i no CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE. CONGRES SCIENTIFIQUE DE FRANCE JiUITIEME SESSION, en- BESANCON, MPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE DE SAIME-AGATIIE L'AIIVE. M DCCC XLI. rt oo u •'! PREFACE. vt, LfiCongres scientifique de Besanc.onaura des resul tats durables pour la FRANCHE-COMTE. La plupart des ques- tions qui se rattachent a 1'avenir , a la prosperite de notre province, ont etc soulevees et soumises aux lumieres de la discussion dans cette assemblee , de qui 1'opinion et les voeux seront assurement consultes chaque fois qu'on s'occupera de 1'application desprojets census dans Tinteret du pays. Dans cette courte session , le Congres a traite suc- cessivement les points les plus pratiques, les plus actuels de 1'agriculture et de 1'industrie commerciale 5 il a emis des pensees judicieuses sur Futilite de Ten- seignement agricole porte dans les Cornices, sur 1'abo- lition de la vaine pature, sur les moyens d'ameliorer les differentes races d'animaux domestiques , sur la direction qu'il conviendrait de donner au chemin de fer qui doit traverser la FRANCHE-€OMTE , sur 1'eta- blissement d'un comptoir d'escompte a Besanc.on, et sur plusieurs autres sujets d'un inter6unie a Be- san^on en 1858, compte parmi nos m^decins et nos ingenieurs plusieurs de ses membres distingue^. Un cabinet d'histoire naturelle, range d'apres les nouvelles methodes , offre aux yeux du naturaliste toutes les ri- chesses de notre sol. Nous avons possed6 pendant quelque temps une Societe de medecine : 1'ecole 6tablie pres du magni- fique hdpital Saint -Jacques pr6sente une reunion d'hommes instruits , capables de traiter les questions les plus ardues des sciences medicales. Le commerce s'exerce dans notre ville avec une activite qui a augmente la fortune publique : le canal du Rh6ne au Rhin , en nous mettant en relation avec les deux mers, a donne de grands developpements a de hautes speculations ; mais ce qui nous inte>esse plus particulierement , c'est 1'industrie du fer, qui peut-etre serait en peril, malgr6 les mines et les com- bustibles dont nous sommes environnes, si certaines modifications, que le temps indiquera sans doute, n'^taient apport^es a cette importante fabrication. Notre biblioth-eque , Tune des plus belles des depar- tements , contient une foule d'editions anciennes et de nombreux manuscrits. La Franche-Comte possede trois Societes d'agriculture , une Societe d'^mulation a Lons-le-Saunier, une Societ6 archeologique a Vesoul , et TAcademie des sciences, belles-lettres et arts, fixeV a Besangon, qui s'occupe de tous les interfits intel- lectuels de notre province. Nous aimons a le croire, Monsieur, vous viendrez dans une ville qui offre autant de ressources aux discus- sions savantes , qui fut autrefois celebre par son Uni- versite, et qui sera longtemps, comme elle Test d6ja, Tun des principaux centres de lumieres pour 1'Est de la France. Nous YOUS adressons quelques questions qui pour- ront 6tre soumises a Fexamen du Congr6s : nous accueillerons avec empressement les sujets qu'il vous parattrait convenable de nous communiquer. II sera dress6 une liste supplemental des questions que nous devrons a Tobligeance des membres du Congres. Nous avons 1'espoir d'obtesir votre adhesion : elle serait pour nous d'un prix tres-£lev6 •, mais votre presence dans le sein du Congres encouragerait nos efforts 5 elle augmenterait le nombre des homines de merite que notre ville aura Thonneur de posseder pendant la duree de cette solennit6 Iitt6raire. Agr6ez, Monsieur, 1'assurance de nos sentiments distingu£s. Les Secretaires ge'ne'raux de la 8e. Session, CH. WEISS. JH. BOURGON, YIJ DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES AKRETEES PAR LE COMITE D 'ORGANISATION DE LA 8e. SESSION. 1°. La 8e. Session du GoBgres scientifique de France s'ouvrira a Besancon, le mardi ier. septembre, & ruidi, dans la grande salle de 1' Academic universitaire. 2°. La duree de la Session sera dedix jours. 5°. Les travauxdu Congres seront repartis en six Sections, savoir : 1re. Sciences naturelles; 2e. Agriculture, Industrie et Commerce; 5e. Sciences medicates; 4e. Histoireet^Arch^ologie; 5e. Litterature, Beaux-Arts, Philosophic, Philologie et Enseigneiaent ; 6e. Sciences Physiques et Mathematiques. Sous aucun pretexte il ne pourra etre apporte de changement a ces divisions : seulement, si, comme tout le fait espe"rer , la Socie"te" geolo- gique se n'-ii ni ssait a Besan^on, a la meme epoque , elle serai t invitee a faire partie du Congres, et formerait une subdivision de la 1 re. section . 4°. A 1'ouverturede la premiere seance, on nommera le President etles deux Vice-Presidents du Congres, qui, avec les Secretaires ge"neraux, composeront le bureau central. Chaque Secretaire inscriradans sa Section tous ceux qui de"sireront en faire partie. On pourra se faire inscrire dans plusieurs Sections. 5°. Le Tre'sorier-Archiviste est charge^ de la comptabilite de la 8e. Session, et du depot des ouvrages dont il sera fait hommage a FAssemblee. 6°. Chaque Section, le lendemain de I'ouverture du Congres; nommera son President, son Vice-President, et siellelejuge conve- nable, un Secretaire-Adjoint. 7°. Les Sections s'assembleront tous les matins; a la premiere reunion elles fixeront la duree de leurs stances. L'ordre d'ouver- ture des seances sera indique" sur une carte particuliere, qui sera re- mise a cbaque membre du Congres. 8°. Chaque jour, a trois heures precises apres midi , il y aura assembled de toutes les Sections. Le Secretaire general lira le proces- verbal dela Stance de la veille; les Secretaires des Sections donne- Y11J ront lecture des proces - verbaux des seances particulieres tenues dans la matinee. L'Assemblee sera consultee sur les conclusions adoptees par les Sections. On pourra ensuite entendre des lectures d'ouvrages manuscrits et receyoir des communications verbales. 9°. INul ne pourra prendre la parole a une seance, sans 1'autorisa- tion da President. 10°. Aucune deliberation ne sera prise, soit dans les Sections, soil dans les reunions generates , si le quart des membres inscrits n'est pas present. 11°. Toute discussion sur des matieres politiques ou religieuses est interdite. 12°. Aucun travail ne seraentendu en seance generate, sans avoir etc approuve par la Section dont il depend. 13°. Les Membres ont le droit de presenter des questions autres que celles du programme, mais elles devront etre formulees par ecrit et deposees sur le bureau en seance generate. Elles seront exa- minees le soir meme par une Commission permanente, qui jugera si elles pcu vent etre admises. Le resultat de la deliberation sera com- munique le lendemain aux Sections competentes. 14°. La Commission permanente est composee des Membres du bureau central, du Trdsorier-Archiviste , du President et du Secre- taire de chaque Section. 15°. Des excursions scientifiques pourront avoir lieu pendant et apres la tenue du Congres. \ 6°. Nul ne sera admis a faire partie du Congres, s'il ne Terse entre les mains duTresorier, une somme de dix francs qui lui donne droit au TOlume renfermant les travaux de la Session. i7°. Ce volume sera public par les soins des Secretaires generaux ct du Secretaire de chaque Section. 18°. Les personues qui ne pourraient pas se rendre au Congres, sont invitees a presenter des memoires sur les diverses questions contenues au Programme, on sur tout autre objetrelatif aux travaux de l'une des Sections. i9°. Sont specialement invites a faire partie du Congres, les Membres des Societes savantes, ceux des corps universitaires, les fonctionnaires superieurs dans les ordres ecclesiastique, civil et mi- litaire, et toutes les personnes qui ont adhere aux Sessions prece- dentes. Cette invitation s'adresse aux etrangers dans les memes condi- tions. 20°. Avant de se separer, le Congres fixera la date et le lieu de IX •la neuvieme Session, et nommera le Secretaire general de cette Session. 2i°. Toutedifficulte, nonprevue par les pre"sentes dispositions, sera soumise a la Commision permanente. 22°. Chaque Membre du Congres signera le present Reglement en retirant sa carte d'entree chez le Tresorier. Le Secretaire g^n^ral : WEISS; Le Secretaire general adjoint : BOURGON. L«s Secretaires des Sections : GRENIER, BRETILLOT, JEANNEZ, BULLOZ, P^RENNES, REYNAUD- DUCREUX. QUESTIONS PROPOSEES POUR CHAQUE SECTION. PREMIERE SERIE PREMIERE SECTION. SCIENCES NATURELLES. I*. Quelles sont les plantes qui composent les bonnes et les mau- vaises prairies des differentes regions du departement du Doubs? Dans quelle proportion ces especes et les families auxquelles elles se rapportent concourent-elles a la production de la masse fourragere? Chercher a etendre 1'application de ces observations aux de"parte- ments voisins, et meme a la France entiere. 2°. Quelles sont les zones de vegetations que Ton peut constater du pied au sommetde la chaine jurassique? Est-il possible de fixer la hauteur approximative du sommet d'une chaine de montagnes au moycn de ces zones ou de la presence de certains vege"taux ? 3°. Pour qu'une plante puisse vegeter, il faut qu'elle soit soumise a 1'influence de certaines conditions climateriques ; ces conditions venant a etre remplacees par d'autres, le vegetal peut quelquefois encore continuer et atteindre son evolution complete; quelles sont les lois de ce phenomene? Pourrait-il fournir 1'explication de la presence de certains vegetaux sur de bauts sommets couverts de frimas pen- dant une grande partie de 1'annee, et dans desclimats favorise^s d'un hiverextremement tempere, et presque sans cesse echauffes par un soleil ardent, sans qu'il soit possible de retrouver la trace de ces v6- getaux dans les regions interm^diaires? 4°. Etablir les rapports qui existent entre les divisions des terrains des chaines du Jura, et celles des terrains analogues du sud-ouest et du nord-est de la France. 5°. Est-il possible de forer des puits art^siens dans la ville de Besancon? Dans le cas oil la response serait affirmative, y aurait-il. atantage poor cette ville a chercher a se procurer par ce proe&le la quantity d'eau dont elle abesoin? 6°. Quelles sent les divcrscs directions et les dges relatifs des soulevements qui ont donne lieu a 1'ensenible de la chaine du Jura? 7°. A quelle cause faut-il attribuer la formation des geodes sili- ceuses contenant de 1'eau ou un noyau distinct de I'enveloppe? Ce* geodes abondent a 1'abbaye de la Charite (Haute- Saone). DEUXIEME SECTION. AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE. i°. Quelle serait la direction a donner au chemin de fer qui rehe- rait la Saone au chemin de fer deMulhouse a Strasbourg, enadmetr tant que le chemin de fer de Paris a Lyon viendrait lui-meme aboutir a la Saone, pres de Saint- Jean-de-Losne? 2°. Indiquer les moyens propres a propager en Franche-Comte la culture du murieret 1'education des vers a soie. 5°. Le« banques locales peuvent-elles s'etablir avec succes en France, et contribueraient-elles, en accroissant notablement et d'une maniere utile les valeurs de credit, a favoriser le developperaent de 1'industrie etde 1'agriculture? TROISlfiME SECTION, SCIENCES MEDICALES. \*. Le systeme pbysiologique en m^decine a-t-il produit de grand* arantages pour la tberapeutique ? 2°. Peut-on avoir plusieurs fois la variole? La varioloide peut-elle *e montrer chez les individus qui n'ont point ete vaccines et qui n'oul pas eula variole? 5°. Le vaccin pr^serve-t-il pour toujours de la variole, ou scule- raent pendant quelques annees?Dans cette derniere hypothese, a quelle e^poque doit-on pratiquer les revaccinations ? L'^ruption qui parait apres cette operation, est-elle la meme que la premiere? 4°. Des fievres typhoides et de leur traitemeut. 5°. Du cancer en general et de celui de 1'uterus en particulier; quel est le meilleur mode de traitement ? 6°. L'infanticide et les mort-nes sont-ils plus frequents dan.s les de"partements ou Ton a supprim^ les tours, qu'avant leur suppres^ sion? 7°. Quel est, dans le d^partement du Doubs, 1'^tat de 1'bygiene publique et de la statistique medieale? 8°. A quoi doit-on attribuer 1'augmentation de la population de- puis25ansetplus? 9°. Le magnetisme animal peut-il etre consider* comine moyen therapeutique? et, s'il en est ainsi, dans quelles maladies? QUATRlfiME SECTION. HISTOIRE ET ARCIlfiOLOGIE. f^. A quels signes peut-on distinguer et reconnaitre : 1 . Les sepultures militaires gauloises; 2. Les sepultures militaires romaines; 3. Les sepultures militaires franques? L'usage des vases funeraires dans les tombeaux a-t-il subsiste apres 1'etablissement du christianisme? Trouve-t-on dans les tom- beaux militaires Chretiens quelques traces du paganisme? quelles sont-elles? quel est le siecle apres lequel on n'en rencontre plus (1) ? 2°. A quels siecles appartiennent plus specialement les plaques de ceintures en fer damasquinees d'argent, dont les pieces sontunies au milieu par une boucle bombee? et dans quels tombeaux les trouve-t-on le plus ordinairement ? o°. Peut-on distinguer les camps gaulois des camps romains , et a quels signes? CINQUIEME SECTION. LITTERATURE, BEAUX-ARTS, etc. f *. Quels progres la philosophic a-t-elle faits en France depuis 50 annees? Quelle part en revient-il aux philosophes allemands et ecossais ? 2°. Quds sont les avantages et les inconv^nients de 1'enseignement philosophique , tel qu'il existe aujourd'hui en France? De quelles modifications serait-il susceptible ? 5°. Parmi toutes les methodes essay ees depuis le commencement du siecle pour abreger le temps des premieres etudes ou en assurer les resultats, quelles sont colics qui presentent uu caractere reel de progres etd'amelioration? 4°. Serait-il avantageux d'etablir dans les provinces des centres de haut enseignement scientifique et litteraire analogues a ceux qui existent en Angleterre et en Allemagne? Quelles sont, dans 1'Est de la France, les localite's les plus propres a recevoir ces e^tablisse- ments ? (1) Les savants qui te rendront au Congres sont pries d'apporter le* desn'ni det «Lj[«ti antiques trouvts dans les tombeaux de leurs prcrJoces. XIIJ 5a. Quelles doiventetre, pour les lettres et les arts, les conse- quences de ce gout de 1'utile et du positif qui tend a devenir le carac- tere dominant de la societe ? Quels seraient les moyens de le contenir dans de justes li miles ? 6°. La critique litteraire, en France, est-elle en yoie de progres ou de decadence depuis le \Se. siecle? Quels seraient les moyens de lui assurer une influence utile sur la litterature? 7°. A quels signes reconnait-on la decadence d'une literature ? Ces signes existent-ils dans la litterature francaise? 8°. L'epoque presente peut-elle etre completement assimilee, sou* le rapport des ceuvres de 1'esprit, au temps de la decadence des lettres latines? Ne pourrait-on pas voir, au contraire, un indice de progres et de renovation dans ce mouvement par lequel la litterature fran- caise se depouille aujourd'hui des formes qu'elle a emprunt^es a 1'an- tiquite paienne, pour prendre un caractere plus completement na- tional? 9°. A quelles causes faut-il attrtbuer la decadence de la tragedie en France? iO*. Entre Shakspeare et Racine, considered comme types de deux systemes tragiques opposes, y a-t-il un terme moyen qui semble pouvoir etre realise ayec succes sur notre theatre? Apprecier sous ce point de vueles essais dramatiques tentes en France depuis 25 ans. \i°. Quelles sont aujourd'hui les sources ou les poetes doiyent chercher de preference leurs inspirations pour repondre aux besoins- des esprits? 12°. Quelle influence le mouTement intellectuel qui s'est op^re en France, depuis 1789, doit-il exercer sur les beaux-arts , et particu- lierement sur 1'architecture ? i5°. Quels sont les patois de Franche-Corate' qui offrent le plu» d'analogie avec la langue latine? Les regies grammaticales de ce« patois se rapprochent-elles de celles qu'on a observees dans le romaa proven^al ? SIXIEME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES ET MATHEMATIQUES, 1*. Determiner quelles sont les machines hydrauliques preferable* enFranche-Comte, eu egard a la nature des cours d'eau et au genre d'industrie du pays. 2°. L'emploi du bois au lieu de charbon dans les hauts-fourneanx et les forges est-il de nature a fournir des produits aussi boos ow meilleurs , a e gal He ou inferiorite de prix ? xiv ETABLISSEMENTS PUBLICS. BusANgow: La Bibliotheque, le Cabinet d'histoire naturelle. ANTIQUITES. BESANQON : Porte-Noire, Porte-Taillte, le Canal d'Arcier, la Cathe'drale, les e"glises St.-Paul et du St.-Esprit. BEAUX-ARTS. Le Mus^e de peinture, 1'Ecole de dessin, le Cabinet PARIS. SCIENCES NATURELLES. Les environs de Besanc.on, remar- ques detous les geologues. NOTA. Les personnes disposees a adherer au Gongres sont prices de faire connaitre leur intention, le plus promptement possible, pour que leur nom puisse figurer sur la liste des membres qui sera publiee avant 1'ouverture de la Session. Conformement a la decision prise a Metz , en 1 837, les Academies et Societes savantes des departements sont invitees a communiquer au Congres la statistique de leurs travaux , et a s'y faire representer parun ouplusieurs de leurs membres. Pour tons les renseignements qui ont rapport alaS*. Session du Congrts scientifique , on peut s'adresser, franc deport, dM. WEISS, Secretaire general. SECONDE SERIE PREMIERE SECTION. GEOLOGIE. Ne faut-il pas rejeter, en geologic, le systeme des soulevemeiiU, ct n'est-il pas plus probable que les solutions de continuity qu'on remarque entre les diverses formations de terrain, sont dues aux modifications eprouvees dans la direction des marees et des vents, et dans les phenomenes qui ont du survenir sur la surface de la terre, a mesure que le refroidissement de ce globe faisait diminuer la hau- teur de la mer? DEUXlfeME SECTION. AGRICULTURE. , i". Quel est 1'^tat de 1'agriculture fran^aise comparativement s celle des pays Strangers? XV 2°. Quels progres a-t-elie fails depuis 1815, et'quelle influence ont eue sur sa raarche progressive les droits protecteurs et leurs varia- tions? 3°. Quelle perturbation apporterait dans notre agriculture UD abaissement considerable des droits de douanes, particulierement des droits sur les bestiatix et sur les grains, et quels en scraient les re"sultats immediats ou futurs ? 4°. L'accession au systeme des douanes prussiennes a-t-elle occa- sionn6 dans quelques (Hats particuliers de 1'Allemagne des change- raents dans 1'etat de leur agriculture ? 5°. Quels sont en France et a 1'etranger les elements du prix de revient des produits agricoles de diverses sortes? 6°. L'inferiorite' de notre agriculture, si elle e"tait constate*e, tient- elle a la nature du sol ou a son £tat politique et economique , ou a des vices de systemes agricoles; et quels seraient les moyens d'y reme- dier? 7°. Le moyen le plus sur, le plus prompt et le plus puissant par ses bons r^sultats pour proteger I'agriculture , n'est-il pas une chaire d'agronomie par departement, a la condition que le titulaire porte- rait, comme dans le Doubs, 1'enseignement au sein des cornices, c'est-a-dire, au milieu des cultivateurs, qui, par profession, sont appeles a appliquer les principes, les regies et tous les process de I'agriculture? 8°. Une nouvelle legislation est-elle ne"cessaire pour que le progres agricole ne soit plus entrav6 par la vaine pdture ? De la vaine pdture ; des restrictions a y apporter; si sa suppression est inopportune. 9°. Les chambres consultatives d'agriculture, demanded au sein de la legislature de \ 840, seraient-elles d'une e*gale utilitc dans tous les departements?Neconviendrait-ilpas d'ailleurs que leprofesseur d'agriculture cut la presidence du Cornice, ou au moins en fitpartie de droit, comme devant etre parfaitement au courantdes besoins et des ressources locales? Le projet presente ne laisse-t-il rien a d6- sirer ? lo°.:Ne conviendrait-il pass, dans I'int^ret de 1'agriculture , dedi- minuer la taie d'entree des jeunes bestiaux , jusqu'a 1'^ge d'un an ou dix-huit mois , alin de favoriser dans le pays raraelioration des races par des croisements bien assortis? { \°. L'organisation d'un systeme d'etalons n'est-elle pas un besoin vivement senti dans notre departement? Quel serait, dans ce cas, le raeilleur sysleme qu'il faudrait adopter? 12". Quels sont les industries ou les metiers qu'il conviendrait , XVJ dans 1'interet des cultivateurs , d'introduire a la campagne, etquefe seraientles moyens les plus economiques pour atteindre ce but? 15°. Lasante des animaux etant aussi utile a 1'agriculture que celle des cultivateurs raemes, ne serait-il pas avantageux d'organiser les medecins ve"terinaires en societe, de maniere a ce qu'ils aient chacun un arrondissement? Presenter, dans ce cas, unplan d'orga- nisation societaire dans le Doubs, en indiquant les attributions de chaque medecin, et surtout en faisant conuaitre les mesures les plus efficaces pour prevenir lemal de nginorance et de rempirisme. TROISIEME SECTION. SCIENCES MEDICALES. la.Des empoisonneraents miasmatiques , considered comme cause et caractere d'une multitude de maladies graves; des moyens de les prevenir et de traiter les maladies qui en sont 1'effet. 2°. Dangers des cimetieres dans 1'enceinte des communes; avan- tages de les en eloigner, comme la loi 1'a present pour les villes. QUATRI&ME SECTION. ARCHEOLOGIE. 1°. A quel empereur romain a ete dedie Tare de triomphe de Be- sangon ? Appuyer 1'opinion qu'on emettra par les documents historiques et par 1'explication des bas-reliefs sculptes sur le monument. 2°. L'archeologie s'est appliquee surtout aux monuments, aui routes , aux camps , aux monnaies antiques : les recherches ne de Traient-elles pas s'etendre a 1'histoire de 1'agriculture , de la condi- tion des terres et des classes qui lescultiTaient. Tracer leplan et le programme de memoires sur ce sujet. CINQUIEME SECTION. LITTfiRATURE, BEAUX-ARTS. I*. Indiquer les moyens propres a obtenir : \°. la constroctioci joiide des ediGces publics et particuliers , d'apres les regies da gout et de 1'archi lecture : 2«. la distribution et la decoration de 1'interieur de ces edifices, con?enable a 1'usage auquel ils sont destines? 2°. Indiquer les moyens d'erapecher les restaurations et nou?elles decorations bizarres ou ridicules dans les Edifices sacres ou pro- XY1J 5°. Examiner s'il ne conviendrait pas ( vu I'etat 'encore incomplet des inunicipaliU's en France ) de demander la creation d'une nouvelle administration, uniquement chargee de survciller la construction et 1'entretien des edifices, comme les Ediles chez les Romains. SIXIEME SECTION. SCIENCES PHYSIQUES, ETC. 1°. Quellc est la nature de la matiere etherce ou repulsive rem plissant 1'univers? Comment d^dnire de ses proprietes et de 1'attrac- tionla cause de 1'equilibre de 1'univers, la formation de la lumiere, de la chaleur, de I'electricite" et du magne"tisme? La force de cohesion ne serait-elle pas le resultat de I'etat des centres d'attraction sur les centres de repulsion ? 2°. Peut-on arriver a prevoir le temps , au moins un an a 1'avance ? Dans le cas de I'affirmation, quels sont les progres faits en meteorolo- gie qui tendent a le faire croire et quelle marche doit-on suivre pour y arriver? Besanc.on, le 50 juillet 1840. Les Secretaires generaux de la 8e. Session , CH. WEISS. Le Professeur BOURGON. 8™. CONGRES SCIENTIFIQUE. PREMIERE TEJttJB A BFSASCOT LE LUNDI ler. SEPTEH11RB 1840, A MIDI, DANS LA GRANDE SALLE DB L'ACADEMIB ONIYERSITAIRE. M. WEISS, nomine Secretaire general par le bureau central de la 7e. session, occupe le fauteuil $ M. BQUR- GON, Alfred, conseiller a la cour royale, Tresorier- Archiviste, et M. le professeur BOURGON, Secretaire general adjoint, forment le bureau provisoire. Apres une courte allocution de M. le Secretaire ge- neral , M. le professeur BOURGON a donn6 lecture des diverses dispositions reglementaires arrfitees par les Secretaires generaux et particuliers , et dont un exem- plaire est joint au proces-verbal. M. de CAUMONT donne communication d'une lettre de M. CAUVIN qui rend, au nom du bureau central de la 7e. session, compte des recettes et des depenses- du congr^s tenu en 1859 dans la ville duMans. 20 PREMIERE STANCE GENERALE. De ce compte il resulte que M. le Tresorier a touche 3,730f Qu'il a et6 depense en frais de port de lettres et paquets 24£- 80 Pour disposition du local, eclairage, frais de traite, etc. 177 10 3,786 15 Pour frais d' impression de programme et des deux v^- lumes du compte rendu, etc. 3,366 25 Excedant de la depense sur la recette qu'il sera possible de recouvrer par des • adhesions non encore soldees. 56 15 M. WEISS a fait ensuite lecture de la correspondance : Les memoires adress^s au Conges ont 6te renvoy6s aux differentes sections pour y etre examines. La societe industrielle du departement de Maine-et- Loire demande que la ville ents points ou il existe des vestiges d'edifices romains avec un plan de Fancienne ville de Vieux , que Ton croit 6tre TAregenus de la carte de Peu- tinger^ 5°. une notice sur les ecrivains les plus remar- quables par leurs talents ou leur influence, qui sont sortis de 1'ancienne abbaye de St.-Etienne de Caen : c'est en quelque sorte une histoire litteraire de la Nor- .mandie au moyen age^ 6°. un catalogue sommaire des S2 PREMIERE STANCE GENKRALK. archives de la ville de Pont-Audemer , etc. La m6me societe propose trois prix de chacun 300 fr., sur les questions suivantes : 1°. Quel etait 1'etat de la naviga- tion et du commerce en Normandie sous les dues jus- qu'a la reunion de cette province & la France sous Philippe-Auguste (1204)? 2°. Indiquer d'une maniere positive I' organisation fe'odale en Normandie en la comparant au regime feodal dans les provinces voisines ; 3°. donner une biographic des philosophes normands des lle. et 12e. siecles. La societe a vote en outre une sonimc de 800 fr. pour des fouilles et divers travaux a faire dans la Normandie. II. SOCI6T£ LINNS' ENNE OU D'HISTOIRE NATURELLE. Cette societe ayant rec.u moins de memoires que dans les annees precedentes, n'est pas en mesure de faire de nouvelles publications. Toutefois nous devons signaler les travaux de quelques-uns de ses membres , et parti- culierement ceux de M. Deslongschamps, qui a continue ses recherches sur la conchyliologie fossile des terrains secondaires ; il a dessine un grand nombre de coquilles inedites, et fait part de ses decouvertes , non-seulement aux geologues frangais , mais encore a ceux de Bonn, de Heidelberg, d'Oxford et de Londres qui les ont mises a profit. Le 8e. fascicule de la collection des plantes marines de la Manche par M. Cauvin est sur le point de paraftre , et 1'on a Tespoir de voir bient6t cet interessant ouvrage termine. III. L' ASSOCIATION NORMANDE pour les progres de Tagriculture et de Tindustrie continue de prendre des developpements importants et d'obtenir de bons re- sultats. Son Annuaire que le ministre du commerce a signal^ comme un des meilleurs qui se publient en France, doit etre tire A 1500 exemplaires, au lieu de 1000 ou 1200. Le nombre de ses membres s'est consi- PREMIERE SEANCE GENERAL!,. 25 derablement accru depuis un an. Cette soci6te a tenu cette annee a Dieppe, une session de cinq jours , pen- dant lesquels plusieurs renseignements curieux ont ete recueillis sur la statistique agricole et industrielle de la Seine inferieure. Des encouragements pecuniaires et des medailles ont ete distribues aux agriculteurs et aux industriels qui se sont distingues par leur zele et leurs efforts : le proces-verbal de cette session paraltra dans 1' annee 1841. L'annee derniere, au Mans, et les annees precedentes dans les diverses sessions du Congres , on a discute le plan qu'il conviendrait d'adopler pour fonder une so- ciete tendant, d'une part , a mettre en rapport les com- pagnies savantes des provinces •, d'autre part, a classer dans un ordre systematique les meilleurs memoires que produisent les hommes distingues des diverses parties de la France. Le Congres du Mans a decide a la presque unanimite que le plan developpe d'abord par M. de Caumont, puis par MM. Richelet, Cauvin et Pelletier de la Sarthe, pourrait ^tre immediatement realist. D'apres ce vote ont et6 formules les slatuts de cette societe nouvelle qui prendra le nom d'lNSTiTUT DES PROVINCES. Apres cette communication qui a ete entendue avec le plus vif interSt, M. le Secretaire general propose de proceder a la formation definitive des bureaux. Le de- pouillement du scrutin donne les resultats suivants : President, M. TOURANGIN-, 1". Vice-President, M. DE CAUMONT; 2e. Vice-President, M. JULLIEN, de Paris. Les autres Membres qui ont obtenu des voix , soit pour la Presidence , soit pour la Vice-Presidence sont , MM. Jean-Jacques Ordinaire, Yejux, Carbon, Weiss^ 24 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. Perennes , Bourgon professeur , Miroglio , le docteur Bonnet , etc. La lre. Section (Sciences naturelles), et la 6C. (Sciences physiques), se reuniront tous les jours £ sept heures du matin, dans la salle de la 2e. chambre de la Cour royale. La 2e. Section (Agriculture, Industrie et Commerce), a neuf heures. >La 3e. (Sciences medicates), de onze heures a une heure. La 5C. (Litterature), d'une heure a trois. La 4e. (Archeologie), de onze heures a une heure, dans la salle de la lre. chambre de la Cour royale. A 5 heures, REUNION GENERALE dans la merne salle. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. SCIENCES NATURELLES, PHYSIQUES ET MATHEMATIQUES. 2 septembre 1840. La Seance ayant et6 ouverte par M. de CAUMONT, on a precede a Fappel nominal et a la nomination du President et des Vice-Presidents. Le resultat du scrutin a donn6 les nominations suivantes : President, M. PARANDIER, Ingenieur^ ler. Vice-President, M. MARTIN, Docteur. 2C. Vice-President, M. DESFOSSES, Pr. de chimie. M. DE CAUMONT a presente i la section la carte geolo- gique d'Europe, de M. Boue; plus une carte geogra- PROCES-VERBAUX ; DBS SECTIONS. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. SCIENCES NATURELLES, PHYSIQUE ET MATHEMATIQUES. "-':'. ' - Stance du 2 septembre 1840. La premiere et la sixieme Sections reunies ont ouvert leur premiere Seance aujourd'hui 2 septembre 1840, dans la salle de la 2e. chambre de la Cour royale. M. DE CAUMONT , correspondant de 1'institut, est prie de presider pendant la formation du bureau. M. le docteur GRENIER ayant fait Tappel nominal des membres des deux Sections, et chaque membre ayant apporte son suffrage dans 1'urne, le resultat du scrutin a donne les nominations suivantes : President, M. PARANDIER, Ingenieur-, . ler. Vice-President, M. MARTIN, Docteur; 2e. Vice-President , M. DESFOSSES, Pr. de chirnie. M. PARANDIER ayant pris place au bureau, en quality de President , M. DE CAUMONT a presente a la Section la carte geologique d'Europe , de M. BOUE , plus une carte geographique et geologique de Normandie, ac- compagnee de deux cahiers de texte. M. PARANDIER s'est charge de les examiner et de faire connaltre en- suite a la Section le jugement qu'il en aura porte. 2 26 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. M. le Secretaire general BOURGON a donne lecture d'une lettre de M. PORRO, naturaliste de Milan, qui, apres avoir exprime le regret de ne pouvoir assister au Congres, demande a MM. les Membres presents leur cooperation pour la redaction d'une bibliographie malacologique. II a ete decide qu'apres la session il serait ecrit a M. PORRO, pour lui donner tous les ren- seignements qu'on aurait pu recueillir sur I'objet de ses etudes •, et qu'en outre on le mettrait en rapport avec MM. DESLONCHAMPS, de Caen; DUVAL, de Rennes ; BUVIG^IER , de Verdun -, DUPERTS , du Mans , qui se sont occupes specialement de malacologie. M. PARANDIER a presente Taper^u des travaux geologiques entrepris dans les trois departements de 1'ancienne Franche-Comte , depuis 1'origine de cette science jusqu'a nos jours. Ce rapide expose a paru tellement interessant, que 1'auteur a ete prie de le reproduire en assemblee generale. L'ordre du jour de la procbaine seance a ete arr6te ainsi qu'il suit : 1°. Discussion de la lre. question de la 6e. Section, par M. PASSOT : « Determiner quelles sont les machines » hydrauliques preferables en Franche-Comte, eu egard )> a la nature des cours d'eau et au genre d'industrie du » pays •, )> 2°. Resume des etudes botaniques faites en Franche- Comte, depuis les temps les plus recules jusqu'a nos jours, par M. GRENIER. PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 27 3 septembre 1840. Le proems -verbal de la seance precedente a etc lu et adopte. L'ordre du jour appelait la discussion de la premiere question portee au programme de la 6e. Section. La parole a ete donnee a M. PASSOT. Un membre a demande qu'il fut interdit a M. PASSOT de parler de turbine , attendu qu'etant en proces pour cet objet avec des personnes non presentes au Congres, la discussion pourrait porter atteinte a leurs interns. D'aulres membres ont pretendu que le Congres devait ignorer tout ce qui se passait hors de son sein, et qu'en s'abstenant de toute personnalite , la discussion devait etre entierement libre dans la limite des ques- tions portees au programme. Le reclamant a proteste et s'est retire. M. PASSOT, apres avoir rappele les principes des roues a augets et des roues a aubes , soil planes soit courbes , a passe aux turbines , dont il distingue deux especes : celles a aubes centre lesquelles 1'eau vient agir avec toute la vitesse dont elle est susceptible , et celles contre lesquelles 1'eau agit par la pression et presque sans vitesse. (Test sur ces dernieres qu'il est entre dans le plus de details ; il en a donne une theorie fondee a la fois sur le temps necessaire a Teau pour changer sa vitesse d'une quantite finie, et sur le mouvement de la machine, dont les orifices, quand le regime est etabli, vont au devant de Teau qui doit sortir : a 1'appui de ce systeme. il a cite des experiences desquelles il resulterait que dans ce genre de turbines, recoupment ou depense d'eau est independant de la vitesse de la machine. Considerant enfin ce genre de turbines comme ma- chines, il n'admet pas que le travail soit mesurable 28 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. par le frein , quand elles doivent produire un effet non comparable a celui d'elever un poids donne, a une cer- taine hauteur .5 il pretend que la mouture des grains esl dans ce cas. M. MORIN dit qu'il ne voit pas comment on deduirait, des experiences citees et de F explication qu'on en donne, une theorie pour 1'etablissement de ce genre de turbines et le calcul de 1'effet utile*, rien, selon lui, n'indiquerait que la force centrifuge , la contraction de la veine fluide et le frottement fussent detruits. M. PASSOT repond qu'il n'a pas eu la pretention (Fen donner une theorie complete, mais qu'il pense que dans ces turbines il n'y a ni force centrifuge ni con- traction appreciable de la veine fluide. M. REYNAUD- DUCREUX lui a demande s'il niait que le frein bien em- ploy6 donnat des indications comparables pour des machines de m6me espece : M. PASSOT a dit qu'il n'avait pas encore d'experience qui lui permit de le faire. Revenant a la question, M. PASSOT pense que la variation de la hauteur et du volume de la chute, ainsi que celle du genre de travail a operer , doivent guider dans le choix du recepteur. II donne la preference aux roues a augets quand elles sont applicables ; mais dans les autres circonstances il conseille 1'emploi des turbines de la 2e. espece, parce qu'une seule peut utiliser une tres-grande chute, et qu'en outre elles marchent noyees a une profondeur quelconque et peuvent echapper ainsi aux chomages occasionnes par les grandes eaux et les gel6es, surtout si les ouvertures de sortie de 1'eausont tres-grandes et peuvent donner passage aux glac.ons et aux autres corps etrangers qui s'y introduiraient. A neuf heures la seance est levee. L'ordre du jour de la seance du 4 est 1°. la suite de PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 29 la discussion sur les machines; 2°. on entendra ensuite le rapport de M. GRENIER, sur les etudes botaniques en Franche-Comte , et 3°. M. MORIN fera une communi- cation sur un nouveau principe general de physique. 4 septembre 1840. La seance est ouverte a 7 heures : le proces-verbal de la veille est lu et adopte sans reclamation. M. REYNAUD-DUCREUX fait quelques observations sur la maniere dont a ete traitee la question des machines hydrauliques. L'assemblee decide que ces observations, qui ont paru de nature a interesser le Congres , seront reproduces a la seance generale. M. GRENIER presente le resumd de Mristoire de la botanique en Franche-Comt6 : ce travail sera com- munique a la seance generale. L'ordre du jour appelle le d6veloppement d'un prin- cipe general de physique par M. MORIN. M. MORIN a, des 1'annee 1819 , public ses idees a ce sujet: depuis cette 6poque, les experiences de FRESNEL, (TA.RAGO, etc., en renversant le systeme de remission pour certains fluides imponderables, ont conduit Fauteur a completer les preuves du sien ^ il le pense du moins ainsi , et il en developpe les principes a peu pres dans Tordre suivant : Toutes les molecules dont se compose Tunivers , sont de deux especes. Les unes sont soumises aux lois de Tattraction neutonienne 5 les autres se repoussent entre elles , et repoussent egalement les premieres 5 Tequi- libre ne sera done etabli que lorsque la puissance at- tractive egalera la puissance repulsive. Ces molecules remplissent tout Tespace libre, et constituent ce qu'on 50 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. nomme lather. Ce systeme differe peu de celui qui est generalement admis & l'6cole poly technique : onprofesse aujourd'hui dans toutes les facultes de I'Europe, « que » Fensemble des phenomenes lumineux signale 1'exi- » stence d'un fluide universe! , etranger aux atonies » pesants , avec tout autant de certitude que 1'impene- » trabilite de la matiere et la gravitation font conclure » 1'existence de la matiere ponderable. » La chaleur et 1'electricite sont aussi generalement attributes a lather, mais on n'en explique pas encore d'une maniere satisfaisante tous les phenomenes parti- culiers : voici Texplication que M. MORIN essaie d'en donner. 1°. Dans la serie des phenomenes lumineux : Les couleurs sont le resultat, non pas de la vitesse moyenne des divers rayons lumineux, mais du rap- port qui existe entre la vitesse des divers rayons qui penetrent jusqu'au nerf optique. La double refraction est due a la forme des mole- cules materielles qui , n'etant pas spheriques, agissent differemment sur les molecules ethe>6es. La polarisa- tion est le resultat d'une oscillation en ligne courbe. 2°. Dans la serie des phenomenes dus a la chaleur, les explications decoulent des differentes vitesses d'on- dulations, et par suite de leur plus ou moins grande facilite a traverser les corps. 3°. Enfin, les phenomenes electriques sont le resultat d'une destruction d'equilibre dans le fluide ethere. Un corps est electrise positivement quand il possede un exces de fluide ethere •, il Test au contraire negative- ment, quand le fluide n'a plus dans le corps une tension convenable. 4°. Enfin, la force de cohesion est due a la tendance des molecules materielles et des molecules imponde- PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 51 fables a rentrer dans 1'etat d'equilibre quand on les en a d^tournees. M. MORIN expose ensuite ses id6es sur la composition de Tether, d'apres lesquelles il explique les mouvements de translation et de rotation des corps celestes, ladiather- mansie des corps, les couleurs, la double refraction, la polarisation de la lumiere , les deux electricites et la force de cohesion des corps : phenomenes dont on ne peut donner une explication satisfaisante dans 1'etat actuel dela science. M. le docteur FAIVRE d'EsNANS s'inscrit pour re- pondre a M. MORIN. M. le President renvoie a 1'examen de MM. MAITROT, KORNPROBST et Hippolyte RENAUD, le travail sur les voutes, presente par M. GOICHOT. Enfin, il fixe de la maniere suivante 1'ordre du jour pour la seance de demain. 1°. Communication geologique par M. DECoYNART; 2°. Observations de M. d'EsNANS; 3°. Questions de m6teorologie. 5 septembre 1840. Le proces-verbal de la derniere seance est adopte. M. PASSOT s'inscrit pour developper, quand il y aura lieu, ses idees sur le frein dynanom6trique de PRONY. M. DE COYNABT a observe, sur le revers occidental duMorvan, les diffe'reiites assises du lias et de 1'etage inferieur jurassique, en stra- tification concordante, incline'e vers le nord-ouest sous un angle de 1 g. 50 a 2 grades. II a observe en outre 1'extremite septentrionale d'un ilot grani- tique en partie couyert de gres, blanc et tres-dur sur le granit, jaune ou rouge a quelque distance, et dont les assises semblent envelopper I'ilot. Les terrains liassiques et jurassiques s'appuient sur le gres et 52 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. meme sur le granit qui touchent les marnes superieures liassiques , sans qu'on remarque dans celles-ci la moindre alteration. II paraitrait done que cet Hot aurait ete souleve avant le depot du lias et consequemment avant le massif du Morvan. Le lias est constitue par des marnes, des, calcaires a gryphites et a belemnites, et par ces masses de grandes bivalves et de belemnites. Dans le terrain jurassique, le calcaire a entroques est semblable a celui de Franche-Comte ; un calcaire marno-compacte lui est super- pose et forme un bon horizon ge"ognostique. La grande oolithe est forme'e de calcaires peu resistants que Ton emploie seulement pour faire de lachaux et pour la reparation des routes. La puissance du gres est de 25 a 50 m. Celle du lias, de i50. Et celle du calcaire jurassiqne, de \ 00 a \ 20. M. PARANDIER fait remarquer que la disposition representee par la coupe donnee par M. DE COYNART, de 1'ilot granitique de St.-Severin, peut s'expliquer par resistance d'une faille paral- lele a la direction generate de Morvan, et M. MORIN qui a eu 1'occasion de parcourir cette partie du Nivernois, ajoute que cette direction est celle qu'affectent tous les ilpts granitiques allonge's qui,, dans cette coutree, semblent surgir du sol. M. PARANDIER pense que Ie soulevement du Morvan est de meme date que celui des ilots granitiques, et etablit une comparaison entre les assises del'etageinferieurdu Jura, indiquees parM. DE COYNART, et celles correspondantes du meme etage dans les departements de Test. Parmi ces assises celle du calcaire a entroques est dans les deux contrees d'une identite remarquable. M» PARANDIER saisit cette circonstance pour entretenir la Section du groupe superieur du meme etage que les geologues designent sous le nom de combrash; il decrit succinctement 1'allure de ce groupe dans nos montagnes, et depose un tableau general des especes fossiles qu'il y a recueillies seulement dans les environs de Besancon, dont le nombre s'eleve a plus de 60. M. FAIVRE d'EsNANS qui, dans la seance precedente, avail demande la permission de combatlne le systeme de physique de M. MORIN, expose les raisons qu'il croil avoir de ne point admettre les principes etablis par ce savant. Non-seulement il ne reconnatt point a Tether cette force repulsive dont a parle M. MORIN-, mais, au contraire , il lui suppose, dans certains cas determines, PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 35 la propriete de faire participer a ses vibrations les mole- cules des corps pesants. Ilpresente ensuite, avec une clarte et une justesse d'expressions remarquables, 1'ex- plication de plusieurs faits meteorologiques dont il montre les liaisons avec le mouvement barometrique. M. d'EsNANS est auteur d'un Precis syste'matique de physique ( Baume-les-Dames , 1839), dont il a offert un exemplaire au Congres , dans lequel se trouvent de- veloppes tous ces faits et une foule d'autres non moins interessants. M. d'EsNANS entretient ensuite la section d'un per- fectionnement qu'il a apporte au microscope solaire et qui permet de recevoir sur un plan horizontal Fimage des corps opaques. Le dessin de ce microscope a ete remis a M. le Secretaire general. *' •''»'.' • "!*'•"?• '•"'''•''' *'• * * ••• " r'«'. V''- M. MORIN persiste dans son opinion que Implication des phenomenes physiques necessite 1'admission d'une force repulsive dans les molecules de Tether. II donne ensuite les principaux resultats de ses recherches en meteorologie, et un resume des nombreux documents qu'il a rassembles. Il pense que des observations bieri faites et comparables entre elles pour divers lieux, pourront conduire un jour a la prevision des pheno- menes meleorologiques ; il indique quelques-unes des lois generales qui doivent resulter de leur comparaison, etregarde m^me plusieurs principes qu'il enonce comme bien constates. II a deja remis a M. le Secretaire genera I des documents imprimes, et se propose d'en publier d'autres non moins interessants. M. 1'abbe JEANNINGROS rappelle qu'on doit tenir compte, en meteorologie, des actions solaire et lunaire, tant sous le rapport de 1'attraction que sous celui des effets calorifiques , quede celebres physiciens regardent 54 PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. comme variables avec les laches du soleil e.t 1'etat de son atmosphere. L'ordre du jour du lendemain est regie ainsi qu'il suit : 1°. Continuation de la discussion sur les questions de meteorologie ; 2°. Communication sur les moyens de faire pro- gresser Tetude des sciences naturelles et de la geologic , par M. BENETTON; 5°. Communication de M. le docteur BONNET sur ses experiences relatives a la conservation des bois par la methode de M. BOUCHERIE. 6 septembre 1840. Le proces-verbal est lu et approuve. M. MORIN admet les observations faites a la seance d'hier par M. 1'abbe JEANNINGROS; elles eussent ete superflues s'il avait eu plus de temps pour exposer son systeme. M. Hippolyte RENAUD communique des reflexions tendant a etablir que les irregularites dans les mou- vements atmospheriques ont pour cause unique les irregularites dans la culture de la surface du globe. MM. d'AucicouRT , REYNAUD-DUCREUX , MORIN , POURCY et BUVIGNIER prennent part a celte discussion : les deux premiers attribuent & la latitude et & la configu- ration du sol , la plus grande part dans les causes de la variabilite de ses phenomenes. M. BUVIGNIER cite un fait qui prouve Tinfluence qu'exerce sur Faccomplissement de certains pheno- menes meteorologiques la position des hautes futaies. PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 35 II existe, dit-il, pres de Verdun, un sol boise dont 1'ex- ploitation se fait par coupes reglees. Dans la serie d'annees qui s'ecoulent, depuis celle oii le bois est deja grand jusqu'a celle de son exploitation, les orages, en approchant du bois , se dirigent constamment sur un point determine. Dans 1'autre serie d'annees pendant laquelle le bois n'offre que des broussailles ou un bas taillis , c'est dans une autre direction que viennent eclater les orages (i). Apres cette discussion dans laquelle les deux Sec- lions reunies paraissent unanimes sur 1'importance qu'on doit accorder aux observations meteorologiques bien faites et multipliees, elles arrStent qu'a la seance generate de ce jour, on deposera sur le bureau la pro- position suivante : Le Congres emet le vceu que le Gouvernement fasse recueillir par des ComiUs e'tablis dans chaque de"par- tement les fails relatifs a la me'te'orologie , suivant un programme qui rende les observations comparables. MM. Hippolyte RENAUD et DE COYNART demandent qu'on ajoute explicitement a ce voeu celui de voir noter exactement les diverses especes de culture et Tinfluence qu'elles paraissent exercer sur les phenomenes. La plupart des membres presents pensent que cette notation est tres-importante, mais quelques-uns soutiennent que c'est un objetde detail, qui entrera necessairement dans le programme, et qu'il n'y a pas lieude s'en occuper. L'amendement de MM. Hippolyte RENAUD et DE COY- NART est rejete. L'ordre du jour appelle une communication sur 1'utilite de 1'etude des sciences naturelles et geologiques, (1) Une fontaine situee egalement pres de Verdun, dans un bois de la commune d'Anlemont, tarit quand le bois place dans la partie superieure est coupe. 36 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. et sur les moyens de les faire progresser par M. BE- NEYTON. Apres une interessante allocution ou se mani- feste un zele recommandable pour les explorations scientifiques du pays, cet honorable confrere adresse aux Sections reunies les reflexions suivantes : Messieurs , a Notre President nous a dit avant-hier, dans son savant compte rendu sur les progres de la geologic , que le pays promettait de nombreux collaborateurs , qui devaient, bien diriges , ouvrir de larges voies a cette partie si interessante des sciences naturelles. » Une idee m'attriste, Messieurs, et me fait hasarder une proposition que je soumets a vos lumieres , comme une simple indication que vous saurez saisir et adapter aux progres desirables de la geologic. » II n'est pas besom de grands encouragements pour exciter lajeunesse a suivre 1'etude attrayante de 1'his- toire naturelle. Je vois partout dans les colleges, dans les pensions , meme avec des educations faites sous le toit paternel, les jeunes gens collectionrier , les uns des insectes et des papillons , ceux-ci des coquilles, d'autres des mineraux et des roches. La geologic et la mineral ogie dans un pays ou Tindustrie se tourne en grande partie vers la metallurgie, doivent presenter plus que partout ailleurs des eleves et des emules ; il n'y a done qu'a les former et a parler a leurs yeux. Vous haterez leur instruction , vous stimulerez leur zele , si vous les inte- ressez directement par des courses , des rapports et des cartes. J'ai vu dans beaucoup de departements solli- citer avec instance la formation d 'une carte geologique, et 1'etablissement, dans chaque chef-lieu , d'une col- lection complete des roches et mineraux qui constituent ces departements. Or, il s'agit d'arriver a ce double resultat dans un temps raisonnable, qui mette les . PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. S7 travaux entrepris a 1'abrides vicissitudes de la vie $ car, Messieurs, que de recherches perdues, que de docu- ments precieux egares, que de travaux laborieux meurent avec leurs auteurs I » Que faut-il done pour eviter ces graves inconve- nients? Centraliser par une organisation forte, bien entendue, une espece de corporation dont les individus pourraient disparaftre successivement, sans que Tinsti- tution puisse en souffrir. » Une societe geologique est projetee par M. Paran- dier, mais il faut la constituer, en formuler les regle- ments avec force, sagesse .et prevoyance ; nommer chaque annee son bureau, afindeparer aux eventualites, sauf le secretaire-archiviste et tresorier, qui pourraitet devrait avoir une plus longue existence. Demander , si la chose est a faire, un local a la ville, qui serait dedommagee par Tensemble et la richesse des collec- tions (utiles aux arts et a 1'agriculture), et diviser le departement par cantons, dans chacun desquels il y aurait un ou plusieurs membres charges d'explorer Tarrondissement d'apres les instructions du president. )> De Tensembledecesrenseignements soigneusement pris, d'apres de bons guides, nattrait promptement la possibility d'etablir une bonne carte bien detaillee, laquelle developperait d'une maniere etonnante les progres de la geologic du pays. » A Metz, la ville et le departement accordaient non- seulement un local et les armoires necessaires aux col- lections , mais encore une somme employee dans Tin- teret de Tinstitution societaire. On pourrait encore , pour aj outer aux ressources , suivre Texemple de la ville que je cite , en imposant a chacun des membres formant la societe une cotisation mensuelle. » Je pense que si dans ehaque departement on agil ainsi , bient6t la France sera dotee d'une carte generale 38 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. . et (Tun ensemble cle documents qui seraient tres-utiles au pays, aux sciences et aux arts. » Ainsi, Messieurs, je conclus a ee qu'on prenne les moyens les plus positifs, non-seulement pour tirer parti des dispositions favorables de la jeunesse , mais aussi pour utiliser le zele et le talent des hommes studieux, qui n'ont besoin que de moyens et d'un centre pour indiquer a la societe le moyen d'exploiter des richesses auxquelles elle a droit, et qui peuvent rester trop longtemps encore enfouies etinutilisees pour elle. » Le President, apres avoir felicite M. BENEYTON de ses vues d'une sage philanthropic , exprime combien il est Iui-m6me penetre de leur importance-, puis, de- mandant aux Sections la permission de faire connaltre les efforts tentes, ainsi que les resultats deja obtenus pour la realisation progressive, il s'exprime ainsi : » M. BENEYTON demande que Ton s'occupe serieuse- ment, 1°. de constituer une society des sciences natu- relles et de geologic } 2°. de dresser la carte geologique du Doubs; 3°. de creer une salle de collection, tant pour la science generate que pour ses applications aux arts et a I'industrie. Je vais rendre compte, moins sommairement que je ne 1'ai fait dans la premiere seance, de ce que nous avons fait et du point ou nous en sommes sous ces trois rapports. » En 1833, nous nous proposames de concert, quel- ques amateurs et moi , d'eriger une societe d'histoire naturelle et geologique du Doubs. M. GIROD DE CHAN- TRANS que nous avions elu pour notre president honoraire , nous ayant donne le conseil de nous reunir a la Societe d'agriculture , celle-ci prit en effet sur ma proposition (0, en avril 1833, le titre de Socie'te' d'agriculture, sciences et arts du Doubs; mais, au lieu (1) Deliberation du 20 avril 1835. PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. 39 de se reorganiser, elle se contenta de creer (i) dans son sein une commission des sciences naturelles et de leur application, sans lui permetlre de s'adjoindre aucun membre nouveau, residant ou correspondant, circonstance qui reduisit la commission a 1'impossibilite d'agir par efforts collectifs pour 1'exploration geolo- gique du departement. Dans un rapport en Janvier 1834 (2), a je fis ressortir cette impossibility et la ne- » cessite d'une reorganisation conforme au double but » theorique et pratique de la societe (3). On vit que , » d'apres mes propositions, il ne s'agissait plus d'une » specialite restreinte : on les regarda comme tendant a » cre'er une Societe' dans la Socie'te; on craignit une » preeminence d'une partie sur 1'autre , et il fut decide » que Ton s'en tiendrait a une commission, sauf a favo- » riser la formation d'une societe nouvelle independante, » pour 1'exploration scientifique du pays , et dont » quelques membres viendraient apporter a la pratique •» agricole 1'application de leurs recherches. » Ce systeme d'organisation que je fus le premier a » proclamer comme le plus rationnel et le plus complet, » n'avait a mes yeux que 1'inconvenient de retarder la )> realisation d'un progres, d'un bien immediatement » possible, pour 1'espoir a venir d'un mieux. Et en » effetlts choses en resterent la jusqu'au 26 septembre (\] Meme deliberation. (2) Rapport du ISjanyier i834 a la Societe d'agriculture, sur la necessite d'une organisation nouvelle et conforme au but de sa decision du 20 avril \ 835. (3) « II faudra, disais-je alors, que votre societe, pour satisfaire » au double point de vue scientifique et pratique, puisse agir et se » developper largement, soit en s'occupant des sciences et des » inductions qu'on en peut tirer, soit en soumettant par des essais » les precedes nouveaux au tribunal de 1'experience. Elle devra » raontrer, en un mot, d'un cote la science et sa yoix consultative, de » 1'autre I'exp^rimeatation et 1'industrie. » 40 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. » 1835, oii, sur ma provocation, 1'ancien noyau de la » commission accru de quelques membres se con- )> stitua en Societe geologique du Doubs. Le 29, elle » jeta dans une deliberation les bases de ses statuts, » et designa une commission pour leur redaction defi- » nitive. En octobre suivant, et depuis a plusieurs » reprises , des reunions et des explorations collectives )> ont eu lieu; le nombre des membres s'estaccru, les » statuts ont etc rediges , de maniere a permettre non- » seulement de reunir en faisceau les etudes des per- » sonnes s'adonnant specialement a la science, mais » encore de donner acces avec ordre et mesure , a » 1'appui et au zele de tous les hommes devoues , et » aux efforts m6me des jeunes gens qui ne font que » s'initier a 1'etude des sciences d'observation. Mais il » manquait encore a la Societe nouvelle, pour se pro- » duire d'une maniere active et palpable , un local pour » ses reunions , puis surtout un membre qui , par sa » position et par son aptitude speciale, put dignement )> remplir les fonctions de secretaire. Nous savons que » M. le Prefetdudepartement, qui ne neglige rien de ce » qui peut etre utile au pays, doit s'occuper de Fappro- » priation d'un local •, et quant au choix d'un secretaire, » 1'arrivee a Besan^on d'un jeune ingenieur des mines, » qui range, parmi les obligations de son service qu'il » compte deja remplir avec le plus de zele, celles de « s'occuper de la geologic du pays, leve peremptoi- » rement cette difficulte. Nous touchons done a une » organisation telle que la demande M. BENETTON, au » moyen de laquelle toutes les decouvertes locales » viendront naturellement s'elaborer sous 1'appui d'un )> examen consciencieux et se reunir par une coordi- » nation unitaire. » Le coloriage de la carte geologique du Doubs s'est » etendu chaque annee> depuis que le Conseil general PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 41 » du departement a fait voir qu'il savait parfaitement » entrer a propos dans la voie des progres reels, en » affectant chaque annee un credit de 600 fr. pour cet » objet. Nous avons lieu d'esperer que la publication, » chaque jour attendue de la nouvelle carte topogra- » phique, hatera ce travail, et qu'il marchera rapidemenl n a son terme. Enfin, quant & la creation d'une salle de » collection generale et appliqu^e, je prierai demain les » Sections d'entendre, si le temps le permet, la lecture » d'une proposition faite a cet egard en 1839 au » Conseil general , et la deliberation a laquelle elle a » donne lieu. » M. le docteur BONNET communique le resultat de ses experiences sur la preparation des bois par la methode de M. Boucherie. La lecture de son memoireen stance publique est adoptee. Les sections ser^uniront demain a 6 heures et demie, afin d'avoir le temps d'entendre : 1°. M. PASSOT dans ses observations sur 1'emploi du frein 5 2°. Le systeme de M. MORIN coritre 1'hypothese des soulevements des montagnes ; 3°. La lecture de M. Parandier relative a la creation d'une salle de collections de geologic generale et appli- quee pour le departement du Doubs. n<>ilB»d$t^9^W'^ II' 7 septembre 1840. La parole est a M. PASSOT. La conviction de J 'ho- norable membre est que le frein de PRONY ne donne pas dans certains cas la valeur totale de la puissance disponible, et, pour expliquer son opinion, il cite les roues a augets. Suivantlui, la puissance du cours d'eau 42 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. est partagee en trois parties : la premiere , usee par les fuites et les resistances passives de toutes especes; ladeuxieme,utilisee par la roue } la troisieme, conservee par 1'eauet perdue pour 1'effetutile. C'est une partie de celle-ci que , suivant lui , certaines roues hydrauliques peuvent utiliser, sans que le frein la fasse connaltre. Le developpement complet de son opinion demandant beaucoup de temps, quelques membres desirent en- tendre M. PASSOT, qui se met aleur disposition imme- diatement apres la seance. M. MORIN expose ses theories sur les phe'nomenes geologiques, pour lesquelles il pretend expliquer tous les faits que nous offre actuellement le relief de la terre sans admettre nj soulevements ni affaissenicnts partiels et affectants des directions particulieres. Sa theorie consiste principalement a admettre 1'existence an- terieure a tout depot sedimentaire, d'ilots granitiques plus ou moins allonges suivant les directions principals que M. Elie DE BEAUMONT a reconnues pour diverses chaines ou systemes de chaines de mon- tagnes , et a expliquer la direction des depots de sediment qui consti- tuent la ceinture de ces ilots, par 1'effet des marges et des vents sur les divers points de la surface du globe. La stratification tres-inclinee et quelquefois meme verticale qu'on remarque frequemment dans des terrains secondaires, n'est suivant lui qu'un r^sultat analogue aux incrustations sedimentaires qui s'ap- pliquent contre les parois, quelqu'inclinees qu'elles soient, des vases renfermant des dissolutions de sels cristallisables. II explique aussi 1'inclinaison des grands axes des sph^roi'des allonges qui existent dans des couches verticales ou fortement inclinees , en admettant que le depot de ces sphe'roide.s a eu lieu par un deversement qui a fait bas- culer les grands axes. II d^veloppe d'apres ces idees g£ne"rales le mode d'explication qu'il admet pour les formations secondaires , tertiaires et modernes, et regrette de n'avoir pas le temps d'entrer dans de plus grands details. Plusieurs membres presentent a M. MOWN de s^rieuses objections auxquelles 1'heure avancee de la seance ne lui permet pas de re- pondre avec les developpements convenables , mais il promet de le faire dans une notice dont 1'impression sera proposee au Gomite de redaction du Gongres. PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. 45 M. PARANDIER cede le fauteuil et prend la parole pour rendre compte du point ou en est la creation d'une salle de collection de geognosie generale et usuelle du Doubs. II rappelle qu'en 1838 il etait sur le point de provoquer vivement cette creation, etla designation, comme conservateur , du geologue RENAUD-COMTE, deja attach^ au coloriage de la carte geologique, lorsque ce dernier qui , dans ce but , etait venu a Besangon , fut atteint de nouveau de la maladie qui le conduisit au tombeau. Mais RENAUD-COMTE n'oublia pas, dans ses derniers moments , la science qu'il aimait tant depuis plusieurs annees -, il exprima le desir que ses collections fussent oflertes au departement par sa famille, qui a fidelement rempli ce VOBU en 1839. M. PARANDIER fit alors, sur cette offre et sur les re- cherches de RENAUD-COMTE, un rapport qui fut appuy6 au Conseil general par M. SINGIER, ami de la famille RENAUD-COMTE, et membre du Conseil, et formula en meme temps lui-meme la proposition suivante. neront, comme j'en avais forme le projet Tan der- » nier, de concert avec lui, la creation d'une salle de » collection de geognosie generale et usuelle pour le )> departement du Doubs. » Celles que je presente immediatement se com- » posent : » 1°. D'une suite arrangee par groupes, de tous les » etages des terrains jurassiques et liassiques, de 1,500 » a 2,000 echantillons ; » 2°. D'une collection des terrains tertiaires des en- » virons de Paris classes methodiquement, et d'environ >.2S06chantil!ons; 44- PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. » 3°. D'une collection des diverses especes de mi- » nerais de fer du Doubs $ » 4°. D'une collection des terrains primordiaux et » secondaires inferieurs du bassin du Doubs • « 5°. D'une collection de toutes les roches du Doubs » propres a donner par la cuisson des chaux et ciments » hydrauliques. » line fois la salle organisee, je pourrai offrir encore » une collection complete de tous les terrains juras- » siques , liassiques et cretaces des environs de Be- » sanc,on, ranges avec soin par divisions et subdivisions, » selon leur ordre de superposition , collection propre » a servir de type ou repere geognostique pour 1'etude » de la geologic et de la paleontologie jurassique. » Mais les collections departementales, ayant princi- » palement un but d'application, devront renfermer des » series speciales de toutes les roches (0 utilisees et » utilisables dans les constructions civiles , dans les » arts , dans Tindustrie , dans Tagriculture. » On devra done y former, outre la grande collection » generale ou seraient classes par ordre d'age toutes les » roches et fossiles qui les caracterisent, des collections » particulieres, » 1°. Pour les travaux publics , de toutes les pierres » de construction, gres, gypses, pierres a chaux et sables )> employes dans les travaux des ponts et chaussees , de » 1'architecture et de Tinduslrie ; » 2°. Pour I' industrie mine'rale, de toutes les especes « de minerals et castines employes dans les hauts- » fourneaux •, des sables employes dans les fonderies ; » des combustibles fossiles, des terres, argiles, etc., (i) Le mot roclie est pris ici comrae plus loin, dans son acception generique, qui signifie aussi bien argiles, raarnes, schistes, etc., que roc ou pierre dure. PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 45 » employes dans la fabrication des tuiles , des briques , » dans les poteries et verreries ; » 3°. Pour les arts , des mineraux et pierreries » utilises dans les arts divers •, des calcaires et marbres » employes dans la sculpture et la decoration •, des cal- » caires propres a la lithographic, etc. 5 » 4°. Pour I 'agriculture , des gypses, marnes et » schistes , servant ou pouvant servir d'amendement » pour les prairies artificielles , etc., des diverses es^ » peces de terres vegetales , et detritus purs de sol » vierge dont elles sont formees. » Un tel ensemble de collections auxquelles tous les )> amateurs serieux de chaque localite , les maltres de » forges et tous les industriels en general s'empres- » seront d'adresser leur tribut , constituera la statis- » tique vivante et progressive de toute la richesse » minerale virtuelle et effective du departement. )> Ici M. Parandier interrompant sa lecture se contenie de donner Tanalyse de la suite de cette proposition. Des 1'annee 1829 , il avait deja formule au chef de son administration un programme d'essais a faire, desquels seraient resultes des tableaux qui, avec les indications deduites de la carte geologique, eussent constitue la ge'ognosie usuelle de Tingenieur. Le bulletin de 1830 de 1' Academic de Besanc.on renferme une courte analyse des resultats deja obtenus alors par M. PARANDIER, dans la recherche des pierres a chaux hydraulique, et Tapplication qu'il en faisait aux travaux du canal , sur Fetendue duquel il en re- connaissait alors 1'existence qu'il a constatee depuis dans tout le departement. On ne saurait douter du rapport qu'ont ces circonstances avec les progres no- tables qu'on y a faits depuis lors dans Tart de choisir et de fabriquer les mortiers. En 1832, M. PARANDIER appelait aussi, dans un 46 PREMIERE ET S1XIEME SECTIONS. rapport, 1'atten tion du Conseil general, et demandait qu'il aflectat annuellement une somme de 300 fr. au moins, « a 1'etude du gisement et de 1'emploi utile des » roches dans le departemenl. » Apres avoir donne quelques developpements a ce sujet, et fait remarquer qu'en appelant 1'attention du pays sur sa richesse minerale , on susciterait inevita- blement des progres analogues dans d'autres branches d'exploitation du sol, M. PARANDIER acheve la lecture de sa proposition qui se termine ainsi : a Voici les conditions auxquelles je desirerais voir )> accepter par le Conseil general les collections que » j'offre au departement: » 1°. II serait cree une salle de collection de » geognosie generale et appliquee , qui serait mise » sous la protection speciale et la surveillance de M. le » Prefet. » 2°. Le soin, 1'agrandissement , la mise en ordre » des collections seront confies a une commission » assistee d'un conservateur , et composee de cinq » membres , dont trois elus par la societe geolo- )> gique du Doubs , et les deux autres , membres du » Conseil general , designes par le Prefet. Cette com- » mission presentera chaque annee, au Prefet ou au )> Conseil general, un rapport dans le but de faire con- » naftre la situation de Fetablissement et les secours » juges necessaires pour son maintien et son agran- » dissement. » 3°. A la salle des collections serait contigue une » piece destinee aux reunions de la Societe geologique » du Doubs , et aux cours de geologic generale ou » appliquee qu'elle jugerait 6 propos d'ouvrir. » Pose esperer que le Conseil general du Doubs , » qui fait preuve de tout I'interfet qu'il attache aux >» recherches que la creation proposee a pour objet, PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 47 » en affectant chaque annee une allocation de 600 fr., » pour la carte geologique, emettra les votes neces- )> saires pour la realisation (Tun projet clont on ne » saurait contester Tutilite et Timportance pour les » progres de 1'industrie et de la richesse agricole de » nos contrees. » (Besamjon, 3 septembre 1859. )v'f • Deliberation du Conseil general du Doubs, du 3 septembre 1839. « Le Conseil accepte avec empressement 1'offre » desinteressee que fait au departement la famille de » feu RENAUD-COMTE , de la collection de fossiles et » mineraux faite par ce geologue distingue , puis des » memoires qu'il a laisses. Les conditions mises par la » famille a cette offre „ dont M. SINGIER, Tun des » membres du Conseil, s'estrendu Finterprete, seronl )> exactement remplies ^ leur but principal qui est de » conserver le nom et le souvenir d'un homme de » talent qu'animait Tamour de la science, etant aussi )> celui que, dans cette circonstance , le Conseil desire » atteindre. Pour Texecution de ces conditions, le )> Conseil vote une somme de 1 ,000 fr. , qui sera » inscrite a Tart. 19, chapitre 2, 2e. section du budget. )> II accepte encore avec reconnaissance 1'offre que fait ».M. PARANDIER, ingenieur des ponts et chaussees, de » donner de son c6te la nombreuse et interessante col- » lection geologique qu'il a formee, et qui , jointe a la » precedente et disposee suivant les vues qu'expose le » donateur , servira a acquerir la connaissance com- » plete de la geognosie du departement. M. le Prefet » est prie de pourvoir le plus promptement possible aux » moyens dp procurer un local convenable pour y » placer et classer ces collections. » Apres ces lectures, M. PARANDIER s'empresse de 48 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. prevenir une omission qu'il se reprocherait d'avoir faite, celle de rendre justice ail zele infatigable de M. GEVRIL, conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Besanc.on , qu'il engage le Congres a visitor et ou Ton trouve deja une belle serie paleontologique de nos terrains, rangee geologiquement. Puis revenant surle projet de salles de collections geognostiques et industrielles , il indique quelques modifications qu'on pourrait apporter aux conditions formulees dans sa proposition, etfait esperer queM. le Prefetdu Doubs ne tardera pas sans doute a se concerter avec le Maire de la ville de Besanc.on, oii d'importants batiments sont sur le point d'etre acheves , pour la realisation du vote exprime dans la deliberation dont il vient d'etre donne lecture aux Sections. L'ordre du jour du 9 est fixe ainsi qu'il suit : 1°. Resume des travaux publics sur 1'entomologie , par M. le docteur MARTIN •, 2°. Expose de M. BUVIGNIER sur la geologic du de- partement des Ardennes. 8 septembre 1840. Le Congres s'est transporte ce jour aux grottes d'Osselle. Pendant cette excursion, M. PARANDIER a donne la description geologique et orographique des localites que Ton avait successivement sous les yeux. Les coupes qu'il a tracees sur 1'ardoise, chemin faisant, et les developpements qu'il a donnes, ont vivement interesse les geologues du Congres, qui Font pri6 d'en faire 1'objet d'un memoire qui trouvera sa place dans la seconde partie de cet ouvrage. I'REMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 49 9 septembre i840. ^residence de M. PARANDIER. Le proces-verbal est lu et adopte. M. MARTIN lit une notice sur les naturalistes francos qui se sont occupes plus specialement de I'entomologie. Dans cet examen rapide, il apprecie leurs travaux, en tenant compte de Tepoque a laquelle ils ont etc publics, ainsi que des avantages que la science en a retires. De cet apergu plein de sagacite, de precision et de justesse, il resulte que la France estun des pays les plus pauvres en faunes generates, et m6me qu'elle ne possede pas une seule faune locale de quelque valeur. M. MARTIN termine ainsi cet interessant naemoire : « En France il faut des nuances, et cela a tout prix^ chacun veut decrire des especes nouvelles, et y attacher son nom-, chacun veut presenter aux yeux des savants des choses extraordinaires -, des merveilles devant lesquelles les plus indifTerents flechissent le genou. Entrafnes par cette idee, nos savants ont etudie les faunes de Madagascar , des Antilles, avec plus de soin et au detriment de notre faune frangaise •, il en est resulte que nous connaissons mieux 1'insecte rare et inoffensif de telle contree de 1' Amerique , que la larve fatale qui, par milliers, detruit nos recoltes, nos forels ou nos arbres a fruit dans les vergers qui ceignent nos maisons de campagne. » L'auteur conclut qu'il faut appeler Tattention des entomologistes sur les richesses qui se trouvent autour d'eux, et que la Section doit les encourager d'une maniere pressante , dans 1'etude minutieuse de la faune de leur localite, envisagee dans un court rayon. M. MARTIN cite avec eloge M. BERTHET, de Morteau, comme s'etant Iivr6 avec succes a des recherches de 3 50 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. cetle nature 5 il rend compte du travail entomologique dont ce naturaliste a fait hommage au Congres, et demande qu'une mention honorable soil votee a 1'auteur de ce travail remarquable. M. PARANDIER remercie, au nom de la Section, M. MARTIN de sa communication, et, dans une courte improvisation, il fait ressortir tout Tayantage que la science pourrait tirer d'etudes plus circonscrites, et de la formation dans chaque departement, et meme dans chaque arrondissement , de collections representant uniquement les objets d'histpire naturelle de la localite. M. GRENIER, secretaire, demande que la proposition d'imprimer un extrait du catalogue entomologique de M. BERTHET soit faite a la commission de redaction. Gel avis est adopte, et M. MARTIN est charge de rediger cet extrait. M. PARANDIER, dans un rapport verbal sur la carte geologique d'Europe deM. BOUE, fait remarquerqu'elle esl surtout destinee a faire saisir d'un coup d'ceil la dis- position d'ensemble des grandes masses geologiques. M. JULLIEN, de Paris, fait hommage a la Section d une notice de M. SAURON sur les moyens de regler la navigation aerienne. II rappelle a cette occasion les essais de GREEN, qui a tent6 plus de 200 voyages aeriens, fait celui de Londres a Goblentz, et doit entreprendre prochainement celui de New-Yorck a Londres. M. JULLIEN signale comme appartenant a cet habile aeronaute, la decouverte de Femploi des cou^ rants aeriens pour se diriger dans 1'atmosphere. M. BDVIGNIER a la parole pour un expose de la geo- logic de la Meuse et des Ardennes : II decrit les terrains de transition qui occupent le nord de ce departement; et, comme M. DUMONT, dans PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 51 son travail sur la Belgique, il le divise en terrains ar~ doisier et anthraxifere, mais sans adopter exactement les m6mes limites que ce savant geologue. Ces terrains se presentent en couches inclinees, con- tournees et souvent m6me repliees plusieurs fois sur elles-m^mes sans changement sensible d'inclinaison. Cette disposition tendrait a faire attribuer une puis- sance enorme a ces formations, lorsque Ton n'aperc.oit pas les plis des assises et leur enchev6trement, de telle sorte qu'il est souvent difficile de reconnaftre les limites des divers etages , et m6me leur ordre de superposition. Celui que M. BUVIGNIER, d'accord avec M. DUMONT qui a etudie ces terrains sur un plus grand develop- pement, est porte a regarder comme le plus ancien, se compose d'un groupe de schistes gris, bleujUres ou verdatres , empatant de petits grains de fer oxidule et quelques pyrites alternant avec d'autres groupes de schistes gris ou bleus , et des quarzites tres-compactes generalement grisatres 5 et d'un autre groupe de schistes bleus, alternant avec des quarzites de roches porphiroi'des et d'autres, qui ont Taspect de certaines diorites : toutes ces roches passent de Tune a Tautre par des nuances insensibles. Cet etage est tres-developpe entre Revin et Chateau -Regnaud. On y exploite des ardoises a Rimagne, Deville et Montherau. L'etage moyen est presque entierement forme de schistes bleus et de quarzites de m6me couleur , em- patant souvent des pyrites cubiques. Vers la partie superieure on trouve des schistes violets et verts , avec des quarzites verts compactes, et quelques quarzites rouges passant au gres. Les schistes bleus sont ex- ploites a Rimagne et a Fumay; les schistes violets fournissent les belles ardoises de cette localite. L'etage superieur renferme des schistes , des grau- wackes et des quarzites avec tous les passages de textures 52 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. intermediates. Les roches sont de couleurs tres-va- riables-, quelques schisles gris ou noirs de cet etage sont impregnes de calcaires et contiennent des nodules de meme substance, ainsi que quelques banes de cal- caires noirs compactes et tres-durs : on y rencontre quelques fossiles, mais mal conserves. Sauf quelques exceptions vers les contournements des couches, tous ces terrains plongent au sud sous un angle rarement moindre de 20°., et qui se rapproche quelquefois de 90°. Ceux qui les recouvrent et que M. BUVIGNIER rapporte a la formation anthraxifere (0, plongent generalement vers le nord. Us sont aussitot contournes, mais leur inclinaison est generalement plus faible, bien qu'en certains points on rencontre des couches verticals . A la base de cette formation , on trouve un gres a gros grains de quarz et de feldspath, generalement blanchatre et contenant des veines vertes steatiteuses 5 d'autres gres gris ou blancs a grain plus fin et des quarzites compactes, gris et noirs avec quelques lits fossiliferes , moins compactes et peut-6tre impregnes de calcaires : on y rencontre surtout des empreintes de crino'ides et de brachiopodes. Ces diverses roches sont exploitees comme paves. Elles alternent avec des schistes grossiers, terreux, a feuillets tres- courts, et generalement verts ou rouges. On trouve aussi dans cet etage des grauwackes, d'un gris verdatre , renfer- mant quelquefois de nombreuses empreintes de fossiles (\) M. DUMONT regarde la partie interieure de ce groupe comme appartenant au terrain ardoisier. Nous n'avons rien vu dans le departement des Ardennes qui puisse autoriser ce rapprochement. Mais nous devons dire que M. DUMONT ayant observe ces terrains surune plus grande etendue, il a pu rencontrer ailleurs des rapports qui nous ont echappe dans la partie que nous avons explored. (IVpte de M. BLVIGNIER. ) PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 5# appartenant pour la plupart a la famille des brachio- podes (vireux, landrichamp, etc. ). Cette formation est recouverte par un etage calcaire (systeme calcareux inferieur de M. DUMONT) dont la base consiste en schistes gris ou noirs calcariferes et con tenant des lits calcaires irreguliers. Ces lits de- viennent plus nombreux , plus reguliers , et a la partie superieure on ne trouve plus qu'un. calcaire noir fetide, compacte, tres-dur, dans lequel il existe de vastes exploitations de marbre et de pierres de construction (Gives, le Mont-d'Or, etc.). Les banes calcaires con- tiennent peu de fossiles ; mais on trouve dans les schistes une grande quantite de te're'bratules , de spiri feres, de productus, la calceala sandalina, des cyatophillum, des calamopora et beaucoup d'autres polypiers. Les calcaires sont reconverts par des schistes ou plutdt des psammites grossierement feuilletes (systeme quartzo - schisteux superieur de M. DUMONT). Ces schistes se developpent surtout dans la Belgique. Us contiennent vers la base quelques lits calcaires subor- donnes. Les restes organiques y sont tres-rares. On trouve cependant dans quelques localites de petites veines chargees d'empreintes de fossiles dont les plus remarquables sont un trilobite, des brachiopoles , des univalves turricule'es, etc. M. BUVIGNIER regrette de n'avoir pas encore une connaissance suffisante des derniers travaux de MM. SEDGWICH et MURCHISSON sur les terrains anciens de T Angleterre , pour etablir leurs relations avec ceux des Ardennes. Toutefois, il est porte a regarder les terrains qu'il a nommes anthraxi feres, comme ana- logues au systeme Devonien des auteurs Anglais. La determination des fossiles qu'il y a recueillis pourra decider cette question. 54 PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. R entrant ensuite dans la 4C. question. du programme, M. BUVIGNIER decrit les terrains jurassiques des Ar- dennes et du nord de la Meuse ; il inclique leur dispo- sition a la surface du terrain ardoisier, et il etablit dans la formation liassique six etages , savoir : 1°. Les gres et calcaires infra-liassiques ; 2°. Les marnes et les calcaires argileux a gryphcea arquata ; 5°. Les calcaires sableux : formation dont ia puis- sance paratt atteindre 100 metres, et qui est eomposee de lits plus ou moins impregnes de sable et alternant vers la base avec de petits lits silrceux jaunes vers la partie moyenne avec des banes plus considerables de marnes sableuses, et redevenant quelquefois siliceux a la partie superieure. Get etage est caracterise a la base par \' ammonites Bucklandi, et, vers les parties moyenne et superieure , par la gryphcea cymbium, par des spin feres, des be'lemnites, etc. ; 4°. Les marnes moyennes du lias : marnes grises contenant des nodules arrondis (ovoides des geologues de la Moselle), composees de couches concentriques d'argile et de fer hydrate et quelquefois carbonate; o°. Les calcaires ferrugineux du lias : formation tres- puissante de calcaires de couleurs tres* variables presque toujours dues a la presence du fer, souvent bigarres de brun ou de verdatre. Leur durete et la texture varient aussi beaucoup : quelques couches surtout vers la base empatent des grains de fer hydrate generalement an- guleux et irreguliers ^ 6°. Les marnes superieures du lias : argiles noi~ r^tres , feuilletees , souvent pyriteuses et exploitees comme amendement. Elles sont caracterisees par des belemniles , des possidonnies , {'ammonites ele'gans ? et plusieurs autres , et des debris de poissons et de sauriens. On trouve quelquefois vers la partie superieure PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 35 des ovo'ides ferrugineiix, semblables a ceux des marnes moyennes. Cette formation est recouverte par 1'etage jurassique inferieur. Les formations argileuses de cet etage ayant disparu ou etant reduites a une epaisseur tres-faible, il devient difficile d'en subdiviser les formations cal^ caires. L'oolithe inferieure se compose de couches cal- caires jaunatres ou grisMres a texture terreuse plus ou moins compacte, de durete variable et contenant surtout vers la base des oolithes ferrugineuses. Quelques banes sont oolithiques , d'autres sublamellaires , d'autres passent a la lumachelle. Cette formation contient une grande quantite de fossiles appartenant aux genres phalodomiesastarte , avicule, peigne, huttre, te're'- bratule , pleuroiomaire , ammonite , bdlemnite, etc. Vers la partie superieure on trouve une petite couche argileuse noirjUre avec ostrea acuminata , des avicules et des terebratules. Cette couche, difficile a observer a cause de son peu d' epaisseur , par ait representer le fullers-earth; les calcaires qui la recouvrent et qui sont tres-puissants varient dans chaque localite. Vers Fouest, ce sont souvent des calcaires blancs, crayeux , plus ou moins durs , dont quelques banes deviennent siliceux. On y trouve de nombreux fossiles, entre autres des ne'rine'es , des astarles, des nalices, la tere- bratula telacedra , etc. Ailleurs , ces calcaires sont oolithiques ; vers Test ils deviennent sableux, schistoi'des et d'un blanc moins eclalant ; et tout-a-fait a Test du departeinent , ils redeviennent oolithiques ou terreux. On trouve c.a et la dans toute la formation quelques banes coquilliers. Au-dessus de ces calcaires blancs qui represented la grande oolithe, on en trouve d'autres, tantot oolithiques, a grains generalement assez gros, tantdt terreux, grisatres ou jaunatres , grossierement feuilletes et sou- 56 PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS". vent en petits lits separes par des veines marneuses grises. Cette formation correspond sans doute au groups du forest marbre et du cornbrash. L'ordre du jour pour la seance du 10 est ainsi fix6 : 1°. Suite de la communication geologique de M. Bu- VIGNIER $ 2°. Comparaison des terrains decrits par M. Buvi- GNIER, avec ceux des chafnesdu Jura, parM. PARANDIER ; 5°. Divers rapports. io Presidence de M. PARANDIER. M. BUVIGNIER a la parole pour eontinuer son expose ai faite, est interposee dans les calcaires portlan- » diens superieurs, et que les calcaires oolithiques du )> Barrois (carrieres de Brillon, Ville-sur-Seaux , Sa- » vonieres), se rattachent aux portlandiens et non » au terrain neucomien, comme 1'avaient suppose (0 (1) Voir le memoire de M. THIRIA, sur les gites de minerals de fer de la Haute-Marne (Ann. des mines, 5e. serie), et les discussions sur ce sujet (fomexi du Bulletin de la societe geologique de France]. 60 PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. » quelques geologues , et qu'ils en sont meme separes » par une formation que je regarde encore comme dis- » tincte , et dans laquelle on exploite dans la Haute- » "Marne le mineral de fer geodique. )> Le neucomien inferieur, dont je viens de developper » la constitution geognostique , me paratt m£me tres- »' bienseparedu mineral de fer geodique. Sur ce point, » je serais parfaitement d'accord avec M. CORNUEL de » Vassy, qui voudrait rapporter ce groupe a Tiron-sand » des Anglais. » Cette dissertation de M. PARANDIER, appuyee de coupes prises par lui, en 1838, dans les diverses car- rieres de Cheminon-Ia-Ville, de Brillon, de Soiru, Ville-sur-Seaux, semble ne pas laisser de doute sur la distinction des terrains dont il vient d'6tre question. M. PARANDIER vient ensuite au but principal de sa communication, la miseen rapport des terrains decrits par M. BUVIGNIER et des formations qu'il vient de decrire Iui-m6me avec ceux qu'on observe dans les chatnes du Jura. II fait d'abord remarquer que la coupe generate qu'il a donneedans son memoire deja cite, sur la succession des terrains jurassiques compris entre Vitry et Toul, s'accorde parfaitement, sauf quelques accidents peu importants , quand il s'agit d'etablir un parallelisme comme celui dont il s'agit, tant avec celle decrite par M. BUVIGNIER pour le departement des Ar- dennes, qu'avec celle des etages correspondants des chafnes du Jura, correlation qu'il a du reste dej£ signalee dans le memoire ci-dessus mentionne. Quant a Tetage inferieur, M. PARANDIER appelle par- ticulierement 1'attention sur la coincidence et le paral- lelisme remarquables dans les deux contrees, 1°. des assises superieures caracterisees par le pecten fibrosus, Vostrea Knorrii, la terebralula digona , qu'il regarde eomme requivalent geognostique du cornbrash des PREMIERE ET SIX1EME SECTIONS. 61 Anglais; 2°. des assises moyennes a ostrea acuminata, et enfm des calcaires ferrugineux qui forment la base de Fetage dans les deux localites. Le lias coincide dans les deux contrees pour le gres infra-classique et le calcaire a gryphites-, mais il ne presente pas un syncronisme analogue pour ses diverses assises superieures. Au lieu de la puissante formation de sable et de banes de gres superposes aux calcaires a gryphites dans les Ardennes, le Jura presente de puis- santes assises marneuses avec des alternances de banes marneux calcaires ou des spheroi'des et des amas de b^lemnites et de fossiles identiques ou analogues a ceux du gres des Ardennes, telle que \agry phcea cymbium. II est a remarquer toutefois que ces marnes, et surtout les calcaires , ont un fades sablonneux, et que Tanalyse y fait decouvrir en effet, par decantation, une certaine proportion de sable fin siliceux. Dans le Jura on remarque generalement au-dessus des calcaires et sphe'ro'ides a belemnites, une puissante assise de marne micacee , renfermant de nombreuses belemnites, ammonites, etc.,et quelquefois un minerai oolithique tres-analogue a celui de Toolithe ferru- gineuse de Fetage inferieur, le tout surmonte des schistes bitumineux avec leurs minces lits de calcaires fetides, tandis que, dans les Ardennes, le m£me schiste, avec les memes caracteres , se trouve place immedia- tement sous Toolithe ferrugineuse de 1'etage inferieur, et que le minerai de fer liassique ne s'observe qu'entrc les schistes et une puissante assise de marne avec sphe- rites a sa partie superieure , et designee sous le nom de marne a ovo'fdes par les geologues de la Moselle. L'incoi'ncidence de syncronisme des assises se remarque done surtout pour les schistes qui existent immediatement & la base de Foolithe inferieure et ferrugineuse dans les Ardennes, tandis que chez nous ils en sont separes par 02 PREMIERE ET S1X1EME SECTIONS. une puissante assise marneuse remplie de belemniteS , de petites ammonites, de Irochus, nuculla, ammonites valcotii, etc., et par le marly-sand tone. Mais, en somme, le syncronisme de Fensemble du terrain ne saurait soulever le moindre doute. Cette dissertation, qui a paru captiver F attention des Sections reunies, et des membres de celle d'agriculture, deja presents pour la seance qui allait s'ouvrir, etanl terminee, M. PARANDIER reprend le fauteuil et donne la parole a M. Hippolyte RENAUD pour rendre compte de Fexamen qu'a dti faire la commission dont il fait partie , du memoir e sur la pousse'e des voutes , et de la notice sur I'art de conduire les ballons , communiques aux Sections reunies. « L'auteur du memoire sur la poussee des voutes, dit M. RENAUD, se propose de determiner les epaisseurs a donner aux pieds-droits , dans une serie d'hypotheses qu'il fait sur leur hauteur ainsi que sur la forme et les dimensions des voutes qu'ils doivent supporter; on trouve en effet, dans le memoire et dans les epures, Findication des epaisseurs a donner dans les divers cas-, mais il a ete impossible a la commission de decouvrir comment Tauteur pretend obtenir les epaisseurs , qui , du reste, pourraient reussir dans 1'execution au moyen d'une formule dynamique qu'il donne comme Texpres- sion de sa theorie, mais qu'il manie d'une maniere si etrange, que la commission n'a pu s'empfecher d'en con- clure que 1'auteur n'a point une connaissance suffisante de la science dont il a voulu se servir. » Quant a la notice sur Fart de conduire les ballons, ce n'est que Fannonce d'un precede que Fauteur ne fait point connaltre, et sur lequel la commission ne peut emettre aucune opinion. Apres cette communication, un membre dela Section PREMIERE ET SIXIEME SECTIONS. 65 d' agriculture fait remarquer que Theure est tres- avancee. M. le President, qui se proposait de soulever une discussion sur la 5e. question du programme de la lre. Section, qu'il avait eu deja occasion de trailer au sein de 1' Academic de Besanc.on ( seance du 28 avril 1831 (0), se contentede developper quelques considerations generates sur les particularites que presentent, sous le rapport stratigraphique, les coupes geologiques des environs de Besanc,on et de la contree en general , et qui rendent plus difficile et moins cer- taine que dans d'autres contrees , la solution des questions du genre de celles dont il s'agit. A cette courte disserta- tion , M. le President fait succeder un resume rapide de Tensemble des discussions qui ont eu lieu au sein des deux Sections reunies, et de leurs principaux resultats. Sur la proposition de MM. BENEYTON etPouRCY, des remerciments sont votes auPresidentetaux Secretaires. M. PARANDIER, de soncdte, temoigne combien il a ete sensible a la bienveillance des deux Sections , et en particulier des membres du bureau, dont le zele, joint a la bonne tenue des discussions , a rendu ses fonctions faciles-, puis il annonce la cldture des travaux, et leve la seance. Le President, PARANDIER. Les Vice-Presidents, MARTIN. DESFOSSES. Les Secretaires , GRENIER. REYNAUD-DUCRECX. (\) Voir la note A du bulletin de la seance publique du 28 Jan- vier 1835. DEUXIEME SECTION. AGRICULTURE, INDUSTRIE ET COMMERCE. Seance du 2 septembre. Les membres de cette Section se sont reunis sous la presidence de M. le Professeur BOURGON, Secre- taire general du Congres, pour proceder a la nomination d'un President et de deux Vice-Presidents . Le scrutin a donne, pour resultat, M. DE MAGNON- eouR, President •, MM. BONNET et CHEVERAUX, Vice- Presidents. M. H. RENAUD est prie de remplir les fonctions de Secretaire en remplacement de M. BRETILLOT, membre du Conseil general du departement dont la session vient de commencer. M. le docteur BONNET est invite & faire connaitre ses observations sur 1'etat de 1'agriculture en Franche- Comte : 1°. On reconnatt dans la province une tendance au progres, mais elle est plus ou moins manifeste d'un de- parlement a un autre. Celui du Doubs , le moins favo- rise de la nature, est plus avance que ceux de la Haute-Saone et du Jura. Get avantage est du a Tin- cessante activite de Tadministration en faveur de 1'agri- culture , a la publication d'ouvrages mis ^ la portee des cultivateurs, aux travaux des Cornices , et A 1'en- seignement repandu parmi les proprietaires-cultivateurs qui chaque jour acquierent des connaissances qu'ils mettent & profit dans 1'exercice de leur belle et utile profession. DEUXIEME SECTION. 65 2°. Quel est le progres agricole depuis 20 ans? Autrefois on n'apercevait aucune amelioration agri- cole, si ce n'est sur quelques points de la province. Cependant Busy, Fertans , Cuse et d'autres communes donnaient deja 1'exemple de cultures nouvelles; on y faisait des prairies artificielles 5 mais ce qui se passait dans ces localites trouvait peu d'imitateurs. Leschoses ontheureusement change, car on rencontre aujourd'hui le trefle, la luzerne et le sainfoin cultives en grand selon le climat, dans toutes les regions du Doubs. Les racines fourrageres commencent a etre appreciees par nos cultivateurs. II en est de m6me de toutes les plantes nouvelles qu'on leur presente •, des qu'on leur en a fait connaltre 1'utilite , ils font des essais qui , jusqu'a pre- sent, ont toujours ete satisfaisants. Les betteravcs, les carottes, le madia sativa, le chanvre dePiemont, etc., ont prospere cette annee, malgre la secheresse du printemps. 3°. Les especes bovine, chevaline et ovine sont-elles ameliorees ? L'espece bovine interesse d'une maniere speciale Je departement, qui produit une grande quantite de fourrages. Aussi s'est-elle presque doublee , et les in- dividus sont beaucoup plus beaux qu'il y a 20 ans. On doit attribuer cette amelioration a 1'accroissement des ressources fourrageres. D'ou Ton doit conclure que, pour atteindre a un perfectionnement encore plus grand , il faut tocher d'obtenir une plus grande quantite de fourrages de toute nature. Une autre circonstance favorable a t'amelioration de la race bovine dans notre pays , c'est le parti que Ton tire du lait dans nos fromageries : or, le lait ne s'obtient qu'a 1'aide des fourrages; il faut done pousser aux fourrages , quand Ton desire tirer, par le moyen des fromages , les plus grandes ressources : au reste , 1'e- 66 DEUXIEME SECTION. mulation se joint a rinter£t particulier pour arriver au succes. L'espece chevaline s'est £ peine soutenue dans notre province ; on y trouvait il y a 20 ou 50 ans d'aussi beaux chevaux que maintenant. Ceux que Ton tire de nos montagnes sont, comme 1'on salt, tr£s-propres a tous les gros services. Ceux du val de L6mont, moins corses, ont des formes plus gracieuses et conviennent pour le service des messageries et des diligences. Les parties basses ne fournissent pas d'aussi bons chevaux ^ ceux que 1'on y voit sont la plupart mines par la mauvaise nourriture et 1'exces de travail. On doit peu compter sur 1'amelioration de 1'espece ovine dans notre province, qui presente peu de loca- lites favorables a son education. D'ailleurs si, comme on peut 1'esperer , nous touchons au moment ou le droit de vaine pature sera regie de maniere a ce qu'il ne soit plus un obstacle au developpement des cultures utiles , et si Ton parvient a tirer un meilleur parti des parcours communaux, les troupeaux de moutons qui , pour prosperer , ont besoin du grand air, ne pourraient plus aller a la pature que sur les terrains des proprie- taires, qui ne sont point assez etendus pour permettre d'en profiler. L'espece sue devrait 6tre protegee dans notre depar- tement; c'est elle qui fournit la ressource presque unique d'alimentation culinaire dans nos campagnes. La race de Siam, importee chez nous, se croise avan- tageusement avec celle du pays. 4°. Quels sont les encouragements qui ont ete accordes a Tagriculture jusqu'a ce jour ? Les interets agricoles ont et6 proteges chez nous, d'abord par la Societe d'agriculture des sa creation , et par quelques primes accordees dans les arrondisse- ments. Mais, depuis environ dix ans, des ouvrages DEUXIEME SECTION. 67 mis £ la portee des cultivateurs ont servi a les eclairer. Ainsi une Notice sur la culture des trefles en Franche- Comte, et un Traite' des engrais liquides ont ete publics et distribues aux cultivateurs en 1835. Le Ma- nuel pratique et populaire d' agriculture a ete adresse gratis a toutes les communes du departement (i). Le premier Cornice , celui de Busy , a ete organise en 1836. Le retentissement de ses travaux a tire le culti- vateur de son apathie. 'Aussi ces institutions se sont rnultipliees et fonctionnent maintenant dans les inter^ts de leur circonscription. Le gouvernement et le depar- tement leur accordent des secours qui sont employes en primes accordees aux proprietaires des plus beaux bestiaux , et en gratifications donnees aux domestiques des deux sexes qui font ou qui ont fait les meilleurs services chez les m6mes maltres , au moins pendant cinqans. Des distributions de graines produisent les meilleurs efiets, et nous sommes d'avis que c'est le meilleur moyen d'encouragement. 5°. Les assolements se sont-ils ameliores ? L'assolement triennal, qui existe de temps immemo- rial dans notre departement, durera longtemps encore, & raison de la difficult^ d'en etablir un autre. Le sol des sombres ou jacheres qui ne donnait, ily a 20 ans, que peu de recoltes, en fournit maintenant d'abondantes, en fourrages, en legumes, en racines, etc. Cette ameliora- tion contihuera chaque annee a se developper, jusqu'a ce qu'il ne reste pas un are de terrain improductif , comme on Tobserve deja dans les communes que nous avons citees plus haut. (1) Ces divers ouvrages sont dus au zele de M. le docteur BONNET : ote des Secretaires generaux. 68 DEtXlfiME SECTION. 6°. Comment traite-t-on les amendements et les engrais dans la province ? II resulte des details donnes sur ce sujet, que les principaux amendements, tels que le gypse et la marne, sont employes convenablement dans le Doubs, mais qu'ils sont encore generalement negliges dans la Haute- Sa6ne et le Jura. L'usage de la chaux est peu connu. Les cendres de lessive, recherchees par les habitants de la Haute-Bresse, produisent uh excellent effet sur leurs terres argilo-siliceuses. Les engrais du pays consistent dans les fumiers, assez mal soignes, a quelques exceptions pres, qui ne datent que de peu d'annees. On commence particulierement dans nos montagnes a faire usage des engrais sous forme liquide. Les cultivateurs des environs de Be- sanc.on profitent du voisinage pour se procurer des engrais resultant des boues , immondices, platres, etc., qui abondent toujours dans les grandes villes? 7°. Quel est 1'etat des fromageries ? Cette Industrie, tres-ancienne dans nos hautes mon- tagnes , s'est etablie successivement dans les diverses communes, en descendant du c6te de la plaine. Le nombre des fruitieres (0 a, depuis 20ans, plus que double dans le departement du Doubs 5 elles fournissent du fromage tres-bon, fa^on gruyere. Cinq litres de lait donnent un demi-kilogramme de fromage 5 il en faut de 25 a 30 pour fournir un kilogramme de beurre. Cependant, en remontant les chalnes du Jura, la partie butireuse devient plus considerable. Les fromageries presentent un bel exemple des associations agricoles utiles aux cultivateurs. II est bien a desirer qu'il s'en etablisse d'autres pour proteger les interns ruraux en souffrance. (i) Terme da pays pour indiquer les fromageries. . DEUXIEME SECTION. 69 8°. En quoi consiste Fenseignement de I'agriculture dans le pays? L'enseignement est port6 au sein des Cornices ou les cultivateurs se reunissent les dimanches, apres avoir satisfait a leurs devoirs religieux. Le nombre de ceux qui assistent & ces reunions devient de jour en jour plus considerable. Descomptesrendus, qui s'impriment a dcs epoques determinees , font connaf tre les resultats obtenus et ceux que Ton espere encore. Ces petits ecrits, envoyes £ toutes les communes par 1'adminis- tration , produisent un tres-bon eflet. II est decide que dans la seance du 3 on discutera la premiere question du programme , sur la meilleure direction £ donner au chemin de fer qui doit reunir la Sa6ne au RHin , en traversant la Frariche-Coml6 ; et s'il y a lieu, la 8e. du programine complementaire ainsi congue : ullne nouvelle legislation est-elle necessaire pour » que le progres agricole ne soit plus entrave par la » vaine pature? De la vaine pature, des restrictions £ » y apporter, si la suppression est inopportune. » Stance du 3 septembre. Presidence de M. le docteur BONNET. M. le Secretaire donne lecture du proces-verbal de la seance precedente ; il est adopted L'ordre du jour est 1'examen de la question relative au projet du chemin de fer traversant la Franche-Comte. M. PARANDIER, que ses fonctions d'ingenieur ont mis a m6me de voir et d'etudier les divers projets presentes sur cette nouvelle communication , les passe en revue successivement , et en signale les avantages comme les 70 DEUX1EME SECTION. inconvenients. Mais il s'attache d'une maniere speciale a celui qui paralt avoir reuni jusqu'a ce jour le plus de suffrages. D'apres ce projet, le nouveau chemin formerait un embranchement de celui de Mulhouse qui est en cours d'execution, partirait du point le plus rap- proche de notre departement, en traversant la vallee du Doubs , de Montbeliard a Besangon , puis celle de 1'Ognon , de Recologne a Pontaillier, et opererait , dans ce dernier lieu, la jonction avec le chemin projete de Dijon a Lyon. M. PARANDIER ne se dissimule pas la difficulte que presenterait Texecution de ce chemin, surtout entre Lisle et Besanc.on. II convient qu'il faudrait souvent etablir des tranchees, des souterrains et des ponts obliques. Mais il croit que ces considerations cederaient a la haute importance que doit acquerir une commu- nication destinee plus tard a relier le Nord a la Medi- terranee, le Danube a la Seine, 1'Orient a FOccident, et qui formerait, des aujourd'hui, la route strategique de Test, en rattachant tous les points importants de cette frontiere. M. MORIN presente des observations tendant a faire senjtir le danger d'appeler les capitaux a Texecution des lignes de chemins de fer, avant de s'etre bien assure que les avantages a recueillir seront en rapport avec les sacrifices. II pense qu'il ne faut pas etablir de chemins de fer , sans de grands motifs , dans les points oii ils se trouveraient en concurrence avec la voie de communication par les bateaux a vapeur. M. PARANDIER repond que le but des chemins de fer etant de transporter les masses, de rendre les masses voyageuses, la vapeur ne peut les remplacer sous ce rapport , et qu'ainsi la concurrence n'est point £ craindre. DEUXIEME SECTION. 71 Apres une nouvelle replique de M. MORIN , la Sec- tion decide que , attendu son importance , la question sera representee en seance publique. M. PRATBERNON fait lecture d'un memoire sur la 8e. question complementaire relative a la vaine pature. L'auteur defmit la vaine pdture et le parcours •, puis il montre comment ces usages ont ete exerces parmi nous depuis les temps les plus anciens jusqu'a nos jours, ou ils commencent a 6tre regies par des lois , et oii Ton peut s'aflranchir de ces servitudes, en enfermant les proprietes que Ton veut en preserver. M. PRATBERNON reconnatt les avantages de la vaine- pature , a Tegard des prairies et dans les saisons ou la secheresse rend impossible la recolte. D'un autre c6te il en montre les inconvenients, quand elle a lieu pendant les pluies d'automne. Les pas des animaux s'impriment profondement dans le sol , et pendant trois ans Therbe ne croit pas dans ces especes de trou. La vaine-pature detruit les canaux d'irrigation, les arbres plantes au bord des ruisseaux ou des che- mins, etc. M. PRATBERNON signale d'autres abus, et montre que ces inconvenients ne sauraient £tre detruits par la vigilance des bergers, qui sont presque toujours des enfants ou des idiots. Des dangers plus grands sont indiques par 1'auteur, quand il envisage la conduite morale des jeunes gens appeles a garder le betail de leur famille. Apres avoir etabli en quoi consiste la culture , il demontre que la richesse d'un village n'est pas dans ses communaux-, il refute les objections qu'on pourrait lui proposer , et surtout celle qui tend a sup- poser qu'on enleverait le patrimoine du pauvre-, il termine en ces termes : \ (i) La course aux grottes d'Osselle a empech^ la 2e. Section de ?e reunir le 8 septerabre. 84 DEUXIEME SECTION. d' agriculture , demande'es au sein de la legislature de 1840, seraient-elles d'une e'gale utilite" dans tous les de'partements ? Ne conviendrait-il pas tfailleurs que le professeur d' agriculture eut la pre'sidence du Cornice , ou au moins en fitpartie de droit, comme devant e*tre parfaitement au courant des besoms et des ressources locales? Le projet de loi pre'senM ne laisse-t-il rien d de'sirer ? M. BONNET pense que les chambres consul- tatives d'agriculture ne pourraient etre formees que de membres des conseils generaux et des conseils d'ar- rondissement ; par consequent ces conseils sont en mesure de rendre tous les services que Ton attendrait de ces chambres, M. le conseiller BOTJRGON fait remarquer que la n6- cessite d'avoir des representants a Paris m6me esl tellement sentie , que beaucoup d'industries en entre- tiennent a leurs frais. L'agriculture devrait done avoir pres du gouvernementdes delegues qui correspondraient avec les chambres consultatives des provinces. Ces chambres , lors meme qu'elles seraient composees par le m£me mode d'election que les conseils generaux, s'occuperaient plus specialement des interns de 1'agri- culture, parce qu'elles existeraient dans ce seul but. Elles ne serviraient pas pour 1'enseignement agricole , mais pour avertir le gouvernement des besoins de Tagri- culture et des moyens a employer pour la favoriser. La Section consultee decide que I' e'tablissement des chambres consultatives lui parait utile aux progres de I' agriculture. M. le conseiller BOURGON traite la 10e. question (2e. serie), qui estainsi conc.ue : Neeonviendr ait-Upas, dans I* interest del agriculture, $e diminuer la taxe d' entree des jeunes bestiaux , DEUXIEME SECTION. 85 jusqud I age d'un an a dix-huit mois, a fin de favoriser dans le pays I' amelioration des races par des croi- sements bien assortis ? Dans les montagnes, les ressources pour la nourriture du betail sont abondantes en ete ; mais en hiver, les fourrages manquent presque foujours, parce que tres- peu de nos paturages peuvenf @tre recoltes. La plupart des animaux doivent done quieter les montagnes pen- dant la mauvaise saison. Le prix d'entree etant le m6me pour chaque tete de betail , les montagnards n'achetent en Suisse que des vaches et jamais des veaux. Le con- traire serait bien plus avantageux, la premiere ressource des montagnes etant de faire des eleves , et trois veaux ne consommant pas plus pour les hiverner qu'une seule vache. Ilfaudraitdonc favoriser 1'introduction des veaux en abaissant le prix d'entree pour le jeune betail. M. VIANCIN croit que, pour 6viter toute difficulte avec la douane , le jeune betail devrait payer d'apres le poids. M. BONNET pense que les races bovines seront ame- liorees dans notre pays, surtout par la culture des prairies artificielles. M. le conseiller BOURGON admet que dans les plaines cette amelioration peut avoir lieu 5 mais dans les hautes montagnes les prairies artificielles ne peuvent reussir, et les especes ont considerablement degenere. La Section decide qu'ii sera repondu affirmativement sur la 10e. question, en restreignant cependant a la Franche-Comte le voeu emis. La premiere partie de la lle. question (2e. serie). mise d'abord en deliberation , est ainsi conc,ue : 86 DEtXIEME SECTION. L' 'organisation d'un systeme d'ttalons riest-elle pas un besoin vivement senti dans noire de"partement? Quel seraity dans ce cas, le meilleur systeme qu'il faudrait adopter ? M. le conseiller BOURGON pense qu'il serait essentiel de porter remede a un mal qui contribue puissamment a la degeneration des races. Ce mal consiste dans la vicieuse habitude d'employer a la saillie des taureaux beaucoup trop jeunes, et de les couper lorsqu'ils ont atteint le developpement qui les rendrait aptes a cette fonction. II desire aussi que le choix des etalons soil toujours en parfait rapport avec la race particuliere qu'il convient de conserver et d'ameliorer dans lepays. La premiere partie de la proposition est resolue affinnativement; la seconde partie n'estpas mise en dis- cussion, parce qu'elle ne pourrait etre suffisamment approfondie dans le peu de temps qui reste avant la cldture de la session du Congres. Seance du 10 septembre. Prcsidence de M. CHEVERAUX. M. DUSSET, ancien garde general des eaux et forets, fait les fonctions de Secretaire. L'adoption du proces-verbal a ete unanime. Deux questions supplementaires sont proposees par M. JULLIEN; la premiere est ainsi formulee : Qmlles sont les re' formes et les ameliorations re- clame'es par les inte're'ts de I'agriculture dans noire systeme hypothe'caire? DEtTXlfeME SECTION. 87 Cetle importante question d'economie politique , exigeant de longues meditations et un travail complet 7 personne d'ailleurs ne se presentant pour entamer la discussion, la Section en prononce l'ajournement. 2e. Question : Examiner et signaler les abus qui de'naturent I' institution des monts-de-pie'te' , devenue presque une institution usuraire, debienfaisante qu'elle doit €tre; indiquer les r£ formes et les ameliorations qui peuvent la rappeler a sa destination primitive. M. LECERF, sans pretendre 6tablir une opinion fixe et arr$tee sur cette matiere importante, croit devoir livrer a la connaissance de la Section un fait special , c'estque le conseil municipal de la ville de Caen a rejete Finstitution du mont-de-piete, en lui preferant celle d'une caisse d'epargne, dont le mouvement prospere ne laisse aucun doute dans cette localite sur ses resultats bienfaisants. M. BENETTON observe que dans la ville de Metz on a combine la double institution d'un mont-de-piete et d'une caisse d'epargne, qui marchent simultanemenl et avec succes; mais il pense, qu'avant d'arrfiter un projet de reforme sur Faction isolee ou simultanee de ces deux especes d'etablissements , il faudrait obtenir de la plupart des villes oii ils existent , des documents positifs sur leurs resultats , afin de modifier le systeme suivant les localites. M. le conseiller BOURGON approuve les monts-de- piet6 5 mais il censure avec justice Tinteret exorbitant qu'ils perc.oivent, etdont il demandela reduction dans de justes limites, estimant d'ailleurs qu'il faut ajourner la discussion de cette question, qui ne pourrait recevoir actuellement de la Section une solution positive. 88 DEUX1EME SECTION. M. JULLIEN partage le meme sentiment, et ajoute que Ton parviendrait plus facilement & une solution dans une grande ville de commerce; qu'en consequence, il conviendrait d'ajourner au Congres de 1841 toute discussion relative a cet objet : ces conclusions sont adoptees. Sur la 13e. question du programme, 2e. serie, rela- tivement a la sante des animaux , et a I' organisation des me'decins veterinaires t M. LECERF dit que , dans plusieurs departements de la Normandie , les medecins veterinaires se reunissent pour se communiquer les observations que leur a suggerees la pratique de leur art. La societe d'agriculture de la ville de Caen , recon- naissant depuis longtemps 1'importance de semblables reunions , accueille les Memoires fournis par ces me- decins, les coordonne, les fait imprimer a ses frais, puis les repand dans les campagnes , oii leur lecture produit d'heureux resultats. En consequence, il pense qu'il conviendrait de fonder dans les autres departe- ments une pareille association de veterinaires. M. le conseiller BOURGON regarde, ainsi que M. LAU- RENT, maire de Fertans , comme principals causes de maladies cbez les animaux , 1'insalubrite des etables et la fatale habitude de les conduire a la vaine pature. II emet le voeu suivant : que les societes d'agriculture et les administrations emploient leur influence pour engager les habitants des campagnes a assamir les ecuries, soit en leur procurant de 1'air, soit en operant la prompte evacuation du purain , qui par sa fermentation est une cause de putrefaction permanente. II demande aussi que le prix du sel soit reduit a un taux qui permette aux cultivateurs d'en faire un usage facile et abondant pour la nourriture des bestiaux et DEUXIKME SECTION. 89 1'amelioration des fourrages; ce double voeu est ap- prouve par la Section. M. JULLIEN demande la permission de faire passer sous les yeux des membres de la Section , un morceau de peinture d'une execution neuve et fort originale , c'est un portrait de Fempereur Napoleon , execute sur velours et d'une maniere transparente, par un res- pectable vieillard, M. GREGOIRE, de Paris, qui a trouve le moyen de frapper a la fois douze portraits serablables. M. CHEVERAUX termine la seance et clot les travaux de la Section , en exprimant ses remerclments a ses confreres qui Font choisi pour Vice-President : ces sen- timents sont agrees par la Section , qui temoigne a son tour sa reconnaissance envers tous les membres du bureau. Le President, DE MAGNONCOUR. Les Vice-Presidents t Dr. BONNET. CHEVERAUX. Les Secretaires, H. RENAUD. DUSSET. Dr. PRATBERNON. 90 TROISIEME SECTION. SCIENCES MEDICALES. Seance du 2 septembre 1840. La troisieme Section a commence ses travaux par la formation du bureau, sous la presidence de M. le pro- fesseur BOURGON, en qualite de Secretaire general. Le scrutin a donn6 pour President M. le docteur MAYOR, de Lausanne, et pour Vice -Presidents, MM. les doc- teurs VILLARS et POURCY; M. le docteur BULLOZ est Secretaire de la Section. M. MAYOR vient prendre place au bureau, sur Tin- vitation de M. le professeur BOURGON. M. le docteur BONNET donne une statistique exacte et rapide de Tart medical a Besanc.on. Deux choses sont a considerer dans Texerciee de la medecine : 1'en- seignement et la pratique. 1°. L'enseignement : Besan^on possede depuis 1806 une ecole secondaire de medecine , qui a compte , parmi ses professeurs, des hommes justement celebres , MM. BRIOT, COLARD, ARBEY, PECOT. Les membres qui la composent aujourd'hui font tous leurs efforts pour conserver 1'honorable reputation dont elle a joui des sa naissance. II serait a desirer meme que les cours fussent plus complets et plus nombreux , c'est-a-dire que, dans Tinter6t del'ecole, les maladies syphilitiques, dartreuses, etc., y fussent observees; les eleves, en quittant Fecole , auraient des idees nettes et utiles sur des maladies qui sont si communes , et qu'ils n'ont pu etudier. 2°. La pratique : notre ville a compte, de tout TROISIEME SECTION. 91 temps , d'habiles praticiens-, ils se sont toujours mis au courant de la science. Notre pays ne presente que rarement des epidemics $ celles de petites veroles ne se font remarquer que moins souvent encore. II est vrai qu'il en a regn6 une en 1839 dans quelques communes du departement du Doubs , et surtout a Besanc.on •-, mais on peut dire que c'est une exception. On doit attribuer la diminution de cette maladie aux vaccinations nom- breuses qui ont ete pratiquees pendant un grand nombre d'annees par feu le docteur BARREY et par d'autres medecins. M. le docteur VILLARS, continuant cette statistique medicale, enumere les maladies qu'il a observees le plus frequemment dans 1'exercice de son art. Ce sont , a-t-il dit, les squirres de diverses glandes, comme des mamelles, des testicules, etc. ; les affections cancereuses du sein sont les plus communes et d'une guerison diffi- cile, m6me par 1'operation. Ce praticien croit qu'un jour on abandonnera ce moyen que Ton considere en- core aujourd'hui comme le plus efficace, et qui est loin de donner toujours d'heureux resultats. Les calculeux se rencontrent rarement dans notre pays 5 la montagne n'en fournit aucun •, ceux qui sont atteints de cette maladie viennent de la plaine , surtout des bords de 1'Ognon. M. VILLARS connaft, ainsi que le Secretaire, un village qui en fournit souvent-, c'est la commune de Gy. Quelle en est la cause ? Faudrait-il la chercher dans le vin de ce lieu dont les habitants font usage ? C'est une question qui merite I'attention des membres composant la troisi^me Section. M. VILLARS parle des affections cancereuses de I'ut6- rus, qui sont tres-frequentes. Ce docteur attribue le grand nombre de ces maladies aux precautions prises pour eviter la conception. La m£me cause, ajoute-t-il, 92 TROISIEME SECTION. produit les mielites chroniques que Ton rencontre maintenant plus souvent qu'autrefois. Ces observations sont soumises aux membres de la Section de medecine, pour qu'ils ne les perdent point de vue. M. le docteur JOUFFROY a exprime le desir que le Congres portat son attention sur les epidemics qui regnent souvent dans la baute montagne. En conse- quence il pose la question suivante : Quelles sont les e'pide'mies les plus fre'quentes de la province , et quelles sont celles qui revttent le caractere contagieux ? M. le docteur MARTIN soumet une autre question, savoir : Si les constitutions atmosphe'riques qui pro- duisent des e'pide'mies nimpriment pas leur caractere aux autres maladies re'gnantes ? M. le docteur FAIVRE-D'ESNANS , rappelant Fatten- tion de ses collegues sur les maladies cancereuses , dit avoir gueri huit malades sur dix, avec un moyen therapeutique qu'il se propose de faire connattre a la Section. Deux Memoires ayant etc envoyes par M. OUSTALET, de Montb61iard , Tun sur la premiere question du pro- gramme : « Le systeme physiologique a-t-il e'te" avan- » tageux a la the"rapeutique ? > L'autre : « Sur la fievre » typhoide et sur son traitement , » M. ledoctr. MARTIN est nomme rapporteur du premier, etM. le doctr. BULLOZ du second. M. MAYOR, de Lausanne, annonce qu'a la seance prochaine il donnera lecture d'un M6moire sur la cure deshernies;M.CtAKEtera aussi part a la Section d'un travail sur la variole et la vaccine. La seance est ensuite Iev6e. TROISIEME SECTION. 95 Seance du 3 septembre. Presidence de M. le docteur MAYOR, deLau§anne. Apres la lecture du proces-verbal , qui n'a donne lieu a aucune reclamation, M. le President communique un Memoire sur la cure des hernies. L'auteur, considerant que les hernies etant des maladies frequentes , graves et quelquefois mortelles , pense qu'il est tres-important pour rhumanite de remedier a ce genre d'affection; c'est cette pensee qui lui a donne Tidee de faire un travail approfondi dans lequel il passe en revue les divers moyens que la chirurgie possede pour obtenir la gue- rison complete deces maladies. L'un des premiers est le bandage connu sous le nom de brayer; son applica- tion faite sur des enfants , des jeunes gens, des adultes, les a delivres de cette maladie. Ici Tauteur entre dans quelques details relatifs a la maniere d'agir du brayer: il le regarde, 1°. comme faisantToffice d'une barriere infranchissable a la sortie des yisceres; 2°. comme exergant une compression- permanente et exacte sur les tissus vivants; 3°. enfin comme produisant une action dynamique qui contribue a tenir closes les ouvertures par ou sortent les organes abdominaux. L'irritation douloureuse , qui survient dans les parties comprimees par le brayer, favorise la guerison des hernies. Car 1'action de ce moyen est analogue a celle des rubefiants ou des vesicants qui produisent une constriction ou res- serrement des parties sur lesquelles on les emploie. Pour obtenir, dit M. MAYOR, la cure radicale des hernies, il ne faut qu'exercer pendant longtemps avec le brayer une compression exacte et parfaite, et associer a ce moyen d'autres agents therapeutiques dont I'ex- perience a demontre I'efficacite. Si le brayer ne suffit pas, continue M. MAYOR, au_ 94 TROISIEME SECTION. rnoins il ne produit aucune incommodite ^ il y a plus , c'est que 1'individu qui est habitue a en porter un, sent, lorsqu'il ne 1'a pas, qu'il lui manque quelque chose. Cependant il y a des circonstances ou le bandage est insuffisant •, c'est lorsqu'il ne cohtient plus les parties qui ont une tendance continuelle a sortir •, alors il gene , il expose m6me a un etranglement de hernie : que faire ? on doit se decider & 1'operation dont on choisit le mode et que Ton fait en temps opportun : a la suite de I'operation le malade portera son bandage , meme pendant la nuit •, car il y a des cas ou il pourrait subvenir quelque danger a ne pas le faire. M. MAYOR cite ensuite les uns apres les autres les divers precedes operatoires, comme la ligature, la suture , 1'incision , 1'excision , la scarification , la caute- risation, 1'injection, les bouchons qrganiques, etc.-, il expose les inconvenients et les avantages de chacun d'eux : selon lui, il en est qui offrent de grandes chances de guerison. M. MAYOR indique les precedes qui lui ap- partiennent en propre : le premier se compose de trois temps distincts, 1°. la formation du pli tegumentaire ; 2°. dela suture sous-cutanee •, 3°. du pansement conse- cutif . Le pli est fait avec les doigls •, eleve et serre , il ne permet plus aux visceres de sortir. Les points de suture plus ou moins nombreux et pratiques selon I'e- tendue du pli, sont fails avec des fils qui ont a chaque extremite un noeud produit avec un morceau d'eponge, de charpie ou de colon ; ils maintiennent ce pli dans sa position oii 1'ont place les doigts : ces points rasent 1'aponevrose et le canal , et ils y sejournent un certain nombre de jours en excitant une irritation qui doit favoriser Tocclusion des ouvertures herniaires. Le pan- sement consiste dans Tapplication d'un brayer sans ressort, mais dans lequel il y a un fil de fer qui donne an bandage la forme qu'il doit affecter plutot qu'une TROISIEME SECTION. 95 force quelconque. Le precede operatoire de M. MAYOR est applicable a la guerison des hernies qui ne peuvent etre contenues et dont les ouvertures herniaires sont peu dilatees. Un autre proced6 de M. MAYOR est 1'inverse de celui que nous venons de decrire •, on ne le met en usage que lorsque les ouvertures, qui donnent passage aux parties herniees, sont vastes, dilatees, comme dans les e'ven- trations: il consiste dans V imagination des teguments qui se fait de la maniere suivante : on produit a la peau qui a etc introduite dans Tanneau avec un doigt prea- lablement impregn6 d'une couleur rouge ou noire, une vescication qui permet la denudation du derme ; cette operation faite, on enfonce la peau dans 1'ouverture abdominale, avec un algali ou un c6ne quelconque 5 on 1'y maintient pendant qu'on forme un pli que Ton soutient avec des points de suture piqu6s , de maniere a emp£cher le deplissement des parties et la sortie des visceres-, 1'adherence qui survient produit la guerison; toutefois on a la precaution de soutenir la cicatrice par un bandage approprie, garni d'une pelotte qui fait 1'office d'un bouchon animal. Diverses questions ont et6 adressees a M. MAYOR: la premiere a et6 faite par M. TOURNIER, qui demande si le brayer seul suffit pour guerir des hernies-, la reponse de M. le President et de plusieurs membres a etc affirmative. M. TOURNIER a fait observer a M. MAYOR que c'etait sans doute par oubli qu'il n'avait pas cite M. GERDY comme etant 1'inventeur du precede de ^imagination; M. MAYOR repond que le precede de M. GERDY offre des dangers, tandis que le sien n'en presente aucun. M. le docteur BONNET demande ensuite si, dans Tun et 1'autre precedes operatoires , il s'etablit une adbe- 96 TROISIEME SECTION. rence entre la peau et les bords de 1'anneau ; M. MAYOR dit ne pouvoir donner la solution de cette question. M. le docteur VILLARS voudrait savoir si Ton peut attaquer toute espece de hernies par ces deux precedes operatoires : M. MAYOR repond affirmalivement. M. le docteur VILLARS prie M. le President de dire si , par ces deux precedes , Ton comprend le sac herniaire : M. MAYOR declare qu'il ne peut le savoir. Une troisieme question est faite par le m6me membre ; elle est rela- tive au cas oii le cordon testiculaire est engorge et douloureux; peut -on alors operer ? M. MAYOR dit avoir opere dans cette circonslance. Enfin une derniere question de M. VILLARS est de savoir si les points de suture n'ont jamais occasionn6 d'accidents : M. MAYOR dit qu'il n'a jamais ete oblige de les enlever avant les 8e. et 9e. jours. • M. PRATBERNON s'informe de ce que devient le pli apres la guerison : selon M. MAYOR , il reste •, mais il devient moins fort et s'aplatit. Enfin, M. TOURNIER demande si, dans tous les cas oii Ton peut faire Yinvagination, il faut la pratiquer : M. MAYOR croitqu'ellenedoit etre employee que lorsque les ouvertures sont vastes et fortement dilatees. L'heure etant trop avancee , la lecture du Memoire sur la variole et la vaccine, par M. CARRE, a et6 ren- voyee a la seance du lendemain. M PRATBERNON annonce pour la m6me seance son Memoire sur ks empoisonnements miasmatiques. TKOIS1EME SECTION. 97 Seance du 4 septembre. Presidence de M. le docteur MAYOR. Le proems - verbal de la derniere seance est ap-- prouve. M. le docteur CARR£ lit un memoire sur les questions suivantes : Peul-on avoir plusieurs fois la variole ? La variolo'ide peut-elle se montrer chez les individus qui n'ont pas ele' vaccine's et qui n'ont pas eu la variole? L'auteur, apres avoir donne la definition de la variole, cite plusieurs medecins, clont la science fait autorite, qui pensent que la variole peut atteindre plusieurs fois le m6me sujet. Trois observations qu'il a faites lui- mfime en 1812, 181 4 et 1820, ne lui laissent aucun doute sur la possibilite du retour de cette raaladie. 11 n'ose rien decider sur la seconde question , n'ayant observe de varioloi'des que sur des individus qui avaient eu la variole ou la vaccine. Quant a refticacite permanente ou temporaire du vaccin, M. CARR£ se demande si, la petite verole ne preservant pas du retour de cette maladie, il ne doit pas en etre de meme du vaccin ? II ne partage nullement Topinion des medecins, qui croient que la variole ne survient pas apres la vaccination reguliere •, a 1'appui de son opinion , il cite des observations qu'il a faites en 1828, 1851 et 1852, sur des personnes qui avaienl de belles. cicatrices de vaccine, et qui cependant ont eu des varioles confluentes. H se donne meineen exemple; car il a eu la variole, et neanmoins, apres avoir pra- tiqu6, en 1821, plusieurs vaccinations, il se fit par hasard des piqures avec sa lancette mal essuyee, et il s'en suivit un bouton vaccinal. En ce qui concerne Futilite des revaccinations, comme 5 98 TROISIEME SECTION. Ton n'a pas encore recueilli a cet egard des fails assez nombreux et assez precis, M. CARR£ croit que Ton ne saurait s'en occuper d'une maniere satisfaisante. M. BULLOZ pense que les secondes varioles, de mSme que les varioles qui surviennent apres la vaccination , sont plut6l des varioloi'des que des varioles. II ajoute que ces maladies ont une telle analogic avec la variole qu'on les prend quelquefois Tune pour Tautre. Ce- pendant elles ont des caracteres distinctifs : la vario- loi'de suit une marche plus prompte, surtout & la periode de dessiccation : elle differe de la variole par ses cicatrices, qui ne sont pas du m6me genre ; le plus souvent meme ce ne sont pas de veritables cicatrices , mais des eleva- tions qui succedent aux crofttes : elle en differe encore, parce qu'elle est moms contagieuse que la variole : enfin, un des caracteres qu'elle affecte et qui ne permet pas de la confondre avec la variole, c'est qu'apres la guerison on ne voit jamais d'alteration organique, et que la mort n'en est, dans aucun cas qu'il connaisse par lui-meme, la consequence. M. le docteur JOUFFROY, qui declare n'ayoir jamais vu de variole apres une vaccine positive, pense que la varioloide se distingue de la variole en ce que la iievre disparait lors de 1'eruplion ; selon lui , les autres periodes de la varioloide presentent beaucoup de res- semblance avec celles de la variole. M. le docteur BONNET demande si la varioloide est aussi contagieuse que la variole : MM. ODEPH et BULLOZ repondentnegativement, et donnent une suite de fails qui justiiienl leur opinion. M. le docteur BERTHET affirme que son epouse ayant eu une varioloide, sa pelite fille a presente des TROISIEME SECTION. 99 sympl6mes analogues a ceux de sa mere , mais que cependant il n'y a pas eu d'eruption. M. le docteur BONNET dit que M. RECAMIER etablit pour caractere distinctif de la variole un point ombilique au centre du bouton, particularite qu'on ne rencontre pas dans les boutons de varioloi'des. Quelques membres affirment qu'ils ont observe ce signe dans les deux especes de maladies. II resulte de cette discussion, 1°. que Ton peut avoir une seconde fois la variole •, 2°. que le vaccin ne pre- serve generalement dela variole que pendant un certain temps : toutefois , M. BULLOZ fait observer que si la vaccine ne preservait de la variole que pendant un petit nombre d'annees, la ville de BesanQon, dans laquelle une epidemic de variole a regne en 1839, aurait eu eertainement un plus grand nombre de personnes at- teintes par cette maladie -, que les vaccines n'en auraient point ete exempts , comme ils 1'ont ete , ainsi que 1'ont remarqu6 tous les medecins , a Texception d'un ou de deux individus chez qui la vaccine n'etait pas bien constatee. M. FAIVRE-D'ESNANS fait connattre , ainsi qu'il 1'avait annonce, le moyen ou 1'agent medicamenleux avec lequel il a obtenu des guerisons d 'affections cancereuses : c'est du charbon animal prepare de la maniere sui- vante : tissu musculaire de b&uf prive1 de tissu cellu- laire; os de mouton mis en petits morceaux et place's dans un tambour semblable d ceux dont on se serf pour bruler le cafe; on le chauffe jusqu d ce que les parties animales soient enflamme'es et brulees : le re'sidu car- bonise' est mis enpoudre, et on en fait un opiat avec du miel et du mucilage de gomme adragante. On peut aussi donner ce medicament sous forme de potioo. 400 TROIS1EME SECTION. M. FAIVRE D'ESNANS, pour prouver refficacite de c6 moyen , soumet a la Section plusieurs observations de maladies cancereuses, pour lesquelles il a eu recours a ce medicament. La premiere concerne une femme de 50 ans , scro^ fuleuse, qui avail a un sein des plaies de nature cancereuse ; la glande mammaire etaildure e.t adherenle aux cdtes : Toperation n'etail plus praticable, et d'ailleurs la malade ne s'y serait pas soumise. Apres 1'emploi de quelques palliatifs , M. d'EsNANS conseilla le eharbon animal a Texterieur: des plumaceaux de charpie, re- couverts de cette poudre, furent appliques sur la plaie avec un cataplasme de carottes ; a 1'inlerieur, il le donna sous la forme de pilules : la dose fut successivement de 48, 20, 24, 36 et 40 grains par jour; plus tard il ajouta 1'extrait de belladone pour calmer les douleurs; le pus devint de meilleure nature sous 1'influence de ce trai- tement •, mais, Testomac ne le supportant pas faeilement, on le suspendit. On saigna la malade a raison de vives douieurs qui survinrent, et on revint au eharbon; le sein s'amollit, les points ulceres se cicatriserent, et au bout de sept semairies la malade fut guerie. La guerison dale de 5 ans, et depuis ce temps-la cette personne vaque a ses occupations. 2e. observation : une fille de 30 ans , atteinte d'un boulon carcinomateux, qui avail son siege sur la glande mammaire el qui etail susceptible d'elre operee, a ele guerie par Temploi du eharbon animal. 3e. : une femme recemment accouchee, ayanl une plaie aulour des deux mamelons avec engorgemenl des seins, fut guerie en peu de lemps par le eharbon animal administre a Tinterieur et a 1'exlerieur. 4e. : un homme atteint d'un cancer ulcere des tesli- TROISIEME SECTIONS 101 rules a ete gueri en trois semaines a Th6pital de Baume, parM. d'EsNANS, en employant le medicament dont il est question. 5e. : une dame atteinte d'un cancer uterin auquel elle a succombe , a eprouve du soulagement par 1'emploi de ce moyen. 6e.: un homme de 50 ans, atteint d'un squirre a I'estomac, a employe avec avantage ce medicament ad- ministre a 1'interieur. L'ordre du jour du 5 est ainsi fixe : . M. MAYOR lira deux Me'moires , Tun sur le point d'appuien chirurgie, et 1'autre sur les operations que Von doit pratiquer dans I'eau; M. le docteur MARTIN fera ensuite son rapport sur le Me'moire de M. OUSTALET. Seance du 5 septenibre. Presidence de M. MAYOR. ,*! '' ' „' '-, J . ~H ''I.''.' ~ .'. .:•>',..<• . •. , ,.\'~. iJ.'V* '• ' - -' ' Le proces-verbal a ete modifie en ce qui concerne les conclusions duMemoire de M. CARR^ sur I'efficacite de la vaccine. II a ete decide que la Section declarait que la vaccine preserve ge'ne'raleftient de la variole9 au lieu de dire qu "die nepre'serve que pendant un certain temps. M. MAYOR avait, au sortir de la derniere seance , engage les membres de la Section a assister a une de- monstration pratique de ses bandages, laquelle a eu lieu en presence de plusieurs medecins et des eleves de Tecole de medecine. L'habile chirurgien a explique d'une maniere claire et precise les differents precedes simples et ingenieux qu'il a inventes. 102 TROISIEME SECTION. La demonstration qu'il a faite de son bandage en fil de fer pour les fractures des membres, a suscite plusieurs questions. M. ODEPH, de Luxeuil, a demande si ce bandage devait etre prefere au bandage amidone qu'il applique avec succes , mais seulement lorsque les acci- dents inflammatoiressonttombes. M. MAYOR a repondu : Tout bandage reussit lorsqu'il est appliqu6 apres la chute des accidents inflammatoires •, mais le bandage en fil de fer qui est plac6 sur les trois quarts ou la moitie du membre fracture, a des avantages sur le bandage ami- done, en ce qu'il n'y a pas d'inconvenient a le placer immediatement apres la fracture , et en ce qu'il permet Tapplication de sangsues, cataplasmes, irrigations, etc. r si ces moyens deviennent necessaires. M. TOURNIER observe que M. VELPEAU applique le bandage avec la dextrine aussit6t apres la fracture, et qu'il n'en est jamais resulte d'accidents. M. le docteur VILLARS cite une observation d'un indi- vidu qui se fit une fracture de la jambe a laquelle un chirurgien distingue apposaaussit6t 1'appareil amidone : on croyait que la guerison faisait des progres, et ces progres parurent si grands qu'on engagea le malade a marcher, lorsque, quelques jours apres, il survint une odeur infecte dans le membre fracture; l'appareil enleve fit voir le membre sphacele', et 1'amputation fut regardee comme le seul moyen de conserver la vie a ce malheureux-, le succes qui s'ensuivit fit voir que le diagnostic etait exact. M. VILLARS fait connattre un second cas qui offre beaucoup d'analogie avec le precedent 5 c'est une fracture de cuisse traitee par l'appareil amidone , qui a etc suivie d'accidents si graves qu'on a pense quelques instants a 1'amputation du membre : ces accidents ont TROIS1EME SECTION. seulement determine un raccourcissement de cinq pouces. M. ViLLARSpense que si Ton n'avait employe dans ces deux circonstances 1'appareil amidon6 que quand les parties molles auraient ete dans un etat sain , il n'y aurait pas eu de resultats aussi facheux; 1'appareil deM. MAYOR permettant toute espece de pansement, doit par consequent 6tre prefere au bandage amidone. Aucunmembrene faisant de nouvelles observations, la discussion est terminee. M. MAYOR lit son Memoir e sur le point d'appui en chirurgie. Selon ce praticien distingue, le point d'appui en chirurgie est necessaire avant tout et pour tout ; on en a besoin dans tous les precedes operatoires et dans 1'ap- plication de lous les appareils. Les instruments dont on se sert ont leur point d'appui dans les doigts-, ceux-ci sont charges de corps etrangers, ils ont eux-m6mes besoin de points d'appui. II y en a de deux especes : les uns sont naturels, les autres artificiels. L'honorable President cite un grand nombre d'exemples de points d'appui •, il parle d'abord du cas dans lequel on se sert d'une echarpe pour supporter 1'avant - bras •, alors le point d'appui le plus naturel est la nuque •, un bouton ou une boutonniere constitueraient des points d'appui artificiels. II a ensuite parI6 de circonstances ou 1'echarpe sup- porte le tibia, oii Ton se sert du brayer, de la menton- niere, du suspensoir, de la main, de 1'avant-bras, du ca- theterisme , de la deviation du rachis, des luxations, etc. Les points d'appui sont tres-variables ; mais ils sont extraordinairement utiles et presentent des applications et des modifications cliniques du plus grand prix et du plus haut inter^t pour la pratique. 404 TROISIEME SECTION. L'heure elant deja tres-avancee , M. MAYOR lira demain son Me'moire sur les operations qui doivent se faire dans le.au. Seance du 6 septembre. Presidence de M. MAYOR. M. le President fait la lecture de son Memoire an- nonce dans la derniere seance. Comme il est reconnu que Fair est nuisible aux surfaces denudees, M. MAYOR pense qu'il est possible de les soustraire a son action en operanl dans 1'eau. Ce liquide permet de voir, il absterge la plaie, il montre les endroits d'oii jaillit le sang : il y a plus , dit M. MAYOR , c'est que 1'operalion est moins douloureuse. Un bain entier sera necessaire si Ton pratique 1'operation sur le tronc, tandis qu'un baquet suffit, lorsque c'est un inembre ou seulement une de ses parlies qui est soumis. aux operations. Selon M. MAYOR, les operations que Ton doitpra- tiquer dans Feau sont les incisions dans les articu- lations, la resection des extremites articulaires , Tope- ration cesarienne, lalithotomie par le haut appareil, etc. Prevoyant les objections que Ton peut lui adresser, il fait observer que les meilleurs precedes operatoires ne sont pas sans inconvenients. M. BONNET demande a M. MAYOR s'il a eu 1'occasion de faire quelques operations dans 1'eau : M. MAYOR repond que s'il en avail fait , elles auraient ele signa- lees dans son Memoire 5 il a seulement ouvert des abces qui avaient leur siege dans le voisinage des arliculalions femoro-tibiales , sans qu'il arrival aucun accident. TROISIEME SECTION. 105 M. TOURNIER demande si la ttnotomie ne devrait pas £tre plutdt faite dans Teau que toute autre operation ? M. MAYOR repond que la section des tendons n'entrafne pas de danger. M. VILLARS pense qu'il y aurait de Timprudence a pratiquer dans Teau 1'operation cesarienne, vu la grande mobilite de L'organe uterin* M. BONNET croit que 1'operation de Vempyeme de- vrait 6tre la seule pratiquee sous Teau. M. le docteur PRATBERNON donne lecture d'un Me- moire fort interessant sur les fievres et les empoison- nements miasmatiques : les details tres-etendus dans lesquels Tauteur est entre ne permettent pas d'en achever la lecture. M. le docteur BULLOZ annonce pour demain la lec- ture d'un rapport sur Tepidemie de petite verole qui a r^gne a Besan^on et dans quelques communes du de- partement du Doubs , en 1859. Stance du 7 septembre. Presidente de M. le docteur POURCY. ; - ; Apres 1'adoption du proces-verbal , la parole a ele donnee a M. PRATBERNON pour terminer la lecture de son M6moire, dont on ne reproduira pas Fanalyse, ce travail, d'apres le voeu de la Section, devant 6tre im- prime a la fin de ce volume. M. le docteur MARTIN lit son rapport sur le Memoirs tie M. OUSTALET : Le systems physiologique en me'decine a-t-il produit de grands wantages pour la thfrapeu- 5* IOG TROIS1&ME SECTION. tique ? Ce Memoire ne presente aucun fait nouveau ; mais il est fort bien ecrit, et Fauteur, qui joint beau- coup de zele & une grande instruction , lui paratt meriter une mention honorable. Les conclusions de M. le Rap- porteur sont adoptees. M. BONNET, qui a suivi les lemons de BROUSSAIS, dit que le cours de physiologic lui paraft bien preferable & celui de pathologic. M. le docteur MARCHANT fait hommage & la Section du prospectus d'un ouvrage qui a pour titre : Biblio- graphie anatomico-physiologique, auquel il travaille depuis un grand nombre d'annees. Get honorable confrere a senti , comme rimmortel CHAUSSIER, que, sans 1'anatomie et la physiologic, il ne pouvait y avoir de vrai medecin; il s'est done propose de rendre aux jeunes gens 1'etude de ces deux sciences plus facile , en leur indiquant les differents ouvrages oii ils pourront faire des recherches. Chaque article de cette Bibliographic est accompagne de notes critiques et historiques. M. le President adresse, au nom de la Section , des remerclments a M. MARCHANT, et 1'engage & continuer son ouvrage , qui sera d'autant plus utile , dit M. le docteur MARTIN, que ce genre de travail est trop neglige aujourd'hui, et qu'on ne s'occupe que de livres purement elementaires. M. PRATBERNON engage M. MARCHANT a faire im- primer son ouvrage et a en deposer un exemplaire dans la bibliotheque de I'ecole de medecine de notre ville, oii il pourrait 6tre consulte par les eleves. M. MARCHANT repond que termine, il appartiendra ^ M. POURCY, a qui il se propose de le dedier. M. BULLOZ lit son rapport sur I'tipidtmie de petite TROISIEME SECTION. 'IOT ve'role qui a re'gne' a Besancon et dans quelques com- munes du departement du Doubs pendant Vannee 1839. L'auteur signale le nombre des petiles veroles et des victimes de cette maladie. II pense que si 1'on vaccinait positivement ou avec succes tous les sujets variolables , on parviendrait un jour a detruire cette maladie si grave ; car, selon son opinion, le vaccin est le preservatif de la variole : mais il ne croit pas avec quelques medecins que le vaccin ait degenere. Nouvellement recueilli ou conserve depuis longtemps, ce fluide , quand il produit son effet, exempte de la variole. Seulement le vaccin vieux lui paralt avoir moins d'activite et d'energie que celui qui a ete recueilli sur la vache il y a peu d'annees ; il fournit des fails a 1'appui de cette opinion. Quant aux revaccinations qu'ii a faites en assez grand nombre et avec succes , il ne les regarde pas comme necessaires , a moins qu'on ne demontre par la suite qu'elles pre- servent des varioloi'des. Le President a consulte la Section pour savoir si le rapport de M. BULLOZ devait 6tre insere dans le recueil des travaux du Congres -, toute la Section a demande que les faits principaux y fussent consignes (i). L'ordre du jour du 9 est 1°. la lecture d'une brochure de M. COLOMBOT, de Chaumont, qui a pour titre : Documents sur la me'thode oste'otropique, ou nouveau systeme de reduction pour la cure des luxations ou appareils orbiculaires ; (1) Ce rapport ayant ete iinprime1 dans le 2«. Eecueil de I' Academic des sciences, belles-lettres et arts de Besancon, pour 1840, et dans fAnnuairc departemental du Doubs, pour 1841, les Secretaires g^neraux, du consentement de M. BULLOZ , ne Font point reproduit dans ce coropte rendu. 108 TROIS1EME SECTION. 2°. Lecture d'un Mdmoirc sur la fievre typho'ide, par M. OUSTALET fils, de Montbeliard ; 5°. Lecture du travail de M. le docteur JOUFFROY , sur les e'pidtimies des montagnes. Seance du 9 septembre. Presidence de M. le docteur POURCY. Apres la lecture du proces-verbal, le Secretaire a lu le Memoire de M. OUSTALET sur la fievre typho'ide. L'auteur s'est propose d'examiner le traitement de cette affection et son caractere contagieux. Il*assigne a cette maladie trois periodes distinctes qui necessitent une medication particuliere. Premiere periode : Si le sujet est fort, dix ou douze sangsues derriere les oreilles , ventouses scarifiees et cataplasmes emollients sur le ventre , lavements de meme nature , synapismes mix jambes et a la plante des pieds, boissous delay antes et mucilagineuses , vomitif avec Tipecacuanha , si la langue est saburrale. Deuxieme periode : Emplatres de sparadrap saupoudre de fleur de soufre et d'emetique appliques sur le ventre, vesicatoires sur les jambes, eau de poulet et lait pour boisson ; revulsifs energiques si la prostration fait des progres 5 la t6te rasee et cou- verte d'un v6sicatoire que Ton entretient au moyen d'une pommade irritante \ vesicatoires aux cuisses. Troisieme periode tonique : L'extrait de quinquina a la dose de 8 a 16 grammes dans les 24 heures; pour boisson une tisane vineuse et meme un peu de vin genereux-, le malade doit Gtre isole : tels sont les agents hygieniques que M. OUSTALET a soin de recommander. Ce traitement, ajoute M. le Secretaire, q«i n'est TR01S1EME SECTION. 109 accompagne d'aucune observation , ne nous parait pas rationnel. II nous semble ensuite que 1'autre question, qui est de demontrer la contagion de cette maladie , n'est pas resolue-, car les faits que M. OUSTALET rap- porte ne sont pas de nature a y faire croire. M. le docteur ODEPH partage 1'opinion deM. OUSTALET sur le traitement de cette maladie 5 il expose celui qu'il present et qui consiste en des purgatifs administres tous les deux ou trois jours : les faits qu'il expose demontrent la contagion de cette maladie. M. le docteur BULLOZ fait remarquer a M. ODEPH que le traitement de la fievre typhoi'de , propose par M. OUSTALET, ne consistant pas dans les purgatifs, il differe de Topinion de ce medecin sur les moyens curatifs a employer dans cette maladie. En resume, la Section pense que la meilieure me- dication des fievres typhoides n'est pas encore bien demontree ; que cependant les purgatifs sont les agents medicamenteux qui ont paru avoir le plus de succes , accompagnes sur tout des moyens de propret6 tant dans les vetements que dans les appartements. Elle pense que cette fievre est contagieuse. M. le docteur COLOMBOT , de Chaumont , dans une brochure envoyee au Congres , qui a pour titre : Document sur la mMhode ost e'ot ropique , expose un nouveau procede pour la reduction des luxations sca- pulo-humerales et coxo-femorales. Ce memoire est precede d'une analyse des principaux moyens imagines jusqu'ici pour perfectionner cette branche de la mede- cine operatoire. II decrit le procede de reduction des luxations a Tarticulation scapulo-humerale : ce pro- cede consiste a faire asseoir le malade sur le c6t6 d'une HO TROIS1EME SECTION. chaise, sur laquelle le haut de I'aisselle saine est appuyee au point de 1'articulation : on lui prescrit d'accrocher sa main au dos de cette chaise , pour y fixer le corps , afin qu'il resiste aux efforts de reduction. Pour operer, le chirurgien se place debout au devant du malade , quand la luxation est anterieure ; et derriere lui quand la luxation est posterieure a la cavite glenoidore 5 d'une main il saisit le poignet, et de 1'autre le coude du bras luxe pour flechir Tavant-bras sur le bras; puis, par une traction lente et graduee , il etend le membre dans une direction opposee a son developpement , pour rendre la t6te de Fos un peu mobile, et aussit6t qu'ii y est parvenu, il fait executer lestement au membre un mouvement de fronde en le portant circulairement en dedans ou en dehors par son extremite la plus eloignee du corps : la luxation disparaft sans la moindre difficulte. Le precede pour la reduction des luxations coxo- femorales consisle dans les operations suivantes : le malade debout, le corps place sur son extremite pel- vienne non-luxee 5 sa poitrine que Ton a fait flechir , repose sur un lit garni a la hauteur du bassin, ou sur une table de cette m£me hauteur, recouverte d'un matelas ; puis avec les deux mains il s'accroche au c6te oppose du lit ou de la table , afin de rendre son corps immobile pendant 1'operation. Le chirurgien se place derriere le malade , en dedans du membre luxe , si le displacement est interieur, et en dehors si c'est posterieur a la cavite cotyloi'de-, d'abord il applique une de ses mains & la face dorsale du pied pour flechir les jambes sur la cuisse difforme-, 1'autre main lui sert pour exercer du haut en has une pression moderee sur la region poplitee, afin d'allonger insensiblement les muscles dont il faut retablir Tharmonie; ensuile il dirige le membre de droite a gauche ou d'arriere en avant? TROISfeME SECTION. ill pour de" gager la t£te femorale du lieu de son depla- cement, et lui donner un peu de mobility. Cela fait, le chirurgien communique avec promptitude a toute la cuisse un mouvement orbiculaire ou de rotation cir- culaire de dedans en dehors , selon qu'il lui est facile , et 1'os se replace avec bruit dans Tarticulation. Plusieurs observations , consignees dans ce Memoire , attestent le succes de ce precede. L'auteur s'en rapporte a la haute intelligence de ses confreres pour apprecier une operation qui n'a jamais donne lieu au moindre inconvenient, et qu'il a toujours faite avec succes. L'ordre du jour indique la lecture du Memoire de M. JOUFFROY, sur les Epidemics des montagnes. Seance du 10 septembre. Presidence de M. POURCY. Apres la lecture du proces-verbal , qui a 6te adopte , il s'est eleve, a Foceasion du Memoire de M. OUSTALET, une discussion sur la fievre typhoide, de laquelle il est resulte que ce Memoire ne contient aucune vue nouvelle propre i eclaircir la th^orie de ces maladies ni d'in- duction therapeutique que Ton puisse joindre aux pre- ceptes trop generaux qui en dtrigent aujourd'hui le traitement. M. le docteur ODEPH dit que les antiphlogistiques sonl ordinairement nuisibles 5 il cite une epidemic de fievre typhoide qui regna dans un village voisin de Luxeuil 5 un seul malade succomba j il avail etc traite par les saigneesr 112 TROISlfeME SECTION. M. JOUFFROY, dans un Mdmoire sur les Epidemics de la montagne , leur assigns trois causes principales , la position topographique , Tinfection et la contagion. L'arrondissement de Pontarlier est dans une position toute particuliere : deux saisons seulement s'y font remarquer, 1'ete et Thiver. La premiere est courte ; la seconde tres-longue : les habitants ne pouvant se livrer aux travaux de la culture que pendant fort peu de temps, du mois de mai a la fin d'aout, s'extenuent alors de fatigues , ne prennent point de repos et n'ont pour reparer leurs forces qu'une alimentation grossiere. Soumis a ces causes de debilite, ils sont sous le poids de maladies epidemiques , qui n'exigent que fort rare- ment des emissions sanguines. M. JOUFFROY cite une epidemic de peripneumonie bilieuse , dans laquelle il a observe deux faits importants : 1°. La methode antiphlogistique, si rationnelle dans le traitement de ces affections inflammatoires , echoue constamment chez les montagnards, dont 1'energre vitale est proverbiale dans ces contrees. 2°. Le tartre stibie administre a dose vomitive, puis successivement porte jusqu'a la quantite de 60 centi- grammes donnes en 24 heures comme base de trai- tement de la maladie , amene generalement une heu- reuse issue. M. JOUFFROY donne ensuite comme exemple de la seconde classe, ou par infection , les fievrcs muqueuses qui regnent chaque annee , au mois de septembre, dans le village de St. -Point, maladies evidemment deter- minees par les emanations des rivages du lac , qui , a cette epoque de Tannee , sont a decouvert dans une grande etendue, puisqu'elles disparaissent apres les TROISIEME SECTION. premieres pluies, lorsque les eaux du lac ont repris leur niveau habituel. II cite , comme exemple de la troisieme classe , 1'e- pidemie de fievre du meme village, qui, en 1826, prit le caractere contagieux ; la fievre ayant atteint simultanement quatre enfants et une femme , qui , tous mal soignes dans une m£me chambre basse efc humide, manquant d'air et de lumiere, ne tarderent pas a engendrer des miasmes contagieux qui impri- merent a la maladie les caracteres de fievres typhoides, et des lors se communiquerent evidemment de maison en maison : il signale encore plusieurs autres epidemics dans lesquelles le transport de la fievre d'un village dans un autre, au moyen de parents ou amis, etait de toute evidence. La Section accueille avec interet la communication de M. JOUFFROY, qui rec.oit des remer- ciments par Torgane de son President. M. lie docteur VILLARS entretient la Section d'un instrument utile qu'il a imagine pour porter le cordon ombilical dans Futerus , lorsqu'il sort avant 1'enfant : il 1'appelle Omphalolabe. Get instrument consiste dans une tige de baleine mince et plate, longue de 50 cen- timetres , large de 3 centimetres , et echancree en demi-cercle a Tune de ses extremites : un fil de soie, passe aux cornes de ce croissant, recouvre et contient le cordon ombilical jusqu'a ce que-la main de Taccou- cheur 1'ait replace dans la cavite de 1'uterus. Alors rextremite du fil que tient le doigt de 1'accoucheur etant abandonnee, Tinstrument se retire librement. La Section ayant termine ses travaux, remercie7 par un de ses mernbres , le bureau qui a preside a 114 TROISIEME SECTION. ses discussions, et qui en a transcrit 1'analyse clans ses proces-verbaux. Le President, Dr. MATHIAS MAYOR. Les Vice-Presidents, Dr. POURCY. Dr. MARTIN. Les Secretaires, Dr. BULLOZ. D^. JOUFFROY. QUATRIEME SECTION. ARCHEOLOGIE. — HISTOIRE. Stance du 2 septembre 1840. La quatrieme Section a commence, sous la presi- dence de M. de CAUMONT, la serie de ses travaux par la formation de son bureau. M. L. VULLIEMIN, de Lausanne, a etc elu President; MM. DUVERNOY, ancien magistral, et BAUDOT, de Dijon, Vice -Presidents. M. de CAUMONT a invite MM. les membres de la Sec- tion a faire connaftre Tetat des travaux archeologiques et historiques dans la province, pendant les dernieres annees; M. DUVERNOY s'est charge de remplir cette tache. On a lu ensuite les questions du premier programme sur lesquelles plusieurs membres ont promis des com- munications. M. JULLIEN a pose cette question generate : « Quels seraient les meilleurs moyens d'organiser et de po- pulariser en France I'enseignement de I'histoire ? » Elle sera discutee dans une des prochaines reunions. M. de CAUMONT reclame un travail qui consisterait a determiner d'une maniere precise la topographie de la villeromainedeBesancon. M. DUVERNOY fait observer que ce sujet a etc, en quelque sorte, epuise par don BERTHOD, dans la dissertation qui fait partie du 2e. vo- lume des Documents ine"dits relatifs a I'histoire de la Franche-Comte', publics par 1'Academie. La Section 116 QUATRIEME SECTION. prie M. le bibliothecaire de la ville de mettre ce volume a sa disposition. M. de CAUMONT s'engage, s'il y a lieu, a etablir des comparaisons entre la cite ancienne dc Besanc.on, etdiverses autres villes d'origine romaine. M. DUVERNOY presenle une statuelte representant un salyre, trouvee dans les ruines de Mandeure, et sur laquelle il annonce quelques explications. M. VULLIEMIN lit tin fragment de sa continuation de Yhistoire de la Suisse par J. Mutter, dont le sujet est V insurrection de la campagne de Basle en 1591 . Cetle lecture pleined'interets sera reproduite dans une seance generale. . M. DAGUET, professeur d'histoire a Fribourg , promet de lire prochainement unMemoire sur les troubadours Suisses du 12e. au 14e. siecle. Les questions suivantes ont 6te posees par M. DU- VERNOY, qui s'est engage a les trailer : 1°. Quelles ont e'te'les relations de la ville impe'riale de Besancon avec les viltes Suisses dans les 156., 16e. etiT. siecles? 2\ Dans quelles cir Constances la Franche-Comte a-t-elle manifesto le voeu de se cantonner comme les Suisses , et quelles traces reste - 1 - il des negotiations ne'es de ce voeu ? 3°. De quelle nature ont e'te' les relations des Francs- Comtois avec les Suisses depuis la mort de Charles le Te'me'raire jusqua la re'union de la Franche-Comle au royaume de France ? Sur la demande de M. PERREY , le Secretaire lil le Memoire de M. 1'abbe GOUSSET sur I arc de triomphe QUATRIEME SECTION. Ill de Bcsangon. L'autcur de cette dissertation allribue ce monument a 1'empereur AURELIEN. Apres cette lecture, M. DUVERNOY demande que M. lebibliothecaire soit invite a deposer surle bureau le VESONTIO de/.-/. Chi/let, eH'histoire des Se'quanais par Dunod, pour faciliter les objections et les verifi- cations par le moyen des gravures de cette precieuse relique que renferment ces deux ouvrages. Comme les excursions scientifiques sont autorisees par le pro- gramme, M. PERREY a propose de visiter en corps cet arc de triomphe que Ton appeHe la Porte- Noire, et son avis est adopte. Cette excursion aura lieu apres la seance du 3. M. de CAUMONT demande une espece d'enquete sur les collections areheologiques qui existent dans la Franche-Comte , dans les provinces voisines et dans le canton de Vaud. Cette proposition a ete adoptee. Enfm , M. DUVERNOY donne quelques explications sur deux fails historiques remarquables qui lui ont
ites de 1'appareil de la guerre, je n'en ai trouve que trois ou quatre qui m'aient paru appartenir aux Galls et aux races teutoniques , c'est-a-dire a des nations qu'il etait convenu a Rome d'appeler barbares ; qualification que la nature et la grossierete de leurs monuments , aussi bien que la rudesse de leurs moeurs, nous forcent d'accepter, pour notre compte, avec resignation; car les restes de retranchements que j'ai a vous signaler, Messieurs , nous apparaissent avec le caraetere de 1'art encore a 1'etat sauvage, et qui avail tellement frappe les maitres dumonde, guerroyant dans la vieille Europe, qu'ils avaient quel- quefois trouve curieux de les decrire dans leurs annales. Vous ne vous attendez pas, Messieurs, a me voir etablir ici un parallele circonstancie des systemes strategiques qui presidaient au trace des lignes de defense railitaires chez les anciens : vous les connaissez mieux que moi. Personne n'ignore que la disposition du site ne permettait pas touj ours aux Grecs, par exemple, de ren- fermer leurs phalanges dans une circonvallation elliptique , ni aux Romains entreles angles droits d'un parallelogramme. La plupart des fortifications des Cesars dans les Gaules suivaient un perimetre subordonne aux accidents du sol, dans les localites ou la circon- stance les forc,ait a prendre position devant I'ennemi; et le plus souvent c'etait la plate-forme elevee d'une montagne dont le general, oblige de s'ecarter des principes de Vegece, isolait une extremite par un fosse plus ou moins profond , et par un vallum de gazon de vingt pieds de hauteur. Tels sont les retranchements romains d'Orchamps pres de Dole, et de Saint-Etienne de Coldre pres de Lons-le-Saunier, dont vous trou- verez la disposition dans le Recueil d'antiquites du comte de Caylus , d'apres les documents fournis par M. de Montrichard-Fronteuay. Tels sont aussi (je le presume du moins sur 1'imposant temoignage de M. Edouard Clerc, que nous regrettons bien vivement de sentir eloigne d'un Congres scientifique ou il auraitbrille); tels sont aussi , disons-nous, les camps de Peseux aux environs de Moritbeliard , el de Mont-Verrat, pres de Champlilte. Tel est enfin celui de Sermus sur les rochers abrupts de Baume-les-Messieurs , dont on ne trouve 1'existencc constatde nulle part dans les Memoires de nos savants. Dans tous ces restes d'antiquites guerrieres , vous reconnaitriez , QUATRIEME SECTION. 137 Messieurs, pour caractere principal, non la forme symetrique exigee par les regies de 1'art romain, mais du moms le rempart de gazon dominant le fosse ; tandis que , dans les campements d'origine bar- bare, le vallum se trouve erige en roches brutes et sans assises, comme le disent assez clairement J. Cesar, dans les Commentaires de la guerre des Gaules, et Tacite dans ses Annales et dans son Histoire. Quelquefois le rempart chez les Galls etait un mur sec , et d'au- tres fois c'etait une construction formee de lits alternatifs de pierres, de gazon et de pieces de bois; nous n'en avons plus d'exemples aujourd'hui dans 1'ancienne S^quanie. D'autres foisle vallum etait, suivant Cesar, un mur forme par as- sises , de grandes pierres assemblies sans ciment , et a la hauteur de six pieds, comme etait la fortification gauloise d'Alexie (1), ou celle de Clermont (2) : In medio fere colle , in longitudinem, ut natura montis ferebat, ex grandibus saxis sex pedum murumqui nostrorum impetum tardaret, prccduxerant Galli, atque inferiore omni spatio, vacua relicto, superiorem partem coltis usque ad murum oppidi densissimis castris compleverant. Caractacus , general breton , souleve centre 1'empire romain , la dixieme annee du regne de Claude , s'&ant retire chez les Ordovi- ciens, rangea sou armee en bataille sur les montagnes escarpees; et, du cote le plus accessible de sa position , il erigea un rempart de cailloux ou de blocs de rochers, in modum valli saxa prcc- struit (3). Cerialis ayant fait avancer ses legions de Mayence a Rigol, qui se trouve entre le cours de la Meuse et la chaine des Vosges , y ren- contra Valentinus retranche avec une troupe de Trevires : Quern locum magna Treverorum manu Valentinus insederat, montibus et Mosella amne septum , etc. , et addiderat fossas obicesque saxo- rum (4). Voila suffisamment de citations pour e"tablir que les entassements de pierres non cimentees sur la ligne de circonvallations militaires, faisaient tous les frais de constructions de remparts, parmi les peu- ples que les Romains avaient a combattre : il nous reste a vous en citer des exemples tires des pays celtiques que nous habitons. II me semble desormais ne pas m'eloigner de leur veritable origine, si j'attribue a des armees Germaniques et Gauloises les castrameta- tions de Cita, de Charriez, de Montarlot-les-Champlitte et de (1) De hello gallico , lib. vn , g. 69. (2) Ibid, g 46. (3) Annal. , lib. MI. (4) Hist. , lib. IT. 138 QUATRIEME SECTION. Bourguignons-les-Morez , que le departement de la Haute-Saone fournit encore a la curiosity des investigateurs. CITA. A uii kilometre sud de Vesoul , line montagne dont le plateau n'a que 275 metres de diametre moyen, se montre encore couronnee d'une espece de rempart forme d'uue jetee de pierres sans liaison. La partie de ce vallum qui regarde le reste de la colline peut avoir de 6 a 7 metres de sommet. Je n'y ai trouve aucun fragment de tui- leaux remains ; le pere Dunand avait deja fait la meme observation en 1782. Si M. £douard Clerc, mon savant confrere, avoue qu'il ne sail si ce camp est Romain ou Gaulois, comment oserai-je vous dire, moi, Messieurs, que je ne regarde pas la question comme douteuse ? II ajoute qu'aucune denomination antique ne peut non plus nous eclairer sur son origine ; mais qu'est-ce done que celle de Cita, si ce n'est pas une denomination antique ? On la retrouve ail- leurs, attachee a une autre castrametation, celle de Vandceuvre, pres de Nancy, dont parle M. de Golbery dans sa lettre a M. Matter, cas- trametation que Ton nomme dans le pays la Cite d'Afrique. Je pense, Messieurs, que vous ne trouverez pas une grande difference entre Cita et Cite. Reste a savoir maintenant ce que Ton doit en- tendre par Cite, c'est ce que je livre volontiers a la curiosite des amateurs pour passer a un autre objet. CHARRIEZ. Le camp de Gradion (que 1'on appelle dans le pays Camp de Cesar, parce que le peuple qui ne se pique pas d'erudition attribue a ce general tout ce qui lui reste d'antique, et auquel on arrive par un chemin communal nomme, dit-on, le Chemin des Romains] est d'uue forme aussi irreguliere que le bord du plateau de la montagne ou il est assis. La c'est aussi une enceinte de pierres brutes entassees qui defendait 1'acces du camp. Point de tuileaux^point de debris d'antiquite romaine; cependantM.Marc et M. Clerc sont portes a croire que c'est un ouvrage des soldats de 1'Italie; pour moi, je ne puis attribuer a ce peuple un genre de travail qui caracterisait les nations barbares. Je n'aime pas a faire des conjectures purement systematiques , et je dois surtout m'en abstenir en presence des savants qui me font Thonneur dem'ecouter; c'est pourquoi ce n'est qu'avec une juste timidite que j'ose leur proposer de voir dans les camps de Charriex et de Cita , au voisinage desquels on voit d'ailleurs des monuments Celtiques (des restes de dolmens) , soit des Oppida gaulois , oil les populations se retiraient en cas de guerre , soit des postes de 1'armee QUATRIEME SECTION. 139 d'Arioviste, lorsque ce roi des Germains occupait militairement le tiers de la Sequanie, avant 1'arrivee de Cesar. MOM ARLOT- LES- CHAMPLITTE. Le bois au-dessus de 1'Osseigne couvre un camp qui nous pre- sente encore un immense vallum de pierres d'environ 526 metres de longueur entre la Combe-Saint-Martin et la Cote de la Bataille. II y a 9 metres de base et 4 de sommet. Des tumuli se font remarquer dans la pente de la colline , ou Us sont designes sous le nom de Chatelets de la Malcote. Le voisinage de la frontiere des Lingons , la direction du chemin de Langres sur Besancon , me donnent lieu de conjecturer que c'est ici le camp ou les Sequanes s'opposerent a la marche de Sabinus insurge contre la domination de Rome, sous 1'empire de Ves- pasien. BOURGUIGIVON -LES- MOREZ. Entre le village de Bourguignon et celui de Morez s'deve une montagne dont la plate-forme s'entoure d'un vallum semblable a ceuxdont je viens d'indiquer le principal caractere. La aussi, le nom remain, partout si familier aux souvenirs populaires, s'est attache a une espece de puits situe vers le centre du camp; mais cette denomination qui n'est justifiee par la presence d'aucun tui- leau, d'aucune poterie, d'aucune pierre de taille ou d'appareil (car j'ai moi-meme en vain cherche ces preuves), ne m'en impose guere; et bien qu'a travers les taillis qui voilent la surface de ce camp , on m'ait montre des clairieres auxquelles les amateurs zeles se plaisent a imposer gratuitement les noms de Champ de Mars , de via principis , et peut-etre de pretoire, comme si 1'emplacement de ces quartiers devait plutot avoir resiste a la vegetation que les autres; je ne puis me decider a attribuer une telle castrametation a d'autres soldats qu'a des Burgundes de la premiere invasion (409). Le nom de ces Bourguignons-Vandales reste au village qui s'est forme au pied de la colline, n'est-il pas la pour 1'attester ? Et si vous desirez, Messieurs, avoir un point de comparaison pour vous con- firmer dans la probabilite de ma conjecture, rappelez-vous qu'au diocese de Langres , et pres de Nancy , il y a deux lieux nommes Vandoeuvres , ou il existe aussi deux camps antiques. Or, Vandoeu- vre, traduit coustamment par Vandopera (comme si Ton disait Vandalorum opera, 1'ouvrage des Vandales), est une denomination commemorative, parfaitement analogue a celle qui nous interesse et qui est bien propre, selon moi, a justifier rattribution que je fais de 1'ouvrage militaire de Bourguignon-les-Morey aux Bourguignons Vandales. 140 QUATRIEME SECTION. Ici finit, Messieurs, la tache que je me suis imposee pour payer a la 4e. Section du Congres scientifique, une sorte de tribut que je ne m'attendais guere a lui apporter, resolu que j'etais de rester spec- tateur passif de vos luttes savanles. L'exemple est stimulant et le zele des autres est une loi pour nous. Us m'ont entraine. Je n'ai pas voulu sortir de ce brillant concours de talents divers , sans y donner la preuve de I'influence qu'il est fait pour exercer sur tous les esprits. Mais je regrette que M. Marc et M. Clerc, deux autorites pour moi, et de qui pourtant j'ai eu la t&nerite dem'ecarter, ne soient point la pour rectifier eux-memes les hearts ou je pourrais m'etre fourvoy6; car si j'eprouve presque de la honte a ne pas me trouver de leur avis, je n'en ressentirais point a convenir devant eux de ines erreurs. Aureste, j'en ai ete loyalement prevenu, le sentiment nouveau, que je viens d'emettre sur la distinction a faire entre les divers camps antiques de la Se"quanie, ne doit point passer sans opposition ; et c'est un avantage pour 1'auditeur. Cette opposition sera d'autant plus formidable a mes propositions , qu'elle partira d'une main plus exercee a la dialectique; et j'en fais 1'aveu d'avance, mes convictions, quoique fermes et profondes jusqu'a present , ne tiendront peut- etre pas longtemps centre le savoir de M. le professeur Bourgon, auquel je suis toujours pret egaleinent a rendre les armes. M. le professeur BOURGON manifeste le desir d'etre entendu demain , dans les observations qu'il se propose de faire a Toccasion du Memoire que vient de lire M. D. Monnier. M. Jules PAUTET, ancien secretaire de I'Academie de Dijon , rend compte de la decouverte d'un tombeau antique, faite en 1819, au bord d'une voie romaine pres de Beaune, departement de la C6te-d'0r. Dans sa dissertation qui est accueillie avec faveur, il determine avec sagacite les attributs et les fonctions des person- nages representes en bas-reliefs sur ce monument gallo- romain. On y remarque un personnage, vetu d'une longue robe , tenant de la main droite une coupe , et de la gauche une serpe. L'auteur croit, avec beau- coup de probabilite, y reconnaftre un druide-, mais comme Tensemble du monument lui a paru dater de QUATRIEME SECTION. 141 la decadence de Tart , et par consequent d'un temps posterieur a Tabolition du druidisme dans I'empire , il suppose que le pretre gaulois avait ete un des ascen- dants les plus distingues de la dame deposee dans ce cercueil. L'epitaphe placee sous la figure en demi- relief de ladefunte, qui tient la quenouille et le fuseau, attributs des occupations de son sexe, est ainsi conc.ue : MONIMENTV SAC VRI A MVACIE. que le celebre antiquaire d'Auxonne, feu M. GIRAULT, a retablie ainsi : Monimentum sacratum Uxori Aulus Munacius erexit. M. BOUILLEROT, juge de paix du canton de Vitrey, fait part de quelques observations sur les mines qui se trouvent dans ce canton. L'auteur lit quelques pages de son interessant Memoire, auquel il a eu soin de joindre une carte itineraire et monumentale du pays qu'embrasse 1'etendue de ses recberches •, mais 1'heure tardive ne lui permettant pas d'en terminer la lecture , il est prie par M. le President de deposer sur le bureau son travail pour 6tre mis a la disposition desmembresdu Congres qui se montreront empresses dele consulter. Ordre du jour de la seance du 7. 1°. Reponse de M. DUVERNOY aux questions posees par M. VULLIEMIN , sur les relations qui ont existe' entre la Suisse et la Franche-Comte'. 2°. Proposition de M. JULLIEN (de Paris) concernant les moyens d' organiser et de populariser V enseignement de I'histoire nationale. 142 QUATRIEME SECTION. 3°. Reponse de M. BOURGON a la notice de M. Desire MONMER , sur les castrame'tations barbares. 4°. Details donnes par le meme sur une inscription grecque existant a Mandeure. Seance du 7 septembre. Presidence de M. VULLIEMIN. Le proees-verbal , redige par M. D. MONNIER, n'ayant donnelieu a aucune reclamation, est adopte. L'ordre du jour est la reponse de M. DUVERNOY , de Montbeliard, aux questions de M. VULLIEMIN, sur les relations qui ont existe entre la Suisse et la Franche- Comte, pendant le moyen age jusqu'a la conqu6te de la Franche-Comte par Louis XIV. Cette communication pleine de fails historiques, pour la plupart inedits , et tres-utiles pour la res- tauration des annales Franc-Comtoises, trop souvent defectueuses , est un resume chronologique , dont on ne peut donner qu'une analyse tres-incomplete. M. DUVERNOY, apres avoir fait remarquer la nou- veaute du sujet, qui, malgre son importance, n'a jamais exerce la plume de nos historiens d'une ma- niere speciale, declare que n'ayant pu disposer que d'un temps tres-court, il n'apporte qu'un faible con- tingent a un travail qui exigerait, dit-il, une main plus habile (i). II jette un coup d'oeil rapide sur Fetat de la Sequanie depuis Cesar jusqu'a 1'avenement des (i) M. Duvernoy a complete ce travail important qui doit pa- raiire incessamment dans le Musee neucMtelois, journal litteraire public sous la direction d'un bomme de merite. QUATR1EME SECTION. 143 rois Rodolphiens en 1'annee 888. II rappelle que la Rourgogne cis et transjurane subissait la loi de ces princes, et qu'a leur extinction ces deux contrees passerent, ayecle royaume d' Aries , sous la domination des empereurs d'Allemagne, auxquels le dernier roi Rodolphe III, mort en 1052, avait legue ses etats. Des 1'annee 1057 l'e*mpereur Henri IV en donna legouver- nement a Rodolphe, comte de Reinfeld, son beau- frere , qui etait en m6me temps Fun de ses plus braves et de ses plus puissants chevaliers. Mais 1'ambition poussa Rodolphe a la revoke, et, des 1077 jusqu'a sa mort arrivee trois ans apres , il fitune guerre acharnee a son bienfaiteur dont il voulait usurper le tr6ne. Apres lui, le rectorat de Rourgogne passa a son fils Rer- thold. Telle est du moins I'opinio.n de M. le baron de GINGINS, qui 1'a developpee avec beaucoup de science et de sagacite dans un Memoire recemment public. Cependant M. DUVERNOY pense, au contraire, que notre comte Guillaume, qui a merite le surnom de grand , succeda au comte de Reinfeld 5 qu'apres lui son ills Renaud II fut rev^tu de la dignite de recteur, et qu'a son deces, arrive «n Palestine la derniere annee du xne. siecle, cette dignite passa d'aborda Guillaume, ditTAllemand, aussi comte de Rourgogne.; puis apres Tassassinat de ce prince a Payerne en 1125, a son fds Guillaume 1'enfant, qui deux ans apres eut un sort non moins tragique, et fut comme son pere inhume dans Ffle du lac de Rienne , appelee aujourd'hui St. -Pierre. Rainaud III, cousin de Guillaume 1'enfant , se porta son heritier •, mais ayant refuse de faire a 1'empereur Lothaire II , et a son sue- cesseur Conrad de Hohenstauffen , les foi et hommage accoutumes, il fut declare rebelle, mis au bane de 1'empire et depouille du rectorat dont 1'empereur in- vestit Conrad due de ZaBringen. Le detail des guerres 144 QUATRIEME SECTION. longues et acharnees que sefirent les deux rivaux, ne peut trouver place ici 5 il suffira de dire que Renaud III, par son heroi'que resistance, merita le surnom de franc-comte que ses contemporains lui decernerent, pour avoir su defendre son independance et se main- tenir dans la possession libre du comte deBourgogne, jusqu'a sa mort arrivee en 1148. Mais a c6te de cet antique heritage il avail conserve dans la partie du pays d'Outre-Joux , la plus voisine de son comte, la suzerainete sur les villes d'Orbe , Payerne , Yverdon , sur le chateau des Glees, etc. Otton, premier comte palatin de Bourgogne, obtint de son pere Tempereur Frederic-Barberousse, le comte de Lentzbourg (1275). II possedait en outre , ainsi que son gendre Olhon due de Meranie, plusieurs forteresses, villes, etc., dans les dioceses de Coire et de Constance, qui passerent & Hartman le jeune, comte de Kybourg, par son ma- nage avec Elisabeth, fdle alnee de Hugues et d'Alix , comtes palatins. Plusieurs hauts barons de la Cisjurane etaient ega- lement possesseurs de domaines importants de 1'autre cote des Monts. Tels ont ete les seigneurs de Mont- faucon, deux fois souverains du comte deMontbeliard, qui, des le xne siecle et successivement, avaient acquis, soil a charge de fief, soil en franc-aleu, Orbe, Yver- don, Echallens, Montagny-le-Courbe , Bottens, Oron, Palesieux, Franquemont, Bavois, Suchy, Courcelles sur Chavornay, Esclepens, Assens, une partie d'Es- tavayer et la grande foret royale de Biolay-Orjulaz. La seigneurie de Yalangin etait deja en 1282 de la mouvance du comte de Montbeliard, et les comtes de Neufchatel n'ont point hesite, notamment en 1334 et 1357 a reconnaltre cette directe qu'ils ont contestee plus tard. Tels ont ete encore Jean de Bourgogne, comte de Chalon, et sa nombreuse posterite. En 1337 QUATRIEME SECTION. 145 Berlhold, seigneur de Neuchatel, se reconnalt son vassal pour la vallee de Travers; et en 1288, 1'un de ses fils , Jean , baron d'Arlay, obtient de 1'empereur Rodolphe de Habsbourg, son beau-frere, la suzerai- nete sur le comte meme de Neuchatel , suzerainete qui ne commenga a £tre meconnue que vers la fin du xve. siecle. Jean de Chalon, qu'on a surnonlme TAntique, possedait d'ailleurs, dans le pays de Vaud, toute la contree depuis Mormin jusqu'a Prangin et une portion du lac de Geneve. L'archevfique de Besangon, qui en tenait une autre partie, etait seigneur dominant a Nyon et sur son territoire , dans les villages de Prornenthoux , Etrelles pres deMont, etc. ; il jouissait, de ra^me que 1'abbe de St. -Claude, de plusieurs droits honorifiques et utiles dans le diocese de Geneve. Des 1'annee 1040, le chapitre de notre metropole avait a Cully et a Riez , dans la seigneurie de Lutry, des proprietes dont il disposa deux siecles apres en faveur de 1'eglise de Lau- sanne. D'autres nobles du comte possedaient aussi de grands biens dans la Transjurane, et quelques-uns m&me y avaient forme des etablissements permanents. Panni eux etaient les comtes de Glane, issus de la maison de Vienne, et fondateurs del'abbaye de Hau- lerive, les sires de Joux, les Tramelay qui, des le com- mencement du xne. siecle, tenaient le village d'Essert sous Champvant; les preux de Vergy, seigneurs de Champvant, devenus plus tard bourgeois de Berne et de Fribourg, les LaBaume, les Bougemont, les la Palu de Varembon, comtes de la Boche, admis egalement a la Bourgeoisie de Berne, ainsi que les habitants de leur ville de St.-Hypolite, en Tannee 1499. D'autre part, des membres de plusieurs families Transjuranes , non moins recommandables par Fanti- quite de leur race que par leurs grands services, vinrenl s'etablir dans le comte de Bourgogne : de ce nombre 7 146 QUATRIJ&ME SECTION. furent les sires de Grandson, seigneurs de Pesmes; les de Blonay, seigneurs de Joux ; les Gumoens, sires de Dampierre sur le Doubs ; les Asuel ou Hasembourg, issusdes comtes de Neuchatel; les Tavannes, seigneurs de Saulx et de plusieurs autres lieux •, les Montagney, qui se fixerent dans la terre de Passavant ; les Corraon- dr&she, Diesse, Wandelincourt, Rocourt, vassaux du comt6de Montbeliard, etenfin, au milieu du xvie. siecle, deux des fils de J.-J. Watteville, avoyer de Berne, Gerard et Nicolas, qui tous deux ont rendu d'utiles services £ leur nouvelle patrie, et dont le dernier re- jeton, Dom Juan, petit-fils de Nicolas, mort en 1702 a 1'age de 84 ans , a jou6 parmi nous et dans plusieurs autres contrees de FEurope, un rdle assez tristement celebre. L'abbaye d'Agaune, qui, des Tan 522, devait aux li- beralites du roi St.-Sigismond un grand territoire dans lecomte de Bourgogne, I'infeoda, qualre siecles apres, ^ Alberic de Narbonne, fondateur de la maison de Salins. CTetaientle chateau de Bracon , les salines aux- quelles la ville qui les renferme doit son origine dans Tintervalle de 941 & 1029, la chaux d'Arlier et le val de Mieges. Le val de Vennes appartenant au mSme monastere fut donne plus tard, aussi sous condition de la mouvance & la maison de Belvoir. L'ev£que de Geneve, possesseur de la Villa Tauriaca, aujourd'hui Bulle, en gratifia le prieure de Bomain Moutier vers 1072. Ce prieure, dont notre comte Guillaume le Grand 6tait Tavoue, percevait de nombreuses redevances et avail des proprietes en terres et en hommes dans un grand nombre de lieux qui dependent aujourd'hui de Farrondissement de Pontarlier-, tels queBannans, Bulle, Usier,Chaffois, Ste.-Colombe appelee autrefois Bretsen- dans, Gelin, etc. II percevait aussi des rentes en sel & Salins et a Lons-le-Saunier. De pareilles rentes dues QUATR1EME SECTION. 147 la plupart a la pieuse munificence du comte Jean 1' An- tique, ut essentiel est de former le coeur a la vertu, et 1'esprit a la verite. Son enseignement se trouve quelquefois confie a des hom- mes qui , par faiblesse , par ignorance ou par corrup- tion, s'enfont un instrument denial 5 mais les meilleures choses ont le mem.e sort. La philosophic n'est pas plus responsable de Tabus qu'en font d'indignes repfdsen- tants, que la religion ne Test des exces commis en son nom. M. PERRON -signalepmsieurs lacuhes dans le travail, de M. du COETLOSQUET. II parle sur renseignement actuel de la philosophic en France; il le classe en deux modes distincts , celui qui est suivi dans les eta- blissements universitaires et celui des etablissetnents ecclesiastiques. L'enseignement ecclesiaslique n'admet pour guide, pour base, pour regulateur, qu'une cer- taine sorte de manuel de philosophic de Lyoh, oil 178 CINQUIEME SECTION. les questions de logique, de theodicee, de morale, sont abordees d'une maniere assez complete. Puis il ajoute que, dans .cet enseignement , la psychologic n'existe reellement pas, etqu'on yenseigne, dans la discussion, la forme syllogistique , triste heritage de la scolastique. Dans Fenseignement universitaire , au contraire , la psychologic tient une large place, les travaux des Ecossais y.sont suivis avec soin, la logique y tient de la philosophic allemande; si la morale y est etudiee sous toutes ses faces, la theodicee n'y est pas suivie avec de grands developpements. M. PERRON indique les sources auxque.lles a ete puisee la philosophic enseignee en France; il signale Descartes et Bacon , comme ayant laisse des traces dans cet enseignement 5 il parle de Finvasion de la philo- sophic ecossaise de Thomas Reid, popularisee en France par M. Royer-Collard et d'autres philosophes. II signale M. Cousin comme ayant ouvert la porte a la philosophic allemande , et il confere a cette derniere , au kantisme surtout , Fhonneur d'avoir eleve une digue infranchissahle au sensualisme ; mais il montre le re- vers de la medaille et parle des ouvrages nebuleux que cette philosophic a fait naftre, oii les jeunes auteurs ont pris 1'obscurite pour la profondeur. M. LECERF soumet une proposition qui a pour but de provoquer, voyant cette incertitude de 1'enseigne- ment philosophique en France , la redaction par 1'uni- versite d'un programme qui serait impose 'a tous ses membres. M. VULLIEMIN, de Lausanne, fait observer qu'en Allemagne , non-seulement 1'histoire de la philosophic tient une large place dans Tenseignement de cette branche des connaissances humaines , mais qu'elle en fiorme corame Fintroduction, comme lesprolegomenes. (JINQUIEME SECTION. \ 79 La discussion philosopnique est renvoyee a fa seance prochaine. M. Jules PAUTET fait hommage au Congres de son volume de poesies intitule : Chants du soir. M. le President remercie 1'auteur au nom de la Compagnie. M. Tabbe DURONZIER communiquera prochainement des fragments d'un Essai sur les radicaux des lan- gues, et spdcialement sur ceux de la langue grecque. M. WEISS, sur Tinvitation du President, donne lecture d'une notice biographique de M. Doublet de Bois-Thibaut, sur Charles-Henri-Franc.ois Herisson, de Chartres , qui est ecoutee avec inter^t. M. AGNANT a la parole : il lit trois fragments d'un poeme inedit , dont le sujet est emprunte aux fastes de TEspagne. Le premier fragment a pour titre Remords, le second le Chant , le troisieme la Priere. M. JULLIEN, de Paris, se propose de lire dans 1'une des seances subsequentes une notice biographiqne sur sir SIDNEY SMITH, ainsi que diverses pieces de poesie. M. PORCHAT, sur la demande de M. DUVERNOY, promet de choisir quelques~uns de ses morceaux de poesie pour la seance publique, et deja il lit deux gracieuses pieces de sa composition-, ce sont les deux tisons , et les Peches. On en donnera la lecture en seance generale. On fixe ainsi Tordre du jour de la seance prochaine : 1°. Continuation de la discussion de la lre. question du programme. 2°. Lecture de M. ZUNDEL. 180 CINQUIEME SECTION. Seance du 4 septembre. Presidence de M. PERENNES. Le proces-verbal est lu et adopte sans reclamation. L'ordre du jour appelle la continuation de la dis- cussion engagee dans la seance precedente. M. LECERF croit a la necessite de changements ra- dicauxdans Fenseignementde la philosophic en France, et formule ainsi sa pensee : « Sur la 2e. des questions » relatives a la litterature et a la philosophic, j'ai » 1'honneur de proposer au Congres de declarer qu'il )> est convaincu que 1'enseignement philosophique , tel » qu'il existe aujourd'hui en France, presente les plus » graves inconvenients -, qu'il est necessaire d'y apporter » des changements, et que la premiere et essentielle )> condition, pour parvenir aux ameliorations, est que » 1'universite fasse rediger un programme d'enseigne- » ment de la philosophic dans les facultes et dans les )> colleges , auquel tous les professeurs soient obliges )> de se conformer. » II y a un programme arrete dans les Academies, dit M. LECERF, pour 1'enseignement des sciences po- sitives et legislatives, la philosophic seule n'est sou- mise a aucune regie fixe ! La philosophic n'est done pas une science ! Est-elle utile ou ne 1'est-elle pas? Dans cette derniere hypothese, il faut en supprimer Fenseignement-, dans la premiere il faut 1'asseoir sur des bases fixes. C'est un veritable malheur, ajoute-t-il , que la diver- site de 1'enseignement philosophique pour lequel chaque professeur a le champ libre; puis parcourant avec une piquante originalite les diverses manieres de professer, les reflexions deM. LECERF excitent a plusieurs reprises CINQU1EME SECTION. !8i un6 hilarite approbative. II ne faut pas, dit-il, en terminant, laisser la philosophic abandonnee au libre arbitre de chaque professeur ; mais il ne faut pas non plus en circonscrire 1'enseignement dans un manuel tyrannique ; il suffirait de planter des jalons pour guider le professeur dans sa marche , sans la g6ner $ ce pro- gramme serait fort difficile a formuler : mais on y par- viendrait en faisant un appel a tous les hommes spe- ciaux. II demande que le Congres se prononce sur cette question, son avis devant avoir quelque poids aupres de ceux qui sont appeles a regler la matiere. M. 1'abbe DURONZIER avoue que les bases de la phi- losophic sont trompeuses •, mais il s'eleve centre Tidee d'un programme qui generait le libre arbitre des pro- fesseurs; ce serait, dit-il, les forcer souvent a s'egarer dans un sens contraire a la verite. La philosophic n'esl pas une science faite, car jusqu'ici qu'a-t-elle appris aux hommes ? Convenons-en , elle a peu de present , elle n'a que de Tavenir, et ce serait gener cet avenir que de limiter, pour ainsi dire , la pensee du professeur par un programme exclusif. Passant ensuite en revue les diflerents systemes des philosophes depuis Platon, il arrive a Descartes et a Malebranche qu'il caracterise. Locke et Condillac, ajoute-t-il , c'est le sensualisme devenu spiritualisme ; quant a Feclectisme, iln'y trouve rien quine mene tout droit auvrai pantheisme. La philosophic se fonde sur Texperience qui, si elle reussit pour la physique, est sans puissance pour lametaphysique. L'orateur fait en- tendre le mot de revelation, puis il s'arrete, ne voulant pas aborder la question sous un point de vue qui est interdit a nos discussions. D'oii viennent done , dit-il, les verites generales? D'oii vient done la vue supreme de la verite?... Tant que la philosophic restera clans la 182 C1NQCIEME SECTION. voie de 1'observation , elle hesitera, et si Ton confie a un corps enseignant le soin de dresser un programme, ce sera imposer les opinions arbitrages de quelques-uns a tous. Si les petits seminaires restent, sous le rapport de la philosophic, un peu en arriere de Tenseignemenl ordinaire , c'est que la est connue la seule vraie source de la philosophic. Toute science, dit-il, enterminant, doit 6tre formulee par un principe d'en haut el non pas un principe d'en has. M. le President croit devoir rappeler les termes monies de la question , afin de mettre les personnes qui prennent part a la discussion , a meme de repondre directement aux propositions de M. LECERF. M. le professeur PERRON demande a continuer la discussion sur le terrain oii elle etait placee hier. II re- produit les quatre parties de la question , et rappelle sommairement ce qu'il a dit a la derniere seance. A Tassertion de M. LECERF, qu'il n'y a pas de programme arrele pour 1'enseignement de la philosophic , il repond qu'il y en a un, bien qu'il soit dans la nature de la phi- losophic de n'etre jamais fixee, stable, arretee. Ce programme, c'est celui du baccalaureat es-lettres; il faut que les professeurs en suivent Fesprit. Si la ma- niere precise dont les choses doivent 6tre professees n'y paraft pas, cela ne resulte-t-il pas de la nature des questions rnemes ? Revenant sur les services du kantisme, il signale Broussais , comme ayant personnifie le sensualisme, il le montre champion de Gall et de Spurzheim, mena- c,ant le spiritualisme par la puissance de son action sur la masse de son auditoire, action contrebalancee heu- reusement par des hommes distingues qui sont venus avec des preuves, des moyens, des materiaux en main , repousser le sensualisme et par suite le materialisme. CINQTJIEME SECTION. 185 Abordant la psychologie qui nous vient de la philo- sophic ecossaise, il avoue que son systeme n'est point fait, les materiaux qui doivent servir a I'etablir s'amas- sent chaque jour , mais il n'y a rien encore d'arr6te. Passant a I'enseignement actuel, M. PERRON signale les louables efforts faits par le gouvernement pour em- p6cher que la religion soit jamais attaquee dans Tensei- gnement de la philosophic ; il applaudit a ces efforts et signale les soins qu'ont apportes plusieurs ministres a Tetude de cette haute partie des connaissances hu- maines. II dit qu'on a, depuis 1850, abandonne la forme latine et syllogistique, il montre Tabus que Ton peut faire du syllogisme, mais il ne le proscrit pas dans un sens absolu-, il signale les progres de I'enseigne- ment philosophique en France. La logique, dit-il , est presque faite; Aristote contient toutes les idees fondamen tales de cette partie de la philosophic. Quant a la theodicee, son enseignement est le m£me dans les etablissements ecclesiastiques et universitaires $ dans les uns et dans les autres domine le sentiment reli- gieux a un meme degre. M. PERRON termine en repetant qu'il existe un pro- gramme pour Tenseignement philosophique-, que si les professeurs des facultes , qui s'adressent a un audi- toire plus forme, n'en ont point d'ostensible , parce qu'il ne conviendrait pas d'enchafner leur pensee, ils ne restent cependant pas sans direction, sans frein el sans guide, et que le gouvernement sait frapper le pro- fesseur irreligieux ou immoral et briser son existence. M. LECERF, dans une replique animee, demande si Fenseignement philosophique est satisfaisant, oui ou non ; si , dans le cas ou Ton rendrait les deux orateurs qui viennent de.se faire entendre , maftres de choisir. 184 CINQUIEME SECTION. Tuniversitaire adopterait le mode ecclesiastique , et 1'ecclesiastique , le mode universitaire , et conclut de la dissidence meme de ses deux antagonistes la necessite d'un programme. Mais, dit-on, la science n'existe pas; c'est une raison de plus, pour avoir quelque chose d'arrete, de fixe, d'immuable. II n'accepte pas comme un moyen de maintenir 1'enseignement dans de justes bornes, la destitution des professeurs paralyses par cetle menace sans cesse suspendue sur leur tete , et souvent victimes d'odieuses calomnies. M. PERRON maintient que le programme existe, que les questions y sont tellement posees qu'en se renfermant dans leurlimite, il serait impossible de pro- fesser des doctrines dangereuses. II termine en decla- rant qu'il n'y a pas de dissidence entre lui et 1'honorable membre du clerge qui a soutenu 1'enseignement eccle- siastique, et qu'il n'y a point ici d'antagonistes, mais des hommes qui de bonne foi cherchent la verite. M. PERENNESconfirmel'existence d'un programme de philosophic pour tous les colleges de 1'universite 5 les facultes memes considerees comme commissions d'exa- men ne peuvent interroger sur la philosophic que d'apres un programme impose par 1'autorite univer- sitaire, lequel est uniforme pour toutes les academies. Considerees comme corps enseignant, ces facultes sont encore assujetties a une sorte de programme, puisque 1'histoire de la philosophic doit etre 1'objet special de 1'enseignement superieur. M. le comte du COETLOSQUET pense que dans les colleges il faudrait ecarter de 1'enseignement les opi- nions libres, et seborner aux parties sur lesquelles on est d'accord et qui sont arrfitees 5 puis il insiste sur la necessite de donner & la morale de plus grands deve- ioppements. CmQtJiEME SECTION. 185 MM. 1'abbe DURONZIER etLECERF presentent encore quelques considerations. M. le President voudrait que la discussion fut con- tinuee a demain. M. Tabb6 DONEY dit que la philosophic n'a rien trouve , rien demontre , et la declare incapable d'etablir les hautes verites qui doivent faire la base de la con- duite de I'homme. L'ordre du jour de demain est ainsi fix6 : 1°. Continuation et resume de la discussion en- gagee sur la 2e. question du programme. 2°. Communication de M. ZUNDEL. 3°. Lecture d'un Memoire de M. Jules PAUTET sur les tendances de la poesie. Seance du 5 septembre. Presidence de M. PERENNES. Le proces-verbal est lu et adopt6w sauf une legere modification relative a une proposition de M. 1'abbe DURONZIER. M. PERRON propose de renvoyer la continuation de la discussion philosophique apres la lecture des difif6- rents morceaux indiques pour cette seance. Cette pro- position est adoptee. M. Alexandra DAGUET, professeur a Fribourg, lit un Memoire sur 1'histoire litteraire de la Suisse au moyen age. Apres un coup d'oeil general sur les 186 CINQU1EME SECTION. troubadours, menestrels, trobadors, trouveres, min- nesingers, Fauteur, dans une revue a la fois philolo- gique et biographique , embrasse les poetes ou min- nesingers suisses du 12e. au l4e. siecle, dont le che- valier thurgovien Walter de Vogelweide, et Hadloub, bourgeois de Zurich , offrent les physionomies les plus saillantes : le premier par des accents patriotiques •, le second par son poeme d'une douce et na'ive melan- colie , fleur delicieuse et baignee de larmes, des temps passes. Ce travail d'un interet neuf n'est que la pre- miere partie d'un tableau de la vie litteraire et intellec- tuelle de la Suisse ancienne et moderne. M. le President, au nom de lacompagnie, remercie Fauteur de son interessante communication , qui sera repetee en seance generate, et fera partie du compte rendu de la Session. M. ZUNDEL a la parole sur les 9e. et 10e. questions du programme : il deplore la tendance des auteurs dramatiques et des directeurs de theatres , qui deman- dent avant tout des pieces qui excitent vivement la curiosite, qui attirent la multitude sans egard pour la morale, sans exciter les sentiments eleves de Fame humaine. II affirme cependant que le public guide par une main sage et. habile dans les hautes regions de la morale, ne voudrait plus que des spectacles moraux faits pour Tame, et non des spectacles curieux faits pour les yeux. A cette occasion, il parle du theatre grec et du theatre de Shakspeare, puis de Racine comme imi- tateur des Grecs. Dans le drame grec, dit-il, 1'interet s'attache au personnage, bien que Faction y soit nulle ; dans le theatre anglais , au contraire , Faction est multipliee, surcharges , et, s'il y a interet, il s'eteint avec le personnage ideal qui Fa fait nattre. Dans le CINQUIEME SECTION. 187 theatre grec Tauteur fait un appel a la sympathie , Shakspeare invoque les ressources de la curiosite; dans le theatre grec point de surprise , dans le theatre anglais 1'auteur vise a 1'inattendu. Quelle difference existe done dans les caracteres mis en scene par lesGrecs et ceux que fait apparaltre Shakspeare. Les premiers sont generaux, les seconds sont marques d'un sceau particulier, ce sont des creations de la fanlaisie. M. ZUNDEL voudrait que dans la tragedie on mft en scene des caracteres generaux comme plus propres a exciter la sympathie. S'il y a des caracteres gene- raux dans un drame, peu m'importe, dit-il, que la poupee tombe a la fin du spectacle; je me suis identifie avec la situation plutdt qu'avec le personnage , j'emporte Fimpression avec moi apres le spectacle, elle survit a la chute du rideau. Avec les caracteres particuliers , bizarres, inventes, excentriques, au con- traire, mon inter6t meurtavec la piece; je ne m'iden- tifie pas avec le personnage , il tombe, je me retire et je n'emporte rien de mon spectacle-, je 1'oublie, il ne laisse nulle trace dans mon esprit, encore moins dans mon ame. L'orateur fait observer que dans 1'imi- tation franchise racinienne, il y a deja un appel fait a la curiosite 5 Faction se complique. Le theatre moderne a trop admis de spectacles sur la scene , la curiositt y est trop excitee aux depens de la sympathie. Ne serait-il pas possible de reunir-ces deux elements d'inter£t ? ne pourrait-on pas les relier en excitant la curiosite dans les premieres phases du drame et en reveillant la sympathie dans les dernieres parties et dans la peripetie. Sophocle 1'avait realisee cette alliance. Victor HUGO de nos jours a reussi de m6me a reunir ces deux elements , mais il ne s'est pas assez servi du levier moral et religieux. Le caractere le plus general ou est-il ?.... Dans les 188 CINQUIEME SECTION. sentiments religieux qui animent le plus grand nombre a partir de Victor HUGO, qui a decouvert le grand secret de 1'interet dramatique ; il faut lancer le theatre dans la voie morale et religieuse, parce que sur celte voie il a une plus grande puissance d'action, et qu'il excite plus de sympathie. II faut maintenant une tragedie religieuse des temps modernes. Le sujet de Jean Huss ne serait-11 pas fecond a ce point de vue ? Ici M. ZUNDEL trace le plan de cette tragedie a faire, oii il graduerait l'inter£t en passant par la curiosite. II donne les differentes phases de ce drame tel qu'il le conceit , et il termine en disant que la tragedie n'a de puissance a attendre desormais qu'en s'elevant dans les regies supr£mes de la morale et de la religion. M. le President adresse des remerclments.a 1'auteur qui a ete ecoute avec une favour constante. La discussion philosophique est reprise^ M. 1'abbe DURONZIER explique le role qu'il concede a la philo- sophic. En general, voici sa marche : elle part de prin- cipes admis qu'elle peut verifier a 1'aide des faits , el rejeter par consequent s'ils ne sont pas capables de supporter 1'epreuve; mais elle ne doit jamais essayer de fonder directement ces principes. Et dans 1'espece, M. DURONZIER declare qu'il ne connaft qu'une seule philosophic possible, c'est d'accepter tout entiers les enseignements du christianisme , qui fournissent de magnifiques lumieres sur toutes les questions interes- santes pour 1'homme. C'est la, dit-il, le point d'appui de 1'enseignement dans les ecoles ecclesiastiques et dans toutes celles oii preside un catholique-, et cet etat de choses peut seul preserver des dangers signales par M. LECERF : d'ailleurs, comme le gouvernementn^ peut dans ses principes imposer un pareil programme, si on lui donne le droit d'en imposer un , c'est mettre des entraves a la verite encore plus qu'a Terreur. CINQU1EME SECTION. 189 MM. PERRON et du COETLOSQUET rentrent success!- vement dans la discussion , en restant chacun stir son terrain. M. PERRON termine en disant que la question se resume ainsi : Le programme est-il bon ou mauyais ? Car il y a un programme susceptible d'ameliorations dont il indique quelques-unes. M. du COETLOSQUET se borne, apres quelques con- siderations generates sur la question a formuler par ecrit, a sa proposition. M. YULLIEMIN, de Lausanne, a la parole. « Messieurs , dit-il , je suis chretien , parce que je » suis homme ; toutes les doctrines conservatrices de » la societe me sont cheres ; aussi ne saurais-je differer, » quant au fond, des hommes honorables qui ont parle » avant moi. Mais quant a la voie, je n'en connais » qu'une, celle de la liberte. Des que la philosophic » devient moyen, elle cesse d'etre. Si une revolution » dans le ministere entrafnait une revolution dans la » philosophic, plus de philosophic ; je ne saurais sous- )> crire pour ce motif a la proposition de M. LECERF. » Je reconnais neanmoins qu'un gouvernement ne » peut pas ne pas avoir un programme sans qu'il » 1'ecrive ; il le doit dans Tinleret de sa conservation , » comme dans celui de la sociele $ mais il y comprendra » les diverses tendances , sinon la philosophic n'est » plus qu'une branche de la politique. » M. VULLIEMIN exprime le voeu qu'une place plus grande soit donnee dans Tenseignement a Thistoire de la philosophic } il y comprend particulierement la philosophic allemande du 19e. siecle. II compare le cours de la revolution philosophique de TAllemagne a celui de la revolution franchise et exprime la persua- sion ou il est que la France doit, en philosophic, partir des points atteints par la philosophic allemande 190 CINQU1EME SECTION. pour aller en avant , et remporter dans les champs de la pensee les memes victoires qu'elle a remportees dans les champs de batailles. La parole de 1'orateur, em- preinte de la plus touchante conviction et de la plus remarquable elevation , paraft faire une vive impres- sion sur 1'auditoire. M. LECERF declare que M. le President ayant an- nonce que la discussion devait se terminer dans cette seance , et qu'il lui est impossible , faute de temps , de developper ses idees, il retire sa proposition. M. lePresidentlitla proposition deM. duCoETLOSQUET. M. JULLIEN, de Paris , fait observer que la premiere par- tie est trop vague. M. PERRON la trouve trop restreinte. M. PETIET, de Gray, propose un amendement, dont la premiere partie, mise aux voix, est rejetee-, la se- conde partie , ainsi conc.ue : « Je propose au Congres » d'emettre le voeu que dans les colleges universitaires » il soit donne de plus grands developpements a 1'en- » seignement de la partie de la philosophic qui traite » de la morale, » mise ensuite aux voix, est adoptee. L'ordre du jour de la seance du 6 est ainsi fixe : 1°. Lecture d'un Memoire de M. Jules PAUTEisur les tendances que doivent avoir les poetes. 2°. Memoire de M. 1'abbe DURONZIER sur les radi- caux des langues et specialement sur ceux de la langue grecque. 3°. Notice de M. JULLIEN, de Paris, sur sir SYDNEY SMITH. 4°. Lecture sur les questions supplementaires. 5°. Lecture d'une piece de vers de M. Jules PAUTET, intitulee : Aux poetes de'courage's qui revent le suicide. CINQUIEME SECTION. 191 -..•:> \te(HJOl.l u>> li .: '• t t/l Seance du 6 septembre. Presidence de M. PE;RENNES. Le proems-verbal est lu et adopt6 sans reclamation. M. le President anrionce qu'il a rec.u de M. ZUNDEL un resume des considerations qu'il a developpees a la seance precedence 5 il en donne lecture. Nous le repro- duisons textuellement. Le moteur de la tragedie grecque et fran^aise est la sympathie ; celui de la tragedie anglaise , representee par SHAKSPEARE, est la curiosite, moyens qui semblent exclusifs et qui sont reellement dissemblables , puisque Tun veut toutcacher, I'autre toutdecouvrir; Fun piquer par la surprise et Tillusion , I'autre attirer par la chose elle-m6me et identifier avec le heros. N'y aurait-il pas moyen cependant d'unir cesdeux mobiles et d'interesser par la curiosite d'abord , puis par la sympathie ? La discussion relative a la question soulevee par M. ZUNDEL sera reprise apres la lecture de MM. PAUTET et DURONZIER. M. Jules PAUTET a la parole sur cette question ainsi formulee : Quelles sont aujourcThui les sources ou les poetes doivent chercher de preference leurs inspira- tions ? II lit un travail dans lequel il indique le chris- tianisme , qui implique I'amour de Thumanite , comme devant rend re a la poesie toute sa puissance. Que la poesie cesse de se montrer disciple docile du present , dit Tauteur, qu'elle nous indique Favenir, qu'elle de- vienne enseignement. M, le President remercie M. Jules PAUTET de sa communication •, il en demande , au nom de la Section , la lecture en seance generale. 192 CINQU1EME SECTION. M. 1'abbe DURONZIER a la parole : il se propose de trailer des radicaux des langues et surtout de ceux de la langue grecque. II dit qu'il y a pour Unites les langues des racines tres-peu nombreuses auxquelles on peut, sans trop d'efforts, faire rapporter tous les mots. L'orateur passe en revue quelques-uns des differents travaux qui ont et6 fails sur la matiere. II en expose les diverses methodes el il les critique. L'abbe de la TOUCHE , entre autres , pretendail avoir trouve la clef de toutes les langues 5 il rapportait tout a ses sens na- turels, et soutenail que ces sens ne s'alteraient jamais. Le systeme de cet auteur est tombe dans Toubli. Les Allemands ont beaucoup travaille sur les ety- mologies, et en general les etrangers ont traite cette matiere en plus grand nombre que les Francois. L'auteur exprime le desir de voir adopter pour la science des radicaux , des etymologies , la classification qui facilite lant 1 etude des autres sciences. Dans sa methode, chaque organe forme un ordre a part, il admet done six ordres. II parle des differentes families des radicaux qu'il classe , et il en cite un grand nombre. Chaque organe a des sons naturels ou onomatopees, les dentales sont souvent euphoniques, c'esl-a-dire destinees a adoucir les sons. L'auteur ne s'egare pas dans des hypotheses, il ne s'attache qu'a ce qui pre- sente un certain degre de certitude. Ses radicaux et ses derives nombreux sont appuyes sur la prononciation. M. LECERF demande la parole pour rappeler un ancien systeme base sur les rapports qui existent entre le germe des lettres et le sens exprime par les mots ou ils dominent. M. 1'abbe DURONZIER pense que ce systeme du rap- port des formes avec la signification n'est pas a de- daigner entierement, et qu'il est certain que, dans le C1NQUIEME SECTION. 195 passage de 1'emploi des hieroglyphes a 1'emploi des lettres, il dut rester dans les lettres quelque chose d'hieroglyphique, qui ne rend pas ce systeme denue de quelque verite. M. le President remercie 1'orateur et le prie de N vouloir bien rediger ses idees pour qu'on puisse donner place a 1'expose de son systeme dans le compte rendu des travaux du Congres. M. PORCHAT a la parole sur la question soulevee par M. ZUNDEL : contrairement a 1'opinion exprimee par 1'auteur, il considere 1'element de la sympathie et celui de la curiosite comme se confondant dans la tra- gedie grecque. A cetegard, dit-il, la tragedie fran- caise est I'heritiere de la Grece. M. le professeur PERRON partage 1'opinion de M. POR- CHAT , et signale comme trop systematiques les aperc.us de M. ZUNDEL. II admet bien la curiosite et la sympathie comme deux mobiles distincts; mais il ajoute que dans la tragedie il y a encore , comme moyens , le sentiment de la terreur et celui de 1'admiration qu'inspire 1'energie morale; par la il explique I'inter6t qu'excite le scelerat lui-meme, qui montre une grande puissance de volonte. C'est une grande force morale que Ton admire dans la plupart des personnages de M. Victor HUGO. M. LECERF fait deux citations qui tendent a prouver que la curiosite n'est pas le seul sentiment excite au theatre ; les auteurs tragiques cherchent generalement a inspirer la sympathie et a produire 1'illusion. M. PERENNES rend justice a la maniere neuve dont M. ZUNDEL a traite la question; mais il trouve ses assertions un peu paradoxales, et sa distinction des differents mobiles du genre tragique, incomplete. Dans 9 194 CINQUIEME SECTION. le theatre grec, dit-il, outre le sentiment de la sym- pathie , il y a reellement aussi celui de la curiosite , quoiqu'il y existe a un moindre degre j et, dans Schak- speare, Telement de la curiosit6 a son tour n'est pas separe de celui de la sympathie. Dans sa brillante et yive improvisation, M. PERENNES cite Othello et Hamlet comme offrant a un haut degre d'extension ces deux elements. Au reste, la sympathie et la curiosit6 ne sont pas seules en jeu au theatre. II y a aussi comme moyen d'interet I'impression qui resulte du beau moral offert a notre admiration. Toutefpis, les poetes de premier ordre ne nous montrent la grandeur morale que par intervalles dans leurs ceuvres; car le spectacle d'une perfection soutenue nous fatiguerait promptement , its y melent habilement les sentiments humains qui tra- il issent le plus notre faiblesse. Les poetes grecs ont connu la puissance du beau moral •, il est aussi , quoique plus rarement, dans le theatre anglais. L'orateur fait de nombreuses citations qui viennent corroborer sa pensee. II contested M. Victor HUGO 1'honneur d'avoir choisi le premier des sujets nationaux-, il nomme plusieurs auteurs qui, effectivement , ont ouvert cette noble carriere. II regrette 1'absence de M. ZUNDEL, qui aurait pu presenter des developpements qui eussent peut-etre complete sa pensee , et termine en disant que les deux mobiles d'inlerfct, la curiosit6 et la sympathie, ont et6 employes par les tragiques grecs et par leurs imitateurs ; puis il cite quelques exemples a 1'appui de cette opinion. II rappelle J.-J. Rousseau, qui reproche a la tragedie frangaise de n'avoir pas assez d'action •, cela est vrai : mais faut-il tomber dans 1'exces contraire et copier les Anglais ? Non , car les pieces anglaises de Schakspeare ont et6 ecrites au 16e. siecle et pour cette epoque5 CINQUIEME SECTION. 195 elles ne conviennent ni a nos moeurs ni a notre temps. M. PERENNES cite des passages revoltants des pieces anglaises qui ne seraient jamais tolerees en France. II y a cependant une voie nouvelle a suivre !.... Sans doute , mais il ne faut pas descendre jusqu'au theatre anglais pur. Ducis a imite le theatre anglais 5 mais il a trop sacrifie aux convenances franchises •, et en renfermant les vastes sujets de Schakspeare, Othello, Macbeth , le roi Lear, etc , dans un cadre etroit oii les passions et les caracteres n'avaient plus le m6me champ pour se developper, il a compost des oeuvres qui pre- sentent quelque chose de tronque, d'incomplet, de discordant. M. Jules PAUTET a la parole : il lit une piece de vers intitulee : Au poete de'courage' qui r€ve le suicide. M. le President , au nom de la Section , demande la lecture de cette piece en assembled generale. L'ordre du jour du 7 est ainsi determine : 1 °. Tableau des pr ogres de la litter ature en Franche- Comte', par M. PERENNES; 2°. Notice biographique sur sir SIDNEY SMITH , par M. JULLIEN, de Paris. Seance du 7 septembre. Presidence de M. PERENNES. Le proces-verbal est lu et adopte. Avant d'aborder les matieres indiquees par Fordre du jour , M. DAGUET demande a dire un mot sur la com- munication faite a la Section par M. ZUNDEL . Son opinion est que ce professeur, en n'admettant que deux mobiles d'interet pour la tragedie, avail certainement compris 196 CINQUIEME SECTION. dans la sympathie le sentiment de 1'admiration , pre- seote par Tun des honorables membres comme Fun des elements propres a faire naitre l'inter£t. M. P^RENNES fait observer que, dans le langage franc.ais , la sympathie n'implique pas necessairement Tadmiration. II presente la pitie, la terreur, 1'admi- ration, comme les elements de I'interSt dramatique. M. PORCHAT , tout en appuyant le sentiment de M. DAGUET, regrette que, dans toute discussion litteraire, on n'emploie pas constamment des mots sur le sens desquels tout le monde est d'avance en parfait accord ; le sens le plus generalementadoptedevrait 6tre toujours le sens ordinaire du mot. M. PERENNES prie M. le comte du COETLOSQUET de vouloir bien occuper le fauteuil de la Presidence , pen- dant qu'il communiquera le Memoire qu'il a prepare sur les progres de la litterature en Franche-Comte depuis la revolution. Ce tableau offre d'abord des apergus generaux sur le caractere du Franc- Com tois, sur son esprit militaire, sur son aptitude pour les sciences exactes et les etudes abstractives. L'auteur passe ensuite en revue les diflerentes phases de la litterature Franc-Comtoise 5 il parle des causes soit interieures, soit exterieures qui 1'ont modifiee, et qui expliquent le caractere qu'elle a rev6tu a diverses epoques. II arrive a la revolution qui, dans sa tem- pete destructive , balaya tout ce qui tenait a 1'etude des sciences ; puis il parle de FEcole centrale oii brillerent beaucoup d'hommes remarquables et justement ce- lebres : il cite le nom de plusieurs eleves, qui comptaient au milieu d'eux M. WEISS (Ce nom excite un mur- mure general d'approbation et d'interSt. ) CINQUIEME SECTION. 197 M. P£RENNES apprecie successivement et rapidement f i •.':" les travaux des hommes qui doivent rendre la Franche- Comte fiere de la place qu'elle tient dans Thistoire des progres de la raison humaine. II resulte de cet expose, qui a constamment captive 1'attention de 1'auditoire, que la province de Franche- Comte a largement paye son tribut aux sciences , aux lettres et aux arts avant et depuisle grand mouvement politique de 1789. M. JULLIEN, de Paris, exprime le desir que ce rap- port lumineux soit hi en seance publique : cette propo- sition est adoptee. M. DUVERNOY prehd la parole : il parle de 1'universite de Dole , qui a precede celle de Besaniy-ision. SECTION, 205 XVVMgDAILLE. UN SOLEIL, ct pour exergue BACON. Aristote regna longtemps sur 1'univers , Raisonnant sur la prose ainsi que sur les vers. Mais d'observer jamais il n'eut la fantaisie: Sur ses pas la raison menait a la folie, Et souvent 1'homrae aveugle, allant je ne sais ou, Se perdait sur la route ou s'y cassait le cou* Bacon vint : franchement il chercha la lumiere , 11 Toulut au grand jour parcourir sa carriere. Cependant il ne put au gre de ses souhaits Eclaircir tout d'un coup la foret des forets : Dans les endroits obscurs continuant sa route , II marchait prudemment, precede par le doute, Et quand la nuit venait , il allait a tatons , S'appuyant sur les faits comme sur des batons. Par ce mot observons, sa magique puissance A livre la nature a notre intelligence ; II a, sans le savoir, fait les chemiqs de fer, Les bateaux a vapeur qui volent sur la mer. De notre politique il posa la balance , Et la charte sans lui n'eut pas regi la France. k , . ' > Tel Adam, se donnant cinq ou six descendants , 'r Ferait, sans le savoir, un milliard d'enfants. Si, comme les maisons, on voyait les idees Etre de pere en fils surenient possedees, L'heritier de Bacon, d'apres ces justes lois, Pourrait mieux que Rotschild preter des fonds aux rois. Depuis que sur la terre a brille son genie, Combien de nos travaux la sphere est agrandie ! Dans ces faits que sans cesse entasse le progres Bacon retrou^erait la foret des forets : Mais dans ce bois touffu des sciences bumaines 11 coupait des taillis.... amenageons des chenes. Que des arbres nouveaux croissent de toutes parts • Et, sans gener nos pas,.enchantent nos regards, Et que par la methode, incessamment tracees, Mille routes en fer s'ouyrent a nos pensees. Courons au meme but avec la meme ardeuf Dans I'urmers entier propager le bonheuiv 206 CINQUIEME SECTION. Par nos fertiles socs que 1'Afrique e"tonnee , Corame en nos meilleurs champs, se trouve sillonnee. Parcourant sans relache et la terre et les mers, De la carte du monde effacons les deserts , Que partout notre espece et croisse et multiplie Et qu'il s'eleve au ciel une voix qui nous crie : L'homrae par ses travaux a rempli ses destins Et du Dieu createur accompli les desseins. Ces vers sont ecoutes avec interet, et M. le President remercie 1'auteur de cette communication. A 9 heures et demie la seance est levee. La seance ordinaire aura lieu le m6me jour, & une heure. 1°. On y discutera la question de I* Mat actuel de la litte'rature , traitee par M. Tabbe CLERC-, 2°. M. le comte BRUNEI DE LA RENOUDIERE lira un Me'moire sur les me'thodes d'enseignement; 3°. Memoire de M. Pierre VICTOR , sur la de'cadence de la trage'die. Deuxieme seance du jeudi 10 septembre. Presidence de M. PERENNES. L'ordre du jour appelle la discussion litt^raire pro- voquee par le Memoire de M. Tabbe CLERC, sur la question de la decadence et du progres de la litterature. Apres quelques observations de M. le Secretaire, qui exprime le desir que la Section entende , avant la discussion, les Memoires qui sont a Tordre du jour; et cellede M. le President, qui voudrait que la discussion litteraire fut immediatement ouverte, la parole est a ClNQtlEME SECTION. 207 M. LECERF, qui ditque, pour decider la question de savoir si la literature est en progres ou en decadence, il est necessaire de determiner d'abord ce que Ton entend par literature. C'est tout ouvrage en vers ou en prose , adresse aux hommes en general , et fait dans 1'intention de leur procurer des avantages physiques ou moraux, ou m£me de les amuser. Ainsi, Ton doit comprendre dans la litterature tous les systemes re- ligieux, politiques, philosophiques et moraux ; tous les enseignements d'exemples depuis 1'histoire jusqu'au conte; tous les poemes , depuis Fepop^e jusqu'au fabliau ; tous les drames, etc. Cette definition etant admise , lors m6me que Ton voudrait la restreindre, examinons ce qui peut con- stituer une bonne ou une mauvaise litterature, une litterature en progres ou en decadence. Pour que la litterature soit bonne et en progres , il faut d'abord des homines capables de choisir ou de concevoir, et de mettre en reuvre les divers sujets qui peuvent faire 1'objet de la litterature. II faut ensuite que la position sociale de la nation offre des sujets qui puissent interesser les citoyens. II faut enfin que ces sujets soient trait6s , quant au fonds, dans un but d'utilite ou d'agrement pour la masse ; et dans un sens bon et moral, quant a la forme, avec le charme du style et de la composition. Si les hommes capables manquent, si les sujets int6ressants manquent , si les auteurs se proposent un autre but que Tutilite publique, s'ils ecrivent dans un sens anti-religieux ou immoral, si leur style est re- poussant et leur composition rebutante , alors la litte- rature sera en decadence. Ces principes ne peuvent pas ne pas 6tre admis 5 ils sont vrais , comme je le pense ; faisons-en 1'application & notre 6poque et ^ notre litteratura. CINQU1EME SECTION. Les hommes capables ne nous manquent pas, et je crois que sur ce point tous les siecles se ressemblent. L'apparition d'un genie est un evenement rare; mais la nature produit a peu pres egalement des hommes capables d'instruire et d'amuser les autres hommes. Les sujets capables d'interesser, d'instruire et d'a- muser les hommes, ne manquent pas non plus : jamais peut-6tre le sentiment religieux r les pensees philoso- phiques , les questions de rapprochement des hommes entre eux, de perfectionnement de 1'ordre et des rapports sociaux , de secours aFindigence, etc., n'ont ete d'un aussi grand et d'un aussi flagrant inter^t qu'ils le sont aujourd'hui. Ce n'est done pas sous ces d«ux premiers rapports que notre litterature peut 6tre consider6e comme etant en decadence. C'est done dans les motifs qui engagent les litterateurs a ecrire, c'est dans le but qu'ils se proposent en ecrivant, c'est dans le sens qu'ils donnent a leurs productions que Ton peut trouver, et j'ose dire que 1'on trouve une deplorable decadence , et meme un veritable danger. Par un horrible abus on a mis la litterature a la discretion des partis qui s'en servent, comme ils se servent du fer et du feu piour attaquer et detruire les partis opposes. Par un abus plus ignominieux les nobles fonctions de litterateur sont degenerees en metier que prennent ceux qui n'ont ni la force ni le courage d'en choisir un autre ^ ils se font et s'annoncent hommes de lettres , comme on se fait avocat, medecin, notaire, charpentier, tailleur ou ma?on •, et, voulant exploiter cette nouvelle industrie pour s'enrichir, forces meme souvent d'y chercher les moyens d'existence du moment, ils sa- crifient tout a la necessite de vendre leur ceuvre. C'est CINQUIEME SECTION. 209 alors que Ton voit le m6me homme portant dans sa poche un article pour le journal republicain , un article pour le journal legitimiste, et un article pour le journal ministeriel , offrir Tun ou 1'autre avec une egale im- pudeur ; c'est alors qu'on en voit un autre demander a un libraire editeur,. ou m£me a un imprimeur clan- destin, si Ton veut lui acheter indifferemmeht ou des eloges du christianisme , de la morale et des autres grandes verites sociales, ou bien des diatribes furi- bondes, des parodies degoutantes ., des caricatures obscenes sur les m6mes sujets. V. Si cette decadence, si cette perversion de la litte- rature n'etait funesle qu'a la litterature seule, peut- Stre faudrait-il se contenter de la deplorer, et essayer de presenter aux hommes , et de leur faire preferer la litterature bonne et surtout religieuse et morale 5 mais ce n'est pas Fart seul qui est menace et qui souffre , c'est le corps social tout entier, et cette souffrance et cette menace sont d'autant plus d6plorables , que c'est Tinstrument destine a instruire et ameliorer les hom- mes , qui est ainsi detourne de sa destination et employe a un usage entierement oppose. L'inter6t social appelle done un remede. Quel peut- il £tre? Voila la grande et la difficile question, rtr^ Je ne ferai sur ce point aucune proposition , mes intentions seraient calomniees, et cependant j'oserais manifester le desir d'etre jug6 par Dieu lui-m£me sur leur purete. J'aurai le courage de dire, advienne ce qu'il en pourra, que Ton interdit la vente des poisons, des armes cachees , de tout ce dont la society peut redouter les mauvais effets. N'y a-t-il pas quelque inconsequence a laisser distribuer et vendre des ouvrages plus dan- gereux et plus pernicieux, plus funestes dans leurs resultats que les poignards et les poisons ? 210 CINQUIEME SECTION. M. le comte du COETLOSQUET demontre la difficulte de 1'application du principe de repression. II dit que la liberte de la presse est acquise a la France, et que cela ne saurait 6tre ni agite ici, ni m£me mis en question nulle part. II lit la solution du Congres de Metz sur la question du romantisme et du genre classique , et veut qu'on etudie les deux genres. M. du COETLOSQUET appelle aussi la solution donnee par le Congres du Mans. II voudrait que la litterature cut pour premiere source la morale -, il s'eleve contre la theorie de Tart pour Tart. La seconde source, c'est la foi. II dit que dans M. Victor HUGO le talent semble plus puissant quand Tauteur se livre a la foi. II termine par une citation de Tun des passages d'un Memoire insere dans le compte rendu des seances du Mans. M. PERENNES prend la parole : il rend justice £ M. LECERF. Les abus qu'il a signales sont reels, mais ce sont la des delits veritables , plutot que des erreurs litteraires. II lui reproche de n'avoir point distingue le fonds de la forme 5 le fonds et la forme sont souvent en opposition : M. LECERF n'a pas examine le point de vue de Tart, qui domine dans la question. Au- jourd'hui de nouvelles doctrines se sont fait jour; il s'agit de savoir si elles menent a la reforme ou a la decadence litteraire. II y a des principes nouveaux , entre autres ceux-ci : Tout ce qui est dans la nature pent €tre dans I' art : le but de lf art est I'e'motion seulef et par consequent tous les moyens pour parvenir a produire cette e'motion sont bons. Ce qui conduit a des atrocites. Le beau etait autrefois le but du travail des auteurs; aujourd'hui c'est 1'atroce et le laid que plu- sieurs cherchent de preference. M. PERENNES fait des citations a Tappui de son opinion. CINQUIEME SECTION. 2H Un autre principe, auquel se rallient plusieurs ecri- vains de nos jours, c'est de proscrire la litterature d'imitation grecque et romaine. On s'est jete dans 1'imitation de la poesie da nord et des imaginations bizarres du moyen &ge. Toutefois M. PERENNES ne pense pas que tout soit egalement blamable dans les tendances de 1'ecole nouvelle. Les pretentious des partis ne sont souvent que Texageration d'une verite, et il est certain qu'il y a, dans les essais des ecrivains appeles Romantiques , un sentiment vague des besoins de noire epoque , et un effort pour se rapprocher de la verite et de la nature. M. PERENNES croit^qu'il y a quelques parties de notre litterature en decadence et d'autres en progres. II ne voudrait pas que Ton assimilat notre epoque a celle de la litterature latine du troisieme et du quatrieme siecles ; il la considere comme bien au- dessus d'elle. II y a dans notre litterature un principe regenerateur qui manquait a la litterature pai'enne, c'est le principe chretien. Notre litterature tend a se faire chretienne et frangaise pour la forme comme pour le fonds , et le mouvement est un veritable progres. Au 16e. siecle on remarque une resurrection des idees paiennes de la Grece et de Rome , qui envahissent la litterature •, dans le 17e. siecle on retrouve 1'element chretien pour le fonds, et 1'element pa'ien pour la forme. Au 18e. siecle, Felement pai'en domine encore dans la forme. Par suite de la revolution franchise qui a port6 a son dernier terme 1'imitation de la Grece et de Rome , il s'est opere une reaction dans le gout et les tendances litteraires. Les formes mythoiogiques desormais surannees sont abandonnees pour toujours. Les idees nationales et chretiennes se font jour de toutes parts, et avec elles apparalt la veritable inspiration lyrique dont il y a peu 212 CINQUIEME SECTION. d'exemples dans la literature des trois derniers siecles. Mais le type du beau est un ; il faut toujours puiser aux anciennes sources et etudier la litterature si belle et si pure de la Grece et de Rome , en restant fidele a Tele- ment chretien. M. PERENNES voudrait que la Section appelat I'atten- tion du gouvernement sur 1'utilite que presenterait dans Fenseignement classique 1'etude de quelques auteurs Chretiens, grecs et romains du4me. siecle, conjointement avec celle des anciens. Cette proposition est adoptee. M. le Comte BRUNET DE LA RENOUDIERE a la parole sur la 3e. question du programme : il lit un Memoire plein d'aper^us eleves et judicieux sur les differ entes me'thodes essay e'es pour abrfyer le temps des ttudes. L'auteur passe en revue les trois methodes suivantes : 1°. Celle de 1'Universite; 2°. De Tabbe Gauthier-, 5°. De Jacotot. - II critique les differents modes d'etude , notammenf* celui de TUniversite ; apres avoir apprecie plusieurs systemes et indique les travaux de 1'abbeGAUTHiER, il aborde la methode de JACOTOT : il se livre ensuite a des considerations generates et particulieres .sur sa propre methode. II termine par des citations d'etymologies fort judi- cieuses et rationnelles , tirees de sa the'orie des no- menclatures. II est ecoute avec le plus profond interet. M. le President combat quelques assertions de M. de BRUNET relatives a TUniversite, notammeht en ce qui concerne les methodes de traduction et de version. MM. de BRUNET et P^RENNES presentent encore ques observations. CINQUIEME SECTION. 213 M. Pierre VICTOR lit un Memoire sur la de'cadence de la trage'die en France, question proposee par le programme du Congres. II signale, entre autres causes de cette decadence, Timpuissance de quelques auteurs qui ont voulu proscrire la tragedie , parce qu'ils ne pouvaient pas s'elever jusqu'a elle. II blame les dispositions administrates qui laissent Paris presque entierement priv6 de theatres graves et vraiment litteraires ; car il n'y a que le theatre franc.ais, oii m6me Tinvasion du mauvais gout s'est fait sentir, et d'ou les chefs-d'oeuvre sont presque ecartes. II parle de 1'apparition de Melle. RACHEL, et dit que c'est £ tort que Ton penserait qu'avec elle la tragedie va se relever : au contraire, Tessor qu'elle pourrait lui donner est comprime. II critique judicieusement le jeu des acteurs actuels^ qui contribue a la decadence de Fart. II fau- drait s'attacher, dit-il , a former des sujets en province comme a Paris : le Conservatoire est incomplet et defectueux. M. Pierre VICTOR montre la voie dans laquelle devrait marcher la tragedie pour reconquerir son influence. M. le President remercie 1'auteur de cette interes- sante lecture. M. PRATBERNON lit une note sur le principal mobile des actions de rhomme. Lorsque les besoins naturels ou physiques sont satis- faits , le desir de s'elever, de s 'amplifier, est le principal mobile des actions humaines, et le caractere differentiel le plus prononce entre lui et les animaux. Le sauvage s'orne de belles plumes , de colliers , d'armes brillantes- nos guerriers se rehaussent par 1'eclat de leurs uniformes ; on connatt assez le gout de toutes les femmes pour la parure. CINQUIEME SECTION. Recherche du beau et du grand, besom ft amplifier son corps et de faire paraltre son esprit-, somptueux edifices ou appartements , grandes terres, patronage etendu, richesses que Ton desire plus souvent pour briller que pour en jouir-, desir du commandement , ou ambition, titres, decorations, noblesse, grands hommes , conquerants , usurpateurs , voila le but des efforts, voila le produit de cette passion-, obscurite, d6dain, affronts, deshonneur, voila ce qu'on redoute plus que la misere meme. Les besoins physiques peuvent 6tre assouvis , mais ils se renouvellent. Le besoin de s'elever au-dessus de ses semblables est continu , excepte quand on est ecrase par le malheur ou arrGte par la maladie 5 mais ce besoin n'est jamais satisfait. L'homme ne sort pas de sa nature quand il cede avec sagesse au noble desir de se perfectionner , de s'elever. Par son corps , semblable aux animaux $ par son &me, image de Dieu : voila la chafne qui le rattache au ciel 5 voila la chatne qui , souvent pour son malheur, le tralne dans son exil. Tant d'ambition, de grandeur d'ame et d'orgueil, n'etaient pas faits pour la terre; notre courte vie n'en valait pas la peine. Done il doit y avoir une sphere plus grande et plus durable , od tous les voeux de Thomme se trouvant pleinement sa- tisfaits, le desir de s'elever ne trouvera plus d'aliment. Moderez ce besoin, il nous prepare au ciel ; desordonne, il mene aux crimes ou a la folie. Les fautes de Tor- gueil , on les excuse , et on punit le malheureux qui a vo!6 pour assouvir sa faim ou se v6tir 1 Helvetius, apres d'autres, attribue tous les actes humains au sentiment de la peine et du plaisir. Est-ce ce sentiment animal qui faisait monter Pythias sur 1'echafaud de Damon, qui ramenait Regulus a Car- C1NQU1EME SECTION. 215 thage, qui faisait arriver Eustache de St. ^-Pierre a Calais, vers les bourreaux d'Edouard, qui portait Ma- lesherbes a defendre Louis XVI. L' expansion mentale mene les siecles. Comprimee durement par 1'esclavage des anciens, retenue 16 siecles par le christianisme, elle n'a jamais ete aussi deve- loppee que depuis 60 ans, et surtout qu'aujourd'hui -, elle fait marcher Thumanite a la vapeur, et il est & craindre que la machine ne fasse explosion. Nous aurions alors le sort de tous les etats dont une prompte decadence a suivi la fausse grandeur, et 1'orgueil cor- rompu , et nous deviendrions la proie des Russes ou des Africains. Les metamorphoses et la filiation de Tamour-propre sont infmies et tres-insidieuses. Quand on ne peut s'elever, on ravale les autres. Beaucoup aimeraient 1'egalite dans la lune. II est mieux de voir Fenvie et 1'intrigue , filles de Forgueil, manoeuvrant dans les elections; c'est le jour que les sots et les curieux, souvent en majorite , prennent pour se venger des su- periorites qui les offusquent. Tel qui vous repete sans cesse qu'il n'a pas d'ambition, a vu ses projets ambi- tieux de^us. La poesie et les beaux -arts, nobles enfants du besoin de s'e'lever, ne sont que la nature et 1'homme amplifies ou rehausses. On choisit meme dans le genre burlesque , qui n'est qu'une parodie faisant mieux res- sortir la grandeur. L'idee moderne de peindre la nature avec ses riva- lites, ses miseres et ses horreurs , de m&ler Tignoble au sublime , est absurde et corruptrice. Le romantique transporte dans la poesie epique et le drame ne peut revendiquer qu'un merite, celui d'avoir etendu le champ des sujets, d'avoir decouvert de riches mines dans le sol national. 216 CINQUIEME SECTION. Je ne crains pas que le romantique, a cela pres , soit jamais classique...... La communication artistique de M. JULLIEN, de Paris, n'a pas ete reproduite, ayant deja 6t6 faite a la 2e. Section, (Voyez.pag. 89. ) Arrivee a la fin de ses seances , sans avoir pu ter- miner ses travaux, la Section remercie M. le President, MM. les Vice-Presidents et le Secretaire, de Faction qu'ils ont imprimee aux diverses discussions par leurs opinions personnelles -, et le bureau, par Torgane de son President, temoigne sa gratitude aux nombreux mem- bres du Congres qui ont suivi les operations de la Section, pour Tiniest et 1'attention bienveillante qu'ils y ont pr£t£s. Le President, PfiRENNES. Les Vice-Presidents, CLERC, pretre. CTBf DU COETLOSQUET. Le Secretaire, JULES PAUTET. 217 SEANCES GENERALES (0 Seance du 2 septembre 1840. Presidence deM. de CAUMONT, ler. Vice-President. MM. JULLIEN, de Paris, 2e. Vice-President; WEISS et BOURGON, Secretaires generaux, sont aux cdtes de M. de CAUMONT. MM. les Presidents et Vice-Presidents de Sections, ainsi que MM. les Secretaires particuliers , occupent les places les plus rapprochees du bureau : cet arrangement est observe pendant toutes les seances generates du Congres. M. lePrefet, President eludu Congres> s'excuse par une lettre que lit M. de CAUMONT , de ne pouvoir assister a cette seance, 1'etat de sa sante lui laissant mSme peu d'espoir de prendre part aux reunions ge- nerales, seulement en.qualite de simple auditeur. Apres la lecture du proces-verbal de la premiere seance generale, qui est approuve, M. le President donne la parole successivement a MM. les Secretaires particuliers des differentes Sections qui se sont reunies depuis les 7 heures du matin , se sont constitutes par la nomination de leurs Presidents et Vice-Presidents , et ont deja commence leurs travaux. D'apres le voeu emis par les lre. et 6e. Sections, et mentionne au proces-verbal, M. le President invite M. ringenieur PARANDIER a presenter un tableau sta- tistique des sciences ge'ologiques dans la province. $) Voyez la seance d'ouyerture, p. 19. K) STANCES GEN&IALES. Get honorable membre a fait un expose general de r ensemble des travaux geologiques qui ont eu pour but Tetude speciale des chafnes du Jura. D'abord il passe en revue les premiers Me'moires publics sur la pale'ontologie de ces montagnes , tels que le Traite' des purifications de Bourguel; les Lapides figuratce de Lang-, les Lapides diluvii testes deKnorr; les Ada helvetica, et quelques ouvrages allemands : puis il signale le Memoire sur les fossiles de la perte du Rhdne, par M. BRONGNIART ^ quelques ouvrages de Leopold de BUCH, d'autres de MERIAN, de Bale; il arrive ensuite aux auteurs qui se sonl specialement occupes de la geologic des terrains jurassiques. Mais, pour faciliter Tappreciation des progres faits dans cette voie depuis une quinzaine d'annees , sous le triple point de vue geognostique , paleontologique et geogenique , et dus aux auteurs des divers ouvrages ou memoires qu'il va successivement examiner, M. Pa- randier resume a grands traits les connaissances ac- quises, 1°. sur la structure generate des terrains juras- siques , sur leur division en groupes et sur les rapports d'analogie qui existent dans le mode de succession des assises de ces derniers , compares a 1'ensembte du ter- rain •, 2°. sur les lois generates de la distribution des fossiles dans cette succession 5 5°. sur les dislocations ou soulevements suivant differentes directions , et les erosions qui out affecte les terrains , ainsi que sur les formes orographiques qui en sont resultees ; 4°. enfin sur les idees theoriques emises jusqu'ici a 1'egard de ces divers phenomenes. Apres cet expose, il donne une analyse succincte des Memoires de M. CHARBAUT, ingenieur des mines, sur les environs de Lons-le-Saunier, les premiers qui aient fait connattre d'une maniere detaillee les forma- tions des marnes irisees , du Lias et de Fetage inferieur SEANCES GENERALES. 219 dii Jura. Ces Memoires, dit M. le rapporteur, donnent deja des indications generates pour 1'etude a faire des etages superieurs qu'on rencontre plus particulierement en s'elevant vers la partie sud-est de cette province, et que M. DUFRESNOY avail decouverts dans le sud-ouest de la France. II passe en revue les recherches que M. Elie de BEAUMONT a publiees en 1830, particulie- rement sur les assises liassiques et keuperiennes de nos trois departements. II rappelle brievement les Memoires dont il a lui-meme fait part a F Academic de Besanc,on en 1850 et 1833, sur les soulevements et I'hydrographie souterraine des environs de cette ville, et sur les cavernes qu'on rencontre en si grand nombre dans nos vallees. M. PARANDIER fait connaitre ensuite les resultats consignes dans le Memoire de M. THIRRIA , public en 1831 , sur les terrains jurassiques de la Haute-Sa6ne, Memoire qui presentait Tetude la plus detaillee qui eut paru jusqu'alors sur ce sujet, et que cet auteur a completee en 1833 par la statistique mineralogique de ce departement, laquelle renferme de grands developpements sur tous les faits qui se rattachent, soit a la mineralogie, soit a la geologic de cette partie de notre province. En 1834, M. THIRRIA lut a la societe geologique de France, reunie a Strasbourg, une notice sur les terrains d'eau douce des environs de Montbeliard, redigee d'apres les observations qu'il devait a 1'honorable rap- porteur. Enfm il a fait paraitre en 1836 un Memoire sur le terrain cretace inferieurou neucomien des chatnes du Jura, memoire dans lequel il signale les obser- vations que lui avaient communiquees M. DUHAMEL, M. RENAUD-COMTE et M. PARANDIER lui-meme. Apres avoir rendu compte de i'essai sur les souleve- ments jurassiques de Porentruy, par M. THURMANN, public en 1832, notre confrere esquisse la theorie de STANCES ces soulevements et le mode de classification que ce geologue adopte d'apres la nature du terrain mis en aflleurement suivant Tintensite du soulevement, ainsi que les consequences qui resultent de ces considerations pour 1'orographie du Jura bernois , dont le meme auteur a donne une carte coloriee geologiquement sur celle de M. BUKWALDER , avec un itineraire fort interessant pour les excursions geologiques a travers ces montagnes. M. PARANDIER termine cette partie de son rapport en citant le Memoire de M. de MONTMOLIN sur le terrain cretace des environs de Neuchatel , le premier qui ail etc public sur ce sujet; les notices de M. NICOLET sur les environs de la Chaux-de-Fond , et les ouvrages de M. GRESSLY surle Jura soleurois et argovien. Ce tableau des travaux publics sur la geologic du pays est com- plete par le coup d'oail que jette M. le rapporteur sur les etudes paleontologiques qui se publient maintenant a Neuchatel, sous la direction de M. AGASSIZ, sur les recherches dues afeuM. RENAUD-COMTE , du Pissoux, dont il fait esperer la prochaine publication, et sur celles de M. RENOUARD, sur les environs de Belfort. M. PARANDIER fait ensuite connaitre les cartes geologiques du canton de Neuchatel et du departement de la Haute-Sa6ne 5 quant a celles du Doubs , une partie est deja coloriee sur celles de Cassini, mais elles ne pourront 6tre achevees avec la precision desirable qu'au moyen de la nouvelle carte topographique de France. Apres avoir indiqu6 les principales collections qui existent a Neuchatel , a Soleure, a la Chaux-de-Fond, a Vesoul , a Besan^on , et dans d'autres localites de la province, il termine cet interessant rapport en men- tionnant les resultats qu'ont obtenus la societe geolo- gique du Mont-Jura, dans ses reunions de 1834- a Neuchatel, et de 1835 a Besangon, et la societe geplo- gique de France, a Porentruy, en 1838 ; enfin, apres STANCES GENERALES. 221 avoir resume ce qui a etc fait jusqu'ici, il indique ce qui reste encore £ faire pour arriver a la connaissance complete des phenomenes g6ologiques que presentent les chames du Jura, et, d'apres le nombre toujours croissant des personnes qui s'occupent de cette science, il fait esperer que bientdt il sera possible d'organiser des societes locales dont les travaux conduiront a ce resultat. Apres 1'improvisation rapide et inte>essante a laquelle s'estlivreM.PARANDiER,M. VULLIEMIN, de Lausanne, president de la Section d'archeologie, communique un passage important de la continuation de Fouvrage historique de Jean de MULLER , auquel il travaille depuis quelque temps •, ce fragment est intitule ; line insurrection de la Campagne-Bdle , en 1591. Les irapots sont ne"s dans les monarchies avec les armees perma- nentes; 1'avidite des Cours les a encore accrus. Dans les pays voisins de la Suisse , ils devoraient la moelle du peuple. Philippe II prelevait sur ces sujets le dixieme de leurs biens , pour pouvoir lew assurer, selon son langage, la religion et te repos. Rome vendait les revenus et les charges; elle affermait le present et 1'avenir. La taille n'avait pas cesse, pendant les guerres civiles, de s'unir aux fleaux qui de- solaient la France. Seuls encore , les peuples Suisses la repoussaient comme un titre de servitude. Le nom de libres confederes, que leur donnaient les rois, leur elevait le coeur. Les gouvernements ne leur i-endaient pas compte et n'avaient pas leur confiance. Bale essaya nean- moins, a la fin du siecle precedent, de prelever sur ses sujets une taxe legere. Gondamnee a liyrer al'eveque deux cent mille florins pour son rachat, elle invita ses sujets a payer cette somme a?ec elle. Elle elablit, le \ 8 Janvier \ 571 , un impot d'une rappe (un centime et demi) par pot sur la vente du vinen detail, et, ne voulant pas laisser cette charge peser tout entiere sur les aubergistes , elle leur envoya des vases a mesurer le vin, reduits d'un dixieme. Cette ordonnance fit naitre 1'in- surrection connue sous le nom de Guerre des Eappes. « C'est a la ville, s'ecrierent les pay sans, a payer ce dont elle retire les fruits : si nous sommes admisaupartage des charges, nous devons 1'etre a celui des droits.» Les bailliages de Frensbourg, Waldenbourg, Hombourg, Ramstein et Lichstal 1 , les monies qui , deux siecles et demi plus tard . 222 STANCES GEN&RALES. se sont se'pares de la ville, s'assemblerent en landsgemernets. rejeterent 1'ordonnance et firent retentir de leurs plaintes tous les cantons. La diete s'assembla.Les deputes n'eurent qu'une voix. « C'est 1'exces du bien-etre qui rend les paysans orgueilleux : entr'aidons-nous selon les alliances. » La fierte grossiere des envoyes de la campagne de Bale accrut 1'irritation. « Allez, leur dirent les representants des viles, vons etes indigiies du nom Suisse dont vous vous gjorifiez, et que vous devez a vos seigneurs. » Trois fois les envoy es des cantons se rendirent a Bale en mediateurs; trois fois ils echouerent. Cepen- dant la diete n'osait pas ordonner des mesures contre les rebelles. Zurich et Berne, les plus presses d'agir, craignaient que leurs peuples ne fussent secretement d'intelligence avec les Balois.Des raercenaires couraient en ce moment en foule, les uiis a Henri IV, les autres a la Ligue. Les etats catholiques, dans ces circonstances, voyaient avec une grande joie une epine au pied des villes protestantes. Leurs gens eussent vole de grand cceur au secours des paysans. Des annees se passerent sans que Bale re^ut de secours. Enfin, ce que des villes puissantes n'avaient ose , un homme se chargea de 1'entreprendre. Les insurgcs avaient perdu de leur premiere ardeur. Quelques communes, Lichstall, entre autres, inclinaient vers la somission. Les paysans devaient s'assembler le 15 mai 1594, pour empecher la defection de s'etendre et la punir, s'il le fallait. Ge jour, avant 1'aube, le tambour battit dans Bale; il appelaitles arquebusiers a une fete que leur donnait Andre Ryff, leur capitaine. Une coupe et un dra- peau de soie devaient etre le prix du meilleur coup. Ryff s'avanca, le front, le costume annoncant la joie; une chaine d'or faisait quatre fois le tour de son pourpoint noir; des plumes blanches flottaient fiere- ment sur sa toque de velour. Tout a coup : « Amis, disait-il, a ses compagnons de fete, nos seigneurs nous envoient secourir leurs sujets fideles : jurez de m'obeir; je vous promets de n'exiger de vous que ce que je suis pret a faire le premier. « Tous leverent la main. La petite troupe de soixante-et-dix hommes marcha sur Lichstall. Un paysan gouvernait les insurges par sa parole ; c'etait Jean Siegrist , de Nicderdref. Ryff con gut le dessein de 1'employer a les ramener a 1'obeissance. Straubin, pasteur de Boubendarf, se rendit au milieu des villageois, qui s'assemblaient de toutes parts en armes. Au cri des femmes et du peuple, « a mort, a mort, le precheur ! » il repondit d'un visage ouvert : « Que vous servirait? Je mourrais en Chretien. Oubliez bien plutot le passe, car je vous apporte la paix. >» II reussit, bien qu'avec peine, a parvenir jusqu'a Siegrist et a lui faire gouter 1'idee d'une entrevue avec le chef Balois. On convint de se ren- contrerle lendemain, a neuf heures, dans la plaine qui separe Wal- dentstein de Puffendorf. La nuit fut tumultueuse. Vingt fois les STANCES G&SERALES. arquebusiers se crnrent a 1'heure d'etre attaques. Des que le matin parut, Ryff s'avanca, suivi du pasteur Straulin et de quinze de ses soldats. Personne au lieu convenu; au nomde Dieu, il gravit la colline , personne. A la fin toutefois , il voit les paysans sortir d'une foret, mais bien arrays , cinq par rang, et si nombreux qu'ilscon- Hnuaient de defiler, que deja il en avait compte plusieurs cents. Ryff n'hesite pas, il ordoune a ces gens de demeurer immobiles, et lui-raerae, s'elan^ant au galop de son cheval, s'arrete a quelque distance des campagnards , leur recommande de faire halte et les salue cordialement. « Ghers paysans , leur dit-il , un differend subsiste depuis trois ans entre vos magistrats et vous : Dieu 1'a permis pour nos peches ; Adressons-nous a sa misericords. Nous sonames venus en petit nombre comme vous le savez , non point vous assaillir , mais proteger les hommes paisibleset conferer avec vous. Que Siegrist, avec trois temoins, sorte de vos rangs. Au nom de Dieu, nous entrerons en pour- parler. » Siegrist s'avanca. « Tu sais ta faute, lui dit le capitaine, et la peine que tu as meritee. Tu n'ignores pas qu'en quelque lieu que tu ailles , dans tout I'empire romain, tu dois rencontrer la vengeance de tes seigneurs. Mais je sais, moi, qu'usant du sens remarquable et de 1'eloquence que Dieu t'a donnee , tu sauras aujourd'hui meme reconcilier ce peuple avec ses magistrats. Tu ne prendras point sur toi la responsabilite de ce qui adviendrait, si tu agissais autrement ; je te le jure au nom de mes seigneurs , ton crime est oublie". » Au- guste fut moins grand , convainquant Cinna d'ingratitude; ilnefut pas plus heureux. Siegrist promit de s 'employer a la paix. Aussitot, sur un signe des deux chefs, leurs gens s'avancerent. Us firent cercle. Ryff prit la parole : « Chers paysans, fideles sujets , on a allume de grandes haines pourune cause legere. La plupart de vous ne vont pas dix fois 1'an au cabaret. Refuseriez-vous de donner dix rappes dans J'annee a vos seigneurs , dont le tresor s'est vide pour 1'eveque? Cette contribution ne vous est demandee que pour pouvoir vous proteger , le cas de guerre echeant. Dieu de -bonte, ouvre les yeux a ce peuple ! Detourne d'eux la hache vengeresse, car la moisson est mure. Chers paysans, ayez pitie de vous , de vosfemmes, de vos enfants j voyez celuiqui vous a egares, qui pour vous s'est jet6 dans le p&il; voyez- le menac6 par 1'epee; la vie de Siegrist est dans vos mains; je lui jure, et a vous tous, oubli complet du passe , si vous rentrez aujour- d'hui dans I'obeissance. Ghoisissez entre le sacrifice de quelques sous et des malheurs , dont les enfants de vos enfants conserveraient le souvenir. J'ai mis devant vos yeux 1'epee et le livre, la guerre et la paix. Vous me serez temoins au dernier jour, que je ne vous ai rien cache" de ce qui pouvait vous sauver. » Siegrist eon jura le 224 SEANCES GENERALES. peuple de donner la paix, a lui, a ses enfants , a la patrie. Les paysaus, a 1 'invitation de Ryff, se partagerent par bailliages pour deliberer; ils etaient 2,500; leurs femraes se raontraient surles hauteurs, ar- mees de fourches , et dans 1'attente : les uns apres les autres ils firent leur soumission. « Jamais, dirent-ils, nous ne comprimes ce dontil s'agissait ju'squ'a cette heure. » Tousa genoux, ils jurerent obeissance, les mains levees vers le ciel , qui venait de se couronner d'etoiles. Sur un ordre deRyff, des pains, desfromages, un ton- neau de vin arriverent sur la scene ; des cris de joie remplirent les airs. Bient6t des deputes de la ville vinrent recevoir le serment des campagnes, au seind'une fete, qui se prolongea trois jours. Point de sang verse et aucunes larmes , sinon celles que fit repandre le retour de la Concorde. Ryff avait montre ceque, dans des jours difficiles, peut un homme sans colere et sans crainte. Au de"faut de ses concitoyens, le heros fit frapper une raedaille qui representait 1'evenement et portaitles mots : « Voilace qu'un homme asu faire. » Les villes suisses applaudirent a cette issue d'une querelle qui les avait vivement inquietees. Des lors elles s'enliardirent ; Zurich osa lever a son tour un gite de guerre sur ses ressortissants. Elle pro- voqua par cette mesure un mecontentement general. Un soulevement eclata sur les bords du lac et dans le bailliage de Gruningen. Le supplice d'un des promoteurs de 1'insurrection ramena le repos, non la confiance. 'La seance est terminee par la lecture de deux fables, faites par M. PORCHAT, ancien recteur et professeur ft 1' academic de Lausanne; ces fables, qui ont ete accueillies par d'unanimes applaudissements , sont ex- traites d'un ouvrage clont 1'auteur offre un exemplaire au Congres, et qui est intitule, Glanures d'Esope, Paris , \ 840, de 344 pages in-8°. Les fables dont il a ete donne communication sont : Michel-Ange et lePecheur, qui appartient au lle. livre de cet ouvrage; Tautre a pour litre, les Ecureuils a la frontier "e , extraite du 12e. livre. L'ordre du jour appelait la lecture d'un Memoire sur Farchitecture , et relatif a la 12e. question propos6e a la Section des beaux-arts dans le programme ; 1'au- teur, M. Victor BAILLE, a ete invite £ ajourner sa STANCES GENERALES. 225 lecture a la seance generate du lendemain , 1'heure etant trop avancee pour pouvoir entendre ce travail dans la reunion de ce jour. Plus rien n'etant a 1'ordre du jour, M. le President a leve la seance. Stance du 3 septembre. Presidence de M. de CAUMONT. Apres la lecture du proces-verbal de la seance du 2, qui est approuve, et celle des proces-verbaux parti- culiers des Sections qui se sont reunies ce m6me jour, M. le professeur BOURGON donne lecture d'un Memoire de M. Victor BAILLE, sur la 12e. question de la Section de lilterature et beaux- arts : Quelle a Me I' in- fluence du mouvement intellectuel qui s'est ope're' en France depuis 1789, et quelle est celle qu'il doit exercer sur les beaux ~ arts et particulierement sur f architecture ? Cette influence nous parait avoir trois phases correspondantes a trois directions differentes des idees de la societe. Ces trois phases ont etc en progres ; la derniere , qui est a peine a son commencement , pent se developper d'une maniere fort heureuse ; ses avantages ne sont pas compris de tous ; mais nous esperons que de genereux efforts les feront apprecier : d'ailleurs elle marchera avec le progres de la societe. On peut definir ces trois phases : \°. Renaissance des arts, imitation de Tantique; 2°. Application de 1'industrie, progres dans 1'architecture domes- tique; 5°. Appropriation mieux raisonnee des arts, aux besoins, aus iiHEurs de la societe actuelle , retour a 1'etude du moyen age. Les arts , cette noble parure des nations , ont toujours etc , surtout aux differentes epoques ou on les a vus fleurir, le reflet fidele des mo?urs et des principes des peuples. Avant 1789, les moeurs de la societe e"taient corrompues, tous les principes bouleverses; aussi les arts etaient en decadence ; la litterature avait ete envahie par nn 10* SEANCES G&NERALES. philosophisrae froid et impie; les arts du dessin n'apparaissaient plus que sous des formes molles et boursouflees ; 1'architecture , dont les oeuvres n 'etaient plus iuspirees par des idees grandes et parUmt de principes arretes , ne produisait que des ouvrages desordonnes , ou 1'ou chercherait en vain le motif de mille ressauts, de moulures en- lortillees et bizarres , d'une richesse prodiguee sans discernement ; et nous ne pouvons voir dans tout cela que le reflet des desordres de la societe , des folles prodigalites des hautes classes , et du luxe qui commenc.ait a s'introduire dans le peuple. Quand les tristes jours de la revolution arriverent, que les echa- fauds s'eleverent de toutes parts, les arts furent comme aneantis, jusqu'au jour ou une main forte et puissante vint retablir 1'ordre dans la societe, qui redemanda toute joyeuse ses fetes et ses parures. Le gouvernement se rapprochait par sa forme des beaux temps de 1'aniiquite romaine; 1'occupation de 1'Italie avait rappele 1'altentiori sur les chefs-d'oeuYre dont elle est ornee, et en facilitait 1'etude. Toutes les idees alors etaient romaines. Les arts, en renaissant, sui- virent cette direction, et d'autant plus facilement que leurs pre- mieres oeuvres furent destinees a celebrer des triomphes analogues a ceux du grand peuple remain. Le culte catholique relevait ses autels ; mais les preventions, repandues par le philosopbisrae centre les siecles du moyen age , etaient encore bien vives , et les artistes , tous enfants de la revolution, connaissant a peine 1'esprft du ca- tholicisme , lui eleverent des temples d'une forme toute paienne. La peinture et la sculpture s'inspiraient aussi dans 1'antiquite grecque et romaiue. La sculpture surtout s'etait tellement ideutifiee avec elle , qu'elle representa plusieurs fois nos heros vetus de la toge. L'ar- chitecture domestique reproduisait les ordres de 1'architecture mo- numentale, j usque dans les simples decorations d'interieur, ou la menuiserie etait souvent traitee sous les memes formes que la pierre : en cela on s'ecartait des artistes antiques , qui employaient un style different pour \e& interieurs et les maisons particulieres, comme 1'ont demon tre les decouvertes d'Herculanum et de Pompeia. Le defaut de cette epoque a done ete une imitation trop servile .et non appropriee aux moeurs de la societe. Malgre cela, il y avait progres , puisqu'auparavant les arts avaient ete abandonnes ; cette imitation etait necessaire a leur regeneration. Les principes fixes et tres-bons en eux-memes , qui forrnaient le point de depart, ne pou- vaient manquer de se developper avec la nouvelle forme de la so- ciete et de s'elever avec la prospe"rite du siecle. Nous n'avons parte que de 1'imitation de 1'art romain, parce qu'elle a ete plus genera- lerneut repandue ; mais nous ne devons pas passer sous silence 1'etude des monuments egyptiens, seul fruit d'une expedition auda- SEANCES GENERALES. 227 cieuse ; cette etude ne nous parait inte"ressante que sous le rapport de 1'histoire generate des arts. Les Egyptiens etaient encore plus separes de nous , que les Remains , par le climat et par les moeurs ; or, la condition de progres dans les arts est toujours une conformite a ces deux choses ; on ne pouvait done rien tirer d'utile de Tart e"gyptien , sauf quelques principes de solidite". Tant que durerent les guerres et 1'agitation de 1'erapire , les arts resterent dans cet e"tat d'imitation, la society n'etait point assez calme, 1'artiste ne pouvait mediter et creer. Mais quand vint le regne de la paix , toute cette activite guerriere , qui etait allee au loin etablir la gloire de la France, se tourna au commerce, a 1'industrie, et se mit a travailler a la prosperite interieure. Dans cette nouvelle carriere, elle obtint des succes aussi-rapides. Un ancien chroniqueur a dit qu'au onzieme siecle, la piete" des fideles couvrit toute 1'Europe, comme d'un blanc manteau, d'eglises et de monasteres. Nous pourrions, en empruntant cette expression pittoresque, dire qu'au dix-neuvieme siecle , 1'esprit de commerce couvrit toute la France d'un riche manteau de manufactures etde bazars; 1'aspect interieur des villes fut tout change; les produits de 1'industrie, les objets de commerce, ne furent plus relegues sous d'humbles outristes arcades, ou etablis sous des tentes mobiles. Le commerce regna etfutle dieu du jour; il fallut lui clever des edifices riches et brillants, comme Tor qu'il repandait. A ses sectateurs, il fallut de petits palais et toqtes les jouissances du luxe; ils appelerent les arts a leur aide. Ici commence noire seconde phase; application a 1'industrie , progres de 1'architec- ture domestique. On vit s'elever cet art de la decoration des boutiques, architecture legere, brillante, variee, parce qu'il fallait construire promptement, sontenir l'e.clat du commerce, suivre. ses differentes formes et ses progres. La population augmentant, les villes devinrent trop petites ; il fallut les agrandir, percer de nouvelles rues ; la place etait precieuse, on s'efforga d'en tirer le meillenr parti, en etudiant avec soin les distributions; pour cela il fallut se conformer aux mceurs, aux usages; ce fut comme le second pas pour sortir de 1'imitation servile de 1'art romain, que Ton avait deja modifie pour les decorations legeres dont nous veuons de parler. L'artfitdes progres rapides des les nouvelles constructions; la dasse bourgeoise y trouva toutes ces aisances, ces agrements, autrefois reserves aux palais des grands ; apres 1'utite on voulut avoir le luxe : mais les fortunes n'etaienl point assez fortes pour y suffire; d'ailleurs 1'esprit de commerce avait introduit 1'amour da gain; ce que Ton avait acquis, on voulait le faire servir a acqu^rir encore, et n'en consacrer qu'une tres-faible partie au luxe desire. II fallut creer un luxe a bon marche; les arts y arriverent par mille 228 SEANCES G&NERALES. moyens ingenieux. La sculpture autrefois si longue a exeeuter, si dispendieuse, se jeta au raoule ; la menuiserie se fit a la mecanique ; les papiers de tenture imiterent et remplacerent les etoffes les plus riches ; les peintres decoratetirs revetirent les bois comnmns des couleurs et du veinage des bois rares et precieux ; ce fut un luxe brillant , bien different de la simplicite cossue de 1'ancienne bour- geoisie, bien different du luxe splendide de 1'ancienne noblesse. Le luxe ne fut pas seulement dans les habitations, il le fallut en tout et pour tout. Les 'arts mecaniques firent des prodiges pour satisfaire a ces nouveaux besoins avec promptitude , et a moins de frais pos- sibles; conditions essentielles du luxe de cette nouvelle societe", essentielleraent marchande.il fallut aussi faire de la solidite, a moins de frais possibles. De la, une etude ingenieuse et savante sur 1'em- ploi des materiaux, etude qui caracterisera principalement cette epoque. Le fer et lafonte, appliques avec les succes les plus heureux, remplacerent la pierre, en offrant les memes garanties de solidite, une grande duree, une legerete et une promptitude d'execution admirable. Ces differentes applications sont trop bien connues, pour que nous soyons oblige d'en faire la description; toutes furent une invention de 1'epoque. Les mo3urs et les usages avaient deja force les artistes a s'affranchir de 1'imitation stricte de 1'antiquite; les arts etaient releves et dans la voie du progres. Mais le commerce et 1'industrie, qui absorbaient (out, n'ayant que des besoins materiels, ne pouvaient inspirer a i'artiste des ceuvres de poesie et de pensees , comme celles qu'in- spirent le zele religieux, ou 1'enthousiasme politique; aussi le progres ne se trouve-t-il que dans cette architecture industrielle et domestique ; 1'architecture monumentale resta ce qu'elle etait , une imitation de 1'art antique, avec quelque* modification dans la con- struction introduite par ce priucipe du bon marche , qui souvent a fait de grands ecarts , surtout par I'emploi d'un systeme d 'adjudication oil une foule de gens , qui n'ont pas les conditions necessaires de mo- ralite et d'intelligence, viennent se disputer 1'execution d'un ouvrage au plus bas prix. II s'agit pour eux d'avoir de 1'ouvrage, de faire des affaires. On a vude ces hommes offrir des rabais considerables, sur des prix calcules avec 1'exactitude la plus rigoureuse , et cela sans avoir pris la peine de verifier ces calculs; il fallait faire des affaires. Qu'est-il arrive ensuite? Ces entrepreneurs ne trouvant plus un gain suffisant dans un travail consciencieux, se sont abandonnes a la mauvaise foi. Que de coupables supercheries ne pourrions-nous pas signaler? Et ce n'est pas tant ces hommes que nous en accuserons , que le malheureux esprit qui a introduit ces methodes dites eco- uomiques, et plus encore cette fievre dc$ affaires, qui tourmente le SEANCES GENERALES. 229 raonde , qui pousse a en faire a tout prix. Une modification impor- tante sur ce point nous parait necessaire pour le bien de 1'art , pour 1'interet public et particulier. L 'etude des projets, en ce qui a rapport a 1' economic , devrait etre soumise a la revision d'une commission d'hommes speciauxj on choisirait en suite, pour executer 1'ceuvre, un homme d'une intelligence et d'une moralite garanties par des preuves plus solides qu'un certificat trop souvent donne en termes insignifiants et seulement pour eviter 1'affront d'un refus. Cette reforme se realisera, nous 1'esperons, sous la troisieme phase qui s'ouvre avec les heureux auspices de hauts patronages , qui soutiennent le zele des artistes , une generate et juste appre- ciation des bommes et des oeuvres appartenant aux siecles que Ton nommait barbares. C'est a la litterature qu'appartient 1'honneur d'etre entree la premiere dans cette nouvelle voie ; elle a secoue la poussiere des vieilles archives. L'histoire nous a fait connaitre les vertus et les grandes oeuvres de ceux que nous n'osions avouer pour nos peres : tant le philosophisme les avait avilis. Une litterature moins severe nous a peint la naivete, le pittoresque de leurs mceurs. Alors nous avons daigne Jeter les yeux sur ce qu'il restait encore des produc- tions de leurs arts. Nous avons etc surpris d'y trouver des beautes de convenance a notre climat, a nos mceurs. Ge retour un peu brus- que a occasionne des ecarts, nous le savons; des imaginations jeunes et vives, impatientes du joug severe des pretendues regies, que 1'pn avait voulu tirer de 1'antique , ont cru voir dans la hardiesse et la variete des arts du moyen age , une autorite qui leur permettait de se livrer a leur fougue; pour un moment elles se sont eloignees des principes d'ordre , sans lesquels il n'est point de beaute . Des esprits plus calmes et admirateurs exclusifs de 1'art antique ou de ce qui en decoule directement ont jete un cri d'alarme; mais qu'on se rassure : deja ce premier elan a etc modere; on a senti que ces oeuvres si hardies et en quelque sorte fantastiques n'etaient point 1'effet d/un caprice aveugle; elles manquent de cette parfaite regularite de 1'art Antique, mais la cause en est le plus souvent dans 1'observation de la premiere des regies, la convenance, 1'appropriation a la destina- tion : c'est elle qui produit le pittoresque, qui donne lieu a la variete v en inspirant des styles differents entre la maison de campagne et celle de la ville, entre la maison destinee au negoce, 1'hotel d'un riche proprietaire^ ou une ecole, un palais ou une £glise; difference qui n'a pas etc observee sous 1'influence de 1'art antique, comme dans la rue de Rivoli, ou des hotels garnis, des maisons de negoce et le palais d'un ministre sont tons confondus sous une meme ordonnance monotone,, tellement qu'i/fautau palais son enseigne , tout comme 250 STANCES GENERALES. a la boutique d'un marchand. Eutre autres nombreux exemples, nous mettrons encore en parallele la Bourse et 1'eglise Sainte-Madeleine, deux edifices de destinations si differentes et tous deux eleves sur uu meme motif. La connaissance de cette grande regie des convenances, peut-etre la seule, sera le premier fruit de 1'etude de 1'art au moyen age, oil Ton savait si bien 1'observer. C'est en la suivant que les artistes de ces ages ont eleve de raajestueuses eglises, faites poui' la priere, ou la foi et 1'esprit de meditation etaient nourris par la decoration si re- ligieusement conforme a la destination de 1'edifice. Ce n'etait pas alors un meme type , qui servait tour a tour d'ange , de genie ou d'amour profane, par un simple changement dans leurs attributs. Leurs anges, ce sont de belles figures exprimant le recueillement , montrant le calme de 1'innocence; leur genie de la -guerre, un guerrier tout barde de fer; I'amour, une noble et belle dame, ou bien une jeune fille naive et enjouee. Mais la decoration n'est qu'un accessoire, et, quoiqu'il modifie considerablement le corps de I'oeuvre, attachons-nous davantage a ce dernier ; observons scs hautes tours crenelees, qui annonc.aient la puissance du noble chatelain, tout en servant a la defense de son chateau ; comparons ces constructions aux forteresses de nos jours (au nouveau fort de Bregille , qui res- serable plus a une manufacture qu'a une citadelle). Etudions la ma- gnificence de ces palais de rois, de ces maisons de ville, dont en France nous n'avons presque que des souvenirs , mais qu'on retrouve encore en Angleterre, en Allemagne. Observons ce grandiose qui annonce une demeure royale ou le sanctuaire des franchises d'une commune; de larges et majestueuses fenetres, richement ornees , indiquent la place des salles de reception, des assemblies commu- nales; les appartements secondaires n'ont point autant de luxe. Comparons cette irregularite raisonuee avec la symetrie parfaite d'ouvertures egales , qui n'annoncent rien a 1'exterieur et qui a 1'in- terieur geiient pour la distribution. Etudions aussices maisons bour- geoises disposees si confortablement pour notre climat et les usages d'alors. Nous relrouverons partout convenance parfaite, et nous verrons que toutes les beautes de 1'art sont venues de I'observation de cette regie , que Ton a deja reconnue et appliquee a plusieurs mo- numents de la capitale. L'ecole des beaux-arts doit etre citee ; sa decoration est d'un style riche, plein d'imagiuation; ses cours sont ornees de precieux restes des temps anciens ; tout annonce le lieu destine a exalter 1'ame de 1'artiste en dirigeant ses elans. On pourrait encore citer INotre-Dame de Lorette, pour 1'ordonnance interieure, si uu luxe de salon, trop coquet, trop frais, trop mondain, n'y avail enlcve le caractere de severile religieuse; la decoration formee par STANCES G£NE"RALES. la representation des principaux traits de la vie de la mere de Dieu, etait bien dans le style Chretien. L'agencement de ces peintures qui font partie de 1'edifice, au lieu d'etre en tableaux detaches, etait monumental. On pourrait encore citer d'autres edifices, qui annoncent un retour a une architecture mieux appropriee aux usages ; mais il y a surtout un zele tres-louable pour la conservation et la restauration des O3uvres de notre art national , on y puisera de bonnes lemons. Nous avons dit que cette nouvelle phase annoac.ait plus de progres que les premieres , a cause de cette application de la regie des con- venances , et puis aussi parce que c'est un retour a un art qui nous appartient. Nul n'est eloquent que lorsqu'il exprime ses affections de la nature. Nul arbre n'est beau et vigoureux , que dans son sol natal; les arts ne doivent-ils pas suivre cette loi generate, et briller d'un plus vif eclat, lorsqu'ils sont inspires par les moeurs, par le climat ? Ne peut-on pas comparer 1'architecture delicate des Grecs, leurs moulures sipures, aux moeurs polies de ses habitants , aux horizons de ses paysages si gracieusement profiles; la richesse, la grandeur de 1'architecture romaine, a I'ambition de cette nation, a ses eclatantes victoires ; les lignes droites de 1'architecture egyp- tienne a I'immensite des deserts , a leur monotonie ; le pittoresque de 1'architecture ogival, son caractere eminemment religieux , aux sites pittoresques de nos montagnes , de nos forets et a la pie"te de nos peres; sa poesie, a 1'esprit chevaleresque dumoyen age. Pourqu'ily ait poesie dans les arts, il faut done qu'elle soitdans nos moeurs. Notre troisieme phase a commence a briller, parce que nous avons ete retires de la froideur de 1'industrialisme , par 1'etude de ces (Euvres creees sous les inspirations du coeur et de I'ame. Pour que 1 eclat -ne s'affaiblisse point, il faut soutenir les esprits dans la voie ou ils se sont elances ; cette noble t«iche appartient particulierement a la litterature, qui agit plus directement sur 1'interieur de 1'homme, c'est elle qui doit tra? ailler a dissiper les idees purement materielles qui entravent le progres des arts et qui nuisent a la croyance reli- gieuse, source de la poesie par excellence. Les plus beaux monu- ments de 1'antiquite ont e"te eleves en 1'houneur du principe divin. Les sublimes e"glises du moyen age les out surpasses, parce qu'elles etaient les oeuvres de la foi au vrai Dieu. Qu'elle nous vienne done d'en haut cette foi, qui fait germer les grands homines, inspire les (puvres sublimes et repand le bonheur sur 1'humanite ! Ce Memoire a ete entendu avec le plus vif intertH, et M. le President remercie Tauteur de cette importante ct agreable communication. STANCES GENERALES. MM. PARANDIER et MORIN sont invites par M. le President a reprendre la discussion qu'ils ont soutenue en seance particuliere sur la question du chemin de fer partant de 1'Alsace et traversant une partie de la Franche-Comte. M. PARANDIER expose qu'il est urgent de s'occuper de la ligne qui devra incessamment joindre le chemin de Strasbourg a Bale a celui qui sera trac6 de Paris au bassin du Rh6ne. Trois traces sont proposes. D'apres le projet que M. PARANDIER a particulierement de- fendu, comme presentantleplusd'avantages, le chemin, partant de Mulhouse, suivrait la vallee duDoubs et arri- verait a Besangon , d'oii il se dirigerait par le village de Recologne sur la vallee de TOgnon , qu'il parcourrait jusqu'a 1'embouchure de cette riviere dans la Sa6ne, a Pontaillier, d'ou il se prolongerait jusqu'a Dijon. MM. MORIN et PRATRERNON ont defendu le trace par la vallee de la Sa6ne, insistant specialement sur 1 avantage que presente la facilite de son execution. Le chemin de fer de 1'Alsace a la Saone superieure unirait non-seulement le nord au midi, mais Test a Touest et au nord-ouest; car des canaux relieraient un jour la Saone superieure a la Marne, par la vallee de la Vin- geanne , a la Meuse et a la Moselle. Besanc,on et Dijon sont dotes de canaux tres-importants •, la Haute-Sa6ne, un des departements les plus fertiles et les plus riches en mines, aurait besoin d'etre poussee a 1'exporlation et par consequent d'avoir un moyen de communication rapide. M. PARANDIER a termine la seance par quelques mots de replique aux raisons alleguees par MM. MORIN et PRATBERNON. SEANCES GEN^RALES. 235 Stance du 4 septembre. Presidence de M. de CAUMONT. La lecture du proces-verbal donne lieu , de la part de M. MORIN , a une reclamation , par laquelle cet ho- norable membre rappelle qu'aux diffi&rentes directions des cherains de fer dont il est question, il faut ajouter celle de Gray £ Nogent-sur-Seine. M. le Secretaire ge- ne>al fait remarquer qu'il n'a eu 1'intention de rappeler que les directions diverses qui pourraient traverser notre province, et que d'ailleurs le proces-verbal de la seance generale devant 6tre abreg6 , il laisse de pareils details aux proces-verbaux des Sections. M. MAILLARD DE CHAMBURE adresse au Congres deux lettres, dans lesquelles il annonce que la commission departementale des antiquites de la C6te-d'0r poursuit 1'executioti de ses travaux sur les voies romaines et les inscriptions antiques. II fait connaftre le plan suivi par cette societe , et le propose a 1'imitation des com- pagnies savantes de la France , et particulierement au Congres, afin que les divers travaux sur les voies romaines, reunis en une seule carte d'assemblage, finissent par presenter une carte itineraire d'une haute importance pour 1'histoire ancienne de notre pays. II en est de m6me des inscriptions qu'il propose de re- cueillir d'apres un programme particulier suivi par la m£me commission des antiquites de la C6te-d'0r. Un membre fait observer que , relativement aux voies an- ciennes, le travail propos6 par M. MAILLARD DE CHAM- BURE est commence par MM. PONC.OT, Edouard CLERC et le professeur BOURGON , et que celui des inscriptions a dej& rec.u un commencement d'execution par la pu- blication du lcr. volume des Documents ine'dits relatifs a 1'histoire de la Franche-Comte'. 234 STANCES G£N£RALES. M. de DIEU D'!SAB£ adresse au Congres dix cahiers d'une publication ayant pour litre : Congres : Associa- tion intellectuelle des provinces, ou Revues unies. II demande au Congres son concours a cette ceuvre qui a pour but ftemanciper les provinces du joug beau- coup trop lourd que la capitale a fait peser sur elles depuis long temps. Apres la lecture des proces-verbaux des Sections, qui ne donnent lieu a aucune discussion, I'ordre du jour appelle la deliberation du Congres sur la question de la vaine piHure, discutee en seance particuliere dans la 2e. Section. Quoique le proces- verbal n'ait souleve aucune reclamation , M. le President ne peut mettre aux voix la formule proposee par la Section , parce qu'elle ne reunit pas Tassentiment general, et que les membres memes de la Section ne sont pas d'accord sur la redaction de la question (i) : en conse- quence , le Congress renvoie a la Section d'agnculture le proces-verbal de ce jour pour qu'une formule exacte et definitive soit proposee a rassemblee* M. le Comte du COETLOSQUET , sur la demande de la 5e. Section, lit un Memoire plein d'esprit sur Yinu- tiliU des etudes philosophiques dans nos e'tablissements d'instruction publigue. Ce Memoire fera partie des publications du Congres (2). M. REYNAUD - DUCREUX presente le sommaire des observations faites par lui dans la 6e. Section a la seance du matin. Ces observations sont relatives a la premiere question du programme de cette Section , qu'il aurait desire voir traitee completement par des hommes spe- ciaux, industriels et constructeurs, (0 Voyez page 75. (2) Voyez page 174. STANCES G^NEIRALES. 235 Un travail sur cetle matiere serait d'autant plus utile que la province manque d'etablissements ou les chefs d'usine puissent acquerir 1'instruction necessaire; et cependant il n'est pas douteux qu'on pourrait faire comprendre tous les principes indispensables sans faire usage des mathematiques transcendantes ; il cite, a Tappui, la maniere dont on peut expliquer 1'usage du frein de Prony. II termine en exprimant le desir de voir etablir en Franche-Comte une ecole industrielle, complement necessaire de toute bonne education pro- fessionnelle , pour les personnes qui, par leur-etat ou par leur fortune , doivent s'occuper d'usines et de machines. La seance est terminee par la lecture d'une char- mante piece de vers que M. PORCHAT a composee i Toccasion d'une inscription trouvee pres d'Aubonne, petite ville du canton de Vaud , celebre par le chateau etla tour qu'y fit construire TAVERNIER, que Ton nomme le baron d' AUBONNE , et qui disait n'avoir rien vu dans ses voyages de plus beau que ces con trees. Voici cette inscription : (LESIA VEGETA APOLLINI V. S. L. M. ( Votum solvit libens merito. ) On demande a quel sujet cette consecration a pu £tre faite ? On essaie d'y repondre dans la piece suivante : Au bois je revais comme ua sage ; L'Aubonne a mes pieds murmurait. Une fleur m'invite au passage ; Sous la feuille un marbre parait : Pour les Dieux nourris d'ambroisie Un ex-yoto dans ce vallon!.... Dites-moi, charmante Cesie, Ce que fit pour vous Apollon,, 236 SEANCES GENERALES. La rive n'etait pas inoins belle Au temps ou ce lac fut remain : Vous la chantiez, Sapho nouvelle; Un luth parla sous votre main : A vous le prix de poesie, En depit d'un rival felon Est-ce la , charmante Cesie , Ce que fit pour vous Apollon ? Peut-etre, enfant d'un autre plage, Disiez-vous : « Quels rudes hivers ! » Dieu du jour, que ton beau visage » Enfin sourie a nos deserts I » Et le Dieu, plein de courtoisie, Dissipa le noir Aquilon. Est-ce la , charmante Cesie , Ce que fit pour vous Apollon? Non , non , un souvenir plus tendre Par le coeur ici fut grave. Dans vos bras la parque allait prendre Un jeune fils . . . II fut sauve". Pres de vous, dans iiotre Helvetic II vecut, paisible colon. Oui c'est la, charmante Ge'sie, Ce que fit pour vous Apollon. Stance du 5 septembre. Presidence de M. de CAUMONT. Le proces-verbal de la 4e. seance est lu et adopte. M. le President donne la parole a MM. les secre- taires particuliers pour la lecture des proces-verbaux des seances de leurs Sections respectives. Sur 1'invitation deM. le President, M. le capitaine RENAUD, Secretaire de la 2e. Section, lit une proposition sur V abolition de la vaine pature. Cette proposition , deposee par M. LECERF, est ainsi congue : La vaine STANCES4 G^NERALES. 257 pature } sur quelque nature de terrains qu'elle s'exerce, doit €tre consider e"e comme e'videmment contraire, 1°. aux progres def agriculture, a I ame'nagement des terres et aux plantations; 2°. a rinstruction de I'en- fance et de la jeunesse qu'elle tient tiloigne'e des e'coles pendant la plus grande partie de I'anne'e; 3°. aux bonnes moeurs. II serait a de'sirer quelle put €tre comple'tement et a I'instant me*me abolie. M. LECERF pense qu'il est urgent de chercher les meilleurs moyens d'y parvenir. Ces moyens consistent a inviter instamment, d'abord les maires, a provoquer des conseils municipaux des deliberations pour proscrire ou au moins modifier dans leurs communes Texercice de la vaine pature^ ensuite, les conseils generaux, a faire de 1'abolition de la vaine pature Tobjet de leurs demandes au gouvernement 5 enfm, Tautorit6 legis- lative, a donner une loi dans le but d'arriver a cette abolition , soit par une disposition iranie" diatement exe- cutoire , soit graduellement et par voie de modifications et de restrictions success! ves. Les diverses propositions auxquelles donne lieu la question de la vaine pature sont successivement mises aux voix et adoptees. M. le President annonce, pour ce m6me jour a 7 heures du soir, une stance de la Society pour la conservation des monuments historiques. M. le docteur GRENIER presente 1'histoire succincte de la botanique en Franche-Comte. II analyse rapi- dement les ouvrages publics sur ce sujet dans la pro- vince. II appelle 1'attention particuliere du Congres sur Fouvrage de M. GIROD DE CHANTRANS, qui est encore aujourd'hui le plus important et le plus remarquable 238 STANCES GEM&RALES. travail sur la botanique franc-comtoise •, et c'est avec justice que M. le docteur GRENIER a donne a notre illustre compatriote le nom de pere de la botanique jurassique. Apres cet expose de 1'etat de la botanique franc-comtoise, M. GRENIER etablit un parallele entre les progres de la botanique en France et la marche de cette m£me science en Allemagne; il fait remarquer que tout 1'avantage est pour nos voisins d'outre-Rhin : il cherche a determiner quelques-unes des causes qui ont produit sur ce point noire inferiority. M. GRENIER termine par Tenumeration d'un certain nombre de plantes qui ont echappe aux investigations de ses devanciers, et, pour donner une idee plus exacte de la botanique du departement du Doubs, il joint a cette liste le catalogue de plusieurs especes rares et dont quelques-unes , en France , appartiennent presque specialement a la vegetation des monts Jura. Les noms des personnes qui ont communique des especes rares ou nouvelles pour notre departement, ont et6 indiques avec soin. Ranunculus lingua. L.MaraisdeSaone, 1834. Isopyrum thalictroides. L. Grand-Fontaine (Dumont , d'Arbois). Eranthis hiemalis. DC. Montbeliard. Erucastrum polichii. Koch. Bords du Doubs. Lepidiura petraeum. L. Baume-les-Daraes. Sisymbrium arenosum. L. Besancon. Heliantheraum fumana. DC. Ornans. Erysiraura ochroleucum. DC. Salins. Drosera anglica. Huds. Pontarlier, 4838. Polygala coraosa. Rchb. Monts autour de Besancon, 1838. Dianthus sylvestris. Jacq. Vallee de la Loue, Ornans. Saponaria ocymoides. L. Val. de la Loue. Stellaria glauca, L. Pontarlier, 1838. Arenaria Terna. L. Pontarlier, 1834. — uliginosa . Schl . Pontarlier ( Gamier, 1 836 ) . Ceractiura vulgatum. L. Var. viscosa, Besancon, 1839. Linum montanuni. Schl. Hants sommcts. STANCES G£NERALES. 259 Oxalis stricta. Jacq.Besan^on, 1839. Genista prostrata. Lam. Pontarlier. Cytisus alpinus. DC. Pontarlier. Ervum gracile. DC. Besan^on, 1856. Vicia villosa. Roth. Champs pres Besancon, 1859. Orobus niger. L. Ornans, 1840. Epilobiumroseum. Schreb. Besan^on, 1837. Saxifraga hirculus. L. Pontarlier. — sternbergii. Rchb. Salins, Arbois. Adoxa moschatellina, L. Vorray (M. Feysot, medecin, 1839). Buplevrum longifolium. L. Moyenne montagne. — ranunculoides. L. Le Suchet. Ammi glaucifolium. DC. St.-Ferjeux ( Gr. 1839). Meum athamanticum. Jacq. Pontarlier. Valerianella carinata. Lois. Besanc.on (Gr. 1837). — - dentata. DC. Besanc.on, id. — auricula DC. Id. Id. Centranthus angustifolius. DC. Morteau, Salins. Senecio aquaticus. DC. Marais de Saone, 1836. — ovatus. Will. Chaudanne etailleurs. Cineraria spathulaBfolia. Gmel. Pontarlier, Morteau. Cirsium bulbosum. DC. Ornans, 1839. Barkausia leontodon. Duby. Besangon , 1 837. Thrincia hispida. Roth. Id. Id. Campanula Rhomboidalis. L. Pontarlier. Phyteumanigrum. Schm. Vorray ( Fey sot, 1840). Pyrola minor. L. Mont-d'Or. Polemonium cffiruleum. L. Morteau (Bertet, 1 840 ). Verbascum schraderi. Koch. Chapelle-des-Buis, 1839. Myosotispalustris. With. Bords du Doubs , 1837. — ca?spitosa. Schuth. Marais de Saone, 1839. — sylvatica. Hoffm. Les Pres, 1857. — alpestris. Schm. Pontarlier, 1858. Tozzia alpina. L. La Dole. Rhinauthus minor. Ehrh. Marais de Saone, 1858. Serophularia balbisii. Horn. Besancxra, 1840. Orobanche cruenta. Bert. Pontarlier, 1 859. — epithymum. DC. Besan^on, 1859. galii. Duby. Id. Id. Mentha nepetoides . Lej . Id . 1 84 0 . Prunella alba. Pallas. Id. 1859. Lamium Grenieri. Mut. Id. 1857. Primula auricula. L.Baume-les-Dames, 1856. STANCES G&S&RALES. Saraolus Talerandi. L. Vaucy, pres Arbois (Dumont). Plantago maritime. L. Marnes de Tarcenay et Ornans, 1840. Daphne alpina. L. Salins. Morteau. Polygonum mite. Schrank. Besancon, 1836. Betula nana. L. Pres Morteau (Bertet, 1840). — pubescens. Ehrh. Tourbieres du Belieu, 1840. Minis incarna. L. Pied de Chaiulannc, 1856. Salix repens. L. Marais de Saone. Pinus pumilio. Haenk. Tourbieres du Belieu, 1840. Zanichellia palustris. L. Sources salees d'Audeux, 1839. Orchis chlorantha. Rchb, Pontarlier, 1839. Ophrys myodes.L. Guyans-Vennes, 1834. •— pseudospeculum. DC. Besancon, Ornans, 1836. Iris fcetidissima. L. Besancon, 1840. Typha angustifolia.L. L'Isle-sur-le-Doubs , 1836. Scha3nusnigricans.L. Marais de Saone, 1836. Eriophorum angustifolium. DC. Id. Id. Carex dioica. L. Tourbieres du Belieu, 1840. — davalliana. Smith. Jd. Id. — pauciflora. Lightf. Jd. Id. — chordorrhiza. Ehrh. Jd. Jd. — tertiuscula. Good. Jd. Marais de Saone, 1840. — paniculata. L. Marais de Saone, 1840. — brysoides. L. Bois d'Audeux. — schreberi. Schrank. Noironte, 1839. — stellulata. Good. Marais de Saone, Pontarlier, partout. — eleonastes. Ehrh. Pontarlier, tourbes du Belieu, 1 839 et 1 840. — limosa. L. Pontarlier, le Belieu. — longifolia. Host. Chalezeule, 1836. — maxima. L. Jd. — humilis. Leyss. Salins ( Gamier ) . — pilosa . Scop . Arbois ( Dumont ) . — alba . Scop. Jura ( Gamier ) . — falva. Good. Marais de Saone, du Belieu, de Pontarlier. — filiforrais. L. Tourbes de Pontarlier et du Belieu, 1 859. Alopecurus fulvus. Smith. Marais et bords du Doubs. Aira caryophyllica. L. Marais de Saone, Noironte, 18i9. Poahybrida.Gaud. Sources de la Loue, 1839. Festuca valesiaca. Gaud. Ornans, 1839. Lolium boucheanum. Kunth. Chalezeule, 1840. Triodia decumbens. P. Beauv. Marais de Saone, 1837. SEANCES G£NERALES. 24-1 M. DAGUET, professeur aFribourg, lit un Memoire sur la vie litte'raire de la Suisse au moyen Age. Apres un coup d'oeil rapide sur les troubadours en general , menestrels , trobadors , trouveres , minnesinger ( ou chantres d'amour) de la Suisse, 1'auteur, dans une revue a la fois lilteraire, philologique et biographique, fait connattre ceux du 12e. au 14e. siecle. La lecture de M. DAGUET ne comprend qu'un fragment ou la premiere partie du tableau gu'il a entrepris sur la vie litteraire et intellectuelle de la Suisse ancienne et moderne. Cette communication est ecoutee avec un vif plaisir , et M. DAGUET est prie de la reproduire dans la seance publique qui aura lieu le 9. M. Alfred de SAUVAGNEY oflre au Congr6s plusieurs exemplaires de la lithographic de la maison MARECHAL , situee rue des Chambrettes, a Besamjon, et que le Congres avait visitee dans la matinee. M. MORIN fait connattre dans une improvisation rapide, son systeme sur les fluides imponderables. II expose, sur la composition de Tether, ses nouvelles idees, d'apres lesquelles il explique les mouvements de translation et de rotation des corps celestes, la dia- thermancie , la couleur, la double refraction, la pola- risation de la lumiere, les deux electricites, la force de cohesion, phenomenes que, selon M. MORIN, on ne peut expliquer d'une maniere satisfaisante dans Tetat actuel de la science. M. JULLIEN, de Paris, termine la seance par la lec- ture de deux pieces de vers , 1'une sur la vie humaine, 1' a utre sur I'avenir de I'humanite'. 11 242 SEANCES GENERALESv LA VIE HUMAINE. Chaque jour amene Son pain et sa peine ; Chaque jour d&ruit La paix de la nuit; Chaque nuit repare D'une main avare La peine des jours. Ainsi va tou jours Notre vie humaine : Chaque jour amene Sa peine et son pain: C'est notre destin. Sachons sans murmure A teslois, Nature, Toujours obeir. Car il faut souffrir, Travailler sans cesse , Dompter la paresse , Livrer ici-bas D'eternels combats Dans la vie humaine, Pour chasser sa peine Et gagner son pain ; G'est notre destin. L'amour au passage, Le long du rivage , Calmant nos douleurs, Seme quelques fleurs ; D'une aimable ivresse Femme enchanteresse Qui sait bien aimer , Vient nous enflamraer; Et sa pure haleine De la vie humaine Charmele matin; C'est la son destin. Gracieux sourire Ou 1'amour s'inspire j STANCES GENERALES. 243 Doux ravissement ! Bonheur d'un moment ! Clarte fugitive Que 1'ame plaintive Voit s'evanouir! Pour te retenir , Lueur incertaine , Dans la vie humaine, L'homme veut en vain Flechir le destin. Le destin severe Impose a la terre Des jours inconstants : D'abord , le printemps ; Sa fraiche verdure Rit a la nature : Puis, 1'ete brulant .- Le front languissant De la pale automne De fruits se couronne : Enfin, vient 1'hiver, Et son bras de fer Sous la glace enchaine De la vie humaine Le feu qui s'^teint; C'est notre destin. O vertu , genie ! De votre patrie, Du ciel exiles, Toujours accables Par un sort contraire , Prose r its sur la terre ; Illustres martyrs ! Cessez vos soupirs : Dans un meilleur monde Une paix profonde Vous attend enfin; C'est votre destin. Du temps la vitesse INous poursuit sans cesse. 244 STANCES G&NERALES. Courons avec lui, Prenant pour appui Travail et sagesse. Courons; le temps presse; La unit du tombeau Et le noir flambeau Qui 1'eclaire a peine De la vie humaine Ferment lechemin; C'est notre destin. La barque fatale , La rive infernale Du noir Acheron , L'avare Caron Et les pales ombres , Que sur les bords sombres , Sans cesse il conduit Au sein de la nuit , TN'ont rien qu'une gene ; Delavie humaine II faut voir la fin ; C'est notre destin, Sois done toujours prete, O ma pauvre tete ! A subir ton sort, Quand viendra la mort : Voila mon systeme, La deesse bleme Pent venir me voir; A la recevoir Je n'ai nulle peine. Dela vie humaine Je verrailafm; C'est la mon destin. Sans doute, mon ame, Vive et pure flamme , Prenant son essor, fichappe a la mort. Dans cette esperance , Avec conflance SEANCES GENERALES. 245 M'elancant vers Dieu, Je te dis adieu, Pauvre vie humaine; Et sans nulle peine Je louche a ma On ; G'est noire destin. L'AVENtR DE L'HUMAIUTE, Avant qu'a la terre Ma froide poussiere Aille se meler, Je veux reveler L'ardeur inquiete, La flarame secrete, Prophetique eclair Qui, sillonnant 1'air, De la race humaine Brule et rompt la chaine : Elle est libre enfin ; G'est la son destin. La brillante aurore Qui deja colore Des fleurs du matin L'horizon lointain , De ce jour prospere Que mon cosur espere , Qu'appellent mes vceu\, Fait luire a mes yeux La clarteprochaine; Oui, la race humaine S'affranchit enfin ; C'est la son destin. De longs intervalles , Barrieres fatales , Des peuples epars Impuissants remparts, Semblaient leur defendre De jamais compreudre 246 SEANCES GENERALES. Qu'entre les mortels Les noeuds fraternels, D'une etroite chaine, A la race lumiaine Revelent enfm Quel est son destin. Les mortels sont freres, Et dans leurs miseres Se doivent tou jours De communs secours ; Car la loi divine Des leur origine Gravant dans leur sein L'amour du prochain , Sans cesse ramene La famille humaine Au precepte saint; C'est la son destin. Voitures nouvelles Aux rapides ailes ; Vous, chemins de fer Plus prompts que 1'eclair , On franchit 1'espace Sans laisser de trace, Par votre secours : L'homme en quelqaes join's Parcourt son domain e; Et la race humaine Prend un vol divin; G'est la son destin. Le siecle s'aTance, Une ere commence Ou des nations Les dissensions Qui, troublant la terre, Vomissaient la guerre, Vont s'evanouir. La loi d'avenir Adoucit les haines , Allege les peines, SEANCES GENERALES. 247 Et le genre huriiain Remplit son destin. Partout la science De son influence Etend les bienfaits : La loiduprogres, Loi large et feconde , Doitregirlemonde; Et 1'aimable paix , Comblantnos souhaits, Noble souveraine, Bienfaisante reine, Ouvre au genre huraain Son nouveau destin. Courage et Constance ! L'heureuse alliance Des peuples divers , Libres de leurs fers, Magniflque ensemble Qu'un saint nceud rassemble , D'une longue paix Permet les bienfaits ; Et la race humaine , Abjurant la haine , Fraternise enfin; €'est la son destin. Fraternite sainte i Ton auguste empreinte, Gravee en nos coeurs, Doit changer nos mceurs. Ta voix nous eclaire ; Partout, surlaterre, Dictant les devoirs , Reglant les pouvoirs , Apaisant la haine, De la race humaine Ton code divin Change le destin. Prejuges barbares ! Coutumes bizarres ! SEANCES GENERALES Egolsme impur ! Le image obscur Et la nuit profonde Qui couvraient le monde S'eloignent enfin. Glorieux matin D'une ere nouvelle , Ton eclat revele A 1'esprit humain Son nouveau destin. Seance du 6 septerabre. Presidence de M. de CAUMONT. M. BUVIGNIER , depute de la societe philomalique de Verdun, fait part a Tassemblee de Tetat des travaux de cette compagnie. M. le docteur BONNET communique ensuite au Congres la suite des experiences qui ont etc faites a Bordeaux par le docteur BOUCHERIES , et qu'il a re- petees Iui-m6me, pour donner a toutes les essences de bois la propriete d'etre incorruptibles et entierement inaccessibles aux insectes. Cette propriete est due £ 1'absorption de certains liquides, tels que le pyrolignite de fer, que Tarbre boit en quelque sorte et porte jusqu'aux sommites les plus elevees (0. M. le docteur MAYOR, de Lausanne, remercie, au nom de ses compatriotes et en son proprc nom, les membres du Congres de Thospitalite que les etrangers reQoivent a Besanc.on. II desirerait que les relations de confraternity , commencees sous les auspices de la science, fussent continuees longtemps encore, et c'est (I) Voyezplus loin la seance publique du 9, dans laquelle M. le docteur BONNET a donne plus d'ctendue a 1'exposiHon du proced^ de M. BOUCHEIIIF.S. SEANCES GEINERALES. 249 dans ce but qu'il engage la compagnie a ne pas fixer le lieu oii se tiendra la 9e. session du Congres, Tannee prochaine, loin de la frontiere de Suisse et d'ltalie. II designe la ville de Lyon comme presentant de tres- grands avantages sous plusieurs rapports. M. De'sire' MONNIER lit un Memoire interessant sur quelques-uns des anciens camps qu'on rencontre dans notre province , et qu'il attribue non aux Romains , raais aux Barbares. L'un de ses principaux arguments est Tetat d'imperfection dans lequel sont les murs de yallation , qui ne sont point dignes des Romains r si magnifiques dans leurs monuments (i). M. MONNIER regrette que MM. MARC et Ed. CLERC, qui ne partagent point son opinion, ne soient point presents pour la combattre, et pour Feclairer Iui-m6me. La seance est termin^e par une piece de vers de M. Jules PAUTET, intitulee : Au poete qui r€ve un suicide. Orbls unitas Christo et libertai. Un nom, de grace ! un nom ! c'est-a-dire un vain bruit : Peu de chose..., puis rien,.... gloire qu'un jour detruit, Vapeur qui monte, monte et se perd aux nuages ; Et 1'airtrompeur qui nait et meurt dans les orages I Un nom, de grace , un nom :.... c'est leurreve sans fin, Qui vole vers le ciel ainsi qu'un seraphin ; II attache leurviea ses ailes dorees, II 1'emporte, ilia berce aux voutes azurees.... Dans les profonds lointains de la posterity, lls veulent etre un jour comme de hauts symboles ; • Us Teulent que leur nom bruisse respecte ; Us veulent de 1'encens, ainsi qu'a des idoles ; Us veulent, sans combats, de saintes aureoles; Us revent d'immortalite. (U Voycz p. 135. 250 SEANCES GEN^RALES. Ecoutez ce poete, a qui tout fut mensem ge, Qui vit son avenir toraber songe par songe ; La paleur sur le front et la raort dans le cceur , Duvulgaire il maudit 1'ignorance et 1'erreur; L'homme lui fait pitie , lui qui , plein de croyance, Aux cantiques sacres, a 1'encens du saint lieu, De la terre et du ciel revait une alliance ; II se prend a douter de lui-meme et de Dieu ; Puis le cceur tout saignant, au monde il dit adieu. O poete divin, dont Tame noble et fiere, Quand le monde est si lache et les amis si froids, Est pres de succomber au seuil de la carriere , Regarde 1'avenir, leve ta tete altiere, Laisse le septicisme aride aux coeurs etroits , Dedaigne d'aujourd'hui les gloires ephemeres. Consacre a 1'homme tons tes jours , Et tes heures, loin d'etre ameres, S'eu irout douces dans leur cours. Souvent rhomme est ingrat ! Qu'importe ? Ne consulte que la vertu, Sers-le, non parce qu'il te rapporJe; Arriere un devouement vendu ! II ne faut pas plier tes ailes ; Trop de cceurs souffrent ici-bas ; Trop de donleurs seraient mortelles, Si les lyres ne vibraient pas. L'homme n'a-t-il done pas une double nature? A son ame il faut des plaisirs D'une essence divine et pure, Pour calmer de ses sens les turbulents desirs. Tant de matiere a son coeur pese, Et tant de douleur qui s'apaise , Bercee aux doux accents de sa voix d'inspire ! ...^ Oh! chanle malgre ta souffrance, Et tu seras , pour recompense, Dans 1'avenir lointain du monde revere I Et puis I'orage immense gronde , Annoacnnt a notre vieux monde D'un ciel iroins ennemi la nouvelle clarte, D'autres jours pour 1'humanite! SEANCES G&N&RALES. 251 Bientot tu trouveras ta place : Patience, le temps, si rapidequ'il passe, Laisse un germe pour 1'aveuir; L'ere nouvelle va venir Ou 1'homme airaera Thomme, ou la voix du poete Saura jeter dans la tempete Ces mots : Amour et charite I La lyre vibrera toute a la verite , Ne flattant jamais les chimeres De douleurs faussement ameres. Resie, reste avec nous, car les temps sont venus Ou ton coeur ne gemira plus. Tu proclameras haut et ferme L "a venir dont le Christ un jour sema le germe. Reste done avec fermete ; Sache accomplir ta destinee ! Tout entiere ta vie, amere ou fortunee, Est due a la societe. Viens combattre dans la phalange Qui des hommes veut le bonheur ! Viens, tu seras pour nous 1'Archange, Des jours de Jehova radieux precurseur : II ne meurt pas celui qui sert la cause sainte ! Tu veux un nom , dis-tu ? que le Christ soit ta foi ; Et ne va point, apres une sterile plainte, Attenter a des jours qui ne sont pas a toi. l/assemblee accueille par des applaudissements ce rnorceau de philosophic morale exprimee avec tant de talent et dans une si .belle poesie. La seance est ensuite levee. 252 STANCES GENERALES. Seance du 7 septembre. Presidence de M. de CAUMONT. Apres la lecture et ['adoption du proces-verbal , Yon fixe 1'ordre du jour de la seance generale et publique du 9 ; puis Ton fait connaltre le lieu et Theure du depart pour les grottes d'Osselles : cette excursion geologique et archeologique aura lieu le lendemain a 7 heures du matin , par le bateau le Mazagran, qui doit suivre le canal du Rhone au Rhin, par la belle vallee de Beurre. La parole est donnee ensuite a M. le Comte du COETLOSQUET, qui rend compte , en qualite de delegue , des travaux de 1' Academic de Metz. 4°. Cette compagnie avail mis au concours, pour 4840, la question suivante : Appre'cier les avantages et les inconve'nients de I'influence de la capiiale sur les provinces. Six Memoires ont ete envoyes ; plusieurs ont ete juges dignes d'encouragements ; Tun d'eux , qui a obtenu le prix , est bien pense et bien ecrit : Fauteur est M. Emile LEFRANC , de Mantes. 2°. A la seance publique, le President (M. COUL- MANN) a lu un discours dans lequel ii traite avec un talent remarquable les plus hautes questions de geologic. 3°. L' Academic avait provoque, depuis plusieurs annees, Terection sur une des places publiques de Metz, de la statue de FABERT. A la suite d'un concours , 1'exe- cution de ce travail a ete confiee a Tun des sculpteurs les plus habiles de la capitate (M. ETEN); Tinauguratiori en aura lieu incessamment. 4°. Sur le voeu emis precedemment par TAcademie, le conseil municipal de Metz a vote les fonds pour SEANCES GENERALES. 255 Tetablissement d'un musee de tableaux , qui vient d'etre ouvert. La 2e. Section ayant rcnvoye a la seance generate la discussion de la 5e. question du programme general, M. le docteur BONNET, Vice-President, est invite a faire connattre dans un court expose I'etat ou est restee la discussion. Get honorable membre dit que les avantages et les inconvenients des banques locales et des comptoirs d'escompte ont ete prcsentes de part et d'autre. Les banques locales ont, il est vrai, 1'avantage d'employer les capitaux du pays , mais elles ne sont principalement utiles que pour ceux qui disposent , qui procurent ces capitaux , tandis qu'elles sont desavantageuses a eeux qui en ont besoin et auxquels rint6ret de 1'argent revient beaucoup plus cher : d'ailleurs les associations presentent moins de garanties ; on a moins de confiance dans le papier qu'elles emeltent, et en cela elles n'at- teignent pas le but reel des institutions de ce genre. De grands avantages resultent de Torganisation des comptoirs d'escompte ou des succursales de la banque de France , dont les fonds sont plus abondants et moins chers. Dans une dissertation improvisee sur le m£me sujet, M. GANDILLOT, avocat a Paris , remonte a la nature et a I'objet des banques, qui est, selon lui, non pas de faciliter Tescompte des eflets de commerce, mais de remedier aux inconvenients du numeraire , qui , d'une part, est trop cher, et d'autre part est d'un usage incommode. Apres avoir donne, a cet egard, de nom- breux developpements , M. GANDILLOT enumere les inconvenients de la multiplicite des banques sous le rapport des moyens de reconnattre 1'authenticite de leurs eflets. Une longue suite de faits et de raison- 254- SEANCES GENERALES. nements lui donne une conclusion analogue a celle de M. BONNET ^ c'est que les succursales de la banque de France presentent des avantages plus grands que les banques particulieres* Apres quelques explications fqurnies par d'autres membres, M. JULLIEN demande que le Congres emette le vceu que dans les chefs-lieux de departement et dans les communes populeuses ou 1'agriculture, 1'industrie et le commerce eprouvent le besoin de ressources auxiliaires, de moyens de credit necessaires a leur developpement et a leur prosperite , il est a desirer qu'au lieu de banques locales, dont 1'organisation serait lente, difficile, dispen- dieuse, il soil etabli, par les soins de 1'administration , des banques succursales de la banque de France. Cette proposition, sur laquelle M. le President con- suite I'assemblee, est adoptee a la majorite des suffrages. II est donne ensuite lecture d'un MemoiredeM. PRAT- BERNON sur les empoisonnements miasmaliques et les moyens de de'truire les causes d' infection. Voici Tanalyse de ce Memoire : L'auteur range sous le titre d'empoisonnements miasmatiques les fievres typhoi'des , le typhus , les epi- demics catarrhales, la dyssenterie, la peste, la fievre jaune, le cholera. Ces maladies et les grandes epi- demics qu'il passe en revue depuis les temps histo- riques les plus recules, derivent les unes d'un foyer de putrefaction forme par des matieres animates et vegetales • d'autres viennent de certains principes acres dont 1'atmosphere est le vehicule •, et enfm les grandes epidemics , comme la peste noire , sont produites par une alteration des fluides imponderables qui animent le globe. SEANCES G&\£RALES. La realite des causes, que 1'auteur assigne a ces maladies est constatee par ['observation des lieux et des circonstances oii elles se produisent. L'auteur decrit les symptomes d'empoisonnements miasmatiques et les ravages speciaux que chacun de ces empoisonnements exerce dans les organes. II cherche a demontrer que le sang et le fluide nerveux, vehicules des miasmes, sont, dans leur alteration, les agents principaux de la maladie , comme ils le sont de la sanle, dans leur etat normal. ?K£ Mais, dira-t-on, qui a vu le miasme? nous r6pon- dons : a-t-on vu le fluide electrique ou magnetique ? a-t-on aperc.ii Tether ? quand on sait que les habitants des marais de la Romagne, de la Zelande, de Cayenne, de la Bresse, ont des fievres inlermittentes , souvent pernicieuses 5 lorsque le typhus paralt dans un camp , dans une prison, oii des malheureux sont entasses; quand ces maladies se reproduisent avec les memes caracteres , et qu'elles sortent tantdt d'un foyer de putrefaction, ce qui constitue Tinfection, tantdt des hommes et de leurs hardes, ce qui constitue la con- tagion , ne doit-on pas conclure qu'il en derive un miasme, un germe aussi specifique qu'une espece bota- nique •, il crolt en nous , il y fait des ravages , il y grandit dans les exanthemes, perissant un peu plus lentement que les autres poisons, comme les champignons, le venin des serpents, la matiere du charbon, etc. ? L'auteur combat longuement 1'opiriion moderne que la maladie consiste uniquement dans ces ravages. Tous les systemes sur la fievre depuis plus de deux mille ans , se sont renverses , parce qu'ils ne voyaient qu'une face de Fobjet, au lieu de 1'etudier dans tous les sens. La medecine devenue materialiste comme la philosophic , a Paris surtout , fmit par ne considerer la fievre que dans ses consequences : on prit 1'effet pour 256 STANCES G^NERALES. la cause , et c'est ainsi que , sous le brillant etendard de Broussais et de ses eleves , on raya la fievre , de m£me que Tame, de la liste des 6tres, parce qu'onne pouvait dissequer ni Tune ni 1'autre. M. PRATBERNON a trouve que le meme systeme avail ele debaltu dans 1'anlique ecole d'Alexandrie. Une grande partie du Memoire est destinee a Texaminer a fond et a le com- batlre , au moins dans ses exagerations , et a analyser tout ce qu'il y a de bon a prendre dans ce systeme, Vomme dans les autres opinions , pour en composer une doctrine medicale , but scientitique et pratique ou tendent en effet la plupart des medecins de nos jours. Un chapitre est consacre au traitement de ces ma- ladies dans nos climats^ mais, comme nous n'avons, excepte le kina contre les fievres pernicieuses , que de faibles ressources contre les autres, il faut chercher aprevenir, et a etouffer dans leurs foyers celles que nous pouvons atteindre. C'est la le but principal du Memoire de M. le Docteur PRATBERNON. Le dernier article se termirie par les conclusions suivantes : L'auteur demande que le Congres exprime le voeu , 1°. que, dans toute la France et ses possessions, les marais soient desseches ; que les canaux et les fosses soient cures , et les egouts mieux construits et converts 5 que Felargissement des rues et des cours soit facilite. 2°. Que tous les cimetieres soient etablis a 200 metres au moins de ('enceinte des villages et des villes , dans un lieu convenable , et que les anciens caveaux de se- pulture soient assainis. 3°. Que la construction des edifices publics et prives soit surveillee ; que leur em- placement les mette a 1'abri de 1'humidite et des im- mondices -, qu'ils jouissent d'un air pur et d'une lumiere agreable. 4°. Que dans ce but il soit institu6 par depar- tement ou par arrondissement , un conseil gratuit, compose de philanthropes, de modecins, d'architccfes , SEANCES GENERALES. 237 aveo un ou plusieurs correspondants dans chaque canton , charges de provoquer et de surveiller ces me- sures , et meine de visitor au moins une fois tous les trois ans toutes les maisons publiques et privees, pour s'assurer si les cours, les chambres, les alcoves sont assez aerees et eclairees , si les habitants n'y sont pas trop entasses , si les matieres animales et les immon- dices n'y sont pas retenues. La Section a vote a 1'unanimite 1'impression du Memoire de M. PRATBERNON. M. JULLIEN, apres le developpement de ses vues sur I'elablissement de conseils d'edilite et de salubrite , a tire des conclusions qui coincident avec celles de M. PRATBERNON. Le Congres consulte adopte les trois premieres pro- positions de MM. PRATBERNON et JULLIEN; il rejette la quatrieme. L'heure etant trop avancee pour aborder d'autres lectures, ou se livrer a une nouvelle discussion, la seance est levee. Seance publique du 9 septerabre. Presidence de M. Victor TOURANGIN , Prefet du departement du Doubs. Cette seance publique etait honoree de la presence d'un nombreux auditoire, dans 'lequel on remarque beaucoup de dames. M. le PREFET ouvre la seance a trois heures, par une allocution auxmembresdu Congres, qu'il remercie de lui avoir accorde I'honneur de la presidence de cette 258 STANCES GENERALES. reunion savante : ses sympathies sont assurees aux hommes de science et de bien qui viennent de toutes les parties de la France pour s'entendre sur les moyens d'augmenter la masse des connaissances humaines , et, a ses yeux, I'association aura rendu un immense ser- vice a cette province , qui accueille et feconde toutes les idees genereuses et utiles ; il s'excuse sur Fetat de sa sante et sur les affaires nombreuses dont il a ete charge dans ces derniers temps , de n'avoir pu assister aux seances du Congres , dont il se fera un plaisir d'etudier le compte rendu. La parole est a M. PERENNES, qui trace dans le discours suivant , le tableau des progres de la litte- rature en Franche-Comte pendant le demi-siecle qui vient de s'ecouler. MESSIEURS, Des homines distingues dans diverses carrieres, et qui honorent leur pays par 1'union du talent, du savoir et du patriotisrae, sont rassembles depuis quelques jours dans nos raurs. En nous apportant avec 1'encourageant appui de leurs exemples , le precieux concours deleurzele et de leurs lumieres, en nous corarauniquant d'utiles renseignements sur les travaux executes dans leurs provinces res- pectives, ces dignes representants de la science se sont informes avec un bienveillant inlcrctde tout ce qui se lie au progres des lettres et des arts dans la Franche-Comte. Des 1'ouverture du Congres, un raembre a demande qu'il fut fait un expose de 1'etat et des progres de la litterature dans cette province, principalement depuis cinquante annees. C'est sur cette question que je regrette de ne pouvoir traiter avec la preparation qu'elle cut exigee, que je viens vous presenter aujourd'hui, non des developpements complets, mais quelques aperc.us qui serviront peut-etre a fixer les idees des etrangers qui ra'ecoutent sur le mouvement intellectuel qui s'est accompli parmi nous, pendant le demi-siecle qui vient de s'ecouler. Je commencerai par quelques considerations generales. Une province pent etre envisagee sous deux aspects differents t ou comme un petit etat qui a sa constitution, sa vie propre, son ca- ractere individuel et distinctif; ou comme une partie d'un grand STANCES G£NERALES. 259 pays, un membre du corps national qui participe etconcourt a la vie geuerale. La litterature qui est faite a 1'image de la sociele devra se devclopper et se modifier d'une maniere analogue a ce double mode d'exislence. Ainsi dans 1'ensemble des productions litteraires d'une province, il y aura des elements qui seront 1'expression de sa vie propre, de son caractere local ; il y en aura d'autres qui seront d£- termines par le mouvemeut general de la nation dont la province forme une partie integrante. Cette remarque est confirmee par les faits. Observez la litterature telle qu'elle s'est produite dans la Franche-Comte, vous y trouverez deux series bien distinctes de productions , dont 1'une se rattache au mouvement general des esprits en France, tandis que 1'autre emane plus specialement du genie franc-comtois. Cette distinction n'est pas inutile ; pour apprecier a sa juste valeur le mouvement intellectuel qui s'est opere dans cette province depuis 50 annees , il faut savoir ce qu'elle a regu de la mere-patrie, et ce qu'elle lui a donne. Si nous la considercns sous le premier point de vue , c'est-a-dire isolement et dans sa vie propre, nous trouverons que la litterature y a etc soumise, conmie partout, a 1'iuflueuce de certaines causes interieures dont 1'action combinee lui a imprime une direction et un caractere particuliers. Parmi ces causes, il faut signaler en premier lieu le climat, c'est- a-dire la constitution topographique du pays avec toutes les in- fluences physiques qui y correspondent. Je ne veux pas exagerer la puissance de cette cause. II est des parties du royaume qui sont, sous ce rapport, separees par des nuances si legeres , qu'il serait impos- sible de saisirentre elles ces differences caracteristiques , dont je parle. D'ailleurs les communications continuelles qui ont eu lieu depuis quelques annees d'une province a une autre province, 1'echange et la fusion des populations qui en ont ete la suite, ont profondement altere , sinon entierement efface le type primitif de leurs habitants. Ce phenomene peut s'observer surtoutdans les pro- vinces les plus rapprochees de Paris , parce que c'est la qu'une plus grande facilite et un plus grand besoin de mouvement ont du amener, entre les di verses localites, des communications plus nombreuses; mais on peut remarquer que les provinces placees aux extremites du royaume , celles qui ont pour limites de grands obstacles naturels, comme des montagnes , des forets ou la mer, ont conserve en grande partie leur caractere propre. Telle est la Bretagne , telle est aussi la Franche-Comte. Enferme dans la vaste enceinte de ses montagnes , qui de tous cotes semblent arreter ses pas et sa vue , le franc-comtois est profondement attache a son pays. Peuvoyageur et peucommu- 260 SEANCES GENERALES. nicatif, iltientases traditions, a ses souvenirs, etil se passionne souventjusqu'a 1'enthousiasme pour les idees et les systemes dont il s'est nourri solitairement. De raeme que le Breton, place aubord de 1'ocean, reve des expeditions avantureuses et de lointaines pe>egri- nations dans ce champ immense des mers qu'il apprend a sillonner des 1'enfance, 1'habilant de 1'autique Sequanie fixe sur la frontiere, cornme une sentinelle avancee et sans cesse averti du voisinage de 1'ennemi par les remparts et les citadelles qui 1'enlourent, se preoccupe habituellement des images de guerre et d'invasion, de moyens d'attaque et de defense; 1'esprit militaire est gen^ralement repandu dans cette province. On y nait soldat, comme en Bretagne on nait marin. Les nuBurs y ont quelque chose de grave et de severe comme 1'aspect du pays. Le Franc-Comtois est naturellement serieux, roflechi, taciturne; tons les travaux qui exigent une attention patiente et uiie grande force de reflexion et d'abstraction, la philosophic, la philologie , les sciences mathematiqnes ont pour lui ua attrait par- liculier. Celte disposition se fait surtout remarquerdans lamontagne, ou elle est favorisee par les loisirs forces que donne aux habitants la longueur des hivers. A ces causes purement materielles il faut en joindre d'autres qui agissent plus directement sur la pensee. De ce nombre sont les grandes institutions publiques. Objet continuel d'attention, d'interet et de respect, elles excitent 1'emulation et exercent une puissante in- fluence sur la direction de 1'activite intellectuelle. Ainsi 1'eclat qui de tout temps s'est attache au siege metropolitan! de Besancon , 1'au- torite des prelats illnstres qui 1'ontoccupe, lapompe des solennites chretiennes , les debats meme qui se sont eleves a diverses epoques sur de hautes questions religieuses, toutes ces circonstances ont du necessairement determiner un grand nombre de vocations et fairc naitrele gout des etudes thcologiques qui, nulle part ailleurs, n'ont ete plus florissantes que dans la Franche-Comte. Les memes consi- derations s'appliquent a 1'existence d'un parlement et d'une universitc- dans laquellele droit, la medecine, la theologie etaient enseignes avec un grand eclat. On saitque celle de Gray fut fondee vers la fin du 15nie. siecle; transferee a Dole en \42\ par PHILIPPE LE BON, pour 1'iustruction des deux Bourgognes ; elle passa a Besangon vers I'au \ 691 . Plusieurs hommes distingues, tels que les DUMOLLIN, les GATTI- NARA , les MARENCHB, les FROISSARD, les DESPOTOTS, enoccuperent les chaires et contribuerent par leur merite ^ augmenter 1'estime qui .s'atlachait dans la province aux sciences dont ils etaient les inter- pretes. Ajoutons que les mines antiques dont la Franche-Comte est semee, les construe lions romaines qu'on y trouve de toutes parts, tous ces vestiges des temps passes que recele son sol, et qui , exhumes SEANCES GENERALES. 26 1 de siecle en siecle , sont encore loin aujourd'hni d'etre e'puise's , ont du naturellement porter les esprits vers 1'etude de 1'histoire et de 1'archeologie. Dun autre cote, les nombreuses curiosites naturelles que possede la province, les vegetaux rares qui croissent sur ses montagnes, ses fossiles, ses mineraux, ses vastes grottes souterraines ornees de stalactites, et incrustees d'osseraents antediluviens, ses cascades, ses sources intermittentes et ses glaeieres naturelles, fa- miliarisentde bonne heure lesFrancs-Comtois avecles plus etonnanls phenomenes de la nature, el leur inspirent le gout des sciences physiques et naturelles. Considered dans ses rapports avec le mouvement general des esprits en Europe et en France, la Franche-Comte, a e"te, a di- verses epoques, soumise a d'autres influences non inoins energiques, dont elle a garde longteraps les traces. Pour enumerer ces causes exterieures, il faudrait citer tous les grands evenements de son his- toire, et le temps m'interdit ces developpemeuts. Je ne parlerai pas dc I'impnlsion feconde que la domination romaine donna aux tra- vaux de 1'esprit dans la Sequanie. On sait que Besancon posseda, des les premiers siecles de 1'ere chretienne, une ecole celebre qui partagea avec celle de Lyon 1'honneur de posseder Julius Titianus, un des maitres de 1'eloquence latine. Je ne rappellerai pas ici tous les secours dont les lettres, dans cette province eomme ailleurs, furent redevables a 1'action bienfaisante du chris- iianisme qui, dans les premiers temps de sa propagation et a 1'epoque ou les barbares exergaient leurs ravages, pla^a le depot cies connaissances humaines sous 1'inviolable protection de 1'eglise. Personne n'ignore que les monasteres de Condat , aujourd'hui Saint-Claude , et de Luxeuil dont la fondation remonte au 5e. siecle, furent pour 1'Allemagne et pour la France une pepiniere de savants et vertueux prelats. Chacune de ces maisons possedait une ecole oil des maitres habiles, heritiers de la litteraturepaienne qui s'eteignait, attiraient de toutes parts , par 1'eclat de leur enseignement, un grand nombre de disciples avides de s'instruire. Constance, qui dirigeait celle de Luxeuil dans le 10me. siecle, etait, s'il faut en croire un inoine contemporain , un prodige d'erudition , d'eloquence et de sagesse. Dans le siecle suivant, 1'ecole du chapitre metropolitain de Besancon devint si florissante par les soins de 1'archeveque Hu- gues Ier.,que le celebre cardinal Pierre Damiens 1'appelait le Gym- nase d'une Atlienes celeste. Plus tard la Franche-Comte fouruissait a 1'universite de Paris un de ses plus savants dodeurs, Guillaume de Saint-Amour que son talent comme ses querelles rendirent celebre^ et que le fameux Roman de la Rose mentionne avec honneur. Ces noms et une foule d'autres que je pourrais citer attestent que cette 262 STANCES G&NERALES. province ne cessa de prendre, durant le raoyen age, une part active au mouvement des esprits et aux progres des sciences. La renaissance des lettres, qui au 1Gme. siecle changea la face de 1'Europe, ouvrit aussi une ere nouvelle pour la Franche-Comte. Un homme dont cette province s'honore et qui alliait a une sincere pie"te 1'amourdes arts et une haute capacile politique, le cardinal de Granvelle, s'effor^a d'initier ses coucitoyens aux connaissances nouyelles qui se repandaient de toutes parts. Verse lui-meme dans la connaissance des langues anciennes, il eut pour secretaires deux horames eminents entre les e*rudits de son temps, Juste-Lipse et le savant helleniste Petri. Pendant les six annees qu'il passa a Besanc,on de 1 564 a i 570, il attira aupres de lui une foule d'hommes renommes pour leur science, encouragea 1'instruction, favorisa les lettres, et flt germer dans les esprits le gout des fortes etudes et des patients travaux. Grace a ses soins zeles, les esprits s'eclairerent, le gout s'epura, et la Franche-Comte vit briller dans son sein un grand nombre d'hommes distingues, entre lesquels nous citerons Marc Marchand, de Salins , auteur d'un ouvrage sur les hommes illustres; Antoine Lulle, professeur celebre de 1'universite de Dole; Gilbert Cousin , disciple cheri d'Erasme qui 1'associa a ses travaux ; Ed. Dumonin, jeune litterateur, assassine a 29 ans, qui composa deux tragedies et une traduction en vers latins de la Semaine de Dubartas ; Pierre Mathieu , historiographe de France, qui cultiva a la fois 1'art dqsverset la science de 1'histoire; Jean-Jacques Boissard, poele, biographe, voyageur et antiquaire, auteur de la precieuse collection intitulee : Romano; urbis typographic et antiquitates. Des rejetons des plus illustres families participerent a ce noble reveil de 1'intel- ligence humaine. Le prince de Bauffremont fit imprimer une traduc- tion du Traite de la Providence par Salvien ; un membre de la maison de Labaume publia a douze ans un recueil de vers; enfin un Vatte- ville, apres avoir etc chambellan de Charles-Quint, composa a Be- sancon un traite Mstorique et geograpliique de la Bourgogne supc- rieure. L'influence d'un grand homme n'est pas borne'e a la dure'e de sa vie. Le mouvement que le cardinal de Granvelle avait imprime aux esprits se propagea dans le siecle suivant , malgre les evenements desastreux dont la Franche-Comte fut le theatre , et qui semblaient devoir arreter 1'essor des lettres et des arts. Au milieu des trisles preoccupations cause'es par les ravages de la guerre et par les fleaux qui en furent la suite, la Franche-Comte produisit encore des hommes qui durent a leur talent une brillante reputation. C'e'taient le pere Lejeune, predicateur plein d'onction, qui eut le merite d'etre Eloquent avant Bossuet et de servir de modele a Massillon ; Antoine SEANCES GENERALES. 265 Brim que Balzac appelle le Demosthene de Dole, negociateur habile et litterateur erudit, qui composa des tragedies grecques et des vers francais ; Auguslin Nicolas, de Besancon, auteur de quelques poesies et d'un traite sur la torture , qui ecrivait avec une egale facilite le latin, le francais, 1'italien et 1'espagnol, et qui fut juge digne d'obtenir une place a 1'academie de la Crusca; Jean-Jacques, Jules et Pierre Chiflet , habiles antiquaires et profonds erudits qui consa- crerent leurs vastes connaissances a 1'histoire de leur province ; J.-B. Boisot, abbe'de Saint- Vincent , digne ami de Pelison, horarae eleve par le coeur et par 1'esprit, a qui cette ville doit avec un grand norabre de livres rares, le plus precieux de ses tresors litteraires, la collection des memoires de Granvelle. Mais entre tous les ecrivains qui a celte epoque honorerent la Franehe-Comte, Chassignet et Mairet meritent une mention parti- culierejtous deux bisoattns, tous deux poetes, remarquables toute- fois par des caracteres bien differents. L'auteur de Sophonisbe, en- traine de bonne heure loin de son pays par le soin de sa fortune ou le gout des plaisirs, mele aux affaires du temps, ami de la gaite et de la bonne chere qu'il prefere hautement aux vaines fumees de la gloire litteraire, frangais enfin par le gout et les habitudes, cultive le genre qui etait alors en vogue et compose pour la Cour des pasto- rales romanesques et des tragedies galantes. Chassignet est anime d'un tout autre esprit. Grave;, reflechi, religieux comrne on Test gen6- ralement en Franche-Comte, il ne demande a la muse que des inspi- rations serieuses, et ses poesies sont de melancoliques meditations. Le mepris de la vie et la consolation de la inort, les grandes verites annoncees a 1'univers par les prophetes, voila les sujets de ses ouvrages. Ce double caractere , cette double direction imprimee a la littera-. ture de cette province par le gout francais et 1'esprit franc-comtois , se retrouve dans les productions du siecle suivant. Pendant que 1'abbe d'OHvet et Suard s'exerf aieiit dans le genre qui fut le plus en honneur a cette epoque , la critique litteraire , pendant que 1'abbe Mfllot sacrifiait dans ses ecrits a 1'esprit philosophique , empreint dans tous les ouvrages de Voltaire; que 1'abbe Talbert, apres avoir prelude a ses succes academiques en triomphant de J.-J. Rousseau, se tressait une couronne des palmes qu'il avait recueillies sur tous. les points de la France , a Dijon, a Amiens, a Bordeaux, a Paris, a Rouen, a Villefranche, a Toulouse , d'autres ecrivains-. plus fideles au gout et aux traditions de leur province, se livraient dans le silence du cabinet a des etudes consciencieuses, dirigees vers un but plus eleve. L'abbe Bergier luttait avec une grande autorite contre les tendances irreligieuses de son siecle, et composait de nombreux 1264 STANCES GENERALES. ouvragcs dans lesquels il se servait habilement, pour la defense de la foi, de 1'arrae de la science et du raisonncment. L'abbe Bergier est une des lumitres de la theologie franc, aisc et une des gloires de la Franche-Comte. L'academie de Besancon, en lui deeernant, 1'annee nieme de sa fondation (1752), deux couronnes auxquelles elle ajouta plnsieurs autres prii remportes dans les concours suivants, contribua puissamment a developperle talent dujeune athlete de la religion, qui essayait, dans cette lice modeste et paciflque , les armes qu'il devait bientot employer sur un plus vaste theatre et dans des combats plus importants. Appele bientot lui-meme a sieger dans 1'acadftnie de cette ville, il vint prendre place a cote de plusieurs hommes distin- gues qui soutenaientdignementl'honneurdesleitres franc-comtoises. La figuraient le savant Perreciot, laborieux ecrivain, qui, outre ses ouvrages importants sur 1'etat des personnes et des terres dans les Gaules et sur les origines de la monarchic francaise, publia plus de cent dissertations sur 1'ancienne Sequanie; 1'avocat Dunod de Ghar- nage, voue, comme son pcre, aux travaux historiques; 1'abbe Bullet qui, dans son traite de 1'etablissement du christianisme et dans son dictionnaire celtique , deploya les tresors de la plus vaste erudition ; Droz, secretaire de 1'academie, dont les ouvrages prouvent une egale connaissance de 1'histoire et de la jurisprudence, enfin Dom Grappin qui, dans sa longue carriere dont la duree a presque egale celle d'un sieele, se devoua avec un infatigable zele a Tetude des annales de cette province dont il a eclairci plusieurs points obscurs. Les lumieresproduites.par le rapprochement de tant d'hommes eminents, 1'instruction solide qu'ils repandaient dans leurs ouvrages, 1'eclat qui s'attachait aux solennites litteraires de 1'acadcmie , et 1'emulation que ses concours eveillaient, produisirent dans la Franche-Comle un mouvement remarquable durant la derniere moitiedu \ 8me. siecle, et repandirent parmi la jeunesse le gout des travaux de litte- rature et surtout des recherches d'erudilion. Dans le meme temps 1'Universite de Besangon etait florissante : 1'abbe Bullet y remplissait la chaire de The"ologie • le Droit etait enseigne par Seguin et Courvoisier, et la Medecine avail pour interpretes Athalin, Rougnon et Tourtelle. Tel etait 1'etatdes lettres en Franche-Comte, lorsque la revolution eclata. Get evenement y remua comme ailleurs beaucoup d'interets, beaucoup de passions et beaucoup d'idees. La renovation qu'il pre- parait commenca, comme on salt, par la destruction: colleges, universite's, academies, tout disparut en un jour, emporte par I'ouragan politique qui passait sur la France. Les paisibles travaux de la pensce y furent un instant abandoanes. D'un cote les cris des partis qui luttaient au centre de la France dans une arene ensan- SEANCES GENERALES. 265 glantee, de 1'autre le bruit de la guerre qui s'avancait menacant vers nos frontieres, eurent seuls un instant le pouvoir d'occuper les esprits et de passiomier les ames.... Plusieurs ecrits du temps attestent que 1'annonce de la liberte politique avail trouve de la sympathie dans la population franc-coratoise. Toutefois les souvenirs de la lutte soutenue contre Louis XIV n'etaient pas effaces , et il y eut dans le Jura des tentatives de resistance contre le pouvoir dictatorial dc la convention. Mais le sentiment qui s'exalta surtout alors dans les coeurs des Franc-Coratois par 1'approche des ennemis, ce fut I'esprit guerrier et le sentiment de 1'independance nationale. II est remarquable que ce soit un Franc-Comtois qui ait compose cet liymne guerrier qui depuis cinquante ans a retenti sur tous les champs de bataille de 1'Europe et dans lequel respire une haine si energique de 1'invasion etrangere : la Marseillaise. II est remarquable que ce soil encore un franc-comtois, qui, a quelques annees de distance, ait compose un autre morceau lyrique qui est peut-etre la plus vive et la plus menacante protestation qu'on ait faite contre 1'elevation de Bonaparte; je veux parler de la Napoleone de NODIER. Les jours de la revolution ne furent pas entierement perdus pour !es lettres en Franche-Comte". Des ecoles centrales s'eleverent sur les ruines des anciens etablissements d'instruction publique. Ce uouvel enseignement, qui s'organisait apres une assez longue inter- ruption dans les etudes, fut accueilli avec empressement par une jeunesse qui eprouvait le besoin d'occuper a de serieux travaux cette surabondance d'activite dont elle etait tourmentee. Celle de Besancon servit a la fois a developper le talent des professeurs et celui des eleves : parmi les premiers figuraient MM. DKOZ, J.-J. OBDIKAIRE et PBOUDHON; au nombre des seconds etaient MM. WEISS et NODIER. La revolution francaise, on ne peut le nier, a exerce une immense influence sur les travaux de I'esprit, et elle aouvert aTactivite in- tellectuelle des voies dilferentes de cellcs du 1Se. siecle. Un de ses effets immediats a ete de determiner sur tous les points de la France un vaste mouvement srientifique , philosophique et litteraire. Nous allons voir que la Franche-Comle y a pris une tres-grande part. Les sciences exactes, quoique culiive"es dans le 18me. siecle, s'y (•talent cependant tenues dans une sphere placee au-dessus de la portee de la multitude. La revolution frangaise, par 1'etablissement (Se diverses ecoles speciales et par 1'organisatiou de 1'instruction publique , etendit et popularisa celte branche des connaissances humaines. Cette innovation, qui repondait a un besoin, a une aptitude speciale d&s habiiants de cette province, y produisit de remapquables r^suKats. 11 n'est aucune partie de la France qui ait 12 £66 STANCES GEN£RALES. fourni plus d'officiers superieurs a 1'armee , plus de professeurs a I'enseigneroeut des sciences, plus de stijets a 1'ecole poly technique. Qu'il me suffise de nomraer dans la carriere militaire 1'illustre ma- rechal MONCEY, les generaux d'ARCON, BERNARD, LKPIN, RUTT, MORA?, les Gieux sous I'Ormcl et les cara- vanes ehampetres du mois de mai. Car e"coutez un chroniqueur de la vieille Allemagne , exhume par le romantique GOURES (2) de la poussiere du \4*. siecle. « Quand mai de sa vigueur native pousse, hors de la terre aride , herbe touffue et floraison parfumee, que tout dans la nature revet nouvelle parure, charmant etait de voip damoiseaux et damoiselles deux a deux, les bras entrelaces, suivis de leurs gens, peleriner- dans le frais bois, vers la source vive. Tout aupres de la Fontaine, on dressait sous 1'ombrage tentes d'argent et d'azur. On y oyait douces chansonnettes et sons de violons entrainants ou de harpes- amoureuses. On y courait , dansait, sautait , luttait , chassak. » Dans les chants des chevaliers poetes , ramortr tenait la premiere place. De la le ndm de chantres d'amour donne a ceux d'outre-Rhin. Cette poesie, fllle du coeur et des loisirs, disait tour a tour les delices de la passion et ses pleurs , les favours ou les dedains de la bien-aimee , 1'esperance ou la melancolie d'une ame sensible, les tourmentsde 1'adieu, 1'ivresse du revoir. Aux peintures du cosur elle melait celled de la nature et des saisons. Elle aimait surtout le gai printemps avec le bleu du ciel , le vert des campagnes, des arbres, des eaux, 1'or du soleil blanc a son aurore, rayonnant a midi et pourpre-feu au cre- puscule. Elle peignait avec delices 1'ete brulant, ses forets fraiches et son tilleul embaume aux rondes du soir melees de bourgeois , de nobles, de paysans; 1'automne grisatre avec ses vins ecumeux, sa bise piquante; mais rarement le cruel et sombre hiver. D'une note plus elevee, la poesie d'amour celebrait la patrie, exaltait les preux etles maitres de la lyre, appelait aux armes le tiede fiance de la croix.D'un cri tour a tour ou pieusement attendri ou dechirant de (1) Ce jugement sur la poesie provenqale et franejaise est de M. Trssor ; Pnifatt di» Ier. tolutne de ses lemons et modeles de litterature frant;aise, Paris , 1836. '2) Gorres, ills du celebre professeur de ce nom, est auteur de direr* ecrit* «t edi.leup «"» j'liisieurs conipilationi sur le moyen age. SEANCES GEN^RALES. 285 repentir, elle elancait au ciel 1'aspiration de 1'ame chretienne ou 1'an- goisse du remords. Energique et remplie de feu, la poesie du che- valier se ruait au combat et multipliait les mourants. Mais ces in- spirations les plus sublimes avaient pour objet Jesus, le plus doux des hommes, et Marie, mere du Sauveur, type del'amour pur. Les minne- singer surtout vouaient a ces deux figures celestes un culte plein de magnificence et d'amour. Une corde aussi dans ces lyres dedicates et harmonieuses vibrait 1'ironie audacieuse et la satyre amere; ironie aux forts, aux puissants, a la tiare, au globe imperial. Les formes variaient pour cette poesie comme les noms. Le sir- vente etait moqueur; la ballade ou complainte, gemissante; la novelle, libertine; la pastorelle, naive; la ronde, trepignante; la canzone, animee; la fable, narquoise, ainsi quele conte; le sonnet, eleve; les tensons , alternatifs ; les descors , etudies ; le lai, populaire. Presque toutes ces formes de la poesie des provencaux se trouvaient chez les minnesaiiger qui inventerent pourtant quelques formes et quelques denominations nouvelles. Comme on le voit, la poesie de cet age est essentiellement lyrique. Elle cut cependant des epopees dont les heros rivalisaient avec les demi-dieux d'Homere en pro- portions colossales et en attributs surhumains. Ainsi, chez tous les peuples, Charlemagne et ses paladins, Arthur et ses preux de la table ronde, le Cid, plus tard, chez les Castillans; Godefroi de Bouillon, dans la Germanic; en Ecosse les chefs de Clans, Percy et Douglas. On connait lepoeme monumental des Nibelungen avec ses hautes figures de Huns et de Bourgoiides. Dans la poesie des troubadours ne cherchez pas la purete clas- sique, ni une perfection qui ne se trouve que dans les siecles avan- ces. SCHLEGEL (1) a appele le moyen age , a le printemps de la poesie » parmi les peuples occidentaux. » II a dit aussi: « La plante doit » prece"der la fleur et celle-ci le fruit. » La poesie du troubadour est en effet le plus souvent illettree, mais tendre, naive, spontahee; elle jaillit de 1'ame sans effort comme par un don de Dieu. Nee en plein air et n'exprimant que des emotions senties, elle a je ne sais quelle gr^ce, quelle energie native que ne saurait avoir la poesie de cabinet. Elle est aussi par son intime union avec la vie che- valeresque de nos peres , une source abondante de donnees pour leur histoire publique et domestique , et comme un vivant et un curieux specimen de leur langage. Grace a cette poesie , noes nous asseyons presque a leurs foyers (2). Quant a la vie des troubadours , les raoines des iles d'Hyeres , (1) SCHLEGEL Fr. , Histoire de la literature ancienne et mudernc , tome let. (2) TISSOT, Prtfaee. du ler. rolume cili plus haul. 284 SEANCES G^NERALES. CARMENTIERE, qui vivait au 12e. siecle, et CIBO DE GENES au Uc., nous en apprenneut peu de choses dans leurs biographies. Cette lacune est sensible surlout pour les troubadours allemands. A grande peine rencoutre-t-on c.a et la clair-semes dans leurs vers on dans les chroniques contemporaines quelque trait personnel, et parfois un petit bout d'aventure qui nous revelent 1'homme dans le porte. Ainsipour les troubadours de la Suisse , les chants recueillis par le Zuriehois MANESSE nous out fourni en grande partie les esquissos biographiques qui suivent. LES MINNESANGER SUISSES. Void un pays poetique oit le del fit naitre IKS trouba- dours en foule. Est-tl une gracieuse prairie entre le Rhin et la Limmat qui n'ait eu son cliantre d'amour et dc mai ! BODMER (1-2). Au milieu des riantes carapagnes de la Souabe s'elevait le chateau, patrimonial des Hohen-Stauffen ! Cette dynastic, tout le temps qu'elle occupa le trone imperial du 12e. a la fin du i5e. siecle, aima et favorisa la poesie. Les princes les plus illustres de cette race, Frederic Ier. Barberousse , Conrad IV, Frederic II, Henri VI, pas- saientpour manier la lyre aussi bien que Tepee : Des Scliwertes Meis- ter wie des Gesanges. Sous leurs auspices fleurit le minnesang oula poesie d'amour. Les grands seigneurs de 1'Allemagne, les prelate les chevaliers rimerent a 1'envi : Nobles hymnes de guerre Doulces chansons d'amour! De la Baltique au golfe de Veuise, du Brabant au lac de ftcuchdtel retentissaient les chants de plus de trois cents minnesauger ou chevaliers poe'tes souabes. On leur donnait ce dernier nom, parce que le langage dont ils se servaient etait le dialecte souabe preferc alors au franconien et supplante par le saxon plus tard, II etait riche en rimes, merveilleusement propre a la composition des mots et d'une douceur ionienne dans ses intonations et ses consonnances. De nos jours Hebel a reproduit ces chants, vous savez avec qiiel bonheur, dans ses petits poemes allemaniques. (1) BODMER, dc Zurich, fondateur de 1'ecole suisse avec BKEITX-KGCR, et rcformateur de la litterature allemande. (2) DEI.M.LB a dit une fois en parlant des enfants , qui dans certaine* j/rtmncei to»t chanter le mois de tnai de porte en porte : cei petits chantres de mai. STANCES GEN&RALES. 285 Parnii les dix nations de la vieille Allemagne , deux particuliere- ment, dit HERDER (1), cultiverent avec aniour et avec gloire la poesie chevaleresque , les Souabes et les Suisses. La Suisse , plus que toute autre partie de 1' Allemagne , est favorisee d'une belle et grandiose nature. A cette epoque presque chaque colline y portait un manoir. On n'y comptait pas moins de 50 comtes souverains, de \ 50 barons , iOOO autres hommes nobles. On y voyait fleurir cette abbaye de St.-Gall, illustre entre les cloilres, par la culture de la science etdes beaux-arts. Les Hohen-Stauffen affectionnaient et honoraient par de grandes liberalites ce coin de pays qui s'etend entre la Steinack , la Sitter, la Thur et le confluent du Rhin et du lac de Constance. Us y trouverent les champions les plus devoues a leur cause dans la i'ameuse querelle des Guelfes et des Ghibellins. Eh bien ! cette contree fut peut- etre le berceau du minnesang. Au moins est-il sur que 1'une des formes les plus gracieuses de la poesie allemande au moyen age, la Leiche ou poesie religieuse elegiaque, prit naissance en Suisse dans les mo- nasteres de Muri et d'Engelberg, et qu'au seiu des montagnes helvetiques fleurirent les chantres les plus renommes en ce genre. Les demeures des troubadours suisses commenc,aient avec les rnille manoirs de 1'Helvetie feodale, des les Alpes rhetiques les plus reculces. Non loin de Sargans et de Werdenberg sur une colline qui domine la vallee des Bergcrs s'elevait le chateau, aujourd'hui enruines, de Hohen-Sax (Haute roche). La, au loe. siecle, deux freres cultivaient la poesie d'amour, HENRI et EBERHARD DE SAX. Us etaientles ancetres de ceux de la meme race qui jurerent la liberte grisotme sous 1'erable de Trons et de cet autre ULRIC DE HOHEPC SAX, fameux dans les guerres d'ltalie (2). Pendant que HENRI celebrait sur sa lyre les femraes jolies et bien atournees , qu'il priait tendrement de lui ouvrir la porte du bonheur, le grave et pieux EBEKHARD, moine de 1'ordre de Saint-Do- minique, se livrait a la contemplation des choses celestes, et son vers religieux d'une melodic intiroe et melancolique s'elevait en hvrnne brulante vers la mere du Sauveur ! « Marie, fleur eclaiante delapudeur, comment te glorifierpar un » chant ! toi le prodige de Tunivers que celebreut le ciel et la terre ! » Enflamme de 1'esprit div'.n, ton corps resplendit de beaute! le » veritable soleil t'a illuminee de ses rayons ! et de toi vient lalumiere » qui nous a eclaires! O Marie, immense est ta paix! car Dieu n'a » rien oublie en toi. II t'a p«3ne!rce et remplie de sa haute majeste. {1, IJCKDEB , dans la Preface de ses Chansons pupulairea ( VOLKSLIEDBB ) souTent citees pur X. MABMIEK , daus ses Chants de guerre suisses. |2) Uu coup de lance le dclivra d'un horrible goitre, a la journee de Nararre 1513. 286 STANCES GEN&RALES. » O mere du plus bel amour 1 dans les tenebres de toil etoile ! brule , » consume mes sens du feu de I'amour reel ! que mon ame se puriQe » et qu'elle se confonde en son Dieu 1 Si j'ai jamais pu nourrir d'autres » pensces, voile-les, 6 ma bonne Dame ! aie pitie de moi a toute heure ! » car tu as trouve grace , toi , et ton amour a vaincu la colere de » Dieu (1). » Dans la Thurgovie et le voisinage de Saint-Gall , les manoirs des troubadours se rapprochaient tellement de colline en colline qu'ils eussent pu s'entendre et se repondre. line lieue au-dessus de Frauen- feld, le chef-lieu de la contree thurgovienne , se dessine fierement le chateau de Sonnenberg au sein d'un romantique paysage. La harpe y resonnait sous la main guerriere de HENRI de SONNENBERG (mont des soleils), chantre de ses propres aventures. II disait ses courses dans la Boheme et ses combats avec les feroces Hougrois; puis, entraine par un elan sublime, il volait aux cieuxcomme EBERHARD DE SAX, et le cantiqee a l*Eternel jaillissait de rinstrument d'or : « Dieu sans commencement ni fin, roi tout-puissant, ne d'uue ser- » vante qui commande a toutes les legions angeliques ! nul mortel ne » peut te louer, aucune science te comprendre ! de la hauteur incom- » mensurable, tu es comme le sommet. Seigneur, de la profondeur » immense , tu es le seul fond, 6 mon Dieu ! esprit que nul esprit ne » penetre, de 1'univers ciment eternel! » L'ame croyante du noble chanteur se complaisait dans cet en- thousiasrae de rinfini. Mais, au penser de la decadence de 1'art et des mo?urs chevaleresques , sa poesie 1'attriste et tourne a la satyre : « J'aime beaux chants et beaux contes. Je chanterais avec plaisir » chansons d'amour et de mai ; I'amour avec tant de perae dit adieu a » I'amour ! oui, j'aimerais a celebrer les femmes, et plus encore; mais » on m'en a fait perdre le gout. Chant joyeux et bonne discipline » pesent irop aux damoiseaux. Mieux leur va, pres du bocal, d'insulter » aux femmes. » Vis-a-vis le Gastel de Sonnenberg , dans le manoir aujourd'hui ignore de la Murg, chantait le troubadour de WEISGE. Le vers mysterieux de ce poete enthousiaste exaltait un astre nouveau, un autre Marcellus, peut-etre CONR.UMN, le dernier des Hohen-Stauffen, ce prince si brillant a son aurore : « Une nouvelle lune nous a apparu belle et majestueuse ; son lever ill Cette traduclion et celles qui suivent sont en ^n^ral litterales ; mais la douceur •it- 1'original, le parfum intitnc de cctte powie nuisicale des Souabes, pleine ds Toyellcs, riche en epithetes energique?, pittorcsqtirt et gracicuses nous t-cJiappe preeque loujouri. STANCES GENERALES. 287 » a appauvri raaint horarae opulent. Mais les devices qu'il repand, » relevent notre courage ct annoncent au pays bonheur et gloire. » CONRADIN lui-meme, dans les aunees de 1'esperanee, coraposait dans le chateau d'Arbon, sur la rive thurgovienne du lac de Constance , ses essais de poesie souabe; a ses cotes son chambellan VOLKMAR et le sire de REIFFENBERG, noble du voisinage, chantaient I'amour et les plaisirs. RUMELENT , autre troubadour et leur contem- porain. les a celebres tous trois : « Leurs corps mourront; leur » gloire est- immortelle. » A deux lieues de Constance, non loin de la Thur et du lac Brigantin des anciens, apparait entoure de ravins profonds etde sombres sapins le manoir de Klingen : en 1250, il etait la demeure d'un troubadour devoue au culte des dames. II y a de 1'ame et des sentiments delicats dans ce chant : « Des femmes seules vient la plus grande joie qui •» puisse inonder la poitrinede 1'homme! rien, comme I'amour pur « dela femme, ne console dans les peines. L'amour des femmes » adoucit le sang et inspire un riant courage 1 Oh ! I'amour d'une » femme honnete vaut mieux que de 1'or ! » Un doux sentiment du lieu natal respire dans ce passage : « Elles » n'ont point cu de chantre, ces vallees rhenanes oil retentii mainte » ?oix d'hommes, vibrant au creur par4'oreille des accents pleins de » raelancolie. » Dans les memes lieux, Tun des auteurs de la Leiclie et 1'ami devoue du belliqueux BERTHOLD DE FATKEUSTEIN, abbe de St.-Gall, dans ses querelles avec 1'eveque de Constance, pleurait ses amours malheureuses; ou, s'abandonnant a 1'insouciance, tirait de son violon de joyeux sons pour ses paroles folatres. « En avant, sautez, enfants, - » soyez gais, chassez peines et chagrins, nous sommes loin des +> perils. » La, encore dans une poesie couleur de rose, le noble JACQUES DE WART decrivait le priutemps ! « Oh! ecoutez dans les » prairies les doux chants d'alentour! Oyez celui du rossignol! » Voyez aussi dans les campagnes , vers cette foret gentille 1 comme » elle s'est paree de ses plus beaux atours, de fleurs de toutes les » especes riant sous la rosee de mai, aux rayons du soleil. Oh! la » saison est belle a voir. » Qui cut predit alors au chevalier de WART les infortuues qui desoleht sa maison un demi-siecle plus tard; et le triste sort de son petit-fils, quand son cousin RODOLPDE DE WART eul tremp6 ses mains dans le sang de 1'empereur ALBERT D'AUTRICHE ! Les poesies de 1'aieul, si Ton en croit JEAN DE MCLLER, consolaient alors ce petit-tils nomme Jacques, comme lui ! L'ami et 1'hote de tous ces minnesanger etait a Zurich, le cheTalier et senateur MANESSE, d'une famille historique, et aieul de cet aulre ROGER MANESSE qui sauva sa patrie a la journee de Tdttwyl en 1*3^ . 288 SEANCES GEN&RALES, Les troubadours se re'unissaient dans sa maison de la ville, ou daus le riant chateau de MASSECH , situe a une lieue dc Zurich sur les Lords du lac et en vue des Alpes majestueuses. Get horame illustre, aime dcs grands et des petits, avec une passion extraordinaire pour le beau, se plaisait a recueillir quelquefois de leur bouche incme les chants des poetes suisses et souabes. II copiait leurs poesies de sa main, et ornait de vignettes le recueil de chaque troubadour. Le sujet de ces petites peintures dedicates et d'un beau colons etait ordinaireraent tire du poeme meme , ou faisait allusion uelque penchant du poete pour la chasse, 1'equitation, les tour- iio... ; il eelebrait un brillant i'ait d'armes ou uu trait qui 1'avait rendu cher aux dames. Daus cette occupation bien douce a qui sail 1'ap- precier, ROGER etait aide par sou fils, chanoine et premier chantre au grand Moutier de Zurich. Cent quarante poeles furent ainsi par eux sauves de 1'oubli, et la collection MANESSE nous gardait un tre"sor d'images naives, gracieuses , gaics , ingenieuses , rayonnantes de la vie fe'otlale, et aous rcvelait tout un monde de pensees, de croyances et d'harmome. Sans les soius empresses des MANESSE, nous ne con- naitrions ni les rnalhenrs d'loA DE TOGGENBOURG, cette Genevieve de Brabant , de 1'Helvetie allemande , ni la fidelite de CONRAD , ni les dironiques, legeudes et poesies du doux BERNARD DE STRATTLINGEN, au bord du lac deThoun, ni 1'amour malheureux et si constant d'HADLOUB, ni tant d'autres episodes curieux ou charmants qui pcignent la Suisse et 1'Allemagne du moyenage; bien plus, nous nous meprcndrions sur ce passe, dont tout un cote, le cote rianj nous echappait , et le moyen age etait lout entier dans les mystcres de Mmc. RADGLIFFE, ou dans la Notre-Dame de VICTOR HUGO (I) ! L'amour constant et malheureux de HADLOLB ! Ce HADLOUB etait un bourgeois de la commer^ante et riche Zurich au commencement ti»Huscrit pendaDt les deux ou trois sii-clcs qu5 suivircnt sa compo»:tion. SEANCES GENERALES. 289 recueillir les chants des troubadours ! « Vous parcourriez en vain » tout le royaume pour trouver autant de livres que dans cette biblio- » thequede Zurich, vite ou git un chant, on voit courirMiNEssE. » Ce poete connaissait tout le prix de son art : « Bien ne est le cceur qui ainie noble chant , le chant est une si belle chose ! II vient d'un sens si eleve. Femmes charmantes et noble amour, ces deux choses inspirent tantde courage. Que serait la terre, n'etaient les femm,es si belles ! D'elles nous vient tant de douceur ! Elles nous font poe- tiser (\) si bien et murmurer de doux sons qui ont tant d'empire sur les ames ! » Et pourtarit ces femmes , dont il fait 1'eloge avec tant d'enthousiasme, elles avaient etc" bien cruelles au pauvre Hadloub. Une demoiselle de haut parage pour laquelle il avait congu une passion qui ne Gnit qu'avec sa vie, accabla le bourgeois-poet e de son indifference et de ses dedains. La douleur remplit 1'ame de Hadloub et sa lyre n'exhala plus que des accents melancoliques. Mais quel drame tendre, naif, passionn6, forment ces chants plaintifs ! Quelle peinture vraie de 1'amour devoue ! Quel sacrifice de 1'amour-propre a 1'objet aime qui dedaigne ! Peut-il y avoir tant de resignation et de perseverance dans un attachement sans espoir? L'amour de Hadloub , c'est I'amour beau, grand, sublime, delicat, qui fait rire , qui fait pleurer tour a tour, ceux qui en connaissent les tourments et les charmes ! Quelle pitie profonde il excite dans les ames malheureuses par I'amour ! Ecoutez plutot Hadloub lui- merae: ses preludes sont assez doux. C'est une ame belle et aimante qui repand sa beaute et son amour dans la nature environnante. Puis, cette ame se recueille, le souvenir la dechire et ses larmes coulent avec des paroles qui emeuvent d'autant plus qu'on devine une douleur sentie bien plus grande queja douleur exprimee. « Lesoiseaux etaieat en grand souci; 1'hiver durait encore bru- meux et froid, et les matinees etaient fraicties ; la foret blanche de neige. » Les oiseaux allaient abandonner leurs vertes demeures; mais ils ont vu venir un ciel serein ! ils ont vu les fleurs sourire a 1'approche de mai , le mois qui egaie tous les coeurs ! » Qui sort le matin entend d'agreables murmures et voit une char- mante couleur parer les campagnes. Tout est fleurs et roses rouges. Et cependant je dois souffrir ! Ma bien-aimee fait mourir mes joies. » Je soupire et du fond de mon coeur ! Partout je porte ma peine! Je la vois , elle toujours si heureuse et ne se soucier de moi 1 Ah si quelqu'un pouvait mourir de douleur, depuis longtemps je serais niort. (1) Poetiser ne s'cmploie pas ordinairement en ce sen*. Nous permettra-t-on cette hardiesse pour mieui rendre 1'expressioa allemande Dichten ? 490 STANCES GENERALES. » Je la sers depuis mon enfance 1 Oh ! les annees m'ont etc si pe- nibles ! Jaraais un penser pour moi. Deguise en peleriu, je la suivis secretement avant le jour, allant a matines, et j'attachai sur sa robe lettre plaintive d'amour! avant le jour, qu'elle ne me connut pas. » Je craignais qu'elle ne pensat, cet homme est-il fou, qu'il s'ap- proche ainsi de moi, la nuit ! Mais je ne crois pas qu'elle me remar- quat, au moins elle n'eu dit mot. Peut-etre crut-elle deson honneur d'agir ainsi. Elle prit la lettre et la mit dans sa manche. » Ce qu'elle fit ensuite de ma lettre, je ne 1'ai jamais su. La rejeta- t-elle avec dedain? oh alors, quelle douleur ! Lut-elle au contraire en mon amour? Y trouva-t-elle du bonheur? Elle ne m'en fit rien savoir. O chaste amour, comme tu me tourmentes 1 » Depuis des annees j.e 1'aime ! — Des seigneurs compatissants me conduisirent un jour a elle ! Mais elle s'assit et se detourna de moi : pourtant enfin elle me daigna presenter une main. » C'est qu'elle craignit d'etre la cause de mon chagrin. J'etais etendu devant elle, comme un homme mort 1 Elle jeta un regard de pitie sur monmalbeur. Oui, elle en eut vraiment pitie, puisqu'elle me donna la main. » Elle me regarda meme avec amour et me parla. Qu'elle etait douce en ce moment ! Je pus la contempler a mon aisel Qui jamais sentit ce qui m'alla au coeur ? » Je pressais sa main si amoureusement lorsqu'elle mordit la mienne croyant sans doute pie faire mal ! Mais elle me rejouit tant , si douce etait sa bouche , et sa morsure fine et tendre. » Les seigneurs la prierent de me faire quelque cadeau ! Apres beaucoup d'instances, elle me jeta son aiguillier (1) a la tete. Je le pris. Mais les seigneurs le lui rendirent, la priant de me le remettre plus doucement. Dans mon malheur extreme, j'etais heureux. » La se trouvaient le prince de Constance , 1'abbesse de Zurich , J'abbe d'Einsidlen ( INotre-Dame des ermites), et le comte Frederic deToggenbourg, d'autres hauts barons, entre autres celui deRe- gensberg venu a ma priere. » L'abbe de Petershusen y ^tait aussi, homme plein de vertus. Ro- dolphe de Lendenberg, Roger Manesse y unireat leurs instances en ma faveur, mais en vain. » Depuis si longtemps je I'aime et je n'ai jamais ose Taller voir ! Si fiere, elle etait devant moi, ne daignant pas me saluer! Si je msse al!6 chez elle, sa haine en serait devenue dangereuse et je perdis courage. » Oh ! mon coeur pourrait bondir de joie hors de mon corps ! Je ne (1) Aiguillier, TICUX moi que nous nvons prefere a etui a aiguilles. SEANCES GENfiRALES. 291 puis le retenir depuis que j'ai vu cette femme que mon esprit n'aban- donne jamais. J'ai eu ses mains dans les miennes. C'est un prodige qu'en ce moment mon cceur ne se soit pas brise d'amour. » J'entendis sa douce voix, SOB langage harmonieux ! Elle a le prix delavertu cette femme I Je vis sa boucheetses joues rosees etma- licieuses , ses yeux brillants , son col blanc , sa modestie feminine , ses mains plus blanches que neige. G'etait si doux et je dus partir en souffrauce. » Tous les matins depuis, je lui ai envoys un message et quel- quefois aussi le soir. Mais le message ne peut rieii sur elle, bien qu'il parle de mon cceur intiine. J'ai senti alors tout mon malheur. » Le noble Regensberg 1'a suppliee de me dire au moins : « Dieu vous benisse, mon serviteur. » Elle repondit au seigneur par de douces paroles : « Eh bien 1 si vous le voulez , qu'il en soit ainsi. » Elle lui pressa en meme temps la main. » Etaient presents ce jour-la le sire d'Eschibach, le sire de Tros- berg, le minnesanger et Tellikon. Je trouvai dans ces mots de ma Dame une consolation. J'etais peu accoulume a ses douces paroles. Mais elle s'echappa bientot daiis un autre appartement dont nulles prieres ne la purent tirer. >• Y a-t-il dans toutes ces paroles de 1'amant infortune, y en a-t-il une seule qui ne soit baignee de larmes? Larmes du cceur, de 1'innocence , de 1'amour pur ! En les1 lisant, on se demande si une telle delicatesse de sentiments entrait dans les ames heroi'ques du moyen age? La poesie d'amour consolait aussi, dans le meme temps, de ses malheurs et de sa captivite, le comte Jean de Habsbourg! Get ennemi declare des Zurichois , prisonnier dans la tour des Vagues ( Wellenberg] , qui sort de la riviere de la Limmat avec une sombre majeste, composa dans le Chillon zurichois (I), son lai d'amour populaire, et imite par Goethe : icli wein ein wisses bluemelin. Nous avons essaye^ d'en traduire une stance dans le style du temps : « Je cognais blanche florete » Gomme beau ciel miroyant, » La-bas dans lacampagnette, » On la nomme, souviens-t-en I » Mais, las, ne Tai plus trouvee, » La froidure et la rousee » Auront fleHri son corps gent. » II Qui ne connait au bord du Leman le dramatique chateau de CLillon, fonde par Pierre de Savoie ou le petit Charlemagne a la fin du 13 siecle , et ou languit six aos Bonnivard cbantfe par Byron ? DANCES GENERALES. Un troubadour plus illustre dendit le cercle de la poesie d'amour, et y donda une grande place aux sympathies Rationales : le sire Walter von der Vogelweide, surnomrae de son temps, le grand mailre, et dans le notre honore comme un poete patriotique et fecond par les amis de la vieille poesie. II etait ne en Thurgovie sur les bords de ce Jlhin. pere des grands hommes, et dans la patrie des Sonnenberg, des Walter de Klin gen, des Wengi. Emmene, des sa tendre jennesse, a la cour des dues d'Autriche a Vienne, il y apprit Tart des vers. Les dissensions intestines de 1'Allemagne et la lutte des Hohen- stauffen avec les papes developperent de boune heure dans cette ame iudependante et fiere un sentiment profond.de nationality et de haine pour Rome, qui est 1'un des caracteres de sa poesie. II n'en fut pas moins Tun des zelateurs les plus ardents de la croisade, et dans maint de ses poemes respire la religion la plus suave et la plus su- blime. II mourut au commencement du quatorzieme siecle a Wurz- bourgdans la Franconiequi forme aujourd'bui Tun des cerdes de la Baviere. Vogelweide a eu de nos jours un biographe. C'est Louis Uhland, poete peut-etre le plus populaire de I'Allemagne (\). Vogelweide comme presque tous les minnesanger avail voue un culte aux femmes , mais aux femmes de son pays qu'il allait chantant a cheval de la Seine a la Murg, et du P6 alaDrave, un violon a la main. « De TElbe au Rhin, et du Rhin aux conflns de la Hongrie, sont les meilleures femmes quej'aievuesjamais. On en pent voir ailleurs a corps gentil et a douce ame. Mais Dieu , la, je le jure, les femmes sontmieux que les filles ailleurs. » En Allemagne les hommes sont bien faits. INos femmes sont pareilles aux anges. Qui les deprecie a ete induit en erreur. Comment le comprendre autrement ? Oh ! qui veut trouver vertu et amour pur doit venir en notre pays. II est plein de delices , puisse-je y vivre longtemps.') La tendresse du poete n'est pas toujours intime , mais ses peintures etincellent de vivacite et d'eclat. Les stances suivantes ne forment- elles pas unjoli petit poeme oriental comme ceux du persan Ferdusi dans son Schah-namah. C'est un pendant gracieux au poeme me- laricolique de Hadloub. « Je connais mainte fleur blanche et rouge, la-bas bien loin dans ce pre ou jolis oisillons chausonnent ! allons les y cueillir tous deux, ma mie ! « Elle a recu rnon present comme un enfant recoit un plaisir, (1) L"hland» dans 1'ecrit iotiluli : Walter von der Vogtlwclde, tin alt dtutscner Dicliter geichUdtr von L. Uhland, chei Cotla it'Tubingac et Stuttgart, 1822, in-8. STANCES GEN^RALES. 295 ses joues se colorerent corarne la rosee metee au lis , ses yeux se baisserent de pudeur et elle se pencha vers moi. Ce fut ma re- compense. » Sous les lillculs de la prairie ou nous nous reposames ensemble, voyez les fleurs et les herbes brisees 1 dans un vallon pres du petit bois, Tandaradai, gaiement chantait le rossignol! » Lorsque je vins dans la prairie, ma douce amie m'y attendait et in'embrassa. Permis, heureux Tandaradai ! voyez comme ma bouche est vermeille. » Elle m'avait fait un reposoir riche de fleurs. J'en ris encore dn co3ur. Vienne quelqu'un au meme lieu, il verra encore pres des roses, Tandaradai, la place ou je posai ma tete. » Que nous fumes la ! personne ne 1'a su. II ne s'y trouvait qu'elle et moi, et charmaut petit oiseau. Tandaradai l ceux-la seront dis- crets. » La beaute, comme on le voit, seduisait le troubadour! ces vers exhalent un parfum de douce sensualite, mais ne doutez pas que la femme belle ne lui apparut encore plus belle ornee de la vertu , cette beaute intime. Voici quelques inspirations eeloses a cet ideal : « O pleines de douceur et comme parfumees sont les femmes pures ! dans 1'air, sur la terre, dans les campagnes, rien d'aussi delicieux l les fleurs , les lis brillant de la rosee de mai sur 1'herbetle, et le chant des oiseaux sont des joies pales a cotedelajoie du coeur que donnent les femmes pures. Ou une belle femme jette san regard, la tristesse s'eteint, tant sa bouche vermeille rit doucement d'amour; tantles rayons de ses yeux caressants vont profond dans 1'ame de 1'homme ! .. Dieu a exalte et hoiiore les femmes pures. » , Mais au retour de la Palestine ou il a combattu sous Frederic II et vu son prince se couronner lui-meme dans 1'eglise du Saint-Sepulcre, d'autres pensees occupent le poete, des images plus serieuses s'eta- lent a ses yeux. Sa tete s'est blanchie, et la vue des lieux saints a eleve son ame vers une autre region, le monde perd peu a peu ses couleurs a mesurequelesoleilde 1'infini seleve de derriere les montagnes. « Helas ! oui, toutes les douces choses ont fui ! je vois 1'amere bise se deverser meme sur les rois I oui, la terre a la vue est belle, verte et rouge, mais au dedans, de couleur noire comme la mort. Que celui qu'elle a seduit cherche une consolation ! une peine legere expiera d'enormes offenses. Pensez-y, chevaliers! c'est votre affaire, vous qui portez le heaume leger, 1'anneau de fer, le solide bouclier et 1'epee benie. Plaise a Dieu que je sois digne d'un tel triomphe ! Je voudrais dans mon indigence meriter une aussi riche recompense! je ne pense ni aux terres ni aux tresors des princes, mais a la couronne STANCES GENERALES. eternelle. D'autres couronnes , un mercenaire peut vous les en- lever d'un coup d'epee ! ah ! que ne puis-je faire encore le doux voyage par dela les mers ! je dirais alors, c'est bien et ne me plaindrais plus janiais. » Citons aussi de celte poesiede VOGELWEIDE ces deux passages, veri- tables tableaux , d'un dessin euergique et remarquablement beaux dans leur simplicite; le crucifiement de Jesus et sa mort : « Pecheur, songe aux souffrances de Dieu pour nous et que le reraords ronge ton ame. Le corps deja transperce d'epines aigues, le supplice de la croix vint encore augmenter son martyre. On lui enfonca trois cloux aux mains et autant dans les pieds, Marie la douce pleura douloureusement quand elle vit des deux plaies de Jesus le sang jaillir ! J£sus parla tristement du haul de la croix : Mere, votre douleur est ma seconde mort. Jean, apaise la douleur de 1'amour. » Dans cette premiere peinture , la douleur du Sauveur conserve je ne sais quoi de doux , de raphaelique, de divin ! raais dans le suivant, figures, draperies •, roses , sentiments , tout prend un appareil de terreur et demort, consummatum est • on sent que 1'Homme-Dieu a bu le calicev L'aveugle dit a son valet : « Enfonce Tepee dans son coeur, je veux lenniner ses tourments ! Tepee est levee centre le Roi des rois. Marie devant la croix jette des sanglots profonds , elle perd ses couleurs et ses forces dans la poignante amertume; car elle voit son fils mourir dans les tortures; et quand Longin plongea son epee dans le sein du Christ, elle tomba eperdue , inanimee, sansvoix ! son coeur sebrisa de douleur; la croix commengait a rougir du sang innocent. » Poete jusqu'au dernier jour, un reflet de poesie eclaire encore Tacte dans lequel WALTER VON DER VOGELWEIDE deposa ses dernieres volontes ! « Je veux , dit-il dans son testament, que les oiseaux trouvent des grains de iroment et a boire sur raon monument funeraire. On creusera done dans la pierre sous laquelle je dois reposer, quatre petitstrouspoury deposer la nourriture de chaquejour. » WALTER VON DER VOGELWEIDE apparut a Wurzbourg en Franconie a la fin du xme. siecle. » SEANCES G&V&RALES. 295 M. AGNANT donne lecture de quelques fragments de son poeme intitule : Gusman. CHATNT I. 1er. FRAGMENT.— DEBUT. — Le Remords, Accable sous le poids de la honte et du crime , Et de ses souvenirs eternelle victime, Gusman fuit les humains... et craint que dans ses yeux f Dans les sombres replis de son front soucieux, Le ciel n'ait de son coeur ecrit 1'affreux mystere. Gusman !... d'un autre nom il s'appelait naguere , Et ce nom fut fameux , ce nom fut adore. II le quitte aujourd'hui qu'il 1'a deshonore. Dans un sejour obscur, au fond de 1'Asturie, Loin du bruit des cites , il consume sa vie , Et voit se sueceder et les jours et les nuits Dans les memes remords et les memes ennuis. Rives du Tage, et toi, demeure enchanteresse Ou se sont ecoules mes beaux jours de jeunesse, Tolede, avait-il dit, je te fuis pour jamais. Adieu, pompe des cours; adieu, brillants palais, Ou je goutais ma gloire au retour du carnage , Quand d'un sexe cheri le precieux suffrage Au coeur de 1'Espagnol doux comme les combats , Payait mon sang verse, m'eut pay6 du trepas ! Et vous , jeunes beautes dont j'admirais les charmes , Et vous qui m'estimiez, 6 mes compagnons d'armes , Adieu 1 par un forfait mes exploits sont fletris, Et je viens loin de vous devorer vos mepris. » Rien ne charme son ame a jamais desolee , Et pour lui la nature est muette et voilee ; Soit que le roi du jour, sur son char radieux , Mesure en conquerant le domaine des cieux , Ou que 1'astre des nuits , de sa douce lumiere , En souriant, caresse et les flots et la terre ; Soit qu'un pre couronne de verdure et de fleurs Etale le tapis des plus riches couleurs ; Soit que d'un frais bosquet ou gemit le zephyre , L'ombre et le jour au loin se disputent rempire. Deces riants tableaux la tranquille beaute* Ne seduit plus ce coeur vide et desenchante. Quedis-je? a sa douleur ils semblent un outrage; 296 STANCES GEN£RALES. II les craint, il les fuit. C'est un aspect sauvage , C'estla nature en deuil qui plait a son ennui ; II lui faut un spectacle aussi sombre que lui ; Des rochers menacants , une cime d^serte, Sans ombrage, sans fleurs, etde ronces couverte; Un noir torrent , dont 1'onde en son cours sinueux Roule, torabe, retombe a flots tumultueux: Des forets , oil la foudre a marque son passage ; Ou, brises par les vents etvaincus par 1'orage, Gisentde vieux sapins, de leur chute etonnes Gomme ses rois puissauts qu'un jour a detrones. Ge sont la Fes objets qu'Il frequente et qu'il aime ; G'est pres d'eux qu'il parvient a s'oublier lui-meme , Soit que ses noirs chagrins , suspendus pour un temps, Cedent a la frayeur qui domine ses sens , Soit qu'en cette nature , a son ame assortie , II retrouve les traits de cette sympathie, Qui, principe et lieu de la douce amitie, Seule comprend nos maux et seule en a pitie. Que de fois, quand la nuit s'epaissit sur la terre, II aime a s'enfoncer dans un bois solitaire! , A pas impetueux il marche au bruit des vents , Parcourt, echevele, les noirs enfoncements , Des buissons a ses pieds rompt Tentrave impuissante. Marche, marche toujours,... puis avec epouvante S'arrete, s'interroge... au sein de cette nuit; Loin des senders connus, quel Dieu 1'a done conduit '( H fre'mit , et pourtant je ne sais quelle joie Se mele a la terreur ou son ame est en proie. Tout Teffraie et lui plait... Ces berceaux tene'breux, Qui du ciel disparu lui derobent les feux; Le sinistre hibou, prophete d'infortunes , Exhalant lentement ses plaintes importunes; De 1'astre au front d'argent les rayons inegaux Se glissant a travers les mobiles rameaux, Et peuplant la foret de fantomes blanchatres; Des dogues du hameau les voix opiniatres, Des fleuves eloignds le sourd bruissement, Le feuillage d'un chene agite faiblement, Gomme si dans son vol une ombre passagere Tout a coup 1'effleurait de son aile legere; Les tonnerres lointains , attristant les echos. £t sums par moment d'un lugubre repos^ STANCES GENERALES. 297 Parfois aussi, du haut des rocs de 1'Asturie, II aime a contempler les vagues en furie. Non loin de son sejour s'eleve un vaste mont. Dans ses flancs dechires un espace profond Centre les eaux du ciel, les vents et le tonnerre, Presente au voyageur un abri tutelaire. Du sein de cet abri, sur ['immense Ocean, L'oeil s'etend et se perd... la s'elance Gusmau , Lorsque dans les forets ,. les vallous , les images , Fermente«ce bruit sourd, precurseur des orages, Et que, le front couvert d'un crepe ensanglante, Le soleil jette a peine une pale clarte\. D'abord le vent repose, et sous un ciel tranquille, Comme le vent repose une mer immobile. La terre consternee attend avec stupeur. « Je connais ce repos et ce calme trompeur, « Dit Gusman; dans mon sein quand 1'orage s'allume , » Et qu'un feu turbulent m'agite et me consume, » Helas ! c'est au sortir d'une semblable paix , » Que j'atteins quelquefois et ne fixe jamais. >» Bientot 1'autan fougueux siffle et tourmeate 1'onde , L 'Ocean re volte de sa prison profonde S'elance et bat les monts... le-flot avec fracas, Des nionts en reculant entraine les eclats. Au-dessus de 1'abime, une effroyable nue, Grosse des feux du ciel, demeure suspendue. Elle s'ouvre, selerme et se rouvre soudain; Gependant qu'a grand bruit s'echappant de son sein, Nait, s'efface, renait une clarte livide. L'onde roule embrasee ; une flamme liquide Jaillit du sein des mers , retombe sur les mers... Un grondement terrible eclate dans les airs; Tout mugit : les rochers, les flots, les vents, 'la foudre, Et le globe parait pres de tomber en poudre. De mouvements confus , le jeune homme agite" Regarde avec terreur, avec avidite, Et s'ecrie, en voyant la foudre jaillissante Et les balancements de la mer blanchissante : « Ciel , embrase du feu que toi-meme as couve* , » Et toi, fier element, centre toi souleve, > Quidevores ton sein et creuses tes rivages, » Vous etes de mo'n coeur les vivantes images, > Quand sous la main d'un Dieu qui toujoUrs le poutstiit , 298 SEANCES GENERALES. Lui-meme se combat, s'epuise, se detruit, Et que les souvenirs de ma vertu passee, Le regret d'une gloire a jamais effacee, Le sombre desespoir, 1'inflexible remords, De mon etre vaincu brisent tous les ressorts. » A ces cruels tableaux son ame se dechire , Replie sur lui-meme , il se tait , il soupire. Son bras est appuye contre les flancs du mont ; Sur son bras pesamment il incline sou front , Et les yeux abattus , la poitrine oppressee, • II demeure absorbe dans sa triste pensee ; II n'entend plus les flots qui se heurtent au loin \. Du choc des elements il n'est plus le temoin , Et comme ce rocher, dont le flanc le protege, II reste indifferent au vain bruit qui 1'assiege. L'orage s'est jete tout entier dans son cceur, Et ce n'est plus dans 1'air que tonne un Dieu vengeur Lorsqu'enfin s'arrachant a cette lethargic Son ame par degres reprend quelque energie , S'il voit etinceler au milieu d'un ciel pur, Le soleil replace sur son trone d'azur, Si de la vaste mer, dans son gouffre captive, Les flots plus mollement se brisent sur la rive, II s'ecrie : « O soleil , en vain de toutes parts Autour de toi s'assemble un amas de brouillards ! Us ont pu t'obscurcir et voiler ta lumiere. Mais tu revets ta gloire et ta beaute premiere , Etbientot poursuivis des eclairs de tes yeux. De leur aspect livide ils delivrent les cieux. Mais moi ! victime helas ! devouee aux tenebres ., Je reste enveloppe de nuages funebres , Et je ne connais plus 1'eclatd'un jour serein. L'autan, puissante mer, tyrannise ton sein, Arrache de tes flancs, tes oiides, ton arene. Mais bientot ramenant le calme , en souveraine Tu triomphes , 6 mer 1 et 1'azur de tes flots Se developpe au loin dans un vaste repos 1 Mais pour moi du repos j'ai perdu 1'esperance. Le repos I il n'est plus ou n'est plus 1'innocence. » A ces mots, il s'eloigne avec de longs soupirs; Mortel infortune, dont les tristes plaisirs, Trop souvent irritant le mal qui le consume, Dans son coeur ulcere tournent en amertume! STANCES GENERALES. *299 2me. FRAGMENT. — Chant de Zulme. Apres quelques mois de cette Tie etrange et sombre, le jeune homme dont j'ai fait le personnage principal de ce poeme, est surpris et fi»appepar deux musulmans , pour des motifs que je ne fais con- naitre que plus tard. II reste quelque temps sans secours, baigne dans son sang. Enfln aperc.u par le vieux Fernand qu'accompagne Zulme sa fille, et transport dans leur chaumiere, il y recoit les secours de Mmmanite'. La jeune fille le soigne avec devouement, mais ne peutparvenir a calmer le trouble dontil est agile". Lorsque de la douleur trompant la violence, tin breuvage au malade apportait le repos , Bientot il succombait a des tourments nouveaux ; Bientot aux maux du corps succedaient ceux de 1'ame. Ses yeux etincelaient d'une sinistre flamme; II semblait etouffer de funestes secrets; Un desespoir profond se peignait dans ses traits; Des soupirs prolonges s'echappaient de sa bouche, Et seuls interrompaient un silence farouche. Zulme , pour apaiser le trouble de ses sens , Souvent aux sons du luth mele de doux accents. CHANT. Les gazons de 1'Andalousie Toujours se couronnent de fleurs, Et chaque aurore de ses pleurs Les rafraichit , les vivifie. Vainqueurs des vents et des hivers , Le haut palmier dans un bocage , Le sapin surun mont sauvage, Balancent leurs fronts toujours verts. Et rhomme cependant a la melancolie Qui le fletrit d'un souffle empoisonneur, Helas ! abandonne une vie Faite pour le bonheur ! Sur la cime de la montagne Dont ses fleurs feront l'ornement , L'aloes grandit lentement Sous les feux du soleil d'Espagne; 500 STANCES G£N£RALES. Jusqu'au jour oil de ses epis Jaillira 1'ardenle parure, Jusqu'au jour oil sa chevelure Se couronnera de rubis. Et I'homme cependant, etc. Guadalquivir,, toi, dont les ondes Coulent sous un ctel enchante, llien lie peut ternir la beaute Des campagnes que tu fecondes I Sur ton rivage hospitalier, D'oiseaux uue troupe legere Aux soins, aux ennuis etrangere Vole du myrte a 1'olivier. Et rhomrae cependant, etc. D'ou vient le mal qui le devore? Ou prevoir ou se souvenir; Vivre deja dans 1'avenir, Ou dans le passe vivre encore j Nourrir de noirs pressentiments , Ou de biens peut-etre futiles Mediter les regrets steriles ; Voila ses eternels tourments^ Et c'est ainsi que rhomme, etc. Eh, sait-on si demain le Tage Doit reflecbir 1'azur des cieux , Ou rouler des flots furieux Troubles par un subit orage? Sait-on si le jour de demain Doit reflechir I'onibre importune Des nuages de 1'infortune, Ou>Feclat d'un bonheur soudain. Homme, roi de ee monde, a la melancolie Qui te fletrit d'un souffle empoisonneur, Cesse de livrer une vie Faite pour le bonheur ! Quand au sein de la mer profonde Le Tage de ses vagues d'or A precipit^ le tresor, II neregrette pas son onde-..~ STANCES GENfifcALES^ 301 Et souvent 1'homme a regrette Un bonheur qu'on ne peut lui rendre, Et des jours qu'il ne peut reprendre Au gouffre de 1'eternite. Homme, roi de ce monde , etc. Ainsi chante Zulme ; sa voix harmonieuse , A charmer la douleur toujours ingenieuse, Toujours choisit un air, un chant consolateur, Par le cceur inspire pour soulager le coeur. Tels parfois, au moment ou roule un sourd tonnerre , Des ze"phirs passagers rafraichissent la terre : Par de noires vapeurs longtemps emprisonnt; , Le soleil reparait de gloire couronne; La nature sourit d'esperance etde joie.... Mais tout a coup dans 1'air arrive, se deploie De plus noires vapeurs le lugubre appareil , Et les feux de 1'eclair remplacent le soleil. Tel le luth qui fre'mit sous cette main legere, Et cette voix qui semble a ce monde etrangere, Un moment du jeune homme eclaircissent les traits; Dans la nuit de son front brille un rayon de paix. Mais bientot ce rayon s'eteint, et son visage Se eouvre de nouveau d'un orageux uuage. 5me. FRAGMENT. —La Pribre. La jeune fille, pleine de compassion pour les chagrins secrets de Gusman , passe bientot a nn sentiment plus tendre , qui se revele dans le morceau stlivant. Eh quoi! jeune inconnu, lui dit un jour Zulme, N'as-tu done ici-bas rien dont tu sois aime? N'est-il aucun lien qui t'attache a la vie? N'as-tu pas une mere, une soeur, une amie, Un pere? — Jeune fille, ah ! par pitie, tais-toi. Que tu me fais de mal ! Un pere ! helas, sans moi, Mon pere couronne d'une gloire immortelle Illustrait une vie, aujourd'hui criminelle. Une amie ! eh 1 dis-moi qui voudrait de ce coeur? Ge co3ur est un enfer ..... Une mere , une so3ur i 502 STANCES GEN£RALES. Pour yenger et ma mere et ma sceur outragees , II fallait UQ grand crime, et je les ai vengees 1 Pliit au ciel que sorti du sang de vils ai'eux , Je n'eusse e"te qu'un lache , aussi meprise qu'enx ! — Eh bien 1 detache-toi de ce sejour des hommes ! Eleve-toi plus haut que le monde ou nous sommes. Quand rien ne sourit plus aux malheureux mortels, Dieu leur ouvre son sein et ses bras paternels. Veux-tu prier ensemble? — O vierge ravissante, Veux-tu done que melant a ta voix innocente De ma coupable voix les accents odieux J'appelle sur ton front la colere des cieux , Et que bientot sur toi, comme sur ma complice, La foudre vengeresse en eclats rejaillisse. Moi, prier! Etpourqtioi? Quelque chose me dit Que laterre et le ciel des longtemps m'ont maudit... . Le crime , penses-tu , Irouverait exorable Un Dieu que la vertu souvent trouve implacable ! Dis-moi ce qu'a ce Dieu j'oserais demander. Le pardon de mon crime? Eh! peut-il m'accorder Un pardon que mon cocur a jaraais me refuse? Crois-moi, de ta candeur Tignorance t' abuse. Toi, dont la voix touchaute et les pieux accents S'elevent vers son trone, aussi purs qu6 1'encens , Tu penses que ce Dieu qui t'exauce et qui t'aime Est pour tous les humains ce qu'il est pour toi-meme. — S'il m'aime , dit Zulme , s'il exauce mes vceux , Peux-tu douter encor qu'invoque par tous deux II n'abaisse sur nous uu regard d'indulgence? La justice, Gusman, c'est souvent la clemence. Par un vrai repentir ton crime est efface , Et tes remords presents te lavent du passe. Va, prions. — Et deja la Vierge d'Asturie Aux pieds d'un crucifix et s'agenouille et prie : « Seigneur, un malheureux qui pecha centre toi , » Palpitant de regret, de souffrance, d'effroi, » Ose implorer ici ta bonte souveraine. » Toi, qui de nos forfaits voulut porter la peine, » Qui des cieux chaque jour descends sur nos autels , * Et meurs, pour expier les crimes des mortels, » Ce pecheur, tout convert de ton sang adorable , » Doit-il ne voir en toi qu'un juge inexorable ? » Non, tuprendras pitiede lui, de moi, Seigneur.,.*. SEANCES GENERALES. 505 » Ou bien si sesremords, son age, sa douleur, » Si rien ne te flechit, s'il faut une victime, » En me frappant moi-meme , absous-le de son crime ; » Si je devais compter quelques jours fortunes, » Qu'ils soient a lui ces jours qui m'etaient destines ! » Et je sauraipour lui souffrir, pour lui me taire, » Et de tes saints decrets adorer le mystere. » — « Arrete ! dit Gusman. Je ne puis ni ne doi » Mejoindre au voeu touchant que tu formes pour moi. » Dieu ne 1'exauce pas ! Que plutot sur ma tete » De toute ta colere eclat e la tempete! » Que semblable a Cain , et portant sur mon front » D'un signe accusateur 1'ineffac.able affront , » Je promene partout ma course vagabonde, » Et, partout reconnu, j'epouvante le monde! » « J'ai prie. — Qu'as-tufait? Grand Dieu, qu'ai-jeentendu? « Reprit Zulme. — Qui, moi? j'ai fait ce que j'ai du. >> Ma voix ne devait pas se plier a la tienne. )) L'innocence a sa langue, et le crime la sienne, » M. VcLLiEMm fait lecture de Yhistoire de la cam- pagne dans la Valteline par le due c?eRoHAN-CHABOT. Enfin, apres la lecture de quelques fables de M. POR- CHAT, M. JULLIEN, de Paris, prononce avec sentiment ces vers adresses aux dames : O FEMMES ! votre empire est si noble et si deux Au sein de TOS foyers , au coeur de vos epoux , Sur vos enfants dont 1'ame encore flexible et tendre Sait lire dans vos yeux, par instinct sait comprendre Un regard, un sourire , un geste, un mouvement Qui de Tame trahit le secret sentiment ; Dans le monde ou s'etend le^ouvoir de vos charmes, Oil chacun a 1'envi vient vous rendre les armes , Partout, dans la famille et la soeiete, La loi de la nature et de 1'humanite Yous appelle a regner. Divinites mortelles, Si les hommes par fois sont des anges rebelles , La faute en est a vous. Votre touchante voix 504 SEANCES GENERALES. Sur les coeurs les plus durs conserve encor ses droits. Sachez done d'ime main delicate et legere , De la vie adoueir la coupe trop amere , En y versant le raiel, les sues delicieux, Le dictarae embaume , les parfuras precieux Que la faveur celeste incessamment depose Dans vos yeux enchanteurs, sur vos levres de rose, Dans ces brillants eclairs , ces sourires divins Qui des plus tristes jours nous font des jours sereins. FEMMES! sachez porter un sceptre legitime, Accomplir noblement votre tache sublime. Sachez vous penetrer de votre dignite, Etre au milieu de nous des anges de bonte, Des ministres de paix , d'amour, de bienfaisance ; Et sur la terre enfin seconde Providence , Que votre sexe , orne de ses attraits puissants , Dans un monde ou partout sont des sentiers glissants. Nous conduise au bonheur par la route fleurie Des verlus, des beaux-arts, de la philosophic. M. le President invite MM. les Vice-Presiclents du Congres, les Secretaires-Generaux , les Presidents, Vice-Presidents et Secretaires des Sections , ainsi que M. le Tresorier, a se reunir ce soir a sept heures, dans la salle des seances generales , pour preparer un projet d'arr^te qui sera soumis au vote de Tassemblee, et qui est relatif a Findication de la ville oii il convient de fixer la 9e. session du Congres scientifique. La seanee est ensuite levee. STANCES GENERALES. 305 Seance du 10 septembre. Presidence de M. de CAUMONT. Lecture et adoption du proces-verbal de la seance generale du 9, ainsi que des proces-verbaux des Sections qui se sont reunies ce matin. M. VICTOR donne lecture de son Memoire sur les antiquites du Nord. MESSIEURS, En TOUS soumettant un fragment du travail que je m'occupe de publier sur les antiquites du Nord, je crois me conformer aubut de Tinstitution du Congres, qui est de contribuer a ouvrir par des etudes comparatives une nouvelle voie a toutes les communications faites pour interesser le progres des sciences. Je viens done appeler votre attention sur un vide qui me' semble exister depuis trop long- temps dans nos etudes historiques et archeologiques, au milieu meme de leur developpement auquel plusieurs d'entre vous, Messieurs, ont si puissamment coopere. Pour rendre ces etudes completes , il faut qu'elles s'etendent ne- cessairement a tous les pays qui peuvent avoir a leur offrir des ma- teriaux. Et pourtant, il est en Europe meme une centre's devant laquelle elles semblent s'arreter, comme devant un champ inculte et sterile; il est une nation qui, au moyen age , a, pendant plusieurs siecles , envahi les plus grands etats , qui a etabli des colonies flo- rissantes j usque dans nos provinces, qui a exerce sur nos moeurs, nos arts et nos institutions, une influence puissante. Cette nation, dont les annales offrent tant de points de contact avec les notres, se trouve neanmoins exclue de la plupart de nos livres d'histoire; ou si quelques historiens en font mention , c'est pour signaler ses pi- rateries et ses ravages , et la ranger parmi ces peuplades obscures et barbares qui ne meritent aucune espece d'interet. Je veux parler des hommes du Nord, des Skandinaves, qui ont eu une mythologie, une legislation, une litterature a eux, possession inseparable d'un certain degre de civilisation. II nous est reste de leurs oeuvres des fragments remarquables, et les savants de notre age ont public dans le Nord, sur cette race d'hommes extraordinaire, des eclaircissements precieux. Peu connus encore en France, les monuments litteraires et historiques de la Skandinaviecommencentcependant a attirer nos regards; je ne vous 306 STANCES GENERALES. en entretiendrai point ici. Je neveux, en ce moment, que jeter un coup d'osil sur ses antiquites proprement dites , sur ses monuments archeologiques qui nous sont beaucoup plus etrangers encore. Les hommes du Nord, comme vous le savez, Messieurs, ont penetre jusqu'au coeur dela France; ils se sont repandus des bouches de la Seine jusqu'aux montagnes du Jura et aux rivages de la Me"diterranee. 11 est a presumer qu'ils y ont laisse plus d'une trace de leur passage et de leur sejour. Je crois done que 1'etude des antiquites septentrionales pourrait souvent nous eclairer sur divers monuments de nos contrees , dont nous n'avons pu jusqu'a present penetrer 1'origine et la destination. C'est le gout de cette 6tude que je desirerais inspirer , enpubliant des observations, fruit du voyage que j'ai fait, il y a quelques annees, dans les trois royaumes du Nord. Deja j'aiadresse au Congres, dans sa derniere session, un apercu preliminaire de mon travail. Je vais, Messieurs, avoir 1'honneur de vous lire un extrait du chapitre inedit que j'ai con- sacre au Danemark. II pourra vous donner une idee des differentes sortes d'antiquite"s de la Skandinavie , et vous permettre de juger de leur variete, deleur caractere et deleur importance (i). DANEMARK. Le DANEMARK, 1'antiqne patriedes Cimbres, la terre des Angles, des Saxons , et de ces audacieux navigateurs qui partageaient , au moyen age , avec les autres hommes du Nord, 1'empire des mers , le Danemark est une des regions de la Skandinavie qui offrent le champ le plus fecond aux investigations de 1'archeologue. Sans etre aussi riches que les montagnes de la Suede en ANTI- QUITES LAPIDAIRES , les plaiiies du Danemark n'en sont cependant pas depourvues. Cette contree a aussi ses blocs de granit qui parlent le langage des runes; sestombelles de gazon ou repose la cendre des rois etdesheros; ses cercles d'assemblees nationales, ou les juges tenaient leurs assises et les chefs de 1'Eltat leur conseil. Ces dernieres sortes de constructions sont, apres les buttes se- pulcrales, les monuments les plus communs dans le pays. Plusieurs sont entieres, mais le plus grand nombre ne presente que des debris, souvent meme a moitie enterres. On voiten Seeland, parmi les blocs dissemines qui couvrent les environs de Leyraou Lethra , quelques- unes de ces enceintes concentriques, formees de plusieurs rangs (1) Voyuz dans la France liiteraire, revue periodique publiee a Paris, rue de 1'Abbayc, n°. 4, sous la direction de M. CHALLAMEL , les chapitres relatifs a la Suede et a la IVorwege. — La notice entiere paraitra chez le meme editeur, arec des vignettes inter- i-alees dans le texte , sous le titre de Coup d'oeil sur les anliquitts skandinaves. STANCES GENEIRALES. 507 de pierres oul'on pretend que differentes tribus se reunissaient pour' deliberer. On y rencontre aussi quelques torabelles. Elles sontre- tracees dans 1'histoire de Danemark de Saxo le grammairien , sur le plan topographique de cette ancienue residence des rois-pontifes du paganisme. Aupres , est un lac consacrc , dit-on, par les peu- plades saxonnes a la deesse germanique Hcrtha (laterre). Le Danemark possede une sorte de monument, appele pierre mouvante semblable a celles qui se trouvent dans plusieurs de nos provinces , et qui ne parait pas exister en Suede. II y en a trois dans I'ile deBornholm, et une en Norwege, dans le domaine royal de Stavanger. Ce sont les seules que Ton connaisse jusqu'a present dans le Nord; elles reposent chacuue sur deux autres pierres. fixes, et ont un mouvement de deux a quatre pouces. Le savant M&nter, dans uue dissertation publiee en \ 835 , les regarde comrae ante- rieures a la religion d'Odin, et les attribue a la race celtique etablie dans ces contrees, a une epoque tres-reculee. II est assez difficile de preciser 1'age et la destination de tons les monuments de la Skandinavie, qui a etehabitee, dans 1'antiquite et depuis 1'ere chretienne , par des peuples dont les lois, la religion et les usages ont eprouve beaucoup de variations. On n'a que des donnees fort incompletes sur les premiers siecles qui ont suivi 1'ap- parition de Sigge-Odin, et des traditions plus vagues encore sur les temps qui 1'ont precede'e. Plusieurs savants ont essaye d'eclaircir letat social et religieux du Nord a ces deux epoques, mais sans avoir encore pu fixer tous les points de contact et de separation qui les distinguent. C'est dans le sein de la terre, plus qu'a sa superficie, que resident les richesses archeologiques du Danemark. Toutes celles qu'on en a deja retirees font presumer que beaucoup d'autres y sont encore enfouies. Elles sont, depuis plusieurs annees, 1'objet des recherches les plus actives. Le plus ordinairement elles consistent en IRMES, USTENSILES, PABUHES, etc. Les antiques de toutes les classes presen- tent dans les trois Etats skandinaves, a quelques modifications pres, un caractere d'homogeneite quiprouve, avec la communaute des moeurs et du langage, que ces divers pays ontete longtemps ha- bites par un meme peuple. Quelques mois avant mon arrivee en Danemark, on y avait fait d'importantes decouvertes. Le prince Christian, raembre de la So- ciete des Antiquaires de Copenhague, dont les sciences et les arts ont recemment salue 1'avenement au trone , venait de faire fouiller plus de vingt tombelles qui avaient fourni des epees, des vases, des ornements de toilette, et plusieurs autres objets d'art des temps odiniques. L'ile de Falster avait produit une abondante recolte de 308 SEANCES G&NERALES. medailles, bagues, colliers, bracelets en cuivre et en argent, et d'autres parures du neuvieme siecle, qui temoignent que les Skan- dinaves avaient alors des orf^vres; ailleurs on avail trouv6 des monnaies koufiques , dont la moins vieille date de 1'an \ 009, frappees en Orient par les kalifes de Bagdad; des monnaies allemandes, hollandaises, anglaises, bohemieunes , toutes aussi anciennes, et parmi lesquelles se trouvait une mounaie franchise, frappee, a Rouen, par un des premiers dues normands. Elles attestent, ainsi que beaucoup d'autres traces, les anciennes relations guerrieres et commerciales des hommes du Nord avee plusieurs peuples de 1'Europe et de 1'Asie. Tous ces debris des temps passes sont recueillis avec un soin extreme par lesDanois, qui les conservent precieusement et les v£- nerent comme de saintes reliques. Le Danemark est le pays des collections et des musees. Les sciences historiques y sont cultivees avec passion. Les archeologues et les historiens y sont plus nom- breux encore qu'en Suede; plusieurs ont acquis une celebrite euro- peenne. M albeureusement leurs ecrits sont beaucoup moins connus que leurs noms. Saxo, Torfesen , Ole-Vorm, Arnas-Magneus > Bartholin, Resenius, Thorlacius, Suhm, Langebeck, etc. (i), ont en quelque sorte fonde la science des antiquites septentrionales. Apres eux Munter, Rask , Nyerup , Rafn , Petersen , Finn-Mag- nusen, Mutter, Thomsen, Lclilegel, Vedel-Simonsen , etc., lui ont rendu d'eminents services. Chaque jour, leur sagacite tire de nou- veaux eclaircissements desmateriaux confus soumisaleurexamen. LaSociETE DES ANTIQDAIRES de Kopenhaguc, que ces derniers ont fondle, s'est impose la vaste tache de recueillir et d'interpreter les monuments de toute espece propres a repandre du jour sur la langue et sur la litterature des anciens temps du Nord. Elle pour- suit, depuis plusde vingtans, le cours de ses travaux avec une ardeur et une perseverance dignes de servir d'exemple a toutes les societes savantes. Les memoires qu'elle fait paraitre, pour trans- mettre au public le fruit de ses recherches et de ses observations, meritent de fixer 1'a Mention de tous les amis des sciences. Deux mille manuscrits de la vieille litterature skandinave se sont con- serves jusqu'a nos jours ; elle les livre successivement a 1'impression , en les accompagnant d'une interpretation critique , ainsi que d'une traduction en latin et en danois. Cette publication n'interesse pas settlement 1'historien et I'arch^ologue , elle offre encore d'utiles re- velations au jurisconsulte et au philologue. (1) Voyez Olaus Wormius : l&onumenla Aanlca , 1643: Thorlacius : Antiquilato bortalium observation*! miscellanea; , 1778, etc. STANCES GENERALES. 509 Peude temps apres safondation, la Societe des Anliquaires de Kopenhague voulutbien me feliciter parl'interme'diaire deM. Rafn, son secretaire, « d'avoir contribue a ouvrir, en France, la voie aux antiques souvenirs septentrionaux , » et me donna communication de ses statuts, en m'invitant a les faire connaitre chez nous. Mais alors le public ne prenait guere d'interet aux anciens peuples du Nord, en qui il ne voyait que des barbares aussi peu dignes d'etre represented sur la scene, que de figurer dans 1'histoire. Aujourd'hui, nos preventions, sans etre dissipees, sont du moins diminuees. De brillants succes ont deja couronnc les efforts de cette savante so- ciete; sestravaux commencent a etre plus connus, etilsle seraient davantage, si,comme ellel'avait annonce, elle eut empruntepour les divulguer le secours de notre langue. Jusqu'a present, elle s'est bornee a faire traduire en francais des prospectus, quelques rapports de ses seances et deux ou trois memoires assez succincts. Esperons que bientot 1'etude des langues etrangeres, dont nous commen^ons a sentir la necessite, nous dispensera de recourir, pour apprendre 1'histoire des autres nations, alatriste ressource des traductions. Depuis plusieurs annees , les antiquaires danois font executer des fouilles jusque dans les ruines des anciennes colonies skandinaves de 1'Island et du Groenland , qui ont joui autrefois d'une situation florissante. Un d'entre eux, M. Graah, charge de les explorer et de faire le releve des nombreux vestiges qni se trouvent sur la cote du detroit de Davis, ainsi que dans d'autres parages, a envoye, en 1835, au musee deCopenhague, plusieurs pierres revetues de runes, recueillies sur cette terre polaire. Deja, en 1832, on y avaittrouv6 des ornements d'architecture et des fragments de poterie. Un fait important a ete revele par ces debris et par les monuments decou- verts dans plusieurs Etats de 1'Amerique septentrionale , le Massa- chusetts, Rhode-Island, etc. : c'est leur conforrnite frappante avec d'anciens monuments du Nord de 1 'Europe , sous le titre de Antiqultates Americana sire Scriptores svptentrionales rerum anterolumbianarum in America. La Societe royale des antiquaires de Kopenhague vientde publier un ouvrage d'un haul interet , et qui peut contribuer a repandre une lumiere nouvelle sur 1'histoire du monde : c'est un recueil de notices tirees d'anciens manuscrits , relatifs a des voyages entrepris par les Skandinaves, du dixieme au douzieme siecle, qui prouvent que, des cette 6poque et par consequent bien longtemps avant Christophe Colomb, l'Amerique a ete visitee plusieurs fois par eux. 510 SEANCES GENERALES. Ces documents ne perraettent pas de douter que la dccouverle du Nouveau-Monde ne soit due a ces peuples hardis et aventureux. Cette opinion est fondee sur des observations nautiques, geogra- phiques et philologiques, conflrmee par les monuments d'antiquite trouves dans ces regions, et par les renseignements d'une com- mission de savants Americains dont les recherches ont constate ce fait (I). On s'etonne moins de ces grandes et lointaines expeditions mari- times des hommes du Nord, lorsqu'on voit la disposition geode'sique du sol skandinave et toutes les ressources qu'il presente a la navi- gation. A 1'aspect de ces contrees , couvertes de bois de marine , de"coup£es sur tous les points en lies et en presqu'iles , au sein des- quelles la mer penetre de toutes parts, comme pour familiariser leurs habitants avec les flots et leur ouvrir des ports contre leurs ennemis, on reconoaitla terre de ces redoutables pirates, connus sous le nom de Vikingues. Aussi ces rois de la mer (Soe-konyar) avaient-ils acquis une grande habilete dans 1'art des constructions navales. Ce n'est pas assurement avec les barques d'osier, que leur pretent nos chroniques, qu'ils franchissaient 1'Ocean. A defaut de boussole,ils observaient les astres , ils etudiaient la direction des vents , ils con- naissaieut les recifs, les ecueils. Ils avaient des navires solides et spacieux, construits meme avec elegance et avec luxe. Leurs drdkar, appeles de ce nom parce qu'ils avaient, a la poupe et a la proue, la forme d'un dragon, etaient quelquefois ornes de riches sculptures. Ces peuples navigateurs connaissaient mieux 1'Europe qu'aucun autre, au moyen age. Ils ne la parcouraient pas seulement en ennemis , ils la visitaient aussi en observateurs ; et les relations islan- daises publiees par la Societe des antiquaires danois presentent des faits qui se rattachent a 1'histoire de pre"sque tous les pays. Le roi de Danemark est membre protecteur de cette societe eu- ropeenne, quicompteun grand nombre decorrespondantsetrangers. On distingue parmi ses associes deux princes, connus par leur esprit de progres et leur gout eclaire pour les arts : le prince Oscar de Suede et le prince d'Orange des Pays-Bas. MM. Depping, Ampere, La Roquette, le Prevost, sont, je crois, a peu pres les seuls qu'elle ait en France. Russes, Suedois, Allemands, Hollandais, Anglais, (1) On annonce, en ce moment, une decouverte, d'apres laquelle les Skandinaves auraieot pousse leurs excursions jusque dans 1'Amerique meridionale , et y auraient meme forme des etablissements. Dans des fouilles faites aux environs de Bahia, au Bresil , on a decouvert une dalle recou?erte d'anciens caracteres ialandais , des vestiges d'habitations pareils, sous le rapport arnhitectonique , aux ruines du nord de 1'Europe, et une statue de Tlwr avec tous scs attributs, son niarteau , ses gantclets et sa ceinture raagique. SEANCES GE^ERALES. 311 out avec elle des rapports frequents , auxquels il serait a desirer que nous prissions part moins rareraent. La Russie , dont les antiquites nationales touchent de si pres a celles des Skandinaves , et dont les conquetes scientifiques , dues a 1'impulsion que leur donne son puissant souverain , s'accroissent chaque jour davantage, la Russie montre pour la recherche de ses monuments historiques une tendance qui promet d'amener dans 1'histoire du Nord d'utiles eclaircissements.Des musees et des socie'te's archeologiques se sont e tablies dans plusieurs villes. Une commission a etc institute pour explorer les anciennes bibliotheques des cloitres* les archives del'Eltat, ettous les documents disperses dans cevaste empire. On y recueille les legendes et les traditions populaires; on y derouille les vieilles epees de Burik et de ses Varegues, qui, du sein de la Skandinavie , vinrent regner sur Novogorod et sur Kiev , en- vahirent jusqu'aux bords de la mer Noire, et montrerent aux Russes, des le neuvieme siecle, le chemin de Constantinople. L'Allemagne s'occupe, depuis quelque temps avec ardeur, de Vetude des antiquite"s septentrionales. Elle a vu paraitre beaucoup d'ecrits sur 1'histoire et sur la litterature skandinaves , qui offrent tant de traces de ses anciennes traditions. Grimm, Mone , Rilter Uhland et plusieurs autres ont public sur les runes, les sagas et la mythologie odinique, des ouvrages pleins de sagacite, qui etablissent d'interessants paralleles entre la Germanic et la Skandinavie. Ces savants ont ouvert une route nouvelle au progres de 1'archeologie ; ils ont reforme par leurs travaux critiques , les abus de la science etymologique, etrempli une partie du vide qui existait dans 1'histo- riographie des monuments germaniques. Les Pays-Bas ont aussi paye au INord leur tribut de recherches etde meditations historiques. MM. Buddingh, Janssen, en Hollande; WillemSt Delepierre, etc., enBelgique, viennent de relever plusieurs traces de 1'occupation de ces contrees par les INormands. Un musee archeologique vient d'etre forme a Leyde, par les soins du profes- seur Leemans, sur le plan large et methodique qui convient aux progres de la science ; il embrasse les antiquites de toutes les parties du globe. Au nombre des divisions dont il se compose, et parmi lesquelles se trouve une des plus riches collections de mo- numents indiens et egyptiens qui existent, il en est une cousacree aux monuments germaniques et skandiuaves. On remarque dans celle-ci plusieurs urries trouvees a Deurne, dans le Brabant sep- tentrional, ainsi que des armes et des instruments en pierre venus du Danemark et de la Norwege. De nouvelles acquisitions permet- tront d'y faire d'utiles rapprochements et d'interessantes etudes comparatives. 312 SEANCES GENERALES. Un nombre considerable d'ouvrages, plus ou moins importauts, a paru en Angleterre, sur 1'histoire et les antiquites de la Skandinavie, qui a eii avec les lies Britanniques tant de relations de tout genre. Les monuments du Nord et meme ceux de la Normandie occupent une grande place dans les publications de la Societe des antiquaires de Londres. Parmi les ecrits publics dans ces derniers temps, on distingue ceux de Ducarel, Britton, Pugin, Cotman, sur les mo- numents d'architecture normande ; 1'histoire des hommes du Nord , publiee a Londres par M. Wheaton, des Etats-Unis d'Amerique, etc. : parmi les outrages plus anciens, le Tresor des antiquites septen- trionales, d'Hikesius, qui a releve plus d'une erreur dans les ar- cheologues, glossographes et historiographes ; V Angleterre ancienne, deStrutt, oul'on trouve un tableau fidele des mceurs, usages, cou- tumeset armuresdes anciens Danois, ouvrage traduit en francais, pour faire suite aux recueils de Montfaucon et de Caylus. Cette traduction revele notre pauvrete en productions sur cette matiere; depuis qu'elle a paru, nous ne sommes pas devenus beau- coup plus riches. Si les antiquites du Nord ri'ont point encore attire uos regards, ses monuments litteraires commencent a nous etre moins etrangers. Us ont fixe 1'attention de plusieurs jeunes ecrivains qui poursuivent avec sucees la voie ouverte par Mallet, Maltebrun et Depping. Nous devons a mon compatriote Marmier plusieurs ecrits ou 1'ancienne litterature septentrionale est presentee sous un jour brillant et retracee dans un style pittoresque; a M. Bergmann, une traduction severe de plusieurs poemes islandais, accompagnee de notes explicatives qui montrent en lui un philologue aussi verse dans les langues du Nord que dans celles de 1'Orient; et a M. Dumeril , un examen historique de la poesie skandinave, qui atteste une etude serieuse de la mythologie odinique. Ces essais ne peuvent manquer d'amener aussi des recherches dans le domaine archeologique. Le Danemark offre peu de sujets d'etudes eu ANTIQUITES ARCHITEC- TURALES. On n'y voyait, comme dans le reste du nord , aucun temple, avant Sigge-Odin, et lui-meme et ses successeurs ne paraissent y avoir erige qu'un petit nombre d'edifices en pierre. La ville qu'il batit en Fionie avant de se fixer en Suede , et qui porte encore son nom (Odensee), ne presente pas plus de traces de sonorigine que Sigtuna. Dans toute la Skandinavie, sous le paganisme, et au commencement du christianisme , la plupart des edifices, grands etpetits, etaient en charpente. J'ignore s'il en existe quelques vestiges en Danemark ; mais on en voit encore d'assez considerables en Norwege (1). (1) Voy«z dans les Annales de la socidti libre des beaux-arts, le rappart fait par 1'autcur , sur d'anciens edifices en bois sculpte , de 1'iuterieur de la Norwege. SEANCES GENI2RALES. 515 Les deux EGLISES du moyen age les plus remarquables du Dane- mark sont : la cathedrale d'Aarhuus, fondee en 1201, et la cathe- drale de Roeskild, le Saint -Denis du royaume, elevee, dans le milieu du onzieme siecle, sur remplacement d'un temple en bois, bati vers 980, par Harald Blaatand. Parmi les autres eglises etnio- nasteres qui meritent quelque attention, on distingue : le convent de la petite ville de Ringsted, les' eglises de Viborg, de Slesvig, d'Odensee et de Soroe qui sont decorees de mausolees. Onvoit, a Kopenhague, deux monuments qui, sans etre d'une Ibndation tres-vieille , offrent un caractere d'originalite et de har- diesse que Ton croirait appartenir a des temps plus reculcs. L'uu est la Fleclne de la Bourse , sorte de cone en helice, forme de serpents entrelaces dans 1'ancien gout skandinave ; 1'autre, la Tour de I'Uni- versite , sur le sommet de laquelle Ticho-Brahe faisait ses observa- tions astronomiques , et que Ton monte par un large escalier en caracol d'une pente douce, garni depierres runiques. On rencontre, dans diverses parties du pays, plusieurs aneiens CHATEAUX HISTORIQUES : a Vordingborg , celui de Valdemar, qui est en ruine; le vieux chateau de Socnderborg, ou Christian II a ete enferme ; dans Vile de Bornholm , les ruines du fort de Ham- mershuus, etc. Trois monuments moins anciens, et d'une archi- tecture plus remarquable, les chateaux de Kronborg, de Frede- riksborg et de Rosenborg, se distiuguent surtout par les nombreux objets d'arts qu'ils renferment. Le chateau-fort de Kronborg , a Elseneur, masse imposante et d'un bel aspect du cote du Sund, dans lequel il s'avance avec ses bastions, presente sur ses murs interieurs des ornements sculptes assez curieux. Le chateau de Frederiksborg, bati par Christian IV, vaste construction de ditterents styles, offre, au nombre de ses curiositos les plus interessantes : la Salle des chevaliers, grande ga- lerie de tableaux formee de portraits de rois et de princes de tous les Etats de 1'Europe; et la Chapelle qui est tapissee d'armures et armoiries d'anciens guerriers dauois. Le chateau de Rosenborg, a Kopenhague, edifice de peu d'effet, merite, a Tinterieur, une attention particuliere. C'est Je garde- meuble de la couronne; on y visite surtout avec interet : le cabinet de verreries, le cabinet d'armes, le cabinet des joyaux et la salle des tapisseries. C'est dans cet edifice que se trouve aussi le MEDIILLER du royaume, la collection des monuments numismatiques du Danemark, classc d'antiquites si pre'cieuse a consulter. Ce riche cabinet qui est partago en plusieurs sections renferme aussi beaucoup de monnaies et me- tlailles etrangeres. Les plus aucieiines monnaies danoises remontent 14 514 SEANCES GENERALES. a 1'epoque oil la famille de Sverker et d'Erik se disputaient le triine. Celles de Knud le Grand, de Valdemar et autres , offrent d'utiles indices sur le costume du temps. Mais en fait d'objets historiques , d'antiquites nationales , rien ne surpasse peut«-etre, dans aucun pays, leMusEE SKANDINATE de Kopen- hague, aussi remarquable par ses tresors archeologiques , que par la belle ordonnance qui a preside aleur classification. II appartient au roi, qui en a confie la direction a la Soeiete des Antiquaires. Sa fondation ne remonte pas au dela d'une trentaine d'annees. Ce n'est meme que depuis 1855, qu'il est etabli dans le chateau de Chris- tiansborg , oil le local qu'il occupe ne sera bientot plus assez spa- cieux pour contenir toutes les acquisitions dont il s'enrichit jour- uellement. On pent juger, en le visitant, si les anciens peuples du Psord n'avaient , comme le pretendent nos historiens, ni arts, ni commerce ; s'ils ne possedaient que des armes grossieres et des instruments iuformes. Ce Musee, le seul de ce genre en Europe, se compose de six salles ({) consacrees chacuue a une cpoque. Les trois premieres comprennent les temps pawns, et les trois autres les temps Chretiens. La piece d'entree contient les pierres taillees en armes et en outils ; la seconde, les poleries ; la troisieme , les meta.u.c et les pierreries - La quatrieme est plus particulierement destinee aux sculptures et aux pcintures; la cinquieme, aux tablcttss , et aux batons ru- niques; la sixieme, aux tapisseries, meubles et a rmures d'epoques moins anciennes, Les deux premieres salles qui appartiennent anx siecles les plus recules et a la Skandinavie barbare, reunissent les antiquites en silcx et en grcs. On y voit des HACIIES, des COINS, des COLTEAUX, d«-s BOLTS DE LANCES, des sciES , des VASES a divers usages, des LRNES FUNERAIKES garnics de cendres et d'ossements, etc., il en est qui remontent, suivant M. Thomesen, conservateur du Musce, a plus de deux mille ans. La troisieme salle, qui est consacree aux temps hc'roiques du nord et qui est la plus curieuse, offre une collection considerable d'antiquites en cuivre, en fer, en argent, en or et en diverses autres composi- tions. On est frappe du travail remarquable qui distingue plusieurs de ces antiques objets, et surtout du rapport qu'ils presentent avec les ages herolqn.es de la Grece. On y voit une assez grande quantite d'armes , des EPEES , des POIGIVARDS, des BACHES, des LANCES en bronze et en t'er et deux TRO>I- !) II compte anjour d'organe primitive ou consecutive •, que la maladie » ne commence que quand elle a produit quelque alte- )> ration organique ( comme si on pouvait produire )> avant d'exister); qu'il n'y a point de fievres sans » siege , que les fievres essentielles ne peuvent e" tre con- » servees , qu'elles doivent disparaftre de toute classi- )> fication philosophique. » Eh bien! cette philosophic si pretentieuse , tout en se trafnant a terre , cette phi- losophic materialiste , dont les medecins n'auraient pas du ramasser la defroque, quand les philosophes mo- dernes les plus eclaires la jetaient a la porte de leurs ecoles, cette philosophic des sens ne nous a point ebranle. Interro'gez les organes, dit-on Mais ils ne re- pondent pas toujours. (Test en effet un des caracteres les plus remarquables des lesions organiques internes , dans les fievres , de ne donner que des signes obscurs , comme si la torpeur ou les qualites septiques du sang emoussaient toute manifestation. Les deux poumons engoues , hepatises ou ramollis dans une grande etendue , ne se revelent pas comme Tinflammation la 382 MEMOIRES plus exigue dans une pneumonite ordinaire. Vos pre- tendues gastro-enterites ou dothinenterites sont presque sans douleur , meme quand vous les mettez £ la torture, en enfoncant vos doigts jusqu'au rachis , pour arracher une grimace ou un cri •, la cephalalgie disparaft quand les meninges sont le plus injectees. Tantot des alte- rations graves qui n'ont ete annoncees par aucun des symptomes qui devaient leur appartenir , tantot des sympt6mes sans lesions materielles. Les fievres ont des eruptions et des injections quelquefois passives, peu douloureuses , par les capillaires veineux et excreteurs, , landis que les veritables inflammations resident prin- cipalement dans les arterioles irritees. Les premieres sont moins souvent accompagnees de tumefaction phlegmoneuse, de suppuration, d'induration •, ou bien ce sont des fluxions humorales plutot que sanguines. II ne fallait pas les assimiler aux inflammations , ni de- signer par la finale ites, ajoutee a leur siege suppose, des exanthemes ou des injections complexes et milli- formes , dans les plus caches des tissus elementaires , ou bien des maladies des fluides. Oui, les alterations organiques dans les fievres sont presque toujours muettes , et ne nous donnent que des signes obscurs de leur existence , comme si la nature nous avertissait par la qu'elles ne demandent que des considerations secon- daires. On nous dit : « Fondez la medecine sur les alterations » organiques , plut6t que sur des collections de symp- » I6mes-, faites de la medecine organique, la medecine » des sympt6mes est la plus absurde. » Nous en avons montr6 Tinsuffisance , soit pour classer, soit pour trailer les fievres. Mais ne conviendrez-vous pas que les alterations primitives sont insaisissables, et qu'on peut mourir arvant le developpement des alterations ^natomiques , que d'ailleurs vous ne constatez qu'apres ET DISSERTATIONS. 383 la mort? Or, vous ne 1'attendez pas pour faire acte de medecin. Done il est bon de bien interpreter des symptomes ou des signes , qui de bonne heure nous conduisent non-seulement a 1'organe et aux fonctions malades, mais a la maladie des agents universels qui eclate en ces organes. Et si les derniers nosologistes se sont trop attaches a faire des collections artificielles de sympt6mes pour distinguer leurs especes classiques, le medecin etudie ceux qui se rattachent a la maladie ele- mentaire et generate , plutdt qu'a la maladie locale , a sa gravite plutdt qu'a son nom , a sa diathese plutdt qu'a des alterations organiques ; car c'est la vraie car- rierede la therapeutique. Je mets au defi , et a jamais, de composer un bon traite de pathologic, en partant uniquement des alterations organiques. Je mets au defi le meilleur medecin anatomiste de faire, a pos- teriori, la description d'une fievre dont il ne connaftra que les ravages. En vain vous me direz qu'en etudiant les symptdmes nous n'observons que des apparences ; ces fails sont 1'expression d'autres faits imperceptibles qui constituent la maladie , tandis qu'en ne cherchant dans les fievres que leurs alterations organiques, c'est vouloir reconstruire Fedifice avec les cendres de Tin- cendie. Les reformateurs ne commenc,aient 1'histoire de la maladie qu'a sa troisieme phase , et faisaient taire la science en voulant la simplifier, tandis que nous cherchons a en reculer les limites en remontant aux causes speciales, qu'on pourra mieux connattre un jour. II ne fautpas voirl'homme dans les organes materiels seulement, et regarder comme chimerique tout ce qui n'est pas perc.u par nos sens grossiers. Les proprietes vitales, qui d'abord ne sont pas toujours en exercice, ni au meme degre , ni en equilibre, ont besoin de certains agents. Or, ces agents, multiples, composes et doues 584 M^MOIRES aussi de proprietes complexes, peuvent etre alteres dans la proportion de leurs elements et dans leur force } ils peuvent 6tre decomposes par d'autres agents, absorbes ou formes en nous, malgre la resistance vitale. Voila en quoi consistent, jecrois, les alterations primitives-, les alterations materielles ne sont que des sympt6mes spe- ciaux de 1'action progressive de certains principes spe- ciaux aussi. En contestant le rang qu'on a voulu donner a Fana- tomie pathologique , je ne contesterai pas Timportance de son etude , ne fut-ce que comme une des meilleures bases du pronostic. J'ai tache de la cultiver en province, et je reconnais que si les alterations visibles des organes ne nous donnent pas la raison des fievres , elles nous donnent celle des accidents les plus graves, et de la mort qui les termine souvent. Elles desorganisent les visceres les plus importanls *, puis leurs produits portes dans le torrent de la circulation y causent une nouvelle infection, source des symptomes les plus formidables. Les fievres graves ont deux phases comme la variole ; la seconde et la plus grave appartient aux alterations organiques. La mort arrive communement par les ra- vages des inflammations intestinales et de leurs produits, par suite d'alterations des meninges et de Tencephale, par des epanchements , par 1'engouement des poumons, par la decomposition du sang. Ainsi, si leprincipe des fievres est dans une modification inconnue de nos sti- mulants naturels, et particulierement du sang et de 1'agent nerveux •, si les fievres consistent surtout dans 1'accroissement delacbaleuret Tacceleration de la circu- lation, si leurs voies de solution sont dans les excretions, leurs ravages et leurs dangers sont souvent dans les alterations materielles, d'ou la mort peut resulter. Des lors il n'est pas etonnant qu'elles aient ete remarquees et decrites, surtout par des anatomistes, et qu'etudiant ET DISSERTATIONS. 385 ces alterations plus que leur source, et jaloux ile donner de 1'importance a leurs decouvertes, ils aient pris les causes de la mort pour celles de la rnaladie. C'est bien de leur systeme qu'on pourrait dire justement que c'esl une longue meditation sur la mort. Qu'on le restreigne dans de justes limites^ et nous voila d'accord. Enfin, qu'est done la fievre? Ce n'est point un etre ( opinion que BROUSSAIS a voulu attribuer aux conser- vateurs). La fievre esl un mode d'etre accidentel, une fonction passagere, c'est la surexcitation , 1'agitation du sang et de son appareil nerveux , ou leur reaction contre une cause de trouble, de destruction, lendant a la neutraliser, 1'assimiler ou I'eliminer (CAYOL). La fievre n'est pas d'abord une maladie generate , car elle a un siege primitif , mais ce siege est partout ou il y a du sang et des nerfs. La fievre, si Ton veut, n'est pas meme la maladie, elle en est le sy mptome le plus constant, le plus general, le plus durable. Et, effet pour effet, il vaut mieux, a I'exemple des anciens, la prendre pour type de la maladie que la gastro-enterite ou la dothinen- terie qui ne sont ni primitives ni constantes. La fievre n'est pas simple dans le grand nombre des cas 5 elle est accompagnee d'exanthemes internes ou externes, d'in- flammations, d'alterations organiques speciales ou com- munes. II existe autant d'especes de fievres que de miasmes capables de les produire , et ces especes , presque aussi distinctes que celles des botanistes peuvent prendre diverses formes ou diatheses. Enfin, la fievre n'est pas memele symptome primitif, car, avant elle, il existe des prodromes qui signalent 1'action de la cause sur les elements generaux de 1'organisme. Mais, me dira-t-on, en supposant ces causes, et en combattant la localisation des fievres , vous ne vous apercevez pas que vous generalisez beaucoup d'aulres maladies, et en particulier des phlegmasies; car elles 17 586 M&MOIRES ont aussi quelques causes speciales, et dans leur debut, des symptomes generaux. Je ne le nie pas , et c'est pourquoi j'assimile aux fievres, d'abord, les exan themes cutaneset lescalarrhesepidemiques, etc. Et j'ai vu trop souvent la fievre preceder 1'apparition des erysipeles , des angines , des peritonites puerperales , des arthrites au siege multiple, des pleuro-pneumonites , pour ne pas croire que beaucoup de phlegmasies sont primiti- vement des maladies generates. L'etat couenneux du sang tend m&me a le demontrer pour les deux der- nieres. Quelquefois la fievre est seule deux ou trois jours, et ce sont des circonstances exterieures, la con- stitution regnante ou des dispositions de temperament, d'habitude, qui decident du lieu et de la forme de la maladie locale. D'autrefois la fievre, apres avoir en- vahi un organe , se porte sur un autre, ou se partage entre plusieurs, ou se dissipe par des evacuations , par des metastases. Systeme pour systeme , il eut ele plus raisonnable de rapprocher des fievres, comme dans 1'antiquite, les phlegmasies et les hemorragies, fievres localises , que de releguer celles-ci dans quelques pustules de Tileon. Non pas qu'il n'y ait des phleg- masies locales primitives ; mais elles sont dues ordi- nairement a des causes malerielles et accidentelles 5 elles n'ont pas d'evacuations critiques. Est-ce 1'appareil expansible et contractile de la circulation, est-ce le sang, sont-ce les centres-nerveux , qui, toutefois apres les causes premieres, ont la prin- cipale part & la production de la fievre ? Ou sur lequel de ces deux systemes, ces causes, apres avoir penetre, exercent-elles d'abord leur influence? Les fievres ne sont propres, a ce qu'il paralt, qu'aux animaux & sang chaud, ou ces deux grands appareiis predominent. L'irrilalion la plus forte -de rencephale, la manie el les affections nerveuses les plus violentes , ne causent ET DISSERTATIONS. S8T pas la Fievre. II y a plus, quand I'encephale, quand le systeme nerveux ganglionnaire m6me , sont les agents d'un grand desordre dans les fonctions , quand alors la vie se concentre en eux, toutes les autres irritations, la fievre meme, paraissent suspendues. Souvent dans les affections cerebrales le pouls est d'une lenteur re- marquable , la chaleur diminuee , les secretions et les reactions presque nulles; le delire violent semble amHer la peripneumonie -, les acces d'hysterie suspendenl presque la respiration et la circulation , au point de simuler la mort. L'hypocondrie , qui est la manie d'une des parties du systeme nerveux trisplanchnique , est antipathique a la fievre et a 1'inflammation. Je n'oublierai jamais un jeune homme athletique , qui, dans un premier acces de manie furieuse, s'etait donne plusieurs coups de couteau , et dont les plaies resterenl quinze jours, pales etbeantes, sansaucune marque d'in- flammation, sans aucun travail de reunion, semblables aux plaies qu'on ferait a un cadavre , jusqu'a ce que la fureur fut calmee. Ajoutons que la mobilite , le rapidite des impressions et des actes du systeme ner- veux, les douleurs et les mouvements par lesquels il exprime ses souffrances , ressemblent peu a la marche lente et graduelle des periodes des fievres. Enfin, 1'agent nerveux toujours porte du centre a un point de la peripherie, ou de celle-ci au centre, ne circule pas, et ne peut reunir, comme le sang dans sa vivante unite , toutes les parties de Forganisme, dans la m6me impres- sion et la meme reaction. D'apres ces considerations, je ne puis voir dans Tencephale et son appareil ner- veux, le point de depart des fievres continues ; il n'y joue pas le premier r6le. Dans les animaux a sang chaud , et dans 1'homme, un puissant appareil d'hematose et de circulation n'y trouvant pas un excitant et un regulateur suffisants, H 588 MEMOIR ES existe un autre systeme nerveux plus specialemenl attache a la circulation , et dont les ramcaux innom- brables enlacent le coeur et les arteres. On sait aussi qu'on peut alterer la composition du sang en agissant sur les nerfs pneumo-gastriques , in6me par de vives emotions. Je pense que cette partie du systeme nerveux a une tres-grande part a 1'explosion , aux deux periodes de froid et de chaleur, et aux symptomes essentielsdes fievres. Toutes les pyrexies ont une condition commune, Taugmentation de la chaleur et 1'acceleration de la circulation, et toutes n'ont pas des inflammations ou des symptomes nerveux. Ces symptomes essentiels et generaux precedent les autres , et, quand ils dispa- raissent, on regarde la maladie ou le paroxisme comme termine. Or, le coeur, qui paraft le principal agent de la circulation , explique-t-il la fievre ? Son hypertrophie, son excessive irritabilite, ou les emotions qui accelerent et accroissent ses battements, ne causenl pas la fievre. Ce n'est pas non plus Tacceleration de la respiration, car une course violente ne la donne pas. Les gros vaisseaux sont les organes les moins actifs de la circulation, bien quHls ne soient pas aussi passifs qu'on 1'a cru. Mais le systeme capillaire a plus de vi- talite ; il est le siege de toute inflammation ou fievre locale. On voit alors celui d'une region , avec les petites arteres, presenter un orgasme disproportionne a celui des autres parties ; on les voit doubler de force et de calibre dans un flegmon ; on les voit soulever I'en- cephale surexcite , alors que les mouvements du coeur sontmoderes. II est une propriete vitale negligee par BJCHAT el par les autres physiologistes , Y expansibility qui n'est pas bornee aux tissus erectiles, et qui merite de ligurer a cote de la sensibilite et de la contractilite ET DISSERTATIONS. 580 (car pour la sensibilite organique, c'est une superfe- tation que je ne comprends pas). L'expansibilite" reside surtout dans les capillaires, les arteres et le coeur. Or leur expansion active , une des principales conditions de la vie (comme 1'expansion physique qui anime les mondes), me paratt, dans son exageration, un des phenomenes primordiaux des inflammations et des fievres. Mais qui peut 1'exciter, quel peut elre le lien de toutes les parties si eloignees du systeme capillaire et de tout Tappareil de la circulation, pour la produc- tion de la fievre? Vous produisez une fievre ephemere > ou vous aug- mentez la fievre par un exces d'aliments, de vin, de liqueurs alcooliques, c'est-a-dire en introduisant des stimulants dans le sang, Vous produiriez autant de fievres spdciales qu'il y a d'effluves, de virus ou de miasmes , en les introduisant dans le torrent de la circulation par leur voie d'election, ou en les injectanl dans les veines. En general, la reaction est d'autant plus faible que le sdrum est plus abondant- la fievre et rinflammation sont d'autant plus violentes et opi- niatres que le sang est plus ricbe, plus concrescible , que le cruor est plus volumineux et plus dense, les globules du sang plus rapproches et plus intacts. La torpeur se manifeste quand il y a proportionnellement plus de sang dans les veines que dans les arteres , quand il circule plus difficilement. Un caillot mou, diffluent a son fond, d'un noir livide, couvert d'une pellicule mince^ violacee, plombee ou ardoisee, sans retraction, et encore plus un sang dissous , coincident ordinaire- meiit avec Fatonie des solides , la prostration muscu- laire, avec un pouls plus frequent que fort, avec une chaleur plutot mordicante qu'elevee. Cet etat du sang se rapporte en general aux fievres les plus graves, et a d'autres maladies analogues , oii se rencontrent 590 MKM6IRE& des exanlhemes , des pustules , des escarres , des ulceres, des echymoses, plutot que des inflamma- tions ^ ou des hemorragies repetees surviennent par plusieurs voies, ou Ton trouve les visceres ramollis. On connaft les effets sur le sang de la matiere du char- bon et des chairs en putrefaction, etc. Le sang est non-seulement leur vehicule- mais quand ces poisons n'aneantissent pas I'innervation et la vie, il parait que c'est en alterant le sang qu'ils agissent mediatement sur les autres organes.. C'est surtout au cerveau que le sang s'adresse. C'est la 1'organe qui peut le moins s'en passer 5 c'est 1'or- gane qui est le plus influence par les qualites du sang7 par les medicaments ou les poisons, les matieres sabur- rales ou putrilagineuses dont il est le vehicule. Le sang est le lien sympathique de 1'estomac et de 1'ence- phale ; il est difficile de faire la part de chacun d'eux dans les fievres, mais je crois que le sang, organe uni- versel et tres-vivant, a la principale. Je ne nie pas cependant que plusieurs symptomes n'emanent directement du systeme nerveux : les dou- leurs,la cephalalgie,la cardialgie des premiers jours, et toutes les aberrations du sentiment et du mouvement. La chaleur est trop inegalement repartie, trop variable, et quelquefois trop peu en rapport avec les sensations du malade, pour qu'on ne soitpas en droit de supposer que 1'innervation a le pouvoir de la produire et de la modifier. Je n'etendrai pas cette digression sur la part impor- tante qu'a le sang a la production des fievres graves 7 comme vehicule des agents qui les determinent, comme relement un et complexe, organise et anime, qui en est le premier alter6, sans nier toutefois la part qu'y prend le fluide inconnu de la pulpe et des filets ner- Y£ux qui enlacent 1'appareil circulatoire. Je crois que ET DISSERTATIONS. 391 les appareils de la circulation et de 1'innervation tris- planchnique , avec leurs fluides , sont les organes principaux de la fievre , comme de la vie 5 qu'a eux se rattachent les symptomes primitifs et generaux , et que les alterations organiques spe'ciales, et les alterations communes qui viennent ensuite , sont leurs effets , effets qui ont aussi leurs symptomes. CHAPITRE . LA PLUPART DBS F1EVHES DOIVENT FORMER, AtEC LES AUTRES MALADIES' EPIDEMIQUES, UNE SEULE CLASSE , SOUS LE NOM D'EMPOISONNEMENTS MIASMATIQUES. Origins, modes de propagation) symptomes et alterations organiques de chaque espece. Nous avons cherche les causes et les differences des fievres dans les doctrines qui se sont succede depuis Tantiquite jusqu'a YE cole anatomique (car le titre de Doctrine physiologique qu'elle s'etait donne , est une drdlerie). Leurs causes etaient secondaires , partielles ou hypothetiques ; et aucune de leurs methodes n'a pu isolement constituer la nosologie. Aucune cependant n'est a rejeter 5 et quand des distinctions fondees sur un caractere constant et commun suffiraierit pour la science, les autres seraient precieuses pour Tart. En remontant plus haut et partant de principes plus fixes, ne pourrait-on pas faire concorder ces dif- terentes methodes en une classification plus simple, basee §ur les causes primitives et sur 1'analyse des fails ? D'abord de tout temps , sous le regne de toute doc- trine, les observateurs qui, au lieu de disserter, de- crivirent ingenument les fievres et les epidemics, ont 592 MEM01RES distingue 1°. des fibres simples et benignes, le plus souvent durant d'una quatre jours, fievres e'phe'meres; parfois un peu plus longues et qui peuvent meme se compliquer de differentes diatheses 5 mais comme les precedentes, sans symptomes ou accidents graves, sans chaleur &cre de la peau (mites), sans stupeur, sans symptomes ataxiques. On les a appelees sy- noques simples, non putrides, fievres continentes , in/lammatoires. 2°. Des fievres plus graves, plus longues et plus compliquees, avec chaleur acre et mordicante, manu mor 'daces, lypiries, fievres ar denies , causus; ou le 1 sang et les humeurs paraissent alteres, fievres bilieuses, muqueuses et putrides; ou le systeme nerveux surtout estfort trouble, fievres malignes, nerveuses, stupides ou Versailles, typho'ides, asodes, ataxiques; ou les veines des cavites splanchniques et les visceres qui forment comme le parenchyme du sang, sont engorges, injec- tes , quelquefois ramollis , veineuses; signalees par des alterations organiques, principalement dans les visceres digestifs, fievres me'sente'riques ou enter o - me sent&- riques, gastro-ente'rites, dothinente'ries ; et souveat par une eruption, pe'techiales , charbonneuses , miliawes, exanthemateuses ; enfin, dues ordinairement a Fin- fection produite par des miasmes , pestilentielles t con- tagieuses, ende'miques , e'pide'miques , etc. A quoi il laut ajouter les fievres inter mittentes ou pe'riodiques, dues aussi a 1'infectioa, quoique la plupart soient benignes dans nos climats. Car ce n'est point sur les degres de gravite que noire methode est fondee, mais bien sur les causes primi- tives et essentielles , comme on va le voir. Toutes les maladies typho'ides ct les exanthemes ont des cas peu. graves et des epidemics tres-benignes. Les causes des fievres simples, deja parfaitement fit DISSERTATIONS. o9 signalees par Galien , sont avec la predisposition , un trouble des fonctions par des veilles , des marches ou des travaux forces, surtout pendant une chaleur ou un froid excessifs, ou dans les brusques variations de la temperature • la suppression de la sueur, notamment par la fralcheur humide de la terre qui seft souvent de lit a nos paysans , ou a nos soldats, ou par Feau froide ou leurs pieds sont plonges. Les causes les plus frequentes , apres celles qui precedent , sont les exces de table, de vin ou de liqueurs spiritueuses 5 les vives emotions mentales , la colere , la frayeur, les chagrins -, la suppression ou retention d'une hemorragie ; et pour les femmes, la suppression de la menstruation, ou des lochies, et des imprudences apres 1'accouchement. Et remarquez que ces causes laissent leur empreinte dans chacune de cesTievres , et qu'elles sont accompagnees d'erethisme ou d'atonie du systeme nerveux , de symp- totnes gastriques, de toux ou de sueurs, suivant que le systeme nerveux, les organes digestifs, la poitrine ou la peau, ont ete plus fortement atteints. La brievete de la plupart de ces fievres, la mobilite des symptome&, etc., ne permettent pas de supposer qu'elles impliquenl aucune alteration organique importante , et encore moins du tube digestif, quoique diverses phlogoses puissent leur survenir. C'est dans les appareils de la circulation et de 1'innervation , agites ou stimules , mais non infecte's, que la scene se passe. Quant aux fievfes continues plus graves que les precedentes, et oii existent ordinairement des altera- tions organiques, elles se distinguent, tout d'abord, des premieres par leur origine : presque toutes sont epi- demiques , depuis les simples epidemics domestiques jusqu'aux plus vastes pandemics, e'est-a^dire qu'au lieu d'avoir les causes individuelles , accidentelles , mate- rielles et appreciables des fievres simples, elles sont MEMOIRES dues aux emanations insaisissables d'un foyer lion , exterieur et parfois interieur, a un veritable em- poisonnement miasmatique. Ainsi voila d'abord deux ordres ou deux families bien differentes de fievres : 1°. fievres simples ou par excitation, inflammatoires , si Ton veut-, 2°. fievres par infection : nous nous oc- cuperons specialement de celles-ci. II en est peu qui soient sporadiques , et souvent , quand on croit en rencontrer, c'est qu'on a plus egard au nombre qu'a Torigine , aux. mots qu'a la nature de la maladie. « La femme d'un coutelier laissait pourrir )> les linges entasses de ses enfants sous de grands meu- )> bles } et les matieres impures dont ils etaient remplis » rendaient Fair si infect qu'en entrant, ou mcme en )> passant, on s'apercevait de la puanteur qu'ils exha- )> laient. Toute la famille, qui etait considerable, fut )> attaquee d'une fievre maligne (probablement le ty- » phus) qui en fit perir le plus grand nombre. On ». transporta le reste dans un hopital. » CHAMBON. J'ai vu mainte fois la meme chose, et je pourrais donner la description de plusieurs epidemies domestiques , les- quelles, sans qu'il y ait eu au dehors aucune maladie semblable, ont atteint, a peu d'intervalle, tous ou pres- que tous les membres de families dans les conditions d'insalubrit6 , de malproprete , de misere qui leur donnent naissance. Les salles de certains hopitaux, une prison, un vaisseau, un egout, une petite mare dans une cour, une alcove depuis longtemps chargee d'or- dure et de crasse, un dortoir de pensionnat, peuvent devenir un foyer defection pour les personnes pre- disposees qui y sont entassees. Ce qui arrive a une famille de six ou huit individus, pourrait arriver a une famille moins nombreuse, a deux personnes, a ane seule^ et la maladie serait jugee sporadique, quoi- quvayant.la mCme origine. La plupart de nos epidemies ET DISSEfcTATlONS. 5% sont borhees a une seule commune, a un quartier, ou a un groupe de villages, ayant des lieux de reunion communs. II est des cas de maladies typho'fdes, independents de rinfection exte'rieure : les uns se contractent & un foyer, parfois inaperc.u, o"e suppuration, de putre- faction interne ; le plus grand nombre provient de rin- fection du sang par la resorption du produit de certaines inflammations, comme celles de Futerus, des intestins, des veines, de quelques erysipeles, ulceres et blessures, et de pustules charbonneuses , etc. ; quelques maladies typhoi'des, vraimentsporadiques, succedent a des peines excessives du corps et d« Fesprit ou a la misere , causes bien capablesd'alterer, de decomposer les premiers mo- teursde Forganisme, ou au moins de les disposer £ rece- voir les miasmes exterieurs. On reconnaft ces maladies typhoi'des isolees a la prompte dissolution du sang, qui souvenl suinte par plusieurs voies 5 au ramollissement, avec engouement, des parenchymes, et a la putrefac- tion vivante de quelques parties, a la rapidite de la marche, presque toujours funeste. C'est le plus haul degre de la classe des empoisonnements par les ma- tieres animates. Certaines formes de maladies obscures des centres nerveux simulent parfois les maladies typhoi'des 5 et quelques-unes des notabilites medicales, a Paris, les confondent souvent. Elles presentent cependant des dif- ferences tranchees-, ^ peine y a-t-il de la fievre dans les premieres. Les foyers exterieurs d'infection peuvent souvent etre decouverts, et Us pourraient £tre de'truits. Les miasmes emanent de matieres animales ou vegetales, ^ une certaine periode (fe leur decomposition , ou dans de certaines conditions de fecondation, qui heureuse- ment n'ont pas toujours lieu dans la putrefaction 596 MEMOIRES naire ; ils emanent des cimetieres et des caveaux de sepulture ; du terreau animal des grandes villes , de la vase et du limon de certains rivages. Ces miasmes emanent aussi des hommes entasses et souffrants ; des malades et du produit de leurs excretions, retenus dans leurs tinges, leurs lits, leurs alcoves, dans la laine 5 echauffes, transmis par 1'air, par les vapeurs dont il est charge , ou par le contact mediat ou immediat. Cer- taines emanations insaisissables d'une partie de la sur- face du globe, certains changements dans les fluides imponderables qui 1'animent , peuvent aussi produire les grandes epidemics ou pandemics. II n'y a guere de differences que dans la rapidite , entre les symptomes qui suivent 1'incubation de ces miasmes venus du dehors , et ceux qui resultent de la formation en nous , ou de I'iritroduction dans les veines ? des matieres putrilagineuses ; nous 1'avons deja fait voir. Certains poisons stupefiants ou putrefiants , le ticunas , le sue de mancenillier, le venin de quelques serpents , le gaz hydro-sulfurique , le plomb des fosses d'aisance, produisent aussi une espece de typhus pres- que subitement mortel, decomposent le sang, et ramol- lissent les tissus, comme le font certaines fievres pes~ tilentielles. Seulement la lenteur des ravages du poison dans ces fievres ferait penser qu'ii s'introduit et se developpe lenlement a 1'instar des germes , que son Introduction et son action ont besoin d'une double ela- boration, d'un travail progressif, qui distinguent les miasmes des poisons ordinaires. Diverses regions ont , dans la putrefaction des corps organises qu'elles ont nourris, des miasmes qui leur sont propres, et par 1& des fievres et des epidemics spe'ciales, la toujours identiques, au moins pendant une longue suite de siecles, toujours distinguees de climat i climat par des caracteres specifiques. Chaque espece. ET DISSERTATIONS. 597 presqu'aussi distincte qu'une espece vegetale, a son aspect , ses symplomes , ses alterations organiques , ses exanthemes externes ou internes, comparables a la fleur desplantes, ses miasmes ou germes. Chaque es- pece animale a aussi ses maladies typho'ides. Ces diffe- rences viennent-elles de Tespece, ou des melanges diyers des corps qui se decomposent, ou des degres de chaleur, et d'autres conditions dans la decomposition ? Ce qui prouve 1' existence comme especes , de ces empoisonne- ments miasmatiques , c'est leur mode de propagation , leur circumfusion ou leur progression , et surtout leur agglomeration , leur identite sous le meme ciel et dans les memes conditions, leu rs differences sous des climats differents. II n'y a m6me en pyretologie , d'especes proprement dites, qu'autant qu'il y a pour cause un miasme, un virus specifique. Si dans la serie de causes et d'effets qui constituent les fievres graves , il est un ttre, le voici 5 c'est le miasme ou le poison generateur ; car, bien qu'invisible , il est specifique , et toujours 1« meme , et susceptible de se multiplier et de se repro- duire. II peut souvent etre conserve et transporte. Une des classes les plus naturelles de la nosologie sera done celle des EMPOISONNEMENTS MIASMATIQUES. Mais il ne faut pas la restreindre a la classe antique et factice des fievres ^ il faut y comprendre la fievre jaune , la peste d'orient et les maladies pestilentielles qui, a differentes epoques, ont ravage le globe 5 il faut y comprendre les pyrexies avec exantheme cutane, la mi- liaire, la variole, la rougeole, la scarlatine, etc.-, il faut y comprendre le cholera asiatique, la dyssenterie epide- mique, exantheme du colon , les epidemics catarrhales et la plupart des autres. II ne faut pas surtout trancher des distinctions sur la presence ou 1'absence d'exan- themes ou de phlegmasies internes ou externes ; car^ y fussent-ils constants , ils ne sont qu'accessoires et con- 598 M&H01RES secutifs ; et ne decrire que ces stigmates de la maladie; c'est s'amuser a dessiner les nuages fugitifs, pendant la tempfite. Les plus anciens livres ne nous font connaftre que des contrees deja metamorphosees par la culture et les arts, et des peuples dont la civilisation differait de la notre par la forme ou le principe , plutot que par le degre; et il n'est pas possible de savoir les maladies pestilentielles qui ont pu ravager et degrader les pre- mieres races. Les unes ne font que passer de loin en loin sur le monde effraye •, quelques especes ont pu dis- parattre avec leur cause, ou se sont denaturees, se sont civilisees comme les peuples , et ne donnent plus lieu qu'a des maladies legeres ou parasites. Plusieurs de nos especes nosologiques ne sont peut-etre que la lignee degeneree de quelques grandes epidemics qui autrefois ont depeuple le globe. 'Quelques autres sont presque modernes , comme la peste, la variole et la fievre jaune en Europe. D'autres les remplaceront un jour. Sorties d'un canton ignore, quelques-unes d'endemiques sont devenues epidemiques , et reciproquement. Toutes en general sont d'autant plus meurtrieres qu'elles ont rnoins vieilli parmi nous. L'histoire de leur origine, de leur propagation , des lois suivant lesquelles elles se succe- dent, se modiflent et s'eteignent, peut-etre dans un certain ordre , rapprochee des lois et des revolutions du globe, des migrations des races et des phases de la civi- lisation, aurait beaucoup d'interet. Analogues par leur origine, les maladies par empoi- sonnement miasmatique le sont aussi par leurs symp- tomes, sans pourtant se ressembler; et ce n'etait pas sans raison qu'on avait propose de les comprendre sous le nom generique de typhus, en tes speciliant par la region a laquelle elles appartiennent 5 Fetat typhoide a des traits de famille : toujours un poison introduit par ET DISSERTATIONS. 399 fa peau , ou par les narines et par les organes de la res- piration, beaucoup plus probablement qu'avec la salive $ un poison quelquefois forme dans nos ftuides ou leurs parenchymes 5 passant, peut-£tre en nature, dans le sang qu'il tend a alterer, s'il ne tue pas promptement, porte avec le sang aux centres nerveux, impregnant les organes et signalant sa marche et ses ravages successifs dans les divers appareils. D'abord trouble et stupeur dans les fonctions de relation, affaiblissement dans les organes du mouvement, cephalalgie, vertiges, cepen- dant reaction surtout dans la circulation, mais quel- quefois depression , en m6me temps que frequence, du pouls ; respiration g6nee , entreeoupee , suspirieuse , sans qu'il y ait encore engouement des poumons ; yeux injectes, larmoyants, face alteree, douleurs sansphleg- masie , et ravage des phlegmasies sans leurs signes ordinaires , chaleur acre et mordicante , et froids par- .tiels. ... Efforts d'elimination : les matieres impures sont poussees vers la plupart des voies d'excretions , surtout vers les intestins , vers leurs follicules , vers les glandes et la peau. Peut-etre se retrouvent-elles en na- ture, avec leurs proprietes contagieuses , dans les gaz intestinaux , dans les sueurs , dans le pus des exanthe- mes, des bubons , dans les evacuations alvines. Ces efforts d'elimination vers les teguments internes et ex- ternes, qui alors excretent et n'absorbent plus, non- seulement modifient leurs excretions , mais ils y pro- duisent des exanthemes. Ces exanthemes, ces phlo- goses ulcerent, ramollissent le tissu des membranes, des follicules et des glandes ; alterent leurs produits, et en font un nouveau foyer d 'infection. De la empoisonne- ment secondaire ; alteration , souvenl alors visible, du sang et des humeurs •, hemorragies plus repetees qu'a^ bondantes, par plusieurs voies ; epanchements de sang, evacuations impures contenant des germes d'infection^ 400 MEMOIR ES escarres, abces sanieux, gangrenes ; alterations organi- ques mullipliees, mais toujours a peu pres les memes, surtout dans les visceres les plus sanguins $ engouement des veines de 1'abdomen et de Tencephale , de la rate et des poumons •, dissolution du sang, ramollissemenl des parenchymes ; augmentation de la prostration, de la stupeur, de 1'oppression ; decomposition generate par une cause generale •, souvent mort, et putrefaction or- dinairement rapide. Une histoire generale des epidemics eclairerait notre sujet; mais comme chaque siecle les a designees par des noms de circonstance, ou, selon les idees systematiques regnantes , sans analyser les causes et les fails, nul ne parviendra, je crois, a rapporter toutes les epidemics historiques aux especes admises aujourd'hui. Dans les epidemics d'HippocRATE , en ecartant les descriptions de phlegmasies graves confondues avec les fievres , on en trouve un assez grand nombre d'analogues a nos fievres typhpi'des -, et les fievres pestilentielles de la section 2 du livre HI , avec assoupissement ou phre- nesie, se rapprochent du typhus. La diarrhee etait commune dans ces fievres, avec d'autres symptdmes qui ne laissent pas douter qu'alors, comme aujourd'hui, Finflammation eruptive gastro-intestinale et la phlogose des meninges y etaient frequentes. On y observait peut- 6tre plus d'acuite et surtout d'ardeur ; plus souvent des symptdmes cerebraux et des inflammations ou des abces externes ; le refroidissement des extremites et des frissons dans le cours de la maladie surtout avant les crises ; des hemorragies nasales et des urines noires, c'est-a-dire brunes ou livides. On trouve des descriptions semblables dans beaucoup de medecins grecs. Une forme de fievre tres-commune dans les ecrils des anciens, et qui a ete bien decrite par ARETEE, est le ET DISSERTATIONS. 40! causus ou la fievre ardente , marquee par une chaleur brulante du tronc, et surtout de la tete, quand souvent alors les extremites restent froides, par une violente cephalalgie et des epistaxis, par la soif , frequemment du delire ou de la stupeur. Parfois les exacerbations subintrantes avaient lieu sous le type tierce. Ces fievres, rapides dans leur marche, etaient quelquefois mortelles du 4-e. au 7e. jour. PRINGLE a decrit une fievre analogue, regnant dans Tarmee anglaise en Hollande , apres de fortes chaleurs, et souvent accompagnee d'un delire furieux. Je les ai observees en Espagne, dans les ar- mees de Napoleon, a la suite de fatigues et d'exces de vins capiteux, pendant les chaleurs. Nos medecins les ont retrouvees enGrece, ou ils les nommaient##$fro- ce'phalites , mot qui designe les deux organes enflam- mes. Ce nom de fievres ardentes a pu s'appliquer a des fievres simples, exasperees par la chaleur et les excitants^ a certains typhus , a des fievres remittentes : mais , comme elles sont souvent epidemiques , elles peuvent aussi former une espece dont il faudrait etudier les causes et les caracteres anatomiques , dans les pays chauds. AHRUN, le plus ancien de nos auteurs arabes, decrit, sous le nom de fievre phlegmatigue , nos fievres typhoi'des ; il y prescrivait quelques aliments a cause de leurlongue duree. RHAZES en traite aussi, et observe que leur invasion lente et obscure n'est pas ordinai- rement marquee par un frisson. Dans plusieurs des restaurateurs de la medecine hippocratique , dans Fo- RESTUS, BAILLOU, SYDENHAM, STAHL, HuxHAM,etc., on trouve des descriptions de fievres typhoi'des, souvent avec diarrhee, sous les noms de fievres epiales, pi- tuiteuses , mesenteriques , veineuses , lentes - ner- veuses, etc. Mais souvent aussi, et quelquefois dansle m£me livre , on trouve des descriptions de fievres 402 MEMOIRES putrides , malignes , petechiales , pestilentielles , se rap- portant au typhus, qui frappait davantage par sa gravite et sa propagation au loin. La peste d' Athenes , decrite par THUCYDIDE , et qui cut lieu 429 ans avant notre ere, a etc comparee a notre typhus. Elle avail bien les memes causes, Ven- tassement, la misere, la malproprete , la tristesse des habitants et des fuyards dans une ville bloquee. Cepen- dant cette agitation sans faiblesse, cette ardeur, cetle soif devorante, qui caracterisaient cette epidemic, ces pustules, ces erysipeles, avec phlyctenes et escarres, qui couvraienl la peau, feraient douter de sa ressemblance, ou montreraient que les maladies sont bien modifiees par les climats et les autres circonstances. On a aussi rapporte au typhus les nombreuses epi- demics mentionnees par les historiens , et qui ont ra- vage 1'ancienne Rome, ou quelques parties de son empire 5 celle qui a presque aneanti 1'armee des Gar- thaginois assiegeant Syracuse ; la maladie repandue par les armees de Marc-Aurele revenant de TOrient, et les epidemics qui tant de fois ont au moyen age de- peuple TEurope, a la suite des guerres et des calamites publiques, qui, composent, helas! presque toute notre histoire. Mais les descriptions en sont trop imparfaites pour qu'a defaut de caracteres speciflques, on puisse classer ces maladies. Et meme les sympt6mes, les ra- vages, ou Fextension de quelques-unes de ces epi- demics historiques feraient presumer qu'elles appar- tiennent ou aux fievres remittentes pernicieuses des plages couvertes de vase , ou a des fievres eruptives peut-etre eteintes , ou a la dyssenterie, ou a la peste, qui a pu exister avant le 6e. siecle, ou enfin a ces grandes pandemics qui, de loin en loin, sortent d'un canton inconnu , pour ravager le globe , et dont cha- eune presente des caracteres specifiques. Tel le feu ET DISSERTATIONS. 403 sacre de 1089 et du siecle suivant, fievre grave avec de vastes erysipeles gangreneux. Tel, de 1528 a 1534, le trousse-galant, grosse fievre continue, propre surtout aux jeunes gens les plus robustes, avec douleur de tele atroce , delire phrenetique , puis perte de con- naissance, dejections involontaires, quelquefois eruption a la peau. La plupart mouraient en deux ou trois jours, et si aulcuns e'chappaient, ilsperdaientleurscheveux, leurs ongles, et pour longtemps I'appe'tit. Telle la peste noire, qui depeupla une grande partie du globe, de 1346 a 1550, traversant FAsie depuis la Chine, puis 1'Europe , et qui paralt avoir etc une peripneu- monie pestilentielle. Telle la suette, qui fit tant de victimes, depuis 1480 a 1550, en Angleterre, dans la Basse-Allemagne et les Pays-Bas, etqui est restee, en se modifiant, dans quelques-unes de nos provinces. Enfin le cholera, dont la lugubre procession a mis dix ans & traverser 1'Asie et 1'Europe pour s'eteindre en Afrique et en Amerique. La principale epidemic de typhus des temps mo- dernes se declara en Hongrie en 1566, dans les armees confederees contre les Turcs •, et apres la dispersion des troupes licenciees, elle se repandit d'abord a Vienne, et de la dans presque toute 1'Europe ou les paisibles habitants n'etaient pas plus epargnes que les soldats. On regarda celte maladie comme nouvelle ^ et pendant deux siecles, la peste, la fievre, le mat de Hongrie, dormerent leur nom a la plupart des epidemics de ty- phus, nominees depuis fievres petechiales, fievres militaires, fievres des camps, des hopitaux, des vais- seaux, des prisons ; fievres catarrhales maligncs, etc. Les causes et les sympt6mes de la fievre de Hongrie furent a peu pres ceux de toutes les epidemics de typhus: region malsaine, marecageuse, ou des nuits fraiches succedaient a la chaleur ardente du jour ^ 404 MEMOIRES encombrement & Gomor, et dans des camps, de bandes mercenaires de toutes les nations, indisciplinees, mal- propres, fatiguees, tlecouragees, tantot souffrant de la disette , tantot prenant avec exces des vins tres-forts et des aliments de mauvaise qualite. L'invasion etait brusque ;• et apres un frisson marque , grande chaleur , douleur de tete , ou de la region epigastrique et precor- diale, Si violente, que la maladie en prit le nom de mat de Ute de Hongrie , ou d'angine de cceuf. L'epi- gastre renitent ne pouvait souffrir la moindre pres- sion. Ensuite, des le 2e. ou le 3e. jour, delirc , exacerbation vers le soir, soif ardente; puis prostra- tion ; souvent coma , face pale et alteree , langue et levres arides, noires, fendillees; quelquefois dejections dys- senteriques ; d'autres fois parotides 5 plus rarement angine, crachementde sang} vibices, tubercules char- bonneux suivis d'escarres gangreneuses , surtout aux pieds et aux jambes ; la surdit6 y paraissait d'un heu~ reux presage ; quelques malades semblaient delivres vers le 14e. ou avant le 21e. jour, par des sueurs, ou par un flux abondant d'urine. COYTIER avail deja deer it, sous le nom de fievre pourpree epidemique , une maladie repandue dans le sud-ouest de la France en 1557, et qui avait bien les caracteres du typhus. FRACASTOR a decrit deux epide- mics semblables et contagieuses , observees en Italic en 1605 et 1628, avec petechies, qu'il regarde comme nouvelles en Italic. Jamais ces epidemics ne parurent plus communes en Europe, surtout en Allemagne, que depuis la peste de Hongrie, jusqu'a la fin du 17e. siecle, parce qu'on n'avait vu depuis longtemps d'aussi longues guerres. Moins frequentes et surtout moins etendues durant le 18e. siecle, epoque de tranquillite, de progres et de bien-iHre, les epidemics de typhus feparaissent en Europe avec les revolutions sanglantes . ET DISSERTATIONS. 405 les longues guerres , les exces et les privations , les fa- tigues, le decouragement, la malproprete, Tencom- brement des soldats, des prisonniers, des malades, des blesses , avec Tindiscipline , la negligence des de- voirs , des soins et des precautions hygieniques , en un mot lors de ce retour a la barbarie qui signala les guerres de la revolution, et de FEmpire. Temoin des ravages du typhus dans nos armees , deux fois prison- nier avec leurs debris, je suis convaincu que les maladies y ont fait alors plus de ravages que le for , comme on 1'avait deja ecrit au sujet des armees ro~ maines, et de la peste de Hongrie (0. En 1812, 1815 et 1814, attaquant les restes epuises et demoralises de la grande armee, reduisant a de faibles detachements ies nombreuses garnisons qu'elle laissait a Wilna, Dantzick, Koenisberg, puis a Dresde, Leipsick, Torgau, Mayence, et dans plusieurs autres parties de la Pologne, de la Prusse et de 1'Allemagne, le typhus se repandit avec les convois de convalescents et avec Tennemi , sur les bords du Rhin, et de la dans les departements de Test jusqu'a Paris, tandis que les prisonniers espagnols et autres 1'avaient deja porte dans plusieurs parties de la France. Les esprits etaient tellement comprimes dans les cadres de la nosographie philosophigue , qu'on n'eut pas la pensee d'y voir une maladie specifique , un em- poisonnement miasmatique , ni de tirer parti de cette occasion unique , pour en etudier les caracteres diffe- rentiels et les alterations organiques. Durant tous ces siecles, mais surtout durant les derniers, de nombreuses epidemics et pandemics ca- tarrhales ont sevi dans plusieurs parties de 1'Europe, grippes, coqueluches, crowps, bronchites graves simu- lant la pneumonite ou la pleuresie qui les accompa- 0) Vt fere plures eo morbo quam Jiostis gladio perierint. (LANGILS.) 406 M£MOIRES gnaient quelquefois , et aussi plusieurs dyssenterie* epidemiques. Enfin la peste qu'on croit sortie de Peluse en 542, et qui alors desola le monde pendant un demi-siecle , parut bien des fois dans nos climats temperes dans les 14e. et 16e. siecles, et les a encore visiles depuis, ainsi que la fievre jaune. Joignez a ces epidemics les fievres exanthemateuses , dontl'eruption est cutanee et bronchique, au lieu d'6tre intestinale. Joignez-y encore, si vous voulez, ces epi- demics mentionnees jadis par Jules CESAR, par GALIEN, etc., et surlout en Allemagne, depuis le quinzieme siecle, comme 1'effet d'alterations speciales des cereales, et marquees par des douleurs et des spasmes des membres , par divers exanthemes et le trouble des fonctions digestives. Vous aurez alors une classe naturelle de maladies , qu'on peut diviser en quatre ordres, suivant qu'elles proviennent 1°. d'un produit des matieres vegetales et animales fermentantes, comme les fievres interim ttentes,, les typhus et peut-etre la dyssenterie^ 2°. de certaines alterations de Fair ou de principes insaisissables dont il serait le vehicule dans une plus grande etendue de pays, comme les epidemics catarrhales et les exanthemes; 3°. d'emanations telluriques s'etendant a une grande partie du globe, ou d'alterations clans les forces qui I'animent, comme les pandemics •, 4°. d'alterations aussi epidemiques dans nos aliments habituels. Depuis que j'ai laisse les nosologies classiques, et les systemes etroits sortis recemment de Paris, je n'ai pu admettre d'autre classification. Sur environ 1,600 fievres traitees en 25 ans et exactement notees, je trouve pres de 1,200 fievres typhoides. Plusieurs sans doute furent benignes, et, si Ton veut, muqueuses, bilieuses , etc. •, maisla cause epidemique leur imprimait ET DISSERTATIONS. 407 toujours son cachet. Si j'y ajoutais les epidemics de fievres eruptives, de grippes, quelques petits groupes de typhus, le cholera, etc., la classe des empoison- nements miasmatiques que je propose, comprendrait la moitie de ma pratique. Et qu'on ne disc pas que toutes les methodes syste- matiques sorit sans influence sur la science et sur la pratique. J'ai deja fait voir qu'en sortant des ecoles, quelques-unes avaient faitbeaucoup de victimes. Celle- ci au moins pourra provoquer des recherches prophy- lactiques, (Jui ne seront pas toujours sans succes. Un tableau comparatif tres-court de ces empoison- nements, de leurs causes et de leurs alterations orga- niques, en fera mieux ressortir 1'air de famille. Origine. — Certaines predispositions leur sont com- munes : 1'humidite, parfois jointe a la chaleur, trop peu tanlot nerveuses, tantot catarrhales, tantdt bilieuses. De 1814 a la fin de 1818, annees de malheurs et cttn- tempe>ies, j'ai vu dominer Ies fievres graves. Depuis 1819, avec un air plus vif et plus sec reparurent, apres une longue absence, la variole, la rougeole, puis la scarlatine, Ies inflammations pectorales, Ies coqueluches, Ies arthrites, Ies meningites. En 1827 revinrentles fievres intermittentes , qui nous avaient quittes en 1811; en 1835 elles diminuent et cedent leur place aux fievres typhoi'des et a la suette rniliaire ; Ies nevralgies et surtout Ies nevralgies periodiques sont aussi tres-frequentes. Pourquoi, par des causes generates, ne verrait-on pas aussi se succeder Ies diatheses inflammatoires, ner- veuses,catarrhales ou muqueuses, et bilieuses? Pourquoi 1'irritation excretoire de 1'appareil digestif qui accom- pagne presque toutes Ies fievres , ne pourrait-elle pas 6tre tant6t exanthemateuse, pustuleuse, erysipetaleuse, tantot bilieuse ou muqueuse. Je ne puis croire qu'HiP- POCRATE, SYDENHAM, GRIMAUD, STOLL, etc., aient pris dans leur imagination Ies differences qu'ils signalaient dans Ies constitutions epidemiques , ou que leur prati- que n'eut pas ete meurtriere, si elle n'eut ete bien adaptee au caractere des fievres. II ne faut pas afiirmer que toutes Ies fievres doivent 6tre traitees comme des gastrites, parce que la diathese inflammatoire a domine a 1'epoque oii BROUSSAIS a lance son systeme. C'est en grande partie ce qui a fait sa fortune. eTelendrais trop mon sujet si j'enumerais toutes Ies modifications que doivent apporter au traitement Ies circonstances individuelles si variees , Ies saisons et Ies climats. Je regrettc de n'avoir presque rien ajoute a la thera- peutique des fievres graves. Je regrelte que le rappro- ET DISSERTATIONS. 431 ohement des symptomes avec les alterations organiques ne m'ait conduit qu'a retrancher dans les applications qu'on voulait faire de 1'importante decouverte de ces alterations. En conclurons-nous qu'il faut abandonner ces maladies a elles-memes? que le regime, les bois- sons temperantes , les soins de proprete, constituent tout le traitement. En medecine il ne faut rien d'ab- solu- ces conclusions du desespoir s'etendraient a bien d'autres maladies , centre lesquelles nous n'avons aussi que les methodes indirectes de la therapeutique gene- rale^ elles pourraient s'etendre aussi a 1'education et a la morale •, elles supposeraient que tous les cas se res- semblent. Certes il y a, dans 1'etude des causes internes et externes, des diatheses, des tendances aux evacua- tions critiques , des complications et des alterations locales, assez ^'indications pour que la therapeutique soit appliquee avec succes aux fievres graves. Si le malade doit parcourir toute leur longue et perilleuse carriere, le medecin eclaire et patient le guide, le sou- tient, aplanit les obstacles et evite les ecueils. L'analyse nous a aussi conduit a rendre au sang, liquide organise et tres-vivant, m6me aux humeurs qui en sont extraites, ainsi qu'au fluide insaisissable dont les nerfs sont les conducteurs, 1'influence que Tabus de 1'humorisme et qu'un solidisme exclusif leur avaient 6tee depuis un siecle. Cette opinion qui decoule des fails, entrafne Telite des medecins fran^ais.Nous avons 'etc conduits par la, a reconnattre que les fievres graves et les maladies pestilentielles resultaient d'un empoi- sonnement ; que le plus souvent le poison emanait de matieres animales ou vegetales a une certaine periode de leur putrefaction. Et de ce fait, nous pouvons tirer la seule conclusion importante de notre travail, savoir, que si on ne guerit pas directement ces fievres, on peut d'abord les prevenir en s'eloignant des foyers 432 MEMOIRES d'infection ou de contagion , et surtout qu'on peut les faire disparaftre en detruisant ces foyers ; il faudrait decomposer ouenfouirces matieres, les Jeter dans les eaux courantes , perfectionner 1'assainissement des villes et des campagnes, surveiller la proprete et la ventilation des chambres et des lits, instruire le peuple sur les inconvenients d'entasser dans des espaces trop etroits, priyes d'air et de lumiere, les families, les animaux et le linge sale. Entre les mineraux et les £tres vivants , il est tout un monde, vasle domaine de la mort, con tenant ses rSsidus et ses germes, priv6 de sentiment et de mou- vement, mais peut-6tre pas d'organisation, et qui ne revient point a la simplicite oij a la composition des corps inorganiques. Cela forme a la surface du globe, et surtout des lieux habites , une couche qui nourrit en exuberance , les vegetaux et les insectes -, mais d'oii sortentsouventles poisons invisibles qui tuent rhomme. Dans ces debris, dans ce limon, source de fertilite et de malheurs , s'operent des transformations intestines , des fermentations et des produits inconnus. Et, comme Tart d'en fertiliser nos terres est une des parties les plus importantes de 1'agriculture , Tart d'en empecher, d'en neutraliser les effluves , serait une des belles taches de 1'hygiene, et un beau titre a la reconnaissance des peuples envers un gouvernement. J'ai recueilli dans mon pays Fhistoire d'une trentaine d'epidemies de fievres typhoi'des, dont j'ai traite une grande partie. Toutes, a peupres, ont sevi dans des villages dont le cimetiere place au centre est releve en terrasse soutenue par de mauvais murs, autour de Teglise, qui parfois contient aussi d'anciens caveaux de sepulture. Ces cimetieres sont trop etroits, et les inhu- mations s'y font trop mal pour qu'on n'exhume pas, des fosses , des debris non encore convertis en terreau 5 et ET DISSERTATIONS. 435 iVailleurs les Emanations de celui-ci ne sont peuMHre pas inoffensives. J'ai vu, pendant une epidemic, suinter des murs en rulne de Tun de ces cimetieres, le putri- lage infect des cadavres. Sous un autre passait le canal conduisant 1'eau a la Fontaine voisine. Ce sont des boites de cadavres et de squelettes humains, sur les- quelles se groupent irreverencieusement les garc,ons pendant les offices religieux • viennent ensuite les femmes et les filles^ qui s'y prosternent sur les fosses de leurs parents. Les hameaux qui n'ont pas de cimetieres, vont a la paroisse en aspirer les emanations. Pourquoi ne pas executer partout la loi, qui ordonne la translation des cimetieres hors des villes ? Pourquoi ne pas les eloigner de 200 metres au moins des habita- tions? Us devraient etre clos, plantes d'arbres alentour, .et, autant que possible, places vers le nord, et dans un lieu eleve. On devrait surveiller 1'ordre et la profondeur des fosses, qui ne seraient rouverles que tous les 10 ans. Que partout on fasse ecouler les eaux stagnantes, des- secher les mares, et eloigner des rues etroites des villages et des portes de leurs maisons , ces tas d'ordures dont 1'egout fertiliserait les heritages. Comme medecin et comme membre de quelques administrations locales, f ai use mon zele a .procurer a mon pays ces ameliorations. Malheureusement nos projets ne se discutent pas devant des gens eclaires; les plus minces interets, 1'empire de la routine, Tamour- propre envieux, conspirent centre toute amelioration. Le corps des medecins, un des plus savants,. rnais des plus divisesetdes plus obscurs en France, est loin de contrebalancer le bavardage de ces gens de vanite et d'intrigue, fort peu eclaires, la plupart, qui, pour des fulilites et des folies, obtiennent tout du pouvoir et de la classe toujours, en majorite, des sots. Que peut le gouvernement ( bien intentionne cependant ) avec ses 19 454 MEMOIRES agents ephemeres, toujours occupes de la miserable lutte des partis , et arretes par des managements electo- raux, et quand toute activite s'use en rivalites ridicules? On se demande, en continuant dans I'obscuritede steriles travaux, quand viendracette ere de veritable civilisation, oii la philosophic , 1'hygiene et une politique philan- thropique s'uniront pour relever Thornine, pour joindre a Finstruction une bonne education physique et morale, pour purifier en m6me temps ses moeurs, les lieux,qu'il habile, et son sang, et prevenir par l£ une degradation , bien rapide en France , contre laquelle la medecine esl presque impuissante ? Apres la lecture de ce memoire devant la Section de Medecine du Congres scientifique de Besanc.on, un membre a fait observer que ses conclusions , & peu pres conformes a celles d'une proposition de M. JULIEN, de Paris , sur un Conseil d'edilitd et de salubrite', a e'tablir dans chaque ddpartement, pourraient leur etre reunies-, et que, formulees par MM. JULIEN et PRATBERNON, elles pourraient 6tre soumises au Congres en seance ge- nerale. Le Congres, dans sa seance du Tseptembre, sur le rapport et la proposition de la Section de medecine, qu'il a approuves , a exprime le VO3U : 1°. Que dans toute la France et ses possessions, les mares et marais soient desseches , les fosses et canaux cures , les egouts bien construils et couverts • que toutes les eaux stagnantes soient ecoulees, avec les immon- dices-, 2°. que Felargissement et la bonne construction des rues soient procures aussi promptement que pos- sible-, 5°. que tous les cimetieres soient transf^res a 200 metres au moins des communes, dans un lieu conve- nable, et que les anciens caveaux de sepulture soient ET DISSERTATIONS. assainis; 4°. que la construction des edifices publics et des maisons particulieres soil surveillee pour leur emplacement et le choix des materiaux, les moyens d'obvier a Thumidite el d'ecouler les impureles, en^ fin pour les ouvertures , qui doivent donner assez d'air et de lumiere-, 5°. que, a cet effet, une des principales attributions des chambres medicales , a instituer par arrondissemeuls , soit de signaler a Tautorite les ame- liorations a procurer; 6°, enfin, que par departement , arrondissement et ville de plus de 50,000 habitants, soit organise un comite credllite et de salubrite, com- pos6 de philanthropes, d'architectes et de medecins, charge de provoquer et surveiller Texecution de ces rnesures. Par ces moyens si simples , si faciles , si justes et sans depenses de la part du gouvernement , on com- serverait jusqu'a la vieillesse, un quart de plus, et la partie la plus robuste, de la nation , en faisant presque disparaltre non-seulement les empoisonnements mias- matiques endemiques et epidemiques, mais aussi les scrophules, le rachitis, les maladies de la peau et les nombreuses degenerescences qui en dependent. 436 MEMOIRES RfiSOMti DESCRIPTION GEOGNOST1QUE ET PALEONTOLOGIQtE DU CORNBRASH DANS LES ENVIRONS DE BESAN£ON (0 , PAR M. PARANDIER. II y a en general moins d'ineonve"nients a etablir des divisions nombreuses dans im systeme de couches , sauf a les reunir plus tard , que de de'crire tout le systeme en masse ; car les ca- racteres et les details qui pourraient servir a le bien faire connaitre echappent souvent par cette derniere methode. DEBONNARD, Bulletin de la Socicte gcolo- gique de France, 20 nor. 1837, t. ft , p. $2. Ensemble du groupe. Le groupe du Cornbrash que nous avons decrit par des coupes prises sur diverses localites dans les environs de BesanQon , repose d'une maniere distincte sur les dernieres couches du calcaire compacte a petits frag- ments et a laches rouges du Forest-Marble et imme- diatement sous les couches inferieures des marnes ox- fordiennes^ Tepaisseur totale de ce groupe si distinct n'est que de 5 a 6 metres seulement. ' . (1) M. PARASDIEU a donne dans la seance du 10 sept. 1840, une description speciale du groupe superieur de 1'etage inferieur des terrains jurassiques, et 1'a resume dans la notice qui va suivre, a laquelle il a joint le tableau paleontologique du groupe dont il s'agit. ET DISSERTATIONS. 457 II a fort peu resiste aux corrosions et aux denuda- tions $ aussi est-il disparu du sommet des voutes ooli* thiques , et meme de tous les plateaux oii Faction des courants a dft se faire sentir-, on ne 1'observe guere en entier qu'au voisinage des marnes oxfordiennes $ il ap- paraft sous leur affieurement pour ne se montrer a de- couvert que sur une petite distance , soil adosse sur les couches plus resistantes du Forest-Marble centre les flancsdes soulevements, soit dans le fond desplissements ou les marbres se sont maintenus , soit au pied des es- carpements de rupture de certaines failles qui silj lonnent le sol de nos environs ; rarement il constitue les plateaux. Dans ce cas, il a presque toujours 'ete enleve sur une partie notable de son epaisseur et n'existe alors que par lambeaux peu epais et plus ou moins etendus, suivant que sa position 1'a plus ou moins garanti de Fac- tion denudante des eaux. On pent y distinguer trois divisions. Les descriptions speciales que je viens de donner montrent assez qu'on peut, dans ce groupe, differencier par leur caractere trois divisions. La partie inferieure sur Om, 80 a un metre d'epais- seur entre le Forest-Marble et une assise marneuse moyenne tres-mince dans nos environs. La partie moyenne comprenant cette mince couche , les calcaires fossiliferes surbordonnes et toute Tepais- seur a fragmentation irreguliere par Falteration. Cette division n'offre que 2m, 50 a 5m. d'epaisseur. Enfm la partie superieure ou dalle nacree sur 2m, 00 environ d'epaisseur nettenient stratifiee, a cassure miroitante , couleur presque toujours grise : cette division supe- rieure est recouverte d'un placage ferrugineux et du minerai oolithique miliaire oxfordien. L'aspect et la structure generale du groupe et de ses 458 MEMOIRES divisions, ei jusqu'a la texture m6me de leurs roches, sonl variables suivant le degre d'alteration de celles-ci. Caracteres des roches a I'e'tat merge. Dans I'etat merge par fait, la eouleur en masse est le bleu fonce : on distingue alors a peine la disjonction des assises •, elles paraissent plus epaisses • leur struc- ture generate, ferme et r6sistante. La texture des roches est peu distincte, I'oolithe de la base du groupe se fond dans la pate calcaire ; les couches marneuses sont noiratres, bitumineuses; les fissures de stratification de la partie moyenne peu fre- quentes et mal prononcees^ les stylolites ne deter- ininent pas de disjonction, les fossiles se dessinent rnal ou tres-indistinclement, les noyaux ne s'isolent pas-, la roche paraftcompacte, brillante; ellea souvenl le fades Nun gres. Le caractere blanchatre, subcretacS, des oolithes des banes superieurs n'existe pas; la cassure est tranche; la roche tres-dure et tr6s-tenace : elle ne con- serve de son aspect habituel que le miroitant de sa Caracteres des roches a I'etat d' alteration avance'e. C'est tout Je contraire dans letat d 'alteration avan- ce'e. L'aspect et la structure en masse du groupe change ; la couleur generale est roussatre ocreuse, gris-rous- satre ou completement grise et rneme d'un gris-blan- chatre. La roche se fragmente et parait sans consis- tance; les divers caracteres de structure et de texture des diverses assises sont tres-visibles •, le triturat melan- ge de petits fragments blancs compactes , la fossilite de Tassise inferieure, sa texture oolithique avec pate sub- ET DISSERTATIONS. 439 spatique rougeatre se prononcent -, les ibssiles de la par- tie superieure se detachent nettement. Les assises marneuses de la partie moyenne sont de- venues des argiles ocreuses ; les calcaires au contact ou melanges sont roux-sableux ; les fossiles des couches su- perposees, les stylolithes, les noyaux se detachent, les fausses fissures de stratification sont bien marquees •, la fragmentation, I'irregularite, la carie des joints est vi- sible : le caractere oolithique miliaire dans une p&te cristalline se distingue nettement • et dans les banes su- perieurs la stratification tranchee et reguliere en banes peu epais, en dalles , se dessine franchement : la tex- ture grenue, la tenacite plus faible , le caractere suscre- tace, blanchatre et quelquefois Tisolement des oolithes se prononcent -, enfin la couleur grise et Telegance de la cassure apparaissent. Existence simultane'e de I'e'tat vierge et de celui d' al- teration. Le plus ordinairement on peut observer a la fois, dans la m6me coupe , tous les caracteres des deux etats contraires que nous venons de decrire-, les premiers dans les parties bleues non alterees qu'on observe dans les trois divisions par taches plus ou moins etendues , au centre des banes 5 les seconds au contraire dans les parties penetrees et plus ou moins attaquees par Faction seoulaire des agents alterateurs. Les parties vierges sont rares dans les banes superieurs , mais frequentes , par taches dans les parties moyennes et inferieures du groupe. Localite's de gisement et emploi du Cornbrash. Les carrieres oil Ton pourra le mieux observer 1'etal vierge des divisions du Cornbrash, sont cellesd'Avannes, -140 MEMOIR ES dc la luilerie de Palente au bord de la route & droite en descendant, et les carrieres un peu en dec.a du village de Thise. Dans tous les autres points c'est 1'etat d'alte- ration qui predomine. Le groupe du Cornbrash parait avoir etc exploite de tout temps dans les environs de Besanc,on ou Ton ob- serve beaucoup de carrieres, soil anciennes, soit encore en pleine activite , notamment sur le versant des Cha- prais et sur les territoires des communes de Palente , de Chalezeule , de Thise et d'Avannes. Ces deux der- nieres surtouten presentent d'assez belles exploitations. On est fort heureux de le renconlrer pour les chaussees et les ouvrages accessoires dans 1'etablissement des routes dont le trace ne traverse que les groupes qui le precedent ou qui le suivent : on en tire pour les ba- tisses du moellon brut et propre a etre equarri-, de la douette ou beau moellon d'appareil , rarement de la petite taille. Ces materiaux sont en general gelifs ; etles emplois dans les parernents exterieurs exigent des cre- pissages •, mais les calcaires marneux de FOxford-Clay, qui donnent des chaux eminemment propres a cet objet, sont la comme le remede a cote du mal. Le Corn- brash n'en rend pas moins des lors d'utiles services pour les constructions. Fossiles et Miner aux du Cornbrash. C'est principalement dans les banes en superposition immediate sur les minces lits marneux du Cornbrash , qu'on retrouve la plupart des fossiles qui figurent dans le tableau qui va suivre. Us en sont parfois entierement petris. Les banes oolithiques et subcompactes infe- rieurs ( sauf leur superficie au contact des lits mar- neux superposes ) ne renferment guere que de nom- breux debris, et toujours a un etat de trituration qui Et DISSERTATIONS. les' rend en general meconnaissables. II en est a peu pres de meme de la dalle nacree , rarement on trouve des fossiles conserves dans les banes de cetle division; ordinairement, au contraire , on en remarque a sa base dans le voisinage du lit marneux qui existe quelquefois a ce niveau. Si nous entrons plus loin dans le detail de la dis^ tribution des fossiles , nous remarquerons que les uns semblent exister principalement a la superficie des banes, les autres indistinctement dans leur epaisseur. Les annelides , quelques gasteropodes ( nerinea Vesurgis , fasciatafusus ). Parmi les acephales, les ostrea sandalina , vesicularis , flabelliformis , et d'autres non determinables a grandes valves plates , les exogires , les pecten , principalement le fibrosus; enfin, parmi les zoophites, les calomopores, ce'riopores et les debris de cidarites , semblent s'tHre fixes princi- palement a la reperficie des banes , tandis que tous les autres, tels que les ammonites, certaines ne'rine'es (gosa3, etc.), plusieurs especes dChuitres , de pecten, les modioles , gervelies, lyrodon, enfin les radiaires , non designes precedemment, se rencontrent indistinc- tement dans Tepaisseur des banes. Ces faits, auxquels il ne faudrait peut-Ctre pas attri- buer une trop grande importance , tiennent sans doute a la maniere d'etre des fossiles. Quant a Findication des localites oii Ton trouve les fossiles, et que j'ai precisee avec soin dans le tableau , nous ne pensons pas qu'il seraitbon de lui attribuer une valetir exclusive; 1'etat de conservation ou d'alteration de la roche, ayant une influence telle sar Fapparition des fossiles et de leurs debris qu'il semble, a moins d'un examen minutieux , et a part ceux qui se detachent en saillie aux joints de stratification , qu'il n'en exisle pas dans les roches qui ont conserve leur etat vierge, si 442 MEMOIRES que les localitesdesignees comme riches en fossiles soiit en meme temps celles oii 1'alteration de la roche est le • plus avancee. Toutefois, ces fails, qui paraissent con- stater Taccumulation des fossiles sur des points deter- mines, suivant leurs genres et leurs especes, s'accordent avec la loi habituelle qu'on peut observer pour la dis- tribution des fossiles, dans les differents groupes des terrains jurassiques, soil sous le rapport de sa corre- lation avec les caracteres petrographiques des assises , soit sous celui de sa diversite dans le sens a Fetendue horizontal de certaines couches, etendue sur laquelle il existe des points oii la vie organique semble s'elre considerablement developpee, et d'oii elle va diminuant a mesure qu'on s'en eloigne, et a mesure que dis- paraissent peu a peu les circonstances qui Tont fait naftre. Fossiles et Mineraux du Cornbrask recueillis seulement dans les environs de Besancon. Serpula flaxida, GOLDFUS, derriere la citadelle de Besancon, (rare). CEPHALOPODES, Ammonites humpliresianus , SOWERBY, id. et au pont du Secours, (frequent) . U. biptex, Sow., id. id. (id.) (I). Id. planula, ZiETEN,id. id. (id.) (<). Id. plicatilis. ZIETEN, pres la butte d'Arenes, (moins com.) (f). GASTEROPODES. Perinea gosce, ROEMEH, pont du Secours, Thise, Chalezewle, Paleafc, (Ires-rare). Id. nodosa, VOLTZ, id. (id.) Id. vesurgis, ROEMER, id, (assezfre'quente). (2). 7d. supra Jurensis, VOLTZ, id. (id.) (2). Id. fasciata , VOLTZ, id. (id.) (2). Id. indeterminable s, id. (id.) (2). Id. fusus, id. (rare). (1} On nc les observe guere que dans le culcaire fossilifere an dcssus ties lits tnarneux.- (2) L'alteratJou les rend distinctes quclquefoij en assez grand ET DISSERTATIONS. 445 ACEP BALES. Ostrea sandalina, GOLD., en deca dti pont du Secoiirs, (tres-frequente) (3). Id. vesicularis, GOLD., Palente, (.5). Id. striata, AUST., GOLD., id. Id. conwntrica, AUST., GOLD., pont du Secours, (peu rare). Id. fasciala, VOLTZ, id. Id. Flabelli formis, GOLD., NILSON, Sow., id. Debris de plusiews autres, id. (frequent). Gripheatenera, GOLD., id. (tres-rare). Exogira reniformis , GOLD., id., Palente et Chalezeule, (frequent). Pecten mmineus, Sow., Pont du Secours, (tres-rare). (4). Id. striatus, Sow., id. (frequent). (4). Id. fibrosus, Sow., partout, (tres-frequent). (4). Id. ccquivalvis, GOLD., Chalezeule, (tres-rare). (4). Pecten lens , Sow. , plateau de Palente, derriere la citadelle, (moinsrare). (4). Id. palmatus, LANS., GOLD., pontdu Secours, (frequent). (4). Id. decemplicatus , MUNST., GOLD., id. (id.) (4). Id.varlans, ROEMER, id. (rare). (4). Limaovalis, GOLD., carriere de Chalezeule , (rare). Id. alternans. ROEMER, id. (id.) Une autre espece inconnue , plagiostoma. Monotis decussata , MUJNST., GOLD., pont du Secours et partout, (tres-frequent). (5). Id. substriata, MUNST., GOLD., (id). (5). Une espece inconnue , (5) . Jlf odiola pllcat a , Sow. , pont du Secours, (frequent). Id. inclusa, PHILLEPS, (moinsrare). Gervilla aviculoldes, DE FRANCE, GOLD., pont du Secours, (frequent). Id. siliqua, GOLD., (id.) Perna aviciilaris, DE FRANCE, (tres-rare). (6). Lyrodon litteratum , DEFHAMCE, partout, (tres- frequent). (6). Id. claveUatum, DE FRANCE, id. (id.) (3) Se trouve i la superGcie des banes et au contact des minces lits marneux. ll\} Les peignes sont nombreu-x et indistinctetnent rcpandus; on en observe quelqufifois do tres-bien conserves a la surface des banes. L'espece fibrosut est celle que nous regardons comme raracteristique. (5) Nous regardons ces especes comuie caractoristiques : on les troine principaleracnt dans la division fossililcre au dessus des assises marneuses et un peu plus baut. 5,6; IndUlioctement dans i'epaifseur des b;uses. 444 MEMOIRES BHACDIOPODES. Terebratula varians , D E BATH , ( moins-rare ) , Jd. concinna, DEBATH, (id.). Id. perovatis, Sow., descente de Palente et autres localite's , ( frequent ) . Jd. ornit hoccphala , Sow., id. (id.) Jd. helvetica , SCHLOTBEIM , pres la butte d'Arenes> ( tres-frequent ) . RADUIRES. Crinoldes , ( tres-fr^quent a 1'etat de fragments et debris ) . Cidarites (pointes), GOLD., partout. Ananchites , GOLD., ( une seule nominee par M. de Buch). Jfuclcolites cordatus, GOLD., Cbalezeule. Apiocrinites (entroques), GOLD., (frequent). Rodocrinites (id.) echinatus, GOLD., versantnord-esfdeChaudanne, (tres-rare). Une autre entroque inconnue , Tersant de Palente et pres la butte d'Arenes , carriere de Chalezeule, ( assez frequent ) . ZOOPHITES. Calamopora, GOLD., derriere la citadelle et ailleurs , (frequent). Retepores, GOLD., id. (id.) Ceriopora orbiculata , GOLD., id. ( id. ) Antophylum , GOLD., id. (id.) Ostrea alveolata, GOLD., versantde Palente, (id.) Jd. sex-radiata, GOLD., id. (id.) Ve'ge'taux fossiles du Cornbrash. On remarque des fragments tres-distincts de branches d'arbres charbonneuses , et d'autres corps cylindriques deprimes qui pourraient etre des debris veget'auTt petrifies. Mine'raux du Cornbrash. Cristaux m6tastatiques de chaux carbonatee (Haiiy), Nids frequents de chaux carbonatee cristallisee dans toute Tetendue des banes. Melange par tache de spath calcaire et d'oolithe, ET DISSERTATIONS. 445 Chaux carbonatee prismatique en plaquettes sur un calcaire altere. Marnes un peu bitumineuses. Geodes (quelques). Fer sulfure au contact des marnes oxfordiennes. Formes et figures particulieres. Noyaux de calcaires en forme ellipsoide tres-aplatie qu'on rencontre au voisinage des lits marneux et re- pandus & la base et dans Tepaisseur du bane fossilifere : on en remarque en grand nombre dans la carriere sous la tuilerie de Palente. Stylolites frequents dans la division moyenne du Cornbrash. Carries & la surface des banes. 446 MEMOIRES DISCOURS SUR CETTE QUESTION: Quels sont tes wantages et les inconve'nients de I'enseignement philosophique tel qu'il existe en France ? PAH M. I.'ABBK DURONZIER, Professeur au petit Seminaire ments : aussi encore une fois en quoi est-elle plus avancee qu'au premier jour ? Qui voudrait se charger de repondre de maniere & contenter tout le monde a ces questions pourtant si simples? Qu'est-ce que la philoso- phic ? Quel est son but ? Quel est son moyen ou son criterium de la verite? Et qu'est-ce done qu'une science qui ne peut dire ni son but, ni son moyen , ni m£me ce qu'elle est ? On pourrait me croire un grand ennemi de la philo- sophic, et cependant elle a toujours ete 1'objet de mes travaux de predilection, et je ne puis m'empScher d'esperer en son avenir. II faut bien dire avenir , puisque son present et son passe sont tels que je les ai signales. Mais Finstinct de Thomme le pousse trop fortement vers cette elude pour qu'il n'y ait 1& que des chimeres. D'oii-vient done son impuissance jusqu'a ce jour? Peut-etre qu'un coup d'oeil sur Thistoire de la philosophic nous donnera la clef de ce probleme. Tous les peuples qui ont cultive les etudes ont eu aussi une philosophic. Mais, chez la plupart, identifiee avecles mysteres du sanctuaire, son histoire, ainsi que ses doctrines sont restees pour nous couvertes d'epaisses tenebres que les travaux modernes ont bien peu dissi- pees. Attachons-nous seulement aux epoques les plus connues : pour 1'honneur de la philosophic prenons , d'un cote, la periode graBCo-latine depuis PLATON; de 1'autre, depuis DESCARTES la periode moderne. Ces deux grands hommes debutent Fun et 1'autre par de su- blimes meditations surDieu, Tame, le monde, et nos devoirs. Us touchent ft toutes les questions importantes et les resolvent de la maniere la plus digne de la gran- deur de rhomme, la plus avantageuse pour la societe, la plus propre & porter a la verlu. ARISTOTE s'effraie de la hauteur des conceptions de son maltre et nous ET DISSERTATIONS. 449 ramene promptement au terre-a-terre de 1'observation qui convenait a son genie methodique. On peut croire, si Ton veut, qu'il conservait encore les verites essen- tielles. Quelques savants Font nie : je n'ai ni le temps ni la volonte de discuter cet incident. Ce qu'il y a de stir, c'est qu'il croyait a la possibilitede saisir la verite et qu'il donnait des regies pour y parvenir. Quoiqu'il se fut s6pare de 1'Academie, la reaction de ses doctrines ne tarda pas de s'y faire sentir : c'est la marche ne- cessaire de 1'esprit humain. Aussi voyons-nous la seconde Academic s'entourer de doutes et de nuages et ne presenter a ses proselytes une opinion -que pour lui opposer aussit6t une opinion contraire. On sait l'effet que produisit ['apparition de cette philosophic chez les graves Romains qui n'etaient pas encore accou- tumes aux lemons de la sagesse. Au reste , ils ne s'y accoutumerent que trop, et la science du doute ne tarda pas alivrer le monde aux doctrines d'EpicuRE ; notez qu'EncuRE lui-m£me est un enfant degenere du spi- ritualiste PYTHAGORE. Parmi nous, a DESCARTES et MALEBRANCHE succe- dent promptement le sensualisme de LOCKE et de CON- DILLAC et le melange confus de doctrines sceptiques , materialistes, athees, que Ton appelait encore philoso- phic , il y a trente ans. EPICURE et ARISTIPPE etaient contemporains de PLATON -, SPINOSA a pu voir DES- CARTES. II ne faut pas m'objecter que d'autres ecoles protestaient centre cette degeneration. Que prouve en eflet le sto'icisme, qui s'occupait plus de morale que de dogme ? Que prouve-t-il ? Simplement que les doctrines degradantes n'emportent pas la conviction morale ? Aux deux epoques , il s'est manifeste un mouvement de reaction qu'on appela dans 1'antiquite comme aujourd'hui du nom d'EcLECTiSME. Mais il me semble 450 MEMO1RES qu'on ne saurait sans prevention 1'attribuer a la force interne de la philosophic, quand aux deux epoques nous le voyons precede par une reaction religieu&e predominante. Les conquetes rapides du christianisme avaient attaint Ferreur jusque dans les rangs des obstines et force plus d'une concession. Lisez seulement SENEQUE, MARC-AURELE , EPICTETE, vous y trouverez Fexpression chretienne, ignoree de tous les si6cles qui avaient precede. Et puis Alexandrie, d'oii sortit cct Eclectisme d'autrefois, comptait parmi ses professeurs les plus celebres les PANTHENE, les CLEMENT, les ORIGENE , avant que d'avoir vu parattre PLOTIN, POR- PHYRE , JAMBLIQUE 5 et parmi nous les ecrits de CHA- TEAUBRIAND, deBoNALD, deDE MAISTRE, les eloquentes predications de M. 4e FRAYSSINOUS avaient ranime la ifoi au christianisme avant que notre moderne Sorborme cut songe a offrir aux esprits fatigues ses travaux spi- ritualistes. Enfin, ne nous y trompons pas, le progres de Tun et de 1'autre eclectisme peut-etre regarde comme assez peu de chose, s'il est vrai , ce que je n'ai pas le temps de prouver, que le premier se perdit presqu'en naissantdans les folies de la theurgie, et que le notre s'est enfonce a plus des trois quarts dans le pantheisme. C'est un fait bizarre que la philosophic n'a jamais puse soutenir longtempsau niveau du bon sens du peu- ple. Qu'on se rappelle les etranges cosmogonies des sept sages et qu'ANAXAGORE fut appele 1'intelligence pour avoir admis qu'une intelligence gouverne le monde. II y avail cependant longtemps que le peuple chantait avec HOMERE « que tout depend de la volonte des Dieux.» On sait aussi le mot de CICERON « qu'M n'y a Hen de si absurde qui n'ait etc dit par quclque philo- sophe. » J'auraispu,pourconfirmer ma these, montrer encore ET DISSERTATIONS. 451 le nebulosisme de KANT devenu si rapidement entre les mains de ses disciples immediate un atheisme ou un pantheisme plus nebuleux encore, au point qu'ils ont fait disparaitre I'objectif du monde pour n'y plus lais- ser qu'un subjectif incomprehensiblel De tout cela que conclurons nous ? Que la philoso- phic est une science essentiellement fausse , ou que sa methode seulement a ete trompeuse jusqu'ici? La pre- miere proposition serait dure et je ne 1'adopterais pas volontiers. Reste a examiner la methode. Les chefs des deux ecoles dont j'ai parle etaient pres de la verite. Mais DESCARTES et MALEBRANCHE etaient Chretiens ; PLATON etait aJle demander des lumieres aux sane- tuaires de Memphis et de Babylone, el qui pourrait dire la somme des idees qu'il en rapporta ? Leurs dis- ciples voulurent etablir directement leurs theories, el nousavons vu ce qui en resulta.N'€n pouvons-nous pas conclure que la methode des mattres n'avait aucun rap- port avec celle des disciples et qu'ils avaient recu ce que ceux-ci cherchaient. Ce qu'il y a de sur, c'est que PLATON avail lapretenlion devoir directement la verite dans sa source, et MALEBRANCHE marche sur ses traces. Quant aDESCARTES, il al'air de chercher; mais au fond sondoute methodique n'est-il pas une illusion, et serait- il parvenu a une seule des verites qu'il professe s'il n'eut eu dans I'esprit son credo qui lui montrait Je but oii il fallait arriverPIl me semble que 1'experience de ses disciples a decide la question. Et, pour en venir au fond, sous quelque forme qu'on la voile, la methode philosophique sera toujours ren- fermee dans le syllogisme : deux verites reconnues que Ton compare pour en deduire des consequences plus ou moins heureuses. Quant aux consequences , je n'en dis rien , c'est le pays des chutes et des erreurs , c'est le terrain de la dispute. Mais qui fourmra ks prin- 452 M&MOIRES cipes? Ou prendrons-nous la verite mere d'ou doivenl sortir les autres? Je ne connais que trois moyens de la eonnaftre : la recevoir d'ailleurs , la saisir en nous- m6mes par Fintuition , ou s'y clever par voie d'obser- vation •, et dans les trois cas il faut qu'elle soit saisie assez haul pour renfermer toutes les verites qu'on veut en deduire. Sans 6tre scolastique , Faxiome, latius hunc (quemvis terminum) quam prcemissce conclusio non vult , n'en est pas moins une regie de bon sens. Je reviendrai tout a Fheure aux deux premieres sources ou Ton peut puiser la verite : voyons la troi- sieme. C'est precisement elle qui a prevalu a toutes les epo- ques avec des resultats si heureux pour la science et pour la societe , c'est elle surtout qui est preconisee de notre temps comme seulerationnelle.L'observation ne peut donner que des fails : quel que soit le nombre de ces faits, on n'en peut jamais tirer une loi g6ne>aJe, certaine et absolue; une loi dont Implication puisse depasser les faits observes (i). Done, d'abordtoute verite inaccessible a notre observation directe sera placee dans une sphere inaccessible a la science, et ce sont pre- cise"ment les verites importantes a Fhomme et a la so- (I) Je ne serais pas surpris qu'on m'objectat les lois physiques fondees sur 1'observatio'n. II y a tant de gens qui out foi a COPEBNIC sans 1'avoir a Dieu. Mais 1°. il est egalement vrai qu'ils ne prouvent rien hors de la sphere d'observation. Tous les physiciens 1'avouent et les changements reiteres des sciences physiques le demontrent sans replique ; 2°. ils ne prouvent rien an dela du jour de 1'obser- vation. Je crois que le soleil se levera demain. Mais ce n'est qu'une probability fondee sur ce que nous ne voyons pas de cause presente de destruction. La geologic et la cosmologie nous apprennent qu'il fat un jour ou il ue se levait pas pour nous et qu'il y aura un jour ou il ne se levera plus. Soit dit en passant, cette reflexion prouve la sottise de ceux qui nieiit les miracles parce qu'ils sont contraires aux lois physiques. Pauvre du peu de mots ! ET DISSERTATIONS. 455 ciete qui se trouvent dans ce cas. Aussi Fecole ecos- saise , mere de nos ecoles modernes, a franchement avoue que ses travaux d'experience et de raisonnement ne lui apprenaient rien au dela de ce que peut attester le sentiment. Ensuite cette yoie ne peut rien donner d'absolu-, car un fait nouveau peut venir changer le point de vue et detruire par consequent toutes les con- clusions de la science. Toutes les etudes d'observations enfournissentmille exemples; et de principes essentiel- lement douteux, que pourra-t-on conclure de certain ? Or, nous Favons vu, une philosophic douteuse est une philosophic subversive et les aberrations des philo- sophes Font prouve de reste. Aussi, tous ceux d'entre eux qui ont conserve des opinions raisonnables avouent, implicitement au moins, Fimpuissance de Fobservation pure. Tous ils appuient leurs theses importantes sur des axiomes inaccessibles a Fobservation surtout dans Fetendue qu'ils leur don- nent. Ainsi,pour etablir Fexistence deDieu, on partira . des idees de causalite , d'infini, d'essence : or Fobser- vation ne nous donne rien de tout cela. Si on veut les admettre, il faudra reprendre lesystemedes idees innees si decriees dans nos ecoles. Qu'en est-il resulte, c'est que ces verites mal assises sur un terrain conteste sont tombees du moment qu'on a nie le principe d'apres le droit de la methode d'observation •, en deux mots, la methode d'observation pure , seule pratiquee dans nos ecoles , ne peut conduire qu'a Fatheisme et au pyrrhonisme absolu, parce qu'il lui est impossible de s'elever au-dessus du sensible, qui est la moindre partie de Fhomme et du monde. Revenons aux autres methodes : il en est une qui n?a reellement ete mise en pratique que par quelques chefs d'ecole , mais sous laquelle ont plie leurs faibles disciples, c'est celle de PLATON, Fintuition directe de 454 MEMOIRES la verite. Je serais bien embarrasse de prouver que ce moyen est possible •, c'est comme le genie , celui qui le sent, peut seul le comprendre. Mais il me semble que, dans toules les sciences, les grands progres n'ont ete faits qu'& Faide de quelque intuition semblable- Avantque d'etablir le systeme du monde par des chif- fres, il a fallu que COPERNIC le devina tout entier ; avant que de calculer Fattraction universelle , il fallut que NEWTON en pressentit la loi. Maintenant que nous analysons leurs idees, nous ne nous doutons pas de Fe- lan que letir esprit a dti prendre pour s'elever jusque- la, etcependant nous devrions sentirque Fobservation n'a pu leur donner d'avance un resultat que nous veri- fions maintenant lentement par des moyens d'observa- tion inconnus de leur temps (i). On sail par quelle voie detournee, KEPLER parvint a formuler les lois fa- meuses qu'on n'a pu verifier que de nos jours. Ce moyen de saisir la verite est de sa nature incommuni- cable-, comment le genie pourrait-il communiquer son coup d'oeil ? Cependant la decouverte de la verite par ce moyen n'est pas inutile a la foule des disciples. II suffit que par Fanalyse ils sachent developper le germe fecond cache sous 1'idee primitive. Par 1& ils verifie- ront la these donn6e , et en m6me temps pourront d6- couvrir une multitude de verites secondaires. C'est qu'une proposition obtenue par la voie de 1'observa- tion ne peut rien apprendre que ce que Ton sait deja. C'estun resume de Fetatde la science , tandis que celle qui doit le jour a Fintuition n'est jamais saisie dans (i) Nota. Voyez dans I'Annuaire des longitudes 1854 ou 35 le parti que M. ARAGO espere tirer des etoiles doubles. On envoya dans te siecle passe mesurer sous le pole et sous I'equateur le renflement de la terre que NEWTON avait devin^ sons sortir de chez lid. II fallut I'invention des telescopes pour faire connaitre les phases de Venus qui etaient une objection insoluble a COPERWIC, etc., etc. ET DISSERTATIONS. 455 tous ses resultats par celui qui 1'emet le premier. Mais, pour obtenir les vrais resultats de cette methode, il faut eommencer par avoir foi aux paroles du maitre. C'est un moi bien decrie que le aura* s^ ; mais avec cette antipathic pour croire a la parole de ceux qui ont pre- cede, on est oblige de tout recommencer £ chaque fois, et la science reste toujours au berceau. Je plaindrais beaucoup celui qui serai t surpris que je parlasse de foi en philosophic. Paruvre esprit, qui ne voit pas que la foi en quelqu'un est necessairement le point de de- part de toute persuasion! Si vous n'avez pas foi en Tin- faillibilite d'un maitre , il faudra que vous Tayez en vous-m6me et dans votre propre infaillibilite. Auriez- vous la bont6 de me dire en quoi cette foi est plus ra- tionnelle (0? Je m'attends a ce que bien des personnes qui tn'ont suivifacileTnentjusqu'ici,vontm'abandonneraumoment otr je montre ma derniere pensee. On en trouve tant qui croient sans hesiter au genie de rhomme, qui ju- reront tant qu'on voudra sur la parole d'un maitre de chair et d'os comme eux et qui rejettent avec dedain 1'autorite du christianismel N'est-ce pas bien logique! Si saint PAUL eut donne sous son nom les legons de sa sublime morale et de ses dogmes plus sublimes encore, qui s'aviserait de lui comparer PLATON et son coup d'oeil plein d'hesitation et d'obscurite? Mais, parce qu'il pretend parler au nom de Dieu , la raison s'effarouche et refuse d'ecouter. Eh bien ! ne perdons pas de vue , ce que nous venons d'etablir, que pour nous elever a des verites vraiment generates , la voie d'observation et de synthese est impuissante , que nous avons besoin (I) Qui se sibimagistrumconstitutt, stultose discipulum subdit , disait le celebre fondateur de Clairvaux ; a ce compte nos philo- jophes out eu de mediants maitres. 456 M&MO1RES de partir d'un principe pris d'en haut, d'un systems preconc.u qui devance les preuves et qui n'en admet point d'autres que la verification par 1'analyse. J'in- siste sur ce point, parce que generalement on ne sen> ble pas s'en douter ; c'est cependant la marche des ma- thematiques (0. Mais s'il existe une doctrine qui louche a tous les besoins, qui resout tous les problemes de rhumanite; si cette doctrine eprouvee par dix-huit siecles de combats a ete professee par une foule de grands genies , qui , tout en la developpant de toute Tetendue de leurs talents , n'ont pu y ajouter un seul principe , parce qu'elle ne presentait aucune lacune; si aucun enseignement sur la terre ne peut lui etre com- pare pour son universalite, sa duree , ses resultats, ses epreuves, je le demande , cette doctrine n'est-elle pas la plus grande autorite humaine possible? Remarquez bien que je ne parle pas de sa divinite, mais je de- mande si on peut s'aviser de mettre en parallele une (1) Les mathematiq. ne sont point une science d'observation ; c'est meme precisement pour cela qu'elles sont une science exacte. Au- cune observation n'aurait pu donner la moindre proposition raathe- matique; qu'on examine tous les axiomes fondamentaux de cette science , on verra qu'elle part de conceptions absolues , precon^ues, impossibles a realiser pour nos sens, d'ideesvraimentincreees.L'u- nit6 dans le nombre , dans le temps , dans 1'espace, etant donnee comme une idee invariable , absolue a priori , en devoiler les der- nieres consequences , tel est le point de depart ; et les theoremes les plus Sieves ne sont qu'un point de vtie nouveau de cette donnee. Tout se re"sout en equation, c'est-a-dire en transformation de la conception premiere , en analyse des notions qu'elle renferme ; analyse, remar- quez le bien, d'une donnee impossible a etablir directement et que la science accepte comme une necessite de sa nature. Elle croit, avant que de prouver, plus qu'elle ne peut prouver, et se batit tout entier sur la foi. Voila encore une proposition qui etonnera peut- etre bien des esprits eblouis par le nom de science exacte. Mais je ne crains pas d'etre contredit par les mathematiciens qui reflechis- sent. ET DISSERTATIONS. 457 secle, toutes les secies de philosophie reunies, puisquc t:elles-ci auront toujours centre elle leur antagonisme, leurs variations, leurs obscuriles, leur mortalite.Yoyez dans les autres sciences, on rapporte tout au systeme le plus probable, Dans l'aslronomie celui de COPERNIC et les theories de NEWTON regnent sans rival- il s'en faut cependantqu'onles ait verifies surtous les points. La chimie pneumatique de LAVOISIER n'a plus rien a craindre de la phlogistique, personne ne songe a s'en ecarter, et on n'a m6me admis quelques modifications dans les theories de ce savant qu'apres que de nombreuses experiences en ont montre la neces- sile 5 il en est de m&me pour toutes les autres scien- ces. II faut un systeme pour grouper les fails, Ton lient a celui qui existe jusqu'a preuve conlraire, el il obtient un assentiment d'aulant plus grand qu'il a sou- lenu de plus rudes epreuves el qu'il a eu pour lui des hommes plus dislingues, II est bien etrange qu'en phi- losophie on veuille suivre une marche differente el que Ton tienne en principe que c'esl a chacun de refaire son sysleme el de recommencer la science loul entiere; c'esl la ramener lout a coup a 1'enfance , c'est sanc- lionner le chaos , c'est decreler I'absurde , el il s'en- suivra que plus un esprit sera fausse ou born<3 , plus le cercle de sa foi el de ses devoirs devra 6tre restreint. C'esl livrer sans defense Tunivers aux caprices des ignorants et des sols. Et qu'on ne me dise pas qu'une religion n'est pas un systeme de philosophie : ce ne se- rail avoir 1'idee ni de la philosophie ni de la religion. Que serait-ce en effet qu'un culte qui ne repondrait a aucune idee dans l'hornme , qui ne lui donnerail la so- lution d'aucune de ces difficultes qui inleressent son present et son avenir? Oii a-t-on jamais vu un culte de cette sorte ? Sans doute presque toules les religions onl un systeme incomplet de philosophie , elles omettent 20 458 MEMOIRES quelque chose du probleme de 1'homme , ou bien elles le resolvent mal. Mais en quoi les sectes philosophi- ques se montrent-elles mieux avisees? Au reste, je n'ai pas a defendre la cause de toutes ces religions, fdles de Foubli ou de 1'alteration des verites premieres^ il s'agit du christianisme : que lui manque-t-il pour 6tre un systeme de philosophic? Cen'est pas la doctrine. Qui aborde plus franchement les questions de la premiere cause , de 1'origine du monde, de la nature et de la fin de Thomme, cette these celebre du souverain bien si debattue dans les ecoles antiques et que la philosophic actuelle n'ose se proposer ? On y trouve tout jusqu'a des questions de pure curiosite, telles qu'une cosmo- gonie, une paleontologie, une chronologic, une origine des peuples, et nulle part la science ne peut se variter de F avoir trouve en defaut. La methode n'est pas, il est vrai , la methode rationnelle : mais encore une fois , cette methode rationnelle est une methode impuissante $ le christianisme est dogmatique , il doit 1'etre , c'est le secret de sa force. C'est qu'il ne cherche pas, il a trouve. Prenez son flambeau et introduisez, si vous voulez, votreraison dans le secret de son sanctuaire , etudiezles verites qu'il vous enseigne, comparez, dis- cutez .5 il vous a devoile tous ses secrets et vous pouvez joindre a ces materiaux qu'il vous fournit toutes les donnees des sciences d'observation , toutes vos propres decouvertes, et vous ferez de la philosophic de detail : mais le systeme existe et vous ne pouvez rien y aj outer cTimportant. II est vrai que ce n'est pas ce que m'accordera notre ccole moderne : il est curieux d'entendre avec quel Tier dedain elle parle des entraves que la foi impose i I'es- prit humain et des magnifiques destinees qui Fattendent depuis qu'il a proclame son affranchissernent. A Ten- tenclre, le christianisme et son dogmatismc inflexible ET DISSERTATIONS. 459 ^nfermerait Fhumanite dans un cercle de fer et deshe- riterait 1'avenir. Mais d'abord 1'objection elle-meme force tous ceux qui ont conserve la foi a reconnaftre le danger d'une philosophic independante de la religion ^ ce n'eslpasune soeur qu'on donne a celle-ci, c'estune enne- mie, et I 'esprit fier des pretenduesconqu6tesde son genie croira desormais s'abaisser en substituant la foi a la raison. Je prie done ceux qui croient, et graces a Dieu , ils sont encore nombreux , de faire attention au danger qui nous menace, L'experience n'est plus a faire, nous la voyons; trop de chaires de philosophic sont livrees a ce rationalisme destructeur qui, appuyant Thomme sur Iui-m6me, efface chaque annee dans le coeur de plusieurs milliers de jeunes eleves le respect pour les croyances protectrices de la vertu et de la societe. On ne peut refuser aux chefs de cette ecole dangereuse, ni la logique de 1'esprit, ni la force du genie; c'est done leur point de depart qui est faux. D'oii peut-il venir que des ecoles catholiques s'obstinent a s'y attacher et que cette experience qui se renouvelle a nos yeux soil per- due pour elles ? Quant aux gouvernants qui n'ont pas foi a la verite du christianisme, mais qui sont temoins de la force sociale, pour eux aussi ma cause doit 6tre gagnee autanl qu'elle peut Tetre devant eux. Je n'entre point dans la grande question de la Iibert6 d'enseignement qui tient a la question plus importante encore de la liberte de conscience. Mais s'il est un devoir bien reconnu de tous, c'est qu'il appartient a ceux qui ont le pouvoir d'ecarter de la societe tout ce qui peut lui nuire , de ne pas permettre meme des experiences dangereuses. C'est une verite dont personne ne s'avise de douter quand il s'agit des interets materiels des administres, temoins tant de reglements sur la salubrite, sur 1'exer- cice des professions , sur celui du droit de propriete el 460 M£MOIRES tant d'autres. Faut-il qu'au milieu du 19e. siccle nous ayons encore besoin cTapprendre que ce qui louche aux interets spirituels de Thomme est bien plus delicat, nous qui voyons depuis si longtemps le monde entier bouleverse par un principe-, je sais quelle position les doctrines de tolerance ont faite au pouvoir, et qu'il lui est impossible de songer £ regler 1'enseignement en dehors des chaires qui dependent de lui. Mais dans celles-la du moins , comment peut-il tolerer cette licence anti-sociale d'opinion, lui qui tous les jours a a soutenir une guerre etrange avec les enfants de ses ^coles? Comment peut-il confier le puissant enseigne- ment de la sagesse a des hommes qui lui sont connus comme des novaleurs audacieux, et le sang qui peut-6tre jaillira encore de cette experience criminelle ne retom- bera-t-il pas sur sa tete. Cen'estpas queje veuille confier a ungouvernement, quel qu'il soit , le soin de rediger un programme d'e- tudes philosophiques-, ce n'estpassa vocation, et j'avoup que je n'aurais guere plus de confiance en sa doctrine qu'en celle des eleves de notre moderne Sorbonne. II est faillible , il est changeant, il est m6me quelquefois un systeme de philosophic incarnee. Peut-6tre efface- rait-il du programme de quelques-uns de ses agents quelque doctrine choquante, mais bien sur il ne pour- rait I'emp6cher d'y inserer quelque erreur, et nous n'aurions rien gagne, car toute erreur enfante toutes les autres et, puis, qui sail Tavenir et la marche des eve- nements? Peut-6tre viendrait un moment oii ce serait 1'enseignement de toute erreur qui serait impose par un pouvoir legalement rev£tu d'une tellc autorite. Le programme est tout fait. C'est celui du christia- nisme, les siecles ont prouve que celui-la est le protec- teur de la vertu, le conservateur de la societe, Torgane du pro^res legitime. Mais le gouvernement peut-il ET DISSERTATIONS . 46 1 1'imposer a ses ecoles? On (lit que non. Alors je ne lui connais qu'un parti a prendre, c'est de renoncer a la prevention d'etre philosophe. Qull laisse, puisqu'il n'y peut mais, les docteurs essayer de reunir autour de leur chaire les auditeurs curieux de leur doctrine, et on verra bientcH celle qui triomphera ; mais il ne peut soutenir de ses subventions ces aventureux chercheurs dont il ne peut regler les ecarts. Ce n'est plus la de la liberte d'enseignement , c'est donner un privilege a l'erreur; c'est avec prime d'encouragement livrer un peuple a des charlatans litres. Je ne reconnais a per- sonne le droit de voter des subsides pour un enseigne- ment corrupteur. Restent maintenant nos docteurs eux-mernes. Ce n'est pas pour eux que j'ecris, il me faudrait plus de champ qu'il ne m'en est reserve, et puis je n'ai pas la prevention de les convertir a la soumission de Fesprit : je con^ois que chacun d'eux se croie appele a regenerer le monde et a lui faire faire un pas immense dans une carriere nouvelle; il est doux et si commun de se croire un grand homme, voire un messie-, je suis encore assez jeune et cependant j'en ai deja entendu tant proclamer ! Graces a Dieu, dans notre siecle, ces verites eternelles de creation recente ne vivent pas bien longtemps , il est vrai que le lendemain en voit naitre de nouvelles qui se vantent a chaque fois d'aneantir le christianisme. Celui-ci de son cote ne se hate pas de mourir et ras- semble autour de lui de moment en moment une pha- lange plus pressee de genies distingues. Au reste, je crois que ce n'est pas trop exiger de nos susdits doc- leurs de prier d'attendre rexperience d'un si6cle sur leurs doctrines pour en comparer la puissance a celle de notre foi. II y a dix-huit siecles qu'elle fagonne le monde a des idees inconnues aux peuples antiques, et a ce moment elle civilise les peuples sauvages aux deux 162 MEM01RES bouts de Tunivers, tandis que parmi nous die soutient les Chretiens instruits facilement sur lous les points au niveau des disciples de leur propre raison. Nous en yoyons a la tete de toutes les voies de 1'esprit humain, litterateurs , naturalistes , historians , psycologues , adrninistrateurs. Elle a des secours pour toutes les miseres, des soulagements pour toutes les douleurs, des devouements pour tous les besoins. En verite une telle doctrine semble donner des preuves de progres. Philosophes, voyons les vdtres (l). (i) La commission croit devoir faire observer que, malgre le me- rite, le talent et les bonnes intentions de 1'auteur, il ne semble pas avoir saisi sous son veritable point de vue le mouvement de 1'esprit fcumain represente par les sciences philosophiques. ET DISSERTATIONS. 465 vK;';^'i' MEMOIRE '.", ;V..\: SUR CETTE QUESTION i: La litterature frangaise est-elle en progres ou en de'cadence ? PAR M. L'ABIJK CLERC , Professeui- de Rhetorique au petit Seminaire de Luxeuil. Au milieu du mouvement prodigieux qui fait subir a la litterature tant de phases diverses , un motif plus pressant que celui de la curiosite porte a etudier les esperances indefinies et la crainte excessive que ce spectacle fait naftre. On soupgonne avec raison que derriere toutes ces opinions qui se heurtent en discu- tant le probleme du progres litteraire de Tepoque, une grande verite ou une grande erreur se trouve cachee. Mais tant de cris de Iriomphe et tant d'hymnes de tris- tesse , tant de chants d'inauguration et tant d'oraisons funebres retentissent a la fois qu'il faut une raison bien calme pour ne subir Tinfluence d'aucune prevention dans une etude aussi interessante.Cependant rassurons- nous. Malgre la divergence des opinions, le bon sens commence a rallier toutes les intelligences a cette verite fondameritale qu'on n'aurait jamais du perdre de vue : qu'il est par-dela toutes les theories et tous les essais de 1'esprit humain un modele eternel, un type ideal de perfection, en un mot, un beau, splendeur du vrai, qu'il n'est pas donne a 1'homme de detruire ni m6me d'alterer. De cette source premiere, de ce foyer, centre 464 MEMOIRES vivifianl de toutes les nobles intelligences, sont emanees dans les chefs-d'oeuvre litleraires des claries qu'il est impossible de meconnattre. Aussi les caracteres d'unite, de proportion et de convenance qui distinguent essen- tiellernent les bons ouvrages des mauvais , ont donne naissance a ces regies fondamentales qui ont ete for- mulees par le genie observateur, enseignees par la rai- son de tous les ages et contre lesquelles rien jusqu'ici n'a pu prevaloir. Le beau elernel a sans doute mille faces diverses, et, pour briller dans 1'immense horizon du siecle, tous les talents, comme autant d'aslres, lui empruntent un rayon different. Mais il est egalement incontestable que la litterature, le premier des beaux- arts, doit remplir la plus noble des fins, eclairer el di- riger Thumanite, exalter toules ses puissances morales el la faire graviter sans cesse vers cetle beaule souve- raine sans nom sur la terre, mais dont le pressenlimenl ravissaii Pindare el David, Platon el Bossuel. II exisle done un moyen de constater le progres el la decadence des lellres , et, suivant que Ton verra ce beau universel repandre avec eclal ou diminuer sensiblemenl sa lumiere dans les ouvrages de Fesprit, Ton pourra sans pre- somption les juger, et signaler en m6me lemps le ca- raclere d'unc epoque litteraire. Toutefois , il faul le 6-econnaftre , il esl des instants d'une clarle douteuse d>ii Tosil le mieux exerc6 ne distingue pas facilement les dernieres lueurs du crepuscule des premiers rayons de I'aube du malin , comme aussi il est de brillants cou- chers du soleil qui semblent raviver toutes les splendours de Faurore, et qui cependanl font bientol place aux epaisses ten6bres de la nuit. Le monde litleraire parafl arriver aujourd'hui a ce momenld'incertitude. Au milieu de la foule inallenlive, des esprils serieux se plac,ant sous divers points de Yue, annoncent les uns la decadence ^ les autres la. re- £T DISSERTATIONS. 465 generation tie la litterature moderne. Analyser les di- verses raisons sur lesquellesces opinions contradictoires se fondent, c'est deblayer la route qui doit infaillible- ment conduire a la connaissance du vrai*, c'est preparer la donnee du-jugement que je me reserve de porter sur l'etat actuel des lettres. Puisse-je, Messieurs, par cette faible esquisse, signaler la voie dans laquelle il convient de faire entrer la litterature pour la diriger de plus en plus vers son veritable but et raider a accom- plir ses heureuses et bienfaisantes destinees. Plusieurs critiques regardent la depravation des mreurs, Tanarchie des doctrines, le raffinement d'une civilisation trop savante comme caracterisant cmi- nemment la decadence d'une epoque ; et, parce que ces obsen ateurs croient reconnaitre ces signes nefastes dans la societe actuelle , ils en concluent, sans hesiter, que la litlerature est en voie de degenerescence. Sous Tin- iluence fatale de ce doute philosophique qui se rajeunit et qui emprunte de nouveaux symboles pour repandre plus efficacementson actif poison, la litterature, disent- ils, a cesse d'etre Fexpression du principe conservateur de 1'ordre et des verites morales qui son! la vie des societes; se retranchant de preference dans le cadre etroit du roman, du fenilleton ou de la poesie fugitive, elle s'est de plus en plus morcelee, individualisee, et elle n'exprime plus guere que les incessantes fluctua- tions et les rapides impressions d'une multitude d'£mes mobiles, sans empire sur leur volonte et sans force centre leurs passions. La litterature actuelle manque done de levier pour remuer, et de puissance pour creer. Aussi , dans cet immense travail litteraire qui occupe en France tant d'esprits cultives, que d'ebauches im- parfaites ! que d'edifices sans couronnement et meine sans base!... Que de faibles lueurs errantes ?a et la comme sur un vaste ablme ! .... Chose inouie.... le 466 MEMOIRES genie Iui-m6me est venu mettre le comble aux impres- sions que produit le deplorable spectacle d'une societe et d'une litterature aux abois. Aussi les notions les plus claires ont etc bouleversees , les lois de Fart les plus necessaires ont ete renversees, et les noms les plus importants et du sens le plus precis, expression des principes et des dogmes essentiels a la societe, ont subi une profonde alteration. Jusqu'ou n'a-t-on pas pousse le scandale 1 on a mis sans scrupule la bizarrerie, la ru- desse, le cynisme a la place de la veritable originalite, et 1'idole du laid a ete encensee par les plus beaux talents. La litterature est devenue declamatoire, violente et heurtee; elle a rempli Tame de sensations penibles, d'ennuis profonds, dedoutes desolants. Depuis le mou- vement de 1830, ces defauts ont paru devenir plus sensibles encore; car des lors la plupart des eerivains, grands et petits, ont pris la morgue du journalisme, les airs tumultueux du forum, et ils se sont rendus les trop fideles echos de toutes les passions qui dominent le monde politique. Par une consequence funeste, mais inevitable, la litterature du 19e. siecle a perdu sa gravite, son im- portance et son autorite. Elle n'exerce plus ou presque plus d'action sur les esprits serieux. Visiblement les hommes graves detour- nent leurs regards de ce tourbillon incessant, de ces productions multipliees qui ne saisissent plus que le c6te apparent des choses, de ces peintures de nioeurs oii la finesse 1'emporte sur la solidite, la forme sur le fond, ct qui ne laissent pas plus de trace que Feclair qui brille et disparaft en m6me temps. De tous cotes Ton demande, Ton appelle des ouvrages profonds et Ton s'interesse vivcrnent aux etudes serieuses et aux preoc- cupations savanles de ce petit nombre d'observateurs qui sondent les plaies de I'^poque et qui proposent des fit fclSSERf ATIONS. 467 remedes utiles. Quant A la litterature proprement dite, elle n'occupe plus guere que deux classes de personnes, les jeunes gens et les femmes. Faut-il ajouter, pour troisieme preuve de decadence, la perte que la litterature franchise a faite de sa dignite. Dans le siecle dernier^ un celebre critique se plaignait deja de ce qu'on affectait d'egayer des ouvrages serieux par les expressions familieres de la conversation et de ce qu'on introduisait le style marotique dans les sujets les plus nobles, mais aujourd'hui ce defaut est bien autrement repandu et bien autrement grave. Depuis que Ton a cesse de soumellre au joug de la raison les (Buvres de Fimagination toujours trop capricieuse et trop bardie dans un siecle de civilisation raffinee , On a vu dans les auteurs memes les plus brillants des in- egalites choquantes, des contrastes deteslables, et dans le theatre et dans le roman surtout un devergondage horrible d'idees et de style, une profanation indigne des choses les plus serieuses et les plus saintes. Par une alliance sans exemple jusqu'ici, le langage des passions les plus ehontees a etc uni aux plus belles formes de la pensee , quelquefois meme aux paroles les plus naives et les plus sublimes de nos livres divins 5 tous les voiles ont ete souleves et tout a ete profane 5 des esprits mal-* faisants ont porte jusque dans les egouts de la debauche la priere et le dogme du chretien •, les vertus les plus saintes et les gloires les plus pures ont ete violemment arrachees de leur sanctuaire, presentees a la foule dans les plus ignobles travestissements et confondues dans le pele-mele de toutes les monstruosites de I'^po- que A la vue d'un spectacle que le monde litteraire n'avait pas encore offert meme au milieu des petitesses et des ignominies du dix-huitieme siecle, quel homme sense oserait parler de progres, ou plutot qui ne ge- mirait profondement? 468 MEMOiRES Enfin , la litteralure franchise a perdu en clarte , en simplicite et en verite. Les usurpations de la prose dans le domaine de la poesie sont ilagranles, et sous le specieux pretexte de draper magnifiquement la pensee, elle a employe un style beaucoup trop descriptif , surcharge de mots so- nores , d'expressions vaporeuses au milieu desquelles la langue franchise perd insensiblement son allure pri- mitive , si nette , si degagee , si Tranche et si analogue au genie de la nation qui la parle ; 1'esprit de discussion, la maniere de generaliser et de parler par sentences penetre dans toutes les productions de Tepoque et bannit du monde litteraire ces graces de bon ton, cette politesse exquise de langage qui a toujours distingue I'aimable legerete du caractere franc.ais. On veut fagonner notre muse delicate aux manieres lourdes et embarrassee du germanisme , et Ton s'applaudit de transporter sous notre beau ciel de France la poesie brumeuse et faritas- tique de tous les peuples du nord. Un systeme de raffi- nernent et de theories factices enleve & notre literature son ancienne fleur de naturel , ce gout exquis des con- venances , si remarquable dans les beaux modeles du 17e. siecle. Vainement chercherait-on dans les auteurs du jour le secret de ces belles harmonies et de ces rap- ports delicats dont la combinaison produit le vrai beau dans les ouvrages de Tesprit. A celte chastete d'expres- sion que Boileau regardait comme un des traits dis- linctifs de notre langue, et qui convient en effet a un peuple mar qui marche a la tete de la civilisation, on a substitue une brusquerie, et, si je Tose dire, une bru- talite de langage qui trahit Tinfluence des passions delirantes de haine ou de volupte qui fermentent dans les coeurs. Aussi, chez les ecrivains de notre epo- que tout prend un air d'exageration , de beaute arti- ficiclle , de chaleur factice ou de legerete et de reverie ET DISSERTATIONS. 469 qui est incompatible avec le serieux (Tune conviction sincere. Tel est, Messieurs, le resume de tous les reproches adresses a la litterature moderne par les critiques qui la jugent en pleine voie de decadence. Tout en accordant qu'elle a fait quelques rares conqu^tes, ils croient qu'en somme elle a beaucoup perdu et qu'elle ne peut offrir aucun modele yraiment pur, parce que, ne s'appuyant plus ni sur 1'imitation des beaux modeles laisses parnos devanciers , ni sur les principes vivifiants qui rallient toutes les intelligences, elle s'ecarte chaque jour de plus en plus de sa veritable mission , qui consiste a eclairer et a clever I'humanite. Rien, disent-ils, ne peut remplacer pour les lettres ni pour les beaux-arts une base solide et une noble fin. Quels sont maintenant les genres de merite que eroient apercevoir dans la litterature actuelle ceux qui en proclament deja la regeneration-? C'est ce que j'ai le dessein de vous exposer encore , avant de soumettre a vos lumieres mon opinion personnelle sur la question qui nous occupe. Pour apprecier sainement une litterature, quand surtout elle n'a pas acheve sa periode, il ne faut pas, disent ces derniers critiques, s'arreter a observer mi- nutieusement les defauts ou les beautes propres a cha- que auteur vivant, mais il faut agrandir sa perspective, saisir le caractere et les tendances generates de son epoque , etudier avec attention tous les divers genres d'inlluence qui peuvent la dominer en bien ou en mal. C'est une verite irrefragable que toutes les belles litte- ratures concourent avec les grands evenements. Un siecle qui n'est temoin que de fails ordinaires est neces- sairemenl un siecle copiste, imitateur, c'est-a-dire un siecle de decadence 5 car 1'imitalion porte en soi une cause assureed'inferiorite. Or, dans rhistoiredessiecleSi,. 470 MEMOIRES quelle epoque a ete plus fertile que la noire en com- motions profondes, en catastrophes prodigieuses etnon interrompues, en spectacles solennels au milieu desquels 1'oeil de Thomme surpris a du tant de fois rencontrer, et toucher corps a corps, pour ainsi dire, les extremites de toutes les choses humaines. Spectacle de lagloire militaire! Pendant que I'aigle imperiale plane sur la France, les heros francais s'ouvrent a la pointe de Tepee toutes les routes de 1'univers-, ils ont compris le signal du genie, qui, nouveau type de 1'hurnanite, s'elance a leur tarreau frangais, qui m^me a Tepoque du regne de Louis XIV se trouvait si peu au niveau de toutes nos gloires litteraires, nVt-il pas souvent de nos jours partage 1'eclat et les triomphes de la tribune ?.... Mais que dire du developpement de Tesprit humain dans toutes les autres parties de notre civilisation !.... de ces prodigieuses decouvertes de Tindustrie qui semblent spiritualiser la matiere et donner aux corps Tactivite des intelligences ?.... Eh bien! en presence de ces grands spectacles, quand 1'humanite a remue toute une nouvelle masse d'idees, lorsque les avenues du monde civilise se sont partoutagrandies, que lesnationalitess'effacentetqu'au dire des plus celebres observateurs tous les peuples marchent vers une magnifique unite, comment la lit- terature , a la fois expression et mobile de la societe , ne se serait-elle pas elevee, developpee non-seulemen£ par le fonds des pensees et des sentiments, mais encore 472 MEMOIRES par tout ce qui constitue sa physionomie et sa forme ?-.;,> Aussi comme elle brise,partout le yieux moule.... comme elle rejette partout les hochets de la vieille rou- tine pour redevenir libre, originale, universelle, s'ap- puyant a la fois sur 1'element historique, Telement de- mocratique et Telement chretien. La philosophic, les ouvrages didactiques , la critique, le drame m&me et les romans empruntent al'histoire aujourd'hui leur princi- pale substance. A la hauteur oii s'est placee notre civi- lisation, Timagination ne suffit plus pour assurer le regne de la pensee. II faut, dit M. de LAMARTINE , que la literature moderne devienne populaire , universelle coinme la raison. C'est a populariser des verites , des sentiments sublimes de religion et d'enthousiasme qu'elle doit consacrer sa puissance-, inais deja cette ceuvre a commence, oeuvre immense et puissante qui, en portant a tous la pensee de tons, abaissera les montagnes, ele- vera les vallees, nivellera les inegalites et ne laissera bientot d'autre puissance que celle de la raison univer- selle. Depuis que Felement chretiencst devenu egalemenl necessaire , depuis que CHATEAUBRIAND a ouvert la grande erede la restauration religieuse en France ; depuis qu'avec Tautorite de sa parole inspirce, il est venu nous rappeler que toulse trouve dans le christianisme, liberte, poesie, civilisation, enthousiasme des grandes choses , les belles palmes de la gloire n'ont ete acquises qu'aux ecrivains qui ont su faire vibrer la corde du sen- timent chretien. Ces rnemes auteurs ont-ils voulu tou- cher une corde opposce, des ce moment leurs accents n'ont plus eveille les memes sympathies, leur genie a subi de remarquables eclipses , il a fait nuit dans leur time et ils ont ete sernblables a des anges dechus. Im- mense difference entre notre ^ge et celui qui Ta precede : au 18mc. si6cle, Timpiete elevait le talent, aujourd'hui 1'impiete le tue. ET DISSERTATIONS. 473 C'est done avec raison, s'empresse-t-on de s'ecrier, qu'on celebre des concerts a 1'honneur de la litterature du 19me. siecle. On se plaft a 1'envisager comme une jeune et belle reine qui vient s'asseoir sur son tr6ne et prendre possession de son empire. Voyez, dit-on encore, comme toutes les connaissances humaines entrent dans son vaste domaine et lui decernent a 1'envi le tribut de leurs hommages- comme les sciences exactes, naturelles, historiques et philosophiques lui demiandent son beau vehement pour attirer les regards et Tadmiration !..:. Comme elle-m6me a son tour enrichie de leurs savantes decouvertes, rejetant Tappareil des formes convention- nelles, ennoblit etsimplifieson langage, Fetend, Funi- versalise pour reveler aux masses un nouvel ordre de choses !.... On se plaint de 1'introduction de quelques termes nouveaux, de quelques phrases, que subit la langue franchise. Ehl comment pourrait-elle rester stationnaire quand, au milieu du plus hardi mouvement intellectuel qu'aucun siecle ait encore vu, la societe fleurit avec de nouvelles institutions , et , entr'ouvrant toutes les sources des connaissances bumaines, y puise le germe d'une nouvelle tranformation ? Mais les conqu6tcs de la litterature du 19mc. siecle sont d'autant mieux garanties par celles de la langue fran^aise, que cette langue n'a jamais joui d'un empire plus universel et plus merveilleux. Quel est le point du globe, dit M. LAURENTIE, oii elle ne regne pas?.... On la trouve dans les deserts deTAmerique, et voici qu'elle s'ouvre un passage a travers les tentes des Be- douins. L'Egypte la rec,oil et lui confie la mission de rajeunir sa civilisation degeneree. S'il est quelque nation qui se sente appelee a prendre un haut rang entre les peuples savants , elle appelle la langue fran- gaise a son aide et la langue franchise lui apporte aussitot avec ses chefs-d'oeuvre toutes les finesses de 474 M&flOlRES Tintelligence, toutes les graces dc Tesprit, rinstinct du beau; toutes les Academies du monde se tiennent par ce lien savant, les rivalites nalionales cedent a cet empire intellectuel plus puissant que tous les autres. La docte Allernagne le subit sans murmure, la Russie 1'accepte avec amour, nul peuple n'echappe a cette do- mination 5 et dans ce lien universel qui s'est forme entre les peuples par la pensee et par les arts, il y a la preparation d'un ordre inconnu a Fhumanite : le mys- tere en est au ciel , mais le pressentiment en est au fond de toutes les ames, et cette vague esperance ne peut- tout se mela , tout se confondit d'abord, toute trace de cette sublime croyance en vertu de laquelle nos peres se courbaient sur la pierre usee de nos temples, disparut de nos lettres, et depuis la chanson jusqu'a Fode la plus elevee, jusqu'au dithyrambe le plus passionne, tout se fit paien! Que devint done alors notre nalionalite? ou la ressaisir? 11 492 HEMOIRES faut arriver jusqu'au grand CORNEILLE, le seul des poetes de son epoque qui donne un reflet de nos croyances dans Le Cid christianisme et chevalerie. Le sublime et tendre RACINE sail franciser, il est vrai , les sujets grecs, mais limitation des anciens reste toujours le but des efforts des poetes. Le legislateur du Parnasse traduit a peu pres la charte litteraire des Remains oc- troyee par HORACE , et cet admirable pastiche prolonge encore longtemps limitation. Le 18e. siecle est trop preoccupe de ses transforma- tions philosophiques, trop enivre de ses idees de boule- versement , pour penser a faire rentrer la poesie dans notre nationality il imite ces imitateurs en inondant ses oeuvres de ses formules de philosophisme. II don- nerait toutes les formes litteraires presentes et futures pour le triomphe d'un seul de ses principes. Demolisseur infatigable , il frappe a coups de scepticisme ; le poly- theisme lui va mieux que le vague mysterieux du christianisme. Dieu, pour cette epoque, n'est plus qu'un etre de raison, qu'une abstraction. Ceux qui ne le nient pas lui rendent un hommage nonchalant en admirant ses oeuvres, et en declarant qu'il n'aurait que faire de notre encens. Comment placer un tel Dieu dans nos concep- tions poetiques? Les divinites tout humaines de Tan- tiquite sontplu&malleahles. La, tout est positif, rien de vague, rien qui rappelle Fidee de Tinfini. Si la poesie d'alors se pr6te aux formules philosophiques du temps, comme celle de Marie-Joseph CHENIER traduit toutes les repulsions passionnees de son epoque , est-ce bien lu de la haute poesie nationale? Non, non, c'est encore ['imitation de 1'antique deja affaiblie, c'est la forme graeco-romaine venant en aide a la popularisation des formules nees du moment. Et encore il n'y a du passe que la forme qui nous est etrangere, qui n'est pas dans ET DISSERTATIONS. 495 nos croyances , il n'y a pas d'avenir, il n'y a qu'une actualite perissable. Mais ecoutons ! . . . du milieu des orages s'eleve une voix jeune et frafche qui fait entendre ces paroles c6- lebres , en presence du supplice qui s'apprete : J'avais cependant quelque chose Id ? Ce qu'il revait le jeune poete , ce n'etait pas une transformation morale dans la litterature , un retour aux croyances chretiennes , il voulait dans son Hermes continue? LUCRECE 5 mais il r6vait une transformation de la forme poetique, et deja dans ses immortels ecrits desquels on a dit : « Ce sont de delicieux paysages moins le ciel», Failure de la poesie a change subitement , on sent deja que cette elegie paienne est bien pres de Felegie spiritualiste et chretienne. Patience... voici venir un jeune pelerin, courtisan du malheur, poete par la pensee, poete par Femotion intime de la reverie, par les entrainements de Fideal. II ira s'asseoir sur la cabane du sauvage, dans les forets vierges de FAmerique, d'oii il nous rapportera dans son &me des poemes qui auront une action immense sur son epoque 5 il ira sous la tente de F Arabe, il ira pleurer sur le tombeau du Christ. Partout il revera d'avenir sur les ruines des cites detruites , et tous ses r£ves seront dans la foi catholique. Puis , quand les prodigieux bouleversements politiques seront accomplis, il reviendra pour faire entendre sa voix independante et male, et les cordes de sa lyre rendront des sons jusqu'alors inconnus , alors il realisera la plus haute puissance de la poesie, il entrafnera son epoque a sa suite. Comme HOMERE, comme EURIPIDE et SOPIIOCLE qui parlaient aux Grecs le langage de leur croyance sensualiste , il parlera pour ranimer sa foi , le langage de la croyance chretienne. Get homme ne chartlera rien qu'avec son ame , chez 494 MEMOIRES lui tout sera profondement senti, par lui la parole humaine aura revetu comme une forme nouvelle, tout ce qui est impressionnable et jeune se laissera aller a ses suaves melodies. Et 1'immense soif de melanco- lique repos qui vous saisit apres les revolutions trou- vera enfin a se desalterer dans le torrent harmonieux de ses chants. Le poesie va done enfin ressaisir son sceptre , elle va reconquerir Faction qu'elle doit avoir sur les esprits , limitation qu'elle etait, elle va devenir enseignement. La poesie biblique si longtemps oubliee va vivifier enfin les compositions de nos poetes, la poesie biblique la plus elevee, la plus noble qui fut jamais, puisqu'elle est divine. La poesie biblique, elan de Tame humaine vers le Createur, inspirations enthousiastes vers une vie nouvelle, apres la mort des sens, sublimes entraJ- nements vers un monde de pensees grandioses, hauls et saints temoignages de la puissance divine, admira- tions eclatantes pour les merveilles du monde, pleurs sublimes et divins verses sur les malheurs du monde et sa corruption. Tout est la, majeste et splendeur de la parole, haute expression de la grandeur de Thomme qui a compris la grandeur de Dieu. Quelle puissance , quelle irresistible force ! eh bien ! c'est a ces sources sa- crees que va puiser la poesie. Lyrique , elegiaque , dramatique , descriptive , la poesie va s'empreindre de nos moeurs et ]de nos croyan- ces : adieu les chants sceptiques tout rempli des ricane- ments du sensualisme ; adieu les chants tout remplis d?une mollesse apportee des rives de la Grece et de Rome. L'amour, Fintelligence, la volonte, le devoue- ment, la glorification de la beaut«3 morale, la charite, viendront animer les conceptions de nos poetes , avec les mysterieuses esperances et les meditations de Tame sur Tame. Alors les descendants des BERNARDIN DE ET DISSERTATIONS. 495 SAINT-PIERRE, des STAEL, des CHATEAUBRIAND, les admirateurs des letlres allemandes, favorises par les sympathies d'un gouvernement nouveau qui evoque sans cesse le passe pour enfoncer sa base hors des at- teintes de rinstabilite , s'elanceront dans les vastes champs de 1'infini et feront entendre des accents emi- nemmentpoetiquesqui agiront fortementsur une societe heureuse de reprendre au spiritualisme.Ils redeviendront nationaux par le souvenir des siecles ecoules, par la ten- dance religieuse , bienfaisante renovation pour une epoque malade de scepticisme et fiere de se sentir encore quelques elements de croyance. L'ecole des LAMARTINE, des VICTOR HUGO , des SAINTE-BEUVE , chantera pour deplorerlemal, mais, sans chercher le remede; on aura des extases infinies , on se laissera aller a de delicieuses melancolies-- mais ce vague , mais cet espoir sans cesse dec,u, mais ces extases, est-ce la tout ce que saura nous montrer la poesie, et bornera-t-elle son action a satisfaire les gouts un peu r6veurs du siecle, qui se repose apres avoir remue le monde de ses agitations. Et quand la forme personnelle de la poesie ou la poesie lyrique aura chante nos douleurs, nos doutes, nos aspirations; quand la poesie dramatique nous aura montre la nature exterieure, et qu'elle aura, evoquant tout un passe curieux sans doute, remplace Faction par le spectacle, invoque le machiniste au lieu de Timagination \ quand elleaura, en vue de notre amour pour les choses du passe, fait oeuvre d'antiquaire au lieu d'une oeuvre d'artiste, quand elle aura glorifie les passions les plus ignobles en les combattant par de trop faibles contrastes ; quand tous les poetes auront satis- fait aux fantaisies du siecle , nous n'aurons pas le droit de leur crier ! « Vous restez sans cesse dans notre voie, » monlrez-nous done le chemin nouveau de la societe » humaine,vousCtesdisciples5soyezdoncenrinmaitres,)) 496 M&HOIRES La poesie alors reprendra son essor, elle deploiera ses ailes d'azur, et, s'elanc,ant aux premiers rangs de 1'humamte elle lui dira en lui montrant 1'avenir : « Marchons ! » Alors elle sera grande et sublime, alors Tepoque de transition ou Ton regarde en dedans de son ame pour Fanalyser, afin de fuir de trop poignantes realites, sera achevee $ la poesie, loin d'enerver le coeur, le retrem- pera , 1'epurera, 1'agrandira. Un ideal base sur la verite et la raison remplacera un ideal materiel , objectif. Alors 1'empire du monde intellectuel sera sans contestation, le partage de la poesie, parce que, vive, animee, souple et flexible dans sa forme, elle sera grave, elevee, saisissante par son but. Elle ne s'arretera pas £ satisfaire aux exigences des epoques , elle offrira des enseignements aux societes. Sa force sera dans le sentiment d'independance qui agit si fortement sur 1'esprit des peuples , elle sera dans le sentiment reli- gieux qui est appele £ realiser pour Thumanite la grande pensee de Vunite'. Le temps du scepticisme sera fini , 1'atheisme ignoble qui paralyse Tame, aura disparu; la poesie dira qu'il faut qu'il y ait au-dessus des fluctuations incessantes de 1'esprit humain , au-dessus des maximes si souvent chancelantes de la raison pure , au-dessus des theories changeantes qui gouvernent les societes, au-dessus des formules incertaines qui regissent 1'humanite , quelque chose qui ne chancelle point, quelque chose qui soit certain , et qui reste immuable 5 une ancre & laquelle on puisse se prendre dans les orages et les boulever- sements politiques , un rocher qui surgisse sans cesse au milieu des flots agites, un phare qui montre la route a suivre quand tout chemin s'eflace dans le desert que cree Tabsence de toute foi , cette ancre , ce rocher^ ee phare, c'est le christianisme!.. ET DISSERTATIONS. 497 Loin de nous la pensee blamable de Jeter a la poesie le christianisme comme un instrument , comme un moyen, la poesie doit Taccepter comme une foi , comme une croyance, comme la verite.Ce sera pour elle 1'arche sainte autour de laquelle tous les peuples devront faire fumer leur encens, elle le proclamera inviolable et sacre, puissance immobile au milieu des pouvoirs trop mobiles de I'humanite. La poesie chantera 1'unite du monde par le Christ;, elle sera alors grande , forte et puissante 5. elle guidera les peuples vers ces temps heureux et feconds del'avenir oii, d'un bout du monde al'autre, Thomme trouvera partout dans Thomme un frere. Les liens sacres de la famille seront resserres, les pouvoirs reprendront de la vigueur, la poesie fera comprendre que le sacrifice et le devouement ont la place de Tegoisme et de la per- sonnalite. En ecrivant sur son drapeau ces mots : Orbis unitas Christo et libertas , sa parole sera assez puis- sante pour entramer le monde dans les voies qui le conduiront au bonheur. 498 MEMOIRES LETTRE I)K M. L'ABBE DARTOIS, Cur6 de Villers-s.-Montrond, Sur les patois de Franche-Comte'. A M. le President de la 5°. Section du Congres. MONSIEUR , J'ai fait tous mes efforts pour tenir pr6t a temps le travail que je vous avais promis sur les patois de Franche-Comte. En vous 1'adressant, j'aurais voulu avant tout offrir ce tribut de reconnaissance a 1'Aca- demie de Besangon; et puis, j 'avals lieu d'esperer que la publicite donnee a cet essai aurait ete un excellent prospectus de mon grand ouvrage sur nos patois , qu'elle m'aurait attire la bienveillance, les conseils, et peuMHre les communications de plusieurs savants etrangers, et qu'en interessant plus directement mes compatriotes a un ouvrage qui ne peuMHre celui d'un homme seul , elle m'aurait assure dans la province de nombreux correspondants qui m'eussent aide dans mes recherches. Malgre mon bon vouloir, il ne m'a pas ete possible d'arriver a temps : des derangements imprevus m'ont derobe une partie des instants deja si courts sur lesquels je comptais-, d'un autre cote, la recherche et le classement de mes materiaux m'ont arr^te plus longtemps que je ne 1'avais prevu 5 et a 1'heure qu'il est, la redaction de ma notice n'est pas encore commencee. C'estvous dire que je ne pourrais guere vous donner qu'un travail incomplet, inutile; et peut-6tre est-il ET DISSERTATIONS. 499 mieux de se taire tout-a-fait que de s'exposer a gftter une belle cause en la presentant mal. Assez de defaveur s'attache a Tetude des patois, ce qui, a mon avis, vient moins de la matiere elle-meme que des ecrivains qui Font mal digeree en negligeant de Tapprofondir ou en restreignant trop leurs vues, et, puisqu'il s'agit de faire apprecier cette etude comme elle le merite, il faut en parler avec assez d'ascendant pour lui concilier les suf- frages de ses detracteurs. Ici, ce me semble, trop de precipitation nuirait a 1'oeuvre : il y a plus de profit a atteindre le but un peu plus tard qu'a courir en ecervele au risque de briser sa roue au milieu de la carriere. Ce qui m'afflige le plus dans ce delai, c'est la peinequ'il peut vous causer, et le benefice inutile que j'ai fait en renon^ant aux seances interessantes du Congres pen- dant cette semaine. Voici le plan sur lequel j'aurais trace le memoire que jevous aurais adresse sous le titre de Coup d' ceil sur les patois de Franche-Comte", et particulierement sur ceux du departement du Doubs. Toutes reflexions faites, j'a- vais pris un peu plus mon large , parce qu'un expose trop succinct laisse le lecteur dans le vague, et Texpose toujours a regarder comme des theories peut-6tre fausses les assertions qui ne sont pas justifiees par un nombre suffisant de preuves. En vue des personnes qu'egare une facheuse pre- vention, je commence par quelques considerations ra- pides sur les avantages des patois. La philosophic y decouvre des langues d'une regularite et d'une simpli- cite qui etonnent , pauvres sous certains rapports , in- (iniment riches d'autre part, et non moins propres que les langues plus generalisees a faire admirer le tra- vail de 1'intelligence humaine. L'histoire y puise des do- cuments precieux sur la religion , les moeurs , les usages , les antiquites , sur les migrations des peuples 500 MEMOIRES et les rapports qu'ils ont eus entre eux , etc. La juris- prudence y rencontre la solution des difficultes que pre- sentent des chartes et des dipldmes autrement intelli- gibles. Et quant a la litterature, elle y trouve les mate- riaux les plus riches pour etablir la filiation des langues, pour expliquer en particulier la formation des langues nationales , pour rendre a la science etymologique la certitude et Tautorite que lui ont fait perdre des tra- vaux hasard^s ou ridicules, pour rectifier 1'explication souvent fausse des auteurs du moyen-^ge , pour com- pleter, confirmer ou corriger les interpretations des meilleurs glossateurs, etc., etc. Enfm, 1'etude des pa- tois est propre a inspirer une juste defiance de tant de systemes generaux sur les langues bfttis, trop prematu- rement et pouvant bien 6tre ruineux malgre toute 1'ha- bilete des ouvriers , parce qu'avant d'elever le falte de redifice,il faut en poser les fondements qui sont encore bien loin d'etre assez elendus et assez solides. A ces considerations succedent quelques vues sur la maniere d'etudier les patois. La methode comparative est seule capable de prevenir les bevues et les inepties dans lesquelles on tombe in6vitablement des qu'on se concentre dans le cercle d'etudes restreint qu'offre une localite. Les idiomes s'eclairent les uns les autres , et si, comme tant de glossateurs , Ton prend pour une forme absolue la forme donnee qui n'est tres-souvent qu'une modification tres-eloignee de la primitive, on s'escrime en pure perte a expliquer des mots qu'un idiome plus ou moins rapproche aurait montres sur le champ sous leur vrai point de vue. En attendant , on a tout brouille , tout confondu 5 et Ton aurait rendu un service , plus reel a la linguistique en ne donnant qu'une nomenclature seche , qu'en herissant son travail d'etymologies fausses , qui deconcertent toujours plus ou moins le lecteur m£me habile. — II faut en dire au- ET DISSERTATIONS. 501 tant de la manie de tout expliquer parune seule langue, par exemple le latin : les langues se tiennent toutes , et il s'en trouve on ne sail combien dans 1'idiome du plus petit hameau. — Folie encore de vouloir rendre compte de tout, m6me quand on a pris Thabitude de comparer les idiomes-entre eux : un certain nombre de mots demeurent necessairement inexplicables , ou parce que leurs analogues n'existent nulle part ou sont encore a deterrer , ou parce que Jes formes donnees sont trop degenerees pour permettre les rapprochements, ou parce que {'alteration des sens qu'aucun intermediate connu ne rapproche , em- peche de saisir la parente cherchee. Se servir de tout sans s'asservir a rien , fuir les systemes comme des fleaux de la science , ne donner pour certain que ce qui est irrecusable , presenter comme douteux ce qui peut-elre conteste, sans negliger d'appuyer les conjec- tures raisonnables des preuves qui peuvent etablir une presomption, sans dissimuler ce qui peut en infirmer la force-, se taire au besoin et presenter le mot nu, en sacrifiant 1'insignifiant cortege de science qu'on peut toujours lui donner quand on veut a toute force re- soudre ce qui est insoluble : voila , a mon avis , quel- ques points sur lesquels un sage philologue doit se re- gler dans ses investigations sur les langues. J'ajoute qu'aux clefs connues d'etymologie on peut aj outer avec beaucoup de bonheur les rapprochements intellectuels quiconfirmentsouvent, dTune maniere decisive, les rap- prochements materiels qui laissaient encore quelques doules : combien de fois, avec des elements phoniques tout divers , deux mots sont identiques ou presque identiques quant a la pensee! Su^a/A/Savw, comprehendo, concevoir , saisir, capisco (ital.), etc. Ce precede, en- core trop peu suivi, peut avoir, si Ton n'en abuse pas, des resultats etonnants pour la science etymologique. 502 WHSMOIRES • — Enfin je signale des lacunes dans les livres ecrits sur les patois : la principale est 1 'omission des formes de grammaire , et particulierement des verbes , ce qui ne permetpas aux obscrvaleurs a vue un peu plus etendue les comparaisons d'idiome a idiome, et ce qui retarde necessairemenl le classement general des patois d'une nation. Je divise le corps de 1'ouvrage en six chapitres. Chap. I. Usage et( etendue des patois en Franche- Comte; leurs fractionnements multiplies. Chap. II. Origine des patois de Franche-Comte. Us se rapportent tous a la langue latine et aux dia- lectes nombreux de 1'ancienne langue romane. Comme celle-ci, ils sont charges de mots que leur ont fournis ou les langues indigenes et exotiques , preexistant a la conquete romaine, ou celles des peuples qui ont tour a tour fait irruption dans la Gaule depuis cette epoque , ou celles des peuples voisins. line masse de nos mots patois se retrouve dans le latin, dans la basse latinite, dans 1'ancienne Jangue franchise , dans 1'ancienne langue des troubadours et des dialectes nombreux encore existants dans le midi , en France, en Italic, en Espagne. Et pour mettre cette verite dans tout son jour, je presenle un tableau de mots comtois, inconnus au francais, et appartenant a tous ces idiomes, souvent au plus grand nombre simultanement. Ces citations sont assez claires pour etre incontestables quant a 1'e- tymologie, et assez nombreuses pour prouver que les rapports signales n'ont rien de fortuit. J'indique de meme la part qu'ont pu fournir a nos patois le grec et les langues anciennes , les langues sep- tentrionalesauxquelles nous touchons, Fanciennelangue celtique , du moins en ce qu'elle a de positif et d'in- contestable... ET DISSERTATIONS. 505 Suit un autre tableau indiquant la manure dont nos patois ont conserve les themes primitifs ; et leur marche ici , habituellement diflerente de celle du francos , de- montre tout a la fois et 1'anciennete de ces idiomes et les avantages qu'on peut retirer de leur etude pour ar- river a Tetymologie immediate des mots franc,ais in- connus. Autre tableau indiquant comment les patois se sont approprie les mots primitifs par une terminologie et une composition propres. Tableau de quelquesmots onomatopiquesoufactices. Chap. III. Divisions et caracteres des patois de Franche-Comte. On peut les rapporter tous a deux grandes sections, a subdivisions infmies , mais toujours tres-rapprochees par les points principaux. Les uns, ceux du pays-bas proprement dit, se rapprochent pour la forme de la langue (Tot/ ou ancienne langue franchise •, les autres, ceux de la montagne et d'une partie de la demi-mon- tagne, sont plus rapproches del'ancienne langue d'oc, et tout-a-fait voisins des idiomes du midi de la France, avec lesquels on pourrait les ranger, malgre quelques proprietes qui sembleraient s'y opposer, etqui viennent de Taction du patois franc.ais sur eux. Caracteres generaux de nos patois, avec les principals modifications locales... Articulations propres Vocalisation Emuet; autres voyelles muettes comme dans les idiomes chan- tants... Changements que le genie local apporte a la pronon- ciation des vocables... Terminaisons propres. Comparaison sur un grand nombre de points avec les idiomes neo-latins, et particulierement avec 1'italien, Fespagnol , le portugais , et les idiomes du midi de la 504 France, point de contact avecles patois clu nord, avec les langues septentrionales... Ce chapitre , dont il m'est impossible de donner une idee suffisante, sera, je 1'espere, un des plus interes- sants pour les linguistes. Chap. IV. Observations sur la grammaire... Article... Nom. . . terminaison feminine diverse pour le singulier et le pluriel, comme dans les langues meridionales... Pronoms... Especes de pronoms prefixes et n'a- joutant rien au nombre des syllabes dans les verbes... Adjectifs... Adverbes en ment derives des adjectifs. Verbe.... C'est a cet article que je consacrerai le plus de temps et derecherches. L'inspection seule du verbe doit indi- quer au connaisseur ce qu'est un idiome, et a quel ^utre il se rattache immediatement. Pour montrer Ta- nalogie frappante, et dans plusieurs cas 1'identite sou- tenue de nos verbes patois avec ceux des langues meridionales et de 1'ancienne langue franchise , je pre- senterai , apres un tableau d'une trentaine de formes principales choisies dans la province, un tableau qui les resume en deux ou trois capitales 5 et je comparerai alors celles-ci a la langue latine prise dans ses formes classiques ou plus anciennes, puis a la langue romane, et a ses derives , Titalien , Tespagnol , le vieux fran- c.ais , etc. Ce tableau ou je ferai entrer au besoin les formes les plus antiques de chacune de ces langues (car j'ai un travail avance sur cette partie), ce tableau par- lera seul. JTaurai soin toutefois d'y joindre des explica- tions utiles , et en montrant Fantiquite de nos formes comme leur extreme simplicite , j'aurai 1'occasion de rendre compte d'une maniere satisfaisante des formes toutr-a-fait inappreciees de la langue franchise actuelle. ET DISSERTATIONS. 505 €'est en lisant ce chapitre qu'on sera etonne des ri- chesses que presentent nos patois. Chap. V. Euphonic... et combinaison qu'elle amene dans nos patois... Chap. VI. Prosodie... Contact avec leslangueschari- tantes du midi... Lapourraitfinirma t^che. Cependant, pour terminer plus convenablement , il serait bon d'etablir une reca- pitulation des rapports nombreux qu'ont nos patois avec les langues meridionales et de meltre sous les yeux du lecteur un choix eourt de morceaux patois qui ache- vassent de le convaincre. J'aurais voulu aussi, a la suite de ce travail, annon- cer mon grand vocabulaire patois , en indiquer le plan pour provoquer les conseils et les communications , et donner pour specimen quelques articles representant des families plus ou moins nombreuses. Vous voyez , Monsieur, que je n'avais pas assez de huit jours pour remplir un si vaste plan , qui encore est expose ici bien sommairement. Je vous demande pardon d'avoir trop compte sur mes forces, ou plutot de n'avoir pas reflechi en vous faisant ma promesse. Y a-t-il moyen de reparer ma faute ? Tout bien pese, je me fatiguerais et je me mettrais a bent en voulant vous preparer pour ces jours-ci un echantillon bien imparfait de mon savoir faire. Ne vaudrait-il pas mieux prendre mon temps , et tenir pret mon travail pour le moment de Timpression du volume qu'enfan- tera le Congres ? Si ce n'est pas demander a la noble as- semblee une derogation impossible a ses statuts , que de lui presenter un plan aride sans autrepreuved'ha- bilete, je m'engage a tenir mon travail pret pour Fe- poque que vous m'indiquerez , et qui ne peut pas 6tre si voisine qu'elle ne me laisse un mois ou un mois et demi. En me restreignant au plus essentiel, je me re- 22 506 MEMOIRES serve une centaine de pages in-8°, au moins 80, et je m'engage aussi a ne pas depasser ces bornes. Si la chose n'est pas possible , parce que le Congres ne peut pas admettre un travail qu'il n'est pas a portee de juger, veuillez me le dire au plus t6t, au moins par un seul mot (car je congois que je vous demande un derangement dans ce temps d'occupations et de sur- charges ). II est temps pour moi de faire connattre mon plan pour 6tre a meme de mieux le remplir ; et si le Congres , dont je respecterai la decision , ne peut pas admettre mon Memoire , alors , le redigeant de suite sur un plan plus developpe, je 1'amenerai aux propor- tions d'un volume de 400 a 500 pages in-8°, et je le livrerai cet hiver a Fimpression. Ainsi redige , je Fes- pere, il n'en vaudrait que mieux. Dans ce cas, ayez la bonte de prier les membres du Congres et surtout les Linguistes, de m'honorer de leur souscription... J'ai Fhonneur d'etre , etc. Villers-sous-Montrond , le 5 septembre 1840. DISSERTATIONS. 507 DISCOURS Sur I'origine de la langue rustique de la Franche- ComW, PAB M. DES. AIOKNIER. MESSIEURS,, Peul-£lre y a-t-il des personnes qui croient que le franc,ais est la langue des Francs ? — • Pas du tout. Les Francsetantd'originegermaniqueparlaient le tudesque. Trop peu nombreux d'ailleurs pour dominer la masse des populations subjuguees, ils auraient vainement essay e de subslituer le francique au langage commun. Ils respeclerent, done le latin que parlaient les grands et les magistrals etablis dans les Gaules , et le gaelique inderacinable des indigenes. « Les premieres ordon- » nances de Charlemagne enjoignirent a tous les ev6- )> ques de faire leurs instructions en latin , el de les » traduire ensuite au peuple en langue vulgaire (i). »' Ainsi les Francs ne nous ont impose , en fait de langue, que leur nom. Peut-6tre aussi y a-t-il des personnes qui se sont imagine que la langue romane etait celle des Romains? — Pas du tout encore. Les enfants de Rome n'ayaient guere mieux reussi a naturaliser le latin dans les Gaules, bien qu'ils en eussent rendu rintelligence indispensable aux habitants de leurs provinces. II est reste beaucoup de latin dans les monuments des vainqueurs , et pas (i) Li COMBE. 508 MEM01RES infmiment dans la bouche des vaincus. Ce n'est que par opposition a 1'invasion du tudesque que Ton distingua la langue des Gallo-Ro mains par la denomination de Romane (i). Peut-6treenfinya-t-ildes personnes persuadees que le celtique a ete le premier idiome parle dans les Gaules ? — Pour la troisieme fois, pas du tout. Avant les Celtes , les Galls occupaient notre pays. II y avaitentrele gaeliqueet le celtique assez de difference pour que SULPICE-SEVERE, pretre gaulois sous le regne de Julien, ait juge a propos de faire dire par celui de ses interlocuteurs qui raconte la vie de saint Martin : Tu vero vel celtice vel, si mavis, gallice loquere. Mais cette difference , Messieurs , qui serait a meme de la demontrer aujourd'hui? Notre savant compatriote BULLET , qui s'etait occupe toute sa vie de la langue gauloise et de la langue celtique, les distingue a peine 1'une de 1'autre. Le gaelique, modifie par 1'influence des dialectes etrangers , forme encore la base de notre langage 5 et le patois , en apparence si varie , n'est au fond que le vieil instrument dont la grande nation gauloise se servait des son origine. Les beaux esprits de TEmpire qui avaient fait de la langue de Romulus une langue euphonique et gracieuse, ne supportaient pas trop patiemment les asperites gutturales et les hiatus des Galls et des Germanes. A cette occasion, oserai-je, Messieurs, vous dire que c'est probablement de patos , terme par lequel ils auront exprime le langage grossier du vul- gaire , que s'est forme le mot patois dont nous faisons encore usage? De la comparaison des patois, rassembles de tous les points de la France , dans les me'moires de la socidte royale des antiquaires , il rd suite que , A la pronon- (1) Itelie Bertraod. ET DISSERTATIONS. 509 ciation pres , la plupart sont identiques ; et que la dif- ference que Ton remarque dans les autres, procede du contact des etrangers , qui , necessairement , a raison des relations commerciales , finissent toujours par operer des echanges de mots. Ces nuances sont bien anciennes , puisque STRABON les a signalees. Les peuples de la Gaule, disait-il, usent de la m6me langue ; mais elle differe tant soit peu d'une province a 1'autre. Toutefois, ces modifications etaient si peu sensibles , malgre la distance des lieux et 1'in- tervalle des temps, que St. JEROME nous apprend qu'on parlait dans la Galatie ft peu pres comme a Treves. Qu'on veuille bien y porter son attention ! La distance du Rhin au fleuve Sangaris est fort grande , et, lorsque St. JEROME faisait ce rapprochement du langage entre les Trevires et les Gallo-Francs, c'est-a-dire en 592, il y avait environ sept cents ans que les Galls avaient ete rec,us dans 1'Asie mineure. Voila un temoignage que je donne a mediter aux personnes difficiles qui s'eton- neraient de voir attribuer a notre dialecte populaire une conservation si merveilleuse. J'ai lu, et, je puis le dire, j'ai relu avec un vif interet Fopuscule d'un savant de Montbeliard (i) , sur les patois de la Franche-Comte' , de la Lorraine et de I' Alsace. J'y ai trouve autant de hardiesse que d'eru- dition, et, je dois avouer, sans accepter toutes ses pro- positions, que 1'idee de faire de CICERON et de VIRGILE des bommes qui parlaient notre patois gaelique , cor- rompu ou perfectionne , est non-seulement originale , mais feconde. M. FALLOT avait remarque que les Galls, sous la (i) M. S.-F. FALLOT, de la meme famille que Gustave FALLOT, enleve si jeune aux lettres , avant d'avoir pu mettre la derniere main a ses reclierches sw les formes grammaticales de la langue francaise au 13e. svecle* 510 MEMOIRES conduite de Bellovese, s'etaient avances jusqu'au bord du Tibre, et avaient form6 la population de la partie septentrionale de 1'Italie -, tandis que les Pelages en oc- eupaient la partie meridionale. II en deduit la conse- quence assez plausible, que le gaelique se parlait dans la moitie de 1'Italie, meme dans la ville aux sept collines. Le dissertateur aurait du ajouter que du gaelique, immediatement en contact avec le grec, etait ne le latin; car DENYS D'HALICARNASSE prouve qu'il connait bien le genie et la nature de la langue des Romains, lorsqu'il dit que cette langue n'est ni entierement barbare ni en- tierement grecque, mais qu'elle est une combinaison de Tun et de 1'autre idiome. M. FALLOT aurait du ajouter encore pour rendre raison de 1'etrangete de certains mots latins, dont les radicaux se tirent de 1' idiome des Teutons, que les Tusques (comme 1'indique leur nom) etaient des Teus- ches installes , avant les Galls , dans le pays qui a pris le nom de Toscane : car trompe par une fausse inter- pretation d'AuLUGELLE , M. FALLOT assimile mal a propos 1'idiome gaelique au dialecte toscan. Convenons que la combinaison de ces trois elements, le grec, legaeliqueet letudesque, suflit pour expliquer la formation de la langue des Itales : alors nous conviendrons egalement que cette langue italique devait 6tre so&ur de la ndtre, car la n6tre se composait aussi, 1°. de gaelique pur, qui en etait le fonds 5- 2°. de tudesque a cause de 1'invasion des Kimris et des Teutons ou des Celtes ; 5°. de grec a cause de nos relations avec les Hellenes et avec les Phoceens de Massilie , et de la religion des Druides- Voila done pourquoi nous trouvons tant de rapports entre le patois de nos provinces et Tilalien 5 je n'ose pas ajouter avec 1'espagnol, quoiqu'en efiet Fespagnol presente de frappantes analogies avec Fitalien. : ]e ET DISSERTATIONS. 511 craindrais de donner de 1'importance a la bizarre opinion de quelques personnes, persuadees que la domination de TEspagne sur le Comt6 de Bourgogne a du exercer une grande influence sur le vocabulaire rustique du pays. Ces personnes ne veulent pas voir que la Franche-Cointe n'a etc espagnole que de quali- fication 5 qu'elle etait gouvernee et defendue par ses propres habitants •, que si , dans les temps de guerre , on y a envoye des troupes, elles n'y ont pas fait de longs sejours; que si, a la faveur des mfimes circonstances,deux ou trois espagnols ont ete mis a la t6te de ses conseils, ce n'est pas une raison pour qu'ils y aient fait, en quelques mois, une revolution dans la linguistique. Pour en revenir au livre de M. F ALLOT, il constate que le dialecte vulgaire du Montbeliard est identique avec ceux que Ton parle sur toute la chafne du Jura et sur toute la chalne des Vosges. II fait voir aussi, avec J. LE MAIRE DE BELGES , que le patois s'appelle Wallon (0 dans le Hainaut, le Cambresis, 1'Artois, aux environs de Liege et de Namur, dans les Ardennes et dans toute la partie du Brabant qui se qualifie de Romane, pour y distinguer la race des Galls de la race des Germanes. La m6me distinction a lieu dans la haute Alsace ou le patois gallo-roman et le ludesque sont encore en pre- sence sans se meler : si, dans ce pretendu pays romain, vous demandez a un alsacien quelle est la langue qu'on y parle , il vous repondra que c'est la romaine ou le rtiman. II y a de m£me une Suisse Romande , c'est la Suisse occidentale qui touche au mont Jura , c'est cette partie (i) Wallon signifie gaulois, dit HELIE BEBTHAND en citaiit la Flandre Vallorie. Ceux que les Remains appelaient Gallos, les Allemands les appelaient Welches ou Vahlen. 512 M&HOIRES de la petite Burgundie, de la Burgundie cis-jurane du moyen age ou 1'allemand n'est point la langue popu- laire 5 c'est enfin cette Suisse que les populations ale- maniques de la Suisse orientate appellentde son veritable nom Welsch land, c'est-a-dire la terre des Galls, le pays gaulois, comme les Anglais appellent Welschland leur principaute de Galles. II reste meme (a ce que Ton croit) une trace de cette origine dans la denomination du pays de Vaud , le pagm Valdensis du testament de Charlemagne. He bien! dans cette Suisse romande que j'ai etudiee, c'est, a peu de difference pres, le m6me dialecte, et je vous enoffrirais desmilliersdepreuvessi je convertissais ma notice en glossaire , travail absolument a part , auquel je ne dois pas me livrer ici. II me suffit d'avoir indique Forigine de notre dialecte : des preuves tirees de la comparaison de nos termes vulgaires avec le latin, ameneraient une foule effrayante d'etymologies , qu'il vaut mieux renvoyer a un travail special et appro- Condi sur cette matiere. fi* tilsSERTATlOflS. 515 DISSERTATION Sur I' Arc de Triomphe de Besancon (i), PAR M. RAVfEB, Ancien Oflicier d'Artilleiie. Puisque 1'histoire et la tradition ne nous ont pas transmis le nom de Fempereur en Fhonneur duquel a ete erige Tare de triomphe de Besancon, il est permis, sans manquer aux egards dus aux savants - qui ont cherche a le decouvrir, d'avoir une opinion differente de la leur, surtout lorsqu'on peut 1'appuyer sur des titres et par des moyens qui n'etaient pas a leur disposition. (I ) L'arcde triomphe, connu sous le uom de Porte-'Noire, est le plus ancien monument de Besancon. Les historiens de cette ville ne son! point d'accord sur le prince auquel il est dedie\ Deux dissertations ont ete soumises au Congres sur cette question interessante : Tune par M. 1'abbe GOUSSET, cure de Lavoncourt, et I'autre par M. RAVIEH, ancien officier d'artillerie. M. GrOcssET essaie de prouver que 1'arc de triomphe fut eleve a 1'honneur d'Aurelien. Son memoire, ecrit avec une elegance remar- quable, se recommande par d'ingenieux apercus et par une erudition solide; mais le systeme qu'il a adopte rentre dans celui que J.-J. Chifflet a expose dans la \ re. partie de son Vesontio, et par consequent n'offre rien d'absolument neuf. M. RAVIER attribue 1'arc de triomphe a Marc-Aurele. D. BEHTHOD avait deja mis en avant cette opinion, mais sans 1'appuyer d'aucune preuve. M. RAVIER a tente de la fortifler par 1'histoire et par une explication ingenieuse des bas-reliefs qui decorent ce monument. Son travail jette un nouveau jour sur ce point important, et c'est ce qui decide la commission a le publier. Nous regrettons que nil'un ni I'autre de ces laborieux et savants archeologues n'ait cherche des preuves , a 1'appui de son sentiment , dans la comparaison des monuments de 1'architecture romaine a ses di verses epoques. 514 MEMOIRES MM. les secretaires generaux du Congres out sage- ment pense que la question devait etre remise en dis- cussion, et qu'une nouvelle enqueue (s'il est permis de s'exprimer ainsi) devait avoir lieu, puisqu'on avait de nouvelles pieces et de nouveaux documents a produire dans les bas-reliefs que d'anciennes constructions ont longtemps d6robes a la vue. Les parties mises au jour sont : 1°. toute la face meridionale (1)5 2°. I'intrados; 5°. et les pieds-droits qui soutiennent la voute. Apres le regne long #1 presque entierement paci- ilque d'Antonin Pie , Marc-Aurele, son fils adoptif, fut appele, seul , par le senat, a lui succeder. Marc- Aurele associa a 1'empire Lucius -^Elius-Verus, qui avail aussi etc adopte par Antonin Pie. Les belles qualites, les grandes conn^issances , les talents guer- riers de Marc-Aurele sont assez connus ; je n'en ferai mention que lorsque j'en aurai besoin pour expliquer les bas4reliefs> du monument. A la mort d'Antonin Pie, qui arriva au mois de mars 161 de Fere vulgaire, Marc-Aurele exergaitson troisieme consulat qu'il avait commence n'etant encore que Cesar. La tranquillite cessa; les ennemis des Romains, voulant, sansdoute, profiler des commen- cements, tbujours difficiles , d'un nouveau regne, s'agiterenl (2). On voit par les revers de beaucoup de (1) On designera par face meridionale la grande face qur est du cote de la cathedrale St.-Jeaa , par face septentrionale , la face op- posee. La petite face qui est du cote de 1'archeveche sera appelee face droite, et 1'autre face gauche. (2) Fuit eo tempore etiam Parthicum bell urn, quod Vologesus pa- ratum sub Pio, Marci et Veri tempore indixit , fugato Atidio Corne- liano qui Syriam tune administrabat. Immiuebat etiam Britanicum, bellum et Catti in Germaniam ac Rheliam irruperant, etc. Ad Parthicum vero bellum, senatu consentiente , V«rus frater eju» missus est. Jn,. CAPITOLIXUS, fol.44. ET DISSERTATIONS. medailles de Marc-Aurele , qu'il remporta par ses lieu- tenants (car il elait reste a Rome) plusieurs victoires eclatantes : en effet on y lit « imperator VI, impe- )) rator VII, imperator VIII et toujours consul III. » Lucius-^Elius-Verus avait etc , dans le m6me temps , envoye, du consentement du senat, dans TOrient, oii il ne s'occupa que de ses plaisirs •, mais il remporta de grands avantages par ses lieutenants $ en sorte que Marc-Aurele et lui acquirent le surnom La guerre terminee, et ils triompherent ensemble (1)5 mais ce ne sont pas ces victoires qui sont representees sur notre arc de triomphe. Passons a la description des di verses parties du mo- nument (2). La par tie droite , qui a etc restauree , ne presente rien a examiner. La partie gauche offre , entre les deux colonnes du deuxieme corps d'architecture , un personnage , grand et jeune, tenant de la main droite la haste pure ou sans fer, sur laquelle il s'appuie. Dans la main gauche est la massue elevee, et sur le bras pose la peau de lion. Sous les attributs d'Hercule, je reconnais Com- modus-Antoninus , qui , comme on sait, affecta de pa- rattre en Hercule et d'en prendre les attributs. Le senat, par lache flatterie, 1'appela Hercule et Dieu (3). La petite colonne qui est a la gauche d'Hercule est couverte de soleils enfermes dans des lozanges , pour indiquer , dit-on , TOrient ;• je croirais plutot que c'est (<) Ibid., 46. (2) Je me sers des figures de J.- J. CHIFPLET ; mais je n'adopte pas ses explications. (5) Sed etiara senatus se ipsum Commodianum vocavit, Coramo- dura Herculera et Deura appellans. ^EL. LAMPBIDIUS, fol. 62, verso. 516 MEMOlRES une allusion au culte de Mithra que Commode avail dti pratiquer. Commode alia dans 1'Orient avec son pere, qui voulait le retirer, s'il etait possible, des plaisirs et des debauches de Rome , pour apaiser la revolte d'Avi- dius-Cassius , qui depuis longtemps commandait dans ces regions et qui, sous ^Elius-Verus, avait vaincu les Parthes. Marc-Aurele avait quitte TAllemagne ou il etait occupe a la guerre des Marcomans et des Sar- mates; il avait hate d'arreter cette revolte de Cassius a qui il savait que 1'armee etait affeclionnee. Cette revolte fut promptement apaisee; la tele de Cassius fut apportee aux pieds de Tempereur qui la fit inhumer. Marc-Aurele pardonna avec plus on moins d'empressement aux villes d'Alexandrie, d'Antioche et autres qui avaient pris le parti de Cassius. II fit la paix avec plusieurs rois et avec les envoyes des Perses qui venaient le trouver. II visita TEgypte, toujours avec son fils. Ce fut aux pieds du mont Taurus que sa femme Faustine, qui Tavait accompagne, mourut subitement. Marc-Aurele revenant avec Commode par mer, en Italic, eprouva une furieuse lempete (2). Sur la petite colonne , a la droite d'Hercule sont quatre bas-reliefs : le plus eleve represents un person- nage qui tient un serpent de chaque main : on veut y reconnaftre Esculape. J'y reconnais plutot Serapis, au culte duquel Commode s'etait fait initier lorsqu'il etail en Egypte- II pratiquait aussi les ceremonies du culte d'Anubis et d'Isis , autres divinites de TEgypte (2). Cetle partie du monument a besoin d'etre etudieedenouveau. (1 ) Revertens ad Italiam navigio tempestatem gravissimam passus est. JCL. CAP IT., fol.62, verso. (2) Sacra Isidis coluit, ut et caput raderet et Anubinportaret.... Isiacos vero pineis usque ad perniciem pectus tundere cogebat. Cum Anubin porlaret, capita Isiacorum graviter obtundebat ore simula- cri, etc. jSEL. LAMPRID., fol.63. ET DISSERTATIONS. 517 Le deuxieme represente un personnage assis surune clepsydre ayant a sa droite une faux; c'est Saturne. Le troisieme represente un personnage qui semble tenir une trompette. Sur le quatrieme est un personnage debout regar- dant en haut et a sa droite. Au-dessous d'Hercule , entre les grandes colonnes , dans la par tie superieure , une grande figure nue et debout, un homme a sa droite en habit militaire , semble 1'attirer a lui , tandis qu'a sa gauche une fi- gure nue (qui paratt 6tre la volupte) veut le retenir. Au-dessous, une figure de fenime, habillee soi- gneusement , tient de chaque main un enfant nu a la hauteur de ses epauleset derriere deux autres figures. J' incline a croire que par ce grouppe on a voulu re- presenter les largesses qui eurent lieu a 1'epoque du mariage de Commode avec la fille de Burrhus (0. La colonne a gauche, sans ornement, provient d'une ancienne restauralion. La colonne droite est couverte de cinq bas-reliefs ^ le pied droit a cote de la colonne en contient six ; on y voit, ou on veut y voir des divinites, des ennemis vaincus livres a divers genres de supplices. Dans les places triangulaires au-dessus des impostes sont deux grandes figures ailees, tenant d'une main une palme, et de 1'autre une guirlande de fleurs et de fruits , qui se raltache de chaque c6te , pres de la clef de la voute.Ce sont les signes des vicloires remportees par celui a qui a ete dedie le monument. Au milieu, un personnage vetu d'une longuerobe, qui laisse la cuisse droite en partie decouverte-, les bras sont aux trois quarts nus. De chaque cote en des- cendant quatre ou cinq figures terminees en queues de (1) Quare etiam cougiarium dedit populo. JDL. CAPIT., fol. 52, T-erso, MEMOlfcES poissons oil de serpents ( des tritons ou monstres marins) qui tous semblent attaches a un lien ou a une espece d'echarpe qui aboutit dans chaque main du personnage qui est au milieu. Les ecrivains qui ont parle de Commode se sont plus attaches a faire la chronique scandaleuse de ce fe- roce debauche, qu'a ecrire les evenements d'un regne qui a dure 12 ans. Tout ce qu'on peut trouver dans Thistoire pour ex- pliquer ces figures tracees sur rarchivolte, c?est la na- vigation perilleuse qu'il fit avec son pere, en revenant de 1'Orient, et que nous avons deja mentionnee. Com- mode courut-il de grands dangers, ou montra-t-il dans cette circonstance un grand courage, que la flatterie ait voulu transmettre a la posterite? Je ne puis decider. II serait peut-etre mieux d'y voir la representation des fleuves et rivieres que 16 heros avail pu franchir pendant ses expeditions militaires. Les deux figures qui sont le plus has de chaque cote sont couchees. On sait que les anciens representaient ainsi les fleuves qui portaient directement leurs eaux a la mer, et par des figures de bout les rivieres qui versaient leurs eaux dans les fleuves. Venons a la face meridionale et aux autres parties nouvellement decouvertes. Du cote de Tarcheveche, il n'y a qu'une colonne couverte d'arabesques , qui ne semble avoir aucun rapport avec les autres parties. Si cetle colonne, par la hauteur du fut et par son diametre, n'etait pas pa- reille a celle qui est de Tautre cote ; si elle n'etait pas composee du meme nombre d'assises , on la croirait prise d'un monument plus ancien. Derriere et au has est une seule figure, tout le reste appartieht a la restau- ration moderne. ET DISSERTATIONS. 519 Be 1'autre cote de Farcade il ne paratt qu'une seule colonne ; elle comprend six divisions formees par cinq anneaux saillants composes, les uns de rosaces, de petits globes, les autres diversement. lre. division a partir du chapiteau. On y voit un personnage nu, qui vient de decocher une fleche sur un animal qui fuit. 2e. Trois personnages debout semblent tenir conseil. 5e. Trois personnages : le principal acteur de cette scene, dans une posture suppliante, tend les mains au personnage qui est en face et semble Fimplorer centre celui qui le poursuit. 4e. Un sacrifice appele suovetaurilia. Le sacrificateur nu et debout, le couteau dans la main droite elevee, vient de frapper le taureau j le belier deja immole est couche a terre sur le dos; le cochon qui semble fuir , est arrete par un aide du sacrificateur. 5e. Trois personnages : celui du milieu est couronne des mains d'une femme elegamment vetue, placee a sa droite ; a sa gauche un musicien eleve deux cymbales , pr6t a les faire resonner. 6e. Deux personnages : un barbare nu tient de ses deux mains elevees au-dessus de sa t6te , une enorme pierre qu'il est pr6t a lancer sur un remain couvert d'une armure defensive, loricd squammed (i). Explication des bas-reliefs. Dans le ler., on se prepare a la guerre; le soldat s'exerce. Dansle2e., les chefs delibeYent. Dans le 5e., on remporte la victoire. Dans le 4e., on rend grace aux Dieux. Dans le 5e., on couronne le vainqueur. (it) Comme on en voit sur la pi. 16 de la Colonne Antonine. 520 MEMOIRES Le 6e. presente un genre de defense particulier au people auquel on fait la guerre (i). Dans I'entre-colonnement. ler. Dans le premier bas-relief au-dessus du sous- bassement , une femme assise tient de la main gauche une sorte de come d'abondance. 2e. Une femme nue a 1'exception de la cuisse droite en partie recouverte par une draperie : a ses pieds et a sa droite un aigle qui tourne sa t6te vers elle. Dans cette figure, dont la tete et le bras manquent, nous devonsreconnaftre, sous les traits d'Hebe, Lucille, fille de Marc-Aurele et de Faustine. Cette princesse etait venue dans les Gaules, oii il paraf trait qu'elle aurait rendu des services , car une de ses medailles , trouvee dans le Doubs en creusant le canal, porte au revers un sanglier, type des Eduens, peut-6tre m£me des Se- quanais. Cette medaille en argent a etc frappee avec soin ; la gravure en est meilleure que celle des medailles romaines de la meme epoque. Lucille mariee en pre- mieres noces a ^Elius-Verus , fut tres-peu de temps apres la mort de Verus , remariee centre son gre et par ordre de son pere , a Claudius Pompeianus , deux Ibis consul , et peut-6tre le meme qui etait prefet du pretoire dans les dernieres annees du regne de Marc-Aurele. Lucille etait comme Hebe, fille et femme de Dieux , puisque Marc-Aurele et Lucius-^Elius- Verus furent mis au rang des Dieux apres leur mort. Au-dessus de Lucille , devait attache par la queue. Cette figure peut representer un » stratageme des ennemis qui leur avail mal reussi, ou » dont on s'etait servi, pour les surprendre, comme on » sail que fit Constantin, lorsqu'en 511, il defit une » multitude de barbares qui s'etaient jetes dans les » Gaules. » Dans le second, qui est de plus du tiers de la hau- » teur de la face, Ton voit un jeune homme convert » d'une echarpe legere, qui a la main gauche elevee, et » presente de la main droite un vase a un aigle qui )> semble vouloir y boire. Ces figures represented » Ganimede, et Jupiter deguis6 en aigle. Au-dessus sont » des trophees artistement ranges, des cuirasses, des » carquois, des baches d'armes et epees, et & cote du » trophee le plus eleve , un homme nu et assis qui » tient un bouclier. Les epees sont longues, telles que » les auteurs designent celles des Germains , les bou- » cliers de meme \ et les baches d'armes etaient par- » ticulieres a cette nation. » Au 3e. etage, qui est de la 6e. partie de la face, » sont quatre hommes nus dont deux sont assis a terre, » les mains elevees, et deux autres, un genou en terre, » couvrent leur nudite de la main gauche et tendent la ET DISSERTATIONS. 525 » droile, tous en postures de suppliants. Ces figures » represented des vaincus qui demandent quartier. » Au qualrieme sont deux hommes nus et en croix. Ce » sont les chefs des barbares vaincus condamnes au » supplice ordinaire alors , comme est aujourd'hui ce- » lui de la potence. Constantin, apres avoir vaincu en » 506 les Francs qui s'etaient jetes dans les Gaules , » et fait prisonniers leurs rois Ascaric et Regaise, les » fit exposer aux betes : ainsi perit aussi Crocus, roi » des nations du Nord, qui, etant entre dans les Gaules » et y ayant ruine les plus belles villes , suivant Gre- » goire de Tours et la legende de notre ev6que saint » Antide,futdefaitaupresd'ArlesparMarius president, » fait prisonnier et conduit ad improperium dans les » villes qu'il avait devastees, et tandem diversis affectus » suppliciis interiit. » Au cinquieme et dernier etage , Ton voit Hercule )> qui se repose sur sa massue, et a c6te un soldat » arme a la romaine et Tepee haute , tenant par les » cheveux un homme nu et a demi-couche par terre. » Hercule represente ici la tranquillite qui suit la vic- » toire designee par les figures du soldat remain et du » barbare vaincu. » Nous pouvons admettre les explications que M. Du- NOD donne des bas-reliefs des premier, troisieme et quatrieme etages ^ quoique sur le premier on pourrait dire que, par le renard saisi par la queue, on a voulu indiquer qu'un corps d'armee, qui avait un renard pour enseigne , avait ete arrete dans sa retraite. On sait que les nations germaniques avaient pour enseignes des figures tTanimaux r6els ou fabuleux , telles qu'on les voit dans les trophees formes des depouilles saisies sur eux. Cette observation a peu d'importance. C'est dans le bas-relief du deuxieme etage que nous 524- M&IOIRES aliens decouvrir quelque chose qui sera comme riri- scription dedicatoire de tout le monument. M. DUNOD s'est etrangement trompe, en y voyant Ganimede. Cestle Jupiter Pluvius (donneurd'eau) (i)- il a pris pour une echarpe legere les eaux qui tombent de la figure et des bras. On voit ce Jupiter Pluvius sur la Colonne Antonine, pi. 15. L'aigle derriere Jupiter semble boire dans le vase qu'il tient de la main droite : les soldats romains rec.oivent la pluie dans leurs boucliers : les Quades et leurs chevaux sont frappes de la grele et de la foudre. Marc-Aurele etait, sur les confins de la Hongrie, entoure d'une multitude immense de barbares, avec son armee peu nombreuse, accablee de maladies et de fatigues, depuis cinq jours privee d'eau. Les historiens pai'ens, qui rapportent ce fait, disent qu'ayant pri6 Jupiter, il en obtint une pluie rafrafchissante pour son armee, tandis que ses ennemis furent accables d'une grele de feu (2). Les historiens Chretiens disent au contraire que Marc-Aurele, voyant que ses dieux ne 1'exauc.aient pas, s'adressa aux Chretiens , deja nombreux dans son armee, leur demandant de prier leur t)ieu de le se- courir-, et qu'aussit6t que les chretiens prosternes a terre eurent adresse leurs prieres au ciel, une pluie abondante tomba sur les Romains, tandis qu'une grele de feu accablait leurs ennemis (3), et que de cette (0 Pluvius dictus est Jupiter, quod Athenis esset simulacrum a Jove pluviam petentis, ut est apud TIBULLUM : Te propter nullos tellus tua postulat imbres. Arida nee pluvio supplicat herba Jovi. V. Dictionar. CAROLI STEPHANI, ad verb, pluvius. (2) Fulmen de coelo precibus suis contra hostium machinamen- tum extorsit, suis pluvia impetrata, cum siti laborarint. JLL. CAPIT., fol. 51 . (5) Fot/. la note C. a la suite du Memoire. ET DISSERTATIONS. 525 epoque la douzieme legion romaine fut appelee ful- minante (i). Qu'on rejette le prodige paien et le miracle chre- tien, il n'en reste pas moins un fait, un evenement naturel rapporte par les historiens du paganisme , qui s'en va , et par les historiens de la religion chre- tienne , qui s'avance pour se repandre dans tout 1'u- nivers. Le dissentiment des historiens des deux reli- gions ne porte que sur la cause de 1'evenement , du fait. Ce fait est une pluie qui rafrafchit une armee ro- maine epuisee, qui lui donne la force de vaincre ses nombreux ennemis, de remporter des yictoires ecla- tantes. Gette armee est commandee par Marc-Aurele et par son fils Commode. Cesvictoires et 1'embleme de cette pluie sontsculptes, d'apres les idees de la religion des Remains, sur le marbre d'une colonne elevee , a Rome , a la gloire de cet empereur et de son armee. Le fait ne peut 6tre conteste. Une ville d'une province eloignee de Rome fait ele- ver, a peu pres dans le meme temps, un arc de triomphe; elle fait sculpter sur les pierres de ce monument les trophees d'une victoire, et tout a cote, 1'embleme de la pluie qui a procure cette victoire , tel qu'il est sur la colonne elevee a Rome, a Marc-Aurele.Ce ne peut 6tre le hasard qui ait occasionne cette ressemblance : cette ressemblance a ete faite avec intention : ce Jupiter Plu- vius appartient £ Marc-Aurele (2), il ne convient qu'£ lui. L'arc etait done eleve en son honneur. Les temps de devastations, de barbaric, d'ignorance arrivent-, les traditions s interrompent , se perdent; on oublie le nom de 1'empereur a qui on avail dedie le (1) Voy. la note D. a la suite du Meraoire. (2) Jupiter Pluvius etait la divinite favorite de Marc-Aurele. On le voit par le revers de ses raedailles qui porte Jovi pluvio. 526 M^MOIRES monument. Quand la barbaric disparalt, que rance se dissipe, on cherche le nom de cet empereur. Pendant pres de deux cents ans on fait des systemes, des hypotheses. Enfin on retrouve , sur ce monument mutile, plus encore par la main des hommes, que par celle du temps, ces sculptures entieres ; de leur examen j'ose en conclure que ce monument a ete dedie a Marc- Aurele , empereur, et a son fds Commode , encore ce"sar (i). Mais on demandera peut-etre quelles grandes obliga- tions la ville de Besangon pouvait avoir a Marc-Aurele pour 1'engager a lui dedier un arc de triomphe ? S'il n'y avail rien a repondre , je pourrais dire que jel'ignore; et cela n'affaiblirait pas, ne detruirait pas ce que je viens d'etablir. Mais il n'en est pas ainsi : Marc-Aurele , des les commencements de son regne , avait repouss6 les barbares qui s'etaient avances pres des frontieres de la S6quanie : il avait employe son autorite et ses remontrances , et non la force des armes , pour apaiser les troubles dans cette province (a)- il y avait sejourne, et Ton sait qu'il y avait de grandes proprietes. Une ville voisine, Dijon , lui attribue la construction ou la reparation de ses an- ciennes fortifications-, une autre ville, Geneve, le re- connaft pour son restaurateur, et c'est de la qu'on croit qu'elle a pris le nom d'Aurelia Allobrogum. Marc-Aurele avait fait construire le canal d'Arcier. Cela paralt prouve par Tinscription trouvee au dela du pont, sur une colonne, et par des medailles d'or et de (1) II est prouve par 1'histoire que Commode etait a 1'armee avee «on pere, qu'il participa a son triomphe, et la figure d'Hercule le fait reconnaitre. (2) Res eliam in Sequanis turbatas censura et auctoritate re- pressit, JDL. CAPIT., fol. 50, verso. ET DISSERTATIONS. 527 bronze & son effigie, trouvees pres des sources d'Arcier et dans les murs meme du canal (0. Qui salt si sur les parties mutilees de Tare de triomphe n'etaient pas sculptes des souvenirs de sa munificence ou de ses bienfaits ? Courage, ville de Besanc,on, mettez-vous a 1'oeuvre, faites decouvrir la petite face droite de Tare de triom- phe (si elle existe encore) , et je suis persuade que vous y trouverez des bas-reliefs representant Marc-Aurele , ordonnant la confection du canal d'Arcier : c'est le seul pendant qui convienne au Jupiter Pluvius , comme les autres bas-reliefs de la face gauche offraient sans doute les travaux etles avantages de lapaix, mis en parallele avec les travaux et les ravages de la guerre. Marc-Aurele etait alors le vrai Jupiter Pluvius pour la ville de Besangon ; je souhaite qu'elle en trouve au- jourd'hui un pareil : dut-elle lui elever un monument plus magnifique que celui dont nous venons de nous occuper. Le temps me manque pour faire mieux : le Con- gres scientifique va s'ouvrir -, mais j'espere que les sa-^ vants traiteront la question d'une maniere plus claire et plus agreable, que je pourrai profiler de leurs con- naissances , et je dis : Si quid rectius istis. . . Le 30 aout <840, (\) Essai sur Thistoire de Tranche-Cerate , par M. ED. Cuae, r. ?ol., 42. 528 MEMOIR ES NOTES. (A) J.-J. CHIFFLET attribue 1'arc de trioraphe a Aurelien, qui regna de 270 a 275. Cette opinion paraissait la plus probable, et sans les nouvelles inductions qu'on peut tirer des bas-reliefs recemment mis au jour, j'aurais ete porte a 1'adopter. Tacite Probus qui, tres- jeune encore , avait obtenu un grade eleve dans la milice, fut 1'ami et le soutien d'Aurelien; il lui confia les expeditions les plus dif- ficiles; il vantait ses exploits en ecrivant au senat; il aurait, sans doute, avec plaisir, fait construire ou aehever un monument en 1'honneur d'Aurelien. DUNOD, qui 1'attribue a Crispus, fils du grand Constantin et de Minervine, sa premiere femme, avait pu voir en 1750 la petite face gauche mise a decouvert par la demolition de la maison voisine. II en donna, dans le 2e. vol. de Yliistoire de I'eglise de Besan^on, 375, une description qui convient tellement au Jupiter Pluvius de la colonne Antonine, pi. 15, qu'ilest impossible de n'en pas etre frappe. On ignore si les dessins que DUNOD avait fait faire de cette face existent encore dans sa famille : il serait bien a desirer qu'on les fit graver. Les choses dtaient en cet etat, lorsque DOM BERTHOD , MM. BULLET etPERRECioT traiterentle meme sujet. DOM BERTHOD avance que 1'arc de triomphe a 6te eleve a Marc-Aurele , mais il n'en donne aucune preuve. Les deux autres 1'attribuent a Julien II. M. COSTE, dans sa dissertation inseree dans les memoires de 1' Academic pour 1818, adoptel'opinionde CHIFFLET, tout en regrettant que 1'explication dece monument n'ait pas ete le sujet d'un des prix proposes par 1'ancienne Academic : on voit par la qu'il n'etait pas entierement satisfait de 1'opinion qu'il avait adoptee. (B) La construction en pierre de vergenne qui couvrait la face meridionale, 1'intrados et les pieds droits de 1'arc de triomphe remonle au dela du 6e. siecle, puisqu'il est fait mention de ce monument sous le nom de porta Martis, porta Nigra, dans 1'ancien rituel attribue a saint Prothade, eveque de Besangon. Elle parait n'avoir eu lieu qu'apres une invasion des Barbares dans laquelle avait ete ruinee une des deux cathedrales de St .-Jean ou St.-Etienne , puisqu'oii voyait dans la nouvelle arcade du cote de la ville , les sculptures assez grossieres des attributs des quatre evangelistes , le boeuf, le lion , 1'ange et 1'aigle , qui ne pouvaient provenir que de 1'un-de ces edifices. (Ces quatre figures sont actuellement deposees AC MUSEE PARIS). II est probable que cette construction avait pour but de renforcer le mur d'enceinte de la ville haute ou cit6, et qu'au-dessus ET DISSERTATIONS. . sur la statistique des chaux et ciments hydrauliques , par M. PARANDIER; in-8. Riometer, or moral watch, by Marc-Ant. JULLIEN, de Paris ;in-12. Sept brochures, du m£me. Sur 1' extinction de la mendicite par le perfectionnement de 1'agriculture. Economic politique ; un mot aux electeurs. AperQu sur les cereales. Constructions rurales. Canal littoral du Delta du Rhdne. Chambres consultatives et conseil general d'agricullure; credit foncier. Appel au bon-sens national et a la conscience publique, sur les vrais inter6ts et les besoins de la France ; par le m6me. Discours sur les avantages qui doivent resulter pour la France de la navigation transatlantique a la vapeur, par le meme. 546 OUTRAGES OFFERTS AU CONGRES. Echo da monde savant, par MM. DE LA V ALETTE, JULLIEN, de Paris, etBAiLLY DE MERLIEUX. Memorial encyclopedique. Memorial de la litterature. Programme du Neo-Prytanee central, nouvel institut litteraire forme a Paris. Les annales du parlement franc.ais $ programme. Debats parlementaires sur la question d'orient, extrait des annales du parlement franc. ais. Le cultivateur, journal des progres agricoles, janv. a juill. 1840, in-8, offertpar M. DE LA CHAUVIGNIERE , fondateur du cercle. TABLE DES MATIERES. PREFACE. Arr6te du Congres scientifique du Mans, qui fixe la huitieme session a Besanc,on, i. Nomination des secretaires particuliers de la huitieme session, ij. Circulaire des secretaires gen6raux, iv. Dispositions reglementaires , VH. Questions proposees par chaque section , x. Premiere seance g6nerale , xix. Compte des recettes et depenses du Congres tenu au Mans, xx. Rapport de M. de CAUMONT sur les travaux des aca- demies de Caen , ib. Seances des 1". et 6e. Sections. Aperc.u des trav. geologiquesentrepris dans la Tranche - Comte, par M. PARANDIER, 26. Discours sur les machines hydrauliques preferables dans la province , 27 , 41 . Resume de 1'hist. de la botanique en Franche-Comte , par M. GRENIER, 29. V. seanc. gener., 237. — Sur un nouv. principe general de physique , par M. MoRiN,29. Coup d'oeil sur la geologic du Morvan, par M. de COYNART , 31 . Discussion sur la meteorologie , 32. 548 TABLE DBS MAT1ERES. De 1'utilite (Tune societ6 geologique dans chaque de- partem., par MM. BENETTON et PARANDIER, 36, 45. Visile aux grottes d'Oselle , 48. Notice sur les entomologistes franc.ais , par M. MAR- TIN , 49. Expose de la geologic de la Meuse et des Ardennes , par M. BUVIGNIER , 50. Rapport de M. HIPP. RENAUD sur un m6moire relatif & la poussee des voutes , 62. Seances de la 2e. Section. Rapport de M. BONNET sur Tetat de 1'agriculture en Franche-Comte, 64. Discussion sur la meilleure direction a donner au che- minde fer qui traversera la province, 69. Seanc. gener., 252. Discussions sur la vainepature, 71 . Seanc. gener. 236. — Sur 1'extinction de la mendicite, 75 ; ib., 519. — Sur les banques locales, 79; ib., 253. — Sur les moyens de favoriser i'industrie seri- cicole, 80. — Sur le meilleur parti a tirer des terrains com- munaux , 81 . — Sur Tutilite d'une chaire d'agronomie par de- partement , 85. — Sur les chambres consultatives d'agriculture , 84. — Sur 1'entree des jeunes bestiaux , 85. — Sur 1'organisation d'un meilleur systeme d'e- talons, 86. — Sur 1'institution des monts-de-pi6te , 87. — Sur 1'organisation des med. veterinaires , 88. TABLE DBS MATIERES. 549 Seances de la 3 . Section. Rapport de MM. BONNET et VILLARS sur 1'etat de 1'art medical dans la province , 90. Memoire sur la cure des hernies, par M. MAYOR, 95. — Sur la variole , par M. le docteur CARRE , 97. Traitement des affections cancereuses, par M. FAIVRE d'ENANs, 99. Memoire sur le point d'appui en chirurgie, par M. MAYOR, 103. — Sur les operations qui doivent se faire dans 1'eau , par le mfime , 104. — Sur les fievres et les empoisonnements mias- matiques, par le doctr. PRATBERNON, 105. Seanc. gener., 254 et 2C. part. — Sur le systeme pbysiologique , par M. OUSTA- LET, 105. — Sur 1'epidemie variolique de 1839, par M. le docteur BULLOZ, 107. — Sur la fievre lyphoide, par M. OUSTALET, 108. — Sur la methode osteotropique , par M. le doc- teur COLOMROT, 109. — Sur les epidemics dans la montagne , par M. le docteur JOUFFROY, 112. — Sur 1'omphalolabe , nouv. instrument invente , par M. VILLARS, 113. Seances de la 4e. Section. Nouv. fails tires d'un dipldme de 1'abbaye de Romain- Mouthier, par M. DUVERNOY, 117. Marbre itineraire d'Autun, par M. BAUDOT, 121. 550 TABLE DES MATIERES. Statistique des etablissem. religieux dans la province , par M. DUVERNOY, 125. Dissertation sur les ruines de Mandeure , par le m&ne, 127. Memoire sur une ville inconnue du depart, de la Nievre , par M. de COYNART, 128. Description d'un tableau et d'un tabernacle de la re- naissance, par M. BOCRGON, 129. Visile des anciens monuments. — Arc de triomphe. — L'eglise Saint-Jean. — Maison Marechal, rue de Rivotte. — Porte Taillee et Canal remain. — Che- minee de la renaissance, maison Dusillet. — Cabi- net Paris. — Palais Granvelle, 150. Dissertation sur les signes qui distinguent les camps romains des castrametations barbares, par M. De's. MONNIER, 135. Notice sur un tombeau decouvert en 1819 pres de Beaune , par M. J. PAUTET, 140. — Sur les ruines que Ton voit dans le canton de Yitrey , par M. BOUILLEROT, 141. Dissertation sur les relations des Suisses et desFrancs- Comtois aumoyen~age, par M. DUVERNOY, 142. Des moyens de populariser 1'enseignement de 1'hisloire nationale, parM. JuLLiEN,de Paris, 153. Sur les agrafes trouvees dans des tombeaux, par le professeur BOURGON, 156. Plan d'unehisloire de 1'agriculture , par M. PRATBER- NON, 160. Discussion sur les camps romains et les camps bar- bares, 164. Explication d'une inscription grecque trouvee a Man- deure , par M. le professeur BOURGON, 170. TABLE DBS MATURES. 551 Seances de la 5v Section. Stir les avantages et les inconvenients de 1'enseigne- ment actuel de la philosophic , par M, du COETLOS- QUET. Discussion a laquelle prennent part plusieurs membres , notamment MM. PERRON , LECERF et 1'abbe DURONZIER, 174. Sur les causes de la decadence de la tragedie en France , par M. ZUJSDEL. Discussion, 186. Des sources ou les poetes doivent chercher leurs in- spirations , par M.-J. PAUTET, 491. Voy. la 2e part. Des radicaux principalement dans la langue grecque , par M. 1'abbe DURONZIER, 192. Les deux tisons, fable par M. PORCHAT, 197. Expose d'une methode nouvelle d'enseignement du dessin, par M. GAILLARD, 199. Sur les patois de Franche-Comte, par M. D. MONNIER, 202. Voy. 2«. part. Lettre de M. 1'abbe DARTOIS sur le m6me sujet, dont I'impression est demand6e, 203. Voy. 2e part. Piece de vers de M. Aug. JDLLIEN, 104. Discussion sur Fetal de la litterature soulevee par M. LECERF, et a laquelle prennent part MM. P£- RENNES et DU CoETLOSQUET, 206. Memoire sur les differentes methodes employees pour abreger le temps des etudes, par M. le comte BRUNEI de la RENOUDIERE , 212. — Sur la decadence de la tragedie en France , par M. PIERRE-VICTOR ,213. — Sur le principal mobile des actions de Thomme , par M. PRATBERNON, 213. 552 TABLE DES MATIERES. SEANCES GEIVERALES. Tableau statistique des sciences geologiques dans la province, par M. PARANDIER , 218. Une insurrection de Ba"le-Campagne en 1591, par M. WULLIEMIN, de Lausanne , 221 . De 1'influence du mouvement intellectuel qui s'est opere en France depuis 1789 sur les beaux-arts et particulierement sur 1'architecture , par M. Viet. BAILLE,225. Inscription trouvee pres d'Aubonne, expliq. par M. PORCH AT, 235. Deux pieces de vers, par M. JULLIEN de Paris, 242. Au poete qui r£ve un suicide , par M. J. PAUTET, 249. Tableau des progres de la litterat. en Fr.-Comte , par M. PERENNES, 258. Expos6 de la methode dudocteur BOUCHERIES, pour la coloration des bois, parM. le doct. BONNET, 273. Ma cousine Helene, legende, par M. VIANCIN, 274. Les Troubadours suisses , par M. DAGUET, de Fri- bourg, 281. Guzman , poeme, par M. AGNAN. Fragments. 295. Vers aux dames, par M. JULLIEN, de Paris, 303. Memoire sur les antiquites du Nord, par M. PIERRE- VICTOR , 305. Rapport de M. MARTIN sur le catalogue des coleopteres du canton de Morteau, par M. BERTHET, 218. Arr6t6 qui fixe la 9e. session du Congres a Lyon , 320. Rapport sur la distribution des medailles de 1'institut des provinces aux auteurs des meilleurs ouvrages publ. en Fr.-Comte, dans lesdernieresannees,323. TABLE DES MATIERES. 555 DEUXlfiME PARTIE. IVIEMOIRES ET DISSERTATIONS. Memoire sur les moyens de prevoir le temps au moins un an a 1'avance , par M. P. -E. MORIN , 5^9. Extrait du catalogue entomologique de M. BERTHET , de Morteau , 565. Essai sur les fievres et les empoisonnements mias- matiques , par M. le docteur PRATBERNON, 567. Resume d'une description du Cornbrash dans les en- virons de Besanc.on, parM. PARASDIER, 456. Sur 1'enseignemenl actuel de la philosophic en France, par M. I'abbe DURONZIER, 446. La litterature franchise est-elle en progres ou en de- cadence , par M. 1'abbe CLERC , 465. Quelles doivent-etre desormais les tendances de la poesie , par M. J. PAUTET ? 489. Lettre de M. I'abbe DARTOIS, sur les patois de Fr.- Comte , 498. Sur 1'origine de la langue rustique, par M. D. MON- NIER, 507. Dissertation sur Tare de triomphe de Besanc.on , par M. RAVIER, 513. Liste des membres qui ont adhere a la huitieme ses- sion, 531. Ouvrages offer ts au Congres, 543. Table des matieres, 547. Table alphabetique , 555. TABLE ALPHABETIQUE. AGNAN , professeur, lit des fragments de son poeme inedit intitule : Guzman ,' 179-295. AUGICOUBT (D') prend part a la discussion stir la meteorologie, 34. BAILLE (Victor) redige le proces-verbal de la visite des monuments. 130. — Son memoire sur 1'architecture, 225. BAHHEY (le doct.), cite, 91. BAUDOT de Dijon , vice-president de la 4e. section , sa lettre sur le marbre itineraire d'Autun , 121 . — Son opinion sur les agrafes, 158. BAYEREL (1'abbe), sa notice sur les villages de Fr.-Comte, eitee, 127. BENEYTON , ses reflexions sur 1'utilite des etudes geologiques, 36.— Parle sur les monts-de-piete, 87. BERTHET, naturaliste de Morteau, son catalogue entomologique , 50-518. — Extrait de son catalogue , 365. BERTBOD ( I>. ), cite, 51 3, note ,528. BONNET (le docteur), vice-president de 132". section, resultat de ses exper. sur la preparation des bois par la methode de M. Bou- CBERIE , 4 1-248-273. — Son tableau de I'agriculture en Fr.-Comte, 64. — Observ. sur la mendicite dans les campagnes, 77. — Appuie 1'etablissement d'un comptoir d'escompte a Besancou, 79. — Prend . part ala discuss, sur 1'enseignement agricole, 85. — Les chambres consultatives d'agriculture , 84. — Presente la statistique de 1'art medical a Besancon , 90. — Unemedaille lui est decernee , 324. Booe, carte geographique et geologique de Normandie, 25. — Rap- port de M. PARANDIER sur cette carte , 50. BOUILLEROT, Memoire sur les rukies du canton de Vitrey , 141. BOURGON (le conseiller ) , tresorier archiviste , iij. — Prend part a la discussion sur la vaine pature. — 75-74. — Croit impossible la suppression de la mendicite dans les campagnes, 76. — Nouv. ob- servations sur ce sujet, 78. — Son opinion sur la ventedes commu- naux , 81 . — Appuie 1'etablissement de chambres consultatives d'a- griculture, 84.— Est d'avis d'abaisser le droit d'entree sur le jeune 556 TABLE DES MATIERES. be'tail, 85. — Fait sentir la necessite d'organiser un systeme d'elalons, 86. — Approuve les monts-de-piete , 87. — Signale les principals causes des maladies chez les aniniaux , 88. — De- mande la reduction du prix du gel. Ib. BOUHGON (le professeur ) , secretaire general-adjoint, ij. — Agrafes antiques, 128. — Son voyage en Suisse, ib. — Signale un tableau a 1'hnile de 1472, un tabernacle monolithe, 129. — Parle sur les agrafes antiques, \ 56. — Ses observations surles cas- trame'tations dites barbares, 164. — Explique une inscription grecqiie trouvee a Mandeure, 170. — Son travail sur les voies romainus, 235. BOUSSON de MAIRET , mention decernee, 525. BRETILLOT (Leon), secretaire de la 2e. section , ij. URL NET DE LA RENOUDiERE (le comte) , memoire sur les differentes memories employees pour abreger les etudes, 212. — Discus- sion, ib. BULLET (1'abbe), cite, 508, 528. BIJLLOZ (le doct.), secretaire de la 5e. section, ijj. — Prend part a la discussion sur la variole , 99. — Son rapport sur I'epidemie de petite verole en 1839, 107. BUVIGMER, naturaliste, cite, 26.— Prend part a la discussion sur la meteorologie, 34. — Son expose de la geologic de la Meuse et des Ardennes , 50. — Fait part des travaux de la Socitjte philomatiq. de Verdun, 248. CARRE (le doct.), son memoire sur la variole, 97. — Discussion sur cet objet, 98. CAUMARMONT, nomine secretaire general du Congres a Lyon, 321. CAIWONT , son resume des travaux des Acad.de Caen. — Son organi- sation de 1'institut des provinces, 23. — Nomme premier vice-pre"- sident, 23. — Propose diverses questions historiques, H9, — Sur les agrafes, 159. — Ses remerciements au Congres, 325. CACVIN , envoie le compte des recettes et depenses du Congres du Mans. — Publ. la collection des plantes marines de la Manche, 22. CBA«RAUT, ingen, des mines. — Son travail sur la geologie des environs de Lons-le-Saunier, cite , 28. CUEVEHAUX, vice-president de la 2e. Section. — Prend part a la dis- cussion sur la meadicile, 78. CIIIFFLET (J.-J.), cite, 515, note, 528. CLERC (Edouard), conseiller, nomme secret, general adjoint, ij. — II donne sa demission, ib., cite, 156, 158, 140, 157, 165, 527. — Son travail sur les voies romaines, 253. — La medaille d'histoire lui est decernee par 1'institut des provinces, 524. TABLE t>Es MATURES.' 557 CLERC (I'abbe), vice-president de la.5e. section. — Sur I'etat de la lit- terature, 200. — Sondiscours, 463. COETLOSQUET ( le comte ou ) vice-president de la 5e. sect. — Meraoire sur 1'enseignement de 1'histoire, 154. — Sur 1'enseignement de la philosophic , \ 74 , \ 89. — Sur I'etat de la litte'rature ,210.— Rend compte des travaux de 1'Acad. de Metz, 252. COLOMBOT (le doct.), documents sur la methode osteotropique , 107. COSTE, biblioth., memoire sur 1'arc de triomphe, cite, 528. COYNAHT (DE), observat. geologiq. faites dans le Morvan, 31.— Propose uu amendement, 35. — Memoire sur une ville inconnue du depart- de la Nievre , 128. , moyen qu'il propose pour populariser en France 1'hist. na- tionale , 168. —Memoire sur la litterature .Suisse au moyen-age .' 185, 241 , 281 . — Parle sur la tragedie , 195. DAHTOIS (I'abbe), lettre sur les patois, 203 , 498. DEMESMAY (Aug.), mention decernee , 323. DESFOSSES , 2e. vice-president de la 1re. et 6me. Sections, 25. DESLONGHAMPS, recherches sur la conchyliologie , 22, cite, 26. DEVOILLE (I'abbe), une mention lui est decernee , 325. DIEU D'ISABK (DE) , adresse dix niimeros du Congres : association in- tellectuelle des provinces , 254. DONEY (I'abbe), son mot sur la philosophic, 185. DOUBLET DE BOIS-TUIBAUT , notice sur Herisson de Chartres, 179. DUNOD, sa descrip. de la face gauche de 1'arc de triomphe , 522. — Refutee, 523, 524, 528. DDPEBTS, naturaliste, cite, 26. DUBONZIEB (1'abb^) , prend part a la discussion sur 1'enseignement philosophique , 181, 188. — Memoire sur les radicaux des lan- gues, $192. — Sur 1'enseignement philosophique, 181, 188. — Sur les radicaux des langues, 192. — Sur 1'enseignement phi- losoph., 446. DLSILLET (Aug.), conseiller, sa cheminee de larenaiss., 153. DCVAL , naturaliste , cite , 26. DUYERNOY (Ch.), vice-president de la 4e. Section, presehte une sta- tuette trouvee a Mandeure , 116. — Son analyse d'un diplome r$- latif a Romain-Moutier , 1 17. — Repond aux questions proposees par M. deCAUMONT, 119. — Possede un Osiris a beftde vautour, 125. — Sur ies fouilles de Mandeure, ib. — Complete ses reponses aux questions proposees par M. de CAUMOIVT, 125. — Sur les rela- tions entre la Suisse et la Fr. -Comte au moyen-dge, 142.— Parle de 1'universite du comte de Bourgogne , 197. • 558 TABLE DBS MATURES. FAIVRE D'ESNANS refute le principe de physique de M.MORIN, 3f , 52. — Offre son Precis systematique de physique, 55. — Perfec- tiODne le microscope solaire, ib. — Fait eonnaitre le remede qu'il emploie avecsucces centre les affections cance'reuses , 99. — Men- tion decernee, 524. FALLOT (S.-F.), de Montbeliard, cite, 202, 509 et suiv. FALLOT (Gustave), cite, 509, n. GAILLAHD, analyse de sa methode uouv. deTeuseignement du dessin 199. GANDILLOT (Romaric), avocat , son opinion sur les banques departe- mentales, 255. GEVRIL , conservateur du cabinet d'histoire naturelle a Besancon, 4*. GIRALLT, d'Auxonne, cite, 141. GIROD-CHANTANS , cite, 237. GOICDOT , architecte, presente un travail sur les voutes, 51 . — Rap- port sur ce travail , 62. —cite , 173, GOUSSET (1'abbe), son memoire sur Tare detriomphe de Besancon, 117, 51 5, note. GBENIER (le doct.), secret, de la 1 re. section, ij.— Son resume de 1'his- toire de la botaniqueen Fr.-Comte, 29, 257. — Nomenclature de plantes rares, 258. — Mention decernee, 524. HUGO (Yictor),cite, 187, 188, 193, 194 , 210. JEANNEZ, avocat, secretaire dela 4e. section. IEANNINGROS (t'abbe) prend part a la discussion soulevee par M. Mo- RW, 33^ JOUFFROT (le doct.) appelle 1'attention sur les epidemics de la haute- montagne, 92. — Lit un memoire sur cet objet, 112. JULLIEN de Paris, 2e. vice-president, fait hommage d'une notice de M. SAKRON , sur les moyens de regler la navigation aerienne , 50. — Parle sur la mendicite, 77. — Propose des questions supple- ment, 86. *— Sur 1'enseignem. de 1'histoire de France, 115. — Moyens de la populariser, 153. — Discussion sur ce sujet, 154. — Lit une notice sur SIDNEY-SMITH, 197. — Des pieces de vers, 241, 303. JULLIEN (Aug.), piece de vers sur BACON, 205. • LAURENT, maire de Ferlans, adresse des pieces relativ. a la suppres. de la vaine pature , 75. LECERF preud part a la discussion sur la vaine pjiture , 73. — Propose les moyens de supprimer la mendicite, 75. — Demande TABLE DES MAT1ERES. 559 1'approbation du Congrespour son plan, 78. — Combat lesmonts- de-piete, 87. — Est d'avis de fonder des associations de medecins veterinaires, 88. — Prend part a la discussion sur 1'enseignement de la philosophic, 177, 178, 180, 185. — Sur 1'element de la tra- gedie, 1 93. — Felicite M. 1'abbe Glerc sur son travail. — Parle sur les patois, 202. — Sur 1'etat de la litterature, 207. — Fait adopter sa proposition sur la vaine pature, 237. MAGNONCOUR (Flav. DE), presid. de la 2e. sect. — Prend part a la discussion sur la mendicite, 78, 79. — Donne la preference a la banque locale sur le comptoir d'escompte, 80. — Desire qu'on encourage 1'industrie sericicole , 81 . — Fait adopter sa proposition sur les communaux, 82. — S'excuse sur sa sante de ne pouvoir assister a la seance, 85. MAILLAHD DE CHAMBURB annonce un travail sur les voies romaines et les inscriptions antiques de la Gote-d'Or, 233. MAITROT parle sur la vaine pature, 74. MARC, antiq. de Vesoul, cite, 138, 149, 165. MARCHANT (le doct.) fait hommage de sa Bibliographic anatomico- physiologique, 106. MARQUISET ( Alph.), memoire sur la culture du murier, 80, MARTIN (le doct.), ler. vice-president de la lre. et 6e. Section. — Sa notice sur les entomologistes francais, 49. — Fait divers rapports, 105, 106. — Sur la collect, entoraologique de M. Berthet, 518. MAYOR, de Lausanne , presid, de la 5e. Sect., lit son memoire sur la cure des hernies, 93. — Sur le point d'appui en chirurgie, 103. — Sur les operations qui doivent se faire dans 1'eau , 1 04 . — Ses adieus an Cougres, 248. MONNIER (Des.), secretaire de la 4e. Sect. — Sa dissortat. sur les caracteres des castraraetations barbares, 135, 249. — Sur les agrafes antiq., 1 60. — Repond au professeur Bourgon, 1 66. — Sur les patois de Franche-Comte, 202. — L'institut des provinces lui decerne une mention, 524. — Sur 1'origine de la langue rus- tique, 507. MOBIIS, ingenieur civil a Vesoul. Turbines, 28. — Developpe son principe general de physique, 29. — Repond aux objections , 35. — Sa Iheorie sur les phenomenes geologiques, 42. — Son opinion sur les chemins de fer , 70. — Defend le trace" par la vallee de la Saone, 232. — Son systeme sur les Guides imponderables, 241 . — Memoire sur la possibility de prevoir le temps, 329. ODEPB ( le doct.) prend part a differentes discussions, 98, 109, 111. ORDINAIRE (Des.) rend compte des moyens pris a Besancon , pour supprimer la mendicite. o60 TABLE DES OUSTALET ( le doct.), son memoire sur le systeme pbysiologique est mentionn<*honorablement, 106. — Sur la fievre typhoide, 108. PARANDIEH, presid.de la 1te. et 6e. sect., 25. — Ses observations sur le Cornbrash, 32. — Ses demarches pour obtenir la creation d'une soci6te d'hist. naturelle , 38. — D'un musee geognosique du Doubs, 43. — Comparaison des terrains des Ardennes et du Jura, 59. — Son examen des divers projets du chemin de fer qui doit traverser la Franche-Comte , 69, 232. — Son expose des travaux geologiques sur le Jura. 218. — Mention d^cernee, 324. — Re- sume, 426. PARIS (M. ), son cabinet, cite, 133, 171. PASSOT, ingenieur civil. Turbines, 27. — Ses observat. sur 1'emploi du frein de Prony, 41. PACTET (Jules), secret, de la 5e. section. — Tombeau antique pres de Beaune, 140. — Prend part a une discussion, 154.— Son amendem. adopte, 155. — Fait hommage de ses Chants du soir, 179. — Sources ou les poetes doivent chercher des inspirations, 1 91 . — Sa piece au poete decourage, 1 95, 249. — Quelles doivent- elre desormais les tendances dela poesie?489. PEREK&ES, secret, de la 5e. sect., en est nomme president, 175. — Prend part a la discussion sur la tragedie, 195, 196. — Son tableau des progres de la litterature en Franche-Comte, 196,258.— Prend part a la discussion sur 1'etat de la litterat. , 210. — Me^- daille decernee, 324. PEHRECIOT, sa description des princip. villes dela province, cite', 127. — De 1'arc de triomphe , 528. PERRON, repond a M. du COETLOSQUET, 177. — A M. LECEBF, 182. — Pi-end part a la discussion sur 1'elem. tragique, 195. PETIET, de Gray , sa proposition sur 1'enseign. philosoph. dans les colleges est adoptee, 1 90. POKCOT prepare un travail sur les voies romaines, 255. PORCUAT, de Lausanne, communique une inscription, 130,235: — Lit des fables de sa composition, 175, 179, 197. — Prend part a la discussion sur 1'elemerit de la tragedie, 195. PORRO, naturaliste de Milan, prepare une bibliograph. malacolo- gique, 26. POURCY (le doc,t.), vice-presid. de la 5e. sect., prend part a la discuss. sur la meteorologie, 54 . PRATBEUNON (le doct.), son memoire sur la vaine pature, 71.—' Son opinion sur la suppression de la mendicite, 78. — Aborde la question sur la vente des communaux, 81. — Son memoire sur lesflevres, 103, 234. — Son plan d'une hist, de 1'agriculture, TABLE DBS MATURES. 561 f 60. — Note sur le principal mobile de 1'homme, 21 5. — Defend le trace du chemin de fer par la vallee de la Sadne , 252. — SOB essai sur les fievres, 567. RAVIEH, dissertat. surl'arc de triomphe, 129. — Soam&uoire, 515. REINER, notice sur la ville sans nora, 125. REN ADD (Hippol.), ses reflexions sur les causes de 1'irregularit^ des mouvem, atmospljeriques, 54. — Propose un amendement, 55. -- Son rapport sur le memoire relatif a la poussee des veats, 62. — Remplitles fonctions de secretaire de la 2e. section. RENAUD-COMTE , naturaliste, legue sa collection au depart, du Donbs, 45. — cite, 219,220. RENALD-DUCHEUX, secret, de la 6e. section, parle dans la discuss, sur les turbines, 18, 29. — Son vreu pour 1'etablissement dans le pays d'une £cole industrielle, 255. RICHARD (1'abbe), cure de Dambelin, 1'institut lui decerae une mention, 524. ROTALIER ( Ch. ) , Notice sur une figurine trouvee a Montaigu, 122. SAUVAGNEY (Alfred de ) offre la lithographic de la inaisoii Marechal. THIRRIA, son memoire sur les terrains jurassiques de la Haute-Sadoe, cite, 219. TBUHMANN, essai sur les soulevements jurassiques, cite, 219. TOCRANGIN (Victor), prefet du departement, president, 25. — S'excuse de ne pouvoir assister aux seances, 217. — Ses remer- ciments au Congres, 257. TOUHNIER (le doct.), prend part a differentes discussions medicales, 95, 96, 102, 105. VIANCIN, ses idees sur les moyens de faire prosperer la culture dn murier dans le departement , 80. — Sa proposition en faveur de 1'industrie sericicole est adoptee, 81 . — Son opinion sur l'entre"e ' du betail, 85. — Sa piece intitulee: ma cousine HeUne, 274. VICTOR (Pierre) offre unapergu general des antiquites scandinaves, 1 22. — Lit un memoire sur cet objet, 1 54, 505. — Snr la decadence dela tragedie, 215. VILLARS (le doct.), vice-presid. de la 5e. sect. , donne une statistique medicale de la province , 91 . — Parle en faveur de 1'appareil de M. Mayor, 102. — Son omphalolabe descript., 115. VCLLIEMIN , de Lausanne , presid. de la 4e. sect., lit un fragment de la continuat. de YHist. de la Suisse, par J. Muller, 115, 221 . — 562 TABLE DBS MAT1ERES. Partage des terres en Suisse, 1 62. — Enseignement de la philo- sophic en Allemagne, 1 78, — Prend part a la discussion , 1 89. — Lit un morceau sur la campagne de la Valteline, par Rohan- Chabot, 505. WEISS (Ch.), secret, g&ier. — Circulaire, IV. — Ouvre la session. — Son rapport sur les prix decernes par 1'institut des provinces, 525. ZUNDEL, de Zurich , discours sur les causes de 1'interet dramatique, JS7, i9i. FIN. /ttn -cT/ b£>0 VIVA INTAR ?^^^^^^^^^^^^^^ / ^ LI* pi.ru. ^^c^^^ *^^5*^Ki£<^^ ^^^&&v satx?^^/ /^f^tsrzr^sys/^^l ^C^l»^ /,-??,? ^ / ^ Pl.1V. . dfijir////* t/aaMf PL.