 ) vage les enfans et les femmes des Gauchos , auxquels ils ne font jamais de quartier : qu’on joigne à cela le peu de secours que peuvent se prêter entre elles ces habitations disseminées dans la plaine, et dis- tantes parfois de plus de trente lieues l’une de l’autre, et l’on aura l’idée du déplorable aspect qu'offraient, il y a un an, les républiques de la Plata. Là où vingt mille bœufs avaient coutume de se réunir chaque soir dans un lieu fixé par leur seul instinct , à peine avons-nous ren- contré de faibles troupeaux de trois à quatre cents têtes; et c'était pourtant un joli spectacle de voir au soleil levant toute la troupe s’a- giter , et suivant un à un quelque vaillant taureau qui est leur chef, tous ces animaux se diriger gravement, dans l’ordre d'une marche solennelle, vers la source où ils vont se désaltérer, décrivant ainsi une ligne immense, à perte de vue, ondulant avec les collines, et traversée cà et là par quelques chevreuils bondissant sur l’herbe étincelante de rosée ; où par une bande d’autruches en plein galop, rasant la terre de leurs courtes ailes. La distance qui sépare Buénos-Ayres de Cordova est de 180 lieues, d’après le calcul souvent inexact des postes. Une grande partie de cette route, notamment sur le territoire de Santa-Fé, marque la dernière ligne des habitations sur Ja limite du pays occupé par les Indiens. Ces maisons sont entourées , pour toute défense, d’un petit fossé et d’une haie très-épaise de cactus et d’agaves. Presque toutes ces cabanes por- tent encore la trace des dévastations commises par les Sauvages. Ce sont des orangers coupés au ras de terre , des toits brûlés et croulans, des habitations abandonnées que signale encore le solitaire ambon au feuillage opaque , à la tête arrondie , seul arbre qui croisse spontané- ment dans la partie des Pampas voisine de la Plata ; l'ambon s’aper- coit à une distance incroyable dans cette solitude unie comme l'océan calmé ; et sa vue fait souvent palpiter de joie le voyageur mourant de lassitude, impatient d’aller dormir , pendant les chaleurs du jour , sous son ombre consolante. A ces plaines mornes et tristes succèdent peu à peu sur les bords de la rivière nommée Rio-Tercero , de jolies touffes de caroubiers qui se groupent en forêts , et finissent par croiser leurs raméaux épineux , à l'abri desquels pousse , à moitié caché par l'épaisseur des herbes , le précieux cactus à cochenille. Souvent la nuit, assis à la porte d’une cabane , au bord de cette rivière dont les eaux dorées comme celles de la Loire serpentaient à nos pieds, nous entendions le rugissement du jaguar se perdre sous les voûtes des bois , jusqu’à l'heure où les per- ruches matinales commencaient à animer la solitude de leurs innom- brables voix. (471) C'est donc du milieu de ces éclaircies, à travers la forêt, qu'on découvre de plus de vingt lieues les sommets azurés de la Sierra de Cor- dova. Il faut avoir parcouru pendant dix jours ces vastes pays presque déserts , où la présence d’un cavalier éveille moins un sentiment de consolante sympathie qu’un sujet de frayeur ; il faut avoir fatigué son regard d’un ciel toujours brülant à une terre aride et muette, pour comprendre quel inexprimable bonheur fait naître dans l’âme le murmure vivant d'une population groupée ainsi au milieu d’une immensité silencieuse , où l’homme, il est vrai, jette cà et là des traces de sa présence, mais qu’il n’a pas su encore , par son industrie, con- quérir sur la solitude. La Cordoue d'Amérique n'a peut-être en soi rien de bien remar- quable ; mais sa position pittoresque au fond d’une vallée, sur le bord d’une rivière singulièrement limpide, cette chaîne de montagnes auxquelles elle est adossée, et qui fait, par ses teintes foncées d’un bel azur , ressortir les murs blancs de ses édifices ; ses clochers nom- breux , les tours de ses couvens , de son collége fondé par les jésuites au temps de leur puissance , monumens pour la plupart empreints de je ne sais quelle réminiscence de la sévère architecture de l'Espagne ; les arceaux des monastères découpés par les touffes opaques des cy- près , et les rameaux flexibles de l'olivier ; ces tourelles de toutes for- mes dont les cloches s’ébattent à la chute du jour en joyeuses volées; le costume pittoresque de ces habitans , et ces longues files de chariots qui gravissent lentement la colline aux cris des conducteurs hurlant, Siflant , aiguillonnant ces lourds attelages , et plus que tout cela peut- être, son ciel d’une si éclatante pureté , la firent paraître à nos yeux comme un tableau magique. Cette sensation de plaisir se communiqua comme par un mouvement électrique à nos gens plongés depuis long- temps dans le silence ; et le postillon, élevant sa ceinture où brillait un poignard à tête d'argent , appuyait une main sur la garde de son sabre sans gaîne, et de l’autre il nous montrait en poussant un bruyant hurrha , cette ville désirée , que le soleil, à moîtié échancré par la cime des montagnes , éclairait amoureusement d’un dernier rayon. Il y a au milieu de la ville une belle place spacieuse , rendez-vous habituel de toute la population oisive des faubourgs et des campagnes. Quand sonne l’Ængelus, au premier coup de cloche parti du dôme de la cathédrale , cette foule bruyante se tait tout-à-coup ; ce silence est si brusque, foutes ces têtes se découvrent d’un mouvement si précis , soldats et paysans , que les animaux eux-mêmes s'arrêtent ; et quel que soït le degré d'intelligence de ce peuple plus superstitieux que croyant , de ces cavaliers au regard farouche , qui assassinent un (472 ) voyageur pour une pièce d'or, et se courbent devant une eroix, il n'en est pas moins vrai qu’il y a dans cetle scène de l’'Ærgelus une profonde manifestation du sentiment religieux. Ainsi ces hommes errans du pied des Andes aux rives de la Plata, disséminés à travers un désert où l’Indien les harcèle, les poursuit, les attaque sans cesse, dont ils partagent la vie aventureuse et les tristes contrées; ces hommes , dis-je , privés pendant des années entières de la vue de tout ce qui peut leur rappeler le culte, en conservent, malgré leur grossière igno- rance, l'inaltérable instinct, et ils sentent alors , au son de cette cloche qui les appelle à la prière, s’éveiller brusquement en eux le souvenir assoupi de ces croyances qui, à leurs propres yeux, les élèvent si haut au dessus du Sauvage. Mais le soir, un jour de fête surtout , cette place est animée : deux rangées de chariots habités par les familles des Gauchos venus à la ville vendre quelques provisions , forment une rue principale éclairée par un fanal pendu à la pointe d’un aiguillon ; et jusque bien avant dans la nuit, l'habitant des campagnes vient y causer et flaner , à cheval, bien entendu : car qui se refuserait ce luxe, dans un pays où le pauvre lui-même ne va pas mendier à pied ? Ces lumières, balancées par le vent du soir, illuminent çà et là un Gaucho de Jucuman, à longue barbe pointue, au bonnet rouge orné de rubans verts, la lance au poing; un cavalier de l'armée en poncho bleu ; une femme assise au fond d’un chariot, le grand schall jeté sur les épaules comme une mantille , et qui endort un petit enfant sur son sein, en accompagnant sur sa guilare une de ces interminables chansons nommées villaliras , que le chanteur improvise et allonge au gré de son caprice. Cette indolente population paraît calme et heureuse; peu à peu le bruit s'éteint, et dans le silence des ténèbres, cette ville étrange a l'air de se renfermer pour sommeiller dans sa ceinture d’oliviers et d’orangers; tout est repos autour d'elle ; la plaine l'entoure comme les flots de la mer baïignant les rives d’une ile. Qui eût pu penser alors qu'une révolution allait éclater bientôt, et qu’un orage se formait sur un ciel si pur! Les Indiens avaient commis tant de brigandages dans les provinces du sud , il y avait tant d'habitations ravagées , tant d’orphelins pleu- rant leur père, tant d'esclaves à reprendre sur les Sauvages, qu’on se décida enfin à ordonner une expédition. Trois corps d'armée partis, lun de Buénos-Ayres , l’autre de Cordova , le troisième du pied de la Cordilière, devaient , en marchant sur un point fixé , chasser l'ennemi devant eux, jusqu’à ce que les trois divisions réunies pussent agir (478) simultanément contre les masses plus redoutables qu'on devait ren- contrer en pénétrant dans le sud. Les choses allèrent bien pendant quelque temps. Les Indiens, qui au nombre de trois cents, armés de lances et de sabres, avaient mis en déroute plus de six cents habitans de Cordova , dont une partie fantassins et soutenus de plusieurs pièces de canons , ces Indiens tant redoutés avaient enfin été battus , et ré- duits à manger leurs chevaux de combat. Les deux fils du cacique étaient: morts dans l'action, et l’on avait ramené deux convois de femmes , l’un d'esclaves repris sur l'ennemi et rendues enfin à leur famille , l’autre de femmes d'Indiens que l’on distribuait en qualité de domestiques aux habitans de la province, en indemnité de ce qu'ils avaient eu à souffrir de la part des Sauvages. Mais tandis que le com- mandant des forces de Cordova songeait à venger plus complètement ses quatre-vingts soldats dont les ossemens blanchirent sans sépulture, pendant quatre mois, à une lieue d’un village détruit, on tramait contre lui, à Cordova, une conspiration d'autant plus atroce, qu’au lieu de lui expédier les secours indispensables dans une campagne de ce genre , on les employait à former une armée pour le renverser. Se voyant abandonné, loin de toute ressource, il laissa peu à peu ses troupes déserter et se rendre à la ville par bandes de vingt à trente, pillant sur les grands chemins , et lui-même arriva furtivement avec son escorte, au grand scandale de la population entière, frustrée une fois encore de l'espoir de voir mettre un terme aux courses des Indiens. Alors le gouverneur convoqua aux armes l’arrière-ban de ses guer- riers : c'était un habitant des montagnes plus porté à rejoinére les re- belles et se rendant à regret vers la caserne, monté sur un petit cheval à longs crins,et portant pour armure la longue lance de roseau , ornée de plumes d’autruche, le lazo et les boules terribles empruntées aux Patagons , arme dont le Gaucho se sert avec tant d'adresse, qu’il peut, selon leur poids et leur grosseur , renverser un cheval sauvage , démonter un cavalier , arrêter un chevreuil; c’était un boucher avec son large coutelas, galopant à travers les rues, sa carabine en sau- toir ; c'était un jeune officier , saluant les dames au balcon , CaraColant sur un beau cheval chilien, recouvert d’une riche peau de tigre. De toutes parts arrivaient des combattans ; mais chaque nuit, aussi, de jeunes étourdis désertaient la ville pour aller grossir les rangs des rebelles et partager la vie aventureuse du soldat des Pampas. Mais il fallait renoncer aux promenades du soir dans les collines autour de la ville ; à peine pouvait-on sans crainte aller passer quelques heures de rêverie au bord de ce magnifique bassin, creusé par l’ordre Go ( 474) des vice-rois d'Espagne, dont le chiffre royal apparaît encore çà et 1à avec les armes de ces jeunes républiques. Cette promenade, au- jourd’hui délaissée, ne voit plus les dames de Cordova s'asseoir à l'ombre des grands saules ; mais souvent les jeunes filles des cam- pagnes , au teint hälé, aux longs cheveux flottans, aux yeux noirs, viennent y puiser de l’eau; elles se rassemblent en rond, et com- mencent en chantant ces danses bizarres, espèces de fandango, où le claquement des doigts remplace la castagnette ; puis, posant sur leurs têtes des amphores semblables à celles des anciens, les voilà qui s’en vont, comme la Lazzara du poète, à travers les sentiers de la colline, disparaissant avec leurs robes blanches au milieu des buissons de cactus aux fleurs rouges. C’est une fatale occurrence pour le voyageur d’être tout-à-coup arrêté par les révolutions : indifférent aux deux partis , de quelque côté que se déclare la victoire, il entendra s'élever en lui le cri de l’humanité outragée; et, dans cette occasion, nous ne pouvions nous empècher de regarder en pitié ces peuples déjà trop à l’étroit dans des régions si vastes, presque désertes, où la moitié de l’Europe trouverait place, et dont la population décroissante ne s'élève qu’à peine au chiffre de celle de notre capitale. Ce qui était plus triste encore, c'était l’apathie des habitans, effrayés sans doute, mais tellement subjugués par l'habitude de ces éternelles dissensions , qu’ils attendaient l’issue des choses comme s’il se fût agi d’une cause étrangère. Ces paisibles bourgeois se communiquaient leurs appréhensions entre deux parties de cartes ; et si l’on voyait par hasard s'avancer de la caserne un oficier porteur d’un ordre suprême en vertu duquel il faut livrer gratis à l’armée les objets d'équipement dont elle a besoin , tout-à-coup la ville devenait déserte, les magasins se fermaient tous à la fois, le marchand ennuyé n’était plus au seuil de sa porte , fumant le cigare. On eût dit que la ville entière avait avancé ou retardé l'heure de la sieste. Cependant la crise approchait. Un soir on vit arriver au grand galop, le sabre au poing, un soldat de l’escorte envoyée en reconnaissance ; sa cuirasse de fer se perdait dans les plis de son poncho bleu; sa cara- bine noircie par la poudre, le sang qui coulait des flancs de son cheval, annoncaient assez que l’ennemi était aux portes. Le capitaine de l’escorte, surpris par les rebelles, qu’on désignait sous le nom de montoneros , avait été blessé d’un coup de feu, puis renversé par les boules, et poignardé, sans doute, comme première victime de cette lutte acharnée. À ce récit, il y eut une stupeur générale, surtout à (475 ) l'hôtel du ministre, dont le cabriolet était en permanence, prêt à l'em- porter à tout événement. | On s’exagéra les forces des montoneros ; les autorités se retirèrent au champ de bataille de la Tablada, où le gouverneur tenait son camp. Nous l’avions visité quelques jours auparavant, ce champ de la Ta- blada , où le terrible général Quiroga fut si complètement battu ; et les pieds de nos chevaux heurtaient çà et là quelques ossemens des guerriers morts depuis plusieurs années , et que l’apathie des habitans laissait. sans sépulture , prévoyant, sans doute, que d’autres s'y mê- leraient encore avant qu’une paix générale pérmit de les rendre tous à la terre. On voulut envoyer une députation au devant des rebelles, traiter avec eux, sans connaître ni leurs forces, ni leurs intentions ; c’était s'avouer vaincu. Mais il fallait une voiture pour conduire dignement ces députés; et où en trouver une dans tout Cordova? et un atte- lage, où le prendre, quand les huit cents chevaux du gouverneur avaient été enlevés dans une nuit , avec tous ceux qui appartenaient aux postes de la ville ? Cet incident changea la face des choses. Le com- mandant laissa le maintien de l’ordre public aux bourgeois, trop craintifs pour le troubler, et se retira à son camp avec toute son armée. Ces places, la veille pleines de soldats, aujourd’hui si calmes, ne retentissaient plus du bruit des clairons, du galop des cavaliers ; et le grand étendard bleu et blanc des républiques de la Plata ne voyait passer sous son ‘ombre que la paisible sentinelle des gardes civiques. Cà et là, un passant affairé jetait un regard furtif à travers ces rues qui toutes vont aboutir à la plaine. La nuit était obscure; la cathédrale, illuminée pendant toute l'octave de la Fête-Dieu , dessinait en traits de flammes les ciselures assez re- marquables de son dôme , ses clochetons carrés; et cette lumière écla- tante au fond de la vallée, surgissant du milieu d’une ville endormie, semblait un phare vers lequel se dirigent deux vaisseaux ennemis : car vers le nord, le cri long-temps répété des sentinelles , le roulement du tambour, annoncaient que le soldat de la T'ablada veillait à ses feux ; vers le sud , plus près encore de la ville, une lueur rougeâtre, trem- blant à l'horizon, dessinait distinctement une ligne de bivouacs; le hennissement d’un cheval, le son de la trompette arrivaient parfois à nos oreilles, apportés par la brise, et les hurlemens des chiens sauvages, qui suivent la marche des armées, jetaient quelque chose de sinistre sur le camp des montoneros. Au point du jour, un brouillard épais voilait l'horizon. Quand les aspérités des rocs déchiraient, dans leur vol, ces vapeurs du matin ( 476 glissant à la surface de la Pampa , on distinguait les vêtemens rouges de ces fameux colorados, descendant un à un la collinë, pour se former en bataille derrière la ville. Ces vieux soldats, nommés colorados , les rouges , de la couleur de leur poncho, de leur bonnet , de leur chilipa, ample pièce de drap dont ils se ceignent les reins, à peu près comme les Albanais ; ces colo- rados habitent la frontière des Indiens, avec lesquels ils sont toujours en guerre : c’est une espèce de corps franc , dont les membres ont fait les guerres du Chili et du Pérou contre les Espagnols, ont pris part à toutes les dissensions civiles , et sont devenus la terreur des gardes nationales et civiques. Jamais on ne vit un colorado blessé par une arme blanche. Le général Quiroga, qui s’est toujours servi de cette troupe choisie avec tant d'avantages, nous a dit lui-même les avoir tous dressés de sa main , en les chargeant d’estoc et de taille, jusqu’à ce qu'il ne fût plus possible de les toucher. C'était un joli coup d'œil de voir ces ponchos rouges sortir peu à peu des brouillards, et se grouper autour de leurs chefs. Quelques ofliciers de montoneros s’avancèrent au petit galop sur la place; toutes les maisons étaient _ barricadées, mais on regardait aux fenêtres. Le commandant Morisaire vint au devant du cornette qui portait un drapeau blanc, et lui remit une douzaine de lances et de carabines rouillées : la ville était rendue. Alors l’escadron rouge se précipita ventre à terre du haut de la colline, se rangea en ordre de bataille, et, tirant leurs sabres, les colorados saluèrent Cordova d’un cri sauvage emprunté aux Indiens : cri ef- frayant comme le rugissement de l’hyène, qu'ils accompagnèrent de la devise trop connue de vive Le général Quiroga ! A ce nom, plus d’un habitant de Cordova se rappela les exactions, les coups de fouet, et tant de braves officiers fussillés là, sur cette même place. La halte fut courte ; on reconnut parmi les Gauchos quelques jeunes gens de la ville, et l’on vit avec joie que les rebelles passaient sans songer à piller. IL y avait, parmi eux, des enfans de 15 à 16 ans, fiers de commencer leur carrière de brigandage sous de pareils maîtres. Le gouverneur restait toujours à son camp; et du haut de la col- line, où brillaient au soleil les lances et les carabines de ses quinze cents soldats, il pouvait suivre à loisir les mouvemens des 600 mon- toneros , rangés le long de la rivière. Mais là, ils s’arrêtèrent; chaque soldat descendit , se coucha à plat ventre sur le sable, alluma un ci- gare, puis fit tranquillement la sieste à l’ombre de son cheval. Il y avait dans ces hommes , ainsi couchés en face de l’ennemi, quelque (471) chose du tigre guettant :sa proie, du crocodile se vautrant sur les grèves , et suivant de l’œil la pirogue qui dérive. De toutes parts, les toits des maisons, les clochers des couvens, étaient garnis de spectateurs. Pauvre peuple insouciant, il oubliait qu’il était le prix pour lequel on se battait, et qu’il paierait tôt ou tard les frais de ce sanglant spectacle ! L'action fut courte. A la voix de la trompette, les colorados , comme les morts au jour du jugement, s’éveillèrent et s’élancèrent à leurs rangs. Les escadrons serrés traversent la rivière peu profonde, et s’en vont à l'arme blanche attaquer, dans une redoutable position, un ennemi trois fois plus nombreux. Ce combat ne ressemblait point à ce qu'il serait chez nous : on entendait cà et là quelques coups de fusil , auxquels répondait la carabine des cavaliers ; la seule pièce d'artillerie qu’il y eût, pièce de 2, traînée par des bœufs et servie par de gro- tesques canonniers sans souliers ni pantalons, grondait de temps, en temps, à de longs intervalles, mais toujours sans effet. C'était plutôt l'aspect d’un combat à l’époque où l’arquebuse commençait à lutter contre la forte lance et la masse des chevaliers ; on se battait corps à corps; et l'infanterie, cachée derrière les dragons de peur qu’elle ne désertât, devenait complètement inutile. Quoi qu’il en soit, les montoneros descendirent la colline et repas- sèrent la rivière aussi vite qu'ils l'avaient franchie; les rouges, seuls, se retirèrent en bon ordre , au pas , lâchant cà et là quelques coups de carabine, mais hors de portée, car on ne s’acharnait pas à les suivre. Mais le reste de l’armée , composée de postillons , de bandits, de jeunes gens enlevés de force ou croyant courir au pillage; ceux-là, serrés de près, harcelés, se précipitèrent pêle-mêle dans les rues. Jamais, même dans les courses de Windsor , je n’ai vu chevaux galoper si vite : la tête penchée jusque sur la crinière, pour présenter moins de prise à la lance , les rênes dans leur bouche, le sabre d'une main, dont ils se servaient plus pour frapper le coursier que pour se défendre, les fuyards déchiraient le flanc des chevaux à grands coups d'épe- rons , se heurtaient , se croisaient, et frappant au hasard l’une contre l'autre les lames de leurs poignards, en faisaient jaillir mille étincelles ; puis, peu à peu, toute cette horde de brigands, balayée par des forces supérieures , se perdit dans l’immensité de la plaine, comme une troupe de loups affamés, pillant tout sous leurs pas. L'armée victorieuse se rangea à son tour sur la place. Les cavaliers , fiers d’avoir mis en fuite de si redoutables ennemis, se livraient avec mille fanfaronnades à l'expression de leur joie; mais quand vint l’'in- fanterie , on vit paraître à sa suite la musique montée sur des chevaux ( 478 ) cflanqués, habillée de rouge comme une troupe de saltimbanques, et jouant , de la manière la plus discordante, un air emprunté peut- être à Rossini, mais que la frayeur des exécutans rendait méconnais- sable. La ville fut obligée de payer une contribution forcée pour récom- penser les vainqueurs. La tranquillité intérieure ne fut plus troublée. L'armée se retira cette nuit-là encore à son camp, car les montoneros avaient promis de revenir le lendemain ; mais ils ne rentrèrent point. Et cette guerre, transportée dans les montagnes de Cordova, devint une suite d’escarmouches, de vengeances, de trahisons, dont le sou- venir fait frémir, long-temps après, celui qui en fut témoin, ou en entendit le récit sur les lieux mêmes. Parmi les rebelles, il y avait entre autres deux jéunes gens , dont un, arrivé récemment d'Europe, ne s'était jeté dans la révolution que par les conseils de son ami ; pris les armes à la main, après une belle dé- fense, il recut, aux yeux de toute l’armée, 500 coups de bride de cheval, et traîné mourant, à la suite des troupes, dans les montagnes alors couvertes de neige dans plus d’un endroit , il expira au milieu des plus horribles douleurs. Son ami, surpris par trahison, fut condamné à mort. L'armée s’y refusa , tant il était adoré des soldats ; mais le gou- verneur voulait sa vengeance , et il le fit fusiller à huis-clos par quatre cuirassiers de sa garde. Telle fut cette déplorable révolution. Quand de toutes parts il y a progrès sur la surface du globe, quel rang peuvent occuper ces répu- bliques , qui, à force d’ignorance et de préjugés, se complaisent dans leurs malheurs et se croient encore les premières nations du monde ? Il y a cependant , dans une partie saine et éclairée de la population , les élémens d’un avancement progressif; mais la tyrannie et l’oppres- sion étouffent ces germes de civilisation, et le Gaucho se dit libre, lui qui fait consister la liberté dans le vagabondage de l'Indien. Ce récit est une esquisse pâle et rapide .d’un des plus sérieux évé- nemens dont nous ayons été témoins pendant deux années de voyage dans l'Amérique méridionale. Mais il est temps de s'arrêter : on re- proche au voyageur de trop s’abandonner au plaisir de conter. Tout en priant cette honorable assemblée de vouloir bien agréer mes excuses pour le temps précieux que je lui ai dérobé, je serais heureux et fer de penser qu’elle pourrait recevoir avec quelque indulgence l'hom- mage des travaux qui m'occuperont bientôt, en résumant les sensations de ce long voyage. M. le président annonce que l’ordre du jour est la suite de he hu mé (479 ) la discussion sur la suppression des tours placés à l'entrée des hospices , pour recueillir les enfans abandonnés. M. Bouriaud prend la parole et propose une nouvelle ré- daction de la proposition adoptée par la G: section. Elle serait ainsi formulée : Attendu qu’il paraît résulter des renseignemens fournis au Congrès que, dans certaines localités, la suppression des tours a été nuisible aux enfans trouvés et abandonnés, le Congrès émet le vœu, etc. (Le surplus comme dans la proposition. ) Plusieurs membres réclament la parole ; mais la clôture de la discussion étant demandée , ellé est mise aux voix et pro- noncée. Ensuite la proposition , avec la modification ci-dessus , est aussi mise aux voix et adoptée. On passe à l'examen d’une autre proposition approuvée par la 6° section et ainsi conçue : Le Congrès émet le vœu que l’article 831 du Code civil soit modifié en ce sens, que les enfans nés d’un oncle et de sa nièce, d’une tante et de son neveu, d’un beau-frère et de sa belle-sœur, puissent être légitimés par mariage subséquent. M. Grellaud développe les motifs de sa proposition. M. Abel Pervinquière prend la parole , mais la clôture étant demandée de toutes parts, elle est prononcée. La proposition est ensuite mise aux voix et adoptée. Vient une proposition de la cinquième section et ainsi for- mulée : Le Congrès émet le vœu, 1° que M. le ministre de l’instruction pu- blique fasse faire, chaque année , un catalogue exact des ouvrages et des dissertations les plus remarquables qui sont publiés par les juris- consultes allemands, et adresse un exemplaire de ce catalogue aux écoles de droit et aux principales bibliothèques de France ; 29 Que par les soins de ce même ministre, il soit établi à Paris un dépôt de ces ouvrages, afin qu’on puisse se les procurer facilement ; 3° Que sous les auspices et la direction d’un jurisconsulte éclairé, on traduise, aux frais du gouvernement , ceux de ces ouvrages écrits en langue allemande, qui seront d’une haute importance et d’une uti- lité reconnue, { 480 ) La proposition est mise aux voix et adoptée sans discussion. Autre proposition venant de la 6° section. Le Congrès invite le gouvernement à faire dresser, pour les notaires, un tarif général et uniforme, ainsi qu'il a été fait pour les avoués et les huissiers , en 1507. Adopté sans discussion. Autre proposition faite par M. Foucart , et adoptée par la sixième section. Le Congrès sollicite l’abrogation du décret du 20 février 1809, en ce qu'il attribue à l'État la propriété des manuscrits qui existent dans les bibliothèques des départemens, des communes, et des autres établisse- mens publics. M. Guerry-Champneuf. « Le décret de 1809 est tombé en désuétude. Il faut passer à l’ordre du jour. » M. Foucart. « Les questions de désuétude sont difhciles. IL vaut mieux demander l’abrogation du décret. » La proposition , mise aux voix , est adoptée. Autre proposition venant de la cinquième section. Le Congrès exprime le vœu qu'il soit établi, dans chaque chef-lieu d'académie qui possède une faculté de droit où de médecine, des chaires de lettres ou de sciences. M. Nau de la Sauvagère, « Il faut substituer le mot facultés au lieu du mot chaires. » M. Boubée. « Il ne faut pas trop demander , c’est le moyen d'obtenir plus facilement. » M. Nau de la Sauvagère. « Il y avait autrefois à Poitiers une faculté de lettres , il faudrait la rétablir. » M. de la Fontenelle. « Poitiers devrait être traité comme Caen , et avoir une faculté de lettres , supprimée mal à propos, et une faculté de sciences. » M. Hippeau. « On avait demandé d’abord des facultés , et à la section on a substitué des chaires. » Le mot chaires est remplacé , dans la proposition , par le mot facultés , et la proposition ainsi amendée est mise aux voix et adoptée. Autre proposition venant de la cinquièmé section. ( 481 ) Le Congrès émet le vœu que le gouvernement présente le plus tôt possible la loi qui doit régler la liberté de l’enseignement. Adopté sans discussion. | Autre proposition faite par M. de Ste-Hermine fils ,» et ve- nant de la même section. Le Congrès émet le vœu que les départemens aient désormais une plus làrge part dans la distribution des fonds qui sont accordés chaque année au gouvernement, pour encourager les sciences, les arts et les lettres. Il pense qu’il faut activement favoriser le mouvement intel- lectuel qui se manifeste sur tous les points de la France, et seconder ainsi l'établissement de nouveaux centres de civilisation, destinés à détruire les fächeux effets du monopole, que la capitale a long-temps exercé sous ce rapport. M. de la Liborlière propose de retrancher la seconde partie de la proposition , qui n'est qu’un développement inutile. M. Isidore Le Brun est du même avis. M. de Sainte-Herinine fils croit que la proposition doit de- meurer en son entier. On demande la division. La première partie de la proposi- tion est adoptée , la seconde est rejetée. Autre proposition de M. Verger (de Nantes), adoptée par la sixième section, et ainsi formulée : Le Congrès, sans entrer dans l’examen des moyens d'exécution, émet le vœu 1° que des travaux soient incessamment entrepris, soit pour améliorer le cours de la Loire, soit pour créer un canal latéral, soit enfin pour établir un chemin de fer entre Nantes et Orléans 3 20 Si ces grands travaux ne pouvaient avoir lieu, il émet le vœu que des études soient faites sur la canalisation du Loir » dont la ligne pour- rait être poussée à petite distance de Rambouillet, où un chemin de fer viendrait réunir ce canal à Paris. Un membre. « C’est une proposition d'intérêt local , il faut la rejeter. » M. Verger. « Le vœu relatif au chemin de fer de Poitiers à Nantes a bien été adopté. La navigation de la Loire est d’un bien plus grand intérêt. » M. de la Fontenelle, « Rien n'empêche que le Congrès s'occupe de points d’un intérêt local. Du reste, l'amélioration Gx { 482 ) de la navigation de la Loire, ou la création d’un canal latéral, intéresse un grand nombre de départemens. » M. Chatelain. « Il faut rejeter la seconde partie de la pro- position, » M. Verger. « Je l’aväis établie pour le cas où le gouverne ment ne mettrait pas le premier projet à exécution. » Cette seconde partie étant supprimée , la première est mise aux voix et adoptée. Autre proposition faite par M. de la Fontenelle , et renvoyée à l'assemblée générale par la quatrième section. Le Congrès émet le vœu qu'il soit formé , dans chaque département, une commission choisie par le gouvernement, parmi les membres des sociétés savantes, pour former un vocabulaire de tous les mots non français ou surannés, employés par le peuple dans cette contrée. Il serait de ces vocabulaires particuliers fait un vocabulaire général, qu'on imprimerait aux frais du gouvernement, et dans lequel on join- drait à chaque mot l'indication du pays où il est en usage. Un membre semble douter de l'importance de ce travail. M. Cardin. « Le vocabulaire demandé serait d’une grande utilité. C’est surtout par les idiomes qu’on peut remonter à l’origine des peuples. » La proposition est adoptée. Autre proposition faite par M. le baron Chaudruc de Cra- zannes, venant de la quatrième section , et que le Congrès a adoptée sans discussion dans les termes suivans : Le Congrès sollicite de M. le ministre de l'instruction publique, une décision pour ordonner l'impression, soit en entier, soit par extrait, soit par analyse, des mémoires sur les antiquités nationales adressés à l'académie des inscriptions et belles-lettres, notamment depuis 1819, et le concours annuel pour les trois médailles, On passe à une proposition de M. Aristide Laubier ( de Melle), amendée par M. Nicias Gaillard , et renvoyée par la deuxième section. Elle est ainsi conçue : Le Congrès, reconnaissant que l’organisation actuelle des gardes champêtres s’oppose à ee qu'ils puissent rendre tous les services que cette institution semblait promettre, émet le vœu qu'il y ait un garde ( 483 ) champêtre pour chaque commune ; qu’il recoive un traitement plus élevé; qu'il y ait, au chef-lieu de chaque canton, un brigadier sous les ordres et la surveillance duquel soient placés tous les gardes cham- pêtres du canton ; et que les brigadiers des divers cantons soient eux- mêmes aux ordres et sous la surveillance du lieutenant de gendarmerie de l'arrondissement. Adopté. Autre proposition, venant de la deuxième section, qui est adoptée sans discussion , avec la formule ci-après : Le Congrès déclare que le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base les prairies artificielles, de diminuer la masse relative et surtout la qualité des céréales, est mal fondé. Si on a pu observer des faits contraires à cette résolution, ils résulteraient d’une pratique vi- cieuse. On vient à une autre proposition à soumettre à cette séance. Elle est de M. le marquis Le Ver, et elle vient de la quatrième section à l'assemblée générale, non pour recevoir une déci- sion , mais pour être renvoyée à la prochaine session du Con- grès ; ce parti est adopté. La seconde session du Congrès propose à la troisième session de rechercher et même de fixer, s’il est possible, la position du Portus Tiius. L'auteur de la proposition aurait voulu la restreindre entre Bou- logne et Wissant , mais le Congrès l'a étendue d'une manière générale. On adopte sans discussion une dernière proposition relative aux collections de médailles, renvoyée par Ja quatrième sec- tion ; elle est ainsi conçue : Le Congrès émet le vœu que ceux qui forment des collections de médailles ou d’autres objets se rattachant aux antiquités ou à l’histoire, se fixent sur une spécialité, soit pour l'espèce, soit pour l’époque, soit pour le pays ; des collections de cette dernière espèce présentant tou- jours plus d'intérêt pour la science, que des collections générales qui ne peuvent être que très-incomplètes. M. Bouriaud , trésorier du Congrès, rappelle à l’assemblée que son entrée en séance a été marquée par un acte de bienfai- sance. Une quête a été faite dans le Congrès pour de malheu- reux ouvriers blessés en tombant d’un échafaud , et il s’agit de faire la distribution de cès secours, qui doivent être propor- ( 484 } tionnés à. la position de ces ouvriers, plus ou moins griève= ment blessés, pères de famille ou célibataires. En conséquence, il propose une répartition qui est adoptée par le Congrès. Une élégie de Mile Moreau (de Coulonges), adressée à M. de Lamartine, sur la mort de sa fille, est lue par M. de Sainte-Hermine fils. M. Jullien lit la réponse de M. de Lamartine à Mlle Moreau. M. Jullien fait ensuite lecture d’une pièce de vers dont il est l'auteur, intitulée De l’Influence des Femmes , et extraite d’un poème inédit sur les Malheurs de la V'ertu et du Génie. SÉANCE DU MARDI 16 SEPTEMBRE 1834. Présidence de M. ne Caumowr (de Caen). On entend le compte des travaux du matin, dans les sec- tons , qui est rendu par MM. Boubée , de Brébisson , Babault de Chaumont , Hunault de la Peltrie, de la Saussaye , F. Cha- telain et Isidore Le Brun, secrétaires. M. Grille de Beuzelin fait un rapport sur l'ouvrage de M. de la Saussaye, relatif à la Sologne. IL est fait hommage au Congrès de plusieurs ouvrages qui sont déposés sur le bureau. L'ordre du jour appelle la discussion de plusieurs proposi- tions. Première proposition venant de la troisième section, et ainsi formulée : Le Congrès émet le vœu de voir au plus tôt, et attendu l’urgence, le gouvernement procéder à une organisation qui embrasse à la fois l'enseignement et l'exercice de la médecine et de la pharmacie. Adopté sans discussion. Deuxième proposition adoptée par la cinquième section : Le Congrès engage les membres des Congrès et tous les membres des sociétés savantes et littéraires, à vouloir bien transmettre au prochain Congrès une indication précise des sociétés de ce genre qui existent dans leurs départemens respectifs, du nombre des membres dont elles ( 485 ) se composent, de la nature de leurs travaux, et des mémoires ou comptes rendus qu’elles publient. Adopté. Troisième proposition faite par M. Cardin et adoptée par la cinquième section : Le Congrès invite le gouvernement à faire rédiger, sous la direction de l’Institut, un dictionnaire historique de la langue française, indi- quant, par des citations tirées des manuscrits des divers siècles , l’alté- ration de sens et de forme des expressions , et déterminer aïnsi le ca- ractère inhérent à la langue française, et celui que lui a pu imprimer plus tard l'influence de la littérature ancienne et étrangère. Adopté. Quatrième proposition renvoyée à l’assemblée générale par la quatrième section ; elle est ainsi-conçue : Le Congrès émet le vœu qu’une commission, composée de quatre membres de la société des antiquaires de l'Ouest et quatre membres de la société académique d’agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers, soit chargée de s'entendre avec M. le conservateur des monumens historiques du département de la Vienne, pour rendre au temple St-Jean sa forme primitive, et faire disparaître les constructions modernes qui détruisent le caractère architectural de ce précieux mo- nument. Adopté. Cinquième proposition faite par sir J. Spencer Smith et ren- voyéerpar la quatrième section ; elle est formulée comme il suit: Le Congrès invite les savans à déterminer, d’une manière précise, le liéu où s’est livrée la mémorable bataille de 732, gagnée par les Francks , aux ordres de Charles-Martel, sur les Sarrasins, commandés par Abdérame. Le Congrès renvoie cette proposition à la prochaine session. Sixième proposition faite par M. Deloynes et venant de la sixième section : Le Congrès , considérant combien il importe de favoriser les idées d'ordre et d'économie, et les moyens de bien-être individuel, émet le vœu que les caisses d’épargnes et les banques de prévoyance soient propagées dans toute la France, et que le gouvernement , par des pu- blications réitérées, fasse sentir aux classes laborieuses tous les ‘avan- tages qu’elles en peuvent retirer. ( 486 ) Adopté. Septième et dernière proposition faite par M. Abel Pervin- quière et adoptée par la section : Le Congrès invite le gouvernement à hâter, le plus possible, l’im- pression et la publication de la copie du manuscrit des Assises de Jerusalem, retrouvée en 1829, et surtout du second volume de ce manuscrit, contenant Za cour des bourgeois. Adopté sans discussion. M. Boubée fait une communication sur les probabilités de succès qu'offrirait l'ouverture d’un puits artésien à Poitiers. Il entre à ce sujet dans des détails géologiques d’un grand intérêt. Le savant géologue fait observer qu’en principe, et pour avoir, dans une semblable opération, espérance de réussir , il faut 1° que le terrain qu'on se propose de sonder soit formé de couches assez compactes pour contenir les nappes d’eau qui peuvent couler au dessous d'elles ; 2° que pour'que ces mêmes nappes donnent des sources jaillissantes, il faut qu'il se trouve, à quelque distance du lieu du sondage, des pla- teaux ou des montagnes plus élevées que ce lieu lui-même, d’où les courans souterrains puissent tirer leur origine. Appliquant ces prin- cipes au sol de Poitiers, il remarque, d’après ses observations géolo- giques, que les bancs de calcaire jurassique qui se présentent partout aux environs de cette ville , reposent sur un terrain primitif de granit et de protogyne, qu’une nappe d’eau serait parfaitement retenue entre ces terrains primitifs et les bancs calcaires, que même ces derniers pourraient donner un écoulement à quelques sources entre leurs di- verses stratifications : d’où il conclut qu’un puits artésien à source jaillissante peut être entrepris à Poitiers avec chance de succès ; que le forage serait assez facile, puisque l'on ne rencontrerait pas de terrains argileux dans lesquels les instrumens pénètrent difficilement ; qu’enfin le sondage aurait probablement peu de profondeur, puisqu'on arrive- rait bientôt aux terrains primitifs ; que toutefois il faudrait creuser le puits le plus loin possible de la rivière, parce qu'entre les couches de calcaire il pourrait se trouver une fissure qui donnerait beaucoup plus bas un écoulement à la source obtenue, inconvénient qui a rendu à la Rochelle tous les essais infructueux. M. Boubée en terminant, et pour engager la vilie de Poitiers à tenter une opération aussi utile, a cité l'exemple de Tours, où l’on a obtenu des sources jaillissantes très-abondantes : ces sources rejettent des graines et des débris de plantes qui constatent leur origine, et qui ( 487 ) prouvent que bien loin de venir des collines voisines de la ville, elles descendent de montagnes qui en sont à plus de 30 lieues, ce qui ferait espérer que les montagnes du Limousin pourraient à notre égard produire les mêmes effets et nous rendre le même service. M. le président annonce que Mlle Elise Moreau, touchée de la remise qui lui a été faite d’une médaille , a composé une ode sur le Congrès, qu’elle désire lui faire connaître. M. David de Thiais donne lecture de cette pièce de vers. On demande impression; mais cette question est renvoyée à la commission chargée de la rédaction du compte-rendu. M. le docteur Hunault de la Peltrie fait ensuite une quête en faveur des prisonniers. M. l'abbé Auber lit une pièce de vers qu’il a composée à l’oc- casion du Congrès. Cette pièce est généralement applaudie. M. de Givenchy, nommé pour remplir les fonctions de secrétaire général du Congrès à sa troisième session, prononce un discours. M. Jullien (de Paris) , second vice-président du Congrès , prend la parole en ces termes : Messieurs , il n’y a pas dix jours encore, la plupart des membres qui composent cette assemblée étaient entièrement étrangers les uns aux autres ; ils semblaient destinés à ne devoir jamais se connaître. Aujour- d’hui , un lien de confraternité les unit : plusieurs d’entre eux ont même contracté , sous les doubles auspices du patriotisme et de la science qui ont inspiré et dirigé nos travaux, des relations durables qui produi- ront d’utiles résultats. Tel est l’un des avantages de l'institution que l'honorable et modeste savant, appelé par vos suffrages à l'honneur de vous présider, a eu l’heureuse idée d'importer en France. Elle est un germe fécond dont nous voyons déjà les premiers développemens ; elle nous promet, pour un long avenir, des récoltes annuelles, de plus en plus abondantes, de perfectionnemens en tout genre et de vues de bien public, recueillis et répandus sur les divers points de notre territoire par le concours des hommes généreux et éclairés dont le cœur palpite pour la patrie et l'humanité, dont l'esprit ardent et actif veut faire servir les expériences et les facultés de chacun des membres de la grande famille humaine au bien-être de tous. Ainsi, nous resserrons les liens de l’unité francaise, en aidant à dé- ( 488 ) truire les graves inconvéniens d’une centralisation exclusive qui sem- blait absorber la France entière dans sa capitale. Ainsi, nous appelons chacun de nos départemens à recueillir tour à tour les bienfaits des inventions, des idées utiles, des améliorations progressives qui doïvent faire disparaître peu à peu de notre civilisation , trop souvent encore brillante et menteuse, les dernières traces de l’ancienne barbarie. Des centres mobiles et momentanés d'activité intellectuelle s’établissent, tous les ans, dans quelques-unes de nos villes de province, et les font sortir de l’état d’apathie et de marasme où elles restaient depuis trop long-temps plongées. La première pensée de l’union en un grand faisceau de toutes les connaissances humaines, produite au jour par l’immortel Bacon, le père de la philosophie moderne, fut réalisée , à la fin du dernier siècle, dans le magnifique ouvrage qui ne sera pas son moindre titre de gloire. Mais l'Encyclopédie était une œuvre stationnaire, un monument des- tiné à faire connaître l’état général des sciences et des arts, à l’époque où il était élevé : il devait éclairer, guider et stimuler le zèle des savans laborieux qui voudraient étendre leur empire. Depuis, des Encyclopédies, pour ainsi dire progressives et périodi- ques, ont propagé et popularisé cet enseignement des hautes sciences qui n’était pas encore descendu dans les classes moyennes de la société. Ces Encyclopédies circulantes ont multiplié les canaux qui ont distribué la lumière sur tous les points et qui l’ont rendue accessible à toutes les intelligences. Il restait encore à multiplier les foyers et les centres d'action de cette lumière ainsi répandue ; et tel est le principal effet que doivent pro- duire les Conerès screnririQues. Ces Congrès secoueront, par une sorte de commotion électrique, la mollesse, l’apathie et l'égoïsme , qui sont les plus grands obstacles à toute espèce d’action collective des masses, et ils deviendront, pour les sociétés éparses et isolées, ce que chacune de ces associations elles-mêmes a été pour les individus, de nouveaux centres d’action et de force qui feront sentir partout leur bienfaisante influence. Messieurs, cette institution est encore à son berceau; elle a besoin d’être régularisée et perfectionnée pour mettre de plus en plus en circu- lation et en valeur les trois grandes sources de nos richesses : le rEmrs, les nommes et L'ARGENT, ou les capitaux qu’il représente et qu'il sert à mobiliser. Ces trois élémens de la civilisation n’ont besoin que d’être mieux employés pour élever notre patrie au plus haut degré de pros- périté. Par une meilleure administration du £emps et de la vie , nous obtien- ( 489 ) drons facilement, dans un petit nombre d'années, ce qui n’aurait pu être obtenu qu'après plusieurs siècles par la marche lente et paresseuse de la routine. Une meilleure administration des hommes saura tirer parti de toutes les capacités réelles , en leur assignant toujours la sphère où elles pour- ront faire le plus de bien. Elle saura choisir avec discernement les hommes pour les places auxquelles ils conviennent , et non les places pour les hommes qui aspirent à les occuper, sans y être propres. Enfin , un emploi judicieux et économique de tous les trésors que pro- duit la terre, fécondée par le travail de l’homme, centuplera notre puis- sance productive, etréalisera, pour les societés humaines,une èrenouvelle d’'aisance et de bonheur qu’il nous est seulement permis d’entrevoir. Notre apparition fugitive dans vos contrées, Messieurs, contribuera, nous osons l’espérer , à y faire germer quelques innovations salutaires . L'agriculture, l’industrie, l’instruction primaire et publique, les entre- prises utiles et quelques parties de l’administration recevront peut-être une plus forte impulsion et une direction mieux entendue, qui seront dues en partie aux discussions soulevées dans ce Congrès. Les opinions qu’il a manifestées sous la simple forme de voeux, recevront, par la publicité, une plus grande puissance de fécondité et de propagation qui vaincra, dans les différentes branches des sciences et des arts, et surtout dans l’agriculture, les obstacles toujours renaissarnis que la rou- tine oppose à l’adoption des perfectionnemens. Plus tard, peut-être, encouragé par nos exemples , et réalisant par des faits ce que nous aurons préparé par des idées, un INSTITUT NOMADE, une societé ambulante de savans et d'artistes (le projet en fut concu.et proposé par un savant, feu SrAUvE, dont le nom est sou- vent cité dans ce pays où il à exploré soigneusement les antiquités du Poitou), « parcourra successivement toutes les parties du territoire français, décrivant les sites, examinant et analysant les productions de la nature, soumettant au creuset de l'expérience les procédés de l'industrie, établissant sur des bases rationnelles les opérations de l'économie rurale, répandant l'instruction dans les campagnes, y dé- truisant , par la persuasion , les préjugés nuisibles aux progrès des arts, laissant dans tous les lieux des traces sensibles et des monumens dura- bles de ses travaux (1). » Cette association nomade de voyageurs observateurs, de travailleurs intelligens, de savans pratiques, devra recueillir des renseignemens sur les productions du sol et de l’industrie dans chaque canton, sur les (x) Voyez REVUE ENCYCLOPÉDIQUE, mars 1820, Projet d’Institut nomade, par G: L. CADET DE GASSICOURT. Ga ( 490 ) méthodes employées pour la culture des terres, sur la salubrité ou l'in- salubrité du climat , sur les moyens propres à détruire l'effet des éma- nations dangereuses, sur les canaux et les chemins à ouvrir, soit pour rendre à l’agriculture des marécages et d’autres terrains abandonnés, soit pour donner plus d'activité au commerce ; sur la manière de con- struire les habitations rurales et les bâtimens d'exploitation, sur les différentes branches de l'économie rurale , domestique et publique, sur les fouilles anciennes et modernes, sur les mines, les carrières, les usines , les ateliers de confection, sur les manufactures en général , sur les monumens, sur les sites remarquables, sur les idiomes dont l’ana- logie avec les langues mères pourrait éclaircir des faits historiques , et particulièrement les émigrations des peuples. Un tableau statistique et progressif, à peu près complet, de nos départemens rapprochés et comparés, appelés à se mieux connaître et à s’instruire mutuellement, sera en quelque sorte la:grande carte topo- graphique d’après laquelle on pourra dresser et exécuter ce plan de campagne et cette suite d'opérations et de conquêtes au profit de la civilisation. Tel est, Messieurs, le but commun de nos efforts et de nos travaux : la propagation de plus en plus rapide et générale des lumières appli- quées à l'amélioration de notre état social et à l’adoucissement du sort des classes pauvres et laborieuses ; l'augmentation de nos richesses territoriales et industrielles ; une instruction spéciale et pratique, propre à former de bons administrateurs et de véritables kommes d'elat, c’est-à-dire des hommes constamment animés de vues de bien public et d'avenir. Messieurs, j'ai Cru pouvoir vous rappeler , au moment de notre sépa_ ration, les principaux sujets qui, après avoir occupé nos séances par- ticulières et générales des sections et du Congrès, continueront à fixer nos méditations au sein de nos foyers, et nous occuperont encore, lorsque nous nous réunirons, en 1835, pour nous communiquer les résultats des nouvelles observations que chacun de nous aura pu re- cueillir et mürir dans le cours de l’année. En terminant ce discours où je crains, Messieurs , d’avoir abusé de votre altention bienveillante , il me reste à vous exprimer le sentiment profond de gratitude que tous les membres du Congrès , étrangers à ce département , doivent aux habitans de cette ville qui nous ont accueillis avec la plus franche cordialité. La plupart d’entre vous ont consenti à s’arracher , pendant plusieurs jours de suite , à leurs familles et à leurs affaires, pour s'associer à nos travaux, pour venir chaque soir em- bellir par leur présence, animer par leurs entretiens la table commune ( 491 ) et hospitalière où, tout en nous reposant de nos laborieuses discus- sions, nous aimions quelquefois à les reprendre et à les continuer sous la forme de conversations familières qui leur donnaient un nouveau degré d'intérêt. Nous devons aussi un hommage de respectueuse reconnaissance aux dames de Poitiers, qui ont bien voulu assister à quelques-unes de nos séances et nous encourager par leur précieuse approbation. Elles ont senti que les FEMMES, instilutrices de notre -enfance, inspiratrices de notre jeunesse , nos compagnes fidèles et dévouées dans l’âge mür, consolatrices de nos peines dans la vieillesse, doivent toujours porter un vif intérêt aux travaux des hommes , et qu’il leur appartient sur- tout d'occuper une place marquée et de prêter une oreille attentive dans une assemblée consacrée au progrès social, à l’avancement et à l'amélioration de l'humanité dont leur sexe est et sera toujours le plus bel ornement. Nous devons, en particulier , des remercimens bien sincères à notre honorable secrétaire général, qui, après avoir éclairé de ses lumières. et de son utile coopération le premier Congrès réuni à Caen, s’est occupé avec zèle des travaux préliminaires de notre seconde session. Le même zèle actif et éclairé d’un de nos honorables et illustres con- frères qui va tout disposer dans le Nord pour la troisième réunion du Congrès scientifique, nous est un sûr garant qu’elle sera plus nom- breuse encore et plus fructueuse que les précédentes. M. de la Fontenelle, secrétaire général de cette session, s’exprime ensuite dans les termes suivans : Messieurs , les travaux de la seconde session du Congrès scientifique de France touchent à leur terme. Encore quelques instans, et cette réunion littéraire, scientifique et agricole, qui avait attiré tant d’é- trangers dans nos murs, aura cessé d’exister. Mais telle est la destinée humaine; et si tout pour nous » dans ce monde, a une durée éphé- mère , le souvenir, faible compensation il est vrai, au moins demeure. L'homme même isolé , si l’égoïsme n’a pas dominé son être , laisse une trace heureuse de son existence sur cette terre de passage. Malheur à celui qui , dans sa sphère, ne paie pas son tribut d'utilité à ses sembla- bles! Malheur surtout à toute agglomération d'hommes qui, ne répondant pas à l'attente qu’on aurait d'elle, n'agirait pas pour l'avantage de l'espèce humaine lorsqu'elle en avait la mission , et n’attacherait pas à son nom quelque création utile , quelque bienfait ! Pour la réunion qui va bientôt se dissoudre » nous n’avons point à craindre une pareille imputation. Nous croyons, en effet, que le ( 492 ) Congrès de Poitiers sera indiqué par ses travaux pour mettre en pro- grès les différentes branches de la littérature, des sciences et des arts. Il serait trop long de faire ici une énumération , fastidieuse surtout pour ceux à qui elle s’adresserait, du nombre prodigieux de points traités dans nos six sections et dans nos réunions générales. C’est le résultat du désir de bien faire , d’une bonne distribution du travail et d’une organisation qui ne laisse pas que d’être assez ingénieuse, puisque l'action des spécialités dans les divisions revient à un centre com- mun, quilest la généralité. Contentons-nous de dire que, relative- ment à la réunion de Caen, nous nous trouvons en progrès. Qu’on consulte nos travaux, qu’on jette un coup d'œil sur la liste des travail- leurs , et on aura aisément la preuve de cette assertion. Mais pour une institution qui commence, c’est une condition de grandir en marchant: rester stationnaire, c’est périr. Aussi la session prochaine , n’en dou- tons pas, sera bien plus nombreuse, et aura encore des résultats plus grands. Douai, la capitale judiciaire de la Flandre et de l’Artois, est une ville placée au milieu d’une terre scientifique, vaste champ de pratique de la meilleure agriculture, siége de nombreuses et riches fabriques, et surtout atelier d’exploitation de ce véritable trésor qu'on va chercher dans les entrailles de la terre, de ce combustible minéral , destiné à ali- menter la vapeur, puissance qui doit changer la face du monde indus- triel. La position de l'antique cité du parlement de Flandre y fera affluer les hommes du nord de la France, et attirera là les hommes de l’est du royaume. Pour prendre part à nos travaux, les Anglais n’au- ront qu'à passer le détroit, les Belges y seront presque chez eux, et les Allemands, pour quelques provinces du moins, n'auront qu’un court trajet à faire. Notre réunion est fixée au commencement de septembre de l’année prochaine, et le Congrès du royaume des Pays-Bas doit avoir lieu à Bruxelles, dans le courant du mois d'août (1). Ces deux réunions scientifiques, dans deux Etats différens, à 30 lieues seulement de distance l’une de l’autre, et dont la terminaison de l’une ne sera séparée de l'ouverture de l’autre que par un intervalle de peu de jours, offriront une coincidence à la fois remarquable et heureuse. Deux nations , qui n’en formaient qu’une seule, il y a quelques années , se trouveront ainsi , pour quelques semaines, dans une sorte de commu- nauté de travaux pour la science, et l’on sent qu’une pareille position ne peut donner que des résultats satisfaisans. (x) Pendant l'impression du compte-rendu du Congrès, les savans belges qui avaient le projet de se réunir en Congrès national à Bruxelles, ont ajourné ce projet, à raison de la proximité de Douai, point susceptible de réunir également et les savans belges et les savans français. ( 493 ) Après avoir indiqué ce qu’on doit raisonnablement attendre de la fixation de notre prochaine réunion en Flandre , je ne puis résister au désir de vous dire quelques mots relativement à l'importance de deux autres points sur lesquels le Congrès ne tardera pas sans doute à se réunir aussi. Je veux parler de Toulouse, la capitale de la France mé- ridionale, et de Strasbourg. De cette dernière ville nous tendrons sur- tout la main à l’antique Germanie, dont les-habitans sont aujourd’hui si renommés par la profondeur de leurs études. En effet, on doit le dire , au temps où nous vivons, l'Allemagne est la véritable terre de la science en Europe. L'avenir de l'institution fondée à Caen , consolidée à Poitiers , est donc tout brillant de lumières. C’est une association, et l'association est le moyen le plus énergique de tirer parti des forces humaines. C’est un centre d'action où chacun apporte le tribut de sa capacité , de son savoir et de son travail. Ce centre d'action, déplacé d’année en année, est l’opposé de cette centralisation immobile dont Paris exerce depuis tant d'années le privilége sur le reste de la France. Par ce système, les provinces seront mises en contact les unes avec les autres ; et des hommes qui , sans cette institution , ne se seraient jamais rencontrés pour la plupart, établiront ainsi des relations qui ne pourront qu'être de la plus grande utilité, pour la solution des questions sociales et scientifiques. Nous le sentons tous, nous membres de cette session, qui venons de vivre dix jours ensemble d’une vie si pleine, si active et pourtant si attrayante. Vous le redirez dans vos provinces, savans et littérateurs de Paris, de la Flandre , de l’Artois , de la Normandie, de la Bretagne, de l’Anjou, de la Saintonge et de l’Angoumois , ainsi que vous hommes de notre terre de Poitou. Vos récits inspireront à ceux qui ne connaissent pas nos réunions un vif désir d’y prendre part à l'avenir. Messieurs, une tâche bien importante, un emploi bien surchargé de travaux , m'avait été confié par le Congrès de Caen : de plus, je succédais au jeune savant à qui vous avez rendu un témoignage si ho- norable , en l'appelant, parmi tant de personnages distingués, à l’hon- neur de vous présider; et ma position en devenait dès-lors plus difcile. J'ai, de tout mon pouvoir, essayé de m’élever à la hauteur de la posi- tion qui m’avait été assignée , et s’il ne m’a pas été donné de l’atteindre, vous me tiendrez compte, jose l’espérer, de mon zèle et de mon amour de la science et du progrès. J'ai, de mon côté, à vous remercier d’a- voir répondu à l'appel de ma faible voix, en venant donner tant d'éclat à cette assemblée, et des preuves de confiance dont tant de vous ont bien voulu m’honorer…. ( 494 ) Il est reconnu que la quête pour les prisonniers s'élève à 120 fr., et cette somme est déposée entre les mains de M. le trésorier pour qu’il en fasse la remise à la commission admi- nistrative des prisons. M. de Caumont, président, termine la séance et la session par le discours suivant : Messieurs, celui que vous avez appelé à présider vos réunions gé- nérales éprouve le besoin de vous offrir l'expression de sa gratitude , et de vous remercier de l’indulgence que chacun de vous a bien voulu lui accorder. La seconde session du Congrès scientifique de France a justifié l’es- poir que le monde savant en avait concu. Les hommes les plus éclairés sont venus de St-Omer, de Lille, de Paris, de la Normandie, de l’Or- léanais, de la Bretagne, de la Vendée, de l’Anjou, de la Saintonge , se réunir aux studieux Poitevins qui les avaient appelés; et, pendant dix jours, chacun de vous s’est livré avec un zèle infatigable aux travaux littéraires et scientifiques qui ont fait l’objet de la réunion. Vous avez réparti, comme l’année dernière, vos membres dans six sections ; toutes ces sections ont produit des mémoires remarquables , toutes se sont livrées à des discussions approfondies, qui jetteront un nouveau jour sur les points les plus obscurs dela science. Dans la section d'histoire naturelle, l'exposé d’une nouvelle nomen- clature chimique, celui des différens systèmes émis sur les déluges et les aérolithes, et les savantes communications des personnes qui ont pris une part active aux travaux , ont vivement intéressé l’as- semblée. La section d'agriculture, présidée par mon savant compatriote M. Lair , a résolu plusieurs questions importantes; et l'essai de char- rues , fait en votre présence chez M. Bobin , à la Milleterie, a produit l'impression la plus heureuse sur les agriculteurs, en même temps qu'il a fixé leurs idées sur la valeur des instrumens nouveaux de labourage, Les travaux des autres sections n’ont été ni moins utiles ni moins remarquables. De graves discussions se sont élevées dans la section des sciences morales et de législation ; elles ont donné lieu à des propositions im- portantes qui ont pour la plupart recu votre sanction. Votre cinquième section a signalé les progrès de la décadence dans les arts et Les lettres ; elle a blâmé hautement cette littérature mon- ( 495) strueuse, dans laquelle les sentimens généreux, les charmes de la pudeur, les combats sublimes de la vertu , source éternelle de grandes pensées , ont fait place aux peintures les plus obscè nes, aux crimes les plus atroces , aux passions les plus désordonnées. Cette courageuse improbation trouvera de la sympathie dans toutes les âmes généreuses : elle aura du retentissement en France. Puisque j'ai rappelé une des motions les plus importantes de la cin- quième section, permettez-moi, Messieurs, de reproduire quelques idées exprimées tout récemment par un de mes compatriotes, M. Ca- brié, censeur du rollége royal de Caen, sur les causes de la décadence que nous déplorons dans les arts et dans les lettres : « Nous vivons à une époque de transition où l'absence du principe » religieux à laissé dans les âmes un vide immense que toutes les » institutions humaines ne sauraient combler. Notre société actuelle, » sans croyances, a reporté toutes ses affections sur ce que nous » appelons le bien-être, et il est à craindre qu'accoutumé à ne s’oc- » cuper que de ce qui tombe sous les sens, qu'abandonnant toutes » les études qui élèvent l’âme et la dirigent dans là connaissance » du beau et du bon, l’homme ne finisse par s’abîmer dans le ma- » térialisme. » L'auteur, l'artiste qui a perdu le sentiment du beau moral, ne » vivant plus que de la vie des sens , arrivera parfois à l’expression de » la beauté physique ; mais à la perfection de la beauté morale, jamais. Il faut sentir en soi un principe immortel pour donner l’immortalité à ses productions. » L'industrie est la gloire de notre siècle; personne plus que nous » n’en admire les prodiges et n’apprécie mieux l'importance de leurs résultats; mais nous pensons que ce qui touche aux intérêts maté- » riels ne doit point absorber toutes les intelligences; cette tendance exclusive serait dangereuse. » En effet, du moment que le sentiment de l'utile est le seul mo- » bile qui dirige toutes les pensées d’une nation, les principes les plus sacrés fléchissent devant l'intérêt personnel. Les vérités morales , » fortement attaquées et faiblement défendues, chancellent ; la litté- rature pâlit; les arts, qui embellissent la vie, disparaissent ; et l’égoisme, cette lèpre des nations civilisées, lève la tête et règne » en souverain sur un peuple incapable d’avoir une idée généreuse. » > L2 C2 > > > I1 faut l’espérer, Messieurs, une réaction morale aura lieu pro- chainement dans les esprits, et la société se dégagera peu à peu de cette atmosphère matérielle qui pèse de tout son poids sur notre ( 496 ) époque; nous pouvons même le dire, cetle réaction est commencée ; elle a éclaté dans le sein du Congrès. Pour revenir aux travaux qui nous ont occupés depuis dix jours , les résultats du Congrès sont d’une importance qu’on ne saurait mé- connaître. D'une part, un plus grand développement de cette vaste association formée en dehors de l’action centrale de la capitale ; de l'autre , une foule de questions d'intérêt général, soit pour les sciences, soit pour les lettres, soit pour les arts, posées avec netteté, discu- tées avec indépendance, et résolues avec conviction; tels sont les ré- sultats de la seconde session du Congrès scientifique de France. Aujourd’hui, Messieurs , il me paraît démontré que la pensée de faire un appel à tout ce que le royaume renferme d'hommes amis de la science, était une idée heureuse, une idée essentiellement progres- sive. Elle a paru bonne dès l’origine, puisque depuis l’année dernière plusieurs assemblées se sont formées en congrès ; l'avenir de ces réu- nions est maintenant incalculable. Ces congrès me paraissent nécessaires, indispensables même, à l'é- poque eù nous sommes arrivés. En effet, Messieurs , les diverses so- ciétés académiques du royaume ne possèdent pas tous les moyens d'action dont elles auraient besoin , ni toute l'influence qu’elles pour- raient exercer. La plupart agissent dans des cercles trop bornés, et leurs travaux n’ont point l’ensemble et l’unité qui seraient désirables , parce qu’elles travaillent isolément et sans avoir de plan arrêté. D'un autre côté, les sociétés savantes fondées à Paris n’ont guère plus d'influence que les autres. Elles se sont épuisées en vains efforts pour donner l'impulsion dans les provinces. Il n'appartient qu'aux con- grès, à ces réunions solennelles composées des députés de toute la France académique, de tracer la marche que doivent suivre les so- ciétés des départemens, de s'occuper franchement et utilement des besoins généraux de la science. Ces assemblées à centre mobile iront successivement féconder et mettre en lumière les talens oubliés dans nos provinces. Par elles chaque ville importante deviendra un foyer d'activité intellectuelle, une métropole scientifique dont le ressort comprendra plusieurs départemens. Il est probable, Messieurs, que par la suite certaines provinces auront des congrès périodiques, et nous ne pouvons qu’applaudir au zèle qui se manifeste déjà sur plusieurs points de la France. Il faudrait cependant que les congrès généraux et les congrès provinciaux sui- vissent une marche uniforme ; que ceux-ci cherchassent à faire l'ap- plication des mesures recommandées par les congrès nationaux , sauf à les modifier selon les besoins des localités ; que les congrès provin- ( 497 ) tiaux éclairassent de leurs renseignemens et de leurs vœux les assem- blées générales ; en un mot, qu’il y eût unité de vues et d'action entre les congrès généraux et les congrès provinciaux. S'il en était autrement , si nous ne pouvions obtenir cette unité de vues , l'établissement des congrès provinciaux ne produirait point les résultats que nous nous sommes proposés ; ils pourraient même devenir nuisibles. Il me reste un devoir à remplir au nom du Congrès, envers les per- sonnes qui ont bien voulu donner Jeurs soins au développement de l'institution. Votre secrétaire général, M. de la Fontenelle , un des premiers archéologues de France, si honorablement connu par ses tra- vaux historiques, a préparé, avec un zèle infatigable , la seconde session du Congrès scientifique ; qu’il recoive ici, avec les honorables membres de l’assemblée qui l'ont secondé, l’expression de notre reconnaissance et de notre satisfaction. Je dois aussi remercier, au nom du Congrès , la Société Académique de Poitiers, et le savant jurisconsulte qui la dirige. Ce sont les travaux de cette Académie et la réputation si justement acquise de ses mem- bres, de son président et de son secrétaire , qui ont fait de Poitiers un des centres littéraires et scientifiques les plus remarquables de France. Nous sommes venus dans cette cité vraiment académique demander l'hospitalité ; elle nous a été donnée avec une générosité, une effusion dont nous conserverons un durable souvenir. Permettez-moi, Messieurs, d'offrir encore l'expression de notre re- connaissance à M. le maire de Poitiers, qui s’est empressé de mettre -à la disposition du Congrès la belle salle où nous tenons nos séances géné- rales ; à M. le préfet de la Vienne, qui a applaudi l’un des premiers à la décision que vous aviez prise de vous réunir dans son département , ct qui, forcé de s’éloigner de Poitiers, m'a chargé de vous exprimer ses regrets de n'avoir pu assister plus fréquemment à vos savantes dis- cussions. Nous allons nous séparer, Messieurs, et cette séparation, si j'en juge par les sentimens que j’éprouve moi-même, n'aura pas lieu sans regret ni sans émotion. Puissent les honorables souvenirs que chacun de nous emportera de cette enceinte, l’engager à se rendre à Douai l'année prochaine , pour la troisième session du Congrès scientifique de France. C’est là, Messieurs, que, réunis pour travailler consciencieusement k comme des hommes de province, au progrès de la science et au per- fectionnement de l'institution des congrès , nous pourrons nous donner 65 ( 498 ) de nouvelles preuves de la bienveillante confraternité qui nous a si constamment animés durant le cours de la session. Je déclare au nom de l'assemblée que la seconde session du Congrès scientifique de France est terminée , et que la troisième session s'ouvrira à Douai, en septembre 1835. Le Président du Congrès, DE CAUMONT (de Caen). Le Secretaire general du Congrès, Les Vice-Presidens , DE LA FONTENELLE (de Poitiers). BONCENNE ( de Poitiers ). JULLIEN (de Paris). ( 499 ) APPENDICE. MÉMOIRES ET PIÈCES DÉTACHÉES. 4. Votice sur les mines de houille du bassin de la Vendée et sur Les donnees géologiques qui s'y rattachent ; par M. Mercter, directeur des exploitations houillères de Faymoreau ( Vendée ). Constitution géologique de la contrée. — La partie N. E. de l’ar- rondissement de Fontenay, dans laquelle se trouve le bassin houiller de la Vendée, offre une grande variété de rothes qui présentent beaucoup d'intérêt, tant sous le rapport de la géologie que sous celui du parti qu’en pourrait tirer l’industrie. Granite. — Gneiss.— Filon d'antimoine sulfuré.— Nous allons les énumérer succinctement dans leur ordre de superposition, Au nord, dans les environs de Moncoutant , de Menomblet, de Saint-Pierre-du-Chemin et de l’Absie ( Deux-Sèvres), se trouve un granite ancien, à cristaux de moyenne grosseur, composé, en proportions à peu près égales, de quartz grisâtre, de feldspath blanc ou rose et de mica noir. Ce granite se prête à la taille et fournit de belles pierres d'appareil. Près de Pou- zauges , de la Châtaigneraie et de l’Absie, la proportion de mica augmen- tant, le granite prend une texture scissile et passe à un gneiss composé des mêmes élémens, qui se divise en grands fragmens aplatis dont on garnit les âtres des cheminées. C’est de Saint-Pierre-du-Chemin que l'on fait venir les plus beaux échantillons. Plus au sud, le gneïss passe aux schistes siliceux et talqueux de couleur grise ou verdâtre. Au nord de Pouzauges, on voit à la Ramée, commune du Boupère, un filon d’antimoine sulfuré, exploité à diverses reprises, et abandonné défini- tivement en 1813. Le filon, dirigé de l’ouest-nord-ouest à l’est-nord- est, plonge sous 45° environ au nord-nord-est. Il coupe la stratification des roches de schiste et de gneiss qu’il traverse et affleure au jour, en plusieurs points assez distans. Le filon est encaissé entre deux salbandes de quartz blanc ou grisâtre. Le centre est occupé par une roche schis- teuse grise qui semble envelopper des rognons d’antimoine sulfuré ; dans quelques endroits le minerai paraît plus massif et séparé seule- ( 500 ) ment par de minces cloisons du même schiste. Ce gîte métallifère paraît avoir été l’objet d’une exploitation assez active, à en juger par la grande quantité de déblais qui se remarquent auprès des quatre puits encore existans , et par les scories qui avoisinent l'emplacement des fourneaux de fusion. 11 est présumable que ce filon n’est pas unique dans la contrée , et que des recherches un peu suivies en feraient recon- naître d’autres. Plusieurs paysans des environs possèdent de beaux échantillons d’antimoine sulfuré qu’ils prétendent avoir rencontrés en labourant. Kaolin.— Entre l’Absie et le Busseau , on trouve, alternant avec les schistes, un gneiss passant à un granite binaire, pegmatite, à grains de quartz gris ét de feldspath rose très-volumineux. Cette roche se ren- contre principalement dans une lande qui existé entre le moulin à vent de la Réortière et le bois du Busseanu ; près de Scillé, dans le bois de la Vazonnière , cette roche granitoïde présente plus d’étendue. Là le feldspath domine ; il est de couleur blanche ou légèrement verdâtre, et, par sa décomposition, il passe à un véritable kaolin. Une fouille de plusieurs mètres de profondeur a fait reconnaître que ce banc a une grande puissance et serait d’une exploitation facile. Le kaolin est séparé facilement par un simple lavage du quartz , qui ne se trouve que dans la proportion d’un quart dans la composition de la roche. Schistes de transition. — Les roches de schiste talqueux verdâtre et argileux ; d’un gris foncé, présentent fréquemment des couches puis- santes de quartz hyalin qui font saillie, notamment entre Loge-Fouge- reuse et la Châtaigheraie et près du Buignon. Ces mêmes roches, aux environs de Bourbon-Vendée, surtout au- près du village de la Termelière, offrent des couches subordonnées d’un minerai de fer hydroxidé hématite très-riche. Ces couches sont extrême- ment puissantes. Le minerai est tellement abondant qu'il a été employé à la construction de plusieurs maisons des villages de la Termelière et de la Chauvière: Il forme deux variétés, l’une massive, hématite com- pacte, l’autre schistoïde. Les bancs de minerai affectent , au surplus, la même direction que les roches de schiste talqueux auxquelles ils sont subordonnés. Marbres.— Aux environs d’Ardin (Deux-Sèvres ), et notamment près Périgné , aux lieux dits la Marbrière et le Cimetière-aux-Chiens , les schistes renferment, en couches subordonnées, des couches puissantes de calcaire marbre et de poudingues. Le calcaire présente trois variétés : l'une, et c'est la plus abondante, est de couleur gris foncé, parsemé de veines de chaux carbonatée spathique blanche. Les deux autres variétés sont d’un blanc sale et d’un rose pâle. Cette dernière variété présente ( 501 ) fréquemment des veinules de tale chloriteux qui s’opposént à ce qu'on le travaille facilement. Quelques coquilles du genre productus ont été remarquées dans la variété rose, et des madrépores dans la variété grise. Poudingques.— Les poudingues sont composés de galets de quartz, réunis par un ciment siliceux, qui offre une extrême ténacité. Gette pro- priété l’a fait employer pour le pavage de la ville de Niort. Les roches de schistes passent parfois à un grès schisteux, à grains fins. Toutes ces roches se dirigent généralement du nord-ouest au sud- est, et plongent sous des angles très-variables au nord-est. Bassin houiller.— Le bassin houiller de la Vendée repose à stratifi- cation transgressive sur les schistes de transition. On remarque fré- quemment qu'aux approches du terrain houiller , les roches schisteuses offrent des feuillets contournés et prennent une teinte rougeûtre. ÆEtendue du bassin: — Ce bassin houiller, situé à deux myriamètres au nord-ouest de Fontenay, forme une zone de deux myriamètres et demi de longueur sur une largeur de 12 à 1,500 mètres, dirigée du sud- est au nord-ouest. Sept couches de houille.—Sept couches de houille bien distinctes ont été reconnues par les travaux exécutés jusqu’à ce jour. Elles sont paral- lèles à la direction générale du bassin , et , par suite de la forme arquée qu’affecte celui-ci, elles affleurent sur ses deux versans opposés, oùelles présentent des inclinaisons inverses. Leur puissance varie de cinq dé- eimètres à trois mètres; et les travaux considérables , exécutés! à d'assez grandes distances , sur plusieurs de ces couches, ont fâit reconnaître qu’elles sont constantes dans leur allure, et peu sujettes aux dé- rangemens fréquens que présentent ailleurs les couches de combustible minéral. L'inclinaison des couches de houille qui est assez grande (de 60 à 70° ) fait présumer qu’elles atteignent une grande profondeur, ce qui dédommagerait du peu de largeur du terrain houiller. Qualité de la houille.— La houille de toutes les couches est de l'espèce dite schisteuse, passant parfois à la variété compacte. Elle est très-bitumineuse , homogène et peu chargée de pyrites. Elle produit de bon coke dont la teneur en cendres varie de 4 à 8 pour 0j0. Des ex- périences comparatives, faites à Niort en présence de M. l'ingénieur en chef des mines Furgaud, ont prouvé que la houille de la Vendée peut soutenir la concurrence des houïlles étrangères, sous le rapport de la qualité. : Grès psarmmitiques', poudingues et argiles schisteuses. — Les coù- ches de combustible sont séparées par des bancs d’épaisseurs variables ( 502 ) de psammites , de poudingues et d’argiles schisteuses , passant fréquem- ment au fer carbonaté lithoïde et de schiste bitumineux combustible, contenant , en assez grande abondance , des rognons de fer lithoïde. Limites du bassin. — Le bassin houiller semble commencer à St- Laurs (Deux-Sèvres).Il se suit sans interruption jusqu’à la Cressonnière, commune d’Antigny ( Vendée). Mais à partir de Puyrinsant , près du ruisseau de la Mère, il est recouvert par une formation de calcaire magnésien , appartenant aux assises inférieures du calcaire du Jura que MM. de Cressac et Manès rapportent à l'étage inférieur du lias. Le bassin houiller est sillonné par de nombreuses vallées, qui per- mettent d'attaquer les couches de houille par des galeries partant du jour. Les bords de la Vendée , de la Mère et des ruisseaux qui y affluent, présentent de nombreux escarpemens, dont une partie a été utilisée pour des travaux de ce genre. Trois concessions.—"Troïs concessions, sous le nom de Faymoreau, la Bouffrie et Puyrinsant, ont été accordées sur ce bassin ; la première à MM. Moller et compagnie, et les deux autres à MM. de Cressac, de la Fontenelle et compagnie. Description des travaux. — Dans la concession de Faymoreau , deux puits de 40 et 50 mètres de profondeur ont été foncés sur la lisière du versant nord du bassin; ces puits ont traversé les trois couches in- férieures. Les galeries d’allongement poussées sur la direction de ces couches, présentent un développement de plus de 2,000 mètres, et, sur toute cette étendue, les dérangemens qu'ont éprouvés les couches sont à peine appréciables. Les travaux du puits de Faymoreau, qui ont eu plus spécialement pour objet la couche n° 3, sont asséchés à un niveau de 26 mètres, par une galerie d'écoulement de 270 mètres, menée à travers bancs dans un grès, et un poudingue extrêmement tenace et dur. Ce travail, qui a été exécuté en vingt-deux mois , assèchera les deux puits de la Blanchardière et de Faymoreau. Il existe dans la concession de Faymoreau trois galeries partant du jour, prises tant dans la vallée de la Vendée que sur le bord des ruis- seaux qui y affluent, Ces galeries, menées sur les couches n°s 1, 3 et 4, ont une longueur moyenne de 70 à 80 mètres. La concession de la Bouffrie ne présente que deux puits foncés sur les couches n° 3 et 5, et deux bouts de galerie partant du jour sur la couche no 2. Tous ces travaux sont exécutés sur le versant sud du bassin, à l’opposite de ceux de la concession Faymoreau , et en partie sur les * mêmes couches qui, plongeant à la Bouffrie vers l'est, plongent à l’ouest dans les travaux de Faymoreau. ( 503 ) La concession de Puyrinsant accordée depuis quelques mois seule- ment, n’a pu encore donner lieu à des travaux réguliers. Tous les puits et galeries sont solidement toisés, à l'exception de la galerie d'écoulement dite des Dorderies , qui ayant été percée dans un rocher excessivement dur, sur un espace de plus de 200 mètres, n’a pas besoin de support. Les bois employés dans les travaux proviennent de la forêt de Vou- vant , ét leur prix n’est pas élevé. Ce sont des rondins de chêne écorcés sur pied que l’on emploie de préférence. Leur durée varie de deux à six ans, suivant le plus ou moins d'humidité des travaux où ils sont appliqués. Galerie d'écoulement.—L'extraction a eu lieu jusqu'ici dans les puits, parle moyen de treuils à bras. Le puits de Faymoreau était desservi par une machine à molettes à deux colliers que le percement de la galerie d'écoulement vient de rendre inutile. Le roulage s’est effectué jusqu'ici par brouettes de la contenance d’un hectolitre, et au moyen de cha- riots roulans sur des liteaux de bois, contenant cinq hectolitres de houille. Un homme et un enfant le roulent. On a le projet d'établir un petit chemin de fer dans le genre de ceux des mines des bords de la Loire, pour effectuer le roulage de la houille avec plus de facilité. Coupe du terrain houiller. — Voici la succession de roches que présente une coupe du terrain houiller , prise de la Blanchardière , village situé à la limite nord du bassin à la Bouffrie, située sur le ver- sant sud. A partir du schiste talqueux verdâtre sur lequel repose la formation , et qui a été rencontré dans le fonds du puits de la Blanchardière, on voit : 1° Un banc de grès noirâtre à petits grains, parsemé de pyrites et extrêmement sicileux, d’une épaisseur de. . . . . . . 0m. 30 2. Une couche d'argile schisteuse grise, présentant peu d'empreintes végétales. ., . . es age ne ae nsé 021-380 3. Une couche de banile (n° RME rie: ai on > 4 Mar OXNE 60 4. Un schiste bitumineux à feuillets contournés, contenant, à la partie supérieure , une grande quantité d’une substance charbonneuse pulvérulente d’un noir brun, excessivement légère et friable , qui jouit de la propriété de décolorer les liquides. A la partie inférieure , le schiste bitumineux contient des rognons nombreux de fer carbonaté lithoïde , de forme ovoïde ou en sphéroïdes comprimés er couches concentriques dont la dureté décroît du centre à la circonférence. La pesanteur spécifique du minerai est 3,34. Le schiste bitumineux brûle lui-même avec une flamme vive , et il est parsemé de veinules de ( 504 ) hôuille ;:puissancé. jme . 0e HT} ONNENONQT mi ni 5. Un banc de grès, gris noirâtre, à grains moyens, contenant quelques rares empreintes de fougères. Ce sont les seules qu'on ait trouvées dans les travaux. : + . . D ua tuG 0 ENS 6. Houille à cloisons de ab nincux (ue tane n°2.) . 0 60 1. Banc de grès, semblable au n° 5, d’une consistance variable, imprégné de caoutchouc minéral qui, parfois, semble en former le ciment , et se trouve le plus souvent en feuilles plus ou moins épaisses dans les fissures de la roche. . . . . . . . . . : . 2 50 8. Houille schisteuse et lamelleuse, passant quelquefois à la variété compacte. Dans ce dernier état, elle contient plus de bitume, a moins d'éclat, et est d’un noir moins intense. C’est sur cette couche qu'ont eu lieu les travaux les plus importans ; sa puissance varie de 2 à 3 mètres. C’est la COUCHE: 00:92 em ONE, SE EEE 7 EE D 9. Argile schisteuse, grise ou noire, avec empreintes de roseaux et de bambous, passant fréquemment au minerai de fer carbonaté li- thoïde dont elle contient souvent de très-gros blocs arrondis. 1 30 10. Grès et poudingues à ciment feldspathique, de couleur jaunâtre , se désagrégeant facilement. . . . . . . . . . . .99 m»» 11. Argile schisteusé semblable au n° 9. . . . . . . 2 »» 12. Houille, quatrième couche, suivie dans la galerie dite de Buton, MO AR ERA E A NN ER PR Lo pen ed En com LL ML 13. Argile schisteuse, pébrie Teneiites appartenant toutes à la famille des bambous , passant au fer lithoïde comme le n°9. . 0 70 14:5Grès imicacéjaunâtres 1.7 UN SUN INIONION, N BON »» 15. Argile schisteuse à empreintes. .. : : . . . . : L'"»» t6duiflel (couche mob). 274] D UE AUS, SA SEL EL 90 17. Argile schisteuse grise et fer lithoïde en rognons. . . 1 »» 18. Grès ‘et poudingues , comme le no 10. HEC 59 70 1-50 19. Argile schisteuse passant au fer carbonaté lithoïde. . 6210750 20.6Houille ( couchesno. 6 ). . . ./,.. 0 0 ee 0.5 70 21. Argile schisteuse passant au fer lithoïde. . . . . 1 50 22. Grès à grains moyens et à grains fins de couleur jau- il EC AN HR LOT CUT. ORNE ENSEE CEE 28. ROME MEET NU MMS EU Flog 23. Argile schisteuse à empreintes sidéternéitiébles. LORIE - 360 MlHouitlef{reiconche)! :2 11 1 20 AUS 100 AN MUNIE ORNE) 25. Grès et poudingues à petits galets. . . . .:350 » Ce dernier grès se prolonge jusqu’à la rencontre de l'argile schisteuse du toit de la septième couche, qui reparaît sur l’autre versant du bassin avec une inchnaison inverse, et l’on retrouve successivement dans un (505 ) ordre opposé les mêmes roches que nous venons d’énumérer , jusqu’à la rencontre du terrain de schiste talqueux de transition. Indépendamment des travaux les plus importans qui ont été relatés ci-dessus, il a été exécuté, en plusieurs localités assez distantes les unes des autres, de nombreuses tranchées et de petits puits de peu de pro- fondeur qui ont complété les notions que les premiers avaient données sur la structure du bassin houiïller. Tuilerie. — Les couches d’argiles schisteuses sont eat altérées près de la surface du sol , et produisent d’excellens matériaux pour la confection de tuiles et briques. Quelques-unes de ces argiles sont très-réfractaires. On les emploie dans une tuilerie chauffée à la houille que MM. les concessionnaires ont fait construire à proximité des puits de la Blanchardière et de Faymoreau. La contenance du four est de 26 milliers de briques , tuiles ou car- reaux ; chaque fournée consomme de 70 à 80 hectolitres de houille de qualité inférieure , et on fait cuire simultanément de 80 à 40 hecto- litres de pierre calcaire (oolite supérieure ) prise aux environs de Coulonges , et qui est conduite à l’usine en retour de la houille ex- pédiée. Les matériaux sont de bonne qualité et supérieurs à ce qui se fabrique dans le pays. Assises supérieures du lias et oolite. = Au sud du bassin houiller, on rencontre, dans la plaine de Foussais, un calcaire marneux compacte, contenant des gryphées , des ammonites et des bélemnites, qui repose sur les schistes de transition , et ést lui-même recouvert par les deux étages de calcaire oolitique. Formation jaspo-ferrugineuse. — Une formation argilo-jaspoïde recouvre parfois le calcaire et repose le plus fréquemment sur les roches de transition ; elle contient , à partir de la superficie : i° Une argile jaspoïde jaunâtre ou brune et rougeâtre, contenant alternativement des modules de jaspe arrondis et plus ou moins volu- mineux, du minerai de fer granuleux (fer hydraté globuliforme ) et des grains de manganèse oxidé noir, et parfois du plomb sulfuré en rognons toujours peu considérables ; 20 Des bancs continus d’une puissance de 3 à 4 décimètres d’un mi- nerai de fer hydraté composé de feuillets minces appliqués les: uns aux autres , ou un poudingue argilo-ferrugineux ou silicéo-ferruginéux composé de grains plus ou moins volumineux de fer hydraté réunis par un ciment siliceux ou argileux. Ces poudingues forment des banes continus de plus d’un mètre de puissance, dirigés comme les dépôts d’argile qui les contiennent , et d’une inclinaison de 45° environ au sud ; G 4 ( 506 ) 3 Argile smectique. — Une argile smectique blanche, en bancs d’an mètre d'épaisseur, avec modules de jaspe assez volumineux etde couleur blanche où jaune. . Cette formation jaspoide forme une zone continue dirigée presque parallèlement au terrain houiller et au sud de celui-ci; elle repose alternativement sur le calcaire jurassique et sur les roches de transi- tion , et semble s'être moulée sur ces divers terrains, et avoir suivi les accidens qui préexistaient à son dépôt qui paraît être récent. Cette zone se remarque au Mazeau près Saint-Michel-le-Clouq, à Maigre-Souris , à Foussais , à la Vergne-des-Loges , au Moulin-de-la-Roche, à la Rous- sière, à Magné près Coulonges, et se prolonge jusqu'à Cours près Champdeniers ( Deux-Sèvres ). Elle présente en quelques endroits une largeur de plus d’un kilomètre , mais le minerai de fer n'y est pas également répandu, et les dépôts les plus riches sont aux environs des endroits qui viennent d’être cités. Une seconde zone, parallèle à la première, se montre au nord du bassin houiller, mais elle est plus discontinue et n'offre que des dépôts isolés près de la Chapelle-aux- Lys, à la Grimaudière près le Busseau, et à la Jollière près la Cha- pelle-Thireuil. Ces dépôts reposent presque toujours sur le terrain de transition. C’est à la Jollière qu’on exploite l’argile smectique pour la préparation des draps et étoffes qui se fabriquent dans le Bocage. Le dépôt des Veaux, près le Chapelle-Thireuil, offre des rognons de fer hématite très-riches et très-volumineux. C’est dans l'argile du terrain argilo-jaspoïde près le Mazeau , à une demi-lieue au nord de Fontenay, qu'ont été rencontrés quelques rognons de galène à larges facettes, qui donnèrent lieu , il y a quelques années, à des travaux de recherche infructueux. Ces rognons, recouverts parfois d’une couche mince de plomb phosphaté, étaient disséminés, sans aucun ordre , dans l'argile jaunâtre , et à peu de profondeur on rencontra le schiste de transition. Ces fouilles ont fait reconnaître un banc de mi- nerai de fer hydraté de 0 m. 30 de puissance, encaissé lui-même dans l'argile rougeûtre , dirigé du nord-ouest au sud-est , et plongeant sous 450 environ au sud-ouest. La formation calcaire est très-étendue ; et, indépendamment de la plaine de Fontenay, qu'elle constitue entièrement, elle forme des dépôts isolés en plusieurs localités. Le plus important de ces dépôts est celui de la plaine de Chantonnay, qui, recouvrant le terrain houiller de ce dernier endroit et celui de Puyrinsant près Vouvant, occupe une étendue en longueur de plus de trois myriamètres dans la direction du S.-0. au nord-est, et de 6 à 7 kilomètres de largeur. ( 507 ) D’autres petits dépôts isolés se trouvent encore à la Clayière , com- mune de Mervant, à la Chapelle-Thireuil et à Secondigny. Les deux premiers bassins, à leur superposition au terrain de tran- sition , présentent une assise de calcaire marneux gris , d’un mètre ou 1®. 50 de puissance, pétrie de coquilles appartenant aux bélemnites, ammonites et gryphées. Ces dernières sont le plus souvent d’une con- servation parfaite, et ont jusqu’à 8 ou 9 pouces de diamètre. Ce banc repose lui-même sur un calcaire magnésien jaunâtre , rugueux et cel- lulaire, et il est recouvert par une couche de marne grise, dans la- quelle se trouve une quantité énorme de bélemnites et d’ammonites. Ces trois roches constituent la totalité des trois petits dépôts de la Cla- vière, de la Chapelle-Thireuil et de Secondigny. Dans cette dernière localité, le calcaire marneux est exploité pour le service d’un four à chaux et à tuiles, et produit de bonne chaux hydraulique. Ces diverses roches sont rapportées, par quelques géologues, à l'étage supérieur du lias ou dans l’assise inférieure de l’oolite. Dans le bassin de Chantonnay et celui de Fontenay, elles sont re- couvertes par un calcaire blanc oolitique, contenant parfois des grains de plomb sulfuré et peu de fossiles. Dans quelques localités, notamment entre Chantonnay et Ste-Her- mine, on trouve, au dessous de l’oolite, une marne noirâtre schisteuse, fétide , et se désagrégeant facilement à l'air. Cette marne contient beau- coup de pyrites le plus souvent décomposées, et quelques ammonites pyritisées , d’un très-petit diamètre. Souvent on remarque au dessus du calcaire oolitique un banc de 0 m.80 à 0 ». 40 d’un grès calcaire , à grains de quartz très-fins, noyés dans un ciment calcaire. Celui-ci est recouvert par une seconde assise de calcaire oolitique à tissu lâche et crayeux; et c'est sur ce: dernier que se rencontre parfois la formation argilo-jaspoide qui vient d'être décrite, et qui repose plus fréquemment sur les schistes de transition. Nous ne nous étendrons pas davantage , dans cet aperçu , sur les ro- ches de la contrée qui se trouvent à un rayon un peu éloigné du bassin houiller , mais nous ne passerons pas sous silence les grès de l’Her- menaut et de St-Cyr des Gâts. Ce grès, reposant toujours sur les roches de transition, se rencontre en bancs à peu près horizontaux, comme. tous les calcaires, et d’une puissance de plusieurs mètres. Il est com- posé de grains de quartz dont la grosseur varie de celle d’un œuf à celle d’un pois, empâté par un cîment de baryte sulfatée blanche ou rose , et quelquefois de feldspath, ce qui lui donne beaucoup de res- semblance avec un psammite du terrain houiller de la Vendée, qui ( 508 ) contient accidentellement de la baryte sulfatée blanche ou rose. Ce grès, qui se débite en blocs de 2 ou 3 pieds cubes, sert à confectionner des meules de moulin , formées de plusieurs blocs taillés et réunis par une armature de fer. D’après ce qui vient d’être exposé, il est facile de juger de l'impor- tance des exploitations houillères de la Vendée. La houille est abondante; elle produit un coke de bonne qualité , qui estemployé à la forge de la Meilleraie, pour la seconde fusion des fontes dans un fourneau à la Vilkinson. Le fer carbonaté lithoïde se trouve en grande quantité dans les schistes du toit des couches, et pourrait être exploité simultanément avec la houille et par les mêmes travaux. Ce minerai mélangé en proportions convenables avec les minerais hy- dratés du terrain argilo-jaspoide, il n’est pas douteux qu'il ne pût alimenter plusieurs hauts-fourneaux. De petites fouilles faites à Magné, sur un gîte de ce dernier minerai, ont donné la presque certitude qu’il est assez abondant pour alimenter à lui seul une usine. Les argiles ré- fractaires sont communes dans le terrain houiller , et le calcaire de Foussais , de la Chapelle-Thireuil et de Beugné-St-Maixent fournirait la castine. Tous les élémens nécessaires à une usine à fer se trouvent donc réunis à peu de distance, et, pour ainsi dire, dans la même localité. Les cours d’eau peu considérables ne pourraient faire mouvoir la soufflerie, et l’on serait obligé d’avoir recours à une machine à vapeur. La carrière de kaolin de Scillé pourrait fournir de matière une fa- brique de porcelaine ou de poteries fines , cuites à la houille. L'imper- fection des produits de ce genre d'industrie, dans la contrée, assurerait un débit prompt et facile. Les sables amoncelés dans les vallées du terrain houiller sufüraient pour alimenter une verrerie. La soude de varech, fabriquée sur les côtes du département , fournirait un fondant peu coûleux. Une seule chose s'oppose au développement des richesses minérales de cette partie du département de la Vendée, ce sont de bonnes routes ; mais le gouvernement semble avoir senti toute l'importance qu’elle offre, et prend des mesures pour créer de bonnes voies de communication. dm mm gr) ( 509) II. Apercu statistique de la vegelation du departement de La Vienne ; par M. Derasrre, sous-préfet de Loudun, membre de plusieurs Sociétés savantes. Messieurs , des explorations réitérées dans les diverses parties du dé. partement de la Vienne m'ont mis à même d'y former , depuis vingt ans, une de ces collections locales, sinon complète, du moins très- nombreuse , et offrant un vaste champ aux observations sur les Carac- tères spécifiques des Végétaux (1). Peut-être n’eüt-il pas été indigne de votre attention de vous sou- mettre ici quelques-unes de celles auxquelles a donné liew la com- paraison entre eux de plusieurs individus de mêmes espèces, produites par des localités disparates, et de vous faire remarquer , à ce sujet , combien la nature se joue facilement des efforts que nous faisons pour l’encadrer dans nos règles absolues. Mais chacun sait aujourd’hui jusqu’à quel point telle plante, née dans un sol fertile ou dans une prairie riche en humus, peut présenter, dans ses différens âges, des.caractères éloignés de ceux qu'offrirait la même plante venue dans un sable maigre et sans substance ou sur la crête aride d’un cotean. De sem- blables remarques frappent tous. ceux qui se livrent à l'observation de la nature. J'aurai donc soin » dans ce faible apercu de la végétation du département de la Vienne, de ne m'écarter que le moins possible-des considérations générales qui seules peuvent mériter votre intérêt, car il ne saurait entrer dans mes vues de m'occuper ici de questions de nomenclature. ‘ On peut porter à environ douze cents le nombre des plantes de notre département qui produisent des fleurs à sexes distincts, de la fécon- dation desquelles résultent. de véritables semences , et qu’on désigne sous le nom de PHANÉROGAMES. Ce nombre n’est pas susceptible de variation sensible. k Parmi les végétaux d’une organisation moins complète, dont. la reproduction a lieu par le moyen de gongyles rudimentaires , sans que l'observation ait permis d’y reconnaître d'inflorescence à sexes, dis- tincts, et que par cette raison on a appelés CRYPTOGAMES , quinze cents espèces environ ont été recueillies dans mes cartons , ou dessinés par moi, lorsque leur contexture ou la ténuité de leurs parties ne per- mettait pas de les conserver en nature. Ce nombre doit être de beaucoup inférieur au chiffre réel. des espèces qui croissent dans la Vienne. En effet ,. si lon fait attention aux petites dimensions de la plupart (1) L'auteur de ce mémoire a fait hommage à l'école secondaire de médecine de Poiliers, d'un double de la collection des plantes phanérogames du département. © ( 510 ) de ces végétaux, aux conditions dans lesquelles ils se développent le plus favorablement, et au court espace de temps suffisant à beaucoup d’entre eux pour parcourir toutes les phases de leur existence rapide , on ne sera pas surpris de ce qu'ils échappent aussi souvent aux re- cherches et aux observations des naturalistes. Les bois ombragés et bumides , éloignés de la fréquentation de l'homme et des animaux domestiques , en produisent que lé hasard seul fait le plus souvent découvrir. Ajoutez encore à ces difcultés que l’époque de l’année-’à laquelle il faut les rechercher, la fin de l'automne, l'hiver et les pre- miers jours du printemps, sont des saisons qui ne permettent guère de se livrer avec sécurité à des courses très-éloignées. Je ne crois donc pas m'écarter de la réalité én évaluant à 300 au moins le nombre des cryptogames qui ont échappé à mes recherches , et en portant à 3,000 le chiffre total des plantes qui croissent naturellement dans notre dé- partement. , Son organisation géologique y favorise au surplus le développement de la plupart des espèces n:turelles aux départemens voisins : ainsi, tandis que la végétation plus particulière aux terrains primitifs du Limousin , s’avance au sud-est du Haut-Poitou jusqu’à Plaisance , l’Ile- Jourdain et Availles; au nord-est, le versant de la Vienne, dont les tufs calcaires constituent le fonds poreux, présente au botaniste la plupart des plantes du bassin de la Loire. Entre ces deux zones ex- trêmes, le calcaire compacte et grossier qui oceupe la portion centrale de notre département se couvre d'une végétation tout-à-fait analogue à celle de l'Indre , et d’une portion de la Charente et des Deux-Sèvres, dont le plus grand nombre des roches appartiennent aussi aux forma- tions secondaires. Enfin, la situation géographique du département de la Vienne correspondant à ‘peu près à la limite en-decà de laquelle le maïs est encore cultivé avec un certain avantage , on ne doit pas être surpris de voir figurer dans le catalogue de sa flore un grand nombre de plantes particulières à des localités plus méridionales ; car la végétation du Haut-Poitou est toute de transition, soit qu’on la considère sous le point de vue géographique, soit qu’on envisage äansises rapports avec la constitution géologique du pays. L’une des deux grandes sections des plantes PHANÉROGAMES, celle des DICOTYLÉDONÉES, qui comprend toutes les espèces développant, dors de leur germination , deux ou ‘troïs lobes séminaux , renferme un trop grand nombre de familles pour que j'entreprenne de les passer ici en revue. H me sufñira de vous indiquer succinctement quelques-unes des espèces que notre situation, un peu centrale, semblait devoir ex- clure de nos environs. (511 ) C’est l'Yeuse ( Quercus ilex, L.) au feuillage sombre et persistant ; ce sont le Filaria et l’Alaterne , si souvent confondus par les pépiniéristes , plus trompeurs encore qu’ignorans (Phillyria media, Rhamnus ala- ternus, L.), dont les rameaux toujours verts pointent entre les rochers pittoresques du Portau , de la Roche ou de Passelourdain ; l’Erable de Montpellier ( cer Monspessulanus ) s'y propage partout ; le Mico- coulier (Celtis australis), émigré comme lui des provinces méridionales, y projette ses branches souples et vigoureuses, honteux de voir son bois précieux pour les arts, grossir périodiquement les fagois du barbare bûcheron de St-Benoît. Le Chène cerris ( Quercus Cerris } se distingue par l'élégance de son feuillage et sa cupule hérissée de longs appendices entrelacés. Il est commun dans le taillis de Nué, près Loudun; et l’orme à fleurs éparses (Ulmus effusa, Wild. ) se trouve, sur les promenades de cette ville , mêlé à l’ormeau de nos campagnes. Ta Centaurée chondrille ( Centaurea crupina ) du Piéinont; le Lin roïde ( Linum strictum), la Glaucie hybride ( Chelidonium hybri- dum, L.) de la Provence et du Languedoc, se plaisent sur les coteaux de la Grotte-à-Calvin, ou dans les vignes de Neuville et d’Étables. Elles s'y trouvent quelquefois en compagnie de l’Aneth fétide ( Ani- thum graveolens ), plus commun cependant aux environs de Flée. La Crucianelle à feuilles étroites ( Crucianella angustifolia ) , la Co- riandre à deux bosses ( Coriandrum testiculatum ) ont retrouvé dans nos terrains calcaires l’heureuse température de Nice et du Piémont ; et le Géranium tubéreux ( Geranium tuberosum ) de Chypre et d’'I- talie, dont la flore de Marseille semblait pouvoir seule se glorifier en France, se rencontre auprès de Poitiers , dans quelques champs qui avoisinent la promenade du Cours. Le Polychnème des champs ( Polychnemum arvense), la Ger- maudrée des montagnes ( Teucrium montanum ), la Linaire de Pélis- sier ( Linaria Pelisseriana), la Digitale jaune ( Digitalis lutea), la Drépanie barbue ( Drepania barbata, Desf. F1. Atl. ) dont l’hor- ticulture s’est emparée comme fleur d'ornement , habitent nos exposi- tions chaudes , où se retrouvent encore l’Echinope à tête ronde ( Echi- nops spherocephalus ), le Xéranthème cylindrique ( Xeranthemum cylindricum, Rich.), la Lépidie des rocailles ( Zepidium petræum ; L. };, et la Rue fétide ( Ruta graveolens:) naturalisée dans lés rochers du pourtour de la ville. | La Lampourde gloutteron (-Xanthium strumarium ), le Sisymbre à siliques rudes ( Sisymbrium asperum), le Lupin à feuilles étroites (Lupinus angustifolius ), figurent aussi parmi nos richesses végé- ( 512 ) lales. La Consoude tubéreuse ( Symphilum tuberosum) se trouve abondamment à Bonneuil-Matours et sur la rive droite de la Vienne en descendant vers Châtellerault. La Mauve de Nice ( Malva Nicœn- sis, AI. , F1. Ped. ) y est assez répandue , mais bien moins qu'auprès de Saint-Jean-de-Sauves. Le Boucage dioïque ( Pémpinella dioïca, L. ), la Sabline cendrée de la haute Provence ( Arenaria ruscifolia, Re- quien Catal.) couvrent les collines des environs de Lussac. Le Lin fra- gile ( Linum usitatissimum , fragile) , race dégénérée du lin cultivé, se trouve abondant au bord des brandes de Frolles , et l'OEillet sau- vage ( Dianthus sylvestris, Jacquin.) décore de ses larges fleurs empourprées les rochers du Pré-l'Evèque et de la Mérigotte, tandis que les pelouses sèches des environs de Moul'net, de Saint-Georges et d'Étables, étalent au loin les épis purpurins de l’Astragale de Mont- pellier. Enfin, aux environs de Moncontour et de Loudun , on ren- contre quelquefois l'Echballion élastique ( Momordica elaterium , L.), qui infeste les abords de Thouars , et, semblable à une petite pièce d’artillerie chargée à mitraille , lance au loin , à l'époque de la matu- rité de son fruit, les graines qui s’en échappent avec force au moment où il se détache du pédoncule. La végétation des Pyrénées et de l'Auvergne fournit aussi quelques espèces à la flore de la Vienne. L’Hellébore pigamon ( Zsopyrum tha- lictroïdes , L.) se complaît aux taillis ombragés de Ligugé et de Vou- neuil-sous-Biard. La Dentaire à bulbilles ( Dentaria bulbifera) se rencontre, quoique rare, sur le versant nord du parc de Montreuil- Bonnin. M. le docteur Vernial l’a trouvée aussi au bois des Ages, près Civray. Le Séséli annuel (Seseli annuum , L. ) peuple abondam- ment les taillis du Beau-Pin et de Jérusalem près Angliers : un échan- tillon de la Linaire des Pyrénées (ZLinaria Pyrenaïca , Lamk.) a même été recueilli par M. Ch. Desilles auprès de cette ancienne séna- torerie ; mais c'est vainement que depuis nous y avons cherché ensemble cette rare espèce : nous n'avons pas pu l'y retrouver. La Campanule étalée ( Campanula patula ) se produit dans quel- ques terrains granitiques à l’est du département, ainsi que les Cory- dales vrillée et bulbeuse ( Fumaria chaviculata et F. bulbosa, L.), et le Millepertuis linéaire ( Æypericum lincarifolium , Valh. Symb. ) L’Alysson des montagnes (_Æ/yssum montanum) est assez commun aux alentours de Lussac ; l’'Ononide à petites fleurs (Ononis columneæ, Allion. ) , et l’Ononide striée ( Ononis striata, Gouan. ) des collines du midi, se rencontrent fréquemment au sud de nos coteaux calcaires; la Scabieuse des bois (Scabiosa sylvatica ) et l'Aconit tue-loup ( Æco- hilum lycoctonum ), plus rarement et dans des localités plus fraiches. ( 513 ) Le Rosier toujours vert ( Rosa semper-virens ) croit sauvage aux en- virons de l’Ile-Jourdain. J'en ai trouvé une autre espèce, qui a quel- ques-uns des caractères du Rosier de tous les mois ( Rosa semper-flo- rens, simplex), dans la forêt de Lussac et aux environs de Châtel- lerault. Je ne dois pas omettre non plus le Rosier à longs styles { Rosa stylosa ) et le Trèfle à petite feuille ( 7r/olium mycrophyllum), découverts et publiés par Desvaux, bien que l’un et l’autre aient con- stamment échappé aux nombreuses recherches que j'en ai faites après lui, dans les localités mêmes qu’il m'avait indiquées. Enfin , la Chlore à feuilles sessiles ( CAlora sessilifolia, Desvaux, Mém. Soc. Phys.) des marais de Lencloître et de la Palu, la Cen- taurée hybride ( Centaurea hybrida, All. F1. Ped., n° 593) qui n’a- vait encore été trouvée qu’à Turin, et que j'ai recueillie entre Neu- ville et Cissé, en même temps que les Gaillets glauque et cendré ( Galium glaucum et Galium cinerum, L.); le Réséda frux-sésame « Reseda sesamoïdes ) de nos landes sablonneuses, et l’Hélianthème en ombelle ( Helianthemum umbellatum) de Montmorillon, com- plètent, avec deux Cirses curieux, croissant, l’un dans les marais de la Dive, l’autre aux environs de Valette, près Châtellerault, le tableau résumé des espèces les plus remarquables parmi les neuf cents que renferme la section des PHANÉROGAMES DICOTYLÉDONÉES. Trois cents autres environ viennent se ranger dans celle des Moxo- “coTYLÉDONÉES, C'est-à-dire des plantes qui, se développant lors de leur germination avec un seul lobe séminal, présentent plus tard dans le parallélisme des nervures de leurs feuilles un caractère assez constant pour les distinguer suflisamment , sans qu’il soit besoin de se livrer à l'étude plus intime de leur tissu organique. Les principales familles de cette section , sont les Graminées , les Cypéracées, les Liliacees, et les Orchidées. Elles conservent comparativement entre elles, eu égard au nombre relatif de leurs espèces , les mêmes rapports qui se rencontrent dans les flores du centre de la France ; mais quelques-unes méritent une mention particulière à raison de la singularité de leur naturalisation chez nous. La première et l’une des plus remarquables est le Polypogon de Montpellier ( Ælopecurus Monspeliensis ), commun sur les côtes de la Méditerranée et de l'Océan , que j'avais souvent remarqué dans les salines de l’ouest, et que j'ai été bien étonné de retrouver dans l’é- coulement de la fontaine minérale d’Availles-Limousine, située pres- que sur la limite nord du département de la Charente. Quatre autres graminées du midi de la France se rencontrent encore dans la Vienne ; 65 (514) ce sont la Mélique ciliée (Meélica ciliata ), V'Echinaire en tête ( £chi- naria capilata, Desf. Atl.), l’Egilope allongé ( Ægilops triuncia- lis) de la butte de Saint-Genest de Lencloître, et l’Avoine à longue feuille ( Avena longifolia ) , belle espèce découverte par Thore, dans les landes de la Guienne, et que je croyais inconnue encore, lorsque je la recueillis pour la première fois dans les vastes bruyères qui s'é- tendent entre Adriers et Moulisme, arrondissement de Montmorillon. On pourrait ajouter encore l’Avoine améthiste ( Avena amethistina , Decand. ) , si cette espèce signalée par l’auteur de la Flore francaise était bien certainement autre chose qu’une race glabre de l’Avoine pu- bescente ( Avena pubescens , L. ). Elle est très-répandue dans les bois de Langerie, près la Mothe-Champdeniers , et aux environs de la Ville- Mal-Nommée. Les touffes serrées du Carex bas ( Carex humilis, Leyss, F1. Hall.) se pressent en grand nombre sur les coteaux qui avoisinent la forêt de Lussac. Le Carex des sables ( Carex arenaria ), aux longues racines rampantes, se trouve aux Pilouins, près Saint-Christophe , où on les emploie à faire des balais. Le Carex à épi radical ( Carex gynobasis, Vill. Dauph.), naturel aussi à la Provence et au Langue- doc, est commun dans les taillis calcaires de Saint-Benoît. La Fritil- laire pintade ( Fritillaria melæagris ) abonde dans nos prés maréca- geux. La Scille pritanière ( Scilla verra, Huds. Sc. umbellala, Ram. Bull. Phil. } peuple les bois du Palais de Croutelle. L’Ail des Alpes ( Allium Alpinum ), variété de la civette des jardins, connue ici sous le nom d’appétits, habite les crevasses humides des granites de l’Ile- Jourdain ; et le Jonc maritime ( Juncus maritimus ), si commun dans les marais saumâtres de la Charente-Inférieure , couvre de ses souches traçantes certaines parties des marais de la Briande, entre la Cabane- Brûülée et Anvaux, canton de Moncontour. Comment cette espèce a-t- elle pu s’acclimater à une aussi grande distance des bords de la mer, dont elle ne s’écarte pas ordinairement? C’est une de ces particularités qu’il serait, sans doute , bien dificile d'expliquer. Parmi les Orchidées dont un nombre considérable d'espèces se trou- vent à très-peu de distance de la ville même de Poitiers, l’'Ophrys fausse- araignée, aux sépales blancs marqués d’une raie verte (Ophrys arachnites, Hoffm.); la Néottie nid-d’oiseau (/Veottia nidus-avis, Rich.), l’Epipactide en glaive ( Epipactis ensifolia, Wild.), et le Limo- dore avorté ( Limodorum abortivum , Swartz ) méritent seuls une mention particulière. — Les autres plantes du département de la Vienne appartiennent en général à ces genres et à ces espèces vul- gaires, qui se retrouvent en majorité dans presque toutes les parties (515 ) de la France et forment, à proprement parler, le fond de chacune de nos flores locales. Il reste maintenant cette autre grande division des végétaux dont l'inflorescence est toujours obscure, alors même qu’elle semble se manifester à l’extérieur par quelques-uns des caractères particuliers aux PHANÉROGAMES. Les Fougères , au nombre de trente environ ; les Mousses et les Hepatiques qui , réunies, ne fournissent guère que cent cinquante espèces , ne présentent point chez nous cette richesse numérique , qui distingue les provinces de l’Anjou , de la Bretagne et de la Normandie. L’Adianthe capillaire (Ædianthum capillus Veneris), la Doradille du Nord ( Asplenium septentrionale), et l'Osmonde royale (Osmunda regalis), qui , majestueuse comme une fougère des tropiques, fait l’ornement des rives de la Vienne, entre Ayailles et V'Ile-Jourdain ; les Hypnes doré et de Vaucluse ( Æypnum Chryso- phyllum et H. Vallis-Clausæ , Brid. Musc. ),non plus que quelques autres mousses assez remarquables, ne sauraient sortir notre dépar- tement de la ligne commune des localités trop arides pour être favorables à la multiplication de ces plantes, dont le tissu plus ou moins hygrométrique ne se développe avec succès qu’au milieu d’une atmosphère plus humide, et dans un pays plus couvert que le nôtre. Que si nous descendons encore l'échelle des végétaux à organisation incomplète, les genres ZLecidée, Parmelie, Collème et Cenomyce, appartenant au groupe des Lichens, nous relèveront un peu de la pénurie d'espèces que je viens de vous signaler dans les précédentes familles. Les Cénomyces surtout, dont la forêt de Châtellerault produit un si grand nombre, s’y présentent sous des combinaisons de formes, d’aspects et de nuances si diverses , qu’après les avoir comparées avec attention les unes aux autres, on demeure indécis de savoir si toutes ces gracieuses productions à entonnoirs, à ramifications multiformes , à fructifications passant du rose au noir par les nuances du carmin le plus vif, sont autre chose qu’un jeu brillant de la nature, qui semble s'être complu à exercer sur une même espèce toute sa puissance de variété. — Le nombre total des lichens de la Vienne est d’environ deux cent vingt : beaucoup peuvent être employés pour la teinture ou comme médicamentaires. Les Hypoxylées , quoique nombreuses, fne peuvent figurer ici que pour mémoire. L’exiguité de la plupart d’entre elles, l'obscurité de leurs caractères, presque toujours difficiles à bien déterminer, jus- tifient suffisamment cette omission de détails. J'en possède plus de cent vingt, et ma collection est encore loin d’être complète sur ce point. (516) La grande section des Champignons renferme à elle seule près de mille espèces, et se subdivise en groupes naturels assez nombreux. Le Clathre rouge ( Clathrus ruber , Micheli ) se distingue à ses bran- ches de corail qui s’anastomosent en losanges flexueuses. 11 se complaît dans quelques sables légers des environs de Loudun ; il y est cependant moins répandu que le Satyre obscène ( Phallus impudicus) , dont le chapeau distille , ainsi que le Clathre, une mucosité verdâtre, d’une odeur repoussante. Certains champs sont quelquefois couverts de ce Satyre, comme s’il y avait été semé à dessein. On le trouve aussi près de Clervault et de Lencloitre. Le genre Ægaric, si nombreux et si difficile à étudier, offre à l’art culinaire une vingtaine d’espèces alimentaires de saveurs variées ; mais on ne consomme guère dans le pays que les plus communes , savoir : l’Agaric de couche (Ægaricus edulis, Bull. Ag. campestris, L.), qui se vend sous le nom de Champignon rose; le Mousseron à odeur de fa- rine ( 4g. Prunulus , Fr.); le faux Mousseron ( 4g. Oreades, Fr.); l’Agaric élevé (4g. Procerus, Fr.), plus connu ici sous le nom de Clu- seau; l'Agaric du Panicault, vulgairement nommé Orgouane ; et l'O- ronge, fatale à l’empereur Claude ( 4g. Cæsareus, Fr.), la plus exquise de toutes les espèces de ce genre. On emploie également pour l’usage de la cuisine plusieurs Bolets , qu’on désigne indifféremment sous le nom générique de Ceps ; mais on a grand soin de rejeter les tubes qui en garnissent la surface infé- rieure , et qui se détachent facilement. Rien ne justifie cette précaution maladroite ; car, préparés à l’état frais, ces tubes offrent une nourriture saine et plus agréable au goût que la chair qu'ils tapissent , et qu'il convient de conserver pour l'hiver, desséchée en chapelets et tenue à l’abri de toute humidité. — Les Polypores, généralement coriaces ou ligneux, dont les tubes sont inséparables de la substance du chapeau , présentent peu d'espèces comestibles. Une d’elles , rare et très-petite , le Polypore protée ( Polyporus mulliformis , N.), de la forêt de Chà- tellerault , appartient au groupe des Guépiers ( Favolus , Beauv.), et a été adoptée par le docteur Persoon dans sa correspondance avec moi ( 26 décembre 1825.) Les Hydnes hérisson , corail et sinué, sont encore des alimens agréa- bles qui ne contiennent aucun principe malfaisant. Trois espèces de ce genre , nouvelles, mais qui ne sont pas comestibles, se rencontrent assez fréquemment aux environs de Châtellerault. Communiquées à Persoon , il les a publiées dans la deuxième section de sa Mycologie Européenne. Ce sont : l’Hydne à grosses dents, qui ne se rencontre que sur les troncs morts et les souches cariées du chêne ; l’'Hydne odorant (517) qui croît sur la terre des bosquets etse trahit au loin par la forte odeur de trigonelle qu'il exhale ; et l'Hydne bicolore, qui se distingue à son thalle , plaqué d’abord, puis réfléchi, tomenteux, d’un jaune pâle marqué de zones. Ses aiguillons très-réguliers , et allongés en pointe cy- lindrique , sont quelquefois incisés au sommet : leur couleur primitive de chair foncée passe plus tard à celle de rouille ou d'orange. Il se trouve sur les branches de chène tombées à terre. Plusieurs Clavaires pourraient, sans inconvénient, être mangées de même que les hydnes ; mais elles ont, en général, une certaine amertume qui leur est propre, et qui ne plaît pas à tous les goûts. La petite section des Æelvelles vraies a le privilége au contraire de fournir bon nombre d’espèces délicates et généralement recherchées. La Morille comestible ( Morchella esculenta, Fries); la Morille à moitié libre (Morch. semi-libera, Fr.), et une espèce d'Automne que je n'ai pu encore étudier vivante; l’Helvelle mître ( Helvella mitra, Fr.), et l’Helvelle élastique ( Helv. elastica, Fr.) , à laquelle on ne peut reprocher que ses proporlions un peu grêles , se recomman- dent aux gourmets par la finesse de leur goût. L'Helvelle nonette (Helvella monachella , Fr.), espèce omise dans toutes les flores de France, et qui est assez commune parmi les pelouses sablonneuses d’Angliers, mérite à tous égards de figurer sur la mème ligne. Elle se reconnaît à son stipe creux, lisse, d’un beau blanc d'ivoire, ombragé par un capuchon brun-noirâtre, à plis gracieusement contournés. Cette espèce, commune en Italie, paraît dès les premiers jours du prin- temps. Elle se vend à Loudun , mêlée au Verpa doigtier ( 7’erpa digi- taliformis, Pers.), qui est cependant moins recherché. Parmi les Pezizes assez nombreuses que j'ai recueillies, je ne men- tionnerai ici que quatre espèces curieuses : la Pézize à bouche étroite ( Pez. stenostoma , Fries) ; la Pézize à bouquets ( Pez. sertulosa, Pers. Corresp. ); la Pézize rosâtre ( Pez. roseola, Fries), et la Pézize écar- late ( Pez. coccinea, Jacq. Austr.), que sa couleur éclatante et sa forme moins irrégulière distinguent suffisamment de la Pézize orangée (Pez. aurantia , F1. Dan.) , et de la Pézize en limacon ( Pez. coch- leata, umbrina , Fries. ) On trouve dans la Vienne deux espèces de Truffes : l’une petite, qui reste constamment d’un blanc jaunâtre, et dépasse rarement le vo- lume d’une noisette. Je l'ai recueillie plusieurs fois sur quelques coteaux ombrages des environs de St-Benoît, dans le voisinage de la Truffe comestible ( Tuber cibarium). Elle y est cependant plus rare encore que cette dernière espèce, qui, depuis 1821, fait l’objet d'une exportation assez considérable pour notre département. Couhé, Ci- (518) vray, Chauvigny fournissent les plus renommées par la délicatesse de leur parfum. Il s’en expédie beaucoup à Paris sous le nom emprunté de Truffes de Périgord ; mais nulle part on n’en fait annuellement une récolte plus abondante qu'aux environs de Loudun, dans le pays situé entre cette dernière ville, Chinon et Richelieu (1). Les Zycoperdacées offrent plus d'intérêt par les diverses transfor- mations qu’elles éprouvent avant de parvenir à leur état parfait de développement , que par l'utilité dont elles peuvent être en économie domestique. Elles affectent , en général , les formes les plus variées, et sont revêtues parfois de couleurs très-éclatantes. La Vesse-loup violette ( Lycoperdon violaceum , N.), et la Stémonite dictydie ( Stemonitis LR (x) L'extension remarquable imprimée en France , depuis environ une vinglaine d'années, à la consommation de la truffe, avait engagé plusieurs propriétaires du Loudunais à essayer d'en propager la production. Leurs tentatives ont été couronnées d'un plein succès. On savait déjà que les truffes ne se rencontrent que dans les terrains graveleux de formation calcaire ; qu’elles préfèrent surtout un sol chaud et aride où la végétation soit peu active, et que leurs propagules ne se développent bien que dans le voisinage des racines les plus déliées de certains arbres, tels que le chéne, le charme, et le noiselier. On avait remarqué aussi qu'à mesure que ces arbres devenaient plus ro- bustes, la récolte des truffes allait eu décroissant, et qu'elle était à peu près nulle lorsque le taillis plus fort pouvait être mis en coupe réglée. On fut éonc conduit tout naturellement à essayer des semis de chéne dans les terrains les plus favorables à la production de ce précieux tubercule. Ceux désignés dans le pays, sous le nom de galluches, y sont tous plus ou moins propres. Le sol, formé de quelques pouces d'une terre argilo-ferrugineuse à peu près stérile, contient toujours en grande quantité des fragmens roulés de calcaire compacte et des sables fins mélangés calcaires et quartzeux. Ils recouvrent un banc puissant de calcaire argilo-marneux à pâte compacte et sonore , qui se fendille naturellement en feuillets délités de peu d'épaisseur. Ce calcaire a quelques rapports avec celui que l'on exploite pour la lithographie. Un sol aussi maigre, qui sur 1090 parties en contient environ 500 de calcaire, 325 d’argile et de fer, 150 de sable quartzeux, et 25 tout au plus de terre végétale propre- ment dite, n’offrait que peu de chances de réussite aux semis qui y étaient tentés. On s’inquiéta peu néanmoins de ces difficultés, puisque tout faisait présumer avec raison que le cultivateur se trouverait largement indemnisé par le produit des truffes, qui ne nécessitent aucuns frais d'exploitation, du retard qu’il pourrait éprouver dans l’aménagement de ses taillis. Ces prévisions se sont complètement réalisées , et aujourd'hui certains propriétaires font des semis réglés de chêne, calculés de façon à en avoir chaque année quelques portions à exploiter comme frufières. [l faut ordinairement de 6 à 10 ans pour qu'une truffière soit en rapport. Elle conserve sa fertilité durant 20, 30 années, suivant que le chêne prospère plus ou moins. Lorsque ses touffes ont acquis une certaine vigueur, et que leurs rameaux entrecroisés ne permettent plus au sol ombrage de recevoir l'influence fécondante du soleil et des variations successives de l'atmosphère , alors le foyer s'éteint peu à peu; mais le pays y a gagné de voir convertir en bosquets mulli- pliés des plaines désolées, jusque-là complètement improductives. ( 519.) dictydioides , N.) sont assez communes autour de Châtellerault. La dernière surtout, appartenant à la tribu des Trichiacees, se ren- contre fréquemment sur les Préles et autres herbes mortes exposées à l'humidité. Les Mucedinées aux ramifications élégantes et légères, nous condui- sent insensiblement jusqu'aux limites les plus délicates de la végéta- tion; à ces êtres dont il faut saisir instantanément l'existence , qu’un léger souffle anéantit , qu’un rayon de lumière dévore. — Et cepen- dant avec ces élémens fugaces dont l’affaissement laisse à peine sur le porte-objet du microscope quelques débris perceptibles à l’œil armé de l'observateur, la nature, inépuisable dans sa fécondité, a pu former une immense quantité d'espèces reconnaissables à des caractères constans ! J'en ai observé et dessiné près de trois cents, dont plusieurs n’ont point encore été décrites. Nous venons , Messieurs , de faire ensemble une longue excursion dans le département de la Vienne : nous en avons exploré successive- ment les expositions et les terrains variés. Chacun d’eux figure pour quelque rareté dans le tableau que je viens de dérouler devant vous. Nous avons même été minutieux dans nos recherches. Nous avons recueilli, parmi quelques rocailles ombragées et humides, les fou- gères, les mousses et les hépatiques habitantes des lieux frais. Les roches de toute nature , le tronc rugueux des vieux arbres , la surface stérile de quelques landes argileuses , et jusqu’au sol improductif que recouvre un sable mobile, nous ont offert les gracieuses variétés de leurs lichens-protées. Nous avons récolté sur la pelouse des coteaux et dans les bosquets ombragés des taillis, ces champignons savoureux, délices du gastronome , qu'on ne redouterait plus autant si l’on dai- gnait prendre le plaisir de les observer davantage. Les bois morts se sont couverts pour nous de nombreuses hypoxylées et d’élégantes tri- chies ; enfin les détritus de végétaux , les champiguons décomposés , en un mot, tous les corps fermentescibles ont étalé sous nos yeux une foule de mucédinées dont le microscope seul a pu nous faire saisir la délicate organisation. Nous aurons encore recours à Ce précieux auxiliaire pour étudier avec fruit ces végétations aquatiques qui peuplent les bassins de nos fon- taines , s’allongent en touffes onduleuses dans les eaux rapides des courans ou tapissent le fond tranquille des rivières profondes. — Mais ici, Messieurs, combien je dois regretter, pour vous, l'absence de mon savant ami Bory de Saint-Vincent , qui depuis près de quarante ans se livre à des observations suivies sur l’ensemble de ces singulières productions. Bien mieux que moi, il vous eût initiés aux mystérieuses ( 520 ) amours des Æydrophytes. I vous eût dit, sans fatiguer votre attentiofi charmée par la richesse de son imagination , l’organisation intime des Ulves aux frondes membraneuses , et des Ceramiaires dont les fila- mens articulés produisent extérieurement leurs gemmes distinctes. J] eût décrit ses jolies Audouinelles aux touffes violacées , et la Céramie du Poitou ( Ceramium Piclaviense , N.) que j'ai découverte au bas des chaussées de nos moulins , où elle est malheureusement trop rare, et qui se développe inaperçue au milieu du fracas de leurs cas- cades (1). Ses Chaodinées , caractérisées par le mucus albumineux dont elles sont revêtues , vous auraient montré tous les degrés successifs de leur organisation progressive, depuis le chaos rudimentaire jusqu’à ces genres plus compliqués dont les ramules ciliformes semblent ne plus appartenir aux filamens principaux qui les ont produits. La Thorée ; arrachée aux eaux profondes!, eüt allongé devant vous ses obscures guirlandes , hérissées de soies molles et touffues, qui passent par la dessiccation au violet le plus vif. Les Draparnaldies auraient dessiné leurs flocons légers et les faisceaux verdoyans de ces ramifications dia- phanes qui leur donnent l'aspect d’une mousse soyeuse flottant avec grâce dans les eaux pures. Vous auriez vu les Batrachospermes plus sombres , attachés au fond des ruisseaux rapides , agiter les touffes légères de leurs chapelets glissans , et s'échapper comme par magie de la main qui veut les saisir. Quelque regret que j'éprouve de passer sous silence toutes les mer- veilles de ce monde nouveau, dont la découverte est due à l’art puis- sant des Sellique, des Frécourt et des Chevalier, je négligerai cepen- dant les nombreuses conferves à filamens articulés, dont le tube intérieur renferme des fructifications constamment inertes, pour arriver à cette singulière famille des Ærthrodiees , qui placée sur la limite du règne végétal et du règne animal , semble participer et participe en effet de la nature de l’un et de l’autre. Les Fragillaires , les Oscillariees surtout, dont la végétation pro- gressive est si rapide, se livrent à des mouvemens spontanés, peu sensibles , il est vrai, dans certaines espèces, mais sur la réalité desquels tous les naturalistes sont à peu près d'accord, aussi bien que sur leur animalité. Les Conjugees , aux filamens allongés et soyeux , se développent par masses, mais libres et simples dans les eaux douces ; puis à une époque .(1) Cette espèce étant la seule du genre Céramie trouvée encore dans les eaux douces, j'en donne ci-après une figure grossic au microscope composé, par une len= tille de trois lignes de foyer. ( 591 ) plus avancée de leur existence, elles se recherchent, s’enlacent , et sé soudent l’une à l’autre dans un accouplement véritable, qui présente à peu près l’ensemble des caractères positifs de la fécondation animale: Ce sont les Salmacides , aux spirales diversement arrondies ; les Ten- daridees aux étoiles géminées , et les Zygnèmes dont la fructification se développe au point même qui unit les deux filamens accouplés. Le Zygnème délié (Zygnema exile (1), N.) est une espèce très-élégante du département de la Vienne, et qui n’a pas encore été publiée. Je l’ai figurée ici, avec la Céramie du Poitou, mais grossie au microscope, à une lentille d’une ligne. Enfin la tribu des Zoocarpées renferme plusieurs espèces qui pré- sentent le phénomène remarquable « de l’état purement végétal et de » l’état entièrement animal , se succédant l’un à l’autre dans le même » être. » Les filamens confervoides de ces productions ambiguës ren- ferment, au lieu de gemmes, des Zoocarpes , véritables animalcules, qui, après avoir brisé le tube qui les contient et s’être choisi un site favorable à leur développement, renoncent à tout mouvement , se fixent par une de leurs extrémités, et s’allongent à leur tour en fila- mens végétaux, lorsque la nature leur en indique l’époque. Comme il ne m’a point été donné de saisir l'instant précis auquel s'opère cette espèce de métamorphose, je me bornerai au simple exposé d’aussi curieuses observations. — D'ailleurs , Messieurs, en me laissant aller au plaisir de vous les retracer avec plus de détail, je me verrais entraîné insensiblement hors du cercle dans lequel je me suis cir- conscrit, en vous annonçant un apercu de la végetation du départe- ment de la Vienne. Puissiez-vous ne pas trouver que j'aurais dû le restreindre davantage encore: (1) J'ai conservé au genre Zygnème le nom que Bory de St-Vincent lui a assigné dès 1622, dans le premier volume du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, c’est-à- dire trois ans avant la publication du Systema Algarum d'Agardh. La nomenclature de ce savant algologue ne saurait être adoptée pour le genre qui nous occupe ici. En effet, il a donné au genre Zygnema déjà publié, le nom postérieur de Mougeotia , pour établir sous ce nom consacré de Zygnème, deux autres espèces de Conjugées, les Salmacides et les Tendaridées, dont l'organisation est très-distincte. Dans ces deux derniers genres, les fructifications ( gongyles ) se déveluppent solitsires dans chacun des articles ; dans le genre Zygnème, au contraire, elles sont toujours situées en dehors des articles, au point de jonction des deux filamens accouplés. 66 (522) Explication des Figures. Fic. 1. Zygnème délié, D. (Zygnema exile). Cette espèce dont les filamens, d’un vert jaunâtre , sont de moitié plus grêles que ceux du Zygnème coudé (Conferva genuflexa, Roth), et légèrement arqués entre chaque stygmate d’accouplement, forme dans les eaux stagnantes des landes argileuses, aux environs de Châtellerault, des chaînes assez régulières, à anneaux toujours arrondis. Elle diffère du Zygnème coudé, avec lequel on pourrait la confondre, en ce qu'elle ne se coude jamais en angle au point d'union, et que ses articles sont beau- coup plus allongés, comparativement au diamètre du tube. 4u printemps. Fic. 2. Céramie du Poitou, D. ( Ceramiun Pictaviense.) Touffes ar- rondies très-rameuses , de huit à quinze millimètres de hauteur. Filamens dichotomes, brillans, d’un brun roussâtre clair; articles parfois très-allongés, les inférieurs atteignant jusqu’à quinze fois le diamètre du tube ; articulations marquées par une ligne transparente vivement tranchée entre chaque article. — Sur les fontinales , au bas des chaussées des moulins , autour de Poitiers. Eté. Très-rare. Zyonime delié. Ceramie de Poitou. (w] Zyonima pracilis. N. Ceramimmn Pictavieuse. an — —_ L'aucx déagnandtes des (erres Der es Lontoecées ar fe. den æ'ycleures {lracterzps). Chaussées de Moulins. ( 528 ) AV. Tableau de Botanique à pièces mobiles ; par M. PALUSTRE, doc- teur-médecin à Niort (1). L'auteur de ce travail, dans les vues de mieux graver dans sa mé- moire la disposition raisonnée des familles naturelles des plantes dans chacune des 16 classes de la méthode de l’illustre professeur de Jus- sieu , et celle des genres dans chacune de ces familles , a concu l’idée de représenter cette méthode sous la forme d’un jardin artificiel ou mécanique, disposé de manière que l’œil puisse embrasser tout à la fois l’ensemble et tous les détails de la méthode. C’est un grand cadre, une sorte de jeu de botanique , où sont méthodiquement établis les noms des trois grandes divisions principales des végétaux, des classes qui les sous-divisent , des familles , des sections ou sous-familles et des genres , et de la même manière que ces différens groupes le sont dans un jardin consacré à leur étude; mais dont toutes les parties peu- vent être à volonté transportées d’un point à un autre, de sorte qu’on y peut faire avec la plus grande facilité tous les changemens , toutes les mutations que nécessite la marche progressive de la science. Pour ce qui est du matériel , ce tableau se compose de huit plan- chettes de 30 pouces de longueur sur 12 de largeur, et percées chacune de 288 trous , disposés sur 16 rangées, et en tout 2,304. Ces trous sont destinés à recevoir autant de petites quilles, différant de hauteur sui- vant la nature des groupes auxquels ils sont affectés, et ayant un épaulement à leur base et une olive fissurée à leur tête, Ces quilles soutiennent ainsi , à des élévations diverses, des cartes de dimensions et de couleurs différentes. Une même couleur est uniformément affectée à chaque ordre de divisions ou sous-divisions de la méthode, Les cartes portent sur une de leurs faces les noms adoptés par M. de Jussieu pour désigner tant les trois grandes divisions du règne vé- gétal ( les acotylédones , les monocotylédones, et les dicotylédones ), que les classes, les familles , les sous-familles et les genres, L’au- teur, tout en ne s’écartant point de la nomenclature adoptée par M. de Jussieu pour les familles, a cru utile néanmoins d’y joindre des synonymes empruntés à Tournefort, à Robert Brown, à de Can- dolle et à quelques ‘autres botanistes célèbres. Il est à remarquer que M. le docteur Palustre , en. employant des * couleurs différentes pour distinguer les divers ordres. de groupes de la méthode naturelle : le vert pour les trois divisions principales, le rouge pour les classes, le jaune pour les familles, le bleu pour les sous-familles , et le blanc pour les genres, a affecté exclusivement à (1) Voyez page 78. ( 524 ) tout ce qu'il a emprunté à de M. Candolle la couleur rose, au revers des trois premières couleurs , afin d’y attacher une marque bien distincte et bien tranchée. On ne peut se dissimuler que le travail ingénieux de M. Palustre ne présente des avantages réels : d'abord, par son moyen , on em- brasse d’un coup d’œil l’ensemble et tous les détails de classification que peut présenter le jardin de botanique qui a été planté avec le plus de soin d’après la méthode de M. de Jussieu, et dans la plantation duquel on a eu le plus d’égard aux rapports essentiels et aux affinités d’après lesquels les familles sont disposées dans chaque classe, et les genres dans chaque famille. En second lieu , en raison de ce que toutes les pièces de ce tableau sont mobiles , on peut, en en variant le place- ment, représenter de même, et rendre pour ainsi dire palpables, plu- sieurs autres modes de classification des familles naturelles fort inté- ressans, et où elles sont peut-être plus faciles à étudier : telles sont les classifications de MM. Deslongchamps et Marquis , et de M. de Can- dolle. Ce tableau ne peut être que d’une grande utilité, soit dans les mai- sons d'éducation où l’on voudrait donner des notions générales de botanique , soit pour les personnes qui, désirant se livrer à l'étude philosophique des végétaux, n'auraient pas à leur disposition de jardin où ils seraient disposés par familles naturelles. On ne saurait avoir un guide plus commode pour planter un jardin de botanique avec une sorte de symétrie tout à la fois élégante et propre à faciliter l'étude. V. Recherches , en France, sur les poissons de l'Océan, pendant les annees 1832 et 1833 ; par M. »E LA PyLaIr ( de Fougères ). Lorsque j’annoncai au célèbre Cuvier, en 1830, mon départ de Paris, pour continuer mes recherches sur les algues de l'Océan , il eut la bonté de me rappeler ce qu'il avait dit d’avantageux , dans son grand Traité des Poissons , de mon travail sur ceux de l’île de Terre-Neuve, qui formait mon début en ichtyologie. Dans ces contrées lointaines, où tout devenait nouveau pour moi, je sentis que le botaniste ne devait pas se refuser à l'étude des autres productions de la nature: je savais obser- ver, décrire, dessiner, et, fort du désir de servir la science en général, je m’occupai des diverses branches del’histoirenaturelle. L'examen des pois- sons que m’y présenta l'Océan Atlantique, me rendit ensuite curieux de connaître les espèces de nos côtes, et je commencai par celles du dépar- tement du Finistère; mais je n’y séjournai pas assez sur le littoral pour (525 ) obtenir un résultat aussi complet que je l'avais espéré. Je revins même à Paris; et témoignant à mon illustre maître combien le genre des Raies m'offrait de difficultés, d’incertitudes, pour déterminer les es- pèces, en fixer les limites : « Je serais étonné du contraire , me répon- dit-il ; il y a long-temps que je travaille ce genre, et, à l'exception d’un certain nombre d'individus, je n’ose rien statuer encore sur les autres. Je vous en prie, étudiez-les pour vous et pour moi. » Je vins à l’ile de Noirmoutier; et là, trouvant chez M. Piet l'ouvrage de Lacépède sur les poissons, celui de Bloch également, je vis que tout était à faire dans cette branche si importante de l’histoire naturelle. En effet, cette partie de la science exige surtout qu’on soit sur les lieux, qu’on prenne, en quelque sorte, la nature sur le fait, car les couleurs de la plupart des poissozs s’altèrent plus tôt encore que les plantes ne se flé- trissent.….. Et ces savans habitaient Paris. Chez Lacépède , on voit que l’auteur cherche à couvrir, par des fleurs de rhétorique, le manque de caractères pour la plupart des espèces : on trouve la même insuffi- sance chez Bloch ; joignez à cela des descriptions souvent faites sur des poissons empaillés , ou conservés dans l'esprit de vin. Alors il ne peut régner qu’un vague trop fréquent pour les formes des lèvres, de la partie supérieure du museau , antérieurement : toutes leurs couleurs s’altèrent immédiatement aussi par l’alkool. Voilà ce que j’ai reconnu de suite , et pour ces ouvrages et pour les espèces que j'ai voulu conserver moi- même dans des flacons. J'ai alors senti la nécessité de m'établir sur la côte, d’y épier l’arrivée des bateaux de pêche, pour me procurer les poissons qui m'intéressaient, les dessiner et les décrire au sortir de la mer. Quant aux détails qui concernent ces poissons, il m’a fallu me mêler parmi les pêcheurs, même leur payer bouteille au cabaret ; et LR, enfin, j'obtenais, au milieu de la fumée des pipes, le complément des détails concernant chaque espèce. Je ne dois pas omettre de donneräci la série des questions que j’a- dressais à ces marins, parce qu’elle servira de base, en pareil cas , aux autres naturalistes : Ce poisson est-il rare? Quelle est sa grandeur ordi- naire ? N’est-il particulier qu’à cette côte, ou l’avez-vous aussi rencontré sur celles d’Angleterre, d’Espagne, dans la Méditerranée ? Se tient-il à de grandes profondeurs ? sur un fonds de roche, ou de vase, ou de sable ? Aime-t-il les courans, ou les mers paisibles ? Reste-t-il dans le pays et en prend-on toute l’année , ou bien disparaïît-il à certaines époques ; est-ce en été ou en hiver? Y a-t-il une saison connue pour son frai ? Croît-il promptement ? Ses couleurs sont-elles les mêmes dans tous les âges et dans tous les individus ? Vivent-ils par troupes ou isolés ? Quels sont leurs ennemis? Nage-l-il avec vitesse ou d’une manière parti- ( 526 ) culière? Dans quelle contrée en pêche-t-on davantage? etc. C’est à l’aide de ces divers renseignemens que je complétais mon travail par l’histoire de l'individu. Comme les figures ne sont pas exécutées, chez les auteurs, avec toute l’exactitude qu’exige surtout un type d’espèce, je n'ai que trop rarement trouvé mes dessins identiques avec ceux des ouvrages cités : ou bien encore si ces derniers ont été rendus aussi fidèlement que les miens, la différence ne proviendrait-elle pas d’une altération de forme dans le, poisson par tant de causes qui peuvent les modifier, telles que les climats, l’âge, la qualité ou l'abondance des alimens; la fécondation par des espèces congénères, ou par le mé- lange de la laitance dans la masse des eaux? Il résulte de cette non- conformité que j'ai mieux aimé établir, comme variétés ou espèces distinctes, beaucoup de poissons que j'avais sous les yeux, plutôt que de les présenter comme constituant l'espèce elle-même, mais si gnalée d’une manière insufhisante par les auteurs. A ce sujet, les ichtyo- logistes statueront ensuite comme bon leur semblera, dans l'intérêt de la science. Comme un traité des poissons de la ‘mer qui baigne les côtes de France nous manque encore, je présente le résultat de mes recherches comme formant le commencement de cet ouvrage. Pour le rendre complet , il faudrait plus de recherches , plus de temps que je n'ai pu lui en consacrer jusqu’à présent : néanmoins, j'ai été assez heureux pour connaître, à un très-petit nombre près, tous les poissons que nos pêcheurs ont l'habitude de prendre, et beaucoup d’autres qu'ils ne rencontrent qu’accidentellement. Comme leur ensemble, en le rédui- sant au simple état de prodrome, deviendrait trop long pour faire partie des mémoires du Congrès , je me bornerai à n’en donner ici que le sommaire. Je ferai observer que c’est seulement pendant les années 1832 et 1833, c’est-à-dire pendant mon séjour à Noirmoutier , à l’Ile- Dieu et aux Sables-d'Olonne, que j'ai observé tous ceux de l'Océan que j'ai décrits et dessinés. La collection totale se monte à espèces, répartiesen genres : nous les classons ici d’après Lacépède. Dans la première tribu, celle des poissons cartilagineux , nous avons observé près de 40 individus, dont trois appartiennent au genre Pé- tromyze, dont les espèces sont, en quelque sorte, de véritables ser- pens, dont la nature a faconné les organes respiratoires de manière à les approprier au liquide dans lequel elles doivent passer leur vie. J'ai vu la belle Lamproïe dela Loire, et deux petites espèces dans le Nanson, à Fougères, département d’Ille-et-Vilaine, qui sont le Lam- prion , et l’autre que j’ai nommée P. anomalum , d’après la différence dans la structure de sa bouche. Une telle différence entre ces deux (527) petites espèces édentées, à laquelle nous joindrons surtout celle de la Lamproie fluviatile, pourvue ;de dents nombreuses, et dont la bouche ne nous offre qu’une fente longitudinale quand elle est close, constitue un sous-genre, pour chacun de ces poissons. Nous passons brusquement aux Squales , espèces qui n’ont de rap- ports avec les Lamproies que par leur système respiratoire et leurs os cartilagineux. Je ne regrette point de n’avoir pas rencontré le Requin sur nos côtes de l’Océan ; sa présence y serait un nouveau danger pour l'espèce humaine : mais j'y ai observé les Spinax acanthias ; une autre Spinax peut-être, que j’ai nommée vitulinus, par la conformation de sa tête, qui rappelle un mufle de veau; puis les Musielus vulgdris , Scyllium catulus, Atlanticum : j'ai trouvé cette dernière trop diffé- rente de l’espèce figurée dans l'Encyclopédie pour la rattacher à celle des auteurs. Il en a été de même pour le Scymnus , que j'ai nommé Aquitanensis , et que les pêcheurs nomment la Senille ou Chenille, à lIle-Dieu. On ne le prend que très-rarement dans ces parages. Comme le nom de SquAzrAIE nous signale déjà les affinités qui exis- tent entre cette forme anomale des Squales et les Raïes, j'ai préféré ce nom à celui de Squatine , par lequel on désigne l’Ange-de-mer, l’An- gelot ou Mordacle, car ce poisson est connu sous ces trois noms. J'ai eu le plaisir d'en découvrir une nouvelle espèce, que j’ai nommée cervicata , pour la distinguer de l’ordinaire qui est acéphale, Squal- raia acephala, N. A l'exception de ces derniers poissons, il y a tant d’affinités entre les autres que rigoureusement les genres nouveaux ne sont que des sous-genres , tel qu’on doit le considérer en histoire natu- relle. En établissant la Torpille avant les autres Raies, on forme le passage naturel du groupe des Squales avec ces autres poissons. L'Océan m'a présenté l'espèce ordinaire sur nos côtes occidentales, que j’ai nommée orbicularis, d'après la conformation que son corps recoit de ses deux nageoires pectorales : et par là je distingue ce poisson d’une autre espèce que j'ai rencontrée aux Sables-d'Olonne, et que j'ai appelée elliptica, d’après la structure de l’ensemble des mêmes parties. Les Raies, proprement dites, sont l’écueil du naturaliste par la va- riation presque individuelle qui existe dans les parties que nous prenons pour base de leur distinction réciproque, parmi certaines espèces ex- trèmement voisines, telles que les Raïes bouclées ou épineuses : je livre volontiers cette mine inépuisable de petites différences aux faiseurs d'espèces , au préjudice de la science. Il en est ici comme en botanique, parmi les rosiers , les chênes, les géraniums, etc., où toutes ces plantes ( 528 ) se diversifient à l'infini, quand on les cultive réunies ensemble : chaque individu cesse d’être identique avec son analogue. Parmi les grandes espèces , celles qu’on nomme Pocheteaux à l’Ile- Dieu, aux Sables-d'Olonne, j'ai trouvé des distinctions bien carac- téristiques dans la longueur des cylindres sexuels, joints aux formes du corps : c’est ainsi que j’ai les Rajabulis macro et micro-phalla. Neuf autres espèces complètent ce genre; ce sont les À. rubus, R. triptera ; polyacantha, variegata, tigrina, monilifera, florigéra, melumpseca;, mosaica, undulata. Je me suis procuré ensuite le Myliobatis aquila et le Trygon pastinaca. Täkdis que les Raies ont la bouche si petite, la Baudroie, Batrachus piscalorius , nous en présente une dont la vaste capacité occupe plus des deux tiers de l'étendue du poisson. Je ne sais si c’est de ce qu'elle s'ouvre comme un gouffre (vorago) devant les petits poissons dont la Baudroie forme sa nourriture, ou bien de la voracité qu’on lui suppose , que la Baudroie porte le nom de Cabot-vorage à l’Ile-Dieu : il vit comme les Raies à plat au fond des mers paisibles. Le Poisson-lune, Cephalus Mola, plus bizarre, est encore plat comme le précédent, mais il est comprimé au lieu d'être déprimé; il a la bouche extrêmement petite et nage comme en se balancant de droite à gauche d’une manière vague, ayant son corps dans une position per- pendiculaire. ILest assez souvent rejeté à la côte. Ici manque le genre Osrracion ou Coffre, dont la Méditerranée possède quelques espèces. Il ne nous reste plus, des grands poissons cartilagineux , que l’Es- turgeon , dont la Loire , la Garonne , la Seine , même la rade de Brest, sont les lieux où on en prend le plus grand nombre; jadis il était con- sidéré comme poisson royal. Aux environs des Sables-d'Olonne, on en prit un, l'an dernier, qui avait naturellement le museau bifide, selon les pêcheurs : ils l’appellent le Créac. Parmi les petites espèces qui complètent cette classe, nous avons encore les Syngnathes proprement dits, Syng. Acus, Pelagicus Linn. ou Aciculus Dlp., $. Rondeletii, Ophidion , auxquels il faut ajouter l’Hippocampe, Aippocampus , dont l'espèce de l'Océan, Æ. atrichus , N., est distincte d’une autre, Æ/. Jubatus, ainsi nommé d’après des filamens qui composent , le long de son cou , une espèce de crinière peu fournie. J'ai formé le genre AProcycce, Æptocyclus , pour deux pois- sons : l’un 4. ventricosus affine du Cyclogasterus ventricosus de Pallas, et le second 4. Ostracioides N., ou Coffret, nouvelle espèce encore, très-bien caractérisée. Je n’ai point rencontré encore le Lépa- dogastre de Gouan, poisson qui ne paraît pas sortir du bassin de la Miditerranée. ( 529 ) Là se termine la tribu des poissons cartilagineux ; celle des P. osseux qui va suivre se subdivise en quatre classes : les apodes, les jugulaires, les thoracins et les abdominaux. Le nombre des espèces que j’ai obser- vées se monte à 70, qui se trouvent réparties en 40 genres : à ces espèces se rattachent une dizaine de variétés. Nous placerons en tête de cette tribu ün petit poisson analogue aux Murènes par sa forme et que je ne rapporte qu'avec incertitude au genre Lepidopus : par l'absence de ses catopes ce serait plutôt un Liptocé- phale , ou bien un Sphagébranche de Bloch, se rattachant à ces der- niers par des pectorales rudimentaires. Il vit autour de l'ile de Noir- moutier ; dans les anses où la mer est paisible, parmi les herbages sous les pierres. Parmi les autres poissons apodes de cette tribu, nous n’avons sur notre côte de l’Océan et dans les eaux douces que les Murènes ou An- guilles. Le Congre, Murena Conger, nous a présenté une variété parsemée de taches blanches, et le Congre de roche ou Congre noir ; l'une et l’autre n’ont pas été mentionnées par les ichtyologistes. L’An- guille ordinaire variant dans ses formes , se trouve à grosse tête, à mu- seau pointu, ou en forme de bec de canard, enfin à plus large queue que dans l’état ordinaire : ce sont mes variétés Mucrocephala, Oxy- cephala, Ornithorincha , Platyura, également nouvelles pour la science. On doit peut -êtré rapporter aux Murènes un petit poisson anguilliforme, diaphane, dont la tête porte une tache noire en fer à cheval ; c’est mon Mur. Hippocrepis, très-commun dans certains réser- voirs des salines , à l’île de Noirmoutier. Ici se borne le groupe des poissons serpentiformes ; mais la Méditer- ranée possède les genres Ophisure, Ophidie stomatée, que repousse sans doute la température trop fraîche de notre Océan. Nous placons après les Murènes le Lancon, Ammodytes Tobianus , qui a comme ces autres poissons l'habitude de s’enterrer , Soit dans le sable ou dans la vase molle, au fond des eaux ; il a en outre les yeux voilés par une membrane, comme l’anguille. Je crois devoir séparer de l'espèce ordinaire mon 4m. Pictavus , qui s’en distingue par l'absence de dents, par le nombre des rayons de ses nageoires et par la couleur de quelques parties de son corps. Dans l’ordre second , qui comprend les Jugulaires , le Callionyme- lyre, l’Uranoscope manque encore à nos rivages occidentaux ; mais nous avons la Vive, Trachinus draco, dont l'aiguillon operculaire , revêtu d’une peau rétractile et muni d’une raînure longitudinale, porte au fond de la blessure une sérosité sécrétée par une espèce de glande 67 (530 ) qu'on observe à la base de cette arme si douloureuse. Les auteurs n'avaient pas fait cette observation Ce genre n’a qu'une espèce, comme si la nature n'eût pas voulu multiplier un être qui doit être aussi redoutable à ses coordinaux qu’à nos pêcheurs; mais le genre des Gades qui suit celui-ci, abonde en espèces dont une d'elles est même devenue d’un haut intérêt pour l’homme : c'est la Morue, dont la pêche alimente en partie la population de divers états de l’Europe. L'espèce prototype, G. Morrhua vulgaris, ne parait ici sur nos côtes qu'accidentellement ; on en prend 5 à 6 au plus, par année, à l'ile-Dieu, à Noirmoutier, etc. J'en ai observé une variété que j'ai nommée Callarina où Callarienne par son analogie avec le Gade callarius , qui se tient sous des latitudes plus élevées. Le Tacaud ou Gad. baïbatus m'a présenté une variété que j'ai nommée Zonatus : le Merlan commun , le Lieu ou Gad. polsachius ; le Gad. carbonarius où Merlan colin, la Julienne ou G. 70lva, telles sont les quatre espèces qui composent le sous-genre Merlan : on isole encore des Gades prototypes la Merlue, le Capelan, érigés aussi ou sous-genres par- ticuliers. M. Cuvier a établi les Lotes comme genre bien distinct, ayant au lieu d’une première dorsale, une espèce de crinière formée d'une série de petits filamens charnus : nous avons dans ce genre le Must. rubens , qu’on appelle la Loche rouge à l’Ile-Dieu , avec sa variété à front élevé, et une autre espèce que j'ai nommée Mustelle à cinq bar- billons, M. quinquecirrha. É Ces poissons forment le passage des Gades aux Blennins, dont je n’ai encore rencontré que quatre espèces, dont une forme ma variété biten- tacularis du Blin. gattorugine de Linnée ; les trois autres sont les Z/. qunellus , Pictavus et Pieti, nouvelles espèces pour l'ichtyologie. J'ai consacré la dernière à M. Piet, de Noirmoutier, naturaliste et lit- térateur, auteur d’une précieuse statistique de l’île où il a fixé sa résidence. J'ai formé le genre Pterozyqus pour un poisson nouveau que j'ai consacré à la mémoire de M. de Bièvre, mon compagnon de recher- ches pendant 14 ans, etauquel la science doit des dessins du plus grand mérite. Le Pterozygus Bievrii est une espèce de loche qui présente le singulier caractère d'avoir ses nageoires pectorales et thoracines réunies par paires : je l'ai observée à l’ile-Dieu. La famille des Gobioïdes nous offre encore le Cottus Scorpio ou Crapaud de mer, dont j'ai désigné la variété des côtes du Poitou par le nom de Lavigatus, c’est-à-dire à peau lisse, caractère qui la distingue du C. scorpio Lin. , dont la peau se trouve parsemée de petites verrues, joint à d’autres plus essentiels. Peut-être faudra-t-il l’ériger en espèce par- (531) ticulière. Dans le genre Goujon, Gobius, proprement dit, j'ai rencontré le Jariabilis N., appelé Cabot des Chasses, à l’Ile-Dieu ; leG. Aphia , Lin:, désigné sous le nom de Cabot-Loche par les mêmes pêcheurs. J’ai observé une autre espèce plus petite que l’état ordinaire du Cottus scorpio, que j’ai nommée G.. nigricans : il habite aussi les rochers de la côte. L'AÆnarrichas lupus ou Loup marin se rencontre quelquefois sur la côte septentrionale de la Bretagne armoricaine. Ici se termine notre groupe des Gobioïdes : ce sont des poissons dont la Méditerranée possède plusieurs espèces qui me sont inconnues. Les auteurs en signalent encore d’autres de l'Océan que je n’ai pas ren- contrés jusqu’à présent. La famille des ScomBÉroïines m'a présenté les quatre genres suivans , dont la compose le savant Cuvier : 1° le Maquereau qui en forme le type ; 2° le Germon, érigé en genre particulier par ce même auteur, et dont j'ai cru devoir distinguer mon espèce par le nom d’Aélanticus , de celle connue des naturalistes ; il en a été ainsi du Thon, lequel me paraissant distinct de celui de la Méditerranée , a recu le nom d'Ocea- zicus N. Les habitans de l’Ile-Dieu l’appellent Thazard. Dans la même île, on connaît le Curax trachurus ou Maquereau bâtard sous le nom de Chichard, Chicharou et Kerelle. Les quatrième et cinquième genres enfin forment une tribu distincte : c'est, 1° l’Epirioche , Gas- terosterus aculeatus Linn., qui vit à l'ile de Noirmoutier dans les eaux douces et saumâtres; il est très-commun : j'y ai aussi rencontré l’Epi- nochette, ou Gasterosterus pungitius des auteurs ; 2° le Gastré, Spi- nacia vulgaris, se trouve quelquefois autour de l’Ile-Dieu : ce singulier poisson nous offre des rapports marqués avec l’Orphie, et surtout avec l’Aulustome chinois. Le genre bizarre du Zeus faber constitue à lui seul la cinquième et dernière tribu des Scombéroïdes. La tribu des Triezes ou Grondins présente ici la Lyre, Zrigla lyra, ou le Gronau, que l’on vend sous le nom de Cardinal à la poissonnerie des Sables-d'Olonne : j'ai observé une autre espèce que j’ai nommée 7. megalophtalma, d'après la grosseur bien remarquable de ses yeux. J'ai encore vu journellement deux autres Trigles qué je n’ai pas eu le temps d'étudier ni de dessiner. Le genre Coftus , Chabot, dont nous avons parlé ci-dessus, complète le groupe dans l’ordre naturel établi par Cuvier. Nous n'avons de la famille des Labroïdes que les deux genres Zabrus et Crenilabrus ; ce sont des poissons parmi lesquels les espèces m'ont paru fort difficiles à déterminer. Dans ie premier genre , j'ai été réduit à considérer comme espèces le ZL. nebulosus : le L. vetulä ou la (532) Vieille nous offre une infinité de variétés dans ses couleurs, quelque- fois extrèmement remarquables; mais une autre espèce l'emporte encore sur celle-ci, c’est le Cocu, ZLabr. lincatus de Pennant : je considère ce poisson comme le plus joli de toute la côte de l'Océan que j'ai ex- plorée. Je présume que les pêcheurs de l’Ile-Dieu lui ont donné ce nom de Cocu à cause des grands espaces d’un beau jaune doré dont ses écailles sont colorées. 11 n’est pas estimé , et quand on ne le jette pas à la mer, c’est afin que sa chair serve d’appât pour amorcer les ha- mecons. Nepouvant rapporter aux espèces déterminées les trois Crénilabres que j'ai rencontrés dans les mêmes parages, je les ainommés C. Phenodontus, ou à grande dent, C. marmoratus, et la dernière espèce Oxycephalus : ce dernier , plus commun autour des rochers de la côte que les deux précédens, n’a pas de tache noire sur la queue ; son museau est plus pointu lorsqu'on le voit de profil. La famille des Perches, subdivisée par l’auteur que nous venons de citer, en Perches prototypes et Persèques, renferme ici dans la pre- mière tribu les genres Payrus, Sarqus, Aurata et Boops ; j'ai préféré pour celui-ci le nom d’Æxocallus, tant l'extérieur de ce poisson est remarquable par sa beauté. J'ai ajouté au genre $argus une nouvelle espèce que je nomme Pulchellus, qu'on appelle Sargate à l’Ile-Dieu. Le Sargue-Canthère y est commun, et porte le nom de Mange-Goues- mon. Les pêcheurs du même lieu appellent Casse-Burgo le Payrus- Payel ou vulgaris, près lequel je place génériquement, mais avec doute , la Bésugne, Pagr., Rubens, N., qu’on vend en Basse-PBretagne, sous le nom de Ruscain , d’après sa chair rouge. J’ai observé plusieurs variétés de la Rascasse ordinaire , parmi les rochers de l’Ile-Dieu et de Noirmoutier. Elles me restent à décrire et à dessiner. Le Boops, ainsi nommé parce que ses grands yeux rappellent, mais assez imparfaitement, ceux du bœuf, est rare dans la mer qui baigne le Poitou ; j'en ai vu quelques-uns cependant en 1833 ; Cuvier le nomme B. vulgaris ; maïs les brillantes couleurs dont il est orné et qui chan- gent selon les aspects , m'ont déterminé à lui donner le nom d’Exocal- lus insignis. À l’Ile-Dieu , il porte le nom de Bogue, dérivé de Boops. IL est fort connu dans l’Adriatique et la Méditerranée. Dans la tribu des PERsÈQUEs , nous voyons l’Æ{herina Hepsetus , ou le Joel, connu sous le nom de Prêtre , le long de la côte poitevine et à Nantes ; le Mugil Cephalus ; les Perca labrax, olonnensis et inermis, nouvelles espèces ; l’_AÆrgyrosomus procerus, nouveau genre que j'ai formé avec le Sciæna aquila, Cuv., et auquel j’associe une nouvelle espèce l’AÆrg. sparoides , de la baie de Bourg-Neuf, Je n'ai observé du (533) genre Mullus ou Surmulet, que l'espèce nommée Mullus ruber; celle- ci a double titre pour recevoir cette qualification , puisque sa chair est rouge, même après avoir été dépouillée de ses écailles. Cuvier termine cette section par la Vive, Trachinus. Il nous reste à mentionner les Malacoptérygiens abdominaux, dont l’ensemble compose quatre familles : la première, celle des Salmonées, dont je n’ai pas encore étudié les espèces des trois genres qui la com- posent. Dans la seconde tribu , qui renferme les Clupées , j'ai dessiné avec la plus grande exactitude la Clupea Sprattus, notre Sardine or- dinaire , dont personne n’a encore signalé la structure particulière du thorax: j'ai analysé une autre espèce qui constitue la variété Zlongata, N., du Clupea Alosa ; le corps de ce poisson est beaucoup plus allongé que dans l’Alose ordinaire. L’Anchois, Engraulis encrasicholus, arrive avec les légions de Sardines , sur la côte du Poitou ; il paraît que ceux qu’on prend particulièrement aux environs de Bayonne, sont plus gros que ceux de la Méditerranée et moins délicats. Nous placons à la suite de ceux-ci la Jacquine, APTEroGASTERUS , N., poisson unique encore en ce nouveau genre, mais qui a des rapports marqués avec le Pristigaster des côtes de l'Amérique; il ne paraît que dans la belle saison sur la côte de Noirmoutier , où je l’ai observé en 1832. J'ai distingué cette espèce par le nom de Rostellatus, d’après la forme de son museau, en lui conservant le nom de Jacquine sous lequel elle est connue dans le pays. La famille des Esoces n’a ici que le seul genre Belone , Cuv. ou Or- phie ; ce sont des poissons serpentiformes , dont toutes les mers renfer- ment quelques espèces appartenant à ce genre; quelques-unes at- teignent jusqu’à huit pieds de longueur et font des morsures venimeuses. Leurs os deviennent, par la cuisson, d’une couleur de vert-de-gris. Le Belone vulgaris est fort commun, au commencement de la belle saison, autour de l’Ile-Dieu , de Noirmoutier et le long de la côte des Sables-d'Olonne. La Méditerranée en possède une espèce parliculière. Il ne nous reste plus de ces Malacoptérygiens abdominaux, que la fa- mille des Cyprins dont je n’ai pas encore étudié les espèces à l'exception du Leuciscus Chub , de Pennant, ou Chevanne, qui constitue ici notre variété Pictava; ce poisson porte le nom de Chavenau à Napoléon- Vendée ; le Leucisc. vulgaris , dont le corps est moins large que celui du précédent, etc.; une troisième espèce, Leucisc. obtusus , N. , petit poisson également des eaux douces de la même contrée , connu sous le nom d’Able ou petit Verdon sans taches. J'ajoute à ces espèces le Gobio Phoxinoïdes , ou Goujon véronette , très-abondant dans l’Yon et quel- ques autres rivières de la Vendée, et au genre Cobitis les variétés ( 584 ) Parisiensis et Pictava de l'espèce ordinaire Cobilis Barbatula, si ré- pandue dans les rivières, et connue sous le nom de Loche franche. Nous terminerons cet exposé, trop restreint, par les poissons plats, qui forment la famille des PLeuronrcres; elle se réduit aux trois genres suivans : 1 Les Plies, dont l'espèce commune, Platessa vulgaris , nous pré- sente souvent des variétés fort remarquables : j'ajoute à celle-ci une nouvelle espèce que je nomme P. nebulosa; celle-ci est l'espèce la plus commune à Noirmoutier ; 20 les Soles, dont la tête se trouve plus ou moins pointue, dans l’espèce ordinaire ou Solea communis ; j'aug- mente encore ce genre du S. cuneata ou Sole Setau , espèce médiocre, mais parfaitement caractérisée : elle est très-commune aux Sables- d'Olonne dans les anses sablonneuses. Le genre Turbot, Thombus, pré- sente ici, outre le Maximus, la Barbue, Rh. barbatus ; le Turbot poulette de mer, R. Gallinula, que je considère comme une espèce nouvelle, et le Turbot à mille taches , qui n’est qu'une variété du R. mazximus ; Ce dernier n’est pas rare à Noirmoutier , dans les anses qui avoisinent le rocher du Cobe, et nous offre des caractères qui le distinguent du Turbot Targeur. J'oublie de consigner ici le Lampeis quttatus, qu'on nomme Car- dinal en raison de sa couleur rouge, sur quelques parties de la côte de l'Océan. On en prit un en 1751 dans le voisinage de St-Brieux en Bre- tagne , et celui du musée de Caen provient aussi sans doute des côtes de la Normandie. On rencontre aussi parfois le Cycloptère lamps rejeté sur les rochers des départemens du Finistère et des Côtes-du-Nord ; les pêcheurs]e nomment le Grâcieux-Seigneur; sa peau est brune ounoirâtre et sa chair fade et huileuse. Tel est le précis sur mes travaux ichtyolo- giques; tous ces poissons sont dessinés avec l’exactitude d’un dessinateur- naturaliste, et peuvent ainsi devenir des bases plus certaines pour la détermination des espèces, que la généralité des figures publiées par les auteurs, jusqu’à l’époque où Cuvier a commencé son savant ouvrage sur cette branche de l’histoire naturelle. VI. Perfectionnement de la vinification, par M. Ezte DRU (de Parthenay ). Je soumets à l’investigation des membres du Congrès scientifique un aperçu sur les moyens les plus simples et les moins coûteux de pro- téger et améliorer, d’une manière surprenante, la cuvaison des vins rouges, tout en préservant la vendange des causes d'acidité qu’elle (535 ) développe assez ordinairement par un travail à l'air libre, générale- ment reconnu être le plus préjudiciable à cette opération, par les temps chauds, et lorsque, surtout , l'atmosphère se trouve surchargée d’élec- tricité. Manière d'operer. — Quelque minime que soit la capacité d’un tonneau de cuvage, nele remplissez jamais en totalité ; laissez toujours, après y avoir introduit la vendange, le cinquième de sa hauteur libre, c’est-à-dire de franc bord ; fixez solidement dans le pourtour intérieur, et au milieu de chaque douve de la membrure du tonneau , et à deux pouces au dessus du mélange introduit , un rang de clous à crochets, ayant 1 urs pointes ou courbures tournées en dessous (1). Couvrez celte surface d’une très-légère couche de paille longue et disposée de manière à ce que les brins se croisent le mieux possible, et que son épaisseur n'excède pas 4 à 5 lignes. Étendez par-dessus un réseau constitué en petite corde bien câblée, d’une grosseur d'environ 6 à 7 lignes de circonférence, et ayant ses mailles de six pouces d'ouverture (ce réseau doit former un carré d'un diamètre égal à celui du tonneau). Retournez, en posant ce réseau , les quatre coins en dessous pour le fortifer ; faites-le bien tirer dans tous les sens , en l’accrochant à chacun des clous correspondans aux mailles : recouvrez ensuite l’euverture du vaisseau par un carré de toile forte, peu serrée, et de grandeur convenable à laisser un assez grand passement autour de l’orifice du vase ( tel qu’un drap de lit). Maintenez cette toile parfaitement tendue au moyen d’une corde qui en embrassant la circonférence du tonneau, la retienne ainsi à l’aide d'un tourniquet, ou différemment ; clouez tout simplement la toile avec 15, à 20 pointes un peu longues , afin d’avoir la facilité de les retirer à volonté sans endommager le tissu , soit pour opérer, après le décuvage du premier vin, le brassage de la râpe avec l’eau destinée au second vin ou piquette , ou l’enlever entièrement après cette dernière opération terminée, lorsqu'on ne veut pas soumettre au pressurage ce résidu pour en incorporer le produit à la première liqueur obtenue. Le tout ainsi disposé, semez par-dessus cette toile une couche d’en- viron 3 à 4 pouces d'épaisseur de balle, vulgairement appelée ventin, provenant de paille nouvellement battue; ce corps léger et non con- ducteur du calorique, tout en préservant le moût en travail des transitions thermométriques , favorise d’ailleurs l'écoulement le plus (r) Ces clous doivent avoir deux pouces de longueur, et le collet renforcé de ma nière à ce qu’ils puissent pénétrer de six à huit lignes dans le bois, et laisser une saillie ou passement d'environ quinze à seize lignes à leur lêle. (536 ) libre au gaz carbonique produit dans l'opération , et cela ; sans diffu- sion des principes essentiels qui se condensent presqu’en totalité dans le vide laissé au tonneau et à très-peu de distance de la surface du liquide , ainsi qu'on peut s’en convaincre en opérant ces expériences en vases de verre (1). Effets. — Si la température locale est de 10 à 12 degrés R., je le suppose , et le raisin dans un état de maturité convenable , dès le trois ou quatrième jour , par l’effet du gonflement du moût, une portion du liquide surnagera le pourtour du réseau qui devenant , par cette immer- sion , aussi raide qu'un treillis en fil de fer , opposera un obstacleinsur- montable à toute élévation de la vendange : un bruissement interne commencera à se faire entendre avec une intensité croissante jusqu’au huit ou neuvième jour; passé ce période du travail, la plus grande décomposition du principe sucré se trouvant accomplie , alors ce bruit et la chaleur du mélange prennent du décroît ; la liqueur surpassant le réseau, éprouve aussi de l’abaissement par l’échappement d’une sur- abondance de gaz logé particulièrement dans la couche inférieure des pellicules du raisin, qui, se trouvant moins comprimée par l’effet d’une collision moins forte, dépose sur le réseau la plus grande partie des corps visqueux et terreux, qui ne pouvant plus se recombiner au liquide, lui procurentune coloration et une transparence bien plus parfaites lors du décuvage que l’opérant peut exécuter dès le 10 à 12e jour , si le tonneau est d’une contenance un peu considérable , sans avoir à redouter aucun des dangers qui avant l’obligeaient d'avancer ou retarder l'opération, suivant que le concours des circonstances in- fluentes le rendait indispensable. Je puis donc assurer que le vin ainsi traité se distingue, d’une ma- mière très-prononcée, par tous les avantages mentionnés , de celui qui a fermenté à l’air libre sous un fardeau de vendange parfois brûlante, acide, desséchée et décolorée, au détriment de la quantité, qualité et couleur de la liqueur, qui ne conserve souvent que l’âäpreur de la grappe et le germe de presque toutes les altérations qu’assez ordinai- rement elle subit dans la suite. Tandis que par mon moyen, après le décuvage opéré, le marc ou fardeau des corps solides n’aura contracté aucune impression d'acide, produira , en ajoutant à deux à trois fois l’eau convenable au demi-vin, dans la proportion ordinaire du 5 au 6e de la totalité de la première liqueur retirée, une seconde boisson, (x) Je ferai remarquer, comme une chose très-essentielle pour faciliter cet arrange- ment, qu'il convient de soutirer dü tonneau un dixième environ du liquide, que l’on rejette ensuite par-dessus le filet el la paille ; par ce moyen, la pose de cette légère cloison est beaucoup plutôt opérée et avec infiniment moins de peines. ( 537 ) d'autant plus saine et profitable , qu’elle pourra se conserver sans nul inconvénient jusqu’au temps des moissons (1). Je dois répéter, en concluant , que tous les faits que je viens d’é- noncer m’étant confirmés par l'expérience et une suite d’études depuis plus de trente ans, sur la marche et les phénomènes qui produisent et accompagnent l’étonnant travail de la fermentation spiritueuse , je crains peu les détracteurs : cependant s’il s’en trouvait, je les invite à éprouver avant de censurer ; ce préalable accompli , j'ai l’intime certitude que , détrompés sur leurs préventions, ils s’empresseront, dans l'intérêt de cette branche précieuse de nos ressources agricoles, à concourir à la propagation d’un procédé dont l'emploi peut devenir un jour d’une conséquence immense , et telle, qu'il peut augmenter considérablement les produits de nos vignobles , indépendamment de la faveur si désirée que peut donner à nos débouchés la meilleure con- servation qu’en obtiendront nos vins. J'ajouterai encore, à l’appui de ce qui précède, ce qui vient récem- ment de m'être confirmé par deux propriétaires de vignes de ces contrées, MM. Métayer, de Vouzaille, membre du comice agricole de Mirebeau , et Jamet, propriétaire-cultivateur , au village de Ligné, qui pratiquent ma méthode, le premier depuis deux ans, et le second seulement depuis l’an dernier : qu'ils ont reconnu une telle différence dans la qualité de leur vin ainsi traité, que de leurs voisins , assez experts en dégustation, n’ont pu croire qu'il füt de l’année, par le moel- leux et la belle coloration qui le distinguait , n'ayant éprouvé nulle atteinte du temps défavorable qui règne depuis la mi-juillet dernier , et qui a eu lieu lors de la cuvaison ; accidens qui occasionent , ainsi que je l'avais prévu , les conséquences énormes que je viens de. mention- ner , et dont la cause a son principe dans l’excès de gaz carbonique que ceux de ces vins traités à découvert ont perdu par une fermen- tation trop prolongée et trop tumultueuse , par une température trop élevée , eu égard aussi au manque d’un peu de sucré dont se trouvaient privés les moûts de la dernière récolte qui marquaient à peine 9° 3/4 de densité au gleuco-æœnomètre de Cadet-Devaux. J’ajouterai encore que tous ces avantages sont si démontrés par la véracité des faits avancés, que déjà je suis chargé par diverses personnes qui ont eu part au vin des tonneaux que j'ai fait disposer , de retenir pour elles la presque totalité , quelle qu’elle soit , de la récolte du sieur Jamet. (1) J'ai démontré dans un mémoire qui a le même titre que cette notice, lequel a obtenu le prix au concours ouvert par la société d'agriculture du département du Gers, en 1810, et depuis consigné dans les Annales de l'Agriculture française, ame série, tom. xx111, les principaux faits que j'avance ici. 68 ( 538 ) D'après toutes ces considérations , je me plais à penser que les mem- bres du Congrès , appréciant , dans la circonstance, de quel poids peut être leur décision pour la propagation d'une innovation qui comporte tant d'avantages réunis, s’'empresseront de concourir, par leur appro- bation , aux vues du bien public qui m'ont constamment dirigé dans mes longs travaux pour parvenir à enrichir la science de l’œnologie des avantages dont elle était susceptible. VII. Communicalion faite à la 4e section du Congrès , sur la $So- cièté établie pour la conservation et la description des monumens historiques , par M. ne Caumonr ( de Caen ). Messieurs, malgré tous les efforts des hommes éclairés et amis des arts, le vandalisme continue et exerce ses ravages, et de tous côtés l'afligeant spectacle de la destruction vient frapper les regards. Il ne faut pas le dissimuler, l’époque actuelle exige la réunion de tous les efforts individuels pour réagir contre le vandalisme; ce n’est point seulement à quelques hommes influens à prendre nos anciens édifices sous leur protection, c’est à toute la population éclairée de la France à s’opposer aux destructions qui désolent nos provinces. Dans cette conviction, nous nous sommes entendus avec les anti- quaires les plus instruits des diverses parties de la France pour la création d'une nouvelle société qui prend le titre de Socicté fran- caise pour la conservation et la description des monumens histo- rique . La Société a déjà nommé un certain nombre d'inspecteurs chargés de constater, chaque année, dans leur ressort, l’état des monumens les plus remarquables, et de faire connaître au conseil de la Société le résultat de leur examen, afin que l’on prenne les mesures qui seront jugées nécessaires pour la conservation de ces mêmes mo- numens. _ Comme il est nécessaire, avant tout, de bien connaître la statis- tique monumentale de la France , la Société publie un bulletin (1) dans lequel les monumens du royaume seront successivement décrits et classés chronologiquement ; les hommes de France les plus versés dans (1) L'abonnement au Bulletin monumental est de 15 fr. pour huit numéros, francs de port. On s'abonne, à Paris, chez M. Lance, libraire, rue du Bouloy, no 7, de- positaire du Cours d’antiquités de M. de Caumont, qui reçoit tout ce qui concerne la rédaction du Bulletin. ( 539 ) la connaissance des monumens ont promis de prendre part à la rédac- tion de ce recueil. Pour mieux vous faire comprendre l'importance et le but des tra- vaux de la Société, je vous demande la permission de vous lire le règle- ment qui sert de base à son organisation. Règlement constitutif de la Société francaise pour la conservation et la description des monumens historiques. I. Une Société est établie pour la conservation et la description des monumens du royaume ; elle prend le nom de Societé francaise pour La conservation et la description des monumens historiques. II. La Société se propose de faire le dénombrement complet des mo- numens français, de les décrire, de les classer dans un ordre chrono- logique , et de publier des statistiques monumentales de chaque département dans un bulletin périodique. Elle fera tous ses efforts, 1° pour empèêclier la destruction des anciens édifices, et les dégradations qui résultent de restaurations mal enten- dues ; 20 pour obtenir le dénombrement et la conservation de pièces manuscrites déposées dans les archives. III. La Société fera près du gouvernement les démarches qu’elle jugera convenable pour arriver à ce but, et provoquera la création de musées d’antiquités dans les chefs-lieux de département. IV. La Société étend ses soins à toutes les parties de la France, sans acception de localité; mais le chef-lieu de l'administration qui la dirige est fixé dans la ville de Caen. N. Chaque membre paie une cotisation annuelle, dont le r7irimum est de 10 fr., et le maximum de 100 fr. Le nombre des membres est illimité. Pour faire partie de la Société, il faut avoir donné son adhé- sion aux statuts, avoir déclaré quel chiffre on adopte pour la cotisation annuelle, et avoir été nommé dans une séance du conseil. VI. Les ministres d'état, l'inspecteur général des monumens nommé par le gouvernement, les membres du conseil supérieur des bâtimens, ceux de la deuxième classe de l’Institut, les préfets, les évêques et les recteurs d’académies sont de droit membres de la Société. VII. L'administration est confiée à des officiers et à un conseïl ad- ministratif. VHI. Les principaux fonctionnaires sont, 14 un directeur général, inspecteur pour toute la France; 2° 20 inspecteurs divisionnaires ; 3° 86 inspecteurs de département ; 4° un trésorier en chef. ( 540 ) IX. Les officiers ci-dessus désignés sont nommés pour cinq ans, à la majorité absolue des suffrages. Ils peuvent être réélus. X. Le directeur remplit les fonctions d'inspecteur général de la So- ciété et dirige les travaux sur tous les points de la France ; il s'entend avec l'autorité supérieure pour obtenir l'assistance dont la Société peut avoir besoin. IL a droit à une indemnité pour ses frais de bureau et d'inspection. XI. Les inspecteurs divisionnaires font annuellement des tournées dans leurs ressorts respectifs. Ils adressent au directeur , qui en donne communication au conseil, un rapport sur l’état des monumens par eux visités. Ils sont chargés de diriger les travaux des inspecteurs de dé- partement , et de veiller à l’exécution des mesures qui auront été prescrites. 1ls ne peuvent obtenir d’indemnité qu’autant que le conseil l’a jugé indispensable. XII. Les inspecteurs de département remplissent dans leurs arron- dissemens les mêmes fonctions que l'inspecteur divisionnaire. Ils sont spécialement chargés de donner des conseils aux architectes auxquels la restauration de quelque ancien édifice a été confée, et de dresser le catalogue de ceux qui existent dans leur département. XUI. Le trésorier en chef est chargé de recevoir les cotisations ; ik est secondé par les inspecteurs ; il solde les dépenses arrêtées par le conseil, et présente chaque année l’état des recettes. XIV. Le conseil général se compose du directeur, des 20 inspecteurs divisionnaires, de 10 inspecteurs de département choisis par les in- specteurs divisionnaires, et de 20 membres ordinaires, dont 10 au moins devront être pris parmi les membres résidant dans le département du chef-lieu. Les 10 inspecteurs de département et les 20 membres ordinaires sont renouvelés tous les deux ans, et immédiatement rééli- gibles. XV. Le conseil général tient chaque année une session , dans laquelle tout ce qui intéresse la Société est mis en discussion. On s'occupe prin- cipalement, dans cette réunion, des mesures à prendre pour la con- servation des édifices, des publications à faire dans l’année, et de l’emploi des fonds. XVI. Le directeur et les 10 membres du conseil général résidant dans le département du chef-lieu, forment , avec le trésorier en chef de la Société, le conseil permanent chargé de l'expédition des affaires courantes. IL se réunit au moins une fois par mois. Les membres du conseil général ‘qui, vu leur éloignement, ne peuvent prendre part à ses délibérations, sont invités à exprimer leur opinion par écrit. XVII. Le résultat de toutes les réunions du conseil général et du (541) conseil permanent est consigné dans des procès-verbaux qui sont tran- scrits sur un registre particulier. XVIII. Chaque année deux membres du conseil, désignés par le directeur, sont chargés de tenir la plume dans les réunions, et de remplir les fonctions de secrétaire. XIX. Le conseil nomme aussi chaque année une commission de trois membres au moins qui fait un rapport sur les travaux de la Société. - ARTICLE TRANSITOIRE. — Le conseil permanent sera immédiatement choisi par les membres actuels de la Société. Les membres de ce con- seil, réunis aux inspecteurs divisionnaires par eux désignés, complè- teront l’organisation des fonctionnaires et du conseil général. Il ne me reste plus, a continué M. de Caumont, qu'à vous faire connaître l'esprit qui anime les membres de la compagnie. En nous réunissant pour former une Société dont le nom définit si clairement le but, nous nous sommes voués à une œuvre de patriotisme et de désin- téressement; nous nous sommes associés dans l'intention de faire un appel à tout ce que la France renferme de personnes éclairées , amies des arts et de la gloire nationale, et de stimuler le zèle de tous les hommes de bonne volonté. Il n’est jamais venu dans notre esprit d'établir de monopole en faveur de telle ou telle ville, de telle ou telle province, de telle ou telle localité; nous nous sommes constitués pour veiller à la conser- vation des monumens de toute la France. Ainsi, nuus avons pensé que, pour atteindre le but que nous nous sommes proposé, il fallait partout intéresser les localités elles-mêmes à la conservation de leurs monumens. Pour arriver à ce résultat, trois choses nous ont paru devoir être spécialement recommandées : 1° La formation de collections d’antiquités dans tous les chefs-lieux de département et dans les villes qui présenteraient quelques res- sources pour de pareils établissemens ; 20 La création de commissions archéologiques dans ces mêmes lieux ; 30 La rédaction pour chaque département , ou même pour chaque arrondissement, de catalogues indiquant les monumens historiques qui s’y trouvent, et leur ancienneté relative. En effet, on ne saurait trop encourager la création des musées des- tinés à recevoir les fragmens d'architecture et les autres objets que le hasard fait découvrir chaque jour. Si de pareils dépôts avaient été formés dans les chefs-lieux de dépar- tement, nous n’aurions pas à regretter aujourd'hui la perte de tant (542) de morceaux précieux, qui n'ont été égarés ou détruits que dans l’im- possibilité où l'on se trouvait de les déposer dans un local conve- nable. Les commissions d’antiquités ne sont pas moins utiles que les mu- sées ; c’est à elles de réunir et de classer les objets qui forment ces collections. On peut dire que l’existence des commissions archéolo- giques est une condition nécessaire de l'accroissement des musées ; ét réciproquement que l'existence des musées est nécessaire pour rendre durables les commissions archéologiques. Les démarches que nous avons déjà faites dans ce triple but, n'ont pas été infructueuses. Il y a lieu d’espérer que bientôt on obtiendra des renseignemens précis sur la statistique monumentale de chaque département, et que nous réussirons avec le temps à. établir partout des commissions et des musées d’antiquités. Nous croyons même que plusieurs villes où résident nos inspecteurs divisionnaires pourront devenir des chefs-lieux de Sociétés d’antiquaires, établies sur les mêmes bases que la Société des antiquaires de Normandie , du Midi, de l'Ouest et de la Morinie. Lorsque nous aurons obtenu ce beau résultat, nous aurons fait beaucoup déjà pour la conservation et la description des monumens historiques de France , et nous pourrons nous flaiter d’avoir accompli la partie la plus importante de l’œuvre que nous avons entreprise dans l'intérêt du pays. _ Pour l’accomplissement de cette œuvre, nous avons besoin de la coopération de tous les archéologues de France, et je viens réclamer . celle des membres de la 3me section du Congrès scientifique. Jose espérer qu’ils accueilleront avec intérêt la communication que j'ai l'honneur de leur faire aujourd’hui, au nom de la Société pour la con- servation des monumens historiques. VII. La Chaire-au-Diable , par M. Vercer ( de Nantes). L'abbé Lebeuf, que nous citons toujours avec plaisir, dit, dans un passage sur Jublains : « Aux environs, se voit un bloc de pierre, élevé » sur un petit tertre, dans une commune plantée de vieux hêtres : » ce bloc est taillé en forme de fauteuil, et sur le marche-pied est » l'empreinte de deux pieds en griffes. Les habitans du lieu lappellent » la Chaire-au-Diable. M serait plaisant que cette chaire au diable » eût donné le nom de Diablintes aux habitans de ce canton, comme il le serait que celte expression, ils travaillent comme des diables, Chaire AA uable, pas de Sublouns, (ottayeute ) — —— (543 } » tirât son origine du village de Jublains, dont les habitans-passent » pour les plus laborieux du pays du Maine. » Renouard parle de la Chaire-au-Diable en ces termes : « Dans la commune d’Avon, sur le chemin de Jublains à Mayenne, » en arrivant à la chaussée qui traverse l'étang de la Forge, on voit » une table de 6 mètres 50 centimètres de longueur sur 3 mètres 25 centimètres de largeur. Elle est gisante à terre : ses supports ont » disparu: On a gravé assez profondément sur cette table de pierre » une figure grossière d'homme avec des griffes. On croit dans le pays que c’est la figure du diable. » En lisant ces deux descriptions de la Chaire-au-Diable, nous avons pensé que leurs auteurs n'avaient pas vu ce monument. L'abbé Le- beuf parle d’un bloc de pierre , et Renouard d’une table de 6 mètres 50: centimètres de longueur.'A coup sûr cela ne peut s'appliquer à ce que nous avons vu, et il y en aurait une autre dont on n’a pas connaissance dans le pays. L'abbé Lebeuf parle d’une petite commune plantée de vieux hêtres. Nous pensons qu'il y a ici une erreur de sens ou d'impression ; car cette commune ( cellé d’Avon ) ne paraît pas avoir été plantée spécialement en hêtres. Commune devrait peut-être s’entendre du lieu où git cette pierre, lieu qui est ce qu’on appelle un commun, un terrain vague, et fréquemment dans le pays un pâtis ou pâlureau. I] pouvait s’y trouver quelques hêtres, qui auront été abattus; car on n’en voit pas un seul près de la pierre. Nous n'avons point remarqué de figure d'homme, ni de griffes sur le marche-pied. Nous allons donner une troisième description de cette pierre. Nous C4 L 4 nous flattons qu’elle aura le mérite de l’exactitude. Nous y joignons un dessin, pris sur le lieu même, qui aidera à comprendre ce que nous avons à en dire. Sur le bord de la route de Mayenne à Jublains et à environ 2 mille mètres de ce bourg, après avoir passé la chaussée qui traverse l'étang d’Avon, on voit sur la gauche une grosse pierre appelée la Chaire-au-Diable. Klle est à peu près à égale distance de la route et de la ferme à laquelle elle a donné son nom, c’est-à-dire à 40 ou 50 pas de l’une et de l’autre. ;. Gette pierre en granit grossier est gisante sur le sol, ou plutôt sur d’autres roches de même nature qui se trouvent en cet endroit en assez grande quantité. Presque toutes sont au niveau du sol. La Chaire-au- Diable s'élève au dessus à environ 1 mètre de hauteur. Elle a 5 mètres de circonférence au dessus du rebord qui lui forme une espèce de socle ou de base, Sa forme est presque ronde, sauf du côté N.-E. où ( 544 ) tous l'avons dessinée ; cette face est presque droite sur une longueut de deux mètres. La chaire n’est pas placée horizontalement, elle est inclinée du sud au nord. Cette position indiquerait-elle qu’elle a été remuée ? Sur son sommet, dont les rebords sont irréguliers, se trouve creusé circulairement le prétendu siége. Son diamètre est de 50 centimètres; la profondeur de 10 à 12 cent. De deux côtés se trouvent deux enfoncemens , formés, dit-on, par le diable, lorsqu'il appuya ses membres nerveux sur la chaire. Près du bord et au fond du siége se voit l'empreinte d'une grifle à cinq doigts. Dans les deux récits précédens il est question de deux griffes. Nous n’en avons vu qu’une; encore eùmes-nous de la peine à l’aper- cevoir, parce qu’elle était recouverte de sable et de boue. Pour s’assurér s’il y en a deux, il sera nécessaire de faire nettoyer cette pierre. Nous n'avons remarqué autour aucune trace d'ancienne construc- tion ni d’autres pierres détachées. Elle est tout près d’une haie ser- vant de clôture à un champ ; sur cette haie sont deux poiriers; ce sont les arbres les plus voisins de la Chaire-au-Diable. Voici ce qu’on nous à appris sur l’origine de ce nom, qui remonte ; à ce qu'il paraît , à une époque assez éloignée. Des ouvriers essayaient depuis long-temps de construire une chaus- sée pour traverser les étangs d’Avon et en retenir les eaux; mais leur ouvrage n’avancait point, car chaque nuit voyait s’abîimer sous les eaux le travail du jour précédent. Les ouvriers désespérés allaient abandonner leur entreprise, quand tout-à-coup le diable leur appa- rut, et leur dit qu’il mettrait fin à leurs peines, s'ils consentaient à ce qu'il s’'emparât du premier individu qui passerait sur la chaus- sée dès qu’elle serait finie. Fatigués de tant de travaux inutiles qu'ils avaient faits, les ouvriers ne considérèrent que le plaisir de sortir d'embarras , et le marché fut conclu. L'histoire ne dit pas quels gages furent donnés, quelles arrhes furent recues ; toujours arriva-t-il que la chaussée se termina avec une merveilleuse facilité et comme si le ter- rain eût été des plus solides. Ce fut alors que les ouvriers pensèrent sérieusement à la promesse qu'ils avaient faite au diable. Livrer un homme, c'était en même temps livrer son âme aux tourmens éternels. On délibéra, et dans ce petit conciliabule on prit une résolution que ne désavoueraient point nos diplomates. On se reporta non à l’esprit , mais aux termes de la con- vention. On avait stipulé qu’on livrerait le premier individu , et non le premier homme ; et nos ouvriers de rire et de battre des mains à l’in- | ; ( 545 ) génieuse idée de celui qui avait trouvé cette petite escobarderie. A malice, malice et demie, dirent-ils. Et ils s ’emparèrent d’un chat, qu'ils placèrent à l’un des bouts de la chaussée, et là, à coups de fouet, ils l'obligèrent à fuir à l’autre extrémité. Le diable était là, attendant sa victime. On imagine quel dut être son désappointement , à la vue du pauvre animal qu’on exposait à sa fureur. IL l’emporta cependant, aimant mieux , sans doute, tourmenter un chat, que de n’avoir rien à faire. Il vint se reposer sur la fameuse pierre, où il laissa l'empreinte d’une partie de son corps. C’est apparemment en quittant cette station qu'il imprima cette griffe sur le siége; car dans sa colère les mou- “vemens devaient être brusques et vigoureux, comme un démon est capable d’en faire. Récemment cette pierre a été endommagée à l’un de ses bords supé- rieurs. Il est à désirer qu’on la respecte, si ce n’est par la crainte de déplaire à monseigneur le diable, au moins pour ne pas nuire au plaisir des voyageurs, et par respect pour une antiquité remarquable. Le pays, au reste, y est intéressé; car il existe des amateurs de toute espèce de curiosités , et on ne peut que gagner à attirer les étrangers chez soi. Comme nous l'avons dit, dans notre notice sur Jublains, cette pierre est probablement un autel druidique , bien qu’elle n’affecte pas la forme ordinaire des peulvens ét des dolmens que l’on voit ailleurs. Elle n’eût pas conservé un renom pareil à celui qu'elle a, si sox origine n’était très - ancienne, et si elle n’eùt été consacrée jadis à quelque culte. De là le merveilleux attaché à son histoire. Il sera intéressant de la comparer aux trois autres pierres du même genre qu'on nous a dit exister dans les environs. L'art de l’ouvrier se fait à peine remarquer sur celle-ci ; car, à l'exception du siége ou bassin creusé sur le haut, et de la griffe, qui, probablement , a été ajoutée à une époque peu reculée, cette pierre paraît avoir une forme donnée par la nature. Nous sommes d'autant plus porté à le penser , que nous en avons vu plusieurs autres d’une conformation presque semblable, près d’une ferme située dans une vallée en face de la forteresse ro- maine de Jublains (1). Nous ne pouvons que confirmer ce que dit l'abbé Lebeuf concernant les travailleurs de Jublaïns. Ils ont conservé leur antique rénommée. Ils travaillent toujours comme des diables. Nous avons été à même d'en juger par ce qu’on nous en a dit et par les ouvriers que nous avons occupés pour exécuter nos fouilles. {3) M. Verger a publié une Notice sur Jublains. ( 546 ) IX. Ode au Congrès scientifique de Poitiers ; par M. Eusipr CASTAIGNE, bibliothécaire à Angoulême (1). Union et force! I. Oh ! fiers de leurs droits d’ainesse, Comme les fils de Lutèce Souriront d’un froid mépris A vos grands combats d’athlètes ! Vous, savans, et vous, poètes, Qui joutez — loin de Paris ! — Si lorient se colore, Si quelque brillante aurore Annonce au monde un réveil, Ce serait, — à les entendre, — Audace à vous de prétendre A votre place au soleil : Et la science est un fleuve, Qui de ses ondes abreuve Les murs des vastes cités, Et, dans sa course superbe, Dédaigne d’arroser l'herbe De vos quais infréquentés ; Et, quand un filet bien mince A peine, dans la province, Baigne le pied des roseaux, Dans la ville aux mille rues, L'inondant de fortes crues, Le torrent roule ses eaux... IT. — Mais , devant leur capitale , Depuis quelle heure fatale Faut-il ployer les genoux ? Depuis quand l’Être des êtres, Si prodigue à nos ancêtres, Est-il avare pour nous? Quoi ! nous, fils d'Adam et d'Eve, Notre force n’est qu’un rêve ! (1) Lu en séance publique du Congrès scientifique, du 8 sept. 1834. We >: LAS Li: (547) L'on nous volerait nos parts De l’universel domaine ! Et de la famille humaine Nous serions les vils bâtards! — Que Paris vante ses places, Où ses grandes populaces Se croisent avec orgueil, Et sur ses membres s’allongent, Et jusqu’à son cœur le rongent, Comme les vers du cercueil! A lui les plumes vénales, Et les trames infernales Des journaux sales et laids, Et la turbulente émeute, Aboyant comme une meute, Qui rôde autour des palais! — Mais à nous les solitudes ! À nous les fortes études ! A nous les monts et les bois, Où, loin des profanes routes, L'âme aux immortelles voûtes Élève ses mille voix !..….. IT. — C’est ainsi qu’on vit naguère La province entrer en guerre, En poussant le cri d’effroi ; Et que, par la Normandie, Mainte lance fut brandie, Dans un immortel tournoi. Révolte non meurtrière, N’arborant que la bannière Du génie indépendant ! Rébellion d’espérance, Qui part du nord de la France, Et soulève l'occident. IV. — À notre tour , fortes villes ! Brisons des liens serviles, Bravons de nobles hasards ! (548 ) Oh ! c'est une belle fête ! Nous allons à la conquête Du savoir et des beaux-arts. Tours ! la Sybaris francaise, Toi qu'un fleuve amoureux baisé # Blois! penché sur le coteau Qu'un soleil si clair anime, Mais que rembrunit le crime Perpétré dans ton château ! Vous, Angers, la ville noire ! Nantes, Sidon de la Loire ! Et vous, qu’à peine on concoit, Fières cités de Vendée! Dont la vieille foi gardée Luit comme une bague au doigt ! Rochefort et la Rochelle! Comme Tyr jadis si belle, Assises aux bords des eaux! Toi, Bordeaux ! berceau d’Ausone : Toi, qui fais sur la Garonne Croiser tes mille vaisseaux ! Limoges ! Vésone et Saintes ! Qui, dans vos nobles enceintes, Cachez d’augustes débris ; Et toi, ma haute Angoulême ! Dont l'air subtil est l'emblème De tes frivoles esprits! h C'est Poitiers qui vous appelle ! — Ce n’est pas ville nouvelle, Aux palais plats, aux murs blancs ; C’est la ville aux noirs portiques, Aux larges pierres celtiques, Aux murs fendus et croulans. Ce n’est point ville fardée, De peintures placardée ; C’est la vieïlle ville encor, Toute en souvenirs féconde, ( 549 } Éa cité de Radégonde, La cité d’Aliénor. Là, toujours brilla l’école Des émules de Barthole ; Là , chantaient les troubadours ; Là , l’ancienne courtoisie , Des fleurs de la poésie, Charmait l'ennui des Grands-Jours. — Mais, de ces remparts antiques, Où brillaient les mœurs gothiques , Part un appel aux progrès ; Et c’est là que la science Forme sa sainte-alliance, Et convoque son Congrès ! VI. — Or, venez, troupe savante, Vous, dont l'Occident se vante ! Venez , aigles du barreau ! Et vous, enfans d’Esculape, Déployant comme une nappe Tous les lobes du cerveau ! Vous, dont l’œil cherche la trame Qui joint les fibres à l’âme! Vous, non moins audacieux, Newitons, armés de l’équerre ! Vous, qui fouillez dans la terre ! Vous, qui fouillez dans les cieux ! Et vous, sombres antiquaires, Qui des pères de nos pères Nous léguez le souvenir ! Et vous, Ô divins poètes, Dont les âmes de prophètes Prennent vol dans l'avenir ! Venez ! — une ère nouvelle Devant nos pas se révèle, Où chacun aura ses droits! Et, vers le ciel envolées, Toutes les voix rassemblées Crieront d’une seule voix : ( 550 ) — « Soleil de l'intelligence, » Suis ton cours! avance! avance! » Sur chaque plage à son tour, » Sème ta clarté féconde ! » Dans tous les recoins du monde, » Il est temps — qu’il fasse jour !.... » X. Le Congrès scientifique de Poitiers , Poème; par M. l'abbé Auger (de Poitiers) (1). Manibus date lilia plenis. (VirG. ) I. L'insecte qui s’élance aux voûtes éternelles , Dédaigneux de ses fers qu’a brisés le printemps, Flotte au milieu des airs sur ses mobiles ailes, Et se rit du tombeau qui retint ses élans. Qu'importe à ses beaux jours la dépouille grossière Délaissée à jamais pour de vives couleurs ! Vivre, se balancer dans des flots de lumière ; Épuiser le nectar au calice des fleurs ; Goûter avec amour le secret de la vie; Étaler aux regards l'émeraude et l’azur ; Aux caprices des vents jouer sous un ciel pur ; Voltiger , essayant au gré de son envie Le soleil de la plaine ou l’embre du coteau : De quels dons enchanteurs sa naïssance est suivie !.… J'admire le destin d’un humble vermisseau ; Mais ce volage amant de la saison nouvelle Me plairait beaucoup moins dans ses jeunes essors, Si mes yeux ne voyaient en ses nobles efforts Des efforts du génie une image fidèle. IT. Tel d'avance illustrant les champs de l'avenir , Vers les cieux étonnés tu pris un vol superbe, Toi dont la ville de Malherbe (2) Ornera le beau nom d’un si beau souvenir. {1) Lu en séance générale du Congrès, du 16 sept. 1834. {2) M, de Caumont, de Caen, président du Congrès. (551 ) De ces bords qu'ici même embellit ta pensée , Tu regardais la France, impuissante et glacée, Et n’osant à Lutèce opposer sa fierté. Puis bientôt s’'échappa l’éloquente parole : « Quoi! le savoir est donc comme l'onde frivole » D’un imaginaire Pactole » Où boira seulement une altière cité !.… » Armorique, Poitou, Saintonge, Occitanie, » Savante et si chère Neustrie, » France enfin! voilà tes beaux jours : » Jetons-leur le gant du génie, » Puisqu'’ils le relèvent toujours. » Tout-à-coup répétés de rivage en rivage Mille cris de ton cœur propagèrent l’émoi, Et le monde savant s’est élancé vers toi, Comme les preux du moyen âge Se pressèrent jadis autour de Godefroy. III. Salut , radieuse Pléiade ! Astre à l’éclat consolateur ! Ligue sainte ! heureuse croisade D'un essaim régénérateur ! Sans vous dans les rangs des esclaves, Cédant au poids de ses entraves, Le savoir gémirait encor ; Sans vous la Gaule poétique Dans son ornière didactique Se trainerait sans nul essor. Mais à peine le cri d’alarmes Vous appelle aux savans exploits, Soudain vous retrempez vos armes Vous remontez sur le pavois… Les arts vous ouvrant la barrière, D’une auréole de lumière Illustrent le front des rivaux ; Vos combats ne sont que des fêtes, Et la gloire de vos conquêtes Ne ternit jamais vos drapeaux. ? Hélas ! au sein de la patrie Qui pleure nos dissensions, ( 552 ) Trop souvent notre âme est nourrie Les plus vaines illusions. Ici, par un plus digne exemple, Notre enceinte devient le temple De la concorde et de la paix ; Ici point de luttes amères, Nos disputes sont littéraires Et nous succombons sans regrets. Courage donc! l’œuvre agrandie Vogue aux plages de l'avenir : Pas même la hideuse envie N'en ternira le souvenir. Ivre d'amour et d'espérance, A vos portes la Jeune France Veille près de la Vérité, Et, d'un juste orgueil couronnée, Va compter d’année en année Vos droits à l’immortalité. IV. Eh quoi ! vous imitez la douce Providence, Vous fécondez le champ du pauvre laboureur {1}, Vous recueïllez la tendre enfance Qu’une mère coupable exila de son cœur (2) ; Vous forcez l’avarice à nourrir l’indigence (3), Et l’outrageuse insouciance Serait le prix-de tant d’ardeur !.… Ne Et puis vous l'avez dit, et les échos du monde Vont répétant au loin votre arrêt solennel : Vous n’avez pas voulu que le satyre immonde Insultât au génie en souillant son autel. Prostituant Melpomène et Thalie (4), Cent fois Paris l’a vu sur la scène avilie (x) Section d’agriculture. Recherches sur les engrais du sol. (2) Section des sciences morales. Rétablissement des tours pour les entans aban- donnés. (3) Section des sciences morales. Vœu émis de conserver la taxe du pain dans l'in- térét du pauvre. (4) Section de litterature et des beaux-arts. Le Congrès a émis le vœu de voir cesser le désordre moral des théâtres, des romans et de la lithographie. DCE ( 553 ) Effrayer tous les yeux de lubriques horreurs, Imprimer sa démence au front de nos auteurs, Et, profanant du Dieu le sacré diadème, Humilier le poète lui-même A l'aspect dégoûtant de ses sales erreurs. Faisant de toute honte un infime mélange, . De l’art divin de Michel-Ange Le monstre‘impie a fait le plus grossier des arts ; Il a trempé son pinceau dans la fange Et forcé la pudeur à voiler ses regards ! Eh bien! nous les vengeons, ces vierges éplorées Dont le céleste appui guide et soutient nos pas, Et partout on va dire aux muses égarées : La gloire ne peut être où la vertu n’est pas ! VI. Et vous, froids monumens plus malheurenx encore (1), Que le temps a noircis, que le lierre décore, Nobles représentans d’un sublime passé, Riez-vous maintenant du barbare insensé Dont la main dispersait vos augustes reliques. Vieux murs! temples sacrés! clochers! voûtes gothiques! Un concile à frappé d’absurdes ennemis, Et son docte anathème a sauvé vos débris! VII. - Oh! si j’osais d’un riant épisode (2?) Animer le récit de merveilleux travaux, Audacieux rival d’Ovide et d’Hésiode Je chanterais ces preux qui par monts et par vaux, Dignement inspirés de Cybèle et de Flore, Allaient, sous un soleil dont leur front brûle encore à Interroger les flancs du rocher sourcilleux , Arrachaient la fougère à sa grotte sauvage, Trouvaient la mère-ogive en un roc Caverneux (3), Saluaient en passant l’église du village Et prenaient de plus belle un élan généreux. Je ne t'oublirais pas, ô table hospitalière (:) Section d’archéologie. Mesures adoptées pour la conservation des monumens. (2) Promenade géologique du 1: septembre. (3) Allusion à une discussion de la section d'archéologie. 70 (554) Où, lasse de courir, la troupe aventurière Puisait dans le trésor d’un immense appétit Des forces pour le corps et d’autres pour l'ésprit (1). Je dirais les flots purs de ce vin délectable, Vénérable fossile enclavé dans le sable, Qu’une main si propice à leurs nobles travaux Exhuma tout-à-coup aux’ yeux de nos héros. Je dirais le castel et son antique histoire, Ses arcades, ses ponts , ses masses de granit, Et ses hôtes surtout dont la douce mémoire Restera dans le cœur de plus d’un érudit. Puis, mesurant toujours la carrière infinie, Infatigable bataillon , Vous les verriez franchir les bois et la prairie, Explorer tous les coins, niveler maint sillon, Assiéger en passant, impétueux et brave, De Mauroc étonné le paisible château (2), Et prouver en faisant des fouilles dans la cave Qu'’au séminaire au moins on ne boit pas de l’eau. Enfin, bornant ici leurs rapides conquêtes, Je dirais le laurier qui couronna leurs têtes, Et comment tant de preux revinrent parmi vous Tout chargés de sueur, de gloire... et de cailloux. VIII. Mais à d’autres que moi l’éclatante épopée. D'une esquisse légère à ma plume échappée Je tremble que les traits n’accusent mon pinceau. Je reviens donc à vous, à vous dont le flambeau De rivages lointains nous porta sa lumière, A vous qu'avec moi-même un même ciel éclaire , A vous tous qu'ont unis et l’esprit et le cœur, Et qui vintes fixer sous la même bannière Ce courage innocent, cette douce valeur Qui ne séparent point le vaincu du vainqueur. Oui, le Poitou déjà murmurait vos louanges Quand vos glorieuses phalanges Tournaient vers nos vieux murs un regard généreux ; (1) On 4éjeuna chez M. Laurence , à Liguge. (2) Mauroc est la maison de campagne du séminaire de Poitiers, où les voyageurs se rafraîchirent. Ar, LS Er ( 555 ) Et la fidèle Aquitanie Pourra dire, en parlant des fils de la Neustrie, Si nos cœurs.et nos bras s’élargirent pour-eux ! IX. Oh! si vous reveniez!.… Si l'automne nouvelle Nous rapportait ce feu que votre âme recèle, Et ces riches moissons que des efforts nouveaux Font éclore déjà. Mais non! Que la science Comme un fleuve fécond se déborde et s’avance, Qu'elle porte à chacun, par ses mille canaux, Le tribut immortel de ses limpides eaux. Ne faut-il pas enfin que, reine de ce monde, Elle parcoure aussi l'empire qu’elle fonde ? Faut-il qu'en évitant de plaire et de charmer, Elle ravisse l’homme au bonheur de l’aimer ? Restreignant dans Paris son obscur sanctuaire, Trop long-temps elle a fui les regards du vulgaire. Un autre âge commence et lui rend son essor. Voyez quel éclat pur embellit sa couronne ; Quel cortége empressé la suit et l’environne : Sur son front le génie étend sa palme d’or ; Près d’elle la nature épanchant son trésor, De son triple royaume explique: le:mystère ; D'un regard tour à tour plus doux ou plus:sévère, L'histoire indique à fous'ses utiles lecons ; L'humanité sourit aux annales d’Hygie ; Les arts, frères heureux, la noble poésie Sur le char triomphal entrelacent des fleurs ; Et pour calmer enfin de trop longues douleurs, La Foi donnant la main à la Philosophie, Trace aux peuples nouveaux le chemin de la vie. X. Le voilà ce grand cirque où nous devons marcher ! La déesse arrachée à la cité du prince Rajeunira bientôt de province en province Le vieil amour des arts qui doit nous rapprocher. Allez ! et puisqu’ici la science et la gloire En de communs liens nous avaient réunis, Jurons d’en garder la mémoire : Que ce soit pour toujours que nous soyons amis ! ( 556 ) Et quand l’heureuse Flandre, à son tour honorée, Ouvrira le tournoi dans sa ville parée D'illustres souvenirs , d’inflexibles remparts, Nous, déployant encor les mêmes étendards, Nous irons demander à la rive Scarpienne De répondre à l'amour du Clain et de la Vienne. Qu'’ainsi notre union s’éternise à jamais! La science doit être une chevalerie. Restons, restons enfans d’une même patrie Et frères du même Congrès ! XI. L’Indecision du siècle, Poésie ; par M. Acpn. Lercacuais (de Caen). Dormons , dormons, disais-je à la voix de mon âme, L'ombre se répand sur les monts. Craignons de consumer la poétique flamme, De nos douleurs dernier dictame ; L’écho du ciel se tait. dormons! Dormons, puisque la terre est stérile et glacée ; Voilons-nous du saule pleureur ! Dormons, puisqu’en ce siècle une grande pensée Meurt comme une étoile éclipsée Par les nuages de l'erreur ! L'homme, imprudent et fier, a perdu ses croyances, Il nie et les cieux et l'amour ; Et, lassé désormais de saintes prévoyances, Mais chargé de vaines sciences, Son esprit vit au jour le jour. Cependant quelquefois il se reprend encore A cette branche où l'avenir En pétales d’azur doit soudain faire éclore Les fleurs de l’éternelle aurore….. Mais il ne peut s’y soutenir! La raison, par momens il en fait son étude, Et ne sait pas où la trouver! Sur ses rêves divers plane l'incertitude ; ( 557 ) Dans une vaste solitude Il a couru sans arriver. Son impuissant labeur est un cruel supplice, Tous ses pas sont irréguliers ; Indécis où bâtir son nouvel édifice, Il en trace le frontispice Avant la base et les piliers. Après avoir marché de mensonge en mensonge , Au bord de l’abiîme il s’assied, Sans voir que cette mer où son rêve se plonge Demande au rocher qu’elle ronge S’il y devait poser son pied ! Et là, sans port, sans nef, sans boussole et sans phare, Riant d’un rire convulsif, Il ne soupconne pas quel vertige s'empare De son irêle esprit qui s’égare Dans un air sombre et corrosif. Il à beau rassurer sa raison éperdue ; En-decà, par-delà les jours À Il à beau s’élancer dans la double étendue 5 Son intelligence perdue Toujours monte, ou tombe toujours ! Oui, voilà le rivage où maintenant s'arrête L'homme d’hier et d’aujourd’hui. Comme un poids importun sa main soutient sa tête ; Il a pour repos la tempête, Il a le vide pour appui! IL. Triste indécision de l’âme nuageuse | Chaos aride et prolongé ! Que faire des lambeaux d’une vie orageuse Traînés dans la route fangeuse Où les siècles n’ont rien changé ? Il faut les recueillir pour y jeter le germe D'une renaissance à l’espoir. Au doute vagabond la tombe met un terme, Il faut aborder de pied ferme Ce seuil que l’on n’ose entrevoir. ( 558 ) Mais, mon Dieu, c'est en vain qu’un rayon d'espérance Jaillirait de ton saint flambeau. Le siècle que fascine une vague apparence Entend avec indifférence Les enseignemens du tombeau. Dormons, voici la nuit; la poésie est:morte, Si cette vierge peut mourir ! Chaque hymne est un vain son que la tempête emporte. Du temple saint fermons la porte, Dieu, s’il veut, viendra la rouvrir ! Dormons, puisque la terre a trop bu d’amibroisie ; Étreinte par l'ange du mal, Puisqu'’elle n’entend plus prière et poésie, Laissons-la dans l’apostasie Achever son rêve infernal. Eh ! pourquoi tourmenter la cithare divine? Peut-elle émouvoir des cœurs sourds ? L'homme a fait de son âme une froide ruine Où l'erreur étend sa racine Comme la mousse aux vieilles tours. Eh bien! qu'il soit plongé dans son 'infàme orgie, Qw’'il boive lalïe ét le fiel! Trop long-temps doit durer sa morne Jéthargie ; Laissons- remonter l’élégie Dans les solitudes du ciel ! Voilà ce que disait le sévère poète Attristé de chanter.en vain. Sa harpe, il la brisait l’inutile prophète, Comme un Hector dans sa défaite Rompt le fer qu’il croyait divin. HI. Mais faut-il donc ainsi quitter à l'agonie L'homme dans la honte abattu ? Faisons parler plus haut la savante harmonie ; Il est encor pour le génie Des jours de force et de vertu ! L'homme ne peut sans fin demeurer dans le doute , L’incertitude est une mort. ( 559 ) Réveillons dans son âme une voix qu’il écoute, Des cieux il reprendra la route Si l'aigle lui dit: Viens au port! Cette indécision qui dévaste la vie Ne peut se prolonger d’un jour. Cet état douloureux tient la gloire asservie ; L'âme harmonieuse et ravie A besoin d’un céleste amour ! Resterez-vous encore à lutter sur l’abime, Heurtant plus d’un funeste écueil ? Et toujours dévorés par une flamme intime, Irez-vous appeler sublime Ce que grandira votre orgueil ? * Aventureux Harolds qui bravez l’anathème, L'ancre vaut mieux que l’aviron, L'amour du Dieu de paix vaut mieux que le blasphème ; N'outragez plus son diadème Dont votre gloire est un fleuron ! Vous avez dans vos mains un livre dont les pages Sont l’oracle de l’avenir ; Il est plus lumineux que l'étoile des mages, Plus savant que l'esprit des sages : Il console et fait rajeunir. Oh! prenez et lisez! c’est un fanal propice Avant le naufrage du cœur. Puis vous allumerez l’encens du sacrifice s Et vous direz avec délice : Fils de Dieu, vous êtes vainqueur ! Un livre aussi complet que le saint Évangile, Où l’on trouve la charité, La réprobation de toute loi servile, L'égalité douce et tranquille, L’espérance et la liberté; Un livre où l’on apprend Vämour et la concorde, Les vertus de tous les'instans, Où tant de poésie à flots divins déborde, Ce livre suffit, il s’accorde Avec tous les besoins du temps! ( 560 ) On sent en le lisant que son horizon change, Au doute amer on dit adieu ; 1 fait passer dans l'âme un baume sans mélange , Et l’on croirait la voix d’un ange Si ce n’était la voix d’un Dieu ! IV. O voyageurs ! rentrez sous le sacré portique, Bientôt finiront vos douleurs ! Vous aurez retrouvé votre croyance antique , Retrouvé l'élan poétique , Si vos yeux retrouvent des pleurs ! Vous aurez rattaché les fils de la pensée Rompus dans un rêve agité ; Votre âme trop long-temps par le doute froissée, Sur l'océan des temps fixée, Vivra pour l’immortalité ! Ne Le monde progressif a subi chaque phase D'un destin sombre et périlleux : Le temple social sur sa nouvelle base, Sans craindre aucun poids qui l’écrase, S’élève, immense et merveilleux ! Oh! puissent les mortels, unis comme des frères, Achever un si beau travail ! Oubliant les longs jours où leurs nefs téméraires Voyaient les élémens contraires Briser leur faible gouvernail ! Mais surtout que la Croix rayonne sur le faîte Du monument qu’il faut finir ! De l'Univers jadis elle a fait la conquête, Et c’est pour elle que s'apprête L'auréole de l'avenir ! Tout pense, tout fermente et tout se régénère , Voyez marcher l’humanité. Elle va dépouiller son manteau de misère, Et commencer sa nouvelle ère De paix et de fraternité ! SEAT SEE (561 ) Quelque chose de grand se féconde et s’enfante, Entendez-vous ces bruïts lointains ? Le germe éclôt déjà sous la zone échauffante, Et l’humanité triomphante S’éveille à de nouveaux destins ! XII. Le Chat et Les Souris, ou Le gros voleur surveillant les petits, Fable ; par M. Doussin , bibliothécaire à Poitiers. J'ai lu qu’en un certain logis , Un chat, de tous les chats le plusimpitoyable, Surprit , nuitamment,, des souris Qui, maraudant sous une table, Faisaient un repas délectable , Croyant au loin le Rominagrobis. Je vous y prends, mesdemoiselles , Leur dit, en grommelant , notre chat courroucé, Roulant ses terribles prunelles, Le dos en voûte et Le poil hérissé : C’est donc ainsi.qu’en mon absence, Sans vous gêner faisant bombance, Vous venez vivre à.nos dépens : De père en fils, depuis mille, ans, De ce logis nous sommes intendans, Et de l’office avons la surveillance; Que deviendraient nos chers enfans, Si je souffrais , vile canaille , Que vous fissiez ici ripaille ? Je dois punir... Ah! suspendez, seigneur, S’écrie une souris qui devint orateur, Car il en est aussi parmi, les-bêtes ; Chaque espèce.a ses bonnes têtes; Ab ! suspendez votre, courroux !:.- Avant de nous punir, de grâce écoutez-nous : Celui qui nous mit sur la terre, Nous défendit d’être jaloux, Et nous vivons sans vous faire la guerre, Pourquoi donc nous la faites-vous ? Sire intendant, soit dit sans vous déplaire, Vous prenez sur la table et nous quêtons dessous. 71 (562 ) C'était raisonner à merveille; Grippe-souris tout bas en convenait ; Mais ayant fait la sourde oreille, Il prit la raisonneuse et la croqua tout net. XII. Sur l'Influence des Femmes, Poésie ; par M. M.-A. JULLIEN (de Paris) (1). O Femmes! votre empire est si noble et si doux! Au sein de vos foyers, au cœur de vos époux, Sur vos enfans dont l'âme encor flexible et tendre Sait lire dans vos yeux, par instinct sait comprendre Un regard, un sourire, un geste, un mouvement Qui de l'âme trahit le secret sentiment ; Dans le monde où s’étend le pouvoir de vos charmes, Où chacun à l’envi vient vous rendre les armes ; Partout, dans la famille et la société, La loi de la nature et de l'humanité Vous appelle à régner. Divinités mortelles ! Si les hommes souvent sont des anges rebelles, La faute en est à vous. Votre touchante voix Sur les cœurs les plus durs conserve encor ses droits. Sachez donc, d’une main délicate et légère, De la vie adoucir la coupe trop amère, En y versant le miel, les sucs délicieux, Le dictame embaumé, les parfums précieux Que la faveur céleste incessamment dépose Dans vos yeux enchanteurs, sur vos lèvres de rose, Dans ces brillans éclairs, ces sourires divins Qui, des plus tristes jours, nous font des jours sereins. Femmes ! sachez porter un sceptre légitime, Accomplir noblement votre tâche sublime ! Sachez vous pénétrer de votre dignité, Être au milieu de nous des anges de bonté, Des ministres de paix , d'amour, de bienfaisance ; Et sur la terre enfin , seconde Providence, Que votre sexe, orné de ses attraits puissans, Dans un monde où partout sont des sentiers glissans, (x) Ces vers, lus en séance générale du Congrès, sont extraits d'un petit poéme inédit sur les Malheurs de la vertu et du génie. (563) Nous conduise au bonheur par la route fleurie Des vertus, de l'amour, de la philosophie (1)! XIV. Opirion sur la législation de l'impôt des boissons ; par M. Girarn DE LA CANTRIE ( de Nantes) (2). J'analyse ici un mémoire que j'ai présenté à la 6e section du Congrès, pour exprimer une opinion sur l'impôt des boissons. Lais- sant à la discussion le soin de considérer la question sous l'aspect de l'agriculture et celui du commerce, je m'’appliquerai à reproduire les griefs, tant de fois énumérés dans les journaux et à la chambre des députés, contre le mode actuel. Les propriétaires sont les premiers plaignans ; ils disent que les droits de toute espèce qui grèvent les vins qui, par l'effet du déplacement, sont mis sous la main de la régie, sont tellement élevés, qu'ils dépassent de beaucoup la valeur des vins ordinaires et communs. Les négocians sont soumis à une inquisition intolérable, et ils ré- clament une pleine liberté. Les débitans, premiers percepteurs du droit de détail, ce qu’ils com- prennent assez mal, se révoltent contre la violation légale des parties les plus secrètes de leur domicile, contre l'obligation de déclarer le prix de tous les vaisseaux mis en vente, et la fixation quelquefois arbitraire des employés, qui soupconnent, à tort ou à raison, leur véracité. Les habitués des cabarets, soit ceux qui y cherchent le grossier mais unique plaisir qui soit à leur portée, soit ceux, plus intéressans , qui y viennent prendre litre à litre la boisson nécessaire au repas de leur famille , disent que le droit exorbitant qu’ils paient se compose de 10 pour cent de al valeur réelle du vin, de dix pour cent du prix du transport, et de dix pour cent des droits d’entrée et d'octroi, déjà payés aux barrières. (x) La commission de rédaction a pensé que la pièce de vers adressée au Congrès par Mlle Élise Moreau (de Coulonges ) ne devait pas être imprimée dans le compte-rendu, à cause des louanges exagérées contenues dans cette pièce. — A celte occasion on croit devoir mentionner ici qu’une demande de suppressions parlielles, faite par les membres du Congrès dont il est question dans le discours de clôture, n’a pas été accueillie. (2) L'auteur du mémoire, aujourd'hui en retraite, a été directeur de département dans l'administration des contributions indirecles; c’est donc un homme tout-à- fait spécial pour la matière. Malheureusement le temps a manqué pour discuter sa pro Posilion, sur laquelle on appelle l'attention publique. (Note du secrétaire général du Congrès, ) (564) Les malheureux de toutes les classes de la société gémissent en vain depuis long-temps de voir que les piquettes, ces boissons qui con- tiennent 19 parties d’eau sur vingt, payent un droit égal à celui qui frappeles vins de luxe. Enfin, toute la France se dit tyrannisée par les mesures conservatrices du droit, chaîne immense qui couvre le pays, et à laquelle on ne peut se soustraire qu’en bravant les saisies , les amendes et les transactions. Le contentieux est signalé comme une plaie funeste. Les abonnemens avec les débitans de boissons n’ont un point juste de départ que dans l’année qui suit celle où les exercices ont été en vigueur; à mesure qu'on s’en éloigne , ils deviennent le résultat de discussions sans base, et ne sont plus contractés qu’au désavantage de l'une des parlies contractantes. Le droit sur les eaux-de-vie n’est que la représentation de celui des vins, ct l'exercice des bouilleurs est illusoire. Les terrains complantés en vignes représentent un espace d'environ 1 million 800,000 hectares. Le terme moyen du produit par hectare est de 24 hectolitres; Le produit de l’année commune, de 43 millions 200 mille hectoli- tres, dont la valeur est de 300 millions de francs. Ainsi , le prix moyen de l’hectolitre est de 6 fr. 90 c. Les droits du trésor et des octrois sont en ce moment de... et 15 millions d’hectolitres supportent seuls cet énorme fardeau. 7 Cependant , comme le terme moyen des récoltes est de 43 millions 200 mille hectolitres, et, plus probablement, de 45 ou 50 millions, on demande pourquoi et comment plus des deux tiers échappent à l'impôt. La réponse est simple, le mal est dans le vice de la loi. Les dé- placemens seuls des boissons les placent sous la main de la régie ; tout ce qui se consomme sur place ne paie rien, et la fraude fait le reste. L'auteur du mémoire déclare qu’il n’y a qu’un remède à ce mal : des inventaires préparatoires. Les piquettes paient comme des vins de luxe. On s’est en vain élevé contre cette monstruosité,; on ne peut la combattre que par une classi- fication des vignobles et des inventaires. Les droits actuels, sauf celui de 10 p. 0/0, sont invariables, quelles que soient l'abondance des récoltes, la qualité des vins et leur valeur dans le commerce : grave imperfection de la loi, qu'on ne peut faire dispa-- ( 565 ) raître que par des inventaires et le vote annuel du tarif par les cham- bres dans les premiers mois de l’année suivante. Les eaux-de-vie, qui sont censées représenter telle ou telle quantité de vin, payent invariablement un droit fixe de 55 par hectolitre d’al- cool; s’il y a surcroît de taxe, quel en est le motif? Est-ce le combus- tible et la main-d'œuvre que l’on frappe aussi d’un droit? Cet impôt est-il raisonnable? Non, sans doute. Quel'est le remède ? Encore une fois, un'inventaire des vins, cidres et poirés. Mais l'inventaire, lorsqu'il fut compris el exécuté, de 1804 à 1808, et le mode d'impôt qui en fut la conséquence, n’avaient-ils pas de graves inconvéniens , puisqu'il a fallu les abandonner ? Sans doute ; et voici les principaux : Les propriétaires ou vignerons inventoriés ne pouvaient point être déchargés de leur responsabilité par leurs ventes successives aux mar- chands en gros et bouilleurs ; il fallait que, quel que fût leur acheteur, ils représentassent la quittance du droit d'inventaire. — Les registres de perception de ce droit étaient confiés à un buraliste pour s, 6 et 7 communes : ces registres, mal écrits, mal tenus, offraient une telle confusion de noms et prénoms , qu'en cas d'adirement des quittances, il était fort difficile d’établir la dette réelle ou la libération de lin- ventorié : de là, ce grave inconvénient que les redevables payaient deux fois , ou ne payaient point du tout. — La régie à peine constituée et n'ayant qu’un fort petit nombre d'employés improvisés, les inven- taires étaient faits par des hommes du pays, pris parmi les plus mal aisés, et que l'on ne payait pas mieux qu’un journalier qu'on emploie aux travauxles plus communs; de là , la défiance des propriétaires et des vignerons, et leur répugnance pour leurs opérations. IL à paru à l’auteur du mémoire que les difficultés qui se présen- taient en 1804 ne peuvent plus exister en 1834, après 30 années d’ex- périence, et avec un personnel habile et justement estimé ; que l’ad- jonction aux employés de commissaires ou agens municipaux, ainsi que du contrôleur et des surnuméraires des contributions directes, rendrait l'opération des inventaires prompte et satisfaisante ; enfin , quela multiplicité des buralistes , et l'adoption de comptes ouverts aux inventoriés , triompheraient de toutes les répugnances. M. de la Cantrie propose donc à l'examen du Congrès les propositions suivantes : 1° La liberté, sans exception, de la circulation des vins, cidres , poirés et spiritueux ; 2° La suppression de tous droits d’entrée ; 3° La liberté du commerce de gros et des distilleries ; ( 566 ) 4° L'affranchissement des râpés et piqueltes ; 5° La suppression de tous les droits sur les eaux-de-vie, hors celles provenant du sucre et des substances farineuses , qui seraient soumises à une loi spéciale ; 6° Une classification des cantons vignobles, basée sur le prix des vins dans le commerce ; Te Des inventaires généraux suivis d’un récolement annuel ; 80 L'établissement d’un droit d'inventaire proportionnel à la classe et voté chaque année par les chambres ; 90 La libération des inventoriés , pour les ventes au commerce en gros où aux distilleries , à la condition que les marchands en gros et bouilleurs se soumettront à payer le droit d'inventaire pour toutes les boissons recues depuis 3 mois révolus, savoir : une partie comptant, et le reste en obligations à termes ; 10° Pour l'exercice de ces professions de marchands en gros et de bouilleurs , l’assujétissement à un droit de licence fixe et annuel; 119 Pour la profession de débitant de boissons, l'obligation d’avoir payé le droit d'inventaire, obligation seulement à la charge des ven- deurs ; le paiement d'une licence trimestrielle déterminée par une loi : cette licence, représentative d’un minimum de quantités vendues , et par exception, pour tous les débitans qui croiraient ne devoir pas atteindre à ce minimum , des exercices à l’hectolitre, avec le paiement du droit proportionnel à celui d'inventaire qui aurait servi à établir celui des licences ; 120 Pour l'exercice des distilleries et substances farineuses , le mode actuellement en usage. L'auteur du mémoire attire l'attention du Congrès sur la taxe ac- tuelle de la bière; il voudrait qu’elle servit de point de départ pour fixer le tarif du droit des vins, cidres et poirés, afin qu’il y eût une égalité relative entre l'impôt assis sur toutes les boissons de la France. Il finit par quelques observations. Le droit qui frappe une denrée dont la quantité et la valeur varient de l'abondance à la disette, et du prix le plus élevé à la plus vile valeur , doit être voté tous les ans, et mis en rapport avec les benéfices des producteurs et les facultés des consommateurs. Le trésor n’y peut rien perdre, puisque la somme exigée par les besoins de l’État est divisible par les qualités des matières assujéties. Il indique , comme moyen de se procurer un plus grand nombre de buralistes qu'on ne l’a pu faire juqu’ici, la mesure indispensable de reprendre tous les débits de tabacs pour en faire la base d’un traitement à ces nouveaux préposés. ( 567 ) Il s'étend sur les moyens d’exécution des inventaires simultanés, et recommande surtout l’adjonction d’agens municipaux, comme propre à vaincre la défiance des vignerons. A l’égard de la responsabilité des inventoriés, il prétend qu’elle serait moindre que celle qui pèse en ce moment sur eux par le système des ac- quits-à-caution; elle serait même beaucoup moindre, puisque, dans le cas de non rapport de l’acquit-à-caution déchargé, et après un délai dé- terminé, ils sont aujourd’hui passibles du double droit. Quant au mode de paiement du commerce en gros et des bouilleurs en obligations à termes, il observe que c’est celui des douanes pour les denrées coloniales et les sels , et que le commerce des vins est, sauf un petit nombre d’exceptions, réparti entre un bien plus grand nombre de spéculateurs. La question des débitans de boissons lui paraît grave. Si les cabarets n'étaient institués que pour que chaque famille, trop peu aisée pour faire l'achat d’un hectolitre de vin, y vint prendre, à l'heure de son repas, le litre ou le demi-litre, il serait d'avis de les affranchir de tout droit ; mais si l’on persiste à y voir des lieux d’excès et de débau- che, il doit souffrir qu’un impôt en soit la conséquence. PROPOSITIONS ADOPTÉES PAR LE CONGRÈS, CLASSÉES. MÉTHODIQUEMENT. (1). PREMIÈRE SECTION. I. Le Congrès , vu le besoin d’avoir, sur un grand nombre de points , des moyennes thermométriques et barométriques , et des observations météorologiques certaines , émet le vœu que le ministre de l’intérieur choisisse quelques postes télégra- phiques, dans les lieux où on possède le moins d'observations semblables, pour y établir un baromètre, un thermomètre, un électromètre , un hydromètre , et un registre consacré aux indications journalières de ces instrumens, que les employés de ces télégraphes seraient chargés d’annoter avec un soin tout particulier , et d’après les instructions précises qui leur seraient données à cet effet. II. Le Congrès engage les naturalistes qui se rendront aux prochaines sessions du Congrès , ou qui y adhéreront , à mettre sous les yeux des membres de la section d'histoire naturelle les objets nouveaux qu’ils auront découverts en France, ou les espèces rares non indiquées dans les lieux où ils les auraient recueillies , afin que l’on puisse consigner ensuite, dans les procès-verbaux des séances , les listes de ces découvertes, après un sérieux examen. (1) Malgré l'avantage qu'il y aurait de conserver de l’uniformité, en se conformant au mode de rédaction adopté dans le compte-rendu de la première session, on a cru devoir faire parler en quelque sorte le Congrès. Avec ce dernier mode, l'expression le Congrès revient à la tête de chaque proposition, ce qui est un inconvénient, mais la proposition est élablie d'une manière bien plus claire. Le (569 ) IT. Le Congrès invite le gouvernement à imposer aux ex- ploitans des houillères , comme conditions de leurs concessions, l'obligation de recueillir avec un soin spécial et de commu niquer les résultats de leurs travaux et de leurs sondages , en tout ce qui peut concourir à la connaissance plus parfaite des gisemens de houilles et du terrain carbonifère en général. DEUXIÈME SECTION. IV. Le Congrès déclare que le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base les prairies artificielles , de diminuer la masse relative et surtout la qualité des céréales, est mal fondé ; si on a pu observer des faits contraires à cette résolution , ils résultent d’une pratique vicieuse. V. Le Congrès considère qu'il est d’un haut intérêt pour l’agriculture d’inviter les sociétés agricoles de France à pro- poser un prix à l'inventeur d’un araire sans avant-train , d’un prix modéré (de 18 à 30 fr.), d’une construction solide, simple et facile , réunissant aux avantages des autres instru- mens aratoires , pour le bou ameublissement des terres, celui de convenir à tous les sols , en changeant seulement la dimen- sion des parties. VI. Le Congrès , attendu que le sel est un amendement utile pour la terre, et que l'emploi du sel est utile pour la nourriture .des bestiaux,, invite le gouvernement à mettre, exempte d'impôts, une certaine quantité de sel à la disposition des sociétés et comices agricoles , pour faire des expériences comparatives sur l’emploi de cette substance comme amen- dement. VII. Le Congrès émet le vœu que les baux à longs termes, de 15 à 20 ans, soient généralement admis et encouragés par le gouvernement. MIT. Le Congrès exprime le vœu qu’un projet de code rural soit soumis , le plus prochainement possible , à la délibération des chambres. (570 ) TROISIÈME SECTION. IX. Le Congrès émet le vœu que tous les faits et documens qui peuvent conduire à la solution de la question relative au magnétisme animal, soient recueillis par les sociétés savantes et médicales , par les savans et par les médecins. X. Le Congrès émet le vœu de voir au plus tôt, et attendu l'urgence , le gouvernement procéder à une organisation qui embrasse à la fois l’enseignement et l’exercice de la médecine et de la pharmacie. QUATRIÈME SECTION. XI. Le Congrès émet le vœu qu'il soit formé , en France, sur les points les plus importans , des sociétés archéologiques spéciales et indépendantes. XIT. Le Congrès supplie le gouvernement de faire recher- cher et acheter à l'amiable les monumens d’architecture im- portass pour l’art et pour l’histoire , qui sont entre les mains des particuliers. Il est également supplié d’ordonner qu’aucune réparation ne puisse être faite aux monumens antiques appartenant, soit à l'Etat, soit aux départemens, soit aux communes , soit aux particuliers , qu'aucune destination nouvelle ne puisse leur être donnée, qu'aucun d'eux ne puisse être détruit, sans que les ministres dans les départemens desquels se trouvent ces monumens n’aient pris l’avis, 1° des sociétés savantes du pays, s’il en existe ; 2° de la société autorisée par le gouvernement pour la conservation des monumens anciens; 3° et des in- specteurs généraux des monumens. XIII. Le Congrès émet le vœu que ceux qui forment des collections de médailles ou d’autres objets se rattachant aux antiquités ou à l’histoire, se fixent sur une spécialité, soit pour le genre, soit pour l’époque , soit pour le pays; des collections de cette dernière espèce présentant toujours plus d’imtérêt ( 571 ) pour la science que des collections générales qui ne peuvent être que très-incomplètes. XIV. Le Congres sollicite de M. le ministre de l'instruction publique une décision pour ordonner limpression , soit eu entier , soit par extrait, soit par analyse , des mémoires sur les antiquités nationales , adressés à l'académie des inscriptions et belles - lettres, notamment depuis 1819, et le concours annuel pour les trois médailles. XV. Le Congrès émet le vœu qu’une commission , composée de quatre membres de la société des antiquaires de l’ouest, et de quatre membres de la société académique d’agriculture, belles-lettres , sciences et arts de Poitiers, soit chargée de s'entendre avec M. le conservateur des monumens historiques du département de la Vienne, pour rendre au temple St- Jean de Poitiers sa forme primitive , et faire disparaître les constructions modernes qui détruisent le caractère architectural de ce précieux monument. XVI. La seconde session du Congrès propose à la troisième session de rechercher , et même de fixer , s’il est possible , la position du Portus lus ; Vauteur de la proposition (M. le marquis Le Ver) aurait voulu la restreindre à Boulogne et Wissänt, mais le Congrès l’a étendue d’une manière générale. XVII. Le Congrès invite les savans à rechercher, d’une manière précise, le lieu où s’est livrée la mémorable bataille de 732 , gagnée par les Franks , aux ordres de Charles-Martel, sur les Sarrasins , commandés par Abdérame. Cette question , pour sa solution , est renvoyée à la prochaine session du Congrès. CINQUIÈME SECTION. XVIII. Le Congrès émet le vœu que le gouvernement pré- sente , le plus tôt possible, la loi qui doit régler la liberté de lenseignement. XIX. Le Congrès exprime le vœu qu'il soit établi, dans chaque chef-lieu d'académie qui possède une faculté de droit ou de médecine , des facultés de lettres et de sciences. (572) XX. Le Congrès engage ses membres et tous les membres des sociétés savantes et littéraires, à vouloir bien transmettre au prochain Congrès une indication précise des sociétés dé ce genre qui existent dans leurs départemens respectifs, du nombre des membres dont elles se composent , de la nature de leurs trayaux et des mémoires ou comptes rendus qu’elles publient. XXI. Le Congrès émet le vœu de voir supprimer l’Académie de France à Rome, comme n'ayant plus le degré d'utilité qui a présidé à sa création. IL verrait avec satisfaction que la pen- sion quinquennale qui est accordée par le gouvernement aux lauréats leur fût intégralement conservée, et que la facilité leur füt laissée d’aller visiter sans entraves les lieux vers les quels les appelle l'instinct de leur génie. XXII. Le Congrès croit devoir exprimer le profond dégoût que lui inspire l’immoralité qui flétrit un grand nombre de productions littéraires de notre époque. Il émet le vœu qu’à l'avenir les écrivains, quelle que soit l’école à laquelle ils appar- tiennent, ne s’écartent jamais des règles imposées par le goût et par le sentiment instinctif des convenances. H appelle à con- courir à la prompte réalisation de cette réforme , si nécéssaire, tous les hommes qui pensent que la mission des arts doit être de travailler toujours à moraliser l'humanité. XXIII. Le Congrès émet le vœu que l’enseignement de la technologie soït plus étendu. XXIV. Le Congrès exprime le vœu que les enfans ne puis- sent être admis dans les colléges de l’université, pour y étudier les langues anciennes et suivre l’enseignement secondaire , qu’a- près un examen constatant qu’ils possèdent les connaissances qui se donnent dans les écoles primaires du degré supérieur. XXV. Le Congrès invite le gouvernement à faire rédiger, sous la direction de l'Institut , un dictionnaire historique de la langue française, indiquant, par des citations tirées des ma- nuscrits des divers siècles, l’altération de sens et de forme des expressions, et déterminer ainsi le caractère inhérent à la (573 ) langue française et celui que lui a pu imprimer plus tard Vin- fluence de la littérature ancienne et étrangère (1). XXVL. Le Congrès émet le vœu qu'il soit formé., dans cha- que département, une commission choisie par le gouverne- ment parmi les membres des sociétés savantes , pour former un vocabulaire de tous les mots non français ou surannés employés par le peuple dans cette contrée. Il serait, de ces vocabulaires particuliers, fait un vocabulaire général, qu’on imprimerait aux frais de J’Etat, et dans lequel on joindrait, à chaque mot , l'indication du pays où il est en usage. XXVIL. Le Congrès émet le vœu, 1° que M. le ministre de l'instruction publique fasse faire, chaque année, un catalogue exact des ouvrages et des dissertations les plus remarquables qui sont publiés par les jurisconsultes allemands, et adresse un exemplaire de ce catalogue aux écoles de droit et aux prin- cipales bibliothèques de France ; 2° Que, par les soins de ce même ministre, il soit établi à Paris un dépôt de ces ouvrages, afin qu’on puisse se Jen pad curer facilement ; 3° Que, sous Fe auspices et la direction d’un jurisconsulte éclairé , on traduise , aux frais du gouvernement , ceux de ces ouvrages écrits en langue allemande qui seront d’une haute importance et d’une utilité reconnue. SIXIÈME SECTION. XXVIII. Le Congrès émet le vœu que l’article 331 du Code civil soit modifié en ce sens, que les enfans nés d’un oncle et de sa nièce, d’un beau-frère et d’une belle-sœur >; puissent être légitimés par mariage subséquent. XXIX. Le Congrès émet l'opinion suivante : L'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les tra- vaux des routes, offre plus d'avantages que d’inconvéniens. (x) Ge vœu a été admis par l’Institut; et depuis, lors de la discussion du budgèt à la chambre des députés, on a senti la nécessité de rédiger le dictionnaire dont la pre- mière-idée est due à M. Cardin. (Note du secrétaire général'du Congrès. ( 574 ) XXX. Le Congrès approuve la formation en France d’un corps spécial de travailleurs volontaires, tirés de l’armée et enrégimentés ; il serait composé des divers corps d’état qui peuvent coopérer à des grands travaux publics. XXXE. Le Congrès , attendu qu'il paraît résulter des ren- seignemens fournis , que dans certaines localités la suppression des tours a été nuisible aux enfans trouvés et abandonnés, émet le vœu , 1° que le gouvernement procède à une enquête, rela- tivement aux questions qui se rattachent aux enfans trouvés ; 2° Il émet également le vœu que les communes soient appe- lées à contribuer aux dépenses des enfans trouvés ; 3° Enfin, il émet aussi le vœu que des salles d’asile soient établies en grand nombre. XXXII. Le Congrès émet le vœu que le gouvernement fasse recueillir tous les documens susceptibles d’arriver à la solution de la question relative à la taxation du pain. XXXIIT. Le Congrès émet le vœu que la taxe de la viande de boucherie soit supprimée. XXXIV. Le Congrès invite M. le garde des sceaux à en- joindre , par l'entremise des procureurs généraux , à tous les juges de paix du royaume , de rechercher , dans les différentes communes de leurs cantons , au moyen d’enquêtes ou autre- ment , les usages locaux auxquels le Code civil se réfère. Les procès-verbaux des juges de paix de chaque ressort de cour royale, ainsi que copie certifiée des documens écrits qu’ils pourraient recueillir , seraient renvoyés à une commission de cinq jurisconsultes , choisis dans la ville où siége la cour, pour mettre les matériaux en ordre et dresser un tableau fidèle des usages constatés. Ces tableaux , ainsi dressés, seraient ensuite résumés dans un seul et même volume, et imprimés aux frais du gouverne- ment. XXXV. Le Congrès invite le gouvernement à faire dresser, pour les notaires , un tarif général et uniforme , ainsi qu'il à été fait pour les avoués et les huissiers , en 1807. XXXVI. Le Congrès, reconnaissant que l'organisation ac- (575 ) tuelle des gardes champêtres s'oppose à ce qu'ils puissent rendre tous les services que cette institution semblait pro- mettre, notamment à l’agriculture, émet le vœu qu'il y ait un garde champêtre pour chaque commune; qu’il reçoive un trai- tement plus élevé ; qu’il y ait, au chef-lieu de chaque canton, un brigadier, sous les'ordres et la surveillance duquel seraient placés tous les gardes champêtres du canton, et que les briga- diers des divers cantons soient eux-mêmes aux ordres et sous la surveillance du lieutenant de gendarmerie de l’arrondisse- ment. XXXVIL. Le Congrès , considérant combien il importe de favoriser les idées d’ordre et d’économie et les moyens de bien- être individuel, émet le vœu que les caisses d'épargne et les banques de prévoyance soient propagées dans toute la France, et que le gouvernement, par des publications réitérées, fasse sentir aux classes laborieuses tous les avantages qu’elles en peu- vent retirer. XXXVIII. Le Congrès émet le vœu que les départemens aient désormais une plus large part dans la distribution des fonds qui sont accordés , chaque année , par le gouvernement , pour encourager les sciences , les arts et les lettres. XXXIX. Le Congrès sollicite l’abrogation du décret du 20 février 1809, en ce qu’il attribue à l'Etat la propriété des ma- nuscrits qui existent dans les bibliothèques des départemens , des communes, et des autres établissemens publics. XL. Le Congrès, sans entrer dans les moyens d’exécu- tion, émet le vœu que des travaux soient incessamment entre- pris, soit pour améliorer le cours de la Loire, soit pour créer un canal latéral, soit enfin pour établir un chemin de fer entre Nantes et Orléans. XLI Le Congrès recommande aux conseils généraux et aux conseils d'arrondissement de la Loire-Inférieure , de Maine- et-Loiré , de la Vendée , des Deux-Sèvres et de la Vienne, aux économistes , aux ingénieurs , et à tous les habitans que cette entreprise peut intéresser, l'étude d’un chemin de fer de Nantes à Poitiers. ( 576 ) XLII. Le Congrès invite le gouvernement à hâter, le plus possible , l’impression et la publication de la copie du manuscrit des Assises de Jérusalem , retrouvée en 1829, et sur- tout du second volume de ce manuscrit contenant l« Cour des bourgeois. SRE | (577 ) PROPOSITIONS ADOPTÉES PAR LES SECTIONS, ET NON SOUMISES A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CLASSÉES MÉTHODIQUEMENT (1). PREMIÈRE SECTION. NEANT. DEUXIÈME SECTION. I. Appeler l'attention du gouvernement et des amis de l'humanité sur la situation actuelle des établissemens connus sous le nom de Monts-de-Piété, et sur la nécessité d’extirper les nombreux abus qui corrompent cette institution. II. Considérant que le projet de M. Bouriaud et celui de M. de Mar- silly (2), ayant pour objet la diminution du taux de l'intérêt de l’ar- gent, dans l’intérêt de l’agriculture et du commerce, contiennent des vues uîiles qui appellent de sérieuses méditations avant d’être adop- tées , il convient de recommander ces deux projets à l'attention du »* gouvernement, des Sociétés agricoles et industrielles de France, et du prochain Congrès. TROISIÈME SECTION. II. Question. Combien de temps peut vivre le fœtus après la mort de sa mère? Réponse. La question ne peut être résolue d’une manière absolue ; seulement il est constant que la vie du fœtus peut se prolonger après la mort de la mère, mais d’une manière variable et qui ne sau- rait être précisée, (x)-On s’est servi d’une autre formule pour ces propositions, attendu qu’elles n'ont pas reçu leur complément par l'approbation du Congrès. (2) Voir ces projets développés, p. 124 et 125. I [eà. (578 ) IV. 11 peut exister des lésions de fonctions sans lésions appréciables d'organes. V. La véritable vaccine préserve le plus souvent de la variole ; mais, dans quelques cas rares , les individus vaccinés peuvent être atteints par la variole. VI. Les mots fièvre putride , fièvre maligne , ne doivent pas être pris à Ja lettre. Ces dénominations, inventées par les anciens, ainsi que celles adoptées par les écoles modernes , ne sont nullement l’expression fidèle des caractères de ces maladies, dans lesquelles s’observent éga- lement des lésions des tissus organiques, des altérations dans les fluides et dans le système nerveux. VII. Les institutions sociales et politiques, les constitutions physiques et médicales, par un concours funeste et simultané, ont eu leur part d'influence dans la multiplication incontestable des suicides en France. Quant aux moyens préventifs, on peut indiquer : 1, un bon système d'éducation ; 2° quelques dispositions pénales ; 30 l’établissement de maisons d'asile. VIII. Inviter tous les médecins, savans , et observateurs quelconques , à fournir au Congrès prochain tous les matériaux qu’ils possèdent sur les constitutions physiques et médicales de leurs localités , avant, pen- dant et depuis l'invasion du choléra-morbus. IX. Recommander à l’examen de la prochaine session du Congrès la question suivante : La vie est-elle de nature différente dans chacun des êlres qui sont compris dans le mot monde, ou bien ‘est-elle sem- blable , et seulement distribuée en plus ou en moins ? X. Recommander au futur Congrès d'inviter les médecins, et tous ceux qui s'occupent d’études physiologiques , à rechercher et à signaler les avantages que l’on pourrait retirer de la phrénologie , pour le per- fectionnement de l'éducation. XI. Recommander à l'examen du futur Congrès la question sui- vante : La maladie de Pott, par ses terminaisons telles quelles , ne laisse- t-elle pas, chez les individus qui en ont été atteints, des infirmités assez graves, des troubles, des perturbations, des perversions orga- niques et fonctionnelles, assez profondes ‘pour que cette maladie ait droit d’être considérée comme une cause d’exemption spéciale de tout service militaire quelconque, et par conséquent d’être inscrite comme telle dans nos cadres médico-légaux, où elle n'existe en ce moment qu'implicitement ? QUATRIÈME SECTION. XH. Mettre au concours une histoire de Ja province , relatant avec PQ [a ( 579 ) fidélité et impartialité les principaux événemens , les mœurs et usages , les monumens ; suivie d’un précis sur l’histoire naturelle du pays : cet ouvrage devrait être rédigé de manière à être mis entre les mains des jeunes gens, pendant les dernières années de leurs humanités. Les sociétés savantes de France sont appelées à exécuter ce travail , qui for- mera le complément indispensable de l'éducation locale. XIII. Inviter les sociétés savantes à ne point s'arrêter , dans la publi- cation des médailles, au xue siècle, mais de la continuer jusqu'aux temps modernes, et d'y faire entrer la description des jetons, méreaux , monnaies de cuir et de métal. Il est à désirer que la deuxième session du Congrès invite les so- ciétes savantes et les numismates isolés à ne point se borner à décrire les médailles qui parviendraient à leur connaissance, parce.qu'elles exis- tent materiellement , mais à rechercher dans les archives et dans les documens historiques qui seraient à leur portée les médailles et les mon- naies dont l'existence y est constatée , bien qu’on n’ait pas pu parvenir à en retrouver des pièces matérielles (1). En résumé, on désire la rédaction d’une histoire monétaire qui ne soit plus basée seulement sur les pièces existantes matériellement, mais que ces mêmes pièces soient considérées comme de simples preuves des faits constatés par des documens. Par ce moyen, les monumens numis- matiques ne seront plus les seuls élémens de l’histoire monétaire , et serviraient de preuves matérielles aux faits déjà constatés. XIV. Émettre le vœu que l'Université mette entre les mains des élèves de seconde et de rhétorique un manuel élémentaire d’archéo- logie, pour les familiariser avec cette science et leur en inspirer le goût. XV. En adoptant un des vœux émis par la première session du Con- grès, tendant à demander la formation de musées d’antiquités natio- nales, dans les chefs-lieux de département, il convient de s'élever contre le projet d’ôter aux grandes villes, chefs-lieux d'arrondissement ÿ le droit de former des musées ou de conserver ceux qu'elles auraïent établis. XVI. Provoquer la création d’archivistes départementaux et muni- cipaux; ces archivistes rédigeraient des catalogues exacts dont les doubles seraient envoyés à Paris; .une commission centrale en ferait le dépouillement et en publierait les résultats. Les archivistes dépar- tementaux seraient obligés de faire des cours publics de diplomatique. XVII. A cause de la difficulté que présente l’origine de l’ogive et du (1) Voir, à la p. 193, un exemple donné pour mieux faire connaîlre la pensée qui a présidé à la rédaction de la proposition. ( 580 } style ogival, inviter les antiquaires à relever tous les monumens qui peuvent aider à la solution de la question , et à indiquer exactement quelle était la place de l'ogive dans les édifices où elle aura été ob- servée. Ces documens seraient apportés à la prochaine session du Congrès, qui se trouverait peut-être en position d'émettre une opinion en pleine connaissance de cause. XVII. Renvoyer au prochain Congrès la proposition suivante : Déterminer à quelle époque a cessé l'emploi des cordons de grandes briques et des tuiles à rebord dans la construction des édifices des Gaules. CINQUIÈME SECTION. XIX. Le Congrès renvoie à l'examen de la prochaine session du Congrès la question suivante : Quel est le meilleur mode de propager les beaux-arts ? XX. Le Congrès émet le vœu, pour la propagation du goût, pour le progrès des études archéologiques et dans l'intérêt des artistes, que ceux-ci se livrent , de plus en plus, à des investigations dans les dé- partemens. SIXIÈME SECTION. XXI. Recommander au gouvernement, à la prochaine session du Congrès ,.et à toutes les personnes qui s'occupent de législation et de littérature, l’étude des questions relatives à la propriété litléraire. XXII. Renvoyer au prochain Congrès, sans rien préjuger sur le fond, la proposition faite d’abroger la loi du 28 avril 1816, qui fait des charges de notaires, avoués , et autres officiers ministériels, une propriété mobilière, transmissible moyennant un prix, sauf à déter- miner des mesures transitoires, pour ménager les droits acquis sous l'empire de la loi abrogée. XXIII. Exprimer le vœu que l’article 155 du Code d'instruction cri- minelle, qui prescrit aux grefiers des tribunaux de simple police de tenir note des dépositions orales des témoins, et que l’article 189 du même Code rend applicable aux tribunaux de police correctionnelle , soit modifié en ce sens que les présidens des tribunaux correctionnels soient tenus de dicter eux-mêmes aux grefñers les dépositions des té- moins, dans toutes les affaires susceptibles d'appel. XXIV. Sur la question posée ainsi par le programme : Dans l'etat actuel de nos mœurs (il fallait ajouter et de notre legislation )y a-t- il lieu de maintenir la légitimation par mariage subsequent , non 7 ( 581 ) admise dans la législation anglaise? X1 y a lieu de répondre ce qui suit : Aucune objection ne peut s’élever contre la légitimation par ma- riage subséquent , admise par nos lois. Aussi n'est-ce point à elle que s'adressent les reproches des jurisconsultes anglais, mais bien à la légi- timation telle qu’elle était établie par le droit romain et par le droit canonique. D’après ces lois, on pouvait légitimer un enfant naturel long-temps après le mariage, ce qui donnait lieu à des abus que si- gnale Blakstone. La sagesse de nos modernes législateurs a purgé l’in- stitution des abus auxquels elle pouvait donner lieu. Il ne nous reste que le bien qu'elle peut produire (1). XXV. Il y a lieu de blâmer , comme fausses et dangereuses pour la société, les doctrines appartenant à ce qu’on appelle la zowvelle science de l’homme , et qui tendent à. établir la nécessite des actes et le defaut du libre arbitre dans l'homme, et à faire considérer que Le remords n'est que le résultat des prejuges (2). DEUXIÈME ET SIXIÈME SECTIONS RÉUNIES. XXVI. Appeler l’attention du gouvernement et les méditations du futur Congrès sur les deux projets de loi relatifs aux chemins vi- cinaux, présentés par MM. de Godefroy ( de Lille) et Fradin ( de Poi- tiers) (2). (x) Cette solulion résulte de l’assentiment donné par la section à cette réponse, formulée par M. Nicias Gaillard. (2) Gette proposition résulte du blâme formellement exprimé par la section, à l'en- sontre des doctrines exposées dans le mémoire. (3) Ces projets se trouvent analysés, p. 103, 104 ct 105. (582 ) CATALOGUE DES OUVRAGES OFFERTS AU CONGRÈS (1). 1° Élémens de Droit Public et Administratif, ou Exposition métho- dique des principes du droit public positif, avec l'indication des lois à l'appui ; suivis d’un Appendice contenant le texte des principales lois du droit public; par M. Æ. Foucart. Poitiers. Saurin. 1834. (T. 1er et appendice.) In-8°. 2. Le Livre de l'Homme de bien, ou le Testament du docteur Cramer, suivi de la Visite de Gustave ; par M. £d. Richer. Nantes. 1832. In-8e. 3. Étrennes à la Jeunesse, par M. F. Chatelain. Paris. 1833. In-16. 4. Lettre à Ia Nation anglaise sur l’union des peuples et la civilisation comparée, sur l'instrument économique du temps, appelé Biomètre ou montre morale; suivie de quelques poésies et d’un discours en vers sur les principaux savans, littérateurs, poètes et artistes qu'a produits l’Angleterre ; par M. .-4. Jullien (de Paris). Londres. 1833. In-8. 5. Essai sur la Statistique industrielle de la ville d'Angers, par M. Vincent. Angers. 1834. In-16. 6. Enquête sur les fers. 1829. In-4. 7. Enquête sur les houilles. 1833. In-4. 8. Opinion de M. Christophe ( sur les prohibitions et la liberté du commerce, et autres questions d'économie politique) ; par M. Boucher des Perthes. Paris. 1831 à 1834. 4 vol. in-12. 9. Bulletin de la Société francaise de Statistique universelle, 1re et 2», année ( 1830 à 1832). Paris. 2 vol. in-4. 10. Journal des travaux de la même Société, 3me vol. ( 1er vol. de la nouvelle série) pour l’année 1833. Paris. In-fol. 11. Journal des travaux de l’Académie de l’industrie agricole, manu- (1) Beaucoup d'ouvrages offerts au Congrès, en assemblée générale ou dans les sec- tions, se sont égarés; de sorte que tous les articles qu'on va indiquer ne se trouvent pas à la bibliothèque de Poitiers, et que d'autres livres offerts ne sont point inscrits dans ce catalogue. La création d'un archiviste, pour chaque session du Congrès, re- médiera à cet inconvénient, pour les autres sessions. ( 583 ) facturière et commerciale (ire, 2e et 3e années). 1831 à 1833. Paris. 3 vol. in-fol. 12. Recueil supplémentaire des mémoires de ladite Académie. 1er vol. 1832 à 1833. Paris. 1 vol. in-f. 13. Vrai système du Monde, précédé de la question de la longitude sur mer soumise aux Académies savantes de l’Europe, suivi d’un mé- moire explicatif des phénomènes de l'aiguille aimantée, et solution de la question de longitude sur mer au moyen d’une sphère-pendule ; par M. Demonville. Paris. 1833. In-S$. 14. Questions sur l’Astronomie, suivies de la proposition d’un nou- veau système ; par M. J.-P. Anquetil. Paris. 1833. In-8. 15. Annuaire des cinq départemens de l’ancienne Normandie, pour l’année 1834, publié par l'Association Normande. In-8. 16. Étrennes coutancaises, ou Annuaire ecclésiastique et civil du diocèse de Coutances et des îles de la Manche, pour l’année 1834; par M. l’abbe Piton-Desprez. Coutances. 1834. In-16. 17. Flore de Terre-Neuve et des îles St-Pierre et Miquelon, par M. de La Pylaie. Paris. 1829. ire et 2e livrais. in-f. 18. Essai sur l'Histoire naturelle de la Normandie, par M. C.-G. Chesnon. 1"° partie. — Quadrupèdes et oiseaux. Bayeux. 1834. In-8. 19. Essai sur les combustions humaines , par M. P.-4. Lair. Caen. 1823.In-12. 20. Traité de la non-existence des fièvres essentielles, par M. Ouo- tard-Piorry. Poitiers. 18... in-8. 21. Considérations sur la nature et le traitement du choléra-morbus, suivies d’une instruction sur les préceptes hygiéniques contre cette ma- ladie ; par M. le chev. de Kerckhove, dit de Kirckoff. Anvers. 1833. In-8. 22. Mémoire sur le perfectionnement de la vinification, par M. Ælie Dru. Paris. 1823. In-8. 23. Précis des travaux de la Société royale d’agriculture et de com- merce de Caen, depuis son établissement en 1801 jusqu’en 1810 ; par M. P.-A. Lair, secrétaire perpétuel. Caen. 1827. In-8. 24. Lettre d’un relieur français aux principaux imprimeurs, libraires, relieurs et bibliophiles de l’Europe ; par M. Lesne:. 1834. In-8. 25. Poésies politiques, par M. M.-4 Jullien (de Paris). Paris. 1831. In-8. 26. Prométhéides, Revue du Salon de 1833, par M. F. Chatelain. Paris. 1833. In-8. 27. Lyre d'amour, suivie d’une biographie des poètes nés dans le département de la Charente; par M. Æ. Castaigne. Angoulème. 1829. In-8. ( 584 } 28. La Bonne Ville, ou le Maire et le Jésuite, par M. Zsidore Lebrun. Paris. 1826. 2 vol. in-12. 29. Elegant Extract from the most celebrated British prose writers and poets, by D. O’Sullivan. Paris. 1832. 2 vol. in-8. 30. Tableau statistique et politique des Deux-Canadas , par M. Zsidore Lebrun. Paris. 1833. 1 vol. in-8. 31. Statistique de Maine-et-Loire , publiée, sous les auspices du con- seil général du département, par la Société d’agriculture , sciences et arts d'Angers. — fre partie : Statistique naturelle ; par M. Desvaux. Angers. 1834. 1 vol. in-8., avec atlas. 32. Revue Anglo-Francaise , destinée à recueillir toutes les données historiques et autres, se rattachant aux points de contact entre la France , l’Aquitaine et la Normandie , la Grande-Bretagne et l'Irlande, publiée à Poitiers sous la direction de M. de la Fontenelle de Vaudore. (Tom. 1er et cahiers 5 et 6 formant la moitié du tome 2e.) Poitiers. Saurin. 1833 et 1834. In-8., avec lith. (1). 33. Histoire de la ville de Thérouane , ancienne capitale de la Mo- rinie , et notices historiques sur Fouquembergues et Renti; par M. Piers. St-Omer. 1833. In-8. 34. Histoire de la ville de Bergues-St-Winoc. — Notices historiques sur Honschoote , Wormhoudt, Gravelines, Mardick, Bourbourg, Wat- ten; par Le même. St-Omer. 1833. In-8. 35. Essai sur l’origine de la ville de Blois, et sur ses accroissemens jusqu'au 10e siècle ; par M. de la Saussaye. Paris. 1832. In-8. 36. Mémoire sur l'antiquité des peuples de Bayeux , par M. Mangon de la Lande. Bayeux. 1832. In-8. 37. Collection de costumes pour servir à l’histoire de la Révolution francaise et de l’Empire; par M. Æorace de V'iel-Castel. Paris. 1834. 3 liv. in-fol. 38. Congrès scientifique de France. Première session tenue à Caen en 1833. 1 vol. in-8. Rouen. 39. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie , pour les années 1831, 1832 et 1833, avec atlas. In-8. 40. Mémoires de l’Académie royale des Sciences de Caen. 1825 et 1829. In-8. 41. Plan de l'embouchure de la Boutonne, par M. Maquelez. Une feuille. 42. Cathédrale d'Amiens , par M. Renard. Dessin lith. (1) Le premier cahier de cette publication avait été offert au Congrès de Caen, et par erreur il n'a pas été mentionné dans le catalogue. ( 585 ) 43. Tableau synoptique du règne végétal, d’après la méthode de M. de Jussieu, modifiée par M. Richard; par M. d'Orbigny. Une feuille. 44. Institut de France. — Rapport sur les résultats du voyage dans l'Amérique méridionale, de M. Acide d'Orbigny, de 1826 à 1833. In-4. 45. Tableau de l’état du globe à ses différens âges, ou Résumé sy- moptique du cour sde géologie de M. W. Boubée, me édition. Une feuille. 46. Carte géologique du département de la Manche, dtessée par M. de Caumont. Une feuille. 47. Revue de l'Ouest, janvier 1833; par M.'AÆ. de Ste-Hermine. In-8. 48. Cahiers manuscrits à l'usage des écoles primaires de l’arrondis- sement de Falaise ( Calvados). — Histoire de Falaise et de son arron- dissement, par M. F. Galeron. Cahier lith. , in-8. 49. Xcole théorique et pratique d’horlogerie et de mécanique à Mâcon (Saône-et-Loire). In-8. 50. La Nouvelle France , fragment d’un roman politique inédit ; par M. Bidaut. Paris. In-8. 51. Revue élémentaire et progressive des sciences physiques et natu- relles ; par M. NV. Boubée. Première liv. Paris. In-8. 52. Description d’un monument arabe du moyen-âge, conservé à Bayeux en Normandie; par M. J. Spencer Smith. Caen. 182... In-8. 53. Mémoire sur des Médailles romaines, par M. Z’ergnaud-Roma- gnesi. Orléans. In-$. 54. Notes archéologiques, recueillies dans un voyage d’Allemagne , pendant l’année 1833 ; par... 1334. In-8. 55. Notice sur la cathédrale d'Angoulême, par M. Z. Castaigne. Angoulême. 1834. In-8. 56. Observations pratiques sur la sensibilité des substances dures des dents; par M. Duval. Paris. 1833. In-8. 57. Notice historico-médicale sur lés Normands , par Le même. Paris. 1833. in-8. 58. Lettres sur les Antiquités romaines trouvées à Vaton, en 1834 ; par M. F. Galeron.Falaise. 1834. In-8. 59. Suger, par M. Piers. St-Omer. 1832. In-8. 60. Dissertation sur cette expression de Virgile : Æxtremique ho- minum Morini, Ænéide, liv. VIIL; par Le même. Inr-8. 74 ( 586 ) 61. Société pour le patronage des jeunes libérés du département de la Seine, — Assemblée générale de cette Société... In-8. 62. Vie de St Léger , évêque d’Autun, par M. J. Babinet. Poitiers. 1834. In-8. 63. Semoir-Hugues. In-8. 64. Rapport sur les travaux de la Société linnéenne de Normandie, par M. de Caumont. In-8. 65. Mémoire sur les Sculptures antiques trouvées à Orléans, en 1833 ; par M. Z’ergnaud-Romagnesi. In-8. 66. Moniteur des Villes et des Campagnes. Paris. In-8. (12liv. de 1833 et 7 livrais. de 1834.) 67. Banque de prévoyance.— Compte rendu du 1er mai 1834. In-4. 68. Annales de la Société Académique de Nantes. — Juillet 1834. In-8. 69. Règlement constitutif de la Société Française pour la conser- vation des Monumens historiques. Caen. 1834. In-8. 70. Revue Normande, sous la direction de M. de Caumont. In 8.,en cahiers. 71. Association Normande. — Réunions générales des 19 et 20 juillet 1833 ; — des 18 et 19 avril 1834. In-S. 72. De l'influence de l’État social sur le Génie littéraire. Discours prononcé à Caen par M. Cubrié. Caen. 1834. In-8. : 13. Deuxième Mémoire sur la géologie de l'arrondissement de Bayeux, par M. de Caumont. n-8. 74. Cours d’Antiquités Monumentales, professé à Caen, par M. de Caumont. Plusicurs cahiers in-4., avec atlas. 75. L'Arbre de la Liberté, ode, par M. Æ. Castaigne. Paris. 1832. In-6. 76. Ode sur le Congrès, par M. l'abbé Auber. Poitiers. 1834. In-8. 77. Statuts constitutifs de l'Institut historique. Paris. 1833. In-8. 78. Lecons de littérature anglaise, ancienne et moderne, par M. O’Sullivan. Paris. 1833. 2 vol. in-12. 79. Extrait de la Revue du Progrès social. Sixième livrais.—Instruc- tion primaire. Paris. 1833. In-8. 80. Société royale d'agriculture et de commerce de Caen. Cinquième exposition des produits des arts du département du Calvados. In-8. 81. Extrait du Journal Grammatical de la langue française. Tom. 1er, nes 4 ei 5. In-8. 82. Essai pratique sur l'empioiou la manière de travailler l'acier , par M. Z. Damnêne ( ouvrier à Caen). Souscription. In-8. 83. Société Philharmonique du Calvados. Distribution des prix aux ( 587 ) élèves de l'École de chant. — Discours de M. P.-4. Lair. Caen. in-8. 84. Mémoire sur la culture des Melons , dans le départément du Cal- vados; par M. Montaigu. In-8. 85. Catalogue des arbres, arbrisseaux et plantes cultivés dans les pépinières et serres des frères Audibert, à Tonette, près Tarascon ( Bouches-du-Rhône). Cinquième partie. — Jeunes plantes de semis pour former des pépinières. 86. Tableau Encyclopédique des Connaissances humaines, d’après un nouveau système de classification; par M. Jullien ( de Paris). 87. Tableau analytique d’un plan d'éducation pratique, par Le même. 88. Idée abrégée de la méthode d'éducation de Pestalozzi, par Le même. 89. Notice sur les Congrès Scientifiques, par Le même. 90. Essai sur l'Emploi du Temps, à l'usage des jeunes gens, par le même. Ouvrage adopté par l’Université. Quatrième édition, 1 vol. in-8. 91. Biomètre, ou Mémorial horaire, instrument-livret, hygiénique et moral, destiné à faire mesurer et apprécier la vie, par les divers emplois de chaque intervalle de 24 heures ; par Le même. 92. La Mère de Famille, Journal mensuel, moral, religieux, lit- téraire, d'économie et d'hygiène domestiques, destiné à l'instruction et à l'amélioration des femmes ; par Mne J. Sirey , née de Lasteyrie du Saillant.( Prem. ann.) 1 vol. in-8. 93. L'Édile Français, Journal des Travaux publics. ( Plusieurs nos.) 94. Statuts de l’Institut historique établi à Paris. 95. Règlement de la Société de civilisation, fondée à Paris, par M. de Moncey. 96. Statistique des lettres et des sciences en France. Institutions et établissemens littéraires et scientifiques. Dictionnaire des hommes de lettres, des savans existans en France, leurs ouvrages, leur domicile actuel , etc.; par M. Guyot de Fère. 1 vol.in-8. 97. Journal de l’Institut historique. Prem. cah. sept. 1834. 98. Lettre à M. Armand Cassan, sous-préfet ‘de Mantes , sur l’origine étymologique des noms de la ville de Mantes et de celle de Meulan ; par M. Éloi Johanneau. In-8. 99. Lettre à M. Geland, curé de Montreuil-les-Pêches, sur la devise bretonne de M. de Quélen, archevêque de Paris; par le même. 100. Origines étymologiques. — Lettre à M. Jal, sur les étymologies des mots arsenal et goudron; par le même. ( 588 ) 161. Sur le Fablet dou Dieu d’Amours, publié pour la première fois par M. Achille Jubinal ; par Le même. 102. Précis géologique sur le bassin de calcaire tertiaire des environs de Dinan, par M. de la Pylaie. 103. Relation des réunions extraordinaires de la Société géologique de France, à Caen, en 1832. In-8. 104. Précis d'introduction au cours des sciences physiques de l’école royale de Bourbon-Vendée, par M. 4. Rivière. 105. Collection des portraits des naturalistes français, publiée par M. Jules Boilly, extrait du Bulletin d'Histoire naturelle de France. (Huit portraits. Ce sont ceux de MM. Reboul , Ami Boué, de Montlosier, Requien , Marcel de Serres, Lecocq, Bouillel et Tournal. ) 106. L'Écho du Monde Savant , journal hebdomadaire des nouvelles et discussions scientifiques. (Toute la collection, depuis le 1er avril 1834, époque de la création de cette publication.) 107. Notice sur les îles Crozet , situées dans l'hémisphère austral, par M. de la Pylaie. In-8. Rennes. 108. Programme d’un cours de botanique , suivi de la nomologie bo- tanique, ou lois d'organisation végétale; par M. Desvaux. Deux. éd. in-8. Angers. 1832. 109. Opuscule sur les sciences physiques et naturelles, par Le même. In-8. Angers. 1831. 110. Recherches sur les armures du moyen-âge, par M. Ællou. In-8., avec lith. 111. Programme des cours de culture pratique professés à l’école normale-primaire de l’Académie de Paris, à Versailles, par M. F. Phi- lippar. In-8. 112. Des chemins vicinaux , par le comte Borgarelli d'Ison. In-8. 113. L’Amant timide, comédie en un acte, en vers ( époque et mœurs de 1785), par un auteur de 18 ans ( M. Châteauneuf). In-8. Six. éd. Paris. 1834. 114. De l'Emploi de l’armée aux travaux d'utilité publique, par M. Bonnin (de Civray). In-8. 115. De l’Extinction de la Mendicité, par Le même. in-8. 116. Observations sur le projet de réduction des tours d'exposition des enfans trouvés, et celui de leur concentration dans des maisons de dépôt; par M. Cassany-Mazet , vice-président de la commission administrative de l’hospice de Villeneuve-sur-Lot. In-8. Agen. 1834. 117. Congrès méridional, ire session. 1834. 1 vol. grand in-8. Tou- louse. 118. Notice sur Jublains , par M. J’erger. In-8. Nantes. 1834. ( 589 ) LISTE DES MEMBRES DE LA SECONDE SESSION DU CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE (1). MM. I. Laurence aîné , ancien maire de la ville de Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville, à Poitiers. (x1.) P. 260. IT. F. L. BezLor, avoué au tribunal de Civray ( Vienne ). AUTANT III. Barsauzr DE La Morte &, président de chambre à la Cour royale, membre de la Société acad., à Poitiers, vice-pré- (1) On a suivi l’ordre des inscriptions. Les chiffres romains indiquent les sections dans lesquelles chaque membre s’est fait inscrire, et les chiffres arabes font connaître les pages du volume où il est question de lui. La marque *, placée à la suite d’un nom, indique que cet individu a fait prendre sa carte, mais qu'il n’a pu se rendre au Congrès. C'est aussi le lieu de dire que bon nombre de membres du Congrès y sont venus avec la mission d'y représenter des Sociétés savantes. Ze Congrès provincial de Douai. MM. de Godefroy et de Givenchy.— L'Académie de l’industrie agricole, manufac- turière et commerciale, à Paris. M. F. Chatelain. — La Société française de statis- tique universelle. M. Jullien ( de Paris ).—La Société des Antiquaires de la Morinie. MM. de Givenchy et de Godefroy. — La Société d’agriculture de St-Omer. M. de Givenchy. — La Société académique des sciences , arts et belles-lettres du Var. M. F. Chatelain. — La Société académique d'agriculture , sciences et arts d’Angers. MM. Chanlouyneau , Devaux, Hawke et de la Pylaie. — La Société industrielle d'Angers. M. Desvaux.— La Société académique de Nantes. MM. Guépin, Simon et Verger. — L'Académie des sciences de Caen. M. Lair.— La Société d’agriculture et des arts de la même ville. M. Lair. — La Société philharmonique de la même ville. M. Lair. — La Société d'agriculture des Deux-Sèvres. M. Jozeau père. — La Société académique de Blois. MM. de la Saussaye et le comte de Vibraye.— La Société académique d’An- gouléme. M. Castaigne. — La Société académique de St- Quentin. M. Mangon de la Lande. — La Société académique d’Evreux. M. Chevereaux.— Le Comice agricole de St-Savin a été représenté par M. Auguste Fournet-Marsilly; celui de la Trimouille , par M. Hector Dubreuil; celui de Mirebeau , par MM. de Fouquet père et fils; celui de ‘Gencay, par M. Nicolas, etc. Le secrétaire général et un grand nombre de membres du Congrès méridional , séant à Toulouse, la Société libre des beaux -aris de Paris, la Société académique de Rochefort, etc., ont aussi écrit pour se meltre en rapport avec la seconde session du Congrès scientifique de France. ( 590 ) sident de la deuxième seclion à cette session du Congrès. (n, vi.) P. 28, 85, 87, 92, 112, 127, 305, 398, 399. IV. Le baron Demarçay #, maréchal de camp d’artillerie, député de la Vienne, membre du conseil général du même département, du conseil supérieur d'agriculture, correspondant de la Société centrale d'agriculture de Paris, etc. , au château du Breuil , près Mirebeau ( Vienne}. {11, v, vi.) P. 90, 292, 203 , 205 , 206, 297, 301, 327, 328, 394, 395, 306, 300, 431, 432, 433, 434. V. L'abbé Samoyauzr , vicaire-général du diocèse de Poitiers et supérieur du grand séminaire, à Poitiers. (m1, v.) VI. L'abbé Prer, directeur du séminaire de Poitiers. (11, vi. ) P. 418, 410. VII. L'abbé Garzcanp, aumônier de l’Hôpital-général, à Poitiers. (1,11, vi.) P. 37, 50, 51, 54, 308, 309, 310. VIIT. Correux-LABaRTERIE , propriétaire, à Poitiers. (1, 1v, VE) IX. GC. Le François Descourris, propriétaire, au château de l’Audonnière, près Gençay ( Vienne). (n1, v.) X. Rogin, artiste musicien, membre de la Société acad. de Poitiers, à Poitiers. (1v, v.) P. 229, 240, 246. XI. Garreau , conseiller à la Cour royale, membre de la Société acad. , à Poitiers. (1,1m1,1v, vi.) XII. LoritcarD D’AUBIGNY , artiste musicien , à Poitiers. (iv, y.) XIII. Over Arpercé , avocat à la Cour royale de Paris. (vr.) XIV. Lecowc père, conseiller honoraire à la Cour royale, à Poitiers. ( vi.) XV. Lecoxc fils, conseiller à la Cour royale de Poitiers, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest. (1, 11, 11, 1V, V, vi.) P. 88, 102, 108, 125, 398, 465. XVI. Bovrces, libraire et imprimeur-lithographe, à Poi- tiers. (v.) ù XVII. L'abbé Lacroix, curé de Montierneuf, à Poitiers. Cv.) ( 591 ) XVIII. Lacroix fils aîné, médecin-vétérinaire , membre de la Société acad., à Poitiers. (ur, ur. ) XIX. C. Derarre, botaniste, membre de plusieurs sociétés savantes, sous-préfet à Loudun ( Vienne). (1, vis) P.,92, 98, 74: 75, 76, 500, 510, 511, 512, 513,514, 515, 516, 517,518, 5ro, 520, 521, 522, 523. XX. Lecenne, substitut du Procureur général près la Cour royale de Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville et de diverses autres sociétés savantes. (LE VS CES P. 43, 48. XXI. DE ra FONTENELLE DE Vauroré %, conseiller à la Cour royale de Poitiers , membre du conseil général des Deux- Sèvres , à Poitiers , président de la quatrième section à la pre- mière session du Congrès tenue en 1833, secrétaire général pour la deuxième session. (1, 11 2 Na Vis) D-3,,2:8, 435,16, 7 9 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 24, 27, 50, 101, 118, 119, 164, 168, 169, 196, 197; 108, 199, 206, 221, 229, 387, 388, 389, 390, 300, 401, 404, 405, 406, 430, 436, 437, 438, 440, fie, 443, 644, 447, 449, 450, 451, 67, 468, 480, 481, 482, 491, 492, 403, 497, 498, 502, 584. XXII. Bouriaup, négociant , trésorier de la Société acad. de Poitiers, admunistrateur des hospices de la même ville, à Poitiers. trésorier de cette session du Congrès. (1, vi.) P. 6, 26, 27, 124, 125, 126, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 389, 390, 4o7, 479; 483, 484, 496. XXII. OmiirarD, avocat, à Poitiers. (vL.) ’ XXIV. Guerry-CuamPneur X, ancien magistrat et ancien directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice, avocat, à Poitiers, vice-président de la 5° section à celte session du Congrès. (v, vi.) P. 29; 217, 220, 234 , 236, 237, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254 , 255, 256, 259, 260, 266, 268, 269, 270, 301, 328, 329, 330, 331, 332, 333, 344, 345, 453, 454, 465, 480. XXV. Lever pe La MarsonNiëre, ancien professeur à Fé- cole secondaire de médecine, docteur-médecin, à Poitiers, pré- sident de la 3° section à cette session du Congrès. (1. ) P. 28, ( 592 ) 29, 128, 129, 134, 136, 138, 147, 149, 151, 152, 159. XXVI. Nicras Garzrarn , avocat général à la Cour royale de Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville et de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers , vice-président de la 6° section à cette session du Congrès. (1, 1V, V, vtr.) P. 30, 86, 88, 92, 93, 95, 97; 98, 99, 100, 119; 120, 121, 125, 126, 253, 254, 255, 256, 267, 271, 272, 293, 274, 275, 276, 277, 307, 316, 322, 32Â, 325, 328, 342, 354, 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 363,364, 365 , 366, 367, 368, 569, 370, 371, 372, 374 ; 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 386, 420, 422, 440, 441, 465, 482, 453. XXVII. L'Huurer-Ducné , docteur-médecin , ancien pro- fesseur d'histoire naturelle, à Montmorillon ( Vienne). (1,11, im. ). P. 109, 122. à XXVIII. Bezun DE ra LisoriÈre X , ancien recteur de l'académie de Poitiers , membre de la Société acad. de la même ville, à Poitiers. (v.) P. 230, 259, 265, 481. XXIX. Brocxaiw, juge d'instruction au tribunal de Poitiers. (1,1v, v, VI.) P. 305, 306, 325, 326, 327, 465. XXX. Lucren Garzcarp, docteur- médecin, professeur à l’école secondaire de médecine de Poitiers, membre de la So- ciété acad. de la mème ville, à Poitiers, secrétaire de la 3° sec- tion à cette session du Congrès. (1, 111.) P.4,29, 128,133, 134, 137, 146, 147, 148, 159, 388, 389, 419, 430, 431, 44x, 466. XXXI. Lemercrer , banquier, colonel de la garde nationale et administrateur des hospices , à Poitiers. (vr.) P. 344. XXXITI. Prasse, chef d'institution , à Poitiers. (1, 1v, v.) XXXIIT. Lecorrre-Dauvizzier , ancien banquier , proprié- taire, à Poitiers. (11, vi.) XXXIV. Lecornrre-Déronr, antiquaire, membre des So- ciétés des antiquaires d'Écosse, de Morinie et de l'Ouest, à Alençon (Orne). (1v, v, vi.) P. 166, 167, 168, 169, 269. XXXV. Duroxr, propriétaire , à Poitiers. (1,11, m1, 1V, v, VI.) XXXVI. Briquer , homme de lettres, membre de la Société ( 593 ) des antiquaires de l'Ouest, inspecteur des monumens histori- ques des Deux-Sèvres , à Niort (Deux-Sèvres). (iv, v, vi.) P. 194, 452, 462, 463, 464. XXXVII. Parvusree , docteur-médecin , à Niort, membre de la Société de médecine de la même ville. (1,1, mr.) P. 98, 70, 152, 194, 155, 523, 524. XXXVIIL Basaucr DE Cmaumowr fils, juge au tribunal de première instance de Poitiers, de la Société acad. de la même ville, de la Société des antiquaires de l'Ouest, et de plusieurs autres sociétés savantes, à Poitiers, secrétaire de la 2° section à celte session du Congrès. (1, 11, 1V, V, VI.) P. 4, 28, 40, 42, 43, 83,85, 86, 87, 38, 107, 108, 112, 114; 119, 127, 888, 397, 395, 400, 404, 419, 430, 438, 441, 466, 484. XXXIX. Maupuyr , conservateur du musée d'histoire natu- relle de Poitiers, bibliothécaire-adjoint , membre de la Société acad. de la même ville, de la Société des antiquaires de l’Ouest, de la Société linnéenne de Normandie , et de plusieurs autres sociétés savantes. @,u,v.) P. 33, 40, 48, 77. 8, 82, 452, 453. XL. De Caumont #, correspondant de l’Institut, etc., à Caen, secrétaire général de la 1"° session du Congrès, tenue à Caen en 1333, et président de celte session. (1, 11, IV, V, vi.) P.3, 24, 27, 39, 69, 70, 82, 83, 163, 164,171, 193, 175,184, 218, 219, 220, 200, 387, 389, 400, 404, 407, 414, 422, 430, 434, 438, 430, bo, 44r, 442, 444, 445, 447, 448, 466, 467, 478, 479, 484, 487, 494, 495, 497, 498, 558, 539, 540, 541, 542, 585, 586. XLI. Isrnore Le Brun , homme de lettres, membre de di- verses sociétés savantes, à Paris, membre de la 1° session du Congrès , tenue en 1833, président de la 5° section et secré- ‘ taire de la 6° section, pour la deuxième session du Congrès. (u, iv; wv, vi.) P. 5, 29, 80, 51, 52, 53, 192,.193, 217, 18, 220, 221, 222, 223, 227, 220, 290 , 233, 234 , 235, 236, 237, 238, 239, 240, 246, 247, 255, 256, 257, 258, 263, 265, 266, 267, 268, 307, 344, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 366, 389, 399, 400, 403, 404, 419; 429, A4r, 453, 454, 48, 484, 584. 75 (594) XLII. Jorcr, docteur-médecin, professeur à l’école secon- daire de médecine de Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville , à Poitiers. (ur.) P. 128, 144, 145, 146, 152, 411. XLIIL. Onicar» , docteur-médecin , à Poitiers. (nr, vr.) XLIV. Nav pe La SauvaGÈRE , avocat à la Cour royale, pro- fesseur à l’Athénée , à Paris. (11,1v, vi.) P. 89, 265, 301, 353, for, 402, 403, 404, 427, 428, 429, 430, 436, 437, 480. XLV. Lerarp DE La BouraLiÈRE, ancien capitaine d’infan- terie, propriétaire , à Poitiers. ( vr.) XLVI. Léorer, propriétaire , à Poitiers. ( 11.) XLVIT. Bér4a, procureur du roi au tribunal de première instance de Poitiers , membre de la Société acad. de la même - ville. (v, vi.) P. 250, 291, 292, 344, 404, 405. XLVIIT. Barrcceau, docteur en médecine, directeur et pro- fesseur de l’école secondaire de médecine de Poitiers. (ur, vi.) P. 135, 136, 137, 149, 151, 152, 154, 327, 344. XLIX. Tursaupeau, inspecteur des poids et mesures du dé- partement de la Vienne, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers. (1v. ). P. 207. L. Davio De Taais, avocat et littérateur , à Poitiers. (11, v, vi.) P. 218, 221, 222, 225, 226, 230, 231, 236, 240, 246, 291, 322, 421, 426, 438, 439, 487. LI. Lamoureux , docteur-médecin, à Poitiers. (1, 11, mt, IV, V VI.) LIT. Ponrois, avocat, à Poitiers, ancien conseiller de pré- fecture de la Vienne. (1,11,1v, v, vi. ). P. 344, 353. LUI. Berr , notaire , à Poitiers. (vr. ) LIV. Ronrer , membre du conseil général des Deux-Sèvres, juge d’instruction à Melle (Deux-Sèvres ). (11, 1v, vi.) LV. Carré, docteur-médecin , à Poitiers. (1,11, 111.) P. 54. LVI. B4s, docteur-médecin , à Poitiers. (1, 11,1.) P. 136. LVII. Baucrer , membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, propriétaire et dessinateur, à Niort (Deux-Sèvres). (av, v, vi. ) P. 194, 462, 463, 464. LVIII. Gustave LAuRENCE , propriétaire , à Niort. (1v, v, vi.) ( 595 ) LIX. Dopuis-Vaizcanr % , négociant , lieutenant-colonel de la garde nationale, trésorier de la Société des antiquaires de l'Ouest , à Poitiers. (1v.) P. 215, 446. LX. GarzcarD DE LA DioNNERIE , ancien magistrat, avocat à Poitiers. (1, vi.) LXT Rourc pe LA Tour , membre de la Société d'agriculture de Civray ( Vienne). (17, v.) LXII. Cuasor fils, avocat , à Poitiers. (1v, v.) LXIIT. Rivière, professeur au collége de Bourbon-Vendée. (z,1v.) P. 33, 38, 30, 42, 43, 44, 48, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 66, 78, 81, 588. LXIV. Daeuix , avocat , ancien professeur au collége royal , secrétaire de la faculté de droit , à Poitiers. (v, vr.) LXV. Le baron Bourenon DE Layre # , conseiller à la Cour royale de Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville et de la Société des antiquaires de l'Ouest. (iv, vi.) P. 102, 268, 304, 305, 353, 434. LXVI. Masson , ingénieur des ponts et chaussées, à Poitiers. (1, I, VI.) LXVIT. Tozaswe fils, propriétaire, à Poitiers. (1, vi.) LXVIIT. Carnin, avocat, ancien magistrat, membre de la Société acad. de Poitiers, des Sociétés des antiquaires de l'Ouest, de Normandie et de Morinie , à Poitiers. (1v, v, vi.) P. 220, 221, 238, 246, 252, 263, 264, 265, 398, 399, 482, 485. LXIX. Doussn-Derys , bibliothécaire, membre de la So- ciété des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers. (in, 1v, v.) P. 247, 56x, 562. LXX. De Cnièëvres, ancien magistrat , à Poitiers. (1v, v, vi.) LXXI. Lesourp-VaiLLanr, négociant, juge au tribunal de commerce de Poitiers. (11. ) LXXIL Peau fils, docteur-médecin, à Poitiers. (1, 1, vi.) P. 132, 135, 139, 141. LXXIII. Ducxesne pe Sr-Léçerr, propriétaire, à Mirande : près Poitiers. (11. ) ( 596 ) EXXIV. Bowwer, docteur-médecin, à Poitiers. (un, wi. ) P.u15,r52, 154. LXXV. Prieur, docteur-médecin, à Poitiers. (111, wi.) EXXVL On. Arnaucr , membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Niort ( Deux-Sèvres). (11, 1v, w, wi. }P. 194, 46», 463, 464. | LXXVII. Pu. Vaizcanr , membre de la Société académ. de Poitiers, négoctant-filateur au Pin , près Poitiers. (41. LXXVHI. Cuevarnrer-Rurrenr, docteur-médecin , membre de la Société acad. , à Poitiers. ( m1. ) LXXIX. Georrrox , procureur du roi à Loches (Indve-et- Loire. (vr.) LXXX. F. Cnarezan, homme de lettres, membre de plu- sieurs sociétés savantes, à Paris, secrétaire de la 5e section à cetteisession du Congrès. (un, v, vi.) P. 5, 29,88, 217, 215, 219, 220,221, 223,224 , 226, 231, 232, 238 , 258 , 263, 265, 266, 388 , 389, 400, 419, 422, 423, 424, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 434,438, 44n, 466,482, 484, 587. LXXXI. Foucarr , professeur de droit administratif à la faculté: de : Poitiers, imembre des Sociétés acad.: de Poitiers et des antiquaires ide: l'Ouest, à Poitiers, secrétaire de la 6°:sec- tion à cette session du) Congrès. (in ,rv,1v, vi.) P.55, 30, 464, 165,467, 195, 176, 236,250, 251, 258, 260 , 261, 262 , 263, 267, 386, .388, 400, 420, 421, 430, 437, 438 , 445,446, 466, 468, 480; 582. “LXXXIT. Boucuer, littérateur, à Paris. (iv, v, vi.) LXXXILL. J.:Basiwer, ancien magistrat, membre des So- ciétés acad. de Poitiers et des antiquaires de l'Ouest, à Lusi- gnan!( Vienne). (ni, 1v, vi.) P. 91, 106, 109, r879, 197, 216, 270, 277, 289, 352, 353, 586. BLXXXIV. Asez Pervinquiëre } bâtonrier de Pordre des avo- cats, membre de la Société acad. de Poitiers ét de la Société des antiquaireside l'Ouest. (1 ; 11, 1v,-v,'v1.) P. 190, 259,263, 200, 291, 292, 352, 383, 364, 585, 886, 404, 405, 406, 407, 429, 480, 470, 486. LXXXV. L'abbé Coussrau, directeur du grand-séminaire , ( 597 ) membre des Sociétés des antiquaires de l'Ouest et de la Mo- rinie, à Poitiers. (av, v, wi.) P. 37, 38, 30, 51, 68, 176, «79, 178, 179, 182, 183, 200, 201, 202, 205, 204,255, 410. LXXXVI. Mancon DE La Lanpe, directeur de d’enregistre- ment, président de la Société des antiquaires de l'Ouest, membre de plusieurs autres sociétés savantes, à Poitiers. (4v.) P. 173,203, 204, 205, 206, 308, 419, 564. LXXXVIL Ménanp , professeur d'histoire,au collége royal, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers. (av, x. ) LXXX VII. De La Saussare , membre de plusieurs Sociétés savantes, françaises et étrangères, inspecteur divisionnaire.des monumeps historiques, bibliothécaire honoraire, à Blois (Loir- et-Cher ), secrétaire de la 4° section de la 1"° session du Congrès, tenue à Caen en 1833, et encore secrétaire de cette même section pour la présente session. (1, 11, 1V, V, VI.) P. 5, 20, 160, 161, 198, 194 ; 198, 199, 201, 202, 215, 216, 385, 389, 400, 435, 441, 442, 443, 444, 445, 446, 447, 448, 449. 450, 451, 452, 466, 484, 584. LXXXIX. Le comte pe Visraye,, géologue , membre de-plu- sieurs sociétés savantes, au château de Chiverni (Loir-et-Cher). (x, u,1v, v, vi.) P. 417. XC. De Tusseau fils aîné , propriétaire, à Poitiers. ( 11.) XCI. Ar, docteur-médecin, à Poitiers. (11, 111, vi.) P. 135, 137, 136, 152. XCIL. ‘Parru pe Sr-VinceNr, avocat et antiquaire, au château du Pin , près Mortagne ( Orne). (1v, v, vi.) P. 161,217, 218, 270, 280. XCIIT. Fran, juge de paix, à Poitiers, membre de la Société acad. de la même ville. (sr, vi. ) P. 89, 91, 92, 94, 06, 98 102, :03, 104, 105, 100, 112, 121, 126, 127, 226, 233,239, 406, 440. XGEV. VawprEsANNE , payeur du'trésor royal, à Poitiers. (vr.) XCV. Macame , président de chambre à la Cour, royale de Poitiers. (vr.) ( 598 ) XCOVI. L'abbé pe Rocaemonreix , vicaire-général du diocèse de Poitiers. (1,11, 1v, v, vi.) P. 41, 50,51, 449. XCVIT. De za Toucne, membre du conseil général de Loir- et-Cher. (1, 11.) XCVIIL Dopraïsser , avocat, à Poitiers. (v, vi.) P. 226, 230, 233, 236, 246, 439. XCIX. Desvaux, naturaliste, directeur du jardin botanique d'Angers, membre de plusieurs sociétés savantes, etc., à Angers (Maine-et-Loire), président de là 1°° section à cette session du Congrès. (1,11, vi.) P. 28, 31, 32, 35, 36, 37, 38, 4o, 42, 43, 48, 62, 68, 78, 70, 81, 84, 89, ro0, 106, 109, 111, 112, 122, 220, 400, 4t1, 441, 584, 588. C. Boncenne , doyen de la faculté de droit, président de la Société académique, etc. , à Poitiers, premier vice-président et président de la 6° section à cette session du Congrès. (1v, v, vi.) P. 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 , 27, 30, 99, 101, 102, 224, 226, 267, 268 , 271, 291, 299, 307, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 329, 543, 344, 353, 384, 386, 400, 404, 405 , 422, 428, 430, 431, 438, 44o, 465, 466, 07, 498. CI. Bérancer , homme de lettres et ancien ouvrier, à Paris. (un, vi.) P. 88, 89, 101, 269, 270, 291, 297, 298, 299, 300, 301, 307, 342, 353, 380. CIT. Guérin, docteur-médecin, membre de plusieurs so- ciétés savantes , à Nantes ( Loire-Inférieure), vice-président de la 3° section à celte session du Congres. (3,n,11, vi.) P: 24, 29, 35, 88, 90, 93, 94, 111, 125, 135, 140, 157, 158, 159, 171, 1792, 173, 267, 268, 269, 306, 307, 308, 322, 323, 324, 387, 388 , 396, 397, 398, 411, 427, 428, 429, 431, 456, 437, 438, 440, 465. - CIIL. Hawxe ( de Pile de Wight}), professeur de langue anglaise, à Angers ( Maine-et-Loire). (1,11, v, vi.) CIV. Mara» père, directeur de l’école normale primaire, à Poitiers. {v.) P. 256. CV. Gauvin, membre de plusieurs sociétés savantes , au Mans { Sarte). (1, 1v.) P. 24, 68, 85, 160. ( 599 ) CVI. Madame Gauvin, naturaliste, au Mans ( Sarte). (r.) P. 70, 71, 72. CVII. J. Jozeau père , secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture des Deux-Sèvres, membre de plusieurs autres sociétés savantes , à Niort ( Deux-Sèvres) , secrétaire de la 2° section a cette session du Congrès. (1, 1.) P. 4, 28, 85, 108, 109, 112, 121, 122, 127, 389, 450. CVII. Triparr, notaire , à Poitiers. ( vi.) CIX. De Fouquer père , propriétaire-agriculteur , député du comice agricole de Mirebeau, à Mirebeau ( Vienne). (u.) P. 108. CX. De Fouquer fils, propriétaire-agriculteur, député du comice agricole de Mirebeau , à Mirebeau ( Vienne). (11. ) CXI. Cozuiner, pharmacien , à Poitiers. (ur, v, vi.) P. 136, 15. CXIT. Hector Dusreuic , propriétaire-agriculteur, député du comice agricole de la Trimouille, à la Trimouille ( Vienne). (t,11,1V, v, vi.) CXIII. V. DE Scourions px BorsmoranpD, antiquaire, membre de plusieurs sociétés savantes , au château de Boismorand , près St-Savin ( Vienne). (1v, v, vi. ) P. 445. CXIV. Massiou, antiquaire, membre de plusieurs sociétés savantes, procureur du roi aux Sables-d'Olonne ( Vendée). (av, v, vx. ) P. 216. CXV. A. Mazure , professeur de philosophie au collége royal , bibliothécaire-adjoint, membre de plusieurs sociétés savantes , à Poitiers, secrétaire de la 5° section à cette session du Congrès: (1v, v, vi.) P. 5, 29, 217, 224, 266. CXVI. E. CasralGNE , antiquaire , membre de plusieurs so- ciétés savantes , bibliothécaire , à Angoulème (Charente ). (1v, v.) P. 165, 184, 238, 388, 451, 546, 547, 548, 540, 550, 583, . 585. CXVII. Tnéonore PAvIE , Éttérateursvoyageur , L: à Angers (Maine-et-Loire ). (1v, v, vi.) P. 246, 441, 468, 469, 470, 47r, 473, 474, 475, 476, 477, 476. CXVIIT. M. A. Jozuren , de Paris, fondateur de la Revue ( 600 } Encyclopédique, membre de plusieurs sociétés savantes, à Paris, 2e vice-président de la 1° session du Congrès, tenue à Caen en 1833, et à la présente session. (1, v, vt:) P. 24, 27, 86, to, 102,122, 125, 156, 217, 224, 230, 231, 236, 240, 246, 248, 266, 291, 354, 421, 430, 454, 436, 439; 484, 487, 488, 489, 490, 49r, 498, 562, 563, 582, 587. CXIX. Nérée Bousée, géologue, membre de plusieurs so- ciétés savantes , directeur de l'Écho du Monde Savant , à Paris , secrétaire de la 1" section à cette session du Congrès. (r.). P: 4, 28, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 43, 43, 44, 48, fo, 50, 51, 62, 67, 68, 388, 589, 400, 414, 415, 416, 417, 418, 419, 430, 438, 44r, 466, 484, 486, 487, 585, 588. CXX. Cuevereaux, littérateur, à Evreux ( Eure), député de la Société académique de la mème ville. (17, rv.) CXXI. Grerraun, professeur de droit, à Poitiers. (in, v, vi.) P. 218, 258, 259, 265, 269, 383, 384, 406, 479. CXXIT. Cnoisvarp , ancien professeur de mathématiques , à Poitiers. (1, v.) P. 221. CXXHIT. Bonner, avocat, à Poitiers. (vi. ) CXXIV. Le géneral Dusoure X, membre de plusieurs so- ciétés savantes, à Paris. (1,11, vi.) P. 88, 89, 92, 93, 95, 102, 103, 105, 123, 270, 271, 280, 293, 299, 301, 302, 353, 396, 420, 427, 428, 437. CXXV. Grirce DE BEuzezin, antiquaire et dessinateur , à Paris. (1v, v, vi.) P. 160, 161,163, 164 , 169, 198 , 200, 207, 233, 246, 265, 266 , 427, 428, 429, 448, 484. CXXVI. Épouaro pe Cosserre , ancien officier de cavalerie, propriétaire à Montreuil-sur-Mer ( Pas-de-Calais). (11, 1v, vi.) CXXVII. Le marquis Le Ver , antiquaire, membre de plusieurs sociétés savantes, da conseil de la Société pour l'Histoire de France, inspecteur divisionnatre des monumens historiques , au château de Roquefort, près Yvetot ( Seine- Inférieure). (av, vi.) P. 188, 206, 483. CXXVIIL. Tuarreau, avocat , à Poitiers. (1v, v.) CXXIX. P.-H. Nicoras, propriétaire-cultivateur , député du Comice agricole de Gençay ( Vienne). (#1, vi) ( 601 ) CXXX. Cu. De Cnercé, membre de la Société des anti- quaires de l'Ouest, à Charroux ( Vienne). (iv, v.) CXXXI. Decoyne , avocat, à Poitiers. ( vi.) P: 353, 454, 485 , 486. - CXXXIL Turaunière , docteur-médecin, à Gençay (Vienne). Qui, wi.) P. 96, 134, 138, 148, 151, 152, 153, 155,203, 205,400, 411. CXXXIIT. Roy, docteur-médecin, à Melle ( Deux-Sèvres ). (un, ur, ve ) P.108, 131, 132, 136, 4ri. CXXXIV. Recnauzr, maire de la ville de Poitiers. ( vr.) CXXXV. P.-A. Lam %, conseiller de préfecture du dépar- tement du Calvados, secrétaire perpétuel de la Société d’a- griculture et du commerce de Caen , membre de plusieurs au- tres sociétés savantes, à Caen ( Calvados), président de la 2 section à la 1° et à la 3° session du Congrès. (1,11, IV,V, vi.) P.24, 28, 85, 88, 98, 106, 110, 115,114, 119, 121, 122, 126, 127, 267, 389, 407, 411, 466, 583, 556. CXXXVI. Aveuis, député des Deux-Sèvres , membre de la Société des antiquaires de France, à Melle (Deux-Sèvres }, président de la 4° section à cette session du Congrès. {1,nr, IV, V, 6.) P. 29, 86, 95, 96, 126, 160, 161, 164, 166, 191, 174, 184 , 185, 186, 188, 194, 202, 204, 206, 207, 216, 220, 239, 436, 437. CXXXVII. Huxauzr DE La PELTRIE , docteur-médecin, à Angers (Maine-et-Loire) , vice-président des 3° et 6° sections à la 1° session du Congrès , tenue à Caen , en 1833 , et secrétaire de la 3° section à la présente session. (1, 11, vi.) P. 4, 20, 4r, 47, 48, 51, 128, 132, 136, 138, 141, 148, 140, 150, 155, 156, 159, 308, 400, 438, 484 , 487. CXXXVIIT DE 14 Pvyrare, naturaliste et antiquaire, membre de plusieurs sociétés savantes, à Fougères (Tle-et-Vi- laine), vice-président de la 1°° section et secrétaire de la 4° sec- tion à celte session du Congrès. (1,11, 1v, v.) P. 5, 28, 29, 31, 41, 48, 5o, 51, 68, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 91, 92, 98, 99, 110, 160; 162, 163, 160, 190, 171, 174, 175, 185, 184, 185 , 186, 76 ( 602 ) 187, 188, 189, 190, 191, 216, 419, 430, 524, 525, 526,529 , 528, 529, 530, 531, 532, 533, 534,583, 588. | CXXXIX. Garnier, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, président du tribunal de Melle (Deux-Sèvres. (u,iv, vi) P. 277, 278, 270, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 280, 353. CXL. Boyner DE La FrÉMauDIÈRE, docteur-médecin, à ® Poitiers. (ur. ) P. 141, 155. CXLI. De Goperroy £ , ancien sous-préfet, député du Con- grès provincial de Douai et de la Société des antiquaires de la Morinie, à Lülle (Nord}).(1v, v, vi.) P. 101, 102, 103, 104, 105, 173, 185, 186, 187, 191, 192, 193, 194, 221, 366, 384, 434, 435, 451. CXLIT. L. pe Givencuy, secrétaire perpétuel de la Société des antiquaires de la Morinie, député de cette Société et du Congrès piovincial de Douai , membre de plusieurs sociétés sa- vantes, à St-Omer ( Pas-de-Calais) , membre de la i'e session du Congrès tenue à Caen , et vice-président de la 4° section à la présente session , secrétaire général désigné pour la 3° session qui tiendra à Douai, en 1835. (im, 1v, v, vi.) P. 24, 20, 35, 36, 96, 97; 106, 155, 185, 187, 191 , 192, 193, 194 , 206, 207, 216, 420, 467, 4oï. CXLIIT. VerGer , proprictäire-cultivateur , membre de plu- sieurs sociétés savantes , à Nantes ( Loire-Infériéure }). (17 ,1v, vi.) P. 87, 88 , 99, 110, 111, 193 , 202, 206 , 216, 227, 228, 229,380, 390, 391, 302, 393, 397, 481, 482, 542, 543,544, 545, 546, 588. CXLIV. Srmon, rédaëteur en chef du Breton, nièmbre de plu- ” sieurs sociétés savantes , à Nantes ( Loire-Inférieure). (11, nr, v, vi.) P. 88, 91, 129 223, 224, 235, 226, 346, 571, 293,204, 295, 321, 322, 400, 407; 408, 409,410, 411,:433, 453, 454. CXLV: Réper, ancien élève de l’école des Chartes, mémbre de plusieurs sociétés savantes, archiviste du département de la Vienne , à Poitiers. (1v..) P. 211, 212, 213, 214,215. CXLVI. De Brésisson , naturaliste, membre. de plusieurs sociétés savantes, à Falaise ( Calvados) , menibre de la 1" | | ( 603 ) session du Congrès tenue à Caen , en 1833, et secrétaire de la °° section a la présente session. (1,11, 1V, Vs vi. ) P: 4, 28, 31, 0, T5 725 7 5 74 70, 76, 77: 78 , 84, 389, 400, 430, 458, 4x, 452, 453, 466, 484. CXLVII. Framewe , contrôleur des contributions'indirectes, à Poitiers. (1, vi. ) CXLVIIL Marmer, chef de bataillon du génie, membre de la Société académique, à Poitiers. (1, 1v, v, vi. ) GXLIX. Cnerane DE Monreron, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Migné, près Poitiers. (1v, v.) CL. Moreau, conservateur des monumens historiques de la Charente-Inférieure , membre de la Société des antiquaires .de l'Ouest, bibliothécaire , à Saïntes (Charente-Inférieure). (1,1, iv, v. ) P. 39, 166. | CLI. Bosi, propriétaire-cultivateur , et négociant-mino- tier, à Poitiers. ( 11.) P. 85, 86, 108, 122, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 466, 495. CLIJ: Du Rousseau De Fayozze 2 , membre de la Société académique de Poitiers, propriétaire-cultivateur, à Coulom- biers, près Poitiers. (11,) P. 108, 118, 119. CLIII. Le vicomte DE Lasric-Sr-Jas, littérateur , à Niort (Deux-Sèvres). (n, 1v, v, vi.) P. 168,247, 257, 302, 303, 364. CLIV. Garran DE Bazzan, conseiller à la Cour royale de:Poi- tiers , membre.de la Société académique de Poitiers’ et de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers: (1v, vi: ) CLV. Fécx Garan, minéralogiste, à St-Maixent ( Deux- Sèvres). (1,11, vi.) P: 43, 54, 63, 64, 65, 66. CLVI. Le comte HéuEe De Sre-Hermine, propriétaire, à Niort ( Deux-Sèvres). (11. ) CLVIL H. pe Sre-HermNe fils , membre dé plusieurs: so- ciétés savantes, directeur de la Revue de l'Ouest; à Niort (Deux-Sèvres). (1v, v, vi:) P: 236, 248, 257, 258, 489, 44o, 481, 484, 585. CLVINH: Saurin aîné, imprimeur , à Poitiers. (v.) CLIX. Saurin jeune , imprimeur , à Poitiers: (v:) CLX. Fourner-Mansiizr, député du Comice: agricole. de ( 604 ) St-Savin, propriétaire-cultivateur , à Maillé.(Vienne). (u, vi.) P. 108, 124, 125, 126. CLXI. Le comte Borcarezur D'Ison , colonel en non activité , membre de la 1'° session du Congrès, à Caen ( Calva- dos ) *. P. 92, 93, 588. CLXIT WikerlELn, ancien membre de la Chambre des Communes d’Angleterre, à Blois ( Loir-et-Cher ). (1v, v. ) P. 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 542. CLXTIT. Quotard-Piorry, docteur-médecin, à Poitiers. (ur.) P. 138, 140, 150, 151, 154, 583. CLXIV. Pourrazës, ancien négociant , à Neuchatel (Suisse). (zu. ) CLXV. Rey #, membre des Sociétés des antiquaires de France, de Normandie, de Morinie et de l'Ouest, ancien membre du conseil supérieur du commerce , négociaut-manu- facturier , à Paris. (1, 1v, vi. ) CLXVI. Borreav, antiquaire, à Blois (Loir-et-Cher). (1v.) CLXVII. Cuasor, docteur-médecin, à Poitiers. (11, vi. ) Pas CLXVIII. Asrisar, docteur-médecin, secrétaire de l’Aca- démie de Poitiers. ( 11, v.) CLXIX. De 14 Sayerre fils, propriétaire, à Poitiers (Vienne). (1v, v. ) CLXX. Grimaup , pharmacien, à Poitiers. { 11, 11. ) CLXXI Jures Bacor, propriétaire, au château de Blan- checoudre , près Bressuire ( Deux-Sèvres ). ( 1v, vi. ) CLXXII. LamarQuE, avocat , à Poitiers. ( vi.) GLXXIIL. Hiramer, membre du conseil général de la Vienne , à Chauvigny ( Vienne). (11. ) CLXXIV. Quner, directeur et professeur de l’école com- munale , à Chauvigny ( Vienne). (v.) CLXXV. L'abbé Auser , membre de la Société des anti- quaires de lOuest, à Chauvigny ( Vienne ). (1v, v, vi.) P. 194, 266, 487, 550, 551, 552, 553, 554, 555, 556, 586. CLXXVI. Azexis pe Jussieu, préfet de la Vienne, à Poitiers. 7 \ (au, IV, V; vis ) j { 605 ) CEXXVIL Hevre pu Vercier, marquis DE Larocmeya- QuELEIN 2, au château de Clisson, près Bressuire (Deux-Sèvres). (vi. ) P. 455, 456, 437. CLXXVIII. Avorrne CaiLLé, avocat , à Poitiers. (v1.) CLXXIX. Axpré, membre de plusieurs sociétés savantes , procureur du roi, à Bressuire (Deux-Sèvres). (1v, vi.) P. 163, 166, 173, 175, 179, 180, 181, 182, 195, 196, 199, 200 , 204, 221, 222, 353, 00, 405, 421, 429, 448, 449. CLXXX. Meswarn fils, littérateur , à Poitiers. { v. } P. 221, 222, 230, 239 , 240. CLXXXI. D’Assazer, littérateur , à Niort ( Deux-Sèvres ). (1, 4, 6.) P. 215, 230, 238 , 247, 248, 251, 252,253, 258, 259, 260, 261, 263 , 427. CLXXXII. Cuanrouyneau , juge-suppléant et avocat, à An- gers (Maine-et-Loire). (1v, vi.) P. 89, 91, 168, 198, 419, 434. CLXXXIIT. Rouiz jeune, avocat, à Poitiers. (vr.) CLXXXIV. Maurcarre, procureur du roi, à Loudun (Vienne). ( vi.) CLXXXV. Éue Dru, minéralogiste, à Parthenay ( Deux- Sèvres). { 1,11.) P. 121, 122, 534, 555, 536, 537, 536, 583. CLXXXVI. L'abbé Gisaur, chanoine honoraire de Poi- tiers et d'Orléans, ancien professeur de droit, membre de plusieurs sociétés savantes, à Andillé ( Vienne). (1, v, vi. ) P. 168 , 207, 208, 209, 210, 211, 449, 450. CLXXXVIIL L'abbé Bornor, vicaire de St-Pierre, à Poi- tiers. (IV, v.) CLXXXVIIL. GrELLAUD jeune , avocat, à Poitiers. ( vi.) CLXXXIX. Barror, docteur-médecin , à Gençay (Vienne). (au. ) P. 131. CXC. Dvrré, architecte , à Poitiers. ( v.) CXCI. DamnÈène, ouvrier en métaux, à Caen ( Calvados } *. B:,566. CXCIIL. Sr-Grorces-Ransoz, docteur-médecin, à Luçon ( Vendée ). (nr. ) P. 133, 135, 138, 139, 140, 155. CXCIL. J.-Henrr Vazerte, négociant , à Poitiers. (11. ) / CXCIV. Boni, notaire et propriétaire-cultivateur , à Li- ( 606 ) sant, près Civray ( Vienne). (nn, vi. } P. 108, 293; 269, 588. CXCV. Moreau , notaire , à Civray (Vienne). (11) CXCVI. Verniaz, docteur-médecin, à Civray ( Vienne ). (a, n, 11.) P. 39, 43. CXCVII. L'abbé Gazrarp, vicaire de St... , à Paris * CXOVIIT. Lange, antiquaire , à Saumur ( Maine-et-Loire ). (1v.) CXCIX. GirarD DE LA CaNTERIE , ancien directeur de dé- partement pour les contributions indirectes, à Nantes ( Loire- Inférieure). ( v, vi. ) P. 563, 564, 565, 566, 567. CC. Avez Vaurier, professeur à la faculté des lettres, mem- bre de plusieurs sociétés savantes, à Caen ( Calvados } *. CCI. Anisrine Laugrer, avocat, à Melle (Deux-Sèvres). (1, NV, VI) P. 119, 482, 483. CCITI. Evcène DeLavau DE La MassarniërE, littérateur et propriétaire-cultivateur , à Châtellerault ( Vienne). (‘1r,1v, vi. ) P. 116. CCIIT. Ranc, recteur de l’Académie de Poitiers. ( v.) CCIV. Cesnow, naturaliste. officier de l’Université, et principal du collége de Bayeux. ( Calvados ) *, P. 82, 83, 419; 583. CCV. José, docteur-médecin , secrétaire du Comice agri- cole Poitiers , membre de la Société académique de cetteville, à Poitiers. (1,11, mt ) P. 4 , 107, 112, n14, 115, 148. CCVI H. Boucuarp, littérateur, à Poitiers. ( v. ) CCVII. Malapert, pharmacien, à Poitiers. (mm ) P. 154, 155. CCVIIL. Leperrr, docteur-médecin , à Poitiers. (mr.) CCIX. S. Doucer, docteur-médecin, à Loudun (Vienne). (ur.) P. 150, 151, 153, 156. CCX. Parenreau pu Beuexon, juge au tribunal civil de la Rochelle (Charente-Inférieure }. (vr.) CCXI. Prorry, docteur-médecin, à Chauvigny (Vienne). (ur. ). P. 138. CCXII. Pescne jeune , membre de plusieurs sociétés sa- vantes , chef de division à la préfecture , au Mans ( Sarte ) *. (607 CCXIIT. DunamEL, propriétaire-cultivateur , à Froarn (Cal- vados ) *. CCXIV. C. ArNauDEau, vice-président du tribunal, ‘à Laon (Aisne). ( vi.) P. 457, 440. COXV. ArLonneau, docteur-médecin , membre de plusieurs sociétés savantes , à Poitiers. (1, nr. } P. 84, 152. CCXVI. Genrer, procureur du roi , à Confolens (Charente). (VI. } CCXVII. Le baron LaurENcEaAu, ancien maire de la ville de Poitiers , membre de la Société acad. de la mêine ville, à Poi- tiers (11.) CCXVIIT. Averr , notaire , à Châtellerault ( Vienne }. ( n.) CCXIX. Azane D'Orsieny , naturaliste-voyageur du gouver- nement , à Paris. (1.) P. 441,452, 454, 466, 457, 458, 459, 460, 461, 462, 585. COXX. Cnarces D’OrBienr , membre de plusieurs sociétés savantes , à la Rochelle ( Charente-Inférieure }. (r.) CGXXI. AsseziN 6, ancien sous-préfet, membre de plu- sieurs sociétés savantes, à Cherbourg ( Manche) *. CCXXII. Fozzain, docteur-médecin , à Granville ( Man- che} *. P. 84. COXXIIT. RicarD, secrétaire-perpétuel de la Société acad. de Toulon , membre de plusieurs sociétés savantes, à Toulon CVary*. CCXXIV. J. SrPencer SMITH, ancien ambassadeur et ancien membre de la Chambre des Communes d'Angleterre, membre de la Société royale de Londres , des Sociétés des antiquaires de Londres, de France , de Normandie, etc. , à Caen (Calvados) *. P. 14, 215, 483, 585. - COXXV. Joxrau, ancien professeur de droit, avocat à Caen . (Calvados ) *. CCXXVI. GazeroN, procureur du roi à Falaise, membre de plusieurs sociétés savantes, inspecteur divisionnaire des mo- numens historiques, membre de la 1°° session du Congrès, à Falaise { Calvados ) *. P. 585. CCXXVII. Duvaz , docteur-médecin, membre de la Société ( 608 ) royale de médecine et de plusieurs autres sociétés savantes , à Paris, président de la 3° section à la 1°° session du Congrès * . p.585. CCXXVIIE. L'abbé Prrox-Desrrez , professeur , à Coutances {Manche}, membre de la 1"° session du Congrès *. P. 583. CGOXXIX. Meuxrer, architecte du département de la Vienne, à Poitiers. (1v.) CCXXX. A. M. Geerry ( de Tours), avocat, à Paris. (v, VI ) CCXXXI. Draurr, député de la Vienne, ex-avocat-général à la Cour royale, à Poitiers. ( vi.) CCXXXIL. Éuse Moreau , à Coulonges-les-Royaux ( Deux- Sèvres). (v.) P. 246, 466, 484. COXXXIIT. J. J. Jozeau fils, littérateur, à Niort ( Deux- Sèvres). (vV, vi.) CCXXXIV. Guériniire { des _. Sèvres), littérateur , à Paris. (v, vi. ) P. 253. COXXXV. Hrrreau, professeur au collége royal, membre de plusieurs sociétés savantes, à Poitiers, membre de la 1°° ses sion du Congrès, tenue à Caen en 1833. (1v, v, vi.) P. 5, 247, 256, 260, 263, 480. ( 609 ) LISTE DES PERSONNES QUI ONT ADHÉRÉ , MAIS QUI N'ONT PU SE RENDRE A LA 2"® SESSION DU CONGRÈS. 1. AGERON DE LA MARTINIÈRE , membre du conseil général de la Vendée, aux Herbiers ( Vendée). 2: Acier, député des Deux-Sèvres, conseiller à la cour royale de Paris. : 3. Arrou, ingénieur en chef des mines, membre de plusieurs so- ciétés savantes, à Paris. P. 588. k 4. ANQUETIL, homme de lettres, à Paris. P. 583. 5. ArmanD, directeur de la Revue de Bretagne, à Rennes (Ille-et- Vilaine ). 6. Le chevalier ASTIER, pharmacien principal en retraite, membre de l’Académie des sciences et de la Société d'agriculture, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 7. G. Asrrié, docteur-médecin, inspecteur des eaux minérales d’Ax ( Ariége ). 8. AUBERT DU PETIT-THOUARS, ancien maire et dessinateur, à Loudun ( Vienne ). 9. Ausiw, membre du conseil général des Deux-Sèvres, président du tribunal de Bressuire (Deux-Sèvres ). 10. Aunigerr , pépiniériste, à Toinette, près Tarascon (Bouches-du- Rhône ). P. 587. 11. AupouiIn, directeur et professeur de l’école de dessin , à Niort { Deux-Sèvres ). * 49. Joserx BaArpier, naturaliste, à ELoudun ( Vienne). P. 208. 13. BARBoT , propriétaire-cultivateur , membre du conseil général des Deux-Sèvres, à St-Jouin-sous-Châtillon ( Deux-Sèvres ). 14: BarrAw, lifférateur , à Toulouse ( Haute-Garonne ). 15. Baunor, ancien magistrat, antiquairé, à Dijon ( Gôte-d'Or VA vice-président de la 4° section à La tre session du Congrès. 16. Baux DE Recv, membre de la Société académique de Blois {Loir-et-Cher ). 77 (610 ) 17. Le comte pe BrAuRRPAIRE -LouvAGNY , ancien ministre plénipoten- tiaire, à Falaise ( Calvados), secrétaire de La 6e section à La 1*e session du Congrès. P. 5. 18. BEAUSSIRE, négociant, membre du conseil général de la Vendée, à Lucon ( Vendée). P. 43, 44. 19. P. Benrzecn, staluaire, à Toulouse (Haute-Garonne). 20. Bennis, homme de lettres, bibliothécaire de l'ambassade d'An- gleterre , à Paris. 21. Bercer-LEVRAULT , homme de lettres , directeur de la Revue Ger- manique, à Strasbourg ( Bas-Rhin ). 22. BerTRAN, littérateur, à Rouen ( Seine-Inférieure), secretaire de la 5e section à la première session du Congrès. 23. BipAuT , homme de lettres, à Paris. P. 585. 24. Juzxs Borcry, naturaliste, à Paris. P. 588. 25. Boisxor, instituteur, à Châtillon-sur-Sèvre ( Deux-Sèvres). P. 188, 189. 26. Cx. BonxaL , architecte, à Toulouse (Haute-Garonne). 27. Bonnamy, ingénieur des ponts et chaussées, à Angers (Maine-et-L.) 28. BorniLcon , avocat, à Angers ( Maine-et-Loire). 29. A. BorReL , docteur-médecin, à Sorèze ( Tarn). 30. F. Borrez, ingénieur des ponts et chaussées , à Toulouse ( Haute- Garonne). 31. Boucuer Des PErTRes, littérateur et directeur des douanes, à Ab- beville ( Somme). P. 582. 32. Dr Jonn Bowrine , homme de lettres et publiciste , à Londres. 33. Brassines fils, professeur de mathématiques à l’école d'artillerie, à Toulouse ( Haute-Garonne). 34. BriLLouIN, géologue, à St-Jean-d’Angély (Charente-Inférieure ). P. 39, 43. 35. Brun-LAVAYNE, homme de lettres, directeur de la Revue du Nord, à Lille (Nord ). 36. Me Jacques Busautr, laboureur, ancien député, membre du conseil général des Deux-Sèvres, à Melle ( Deux-Sèvres ). 37. Bunez, ancien ofhcier de marine, membre de plusieurs sociétés savantes , à Caen ( Calvados), membre de la 1r° session du Congrès. 38. CABANEL, littérateur , à Narbonne ( Aude ). 39. Cagrié, professeur au collége royal , à Caen ( Calvados). P. 586. 40. Capaux, artiste musicien, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 41. À. CANEL, avocat et homme de lettres, à Pont-Audemer (Eure), membre de la ire session du Congrès. P. 194, 195, 204 205 , 222, 223. > (611) 42. Caner , avocat, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 43. G. Cany, docteur-médecin, membre de plusieurs sociétés sa - vantes , à Toulouse (Haute-Garonne ). 44. E. CarecLA, ingénieur des ponts et chaussées, à saint. Gaudens ( Aveyron ). 45. Henri CELuiez ( de Blois), avocat et littérateur , à Paris, membre de la première session du Congrès. P.81. 46. En. Cnamserr, architecte, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 47. CHATEAUNEUF , homme de lettres, à Paris. P. 388. 48. CHATENET , propriétaire-cultivateur, secrétaire du Comice agri- cole de la Trimouille ( Vienne ). 49. Baron CnaAupruc DE CRAZANNES, membre de plusieurs sociétés savantes , à Figeac( Lot). P.5, 43, 44, 62, 194, 195 , 204, 205, 207, 482. 50. Caauvin, professeur d'histoire naturelle, à Caen (Calvados), membre de la ire session du Congrès. P. 4, 69, 70. 51. CHAUVIN - BolsSETTE, ancien magistrat, membre du conseil gé- néral des Deux-Sèvres, à la ferme-modèle de Cersais ( Deux-Sèvres ). 52. DE LA Crouquais, président de chambre à la cour royale, à Caen , ( Calvados), membre de la ire session du Congrès. 53. CLAUSOLLESs, homme de lettres, à Toulouse ( Haute-Garonne). 54. C.-P. Coorer, avocat, secrétaire de la Commission des archives d'Angleterre , à Londres. 55. CorNeIzce, inspecteur de l’Académie, à Rouen ( Seine-Infc- rieure }). ! à 56, COUEFFIN, capitaine d'état-major , à Bayeux ( Calvados), membre de. la ire session du Congrès. 57. Mme CouErriN , à Bayeux ( Calvados ), membre de la ire session du Congrès. 58. Courrry, juge d'instruction, membre de plusieurs sociétés sa- vantes, à Cherbourg (Manche ). P. 386. 59. G.-A. CrAPELET, imprimeur , membre de plusieurs sociétés sa- vantes, à Paris. 60. Comte RaouL DE Croy, littérateur, au château de la Guerche, près la Haie-Descartes ( Indre-et-Loire ). P. 257. 61. DanxAUsER, naturaliste allemand, fondateur du Comptoir mine- ralogique et géologique, à Paris. P. 39. 62. L'abbé DANIEL, proviseur du collége royal, à Caen ( Caivados), président de la 6e section à la 1re session du Congrès. 63. Le baron Barr. DEcressac, ancien député, ingénieur en chef, directeur des mines, en retraite, l’un des concessionnaires des mines (612) de houille de la Vendée, au château de la Touche-Marnay, près Vivône (Vienne). P. 502. 64. Le baron CÉLINI Decressac , ancien officier supérieur d’artillerie , à Metz (Moselle ). 65. L'abbé »E LA Rue, doyen de la Faculté des lettres, membre de l’Institut, à Caen ( Calvados ), président de La 1re session du Congrès. 66. DeLanur , secrétaire perpétuel de la Société académique , à Évreux (Eure). 67. DEMONVILLE , astronome, à Paris. P. 583. 68. PoLynice n'Ensoy, avocat et littérateur, à Lectoure { Gers ). 69. Duzois, professeur de philosophie, secrétaire de la Société aca- démique de Rochefort ( Charente-Inférieure ). 70. Des CLosières, membre du conseil général du Calvados, à Bayeux ( Calvados ), membre de La 1re session du Congrès. 71. Cu. DEsans, peintre, vice-président de la Société libre des beaux-arts, à Paris. 72. Eupes pes Lonccamrs, professeur d'histoire naturelle à la Fa- culté des sciences , secrétaire général de la Société linnéenne de Nor- mandie , à Caen ( Calvados), secrétaire de la 1re section à La 1re ses- sion du Congrès. 78. DesporTes , conservateur du musée et adjoint du maire , au Mans ( Sarte). 74. Desnoyers, secrétaire perpétuel de la Société de l'Histoire de France, à Paris. 15. À. Devire, membre de pla sociétés savantes , françaises et étrangères, à Rouen (Seine-Inférieure ), secretaire de La 4° section àla Âre session du Congrès.P.5, 10, 13, 191. 76. Dixucaroy, docteur-médecin, à Toulouse ( Haute-Garonne). 77. D'Orrienx père, naturaliste, à la Rochelle (Charente-Inférieure). P. 43, 62, 585. 78. Doucet DE BourrigAuLT, bibliothécaire, membre de plusieurs sociétés savantes , à Chartres ( Eure-et-Loir ). 19. A. DREUILLE, peintre, secrétaire de la Société libre des beaux- arts, à Paris. Ë 80. DrouET, antiquaire , au Mans ( Sarte). 81. Dusourc »’Isieny , ancien magistrat, membre de plusieurss so- ciétés savantes, à Vire (Calvados), vice-président de la 5me section à La ire session du Congrès. 82. DucraTeLIER, homme de lettres, président de la Société d' ému- lation, à Quimper ( Finistère). P. 322, 323, 324. (613) 83. Ducourrar-Durin , président du Comice agricole de là Trimouille ( Vienne ). 84. Du Quesxay DE LoRME, Capitaine d'artillerie, à Comines, près Bayeux ( Calvados ), membre de La 1° session du Congrès. 85. Du TroNE, conseiller à la cour royale, à Amiens (Somme), membre de La ixe session du Congrès. 86. H. Dusevez, membre de plusieurs sociétés savantes, à Amiens (Somme ). P. 164. 87. M. EscuDiIER, avocat, imprimeur-libraire, à Toulouse { Haute- Garonne ). 88. V. EsCUDIER, avocat, à Toulouse ( Haute-Garonne). 89. Fauzcon , propriétaire, à Chauvigny ( Vienne). P.184. ” 90. Faurcon-Rivière , ancien magistrat, à Châtellerault ( Vienne ). 91. Fay, ancien acteur dramatique , à Paris. 92. DE LA FENESTRE, ancien officier d'état-major, au château de la Tiffardière, près Niort (Deux-Sèvres). 93. Ferey , maréchal - de - camp d'artillerie en retraite, président de la Société des antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer ( Pas-de- Calais ). 94. FLEURIAU DE BELLEVUE, ancien député, correspondant de l’Insti- tut, à la Rochelle ( Charente-Inférieure ).P. 41, 45, 46, 62. 95. EUGÈNE DE LA FONTENELLE , antiquaire , à Angers ( Maine-et- Loire ). 96. Fossé, ancien secrétaire général de la préfecture, littérateur, à Alby (Tarn ). 97. FoureT-Marsiy père , propriétaire-cultivateur, président du Comice agricole de St-Savin, à Maillé ( Vienne ). 98. FOURREAU , ancien médecin de Ja maison de l'Empereur , à Paris. P.150,156, 157. 99. Le baron DE LA FResnals, naturaliste, à Falaise (Calvados ), pre- sident.de la 1*e section à la première session du Congrès. 100. FRESLON, avocat, à Angers ( Maine-et-Loire ). 101. DE Gaaron, littérateur et propriétaire-cultivateur , près St- Jean-d’Angély ( Charente-Inférieure ). 102. L'abbé GaBoreAu , supérieur du séminaire, à la Rochelle ( Cha- rente-Inférieure). P. 43. 103. À. Gapy, membre de plusieurs sociétés savantes, juge, à Ver- sailles ( Seine-et-Oise ). 104. Em. Gaizzarp, membre de plusieurs sociétés savantes , à Rouen { Seine-Inférieure }. 105. F. GaLEroN, membre de plusieurs sociétés savantes , inspecteur (614) divisionnaire des monumens historiques, procureur du roi, à Falaise ( Calvados ), membre de La première session du Congrès. 106. Baron DE GauyaL, correspondant de l’Institut, inspecteur divi- sionnaire des monumens historiques, premier président de la cour royale, à Limoges (Haute-Vienne). 107. GiraRDIN, professeur de chimie, à Rouen ( Seine-Inférieure ), secrétaire de la 2° section à La 1*° session du Congrès. 108. DE Gozséry , député, correspondant de l’Institut et conseiller à la cour royale, à Colmar ( Haut-Rhin ). 109. J. GrANÉ, ancien élève de l’école polytechnique , à Toulouse (Haute-Garonne ). 110. Grirrour-D'ORvAL, statuaire, professeur à l'école des arts, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 111. Grizce, membre de plusieurs sociétés savantes, bibliothécaire , à Angers ( Maine-et-Loire ). 112. Le père GuerANGER, prieur des bénédictins de Solesme, près Sablé (Sarte ). 113. A. DE Guyon, littérateur , à Argentan ( Orne), membre de la 1re session du Congrès. 114. Guyot pe FÈRE, homme de lettres, à Paris. P. 587. 115. Hégerr, bibliothécaire, secrétaire perpétuel de l’Académie , à Caen (Calvados), membre de La 1re session du Congrès. 116. Hérisson, membre de plusieurs sociétés savantes, à Chartres ( Eure-et-Loir ). 117. Hueuss, avocat, inventeur du semoir et du sarcloir perfec- tionnes , à Bordeaux (Gironde). P.113, 118, 121. 118. HuvÉ, architecte du gouvernement, président de la Société libre des beaux-arts, à Paris. 119. L. Imposr, littérateur , membre du conseil général de la Vendée, à Noirmoutiers ( Vendée ). 120. JAvAIN, directeur de la Société académique, à Cherbourg (Man- che ). 121. ELor Jonanneau , membre de l’Institut, à Paris. P. 587, 588. 122. JorLy-n’Aussy, ancien sous-préfet, au château de Pellouaille , près Saint-Jean-d’Angély ( Charente-Inférieure ). 123. Jouaner , correspondant de l’Institut, inspecteur divisionnaire des monumens historiques , à Bordeaux ( Gironde). P. 42, 50 , 50 bis. 124. JucnerauLr pe Sr-DEns, colonel, secrétaire-général de la So- ciété francaise de statistique universelle, à Paris. 125. Le comte HERVÉ ne KerGconLay , inspecteur de l'Association nor- o (615) mande, à Canisy (Manche), r*embre de la première session du Con- grès. 126. Le chevalier ne Kircknorr, docteur-médecin , membre de plu- sieurs sociétés savantes , à Anvers ( Belgique ). P. 583. 127. F. Lanes, docteur-médecin , à Escoussant ( Tarn). 128. LAIT, statuaire, vice-président de la Société libre des beaux- arts, à Paris. 129. Lance, libraire pour la librairie étrangère et provinciale, membre du conseil de la Société pour la conservation des monumens historiques , à Paris. P. 219. 130. Lance, docteur-médecin, membre de plusieurs sociétés sa- vantes, à Caen ( Calvados), mernbre de la première session du Con- grès. 131. E.-H. LancLois, homme de lettres et peintre, membre de plu- sieurs sociétés savantes, à Rouen ( Seine-Inférieure ). 132. LAPALME, avocat , à Toulouse (Haute-Garonne ). 133. A. Lanrey, docteur-médecin , président de la Société de méde- cine, à Toulouse (Haute-Garonne ). 134. DE LASTEYRIE, membre de plusieurs sociétés savantes, à Paris. P.388. } 135. LÉONCE LAVERGNE, secrétaire général du Congrès méridional , littérateur, membre de l’Académic dés Jeux floraux, à Toulouse (Haute-Garonne ). P. 11. 136. Lecerr, professeur de droit, à Caen ( Calvados), membre de la première session du Congrès. 137. LecHAuDÉ np'Anisy, membre de plusieurs sociétés savantes, correspondant de la Commission des archives d’Angleterre, à Caen ( Calvados ). P. 186. 138. JuLes LECHEVALLIER , homme de lettres, à Paris, membre de la première session du Congrès. P. 419. 139. Ars. Le FLacuais, littérateur, à Caen ({ Calvados), membre de: la première session du Congrès. P. 241. 140. Auc. LE FLacuaIs , littérateur, à Caen!{ Calvados), r7embre de la première session du Congrès. 141. Leccay, docteur-médecin, bibliothécaire et membre de plu- sieurs sociétés savantes , à Cambrai ( Nord). 142. Leseuwe, bibliothécaire, membre de plusieurs sociétés savantes, à Chartres (Eure-et-Loir ). P. 216. 143. Cn. LEMONNIER, directeur de la France Meridionale , littérateur, à Toulouse (Haute-Garonne). 144. LenorMArD, professeur de technologie , à Castres (Tarn ). (616) 145. Lesxé, relieur, auteur de la Lettre d'un relieur, ete. , à Paris. P. 583. 146. A. Le Prévosr, membre de plusieurs sociétés savantes , député, à Bernay (Eure), premier vice-president de la première session du Congrès. P. 444. 147. Lesson, pharmacien en chef de la marine, correspondant de l'Institut, à Rochefort ( Charente-Inférieure ). 148. Ligenr, docteur-médecin, membre de plusieurs sociétés sa- vantes, député, à Alencon { Orne), membre de la première session du Congrès. 149. LouvarrT DE Ponrcevoy, membre de la Société des antiquaires de l'Ouest , juge au tribunal de Bressuire ( Deux-Sèvres ). 150. Cnarces Lucas, inspecteur-général des prisons, à Paris. P. 367, 368, 369, 370, 371, 372, 373, 374. 151. DE MAGNEevVILLE , naturaliste, membre de plusieurs sociétés savantes , à Lebisey, près Caen (Calvados), membre de la première session du Congrès. 152. Cnarces MALo, homme de lettres, directeur de la France Litte- raire, à Paris. 153. Maxës, ingénieur des mines ,à Villefranche ( Aveyron ). 154. MarmIER , homme de lettres, l’un des rédacteurs de la Revue Germanique , à Strasbourg (Bas-Rhin). 155. MarqQuET-VAssELoT , membre de plusieurs sociétés savantes, di- recteur de la maison centrale de détention de Loos ( Nord). P. 366, 367. 156. MarTiNET , membre du conseil général de la Vienne, maire de Châtellerault ( Vienne ). 157. Mme Martinet, née Greuzé La Touche , à Châtellerault (Vienne). 158. Maquerer, ingénienr des ponts et chaussées , à Rochefort (Cha- rente-Inférieure ). P. 584. 159. Mazer, vice-président de la commission administrative des hos- pices , à Villeneuve (Haute-Garonne ). P. 388. 160. MeLciner, membre de plusieurs sociétés savantes, imprimeur , à Nantes ( Loire-Inférieure ). 161. MerCIER, directeur des mines de houille de la Vendée, à Maril- let, près Fontenay-le-Comte ( Vendée). P. 499, 500, 501, 502, 503, 504, 505, 506, 507, 508, 509. 162. Mlle Érisa Mercoeur , à Paris. P. 419. 163. Meusnier LA Nour, substitut du procureur du roi, à Saintes ( Charente-Inférieure ). (617 ) 164. Micnau» jeune, homme de lettres, libraire-éditeur de la Bio- graphie universelle , à Paris. 165. Micneror , ex-sociétaire du Théâtre-Francçais et ancien profes- seur de déclamation , à Paris. P. 240, 241,242, 243, 244, 245, 246. 166. Micwer, littérateur , juge de paix, à Fontenay-le-Comte ( Ven- dée). 167. Mizcer, naturaliste, membre de plusieurs sociétés savantes , à Angers (Maine-et-Loire ). P. 82. 168. DE Mocéon, directeur du Musée industriel , à Paris. 169. Mozcer DE CHASSENON, membre du conseil général de la Vendée, concessionnaire de mines, au château de Chassenon, près Fontenay- le-Comte ( Vendée). P. 502. 170. DE Moncey, fondateur de la Societe de civilisation ; à Paris. P. 587. 171. Monraicu , membre de la Société linnéenne de Normandie, con- servateur du jardin botanique, à Caen (Calvados), membre de la pre- mière session du Congrès. 172. César Moreau , homme de lettres, à Paris. 173. L'abbé Nocer, horticulteur, curé d’Aubigny (Calvados), membre de la première session du Congrès. 174. J.-B. NouLer, docteur-médecin , à Toulouse (Haute-Garonne ). 175. Juces Ocivier, membre de plusieurs sociétés savantes, à Valence ( Drôme ). 176. Le comte Louis »’OssEvILLE, ancien maire de la ville de Caen (Calvados ), membre de la première session du Congrès. 177. O’Suzcivan, littérateur , à Paris. P. 583, 586. 178. PALLIAU , ancien juge de paix, aux Sables-d'Olonne (Vendée ). 179. À. Passy, géologue, préfet de l'Eure , à Evreux. 180. A. pe Pasrorer, ancien magistrat , littérateur , à Paris. 181. Pavie père, imprimeur-libraire , membre de plusieurs sociétés savantes , à Angers ( Maine-et-Loire ). 182. J.-B. PAyA , libraire-éditeur , directeur de la Revue du Midi, à Toulouse ( Haute-Garonne ). 183. Le comte de PEnnouEr , maréchal-de-camp en retraite, anti- quaire , à Rennes (Ille-et-Vilaine ). 184. NicérAs PériAUx, imprimeur-libraire-éditeur , à Rouen ( Seine- Inférieure ). 185. Pers , membre de plusieurs sociétés savantes , bibliothécaire , à St-Omer ( Pas-de-Calais ). P. 58#et 585. +186. Pier père , naturaliste et antiquaire , juge de paix , à Noirmou- tiers ( Vendée ). 78 (618 ) 187. Pririrrar, botaniste-cultivateur , à Versailles (Seine-et-Oise ). P. 388. 188. Pcey , président de la Société d'agriculture, à St-Omer ( Pas-de- Calais). 189. DE PonGERViILLE , membre de l'Institut, à Paris. P. 388. 190. Foxës , substitut du procureur du roi , à Châtellerault ( Vienne. ) 191. Cn. PrEvor, peintre, ancien pensionnaire de l’académie de Rome, à Toulouse (Haute-Garonne ). 192. DE Quinsox , membre de plusieurs sociétés savantes, conseiller à la cour royale de Douai ( Nord ). 193. RAGoN»E , bilbliothécaire et professeur , à Cherbourg (Manche), membre de La 1° session du Congrès. 194. A. Rasrour, professeur d'histoire, directeur de l’'Echo de Vau- cluse, à Avignon ( Vaucluse ). 195. RayNAUD , professeur à l’école des arts, à Toulouse ( Haute- Garonne ). 196. RENARD , dessinateur et homme de lettres, à Paris. P. 584. 197. RENAULT , antiquaire , substitut du procureur du roi, à Falaise ( Calvados). 198. J. DE RESSEGUIER , propriétaire-cultivateur , à Sorèze ( Tarn). 199. Rey (de Grenoble), conseiller à la cour royale, à Angers (Maine-et-Loire ). 200. Le baron DE REYFFEMBERG , recteur de l’Université de Gand, correspondant de l’Institut de France , à Gand ( Belgique ). P. 388. 201. Rises , professeur d'hygiène à la faculté de médecine de Mont- pellier ( Hérault ). P. 157, 158, 159. 202. RicneLor , littérateur et professeur d'histoire, à Nantes ( Loire- Inférieure ). P. 224, 354, 355, 356, 357, 358 , 359 , 360, 361, 362, 363 , 364, 365, 366. 203. RicaL , docteur-médecin , correspondant de l'académie royale de médecine , à Gaillac ( Tarn ). 204. Rica , ex-régent de seconde , à Toulouse ( Haute-Garonne ). 205. RicorLor , docteur-médecin et antiquaire , à Amiens ( Somme ). 206. RoserTow, docteur-médecin , membre de plusieurs sociétés sa- vantes , à Edimbourg ( Ecosse), membre de la 1r° session du Congrès. 207. Rousseau-Lasrois, membre du conseil général de la Vienne, secrétaire du comice agricole de Mirebeau ( Vienne ). 208. RouLLy , conservateur du canal du Midi, à Toulouse ( Haute- Garonne ). (619) 209. Roy, ancien magistrat, bibliothécaire, à la Rochelle { Charente- Inférieure ). P. 47 , 49, 289. 210. P. Royer-CoLLARD, Correspondant principal de la commission des archives d'Angleterre , professeur à la faculté de droit de Paris. 211. SADE , avocat , à Toulouse ( Haute-Garonne ). 212. SaINT-GuiLneM , ingénieur des ponts et chaussées , à Toulouse ( Haute-Garonne ). 213. Savin, président du tribunal du chef-lieu judiciaire de la Ven- dée , à Bourbon-Vendée. 214. ScHWEIGAUSER , Correspondant de l’Institut, à Strasbourg ( Bas- Rhin ). P. 162, 168 , 204. 215. Simon , géomètre en chef du cadastre , membre de plusieurs sociétés savantes, à Caen ( Calvados ), membre de la ire session du Congrès. 216. Mme Sirey , née de Lasteyrie du Saïllant , directrice du journal la Mère de Famille , à Paris. P. 587. 217. E. Souvesrre, littérateur , à Brest ( Finistère ). 218. J. Srraszewicz , littérateur polonais, à Paris. 219. SuriRAY DE LA Rue, docteur-médecin, membre de plusieurs sociétés savantes , au Havre-de-Grâce ( Seine-Inférieure). P. 42. 220. L'abbé Taury , vicaire général de Poitiers, membre de la So- ciété académique de la même ville , à la Puie ( Vienne ).P. 208. 221. TelLLier , docteur-médecin , à Toulouse ( Haute-Garoune ). 222. Léon Tmessé, homme de lettres , préfet des Deux Sèvres, à Niort. 223. Tiozer , dessinateur en chef du dépôt central de l'artillerie, à Paris. | | 224. TaomAs , ancien ordonnateur de la marine à l’Ile-Bourbon, membre de plusieurs sociétés savantes , à Rouen (Seïine-Inférieure ). 225. DE TorrenARE, membre de plusieurs sociétés savantes, à Nantes ( Loire-Inférieure ). 226. TourwaL fils , naturaliste , à Narbonne ( Aude ). 227. Toussaint , pharmacien-chimiste , à Castelnaudary ( Aude ). 228. TriBerT., député , à sa terre de Puyraveau , près Champdeniers (Deux-Sèvres ). 229. Vazcor , docteur-médecin et naturaliste, à Dijon ( Côte-d'Or ). P. 42. 230. Le comte nE VAN»DEUVRE, ancien préfet, à Vandeuvre (Calvados), membre de la ire session du Congrès. 231. Vercniaun-RomaGnesy , membre de plusieurs sociétés savantes , à Orléans ( Loiret ). P. 586. ( 620 ) 232. A. Vif, ingénieur des ponts et chaussées , à Pamiers ( Ariége ). 233. Le comte Horace DE Viercasrez , homme de lettres, à Paris. P. 584. 234. Vienes , docteur-médecin , à Toulouse (Haute-Garonne ). 235. VicnoLLe , littérateur , à Toulouse ( Haute-Garonne ). 236. Vincent, auteur de la Statistique industrielle de la ville d'Angers , à Angers (Maine-et-Loire ). P. 382. 237. Lu. Virer , député, secrétaire général du ministère du com- merce , ancien inspecteur général des monumens historiques , à Paris. P. 164. 238. Virry, professeur de mécanique industrielle, architecte de la ville de Toulouse ( Haute-Garonne). 239. WaRNKOENIG, professeur de droit à l’Université de Gand, cor- respondant de la Commission des archives d'Angleterre , à Gand ( Bel- gique ). 240. Joserx Voops, antiquaire et architecte, à Lewes, comté de Sussex ( Angleterre ). P. 168, 169. 241. Hier. YVERNËS , littérateur, à Toulouse ( Haute-Garonne ). FIN. ( 621 ) TABLE RAISONNÉE DES MATIÈRES ARRÊTÉ POUR LA TENUE ANNUELLE DU CONGRÈS ET LA SESSION DE 1834 (pris à Cuen, en juillet 1833). Pag. 1. CIRCULAIRE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA SECONDE SESSION DU CONGRÈS , 2. — Indication du but de la réunion, ib..— Dispo- sitions arrêtées, 3. — Indication des secrétaires provisoires des sec- tions, et. des questions posées, 4. — Autres détails, 6. OUVERTURE DE LA 2° SESSION DU CONGRÈS. Discours de M. de la Fontenelle, secrétaire général, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18. — Discours de M. Boncenne, président de la Société académique et du Comice agricole de Poi- tiers, 18,19, 20, 21, 22, 23 , 24. — Formation du bureau provi- soire. du Congrès, 24. — Formation du bureau définitif, ib. — Discours du président , &b. — Inscription pour les sections, &b. — Di- vision en sections, &4.=— Ordre du travail, cb. COMPOSITION DES BUREAUX. Assemblées générales, 27. — Sections, ?8: ( 622 ) TRAVAUX DES SECTIONS. PREMIÈRE SECTION. — SCIENCES MATHÉMATIQUES, PHYSIQUES ET NATURELLES. PREMIÈRE DIVISION. — SCIENCES MATHÉMATIQUES ; PHYSIQUES ET GÉOLOGIQUES. SÉANCE DU 8 SEPTEMBRE 1834, 31. — Organisation du bureau de la sec- lion, &b. — Division du travail, 32. SÉANCE DU 9 SEPTEMBRE, 32. — Annonce faite de la découverte d'une mine de fer hydroxidé, riche en or et en argent, ibid. — Discus- sion à ce sujet, db. — Commission nommée, 33. — Lecture d’un mémoire sur le creusement des vallées à plusieurs étages, 33, 34, 35. SÉANCE pu 10 sgpr., 35. — Jtinéraire géologique adopté, ibid. — Pro- position venant du Congrès de Douai, pour une prescription scientifique à imposer aux exploitans de houillères, 35, 36. — Elle est adoptée, 36. — Réponse au mémoire sur le creusement des vallées par les eaux diluviennes ; discussion à ce sujet, 36, 37 , 38. SÉANCE pu 12 sepr., 38. — Reclamations relatives à la question du déluge universel, 38, 39. — Hommage fait d’une carte geologique de la Manche , 39.— Communications diverses, &b. — Renvoi à une commission d’un mémoire sur Les os fossiles trouves à Pons, en janvier 1834, 20. — Propositions relatives à des observations meteo- rologiques, ibid. — Discussion sur La question du déluge universel, renvoyée au prochain Congrès, 40. — Mémoire sur Les aerolites , ibid. — Discussion à ce sujet , 40, 41. SÉANCE pu 13 sEerr., 42. — Continuation de la discussion sur Les aëero- lites , 42,43. — Notice sur les z1ires de houille de la Vendee, renvoyée à une commission , 43. — Adoption de la proposition rela- tive à l'établissement d'instrumens météorologiques dans les postes télegraphiques, ibid. SÉANCE DU 14 sEpr., 43. — Rapport sur le mémoire relatif aux osse- mens fossiles de Pons, ibid. — Communication sur la decouverte de deux squelettes humains, dans les bancs d'huîtres de St-Michel- | | | | ( 623 ) x en-l'Herm, ib, — Discussion. à ce sujet, 43, 44. — Renvoi du mé- moire à une commission, 44. — Ouverture de la discussion de Ja question relative à la diminution des sources , ibid. — Notice sur la diminution des sources , depuis quelques années, dans l'ancien Poitou et dans l'arrondissement de la Rochelle, 44, 45, 46, 47. — Note sur ce sujet, 47. — Discussion sur la question, 47; 48. SÉANGE Du 15 sEpr., 48. — Addition de quelques réflexions relatives à la question de Za diminution des sources , 48, 49. — Mention de la souscription pour le monument scientifique à élever à Cuvier, 50. — Échantillons de roches des environs de Fougères, ibid. — Lettre relative à la caverne à ossemens de Pons, ib. — Discussion sur la question des brouillards secs, 50; 51,52, 53. — Mémoire sur une nouvelle nomenclature atomo-chimique, renvoyé à une commission, 53, 54. — Promenade scientifique en Vendee, 55, 56, 57,58, 59, 60, 61, 62. SÉANGE nu 16 sepr., 62. — Rapport sur la notice relative au depôt de St-Michel-en-l'Herm, ibid. — Rapport sur le mémoire relatif aux mines de la Vendée, 62, 63. — Rapport sur La nouvelle nomen- clature atomo-chimique , 63, 64, 65, 66. — Rapport sur Le minerai aurifère, présenté au Congrès, 66, 67. — Lecture du récit de la promenade géologique , 67. — Réclamation sur une dénomination . minéralogique et réponse, 68.— Clôture des travaux de la section , ibid. DEUXIÈME DIVISION. — SCIENCES BOTANIQUES ET ZOOLOGIQUES. PREMIÈRE SUBDIVISION. — BOTANIQUE. SÉANCE Du 9 SEPTEMBRE , 69. — Lecture relative à une publication sur les hydrophytes de Normandie, 69, 70. SÉANcE Du 10 sept. , 10. — Présentation d’une collection de plantes , ibid. £ Séance nu 12 sepr., 70. — Rapport fait de l’excursion du matin, sous Les rapports botaniques et zoologiques , T0 , 11, T2. — Présentation d’une curieuse tige de vigne, 12: Séance Du 13 sepr., 72. — Rapport sur un mémoire relatif à la vege- tation différente des environs de Pontivy et du Mans , T2, 73. SÉance pu 14 sepr., 73. — Rapport sur un apercu statistique de la végétation du département de la Vienne , 13, 14, 75,16. — Propo- ‘sition relative aux botanistes qui se rendront aux Congrès scien- tifiques , 16 , 17. — On l’étend à tous les objets d'histoire naturelle, ( 624) 11.— Son adoption, ëbid. — Communieation faite par M. de Bre- bisson d'un fac-simile qu'il va publier sur les hépatiques de France, 717, 18. — Annonce de fableaux synoptiques ‘dressés des productions naturelles de la Vendée, T8. — Indication donnée d'application aux arts de plantes cryptogames , ibid. Séance DU 15 sepr., 78. — Rapport sur un. /ravail ingénieux relatif à la botanique, 18, 19. — Présentation d’un paquet de plantes cu- rieuses dessechees, recueillies dans les environs de Fougères, 79. — On signale aussi une arenaria trouvée dans l'île de Noirmoutiers, ibid. SÉANCE pu 16 serr., 79. — Note sur une mousse curieuse, 79 , 80. DEUXIÈME SUBDIVISION. — ZOOLOGIE:. Séance pu 10 sepr., 81. — Présentation d’un bocal renfermant des poissons et une variété de vipère , ibid. — Observations à ce sujet , ib. — Commissaires nommés pour examiner ces objets, ib. Séance pu 12 seer., 81. — Rapport sur Les animaux présentés au Con- grès, 81, 82. — Présentation d’un bel individu de la couleuvre glo- coïde , 82. SÉANCE Du 13 sepr. , 82. — Lecture d’une note sur l’histoire naturelle dela Normandie, 82,83.— Remarque sur deux oiseaux étrangers , rencontrés dans les environs de Poitiers , 83. SÉANCE pu 15 sepr., 83. — Examen d’une collection de dessins de poissons, ib.— Mémoire sur une nouvelle classification des mollus- ques et de leurs coquilles , 84. SÉANCE pu 16 serr., 84. — Notice extraite d’un travail sur Les nevroses des organes digestifs , et relative à un fait curieux , ibid. DEUXIÈME SECTION.— AGRICULTURE , INDUSTRIE ET COMMERCE. SÉANCE DU 7 SEPTEMBRE, 89. — Organisation du bureau, ibid. — Essai d’instrumens aratoires , arrêté à la ferme-modèle de la Miletterie , 85, 86. — Commission nommée pour l’examen dés diverses questions renvoyées à la section, 86. — Allocution d’un des secrétaires, sur l'importance d’un bon système à adopter pour les baux à ferme, 86, 87. — Rapport sur un mémoire relatif aux baux à long terme, 87, 88. — Discussion à ce sujet, 88. — Adoption, par la section, des conclusions du mémoire , et de la résolution portant que Les baux à long terme sont ur moyen efficace de favoriser les progrès de l'agriculture, 88. ( 625 ) SéANcE pu 9 sepr., 88. — La section décide que, chaque fois qu’une de ses résolutions sera portée à l'assemblée générale, un membre, in- diqué à l'avance, rendra compte de la première discussion , ibid, — Discussion relative à l'influence de l'impôt du sel, relativement à l'emploi de cette substance comme amendement pour les terres , ou comme destinée à faire partie de la nourriture des bestiaux , 89, 90, 91, 92. — Adoption de ces propositions : L'emploi du sel, comme amendement des terres , est avantageux ; l'emploi du sel'est utile pour la nourriture des bestiaux ; conseéquemment l'influence de l'impôt sur le selest nuisible à l’agriculture , 92. — Adoption d’une proposition pour inviter le gouvernement à délivrer aux So- ciétes et Comices agricoles une certaine quantité de sel, exempte de taxe, pour faire des expériences, ibid. — Discussion sur les moyens d'ameliorer les chemins vicinaux, 92, 93, 94, 95,96 ,97, 98, 99. — L'importance de la question l’a fait renvoyer à une réu- nion composée des 2me et 6me sections réunies , 99. SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU 11 SEPT., AU SOIR. — me ET 6me SECTIONS RÉU- mes, 99. — Rapport sur la discussion qui a eu lieu à la deuxième section, relativement aux moyens d'améliorer les chemins vicinaux, 99 , 100. — Discussion à ce sujet, 100, 101, 102. SÉANCE EXTRAORD. DU 12 SEPT., AU SOIR. — DEUXIÈME ET SIXIÈME SECTIONS RÉUNIES, 102: — Continuation de la discussion sur les chemins vici- naux , ibid. — Renvoi à une commission des deux propositions prin- cipales , 6. SÉANCE EXTEAORD. DU 16 SEPT., AU MATIN. — DEUXIÈME ET SIKIÈME SEC- Tions RÉUNIES , 102. — Rapport sur les questions relatives aux che- mins vicinaux, 102, 103, 104, 105. — Adoption des conclusions du rapport, pour recommander au gouvernement l'étude des deux projets, 105. Séance ( ordinaire) ou 12 sepr., 106. — Discussion relative à l'engrais Domart , ibid. — Vœu pour la multiplication des Comices agricoles, ibid.— Discussion sur les moyens de répandre l'instruction agricole, ib. — Discussion sur Le reproche fait au nouveau mode de culture de diminuer la masse relative et suriout la qualité des céréales , 106, 107, 108, 109. — Résolution de la section : Le reproche n'est pas fondé, 109.— Présentation de feuilles de nicotiane, vé- coltées près de Lusignan , ibid. — Proposition pour hâter la redac- tion d'un code rural, ib. — Mémoire sur La carie des bles , et pre- servatif , ib. | Séance pu 13 sxer., 110. — Sur la navigation de la Loire, sur ur canal latéral ou un chemin de fer de INVantes à Orleans, 110, ; 79 ( 626 ) 111. — Adoption des deux propositions à ce sujet, 110, 111. — Pro- position adopiée pour l'établissement d’un chemin de fer de Nantes à Poitiers , 111. — Proposition pour favoriser la construction d'in- strumens aratoires perfectionnés à bas prix, 111, 112. — Question incidente de l'utilité’ ou de la non-utilité de l'avant-train des char- rues, 112. — La proposition pour la confection des instrumens perfectionnés à bon marche est adoptée , ib. Séance pu 14 serr., tenue à la Milleterie, 113. — Coup d’œil rapide sur l'essai des instrumens araloires, 113, 114. SÉANCE Du 15 ser. , 114. — Remercimens votés à M. Bobin, à l’oc- casion du concours d’instrumens aratoires fait sur son domaine, 16. — On lui décerne une rnedaille d'argent de la Société d'agriculture de Caen, mise à la disposition du Congrès, 114, 115. — Rapport sur le concours d’instrumens aratoires de la veille, 115, 116, 117. — Discussion sur les conséquences à tirer de ce concours , 117. — Opinion tendant à établir que l’avant-train des charrues aug- mente la résistance de l'instrument , rend sa direction plus difficile et élève le prix de l'instrument , ibid. — Opinion dans ce sens que, dans les terres fortes et pierreuses, il est impossible de supprimer l’'avant-train, et que Les charrues avec ces accessoires sont bien plus faciles à diriger que les autres , 118, 119. — Les charrues à avant-train doivent être conservées dans les terres fortes de la Normandie, suivant un agronome de cette province, 119. — La section laisse la question indécise et constate seulement le fait ma- tériel qu'une charrue sans avant-train offre moins de résistance qu'une charrue à avant-train, ibid, — Proposition et discussion pour améliorer l'institution des gardes champêtres, 119, 120, 121. — La section émet un vœu pour l’embrigadement des gardes cham- pêtres, 121. SÉANCE pu 16 sEPr., 121. — Remercimens adressés au moniteur de M. Hugues , pour les éclaircissemens qu’il a donnés, lors du concours de la Milleterie, sur le mécanisme du semoir-Hugues, et sur la manière dont il faut l’employer, ibid. — Rapport sur un mémoire relatif à un zouveau procédé de vinification, 121, 122.—Rapport sur le chara des anciens : opinion que cette plante est une espèce de crambé, 122. — Proposition faite et approuvée pour appeler l’at- tention du gouvernement sur les monts-de-pieté', ibid. — Notice extraite des mémoires de l’Académie de Caen, sur les moyens de conserver en meules , dans les champs, les blés coupés, ib. — Discussion sur les moyens de diminuer, en faveur de l'agriculture et du commerce, le taux de l'interêt de l'argent, 123, 124. — Ré- (627 ) solution pour recommander deux projets sur celte matière à l’at- tention du gouvernement, des Sociétés savantes et du prochain Congrès, 126. — Clôture de la section , et regrets des membres en se séparant, 126 , 127. TROISIÈME SECTION. — SCIENCES MÉDICALES. Séance pu 8 sepr., 128. — Organisation du bureau, id. — Travaux préparatoires, c6. SÉANCE Du 9 sepr., 128. — Discours d'ouverture du président, 198, 129. — Lecture d'un mémoire sur Le magnétisme animal, 129. — La section en propose la lecture en réunion générale du Congrès, ibid, Séance pu 10 ser. , 129. — Discussion sur cette question : Doit-on ad- mettre des lésions de fonctions sans lésions d'organes ? 129, 130, 131, 132, 133, 134. — Déclaralion pour l'affirmative de la proposi- tion , 134. SÉANCE DU 11 SEPT. , 134. — Présentation d’une certaine quantité de sang provenant d'un individu atteint de fièvre cérébrale, et re- marque sur sa prompte dessiccation , &bid. — Proposition pour re- cueillir des renseignemens relatifs à la vaccine, ibid. — Discus- sion sur le point de savoir si La vaccine préserve toujours de la petite-verole, 135, 136. — Adoption de la résolution suivante : La veritable vaccine préserve Le plus souvent de la variole; mais , dans quelques cas rares, les individus vaccinés peuvent être at- teints par la variole , ib. SÉANCE DU 12 SEPT. , 136. — Discussion pour savoir combien de temps peut vivre le fœtus , après la mort de la mère? 136, 137, 138.— Résolution portant que la question ne peut être résolue d’une ma- nière absolue; et que la vie du fœtus peut se prolonger après La mort de la mère, mais d'urie manière variable et qui ne saurait étreprécisee, 138. Séance pu 13 sEpr., 138. — Discussion pour savoir quel sens on doit attacher à ces mots : fièvre putride, fièvre maligne ? 138, 139, 140, 141,142, 143, 144, 145, 146, 147. SÉANCE pu {4 sepr., 147. — Adoption d’une résolution portant que Les mots fièvre putride, fièvre maligne, ne doivent pas être pris à la lettre, et ne sont nullement l'expression fidèle du caractère de ces maladies, ibid. — Discussion relative à l'influence des institu- tions sociales et politiques et des constitutions physiques et mé ( 628 ) dicales sur la multiplication du suicide , el sur Les moyens propres à arrêter cette calamité, 148, 149. SÉANCE ou 15 sEPT., 149. — Continuation de la discussion relative au suicide, 149, 150, 151. — La section déclare que Les institutions sociales et politiques , les constlitutions physiques et médicales, par un concours funeste et simultanée, ont eu leur part d'influence dans la multiplication incontestable des suicides en France ; quant aux moyens préservatifs, on peut indiquer : 1° un bon système d'éducation; 20 quelques dispositions pénales ; 3° l'établissement de maisons d'asile, 151, 152. SÉANCE EXTR. DU 15 SEPT., AU SOIR, 152. — Proposition et discussion sur l’organisation médicale, ibid. — La section énvitle le gouver- nement à s'occuper, Le plus promptement possible, de La nou- velle organisation depuis long-lemps promise au corps médical , ibid. SÉANCE pu 16 sept. , 152. — Présentation d’un mémoire sur l'etablisse- ment d'un corps de medecins legistes, 152, 153. — Discussion sur la proposition, 153, 154, 155. — Hlle est rejetée, 155. — Autres mémoires présentés à la section et dont elle m’a pu -s’occuper,, bid. — Quatre propositions importantes sont renvoyées à l'examen de la prochaine session du Congrès, 155, 156. — Analyse d’un mémoire sur dla structure et la vitalité des dents, 156. — Indication d’un travail sur Les vers intestinaux chez l'homme, chez le chien et chez le chat, et de leur coïncidence avec La monomanie, l'aliération et la rage, 157. — Rapport sur Les doctrines médicales du pro- fesseur Ribes (de Montpellier), 157, 158 .et 159. PPS SN RE PT ET ME QUATRIÈME SECTION. — ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE. Séance pu:8 sepr., 160.— Formation du bureau, ibid.— Ordre detravail adopté, 160,161. Séance pu 9:sepr., 161.— Proposition pour provoquer la:formation de | collections de vues des monumens , dans chaque province, avec texte, ibid.—Discussion.à.ce sujet, ib.— Insertion.de la proposition au procès-verbal, äb.— Discussion sur l’origine de l'ogive et sur l'epoque à laquelle elle s'est introduite en France et dans les États voisins , 161, 162,163, 164, 165, 166. SÉANCE pu 10 sepr., 166. — Continuation de la discussion relative à l'origine de l’ogive, 166, 167, 168, 169.— A raison de sa difficulté, la question est renvoyée à la prochaine session du Congrès, réunion à laquelle tous les antiquaires sont invités à apporter les documens ( 629 ) qui peuvent aider à donner une solution, 169.— Communications sur le monument de Karnac, 169, 170, 171. SÉANCE pu 11 sepr., 171. — Hommage d'ouvrages concernant l’archéo- logie, ibid. — Observations sur les caractères de la race bretonne prototype, sur la race poitevine , et la petite peuplade du bourg de Batz, près du Croisic, 171, 172, 173. — Lecture d’un mémoire sur la conservation des monumens et la nécessité d’une association générale pour prevenir leur destruction , 173. — Discussion sur la proposition , et résolution , ébid. — Proposition pour déclarer natio- naux les monumens historiques et les faire acheter par le gouver- nement ; discussion à ce sujet, 173, 174, 175. — Annonce de l'or- ganisation d'une Société pour la conservation des monumens historiques de France, 175.—La section exprime son indignation contre le vandalisme des démolisseurs de monumens historiques, ib. — Proposition approuvée de la formation d'une commission pour la conservation des monumens de France , dont le centre serait à Paris , 115, 176.— Mémoire sur l’état des lettres en Aqui- taine vers La fin du we siècle , 176, 177, 178, 179.— Autre opinion émise sur le même sujet, 179, 180, 181. —Réponse faite à quelques allégations mentionnées dans cette dernière opinion , par l’auteur du mémoire, 182, 183.— Précis sur l’Ile-Dieu (partie archéologique), 183, 184. — Communication relative à deux colonnes milliaires qui existent à Chauvigny (Nienne), 184.— Présentation de trois me- dailles deitrois empereurs différens , ayant la même face et le même revers, ibid. Séance pu 12 sepr. , 184.— Présentation du premier numéro du Bulle- tin monumental , ibid. — Adoption d’une proposition pour un con- ‘ coursrelatif à ure histoire de chaque province, avec détails d'his- toire naturèelle et de mœurs , 185. — Autre proposition relative à l'envoi d'un élève-par province à l’école des chartes, et a la création d’archivistes ‘et discussion sur ces points, 185,186, 187. — Adop- tion des propositions, 187.— Communications archéologiques sur l’île de Noirmoutiers , 185, 186.-—Observations sur l'epoque où on a cesse d'employer les tuiles romaines, 186. Séanceinu 18 sert: , 486. — Réponse à une imputation relative aux dilapidations de la Bibliothèque royale, sous la restauration, ibid. — Communication relativeà d'anciens tombeaux trouvés à Châtil- dlon-sur-Sèvre (Deux-Sèvres) , et à Maulevrier (Maine-et-Loire ). — Autres indications semblables pour Zaval:( Mayenne), 189, 190, 191. — Observations ‘présentées , au nom ‘de la Société dés anti- quaires de la Morinie, sur des vœux émis par la première session ( 630 } du Congrès, et déclaration qui s'y rattache, 191, 192, 193. — Ré- clamation d’un membre du Congrès , sur la rédaction d’une proposi- tion par lui faite à la réunion de Caen, 194. SÉANCE pu 14 SEPT., 194.— Présentation de l’Ælbum de Maillezais, ibid. — Discussion sur ces deux questions réunies : À quelle cause peut-on attribuer l'imputation faite héréditairement à quelques familles d'être adonnées à la sorcellerie et à la divination? — Établir l'origine et la cause des croyances de féerie, et quelle fut leur influence sur la littérature du moyen-âge et des derniers siècles ? 194,195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202. SÉANCE pu 15 sepr., 202. — Continuation de la discussion relative à La sorcellerie ct à La féerie, 202, 203, 204, 205. — Fermeture de Ja discussion, 205. — Lecture d’un conte en vers au sujet d'une croyance populaire sur Le pont d'Anzème ( Creuse) , dont on attri- bue la construction au diable, 205, 206. — Anecdote relative au Pont-du-Diable, près Mayenne , 206. — Adoption d’une proposition pour la formation d'un vocabulaire général, pour la France, de tous les mots non francais ou surannés employés par le peuple, 206. — Renvoi au Congrès de 1835 de la question sur l'époque où a cessé l'emploi des cordons de grandes briques et de toits à re- bord dans la construction des édifices des Gaules, ibid. — Un pareil renvoi est ordonné, après discussion de la question de savoir où était placé le Portus Iccius où César s'embarqua pour aller soumettre la Grande-Bretagne, 206, 207.— Adoption d’une pro- position pour érviler le ministre de l'instruction publique à faire imprimer, en entier ou par extrait , les mémoires sur les antiquites nationales, adressés à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 207. — Rapport sur un grand nombre de monumens du département de la Vienne, ibid. — Il est renvoyé à La Société française pour la conservation et la description des monumens historiques, ib. — Communication de la première partie d'un ouvrage sur la So- logne blaisoise ; elle est renvoyée à l’examen d’un commissaire, pour en rendre compte en séance générale, cb. SÉANCE DU 16 sepr., 207. — Lecture du rapport sur La promenade ar- chéologique , ibid. — Mémoire sur Le lieu où s’est livrée la bataille de 507, entre Clovis et Alaric, 207, 208, 209, 210, 211. — Note sur les archives du département de la Vienne, 211, 212, 213, 214, 215. — Renvoi à la prochaine session du Congrès de la question relative à la topographie du champ de bataille où les Arabes , sous la con- duite d'Abdeérame, furent defaits , en 132, par les Francais , sous leur duc Charles-Martel, 215.— Adoption d’une proposition pour ( 631 ) la formation d'une commission chargee de restaurer le temple St- Jean de Poitiers , ibid.—Indication des mémoires dont la section, faute de temps, n’a pas pu s’occuper , 215, 216. CINQUIÈME SECTION, — LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS. SÉANCE Du 8 sept. 1834, 217. — Organisation du bureau, ibid. — Lec- ture des propositions soumises à la section > id. — Proposition pour une collection de vues des principales villes de France ; avec un texte explicatif, 217, 218. — Discussion sur cette proposition, 218. — Elle n’est pas prise en considération, ibid. — Proposition pour l'organisation des sociétés savantes en France, avec un centre de publication à Paris, 218 » 219. — Indication de l’utilité de ce centre commun, et objection contre la proposition elle-même , 219, 220. — La proposition est insérée au procès-verbal, 220. SÉANCE pu 9 sepr., 220. — Discussion sur la question de savoir quelle est aujourd'hui la meilleure manière d'enseigner l'histoire ? 220, 221: — La question est renvoyée au bureau, pour une nouvelle ré- daction, 221.— Discussion sur le point de savoir quel est le genre d'architecture monumentale le plus approprié à notre climat Du notre culle et à nos mœurs ? 221 1202 SÉANCE Du 10 sger., 222. — Suite de la discussion sur la question de l'architecture monumentale, 222, 228. — Elle est reportée au pro- chain Congrès, avec cette nouvelle rédaction : Quel est le genre d'architecture Le mieux approprié à nos mœurs et à notre climat ? 223. — Nouvelle rédaction de la question relative à l'enseignement de l'histoire, ibid. — Discussion à ce sujet , et autres rédactions pro- posées, 223, 224.— La section passe à l’ordre du jour sur la question, 224. — Discussion sur l’art.et la mission des artistes, 224, 225;, 226.— Rédaction d’une proposition et renvoi de la discussion au lendemain , 226, 227.— Communication sur les peintures récemment découvertes dans la cathédrale de Nantes, et notice sur Charles Errard ( de Nantes), peintre et architecte, 227, 228, 229.— Hom- mage d’un projet sur une nouvelle organisation des théâtres dans les departemens ; il est renvoyé à l'examen d’une commission » 229.— Ordre de travail adopté, ibid. SÉANCE Du 11 sepr., 229. — Indications données à la section, par le secrétaire général, sur L ‘exposilion des travaux de l'école de dessin, sur la collection des tableaux flamands de $Ste-Croix, et sur La collection de tableaux francais de M. de Jousserant, 229. — Dis- cussion relative à la rédaction du vœu à présenter sur la direction ( 632 ) qui doit étre donnée à la littérature, 230.— Non-adoption d'une rédaction, 230, 231.— Discussion sur la question de savoir si l'in- stitution de l'académie de France, à Rome, fondée pur Colbert, répond encore aux besoins de notre époque ? 231, 232, 233.— Pro- position adoptée pour la suppression de l’école de Rome, et la con- servation de la pension quinquennale aux lauréats , 234.— Propo- sition développée d'un vœu tendant à engager Les artistes à se livrer , de plus en plus, à des investigations dans les départemens, 234, 235.— Discussion à ce sujet, 235, 236.— Adoption de la pro- position, 236. SÉANCE DU 12 sepr., 236. — Présentation de plusieurs rédactions rela- tives au vœu tendant à imprimer une marche plus saine à notre littérature, ibid.— Renvoi à une commission et continuation de la discussion au lendemain, 236, 237. — Proposition développée d'un vœu pour l'épuration du dictionnaire de La technologie et son en- seignement classique, 237, 238, 239, 240.— Adoption de la propo- sition, réduite au vœu de voir la connaissance de la technologie plus généralement répandue, 239, 240. — Approbation d'une ré- daction pour La reforme litiéraire , 240. SÉANCE pu 13 sert. , 240.— Question relative au rneilleur mode d'er- ganisation et d'administration des theätres, dans l'intérêt de l'art dramatique , 240.— Notice sur la chute du Théâtre-Francais et sur les moyens de le relever , 241, 242, 243, 244, 245, 246. — Rapport sur le projet d'une nouvelle organisation des theâtres dans les départemens, et discussion à ce sujet, 246. — La section passe à l'ordre du jour, ébid.— La section émet le vœu que M. Th. Pavie soit entendu demain en séance générale, ib.— Lecture d'une pièce de vers, intitulée Dernier chant, 246.— Proposition pour l’éfablis- sement, dans chaque chef-lieu de département, de galeries cou- vertes , décorées intérieurement de peintures à fresque représentant les faits principaux de l'histoire locale, et, à Paris, de pareilles galeries décorées des principaux faits de l'histoire de France, 246, 247. Séance DU 14 SEPT. , 247. — Lecture de la Fable intitulée : Le Chat ct Les Souris , ibid. — Lecture de l’Zndecision du siècle, poésie, ib.— Discussion sur des propositions relatives à l'enseignement, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256.— Adoption d'un vœu pour que les enfans ne puissent être admis dans les collèges de l'Uni- versité, pour y étudier les lanques anciennes el y suivre l'ensei- gnement secondaire, qu'après un examen, 256, 257. SÉANCE DU #9 SEPT., 297. — Rapport sur un mémoire relatif à cette (633 ) question : Quel est le meilleur mode de propager les beaux-arts ? ibid. — La section renvoie la question à la prochaine session, ib.— Proposition faite et adoptée pour supplier le gouvernement d'ac- corder aux départemens une plus large part dans les fonds alloues, chaque annee, pour encourager les sciences , Les arts et les lettres, 257, 258.— Suite de la discussion sur l'enseignement, 258. — La section émet le vœu que le gouvernement presente, le plus tôt pos- sible, la loi qui doit régler la liberté de l'enseignement, ibid. — Discussion sur une proposition pour l’éfablissement , dans chaque chef-lieu d'académie , de chaires pour l'enseignement superieur des sciences et des lettres, et donner le droit à tout docteur de l’une de ces facultés d'enseigner concurremment avec les professeurs en titre, 258,259, 260, 261, 262. — La section émet un vœu pour l'établissement, dans chaque chef-lieu d'académie ayant une fa- culte de droit ou .de medecine, de facultés pour l'enseignement supérieur des sciences et des lettres. Le surplus de la proposition est rejeté, 263. SÉANGE pu 16 seprt., 263. — Proposition pour inviter le gouvernement à faire rédiger un dictionnaire historique de la langue française, et discussion à:ce sujet, 263, 264, 265.— La proposition est adoptée, 265. — Renvoi au futur Congrès de la proposition relative aux gale- ries historiques en peintures à fresque, 265, 266.— Proposition faite et adoptée pour l'apport à la prochaine session du Congrès, de renseignemens statistiques sur les différentes sociétés savantes et littéraires , 266.— Lecture de vers sur le Congrès , ibid. SIXIÈME SECTION. — SCIENCES MORALES ET LÉGISLATION. SÉANCE DU 8.sEpr., 267.— Organisation du bureau, ibid. — Adoption d’un ordre de travail, ib.— Discussion sur les avantages et les inconveniens de la taxation du pain et de la viande de boucherie, 267, 268, 269, 270 , 271. SÉANCE Du 9 sEPT., 271. — Continuation de la discussion sur la {axa- tion du pain et de la viande, 271, 272, 2738, 274, 275, 216, 271, 218,279, 280,281, 282, 283,284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, _ 291. — La section ajourne la décision relative à la taxe du pain , en invitant le gouvernement à donner de la publicité aux docu- mens sur celte matière , 291. — Il émet le vœu que la taxation de la viande soit supprimée , ibid. Séance Du 10 serr., 291. — Proposition pour que la section ajoute à son titre les mots économie sociale; elle est rejetée, ib. — Présen- 80 ( 634) tation d'un mandat collectif donné à un membre du Congrès , pour y assisler, id. — Proposition faite et adoptée pour inviter Le garde des sceaux à faire constater les usages locaux auxquels le Code civil se réfère, 291, 292. — Autre proposition émise et adoptée pour la formation d'un catalogue et d’un dépôt des ouvrages des jurisconsultes allernands et la traduction de ces mêmes ouvrages , ibid.—On propose d'étendre cette proposition, et on invite son auteur à y donner suite, 292, 293. — Discussion sur la question relative à l'emploi des troupes à la confection des travaux d'utilité publique, 293, 294, 295, 296, 297, 298 , 299. SÉANCE DU 11 sepr., 299. — Lecture du mandat collectif donné à un membre pour comparaître au Congrès, 299. — Continuation de la discussion sur l'emploi des troupes aux travaux d'utilité publique, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 307. — La section exprime l'avis qu'il y a plus d'avantage que d’inconvenient dans l'emploi des troupes pour les travaux publics , et notamment pour les travaux des routes , 307. SÉANCE DU 12 sept. , 307. — Discussion sur la position de la question relative à l’organisation d'un corps de travailleurs militaires ; elle est renvoyée pour être discutée à son tour, 308.— Discussion poûr déterminer les résultats de la suppression , dans certaines localités, des tours placés à l'entrée des hospices pour recevvir les enfans abandonnes , 308, 309,310, 311, 312,313, 314, 315, 316. SÉANCE DU 12 SEPT. , AU SOIR, 316. — Continuation de la discussion re- lative à la suppression des tours destinés à recevoir Les enfans abandonnées , 316 , 317, 318, 319, 320, 321, 322. SÉANCE DU 13 seprT., 322. — Continuation de la discussion relative aux tours , 322,323, 324, 825, 326, 327, 328. SÉANCE DU 13 SEPT. AU Soir, 328.-— Continuation de la discussion re- lative aux enfans abandonnes et aux tours pour les recevoir, 328 , 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338 , 339, 340, 341, 342, 343, 344. — Clôture de la discussion , et débats sur la po- sition de la question, 344. — La section décide : io que La suppression des tours d'arrondissement a produit dés effets désas- treux; 2 qu'ily a lieu à faire une enquête; 3° que les communes doivent contribuer à la dépense nécessaire pour les enfans trouves ; 40 et qu'il est à désirer que des salles d'asile soient établies en grand nombre, 344, 345. ÉANCE pu 15 SEpr., 345. — Adoption des propositions suivantes : 10 Inviter le gouvernement à faire dresser, pour les notairés , un tarif general ‘et uniforme; 2° solliciter du gouvernement l'abro- ( 635 ) gation du décret du 20 février 1809, qui attribue à l'État la pro- priete des manuscrits existans dans les: bibliothèques des établis- semens publics ; 30 vœu pour l’amelioration du cours de la Loire ou pour la création d'un canal latéral; 4° vœu pour la propagation des caisses d'épargne et des banques de prévoyance; 59 invitation augouvernement d'imprimer promptement les Assises de Jérusalem, et surtout la Cour des Bourgeois, 345, 346. — Développement d’une proposition relative à la propriete litteraire, 346,347, 348 , 349, 350, 351, 352. — Discussion sur cette proposition, 352, 353. — Elle est recommandée au gouvernement et au prochain Congrès, 353. SÉANCE DU 16 sept., 853. — Adoption d’une proposition pour nulti- plier les banques d'épargne, ibid. — Proposition d’enjoindre aux presidens des tribunaux correctionnels de dicter eux-mêmes les notes des déclarations des témoins , notes d'après lesquelles les ma- gistrats d'appel doivent prononcer, 353, — Discussion à ce sujet, ib.— La question est renvoyée au prochain Congrès, &b. — Propo- sition pour solliciter une loi abrogative de celle qui fixe l'intérêt de l'argent , ib. — Elle est rejetée, ib.— Réunion de la deuxième section à la sixième, pour la discussion relative aux chemins vicinaux, éd. — Reprise des travaux particuliers de la sixième section, 354. — ‘Proposition pour détruire Le principe qui fait des charges des offi- ciers ministériels des propriétés mobilières transmissibles , ibid.— La section, sans rien préjuger sur le fond de la proposition, la renvoie au prochain Congrès, ib. — Proposition pour creer , dans les grandes villes, des sociétés d'édilité et de salubrité; elle est rejetée par l’ordre du jour, ib. — La section s'occupe du système pénitentiaire. — Rapport sur un mémoire relatif au régime péniten- tiaire en géncral, 354, 355,356, 8571, 358, 859,860, 361, 362, 363, 364,365, 366. .— La section bläme tes doctrines de l'auteur du memoire , comme fausses et dangereuses, 366. — Autre rapport sur un mémoire relatif à l'application de l'unité de système à toutes les les catégories. de détenus, 366, 367. — Rapport sur une brochure qui:traite des ameliorations à introduire dans Les maisons centrales de détention, et particulièrement dans la maison centrale de Li- moges, 367, 368,369, 370, 871, 372, 373, 314. — Discussion sur la question de savoir si, dans l'etat actuel de nos mœurs, il y « lieu de maintenir la légilimation par mariage subseéquent non admise par la législation anglaise, 374, 315, 316, 371,818, 3179, 380, 381, 382, 383. — La solution de la question ne semblant pas présenter de dificulié, elle n’est pas mise aux voix, 383, — Propo - sition pour supplier le gouvernement de faire rendre une loi, afin de ( 636 ) pouvoir légitimer les enfans issus d'un oncle et d'une nièce , d'une tante et d'un neveu, de beau-frère et belle-sœur, quand le mariage a ensuile lieu en vertu de dispense. — Discussion à ce sujet, 383, 384, 385, 385. — La proposition est adoptée , 386. — Plusieurs mé- moires, notamment un travail sur la legislation anglo-normande , n’ont pu être examinés par la section , à cause de la clôture du Con- grès , tb. ASSEMBLÉES GÉNÉRALES. SÉANCE DU 8 sEpr., 387.— On demande la suppression du titre de Seconde Session du Congrès scientifique de France, ibid. — Dis- cussion à ce sujet, 387, 388. — La proposition est rejetée, 388. — . Rapports des secrétaires de sections sur les travaux du matin, &b. — Nombreuses adhésions au Congrès, ib.— Invitation pour le Con- grès scientifique du royaume des Pays-Bas, 40. — Ouvrages offerts au Congrès , ib. — Lecture d’une ode sur Le Congrès de Poïtiers , ib. — Indication pour des promenades géologique et archeéologi- que, ib. — Autre indication pour un concours d'instrumens ara- doires , 389. — Quête pour des ouvriers blessés par suite d’un at- cident , cb. SÉANCE pu 9 sepr., 389. — Demande pour l'insertion au procès-verbal ‘ d’un mandat collectif donné à un membre du Congrès. — Ajour- nement, ib. — Rapport des secrétaires de section, ib. — Hommage d'ouvrages , id. — Apurement du compte de la première session du Congrès, 389, 390. — Lecture d’un mémoire sur Les baux à long terme, 390, 391, 392, 393, 894. — Discussion sur les baux à long terme, 894, 895, 896, 897, 398. — Adoption de la proposition prin- cipale , tendant à encourager les baux à long terme, 398: — L'ordre du jour est prononcé sur la demande en diminution des droits d'en- registrement en ce Cas, ib. — Discussion relative aux baux de 21 ans , avec augmentation successive aux periodes de T et de 1# ans, 398, 399. — Après discussion, rejet de toutes les dispositions addi- tionnelles à la proposition pour les baux à long terme , 399. — Dis- cussion sur les propositions relatives à la {axe du puinet de La viande , 399, 400. — Le Congrès approuve les résolutions , en cette partie, de la sixième section, 400. — Renvoi au lendemain dela lec- ture du mémoire sur le magnétisme animal, ib. SÉANCE pu 10 sepr., 400. — Hommage d'ouvrages , et adhésions, 56. — Rapports des secrétaires de section , &b. — Adoption d’une pro- (637 ) ‘position, venant du Congrès provincial de Douai, pour imposer des obligations, dans l'intérêt de la science, aux exploitans de houillères’, 400 , 401. — Déclaration que le vœu émis est déjà mis à exécution, au moins dans les houillères de la Vendée, 401. — Dis- eussion relative à la proposition sur l'impôt du sel, 401, 402, 403, 404.— La résolution prise à ce sujet par la sixième section est : approuvée, 404. — Discussion sur le vœu pour la constatation des usages locaux , 404, 405, 406, 407. — Le Congrès approuve la ré- ‘solution prise par la sixième section, 407. — Continuation de la quête pour les ouvriers blessés par suite d'un accident, ibid. — — Lecture d’un mémoire sur le magnétisme animal , 407, 408 , 409, 410, 411. — Discussion sur le sujet traité dans le mémoire, 411. — Vœu émis par le Congrès pour recueillir les faits et documens re- «-latifs au magnétisme animal, ibid. — IVoïe-sur M. Chénedollé', 411, 412, 413, 414. SÉANCE pu 11 serr., #14. — Récit de la promenade géologique, #14, 415, 416, 417, 418, 419. — Rapports des secrétaires de section, 419. — Adhésions et hommages d'ouvrages, ib.— Adoption de la . résolution de la cinquième section , relative aux Sociétés archeolo- giques, 419, 420. — Rédaction relative au bläme à décerner aux "démolisseurs , 420. — Discussion sur la proposition venant de la quatrième section , et relative aux mesures à prendre pour la con- servation des monümens , 420, 421. — Elle est adoptée, 421. — -1 Discussion sur la proposition relative à la reforme litteraire, 421, 422. — Elle est renvoyée à un nouvel examen de la cinquième sec- -vtion, 422. — Proposition venant de la même section, et ayant pour but la suppression de' l’Académie de France à Rome, ibid. — L'auteur de cette proposition en développe les motifs, 422, 423 , 424, 495, 4961497. — Discussion sur la proposition , 427, 428, 429. — Clôture de la discussion, la proposition mise aux voix est adoptée, 429: —Commencement de la discussion sur la proposition de : l'emploi des troupes aux ‘travaux d'utilité publique et particuliè- -rement aux travaux des routes, 429, 430. — Indication du jour fixé «pour la'course archéologique, 440. Séance nu 12 sept. — Compte-rendu ; par les secrétaires , des travaux du: matin dans les sections ,430. — Nouvelles adhésions au Con- grès, ib. — Hommage d'ouvrages, id. — Reprise de la discussion relative à l’emnploi des troupes aux travaux publics, 430, 431, 432, 433,434: — Clôture de la discussion et mise aux voix de la question, 434. — Deux: épreuves sont douteuses, et l'assemblée prononce le renvoi au lendemain , &b. ( 638 ) Séance DU 13 sxpr. — Motion d'ordre pour qu'on ne donne pas suite à la proposition relative à l'emploi des troupes aux travaux d'utilile publique, 434, 435. — Résolution de conciliation proposée par un autre membre, 435. — Opinion pour la cessation de la discussion sur ce point, 435, 436. — Discussion relative à ce sujet , 486, 437. — Mise aux voix de la question, au scrutin écrit et secret, 437. — La résolution de la 6m section est adoptée dans les termes suivans : L'emploi des troupes pour les travaux publics, et notamment pour les travaux des routes; offre plus d'avantages que d’inconvéniens , 437 , 438. — Les secrétaires des sections rendent compte des travaux du matin, 438. — Rappel de l’essai d’instrumens aratoires du lende- main, &6.--Adoption de la résolution pour la formation en Franced’un corps spécial de travailleurs volontaires, tiré de l'armée, ib.— Indi- cation de la résolution dela 5e section, relative aux voyages des artistes. L'assemblée passe à l’ordre du jour , ib.— Reproduction de la question relative à la reforme littéraire, avec une nouvelle rédaction dela commission , 438, 439.— Discussion à ce sujet, 439.— Nouvelle rédaction proposée, ib. — La rédaction de la commission est rejetée, 440.— La rédaction proposée en dernier lieu est adoptée, ib. — Discussion relative au chemin de fer de Nantes à Poitiers , ib. — La proposition de la 2m section est approuvée, ib. — La pro- position exprimant un vœu pour qu'un projet de Code rural soit sournis, le plus prochainement possible, à la délibération des chambres , est adoptée, après la suppression du prologue, 440, 441. — Adoption de la proposition pour les prix à décerner par les $o- ciétés d'agriculture, pour un araire perfectionné et à prix mo- déré', etc., 441. — Adoption de la proposition relative à l’ensei- gnement de la technologie , ibid. — Ordre du jour portant que deux voyageurs seront entendus dans l'exposé du résultat de leurs excur- sions dans l'Amérique méridionale, :b. — IL est décidé que quelques dames seront admises à ces séances sur des cartes spéciales, 1b, SÉANCE pu 14 sepr. — Indication des travaux des sections, dans la ma- tinée, faite par les secrétaires, 441. — Récit de la promenade archéo- logique dans l’intérieur de la ville de Poitiers, 442, 443 , 444, 445, 446,447, 448, 449,450, 451, 452.— Nouvel ordre du jour adopté, 452. — Adoption de la proposition relative à l’énvitation faite aux natu- ralistes qui assisteront ou adhéreront aux prochaines sessions du Congrès , 452,453. — Adoption d’une autre proposition relative aux observations thermometriques, etc. , à faire tenir par les employes des télegraphes, 453.— Discussion sur la proposition pour un examen préalable des enfans à admettre dans les collèges de l'Universite +. (639 ) pour étudier les langues anciennes et suivre l'enseignement secon- daire, 453, 454. — Rapport de M. d'Orbigny sur huit annees de voyages dans l'Amérique méridionale, 454, 455, 456, 457, 458, 459, 460, 461, 462. — Présentation de l_Æ{lbum de Maillezais, et . coup d'œil historique sur ce célèbre monastère du Bas-Poitou » 462, 463 , 464. — Commencement de la discussion relative au resultat de la suppression des tours destinés à recevoir les enfans trouvés, 46%, 465.— Annonce de la réunion du soir, pour les membres du bureau du Congrès et des bureaux des sections, 465. SÉANCE DU 15 sept. — Compte-rendu, par les secrétaires des sections, des travaux du matin dans leurs sections , 466. — Annonce que la 2e section a décidé qu’une médaille d'argent , offerte au nom de la. Société d'agriculture de Caen , serait remise à M. Bobin. Remise ef- fective de cette médaille à cet agronome, ib. — Présentation au premier vice-président de la session d’une médaille de l’Académie des sciences de Caen; M. Boncenne l'offre à Mlle Élise Moreau , ib.— Ouvrages offerts au Congrès , 467. — M. le président rend compte de ce qui a été arrêté, la veille au soir, dans l'assemblée. des membres des bureaux, 55. — Arrêté pris par le Congrès, pour la tenue de sa 3e ses- sion, à Douai (Nord), en sept. 1835 , et nomination de M. de Givenchy pour secrétaire-général, 467, 468.—Lecture de la relation du voyage de M. Th. Pavie dans l'Amérique méridionale, 468 ; 469, 470, 471, 472, 478, 474 , 475, #16, 417, 418. — Suite de la discussion rela- tive à la suppression des tours pour les enfans trouves , 478, 479. — Une modification de la proposition de la 6esection est approuvée , 479.— Adoption de la proposition relative à la Zégitimation, par ma- rlage subséquent , dés enfans issus d'un oncle et de sa nièce , d’une tante et de son neveu, d'un beau-frère et d'une belle-sœur ,419. — Adoption de la proposition relative aux ouvrages des jurisconsultes allemands, ibid. — Autre proposition adoptée pour un tarif relatif aux ‘notaires , 480. — Le Congrès, après une légère dis- cussion , pense que a disposition législative qui attribue à l'Étatla propriété des manuscrits existans dans les bibliothèques des établis- semens publics doit être réformée, ibid.—Vœu adopté pour l’établis- sement de Facultés de lettres et de sciences dans les chefs -lieux d'Acadermie ayant une Faculté de droit ou de médecine , ib.— Adop- tion de la proposition pour hâter l'émission de la loi destinée à régler la liberté de l'enseignement, 481. — La proposition d’un vœu à émettre pour que les départemens aient une part plus forte dans les encouragemens pour les ‘sciences, Les lettres et Les arts ; est adoptée, sauf le retranchement de ‘la première partie, {b, — ( 640 ) Lecture de la résolution relative à l’amelioration du cours de la Loire ou à la création d'un canal lateral. Elle est adoptée après une légère discussion et le rejet de sa seconde partie , 481, 482. —Pro- position adoptée pour la rédaction d’un vocabulaire de tous les mots non francais ou surannés , encore employés par le peuple , dans les différentes parties de la France, 482. — Vœu pour l’émpression des mémoires sur les antiquités nationales, adresses à l'Institut, ibid. — Vœu pour l’enbrigadement des : gardes champêtres, 482, 483. — Reconnaissance que Le reproche fait au nouveau mode de culture, ayant pour base Les prairies arti- ficielles , de diminuer la quantité relative et surtout la qualité des céreales, n’est pas fonde, 483. — Renvoi au prochain Congrès de la question pour la fixation de la position du Portus Itius, ibid. — Adoption de la résolution pour engager à former des collections de médailles ou d'objets d'antiquiteé, par spécialité, soit pour l'es- pèce , l’époque ou La localité, ibid. — Distribution du produit de la quête pour les ouvriers blessés, 483, 484. — Lecture d’une elegie adressée à M. de Lamartine, sur la mort de sa fille, et de la re- ponse de M. de Lamartine, 484. — Autre lecture d’une pièce de vers, intitulée : De l’Influence des Femmes , ib. e SÉANCE pu 16 SEPTEMBRE. — Travaux du matin dans les sections, 484. — Rapport sur un ouvrage relatif à la Sologne, ibid. — Hommage d'ouvrages fait au Congrès, 2. — Adoption de la résolution pour hâter l'émission de la loi destinée à organiser l'enseignement et l'exercice de la médecine et de la chirurgie, ib. — Invitation pour les indications propres à former une s{atistique des societés savantes de France, 484, 485.— Adoption de la résolution pour la redaction d'un dictionnaire historique de la langue francaise, 485.— Autre approbation de la résolution relative au Temple St-Jean de Poitiers, ibid. — Renvoi à la prochaine session de la question relative à la localité sur laquelle s'est livrée la bataille de 732, gagnée parles Franks et les Aquitains sur les Arabes, ib. — Approbation donnée à l’éfablissement des caisses d'épargne et de prévoyance , 485, 486.—Invitation pour la prompte publication des Assises de Je- rusalem, 486.—Communication sur les probabilités de succès qu’of- rirait l'ouverture d'un puits artésien à Poitiers , 486, 487.—Lecture d'une pièce de vers adressée au Congrès , 487. — Quête pour les prisonniers , &bid. — Lecture d’une autre pièce de vers , composée à l'occasion du Congrès , ib.— Discours prononcé par le secrétaire général nommé pour la 3° session du Congrès, 1b.— Discours du 2m< vice-président de la 2° section, 487, 488, 389, 490 , 491. — Dis- (641) cours de clôture du secrétaire général du Congrès, 491, 492, 493. — Consfatation du montant de la quête pour les prisonniers, 494. — Discours définitif de clôture par le président de la session, 494, 495, 496, 497 , 498. — Clôturé de La ?e session du Congrès scienti- fique de France, 498. APPENDIUR MÉMOIRES ET PIÈCES DÉTACHÉES. _ I. Notice sur les mines de houille du bassin de la Vendée et sur les données géologiques qui s’y rattachent, par M. Mercier, directeur des exploitations houiïllères de Faymoreau ( Vendée). . . . . 499 II. Apercu statistique de la végétation du département de la Vienne, par M. Delastre, sous-préfet de Loudun. . . . . . . . . 509 III. Explication des figures. . . 22 IV. Tableau a botanique, à pièces Mobiles), par M. Poe. doc- teur-médecin, à Niort. . + . . + , . . ROME V. Recherches, en France, sur les poissons de V oés pendant les années 1832 et 1833, par M. de La Pylaie( de Fougères). . . . 524 VI. Perfectionnement de la vinification , par M. Élie Dru ( de Par- HR) EN MO Tes uisTre Ts . 534 VII. Communication faite à ki dérième section ‘dt Gong sur la Société établie pour la conservation et la description des monumens historiques, par M. de Caumont (de Caen). . . NT 088 VIII. La Chaire-au-Diable, par M. 7’erger ( de Nantes RASE TE) Ta Chaire-au-Diable, Zithographie, . . . 5 dE * IX. Ode au Congrès scientifique de France, par M. Eusèbe Cas- taigne , bibliothécaire à Angoulème. . . . 546 X. Le Congrès scientifique de Poitiers, poème, par N. l'abbé Auber (de Chauvigny). . . . . ie u . b50 XI. L’Indécision du siècle, poésie, par M. Aph. 7e Hlaguais (de Caen). . . - 3 He So de LE XII. Le Chat 7 He Éanaie ou Fe gros vole cveilans les petits, fable , par M. Doussin, bibliothécaire à Poitiers. . . . . . 561 81 ( 642 ) XIII. Sur l’Influence des Femmes, poésie, par M. 4. Jullien (de Re ee nelle pole #00 da NS 2502 XIV. Opinion sur la législation de l'impôt des boissons, par M. Gi- Rardide La Caririe (de Nantes Jet 20 2 nt + nn nan ne Propositions adoptées par le Congrès , classées méthodiquement. 568 Propositions adoptées par les sections et non soumises à l’assemblée générale, classées méthodiquement. ,. . . . . . . . . . 577 Catalogue des ouvrages offerts au Congrès. . . . . . . 582 Noms des personnes qui ont pris part aux travaux du Congrès. 589 Noms des personnes qui ont adhéré, mais qui n’ont pu se rendre à a 2n€ Session du Congrès. + + 1e + . + . . .". . … 609 EEE Poitiers, Imprimerie de F.-A, SAURIN- te de: SON HS es pp om _" ET FRE ss ’ qe Éipoms cr fonte ques mer rip ne ar # ‘212 ‘suIMOIY s2p s2256nEq9 “SUD wmuN13P °Œ ‘ton no avi °& ‘OI -sduoquiud {sojueuñeys xnez “aps vus °Œ ‘ag suubaz *[ “OIX | OU 3. Coupe pisse nn den Las) A À L] Z 74 2 CA ET PB Pa dgauré, échalgpus BP 222224 JÙ 0. | Coupe prise Coupe ne enfre hour how fe Poire. | Cal. | Lire Cri die Paie / /] h d tfélale regler 24/44 La deg uihul a Loilrers — — ——* | ? Et | À an S AVE ANE 4H 4H SN ASTRA E | | COUPEK GI OLOGIOU ES de la VENDEE, | | | DU. JA? 0t°3. Coupe prise a dfieue NO 0e Sables 9'Ofoune . Coupe ptise à Ad fieue SE Des Sables 9'Olouue. Coupe piise à famine dex VaritO, | || 5 DE | PSS 2 SSSR 2] 7} = = | Dora 4 Gorcaies corne Cl pan ALL = Lens pro htiguerit ER A Hase Poe : He Cle _—_Lstiés | d É PL Gal. : l de gars réhallgruss délheteis Séleccar/ A4. OS, 2 0. | || | 1 con] | Coupe prise pres de M Wiviceut d'Ésterfanqe?. Coupe ptise at coux, à 4 de Lieu Se Boutbon. Coupe prise autre Douthouw fe Poire ?. Il. War Suféieuxe), açpec/ he explicaliouk $ A l'O. Nillon est bordé, sur la rive droite, de quelques bancs horizéocheïs est coupée à pic du côté du vallon. A demi-lieue d’humbles mamelons aux pentes ordinairement très-prolong C'est sur un des mamelons en question , et près du lieu de.. Pran N° 2. s eaux, en venant au point B heurter les som- et tourner pour se réunir ensuite au point D. rans et ne pas s'arrêter en A; ils n’y seraient is probablement ils étaient déja déposés quand : Le tete “F9 CE en ——— DA cie 2, ul # Lérers. I Vue de la Taverne à OSSEMENS de PONS (cru Sfsiuse), avc Dec explicatiout D. | (VOIR AU TEXTE, PAGE 30.) A l'O. N. O. de Pons coule un petit ruisseau que je crois affluent de La... ........ . Son étroit vallon est bordé, sur la rive droite, de quelques bancs horizontaux d’une craie exploitée pour la bâtisse , la pierre est belle et bonne ; cette ligne de rochers est coupée à pic du côté du vallon. A demi-lieue de Pons, le vallon se divise en plusieurs bras indécis, et le terrain très-ondulé se compose d’humbles mamelons aux pentes ordinairement très-prolongées par de petites plaines et des bassins de verdure que traverse quelquefois un filet d'eau. C'est sur un des mamelons en question, et près du lieu de..........…. que gisent les ossemens. Coure N° 1°. Pran n° 2. No 1er. No 2. À. Trou ou bassin irrégulier où les ossemens se trouvent déposés , A. Dépôt des ossemens. mêlés à des sables, des sablons, des argiles, des cailloux, de la craie, etc. æ > Cours des eaux. <—_— AA. Fente partant de la surface remplie de terre et sable. ; On voit que pour se rendre au vallon ci-dessus désigné et de là à la B. Banc de craie blanche et grise, dureté moyenne , fournissant de vallée de la Seugard, les eaux, en venant au point B heurter les som- très-bonne pierre à bâtir, exploitée sur une foule de points et autour mités, ont dû se diviser et tourner pour se réunir ensuite au point D. du lieu même où se trouvent les ossemens. Dans ce cas, si les ossemens eussent eu leur légèreté actuelle, ils au- CC. Lit continu, épais de six pouces, d'un silex gris ayant l'aspect du raient dû suivre les courans et ne pas s'arrêter en À; ils n’y seraient grès. même pas parvenus : mais probablement ils étaient déja déposés quand DD. Lits interrompus de gros rognons de silex noir ou brun avec les eaux ont descendu au niveau qui dut amener leur séparation en B. la croûte blanche. a — - —1 —— —_—— —_—_—_—]—]_]_]_]_]_]_]—]—]—]—]—]_]—_]_]—]]——]—_———— —_—_ Lie de Féhut à loiters. 23e ci CORRE EEE ! 1 NOPHE n 5 depot Hat) lie Thisininie * niriirisié on PIRE TS 5 Frise Es HÉHESS pitt di | ete Lot PÉTER ETES T HS CRE RTE 7 Re Titres EE n RER E TRE re PETER ETES > EEE EST DRE TEE sers lets ns trs: Desert